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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mardi 13 juillet 1971 - Vol. 11 N° 75

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures trente-huit minutes)

M. LAVOIE (Laval) (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs !

Affaires courantes.

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'avais demandé au député de Rouville, le président de la commission parlementaire des Richesses' naturelles, de faire rapport. Je m'aperçois qu'il n'est pas arrivé, mais je voulais assurer le député de Bourget, qui n'est pas arrivé lui non plus, que le message avait été fait.

M. LEGER: Nous sommes tous unanimes.

M. LE PRESIDENT: Vous êtes unanimes pour accepter le rapport?

M. LEVESQUE: Unanimes à l'effet qu'ils ne sont ici ni l'un ni l'autre.

M. LE PRESIDENT: Déclarations ministérielles.

M. LEGER: Je veux demander au ministre si, quand le député de Rouville sera présent, il va refaire...

M. LEVESQUE: Je vais essayer de nouveau. Cela fait deux jours que j'essaie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

Montréal, marché international de capitaux

M. TETLEY: M. le Président, la semaine dernière, lors de l'étude du bill 63, amendant la Loi des valeurs mobilières, j'ai fait une déclaration qui a été appuyée par tous les partis politiques représentés dans cette Chambre, à savoir que nous voulions que la place de Montréal devienne un centre important du marché international des capitaux, que nous voulions développer notre industrie de valeurs mobilières et donner une dimension internationale à nos bourses.

L'an dernier, nos bourses ont eu 75 nouvelles inscriptions, ce qui dépassait de beaucoup le nombre d'inscriptions nouvelles sur toutes les autres bourses canadiennes. Cette tendance s'accroît cette année encore et nos bourses de nouveau ont une forte avance quant au nombre de nouvelles compagnies cotées.

Un exemple parfait est Pan American Mines

Ltd, dont le président est M. Howard Eckersley, chef des cadres personnels de l'industriel américain bien connu Howard Hughes. M. Eckersley a déclaré que la raison pour laquelle lui et ses associés sont venus au Québec était, pour employer ses propres termes, basée sur le fait que nous considérons Montréal comme une bourse à caractère international dont les politiques encouragent les besoins présents et futurs d'entreprises qui se développent comme la nôtre et qui recherchent une participation internationale étendue.

M. Eckersley a de plus ajouté que Pan American Mines étudiait activement des possibilités de placements dans le Québec. Il est intéressant de noter que le géologue consultant de la compagnie est M. Marcel Morin, un docteur en sciences, diplômé de l'université Laval.

Pan American Mines a maintenant ouvert ses bureaux à Montréal et je leur souhaite la bienvenue dans notre province et dans nos marchés de capitaux.

M. LE PRESIDENT: (Hardy): L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: Je sais que l'entente à l'effet de se remettre à l'avance les déclarations ministérielles ne tient plus. Je n'en fais pas le reproche au ministre, puisque c'est une question assez technique. J'aurais aimé quand même voir le texte auparavant. Trois remarques seulement. La première, c'est que c'est une bonne nouvelle que le ministre nous annonce, qui est la conséquence de ce qu'il avait déjà annoncé lors de l'étude du projet de loi no 63. La deuxième c'est que malgré cette nouvelle concernant la Bourse de Montréal, qui est bonne en soi, la deuxième partie de la déclaration me paraît être du genre des petites annonces qu'on a souvent entendues lors des déclarations ministérielles. La dernière, c'est qu'il faut quand même noter — M. le Président, ici c'est un souhait que je formule, d'accord avec le ministre — que la très grande majorité des compagnies minières sont enregistrées à la Bourse de Toronto et que les agents de transfert sont également de Toronto, si on prend tout le marché dans ce domaine.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, un mot seulement pour dire que le ministre nous avait justement fait part de certaines dispositions qu'il entendait prendre au niveau de son ministère, de façon à assurer à la Bourse de Montréal une plus grande part d'activités, de façon à permettre à de nouvelles entreprises de venir s'installer chez nous. M. le Président, ce sont d'excellentes nouvelles et nous osons espérer, en ce qui nous concerne, que le gouvernement fera en sorte de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la Bourse de Montréal

puisse prendre sa place dans le monde de la finance, pour qu'au Québec, une fois pour toutes, nous puissions figurer sur la scène du monde des affaires, aussi avantageusement que Toronto peut le faire.

M. LE PRESIDENT: Dépôt de documents. Questions des députés.

Le chef de l'Opposition officielle.

Questions et réponses

M. LOUBIER: M. le Président, j'avaisprévenu le ministre de l'Agriculture de la question que je devais lui poser aujourd'hui. Je pense que le premier ministre en l'absence du ministre de l'Agriculture...

M. BOURASSA: Je dois le voir dans quelques instants. Nous devons nous rencontrer vers midi et demi.

M. LOUBIER: Est-ce que M. le Président me permettra quand même de poser ma question?

M. BOURASSA: Oui.

Cartes de travail

M. BERTRAND: Au ministre du Travail, juste un mot de préliminaire. A l'heure actuelle, des employés du domaine de la construction se présentent aux centres de la main-d'oeuvre dans différentes régions au Québec et en particulier ceux qui ont le droit d'avoir une carte. Par exemple, un conducteur de bélier mécanique se présente à un centre et on exige qu'il ait 2,000 heures de travail au Québec.

Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer le mécanisme de cette procédure qui est appliquée dans les centres de main-d'oeuvre où un travailleur se présente pour obtenir de l'emploi? Quelles sont les règles qui s'appliquent?

M. COURNOYER: Les règles qui s'appliquent ne me semblent pas du tout contenir cette exigence de 2,000 heures pour quelque raison que ce soit. Vous avez trois catégories de travailleurs en vertu de l'arrêté en conseil 4119: les employés permanents de la construction, les employés réguliers de la construction et ce qu'il est convenu d'appeler, dans ce même arrêté en conseil, les réservistes.

Pour être réserviste, il suffit d'avoir travaillé moins de 800 heures durant l'année qui précède. Moins de 800 heures, pour moi, inclut zéro, donc n'importe qui peut avoir une carte de réserviste.

Pour avoir une carte d'employé régulier, il faut se conformer à certaines exigences dans une région et avoir un certain nombre d'heures de travail qui est plus élevé que 800 dans la région donnée.

Et pour avoir une carte de permanent, il faut avoir travaillé pour le même employeur pendant un certain nombre d'heures qui va jusqu'à 1,400.

Quant aux 2,000 heures, je ne suis pas au courant. Il s'agit à mon avis plutôt de l'obtention d'une carte qui permette d'être employé sur un chantier de construction. N'importe laquelle des cartes permet d'être employé sur les chantiers de construction. Après avoir épuisé le champ des employés réguliers, la carte de réserviste sert. Un employé régulier de la construction aura préférence sur un employé réserviste.

M. BERTRAND: Est-il exact que, pour compter ce nombre d'heures, il faut absolument que le travailleur ait accompli ces 800 heures ou les 1400 au Québec? Je prends un exemple: celui qui est allé travailler à ChurGhill Falls.

On me rapporte — est-ce exact? Je le demande au ministre — que les heures où il aurait travaillé à Churchill Falls ne sont pas comptées dans les 800 heures ou les 1,400 heures. Il aurait pu aller travailler pour un entrepreneur québécois en Ontario. Est-ce que les heures qu'il a accomplies en Ontario ou à Terre-Neuve comptent?

M. COURNOYER: J'énonce un avis et j'imagine que l'ancien chef de l'Opposition, le député de Missisquoi sait fort bien que je ne peux pas donner d'avis sur l'interprétation qui peut être donnée par les tribunaux. Je peux par exemple donner un avis personnel. Cet avis personnel veut que dans ce que nous recherchons, il y ait deux problèmes particuliers: les qualifications des employés et les qualifications des employés conformément aux lois québécoises et non pas aux lois des autres provinces de quelque province que ce soit qu'il s'agisse de l'Ontario ou de la partie de ce territoire qui est situé au delà d'un point X à l'intérieur du Canada. Ce que nous recherchons en matière de sécurité d'emploi puisqu'il s'agit du règlement 4119 qui réfère à la sécurité d'emploi, c'est tout simplement de faire travailler les travailleurs de la construction. Mon opinion, c'est qu'il n'a jamais été écrit dans l'arrêté 4119 que ces heures de travail pour les fins de l'article 4119 devaient être faites à l'intérieur de la province.

Je dois cependant avouer que dans des régions limitrophes comme Hull, on m'a dit que les travailleurs prétendent que l'application intégrale d'un arrêté en conseil voudrait que les heures de tout ouvrier qui a travaillé à Ottawa ne soient pas comptées chez nous comme étant celles des travailleurs de la construction du Québec. C'est une interprétation. Cette interprétation est donnée de bonne foi mais elle peut-être contestée devant les tribunaux.

M. BERTRAND: Je me permets, étant donné que j'ai eu la visite de plusieurs de ces travailleurs, d'attirer l'attention du ministre en l'invitant à obtenir des rapports de certains

bureaux. Je vais lui donner l'exemple du bureau de Saint-Jérôme où l'on m'a rapporté que la semaine dernière, il y avait grognement de la part des travailleurs dont certains sont membres de la FTQ. Il y a là — et j'attire l'attention du ministre et du gouvernement — un malaise dangereux à l'heure actuelle. Une des personnes qui est venue me voir me disait: "M. Bertrand, on veut travailler, on ne veut pas de bien-être social. Je peux vous dire que nous étions 50 à un bureau la semaine dernière et cela commence à grogner". Je crois qu'il est de mon devoir d'attirer l'attention du ministre et du gouvernement sur cette situation qui est faite à des gens qui veulent travailler et non pas recevoir les allocations du bien-être.

M. COURNOYER: M. le Président, sur le même sujet et en réponse au chef de l'Opposition et pour éviter qu'on tire des conclusions dans les mouvements syndicaux, c'est nettement l'intention du ministre d'amender l'arrêté en conseil 4119 pour permettre aux ouvriers de travailler lorsqu'ils le veulent.

M. BERTRAND: Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce. Question supplémentaire.

M. ROY (Beauce): Sur le même sujet, est-ce que le ministre pourrait confirmer ou nier le fait qu'on exigerait également des cartes et le même nombre d'heures pour des personnes qui sont propriétaires de leur machinerie?

M. COURNOYER: Propriétaire de leur machinerie?

M. ROY (Beauce): De leur propre machinerie. Je vais prendre un exemple: une personne est propriétaire d'un tracteur, d'un bulldozer et on exigerait, pour qu'elle conduise son propre bulldozer, une carte comme vient de l'expliquer le député de Missisquoi. Est-ce que le ministre pourrait confirmer ou nier ce fait?

M COURNOYER: Je ne peux ni le confirmer ni le nier tel que présenté. Mais je peux vous dire que, pour conduire un bulldozer ou un bélier mécanique ou une grue mécanique — qu'on en soit propriétaire ou non — sur un chantier de construction assujetti aux termes du décret de la construction, il faut avoir une carte de compétence.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester. Question additionnelle.

M. GUAY: Une question supplémentaire, M. le Président. Comme vient d'expliquer le ministre et ce d'après ce qu'a souligné également le député de Missisquoi, ces lois dans le domaine de la construction semblent interprétées de différentes façons dans certains bureaux de la province. J'aimerais demander au ministre s'il serait possible qu'il donne des directives bien sévères en ce qui concerne les renseignements que donnent certains agents dans certains bureaux.

M. COURNOYER: Le ministre donnera des directives extrêmement sévères aussitôt qu'il aura amendé l'arrêté en conseil 4119 qui est un épouvantable nid à confusion.

M. GUAY: Une question supplémentaire, M. le Président. Quand le ministre entend-il amender l'arrêté en conseil 4119?

M. COURNOYER: Le plus tôt possible, aussitôt que le premier ministre et moi-même nous nous serons entendus sur le fait de l'amender, et c'est déjà fait.

M. BERTRAND: Et s'il a dit non, c'est non.

M. VINCENT: M. le Président, dans le même domaine de la construction — cette question s'adresse au ministre du Travail — cela touche également la construction. Je reçois ce matin un télégramme de l'Office des producteurs de tabac jaune de Saint-Thomas de Joliette. En vertu du décret de la construction, il est interdit de construire des séchoirs à tabac de la fin juillet à la quatrième semaine d'août. Ce décret serait préjudiciable aux producteurs ou aux planteurs de tabac jaune.

Est-ce que le ministre pourrait dire à cette Chambre ainsi qu'aux producteurs de tabac jaune s'il est possible d'avoir une exemption de ce décret pour l'Office des producteurs de tabac jaune ou tous ceux qui sont dans la même situation?

M. COURNOYER: M. le Président, le ministre ne peut pas donner d'avis pour le moment mais, demain matin, je pourrai vous donner la façon de procéder. Je ne suis pas sûr du tout qu'il soit possible d'y arriver. Cette partie du décret a été négociée par les sept parties et le ministre l'a retenue lorsqu'il a adopté le décret parce qu'effectivement c'était le consentement unanime des parties impliquées. Je prends note de la question et je pourrai indiquer à l'ancien ministre de l'Agriculture et député de Nicolet jusqu'à quel point on peut sortir du marasme créé par certaines dispositions de certains décrets.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Transfert net des ressources fiscales

M. LAURIN: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Il y a actuellement une conférence des ministres des Finances à Ottawa et notre ministre des Finances, de même que tous ses précécesseurs.a réclamé un transfert net des ressources fiscales pour le Québec. Ma question est la suivante: Est-ce que

le ministre des Finances avait un texte écrit et, si oui, est-ce que ce texte pourrait être déposé à l'Assemblée nationale?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai préparé avec le ministre des Finances il y a quelques jours, le texte qu'il a lu hier à la conférence sur les principales positions prises par le gouvernement sur cette question du partage fiscal. Je devrai en discuter avec lui à savoir s'il doit être déposé à l'Assemblée nationale.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: Ma question s'adressera au ministre de l'Agriculture. Comme on attend l'échéance...

M. LE PRESIDENT: II devrait arriver d'ici quelques minutes, si le député peut faire preuve de patience...

M. DEMERS: Je vais patienter. Vous pourriez peut-être la transmettre, comme vous êtes bon en commissions... Je vais attendre le ministre de l'Agriculture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Société Price à Alma

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question au premier ministre. Est-ce qu'il aurait un rapport à nous faire sur la situation de la société Price à Alma?

M. BOURASSA: Non, M. le Président. L'ancien ministre a dû prendre connaissance de la déclaration du ministre des Finances qui a fait hier des représentations au nom du gouvernement du Québec auprès des autorités fédérales pour que la situation de toutes ces entreprises de pâtes et papier soit améliorée par certaines mesures. Il y a déjà eu des mesures proposées dans le budget de M. Benson et nous allons continuer à insister auprès du gouvernement fédéral pour améliorer le sort de ces entreprises.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, la réponse du premier ministre fait état de négociations en vue d'un règlement à long terme.

Mais, étant donné la situation qui prévaut à Alma, à l'heure actuelle, est-ce que le premier ministre et le ministre du Travail ont fait enquête et pris des dispositions afin d'en arriver au règlement d'une situation assez étrange, alors que l'usine veut fermer ses portes et que les employés occupent l'usine en vue de garder leur gagne-pain pendant quelques semaines ou quelques mois?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce m'informe que des rencontres sont prévues ou sont sur le point d'avoir lieu entre les différentes entreprises du Québec, y compris celle dont parle le député de Chicoutimi, et les autorités du ministère de l'Industrie et du Commerce et du ministère des Terres et Forêts pour essayer de trouver une solution à un problème qui est général au Canada.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

Allocations sociales

M. AUDET: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales.

Il semble qu'il y ait de nombreuses plaintes vis-à-vis des cas de diminution d'allocation sociale se situant au niveau de couples de personnes âgées, surtout lorsqu'un des conjoints devient admissible à la pension de vieillesse. Est-ce que le ministre pourrait étudier de près cet état de choses et faire en sorte de l'améliorer afin d'apporter un peu plus de réconfort et de sécurité à ces personnes âgées?

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai déjà fait une déclaration ici à la suite de l'augmentation des limites du supplément du revenu garanti. Je ferai parvenir une copie de cette déclaration au député. Je crois qu'il y trouvera tous les renseignements pertinents quant à la politique du gouvernement à ce sujet pour le moment.

M. ROY (Beauce): M. le Président, une question supplémentaire sur le même sujet.

Est-ce qu'on pourrait demander au ministre s'il a l'intention, au cours de la période d'été, d'amender la réglementation concernant l'application du projet de loi no 26 justement pour corriger les lacunes de la loi et les injustices dont vient de faire mention le député d'Abitibi-Ouest, et ce, même à la suite de la déclaration ministérielle qu'aurait fait le ministre? Est-ce que le ministre aurait repensé son attitude suite à la déclaration ministérielle qu'il avait faite?

M. CASTONGUAY: M. le Président, je n'accepte pas que la situation qu'on vient de décrire soit considérée comme une situation d'injustice. Les personnes âgées ont vu leur pension de vieillesse et leur supplément du revenu garanti augmentés. Nous avons uniquement, quant à nous, en ce qui a trait à la Loi de l'aide sociale, tenu compte de cette situation.

En ce qui a trait, par contre, à cette situation générale des personnes âgées, des autres personnes, j'ai déjà dit que nous étudions la possibilité de modifier à nouveau comme nous l'avons fait, les règlements de la Loi d'aide sociale. Nous étudions la question présentement. J'ai reçu déjà certains rapports d'analyses, et lorsque nous aurons fait de nouveau le tour de la

question, selon les coûts prévisibles, des modifications qui pourraient être apportées, etc., je ferai rapport au Conseil exécutif et je ferai les recommandations qui m'apparaissent appropriées. Vous pouvez être assuré que dans l'étude de cette question les travaux se poursuivent avec diligence.

M. ROY (Beauce): M. le Président, est-ce que je pourrais me permettre de souligner au ministre le fait que des personnes âgées, dont toutes les deux sont éligibles à la sécurité de la vieillesse, peuvent bénéficier de $255 par mois au maximum alors que des couples — je pourrais fournir au ministre des quantités de dossiers — sont limités à $135 alors qu'ils n'ont pas 65 ans? C'est pourquoi je demande au ministre ce matin s'il n'aurait pas l'intention de se pencher sur ce problème. Je ne peux pas concevoir que ce soit juste dans le Québec actuellement d'obliger deux personnes âgées à vivre avec $135 par mois alors que l'allocation fédérale, qui a été basée selon le coût de la vie à l'heure actuelle, a tout de même permis qu'elles aient $255 par mois, ce qui n'est pas trop.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai éjà répondu à plusieurs reprises à cette question. Je suis au courant de la situation décrite par le député. Il y a une question de coûts. Lors de l'étude des crédits du ministère, nous avons vu l'augmentation des coûts de la Loi d'aide sociale, nous avons vu aussi l'augmentation des prestations parce qu'il est faux de prétendre qu'il n'y a eu que diminution ou de donner cette impression lors de l'adoption de cette loi. Je crois que la réponse que j'ai donnée précédemment constitue pour le moment une réponse adéquate à la question du député.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Grève des transports en commun

M. PAUL: M. le Président, en cette veille du 14 juillet, vous me permettrez d'avoir une pensée toute particulière à l'endroit du premier ministre. Pourrais-je lui demander s'il a effectivement discuté avec ses collègues du cabinet du problème de la grève des transports dans la capitale du Québec? Nous allons probablement ajourner d'ici quelques jours et il faudrait, à mon humble point de vue, régler ce problème dans cette période intense de touristes qui fréquentent et qui visitent la capitale. Je n'ai aucun doute que le ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre a une excellente nouvelle à nous communiquer ce matin, mais surtout à communiquer à la population de la ville de Québec et à tout le Québec métropolitain.

M. COURNOYER: M. le Président, je n'ai pas d'excellente nouvelle à communiquer à la Chambre ce matin.

M. PAUL: Qu'est-ce que vous faites?

M. COURNOYER: Pardon?

M. PAUL: Qu'est-ce que vous faites?

M. COURNOYER: Nous faisons ce que la loi actuelle nous oblige de faire. Samedi dans le courant de la journée pendant que nous discutions ici, le conciliateur et M. Pepin... Pardon?

M. PAUL: Pendant que l'on discutait ici, est-ce qu'ils se battaient là-bas?

M. COURNOYER: Cela se battait là-bas. A part cela, les rôles étaient inversés. Franchement, pour le moment, je pense, que le rapport que j'ai de mon conciliateur m'invite à demander à mes sous-ministres — ce que j'ai fait d'ailleurs— de regarder plus profondément la cause du refus de la CTCUQ du projet d'entente proposé par le conciliateur avant de prendre quelque attitude que ce soit. D'après ce que je sais, et des rapports que j'ai eus, le syndicat aurait accepté les recommandations du conciliateur. Quant à la CTCUQ, elle n'a pas encore manifesté son intention d'accepter ou de rejeter.

Alors, je préfère attendre à demain matin. Ce n'est pas encore mon intention de demander au gouvernement du Québec de passer une loi spéciale dans le cas des transports de Québec. Mais c'est nettement mon intention de demander au gouvernement du Québec, d'amender les lois générales et non pas de faire un cas spécial de Québec, mais d'en faire un cas général. Si on est pour enlever le droit de grève et le droit de "lock out" aux personnes dans un secteur particulier, on l'enlèvera partout et non pas d'une façon particulière à Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles va répondre à une question.

Gîte minier de Saint-Honoré

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, en réponse à une question du député de Chicoutimi, concernant un accord de la société Soquem et Keevil pour le gîte de columbium de Saint-Honoré. Des sondages, comme on le sait, ont révélé un important gîte de columbium. Les estimations confirmées par les faits et les sondages, indiquaient qu'il faudrait des dépenses préliminaires de près de $2 millions, pour savoir s'il est économique de mettre le gîte en production. Pour Soquem qui recevait alors $1 million et demi par année, investir ce montant, même sur une période de 18 mois, aurait signifié l'arrêt total de toutes ses autres activités et la dispersion de l'équipe de spécialistes polyvalents, formée à grande peine. Répartir l'investissement sur plusieurs années, aurait retardé la mise en valeur des gîtes de Saint-

Honoré, à un point tel que d'autres gîtes de columbium auraient pu être mis en production entre-temps et accaparer le marché.

A la suite d'un appel d'offres, le groupe Keevil offrit de risquer $1,400,000 dans le projet, conjointement avec un apport de $500 millions de Soquem et cela pour obtenir 50 p.c. des bénéfices possibles, si la mine démarrait. L'offre de ce groupe donnant, de loin, les meilleures garanties financières de succès du projet, un accord fut signé. D'ailleurs, on pourra trouver dans le dernier rapport de Soquem, un état de la question.

La possibilité d'implantation d'une industrie secondaire de columbium au Québec, sera augmentée du fait de la présence de deux producteurs de columbium, comme on le sait, et des possibilités de collaboration qui leur seraient ainsi offertes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, lorsque j'ai posé la question au ministre des Richesses naturelles — je le remercie de ce qu'il vient de nous dire — je lui ai demandé quelles avaient été les conditions pour la cession à la Copperfield's Mining d'un territoire dans la région de Saint-Honoré aux fins d'exploitation du gisement de columbium.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, je m'excuse, mais je voudrais rappeler au député de Chicoutimi que j'ai le texte de sa question dans lequel on me demande: "Est-il exact que cette société deviendrait propriétaire de 50 p.c. du terrain où se trouve le gisement? " J'ai donc tenté de répondre à cette question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas saisi et je ne crois pas que le ministre ait répondu exactement à la question. Est-ce qu'il s'agit d'une cession, en bonne et due forme, du terrain, et auquel cas, à quelles conditions? Alors, si le ministre me dit non, je vais prendre sa parole et attendre les développements. Est-ce que c'est non?

M. MASSE (Arthabaska): Il n'y a aucune cession de terrain.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II n'y a aucune cession de terrain.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: Article 4.

Projet de loi no 50

Comité plénier

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre! Projet de loi no 50, article 16. L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Nous avons un amendement à apporter à l'article 16, avant...

M. LE PRESIDENT: Dois-je conclure que le nouvel article 16 proposé par le premier ministre est adopté?

M. JORON: Vous voulez dire que l'amendement du premier ministre est adopté?

M. LE PRESIDENT: L'amendement du premier ministre qui change l'article 16. Vous voulez y faire des amendements par la suite?

M. JORON : Cela devient des sous-amendements.

M. BOURASSA: Le député n'est pas satisfait de l'amendement que j'ai apporté, même si tous les éditorialistes de ce matin disent que c'est raisonnable?

M. JORON: Disons que ça améliore un peu. Il y aurait moyen de bonifier davantage. Avant de livrer le texte exact du sous-amendement que nous aimerions apporter, j'aimerais au début vous en livrer la substance et vous expliquer ce qui nous amène à proposer ce sous-amendement. La substance viserait à remplacer la filiale hydro-électrique en question, simplement par l'Hydro-Québec elle-même, et voici pourquoi. Nous croyons qu'étant donné l'expérience qu'a déjà acquise l'Hydro-Québec en la matière, étant donné les problèmes considérables de coordination et de planification que pose toute forme de développement hydroélectrique, il est impensable ou du moins il serait infiniment plus difficile de pouvoir faire ce développement de la façon la plus cohérente et la plus économique possible, si nous devions aboutir à avoir deux entités intéressées dans le même domaine.

S'il est un domaine où les erreurs, les pertes de temps ou les délais à cause d'un manque de planification peuvent coûter très cher, c'est bien celui-là. En raison même de l'importance du programme que l'on envisage, s'il est complété nous aurons investi près d'un total de $7 milliards. Précisément pour sauver le maximum d'argent, pour le rendre le plus économique possible, tout l'exercice consiste à étaler les investissements sur la plus longue période possible, mais toujours en prenant soin de répondre à tout moment à la demande d'électricité, mais simplement au moment où elle se fait sentir.

En conséquence, cela devient un exercice de planification fort compliqué. Il s'agit par exemple de construire de nouvelles unités, une nouvelle centrale, mais aussi de s'assurer que l'électricité qui en sortira arrivera sur le réseau au moment même et en quantité à peu près suffisante, mais pas plus, pour répondre à la demande cette année-là. Cela demande la composition d'une cédule considérablement compliquée.

C'est pourquoi et sans évoquer les mêmes arguments qui à toutes fins utiles, avaient été défendus par un autre gouvernement libéral en 1962, au moment où on nationalisait les com-

pagnies privées d'électricité, l'argument de la nécessité de n'avoir qu'un seul maître d'oeuvre dans le domaine nous apparaît tout aussi fondé aujourd'hui qu'il l'était à l'époque, sinon davantage, parce que ce sont des travaux encore plus considérables que nous entreprenons et la nécessité d'être très rigoureux en est d'autant accrue.

Il y aurait moyen de concevoir toute cette affaire de développement de la baie James comme étant centrée autour de l'Hydro-Québec. Car après tout, remettons les choses à leur place, qu'est-ce qui a commencé toute l'affaire? Qu'est-ce qui a lancé le projet? Qu'est-ce qui a fait qu'on a mis de l'avant le projet de développement de la baie James? Ce ne sont pas les richesses minières en soi. Ce n'est pas pour y faire principalement un développement minier que le gouvernement a décidé de développer la baie James. Ce n'est pas non plus pour y récupérer du bois que le gouvernement a décidé de lancer ce projet et la motivation principale du projet n'est certainement pas non plus le développement touristique.

Ce sont tous des accessoires. La chose centrale, la vraie raison pour laquelle le gouvernement nous amène à la baie James, c'est tout simplement la production hydro-électrique. Qu'est-ce qui amène le gouvernement là? Est-ce que c'est un effort d'imagination? Est-ce une décision, une volonté du gouvernement, une façon de répondre, une invention dans le but d'un développement économique? Non, ce n'est rien autre chose et rien de plus compliqué que tout simplement la nécessité de répondre à partir de 1977 aux déficits d'électricité qui sont alors prévus. Qu'on le veuille ou non, le gouvernement, quel qu'il soit d'ailleurs, est placé devant l'obligation, tous les gouvernements ont été placés devant le même dilemme et placés devant l'obligation de répondre à ce déficit d'électricité. Ce sont les besoins accrus, la demande accrue par les consommateurs d'électricité eux-mêmes qui fait que le gouvernement soit obligé d'envisager une façon quelconque de répondre à ces besoins.

Il a donc choisi d'aller à la baie James d'abord et avant tout et principalement à cause du développement de production électrique qui s'impose au Québec. C'est le départ de l'affaire. De quelle manière irons-nous à la baie James?

Comment allons-nous greffer les accessoires que le développement d'une région vierge va provoquer ou peut susciter dans le domaine des mines, dans le domaine des forêts, etc? Le gouvernement a choisi — bien que nous ne partagions pas son avis — de créer une société de développement multidisciplinaire, si vous me permettez l'expression. Nous avons prétendu, et nous continuons de prétendre, que des mécanismes suffisants existaient déjà, étaient déjà en place qui auraient permis d'atteindre le même but, la même coordination, la même planification sans nécessairement passer par la néces- sité de créer une société nouvelle qui vient compliquer les choses, etc.

Nous n'avons pas à refaire ce débat. Le principe ayant déjà été accepté, il n'est plus permis à ce stade-ci d'y revenir.

Il s'agit de savoir comment on va la concevoir, cette société. Il serait donc possible, à notre avis, de concevoir la société... Je vois que le premier ministre semble faire mine de s'endormir, mais non, écoutez, cela va vous intéresser... Pourquoi ne concevez-vous pas le développement de cette région axé non pas sur la société de développement en question — le principe de cette société a été accepté en deuxième lecture, on ne peut donc plus la mettre de côté — mais, puisque la principale chose qu'on s'en va faire là c'est de l'électricité...

M. BOURASSA: Avez-vous votre amendement qu'on le regarde un petit peu?

M. JORON: Cela va venir. Mais vous me permettez de le justifier, j'espère.

M. BOURASSA: J'ai hâte de voir...

M. JORON: Ne vous inquiétez pas, je n'abuserai pas.

M. BOURASSA: C'est toujours dans un même but d'accélérer les débats.

M. JORON: Je vous le lirai en terminant mes propos, pour susciter un certain suspense et vous inciter à écouter.

M.,BOURASSA: II n'y en a plus de suspense. Il est fait, le suspense. Est-ce que je pourrais avoir l'amendement? J'ai l'impression qu'il peut être illégal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Hier le député de Mercier nous a donné les siens. On pourrait échanger ça.

M. JORON: En considération du fait que vous nous avez envoyé les vôtres hier.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avec beaucoup de lenteur, d'ailleurs.

M. JORON: II y aurait moyen de concevoir, M. le Président, tout ce développement axé autour non pas de la société, mais de l'Hydro-Québec. Un maître d'oeuvre, l'Hydro-Québec, s'en va à la baie James mettre sur pied, construire le développement d'un nouvel aménagement électrique pour répondre à nos besoins à partir des années 1977. On n'a pas besoin d'un deuxième maître d'oeuvre. L'expertise et la réputation acquise de l'Hydro-Québec à elles seules, à sa face même, comme dirait le député de Saint-Louis, devraient suffire pour écarter derechef l'idée d'une nouvelle société

hydro-électrique au Québec. Nous prétendons — et nous ne sommes pas les seuls, vous le savez — qu'il est inutile de construire à côté une hydro parallèle, quels que soient les liens qui les unissent, qu'on veuille prétendre ou non, on y reviendra plus tard, que l'une est la filiale de l'autre, ne serait-ce que par le fait que cela nécessite la création d'une entité juridique nouvelle, d'une nouvelle corporation. Si elle est inutile en soi, pourquoi ajouter uniquement ces frais additionnels? Déjà, ça, on pourrait le sauver. L'Hydro existe, qu'elle aille faire le développement de la baie James. Autour de ça, cependant, puisque le premier ministre a choisi et puisque le principe en deuxième lecture est accepté, puisque le premier ministre veut à tout prix une société de développement pour la région pour se donner des airs de modernisme dont le gouvernement a fort besoin, j'en conviens, une société de développement qui se veut à l'allure un peu nouvelle prétendant qu'il s'agit de mettre sur pied une nouvelle forme d'intégration verticale, une nouvelle méthode de faire la planification. Fort bien! Laissons au gouvernement le droit à ses illusions. Cependant, autour de cette hydro pourrait exister cette société qui, dans le domaine des mines, dans le domaine du pétrole, dans le domaine des forêts, dans le domaine d'un développement touristique et dans quelque autre domaine auquel on ne peut peut-être pas penser à l'heure actuelle, viendrait encercler l'Hydro pour s'occuper des retombées accessoires que provoquera, que facilitera le développement hydro-électrique de cette région.

Nous ne suggérons pas, M. le Président, et nous ne pourrions pas le faire à ce stade-ci, d'écarter complètement la société. L'ayant votée en deuxième lecture, on est pris avec elle.

Maintenant, essayons de l'utiliser aux meilleures fins possibles et ne venons surtout pas, parce qu'on est maintenant pris avec cette société-là, compliquer la vie de l'Hydro, compliquer le développement hydro-électrique au Québec. Servons-nous de la société en question pour les fins accessoires, pour les retombées que va provoquer le développement hydro-électrique de cette région-là.

D est un argument sur lequel je voudrais insister un peu plus, dans le domaine du financement, et c'est là je pense la raison peut-être la plus fondamentale au niveau pratique en tous cas. Si le premier ministre n'est pas sensible aux arguments d'ordre théorique ou au niveau des principes, je pense bien qu'il sera sensible aux arguments d'ordre financier.

Le premier ministre n'est pas sans savoir que pour le financement de l'ensemble de ce projet-là, et même que s'il ne devait s'en réaliser uniquement que certaines étapes, nous aurons emprunté des sommes considérables et que nous aurons à taxer au maximum aussi bien les marchés locaux que les marchés étrangers, et principalement et surtout les marchés étrangers.

On sait que c'est à New York qu'on ira parce que c'est là que les capitaux sont les plus nombreux, c'est là que, depuis longtemps, nous nous sommes établi une certaine réputation, c'est là que nous sommes connus. L'Hydro a mis passablement de temps à faire sa réputation sur les marchés new-yorkais, c'est acquis aujourd'hui, c'est fait. Ce n'est pas une oeuvre facile, ça prend un certain temps, ça prend dix, quinze, vingt ans avant de se bâtir une réputation, avant que les titres, les obligations, les papiers de l'Hydro-Québec soient connus sur ces marchés-là.

M. BOURASSA: Vous avez deux bases de financement, vous avez la filiale avec ses actifs, vous avez l'Hydro-Québec, la société mère. C'est un avantage considérable sur le plan du financement.

M. JORON: Un instant, les actifs de l'Hydro sont déjà...

M. BOURASSA: Je voudrais que le député tienne compte de cet argument-là dans son objectivité temporaire.

M. JORON : Je tiens compte de cet argument mais quand 75 p.c. du capital de l'Hydro est du capital emprunté, les actifs qui garantissent, si vous voulez, moralement ou directement, quand il y a des garanties de première hypothèque, ces actifs-à sont déjà employés, vous ne pouvez pas donner trois fois la même chose en garantie à une banque.

M. BOURASSA: Oui, mais le capital-actions de la société?

M. JORON: Vous n'empruntez pas trois fois sur la même garantie.

M.BOURASSA: Non, mais le capital-actions?

M. JORON: Les actifs actuels de l'Hydro servent déjà...

M.BOURASSA: Le député ne comprend pas.

M. JORON: ... à garantir une dette de $2.6 milliards.

M. BOURASSA: II ne comprend pas.

M. JORON: Ne pensez pas que vous allez vous en servir une deuxième fois...

M. BOURASSA: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. JORON: ... parce que si vous voulez donner une garantie à une banque, vous n'allez pas le donner à une deuxième banque.

M. BOURASSA: Oui, mais le capital-actions, le député ne comprend pas.

M. JORON: Les garanties nouvelles que vous pourrez donner sont basées sur les actifs nouveaux que vous allez construire.

M. BOURASSA: Pas nécessairement...

M. JORON: Et ne pouvant emprunter 100 p.c. de ces investissements-là, vous allez être obligés d'y pomper, si vous permettez l'expression, passablement d'équité.

M. BOURASSA: Ce n'est pas clair.

M. JORON: II va falloir au moins faire une base de $1.5 milliard ou presque $2 milliards dans cette affaire-là. Je reprends mon argument, M. le Président, j'étais à dire que l'Hydro sur une longue période, s'était assuré une réputation enviable sur les marchés financiers. Le premier ministre sait fort bien, s'il est familier avec les marchés financiers, que ça prend du temps à acquérir une réputation semblable.

M. BOURASSA: Cela n'a pas pris grand temps avec notre gouvernement, M. le Président.

M. JORON: Vous n'y étiez pas pour grand-chose et la réputation de l'Hydro a été construite bien avant. Mais vous allez — tant mieux pour vous — bénéficier du crédit que l'Hydro a mérité depuis bien des années, avant même que vous soyez en politique d'ailleurs. Ces crédits-là, pour arriver à ce que le crédit d'une entreprise semblable soit bon, tel que le crédit de l'Hydro l'est à l'heure actuelle, il ne suffit pas d'avoir de bons actifs à donner en garantie, il ne suffit pas d'avoir de bons états financiers à fournir.

Il faut aussi construire, et c'est ça qui est très long à travers tout un tissu de relations personnelles pendant de nombreuses années. Il faut construire son nom, sa réputation, devenir un familier avec les prêteurs. La familiarité qui, avec le temps, s'installe entre l'emprunteur d'une part et les prêteurs de l'autre, facilite considérablement les choses. Il se bâtit, en d'autres mots, une crédibilité. Cette crédibilité est acquise maintenant pour l'Hydro, sauf qu'elle ne l'est pas du tout dans le cas de l'Hydro-James. Si le gouvernement insiste pour que le développement hydro-électrique à la baie James se fasse non pas directement par l'Hydro-Québec mais par une nouvelle entité, on l'appellera Hydro-James, par exemple, si vous voulez pour les fins de la discussion.

A Hydro-James, personne ne connaît ça.

M. BOURASSA: Hydro de James.

M. JORON: Si vous voulez. Le premier ministre veut faire une argumentation linguistique maintenant?

M. BOURASSA: Non, c'est parce que c'est vous qui avez commencé avec ça.

M. JORON: Heureusement, d'ailleurs, ç'a permis de vider...

M. BOURASSA: Cela a permis de démasquer votre manque de sérieux dans le débat.

M. JORON: Cela a permis, M. le Président, de prolonger les débats, soit. C'est vrai que ç'a prolongé les débats. Mais pourquoi est-ce qu'il est souhaitable de prolonger les débats sur un projet de loi aussi important? C'est pour, M. le Président...

M. BOURASSA: C'est pour vous faire battre aux prochaines élections.

M. JORON: ... éveiller l'opinion publique. C'est bon, ça sert même le premier ministre et il ne s'en rend même pas compte. C'est pour embarquer le monde dans ce que vous, vous avez appelé un projet collectif et dans lequel personne n'est embarqué à ce jour. Si vous voulez que le monde s'embarque, parlez-en et parlez-en longtemps de la baie James. Parce qu'à l'heure actuelle, ça reste encore dans les nuages et dans l'incertitude. C'est pour ça qu'on en parle, M. le Président.

En tous cas, je reviens à mon propos.

M. BOURASSA: Rencontrez donc vos électeurs dans le comté de Gouin. Vous allez voir ce qu'ils pensent de votre attitude.

M. JORON: En m'y rendant, justement, je traversais le comté de Mercier, puisque c'est le comté voisin. Vous seriez surpris de savoir ce qu'on en pense, dans Mercier également.

Le propos que je tenais, M. le Président, était à l'effet que l'apparition d'un nouveau nom, d'une nouvelle entité, d'une Hydro-James qui arrive sur le marché, inconnue sans passé derrière elle, sans réputation, va forcément impliquer des coûts de financement additionnels. Cela veut dire qu'on est obligé, dans un certain sens, de partir à zéro, de reconstruire une image, de se faire connaître, de rebâtir. Cela prend du temps, parce que c'est quelque chose qui implique un tas de relations interpersonnelles. C'est quelque chose qui prend du temps, c'est un effort qu'on va être obligé de faire, qui va impliquer des coûts. Ce qu'il y a de plus bête dans le fond, ce qui est le plus dommage, c'est que, cet effort, on n'aurait pas besoin de le faire. Cette oeuvre est déjà faite.

Si on voulait se servir de l'Hydro-Québec qui, elle, bénéficie déjà de toute la crédibilité qu'on va être obligé de construire à nouveau pour l'Hydro-James. Pourquoi ce dédoublement? Pourquoi être obligé de recommencer une deuxième fois ce qui est déjà fait? Pour toutes ces raisons, M. le Président, et bien d'autres que nous aurons sans doute l'occasion d'évoquer lors de la discussion de ce sous-amendement, nous croyons que, d'une part, le premier ministre n'a pas fait la preuve de la

nécessité de cette société de développement. Mais je ne reviens pas là-dessus.

La société de développement, ayant franchi l'étape de la deuxième lecture, on l'a maintenant. Alors, on va tenter de l'utiliser à meilleur escient, aux meilleures fins. Mais ce qui n'a pas du tout été démontré et encore beaucoup moins par l'argumentation du premier ministre quant à la nécessité de coordonner les mines, les forêts et la nécessité, donc, de créer cette société pour tout coordonner, c'est pourquoi, — et c'est ça principalement qu'on s'en va faire à la baie James — dans le domaine de l'hydroélectricité, a-t-on besoin là d'une nouvelle entité? Cela n'a pas été démontré du tout, M. le Président. Nous aimerions bien que le premier ministre nous persuade que les coûts additionnels de financement, les embarras, les ennuis supplémentaires que cette double structure, que cette nouvelle hydro inconnue va nous faire...

Tous ces coûts additionnels que ce dédoublement va nous faire subir, nous aimerions bien savoir pourquoi on sera obligé de les payer. Qu'est-ce qui fait que nous avons absolument besoin d'une nouvelle entité quand nous croyons que d'une part elle rend le financement plus difficile, qu'au point de vue technique, elle n'apporte sûrement rien de neuf parce que c'est une société qui n'existe pas encore, alors que l'expérience et toute l'expertise tous les techniciens sont à l'Hydro-Québec? Mais si tous les avantages, M. le Président, que ce soit l'avantage de n'avoir qu'un seul emprunteur l'Hydro-Québec dont la réputation est déjà établie, que ce soit l'avantage d'avoir une Hydro-Québec qui a déjà fait la preuve — et des preuves éclatantes d'ailleurs depuis une dizaine d'années surtout — de son génie et de sa capacité de réaliser des travaux de cette envergure... a ce moment-là qu'est-ce qui reste comme argumentation? Où sont les arguments qui justifient la nécessité de reconstruire une deuxième Hydro. On n'en a pas entendu un jusqu'à présent. On a entendu des arguments au sujet de la nécessité d'avoir une société de développement. Bon! Cela c'est autre chose. La nécessité de coordonner les différentes activités que le développement de la baie James va susciter. D'accord! Remarquez que ces arguments ne nous avaient d'ailleurs pas beaucoup impressionnés. Mais, sur le sujet précis de la nécessité de créer une deuxième Hydro, là-dessus on n'a rien entendu encore. Nous aimerions bien savoir pourquoi il faut créer une deuxième hydro. Il nous apparaît clairement qu'il serait beaucoup plus économique, beaucoup plus simple et surtout beaucoup plus rationnel, beaucoup plus logique de se servir au maximum, de se servir à plein d'un instrument extraordinaire que nous avons déjà devant nous, qui est là, si on veut tout simplement s'en servir.

Qu'on donne mandat à l'Hydro-Québec de faire le développement hydro-électrique de la baie James, c'est tout. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Cela n'enlève rien à la société de développement en question. La société de développement pourra agir comme son principe même le veut comme un organisme de coordination et de planification dans le territoire devant tenir compte des différents aspects que ce développement-là va provoquer dans le domaine des forêts, des mines, etc. La société de développement continue d'exister, bien entendu. Elle fait oeuvre de planification, mais ce n'est pas elle qui s'occupe du développement hydro-électrique. Sa mission serait principalement la coordination des activités, des retombées ou des activités accessoires au développement électrique.

C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que, appuyé par le député de Bourget, je proposerais le sous-amendement suivant; remplacer à la quatrième ligne — je lis les trois premières:"... le développement des ressources hydro-électriques". Les articles sont remplacés par... l'article 16 est devenu: "... le développement des ressources hydro-électriques, la production, la distribution de l'électricité dans le territoire ainsi que sa transmission seront effectués par". A ce moment-là remplacer le reste du paragraphe simplement par les mots: "... l'Hydro-Québec."

M. BERTRAND: M. le Président, nous avons là, je pense, l'article clé du projet de loi. Tous admettent que s'il n'y avait pas de développement hydro-électrique à la baie James, je crois qu'on n'aurait pas eu tout ce branle-bas publicitaire, etc. au sujet du projet de loi. C'est d'abord et avant tout le développement hydroélectrique qui nous tient en état d'alerte de ce temps-ci et il y a un conflit entre les oppositions et le gouvernement sur la manière de réaliser ce développement.

Je crois que tous s'entendent à peu près et l'opinion publique et les Oppositions sur la proposition à l'effet que l'Hydo-Québec aurait pu développer les richesses hydrauliques à la baie James suivant des étapes, en tenant compte des recherches effectuées dans le domaine de l'énergie nucléaire.

J'entends encore les propos du président de l'Hydro-Québec qui disait qu'il était sage et prudent de procéder par étapes, étant donné que l'énergie nucléaire pouvait se développer très rapidement et que, deuxièmement, cela pouvait devenir très rentable et probablement plus rentable que l'énergie hydraulique.

Nous avons, dans toutes nos interventions — et la presse également, au Québec — posé des questions au chef du gouvernement. Le député de Gouin vient de reprendre la plupart des arguments qui sont invoqués afin de conserver à l'Hydro-Québec l'exclusivité du développement hydraulique à la baie James. Ce qui veut dire le contrôle non pas à 51 p. c. mais à 100 p. c. Entité juridique, l'Hydro-Québec s'occuperait, comme on l'a fait à la Bersimis, à la Manic, de tout cet immense chantier, et à tous les points de vue. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les

détails et de reprendre les arguments que vient d'apporter le député de Gouin.

J'ai personnellement souvenir d'un débat à la commission des Richesses naturelles, quand, il y a deux ans, mon collègue, le ministre des Richesses naturelles, avait fait une déclaration qui pouvait prêter à une certaine interprétation, même si l'interprétation qu'on lui en a donnée n'était pas juste, n'était pas vraie, n'était pas fondée. Mais quand même! A la suite de cette déclaration, on nous a invités à convoquer la commission parlementaire des Richesses naturelles. Il s'agissait des travaux à la Manicouagan, travaux qui ont débuté. Voici le problème précis qui s'est posé à l'époque devant la commission parlementaire et devant l'opinion publique québécoise. La question était la suivante: A la Manic, qui va être le maître d'oeuvre? Qui va réaliser ce chantier? Qui va le contrôler et le diriger? Qui va le mener? J'entends encore les propos du chef de l'Opposition, à l'époque le député de Louis-Hébert, M. Jean Lesage, qui nous priait, avec une insistance forcenée, de maintenir l'Hydro-Québec comme maître d'oeuvre à la Manic et de ne confier qu'accessoirement, comme on l'avait fait d'ailleurs pour les autres projets de la Manic, à des compagnies privées certains travaux, je le répète, accessoires. Disons que, sur un chantier, où il y avait une dépense d'environ $300 millions, on confierait pour $25 millions, $40 millions de travaux à l'entreprise libre. C'était le problème.

Je me souviens — j'étais premier ministre à l'époque — que dès le début de la séance, j'ai invité les représentants de l'Hydro-Québec à nous faire connaître leurs vues. Le président, de la manière qu'on lui connaît, très objective, a exposé le problème. Premièrement, il a dit qu'aucune décision n'avait été prise jusqu'à ce moment, dans son esprit et dans l'esprit des commissaires à l'effet que le maître d'oeuvre devait être l'Hydro.

On avait, par contre, certains chiffres, certains examens qui avaient été faits par des experts à l'effet qu'en certains cas des projets qui devaient coûter — je vais prendre des exemples — $100 millions auraient coûté plusieurs millions de plus, qu'il y avait eu des écarts et que ça avait été examiné de confier à l'entreprise privée, et non plus à l'Hydro, la responsabilité pleine et entière. Aucune décision n'avait été prise et, de plus en plus, on s'acheminait vers une décision définitive, une recommandation définitive au gouvernement pour que l'Hydro, à Manic, demeure le maître d'oeuvre, et que l'Hydro ait la responsabilité complète.

A ce moment-là, j'ai dit au président de l'Hydro que, quant à moi, on n'avait pas fait preuve — même si on avait des éléments de dossiers — qu'il en coûterait plus cher, que ce serait plus économique de réaliser ce projet par l'entreprise privée, que ce ne pouvait l'être par l'hydro, ses ingénieurs, son équipe, celle qui s'est acquis le prestige et la renommée que tous admettent non seulement au Québec, mais ailleurs.

Cela c'était un problème précis. J'ai donc des questions précises à poser moi aussi au premier ministre. Celles qui nous ont été posées à l'époque. Est-ce que le choix que l'on fait de ne plus confier à l'Hydro comme telle, qui existe, qui est équipée, qui est dotée d'un conseil d'administration aguerri, d'une équipe également qui a du nom, du prestige — je ne reprends pas les propos du député de Gouin, excepté pour les résumer — ...

Est-ce qu'une des raisons pour lesquelles on veuille à l'heure actuelle créer cette filiale, ce n'est pas un moyen détourné — j'aimerais qu'on nous le dise franchement, honnêtement, la vérité ça délivre — qu'on le dise? Est-ce que l'on veut par cette filiale adopter de nouveaux modes, nous éloignant dans ce domaine-là des voies classiques, suivant l'expression utilisée par le premier ministre?

Est-ce que l'on veut que la filiale HydroQuébec-baie de James ait la liberté de confier la responsabilité de la construction des barrages du développement hydro-électrique à des firmes privées? Au génie privé? Est-ce que l'on veut mettre de côté les ingénieurs de l'Hydro? Ce sont des questions honnêtes de la part du député de Gouin, de ma part, et de la part des autres collègues.

Nous voulons des réponses. J'espère bien qu'on ne nous arrivera pas avec des réponses enfantines: "la Saint Glin-Glin"; "c'est non". On dirait que le premier ministre sent le besoin, pour affirmer son autorité, de s'autosuggestion-ner et de se dire: II faut que je dise non, ainsi j'affirme mon autorité. On dirait qu'il a besoin, un peu comme quelqu'un qui traverse un cimetière de se dire: Je n'ai pas peur, moi. C'est un peu enfantin.

Qu'on ne soit pas surpris, si la discussion, et en deuxième lecture et ailleurs, soit un peu longue. Nous n'avons pas de réponses. Sans doute, et je le reconnais, il y a des amendements qui sont apportés.

Le chef de notre parti, mes collègues en ont suggérés qui ont été acceptés. J'espère que le premier ministre en acceptera de la part de toutes les oppositions. Cela crée tout un autre climat, la position de celui qui se retranche, qui s'entête et qui dit non. Quand il a dit non, il est content. Là, je suis quelqu'un, là j'ai montré que j'ai de l'écorce. Je deviens le Trudeau québécois. Autrement dit: II a son voyage!

Donc, à toutes ces questions, à celles que j'ajoute, on doit fournir des réponses. Qu'on ne vienne pas ensuite dire: Moi, j'ai nommé le président de l'Hydro à la société mère. Qu'on ne leur fasse pas porter des responsabilités qui ne relèvent pas d'eux. Lorsqu'il s'agit de décisions politiques, qu'on ne les fasse pas porter par ceux qui acceptent de porter un fardeau déjà lourd et qui le font, par contre, très allègrement, très objectivement et avec beaucoup d'intégrité. ... Si à l'époque, lorsque le problème s'est

présenté devant la commission des Richesses naturelles, on nous avait apporté un dossier — qui, de l'aveu d'ailleurs des autorités de l'Hydro n'était pas complet — éloquent, etc. c'est le gouvernement qui aurait pris la décision et qui aurait dit à l'Hydro: Procédez de telle manière, cela n'a plus de sens. Si c'est ça que s'apprête à faire le premier ministre, qu'il ait l'honnêteté et la franchise de le dire devant les représentants et de fournir les raisons, pas des raisons de saint Glin-Glin et abracadabrantes, des raisons raisonnables. Nous sommes des hommes raisonnables, nous l'écouterons.

Donc, premièrement, pour répondre et reprendre la question du député de Gouin, pourquoi n'est-ce pas l'Hydro à 100 p.c? Le député de Gouin a parlé du financement. On en a parlé à la commission des Richesses naturelles l'autre jour. Le président de l'Hydro nous a dit que l'Hydro-Québec était capable de procéder au financement de cela, comme l'Hydro-Québec a procédé au financement de Manic, de Bersimis, comme l'Hydro-Québec a procédé au financement dans son association avec Churchill Falls, financement pour la construction de sa ligne hydro-électrique et tout ça. Ils n'ont pas eu de problème.

Cela deviendrait fastidieux si je continuais à reprendre les propos que nous avons déjà échangés en deuxième lecture. Nous l'avons fait à plusieurs reprises depuis. Ce que nous voulons ce sont des réponses. Y a-t-il quelqu'un du côté du gouvernement, le ministre des Richesses naturelles en particulier, qui a la responsabilité devant le Parlement, de l'Hydro-Québec? Même si c'est une société de la couronne, le ministre des Richesses naturelles doit répondre devant nous. C'est lui qui a prêté serment, c'est dans l'exercice de ses fonctions et c'est son devoir d'éclairer la Chambre. Cette décision de créer une filiale est-elle venue à la suite de recommandations du ministre? Si oui, sur quoi s'est-il basé pour recommander au premier ministre et à ses collègues de permettre la création d'une filiale Hydro-Québec? A toutes ces questions, j'invite le ministre des Richesses naturelles à répondre d'une manière intelligente et complète.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, avant la réponse de mon collègue, on me permettra une participation dans ce débat. Je vais tenter, le plus brièvement possible, de répondre aux questions précises, directes que le député de Missisquoi a soulevées ainsi que tenter non pas d'engager un dialogue mais de répondre le plus particulièrement possible aux questions soulevées par le député de Gouin.

Je pense que de la part du député de Gouin il y a encore aujourd'hui une certaine incompréhension de l'approche du gouvernement à ce projet. Je n'ai pas l'intention de reprendre le débat de deuxième lecture. Mais qu'il me soit permis d'insister sur au moins un point. C'est qu'il nous a toujours paru essentiel que, dans le développement de cette région, particulièrement dans ce développement hydro-électrique, contrairement à ce qui est survenu pour l'aménagement des rivières Manicouagan et Outardes, il était nécessaire, dans le type de gestion, le type d'organisation responsable, de faire entrer deux composantes.

Avant de détailler ces deux composantes, je rappelle toujours que le premier principe du gouvernement était de confier exclusivement à des institutions complètement québécoises cette responsabilité de gestion. Mais je pense que ce principe est bien connu à la fois à l'Hydro-Québec et à la société. Cela demeure quand même des institutions d'Etat, des institutions typiquement québécoises.

Mais une fois ce principe accepté, nous avons tenté d'ajouter deux composantes responsables de ce développement. Une première composante qu'on retrouve dans chacune des filiales et qui tente d'amener, de mobiliser les énergies de spécialisation, les ressources de spécialisation que pouvait posséder le Québec dans les différentes disciplines, dans les différentes ressources impliquées. C'est ainsi qu'à la filiale hydro-électrique on a un moyen direct de mobiliser les énergies de l'Hydro-Québec dans la filiale qui est responsable de ce projet hydroélectrique.

Mais également, et c'est là que je trouve qu'il y a une certaine incompréhension du député de Gouin, en dehors de ces compétences sur le plan de la spécialisation dans un domaine donné, nous voulons également introduire des préoccupations d'ordre de l'intégration des ressources multiples, c'est-à-dire d'ordre de développement régional intégré, d'ordre d'approche multidisciplinaire aux problèmes. Cette composante implique qu'en dehors de la composante spécialisation représentée par l'Hydro-Québec viendra un autre apport qui, lui, ne dédaignera pas cette spécialisation de l'hydroélectrique mais aura une ouverture plus grande, sera préoccupé par des problèmes qui ne seraient pas les problèmes uniques de l'Hydro-Québec.

Je prends un exemple pour illustrer mon argumentation. Il est évident que lorsque nous avons eu l'aménagement des rivières Manic et Outardes et que le maître d'oeuvre était l'Hydro-Québec, la conception et la planification étaient la responsabilité de l'Hydro-Québec. La solution technique qui a été retenue, le financement qui a été retenu, l'échéancier qui a été retenu n'avaient qu'un seul but, dans l'intérêt du Québec: satisfaire les préoccupations de l'Hydro-Québec. Sans porter de blâme, je pense qu'on peut dire qu'il est possible, dans tous les cas de développement intégré de régions, que la solution optimum pour l'ensemble de la région ne soit pas nécessairement la solution optimum du point de vue hydroélectrique. Il est possible — peut-être qu'aux rivières Manic et Outardes on ait retrouvé un tel cas — que dans un cas donné ce qui est la

meilleure solution sur le plan hydro-électrique, c'est-à-dire de pouvoir produire de l'énergie au moindre coût, ne soit pas nécessairement la meilleure solution si on tient compte de critères additionnels autres que des critères de production d'énergie, si on tient compte de critères d'écologie, si on tient compte de ressources minières, de ressources forestières et qu'il soit préférable d'utiliser la deuxième solution.

Je m'explique pour ce qui est du projet donné de la baie James. C'est là une discussion théorique pour illustrer mon point de vue. Il est bien connu que, sur le plan de la répartition des richesses autre qu'hydro-électriques, le territoire n'est pas partagé d'une façon égale. Il est bien connu que la partie sud, à cause des conditions climatiques et géologiques sur le plan minéral et sur le plan forestier, possède beaucoup plus de richesses qui mériteraient d'être développées que la partie nord où le climat ne s'y prête pas et où la végétation, le développement des forêts n'est pas tellement poussé.

Il est donc possible que, du point de vue strictement hydro-électrique — cela ne veut pas indiquer un rapport préliminaire d'étude, c'est simplement théorique de ma part — la meilleure solution soit un développement axé surtout sur les rivières du sud mais que si on tient compte d'autres richesses il soit alors préférable de prendre plutôt une deuxième solution du point de vue hydro-électrique qui serait celle des rivières du nord.

C'est une illustration très brève, M. le Président, simplement pour voir que, dans chacune de nos filiales, nous avons tenté d'amener deux composantes. Une première composante qui, je le répète, est de mobiliser les ressources, la spécialisation, les connaissances spécialisées que possédait l'Hydro-Québec.

La deuxième composante nous vient par le biais de la société, qui va donner au conseil d'administration de la filiale cet élément d'approche multidisciplinaire au développement des ressources.

Je pense que si nous acceptions l'amendement du député de Gouin, nous nous retrouverions dans la même condition qu'à Manic-Outardes où, parmi ceux qui avaient à prendre des décisions, je ne pense pas qu'on avait des préoccupations autres qu'hydro-électriques. Je ne les en blâme pas parce que leur mandat n'était pas de se préoccuper d'un développement régional. C'était de produire de l'électricité au coût le plus bas et suivant des exigences qui relevaient d'eux uniquement.

M. le Président, il faut également se rappeler, bien que le texte du projet de loi soit très précis là-dessus, que cette nouvelle filiale sur le plan de la production hydro-électrique a également, en matière d'énergie, des préoccupations qui débordent le cadre de l'Hydro-Québec. Le mandat de l'Hydro-Québec, par son acte constitutif, par la législation qui a créé cette société d'Etat, est strictement, il faut lire le texte pour s'en rendre compte, de satisfaire aux besoins énergétiques du Québec.

Or, nous avons évoqué dans les débats de deuxième lecture cette problématique qui se développe en Amérique du Nord, c'est-à-dire cette demande accrue d'énergie et une évolution sensible des prix aux consommateurs, particulièrement dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre, nos voisins. Nous y avons vu là — je ne voudrais pas en faire la charpente, la pièce clé de notre législation — un aspect secondaire qui mérite d'être étudié. Il se peut qu'en vendant de l'électricité dans un contexte donné, le Québec, sur le plan économique, retire des avantages.

Nous avons évoqué à la commission parlementaire — le député de Gouin lui-même l'a évoqué — une possibilité d'un différentiel de 2 mills entre le coûts de production et les coûts de vente. Je pense que les articles qu'on publie actuellement dans la plupart des journaux technique et financiers de la Nouvelle-Angleterre nous indiquent clairement qu'il se pourrait fort bien que le différentiel soit beaucoup plus substantiel. La pénurie d'électricité et les difficultés que connaît présentement la région de New York sont telles que nous avons ici au Québec la possibilité de produire quelque chose qui est très en demande, qui a un marché assuré et qu'on veut absolument acheter, peu importe le coût. On comprend bien que pour l'économie des Etats de la Nouvelle-Angleterre, même si on double ou triple le coût, cela ne change pas beaucoup le coût général de production, particulièrement dans l'industrie manufacturière, si on excepte des industries comme une aluminerie pour l'Alcan ou d'autres industries très particulières.

C'est donc dire que le schème du passé ne peut peut-être pas se continuer dans l'avenir. C'est donc dire qu'il est possible que nous soyons dans une situation donnée où le Québec peut dire : Très bien, nous pouvons vous vendre de l'électricité, peu importent nos coûts, on sait que vous êtes intéressés à 15 mills, 17 mills, 18 mills ou 20 mills, même si cela ne nous coûte que 10 mills.

M. JORON: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. JORON: Je ne conteste pas le fait qu'il puisse exister une demande pour de l'électricité en dehors, ni même que cette demande puisse exister à un prix relativement élevé qui ferait une marge bénéficiaire peut-être plus substantielle que les 2 mills dont il avait été question à la commission parlementaire. Mais vous allez probablement admettre avec moi que tout le sens de la discussion est de mettre en relation les profits qu'on peut en tirer avec les investissements qui sont requis pour produire ce profit.

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. JORON: C'est une question de rapport de capital à profits. Si on s'aperçoit que ce sont des investissements trop coûteux pour ce qu'on peut en tirer, cela ne vaut pas la peine de les faire.

M. SAINT-PIERRE: C'est un jugement qui, je pense bien, reviendra aux administrateurs compétents qui auront à prendre cette décision et qui, périodiquement, devant une commission parlementaire, devront expliquer que face à un marché d'exportation, on a décidé d'avoir un programme accéléré. Là, on devra donner les avantages et prouver aux parlementaires qu'effectivement la décision a été juste, que c'est une bonne décision. Ce n'est pas dans un projet de loi qu'on peut le faire.

Je dis ceci non pas pour souligner qu'il serait pertinent ou approprié pour la société de s'engager dans l'exportation d'énergie, mais simplement pour souligner que cet aspect d'exportation d'énergie — je m'excuse, je finis ma phrase, M. le Président — déborde le cadre constitutif de l'Hydro-Québec qui — le président nous l'a déclaré dans des discussions privées — jusqu'ici a toujours considéré que son rôle, peu importent les possibilités à l'extérieur du Québec, conformément à la législation créant l'Hydro-Québec, a toujours considéré son rôle comme devant satisfaire les besoins du Québec.

Et nous disons qu'il y a une problématique, qu'il y a un développement fort intéressant qui permettrait peut-être, qui déborde ce cadre de l'Hydro-Québec, et qui justifie d'avoir, dans la société responsable sur le plan hydro-électrique, un élément de l'extérieur, un élément nouveau de la société.

M. BERTRAND: Est-ce que le député de Verchères sait que, lors des séances de la commission parlementaire, M. Giroux a bien répondu à ces problèmes, que s'il s'agissait d'exporter de l'électricité, il ne recommanderait pas le projet? C'est d'abord et avant tout pour répondre aux besoins domestiques et, deuxièmement, ça ne pourra être que pour une quantité très minime — c'est ce que M. Giroux a déclaré — alors que l'argumentation du député de Verchères porte sur une possibilité d'exportation immense.

Je pense que son argumentation n'est pas fondée du tout sur les faits.

M. SAINT-PIERRE: Mais on se rappelle, qu'à la commission parlementaire — et il y a encore eu des conférences récemment — les dirigeants de l'Hydro-Québec nous ont clairement laissé entendre cependant que les possibilités d'exportation à un marché attrayant étaient illimitées.

On nous a dit que si on pouvait vendre, demain matin, à l'Hydro-Ontario, un bloc d'énergie sur une période de dix ans, on trouve acheteur. Les tendances sont à l'effet que la chose s'accentue.

Je retiens cependant du député de Missisquoi qu'il a raison de dire que l'exportation n'est pas le but premier. On va surtout tenter de satisfaire les besoins de l'Hydro-Québec. La proportion cependant — et là j'insiste — pourra être reliée à d'autres développements entrepris par l'Hydro-Québec. C'est évident que l'Hydro-Québec représentée dans la société, que l'Hydro-Québec majoritaire dans la filiale pourra alors considérer son rôle accru et que, dans des circonstances favorables, elle pourra dire qu'il est avantageux — même compte tenu du financement requis — de tenter d'exporter le plus possible d'électricité puisqu'il y a un profit net fort intéressant à réaliser. Et que, dans cette perspective, on développe davantage d'autres rivières, on prenne d'autres sites possibles ou bien des sites thermiques ou des sites nucléaires — là on parle de la période de 1970 à 1982 — permettant une vente plus substantielle d'électricité à l'extérieur.

M. le Président, ça m'apparaît un point important ça. Parce que souvent, et c'est le reproche dans l'analyse des projets hydro-électriques à travers le monde, on a reproché à ceux qui en étaient responsables d'être uniquement préoccupés par des considérations d'ordre énergétiques, uniquement préoccupés de trouver la solution pour tenter d'avoir le plus d'électricité à moindre compte, peu importent les conséquences sur le plan écologique, peu importent les conséquences sur des richesses forestières et des richesses minières.

Je pense que, par l'article 16, on tente justement de pallier ceci en ayant deux composantes laissant majoritairement l'Hydro-Québec avoir une voix déterminante et l'obligeant d'être sensible à d'autres arguments sur le plan écologique, sur le plan d'autres recherches disponibles.

On reproche, dans bien des cas, d'avoir construit des barrages qui ont créé d'immenses lacs sans s'être préoccupé de tenter de favoriser un développement touristique. Dieu sait le nombre d'endroits qui auraient pu, à un moindre coût, être aménagés pour permettre à la population un accès à des endroits récréatifs, offrant des nappes d'eaux intéressantes, offrant, enfin, de la verdure, de la nature.

On tente justement d'avoir par le biais de cette filiale, où l'Hydro-Québec est majoritaire, cette préoccupation, cette approche multidis-ciplinaire du problème. On a soulevé le plan du financement. Le premier ministre a esquissé un chiffre, dans ce domaine, pour un investissement de $7 milliards. Le financement — il faut bien s'en rendre compte — ce n'est pas comme un prêt hypothécaire d'un particulier sur une maison. Ce n'est pas nécessairement grever l'actif que peut représenter un développement immobilier, enfin même la maison par rapport au prêt obtenu. Ce sont plusieurs considérations, et là je suis certain que le député de Gouin en connaît autant que moi.

C'est, d'une part, le sérieux des gens qui sont derrière le projet et, d'autre part, l'analyse

poussée des études qui ont déterminé la rentabilité, qui ont déterminé jusqu'à quel point on peut avoir confiance que, dans un rapport préliminaire, le contrôle des coûts, le contrôle de l'échéancier seront respectés. C'est un peu un ensemble de facteurs ainsi qui déterminent les possibilités de financement.

Qu'on se rappelle que, pour le projet des chutes Churchill, une capitalisation de $83 millions a permis quand même un financement de $990 millions.

L'analyse des différents projets au monde indique clairement que, pour une compagnie d'utilités publiques impliquée dans un projet de cet ordre, suivant les conditions du marché financier, bien sûr, mais suivant d'autres facteurs de solidité, le rapport entre la capitalisation et l'investissement total a pu aller de 10 à 20, c'est-à-dire un rapport de 10 à 20, c'est-à-dire que, pour une capitalisation de $100 millions, on a pu obtenir 20 fois plus.

Nous y voyons un apport, du fait que nous allons avoir deux sources quand même de solidité. Il y aura d'une part l'Hydro-Québec, par le biais de sa filiale, qui elle aussi aura ses actifs et qui apporte quand même une solidité voulue. On a fait voir qu'une nouvelle compagnie pourrait peut-être freiner l'enthousiasme des marchés financiers. Je pense que l'argument est faux. Avec une nouvelle compagnie, il s'agit toujours de savoir qui est derrière la compagnie. C'est évident que si, demain matin, trois individus créent une nouvelle société et se rendent à New-York avec un plan fantastique comme — on l'a peut-être un peu vu — déverser de l'eau douce dans le lac Supérieur, on peut avoir certaines hésitations. Je pense qu'une nouvelle compagnie qui a le support du gouvernement de la province, dont l'Hydro-Québec détient la majorité des actions, représente quand même un facteur de solidité et pourra escompter recevoir un accueil très favorable dans les milieux financiers. Les discussions préalables dans ce secteur l'indiquent très clairement.

On indique, et la déclaration récente du président de la Prudential l'indique aussi d'une façon assez éloquente, la législation n'est pas adoptée, la compagnie n'est pas formée et déjà on a assez foi dans le projet et assez foi à la lumière des expériences pour déclarer les $183 millions. Les $183 millions, il ne faut pas les relier au projet de Churchill Falls et dire qu'on était prêt à financer un cinquième et que demain on ne sera pas prêt.

M. JORON: II a dit $125 millions et pas plus.

M. SAINT-PIERRE: C'est peut-être justement la nature même des placements que la compagnie peut envisager, ce n'est pas un témoignage de manque de confiance.

M. JORON: C'est le plus gros prêteur au monde.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je voudrais apporter un autre argument à savoir pourquoi nous n'avons pas donné le contrat uniquement à l'Hydro-Québec et pourquoi une filiale a été créée. C'est que, par le biais de la société, on a quand même ouvert la porte à un financement impliquant l'ensemble des Québécois, un financement qui ne serait pas obligatoire, mais une possibilité pour l'ensemble des Québécois de participer au capital-actions de la société. Si nous laissions, du plan de la plus grande des compagnies à l'ensemble de l'Hydro-Québec, c'est l'ensemble des Québécois qui se trouvent privés de pouvoir participer — ce n'est pas une obligation — de la possibilité pour eux d'être impliqués dans le développement, d'y participer financièrement. Les résultats que le ministre des Finances a obtenus dans sa campagne d'obligations de l'automne dernier laisse quand même prévoir que si on sollicitait des Québécois une participation financière volontaire à ce projet, on peut s'attendre à récolter sûrernent plusieurs millions de dollars.

On a soulevé un autre point — et je veux simplement le mentionner — non pas que je veuille m'en faire un défenseur acharné comme certains ont voulu le prétendre, et je prends pour moi les propos qu'on retrouve dans un éditorial de ce matin lorsqu'on parle de l'entreprise privée et de l'entreprise d'Etat. C'est M. Ryan qui disait: "Au nom de quel principe sacré eût-il fallu réserver à de seules entreprises d'Etat toute activité dans ce territoire? " Je voudrais en quelques mots répondre aux propos tenus par le député de Missisquoi. Il n'y a théoriquement au départ aucun principe qui nous dit qu'une formule est préférable à l'autre. Chaque fois, comme ce fut le cas pour Manic-Outardes, c'est une question de jugement où on doit demander des comptes à ceux qui ont pris la décision. Il me semble qu'à l'avance on ne puisse pas dire qu'un secteur semble préférable à l'autre secteur, c'est toujours une question de jugement.

Ce qu'il faut se rappeler, c'est que dans la condition actuelle où sont les choses, ce sera quand même comme pour Manic-Outardes les dirigeants de l'Hydro-Québec qui auront une part majoritaire et qui devront décider un peu quel est le rôle de la filiale. Le rôle de la filiale ne se mesure pas uniquement en fonction du projet, il devra — et il ne faut pas l'oublier — se mesurer aussi en fonction des autres projets que l'Hydro-Québec pourrait avoir en matière d'immobilisations.

On sait qu'au cours des dernières années, à cause de l'apport de l'énergie des chutes Churchill où l'Hydro-Québec n'a pas été tellement impliquée dans la phase de la conception ou de l'exécution des contrats, cela a pu donner l'impression d'un certain ralentissement. Cet apport d'énergie devant être terminé bientôt, il faudra que l'Hydro-Québec se lance, à l'extérieur même des programmes de la baie James, dans un programme d'immobilisations important qui nécessitera de mobiliser une partie

même de ses effectifs. La décision se prendra pour quel titre, quel rôle on donnera à cette filiale. Est-ce que cette filiale doit avoir, compte tenu de l'analyse de tous les facteurs, le rôle plutôt d'un client averti, c'est-à-dire qu'on prend à l'intérieur de l'Hydro quelques personnes clés dans les domaines donnés, qu'on va peut-être chercher à l'extérieur, non pas dans l'entreprise privée, à base de contrat, mais par recrutement, des Québécois qui ont une compétence à offrir dans une ou l'autre des matières et qu'on forme une société qui agisse alors comme client averti vis-à-vis de quelqu'un d'autre, confiant à l'entreprise privée le soin de gestion, les soins d'exécution ou même partager.

Ou peut-être que ces mêmes gens — et là j'insiste, ce n'est pas le gouvernement qui dicte cela, mais les administrateurs de la filiale où l'Hydro-Québec a un intérêt majoritaire — choisiront à la suite de l'analyse de tous les facteurs, une autre formule dans laquelle on dira que la société sera responsable de la conception et de la gestion du projet. Comme elle aura peut-être trop d'ouvrage, elle pourra donner des sous-contrats au secteur privé, mais des sous-contrats très délimités, plutôt petits, et qui ne seront pas reliés à la gestion, au contrôle des coûts, au contrôle des cédules, ou à la planification globale du projet.

Encore une fois, lorsque la société — on l'a vu et le gouvernement est très ouvert — devra comparaître devant une commission parlementaire, on pourra lui poser des questions, comme on en a posé à l'Hydro-Québec, au sujet de Manic 3, sur le choix fait par l'Hydro-Québec dans cette hypothèse.

Il faudra aussi mentionner, M. le Président — c'est un dernier point que j'aimerais souligner — le fait que ce projet — je pense que même les plus ardents défenseurs de l'hydraulique doivent le reconnaître — m'apparaît quand même très très rentable. C'est évident que sur le plan hydro-électrique, ce sera un des derniers grands projets — il s'étend quand même sur une période de douze ans — entrepris par l'Hydro-Québec. Lorsque nous serons en 1980 ou 1982, peut-être même avant, mais en 1980 ou 1982, nous seronssûrement devant le dilemme, contre toutes les autres provinces, d'avoir uniquement devant nous des possibilités pour le thermique ou des possibilités pour le nucléaire.

Je vois un certain avantage, dans cette phase terminale de l'Hydro-Québec en matière d'hydro-électricité, à confier à cette filiale la nécessité de mener le projet à terme et de bénéficier de l'expérience de l'Hydro-Québec, en même temps permettre à l'Hydro-Québec de se préparer à la deuxième étape, c'est-à-dire le recyclage de son personnel, en fonction de données techniques complètement différentes, c'est-à-dire recycler son personnel en vue de la réalisation de projets complètement différents des 95 p.c. des projets réalisés à ce jour par l'Hydro-Québec, c'est-à-dire des projets thermiques et des projets nucléaires.

J'y vois donc l'avantage de tenter de mobiliser les ressources de l'Hydro-Québec dans l'électricité, dans ce projet terminal et de recycler son personnel de la maison mère de l'Hydro-Québec, dans des projets thermiques et nucléaires, en fonction de ce qui vient. Evidemment, il y aura toujours des projets hydrauliques entre temps — je pense au projet de Saint-Joachim, de réserve pompée, qui quand même n'est pas exactement du domaine hydraulique et qui commence à s'apparenter à d'autres formes de types d'énergie.

Je ne sais pas si cela peut calmer les appréhensions du député de Missisquoi ou si cela répond à certaines des questions. S'il y en a d'autres, cela me fera plsisir d'y répondre. Peut-être, mon collègue des Richesses naturelles, a-t-il d'autres points à soulever?

M. MASSE (Arthabaska): Je pense que le ministre de l'Education a cerné suffisamment le problème, en ce qui concerne le projet hydroélectrique et le développement de la baie James. Je pense, comme je le déclarais en deuxième lecture, qu'on oublie trop facilement que cette société a une fonction qui est autre qu'uniquement le développement hydro-électrique, qui est en terme de développement intégré ou de développement global. Si l'Hydro-Québec devait effectuer seule l'aménagement hydroélectrique, où serait le lien pour la coordination nécessaire? Quelle coordination pourrait exister? On oublie trop souvent cet aspect global. On a dit au député de Gouin...

M. BERTRAND: Le ministre me permet-il de lui faire une remarque? Supposons que la société-mère demeure, le premier ministre a annoncé qu'un représentant de l'Hydro sera dans la société-mère, parce que la filiale — on ne joue pas sur les mots — c'est le développement hydro-électrique, selon le texte actuel et les amendements.

La coordination qu'a en vue le premier ministre, que nous recherchons d'une autre manière et qu'il recherche par la société, s'effectue au sein de la société-mère où l'Hydro sera représentée. Dès le départ, je pense que l'argumentation, autant du député de Verchères que du ministre porte à faux, sur ce point-là.

M. BOURASSA: La filiale aussi, il faut que ça se retrouve.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. le député de Missisquoi. Je ne suis pas capable de partager ce point de vue-là, c'est la même chose que le lien entre une compagnie de portefeuille et une filiale. Il faut quand même que la compagnie de portefeuille ait une certaine participation dans les délibérations de la filiale, sans ça elle ignore tout ce qui se passe.

M. BERTRAND: Cela ne dérange absolument rien. Je ne veux pas intervenir dans le discours du ministre des Richesses naturelles,

mais nous pourrons tantôt aller d'une manière plus précise.

M. BOURASSA: C'est un principe de gestion qui me parait assez fondamental.

M. MASSE (Arthabaska): Le député de Gouin ce matin a parlé de réseau de 1'Hydro, que le réseau soit intégré avec celui de l'Hydro, qu'il faut lorsqu'il y aura livraison à tel point, que ce soit selon les mêmes méthodes de transmission. Je pense que cela, comme les problèmes de télécommunication qui ont été soulevés hier, ne pose pas de problème, même actuellement, en ce qui concerne, par exemple, les différents réseaux et les réseaux de télécommunication qui pourront exister à l'intérieur du territoire.

L'Hydro est dans la filiale par un de ses commissaires siégeant au conseil de la société — d'ailleurs le premier ministre l'a dit hier, mais ce n'est pas inclus dans le texte. A mon avis, ces questions qui ont été soulevées, sont des questions très mineures qui ne posent pas de problème.

Le député de Gouin a parlé des coûts additionnels à cause du dédoublement, de création de filiales. Au contraire, c'est justement à cause de l'existence des filiales, que nous n'augmenterons pas les coûts. Nous augmentons la rentabilité du projet davantage par le développement minier, par le développement des forêts, par les préoccupations écologiques, le développement touristique etc, et on pourrait en ajouter. Au contraire, cela peut réduire les coûts plutôt que les additionner.

En somme, le ministre de l'Education a fait un tour assez général mais aussi précis de la question que le député de l'Opposition pose et je ne voudrais pas ajouter davantage. Je m'excuse auprès du député de Bourget.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Si vous me permettez en vertu de l'article 270, j'aimerais rétablir des faits pour la bonne compréhension. Je pense que le ministre m'a mal compris.

Quand je parlais du fait qu'il y ait deux entités et que ça posait des problèmes de coordination, ce ne sont pas des problèmes d'ordre technique, de la livraison d'électricité...

M. MASSE (Arthabaska): Vous avez mentionné des coûts additionnels.

M. JORON: Le problème que je visais, ce n'était pas le problème précis et technique de la livraison même de l'électricité et de la coordination des réseaux.

C'est le problème suivant: Si l'Hydro a, dans le reste du territoire, à répondre à une demande X, il ne faudra pas que la filiale à ce moment-là ait généré une capacité de production plus grande que ce que l'Hydro va être capable d'acheter de façon à être prise avec des surplus. En d'autres mots, il faut que la filiale construise sa puissance additionnelle au même rythme que l'augmentation de la demande de l'Hydro, de façon qu'on ne se réveille pas avec une capacité excédentaire qui corresponde à du capital inutilisé. Ce n'était pas le point d'ordre technique.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Depuis la reprise du débat ce matin, nous entendons des interventions sérieuses, étoffées qui font, je crois, avancer le débat. J'en profite pour dire à quel point cela nous change des interventions du ministre responsable...

M. BOURASSA: Allez-vous accepter l'amendement?

M. LAURIN: ... qui jusqu'ici a répondu d'une façon...

M. BOURASSA: Ou si vous allez continuer votre obstruction.

M. LAURIN: ... plutôt électoraliste, plutôt partisane, plutôt superficielle à nos interventions. Même je le voyais partir un peu tout à l'heure comme si le débat ne l'intéressait pas. En réalité, je n'ai jamais vu un ministre défendre de cette façon son projet de loi. Je pense que cela dénote le manque de sérieux du ministre ou le mépris qu'il a pour les institutions parlementaires. Je préfère, pour ma part, la façon dont le ministre de l'Education a essayé de répondre aux interventions du député de Gouin et du député de Missisquoi.

M. BOURASSA: L'amendement est dopté?

M. LAURIN: A ce stade du débat, je pense que nous en sommes rendus à la considération des filiales. Hier, nous avons surtout tenté d'étudier les mécanismes de la société mère, c'est-à-dire de la Société de développement de la baie James. Nous avons passé plusieurs heures à parler des mécanismes de coordination au sein de la société mère, afin de s'assurer que le développement des secteurs miniers, forestiers, touristiques, soit intégré, soit coordonné. Les amendements que nous avons présentés n'ont pas été retenus mais nous retenons les assurances morales qui nous ont été données à savoir que la société mère était parfaitement capable d'assurer ce développement intégré, coordonné de toutes les ressources de la région.

Ce matin, c'est aux filiales que nous en sommes rendus. A chacune des filiales, nous devons en examiner le mandat, l'objectif, la spécialité, la spécificité. Nous sommes en train de considérer le mandat de la filiale hydroélectrique. C'est donc du développement hydroélectrique que nous devons parler.

Je pense que c'est au gouvernement de faire le fardeau de la preuve. C'est à lui de nous prouver qu'il est absolument nécessaire, essentiel de créer une filiale où l'Hydro-Québec aura un rôle majoritaire ou minoritaire mais, de toute façon, une filiale chargée du développement électrique. C'est à lui de nous donner les raisons pour lesquelles il en est venu à cette conclusion et de nous prouver hors de tout doute, pour éclairer les députés de l'Opposition qui représentent ici la population, les raisons absolument probantes qui l'ont fait éliminer tous les autres choix et qui l'ont amené à choisir, entre toutes les solutions possibles, cette solution d'une filiale.

C'est la raison pour laquelle j'ai écouté, avec la plus extrême attention, les plaidoyers du député de Gouin et du député de Missisquoi et surtout la réponse du ministre de la baie James parce que c'est lui qui répond toujours à nos questions. J'ai écouté avec énormément d'intérêt ces réponses et je dois admettre très sincèrement que ces réponses ne m'ont pas convaincu.

M. BOURASSA: Comme d'habitude!

M. LAURIN: Les deux grandes raisons qu'il apporte... encore une fois, M. le Président, j'aimerais qu'on dépouille de toute partisanerie politique ce débat technique et scientifique extrêmement important.

M. BOURASSA: M. le Président, le député se plaint de l'impatience...

M. LAURIN: M. le Président, voulez-vous rappeler le premier ministre à l'ordre? Pendant qu'il n'y était pas...

M. BOURASSA : Le député se plaint de notre impatience, il n'est jamais satisfait.

M. BURNS: Même si c'est le premier ministre, je pense qu'il faut le rappeler à l'ordre, M. le Président.

M. BOURASSA: II n'est jamais satisfait.

M. LAURIN: En un sens, quand il n'y est pas, c'est un grand avantage, parce que l'allure des débats se tient à un niveau beaucoup plus élevé. Malheureusement, quand il y est, il nous répond par des arguments encore une fois pseudo-humoristiques ou superficiels ou encore des arguments d'autorité qui sont enfantins et niaiseux.

M. BOURASSA: C'est ce que vous méritez.

M. LAURIN: Il semble que vous devriez reconnaître les droits des députés des deux côtés de la Chambre. Ce n'est pas parce que quelqu'un est premier ministre qu'il peut s'élever au-dessus des institutions parlementaires.

M. BOURASSA: II n'est jamais satisfait... UNE VOIX: A l'ordre!

M. LAURIN: Je reviens à la réponse du ministre de l'Education, et j'avoue très sincèrement que ses réponses ne m'ont pas convaincu et ne constituent pas cette preuve absolue dont nous avons besoin.

Par exemple, dans sa première réponse, il dit que la formule de la filiale apporte un élément d'intégration, une nouvelle façon d'aborder le problème, une approche multidisciplinaire. Je pense, M. te Président, que cette approche multidisciplinaire, cette approche intégratrice, c'est la société mère qui doit s'en charger. Elle doit s'en charger d'autant plus qu'elle chapeaute toutes les filiales et que, logiquement, comme on l'a dit tout à l'heure, il aurait dû y avoir un représentant de chacune des filiales au conseil d'administration de cette société mère. C'était là la raison pour laquelle nous insistions hier, cet amendement n'a pas été retenu mais on nous a quand même dit hier que cette intégration, cette approche multidisciplinaire existerait au niveau de la société mère. Si elle existe déjà au niveau de la société mère, pourquoi est-il tellement nécessaire de l'assurer au niveau des filiales, qui ont une vocation spécifique, que ce soit le développement hydro-électrique, que ce soit le développement minier, que ce soit le développement forestier et même plus tard que ce soit le développement touristique?

M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'on me permet une question?

M. LAURIN: Oui, bien sûr, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: C'est le même problème que nous avons dans la coopération interministérielle. C'est évident qu'au conseil des ministres il y a plusieurs ministres, tous les 22 ministres, qui se rencontrent à chaque semaine et qu'on peut faire de grands plaidoyers en faveur d'une coopération, d'une concertation dans certains domaines. On retrouve pourtant constamment l'obligation à un niveau beaucoup plus bas de s'assurer que des fonctionnaires d'un ministère et d'un autre ministère se parlent.

On parle des comités interministériels. C'est le même genre de problème lorsque le député dit que parce qu'on a cette intégration à la tête, ce n'est pas nécessaire de l'avoir en bas, je trouve que c'est l'inverse.

Au contraire, c'est en bas, c'est ceux qui sont responsables des opérations souvent très détaillées dans l'orientation des études, c'est là qu'on doit être sensibilisé au fait qu'il y a d'autres critères que ceux de la filiale uniquement, c'est-à-dire la production d'énergie. Et c'est là qu'on doit s'assurer, dans les décisions qui sont prises, dans les échéanciers qui sont approuvés, qu'on tient compte d'autres critères.

Si M. Giroux pouvait parler ici, on pourrait demander objectivement comment à Manic et à Outardes on a tenu compte des problèmes écologiques. Je suis certain que les commissaires voulaient tenir compte des problèmes écologiques mais l'ingénieur qui était sur le chantier n'avait qu'une préoccupation: terminer le barrage, produire de l'électricité. Je ne sais pas quel argument je peux prendre...

M. BOURASSA: Cela ne donne rien, ils ne comprennent rien! C'est de l'obstruction, il n'y a rien à faire.

M. LAURIN: Si on poursuivait votre raisonnement jusqu'à la limite, il faudrait dire, M. le ministre, que n'importe quel projet hydroélectrique demanderait la constitution d'une filiale, puisqu'à chaque fois qu'on construit un barrage, il faut quand même abattre des arbres, il faut quand même peut-être détourner des rivières, construire des digues...

M. BOURASSA : Arrêtez donc de faire des sophismes, c'est un développement pour tout un territoire.

M. LAURIN: ...pour chacun des projets hydro-électriques.

M. VEILLEUX: Ce n'est pas de l'énergie nucléaire, c'est hydro-électrique.

M. LAURIN: M. le Président, il me semble que si on regarde les exemples du passé, que ce soit Bersimis ou Manic, je ne crois pas quand même qu'il y ait eu de tels dommages au point de vue forestier, minier, de tels inconvénients au point de vue minier, forestier et même touristique du fait que l'Hydro-Québec a été le maître d'oeuvre qui a mené le projet jusqu'à son terme. Je pense en tout cas, que les inconvénients résultant de cette subordination, ou de cette association, ou de ce manque de liberté, sont plus grands dans le domaine financier aussi bien que dans les autres domaines de structure ou de fonctionnement que les avantages que votre formule d'intégration prétend proposer.

Encore une fois, par ailleurs, nous avons cette société mère qui chapeautera tous les travaux, qui aura un droit de regard, qui aura un droit de surveillance. Il me semble que ceci pourrait être parfaitement assuré par la société mère. Deuxièmement, le ministre de l'Education nous dit que même en électricité, le mandat de la filiale va dépasser le mandat de l'Hydro.

Par exemple, en ce qui concerne l'exportation de courant électrique. A ce que je sache, M. le Président, l'Hydro-Québec actuellement a passé plusieurs contrats avec d'autres provinces pour l'exportation de l'énergie électrique.

Sa loi constitutive lui en donne les pouvoirs et les moyens. En plus, l'Hydro-Québec possède des équipes qui prospectent les besoins des autres états américains et des autres provinces. Et jusqu'ici, c'est précisément ça qui l'a conduite à passer des ententes avec ces provinces pour l'exportation d'énergie excédentaire.

Je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire de créer une nouvelle société pour ces fins puisque déjà l'Hydro-Québec, aussi bien dans ses structures de par sa loi constitutive qu'en pratique dans les faits, est parfaitement capable d'accomplir ce deuxième mandat dont parle le ministre de l'Education. Donc, je ne vois pas la raison pour laquelle il faudrait créer, encore une fois, une nouvelle filiale pour exécuter ce deuxième mandat dont parle le ministre de l'Education.

Il est midi et demi, M. le Président, je demanderais la suspension de la séance.

M. LE PRESIDENT: La séance du comité est suspendue jusqu'à 2 h 30.

Reprise de la séance à 14 h 30

M. LAVOIE (Laval) (président): A l'ordre, messieurs!

M. HARDY (président du comité plénier): Article 16, adopté sur division.

M. LAURIN: M. le Président...

M. BOURASSA: Une minute de retard et cela y était!

M. LAURIN: Nous n'avons pas quorum, M. le Président. Je vais commencer quand même. M. le Président, lors de mon dialogue avec le ministre de l'Education — le premier vrai dialogue que nous ayons eu — je tentais de prouver...

M. BOURASSA: Ce n'est pas tout à fait vrai!

M. LAURIN: ... que la preuve n'avait pas été donnée qu'il fallait remplacer l'Hydro-Québec aux fins de la réalisation du projet du gouvernement par une filiale où l'Hydro-Québec aurait une participation. J'avais parlé ce matin, avant l'interruption, de l'élément d'intégration qui selon moi me paraissait plutôt être assuré par la société mère que par la filiale. Nous en étions rendus au mandat qui avait été donné à la filiale et qui, selon le ministre de l'Education, dépasse celui que possède actuellement l'Hydro en vertu de sa loi constitutive et qui lui permettrait de faire plus et mieux que ce qu'a pu faire 1'Hydro dans le passé dans les centrales qu'elle a construites. Le ministre de l'Education apportait l'argument de l'exportation de l'énergie électrique.

J'avais commencé à dire qu'il n'était pas nécessaire de créer une filiale pour assumer cette tâche de l'exportation, étant donné qu'en théorie la loi constitutive de l'Hydro lui donne ce droit et que dans les faits elle l'a très souvent exercé. J'en prends à témoin le rapport annuel de l'Hydro-Québec où le président de l'Hydro nous fait part de plusieurs ententes quant à l'exportation de l'énergie excédentaire, ententes qui ont été conclues avec certaines provinces canadiennes et, par le biais, avec certains Etats américains. C'est donc déjà une réponse à l'argumentation du ministre, mais la véritable réponse, je crois, se situe dans le témoignage qui nous a été donné par le président de l'Hydro lui-même lors des réunions de la commission des Richesses naturelles...

M. BOURASSA: M. le Président, puis-je interrompre poliment le député de Bourget? Je le réfère à la déclaration du président de l'Hydro. J'écoutais le député de Bourget dans mon bureau ce matin, qui disait que le président de l'Hydro avait dit qu'il n'était pas question d'exporter l'énergie. Je ne me souviens pas qu'il ait dit une telle chose.

Si nous nous référons à la déclaration initiale, il y est bien dit que cela peut être une possibilité, non une probabilité, mais une possibilité qui peut faciliter le financement. C'est pourquoi je suis obligé de dire bien poliment, au député de Bourget, que ce n'est pas exact ce qu'il vient de dire sur l'exportation.

M. LAURIN : En réponse à ce que vous dites, M. le Premier ministre, je dois dire que — ce que je disais tout à l'heure — rien dans la loi constitutive de l'Hydro-Québec ne lui interdit de conclure des ententes quant à l'exportation de l'énergie électrique, d'abord. Deuxièmement, même si j'admets la possibilité d'une exportation, comme celle que vous avez mentionnée, il reste que d'autres commissaires à qui nous avions posé des questions, et en particulier M. Boyd, nous ont dit que l'énergie électrique produite à la baie James, suffirait à peine aux besoins croissants du Québec. Par exemple, en 1981, toute l'énergie produite à la baie James, c'est-à-dire les 5,400,000 kilowatts des trois rivières inférieures, suffiraient à peine aux besoins du Québec. C'est la raison d'ailleurs pour laquelle il fallait peut-être penser à d'autres projets de centrales ou à développer d'autres rivières.

M. BOURASSA: En 1984, il y aura un déficit de 12 millions de kilowatts.

M. LAURIN: Oui, admettons en 1984. Mais, de toute façon, il n'était pas exagéré de penser que ce que nous produirions comme électricité à la baie James serait à peine suffisant pour nos besoins dans les dix prochaines années, à partir du moment où on en aura besoin. Cette affirmation n'a quand même jamais été démentie, lors des discours de deuxième lecture. C'est une autre des raisons pour lesquelles il nous paraît extrêmement difficile de financer le projet de la baie James, par l'exportation d'énergie électrique, d'autant plus que mon collègue, le député de Gouin, a montré que les profits que l'on peut faire, par rapport aux investissements initiaux, sur la vente d'énergie électrique, sont minimes, par rapport au rendement d'autres investissements. Encore une fois, l'important, c'est surtout que rien dans la loi constitutive de l'Hydro-Québec, n'empêche actuellement l'Hydro de conclure des ententes avec les autres provinces canadiennes et même avec les Etats-Unis pour l'exportation d'énergie électrique. La seule barrière qui existe actuellement, c'est la loi sur l'exportation d'énergie électrique qui, maintenant qu'on a adopté l'amendement à l'article 4, lierait quand même la nouvelle société, comme elle a lié l'Hydro-Québec. Par ailleurs, même si cela était vrai, cela serait loin de compenser pour les inconvénients qu'implique la création d'une nouvelle filiale. Tous les problèmes d'articulation qui vont se poser, entre l'Hydro-Québec et la nouvelle Hydro-James, toutes les tensions, tous

les conflits qui peuvent naître du fait que les responsabilités sont encore mal partagées, qu'il reste enore du flou, de l'incertitude, du vague, dans les réponses qui nous ont été données, du fait qu'il s'agit d'un organisme qui n'existe même pas, qui n'existe actuellement que sur le papier, il va falloir l'installer, l'établir, roder les activités de ces deux sociétés.

On sait à quel point ça peut être difficile lorsque ces deux sociétés sont l'une une société qui existe depuis longtemps, avec son personnel, ses traditions, son règlement, et une autre pour laquelle tout cela n'existe pas encore.

Enfin, mon collègue de Gouin faisait remarquer ce matin à quel point l'insertion, l'existence, la création d'une nouvelle société pouvait rendre plus difficile les problèmes de financement. Voilà précisément le troisième argument que nous apportait le ministre de l'Education ce matin disant qu'au point de vue du financement, il pouvait s'avérer avantageux de créer cette nouvelle société. Il disait au fond, essayant de réfuter les arguments du député de Gouin, que le financement c'est le sérieux des personnes.

Je veux bien croire que le conseil d'administration de cette nouvelle filiale sera composé de personnes sérieuses. Non seulement je veux le croire, mais il le faudrait absolument. Mais il reste que, même si le conseil d'administration de cette nouvelle filiale est composé de personnes très sérieuses, en quoi le caractère sérieux du conseil d'administration de cette nouvelle filiale serait-il supérieur au caractère sérieux du conseil d'administration de l'Hydro-Québec que nous possédons déjà? A sérieux, sérieux et demi, serais-je tenté de répondre!

Si on est obligé de faire confiance au gouvernement, en pensant qu'il nommera des gens sérieux, nous connaissons les administrateurs actuels de l'Hydro, les commissaires actuels et nous savons que ce sont des personnes sérieuses, nous savons que c'est à cause peut-être de ces personnes-là que la crédibilité de l'Hydro sur les marchés financiers est actuellement excellente. Je me demande donc ce que la nouvelle société, même sur cet argument du sérieux du conseil d'administration, peut apporter de nouveau et peut même apporter quelque chose de supérieur à ce qui existe déjà.

Donc, c'est un argument du ministre de l'Education qui ne me paraît pas devoir être retenu. Un autre argument du ministre de l'Education ce matin disait qu'au fond ce qui facilite le financement, c'est le sérieux, non seulement du conseil d'administration, mais le sérieux des études de rentabilité. Précisément, les études de rentabilité effectuées jusqu'ici sont peut-être sérieuses, mais justement elles ne sont pas complètes et ça aux dires même du ministre des Richesses naturelles, aux dires même du ministre de l'Education, aux dires même des commissaires de l'Hydro-Québec. C'est tellement vrai qu'elles ne sont pas complétées que le ministre nous dit qu'elles se poursuivent actuellement aussi bien au nord qu'au sud et que ce n'est qu'à l'automne qu'on pourra prendre une décision sur la possibilité de commencer le harnachement par les rivières du nord ou par la rivière du sud.

Comment voulez-vous que des investisseurs, des financiers puissent s'engager alors même que les études de rentabilité ne sont pas terminées? Pour terminer, M. le ministre de l'Education, nous savons également que, pour que ces études de rentabilité soient véritablement assez avancées pour permettre de prendre une décision, il faut qu'elles soient faites non pas comme elles ont été faites jusqu'ici seulement sur une distance de dix pieds mais aux douze pouces. Ceci peut changer beaucoup la rentabilité du projet, parce qu'il s'agit d'un très vaste territoire et que la moindre erreur peut amener des coûts de production beaucoup plus élevés que ceux que nous avons prévus jusqu'ici. Etant donné que ces études de rentabilité ne sont pas encore complétées, il est bien difficile pour des investisseurs de se faire une idée.

Par ailleurs, même si elles étaient complétées, en quoi cela changerait-il la nécessité ou non de créer une nouvelle société? Une fois les études de rentabilité complétées, les commissaires de PHydro-Québec peuvent en tirer les conclusions qui s'imposent aussi bien que le conseil d'administration de la nouvelle société. Je ne vois pas comment on peut tirer partie de cet argument pour la nécessité de créer une nouvelle filiale, puisque les commissaires de PHydro-Québec sont aussi bien habilités à tirer les conclusions de ces études de rentabilité qu'un nouveau conseil d'administration qu'on ne connaît pas encore, qui sera peut-être constitué de personnes sérieuses, mais qui ne seront peut-être pas habituées à étudier des rapports de rentabilité sur des projets hydroélectrique autant que les commissaires actuels de l'Hydro-Québec.

Cela ne semble donc pas un argument, encore une fois, duquel on doit conclure nécessairement à la création d'une nouvelle société. Enfin, le ministre de l'Education a apporté un argument ce matin. Il dit: "Avec $83 millions...

M. BOURASSA: Est-ce qu'il y en a un de bon dans ces arguments?

M. LAURIN: C'est simplement pour finir le financement, et après ça il pourra me répondre.

M. BOURASSA: Est-ce qu'il y en a un de bon dans ces arguments? Est-ce que parmi les arguments apportés par le ministre de l'Education, le ministre des Richesses naturelles, le chef du gouvernement, il y en a un qui est bon?

M. LAURIN: Pour la création d'une nouvelle société — vous verrez — je n'ai pas fini mon argumentation.

Enfin, un dernier argument qu'apportait le ministre de l'Education ce matin, c'est l'exemple de Brinco. Il nous disait qu'avec $83 millions de capitalisation, on avait été capable d'aller chercher un capital d'investissement de $900 millions.

Mais, il faut bien se rappeler, M. le Président, des circonstances dans lesquelles cet investissement a été possible. C'est précisément parce que l'Hydro-Québec a pu participer de très près aux travaux et a donné sa garantie — autant comme client que comme garant de la dette — que le capital a pu être trouvé.

Et on sait à quel point il a pris du temps pour le trouver, à quel point le syndicat de courtiers qui a négocié cet accord a dû faire de démarches, a éprouvé des difficultés dans le financement du projet. Cela a pris un an et demi ou deux ans, alors qu'on avait un projet très bien assis financièrement, techniquement, dont les études avaient été complétées par comparaison avec ce projet qui est devant nous dont les études ne sont même pas terminées, dont on ne sait pas par où on va commencer et dont l'investissement est de très loin supérieur.

Je ne vois pas comment l'argument de Brinco peut nous faire conclure d'une façon absolument absolue et nécessaire à la nécessité de créer une nouvelle filiale.

Le ministre de l'Education a également utilisé un autre argument. Il a dit: Nous voulons intéresser le grand public québécois au financement de cette nouvelle société en faisant une société par capital-actions et afin de pouvoir intéresser l'ensemble des Québécois. Je rappelle au ministre de l'Education, au sujet de l'exemple qu'il nous a apporté ce matin lorsqu'il disait que les campagnes d'obligations que le gouvernement a lancées sur le marché ont rapporté un succès inespéré, que je suis bien d'accord avec lui — et je m'en réjouis également — mais qu'il y y a une très grande différence entre l'achat par les Québécois d'une obligation qui rapporte 8 p.c. d'intérêt d'une façon sûre, d'une façon garantie...

M. JORON: Et qui est encaissable en tout temps.

M. LAURIN: ... et qui est encaissable en tout temps, et l'achat d'une action garantissant les progrès d'une compagnie que nous ne connaissons pas encore, qui n'a pas encore commencé ses travaux et où le risque corres-pond/ équivaut, à un véritable pari. Nous savons à quel point le capital-actions de diverses sociétés minières a été difficilement souscrit, à quel point il comportait une très grande part de risques, à quel point les pertes encourues par des citoyens québécois ont été énormes, certains y ont englouti leur fortune. Il y a une grande différence à acheter du capital-actions d'une compagnie qui n'existe pas encore et des obligations garanties par le gouvernement du Québec. Je ne pense pas du tout qu'on puisse faire un parallèle, il s'agit de deux choses absolument différentes. A cause de cela, on ne saurait donc conclure, parce que l'on veut intéresser des Québécois au capital-actions de la société, que cet avantage soit tel qu'il faille pour cela créer une nouvelle société. Ceci est d'autant plus vrai que, comme le projet de loi nous le dit, on n'a laissé que 10 p.c. du capital-actions pour l'ensemble des citoyens québécois, par le gouvernement ayant souscrit l'essentiel, la plus grande partie par l'intermédiaire de la nouvelle société et l'Hydro-Québec le reste. C'est un avantage très minime qui ne nous paraît pas compenser les inconvénients que nous avons signalés. Le ministre de l'Education appelle M. Ryan à sa rescousse.

Enfin, il dit qu'il faut pouvoir intéresser l'entreprise privée à ce gigantesque développement de la baie James. Je suis peut-être d'accord avec M. Ryan autant qu'avec le ministre de l'Education, surtout lorsqu'il y a lieu de penser au développement des mines, des forêts, du pétrole et surtout au développement du tourisme.

Mais en ce qui concerne l'électricité, M. le Président, j'ai l'impression que c'est faire un retour en arrière. Depuis 1960, l'électricité est développée au Québec par une société d'Etat, qui a fait des projets gigantesques, qui a acquis une grande expertise dans ce domaine, qui a acquis une grande expérience. Ce serait un retour en arrière, par le biais de cette filiale, que d'intéresser à nouveau l'entreprise privée au développement de l'hydro-électricité.

C'est une période qui est maintenant dépassée. Peut-être qu'un peu plus tard, d'autres solutions pourront être envisagées, mais pour le moment, on ne saurait défaire après dix ans à peine, les impératifs qui ont conduit au regroupement de toutes nos petites compagnies d'électricité. Personnellement, je ne pense pas, M. le Président, que le temps soit venu de mettre la hache dans cette concentration de harnachement des pouvoirs hydro-électriques au sein d'une seule société.

Je crois même que ce serait aller contre le progrès et je pense que ce serait aller contre l'intérêt économique bien compris du Québec. Enfin, le ministre de l'Education disait que peut-être la création de cette nouvelle filiale aura pour mérite de libérer la commission hydro-électrique du Québec, l'Hydro-Québec, pour d'autres tâches, par exemple la préparation de projets d'autres centrales, pour ce qui reste de rivières, par exemple la Rivière Moisie, la rivière Chamouchouane peut-être Lower Churchill Falls, la réserve pompée de Saint-Joachim, peut-être la rivière Mimiscouona et aussi...

M. BOURASSA: Saint-Maurice.

M. LAURIN: ... Saint-Maurice, le bas Saint-Maurice, le haut Saint-Maurice, la Péribonka. Le ministre de l'Education ajoutait aussi pour permettre à l'Hydro-Québec de se recycler, de

préparer de nouveaux projets d'ordre thermique ou d'ordre nucléaire. Mais il me semble, M. le Président, qu'il ressort très clairement des témoignages entendus lors de la commission parlementaire que l'Hydro-Québec a atteint un tel stade de développement, surtout depuis dix ans, qu'elle est parfaitement capable de mener de front toutes ces activités. Elle est aussi bien capable d'entreprendre de grands travaux comme ceux de Manic 5 ou même ceux de la baie James, et en même temps, continuer la prospection des autres rivières, les études de rentabilité de ces autres rivières et troisièmement, de se préparer à entreprendre des projets d'ordre thermique et nucléaire.

C'est tellement vrai, M. le Président, que déjà l'Hydro-Québec a construit une première centrale thermique à Tracy et qu'elle serait prête à en construire d'autres. Ce n'est pas le "know-how" qui manque. La question qui se pose est simplement celle de l'opportunité de mener cette construction actuellement. Déjà, l'Hydro-Québec a construit, avec la collaboration de l'Energie atomique du Canada, une centrale nucléaire à Gentilly. Ce qui montre déjà qu'elle est parfaitement en mesure de mener de front les études sur toutes les modalités de production d'énergie électrique et, deuxièmement, de mener de front tous les projets de centrales aussi bien hydro-électriques que thermiques ou nucléaires.

Je ne vois pas qu'il soit nécessaire de créer une autre société pour permettre au personnel actuel de l'Hydro-Québec, à son personnel scientifique, de se recycler. Déjà, il a les connaissances; déjà, il a prouvé qu'il peut mener à bien des entreprises qui peuvent actualiser ses connaissances. Je ne vois pas pourquoi on utiliserait cela comme un argument pour conclure à la nécessité de créer une autre société pour permettre, pour ainsi dire, à l'Hydro de se reposer, pour permettre à l'Hydro de s'orienter dans une nouvelle direction.

Je vois le danger, au contraire, que si on crée cette nouvelle société on va être obligé de mettre sur les tablettes du personnel de l'Hydro, des études déjà faites par l'Hydro et qu'on va assister plutôt à une hémorragie de ce personnel, à une dégradation du moral des employés actuels de la compagnie, de son personnel scientifique, à une sorte d'hémorragie, donc, de personnel aussi bien qu'à une déperdition de moral. Et je pense que ce serait rendre un très mauvais service à l'Hydro, en créant cette filiale, que de l'amener dans cette direction qui est régressive, qui est négative par rapport à l'élan dynamique qui a été le sien depuis une dizaine d'années.

Donc, loin d'être un argument, cette représentation du ministre de l'Education m'apparaît plutôt devoir être retournée contre le projet qu'il veut bien proposer et être plutôt une des raisons pour lesquelles il ne faudrait pas créer cette nouvelle filiale.

Enfin, le ministre de l'Education invoque un dernier argument. Selon lui, la création de cette nouvelle filiale permettrait plus facilement de donner des contrats de sous-traitance à l'entreprise privée pour des travaux qui pourraient dépasser, par leur ampleur, les exigences du personnel actuel.

Je suis bien d'accord avec lui que le projet de la baie James sera très ample, étant donné qu'il s'agit de créer 5 millions de kilowatts dans une première tranche et peut-être 10 millions dans une deuxième. Je suis bien d'accord avec lui qu'il faudra peut-être donner des contrats de sous-traitance à plusieurs compagnies privées. D'ailleurs, il en avait déjà été question lorsque l'Hydro-Québec a entrepris Manic 3. Justement, je ne crois pas que cet argument soit une raison pour créer une nouvelle filiale.

Qu'est-ce qui, dans la loi constitutive actuelle de l'Hydro, empêche l'Hydro-Québec de donner des contrats de sous-traitance si elle estime qu'elle n'a pas le personnel voulu ou qu'elle n'a pas le temps voulu pour mener à bien dans les délais prévus les tâches qu'elle s'est imposée? Absolument rien. L'Hydro-Québec possède actuellement tous les droits et l'intelligence aussi pour faire exactement ce que le ministre de l'Education préconise. L'Hydro-Québec possède actuellement tous les droits pour donner le nombre qu'elle voudra de contrats de sous-traitance au cas où la nécessité s'en ferait sentir. Donc, ce n'est pas un argument, M. le Président.

Il faut dire en conclusion que la preuve que devait fournir le gouvernement de la nécessité de la création de cette nouvelle filiale n'a pas été donnée. Le gouvernement n'a pas encore justifié à nos yeux la nécessité de la création de cette filiale. L'Hydro-Québec, nous l'avons prouvé, avec tous les moyens qu'elle possède actuellement, son expérience, sa crédibilité, possède tous les moyens qu'il faut pour créer ce grand complexe hydro-électrique qui est inclus dans le projet de la société de la baie James.

Pour nous, M. le Président, c'est un facteur de sécurité que ce soit l'Hydro qui construise à tous les stades ce grand projet électrique, c'est-à-dire que ce soit l'Hydro qui en fasse la conception, que ce soit l'Hydro qui prenne les décisions nécessaires quant au rythme des travaux, que ce soit l'Hydro qui soit l'agent décisionnel en toutes circonstances, que ce soit l'Hydro, qui avec son personnel ou avec ses sous-traitants, exécute les travaux, que ce soit l'Hydro enfin qui surveille les travaux. Ceci est pour nous une garantie de sécurité.

Le ministre de l'Education a dit ce matin que l'Hydro serait un client, simplement un client, c'est sûrement cela qui nous inquiète. L'Hydro serait un client, mais nous voudrions que même de préférence...

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse. Est-ce que le député...

M. LAURIN: J'ai presque terminé.

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas cela que

j'ai dit. J'ai dit qu'on avait une alternative, ou bien la société est un client averti ou bien la société est à la fois responsable de la gestion et de la planification.

M. LAURIN: Bon, d'accord! Mais j'aime mieux dans ce nouveau complexe, dans cette nouvelle société de la baie James, que l'Hydro ne fonctionne pas comme client, mais qu'elle fonctionne comme agent décisionnel, comme agent concepteur, comme exécutant des travaux. Ceci pour le Québec constituera une garantie bien plus sûre, bien plus forte que cette nouvelle filiale qui va surgir du sol et à laquelle on nous demande de faire confiance de façon absolue avant même qu'elle n'ait donné justement les garanties de son bon fonctionnement. Cette garantie, pour nous, nous apparaît absolument nécessaire surtout quand on pense que le projet aura une telle ampleur.

Ces arguments, M. le Président, nous les répétons depuis longtemps. Peut-être que le gouvernement en est excédé. Je connais une femme de la mythologie qui a répété comme cela constamment les mêmes vérités. Elle habitait une certaine ville qu'on nommait Troie et elle avertissait les Troyens de la puissance grandissante des Grecs, du danger que les Grecs constituaient pour les Troyens. Elle a perdu énormément d'heures à inciter les Troyens à préparer leur défense, mais les Troyens n'ont pas voulu écouter Cassandre et un jour les Grecs sont arrivés et se sont emparés de Troie. Si le gouvernement ne veut pas écouter les conseils que nous lui donnons, les vérités auxquelles il n'a pas apporté de réponse, si le gouvernement ne veut pas écouter cette voix que nous estimons être celle du bon sens, il s'en mordra les pouces et toute la population du Québec avec lui.

Ceci est pour nous bien plus important que tous ces arguments démagogiques que nous apportait le premier ministre ce matin, quand il disait que nous perdrions nos élections, si nous osions nous opposer à son grand projet collectif. Pour nous, M. le Président, quand nous sommes ici, ce ne sont pas les prochaines luttes électorales qui nous préoccupent. Ce qui nous préoccupe, c'est l'intérêt bien senti de la population québécoise. Rien de ce que le premier ministre pourra nous dire ne nous empêchera de dire ce que nous croyons être la vérité, même dût-on pour cela perdre nos comtés. M. le Président.

M. BOURASSA: M. le Président, le député de Bourget vient d'admettre lui-même qu'il répétait et répétait et répétait toujours les mêmes arguments. C'est son droit. Ce que je lui dis, c'est que nous, nous ne répéterons pas ce que nous avons dit, ce que j'ai dit à plusieurs reprises, ce qui a été dit à la commission des Richesses naturelles, ce que le ministre des Richesses naturelles a dit, ce que le ministre de l'Education a dit de nouveau, ce matin. Nous n'avons pas l'intention de répéter toujours les mêmes arguments, comme le fait le Parti québécois...

M. LAURIN: Essayez donc plutôt de répondre à nos arguments.

M. BOURASSA: ... mais je demanderais au ministre des Affaires culturelles d'ajouter quelques mots.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La majorité silencieuse !

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, je n'ai pas voulu intervenir dans ce débat jusqu'ici. Ce n'est pas que j'entretienne le moindre doute à propos de ce projet de loi. C'est que je n'ai pas voulu alourdir des discussions qui trop souvent m'ont paru larmoyantes et oiseuses. A plusieurs reprises, pour ne rien vous cacher, j'ai eu la tentation de me lever, en particulier lorsque j'ai assisté à la première tentative d'obstruction — je dis la première, parce qu'il y en a eu plusieurs — du Parti québécois. Le coup de la révocation de l'ordre du jour n'est pas près de me sortir de l'esprit. Je dois dire que j'ai assisté en spectateur qui n'avait guère d'illusions, mais qui aurait perdu les dernières qui lui restaient, s'il en avait eu, à des procédés qui visent indiscutablement à dégrader le parlementarisme.

Je comprends parfaitement bien que l'on puisse invoquer l'intérêt public et faire une obstruction basée sur des arguments — je dis même une obstruction — dans la mesure où il s'agit d'une opposition positive. Mais je comprends mal que cette obstruction soit utilisée à des fins purement électorales. Je sais, M. le Président, que l'esprit de nos règlements, — règlements fort sages, que j'apprécie chaque jour, en particulier lorsque le député de Maskinongé nous a fait de brillantes démonstrations — je sais, dis-je, que l'esprit de nos règlements m'interdit de revenir sur les débats de deuxième lecture. Je le déplore, car j'aurais pu, à ce moment-là, citer certains propos du député de Lafontaine, qui essayait de nous faire prendre pour des sardines les saumons de la baie James. J'aurais pu également citer le député de Saint-Jacques, alors qu'il nous parlait du projet Apollo, précisément pour nous démontrer que le projet de loi de la baie James manquait de préparation, alors que, par définition même, le projet Apollo était caractérisé par un objectif et que c'est en cours de route, comme il arrive toujours pour des projets de cette envergure, que l'on a pu en définir les modalités.

M. le Président, puisque mon intervention se situe dans le cadre de l'article 16, je voudrais revenir sur certains des propos du député de Bourget. En effet, lorsque celui-ci essaie de définir le rôle de l'Hydro-Québec, il semble oublier deux choses. La première chose, c'est qu'il est tout à fait normal, en saine gestion, de

diversifier les structures et les organismes. Dans l'industrie privée, il n'est pas rare de voir une entreprise qui, sous forme de "holding", contrôle un bon nombre d'autres entreprises qui ont à oeuvrer dans des secteurs différents. Il n'y a par conséquent rien d'immoral et de maladroit dans cette façon de faire. Je voudrais aller plus loin, M. le Président, en essayant justement d'élargir le débat à un niveau que je qualifierais de philosophique. Il y a dans ce projet de loi une véritable structure basée sur une approche globale d'un problème. Il me paraît impensable, compte tenu de la lourdeur administrative des gouvernements modernes, que l'on puisse réaliser un projet aussi important que celui de la baie James si on ne fait pas appel à une structure d'entreprise publique.

Et, c'est de cela précisément qu'il s'agit.

Puis-je me permettre, M. le Président, de vous donner un exemple qui implique mon ministère, parce qu'en effet le ministère des Affaires culturelles n'est pas, quoi qu'on puisse croire, un ministère marginal. C'est un ministère qui touche à tous les secteurs du gouvernement. Ce n'est pas par hasard d'ailleurs que son ministre actuel tente d'intervenir dans tous les débats.

Vous n'ignorez pas que les projets d'aménagement hydro-électrique détruisent très souvent les vestiges archéologiques qui sont nombreux dans notre pays. La raison en est que la plupart des peuplements humains se sont faits le long des cours d'eau et que tous les projets au Canada — je ne pense pas seulement aux projets du Québec — dans ce secteur se sont faits sans étude préalable, sans étude préliminaire.

Or, nous avons toutes les raisons de croire que la région de la baie James a été une région de peuplement, et il est nécessaire, non seulement pour des raisons historiques, mais également pour des raisons qui ont trait à la conservation du patrimoine québécois, que l'on soit fixé, dans la limite du raisonnable, sur les vestiges qui pourraient être récupérés. Le ministère des Affaires culturelles a déjà entrepris certains travaux préliminaires, mais il lui serait impossible d'aller plus avant, compte tenu du grand nombre de juridictions impliquées, s'il n'y avait pas un organisme de gestion basé sur cette approche globale à laquelle je faisais allusion et qui pourrait justement coordonner les très nombreuses et très complexes opérations qu'un tel projet suppose.

Il en va de même dans le domaine ethnologique. On n'a peut-être pas suffisamment parlé — je sais que le député de Montcalm y a fait allusion — des populations amérindiennes qui seront impliquées par ce projet. Et à ce propos, s'il m'était donné de revenir sur le débat de deuxième lecture — et je ne me permettrais pas de le faire à cause de l'esprit de nos règlements — je reviendrais sur les propos curieux du député de Lafontaine, qui puisait son information dans la revue L'Express. Je dois dire, d'ailleurs, que je m'inquiète de plus en plus de voir les recherchistes du PQ faire appel aux magazines pour se documenter. L'Express est un magazine qui ne présente peut-être pas tellement d'intérêt, mais qui de toute façon est extrêmement discutable sur le plan scientifique. Le député de Lafontaine parlait du barrage d'Assouan et il faisait allusion aux bouleversements — et c'est là qu'il a introduit le coup de la sardine à laquelle je faisais allusion — aux grands bouleversements qu'apporte un tel pro-jet.

C'est justement à cause de l'existence de ces bouleversements qu'il convient d'adopter cette approche globale qui ne peut être assise que sur une structure de l'ordre de celle que nous préconisons. D'ailleurs, il se trouve, alors que j'étais fonctionnaire international, que j'ai eu l'occasion d'être consulté en rapport avec le barrage d'Assouan.

J'ai visité à cette époque le Haut-Soudan qui connaissait des problèmes considérables de déplacement de population. Il s'agissait de déplacer plusieurs centaines de milliers d'autochtones, leur territoire devant être inondé. Et c'est là que j'ai pu prendre conscience de la complexité des problèmes sous-jacents à tout projet de cette envergure.

C'est là que j'ai pu me convaincre — si j'avais eu besoin de le faire — de la nécessité de faire appel à une structure de gestion. Je m'interromps. Je vous ai simplement proposé quelques réflexions en vrac dans l'espoir d'apporter un élément positif à ce débat qui s'éternise et qui, je l'espère, se terminera bientôt.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président,...

M. BOURASSA: Adopté?

M. ROY (Beauce): Quelques mots seulement. Nous ne voulons pas prolonger le débat, mais je pense que nous devons faire connaître notre point de vue concernant cet article.

Si on veut continuer dans le sens de l'amendement qui a été présenté par le Parti québécois qui stipule que tous les travaux et la transmission seront effectués par l'Hydro, je dirai que cet amendement va à l'encontre de nos exigences. Pourquoi? Nous l'avons dit lors de l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture. Nous voulons que cet organisme et que toutes les structures administratives du développement de la baie James soient responsables devant le Parlement. Il n'y a pas seulement les députés de notre groupement politique qui en ont fait part. J'ai entendu des représentations faites par les députés de l'Union Nationale. Ils ont exigé que les structures administratives du développement de la baie James soient responsables devant le Parlement.

A l'article 16, on parle de constituer la filiale qui verrait à la production de l'énergie hydroélectrique. Il est entendu que lorsque l'article 16 a été rédigé et présenté tel quel dans le

projet de loi, nous ne pouvions l'accepter. Suite à l'amendement qui nous a été présenté par le premier ministre qui stipule que l'Hydro-Québec devra détenir au moins la majorité des actions comportant un droit de vote en toute circonstance et que cette majorité soit détenue par l'Hydro-Québec, en plus que 40 p.c. seront détenues par la société, cela veut dire, si nous avons bien compris, que l'Hydro-Québec a en quelque sorte la responsabilité, à l'intérieur de cette structure administrative, de prendre les décisions mais à l'intérieur de cette structure, cette filiale qui elle est responsable à la grande société de développement de la baie James qui elle est responsable devant le Parlement.

Je m'explique difficilement ce long débat qui ne fait qu'accorder ce que les membres de la Chambre avaient demandé, à savoir que ce soit l'Hydro qui soit responsable d'assurer le développement des richesses hydro-électriques même si, du fait qu'elle est majoritaire dans une filiale, cela nous donne une garantie. Cette filiale nous permet d'être assurés que celle-ci sera responsable devant le Parlement.

Assurer, accorder à l'Hydro-Québec l'exclusivité à l'intérieur des structures actuelles de l'aménagement et du développement de ces ressources hydro-électriques équivaut en quelque sorte à lui donner une puissance telle qu'elle pourrait devenir un Etat dans l'Etat. Dieu sait si, à l'heure actuelle — et nous avons pu nous en rendre compte — l'Hydro n'est pas responsable devant le Parlement mais responsable devant la commission parlementaire.

Devant des projets d'aussi grande envergure, devant des projets d'aussi grande importance pour l'avenir économique du Québec, je pense que les amendements proposés par le premier ministre nous semblent tout à fait acceptables parce qu'ils rencontrent les deux exigences que nous avions demandées.

Sur ce point, nous disons que nous ne pouvons pas accepter l'amendement proposé par le Parti québécois parce qu'il va à l'encontre d'une première exigence qu'ils ont, eux aussi, formulée selon laquelle la société serait responsable devant le Parlement du Québec. On demande aussi que les filiales ne soient pas responsables devant le Parlement.

C'est à n'y rien comprendre. Je ne voudrais pas interpréter les paroles de mes collègues. En ce qui nous concerne, nous ne prolongerons pas le débat. Je veux que notre position sur ce point soit très bien comprise. Il ne s'agit pas pour nous d'appuyer le gouvernement. Il s'agit d'appuyer des dispositions dans le projet de loi qui nous donnent satisfaction en ce qui a trait aux exigences que nous avons faites.

Je voudrais également dire quelques mots à propos du financement...

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que le député de Beauce me permet une question?

M. ROY (Beauce): Oui.

M. CHARRON: Dans l'argumentation qu'il vient de faire valoir pour réfuter l'argument du député de Gouin, est-ce que, selon lui, je dois comprendre que l'Hydro-Québec n'est pas responsable devant le Parlement du Québec?

M. ROY (Beauce): L'Hydro-Québec n'est pas responsable directement devant le Parlement du Québec. L'Hydro-Québec est responsable devant la commission parlementaire seulement. Si je n'ai pas raison, qu'on me le dise.

M. CHARRON: Comment pensez-vous que la société est responsable?

M. ROY (Beauce): La filiale va être responsable à la société de développement de la baie James. Les articles 33 et 34 tels que proposés dans les amendements qu'on nous a fournis, nous donnent cette garantie que la société de développement de la baie James va être responsable devant le Parlement.

M. CHARRON: Où est la différence dans notre argumentation quand on demandait qu'elle soit responsable?

M. ROY (Beauce): M. le Président... M. JORON: C'est y assez fort!

M. CHARRON: Faites-moi un dessin parce que je ne comprends pas!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, justement pour conclure ce premier point, on nous dit à l'article 33 — et je ne serais pas censé le citer, les règlements ne le permettent pas — dans les amendements que le premier ministre nous a fait parvenir: Ajouter à la fin de l'alinéa suivant l'article 33 — pour éclairer le député de Saint-Jacques — : La société doit fournir au premier ministre ou à tout autre ministre désigné par lui tout renseignement qu'il requiert pour ses opérations, Or, ceci nous permettra de questionner le premier ministre en Chambre; ceci nous permettra aussi de questionner le ministre qui pourra être désigné par lui sur les opérations et sur le fonctionnement de cette société de développement.

M. CHARRON: L'Hydro-Québec aussi? Pensez-vous qu'on n'a pas le droit de le faire pour l'Hydro-Québec actuellement?

M. ROY (Beauce): M. le Président, est-ce que je pourrais avoir la parole, s'il vous plaît?

M. CHARRON: Mais oui, mais, bon Dieu; vous ne comprenez même pas l'esprit de l'Hydro-Québec.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. SAMSON: J'invoque le règlement. Le député de Saint-Jacques vient de prononcer une parole antiparlementaire.

M. LE PRESIDENT: Laquelle?

M. SAMSON: M. le Président, demandez-lui de vous la répéter. Je n'oserai même pas le faire.

M. CHARRON: J'ai dit textuellement, M. le Président: "Bon Dieu! vous ne comprenez pas l'esprit de l'Hydro-Québec."

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: II a appelé le Bon Dieu...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Beauce.

M. ROY(Beauce): M. le Président, je n'ai pas compris les paroles que vient de prononcer le député de Saint-Jacques mais disons que je n'y attache aucune importance.

Il y a aussi le financement de cette société. Nous avons fait certaines remarques, nous avons formulé certaines exigences lors de l'étude de ce projet de loi et j'aimerais y revenir, étant donné que l'article 16 s'y prête parce que la constitution de cette filiale devra tout de même avoir des sources de financement. Or, dans le contexte actuel, dans le système actuel, il y a trois sources de financement possibles pour cette filiale. Il y a d'abord le marché d'épargne le marché québécois. Cette filiale pourra émettre des obligations sur le marché du Québec pour être en mesure d'avoir les capitaux nécessaires pour effectuer la construction des barrages et des lignes de transmission, mais comme nous savons que le marché de l'épargne au Québec est actuellement limité, nous savons aussi que cette société devra aller également sur le marché canadien, et comme le marché canadien est actuellement limité, je pense qu'on peut se poser une question: Est-ce que le fait d'aller emprunter les épargnes, d'aller emprunter des capitaux dans nos institutions financières du Québec va justement...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL : M. le Président, sur un point de règlement, je ne voudrais en aucune façon être désagréable à mon honorable et bon ami le député de Beauce, mais je me demande si ces remarques ne devraient pas être réservées à l'occasion de l'étude des articles 24 et 25, alors que nous parlerons du financement.

M. LE PRESIDENT: En effet, je pense que les remarques de l'honorable député de Maskinongé sont fondées; je pense aussi que les propos très intéressants que tient présentement le député de Beauce devraient être tenus au moment où nous étudierons les articles 24 et suivants.

M. ROY (Beauce): Je vous remercie, M. le Président. Si j'avais abordé cet article, c'est parce que j'avais entendu tout à l'heure l'honorable député de Bourget parler pendant au moins quinze minutes du financement de cette société. C'est la raison pour laquelle je voulais apporter quelques précisions pour faire valoir notre point de vue à ce sujet.

Je reviendrai sur ces articles, mais je demanderai tout de même, au gouvernement, du fait que justement ça touche cette société qui sera constituée, de bien analyser les conséquences de sa politique financière concernant le financement de cette société, parce que ceci va avoir certainement beaucoup d'implications sur tout le développement du Québec.

Je termine là-dessus mes observations. Pour ce qui a trait au financement, j'y reviendrai tout à l'heure, mais je tiens à assurer le gouvernement et à l'avertir, le mettre en garde que, sur ce côté nous aurons l'oeil ouvert. Je puis l'assurer à l'avance que nous ne lâcherons pas, parce que nous voulons que cette société joue son rôle mais que cette société, tout en jouant son rôle, ne vienne pas en quelque sorte canaliser tout ce dont nous avons besoin de capitaux au Québec et paralyser l'économie du Québec dans d'autres secteurs.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, juste une brève observation à la suite de l'intervention du ministre des Affaires culturelles. En l'entendant tout à l'heure, j'avais envie de lui dire, reprenant une phrase célèbre: François, je vous ai compris!

J'étais très heureux de l'entendre nous dire qu'il avait pris toute précaution afin que soient préservées les richesses archéologiques et qu'il soit tenu compte des implications ethnologiques et anthropologiques que comporte ce projet de loi.

Je me suis toutefois posé la question, M. le Président, à la suite de toutes les interventions que nous avons entendues, à savoir si l'intervention du ministre des Richesses naturelles était pertinente à ce stade-ci du débat, du fait qu'à l'article 4 le premier ministre a accepté l'amendement que j'avais proposé hier à l'effet que la société devait être soumise à toutes les lois du Québec.

C'est un amendement que j'ai fait moi-même, et j'ai été surpris hier soir d'entendre le chef du Parti québécois déclarer à la radio que son parti avait présenté cet amendement. Je profite de cette occasion pour indiquer que c'est moi qui en avais pris l'initiative et qu'à l'article 5 le député de Bourget, devant l'hésita-

tion du gouvernement, avait suggéré le même amendement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre des Finances ou au premier ministre. Peut-être que d'autres pourront me répondre...

UNE VOIX: Posez-la au ministre des Richesses naturelles.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai relu l'article 16 amendé par le gouvernement. A la fin du premier paragraphe, on dit ceci: Dont au moins la majorité des actions comportant un droit de vote en toute circonstance seront détenues par l'Hydro-Québec et dont au plus 40 p.c. seront détenues par la société. Ma question est celle-ci: Est-ce que j'interprète bien cet article 16 en disant qu'il se pourrait que l'Hydro-Québec détienne 99 p.c. des actions comportant un droit de vote en toute circonstance et que l'autre partenaire ne pourrait détenir que 1 p.c. des actions de la société, étant de cette façon actionnaire dans la filiale?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai répondu hier à cette question — j'ai entendu le début de l'exposé à mon bureau — disant qu'il était possible qu'en raison de la souscription d'actions nécessaires pour certains projets le gouvernement décide, d'accord avec la société, que celle-ci aurait un pourcentage d'actions inférieur à 40 p.c. alors que l'Hydro en aurait un pourcentage supérieur à 51 p.c. C'est pourquoi nous avons mis un minimum de 51 p.c. et un maximum de 40 p.c.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je pose de nouveau ma question. Théoriquement, est-ce qu'il se pourrait que l'Hydro ait 99 p.c. et que l'autre partenaire n'ait que 1 p.c. des actions?

M. BOURASSA: Peut-être que l'article est rédigé pour que ce soit théoriquement possible, mais en pratique, c'est...

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne pose pas la question sur ce qui se passe en pratique, on verra par la suite, suivant les explications données par le premier ministre. Cela voudrait donc dire que théoriquement, l'Hydro-Québec pourrait être actionnaire presque à 100 p.c?

M. BOURASSA: Cela dépend du financement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Cela dépend du financement.

M. BOURASSA: Cela dépend du financement, de la souscription des actions et de ce que les règlements vont décider, qui seront approuvés par le conseil des ministres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une autre question, M. le Président, qui pourra jeter un nouvel éclairage sur le débat. Est-ce qu'il se pourrait que les deux représentants, les deux membres au conseil d'administration de cette filiale soient également des membres de la société mère? La question vaut pour les autres filiales aussi.

M. BOURASSA: La loi le permet, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Article 16, adopté? M. JORON: Pardon?

M. LE PRESIDENT: Article 16, adopté sur division?

M. JORON: Je vous rappelle, M. le Président, en faisant un point d'ordre, que nous discutons actuellement le sous-amendement que j'ai présenté ce matin.

M. LE PRESIDENT: Oui, j'avais compris qu'il était rejeté.

M. JORON: Non, le comité n'en a toujours pas disposé et nous avons d'autres interventions à faire sur ce sujet.

M. BOURASSA: Le comité est prêt à disposer des amendements que vous avez à proposer.

M. CHARRON: Non.

M. BOURASSA: Le député de Saint-Jacques n'est pas...

M. CHARRON: Non, je veux exercer mon droit de parole, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cela va prendre combien de temps?

M. CHARRON: Cela va dépendre de moi; cela va surtout dépendre du nombre de fois que vous allez m'interrompre. Si vous ne m'interrompez pas, vous avez des chances que cela dure simplement vingt minutes. M. le Président, le premier ministre est un homme ouvert, mais je ne sais plus par quel argument aller le chercher. Il a accusé mes collègues, le député de Bourget et le député de Gouin, de répéter constamment les mêmes arguments. C'est bien simple, c'est parce que nous nous heurtons constamment au même mur d'incompréhension.

Nous ne connaissons, nous que les seuls arguments pour convaincre un homme d'Etat, soit ceux de la raison. Ce sont ceux que nous avons utilisés, depuis le début de ce débat, pour

essayer de convaincre le mur partisan et stérile qui bouche les oreilles du premier ministre. Nous n'avons pas réussi.

Je vais essayer, M. le Président, dans la demi-heure qui m'est réservée — je ne sais pas si je vais l'utiliser complètement — d'utiliser les arguments mêmes du premier ministre. Connaissant le culte que le premier ministre a de lui-même, ce sont peut-être les arguments qui vont le plus le frapper.

Le premier ministre, à plusieurs reprises, lorsqu'il était simple député de Mercier en cette Chambre, M. le Président, et qu'il était membre de la commission des Richesses naturelles, lorsqu'il était en campagne pour devenir chef de son parti alors qu'il était en campagne pour devenir le premier ministre que le hasard électoral a fait de lui aujourd'hui, et, depuis qu'il est dans cette Chambre, a toujours défendu verbalement, pas toujours dans ses décisions, par exemple, mais verbalement l'Hydro-Québec.

Il a répété à plusieurs reprises, devant les arguments de l'Opposition en deuxième lecture et depuis le début du travail en comité plénier, qu'il voulait réserver à l'Hydro-Québec le rôle-clé, le rôle magique, enfin tout le vocabulaire que son attaché de presse a pu lui fournir. Mais, M. le Président, ça ne se retrouve pas toujours dans les amendements que le premier ministre nous apporte. Ou alors, si ce rôle apparaît dans les amendements que le premier ministre apporte, c'est à n'y rien comprendre. On se demande alors pourquoi il n'est pas allé plus loin. Qu'est-ce qui l'a arrêté?

Et c'est le cas de l'amendement que nous avons adopté actuellement à l'article 16. Nous nous demandons pourquoi le premier ministre ne consacre pas, s'il était fidèle aux opinions qu'il a émises depuis son entrée en Chambre en 1966, d'une façon plus concrète que ne le fait son amendement — comme vient de le souligner le député de Montmagny — qui peut laisser des doutes, la primauté et l'exclusivité de l'Hydro-Québec dans l'exploitation des ressources hydro-électriques.

M. BOURASSA: II y a une différence entre primauté et exclusivité.

M. CHARRON: Cela va, d'accord, j'admets votre différence. Pour une fois, vous m'avez interrompu contrairement à la disposition de l'article 270 mais avec raison. Pour une fois, une intervention de "back bencher" a porté fruit. J'admets que vous avez raison là-dessus. Je reprends donc mon vocabulaire.

Pourquoi ne consacrez-vous pas l'exclusivité qui a toujours été reconnue, du moins depuis 1962, depuis que ce Parlement et votre parti ont décidé de faire la nationalisation de l'hydro-électricité? M. le Président, si nous étions à nous livrer à un "filibuster" — ce qui n'est pas le cas — si nous faisions un "filibuster" nous aurions été chercher les débats qui ont prévalu lors de la nationalisation de l'électricité en 1962, débats où le brillant et compétent ministre des Richesses naturelles de l'époque — ce qui nous aurait changé de l'actuel...

M. BOURASSA: II n'y avait pas de journal des Débats à ce moment-là.

M. CHARRON: ... le brillant et compétent ministre des Richesses naturelles de l'époque et tous les membres du cabinet libéral à cette époque ont consacré dans les faits, pas simplement verbalement, l'exclusivité du rôle de l'Hydro-Québec dans le développement hydroélectrique dans cette province.

Et là, tout à coup, le même parti et un gouvernement, qui reviennent quelques années plus tard, semblent avoir changé leur philosophie. On lui accorde une primauté qui... Primauté, qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? Cela veut dire, dans le cas actuel, querelle. Cela va vouloir dire pour d'Hydro-Québec, actionnaire majoritaire de cette filiale, combat constant avec les autres actionnaires pour faire valoir... Si le premier ministre me dit non, que ça ne veut pas dire combat constant, pourquoi alors ne pas consacrer, comme le stipule le sous-amendement du député de Gouin, cette exclusivité du développement hydro-électrique là-bas.

Vous avez fait vous-même, M. le premier ministre...

M. BOURASSA: II faut un lien de coordination. Je l'ai dit 50 fois, je suis prêt à le répéter une 51e fois, patiemment, calmement, qu'il faut un lien de coordination entre le développement hydro-électrique et les autres développements. C'est pourquoi, il faut une représentation de la société mère sur la filiale où l'Hydro-Québec sera largement majoritaire.

M. CHARRON: Vous savez très bien que cet argument de coordination, lorsque nous l'avons abordé à l'article 8 hier, n'est pas votre argument le plus fort. Vous savez très bien que l'intervention du député de Bourget faisant suite à celle du ministre de l'Education a répondu à ces arguments-là. Nous attendons de la part d'un député ministériel ou d'un ministre du cabinet une réponse au contre-argument qu'a développé le député de Bourget. Ce que je voulais vous dire — sans les reprendre parce qu'ils ont été suffisamment étoffés pour qu'une nouvelle intervention soit justifiée — c'est que ce sont vos propres arguments que vous avez développés quand vous étiez dans l'Opposition, ou quand vous étiez en quête du poste que vous occupez actuellement, que nous utilisons tout simplement en Chambre depuis le début de ce que vous appelez l'obstruction du Parti québécois. Nous ne faisons ici que reprendre les arguments qui ont été jadis la force de votre parti du temps que René Lévesque y était. Nous ne faisons que reprendre ici la force — ce que

vous avez vous-même décrit comme le rôle prioritaire dans le développement économique du Québec — que devra avoir cet instrument qu'est l'Hydro-Québec.

Nous n'inventons rien. Nous pourrions même si nous nous livrions à ce plaisir de bénédictin aller chercher à la bibliothèque chacune des interventions que vous avez faites à la commission parlementaire des Richesses naturelles lorsque vous n'étiez à ce moment-là — et la population n'en était que mieux, M. le Président — député de Mercier. Nous pourrions à ce moment-là refaire exactement — et cela vous ferait rougir deux fois plus que vous l'êtes présentement — parce que le premier ministre verrait...

M. BOURASSA: M. le Président, dimanche je n'étais pas sur les plages, je n'étais pas au golf, j'étais avec les ouvriers...

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le premier ministre devrait savoir qu'il n'a pas le droit de m'interrompre. M. le Président, nous pourrions à ce moment-là prouver au ministre des Affaires culturelles que nos services de recherche ne font pas que consulter l'Express ou le Time Magazine, mais qu'ils peuvent retrouver aussi de fort savantes...

M. VEILLEUX: Point de Mire!

M. CHARRON: ... interventions comme celles du député de Mercier lorsqu'il était dans l'Opposition et qu'il se battait face au féroce gouvernement de l'Union Nationale qui maltraitait selon lui l'Hydro-Québec. Mon collègue, le député de Maskinongé, apprécie le qualificatif que j'ai donné à son ancien gouvernement! M. le Président, nous pourrions si nous nous livrions à un "filibuster" faire exactement ce genre d'intervention-là. Nous ne le faisons pas, M. le Président, parce que notre opposition est constructive comme l'est exactement le sous-amendement du député de Gouin depuis le début de ce débat.

M. JORON: M. le Président, quelques mots pour résumer avant qu'on prenne le vote sur le sous-amendement.

M. BOURASSA: Dernière intervention. M. JORON: Oui, M. le Premier ministre.

M. CHARRON: Ce n'est pas sûr. S'il était interrompu, j'interviendrai à nouveau.

M. JORON: M. le Président...

UNE VOIX: A moins que vous vouliez que j'intervienne.

M. JORON: Je pense que les interventions que nous avons entendues du côté ministériel depuis le début de la discussion au cours de la matinée sur le sous-amendement que je proposais et qui, je le rappelle, visait à remplacer la compagnie filiale tout simplement par les mots l'Hydro-Québec, les arguments dis-je, invoqués par les députés ministériels nous ont en fait convaincus davantage de l'à-propos de notre sous-amendement. En effet, j'entendais il y a quelques instants à peine le parti gouvernemental réduit aux arguments qu'invoquait, par exemple — et qui n'en sont même pas finalement — le ministre des Affaires culturelles, selon lesquels cela pouvait causer des problèmes d'inondation et que l'on irait peut-être détruire des vestiges d'une civilisation que l'on soupçonne peut-être d'avoir existé. Quand on en est rendu, M. le Président, à ce genre d'argument pour répondre à la question essentielle que nous posions et à laquelle on n'a toujours pas donné de réponse: Pourquoi la nécessité d'une deuxième Hydro? Si, d'autre part, le premier ministre nous dit — et cela on y reviendra un peu plus tard, M. le Président, à l'article 17, entre autres — qu'il ne s'agit pas d'une deuxième Hydro, mais tout simplement d'une filiale sur laquelle l'Hydro-Québec a plein contrôle, un contrôle total et absolu, si le contrôle est à ce point total et absolu, raison de plus pour ne pas la créer cette filiale-là, elle est inutile.

Si le premier ministre admet la même argumentation que nous finalement, disant qu'il est essentiel que le contrôle exclusif du développement hydro-électrique au Québec reste dans les mains de l'Hydro-Québec, pourquoi à ce moment s'embarrasser d'une filiale? Nous n'avons toujours pas entendu non plus de réponse aux arguments que je faisais valoir quant au financement et au problème considérable que l'apparition d'un nouvel emprunteur, inconnu des marchés financiers, allait apporter au financement de cette gigantesque entreprise. M. le Président, nous répétons, en terminant, que le gouvernement...

M. BOURASSA: ... non, non, il reste trente secondes au député, en vertu des règlements sessionnels. On était prêt à lui donner dix secondes de plus.

M. JORON: Je parle actuellement du sous-amendement. Il reste trente secondes sur le sous-amendement? Bon. Je résume en terminant, en disant ceci: La preuve n'est toujours pas faite. Il faudra bien qu'un jour le gouvernement la fasse à savoir s'il est nécessaire de créer aujourd'hui une deuxième Hydro-Québec, alors qu'il en existe déjà une, qui avait dans le passé largement fait la preuve de sa compétence. M. le Président, je demande le vote debout et assis sur le sous-amendement.

M. LE PRESIDENT: Alors, debout, ceux qui sont en faveur du sous-amendement du député de Gouin.

M. JORON: II n'y a pas grand monde pour défendre l'Hydro-Québec!

UNE VOIX: D y a du monde pour l'obstruction.

M. LE PRESIDENT: Le sous-amendement du député de Gouin est rejeté. Article 16 adopté sur division.

M. LAURIN: M. le Président...

M. BOURASSA: L'isolement...

UNE VOIX: Nous le supportons très bien.

UNE VOIX: Nous savons tout cela.

M. LAURIN : M. le Président, nous regrettons que cet amendement qui avait pour lui le bon sens — nous continuons de le croire — ait été rejeté. Eh bien ! nous allons reculer pied à pied et puisque le gouvernement ne veut pas accepter de faire cet acte de confiance à l'Hydro-Québec, qui s'imposerait dans les circonstances, nous allons vous présenter une nouvelle proposition, sous la forme d'un nouveau sous-amendement, que je vais lire immédiatement. A l'article 16, nous proposons de remplacer, le mot "par" à la 4e ligne, par ce qui suit: "une filiale de l'Hydro-Québec, dans laquelle la société pourrait détenir jusqu'à 40 p. c. des actions. L'article 21 s'applique, mutatis mutandis, à la création de cette filiale en y substituant l'Hydro-Québec à la société. Cette filiale a les droits, pouvoirs, obligations de l'Hydro-Québec, en vertu de sa loi constitutive."

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Si le député ne tient pas à prolonger le débat indûment, est-ce que la loi de l'Hydro-Québec permet d'avoir des filiales? On me dit que non.

M. LAURIN: M. le Président, nous avons consulté la loi et il n'y absolument rien dans la loi constitutive de l'Hydro-Québec qui l'empêche d'avoir une loi constitutive. Par ailleurs, si ce sous-amendement était adopté, cette loi 50 donnerait le droit à l'Hydro-Québec, d'avoir cette filiale. La raison pour laquelle nous présentons ce sous-amendement M. le Président, est la suivante.

UNE VOIX: Les journalistes s'en vont, ils sont écoeurés.

M. LAURIN: Puisque le gouvernement ne veut pas accepter que ce soit l'Hydro-Québec qui soit ipso facto le maître d'oeuvre, nous allons nous rabattre sur certains arguments du ministre de l'Education. Il disait tout à l'heure qu'il fallait à tout prix, dans la filiale actuelle, prévoir un certain processus d'intégration. Puis- qu'il faut, selon le ministre de l'Education et le premier ministre, prévoir un élément d'intégration, il faudra le mettre dans une filiale, mais une filiale de l'Hydro-Québec... une filiale de la baie James.

M. BOURASSA: M. le Président, je demande au président de statuer sur la recevabilité de la motion, parce que d'après l'article 22 de la Loi de l'Hydro-québec, article 86, il n'y a rien qui permet à l'Hydro-Québec d'avoir une filiale.

M. LAURIN: Ce n'est pas sûr du tout, M. le Président, c'est votre opinion.

M. BOURASSA : On a chacun nos conseillers juridiques. La deuxième raison, M. le Président, c'est que cet amendement implique une dépense de deniers publics. Donc, il est irrégulier, irrecevable, en vertu de l'article 55 de la Loi de l'Hydro-Québec.

M. LAURIN: M. le Président, ce qu'a dit le premier ministre n'est qu'une affirmation. Il ne nous a pas prouvé du tout que, dans la loi de l'Hydro-Québec...

M. JORON: Lisez-la.

M. LAURIN: ... il y avait des articles...

DES VOIX: Assis.

M. BOURASSA: Est-ce que le député pourrait laisser parler les autres, quelques minutes...

M. LAURIN: Oui, bien sûr.

M. BOURASSA: ... parce qu'il parle depuis des heures et des heures? S'il pouvait se reposer quelques minutes, nous reposer en même temps, le président pourrait...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Evidemment, je n'ai pas fait une étude exhaustive de la Loi de l'Hydro-Québec, mais avant de permettre à l'honorable député de Bourget de poursuivre son amendement, il devra me prouver qu'en vertu de la Loi de l'Hydro-Québec, cette corporation peut avoir des filiales.

M. BURNS: Jusqu'à preuve du contraire... D'abord, ce n'est pas nous qui avons soulevé le point de règlement, c'est le premier ministre qui l'a soulevé. Il prétend que l'Hydro-Québec ne peut pas avoir de filiale, je pense qu'il est donc normal que ce soit le premier ministre qui vous démontre en vertu de quelles dispositions de la loi... Bien non, c'est lui qui allègue que l'Hydro-Québec ne peut pas avoir de filiale...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je prends comme présomption...

M. BURNS: Vous ne pouvez pas en avoir.

M. LE PRESIDENT: ... à moins que ce ne soit spécifiquement dit dans la loi que l'Hydro-Québec ne peut pas avoir de filiale, à moins que l'on ne prouve qu'en vertu de la loi elle peut avoir des filiales...

M. CHARRON: C'est à celui qui accuse de faire la preuve.

M. LE PRESIDENT: ... de même que, dans le projet de loi no 50, on démontre bien spécifiquement que la société pourra avoir des filiales, à moins que l'on ne me démontre que l'Hydro-Québec peut avoir des filiales à sa face même...

M. CHARRON: A moins qu'on vous démontre qu'elle ne peut pas en avoir aussi...

M. LE PRESIDENT: Le principe, c'est que...

M. VEILLEUX: Le premier ministre a dit non.

M. CHARRON: Ah bon!

M. JORON: Ah! le premier ministre a dit non, c'est non!

M. BURNS: Sa Majesté a dit non!

M. CHARRON: Si nous vous embarrassons, nous pouvons nous en aller.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si nous vous dérangeons, nous pouvons nous en aller.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne peux pas permettre au député de Bourget de continuer à démontrer le sous-amendement à l'article 16 à moins qu'il n'indique dans la Loi de l'Hydro-Québec l'article permettant à l'Hydro-Québec d'avoir une filiale.

M. JORON: M. le Président, puis-je vous soumettre les faits suivants? L'Hydro-Québec détient des actions dans Churchill Falls, a détenu, si elle ne les détient pas encore des actions dans Shawinigan Water and Power...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je demanderais au député de Gouin de reprendre son siège.

Il est évident qu'en tant que président du comité, je n'ai pas la preuve des affirmations que le député de Gouin vient de soumettre, je ne peux pas prendre...

M. JORON: Vous n'avez pas plus de preuve de celles que le premier ministre a soumises.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne peux pas prendre comme une preuve des affirmations que le député de Gouin peut faire et je n'ai évidemment aucun moyen de vérifier la véracité de ses affirmations. Encore une fois, à moins qu'on ne m'indique l'article de la Loi de l'Hydro-Québec en vertu duquel l'Hydro-Québec peut avoir des filiales, je dois déclarer l'amendement du député de Bourget irrecevable.

M. LAURIN: M. le Président...

M. BOURASSA: Si le député veut discuter sur l'aspect juridique, disons qu'il y a l'autre argument que c'est irrégulier pour la dépense des deniers publics. Celui-là me semble assez clair, selon l'article 155. Admettons que l'autre — moi je suis d'accord entièrement avec le président du comité, le député de Terrebonne — mais si ce n'est pas absolument clair pour les membres du Parti québécois, on va prendre l'autre argument de l'article 155, que c'est une dépense de deniers publics.

M. JORON: Sur cet argument-là...

M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, j'avais demandé la parole.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: Si on regarde les comptes publics, si on regarde le budget de l'Hydro-Québec, on s'aperçoit comme le dit avec vérité le député de Gouin, que l'Hydro-Québec possède des actions non seulement dans la Brinco, mais dans Labrador, Churchill Falls, etc. Ce n'est pas avoir des filiales, c'est avoir un portefeuille.

C'est toute la différence du monde et beaucoup de sociétés de toutes sortes ont des portefeuilles où elles investissent leur surplus. Ce n'est pas du tout avoir des filiales. Je m'excuse.

M. LE PRESIDENT: Comme le député de Bourget ne m'a pas mentionné, ne m'a pas fait voir l'article en vertu... Je ne permets pas que vous discutiez de l'amendement à moins de me soumettre l'article de la loi de l'Hydro-Québec.

M. LAURIN: Vous me demandez de fournir des arguments selon lesquels...

M. VEILLEUX: L'article.

M. LAURIN: ...un article de la loi constitutive de l'Hydro-Québec permettrait la constitution d'une filiale. Il me semble qu'il y a une autre façon d'aborder le problème. Si l'on réussit à prouver qu'il n'y a aucun article...

M. VEILLEUX: L'article.

M. LAURIN: ...de la loi constitutive de l'Hydro-Québec qui empêche la formation d'une filiale.

UNE VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: II n'y a aucun article qui l'empêche, mais il n'y a aucun article qui le permet.

M. LAURIN: S'il n'y a aucun article qui l'empêche...

M. LE PRESIDENT: Une compagnie, c'est un principe fondamental. Je n'ai pas l'intention de faire un cours de droit sur les corporations au député de Bourget. Il est évident qu'une corporation n'a que les droits qui sont spécifiquement établis dans sa loi ou dans les lettres patentes. Si ces droits ne sont pas prévus dans les lettres patentes ou dans la loi qui donne naissance à la compagnie, la compagnie n'a pas ces droits. C'est pourquoi j'ai demandé au député de m'indiquer l'article qui donnait la possibilité à l'Hydro-Québec d'avoir une filiale. Le député de Bourget semble incapable de le faire. Donc, je déclare irrecevable son sous-amendement. Article 16.

M. LAURIN: Dans les articles de la loi de l'Hydro-Québec, il reste que la commission hydro-électrique a le droit d'exproprier, a le droit d'offrir, a le droit d'obtenir...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La décision est rendue, l'amendement du député de Bourget est déclaré irrecevable.

M. JORON: Sur une question de règlement. Me permettez-vous de vous lire l'article 40 de la loi constituant l'Hydro-Québec?

M. LE PRESIDENT: Tout dépend de l'article.

M. JORON: Qui dit ceci? "La commission peut, avec l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil acheter la totalité ou partie des actions ou autre valeur de toute compagnie détenant des forces hydrauliques."

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JORON: II y a toujours bien un bout!

M. LE PRESIDENT: A plusieurs reprises depuis quelques minutes on a tenté par toutes sortes de moyens et les arguments du député de Bagot confirment ma décision... Il est évident que...

M. BOURASSA: II le sait, à part ça, il l'enseigne.

M. LE PRESIDENT: ...l'article 40 de la loi de l'Hydro-Québec ne lui permet pas d'avoir des filiales. Alors, ma décision est maintenue. Article 16, adopté?

M. JORON: M. le Président, si vous voulez jouer ce jeu-là, vous allez avoir du "fun", je vous le promets!

M. LACROIX: Au lieu de travailler pour le peuple, faire de l'obstruction de la façon que vous en faites. Si vous voulez jouer ce jeu-là on va le jouer, nous autres aussi.

M. JORON: Reculez...

M. LACROIX: On va vous apprendre la démocratie. Ce ne sont pas les sept plaies d'Egypte qui vont conduire la province de Québec.

M. LAURIN: M. le Président, une question de règlement. Il y a plusieurs fois que le député des Iles-de-la-Madeleine nous lance des injures à la tête. J'aimerais vous demander de le rappeler à l'ordre, et si vous ne le rappelez pas à l'ordre, j'aimerais lui rappeler à tout le moins qu'il n'y a pas que les sept plaies d'Egypte, il y a aussi les sept merveilles du monde.

M. LACROIX: Ce ne sont certainement pas les vôtres, parce que René Lévesque s'il les avait eues, il les aurait fait élire en Chambre et il a fait élire les sept plaies d'Egypte, dont la peste, le député de Saint-Jacques.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JORON: On voit que l'humour n'est pas le propre des banquettes ministérielles.

M. LE PRESIDENT: Article 16, sous-amendement.

M. JORON: Nous aimerions apporter un autre sous-amendement à l'article 16 qui se lirait comme suit, en ajoutant à la fin de l'article 16 les phrases suivantes: "Cette compagnie devra confier la conception générale, l'élaboration des plans et devis des travaux de développement à l'Hydro-Québec." Je motive immédiatement la raison de cet amendement. Le premier ministre nous dit qu'il est pour.

UNE VOIX: La "pool-room" s'énerve là-bas.

M. JORON: L'une des inquiétudes partagée d'ailleurs par un grand nombre de personnes à travers le Québec et en premier lieu par les employés de l'Hydro eux-mêmes tel qu'en faisait foi en fin de semaine les déclarations des trois syndicats concernés est la suivante :

Toute cette opération en fait ne cache qu'une chose, à savoir trouver un moyen détourné pour pouvoir accorder — et je ne les qualifie pas d'amis tout de suite — des contrats substantiels à des firmes d'ingénieurs privés, à des entrepreneurs en travaux publics, etc. Principalement, M. le Président, vous...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BOURASSA: Ce sont des vicieuses calomnies.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en vertu de l'article 285, 19e, je demande au député de prouver ces affirmations ou, sans cela, de les retirer. On attribue des motifs peu louables aux membres de cette Chambre et au gouvernement responsable. Qu'on les prouve ou qu'on les retire.

M. BURNS: Je me réfère à une décision que vous-même, M. le Président, avez rendue il y a quelques jours lorsque nous avions reproché à un député ministériel de prêter des intentions à des députés de ce côté-ci de la Chambre. Je me souviens de la nuance très ténue que vous aviez faite alors que vous disiez : Le député a le droit non pas de prêter des intentions mais d'évaluer la position ou les paroles qu'un autre député prononce en cette Chambre. Je pense justement que ce que le député de Gouin est en train de faire, c'est d'évaluer et de donner son jugement des attitudes du premier ministre ou des députés ministériels. Je pense que selon votre propre décision...

M. BOURASSA: II cite les trois syndicats.

M. BURNS: Laissez-moi donc finir! Soit dit en passant, M. le Président, est-ce qu'il y a deux règles en cette Chambre, une pour le premier ministre et une pour les autres?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BURNS: En vertu de l'article 667, je vous demanderai peut-être une directive là-dessus bientôt. Mais, tout simplement, je pense que, pour revenir au point d'ordre, le député de Gouin n'a fait qu'évaluer des paroles qui ont été prononcées. Il ne prête pas d'intentions.

M. LE PRESIDENT: Voici, c'est évident que je n'ai pas changé d'opinion. Mon opinion est constante. Maintenant, je n'avais pas bien saisi les propos du député de Gouin. Je vais faire attention pour bien...

M. CHARRON: Vous avez manqué quelque chose, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: ... écouter ce qu'il dit et je déciderai s'ils sont conformes ou non au règlement.

M. JORON: Merci, M. le Président. D'ailleurs, je ne prêtais pas d'intentions à personne. Je faisais part, je témoignais d'inquiétudes qui ont été soulevées non pas par moi mais par d'autres à l'extérieur de ce Parlement et je me demandais si nous avions raison de nous inquiéter à ce sujet. Je dis, M. le Président, que la loi 50 ouvre la porte à ces inquiétudes. Nous aimerions, pour protéger le gouvernement contre lui-même, refermer cette porte ouverte aux pires allégations. Comment cette porte est-elle ouverte à l'heure actuelle?

M. BOURASSA: La société va être convoquée. Il y a un amendement qui a été proposé par le député de Chicoutimi. C'était déjà dans la loi, j'ai dit au député que j'appuierais sa...

M. JORON: Vous répondrez après, quand j'aurais terminé.

M. BOURASSA: Mais pourquoi parler pour rien? Cela va être convoqué. Si les chefs syndicaux se donnaient la peine de lire le texte de loi avant de faire des commentaires irresponsables comme ceux qu'ils font.

M. BURNS: M. le Président, je rappelle le premier ministre à l'ordre. Je viens de le rappeller...

M. JORON: M. le Président, à l'heure actuelle, telle que la loi est rédigée — c'est la raison pour laquelle nous apportons à l'article 16 un sous-amendement — la porte ne reste-t-elle pas ouverte à ces inquiétudes sombres qui peuvent planer dans la tête de bon nombre de personnes? C'est que cette filiale sera appelée soit à exécuter elle-même ou à faire exécuter par d'autres ce qui peut être au total des travaux pour $7 milliards, soit le projet de développement le plus considérable qui ne se soit jamais fait au Québec. Vous comprendrez avec moi qu'il est normal que des gens s'interrogent et soient inquiets. La création de cette société — c'est l'inquiétude de ces gens que je rapporte à cette Chambre — serait un moyen détourné de contourner l'Hydro-Québec. L'Hydro-Québec ne pourrait pas être sujette aux mêmes accusations. Parce que d'une part depuis longtemps il y a une politique d'achats établie à l'Hydro-Québec, une politique de soumissions publiques établies à l'Hydro-Québec.

Il y a aussi une politique qui est devenue un précédent — sinon une politique ou un règlement, un précédent — qui a fait que, dans le passé, l'Hydro a exécuté elle-même, comme son propre entrepreneur, les principaux travaux d'aménagement hydro-électrique. L'Hydro a été son propre maître d'oeuvre.

H est donc difficile de penser, M. le Président, que l'Hydro serait amenée à changer d'avis à ce sujet-là. Nous croyons et nous sommes pleinement d'accord également que l'Hydro devrait poursuivre cette politique et qu'effectivement elle va la poursuivre. D'autre part, c'est un fait que l'Hydro n'est pas une chose nouvelle, c'est une chose en existence depuis passablement longtemps.

Il y a 12,012 employés, nous dit-on, des syndicats, des conventions collectives, etc. Cela fait une grosse affaire à bouger, on ne peut pas manier et charrier l'Hydro aussi facilement que l'on pourrait manier une société nouvelle.

Est-ce que ce serait là la raison, M. le Président — et voilà l'inquiétude qui plane dans la tête de tant de gens — est-ce que ce serait là une façon détournée de créer une nouvelle entité juridique, sans précédent, sans règlement, sans contrôle, sans, derrière, le poids des gens à l'intérieur même de la société, sans traditions établies en d'autres mots?

Là, il serait évidemment fort facile d'établir des règlements nouveaux, d'établir des précédents, de bâtir une tradition qui pourrait déroger aux traditions de l'Hydro-Québec dans ce domaine-là. C'est la seule façon, si le gouvernement en avait l'intention, et ce n'est pas moi qui prête toujours les intentions, M. le Président, je ne fais que vous rapporter ce qu'on entend un peu partout dans le Québec aujourd'hui, ce serait là la seule façon dont il serait possible de déroger à cette tradition et à cette politique.

Je n'ai pas besoin de jouer longtemps avec les chiffres, M. le Président. La seule mention même des chiffres vous donne une idée, vous indique tout de suite leur ordre de grandeur, et il n'est pas interdit d'en parler, si patronage, il devait y avoir, sur quelle échelle est-ce que ça pourrait se faire? Cela dépasse toute imagination, M. le Président.

En raison de ces faits-là et en raison, deuxièmement, des faits suivants, en raison du fait que l'Hydro a déjà mené à bien et à terme des travaux d'aménagement gigantesques considérables et l'a bien fait, et qu'elle possède aujourd'hui des équipes prêtes à continuer de préparer des plans, de faire des devis et de gérer de grands travaux, M. le Président, nous nous disons: Pourquoi ne pas utiliser, s'assurer — et c'est ça que notre sous-amendement propose — que ces équipes-là seront utilisées?

Autrement, qu'est-ce qui pourrait se passer encore statutairement si, dans la loi, on ne s'assure pas que ces gens de l'Hydro, cette compétence que nous avons formée d'ailleurs à un coût social considerable, si...

M. BOURASSA: Cela va être les mêmes.

M. JORON: ... il y avait un moyen de nous assurer que la nouvelle société en question emploiera ces gens-là, parce que ce qui pourrait arriver...

M. BOURASSA: Pourquoi en prendraient-ils d'autres? M. le Président, est-ce qu'on pourrait discuter du projet de la réforme électorale, parce que je vois que ça ne donne rien de continuer le débat sur la baie James?

M. JORON: Ah! non, s'il vous plaît!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BOURASSA: M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

M. CHARRON: M. le Président, il n'a pas le droit de parole...

M. BOURASSA: Je demande l'ajournement du débat, M. le Président, on va discuter du projet de la réforme électorale.

M. JORON: II n'y a pas consentement unanime, et on va continuer de parler de la baie James. Je m'aperçois que vous avez besoin d'en entendre parler encore un peu plus longtemps. Je disais, M. le Président, que toute cette compétence que nous avons formée à grands frais et à un coût social passablement élevé, dans l'Hydro-Québec même, il faudrait s'assurer...

M. LE PRESIDENT (Blank): A l'ordre! L'article 332 dit que je dois faire rapport au président. Quand le député demande l'ajournement du débat, le président du comité plénier doit faire rapport au président.

M. CHARRON: II faut qu'il fasse une motion.

M. LE PRESIDENT: C'est l'article 332. UNE VOIX: Apprenez vos règlements!

M. CHARRON: La motion est débattable. M. le Président, est-ce que la motion du premier ministre est débattable?

DES VOIX: Oui.

M. CHARRON: Elle est débattable!

Alors, M. le Président, sur la motion du premier ministre, je ne suis pas d'accord du tout à ce que vous quittiez maintenant le fauteuil. Par notre opposition depuis le début — et le fait que le premier ministre présente maintenant sa motion en est un aveu — nous avons démasqué du mieux que nous avons pu le projet, M. le Président...

M. LACROIX: Bande d'hypocrites!

M. CHARRON: ... nous nous sommes appliqués...

M. LACROIX: Obstructeurs!

M. CHARRON: ... à chacun des articles du projet de loi, M. le Président...

M. LACROIX: Des gens qui ne veulent pas la prospérité du Québec!

M. CHARRON: ... à démontrer ce que le projet cachait, contrairement à tout ce qui avait été énoncé comme ballon, le 30 avril dernier, ce qui avait été apporté comme argument en Chambre...

M. LACROIX: Ce ne sont pas ces balounes qu'on va crever, par exemple!

M. CHARRON: ... nous nous appliquons systématiquement non pas à apporter de l'opposition mais à demander des éclaircissements que le premier ministre s'est refusé, dès le début du comité plénier, à nous apporter.

M. BOURASSA: M. le Président, c'est faux!

M. CHARRON: Je ne vois pas pourquoi, M. le Président...

M. BOURASSA: C'est faux.

M. CHARRON: ... vous quitteriez maintenant le fauteuil alors que le débat sur les articles 16, 17 et 18 porte véritablement sur le fond du projet et que nous nous appliquons, comme l'ont fait le député de Gouin et le député de Bourget depuis le matin, et chacun d'entre nous, à essayer de trouver...

M. BOURASSA: On reprendra ça ce soir.

M. CHARRON: ... ce que cache ce projet collectif, la loi du siècle présentée par le premier ministre.

M. BOURASSA: On reprendra ça ce soir.

M. CHARRON: Ce que vient de faire le premier ministre, M. le Président, en vous demandant de quitter le fauteuil, c'est simplement avouer devant la Chambre et devant la population que, face à son projet, que nous avons accusé d'être non préparé, d'être une baloune publicitaire, d'être un détournement de population, il vient de nous donner raison.

Chaque fois que nous posons des questions, à chaque amendement que nous avons apporté, si la procédure ne lui permettait pas de nous dire irrecevable, alors il s'appliquait par des manifestations absolument de "back-bencher" et électoraliste, à détruire l'argumentation que nous essayons d'apporter. Il évitait systématiquement depuis le début de notre travail en comité plénier à répondre à nos questions. Et là, M. le Président, parce qu'il voyait...

M. LACROIX: Casse-tête pour les enfants! Casse-tête pour les enfants!

M. CHARRON: ... qu'en aucun temps, les sept députés du Parti québécois n'allaient cesser leur opposition comme ils sont mandatés pour le faire en Chambre et il voyait que face à notre position, même si on était rendu au 15 août, M. le Président, il ne nous aurait pas arrêtés. Et nous allons procéder article par article, nous allons dire chaque argument que nous avons, nous allons poser toutes les questions que nous voulons. Si ça ennuie le premier ministre, alors il ne lui reste qu'un recours et c'est celui qu'il utilise par la motion qu'il vous a présentée, M. le Président, à savoir que vous quittiez le fauteuil et que nous discutions d'autre chose.

Parce que le premier ministre, trop soucienx de son image, sait très bien que s'il est soumis jusqu'à 11 heures ce soir aux questions et aux arguments des sept députés du Parti québécois, son image, la sienne, celle qui est très importante, et celle de son projet mangeront une sérieuse claque dans les media d'information demain matin...

M. LACROIX: Vous êtes un menteur public et un...

M. CHARRON: C'est un des arguments que nous avons soumis, M. le Président, à savoir qu'il n'y a pas eu une seule réponse valable d'apportée. Il y a bien eu le ministre de l'Education ce matin qui nous a apporté des arguments que je qualifierais de raisonnables, M. le Président, mais que l'argumentation du député de Bourget...

M. BOURASSA: Cela a changé beaucoup votre attitude!

M. CHARRON: Voulez-vous rappeler à l'ordre le premier ministre, M. le Président?

M. LACROIX: Bande de démagogues!

M. CHARRON: Je dis que, par la motion que nous débattons actuellement, c'est l'aveu de faiblesse, l'aveu de non-préparation et l'aveu d'incompétence que vient de faire le premier ministre devant la Chambre, M. le Président.

M. LACROIX: Allez chercher Reggie Char-trand maintenant.

M. BOURASSA: Si le député peut se calmer... Hier, nous avons adopté une quinzaine d'articles. Nous avons discuté hier le programme de la journée. Est-ce que nous étions pour discuter de la Loi sur les consommateurs, de la réforme électorale ou continuer sur la baie James? Or, nous discutons depuis ce matin, depuis 10 h 30 sur la baie James, sans avoir adopté un seul article, alors qu'hier, nous en avions adopté une quinzaine. Alors, ma réaction, c'est que, pour une heure ou deux, quitte à reprendre le débat ce soir, puisqu'il paraît impossible d'avancer cet après-midi, comme cela était impossible d'avancer ce matin. Ma réaction normale, très calme, c'est qu'on discute de la réforme électorale ou de la loi sur les consommateurs et qu'on reprenne le débat ce soir, sur la baie James. Peut-être que les membres du Parti québécois, qui sont complètement isolés maintenant, seront dans de meilleures dispositions pour faire avancer le débat.

M. BUNRS: Parlant de démagogie!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, parlant sur la proposition aux fins d'ajourner le débat, je ne puis quand même pas souscrire aux propos du premier ministre, non plus qu'à ses intentions. Il est bien évident que le débat que nous avons engagé peut paraître long. Il a été effectivement assez long et ponctué de toutes sortes d'incidents,

Mais, eu égard à l'importance du projet, le gouvernement devait s'y attendre, surtout que le projet a été présenté à un moment qui, à notre avis, n'était certainement pas le mieux choisi. Je ne ferai pas de procès d'intentions au gouvernement, mais le gouvernement présentant ce projet à ce stade-ci de nos travaux parlementaires, au moment où nous nous apprêtons à ajourner les travaux de la Chambre pour les vacances de l'été, il est bien évident qu'il pouvait se produire des incidents puisque tout le monde est fatigué. Il y a une certaine irritation qui s'empare des députés et le gouvernement, sans lui prêter d'intentions, a peut-être pensé que la hâte que nous avions tous de prendre quelque repos l'aiderait à adopter plus vite ce projet de loi éminemment contentieux.

Le premier ministre vient de dire que nous avons hier adopté quinze articles. C'est le cas. Il est vrai que depuis le matin, pas depuis dix heures et demi mais depuis onze heures un quart environ, nous discutons de l'article 16. Le parti que je représente n'a pas fait de débat sur cet article 16. Le Parti québécois pour sa part en fait un. L'on apporte des amendements, des sous-amendements à la proposition d'amendement du premier ministre. Le premier ministre n'aurait quand même pas raison de tirer parti du fait qu'actuellement ce sont les députés du Parti québécois qui ont fait opposition aux volontés du gouvernement. Le premier ministre, dis-je, n'aurait pas raison d'essayer de tirer parti de cette situation de fait pour déclarer qu'il y a unanimité de la Chambre en ce qui concerne le reste du projet de loi. Sur cet article 16, d'accord, l'opposition est venue d'un côté de la Chambre, soit des collègues du Parti québécois. Mais il y a tous les autres articles que nous aurons à discuter et au sujet desquels nous proposerons des amendements, que le premier ministre connaît d'ailleurs, et qu'il a déjà virtuellement acceptés, puisqu'il m'a donné l'assurance que sur un article particulièrement contentieux, l'article 33, il accepterait en fait, quand cela se produira, l'amendement que j'ai proposé. Il y a d'autres articles qui sont également contentieux et l'Union Nationale discutera à ce moment-là les articles que je viens d'évoquer.

Je ne vois pas les raisons pour lesquelles le premier ministre nous demanderait de suspendre momentanément. Il s'agit de vider une question, vidons-la. Je sens naître chez des députés une certaine nervosité, une certaine irritation. C'est normal et compréhensible. Mais il ne faudrait pas que les débats soient contaminés aussi par des interpellations qui viendraient de droite ou de gauche et qui empêcheraient ceux qui ont à s'exprimer de s'exprimer comme ils le veulent, conformément aux règlements.

Pour ma part, je ne vois pas le bien-fondé de la proposition du premier ministre puisque de toute façon le débat qui est actuellement engagé va reprendre, va devoir se poursuivre jusqu'à ce que des députés légitimement élus se soient fait entendre selon leur gré et leur volonté. Surtout, que le premier ministre ne tienne pas pour acquis que déjà le reste du projet est accepté par l'ensemble des députés de l'Opposition puisque, comme je viens de le dire, nous avons des propositions d'amendements. Nous attendons que cette partie du débat soit terminée pour les proposer à l'agrément du gouvernement.

Pour ces raisons, M. le Président, je ne comprends pas que le premier ministre veuille tout à coup ajourner le débat en cours et nous demander de nous attaquer à un autre projet de loi. Je pense que sur la lancée actuelle nous pourrions poursuivre, épuiser les arguments que servent les députés et procéder normalement à l'étude d'un projet de loi au lieu de fragmenter cette étude et de faire une sorte de chassé-croisé.

La présentation de projets de loi, l'étude de projets de loi, nous distrairait de l'objectif fondamental que nous avons, soit de rendre meilleure une loi dont nous avons contesté le principe et qui nous apparaîtra de toute façon, à la fin, comme un moindre mal.

M. LAURIN: M. le Président...

M. BERTRAND: M. le Président, je demande la parole, non pas pour corriger mon collègue, mais on pourrait reprendre ses propos à savoir que nous ne sommes pas intervenus dans la discussion. Ce matin, j'ai participé au débat sur les articles 16 et 17, en disant que c'étaient les articles-clés du projet de loi. De cela, il n'y a aucun doute. Je ne veux pas reprendre les arguments qui ont été apportés. Je crois que toutes les Oppositions ont le droit de se faire entendre et peuvent formuler des amendements, des propositions qui sont acceptées ou non. Je dirai au premier ministre comme expérience —c'est bon parfois de se rappeler certaines expériences — que j'ai déjà été celui qui a présenté en Chambre, peut-être le projet de loi le plus périlleux. A ce moment, je n'ai pas attendu à la fin d'une session. Je l'ai présenté en octobre. J'ai été durant un mois, assis à ce pupitre, pendant qu'il y avait des gens qui manifestaient ailleurs.

M. BOURASSA: Qu'est-ce que cela a donné le 29 avril?

M. BERTRAND: A ce moment, M. le Président, j'en avais, moi aussi, des mouvements

d'impatience que j'essayais de garder bien renfermés et bien enclos. Je comprends le premier ministre d'être fatigué, c'est normal. Je comprends le premier ministre. Il peut être morose à certains moments. Je lui demande de reprendre son sourire. S'il a besoin d'un verre de lait...

M. DEMERS: On en a... $0.04 de plus la pinte...

M. BERTRAND: ... il va le payer $0.04 moins cher parce que l'ordonnance n'est pas encore entrée en vigueur. M. le Président, badinage à part, je pense que pour le bien de nos travaux, le premier ministre ferait un bon geste de retirer sa motion, car autrement, je dois dire que, quant à moi, je serai obligé de voter contre sa motion, pour que l'on continue l'examen du présent projet de loi.

UNE VOIX: Votez contre...

M. BURNS: M. le Président, comme vous l'avez si bien dit...

M. DEMERS: Deux jours...

M. BURNS: ... il s'agit d'une motion débat-table. Plutôt que de parler immédiatement des raisons qui nous feront militer en faveur d'une opposition à cette motion, j'aimerais faire un appel au sens de la démocratie même si le premier ministre est fatigué et nerveux. On sait qu'il n'aime pas cela venir en Chambre... On comprend tout ça. Je fais un appel au premier ministre à faire peut-être lui-même son propre examen de conscience. Dans ce débat — c'est vrai que cela dure depuis onze heures ce matin environ sur l'article 16 — peut-être que si le premier ministre avait été un petit peu moins intransigeant, il aurait facilité la tâche aux deux députés, parce que je fais remarquer qu'il y a deux députés du Parti québécois qui, seulement ou à peu près, sont intervenus. On ne peut pas parler d'obstruction systématique. Par contre, comme le disait le député de Missisquoi, il s'agit d'un article central, un article important. Il est normal qu'on passe plus de temps sur cela. D'autre part, sur le fait de la motion elle-même, sans vouloir prêter d'intentions au premier ministre, je sais ce qui va arriver si nous passons à un autre projet de loi. Le premier ministre espère peut-être qu'après avoir débattu d'autres projets de loi, nous nous trouvions à des heures tardives pour discuter d'un projet de loi qui, déjà, a causé des scènes plus ou moins gracieuses. Je pense qu'en plein coeur de l'après-midi comme ça, cela favorise davantage la discussion de problèmes trop importants. Pour cette raison, M. le Président, je demande au premier ministre, très sincèrement, de retirer sa motion, de continuer à discuter des articles 16, 17 et 18 qui sont des articles importants. On est au coeur de cette société.

Pourquoi n'en discuterait-on pas? Tout le monde est de bonne humeur. Si le premier ministre se retient, garde son impétuosité et reste assis bien tranquillement, peut-être que les deux députés du Parti québécois qui argumentent sur ces articles vont pouvoir le faire beaucoup plus brièvement s'ils ne sont pas interrompus à gauche, à droite et au centre par le premier ministre.

S'il retire son amendement, on va continuer à étudier ça et on va voir le progrès quand on sera rendu à l'heure du souper.

M. BOURASSA: Pourquoi ne peut-on pas discuter du projet de loi de la réforme électorale ou du bill de la protection des consommateurs? On pourrait me donner les amendements...

M. LAURIN: Une fois que le premier ministre a parlé sur la motion, j'aimerais exercer mon droit de parole sur cette motion.

M. BOURASSA : Sur les amendements que j'ai donnés, est-ce que je peux poser une question?

M. LAURIN: M. le député de Mercier a déjà exercé son droit de parole sur la motion, et je demande d'exercer mon droit de parole à mon tour.

M. BOURASSA: Juste une question.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget a raison.

M. CHARRON: On a fini par en avoir une.

M. LAURIN: En présentant sa motion d'une façon soudaine, imprévue, impulsive et irréfléchie, le premier ministre a manifestement obéi à un mouvement d'impatience et d'irritation qui a été noté par tous les députés de cette Chambre...

M. BRISSON: Voyons donc, ce n'est pas vrai!

UNE VOIX: C'est vous qui êtes impatients.

M. LAURIN: Je pense que les raisons profondes qui ont motivé...

M. BOURASSA: On me prête des motifs, c'est faux.

DES VOIX: C'est faux!

M. LAURIN: ...la présentation de cette motion, c'est que nous étions en train de discuter d'un article qui traitait du rôle de l'Hydro-Québec et que nous étions en train, par notre argumentation, par nos questions, de démolir les prétentions qu'il avait eues de

respecter le rôle de l'Hydro dans la conception, dans l'exécution des projets.

M. LE PRESIDENT: Vous ne devez parler que sur la motion ou j'ajourne le débat.

M. LEVESQUE: Il est maintenant sur le même disque, il faudrait qu'il change.

M. LAURIN: Admettons que nous nous contenterons de dire que c'est un aveu d'impuissance.

M. MARCHAND: ...ce ne sont que des gramophones.

M. LAURIN : Lorsqu'on ne peut plus répondre par des arguments rationnels, on emploie les arguments de force, et c'est ça que le premier ministre a fait. Mais nous estimons qu'il faut continuer à discuter de cet article 16, car ce serait un précédent — que pour ma part je n'ai jamais vu — qu'on interrompe sans aucun avis, sans aucune raison, une discussion qui se déroulait quand même selon les canons de la logique et de la cohérence.

Et je le prétends encore, car les arguments que nous avons apportés se tenaient très bien, se déroulaient selon la démarche naturelle de l'esprit humain et les réponses qu'on nous a données justement n'étaient pas des réponses. Et c'est précisément parce qu'on ne pouvait pas nous répondre...

M. BRISSON: ...des richesses naturelles.

M. LAURIN: ...sur le même plan, sur le même niveau, par les mêmes arguments rationnels que, l'impatience et l'irritation croissant, on décide d'interrompre soudainement les débats. Le premier ministre a essayé par la suite de retraiter en désordre, voyant qu'il avait fait une gaffe et une bévue, en disant que nous pourrions reprendre le débat ce soir après que nous aurions discuté d'autres projets de loi.

Mais cette rationalisation ne donnera le change à personne car tout le monde sait bien les raisons qui amenaient le premier ministre à proposer cette motion.

M.BOURASSA: Est-ce que je peux poser une question au député?

M. LAURIN: Je ne le permets pas, M. le Président.

M. BOURASSA: Ah! il ne le permet pas, ça fait mal.

M. BURNS: II ne répond pas depuis le début du débat.

M. BOURASSA: Je permets toujours les questions.

M. MARCHAND: ...au premier ministre, c'est pour ça qu'il ne permet pas de questions.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: Je pense que lorsque nous avons pu discuter sérieusement des articles du projet, la discussion a progressé. Lorsqu'on nous présentait de bonnes raisons, nous nous rendions aux arguments. Malgré tout, le projet jusqu'à ce jour, étant donné qu'il s'agit d'un projet aussi important, a progressé favorablement. La raison pour laquelle nous tenons à continuer cette discussion, c'est que les articles 16, 17 et 18 constituent véritablement le coeur du projet de la société de la baie James, puisque, depuis le début de ce projet, nous discutons, aussi bien en commission parlementaire qu'en deuxième lecture, du rôle majeur, capital que doit y jouer l'Hydro-Québec.

Justement les interprétations varient quant à l'extension, quant aux modalités de ce rôle. Nous voulons nous assurer que l'Hydro-Québec joue un rôle véritablement majeur. Le premier ministre a une opinion contraire, mais c'est précisément là-dessus que gît l'essentiel du débat. Nous ne voyons pas pourquoi nous l'interromprions soudainement, alors que, justement, nous avons progressé d'une façon très avantageuse dans l'étude de ce problème et que, de toute façon — comme le disait le député de Chicoutimi — il faudra bien vider un jour ce débat qui concerne l'Hydro-Québec.

UNE VOIX: Cela viendra.

M. LAURIN: Maintenant que nous l'avons commencé, pourquoi ne pas le vider tout de suite? Nous sommes préparés. Le premier ministre, en maintenant sa motion, va vouloir persuader la population qu'il était moins préparé que le Parti québécois...

M. BOURASSA: Cela va vous faire mal.

M. LAURIN: ... retraite en désordre justement parce qu'il n'a plus d'argument à nous proposer. C'est la raison pour laquelle nous tenons à...

M. BOURASSA: Cela va vous faire mal, cette motion.

M. LAURIN: ... continuer à présenter nos arguments...

DES VOIX: Motion.

M. LAURIN: ... quitte à la population, une fois la poussière retombée, à juger qui du gouvernement ou des Oppositions avait raison dans les arguments que les députés présentaient.

M. BRISSON: C'est justement ce que la population va voir.

M. LAURIN: Nous ne craignons pas du tout d'amener tous nos arguments en même temps dans un même séance jusqu'à ce que nous les ayons épuisés. Nous sommes sûrs des arguments que nous apportons; ils sont soutenus par notre conviction, ils sont soutenus par les études que nous avons faites et ils sont soutenus par notre détermination à faire triompher en cette Chambre la vérité et non la démagogie.

M. BOURASSA: Le député de Maisonneuve m'a posée une question tantôt. Le député de Bourget appelle ça une retraite en désordre. Il essaie de camoufler la situation où il se trouve. Nous avons soumis hier tous les amendements pour tous les articles. Pourquoi le Parti québécois, qui avait trois amendements seulement pour l'article 16, ne pourrait-il pas nous soumettre les amendements pour les articles suivants et ce soir nous pourrions procéder plus rapidement? En attendant, nous pourrions régler un ou deux projets de loi. Qu'est-ce qu'il y a d'anormal là-dedans? C'est de la collaboration constructive. Cela fait six heures que nous débattons l'article 16.

M. LAURIN: Je vais répondre.

M. BOURASSA: Nous demandons les amendements pour les articles 17 et 18 les autres pour pouvoir peut-être y répondre plus brièvement.

M. LAURIN: Nous donnons au gouvernement la même médecine qu'il nous a servie durant quatre jours. Nous lui avons demandé les amendements qu'il voulait présenter en cette Chambre et il nous a dit qu'il n'était pas prêt, qu'il fallait encore des avis juridiques. Il nous a fallu attendre quatre jours durant lesquels nous avons poursuivi le débat, avant que, hier matin seulement, le gouvernement dépose ses amendements. S'il nous avait communiqué à nous comme au Ralliement créditiste les amendements peut-être que le débat aurait été écourté.

M. BOURASSA: Du calme!

M. LEVESQUE: On commence à manifester des signes de fatigue et d'impatience.

M. PAUL: Personnellement, je n'ai pas une longue expérience parlementaire puisque je ne suis député que depuis quatorze ans. Jamais je n'ai vu une telle motion de la part du gouvernement. Nous avons vu des motions présentées par l'Opposition. On se rappelle les nombreuses motions analogues qui nous furent présentées lorsque nous avons eu l'occasion d'étudier le projet de loi no 63.

Il est possible que le premier ministre ait des raisons qu'il ne veuille pas nous donner. Nous allons lui donner le bénéfice du doute. Peut-être qu'il est tellement ébranlé par les arguments présentés au soutien des motions d'amendement des députés du Parti québécois qu'il n'ose pas pour le moment les recevoir à moins d'avoir le temps d'analyser toutes les implications possibles de ces amendements.

J'aurais peut-être une suggestion de compromis à l'endroit du premier ministre. Je comprends que nous sommes au coeur même de la difficulté que nous devons traverser dans l'étude de ce projet de loi en comité plénier.

Est-ce que l'honorable premier ministre, si, de consentement, nous suspendions l'étude des articles 16 à 23, consentirait à ce que nous prenions l'étude de l'article 24 parce que nous tomberions dans un autre domaine où les arguments serrés seraient sûrement moins nombreux et nous pourrions rapporter effectivement progrès. Je crois que le premier ministre serait du même coup dégagé de cette tension normale à laquelle il doit faire face à l'occasion de l'étude de ces articles très discutables et discutés, les articles 16 et suivants de son projet de loi.

Peut-être que le premier ministre accepterait ce compromis parce que nous changerions de tête de chapitre, nous analyserions une série d'articles qui n'ont pas la même portée.

Là, nous allons tomber dans un domaine où le premier ministre est excessivement familier. Il est habile. Il est expérimenté puisque nous parlerons de financement. Je me demande si l'honorable premier ministre consentirait à ce compromis du même coup. Il ne nous donne pas de raisons. Nous doutons qu'il soit tout à fait justifiable de présenter sa motion, peut-être dans des termes un peu imprécis qui ne nous ont pas permis de comprendre la justification d'une telle motion. D'un autre côté, nous de l'Opposition, nous y verrons de la part du premier ministre un désir sincère de ne pas causer lui-même, ou créer lui-même un certain "filibuster" à son propre projet de loi.

M. BOURASSA: M. le Président, je ne comprends pas la surprise du député de Maskinongé. On a discuté hier les travaux de la Chambre. Il était possible que ce matin nous discutions la Loi des consommateurs. Cela a été discuté hier matin. Nous avons décidé ce matin, après hésitation, d'aborder immédiatement l'étude du projet de loi no 50. Or, on s'aperçoit, pour différentes raisons... On dit que le ministre de l'Education a donné des raisons. Nous en avions donné auparavant, le ministre des Richesses naturelles aussi. Malgré cela, rien n'avance, il y a amendement sur amendement. Alors je dis... Je ne vois pas pourquoi la suggestion faite de bonne foi par le leader parlementaire d'avoir les amendements comme je les ai donnés hier matin afin de pouvoir les examiner et entretemps, d'ici six heures, de pouvoir avancer sur un autre projet de loi est préférable à la mienne. Qu'est-ce qu'il y a d'extraordinaire dans une procédure comme celle-là? C'est simplement pour accélérer les travaux de la Chambre et avoir une meilleure discussion par la suite, en connaissance de cause.

M. SAMSON: M. le Président...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de Rouyn-Noranda a demandé la proie avant vous.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II a demandé la parole avant moi?

M. SAMSON: M. le Président, quant à nous, bien objectivement, nous ne voyons pas de quelle façon on pourrait avancer les travaux en ajournant ce débat présentement. Nous ne voyons pas non plus, en suspendant les articles jusqu'à 24 de quelle façon il nous serait loisible d'avancer étant donné qu'à compter de l'article 24 on doit discuter le financement et que nous sommes présentement sur une discussion des structures. Avant de discuter le financement il faut raisonnablement connaître les structures que nous allons accepter. M. le Président, je pense que nous devrions — et je demande au premier ministre de retirer sa motion — continuer le débat sur le bill 50. Advienne que pourra! Si certains membres ont décidé de retarder le débat, c'est leur droit. Même si on le reporte à ce soir ce seront les mêmes travaux, les mêmes discussions, les mêmes débats que nous aurons à affronter et nous aurons quand même à les supporter.

Je dis au premier ministre que le cul-de-sac devant lequel nous nous trouvons présentement nous devrons le surmonter à un moment ou à un autre. Si on ajourne le débat j'ai la drôle d'impression que c'est tout simplement permettre à des membres qui veulent faire de l'obstruction d'aller préparer d'autres discours. C'est leur permettre de consulter les cadres du syndicat de l'Hydro-Québec — comme l'indique un papier qu'on vient de recevoir — pour leur préparer des discours. C'est leur donner du temps. Je pense que nous ne devons pas donner de temps à ce moment-ci. Nous sommes en pleine discussion et quoique ce soit difficile il faut que ça passe. Cela va passer, j'en ai l'impression. Armons-nous d'un peu de patience. Nous commes prêts, quant à nous, à fournir toute cette patience. Mais armons-nous de patience, M. le Président, et que le débat continue.

D'ailleurs, je me base, en demandant au premier ministre de retirer cette motion, sur le fait qu'on pourrait mettre en doute sa recevabilité. En vertu de l'article 192 une motion portant ajournement du débat peut toujours être faite lorsque la Chambre est saisie d'une motion susceptible de débat autre qu'une motion portant ajournement de la Chambre. Et, à l'article 192 2): "Elle doit être formulée en ces termes: "Que le débat soit maintenant ajourné." En vertu de l'article 192, note 2-1, la motion d'ajournement du débat...

M. BIENVENUE: ... l'article.

M. SAMSON: M. le Président, j'ai le droit de parole. "La motion d'ajournement du débat ne doit contenir aucun exposé de motifs. De fait, elle ne doit contenir d'autres mots que ceux de la formule."

Le premier ministre a formulé beaucoup d'autres mots que ceux de la formule en expliquant pourquoi il voulait ajourner. En vertu de la note 2: "II est irrégulier de proposer d'ajourner le débat à une date déterminée." En vertu de la note 192, 3-1; "II est irrégulier de proposer l'ajournement du débat quand on a interrompu un opinant." Or, quand la proposition est arrivée il y avait un député du Parti québécois qui avait la parole. En vertu de la note, 192, 3-2: "On ne peut interrompre un opinant pour proposer l'ajournement du débat."

Article 286. M. le Président, nous pourrions sérieusement mettre en doute la recevabilité de cette motion. Même si on est en comité, les comités sont régis par les règlements de la Chambre.

M. LE PRESIDENT: Mais la motion a été faite en vertu de l'article 332.

M. SAMSON: De toute façon, M. le Président, même si elle a été faite en vertu d'un autre article, j'ai le droit d'invoquer un autre article qui peut contredire le premier article, c'est ce qui se fait régulièrement et c'est justement pourquoi, M. le Président, on veut refondre ces règlements qui n'ont aucun sens et qui ne mènent à rien.

M. le Président, ces règlements nous permettent en vertu d'un article de faire une chose et en vertu de l'article suivant ou antérieur, de faire le contraire. C'est de l'interprétation mais je ne veux pas, M. le Président, discuter de la recevabilité, je n'ai qu'invoqué ce fait où je me disais qu'il serait possible de faire un long débat de procédure sur ça.

J'invoque ceci pour demander au premier ministre de retirer tout simplement sa motion et de permettre que nous continuions le débat. M. le Président, j'ai l'impression que les honorables députés du Parti québécois vont, à un moment ou à un autre — et je pense que c'est peut-être à ce moment-ci — offrir un peu plus de collaboration, sachant... Je pense qu'on peut, M. le Président, faire appel à leur compréhension.

Eux aussi, sont des députés responsables, autant que nous le sommes et autant que le parti ministériel. On peut faire appel à leur compréhension et permettre de continuer le débat. De toute façon, je ne vois aucune utilité de le reporter à plus tard, de passer à autre chose. Sous le prétexte que ça apporterait peut-être un débat plus court, ça n'apportera rien de nouveau. Nous devons faire le débat, nous devons supporter ce qu'ils ont à dire, et que ça nous plaise ou non, ils ont droit de le dire.

M. BURNS: M. le Président, sur un point, je veux simplement dire ceci au premier ministre.

Ce sera très bref. La suggestion qu'a faite le député de Maskinongé est une suggestion très constructive. Si le problème du premier ministre est que ça n'avance pas sur les articles 16, 17 et 18 qui sont des articles — tout le monde le sait, tout le monde s'y attendait — un peu plus contentieux que les autres, si c'est ça et si le premier ministre veut s'encourager et voir du progrès, passons à la suggestion du député de Maskinongé, passons à autre chose et vous verrez d'ici six heures si ça avance ou si ça n'avance pas. Vous serez peut-être plus à même de juger à ce moment-là.

Vous avez trois partis d'opposition, M. le Président, et je pense que le premier ministre, malgré sa majorité ministérielle, est obligé d'en tenir compte. Il y a trois partis d'opposition qui disent qu'il n'y a pas lieu d'ajourner le débat. Continuons et essayons de progresser. Je souscris personnellement et mon groupe souscrit à la suggestion du député de Maskinongé. Sautons ces articles-là, continuons et on verra le progrès à ce moment-là.

Je demande encore une fois au premier ministre de retirer...

M. LEVESQUE: On a fait une demi-heure de travaux dans l'autre loi.

M. BURNS: C'est la faute de qui?

M. LEVESQUE: C'est votre faute, obstruction systématique, "filibuster".

M. BURNS: Arrêtez donc votre cinéma! C'est rendu que...

M. BERTRAND: Vous avez indiqué le chef du Ralliement créditiste, j'avais demandé la parole à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: Vous aviez déjà parlé...

M. BERTRAND: Oui, je comprends, mais au même moment, je vous l'ai demandé.

M. LE PRESIDENT: Vous avez déjà parlé sur cette motion.

M. BURNS: En vertu de l'article 346, il a le droit de parler à nouveau.

M. BERTRAND: M. le Président, si le premier ministre avait présenté sa motion à 12 h 30, à l'ajournement, ça aurait eu du bon sens.

M. LEVESQUE: Est-ce que les règlements ne comptent pas?

M. BRISSON: Cela n'a plus de bon sens quand il s'est aperçu que les autres...

M. BERTRAND: A ce moment-ci, ça n'en a pas. Il devrait lire son horoscope du jour qui lui dit de se fier à quelqu'un qui peut lui donner un conseil. Le leader de l'Opposition lui en a donné un excellent.

M. LE PRESIDENT: Je pense que le député avait le droit de parler seulement une fois sur la motion.

M. PAUL: M. le Président, je vous signale que nous sommes en comité.

M. BERTRAND: En comité.

M. PAUL: Ce ne sont pas les règles de la Chambre qui régissent nos travaux et je vous signalerai, M. le Président...

M. CARDINAL: Que M. Bourassa a parlé trois fois.

M. PAUL: Je crois, M. le Président, que c'est l'article 341 et les suivants...

M. BURNS: 346.

M.PAUL: 346, M. le Président, je regrette mais je crois que vous avez été mal conseillé par le leader du gouvernement quant à invoquer le droit de parole qu'aurait déjà exercé le député de Missisquoi.

Nous ne sommes pas en Chambre, nous sommes en comité plénier.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, avec 72 députés, on doit être capable de placer son grain de sel dans cette discussion.

M. PAUL: A ce compte-là...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, après une journée...

M. PAUL: ... vous avez moins d'intelligence qu'un grain de sel!

M. BURNS: Pauvre petit garçon!

M. SAINT-PIERRE: On pensait, après au moins un dimanche de repos, que les membres de l'Opposition seraient capables d'aborder l'étude de ce projet de loi avec peut-être plus de sérénité qu'ils ont pu le faire samedi.

Je ne voudrais pas répéter les sentiments que j'ai exprimés samedi, mais j'ai trouvé samedi que la conduite des débats dans cette Chambre était scandaleuse.

M. PAUL: M. le Président, j'invoque le règlement. J'inviterai le ministre instituteur à respecter le règlement qui l'empêche de juger de la conduite des députés dans cette Chambre.

M. SAINT-PIERRE: Votre intervention me permet de vous juger.

M. LEGER: Est-ce que le ministre me permet une question?

DES VOIX: Non.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, sur la motion qui favorise...

M. LEGER: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. SAINT-PIERRE: Non. Sur la motion, M. le Président, je voudrais parler favorablement. Il me semble que, depuis le matin, nous avons essayé de répondre à des questions mais on a bien l'impression — je ne passe pas de jugement à qui en revient la responsabilité — mais c'est évident qu'on tourne en rond, qu'il n'y a absolument rien qui se soit fait au point de vue du débat. Chaque partie peut avoir — et particulièrement le Parti québécois — ses idées sur le projet de loi et en particulier sur l'article 16. Nous avons répondu et mon intervention de ce matin a tenté de donner le plus de réponses possible, tenté d'éclairer la Chambre sur ce que pouvaient être les intentions du gouvernement.

Or, j'en conclus, par la réponse que m'a donnée le chef parlementaire du Parti québécois, qu'aucun de ces arguments n'a pu entrer en profondeur et que même le flot de nos arguments a pénétré l'esprit de ces gens un peu comme l'eau qui descend sur le dos d'un canard.

Il y a des caractéristiques, M. le Président, d'une opposition systématique, d'une opposition systématique pour retarder nos débats...

M. PAUL: J'en appelle au règlement. Je vous signale qu'en vertu de l'article 332, les règles de la pertinence du débat doivent s'appliquer.

UNE VOIX: C'est une motion d'amendement. On est en comité.

M. PAUL: Pardon! C'est une règle spéciale d'exception. Nous ne sommes pas à l'hôtel de ville de Pointe-Claire. J'ai dit, M. le Président, qu'il y a des règles qui s'appliquent sur cette motion.

M. SAINT-PIERRE: Le bien-fondé de la motion présentée par le chef du gouvernement, M. le Président, s'explique par le fait que nos débats n'ont aucunement avancé dans le sens et qu'il semblait à propos d'aborder peut-être d'autres sujets pour nous permettre à une autre occasion de faire certain progrès.

Il y a quand même des caractéristiques d'une opposition systématique, nous l'avons vu. Cette opposition systématique, ce ne sont pas des questions pertinentes posées au gouvernement, ce n'est pas un cheminement dans lequel les membres de l'Opposition tentent de percevoir ou de suggérer des améliorations constructives, mais c'est plutôt une répétition de motions qui déjà ont été défendues et débattues quant à leur fond.

M. PAUL: J'en appelle au règlement. Je dis que l'honorable ministre instituteur ne peut parler que sur la pertinence au soutien du rejet ou de la recevabilité de cette motion. Il n'a pas droit de... et en vertu, M. le Président, des dispositions de l'article 332, 5ièmement, j'inviterais le ministre instituteur — il aime ça regarder dans son livre de règlements — à lire l'article 332, 5ièmement. Je soumets respectueusement, M. le Président, qu'en vertu de l'article 67 où la règle mutatis mutandis s'applique, vous devez, de proprio motu, intervenir si un opinant ne respecte pas la règle de la pertinence du débat comme le veut le 5ième-ment de l'article 332.

M. SAINT-PIERRE: Après avoir eu, M. le Président, pendant plus de trois heures une opposition systématique qui a empêché tout progrès dans le débat, je trouve que la motion du premier ministre était fort pertinente et je l'approuve. - M. JORON: M. le Président, le ministre de l'Education vient d'invoquer à l'appui de l'ajournement du débat que nous perdons notre temps parce que nous répétons la même chose. Vous me permettrez d'être d'avis contraire. Je vais vous montrer exactement comment le ministre de l'Education vient de faire la preuve qu'au contraire cette discussion a été grandement utile, mais pas à lui cependant. H a dit essentiellement ceci: Vous avez représenté plusieurs fois essentiellement le même amendement. M. le Président, je vous rappelle que le premier amendement que nous avons déposé était à l'effet de remplacer la filiale par l'Hydro-Québec, et qu'il y avait un changement dans nos travaux puisque, une fois ce sous-amendement rejeté, nous sommes donc avec une filiale.

Il y a donc progression dans les travaux. Le deuxième sous-amendement visait à faire de la filiale, une filiale de plein droit de l'Hydro-Québec plutôt que de la société. Cela a été jugé irrecevable. Troisième étape, M. le ministre de l'Education, l'amendement, qui était en discussion quand le premier ministre a proposé sa motion d'ajournement, visait à imposer une restriction à cette filiale de la société de développement. H est absolument faux de prétendre qu'il y a eu tournage en rond. Au contraire, la discussion a avancé et c'est point par 'point que nous allons la vider.

M. SAINT-PIERRE: Le Parti québécois, M. le Président, pourrait soulever quatorze amendements semblables. On répéterait les mêmes discours de part et d'autre de la Chambre, les opinions sont faites, tous les gens sont éclairés. On n'a qu'à voter. Si on est contre, on est contre, au moins on va progresser.

M. LEGER: M. le Président, je veux simple-

ment dire pour appuyer ce que le leader parlementaire du parti de l'Union Nationale disait que si actuellement on vit dans un climat de tension à l'Assemblée nationale, ce climat de tension n'aurait pas existé si on avait présenté ce projet de loi, au sujet duquel nous parlons aujourd'hui, au milieu du mois de mai ou du mois de juin. Alors, en fin de session on n'aurait pas connu...

UNE VOIX: Sur la motion s'il vous plait. M. LEGER: ... actuellement... UNE VOIX: Hypocrite! Vicieux!

M. LE PRESIDENT: ... contre la motion de l'ajournement.

M. LEGER: M. le Président, contre cette motion-là je veux prouver que tout aurait été normal — ce que nous faisons actuellement, la longueur des discours, la longueur des débats — si cela avait été à une autre période qu'aujourd'hui. Il faut accepter que nous sommes à la fin de la session. Ce n'est pas parce que c'est la fin qu'on va arrêter les travaux ou qu'on va nous empêcher de parler. On va aller au bout, mais ça aurait paru plus normal pour le parti au pouvoir si cela avait eu lieu au milieu de la session aux mois de mai et juin. Il est logique que tout le monde veuille terminer et qu'on trouve anormal qu'on veuille jouer notre rôle et défendre les points de vue que nous voulons présenter.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CARDINAL: M. le Président, je serai très bref. Il y a déjà vingt-cinq minutes que l'on perd du temps à cause du filibuster qui vient du gouvernement même. Deux ministres se sont...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Allez-y, je vais y retourner après.

M. CARDINAL: ... deux ministres se sont levés: le premier ministre s'est levé quatre fois, le ministre de l'Education deux fois, pour ne pas dire davantage. Il faudrait qu'en cette Chambre, on soit assez objectif pour se rendre compte, de part et d'autre, quand et qui cause à certains moments le ralentissement des débats.

M. LE PRESIDENT (Blank): Tous ceux qui sont en faveur de...

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, je ne pense pas qu'on puisse avec preuve à l'appui m'accuser d'obstruction dans cette Chambre depuis quelques semaines. M. le Président, il n'est pas possible de laisser passer une motion semblable du premier ministre sans se servir de notre droit de parlementaire et d'expliquer pourquoi nous ne pouvons nous prononcer en faveur de cette motion-là. C'est le gouver- nement qui a situé le débat en fin de session. C'est le gouvernement qui a situé le débat à l'intérieur d'un certain nombre de projets de loi importants. C'est le gouvernement qui a décidé de répondre par le silence aux objections qui sont présentées par les Oppositions de cette Chambre. C'est le gouvernement, M. le Président, qui a décidé de politiser un débat en lançant le projet à l'occasion d'une réunion politique plutôt que lors d'une conférence de presse ou à l'intérieur de cette Assemblée. C'est le gouvernement qui a décidé par son action d'obstruction en Chambre, comme cette motion-là. C'est le gouvernement qui a tout décidé cela, M. le Président. Nous ne pouvons pas, comme parlementaires, laisser passer un bâillon semblable. Il peut arriver que le premier ministre soit épuisé. Il peut arriver que les forces ministérielles soient surprises du manque de raison à l'appui de ce projet de loi, du manque de raisons présentées par le gouvernement. Il peut arriver, M. le Président, que les députés dans cette Chambre depuis quelques mois n'aient appris qu'un seul discours et qu'un seul mot celui de "vote! vote! " tout simplement parce qu'ils sont une majorité en Chambre et une minorité à l'extérieur.

UNE VOIX: Vous n'avez pas peur du vote, vous aimez cela des votes...

UNE VOIX: La démocratie.

UNE VOIX: Quand vous parliez, les mains en l'air...

UNE VOIX: Ecoutez, ça va vous enrichir.

M. MASSE (Montcalm): II peut arriver, M. le Président, que certains députés de la majorité ministérielle n'aient pas d'autres arguments que de crier. Cela ne doit pas obliger pour autant les parlementaires qui croient à la liberté de parole en Chambre, qui croient que ce n'est pas une journée de plus ou de moins qui va changer les travaux de la baie James...

M. LACROIX: Vous n'avez pas l'air d'y croire, car vous ne venez pas souvent.

M. MASSE (Montcalm): ...depuis quinze jours, le gouvernement...

M. LACROIX: Est-ce que c'était le jour de la paye aujourd'hui?

M. MASSE (Montcalm): ...n'a pas été capable de donner à l'appui de ce projet de loi une seule raison sensée, M. le Président. Il peut arriver que ces parlementaires croient qu'il est dans la logique même du débat de ne pas arriver avec une motion semblable, qui est un dangereux précédent entre les mains du gouvernement, qui peut faire changer le cours d'une discussion logique sur un projet de loi ou sur un

article. Je crois, M. le Président, que pour l'ensemble de ces raisons nous devons nous prononcer contre cette motion. J'espère que les députés de la majorité ministérielle qui ont compris que le gouvernement n'a pas de raison et que cette motion est présentée à cause de l'irritation du premier ministre, que ces députés seront les premiers à se prononcer contre cette motion, qui est une motion pour le moins surprenante et dangereuse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai eu l'occasion tout à l'heure de prendre très calmement la parole, au moment où le premier ministre a fait sa proposition d'ajournement. J'y reviens parce qu'il m'apparaît absolument inusité, anormal, inconcevable que le gouvernement procède de telle façon, alors que nous en sommes précisément au noeud du problème. Nous sommes à étudier les articles que certains considèrent comme les plus contentieux et le député de Missisquoi l'a expliqué tout à l'heure. On prétend que l'on doit ajourner le débat à ce stade-ci parce que l'on dit que les députés auront le temps d'y penser, auront le temps de se reposer, etc. La question n'est pas là du tout. Le débat dure depuis des heures et des heures en Chambre, depuis des jours et des jours. Il a connu des moments assez disgracieux. Or, voici que, par une proposition d'ajournement, le premier ministre, qui a déploré ce qu'il a qualifié d'obstruction de la part de certains parlementaires, se fait lui-même l'agent de l'obstruction en nous empêchant de poursuivre dans un ordre logique l'examen d'un projet de loi,...

M. BOURASSA: Ce soir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...l'examen d'un problème qu'il va nous falloir vider de toute façon. Quel que soit le moment où on reprendra l'étude de ce projet de loi, le premier ministre doit se mettre dans la tête que tous les arguments que se proposent de lui servir les membres de l'Opposition, à quelque formation politique qu'ils appartiennent, vont revenir. Le premier ministre prend le risque suivant: c'est que ces arguments lui soient servis encore plus longuement, avec plus de force, avec plus d'opiniâtreté et peut-être aussi en un climat qui ne sera pas du tout favorable à un examen lucide du problème.

Que le premier ministre se souvienne de ce qui s'est passé samedi dernier. Nous avons connu des moments qui n'avaient rien de glorieux pour le parlementarisme. Alors que l'on poursuit une discussion, qu'on la poursuit dans l'ordre, malgré des interpellations continues du côté ministériel, alors qu'on poursuit cette discussion dans l'ordre, longuement peut-être, cela devient irritant. J'ai été membre d'un gouvernement et nous avons déjà eu à subir de la part de ceux qui sont devant nous — pas tous ceux qui sont là, parce qu'ils n'y étaient pas tous — de la part d'un certain nombre de députés qui sont devant nous, nous avons eu à subir un "filibuster" d'un mois sur un projet de loi. Voilà que le gouvernement, au moment où nous étudions ce projet dans l'ordre, longuement, comme je viens de le dire, décide d'ajourner...

M. BOURASSA: Pour deux heures.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...et nous demande de faire une sorte de trêve. Mais pourquoi, M. le Président?

M. BRISSON: Présentez-les, ces amendements, qu'on en finisse!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourquoi faire une trêve? Cela nous paraît absolument inutile. C'est inusité, c'est inconcevable, et cela peut, M. le Président, donner à l'opinion publique l'impression que le gouvernement a peur de l'opposition qui lui est faite et qu'il se réserve...

M. FOURNIER: ...responsabilité...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...des arguments pour justifier une faiblesse qui nous est apparue évidente et qui sera encore plus évidente si le premier ministre maintient sa position.

M. PAUL: Je demande le vote sur la motion. M. LEVESQUE: Merci.

M. LE PRESIDENT (Hardy): ... Quels sont ceux qui sont en faveur de la motion du premier ministre? Quels sont ceux qui sont contre la motion?

M. PAUL: M. le Président, nous avons voté sur la motion faite par le premier ministre en vertu de l'article, 332 et j'attire votre attention sur la note...

M. LEVESQUE: Un instant, j'ai bien posé la question avant:..

M. PAUL: Un instant, j'ai la parole.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on vote en vertu de l'article 331? Le président a dit: Oui.

M. PAUL: Ce n'est pas suffisant.

M. LEVESQUE : Autrement je n'aurais pas voté.

M. PAUL: Je dis qu'en vertu de la note 3, de l'article 332-6, "l'affaire écartée disparaît du feuilleton, mais elle peut y être rétablie", selon les règles établies.

M. LEVESQUE: M. le Président, c'est

justement pour ça que j'ai posé la question au président. J'ai posé clairement la question.

Le député de Maskinongé vient de dire que la motion a été faite en vertu de l'article 332. Or, avant de me lever, je vous ai posé clairement la question et j'ai dit: Nous votons sur la motion présentée par le premier ministre en vertu de l'article 331. Je connaissais les tactiques dilatoires, le filibuster systématique, je connaissais les tactiques...

M. CARDINAL: A l'ordre, M. le Président! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: ... de l'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: On a des petites nouvelles pour vous.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Les derniers propos du député de Maskinongé ont sûrement dépassé sa pensée. Les derniers propos du député de Maskinongé sont totalement déplacés, je les reconnais comme tels en vertu de président du comité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne le faites pas comme un petit caporal mais comme un président de la Chambre.

M. LE PRESIDENT: Pour le moment, l'honorable leader parlementaire du gouvernement avait la parole et je la lui laisse.

M. LEVESQUE : Si le premier ministre avait utilisé l'article 332, tel que l'article le prévoit, il aurait utilisé la formule sacramentelle, 332, paragraphe 2, "Cette motion doit être formulée en ces termes: "Que le président quitte maintenant le fauteuil." Or, le premier ministre — qu'on retourne aux Débats — n'a pas prononcé ces paroles, mais pour être plus sûr, connaissant les tactiques dilatoires, connaissant le "filibuster", connaissant l'obstruction systématique — et tous les moyens sont bons pour ces gens — j'ai pris la précaution, avant de me lever et avant de voter et avant que le premier ministre recommence le vote, de forcer M. le Président à prendre ses précautions, en disant: M. le Président — et on le lira aux Débats — j'ai dit: M. le Président, nous votons sur l'article 331, sur la motion du premier ministre faite en vertu de l'article 331, qui se lit comme suit: "Un député peut toujours, au cours des opérations d'un comité plénier, proposer de rapporter à la Chambre que le comité n'a pas fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger de nouveau." C'est en vertu justement de cet article que le premier ministre a demandé de faire rapport et il n'y a rien dans la proposition du premier ministre qu'on peut relier à l'article 332.

Et justement, parce qu'il aurait pu y avoir un doute et prévoyant la tactique qu'a effectivement utilisée le député de Maskinongé j'ai posé cette question préalable avant même le vote. Nous votons en vertu de l'article 331. Le président a dit oui. C'est parce qu'il a dit oui que nous avons voté autrement nous n'aurions pas voté parce que nous connaissions aussi bien que l'Opposition les dispositions de notre règlement.

M. PAUL: Lorsque le premier ministre s'est levé pour faire sa motion, le député de Gouin a demandé au premier ministre en vertu de quel article sa motion était faite. Il a répondu: En vertu de l'article 332. Par conséquent, nous avons voté en vertu de l'article 332. De toute façon, nous allons avoir la transcription du Journal des Débats et en temps et lieu nous ferons la procédure qui s'impose.

M. HARDY (président du comité plénier): J'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité n'a pas fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger à nouveau.

M. LAVOIE (président): Quand siégera-t-il? A la même séance.

M. LEVESQUE: A la même séance ou à la séance subséquente. On verra. Article 6?

M. PAUL: M. le Président, je voudrais qu'on inscrive au feuilleton immédiatement, sous réserve.

M. BERTRAND: Sans préjudice. DES VOIX: On vote.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEVESQUE : Il n'y a rien dans les règlements qui permet sous réserve ou sans réserve. L'article 6?

Projet de loi no 80 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, comme vous le savez mon temps de parole, puisque je parle au nom du chef de l'Opposition officielle, est illimité. Situons ça dès le départ. Il y a du bruit.

DES VOIX: Parlez plus fort.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je disais donc et je m'apprête à dire quand le bruit aura

cessé... Je m'apprêtais à dire quand le bruit a cessé grâce à vous M. le Président, et je vous en remercie, que sur la seconde lecture de ce projet de loi mon temps de parole est illimité. Ce n'est pas mon intention — et les gens qui me connaissent le savent bien — de faire de l'obstruction, de mener ce qu'on appelle à Ottawa un "filibuster". Vu l'importance de ce projet de loi et les répercussions qu'il aura sur l'avenir du Québec, sur l'institution politique du Québec, je désire dans la mesure du possible faire un examen exhaustif de la question ayant été autorisé par le premier ministre lui-même dans le texte de présentation de son projet de loi à étudier les différents problèmes que pose le projet de loi no 80 qu'il soumet à notre approbation.

Le projet de loi no 80 a pour objet de créer la commission permanente de la réforme des districts électoraux.

Cette démarche du gouvernement s'inscrit dans un ensemble d'intentions, de volonté et de gestes qui ont été manifestés ou posés par divers gouvernements depuis un certain nombre d'années afin d'améliorer les institutions politiques québécoises.

Au soir de l'élection d'avril 1970, le premier ministre faisait à la population une promesse formelle. Il l'a rappelée dans son discours de seconde lecture. Il s'engageait à procéder dans des délais raisonnables à une refonte de la carte électorale. Nous avons pris note à ce moment-là de son intention, de sa volonté. Nous interrogeant toutefois sur le caractère précipité d'une déclaration faite par un homme qui n'était pas encore investi des pouvoirs suprêmes de chef d'Etat, qui n'avait pas encore eu le temps d'examiner toute la situation, de voir toutes les conséquences qu'impliquait sa promesse, nous nous sommes, par conséquent, tout de suite interrogés sur ses intentions, sur les gestes qu'il pourrait éventuellement poser et sur leur portée sur l'avenir politique du Québec.

Depuis lors, le chef du gouvernement a posé d'autres gestes, motu proprio ou encore à la demande des différentes formations politiques qui sont représentées ici dans cette Chambre. C'est ainsi que nous avons vu naître la commission de l'Assemblée nationale, qui s'est penchée spécialement en un nombre assez important de séances sur le problème complexe de la réforme électorale, du mode de scrutin, de la carte électorale, de la Loi électorale et de tout ce qui peut s'y greffer.

Au début des séances de cette commission de l'Assemblée nationale, j'avais fait une intervention en indiquant au premier ministre que sa volonté manifestée dans un acte, soit la convocation de la commission de l'Assemblée nationale aux fins d'étudier les divers problèmes que j'ai évoqués tout à l'heure, j'avais dit que ce geste, s'il ne me paraissait pas nécessairement prématuré, ne me paraissait toutefois pas tenir compte d'une réalité beaucoup plus complexe, beaucoup plus importante, soit celle de l'ensem- ble de la réforme de l'institution politique québécoise. J'avais notamment fait part au premier ministre, à l'appui de mes avancés, de cette intention à maintes reprises manifestée par les hommes politiques, cette intention de voir le gouvernement du Québec, des citoyens du Québec, se donner une constitution québécoise. Et m'appuyant là-dessus, j'avais indiqué que les séances de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale destinées à permettre l'étude de la réforme électorale n'était qu'une pièce dans un ensemble beaucoup plus grand, beaucoup plus complexe et beaucoup plus important.

On m'avait rétorqué alors - je crois, M. le Président, que c'est vous qui m'aviez rappelé à l'ordre — que le problème tel que je le posais relevait davantage de la commission parlementaire de la constitution que de celle de l'Assemblée nationale constituée pour l'étude de la réforme électorale.

Je m'étais rendu à votre décision, appréciant comme à l'accoutumée votre jugement. Mais si je reviens, M. le Président, sur ce argument, cet après-midi au début de l'examen de ce projet de loi, c'est que je suis encore d'avis que tout le problème de la réforme électorale ne peut être vraiment compris, entendu, saisi ou perçu dans sa dimension réelle, qu'on ne peut vraiment saisir toute la portée de ce problème, tout le poids de ce problème que si on l'examine dans l'optique d'une réforme beaucoup plus grande de l'institution politique, réforme qui devra nécessairement se traduire un jour par la rédaction d'une constitution véritablement québécoise, constitution à l'intérieur de laquelle on retrouvera les mécanismes qui régissent, qui doivent ou devront régir l'institution et les institutions politiques québécoises.

Je ne condamne pas, M. le Président, le geste que pose aujourd'hui le premier ministre en nous soumettant ce projet de loi, mais j'attire encore une fois l'attention du premier ministre et des parlementaires sur l'aspect fragmentaire de la réforme qu'il nous propose. Certes, l'intention du premier ministre est non seulement louable, mais elle est nettement, catégoriquement valable.

Il se propose de corriger, dans le domaine de la représentation des citoyens par le truchement des députés élus, certaines inégalités, ce qu'il a qualifié d'injustices et d'iniquités. Je retiens le mot injustice en rejetant le iniquité parce que je pense que le premier ministre, dans sa démarche intellectuelle, a utilisé le terme iniquité comme l'antonyme du mot équité, ce qui n'a pas du tout le même sens en français.

Par conséquent, M. le Président, je dis que l'intention du premier ministre est non seulement louable, mais qu'elle est éminemment valable. M. le Président, cela ne m'empêche pas de maintenir ce que j'ai dit, savoir que l'on procède, dans ce domaine comme dans bien d'autres, de façon fragmentaire. L'on s'attaque à un problème, à une pièce d'un grand ensem-

ble, d'une grande machine qui est l'institution politique québécoise, laquelle institution ne peut véritablement être manifestée dans toute sa dimension que le jour où l'on aura une véritable constitution québécoise, écrite au Québec, par des Québécois et pour des Québécois.

Je tenais, M. le Président, à faire au départ cette mise au point afin de situer le problème et de faire comprendre au premier ministre que la précipitation qui lui a inspiré sa déclaration le soir des élections ne tenait pas compte de l'entier du problème — du problème dans ce qu'on appellerait d'un mot savant et qui est en fait un néologisme — de l'intégralité du problème.

Néanmoins, M. le Président, je n'ai pas l'intention de m'opposer à la présentation de ce projet de loi. Il vient à son heure? Non, j'ai des doutes. J'ai certains doutes et même des doutes assez sérieux. Mais je premier ministre a politiquement, comme dans le cas des 100,000 emplois, fait son lit le soir de l'élection du 29 avril. Il est lié par une promesse à caractère électoral. Je ne donne pas ici au mot un sens péjoratif. Mais sur la lancée d'une campagne électorale, encore dans l'esprit d'une campagne électorale, ennivré d'un succès un peu facile et peut-être accidentel, le premier ministre s'est empressé de répondre à l'avance à une critique que l'on pourrait formuler sur la représentativité de ceux qui venaient d'être élus ce soir-là.

Le geste du premier ministre, pour toutes ces raisons, me parait donc prématuré. Je ne conteste pas cependant le droit, qu'il a en sa qualité de chef d'Etat — le droit qui est le sien — de proposer des réformes même si, à nos yeux, elles paraissent prématurées et fragmentaires.

Ainsi donc, il nous propose par le projet de loi no 80, la création d'une commission permanente de la réforme des districts électoraux. Ce problème, M. le Président, de la réforme des districts électoraux, du réaménagement de la carte électorale, nous l'avons examiné, on peut dire, sous toutes ses faces, sous tous ses angles, sous toutes ses facettes en commission parlementaire à l'aide des experts et à l'aide des députés qui, tour à tour, se sont exprimés.

Il est apparu assez nettement — et je pourrais même dire catégoriquement — que les opinions — et M. le Président, vous qui présidiez cette commission — sur l'ensemble du problème de la réforme électorale, étaient partagées, à certains égards, contradictoires et, à tout le moins, fort nuancées. Il est apparu également, M. le Président, au cours des auditions, qu'il serait difficile de s'attaquer au problème du réaménagement de la carte électorale sans, en même temps, toucher à toutes les autres questions qui s'y greffent, particulièrement le mode de scrutin, la loi électorale, les dépenses électorales, etc.

Nous avons en effet fait valoir — et j'étais de ceux-là — que l'on pouvait fort bien procéder à un réaménagement de la carte électorale en vue d'assurer une meilleure représentativité des élus du peuple. Mais cette réforme de la carte électorale, cette nouvelle assignation, cette nouvelle délimitation de districts électoraux comporterait ou la diminution ou l'accroissement desdits districts. Nous avons, à ce moment-là, fait observer que ces nouveaux députés en plus grand ou en plus petit nombre seraient encore élus de la même façon qu'ils l'ont été lors des dernières élections et de la même façon qu'ils semblent devoir être élus lors des prochaines élections.

Il y a, à mon avis, une sorte d'hiatus dans la pensée du gouvernement dans ce domaine parce qu'à mon sens si l'on veut axer la réforme électorale sur une première phase, soit celle de la représentativité, on ne peut pas se désintéresser de l'autre aspect, soit celui du mode de scrutin. En effet, si on décidait, par hypothèse, qu'il y aura, en vertu du projet de loi qui est devant nous, d'ici un an, deux ans ou trois ans, 125 députés au lieu de 108, qu'il y aura 90 députés au lieu de 108, il faut comprendre que ces députés seront encore élus de la même façon.

Donc, les deux problèmes: réforme de la carte, mode de scrutin, me paraissent être liés. Mais le gouvernement a choisi, a fait son lit, je l'ai dit tout à l'heure, il nous propose un projet de loi aux fins de réaménager la carte électorale, de redessiner les frontières des districts électoraux. Nous devons donc nous en tenir à ce geste précis que veut poser le gouvernement pour amorcer la réforme électorale.

Je n'ai aucune sorte de réserve en disant que j'accepte le geste du gouvernement. J'ajouterais même que je pourrais le féliciter de poser ce geste. C'est un pas, c'est une étape qu'il fallait franchir, ce qui ne détruit pas les arguments dont je me suis servi tout à l'heure, soit que le gouvernement ne me parait pas procéder dans un ordre strictement logique et ne me paraît pas avoir une conception globale de toute la réforme de l'institution parlementaire et de l'institution politique québécoise.

Au cours des auditions, des séances de la commission parlementaire, nous avons examiné avec les experts le problème du mode de scrutin. Le premier ministre en a parlé ce matin.

Il a mis l'accent, avec raison, sur la difficulté qu'il y a à procéder rapidement dans ce domaine. D'ailleurs, il s'appuyait, en cela, sur l'avis des experts que nous avons entendus et sur l'avis des praticiens de la politique, qui dans mon esprit — et cela sans préjudice au mérite des experts — ils s'appuyaient sur l'avis des praticiens de la politique, qui dans mon esprit, a autant de poids et de valeur que celui des experts que nous avons entendus, fussent-ils, M. le Président — et vous en avez été témoin — les plus brillants et les plus compétents.

On nous a dit — et nous l'avons exprimé

nous-mêmes — qu'il serait périlleux de précéder immédiatement à un changement du mode de scrutin. Bien des arguments ont été invoqués à l'appui de cette sorte de consentement qui s'est manifesté. On a parlé notamment, des habitudes électorales des citoyens, habitudes que le professeur Meynaud qualifiait de culture politique, terme que pour ma part, je n'aime pas, sinon, lorsqu'on le prend dans son sens réel, dans le sens que lui donne l'anthropologie culturelle.

On nous a dit que compte tenu des habitudes électorales des citoyens — et nous l'avons dit peut-être encore avec plus d'insistance — que les habitudes électorales des citoyens du Québec, nous incitaient et devaient nous inciter à procéder avec une extrême prudence dans le domaine de la réforme des modes de scrutin. Cela est normal, M. le Président, même si —et là je respecte l'avis de tout le monde — bien des gens nous ont présenté à ce sujet des sortes de formules miracles, même si des gens, partant de certaines circonstances de fait, de certaines réalités qu'on a pu observer dans le Québec depuis un certain nombre d'années même si bien des gens ont réclamé que l'on change en même temps que la carte électorale, le mode de scrutin. Le gouvernement ne veut pas procéder tout de suite dans ce domaine et je suis d'accord avec lui.

Nous avons, au cours des séances de cette commission de l'Assemblée nationale, examiné le problème des modes de scrutin. Avec les conséquences que je viens de décrire. Nous avons examiné le problème de la refonte, du réaménagement de la carte électorale. Ici, M. le Président, il m'apparaît important de faire certaines considérations d'ordre général. D'où est venu, tout à coup, cette sorte de volonté de procéder dans des délais extrêmement brefs, à une refonte de la carte électorale? Certes, de certaines réalités observables, de certaines réalités contrôlables, si je puis utiliser ce terme.

Elle est venue de certaines réalités vérifiables, savoir, par exemple, qu'il y a des inégalités — ce que le premier ministre appelait des injustices et des iniquités — dans la représentativité des députés qui sont élus dans ce qui constitue ce Parlement.

C'est une situation de fait, c'est une réalité que nous ne pouvons pas écarter. Il nous appartient à nous, très froidement, d'étudier cette réalité et d'y apporter prudemment les correctifs nécessaires. Mais il n'y a pas que cette considération de fait vérifiable qui a provoqué cette sorte de mouvement, cette sorte d'enthousiasme, cette sorte de frénésie pour une refonte de la carte électorale.

Il y a eu à un moment donné une sorte de cristallisation de l'opinion publique autour d'un schème de pensée qu'on présentait comme la vérité absolue, savoir que l'émergence de certains partis politiques nouveaux imposait de toute urgence la nécessité d'une refonte de la carte électorale. Ce n'est pas un phénomène qu'il faut écarter. C'est un phénomène dont il faut tenir compte; ce n'est pas un phénomène qu'il faille ignorer. C'est une réalité qu'il y a eu émergence de partis nouveaux.

Ce qui fait qu'actuellement, en Chambre, au lieu de trouver deux partis politiques, on en trouve quatre. C'est une réalité, c'est un fait. Mais s'appuyant sur ce phénomène qui n'est en réalité qu'un épiphénomène greffé sur une conjoncture sociologique et politique pas nécessairement permanente, probablement temporaire, l'émergence de ces partis politiques constitue à mon avis un épiphénomène qui ne doit pas inciter les parlementaires, les législateurs à statuer à partir de bases qui ne se sont pas encore avérées permanentes, à partir de réalités qui n'ont pas encore ce caractère permanent, mais qui ont, à mon avis — l'on pourra différer d'avis avec moi — un caractère transitoire.

Je pense que les députés du Ralliement créditiste se rendront compte, en écoutant ce que je dis, que je n'ai pas du tout l'intention de nier l'existence de leur formation politique.

M. DROLET: Merci.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout simplement, j'examine une conjoncture politique et socio-politique. D'autre part, je les mets en garde contre les conjectures de ceux qui voudraient considérer cette conjoncture comme définitive et permanente. C'est ce que j'appelle l'épiphénomène.

M. BOIS: C'est surnaturel.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je comprends que les termes que j'utilise ne sont peut-être pas — ce n'est pas une façon de mépriser qui que ce soit — familiers à tous les parlementaires, mais il faut quand même appeler les choses par leur nom et utiliser les termes, puissent-ils être considérés comme pédants, qui décrivent exactement les réalités.

Je disais qu'il y a eu après les élections, à cause de partis politiques nouveaux, à cause d'une conjoncture socio-politique que je considère personnellement comme transitoire, que je considérerai comme transitoire tant et aussi longtemps que d'autres faits ne seront pas venus la vérifier et lui donner ce caractère permanent, ce mouvement, cet enthousiasme, cette frénésie qui se sont manifestés et qui ont suscité dans la presse et ailleurs toutes sortes de commentaires sur la nécessité de procéder à une réforme de la carte électorale. Mais tout cela ne doit pas être pour les parlementaires le critère de base mais simplement une indication de la nécessité qu'il y a d'examiner le problème sans toutefois asseoir l'examen critique de ce problème sur ce qui me paraît encore être des assises extrêmement fragiles sinon ruineuses.

Ainsi donc, au cours de l'étude du projet de loi que nous avons devant nous, il ne faudra jamais perdre de vue que notre démarche doit

être marquée au coin d'une prudence normale, non pas d'un conservatisme rétrograde, mais d'une prudence qui s'inspire d'une connaissance des véritables réalités, de celles que l'histoire a consacrées, de celles que la tradition a réellement édifiées, de celles qui constituent le quotidien de tous les jours.

Le gouvernement — et le premier ministre l'a exprimé ce matin — désire créer une commission permanente de la carte électorale qui complète selon lui le commencement de réforme amorcé par la loi 65 qui a fait disparaître ce qu'on appelait traditionnellement les comtés protégés.

Cette réforme de la carte électorale — je l'ai dit — est nécessaire, parce qu'il existe un fait, c'est qu'il y a des comtés qui contiennent un nombre très grand d'électeurs à côté de circonscriptions qui comptent un nombre beaucoup plus restreint d'électeurs, d'où les inégalités, les injustices que déplorait ce matin le premier ministre. Cela est un fait. C'est un fait dont les parlementaires doivent tenir compte et c'est un fait dont la commission que l'on va créer par la loi 80 doit tenir compte.

Mais, cette commission — et nous avons insisté énormément là-dessus en commission parlementaire de l'Assemblée nationale — ne devra pas travailler de n'importe quelle façon. Elle va certes avoir une autonomie puisqu'elle sera composée de trois personnes qui pourront éventuellement s'adjoindre des assistants, des auxiliaires.

Ces trois personnes auront un travail technique à faire. Elles auront une tâche d'ordre technique à accomplir. Et cette tâche technique, elles ne peuvent l'accomplir, comme l'entendent les parlementaires et selon la volonté des parlementaires, que si on a déterminé pour elle ou pour leur gouverne des normes et des critères. Et vous savez, M. le Président, pour avoir participé à toutes les séances de cette commission, combien de fois nous avons interrogé les experts, combien de fois nous nous sommes interrogés les uns les autres sur la définition de ces critères, sur l'importance d'un critère par rapport à un autre. Il faut donc, et je m'étonne de ne pas trouver, dans le projet de loi que présente le premier ministre, de mention de ces critères. Certes, en toute rigueur de la technique législative, il était peut-être difficile d'inscrire dans le texte de loi une prescription qui définisse les critères devant servir au travail de la commission. Mais il faut bien comprendre aussi que la commission de l'Assemblée nationale a ajourné ses travaux sine die et qu'elle n'a pas formulé, en ce qui concerne le cas des critères, de propositions ou de recommandations.

Je puis donc en conclure encore une fois, M. le Président, que le geste que pose le premier ministre en nous présentant ce projet de loi, est aussi à cet égard, prématuré. Il me parait que le premier ministre eut dû, avant de déposer ce projet de loi, convoquer à nouveau la commission de l'Assemblée nationale afin de réexami- ner le problème de la refonte de la carte électorale en demandant aux membres de cette commission parlementaire de proposer des recommandations, d'indiquer quels étaient les critères qui, selon eux, auraient dû être retenus et qui allaient servir au travail de ceux qui constitueront la commission que nous allons créer.

Il y a donc là, M. le Président, à mon sens, une faille sérieuse dans le projet de loi du premier ministre. On crée une commission permanente de la réforme des districts électoraux. On lui donne un mandat: celui de procéder à un découpage de la carte électorale. Pourquoi? Comment? Rien n'est dit dans la loi, sauf une indication d'un certain nombre d'électeurs avec une variable de 25 p.c. plus ou moins selon les circonstances.

Je crois que, dans sa démarche, le gouvernement n'a pas, à mon avis respecté complètement l'engagement que le premier ministre avait pris lui-même à ma demande, à la demande du député de Montmagny et d'autres collègues. A mon avis, on n'a pas respecté complètement la demande qu'avaient faite les parlementaires d'être associés le plus près possible à tous les travaux que pourraient effectuer les commissions qui émaneraient de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale.

Je reprends, à l'intention du premier ministre, ce que je disais tout à l'heure, à savoir que l'on ne voit pas dans ce projet de loi, sauf les indications que j'ai mentionnées tout à l'heure, que le premier ministre se soit vraiment préoccupé des multiples opinions qui ont été exprimées par les membres de la commission, par les experts sur le problème des critères qui doivent servir à ceux qui seront les commissaires de cette nouvelles commission, pour procéder au découpage de la carte.

On mentionne un nombre d'électeurs et une variable de 25 p.c. plus ou moins, c'est tout. Mais si le premier ministre était venu à la commission parlementaire, s'il avait assisté à toutes les séances, il y est apparu quelques fois, si le premier ministre avait suivi tous les travaux, il se serait rendu compte que nous avions insisté sur un certain nombre de critères. On trouve ici, je lis les notes explicatives parlant de la commission, on dit qu'il lui sera aussi possible mais à titre exceptionnel de déroger à ces principes pour des raisons d'ordre démographique et géographique.

Cela est bien peu, M. le Président, et cela ne retient même pas l'essentiel des propositions que nous avons faites à la commission parlementaire. Je vais en donner la preuve au gouvernement en lui rappelant que, dans l'examen que nous avons fait du problème de la refonte de la carte électorale, les experts et les députés ont examiné l'un après l'autre un certain nombre de critères et je mentionne les principaux, critères démographiques les notes explicatives en parlent; critères géographiques, les notes explicatives en parlent.

Mais la loi et les notes explicatives sont

muettes sur les critères socio-économiques, sur les critères politiques, sur les critères socioculturels. Cela est extrêmement important et je tenais à le souligner, non pas pour attaquer le gouvernement mais pour faire une critique objective et positive du projet de loi qui est devant nous. Le premier ministre, j'y reviens, nous avait donné l'assurance que nous serions associés aux travaux que pourraient entreprendre les organismes émanant de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale.

Nous avons pris sa parole, il l'a tenue jusqu'à un certain point. Dans le cas qui nous occupe, il n'a pas cru devoir tenir compte de tout le poids, de toute l'insistance que nous avions mise sur la définition des critères qui doivent servir aux futurs commissaires à réaménager ou à découper la nouvelle carte électorale.

Les commissaires qui seront chargés de ce travail — les notes explicatives de la loi le disent — doivent tenir compte d'un certain chiffre qui établit le nombre de citoyens qu'on doit retrouver dans chacune des circonscriptions. On dit en effet: "la commission devra en appréciant le nombre des districts électoraux au Québec et l'étendue de chacun d'eux, voir à assurer à tous les électeurs une représentation juste et équitable à l'Assemblée nationale et s'assurer également que chaque district électoral comprendra 32,000 électeurs. Elle pourra s'écarter de cette règle en raison de la densité de la population mais l'écart ne devra pas excéder 25 p.c. Il lui sera ainsi possible, mais à titre exceptionnel, de déroger à ses principes pour des raisons d'ordre démographique et géographique".

Je dis tout de suite, M. le Président, que lorsqu'on lit dans les notes explicatives "à titre exceptionnel" on devrait lire ceci: "la commission devra, normalement et nécessairement, tenir compte des raisons d'ordre démographique et géographique". Donc, de ce qui me parait essentiel, on fait l'exception. C'est donc, à mon avis, une sorte d'accroc à l'engagement moral — et là, ce n'est pas une accusation — qu'avait pris le premier ministre à notre endroit.

On parle ensuite d'un nombre de 32,000 électeurs. Je dis tout de suite que cela est en principe acceptable. Cela peut être en principe raisonnable et, compte tenu des réalités démographiques que l'on examinera, cela peut s'avérer absolument valable, raisonnable, normal. Mais, il faut quand même le souligner, M. le Président, ce chiffre de 32,000 n'est pas, à mes yeux, un chiffre magique. Ce n'est qu'une indication. Je crois d'ailleurs que les notes explicatives n'en font pas un impératif catégorique mais confère à ce chiffre de 32,000 électeurs un caractère d'indication.

Parce que si l'on devait absolument retenir ce chiffre de 32,000 électeurs, — et là, je mets de côté toutes les exceptions que l'on devra faire, toutes les réalités dont on devra tenir compte et qui peuvent modifier ce chiffre de 32,000 — n'est pas un chiffre magique, on peut le retenir comme une indication. Il ne tient pas compte des autres facteurs que j'évoquais tout à l'heure en parlant des critères.

Sur le plan socio-économique, par exemple, on peut concevoir un découpage de la carte électorale qui tiendrait compte des régions économiques, des sous-régions économiques, mais on peut aussi concevoir un découpage qui tiendrait compte d'une autre façon de la réalité socio-économique. La réalité régionale, par exemple, qui n'est pas simplement une réalité géographique. Mais lorsque je parle de réalité régionale, j'en parle comme d'une réalité sous-tendue par un ensemble d'autres réalités qui tiennent à autre chose qu'à des proportions rigoureusement mathématiques.

Je prends, par exemple, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y a là une grande réalité socio-économique, socio-culturelle, pourrais-je même dire qui ne peut pas être — et ce sera le cas pour toutes les régions si on les prend l'une après l'autre — considérée de la même façon que toutes les autres réalités par point de comparaison. C'est que chaque région, la nôtre en particulier, une autre en particulier —on peut faire des cas particuliers de chacune des régions — a des problèmes économiques d'une importance particulière. Elle éprouve des difficultés économiques particulières. Sa population a un caractère particulier. Elle est à un stade de son évolution qui en fait une région économique à caractère particulier. Au moment où cette région est à prendre son essor, au moment où elle essaie de prendre son essor, au moment où le gouvernement s'est efforcé — le nôtre comme celui qui est devant nous — d'analyser l'entier du problème économique et social de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, au moment où le gouvernement s'efforce de mettre en application les recommandations de la mission de planification économique qui a travaillé chez nous, il devient extrêmement important d'examiner le problème de cette région dans une optique particulière et d'examiner le problème de sa représentation au Parlement non pas simplement à partir de bases démographiques. Si je parle en termes de député, de représentant élu, je dis au premier ministre que toutes les régions qui en sont à ce stade d'un développement économique qui s'amorce ou d'un développement économique qui retarde, qui en fait dans certains cas des régions défavorisées, il est extrêmement important de donner à ces régions une représentation très forte à l'Assemblée nationale.

Ceci ferait le contrepoids avec des régions économiques beaucoup plus favorisées. Ainsi donc, le critère purement démographique que l'on pourrait appliquer par exemple dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la région de la Gaspésie ou dans la région du Nord-Ouest du Québec, ce critère ne me parait pas être le meilleur pour découper la partie de la carte électorale qui recouvre cette entité socio-économique qu'est la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Le problème ne se pose pas nécessairement

de la même façon quand on prend l'île de Montréal. Prenons l'entier de l'île de Montréal et même la périphérie de l'île. Il y a là une grande concentration de population. Cette population — on peut dire en quelque sorte les zones grises, et elles sont assez apparentes — cette grande région métropolitaine de Montréal, si on la compare à d'autres régions du Québec, n'est pas défavorisée, en ce sens qu'elle a quand même un potentiel économique, industriel, commercial qui constitue le stimulus nécessaire à l'alimentation de sa population, à son développement, à son accroissement, à son bien-être, à son mieux-être et à son expansion.

Le cas n'est pas du tout le même lorsqu'on parle des régions comme celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, celle du Nord-Ouest, celle de la Gaspésie, celle de la Côte-Nord et celle du Saguenay. C'est pourquoi je dis au premier ministre que ce critère rigoureusement démographique qui est indiqué ici dans le projet de loi, qui est retenu par le projet de loi n'est pas le seul, loin de là, qui doive être retenu. Mais il faut, si l'on entend procéder à un découpage de la carte électorale dans une région économique donnée qui a les caractères que j'ai décrits tout à l'heure, tenir compte de l'entier de la réalité socio-économique et ne pas se rabattre uniquement sur le réservoir de population qui s'y trouve.

Il y a là, M. le Président, une question d'équilibre, il y a une question de poids.

Il y a une question de rapport de forces entre des régions qui ont suffisamment de facteurs pour se développer, croître normalement et maintenir un rythme de croissance normal et des régions qui, elles, n'en sont qu'au stade où elles amorcent soit une relance économique, soit un virage dans l'ordre économique ou soit qu'elles s'en trouvent rigoureusement au stade de la naissance d'une économie régionale.

Je ne veux pas plaider trop longuement la cause de la représentation socio-économique, mais je crois que la commission, qui s'occupera du découpage de la carte électorale, devra tenir compte rigoureusement, à peine de déposséder de leurs droits à être représentés des gens qui en sont précisément au point où ils ont davantage besoin d'une représentation plus forte et numériquement accrue. J'ai défendu ce point de vue devant la commission et je le défends ici en Chambre parce que cela me paraît non seulement essentiel, mais vital, capital et crucial dans le cas de certaines régions en particulier.

Dans l'examen des critères que nous avons fait, nous nous sommes interrogés assez longuement sur le critère socio-culturel. Lorsqu'on a parlé de ce critère socio-culturel, on a évidemment fait immédiatement référence au caractère hétérogène de la population du Québec dans certains milieux et dans certaines régions, référant en cela au problème de la langue et de la culture.

C'est un aspect extrêmement important du problème et j'imagine que les députés, qui représentent les régions où se pose ce problème de l'existence de deux langues ou de deux cultures de façon bien manifeste, se feront entendre sur le sujet et nous donneront leur point de vue aux fins d'éclairer les commissaires qui vont s'occuper de découper la carte électorale.

Ils donneront leur point de vue aux fins de les éclairer pour qu'ils tiennent compte de ce phénomène langue et culture qui existe dans certaines circonscriptions de l'île de Montréal, dans la région des Cantons de l'Est et d'ailleurs.

Si on pense à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean — je prends cet exemple parce que c'est celui quand même qui m'est le plus familier — ce critère socio-culturel, je ne dirais pas qu'on ne doive pas en tenir compte mais il a une importance relative du fait de l'homogénéité socio-culturelle de la région qui est, à toutes fins utiles, à 99.9 p.c. de langue et de culture française. Si on prend les circonscriptions de Montréal, les circonscriptions des Cantons de l'Est, la situation est très différente.

Même si — là, je réfère aux observations que nous faisait le professeur Meynaud — dans une région comme celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean où il n'y a pas ce caractère hétérogène de la population du point de vue socio-culturel, il n'empêche qu'on retrouve là une population qui a vraiment, au sens de l'anthropologie culturelle, sa culture, qui a sa personnalité, qui a son identité et qui est jalouse des caractères qui lui sont propres, une population qui ne voudrait pas en être dépossédé, qui ne voudrait pas que ses caractères soient altérés par une représentation parlementaire qui ne correspondrait pas à tout ce que cette population représente de force, de dynamisme et d'originalité. Ce que je dis là pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean vaut pour d'autres régions. Le professeur Meynaud insistait là-dessus parlant des provinces françaises où il y a quand même homogénéité du point de vue linguistique et culturel.

Il nous disait que dans un découpage de la carte électorale dans un pays unitairement français ou unilingue ou uniculturel, on devait quand même tenir compte de la réalité socioculturelle qui se manifeste dans chacune des régions d'un pays qui peut être de même langue, qui peut n'avoir qu'une langue et qu'une culture.

M. le Président, il est six heures et je demande la suspension de nos travaux.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que le député peut nous dire s'il en a pour longtemps?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'en sais rien, M. le Président.

M. LEVESQUE: S'il n'en sait rien disons que nous continuerons et nous reviendrons au cours de la soirée au bill 50. D'accord. Merci.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je faisais une blague. Ce n'est pas gentil de la part du leader parlementaire. Je me permets, M. le Président, de vous signaler que mes relations avec le leader parlementaire sont toujours très agréables...

M. LEVESQUE: Oui, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...et très compréhensives.

M. LEVESQUE: C'est pour cela que j'ai été surpris de la réponse du député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je lui ai fait une blague.

M. LEVESQUE: Ah bon!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et je pensais qu'il l'entendrait comme une blague. Mais puisqu'il veut que nous étudiions le projet de loi no 50, je suis d'accord.

M. CHARRON: Allons à l'article 332. M. BURNS: Ce n'est plus au feuilleton.

M. LEVESQUE: Cela ne tient pas debout, cette affaire-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va revenir au bill 80.

M. LEVESQUE: M. le Président, qu'est-ce que le député de Saint-Jacques a à dire?

M, BURNS: C'est moi qui ai dit que ce n'est plus au feuilleton.

M, LEVESQUE: Qu'est-ce qui n'est plus au feuilleton?

M. BURNS: Le bill 50.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: Ne rêvez pas en couleurs.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Jusqu'à quelle heure devons-nous suspendre?

M. LEVESQUE: Huit heures.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures.

Reprise de la séance à 20 h 8

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: M. le Président...

M.PAUL: M. le Président, je vous ai fait part...

M. LEVESQUE : Un instant, M. le Président! J'étais debout avant l'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL : Sur une question de règlement, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai une directive à demander.. J'ai dit: "M. le Président", avant que l'honorable député de Maskinongé se lève et j'étais debout avant lui. M. le Président, j'ai une directive à vous demander.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable leader parlementaire.

M. PAUL: M. le Président, un point de règlement a toujours priorité sur une directive.

M. LEVESQUE: M. le Président, vous m'avez donné la parole.

M. PAUL : Un point de règlement a toujours priorité sur une directive.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement afin de vous demander une directive.

M. PAUL: Après moi! Je l'ai invoqué avant vous.

M. LEVESQUE: Et je l'ai fait avant que l'honorable député de Maskinongé soit levé.

M . PAUL: Non, M. le Président. DES VOIX: Non. DES VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement.

Projet de loi no 50 (suite)

Demande de directive

M. LEVESQUE: M. le Président, encore une fois, j'invoque le règlement pour vous demander une directive. La Chambre a suspendu ses travaux à six heures pour les reprendre maintenant. Avant que nous nous quittions, nous avions disposé d'une motion de l'honorable premier ministre faite, de toute évidence, en vertu de l'article 331 de nos règlements.

UNE VOIX: Non. UNE VOIX: Oui.

M. LEVESQUE : Nous reviendrons à cela après. D'après cet article 331 de notre règlement, "un député peut toujours, au cours des opérations d'un comité plénier, proposer de rapporter à la Chambre que le comité n'a pas fin de délibérer et qu'il demande la permission de siéger de nouveau".

L'honorable premier ministre, qui ne souffre pas de la maladie bien connue de la "procé-durite", n'a pas, évidemment, nommément fait appel à l'article 331. A ce moment-là, il était bien compris par tous les honorables membres de cette Chambre que l'honorable premier ministre avait décidé, devant l'attitude négative et persistante de certains membres de cette Chambre, de leur donner l'occasion de faire un peu de médiation. Nous voyons bien l'intention de l'honorable premier ministre lorsqu'on lit, dans le journal des Débats, qu'il a, à ce moment-là, dit que l'on pourrait reprendre l'étude du projet de loi 50 en comité plénier à 8 heures, après ces deux heures de réflexion qu'il accordait généreusement à une certaine oppo-siton qui pense gagner des points. Je ne parlerai pas. Je resterai sur la demande...

DES VOIX: M. le Président...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai soulevé le point d'ordre moi-même contre moi-même. Je ne voudrais pas qu'on renchérisse. Alors, M. le Président, il a, à un moment donné, été question, et le journal des Débats le rapporte, de l'article 332. Je crois que c'est le président du comité ou quelqu'un ou une voix, je ne sais pas, qui a mentionné l'article 332.

M. PAUL: On a tout cela.

M. LEVESQUE: D'ailleurs le journal des Débats est là pour l'indiquer.

M. DEMERS: Et cela ne peut pas mentir.

M. LEVESQUE: Que dit l'article 332? "Un député peut toujours, au cours des opérations d'un comité plénier, proposer que le président quitte le fauteuil. Cette motion — dit l'article 332, deuxièmement — doit être formulée en ces termes", et l'article est bien clair et impératif. Quels sont ces termes? "Que le président quitte maintenant le fauteuil". Or, M. le Président, l'honorable premier ministre n'a jamais prononcé cette formule sacramentelle. Sacramentelle, pas pour lui ni pour moi, mais pour ceux qui souffrent de "procédurite".

Je dis, M. le Président, que l'article 332, paragraphe 2, est clair. Or, jamais le premier ministre n'a fait cette motion: "Que le président quitte maintenant le fauteuil". M. le Président, l'article 332, sixièmement, mention- ne ceci: "Si elle — la motion — est adoptée, elle met fin aux délibérations du comité et écarte l'affaire dont il est saisi". Or, M. le Président, dans toutes nos lois d'interprétation, il faut bien comprendre quelle est l'intention de celui qui fait la motion. Or, l'intention de l'honorable premier ministre a été clairement établie, lorsqu'il a dit, à peu près dans ces termes: Cessons pour deux heures, nous reprendrons à huit heures. Je suis convaincu...

M. BURNS: Citez-les les termes.

M. LEVESQUE: M. le Président, qu'on m'apporte les feuilles de transcription.

M. PAUL: On va vous aider, si vous permettez.

M. LEVESQUE: Oui, certainement.

M.PAUL: Feuillet R/5005, page 2. "M. Bourassa: M. le Président, je demande l'ajournement du débat."

M. DEMERS: Cela, ce n'est pas sacramentel.

M. LEVESQUE: M. le Président, voici ce que dit l'honorable premier ministre. R/5006. "M. Bourassa: Si le député peut se calmer."

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est mon matricule, ça.

M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi pense que c'est à lui que s'adresse "Si le député peut se calmer." Mais d'après ce que je vois, c'était à l'adresse du député de Saint-Jacques. Il n'y a rien à se surprendre.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable leader me permettrait une question?

M. LEVESQUE: Je vais continuer...

M. PAUL: C'est une question de référence. Est-ce le feuillet 1, 2 ou 3?

M. LEVESQUE: Page 2. M. PAUL: Très bien, merci.

M. LEVESQUE: "Hier —dit le premier ministre — nous avons adopté une quinzaine d'articles. Nous avons discuté hier le programme de la journée. Est-ce que nous étions pour discuter de la Loi sur les consommateurs, de la réforme électorale ou continuer sur la baie James? Or, nous discutons depuis ce matin, depuis 10 h 30, sur la baie James sans avoir adopté un seul article, alors qu'hier, nous en avions adopté une quinzaine. Alors, ma réaction — M. le Président, j'attire votre attention, je ne peux pas attirer l'attention des honorables membres d'une façon particulière et de la galerie, de l'honorable

tribune. Voici ce que disait le premier ministre — c'est que pour une heure ou deux, quitte à reprendre le débat ce soir, c'est clair, M. le Président, puisqu'il paraît impossible d'avancer cet après-midi, comme cela était impossible d'avancer ce matin. Ma réaction normale, très calme, c'est qu'on discute de la réforme électorale ou de la Loi sur les consommateurs et qu'on reprenne le débat ce soir sur la baie James."

M. le Président, l'intention de celui qui a fait la motion est parfaitement claire et, si je réfère aux propos de l'honorable député de Maskinongé, propos qu'il a tenus non pas dans cette Chambre, mais devant les caméras de la télévision, il a dit...

M. PAUL: Ah! Cela vous fatigue.

M. LEVESQUE: ... que son interprétation de l'article 332, sixième paragraphe, voulait dire de reprendre les travaux dans 48 heures seulement.

M. PAUL: C'est ça.

M. LEVESQUE: Or, M. le Président, nous voyons l'intention du proposeur de la motion qui veut reprendre le débat dans deux heures, et qui n'a jamais parlé de l'article 332, et qui n'a jamais utilisé la formule sacramentelle chère aux procéduriers. Mais, connaissant les grands talents de procédurier de mon honorable ami, le député de Maskinongé,...

M. PAUL: Je vais vous le prouver.

M. LEVESQUE: ... et voyant le sourire qu'il avait également, c'est cela qui a été provocant à un moment donné, lorsqu'il a souri. Alors que tout le monde demandait de parler sur la motion, il s'est levé. Il s'est levé à la façon de quelqu'un qui avait trouvé, qui avait vu la lumière. Il s'est levé et a dit: M. le Président, je propose que l'on vote sur la motion.

M. PAUL: Vous m'avez dit merci.

M. LEVESQUE: Et j'ai dit merci parce qu'à ce moment-là j'avais décelé, Dieu merci, cette habitude qu'avait ce grand président d'autrefois, lorsqu'il avait affaire à ses règlements, d'essayer de trouver la note la plus cachée, je ne dirai pas la plus sournoise, mais la plus insidieuse, si je voulais être malin. J'ai vu — non, je n'ai pas le droit, je ne le dis pas — dans le sourire vainqueur... Avant, s'il n'avait pas eu ce sourire, s'il avait été calme, s'il avait eu l'air un peu fatigué et avait dit: Ah mon Dieu, votons donc...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme le premier ministre.

M. LEVESQUE: ... sur cette motion. M. le Président, je n'aurais peut-être pas été aussi alerte et vigilant. Mais lorsque j'ai vu ce sourire, que je commence à connaître, sur les lèvres du député de Maskinongé, j'ai dit: II est en train de nous jouer un tour.

M. BERTRAND: Le tour était joué.

M. LEVESQUE : Alors, M. le Président,...

M. BERTRAND : Le tour était joué.

M. LEVESQUE: ... je me suis levé, à ce moment-là, afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté et parce que le numéro 332 était, à un moment donné, perdu dans les débats, non pas utilisé par l'honorable premier ministre, non pas utilisé par celui qui avait proposé la motion, non pas parce que dans le contenu même, dans l'intention même du premier ministre, il se trouvait quoi que ce soit qui ait eu affaire à l'article 332, mais connaissant cet esprit procédurier du député de Maskinongé, je me suis dit: Ce sourire veut dire quelque chose. Il y a, chez lui, beaucoup d'interrogations, beaucoup d'ambiguïté dont il utilisera certainement le moindre des détails, ou le moindre des facteurs ou le moindre des éléments pour essayer, après le vote, de dire qu'on doit utiliser l'article 332, sixièmement, pour écarter du feuilleton et encore consacrer, d'une façon claire, l'obstruction systématique d'une certaine opposition à laquelle il ne croit pas, j'en suis convaincu, le connaissant depuis toujours.

Mais il s'associe à cette obstruction et il voudrait bien, aujourd'hui, essayer de s'extirper d'une façon élégante par une procédure de diversion en attirant, autant que possible, les media d'information sur ce petit point de règlement pour essayer, à ce moment-là, de retarder les travaux de la Chambre. Je ne crois pas qu'il ait intérêt à le faire présentement mais cela aurait eu le même effet.

Mais, à ce moment-là, je me suis levé, avant que le vote ne soit pris, et j'ai dit à l'honorable président des comités, le député de Terrebonne, avant que je vote, avant que je me prononce... Je parlais au moins pour moi-même, si je ne parlais pas pour cette Chambre.

UNE VOIX: Vous parliez pour nous!

M. LEVESQUE: Evidemment, M. le Président, je parlais pour mes collègues. Merci. Le député de Terrebonne est présent et il est témoin. J'ai dit: "Nous votons bien...

M. PAUL: Mais le journal est silencieux.

M. LEVESQUE: ... sur l'article 331? " Le député de Terrebonne a dit: "Oui".

UNE VOIX: Le journal des Débats.

M. LEVESQUE: M. le Président, lorsque j'ai rappelé cela à l'honorable député de Maski-

nongé — il l'avait bien entendu, le député de Maskinongé; d'ailleurs, il le dit lui-même — après le vote il a dit: "Ce n'est pas suffisant". Ah non! Un instant, un instant!

M. PAUL: C'est cela. Ce n'est pas suffisant. M. LEVESQUE: Ah! Ce n'est pas suffisant. M. BOURASSA: Donc, il l'a dit!

M. LEVESQUE: Donc, je l'avais dit, si ce n'est pas suffisant, de l'aveu même du député de Maskinongé. M. le Président, nous ne voulons pas faire de ceci un débat qui prendrait beaucoup de temps. Je n'ai parlé que dix minutes. Je n'ai pas l'intention de parler davantage. Je veux une directive, M. le Président, tout simplement, afin de cesser cette information qui ne tient pas debout, qui n'est fondée sur absolument rien, qui est un jeu de l'imagination très fertile d'un homme qui est attaché à la procédure, qui a réellement beaucoup de qualités quant à l'interprétation des règlements, mais qui, d'un autre côté, s'en sert, à ce moment-ci, d'une façon qui n'est pas fondée, qui ne tient pas compte du contenu et de l'essence de la motion du premier ministre.

J'ai dit, il y a quelques instants, à ceux qui m'ont interrogé à ce sujet: Nous ne voulons pas attacher de l'importance au contenant. Nous n'avons jamais voulu attacher de l'importance au contenant. Nous avons toujours voulu le faire sur le contenu. Nous sommes intéressés, cependant, au développement de la baie James. Cela, c'est le contenu. Ceux qui font du "filibuster", ceux qui font de l'obstruction systématique, c'est le contenant. Vous vous arrangerez devant le peuple avec le contenant !

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé a-t-il l'intention de parler sur la même demande de directives?

M. PAUL: Sur la demande de directives, et mon bon ami le leader parlementaire m'a fait penser de conclure ma demande de directives par une motion, après que j'aurai répondu...

M. LE PRESIDENT: Par une motion?

M. PAUL: Oui, ça va être bon, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Etant donné que l'honorable député de Maskinongé me donne préavis qu'il présentera une motion, je ne peux pas déterminer immédiatement si elle est recevable ou non; j'attendrai qu'il la fasse, nécessairement. Mais, si nous voulons respecter le règlement, est-ce que ça veut dire qu'actuellement nous sommes toujours dans le débat de deuxième lecture sur le projet de loi numéro 80?

DES VOIX: Non, non.

M. LE PRESIDENT: II y a eu suspension des travaux alors que l'honorable député de Chicoutimi avait le droit de parole. Je n'ai pas d'objection, mais il serait peut-être préférable que, du consentement unanime de la Chambre, nous ajournions le débat sur le projet de loi numéro 80.

M. CROISETIERE: ...retourner à 50.

M. LE PRESIDENT: Où sommes-nous actuellement?

M. PAUL: M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'avais demandé une directive, j'attends votre réponse. Si l'honorable député de Maskinongé veut demander une directive après, il aura sans doute les mêmes droits que moi. Je connais tellement bien, M. le Président, votre sens de la justice et de l'équité que je sais que vous allez lui donner l'occasion de vous poser une question et l'éclairer s'il y a encore quelque chose qu'il ne connaît pas du règlement. Mais, M. le Président, quant à une motion, je m'y opposerais parce que nous n'avons fait que suspendre l'étude du projet de loi sur la carte électorale; nous n'avons rien devant nous sauf cela. Une demande de directive est toujours permise et tout ce que je vous demande est de me dire si j'ai raison de prétendre que l'honorable premier ministre n'est pas lié dans sa demande par un article qui s'appelle 332 alors qu'il ne l'a jamais invoqué et que tout ce qu'il a dit nous indique bien qu'il s'agit de l'article 331.

M. PAUL: M. le Président, pour vous aider dans votre directive,...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je préférerais personnellement qu'on ajourne le débat sur le projet de loi 80.

UNE VOIX: Ah non!

M. PAUL: Temporairement, oui.

M. DEMERS: Cela, c'est le premier ministre.

M.BOURASSA: M. le Président, pour répondre à votre demande, j'ai dit cet après-midi que je ne voyais aucun inconvénient à ce qu'on reprenne le débat sur le bill 50 à huit heures ce soir. J'espérais que le Parti québécois m'aurait fait parvenir les amendements pour les articles 16, 17 et 18.

M. CHARRON: Ne gâtez pas la sauce.

M. BOURASSA: ... je n'ai pas su, M. le Président, je dois dire en toute franchise, que le gouvernement a soumis ces amendements avant que l'Union Nationale m'ait soumis des amendements...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable premier ministre d'attendre, pour présenter cette argumentation, après la décision de la Chambre, s'il y a lieu d'ajourner le débat en deuxième lecture sur le projet de loi no 80.

M. LEVESQUE: Non, non, il n'y a pas de consentement unanime.

M. BURNS: M. le Président...

M. LEVESQUE: II n'y a pas de consentement unanime. J'ai demandé une directive, je demande simplement une réponse et puis qu'on s'en tienne aux règlements. Tout le monde veut parler des règlements, aujourd'hui, tout le monde se pique de connaître les règlements. On va à la télévision puis on dit que le gouvernement ne connaît pas ses règlements. Bien, le gouvernement va demander que les règlements soient appliqués.

M. LE PRESIDENT: Avant de juger l'à-propos, je suis bien prêt à considérer la demande de directive du ministre de l'Industrie et du Commerce. Par contre, je me demande comment je pourrai accorder le droit de parole, que je suis bien prêt à lui accorder, au député de Maskinongé, mais je me demande comment. C'est pour ça que je souhaiterais...

M. PAUL: En vertu d'un rappel au règlement sur une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: Une question de privilège.

M. PAUL: ...D'ailleurs, je vous ai prévenu, M. le Président, durant l'heure du dîner.

M. LE PRESIDENT: Vous m'avez prévenu d'une question de règlement, mais vous ne m'avez pas prévenu d'une question de privilège.

M. PAUL: Je veux également coiffer ma question de rappel au règlement d'une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: Allez-y.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Maskinongé peut-il ou quelque opinant que ce soit, peut-il, à ce moment-ci...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le leader parlementaire du gouvernement a parfaitement le droit d'invoquer le règlement sur une question de privilège, pour savoir si la question de privilège est recevable ou non.

M. LEVESQUE: Certainement. C'est ça, c'est ça. M. le Président, il faut bien comprendre que le député de Maskinongé a dit qu'il prendrait une question de règlement, qu'il la coifferait d'une question de privilège, et on sait qu'une question de privilège peut se terminer par une motion, et il a même lui-même annoncé sa motion. Or, M. le Président, je vous demande, alors que la Chambre est saisie d'un autre débat, celui qui a été suspendu par le député de Chicoutimi sur le bill relatif à la carte électorale, est-ce qu'on a le droit à ce moment-là — si c'est relié à quelque propos tenu par le député de Chicoutimi, je m'incline, mais si ça n'a aucune affaire avec le débat en cours, je comprends fort bien qu'on puisse demander une directive — de soulever une question de règlement, la coiffer d'une question de privilège et terminer par une motion.

A ce moment-là, c'est l'anarchie, M. le Président, on ne se comprendra absolument pas. Si le député de Maskinongé, lorsqu'il a parlé tout à l'heure à la télévision, n'est pas trop sûr de ce qu'il a dit, je le comprendrais après l'avoir écouté et après l'avoir vu. Il avait lui-même ce sourire...

M. PAUL: Assoyez-vous et je vais vous le prouver.

M. LEVESQUE: ... inquiétant et inquiet.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je comprends la question de règlement soulevée par l'honorable leader parlementaire sur la question de privilège de l'honorable député. Je serais disposé à accorder le droit de parole au député de Maskinongé comme au leader parlementaire du Parti québécois, mais actuellement je ne peux pas, le règlement me le défend, parce qu'on est toujours au projet de loi no 80, exception faite d'une demande de directive qui m'a été adressée.

Je suis prêt à donner ma directive mais je ne peux pas permettre à d'autres députés de parler à moins qu'on ajourne le débat sur le projet de loi no 80. C'est l'ajournement du débat.

M. BURNS: M. le Président, vous n'aurez pas mon consentement pour suspendre le débat sur le bill 80.

M. PAUL: M. le Président, j'ai une directive à vous demander.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Avant de donner une deuxième directive, je vais donner ma réponse sur la première qui m'a été demandée parce que je ne peux pas avoir deux demandes de directive de front.

UNE VOIX: Une à la fois. M. PAUL: Sur le même sujet.

M. LE PRESIDENT: Je suis prêt à rendre ma décision.

UNE VOIX: Sur le même sujet, il a le droit.

M. PAUL: Sur le même sujet.

M. BERTRAND: C'est exactement sur le même sujet.

M. LEVESQUE: ... ma réponse, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. PAUL: Si vous voulez en faire de la procédure, on va vous en faire.

M. LEVESQUE: C'est vous qui avez commencé.

M. PAUL: Cela fait vingt minutes que vous en faites.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEyESQUE: C'est le député de Maskinongé qui a commencé. Nous n'avons jamais parlé de procédure, nous autres.

M. BERTRAND: Voyons donc!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous n'êtes pas sans ignorer que j'ai été mis au courant de ce qui s'est passé vers cinq heures ce soir, avant qu'on reprenne le débat sur le projet de loi no 80. Je me suis permis de lire la transcription du journal des Débats; je me suis informé auprès des officiers de cette Chambre et auprès du vice-président du déroulement du débat lorsque la Chambre siégeait en comité plénier sur le projet de loi no 50.

Je n'ai pas eu le temps de lire les quinze ou vingt pages de transcription entre trois heures et demie et cinq heures. Je m'en excuse, j'aurais dû le faire, mais je n'ai eu que le temps de les parcourir en diagonale. J'ai remarqué, au tout début, que l'honorable premier ministre faisait une motion d'ajournement du débat; il avait l'intention de proposer l'ajournement du débat. Il est revenu par la suite, se rendant compte qu'on ne peut pas ajourner le débat en comité plénier.

M. PAUL: Article 330.

M. LE PRESIDENT: Article 331, note 2. Par contre, il est bien dit que la motion...

M. PAUL: M. le Président, c'est l'article 330, ce n'est par l'article 331.

M. LE PRESIDENT: C'est moi qui donne la directive ici, pour le moment.

M. PAUL: Apprenez vos règlements, c'est l'article 330.

M. LE PRESIDENT: Je dis que l'article 331, note 2, me concerne pour le moment. S'il y a lieu d'aller à l'article 330, j'irai après.

Lorsque le premier ministre a voulu ajour-d'hui ajourner le débat — ce qui lui est défendu puisqu'à la note 2 de l'article 331, il est dit qu'il s'agit d'une motion analogue à celle qu'on peut faire en vertu de l'article 331 à l'effet que le président rapporte que le comité n'a pas fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger de nouveau — si le premier ministre, lorsqu'il a voulu ajourner le débat, en somme, pour être dans la légalité, aurait dû se servir de l'article 331 et faire motion que le président rapporte que le comité n'a pas fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger de nouveau.

Dans une note, sous l'article 332, on dit que la motion à l'effet que le président quitte le fauteuil équivaut ou est analogue à la motion d'ajournement de la Chambre et qu'elle fait disparaître du feuilleton la question en discussion. En somme, le comité plénier saute ou disparaît du feuilleton et on doit recommencer au tout début.

En somme, l'esprit qui a animé le premier ministre en demandant l'ajournement du débat, c'est qu'il voulait, s'il avait connu son règlement, se référer à l'article...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je n'ai pas terminé. Il aurait voulu se référer à l'article 331...

M. PAUL: Vos directives sont bien suivies, M. le premier ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. Bourassa a mentionné, selon la transcription de la feuille R/5006,page 2 en bas: "Alors, ma réaction, c'est que pour une heure ou deux, quitte à reprendre le débat ce soir, puisqu'il paraît impossible d'avancer cet après-midi, comme cela a été impossible d'avancer ce matin, ma réaction normale, très calme, c'est qu'on discute de la réforme électorale ou de la loi sur les consommateurs et qu'on reprenne le débat, ce soir, sur la baie James." Encore, son intention d'ajourner le débat.

Un peu plus loin, d'après la transcription de la feuille R/5007, page 1, je cite le député de Chicoutimi: "Je ne vois pas les raisons pour lesquelles le premier ministre nous demanderait de suspendre momentanément." Momentanément, je comprends que c'est pour y revenir. Un peu plus loin, le député de Chicoutimi: "Pour ma part, je ne vois pas le bien-fondé de la proposition du premier ministre puisque, de toute façon, le débat qui est actuellement engagé va reprendre, va devoir se poursuivre jusqu'à ce que les députés légitimement élus se soient fait entendre selon leur gré et leur volonté."

Un peu plus loin encore, page 2, le député de Chicoutimi également: "Pour ces raisons, M. le Président, je ne comprends pas que le premier ministre veuille tout à coup ajourner le débat en

cours et nous demander de nous attaquer à un autre projet de loi. Je pense que, sur la lancée actuelle, nous pourrions poursuivre, épuiser les arguments que servent les députés et procéder normalement à l'étude d'un projet de loi au lieu de fragmenter cette étude et de faire une sorte de chassé-croisé."

Un peu plus loin, feuille R/5008, page 2, le député de Maisonneuve: "D'autre part, sur le fait de la motion elle-même, sans vouloir prêter d'intention au premier ministre, je sais ce qui va arriver si nous passons à un autre projet de loi. Le premier ministre espère peut-être qu'après avoir débattu d'autres projets de loi nous nous trouvions à des heures tardives pour discuter d'un projet de loi qui, déjà, a causé des scènes plus ou moins gracieuses." Encore, l'intention de revenir à l'étude du projet de la baie James.

L'honorable député de Montcalm, feuillet 5015, page 1. "Je crois, M. le Président, que, pour l'ensemble de ces raisons, nous devons nous prononcer contre cette motion." L'honorable député de Chicoutimi: "L'examen d'un problème qu'il va nous falloir vider de toute façon."

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai pas dit à quel moment, par exemple. ... et momentanément...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je me permets...

M. LE PRESIDENT: Je retire les dernières paroles du député.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais simplement je voudrais vous indiquer ceci, que momentanément, ça peut vouloir dire une période de temps assez longue.

M. LE PRESIDENT: Feuillet 5015, page 2. L'honorable premier ministre: "Pour deux heures." M. Tremblay (Chicoutimi, encore mentionne: "et nous demande de faire une sorte de grève."

Ecoutez, je pense qu'ici la première argumentation que je voudrais apporter dans ma directive, c'est que l'esprit général, l'esprit du premier ministre, des différents députés que j'ai mentionnés, c'était de suspendre le débat quitte à revenir plus tard. En somme, l'intention du premier ministre n'était pas d'invoquer l'article 332 pour que la question en discussion, le comité plénier saute et qu'on recommence toutes les procédures de la formation du comité avec les motions qui peuvent s'ensuivre.

Raison de plus, depuis le début du débat sur le bill 50, les membres de l'Opposition officielle, l'Union Nationale, et le Parti québécois ont demandé en deuxième lecture que le projet de loi soit remis à l'automne, sur une motion de l'honorable chef de l'Opposition officielle. Les argumentations de ceux qui s'opposent à l'adoption de ce projet de loi ont toujours été qu'ils ne sont pas prêts, que le projet de loi devrait être remis à l'automne, plus tard. C'est l'esprit que je peux dégager des débats depuis que nous étudions le bill no 50. Comment se fait-il — et là je ne veux prêter aucune intention — que les honorables députés de l'Opposition, s'ils avaient cru vraiment que l'honorable premier ministre invoquait l'article 332 indiquant que le comité tombait, qu'il aurait fallu recommencer toutes les procédures, aient voté contre la motion du premier ministre?

M. BURNS: En vertu de l'article 332, c'est juste remis de 48 heures.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, troisième... A l'ordre, s'il vous plaît! Je pourrais demander également aux officiers de cette Chambre, et je le demande d'ailleurs, comment, au procès-verbal, la motion a-t-elle été rédigée? Son président rapporte que le comité plénier n'a pas fini de délibérer et demande la permission de siéger de nouveau même séance ou séance subséquente. En somme, d'après le procès-verbal qui fait preuve prima facie, la formule de la motion d'amendement...

M. BURNS: Mais il l'a dit au début, M. le Président. Qu'est-ce que ça donne, quand il a dit: Nous autres, il nous a trompés, on est parti sur l'article 332.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! En ce qui me concerne, le procès-verbal de la Chambre fait preuve prima facie comme document officiel et c'est l'article 331 qui est inscrit là.

Pour terminer... A l'ordre! Je comprends très bien la tentation que peut avoir, c'est normal, l'honorable député de Maskinongé de profiter, sans aucun doute, des articles 331 et 332 pour faire une bonne blague.

M. PAUL: Cela l'a peut-être été mais ce ne le sera plus.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! D'ailleurs, j'ai déjà entendu en cette Chambre, il y a quelques années: "La lettre tue, l'esprit vivifie."

M.PAUL: Saint Paul, épître aux Corinthiens.

M. LE PRESIDENT: Je sais que cela a été cité, tout à fait à point, d'ailleurs, il y a quelques années par l'honorable député de Maskinongé alors qu'il occupait ma place.

En ce qui me concerne également, disciple de saint Paul et disciple du député de Maskinongé, je m'en tiens à dire que la lettre tue et que l'esprit vivifie. Dans mon opinion, l'esprit qui a enrobé ce débat était que le premier ministre entendait invoquer l'article 331. En ce qui me concerne, au feuilleton, actuellement, l'ordre du jour est à l'effet que, lorsqu'il sera

appelé par l'honorable leader parlementaire, ce sera de nouveau en comité plénier.

M. PAUL: M. le Président, comme vous venez de rendre une directive basée sur l'article 285, dix-neuvièmement, en prêtant des intentions au premier ministre, je vous inviterais à regarder le règlement. Je vais maintenant vous demander une directive sur...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. PAUL: ... des faits.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis bien prêt à lire, avec l'honorable député de Maskinongé, l'article 285.

M. PAUL: Dix-neuvièmement.

M. LE PRESIDENT: On va lire l'article au complet. "Il n'est pas permis d'imputer, directement ou indirectement, des motifs — il ne faudrait pas oublier le qualificatif des motifs — indignes ou des intentions mauvaises à un député, ou de lui attribuer des motifs, des intentions ou des propos inavoués." Je n'ai jamais voulu prêter ni au premier ministre, ni au leader parlementaire de l'Opposition aucun motif inavoué ou de mauvaises intentions.

M. PAUL: M. le Président, si vous me permettez, je vais vous demander une directive sur des faits. Cet après-midi, le premier ministre — je me réfère au feuillet numéro R/5005 — a fait une motion dans les termes suivants: "M. le Président, je demande l'ajournement du débat." Je vous ai rappelé qu'en vertu de l'article 330 le premier ministre ne pouvait pas faire une telle motion parce qu'on y lit ceci: "En comité plénier, ni la question préalable, ni l'ajournement de la Chambre, ni l'ajournement du débat ne peuvent être proposés." M. le Président, c'est l'honorable député de Saint-Louis qui présidait les délibérations à ce moment-là. Je dis que l'honorable député de Saint-Louis pouvait, immédiatement, dire au premier ministre: Votre motion est irrecevable parce qu'une telle motion ne peut être présentée devant cette Chambre.

Mais le président de la Chambre, avec beaucoup de respect à l'endroit du premier ministre, commeson postele commande, d'ailleurs, s'est prévalu des dispositions de l'article 167 du règlement. Nous allons le lire.

UNE VOIX: II le saura, son règlement, la prochaine fois!

M. PAUL: Note 2, M. le Président. M. LE PRESIDENT: Quel article?

M. PAUL: Article 167, note 2: "Toutefois, quand la forme d'une motion est irrégulière, l'orateur peut corriger cette motion — on sait que le président du comité remplit également adéquatement ces fonctions et les règles s'appliquent mutatis mutandis, il a les mêmes pouvoirs — et la lire ou l'énoncer dans les formes voulues".

M. le Président, je me réfère au feuillet R/5005 où l'honorable député de Saint-Louis dit: "L'article 332 dit que je dois faire rapport..."

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

Je sais fort bien que, si le député de Maskinongé était à ma place et si j'occupais son siège, il ne me donnerait pas du tout le droit de parole sur cette question.

M. PAUL: Pourquoi?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. PAUL: Je vous ai dit que c'était sur des faits, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. PAUL: ... pas sur des intentions.

M. LE PRESIDENT: J'ai rendu ma directive à la demande de l'honorable leader parlementaire autant sur les faits que sur l'esprit et les intentions que, prétendument, l'honorable député de Maskinongé me prête. Mais je ne peux pas permettre, d'aucune façon, ce qu'il demande. L'honorable député de Maskinongé trouvera sans aucun doute une autre occasion pour demander ces directives. Mais les directives, actuellement, sont exactement sur le même sujet. Lorsqu'il s'est levé pour me demander des directives, je croyais que c'était sur un autre sujet. Mais c'est exactement sur le même sujet.

M. PAUL: C'est sur des faits, non pas sur des intentions.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Je ne peux pas et c'est bien malheureux. Ce n'est pas mon habitude d'empêcher qui que ce soit de parler mais j'ai donné mes directives. Je pense que je les ai données d'une manière assez élaborée. J'en prends toute la responsabilité.

L'honorable député de Chicoutimi.

M. PAUL: M. le Président, je veux continuer la présentation de ma demande de directives.

M. LEVESQUE: II faut toujours bien, M. le Président, avoir du...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Je ne sais pas si le député de Maskinongé court après quoi que ce soit.

M. PAUL: Je cours après les interprétations logiques du règlement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! M. PAUL: ... et non pas partisanes. DES VOIX: Ah! Ah!

M. LE PRESIDENT: Je devrai rappeler à l'ordre le député de Maskinongé. Cela n'a jamais été dans mes habitudes de rendre une décision partisane. Je n'ai pas l'intention de rendre de décisions partisanes.

M. PAUL: Nous avons le droit de nous expliquer.

M. LE PRESIDENT: L'incident, en ce qui me concerne, est clos. J'accorde la parole au député de Chicoutimi.

M. PAUL: M. le Président, je vous demande une autre directive.

UNE VOIX: Le député de Chicoutimi.

M. PAUL: Quand, M. le Président, aurons-nous le droit de présenter une motion aux fins d'annuler le rapport qui a été reçu illégalement en vertu des débats qui se sont déroulés cet après-midi, conformément à l'article 360?

M. BERTRAND: C'est cela. C'est important.

M. LEVESQUE: La question ne tient même pas compte de la directive rendue.

M. PAUL: Non, non. Ecoutez, mêlez-vous de vos oignons!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEVESQUE: Je m'en mêlerai quand je voudrai, M. le Président. Ce n'est pas le député de Maskinongé...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: ... qui m'arrêtera d'exercer mon droit de parole.

M. LE PRESIDENT: ... de prendre sa place.

M. PAUL: Je m'excuse. C'est l'article 361, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je sais bien que je suis peut-être très mal placé pour donner des directives ou des conseils au député de Maskinongé, qui connaît très bien son règlement. Je sais pertinemment — il le sait autant que moi — qu'il y a des recours qu'il peut exercer en vertu du règlement.

M. PAUL: Je vous le demande, M. le Président. J'en ai le droit en vertu de l'article 667. Le député de Bourget vous a demandé une directive, l'autre soir, au sujet de la présentation d'une motion. Vous la lui avez donnée.

M. LE PRESIDENT: Un des moyens qui me vient à la mémoire, si l'honorable leader parlementaire de l'Opposition officielle a à se plaindre du déroulement des débats en comité plénier, alors que ce comité plénier était dirigé par le vice-président ou le vice-président adjoint de la Chambre, c'est une procédure qu'il peut engager et qu'il peut annoncer au feuilleton pour critiquer les agissements du président.

M. PAUL: M. le Président, vous n'avez pas le droit de me prêter des intentions, en vertu de l'article 285, dix-neuvièmement. Je n'ai pas l'intention de critiquer la conduite de l'un ou l'autre des officiers de cette Chambre. Je vous demande une directive en vertu de l'article 361.

M. BURNS: Comme le député de Maskinongé l'a dit, vous me l'avez donné l'autre soir, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: J'ignore pour le moment quels sont les recours des députés de cette Chambre. Lorsque l'ordre du jour inscrit au feuilleton, lorsque le leader parlementaire du gouvernement appellera cette motion, il sera peut-être loisible, à ce moment-là, à des députés, le député de Maskinongé ou autres, de contester cet appel de l'ordre du jour.

M. LEVESQUE: En vertu de quel article? M. PAUL: Merci, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, je demande une directive plus précise, même si vous avez — c'est mon droit— dit: "Aura peut-être" c'est-à-dire...

M. PAUL: Si je n'en fais pas.

M. LEVESQUE: Mon interprétation du dire du président indique qu'il se réservait le droit de décider, parce que j'imagine qu'il veut consulter.

M. LE PRESIDENT: Je ne demande pas au leader parlementaire d'interpréter mes réponses. Je ne lui accorde pas ce droit.

L'honorable député de Chicoutimi.

Projet de loi no 80 (suite)

2e lecture M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je prends la parole au moment où j'étais en train de me corriger, non pas de m'amender, et je poursuivrai le débat que nous avons engagé.

J'en étais au problème des critères et j'avais indiqué, m'adressant au premier ministre, que le projet de loi qu'il nous soumet ne me semble pas avoir tenu compte des représentations que nous avions faites en commission parlementaire, notamment en ce qui concerne les divers critères que j'ai évoqués cet après-midi, soit des critères démographiques, socio-économiques, géographiques, politiques, socio-culturels, régionaux, etc.

J'ai indiqué cependant que le projet de loi tient compte de certains de ces critères lorsqu'on retrouve dans les notes explicatives ceci: II lui sera aussi possible — il s'agit de la commission — mais à titre exceptionnel, de déroger à ces principes pour des raisons d'ordre démographique et géographique. Donc on ne tient compte de certains critères démographiques et géographiques qu'à titre exceptionnel quand, au fait, on devrait en tenir compte d'une façon essentielle. Il y a une différence ici à faire entre ce qui peut être l'exception et ce qui devrait être la règle normale.

Ainsi donc, le projet de loi tel que libellé comporte une faiblesse et peut-être plus qu'une faiblesse mais une dérogation aux instructions qui avaient été virtuellement données par les membres de la commission parlementaire à cette éventuelle commission de la réforme des districts électoraux que veut créer la loi 80.

M. le Président, on me dira peut-être que tous les critères que j'ai évoqués et que j'ai examinés assez longuement cet après-midi en me servant de certains exemples particulièrement en ce qui concerne des régions déterminées du Québec, il est difficile d'en tenir compte, et je crois que cela est exact. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'on doive les écarter péremptoirement et ne retenir que les critères démographiques et géographiques. Il y a évidemment dans diverses régions et dans l'ensemble du territoire du Québec des conditions sociales, politiques, économiques, géographiques, démographiques qui peuvent faire que l'on adapte...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît. Pourrais-je demander aux honorables députés de cette Chambre, de quelque côté qu'ils soient, ainsi qu'à nos spectateurs dans les galeries de faire un effort pour que nous ayons le moins de bruit possible pour permettre à l'honorable député de Chicoutimi de continuer son intervention.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je vous remercie. Je disais donc qu'il est évident qu'on ne veut pas tenir compte, dans tous les détails, de chacun des critères que j'ai évoqués. Cela ne signifie pas, pour autant, qu'on doive les écarter et que les commissaires doivent les écarter lorsqu'ils s'attelleront à la tâche de redéfinir les frontières des districts électoraux.

Si j'insiste là-dessus, c'est qu'à la commis- sion, encore une fois, nous avons constamment fait référence à ces critères afin d'en arriver à faire des recommandations qui normalement auraient dû inspirer — si elles avaient été faites comme il avait été convenu de les faire — le premier ministre dans la rédaction du projet de loi qui est devant nous.

Ainsi, M. le Président, j'estime — j'y reviendrai lors de l'étude en comité — qu'il devrait être précisé que les commissaires doivent tenir compte de tous les critères que j'ai indiqués tout à l'heure et non seulement, à titre exceptionnel, du critère démographique et du critère géographique. Au cours de l'étude en commission parlementaire de l'Assemblée nationale, nous avons parlé de cette nécessité de redéfinir les frontières des circonscriptions. Cela nous a amenés à nous interroger sur le problème de la représentativité, sur le problème de l'équité dans la représentation et, du même coup, sur le rôle du député.

Ce n'est pas tout, M. le Président, de diviser mathématiquement le territoire du Québec, d'établir que, pour chaque circonscription, il y aura un nombre de 32,000 électeurs plus ou moins. Cela n'est pas suffisant. En même temps que de l'étendue du territoire d'une circonscription et du nombre d'électeurs qu'elle contient, il faut tenir compte de la tâche qui est assignée à celui qui est appelé à devenir député.

Le rôle du député, M. le Président, on en a parlé à maintes et maintes reprises. On a insisté tantôt sur sa fonction de législateur, tantôt sur sa fonction de lien entre l'administration et le peuple, tantôt sur sa fonction de service. Ce sont là trois fonctions extrêmement importantes. Admettons que le premier rôle du député, c'est d'être un législateur; c'est son rôle officiel, c'est son rôle juridique, c'est celui que consacrent nos lois.

Mais le député qui veut être un législateur ne peut pas se contenter de venir ici à la Chambre et d'examiner les projets de loi. Il doit encore savoir si ces projets de loi correspondent vraiment aux besoins et aux exigences d'une population donnée. Pour cela, il lui faut connaître cette population. Il lui faut prendre contact avec cette population. Le moyen qui lui est fourni et qui, en fait — cela est de tradition— lui est imposé par la population elle-même qui l'exige de lui, c'est qu'il doit être constamment le lien entre le gouvernement et les citoyens.

Par conséquent, M. le Président, dans le travail qu'effectuera la commission de refonte des districts électoraux, les commissaires devront s'interroger non seulement sur des questions mathématiques ou géographiques, mais également sur des problèmes humains et se dire que les divisions territoriales qu'ils dessineront et qu'ils découperont à même le territoire du Québec devront convenir à un homme qui a une tâche spécifique, celle d'être un législateur, d'être, d'autre part, le lien entre l'administration et les citoyens et d'être, en même

temps, celui qui s'occupe de vois si les services du gouvernement sont réellement adéquats et permettent aux citoyens d'en tirer le maximum.

Ainsi, tout le problème de la refonte de la carte électorale, comme tout le problème de la réforme parlementaire, de la réforme de l'institution politique, doit se faire dans une optique humaine, dans une optique de service. Il est essentiel que les commissaires aient toujours présente à l'esprit cette idée qu'ils travaillent en vue de créer, en quelque façon, une sorte de très grande maison pour un homme qui aura à y vivre avec des citoyens dont il deviendra non seulement le porte-parole, mais en même temps l'agent de service, l'agent d'information, l'agent de service social, etc.

Tous les députés ont insisté là-dessus et cela m'amène à faire une autre considération c'est que, justement, dans l'établissement d'un nombre de 32,000 électeurs par circonscription électorale, il faut tenir compte de la lourdeur de la fonction qui sera celle d'un député donné dans une circonscription électorale donnée. Ce député peut être un député d'une circonscription de ville, ce que l'on appelle un député de circonscription rigoureusement urbaine. Il peut être député d'une circonscription semi-urbaine, c'est-à-dire une circonscription qui comporte une grande, une moyenne ou une petite ville en même temps qu'un ensemble de villages, de paroisses ou de municipalités à caractère rural. Il peut fort bien également être député d'une circonscription à caractère proprement rural.

Lorsque nous avons évoqué ces réalités de circonscriptions rurales par rapport à des circonscriptions urbaines, l'on nous a dit ceci: II n'y a vraiment plus de circonscription rurale, il n'y a vraiment plus de mentalité rurale puisque l'évolution fait que les ruraux sont de plus en plus urbanisés. Cela est vrai dans un certain sens, mais il ne faut quand même pas se boucher les yeux et ne pas voir que toutes les parties du territoire du Québec, toutes les régions du Québec sont différentes les unes des autres. Qu'on appelle cela mentalité rurale ou mentalité urbaine, il reste qu'il y a, dans ces diverses régions, des habitudes électorales, des habitudes de contact avec les députés qui ne sont pas exactement les mêmes dans toutes les circonscriptions.

Pour quiconque a eu l'expérience de la vie de député dans une circonscription rurale —je donnerai ici un exemple — il apparaît très clair que la tâche des députés qui ont à servir, à représenter, à légiférer, pour une population disons de caractère rural, est beaucoup plus lourde à certains égards que celle des députés qui représentent des circonscriptions rigoureusement urbaines. Je n'ai pas besoin de faire de démonstration; beaucoup de députés l'ont dit alors que nous en discutions en commission parlementaire, beaucoup de députés nous ont dit qu'ils n'avaient pas, avec leurs électeurs, le même genre de contact que certains autres peuvent avoir avec les leurs.

J'ai été député, au Parlement central, de la circonscription de Roberval. J'avais à représenter une population qui était dispersée sur un territoire d'environ 110 milles de parcours, d'étendue, et j'avais, en plus, à m'occuper de citoyens qui vivaient dans 32 municipalités différentes. Il y avait donc, dans cette circonscription, des problèmes extrêmement diversifiés et qui m'obligeaient à faire appel à tous les ministères du gouvernement.

Si on reprend cet exemple et qu'on l'applique au Parlement du Québec, à l'administration gouvernementale québécoise, on comprendra par exemple que l'actuel député de Roberval est exactement dans la situation dans laquelle je me trouvais, parce que, en plus de représenter le même nombre de personnes, il représente le même nombre de personnes disséminées sur un territoire encore plus grand que celui de la circonscription fédérale que je représentais et qu'il a un plus grand nombre de municipalités.

Ainsi, ses problèmes, je parle ici du député de Roberval, parlons-en in abstracto, ne me référant pas spécifiquement à notre collègue que nous connaissons bien, mais ce député, en particulier, a justement à représenter des citoyens qui, tous les jours, doivent faire appel constamment à tous les ministères du gouvernement. Si je prends la circonscription de Chicoutimi, que je représente à l'heure actuelle, j'ai une circonscription qui peut être dite urbaine, mais elle comporte quand même une enclave rurale assez importante pour que les problèmes dont j'ai à m'occuper soient diversifiés et me forcent à faire appel à la presque totalité des ministères du gouvernement, excepté peut-être pour ce qui concerne la colonisation.

D'autre part, M. le Président, prenons une circonscription de ville, la circonscription spécifiquement urbaine, située par exemple à l'intérieur de Montréal. Disons la circonscription de Saint-Louis. Bien, je ne sache point que le député de Saint-Louis ait des problèmes de colonisation. Il n'a pas de problèmes de voirie. H n'a quand même pas de problèmes qui l'obligent, par exemple, à communiquer avec les ministères de la Voirie, des transports, des Terres et Forêts, etc. L'ensemble des problèmes qui lui sont apportés, c'est le cas de le dire, qui sont soumis à sa bienveillance et à son attention par ses électeurs ne sont pas de même nature que ceux qui me sont soumis à moi par mes électeurs.

Je ne connais pas précisément les habitudes des «lecteurs du comté de Saint-Louis — je prends ce comté-là mais je pourrais prendre d'autres comtés de l'île de Montréal — mais je présume que les électeurs de ces comtés n'ont pas les mêmes habitudes électorales. En raison d'une décentralisation administrative qui existe à Montréal, ils n'ont pas à requérir aussi souvent que cela se produit dans mon cas aux services immédiats, à l'intervention personnelle du député de Saint-Louis ou du député de quelque circonscription vraiment urbaine de l'île de Montréal ou d'une autre grande ville.

On nous a dit à quelques moments, souvent

sous forme de plaisanterie, alors que nous parlions de la tâche du député, dans certaines circonscriptions, et j'oserais dire dans la majorité des circonscriptions électorales du Québec: Evidemment, s'il y en a qui veulent continuer à faire du patronage. Ce n'est pas là le problème. Lorsque les électeurs viennent à nous, il faut, une fois pour toutes, s'enlever ceci de l'esprit et surtout faire disparaître ce mythe que les gens viennent nécessairement nous demander des faveurs.

Je ne fais pas profession d'angélisme. Je sais très bien que le patronage, cela existe toujours et qu'il y a toujours des gens, où que ce soit, qui vont essayer d'engager les députés dans un processus qui les amènera à faire du patronage. Mais lorsque les gens viennent nous voir — il faut, une fois pour toutes, démythifier cette question-là — ils viennent nous demander des services. On va me dire: Mais pourquoi ne s'adressent-ils pas aux fonctionnaires, là où le gouvernement a procédé à une décentralisation administrative, a installé, a implanté des bureaux? Pourquoi ne vont-ils pas là? M. le Président, les gens y vont, mais immanquablement, après avoir pris contact avec les fonctionnaires, ils reviennent nous trouver, soit qu'ils n'aient pas eu gain de cause, soit qu'ils aient l'impression qu'on ne les a pas compris, soit que, même avant d'y aller, ils aient besoin de conseils, de renseignements, qu'ils aient besoin qu'on leur indique à quelle porte frapper, à qui s'adresser, de quelle façon le faire pour présenter leur requête.

Ainsi, même dans les régions où se trouvent les bureaux d'administration du gouvernement, il y a constamment un va-et-vient du bureau du député aux bureaux du gouvernement pour justement établir ce lien et ce contact. C'est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer et j'oserais même dire que nous n'avons pas le droit d'ignorer. Même si nous sommes des législateurs, lorsque nous sommes dans nos comtés, dans nos circonscriptions, nous sommes en état de services et les gens ne manquent d'y recourir. Ils ne manquent pas de se prévaloir de ce droit qu'ils ont acquis par habitude, par tradition et qui est consacré par nos agissements quotidiens de demander nos services, parce qu'ils nous considèrent, en fait, comme l'instance finale lorsqu'ils n'ont pas eu gain de cause ou comme l'homme qui est capable de plaider pour eux, le premier, la cause qu'ils ont à soumettre.

C'est pourquoi je dis que la délimitation d'un nombre de 32,000 personnes par circonscription électorale peut causer un préjudice considérable. M. le Président, le fait de fixer 32,000 électeurs par circonscription électorale, mathématiquement sans autre considération, le fait de procéder à l'établissement de ce nombre avec la variable dont nous avons parlé me paraît, dès l'abord, préjudiciable aux intérêts des citoyens. A supposer que l'on établisse un certain nombre de circonscriptions et que la majorité de ces circonscriptions ait 27,000, 28,000, 30,000 ou 32,000 habitants, il arrivera ceci: dans la plupart des régions du Québec les députés auront sur les épaules des tâches très lourdes. Les citoyens, qui sont dispersés sur de grands territoires et qui seront dispersés sur un territoire encore plus grand si l'on réunit des circonscriptions actuellement existantes en une seule, auront à se déplacer sur de longues distances pour voir leur député. Le contact avec cette population sera de plus en plus difficile et les services en seront diminués d'autant.

J'ai, pour ma part, au-delà de 25,000 électeurs. Je reçois régulièrement à mon bureau de Chicoutimi entre 95, 100, 110 appels par jour et environ 150 à 175 lettres par semaine. Cela à part les visites que l'on fait, en mon absence, à mon bureau, et celles que l'on fait alors que je suis dans ma circonscription, en fin de semaine. Cela représente, quand même, des contacts énormes, un nombre de contacts extrêmement imposant. C'est pour le député une tâche très lourde, jointe aux tâches de représentation qu'il doit faire forcément, et avec plaisir d'ailleurs, dans son comté aux fins de rencontrer les citoyens, les corps intermédiaires, et de participer à la vie des citoyens dans la circonscription qu'il représente.

C'est pourquoi je disais, au tout début, que ce chiffre de 32,000 personnes par circonscription ne doit pas être un chiffre magique. C'est un idéal. Je ne condamne pas le fait que l'on ait dit: Partons de 32,000 électeurs, plus ou moins, avec la variable qui est indiquée dans le projet de loi, mais je dis qu'il ne faut pas en faire un chiffre magique.

Je vois par exemple devant moi le ministre adjoint aux Finances, le député de Matane. Je connais très bien le comté de Matane comme je connais bien le comté de Rimouski, comme je connais bien plusieurs comtés du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie. Ce sont quand même des comtés énormes qui sont, du point de vue géographique, monstrueux parce qu'ils s'étendent sur un territoire considérable. La population, peut être moins nombreuse qu'en d'autres circonscriptions, s'y trouve dispersée et pour rejoindre les députés, ces gens doivent parcourir des distances considérables, ou le député lui-même, s'il en a la possibilité physique, doit aller rejoindre les citoyens là où ils se trouvent. Il ne faut donc pas rendre encore plus lourde la tâche des députés qui savent, d'expérience, ce que cela représente de servir une population disséminée sur un immense territoire et particulièrement les populations défavorisées.

Je parlais, cet après-midi, des régions défavorisées en insistant sur le critère socio-économique. Je pense, par exemple, à des populations comme celles de la Gaspésie. Je pense aux populations du Nord-Ouest du Québec où il y a là aussi d'immenses territoires. Population peut-être pas nombreuse si on la compare à celle qui se trouve dans d'autres réservoirs de population au Québec, mais une population qui a droit exactement aux mêmes services et qui a

droit aux mêmes égards de la part de son député.

Ainsi donc, pour résumer ce point, le chiffre de 32,000 est une indication. Ce ne doit pas être un chiffre magique et surtout on ne doit pas hésiter à l'écarter, délibérément, si ce chiffre doit empêcher les commissaires qui prépareront cette refonte de la carte électorale, de tenir compte de ces critères socio-économiques dont j'ai parlé cet après-midi afin qu'il n'y ait pas de disproportions dans les rapports de force entre les régions dites favorisées et les régions qui, à l'heure actuelle, sont considérées comme des régions défavorisées.

M. le Président, c'est donc là une considération importante et le projet de loi n'en a pas tenu compte de la façon dont nous aurions voulu qu'on le fit, selon les expressions qui avaient été formulées devant la commission parlementaire de l'Assemblée nationale. On me dira peut-être parlant, des inégalités de représentation de la carte électorale actuelle, qu'il existe ceci: que dans certains comtés, 60,000 électeurs, par exemple, je crois que c'est le chiffre plus ou moins exact du comté de Terrebonne...

M. HARDY: Quatre-vingt mille.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quatre-vingt mille, vous voyez que c'est encore plus considérable que je ne le pensais. Alors, on me dira peut-être que le chiffre de 80,000 électeurs est quelque chose d'énorme, que du point de vue de la représentation, il est anormal que 80,000 électeurs n'aient qu'un porte-parole...

M. HARDY: Mais s'il est bon...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en conviens, M. le Président. Mais il faut quand même tenir compte de ceci. Mettons de côté, pour l'instant, les problèmes pratiques que j'ai évoqués tout à l'heure à propos des circonscriptions rurales. Il est certes important que les gens, enfin que l'ensemble de la population du Québec soit mathématiquement redistribué dans des districts électoraux, de sorte qu'il y ait un porte-parole pour un nombre raisonnable d'électeurs. Mais le problème peut se poser d'une autre façon. Je l'ai dit tout à l'heure. Il y a le problème du député porte-parole, il y a cet aspect du député porte-parole, celui qui exprime les desiderata de ceux qui l'ont élu, de ses commettants. Alors, à ce moment-là, il est quand même important de voir à ce qu'un député puisse être le porte-parole d'un nombre normal de citoyens.

Mais il est plus important, à mon sens, de s'attacher à la question de services. Je suis persuadé qu'un député qui représente 80,000 électeurs qui ont des besoins diversifiés, qui doivent faire appel à un grand nombre de ministères, ne sont pas, en dépit de la meilleure volonté du député, en dépit du plus grand dévouement qu'il puisse manifester, justement représentés.

Alors il y a cette question de représentation en termes de service, il y a cette représentation aussi en termes que j'appellerai idéologiques. C'était là un des points de notre recherche, de nos examens, de notre étude ou de notre réflexion. Nous voulons que la carte électorale permette à un nombre raisonnable de citoyens d'être représentés par un député qui soit le porte-parole d'un groupe de gens qui, enfin, aient l'occasion de s'exprimer par sa voix, d'exprimer leurs idées, de faire connaître leur opinion sur des idéologiques politiques, sur une philosophie politique, sur des problèmes politiques. Mais il ne faut jamais dégager cet aspect de l'aspect service sur lequel j'ai insisté longuement tout à l'heure.

M. le Président, on pourrait, vous savez, parler très longuement sur ce problème de la refonte de la carte électorale. Mais je veux rapidement essayer d'attacher ma réflexion à quelques autres aspects qui me paraissent importants. Nous aurons l'occasion d'y revenir en comité et d'autres collègues pourront compléter ce que j'ai dit. Il y a le choix des commissaires. Certains auraient peut-être souhaité que le choix des commissaires soit fait au moyen d'un système qui permettrait aux différentes formations politiques de participer à ce choix. En théorie, dans l'idéal, cela pourrait être souhaitable. Mais les renseignements que j'ai m'indiquent que le choix que l'on s'apprête à faire sera judicieux en ce sens que l'on prendra des personnes qui ne se sont pas commises encore sur le problème de la refonte de la carte électorale ou de tout problème s'y rattachant, des gens qui n'ont pas publié d'articles, n'ont pas comparu devant nous comme experts en nous donnant des indications précises sur leurs idées et sur ce que nous devrions faire.

Alors pour ma part, il se peut que je fasse des observations au moment où nous étudierons cet article qui parle de la nomination des commissaires, mais je crois que, dans l'idéal, il serait bon que toutes les formations politiques soient associées à la nomination de ces commissaires. Mais en pratique, est-ce que cela produira les résultats qu'on en attend? Et le soupçon de partisanerie politique que l'on pourrait concevoir à ce propos, je me demande s'il est fondé et si l'autre formule, qui consisterait à y associer des membres des diverses formations politiques ne rendrait pas aussi présent le soupçon de partisanerie politique. È y a là question d'opinion. Pour ma part, je ne suis pas prêt à faire un débat là-dessus pour demander que tous les partis politiques soient associés à la nomination de ces commissaires.

Il y a trois commissaires. On nous dira que ce n'est peut-être pas assez. Mais il reste que c'est une commission d'experts. Ce sont trois personnages qui seront vraisemblablement des experts et qui auront quand même, en vertu de la loi, la possibilité de s'adjoindre un personnel

auxiliaire, y compris des experts, des techniciens, des spécialistes. Par conséquent, au sujet de la nomination, au sujet du nombre des commissaires, je ne vois pas de raison de m'opposer à cette volonté du gouvernement exprimée dans le projet de loi.

Le mandat qui est confié à cette commission d'experts est quand même assez explicite.

Ils devront nous soumettre un rapport d'ici le 1er mars 1972. Personnellement, je suis porté à croire que le délai qui leur est imparti est peut-être un peu court, mais je n'en fais pas encore un grief. De toute façon, si d'aventure le rapport n'était pas prêt, les commissaires pourront, quand même, demander un prolongement de leur mandat. Il y a surtout cette soupape, qui est très précieuse et que nous avions demandée afin d'être vraiment associés à cette refonte de la carte électorale, c'est qu'ils doivent produire un rapport qui, lui, est soumis aux députés, lesquels auront l'occasion de se prononcer et de redonner d'autres avis, enfin, de formuler à l'intention des commissaires des recommandations aux fins de modifier leur point de vue. Cela pourra se produire chaque fois que la commission — puisque ce sera une commission permanente — aura à statuer sur la refonte de la carte électorale.

Ainsi, en ce qui concerne la nomination des commissaires, leur nombre, leur mandat, le délai qui leur est imparti, je ne crois pas qu'il y ait là matière à dispute. Je reviens brièvement sur les instructions qui sont données aux commissaires, particulièrement en ce qui concerne le chiffre de 32,000, avec la variable de 25 p.c. J'en causais avec des personnes qui sont étrangères à cette Chambre et on me disait qu'on devrait imposer aux commissaires le mandat suivant: soit de fixer de façon catégorique, à titre d'essai, à 80 le nombre des circonscriptions et de distribuer les électeurs à l'intérieur de ces 80 circonscriptions électorales en vue d'en arriver à une proportionnalité, à ce système de représentation proportionnelle que connaissent bien mes collègues, le ministre de la Fonction publique et le député de Terrebonne.

J'estime, pour ma part, qu'il serait imprudent de demander aux commissaires de fixer arbitrairement à 80 le nombre des circonscriptions en vue d'atteindre un objectif que l'on n'a pas eu encore le temps d'examiner. Ce geste, à toutes fins utiles, nous mettrait déjà devant la situation suivante que les électeurs seraient forcément bousculés, promenés d'une frontière à l'autre, un peu comme l'ont été certains peuples d'Europe centrale à des périodes de l'histoire que je n'ai pas besoin de rappeler.

Donc, ce chiffre de 80, que l'on aurait peut-être l'intention de suggérer aux commissaires, ne me parait pas devoir être retenu, parce que ce serait faire litière des principes qui doivent inspirer les commissaires et des critères dont j'ai longuement parlé et dont tous les experts qui ont comparu devant nous nous ont parlé.

Il y a dans le projet de loi du premier ministre un aspect que j'aimerais souligner. C'est que je m'interroge sur l'intention du gouvernement en ce qui concerne la consultation avec la population. J'ai souvenir des représentations et des suggestions qui ont été faites par certains de nos collègues, demandant que la commission de l'Assemblée nationale devienne itinérante afin de consulter la population en vue de connaître ses réactions au sujet de ce réaménagement qui fatalement bousculera, à un degré plus ou moins grand, tous les citoyens qui en subiront les conséquences ou qui bénéficieront de ses effets.

Lorsque cette proposition nous a été faite, nous avons essayé de la juger à son mérite. Nous en avons pris bonne note et il serait important que le gouvernement nous dise de quelle façon il pourra mener une consultation auprès de la population à partir du moment où les commissaires auront produit leur rapport dans les délais prescrits. J'insiste là-dessus et c'est après y avoir bien réfléchi. Une suggestion avait été faite qui avait peut-être paru étonnante à certains moments; cette suggestion qui nous avait été faite m'est apparue valable à l'analyse et après discussion avec beaucoup de gens de ma circonscription et des circonscriptions environnantes.

A quel moment, toutefois, cette consultation doit-elle se situer? De quelle façon doit-elle se faire? Je suis pour ma part d'avis que cette consultation pourra se faire à partir du moment où les commissaires auront déposé leur rapport. H appartiendra alors aux députés, qui auront examiné le rapport, de se poser la question suivante: Qu'est-ce que les gens de ma circonscription ou des circonscriptions de la région dans laquelle se trouve la mienne en pensent? De quelle façon réagissent-ils? De quelle façon les recommandations de la commission répondent-elles aux habitudes électorales des citoyens, à leurs exigences et à l'organisation administrative du gouvernement? C'est-à-dire, est-ce qu'il y a suffisamment de services administratifs gouvernementaux pour que, si l'on acceptait les propositions des commissaires, les citoyens en retirent les mêmes services?

C'est donc encore là un aspect du problème qu'il nous faudra examiner et au sujet duquel nous interrogerons le premier ministre. M. le Président, je m'excuse d'avoir parlé aussi longuement, ce n'est pas mon habitude. D'ailleurs...

M. BIENVENUE: C'est très intéressant. M. BOURASSA: C'est intéressant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... je suis toujours réduit à des limites de temps réglementaires, ce qui ne me donne pas nécessairement le loisir d'élaborer. Mais je voudrais, avant de terminer, rappeler d'abord que la refonte de la

carte électorale me parait à certains égards, et je précise, nécessaire, mais peut-être prématurée si on replace tout le problème dans l'optique d'une refonte générale de notre système parlementaire et de l'institution politique du Québec. J'aurais préféré que tout le problème fût examiné, que l'on procédât à la rédaction d'une constitution québécoise avant que d'intégrer les mécanismes qui exprimeront ensuite les prescriptions qui se trouveraient dans le texte de cette constitution québécoise. C'est donc une première observation.

Deuxièmement, je reprends ceci, savoir que le premier ministre, en présentant son projet de loi, n'a pas tenu compte en tout point des volontés exprimées par les députés à la commission parlementaire, puisqu'il n'y a pas eu rapport de cette commission parlementaire. Ainsi, cette commission n'ayant pas siégé à nouveau, nous n'avons pas pu déterminer de façon précise tous les critères qui devront servir ou qui auraient dû servir aux commissaires dans leur travail.

C'est un aspect du problème que je souligne au premier ministre. Je demande ensuite au premier ministre de réexaminer la question du chiffre magique de 32,000, avec la variable, dans l'optique des critères non pas seulement démographiques et géographiques, mais des critères socio-économiques, socio-politiques, socio-culturels et de cette réalité de la régionalisation. Je demande également au premier ministre de se pencher sur cette réalité que l'on ne peut écarter, soit l'existence de milieux urbains ou de milieux ruraux, de milieux semi-urbains, semi-ruraux, urbanisés, moins urbanisés, appelons cela comme on le voudra, mais il y a quand même cette réalité.

Le premier ministre — je n'ai pas besoin d'insister, c'est d'ailleurs dans la loi mais c'est dit à titre exceptionnel et c'est cela qui m'agace — sait très bien qu'il faut tenir compte des critères géographiques et démographiques; si l'on pense aux comtés de Saguenay, de Duplessis, etc., il faut tenir compte des critères géographiques et démographiques dans des régions comme celles-là. Il dit: A titre exceptionnel... Non, l'exception devrait être la règle générale et l'on devrait tenir compte de tous les critères. Le premier ministre a-t-il pensé et sera-t-il en mesure de nous dire exactement quels sont les mécanismes de consultation avec la population qu'il devra prévoir lorsque la commission nous aura présenté son rapport? Il est important de consulter la population.

Le premier ministre a, à mon sens, posé un geste sage; il a respecté, en tout point, sa promesse en ne rendant pas exécutoires, comme certains l'avaient demandé et comme on l'a écrit en certains milieux, les décisions de la commission. Je crois que c'est un geste extrêmement sage qui montre, qui manifeste la volonté du premier ministre d'associer, comme nous le souhaitons et comme c'est notre droit de l'être, les parlementaires, les législateurs à toute la réforme électorale et particulièrement, dans le cas qui nous occupe, à la refonte de la carte électorale. Je crois que le premier ministre a posé un geste sage en agissant de cette façon.

Ainsi donc, dans son principe, nous allons donner notre agrément à ce projet de loi. Nous nous réservons de faire d'autres observations, mais ce sur quoi je veux insister — et c'est ma conclusion— c'est qu'une réforme électorale, une refonte de la carte électorale, les modifications ou le changement d'un mode de scrutin doivent être pensés, non pas en fonction d'idéologies, de théories abstraites, mais en fonction des réalités. Les gens qui sont les mieux placés pour saisir ces réalités, ce ne sont pas les experts, avec tout le respect que j'ai pour eux. Nous avons besoin des experts, nous allons faire appel à eux mais les gens qui sont les mieux placés sont les praticiens de la politique, ceux qui la vivent quotidiennement et souvent douloureusement. Seuls ces gens-là peuvent dire au premier ministre si le travail de la commission, que nous allons créer par la loi 80, tient compte de tous les facteurs que j'ai essayé d'analyser, certains ayant été analysés un peu plus longuement, de tous ces facteurs et de toutes ces réalités géographiques, politiques, démographiques, socio-politiques, socio-économiques, socio-culturels, régionaux, etc.

C'est seulement si les propositions qui nous seront faites par cette commission répondent à ces besoins que nous pourrons dire que la refonte de la carte électorale corrige les injustices, les inégalités dont on a parlé et que personne ne conteste, et que, d'autre part, elle permet aux citoyens de pouvoir jouir de tous les services que le gouvernement met à leur disposition et auxquels ils ont un droit strict. La refonte de la carte sera bonne, valable, si elle consacre le principe de la démocratie et prenons le mot dans son sens le plus fort et le plus noble. La refonte de la carte électorale ne sera valable que si elle permet aux députés un exercice normal, si elle permet aux députés de pratiquer normalement, de façon plus aisée et surtout, plus humainement et plus efficacement, ce que Platon appelait "l'Art royal de la Politique".

DES VOIX: Très bien!

M. LE PRESIDENT (Blank): L'honorable député de Mégantic.

M. Bernard Dumont

M. DUMONT: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous le bill 80, intitulé Loi de la commission permanente de la réforme des districts électoraux. Ce projet a pour but de former une commission permanente de la réforme des districts électoraux.

M. le Président, j'avise immédiatement cette Chambre que je n'ai pas l'intention de parler pendant deux heures, car si nous voulons...

M. LOUBIER: Pas le droit...

M. DUMONT: ... instituer une commission, il est nécessaire de lui laisser du travail. Il est nécessaire, pour le président et les directeurs, de ne pas faire leur travail mais bien de leur donner quelques réflexions que nous avons pu recueillir lors des quinze séances qui se sont déroulées avec des experts qui nous ont fait leurs recommandations.

Comme plusieurs d'entre les députés ici présents, nous avons assisté à ces séances avec beaucoup d'intérêt, car ces spécialistes qui se sont succédé, entre autres MM. Jean-Charles Bonenfant, Vincent Lemieux, Meynaud, professeur à l'université McGill et le président des élections que nous verrons, comme le premier ministre l'a dit, président de cette commission, sont tous des experts qui nous ont donné de très bonnes informations.

A ces informations, il y avait aussi le désir du premier ministre qui, le 19 janvier 1971, nous disait, à la page 2 de sa déclaration: "En effet, il semble que ce soit le consensus de cette commission de la réforme électorale, nous sommes d'accord pour dire qu'une réforme en profondeur de notre système électoral devra porter sur les questions suivantes: le mode de scrutin, la carte électorale, la Loi électorale dans certains de ses aspects, à savoir la liste permanente des électeurs, les dépenses électorales et la question des sondages préélectoraux."

Or, M. le Président, pour ce qui est de la réforme électorale, les experts n'ont pas manqué... A la commission, à plusieurs reprises, j'ai formulé, en tant que représentant, une demande expresse afin qu'on ait des experts qui viennent surtout discuter du mode de financement des partis politiques et suggéré, pour les experts que nous aurons nommés par cette commission, de bonnes idées qui permettraient dans le futur de bannir à tout jamais les caisses électorales, responsables, la plupart du temps, de permettre à des personnes d'être élues, sans que, légalement, nous ayons le droit de dire qu'elles sont élues légalement. Car si la caisse électorale place parfois des députés élus, grâce à des montants d'argent qui permettent, par la propagande qu'on en fait, de placer ces personnes que la population ne désire pas, eh bien, il y a certainement, à ce moment-là, une attitude à adopter qui est ce que nous avons toujours réclamée, soit que le gouvernement prenne le financement des partis politiques à sa charge ou que nous soyons élus par des membres actifs, comme nous le faisons dans notre parti.

A la suite de ces longues études que nous avons eues au cours de ces nombreuses séances et à la lumière de ce que chaque expert nous a déclaré, il y a eu certaines déclarations à l'effet qu'on ait à l'Assemblée nationale 120 députés dont 90 seraient élus au scrutin et 30 seraient nommés par région. Cela permettrait à certains partis politiques d'avoir des députés qui siégeraient à l'Assemblée nationale même si, à la dernière élection, ils n'ont pas été favorisés par le sort, les électeurs ne voulant ou ne pouvant pas les remplacer par des méthodes autres que celles qui ont été utilisées.

Je dis tout de suite que cette façon de procéder — là-dessus, nous avons eu des déclarations de plusieurs experts — n'est pas acceptable. Les experts déclaraient toujours qu'il faut que le député ait un bain de foule, au moins, tous les cinq ans, un bain de peuple, comme on le disait, pour être capable de connaître les problèmes et être aiguillonné par cette population qui exige une amélioration constante des législateurs afin qu'ils puissent bien servir les intérêts de la province de Québec.

Tenant compte de la déclaration de ces experts, j'affirme —c'est notre point de vue après en avoir discuté avec les membres de mon parti — que nous devrions avoir en cette Assemblée nationale environ 110 députés élus au scrutin que nous connaissons à l'heure actuelle. Même s'il y a quelque temps beaucoup de gens ont vanté la méthode qui existe en Allemagne, du scrutin à deux tours, on a eu aussi un expert, le professeur Meynaud, qui est venu nous dire que l'Allemagne devait, d'ici peu de temps, changer cette méthode d'agir et qu'elle semblait plutôt regretter d'avoir adopté ce système.

D'ailleurs, plusieurs experts nous ont avertis aussi d'être très prudents dans toute réforme que nous aurions l'intention d'apporter. Dans une province grande comme la nôtre avec si peu de population, nous devons y aller prudemment, car il ne faudrait pas regretter les gestes que nous aurions posés. A la suite d'une expérience qui vient d'être vécue, le 29 avril dernier, et qui a permis à deux autres partis d'être présents en cette Chambre, nous nous rendons tous compte, et nous nous en sommes encore rendu compte ce soir, que des réformes tant de l'Assemblée nationale que de la carte électorale sont sans doute nécessaires, mais qu'il faut toujours y aller avec prudence afin de ne pas faire comme un certain pays — pour le nommer, la France — qui a été obligé de changer tant de fois ses règlements.

D'ailleurs, cet expert que j'ai nommé tout à l'heure, le professeur Meynaud, dans une étude très approfondie qu'il a faite dans la revue Forces, nous démontrait hors de tout doute que, même si nous avons des dossiers importants concernant les principaux modes de scrutin ou de réforme électorale, il faut aussi analyser l'expérience qui a existé dans d'autres pays. Le professeur Meynaud, selon l'analyse qu'il a faite du scrutin et du comportement des électeurs, annonçait que les nouveaux partis qui arrivaient à cette Assemblée nationale y étaient pour bien longtemps encore. Nous avons des racines profondes et nous sommes convaincus que le peuple y a pensé sérieusement avant de nous déléguer les pouvoirs que nous avons et cela pour les quatres partis politiques.

Même une suggestion a été faite de voir s'il n'y aurait pas possibilité d'imiter ce qui s'est

fait en Allemagne, par exemple — là, ils ont vécu des périodes plus difficiles — ou en Hollande, entre autres, où un gouvernement de coalition est formé régulièrement. Cela nous permettrait d'établir à l'avance ce que comporterait ce gouvernement de coalition.

On va tellement loin que le professeur nous disait qu'on a même déterminé à l'avance, je citerai, à la page B-786 du rapport de la commission, sa déclaration textuelle: "Les Hollandais ont l'habitude de ce gouvernement de coalition. C'est-à-dire qu'après chaque élection on désigne ce qu'on appelle un formateur. Le formateur est un homme qui va travailler pendant un mois ou deux mois pour mettre sur pied une espèce de cahier dans lequel seront prévues toutes les conditions de la coalition, y compris de savoir qui on mettra à la place de M. Untel lorsqu'il prendra sa retraite, quels programmes législatifs on fera. Et, une fois que le cahier a été fait, les partis se réunissent, on choisit un premier ministre, on applique le cahier et on ne le change plus jusqu'à la prochaine élection."

Or, quand je regarde les représentants des quatre partis qui sont ici et qui apportent un travail très sérieux à l'Assemblée nationale — nous espérons être jugés comme tels — je dis qu'il va falloir penser à cette possibilité, ici, dans le Québec, afin d'éviter de sombrer dans le désarroi politique.

Enfin, je crois que, lorsque les députés des partis de l'Opposition, comme on nous appelle, ont des suggestions à faire, ils devraient être écoutés — puisque nous sommes parmi les 108 représentants — comme n'importe quel autre membre du parti au pouvoir et les districts électoraux devraient être au nombre de 110, comme je l'ai réclamé tout à l'heure. Nous pourrions, à ce moment-là, même dans un gouvernement de coalition, avoir de très bonnes informations.

J'invite tout le temps à la prudence car, si nous allions faire une réforme en profondeur, soit en changeant la méthode d'élection des députés ou en faisant disparaître certains districts électoraux en milieu rural ou semi-rural pour faire augmenter le nombre de ceux de certaines villes, je dis que nous ferions le contraire de ce qui existe. Je dis que nous avons le droit de regarder un peu ce qui se fait aux Nations Unies. Je pose la question, et les experts iront sans doute regarder de ce côté-là: Est-ce qu'un pays est représenté par la population qu'il a ou si ce n'est pas un pays, un vote? Alors, comme je le disais tout à l'heure, la province de Québec est très grande avec peu de population. Il y a, dans des comtés, même si la population n'est pas très forte, tellement de problèmes qu'un député ne suffit pas, parfois, à faire tout le travail. C'est pourquoi, il n'y a pas si longtemps, on a réclamé que des secrétaires de comtés viennent collaborer. C'est une preuve évidente que le travail qui existe dans les comtés ruraux ou semi-ruraux apporte des problèmes d'administration très grave. Quand nous analysons une réforme des districts électoraux, il faut de toute évidence prendre en considération que, dans les milieux ruraux ou semi-ruraux, il y a des problèmes que les gens n'ont pas en ville.

Enfin, quand nous constatons, quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, que certains comtés ont 80,000 électeurs, j'admets, moi aussi, qu'il faut, peut-être, diviser ces comtés, mais peut-être immédiatement à côté. Dans mon comté, j'ai 35,000 électeurs. Je connais un comté voisin qui n'en a que 8,000. Peut-être que nous pourrions faire une division à ce moment-là et cela permettrait à deux comtés de pouvoir continuer à être représentés par deux députés au lieu de faire disparaître un comté sous prétexte qu'il n'a que 8,000 ou 10,000 électeurs qui se rendent aux élections à tous les quatre ans.

M. le Président, si les experts envisagent ces possibilités, nous verrons à ce moment-là le nombre de comtés ruraux ou semi-ruraux demeurer le même, quitte à ajouter quelques comtés additionnels, jusqu'à 110, là où il y a une population un peu plus forte et où c'est nécessaire. Encore là, c'est toujours la prudence qu'il est nécessaire de mettre de l'avant. Je veux citer une autre déclaration du professeur Meynaud; je pense que c'est en regard de ses déclarations que nous devons regarder le danger qu'il y a à faire disparaître certains comtés qui, depuis nombre d'années, ont apporté tant de valeurs à nos villes, ont été les bassins de pensées pour alimenter ces grands comtés où, parfois, on ne devient que des numéros. Dans les milieux ruraux ou semi-ruraux, nous nous identifions encore par nos noms. Dans les grandes villes, les gens sont devenus des numéros.

C'est dans ce sens-là que le professeur Meynaud disait, comme on peut le lire à la page B-790: "On peut peut-être commettre des injustices en ne considérant pas qu'il y a peut-être des possibilités de revaloriser tout cela. Je crois qu'il faut tenir compte de toutes les richesses d'un pays et que nous sommes en train, à l'heure actuelle, d'en saccager un certain nombre sur tous les plans, parce qu'en définitive nous courons après l'évolution technique. Nous n'avons jamais été capables de la maîtriser. Elle est en train de nous dominer et de nous appauvrir, sans aucun doute".

Il faisait justement allusion au fait que parfois, en France comme ailleurs, on a fait disparaître des comtés ruraux. On a peut-être eu tendance, comme il le disait, à vouloir tout centraliser dans les grandes villes. La France, aujourd'hui, décentralise. L'expérience du passé doit nous servir.

L'historien, en même temps que le professeur, M. Meynaud, avec son expérience de la vie, nous invite à réfléchir sérieusement. Il est un de ceux qui m'ont fait sérieusement réfléchir aux dangers qu'il y aurait d'aller trop rapide-

ment dans une réforme des districts électoraux qui, surtout, ferait disparaître des régions qui apportent à ce Parlement des idées qui lui permettent de continuer dans l'esprit de créativité nécessaire pour la bonne administration d'une province.

M. le Président, il y a déjà, dans les remarques qui nous sont données, les noms qui nous sont avancés, des noms qui, nous n'en doutons pas, sont des compétences mêmes. Nous n'avons, par exemple, aucun doute, quant au nom du président qui a été avancé, que c'est l'homme tout désigné, ayant fait tant d'élections, pour apporter une note juste aux recommandations qui seront faites et pour apporter justice à tous les nôtres, car la province de Québec, il la connaît bien.

Je voudrais aussi, avant de terminer, apporter une précision sur ce que le député de Chicoutimi a déclaré tout à l'heure, savoir que l'Assemblée nationale a fait disparaître l'article 80 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, au mois de décembre dernier. Je suis d'accord avec lui que c'est l'Assemblée nationale qui l'a fait, mais ce que le député de Chicoutimi a oublié de dire, c'est que ce sont les membres du Ralliement créditiste qui l'ont rendu constitutionnel. Sans l'appui de trois représentants, soit les députés de Richmond, de Frontenac et moi-même, en tant que représentant du comté de Mégantic, avec l'appui de nos collègues, la loi n'aurait pas été constitutionnelle car il manquait des votes pour la rendre constitutionnelle.

Nous n'avons pas eu peur de prendre notre responsabilité. Si, aujourd'hui, nous pouvons discuter de la loi, de la possibilité de former une commission pour que les districts électoraux soient réformés, c'est parce que, quand vient le temps de prendre nos responsabilités, nous, du Ralliement créditiste, n'avons pas peur de le faire. Nous l'avons fait pour le bien de la population mais nous ne l'avons pas fait dans le but de permettre de faire disparaître nos comtés ruraux ou semi-ruraux.

M. le Président, je voudrais, en terminant, citer une dernière déclaration du professeur Meynaud, qui disait: "Je crois que la richesse ethno-culturelle est certainement un des grands actifs de l'homme. On peut toujours essayer de reconstituer une usine, mais lorsqu'une population, lorsqu'une langue, lorsque les coutumes disparaissent, c'est terminé. On a fait le compte, en Europe, d'un certain nombre de langues ou d'endroits qui étaient réellement des endroits magnifiques et qui sont disparus. Par conséquent, c'est toute une littérature qui n'est plus accessible. Il est toute une série de richesses qu'on a sacrifiées dans le feu de l'industrialisation". C'est cela que la centralisation donne. Quand on veut trop industrialiser, quand on veut trop centraliser, quand on veut oublier certains comtés ruraux pour que cette population émigre dans les villes, il y a danger d'une centralisation trop vaste. De là naissent toutes sortes d'autres dangers qu'il faut corriger.

D'ailleurs, il ajoutait: "Maintenant qu'on est industrialisé, maintenant qu'on a gagné le pain, on voudrait revenir aux roses mais les roses ne poussent plus". Notre professeur n'était pas seulement un historien mais, en plus, un poète. Il disait: "C'est pour cela que tout en étant très sensible aux arguments d'uniformisation indispensable dans certains domaines, je pense qu'il faut garder certaines valeurs".

Je dis que, si nous conservons nos comtés ruraux et semi-ruraux, nous conserverons ces valeurs dont le professeur a fait allusion car, je le répète, je le dis, quand on réussit dans nos milieux à s'identifier par nos noms, quand on se reconnaît en se saluant dans la rue, nous sommes aussi des individus qui par le fait même nous penchons sur le problème de ces mêmes individus et nous devenons de ce fait justement le type de sociétés qu'il faut à la société québécoise pour continuer à respecter l'ordre que nous lui commandons.

Il nous faut aussi conserver ces points, car de ce bill 50 que nous étudions même à l'heure actuelle, nous verrons peut-être demain des provinces entières créées dans ces coins, nous aurons l'obligation de créer des districts électoraux en ces endroits où la population aura besoin d'être représentée. Et c'est alors qu'il nous faut inviter les gens à la prudence.

Nous avons dernièrement accepté l'entente fédérale-provinciale pour le parc Forillon. Si on faisait disparaître un comté de cette région, ce serait réellement regrettable car demain il faudrait peut-être recréer à cause de la population qui sera peut-être aussi dense qu'à Banff, à Jasper ou au lac Louise, ce comté, parce que les touristes y viendront et que l'été nous aurons une population tellement forte qu'il y faudra un député à part entière. C'est pourquoi nous invitons à la prudence. Je suis convaincu que cette commission, ayant déjà un président compétent que nous connaissons et des membres qui seront en mesure d'être choisis avec le consentement ou du moins la consultation de tous les partis politiques de cette Assemblée nationale, parce qu'ils sont véritablement compétents, nous consultera pour que nous ayons notre mot à dire et que nous puissions avoir par la prudence une des meilleures réformes, celle qui permettra aussi à nos fils d'avoir encore leur liberté demain.

M. LE PRESIDENT (Picard): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, la nécessité d'une réforme de la carte électorale saute aux yeux. Si nous regardons en effet une carte des comtés de la province de Québec, nous voyons que quelques-uns sont minuscules alors que d'autres mangent par leur couleur une grande partie de la carte. Nous voyons également que certains comtés comptent moins de 7,000 électeurs alors que d'autres en comptent près de

75,000. Avec cette conséquence que certains députés, ici en cette Chambre, représentent cinq, six ou sept fois plus d'électeurs que celui qui représente la plus petite circonscription actuelle du Québec.

Il est donc évident qu'il fallait faire quelque chose et il y a longtemps que des voix parmi les plus autorisées se sont élevées pour réclamer une refonte radicale de la carte électorale. Par exemple, dès 1961, une commission gouvernementale était saisie du problème, la commission Grenier, et en venait à la conclusion non seulement que la carte devait être fondamentalement révisée mais énonçait également certains critères qui devaient présider au travail des commissaires.

C'est à cette époque que l'on a mis de l'avant le critère principal que l'on retrouve dans la loi actuelle, c'est-à-dire une norme de [tant de milliers d'électeurs avec un écart de 25 p.c. en deça ou au-delà de ce chiffre qui était énoncé.

C'est en 1962, également, qu'on énonçait la nécessité de la formation d'une commission indépendante, c'est-à-dire formée de spécialistes choisis pour leur spécialisation en ce domaine et qui s'étaient tenus loin de l'arène politique. Ces deux principes depuis ce temps ont été repris par un très grand nombre de spécialistes.

Malheureusement, probablement à cause de ce changement dans les moeurs qui est moins rapide que le changement dans les idées, il a fallu plusieurs années avant que la nécessité de ce changement soit preçue par une majorité de la population.

Déjà, à la suite de la défaite libérale de 1966 et, bien antérieurement, lorsque le Parti libéral était représenté par huit députés en cette Chambre, alors qu'il avait plus de 40 p.c. des voix, la nécessité s'était fait sentir de cette révision, mais on dirait que l'exemple n'avait pas encore assez porté. Il a fallu l'élection du 29 avril pour achever de convaincre aussi bien la population que la majorité des spécialistes en ce domaine.

Et, depuis le 29 avril, nous avons entendu une sorte de concert de protestations contre la carte électorale que nous avons actuellement et nous avons senti monter de tous les coins de l'opinion non seulement des souhaits, mais une sorte d'ordre, d'injonction à l'endroit du gouvernement pour qu'il réforme au plus tôt et en profondeur, cette fois, d'une façon définitive, la carte électorale qui avait donné lieu dans le passé à de telles injustices.

Nous nous réjouissons donc, M. le Président, que le gouvernement ait cédé à cette pression populaire. Déjà, le premier ministre nous avait fait part de son intention, le soir de son élection, le 29 avril. Pour ma part, j'ai accueilli avec beaucoup de plaisir et de joie la promesse qu'il nous faisait, ce soir-là, de modifier d'une façon fondamentale le régime électoral, la loi électorale et surtout la carte électorale.

Après plus de quatorze mois, le premier ministre donne enfin du corps à sa promesse et l'actualise dans les faits. Je suis très heureux de pouvoir lui accorder les félicitations, bien que tardives, que ce geste appelle nécessairement. Nous sommes donc très heureux, M. le Président, que cette commission de la réforme de la carte électorale soit enfin créée. Nous sommes très heureux également du critère principal qu'elle a retenu. Il nous a semblé, en effet — nous l'avons défendu à plusieurs reprises, lors des séances de la commission parlementaire, en invoquant l'appui des spécialistes en la matière — que le principal critère qui devait guider le travail des commissaires était celui de l'égalité mathématique de l'électeur devant son bulletin de vote, à quelque endroit qu'il se trouve, à quelque comté qu'il appartienne.

Cela nous apparaît, aujourd'hui comme hier, l'assise même des institutions démocratiques. Nous voulons, en effet, M. le Président, que le vote que le citoyen donne à chaque élection, vote qui donne droit au choix des collèges électoraux, reflète de la façon la plus exacte la volonté populaire. De tous les critères que nous avons étudiés en commission et qui ont été étudiés par les spécialistes, aucun ne nous semble plus décisif, aucun ne nous semble plus fondamental, aucun ne nous semble plus fidèle à l'idéal démocratique que celui de ce principe: un électeur, un vote.

Nous sommes donc, encore une fois, tout à fait d'accord avec le gouvernement qu'il ait retenu ce principe et qu'il lui donne la place principale dans la réforme qu'il nous soumet aujourd'hui. Nous savons que ceci est la deuxième étape de la réforme. Nous avons franchi la première, en décembre 1970, lorsque nous avons enfin aboli cette antiquité, cet héritage séculaire des comtés protégés.

Bien sûr, l'abolition des comtés protégés permet maintenant que nous puissions aborder en toute liberté d'esprit, sans aucune barrière préhistorique, le véritable travail de la réforme électorale. En ce sens, nous sommes tout à fait d'accord, comme je le disais tout à l'heure, avec une commission permanente. Nous accueillons avec toute la faveur qui se doit ce principe de la commission permanente. Le projet de loi nous dit qu'il y aura trois commissaires. Nous ne connaissons pas encore ces commissaires qui seront choisis, sauf le président des élections, ce qui va de soi évidemment, mais nous aimerions suggérer au gouvernement qu'un de ces trois commissaires soit un spécialiste des sciences humaines.

Les sciences humaines, M. le Président, constituent actuellement un champ très vaste. Dans le champ des sciences humaines, par exemple, nous retrouvons certaines disciplines, telles que la démographie, telles que la géographie et particulièrement la géographie humaine, telle que la sociologie.

Nous ne voudrions pas porter notre choix sur l'une ou l'autre de ces disciplines, malgré que nous aurions peut-être une préférence pour, en l'occurrence, la discipline qui s'appelle la

démographie. Il nous semblerait, en effet, sinon essentiel du moins très utile qu'un démographe participe, à titre de commissaire, aux travaux de la commission puisque le principal critère qui a été retenu est celui précisément du chiffre de la population, de la densité de la population, de l'évolution de la population aussi bien dans le sens progressif que régressif.

S'il y a un spécialiste en sciences humaines qui est habilité, par sa formation, à étudier d'une façon scientifique cette densité de la population, son évolution dans un sens ou dans l'autre, c'est bien le démographe. Cependant, il faut dire que le géographe, et particulièrement celui qui se spécialise en géographie humaine, et aussi le sociologue sont, par leur formation, amenés à se pencher également sur ces problèmes. Nous croyons que, si le gouvernement ne pouvait pas retenir, à titre de commissaire, les services d'un démographe, il serait quand même utile, à défaut, de retenir les services de l'un ou de l'autre de ces spécialistes en sciences humaines.

Encore une fois, je crois que cela aidera le président des élections et l'autre commissaire qui sera choisi à se pencher avec plus d'attention sur les divers critères qui ont été proposés en commission, sur les constantes aussi bien socio-économiques que socio-culturelles et socio-politiques ainsi que sur les caractéristiques proprement démographiques d'une population qui est en perpétuel devenir. Il me semble que ce serait là donner une garantie additionnelle de sérieux au travail de la commission. A part cette suggestion, nous aimerions cependant faire état d'une certaine critique à l'endroit du projet de loi.

On voit, en effet dans ce projet, que l'on prévoit établir le chiffre de 32,000 électeurs par collège électoral. Si nous considérons que la population actuelle ou la population qui a voté lors des dernières élections était d'à peu près 3,200,000 électeurs, cela devrait nous donner, grosso modo, même si l'on tient compte d'un écart de 25 p.c. en deça ou en delà, cela devrait nous donner en moyenne un nombre de 110 députés. 110. députés, c'est deux députés de plus que ce que nous avons déjà...

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, est-ce que le député de Bourget me permettrait juste une correction?

M. LAURIN: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Là, il fait des calculs, et dans le rapport du président des élections de 1970, il y a eu 3,478,000 électeurs d'inscrits, ce qui donne la moyenne, pour 108 comtés, de 32,000. C'est là-dessus que l'on s'est basé pour mettre le chiffre de 32,000.

M. LAURIN: D'accord, je remercie le député de Montmagny de sa correction. Donc, cela nous donnerait, avec le chiffre qui a été retenu, à peu près le nombre de députés que nous possédons déjà. Ceci m'apparaît un peu dangereux, M. le Président, surtout que ceci ne m'apparaît pas cadrer avec une partie de la déclaration du premier ministre lorsqu'il a présenté son projet de loi.

Si vous vous rappelez bien, lors de son discours de deuxième lecture, le premier ministre nous a dit que les études sur le mode de scrutin n'étaient pas terminées, qu'un consensus s'était dégagé, lors des travaux de la commission parlementaire, sur le maintien du système actuel, mais sur la nécessité d'y ajouter un additif ou un correctif afin que le nombre de députés et le mode de scrutin fassent droit, d'une façon plus fidèle, à la volonté des électeurs. H me semble que, si l'on prend au sérieux cette affirmation du premier ministre suivant laquelle les études ne sont pas terminées, qu'il faut les continuer, si l'on prend au sérieux la suggestion qu'a faite lui-même le premier ministre de recommander à la commission de l'Assemblée nationale, qui continuera ses travaux, la formation d'un groupe de travail qui devrait continuer les études sur le mode de scrutin et faire ses recommandations au gouvernement qui s'est dit disposé à les recevoir et à modifier la carte électorale, le nombre des collèges életoraux en fonction des conclusions de ce groupe de travail.

Il m'apparaît bien difficile de concevoir que l'on puisse, avec ce chiffre de 108 députés que nous donne la division que nous venons d'opérer, ajouter à ce nombre de députés, en vertu des conclusions que pourrait nous apporter ce groupe de travail. Car, il faut comprendre que ce dernier, s'il propose un correctif ou un additif, proposerait nécessairement, en vertu de ce correctif ou de cet additif, un certain nombre de députés que nous ne comptons pas actuellement et qui seraient élus par la proportionnelle. Il faudrait donc ajouter ce nombre de députés aux 108 que nous donnerait déjà la méthode de calcul qui est entérinée par le présent projet de loi.

Cela risquerait peut-être de nous donner un nombre de députés de 120 ou de 130. On ne le sait pas encore. Peut-être, étant donné la difficulté, non pas insurmontable, bien sûr, mais quand même réelle qu'il y aurait à augmenter, surtout d'une façon sensible, le nombre des députés, il est possible, M. le Président, que la méthode de calcul qui a été choisie laisse préjuger qu'il sera très difficile de modifier par la suite la carte électorale en fonction des conclusions à venir du groupe de travail qui doit se pencher sur la question.

C'est un peu comme si le gouvernement, sans le vouloir, j'en suis sûr, avait déjà choisi un certain mode de scrutin qui serait le système actuel, sans changement, puisqu'il apparaîtrait assez difficile de le modifier dans les circonstances. Ceci irait contre les intentions qu'a exprimées lui-même le premier ministre, dans son discours de deuxième lecture, quand il disait qu'il donnait la chance au groupe de travail d'étudier et de déposer ses conclusions.

Je ne vois pas une antinomie logique entre ce que nous dit le projet de loi et la déclaration d'intention du premier ministre, mais je vois une antinomie pratique qui pourrait très bien s'inscrire dans les faits. Je déplore donc cette apparence ou peut-être cette réalité de contradiction entre la loi et le discours du parrain de la loi, c'est-à-dire le premier ministre. Car, je crois que si l'on garde les chiffres, la méthode de calcul que propose le projet de loi, on peut en arriver à la possibilité d'une élimination d'un changement de mode de scrutin.

J'espère que le député de Terrebonne ou le premier ministre corrigera mes appréhensions dans son intervention ou apportera des amendements qui permettront à cette appréhension de disparaître d'une façon plus définitive et plus complète. D'ailleurs, nous-mêmes, en comité plénier, nous aurons l'occasion d'apporter un amendement qui ne change rien au principe de la loi mais qui serait destiné précisément à laisser ouverte une porte qui rendrait possible cet additif ou ce correctif, qui rendrait notre carte électorale plus juste dans l'avenir qu'elle ne se trouve avec le projet actuel.

Il y a peut-être une autre critique que nous ferions, qui est reliée à la précédente, en ce sens que, elle aussi, si on en tenait compte, pourrait contribuer à maintenir ouverte la porte à une réforme additionnelle. C'est celle qui porte sur le critère qui a été choisi. On a voulu baser le nombre des députés sur le nombre des électeurs. On a choisi le chiffre de 32,000, qui, comme le disait le député de Montmagny, correspond à peu près au nombre de députés actuels. Il nous semble qu'il serait peut-être plus juste de prendre, comme critère de base, le nombre réel des habitants, c'est-à-dire le chiffre de la population tel qu'il nous est fourni par les divers recensements qui s'effectuent...

M. CHARRON: C'est d'ailleurs le président qui l'avait suggéré.

M. LAURIN: ... dans cette province et dans ce pays.

D'ailleurs, je me rappelle, M. le Président, que c'est vous-même qui nous avez dit, lors des travaux de la commission de l'Assemblée nationale, dans une intervention brillante et bien documentée...

M. CHARRON: C'est ça.

M. LAURIN: ...qu'il était possible...

M. CHARRON: Vous voyez, on vous rend hommage.

M. LAURIN: ...d'avoir dès septembre ou dès octobre les chiffres préliminaires du recensement fédéral, et que la commission permanente pourrait parfaitement les utiliser dans ses calculs d'établissement des circonscriptions électorales.

Il nous semble que cela serait plus juste car on sait que le nombre d'électeurs constitue une donnée quand même, une donnée à un deuxième degré, une donnée démographique à un deuxième degré, alors que le chiffre actuel de la population constitue véritablement la donnée de base.

Il y a aussi un autre argument. Si nous gardions simplement le chiffre de 32,000 électeurs, qu'est-ce qui pourrait arriver? A la prochaine consultation électorale en 1974, il est bien possible qu'avec l'augmentation de la population, si on faisait la division que faisait tout à l'heure le député de Montmagny, on arriverait à un chiffre moyen de la population par comté de 36,000 ou de 37,000. Et à ce moment-là, étant donné que le critère de 32,000 est déjà écrit dans la loi, il faudra augmenter le nombre des députés, forcément. Si l'on garde ce chiffre de 32,000, même avec l'écart dont je parlais tout à l'heure, dans trois ans, dans quatre ans et encore plus dans dix ans, il faudra augmenter d'une façon régulière le nombre des députés, alors qu'il nous paraît beaucoup plus important de prendre comme critère, une norme, c'est-à-dire une proportion qui resterait toujours la même et qui nous permettrait de fixer à l'avance ou du moins pour une période assez longue le nombre de députés qu'il convient d'avoir à la Législature du Québec.

Si, par exemple, nous fixions, nous établissions ce nombre à 110 ou à 120, alors il serait très facile de prendre la population telle qu'elle augmente au fil des années et de diviser le chiffre total de cette population par le nombre des comtés que nous entendons garder dans le Québec, que ce soit 110, que ce soit 120, un chiffre sur lequel toute la Législature pourrait se mettre d'accord, et ensuite diviser le chiffre total de la population par ce nombre de comtés pour découvrir le nombre d'habitants par comté qui constituerait la variable.

En somme, c'est une autre méthode de calcul que nous proposons et nous aimerions beaucoup que le député de Terrebonne ou que le député de Mercier discutent cette proposition que nous faisons, pensant, en tout cas à première vue, qu'ils y verraient peut-être plus de mérite et sûrement moins d'inconvénients que la méthode qu'ils nous proposent.

De toute façon, nous laissons ces considérations à leur réflexion et nous espérons qu'il sera possible d'en arriver à un critère qui nous permettra de garder le nombre de députés que l'Assemblée nationale établirait, et que la variable serait précisément le nombre d'électeurs et non plus le nombre de comtés tel que cela se présente dans l'actuel projet de loi.

C'est à peu près une façon de relier les deux critiques que nous faisons et qui pourraient se transformer en deux suggestions, ce serait peut-être, à l'aide de cette nouvelle méthode de calcul, de préparer plus d'un modèle de carte électorale, ce qui permettrait ensuite aux

membres de la commission de l'Assemblée nationale de discuter sur deux projets au lieu d'un puisque la commission parlementaire n'est pas liée par le travail de la commission indépendante, que ce travail pourrait être scruté par les membres de l'Assemblée nationale et même par des spécialistes que nous pourrons inviter à la barre de la commission.

Il semble qu'en adoptant ces suggestions, nous nous fermerions moins de portes et qu'il serait possible de procéder à ce travail avec plus de souplesse, ce qui nous donnerait peut-être une carte électorale meilleure que celle que nous possédons actuellement et en même temps laisserait la porte ouverte à la réforme d'un mode de scrutin que nous continuerons d'examiner. En laissant des portes ouvertes, en prenant des méthodes de calcul qui restent flexibles, on garde les yeux ouverts sur l'avenir dans un esprit de réformisme qui, je le sais, caractérise aussi bien le premier ministre que le député de Terrebonne.

Nous en avons eu plusieurs preuves lors des séances de la commission.

Maintenant, nous nous rendons bien compte que ces deux premiers pas ne constituent que l'amorce d'une réforme que nous avons appelée, tout à l'heure, radicale et fondamentale et qui devra se poursuivre. D'ailleurs, le premier ministre nous en a donné lui-même l'assurance dans son discours de deuxième lecture, lorsqu'il a dit que la commission de l'Assemblée nationale continuerait ses travaux et qu'elle serait appelée à étudier, successivement, la réforme de la Loi électorale, comprenant, par exemple, l'examen de problèmes tels que celui d'une liste permanente; la réforme des modes d'enumeration et de révision et la réforme des articles qui régissent les dépenses électorales. Le premier ministre nous a dit que nous pourrions continuer à étudier le grave problème des contestations d'élections, ainsi que le problème épineux des sondages électoraux. Nous félicitons le premier ministre d'avoir maintenu ouverte la voie que nous avions déjà commencé à parcourir dans cette direction. Nous apporterons aux travaux de cette commission comme chacun le sait, toute la collaboration nécessaire. Nous l'avons déjà démontré, d'ailleurs, depuis les débuts de cette commission.

Il est, cependant, un aspect que le premier ministre a oublié dans son intervention de deuxième lecture. J'espère que c'est simplement un oubli, que ce n'était pas un rejet. Mais nous avions toujours estimé — nous l'avons dit dès les débuts des travaux de la commission parlementaire — que, pour être complète, la réforme des institutions électorales devait comporter une étude du financement des partis politiques. D'ailleurs, un des projets de loi présentés par l'ancien chef du gouvernement prévoyait une méthode de financement des partis politiques. Ce projet de loi est mort de sa belle mort, pour les raisons que l'on sait. Mais, il nous semble avoir entendu, dans la déclaration liminaire du premier ministre, au mois d'octobre, à la commission de l'Assemblée nationale chargée de l'étude de la réforme électorale, que la commission devrait également étudier ce problème du financement des partis politiques. Je voulais simplement profiter de cette intervention en deuxième lecture pour rappeler cet aspect de la déclaration du premier ministre et l'inciter, lui ainsi que ses collègues, à mettre ce problème à l'ordre du jour de la commission.

Donc, pour résumer notre intervention — ceci montrera que, lorsque nous sommes en faveur d'un projet de loi, nous savons être brefs — nous sommes en faveur du principe du projet de loi et nous espérons qu'il sera adopté avec toute la célérité qui se doit.

M. LE PRESIDENT (Picard): L'honorable député de Montcalm.

M. Marcel Masse

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, afin d'accélérer le rythme des débats en cette Chambre et avec le consentement des membres de cette Assemblée, qu'il me soit permis de déposer comme étant lu le texte de mon intervention en assurant les députés qu'il n'y a rien d'antiparlementaire dans ces notes.

Monsieur le président,

La notion de démocratie sur laquelle est fondée l'organisation politique de notre société est issue de l'idée d'une participation active et continue de tous les citoyens aux décisions du gouvernement. Ce système de démocratie directe, tel que le connaissaient les cités antiques, a évolué à travers les temps pour faire place à une conception plus complexe et plus étendue des principes qui fondent l'exercice du pouvoir par le peuple: Le régime démocratique est devenu synonyme à l'heure actuelle, dans le monde occidental, de l'existence de libertés publiques fondamentales et de l'égalité de tous devant la loi.

Mais c'est avant tout la tenue régulière d'élections libres qui constituent le fondement et la garantie d'une vie démocratique active et authentique. Aussi, convient-il de faire preuve d'une vigilance toute particulière à l'égard de l'aménagement et du fonctionnement des mécanismes électoraux qui assurent à l'ensemble des citoyens la possibilité de choisir les représentants qui exercent le pouvoir en leur nom.

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Que modifier dans la loi électorale du Québec?

L'exposé des modifications structurelles profondes qu'a subies la société québécoise démontre que la loi électorale actuelle ne correspond plus aux conditions socio-politiques du Québec de 1970 et qu'il est urgent d'effectuer les réformes nécessaires en vue d'instaurer un système qui satisfait aux conditions de base d'un régime vraiment démocratique.

Les secteurs à réviser sont : a) la carte électorale; b) le mode de scrutin; c) le financement des partis politiques; d) d'autres aspects spécifiques de la loi électorale.

Le problème étant défini, les divers points à traiter sont si intimement reliés qu'il n'est pas possible de modifier l'un d'eux sans engendrer, par le fait même, des répercussions sur les autres aspects. La définition de l'approche à prendre constitue donc une étape capitale dans l'analyse et la solution de ce difficile problème.

Comment modifier la loi électorale du Québec?

Trois éléments fondamentaux doivent être définis avant de commencer la recherche des modifications à apporter à la loi électorale: a) la variable qu'il faut optimiser; b)les contraintes dont il faut tenir compte; c) les interactions entre les paramètres et les effets en chaîne de façon à définir l'ordre dans lequel on aborde les questions.

Quelle est la variable à optimiser?

La démocratie implique que chaque individu soit égal devant la loi. Il y a donc lieu de veiller à ce que la carte électorale et le mode de scrutin permettent l'expression de la volonté politique de tous les citoyens responsables et que les résultats des élections soient le reflet aussi fidèle que possible de ce choix exprimé par la population.

Sauf contraintes justifiables, le principe "Un citoyen, une voix" devrait être respecté à l'échelle de tout le territoire national. En second lieu, il faut veiller à ce que le parlement élu soit, le plus possible, le reflet fidèle des choix et aspirations des citoyens, autrement dit, la répartition des députés à l'Assemblée Nationale doit se rapprocher du pourcentage du vote accordé à chacun des partis reconnus.

On optimise donc des techniques de sorte qu'elles permettent un fonctionnement efficace de la démocratie.

Quelles sont les hypothèses de base de l'étude?

Parmi les hypothèses posées au départ, certaines ont trait à des principes fondamentaux ou options socio-politiques qui définissent le cadre philosophique à l'intérieur duquel on évolue, d'autres concernent les modalités d'application de ces principes.

Hypothèses socio-politiques : — Le Québec veut vivre en régime démocratique, mais le respect de ce principe ne doit, en aucun cas, conduire à une paralysie de l'action gouvernementale. A cet effet, le système à mettre en place devrait, tout en respectant la condition formulée précédemment, favoriser l'élection de gouvernements majoritaires, pourvus d'une opposition forte, représentative et de qualité. Il faut se rappeler que c'est une opposition dynamique qui stimule le mieux l'équipe au pouvoir. Quant aux gouvernements minoritaires, ils n'ont pas, pour leur part, la force nécessaire pour assurer le leadership qu'une collectivité attend de ses élus. — Dans un même esprit démocratique, la réforme à apporter doit rendre impossible l'installation permanente d'un parti au pouvoir, par un découpage des comtés, favorisant l'une des formations politiques.

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Divers autres systèmes peuvent être envisagés: — vote majoritaire à deux tours; — vote alternatif ou préférentiel (utilisé autrefois au Canada); — la représentation proportionnelle: — intégrale; — approchée: — attribution des sièges au plus fort reste; — attribution des sièges restants à la plus forte moyenne; — quotient rectifié; — les systèmes mixtes: — à dominante majoritaire; — à dominante proportionnelle.

Ces divers types de scrutin sont bien définis et ont fait l'objet de nombreuses études (1), de sorte qu'on se bornera ici à passer en revue les principaux avantages et inconvénients de chaque approche.

Le vote majoritaire

Le principal avantage de ce mode de scrutin est sa simplicité, du moins dans sa formule de base. De plus, en raison des divisions géographiques du territoire que ce système requiert, et pourvu qu'elles soient suffisamment nombreuses, il y a des liens assez étroits entre les électeurs et leur député.

Les inconvénients paraissent cependant supérieurs aux avantages: les dispersions entre pourcentage de vote et représentation à l'Assemblée sont assez fortes. Ainsi ce mode de scrutin donne-t-il lieu à des injustices plus ou moins importantes.

Le système majoritaire à deux tours qui corrige très peu les injustices inhérentes au premier tour et qui, quelquefois, peut les accentuer (phénomène identique à celui des élections partielles), est en plus la source de marchandages et tractations entre partis qui ne se font pas toujours pour le plus grand bien des électeurs.

La représentation proportionnelle

Ce mode de scrutin a pour principal avantage l'équité de la représentation, de sorte que l'Assemblée est un reflet fidèle de la population dont tous les secteurs ont ainsi la possibilité de se faire entendre démocratiquement. Les représentants étant élus sur une base géographique plus vaste que le comté (la région), le choix des électeurs porte plus sur des idées que sur des hommes comme c'est le cas dans le scrutin majoritaire.

Cette dimension des circonscriptions électorales rend les irrégularités plus difficiles. Les marchandages entre partis qui prévalaient dans les scrutins majoritaires à deux tours sont évités tout en préservant, et même en améliorant, le principe de l'équilibre entre les votes et les députés élus.

Les inconvénients de cette formule sont cependant réels, car si elle permet à chacun de s'exprimer et d'être représenté, elle entrafne la multiplicité des partis et des candidats indépendants. Ce mode de scrutin favorise la fragmentation de l'opinion publique de sorte que la division des sièges entre de multiples partis rend difficile la constitution de gouvernements majoritaires. Seules des directions pluralitaires soumises à une opposition fragmentée, mais forte si elle s'unit ont des chances d'émerger.

Les risques du système sont importants. Si un parti tente de former un gouvernement minoritaire, il risque d'être constamment soumis au veto de l'opposition; si au contraire, une coalition gouvernementale se forme entre plusieurs partis, ceux-ci doivent en général accepter de modifier leurs programmes de manière à ce qu'ils soient acceptables pour toutes les parties concernées. Dans les deux cas, il est difficile de prendre et de faire accepter par le pouvoir législatif des grandes décisions engageant l'avenir de l'Etat. H est particulièrement malaisé d'effectuer une planification économique à moyen terme, car celle-ci implique souvent des prises de position fondamentales quant aux objectifs économiques et sociaux du gouvernement.

(1) "les systèmes électoraux", J.M. Cotteret C. Emeri, P.U.F., Paris, 1970, pp. 45-82.

Notons, enfin, que les tractations entre électeurs et candidats, qui peuvent exister dans le cas d'un scrutin majoritaire, risquent d'être reportées à l'intérieur du parti. L'établissement de la liste des candidats officiels fera souvent l'objet de pressions et tiraillements internes basés trop souvent sur l'ancienneté, l'obéissance passive aux directives du parti, le dévouement aux doctrines et activités partisanes, bien plus que sur la compétence, la largeur de vue et le sens civique des candidats-députés.

Les systèmes électoraux mixtes

L'émergence des systèmes mixtes vise à palier les inconvénients de chacun des modes homogènes de scrutin en procédant à une combinaison de deux formules qui compense leurs désavantages respectifs pour faire ressortir les avantages.

Choix du système le mieux adapté aux conditions du Québec

La recherche débouche rapidement sur un système mixte, puisqu'on a déjà constaté que les inconvénients inhérents au système majoritaire ou proportionnel utilisé isolément sont nettement supérieurs aux avantages qu'ils peuvent offrir. Les formules de systèmes mixtes sont cependant nombreuses, puisqu'on peut faire varier le nombre absolu de députés dans chaque mode, la proportion de l'Assemblée élue au majoritaire, le nombre de députés élus par circonscription, le jeu de compensation entre les votes obtenus et chaque mode de scrutin, etc.. Chacun des arrangements aura des impacts différents sur les variables à optimiser.

Le système en vigueur dans la République Fédérale Allemande (1) est une bonne illustration de ce type de scrutin mixte. En prenant ce système comme base de référence, nous y apporterons divers aménagements.

Rappelons que dans ce système, la moitié (248) des députés au Bundestag sont élus à la majorité simple dans des circonscriptions (système actuel au Québec) tandis que l'autre moitié (248) est élue dans chaque "Land" (province) d'après une liste et en proportion du vote obtenu par chaque parti. L'électeur, sur un premier bulletin, choisit son candidat préféré puis, sur un deuxième, vote en faveur du parti de son choix.

Les sièges sont attribués de telle façon que chaque parti dispose, sièges de circonscription et sièges de "Land" étant additionnés, du nombre de députés qui lui reviendrait d'après une répartition proportionnelle des votes des "Land" au deuxième vote.

Ainsi, si le nombre de sièges obtenus par les députés d'un parti élus au scrutin majoritaire est égal au nombre de sièges total auquel il a droit en fonction des résultats du deuxième vote, rien n'est changé. Si les députés élus au vote majoritaire sont moins nombreux que la proportion du second vote (vote de parti) le permet, des députés sont choisis sur la liste du parti jusqu'à concurrence d'une représentation proportionnelle au vote populaire.

Si, par contre, un parti remporte, grâce au vote majoritaire dans les circonscriptions, un nombre de sièges supérieur à celui auquel il aurait droit en vertu de la représentation proportionnelle, il conserve ses élus, quitte à ce que le nombre total des sièges au "Bundestag" soit augmenté d'autant.

Pour éviter la proléfération des petits partis, seules les formations politiques ayant obtenu au moins 5 p.c. du vote proportionnel et qui ont remporté au moins un siège au scrutin majoritaire ont droit au recours à la liste.

La liste des candidats est définie en fonction des résultats d'élections primaires semblables à celles qui existent aux Etats-Unis et ce, afin que l'ordre des candidats soit préparé démocratiquement et ne soit pas laissé au bon vouloir des partis.

(7) Lois de juin 1949 et de juillet 1953

Les avantages du système sont les suivants: — l'intégration des deux systèmes permet de conserver les principaux avantages de chacun d'eux tout en éliminant certains de leurs inconvénients; — l'électeur n'a plus à préférer "l'homme au "parti" ou le "parti" à "l'homme" puisqu'il lui est permis d'effectuer deux choix indépendants; — l'élection de députés sur base régionale permet de donner une signification et une application efficace de l'esprit régional; — l'établissement d'une liste de candidats régionaux (dont les premiers sont presque certains d'être élus) permet au parti d'avoir recours à des hommes de valeur qui, en raison de leur caractère, ne sont pas enclins à faire des campagnes électorales locales où les idées fondamentales sont souvent négligées au profit de problèmes locaux.

Cependant, les désavantages du système sont les suivants: — le système n'est pas propice à l'élection de partis ayant la majorité absolue surtout lorsque plus de deux partis sont en lice. Le pays doit donc être dirigé par des coalitions gouvernementales ou par un gouvernement minoritaire. — les calculs à effectuer pour établir les résultats finals des élections sont longs et, dans l'esprit de certains électeurs, ces délais peuvent être assimilés à des "tractations" ou leur faire perdre de l'intérêt au processus électoral.

Le système recommandé pour le Québec

Tenant compte de ces aspects positifs et négatifs, il y a lieu de proposer d'éventuels amendements au système de manière à l'adapter au mieux aux exigences du Québec.

Dans les conditions socio-économiques actuelles, le premier inconvénient (difficulté de dégager une majorité absolue) ne nous paraît pas admissible au Québec. Il nous semble évident que si le gouvernement en place se doit d'agir en tenant compte des avis de l'opposition, il ne doit pas pour autant être à sa merci. Le mode de scrutin à instaurer doit donc favoriser la constitution de gouvernements majoritaires. Le système proposé devrait aboutir à une probabilité acceptable qu'un parti soit porté au pouvoir lorsque l'électorat en a clairement manifesté la volonté tout en permettant l'élection d'une opposition suffisamment nombreuse.

Dans un pays où plusieurs partis briguent les suffrages et où les écarts entre le nombre d'électeurs des différentes circonscriptions électorales sont réduits au minimum, il paraît très peu probable qu'une formation politique puisse obtenir plus de 50 p.c. des votes exprimés. Le scrutin proportionnel est défavorable à l'élection d'un parti ayant la majorité absolue des sièges.

Le système mixte allemand ne paraît pas plus satisfaisant de ce point de vue. Nous avons vu en effet précédemment que la méthode de compensation qu'il utilise conduit à rétablir un rapport proportionnel entre le nombre de sièges obtenus au scrutin majoritaire (dans les circonscriptions) et le nombre de voix recueillies par chaque parti dans l'ensemble du territoire, (à l'exception des cas où un parti remporte par le vote majoritaire, un nombre de sièges supérieur à ce qui lui est adjugé en vertu de la représentation proportionnelle: dans ce cas la péréquation ne s'applique pas).

D faudrait donc que contrairement au système allemand, le système mixte québécois n'adopte pas le principe de compensation.

Une partie des députés serait élue au scrutin majoritaire et une autre partie au scrutin proportionnel. Les deux phases (qui peuvent matériellement avoir lieu en une seule opération) seraient tout à fait indépendantes. L'adoption d'un tel système permettrait de dégager plus facilement une majorité absolue.

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Les deux cas de figure étudiés ici sont : 1 ) une répartition égale entre les sièges (50 p.c. au majoritaire - 50 p.c. au proportionnel); 2) Une répartition 2/3 - 1/3 entre le majoritaire et le proportionnel.

La possibilité d'avoir une majorité absolue apparaît lorsque le pourcentage des voix du premier parti est supérieur ou égal à 40 p.c. et l'écart avec le second parti au moins égal à 5 p.c.

Cependant, la possibilité de dégager une majorité absolue est plus forte dans le cas où la répartition est 2/3 -1/3. Compte tenu des hypothèses que nous avons fait pour étendre la loi des cubes au système quadripartite, il apparaît préférable de prendre la plus grande marge de sécurité possible.

Nous retiendrons donc le système 2/3 -1/3. Cette proportion nous paraît en outre préférable à une répartition de 50/50 qui entraînerait soit un doublement du nombre des députés vu l'état actuel de la carte électorale, soit un doublement de la superficie des comtés si le nombre des députés restait constant. Il semble donc que la bonne mesure soit à trouver entre ces deux extrêmes ce que permet la répartition 2/3 -1/3.

Le principe du système de scrutin mixte sans compensation étant posé, il s'ensuit que l'électeur disposera de deux bulletins de vote. Le premier sur lequel figureront les noms des candidats se présentant dans la circonscription et qui seront élus suivant le type du vote majoritaire. Sur un second bulletin figureront uniquement les noms des partis qui ont déposé une liste de candidats.

L'électeur vote pour un homme sur le premier bulletin et pour un parti sur le second bulletin. Il aura eu connaissance des noms des candidats choisis par chaque parti par la publicité que ceux-ci auront faite durant la campagne. Les listes pourraient d'ailleurs être affichées dans les bureaux de scrutin afin que tous les électeurs soient bien informés.

Avant d'étudier l'affectation géographique des députés élus du scrutin proportionnel, il faudrait expliquer brièvement la méthode du choix de ces candidats et du rang auquel ils figureront dans la liste de leur parti respectif. Le système des primaires (candidature à la candidature) est le plus démocratique en théorie mais il présente plusieurs inconvénients, tels le coût, les longs délais et l'impression donnée aux citoyens d'être toujours en campagne politique. La méthode des primaires est de plus impossible à appliquer dans le régime actuel où le premier ministre peut déclencher des élections à n'importe quel moment.

Nous favorisons plutôt le système de grandes conventions à l'intérieur de chaque parti où les candidats seraient choisis démocratiquement au cours d'assemblées régionales.

En cas de décès d'un député de circonscription, son remplaçant sera élu lors d'élections partielles comme cela s'effectue actuellement. Le remplaçant d'un député élu au vote proportionnel sera le candidat qui figurait à la suite de l'élu sur la liste déposée par le parti du décédé (ou du démissionnaire) lors de la dernière élection générale. Affectation géographique des députés élus au scrutin proportionnel

Après avoir établi qu'un mode de scrutin mixte dans lequel 2/3 des députés sont élus au vote majoritaire et 1/3 au scrutin proportionnel, constitue la formule qui satisfait le mieux aux exigences posées comme contraintes, il reste à déterminer l'affectation géographique des députés élus au scrutin proportionnel.

Plusieurs formules peuvent être envisagées dont les deux extrêmes sont les suivants: Chaque parti dépose une liste globale comptant autant de candidats qu'il y a de postes disponibles au proportionnel dans l'ensemble du Québec. Lorsque les résultats du scrutin sont connus, chaque parti obtient un nombre de députés proportionnel au pourcentage du vote qu'il a reçu de l'ensemble des électeurs. Les députés élus sont nécessairement choisis dans l'ordre dans lequel ils figuraient sur la liste déposée par le parti avant les élections. L'autre possibilité est le dépôt de listes régionales sur lesquelles le choix s'effectue en fonction des résultats du vote partisan dans la région.

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Afin de mettre l'accent sur les priorités régionales sans toutefois compromettre le bénéfice du scrutin proportionnel, une répartition proportionnelle pondérée du type de celle que nous avons calculée nous semble préférable à une répartition proportionnelle pure.

Modalités d'application:

Chaque parti ayant présenté des candidats pour fin de scrutin majoritaire dans au moins 20 p.c. des circonscriptions du Québec peut déposer des listes régionales comprenant autant de noms que de sièges "proportionnels" disponibles. Les candidats qui se présentent au scrutin majoritaire dans les circonscriptions ne peuvent pas toutefois être inscrits sur ces listes. Pour faire élire un député au vote proportionnel dans la province, un parti doit avoir soit: a) déjà un député élu dans une circonscription et obtenir plus de 2 p.c. des votes valides au scrutin proportionnel et ce pour l'ensemble du Québec, soit b)obtenir plus de 4 p.c. des votes valides au scrutin proportionnel et ce pour l'ensemble du Québec.

Si un parti ne remplit pas l'une de ces deux conditions, il n'a droit à aucun député "proportionnel". (N.B. Il est évident que la région Côte Nord pose un problème particulier, mais ne fausse pas les règles d'ensemble). LE NOMBRE DE DEPUTES

Dans tout le débat relatif à la révision de la loi électorale, peu d'attention a été apportée jusqu'ici au nombre souhaitable de députés. Cependant pour réaliser l'objectif de fonctionnement de la démocratie, cet élément doit aussi être optimisé. Il ne peut l'être qu'en procédant à une analyse poussée de la fonction de député et, sur la base de cette étude, à déterminer d'une part le nombre minimum de circonscriptions électorales et ensuite le nombre minimum de députés. Ces deux nombres ne sont pas nécessairement égaux car l'un est déterminé par les relations du député avec ses électeurs et l'autre par la participation du représentant du peuple aux travaux de l'Assemblée Nationale. Puisque nous avons proposé qu'un tiers des députés soient élus sans attache directe à un comté, il n'y a pas d'inconvénient pratique à une telle inégalité entre le nombre de circonscriptions et le nombre de députés. La fonction de député

Un système parlementaire moderne accorde normalement trois fonctions principales au député: a) fonction législative; b) fonction de contrôle de l'action de Gouvernement et, en particulier, la ratification du budget; c) fonction de représentation d'une collectivité - de ses électeurs - d'un groupe géographique ou d'une entité sociologique - de son parti.

En milieu rural, où l'action de l'Etat est plus globale et par conséquent, mieux ressentie par les citoyens qu'en milieu urbain, le député se voit imposer un rôle particulier: il est constamment appelé à servir de lien entre ses électeurs et l'administration gouvernementale.

Voyons successivement les activités inhérentes et chacune de ces fonctions. Fonction législative

Le fonctionnement de la démocratie par voie indirecte exige l'élection de représentants du peuple qui, à sa place, légifèrent et contrôlent les actions du gouvernement. La fonction législative qui est fondamentale et constitue théoriquement la justification et l'activité principale des députés est, au Québec comme ailleurs, sans cesse diminuée par une concentration croissante des initiatives et des pouvoirs entre les mains de l'exécutif, que ce soit au niveau du Québec ou au niveau régional (communautés urbaines).

Le gouvernement étant doté de services de recherche nombreux et bien documentés dans tous les domaines de la législation, il possède en pratique le monopole de l'information administrative et tend à devenir l'unique promoteur des lois qu'il soumet ensuite pour approbation à l'Assemblée.

La faiblesse des moyens que les députés — et plus particulièrement ceux de l'opposition — ont à leur disposition pour effectuer des recherches sur les sujets sur lesquels ils doivent légiférer ne permet pas toujours aux représentants de la population d'exprimer leur vote en connaissant tous les aspects de la loi discutée. Plus le sujet est technique, moins forte est la connaissance de la majorité des députés.

Pour concilier l'objectif d'efficacité qui tend à donner l'initiative des projets de lois au gouvernement et de démocratie qui veut que les représentants se prononcent avec une connaissance suffisante du sujet traité, il semble que les travaux en commission soient la meilleure formule.

Chaque commission parlementaire est spécialisée dans l'étude de matières bien définies et composée de représentants des différents partis politiques.

En vue d'obtenir un travail efficace au sein de ces commissions, il est nécessaire de leur fournir des moyens de documentation et d'analyse adéquats, et pour ce faire, doter les partis politiques d'équipes de recherchistes qui préparent le travail suivant les orientations du parti. Dans ces conditions, un travail démocratique et documenté pourra se faire en commission, avant que le débat ne soit porté devant l'Assemblée Nationale.

Comme il devrait y avoir au moins autant de commissions qu'il y a de ministères, plus certaines autres consacrées à des sujets tels que la planification et le contrôle, nous en supposons le nombre à environ 25. En système quadripartite, il serait difficile d'avoir moins de 10 à 20 députés par commission selon les circonstances, étant donné qu'il est souhaitable qu'un député ne fasse pas partie de trop de commissions, nous arrivons à un nombre total de députés variant de 100 à 125 pour respecter ces critères. Contrôle de l'exécutif

Cette fonction de contrôle de l'action administrative s'exerce essentiellement par deux moyens: — l'étude et le vote des législations à incidence administrative proposées par l'exécutif; — le vote du budget.

La première partie de ce rôle a de nombreux aspects communs avec la fonction législative puisqu'il s'agit surtout de proposer d'éventuels amendements aux lois déposées par les ministres et d'exprimer ensuite par un vote, l'appui ou l'opposition aux projets de lois soumis à la ratification de l'Assemblée Nationale.

Quant à l'étude du budget, elle nécessite pour toute personne qui veut la mener à fond, un certain nombre de renseignements, d'analyses et de calculs. Certes les parlementaires peuvent difficilement proposer des amendements à la loi des finances, mais la qualité de leurs critiques est souvent proportionnelle à la valeur des recherches qu'ils peuvent mener sur ce sujet.

Il convient de mentionner ici que pour les deux premiers rôles que nous venons d'étudier, la qualité et la compétence des parlementaires (qu'ils soient ministériels ou de l'opposition) sont aussi importantes sinon plus, que leur nombre. On peut supposer que le niveau des débats s'élèverait considérablement si l'opposition, notamment, avait les moyens de faire en plus d'une critique d'orientation politique, une analyse technique des projets et actions gouvernementales sans devoir se contenter, comme trop souvent, d'arguments fondés sur l'intuition ou quelques recherches rapides. Faute de pouvoir s'exprimer de manière positive et durable à l'intérieur du système démocratique, l'opposition glissera à d'autres niveaux et se fera par d'autres moyens dont on peut, pour le moins, douter du caractère démocratique.

Représentant d'une collectivité

Les deux premiers rôles du parlementaire sont formels et l'ensemble de la population peut assez aisément juger des qualités des parlementaires dans l'exercice de ces fonctions.

Lorsque le député agit en tant que représentant de ses électeurs, de groupes sociologiques ou d'un parti, son efficacité peut être évaluée surtout par ses mandants. Parmi ceux-ci, les principaux sont naturellement les électeurs de sa circonscription. Pour qu'un député puisse garder un contact assez étroit avec ses commettants, il est nécessaire que le territoire couvert par sa circonscription ne soit pas trop étendu et que le nombre d'électeurs ne soit pas trop élevé.

S'il veut être un reflet assez fidèle des opinions de ses électeurs, les députés doivent être élus dans des circonscriptions électorales homogènes. Or, pour satisfaire ce critère d'homogénéité, le nombre de députés doit être assez élevé afin de tenir compte des disparités linguistiques,

économiques et sociologiques qui caractérisent la population. Lorsque l'on respecte la nécessité d'avoir des circonscriptions géographiquement et sociologiquement homogènes, même en milieu urbain, on aboutit rapidement à un nombre de circonscriptions dépassant la centaine.

Rôle de protecteur et de défenseur des citoyens

Ce rôle s'exerce surtout en dehors des grands centres urbains car dans les villes, la population peut exercer son action politique par le canal des corps intermédiaires (syndicats, chambres de commerce, etc.), et des gouvernements municipaux ou régionaux (communauté urbaine), auxquels de nombreux pouvoirs ont d'ailleurs été délégués par le législateur (par exemple, à Montréal).

S'il constitue en fait le représentant de la population dans les actions législatives, le député est également perçu par plusieurs comme le lien naturel entre la population et la machine administrative. On peut concevoir que les parlementaires, en tant qu'informateurs privilégiés du gouvernement, cherchent à défendre les intérêts des collectivités qu'ils représentent, que ce soient leurs électeurs, des groupes de pression ou leur parti, et qu'à ce titre, ils tentent de promouvoir des intérêts communs mais, en aucun cas, ils ne devraient être les défenseurs d'intérêts injustifiés. En tant que représentants de la population, ils doivent refléter les aspirations de celle-ci lors des votes et susciter les législations et politiques gouvernementales qui correspondent aux options de leurs commettants. A cet égard, leur nombre peut être optimisé par la même approche que celle envisagée précédemment.

Le nombre de circonscriptions électorales

Partant de l'hypothèse que 2/3 des députés sont élus au scrutin majoritaire dans des circonscriptions et 1/3 sont élus sur base de scrutin proportionnel, on devra limiter le nombre de circonscriptions à un minimum acceptable si l'on ne veut pas obtenir un nombre total de députés beaucoup trop élevé.

Le nombre de circonscriptions dépend en partie de la nécessité des contacts directs que le député doit avoir avec ses électeurs. Les éléments principaux à prendre en compte sont donc la superficie de la circonscription, sa population et l'homogénéité de celle-ci. En fonction de ces paramètres, et nous référant au nombre actuel de comtés qu'il ne nous paraît pas sage de diminuer, nous recommandons que le Québec soit découpé à l'avenir en 120 circonscriptions électorales. Avec ce nombre, puisque le corps électoral s'élevait à 3,500,000 personnes en 1970, il y aurait environ 30,000 électeurs en moyenne par circonscription.

Le nombre de députés

Nous avons posé plus haut que 120 circonscriptions électorales est le nombre optimum à considérer dans le futur découpage de la carte électorale pour les députés élus au scrutin majoritaire.

D'autre part, nous avons démontré auparavant que le mode de scrutin à retenir dans les circonscriptions actuelles implique la nomination de 2/3 des députés par vote majoritaire et 1/3 sur base proportionnelle.

La combinaison de ces deux approches aboutirait à la constitution d'une Assemblée de 180 députés: 120 élus dans des circonscriptions et 60 sur liste régionale. Ce nombre total est acceptable non seulement du point de vue travail en commissions, mais en outre il permet aux partis d'avoir un nombre suffisant de députés de liste pour bien représenter les différentes régions du Québec. LA CARTE ELECTORALE

Quel que soit le mode de scrutin retenu, la refonte de la carte électorale est une condition de base pour un bon fonctionnement de la démocratie au Québec. Tous les partis se sont d'ailleurs prononcés en faveur de ce changement depuis avril 1970.

Un premier pas a été accompli par la suppression des comtés protégés ce qui enlève toute contrainte légale aux travaux futurs dans ce domaine. Toutefois, certains éléments, tels que la nature différente du travail du député rural par rapport à un représentant élu en ville, devront être retenus.

Le découpage du territoire en circonscriptions peut favoriser certains partis suivant les tracés retenus. La pratique est d'ailleurs consacrée par une appellation désormais classique, mais peu française, le "gerrymandering". Afin d'éviter toute tentation semblable, il apparaît nettement préférable que ce travail soit confié à un comité d'experts formé de politicologues, de sociologues, de géographes, et d'autres spécialistes en ce domaine. Il nous semble également nécessaire et utile d'y faire participer les représentants des différents partis politiques afin que ceux-ci puissent apporter aux recherches du comité, le fruit de leur expérience ainsi que la pensée de leur groupe. De toute façon, les conclusions devront être présentées à l'Assemblée Nationale pour fins de ratification.

Le Gouvernement par son projet de loi no. 80 en a décidé autrement. Il forme une Commission composée du président général des Elections et de deux autres membres nommés par l'Assemblée Nationale. Reste que cette Commission permanente devra être formée d'hommes possédant au plus haut point deux qualités essentielles: soit l'objectivité nécessaire à la bonne marche de ses travaux, soit la connaissance du dossier; rôle du député, responsabilités du gouvernement, assiette géographique, entité sociologique et autres données nécessaires à la réalisation d'un projet de carte électorale démocratique et efficace.

Dans le but d'éviter autant que possible que d'autres élections aient lieu sur base de la carte actuelle, il est nécessaire de fixer à ce comité un délai raisonnable mais assez court.

Les hypothèses fondamentales du travail du comité devraient être les suivantes: a) le territoire du Québec doit être découpé en 120 circonscriptions électorales; b) le découpage doit constituer dans la mesure du possible des entités sociologiques homogènes tant du point de vue géographique, qu'économique, linguistique, culturel et social; c) la population moyenne de chaque circonscription sera d'1/120 de la population du Québec; d) en aucun cas une circonscription ne pourra compter plus ou moins de 25 p.c. de cette population moyenne; e) dans les régions rurales, le découpage devra tenir compte des facilités de transport jusqu'à la ville la plus importante qui serait l'éventuel chef-lieu de circonscription; f) quoique le souci d'homogénéité doit être constamment pris en compte, il ne pourrait être l'excuse à un découpage "en dentelle" des limites d'une région. Il faut veiller à constituer des blocs spatiaux ; g) les écarts par rapport aux limites inférieures et supérieures seront tels, dans chaque circonscription, qu'étant donné la croissance démographique prévisible, il soit peu probable que les limites soient dépassées dans les 5 années à venir; h) une circonscription ne devrait pas chevaucher sur deux régions administratives afin que chaque circonscription puisse s'identifier à une région; i) les régions où s'effectuera le dépôt des listes des partis et l'élection de députés élus au scrutin proportionnel devront être déterminées; j) les moyennes retenues pour l'élection des candidats dans les régions devront être calculées en fonction du nombre de députés "régionaux" accordé à chaque région.

D'autres aspects devront être touchés par la réforme du système électoral: soit le financement des partis politiques et l'établissement de listes permanentes d'électeurs.

Voilà beaucoup de sujets de discussion et la Commission responsable devant cette Chambre aura, je l'espère, l'occasion d'étudier en profondeur tous ces points.

M. LE PRESIDENT: J'aimerais souligner aux honorables membres que le député de Terrebonne donnera la réplique.

M. HARDY: En comité. M. LEVESQUE: En comité.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. BLANK (président du comité plénier): Bill 80, article 1?

M. LEVESQUE: La motion de deuxième lecture est bien adoptée?

M. PAUL: Bien adopté.

M. LEVESQUE: Bon.

UNE VOIX: Il n'y a pas eu de "filibuster".

M. PAUL: Et la motion de formation du comité est adoptée.

Comité plénier

M. HARDY: Article 1, adopté, M. le Président?

UNE VOIX: Adopté.

M. HARDY: Adopté?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Adopté.

M. LE PRESIDENT (Blank): Article 2.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Adopté.

M. PAUL: M. le Président, à l'article 2, il n'y a pas de doute que ce seront de grandes compétences.

M. HARDY: M. le Président, tantôt, je pense, je ne sais plus quel honorable député a mentionné —je pense que c'est le député de Chicoutimi, dans sa très brillante et très complète intervention, nous ayant brossé un...

M. LEVESQUE: Je retiens le mot "complète".

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'avoue, M. le Président.

M. HARDY: Tellement complète, d'ailleurs, que ceci nous a amenés à ne pas prononcer nos discours. Le député de Chicoutimi a mentionné ce problème de la possibilité de nommer des membres directement par les partis ou des membres partisans. Je pense qu'il est dans l'intention du premier ministre de proposer, si la loi 80 est adoptée, tel que la loi l'autorisera, des personnes qui sont apolitiques, des personnes qui viendront siéger à cette commission indépendante en fonction de leur compétence acquise dans différents domaines et qui, surtout, pourront assurer un caractère de totale indépendance au travail qu'ils auront à accomplir.

Je ne suis pas en mesure — peut-être que si le premier ministre est ici, tantôt, il pourra en dire davantage — de dévoiler le nom des personnes que le premier ministre aurait l'intention de proposer à la Chambre mais je sais, par ailleurs, qu'il s'agira de personnes qui sont en dehors des partis politiques, qui ne militent pas dans des partis politiques, afin d'assurer ce caractère d'objectivité et d'indépendance à la commission.

M. PAUL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. PAUL: Ah! Excusez-moi.

M. CHARRON: M. le Président, le député de Bourget a, dans son intervention, suggéré au premier ministre, parrain de la loi, un type particulier de personnes pour être membres de cette commission, c'est-à-dire des gens dont la profession les rapproche encore plus sensiblement de la matière, soit des gens issus des départements de sciences humaines, démographes, sociologues, etc. Est-il aussi dans l'intention du gouvernement de se lancer dans cette catégorie de personnes?

M. HARDY: Je ne sais pas. Encore une fois, je ne parle qu'en mon nom personnel. Mais je pense que ce qui est le plus important, relativement à la nomination de personnes dans ce domaine, ce n'est pas tellement à cause de leur compétence technique dans tel ou tel domaine parce que ces commissaires pourront s'adjoindre des techniciens soit en sociologie, en géographie humaine, en économique, en démographie. Mais je pense que ce qui est surtout important, le critère de base qui doit être retenu pour la nomination de ces personnes, c'est leur indépendance, leur statut et leur crédibilité dans l'opinion publique, encore plus que leur compétence technique. Parce que la compétence technique, ils pourront l'avoir grâce au personnel que la loi les autorise à s'adjoindre.

Encore une fois, je pense, quant à moi, que le critère de base devrait être leur crédibilité dans l'opinion publique, afin que le commission ait vraiment ce statut d'indépendance et d'objectivité.

M. CHARRON: Une double question au député de Terrebonne. J'admets la qualité de sa réponse. Peut-il assurer la Chambre que, par exemple, la nomination des trois personnages

en question, en fait des deux puisqu'un l'est d'office, tout le monde le connaît, M. Drouin, sera faite avec une manière de consultation des parties de l'Opposition, d'une part? Deuxièmement, il m'assure, ce qui est bien normal également, qu'une équipe d'experts travaillera avec ces trois personnes. Peut-il, à ce stade-ci de nos travaux, avant même l'adoption de la loi 80, nous décrire un peu le bureau qui entourera la commission permanente?

M. HARDY: C'est assez difficile. Je pense que la loi, là-dessus, laisse une latitude, comme il se doit, à la commission. Je pense que ce sont les commissaires eux-mêmes qui, une fois qu'ils auront fait un premier inventaire du travail qu'ils auront à accomplir, seront en mesure de déterminer quel est le personnel, quel est le nombre et la qualité des personnes aux services desquelles ils auront recours.

Quant à la consultation dont a parlé le député de Saint-Jacques, je pense que ça s'infère de la loi, puisque, bien sûr, les commissaires seront proposés par le premier ministre, mais qu'ils devront recueillir l'approbation des deux tiers des membres de cette Chambre.

Alors, ça infère la consultation des autres partis.

M. LE PRESIDENT: Article 2, adopté?

M. PAUL: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable leader du gouvernement. Je vous demanderais, M. le Président, de suspendre l'étude de l'article 2 jusqu'au retour, probablement d'ici quelques minutes, du leader du gouvernement, parce que je veux lui poser une question au sujet du mécanisme à prévoir vu que nous arrivons au terme de notre session, entre la sanction et la nomination.

M. HARDY: Je pense que je peux répondre à la place du leader gouvernemental. Dès que la sanction sera donnée, il y aura consultation pour proposer une résolution...

M. PAUL: Quand la loi sera-t-elle sanctionnée? C'est bien important; c'est une question fort pertinente, parce qu'il faut que la loi...

M. HARDY: ... soit sanctionnée avant de proposer la résolution.

M. PAUL: ... soit sanctionnée avant de proposer la résolution et la résolution devra être proposée avant l'ajournement.

M. HARDY: Oui.

M. PAUL: Alors, je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'inviter Son Excellence à présider une sanction de loi demain matin ou demain midi, pour que, demain après-midi, demain soir, jeudi, vendredi ou samedi, nous puissions discuter la proposition que pourra faire le premier ministre.

M. HARDY: Je comprends le problème pratique, mais, connaissant la très grande disponibilité de Son Excellence...

M. PAUL: II nous a prévenu, d'ailleurs, qu'il serait disponible.

M. HARDY: _je pense qu'il pourra y avoir sanction et, immédiatement après, nous pourrions revenir en Chambre pour présenter des résolutions.

M. CHARRON: II n'a que ça à faire, des sanctions, le lieutenant-gouverneur.

M. LE PRESIDENT: Article 2, adopté. Article 3, adopté. Article 4, adopté. Article 5, adopté. Article 6, adopté. Article 7, adopté. Article 8, adopté. Article 9?

M. LAURIN: M. le Président, à l'article 9, j'aimerais soumettre un projet d'amendement qui...

M. HARDY: M. le Président, si le député de Bourget le permet, j'ai un amendement à proposer. Après les mots: "32,000 électeurs", on ajouterait les mots suivants: "et, à cette fin, elle devra tenir compte de facteurs de variation de la population".

Le député de Bourget a parlé tantôt du problème de la population et du problème d'électeurs. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du député de Bourget à cet effet. Toutefois, je dois lui dire que, si l'on étudie des chiffres et si l'on met en comparaison le nombre d'électeurs et la population dans différents territoires, on arrive à cette constatation que le quotient entre population et électeurs est à peu près égal partout, c'est-à-dire que, lorsque, dans un territoire donné, il y a 25,000 électeurs, il y a à peu près 50,000 de population. Alors, il y a une relation presque exacte. Cela ne fait pas tellement de différence que nous disions électeurs ou population, car l'on arrive, à toutes fins utiles, au même résultat.

Toutefois, en ajoutant l'amendement dont je viens de faire lecture, les commissaires pourraient lorsqu'ils arrivent sur un territoire où, par exception, il y a une large divergence entre population et électeurs — en ce moment, je pense, en particulier, au comté du président, le comté de Saint-Louis, où, à cause d'une population de Néo-Canadiens assez importante, par exception, il y a une certaine divergence entre le quotient population et électeurs; ce n'est pas le même qu'ailleurs dans la province — tenir compte de ce facteur de la population. Lorsque la population est beaucoup plus grande, le nombre d'électeurs, toujours en appli-

quant la marge de 25 p.c. en plus ou en moins, pourrait varier, de façon à toujours garder cet équilibre entre le nombre d'électeurs d'une circonscription et la population totale.

M. LAURIN: Je comprends bien, M. le Président, mais il reste que le député de Terrebonne ne répond pas à l'autre objection que j'avais soulevée. Je peux la transformer en question: Ne croyez-vous pas qu'en gardant comme facteur invariable le chiffre de 32,000 électeurs vous soyez condamnés à augmenter indéfiniment le nombre des députés?

M. HARDY: Ah oui! On pourrait peut-être en discuter immédiatement.

M. LAURIN: Oui.

M. HARDY: C'est relié à votre crainte, à vos appréhensions. Je dois dire immédiatement que je ne partage pas du tout les craintes du député de Bourget, quand il nous dit que le fait de fixer 32,000 électeurs comme moyenne serait une indication à l'effet qu'une décision est déjà prise quant au mode de scrutin.

M. LAURIN: M. le Président, je m'excuse, pas sur le mode de scrutin mais sur l'augmentation indifinie du nombre des députés,

M. HARDY: Oui, tout ça est relié. M. LAURIN: D'accord.

M. HARDY: Lorsqu'on se remémore les discussions que nous avons eues à la commission de l'Assemblée nationale et le témoignage de certains experts, on se rappelle que l'on a, bien sûr, insisté sur ce facteur auquel je crois très profondément, ce grand principe qui est à la base de notre système démocratique, un électeur un vote. Tout le monde est d'accord, en tout cas personnellement je souscris entièrement à ce principe. Toutefois, on a également insisté, à partir de l'expérience concrète, sur le rôle d'intermédiaire du député, en plus d'être législateur, — d'ailleurs le député de Chicoutimi en a parlé cet après-midi — sur le rôle d'intermédiaire que doit jouer le député et aussi, même là, sur son rôle de porte-parole de la population. Si le député veut vraiment être le porte-parole d'une population, si le député veut vraiment associer la population à son rôle de législateur, il faut faire disparaître certaines barrières, qui sont par exemple les trop grandes distances.

Si un député a un comté tellement vaste à parcourir, il lui sera impossible d'être vraiment en relation étroite avec ses électeurs et par conséquent de bien les représenter. On sait très bien qu'un député sur un territoire où la population est dense, comme à Montréal ou dans d'autres villes, peut plus facilement atteindre ses électeurs. D peut faire le tour de son comté parfois en quelques minutes, tandis que, sur un territoire où la population est dispersée, il faut au député parcourir des dizaines et des dizaines de milles avant d'atteindre certains de ses électeurs.

Alors, compte tenu de ce facteur, il est évident qu'il y a une dimension maximum que l'on ne peut pas dépasser dans une circonscription si l'on veut que le député joue ce rôle. Lorsqu'on a fixé 32,000 électeurs, c'est en ayant cette idée en tête qu'il fallait avoir des circonscriptions qui permettent aux députés de vraiment accomplir et leur rôle de législateur et leur rôle d'intermédiaire et leur rôle d'animateur.

C'est évident que, si la population du Québec augmente, si on est toujours d'accord sur ces principes le nombre de députés devrait également augmenter, pour répondre aux besoins. Si, aujourd'hui, on considère que, pour être bien représenté, un comté doit avoir 32,000 électeurs, ça pourrait être encore aussi vrai dans dix ans. Alors le nombre de députés devra s'accroître proportionnellement à la population.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question au vice-président de la Chambre. Est-ce qu'il a envisagé la possibilité d'augmenter ce pourcentage de 25 p.c. d'écart qui est prévu dans le bill, ceci pour répondre aux craintes qui ont été formulées par différents opinants? Un comté de ville et un comté rural ou semi-rural ou éloigné des grands centres sont différents pour des questions géographiques. Je comprends que, dans le bill, il est reconnu que pour certains cas particuliers les commissaires auront des pouvoirs spéciaux, mais est-ce qu'on ne pourrait pas, en guise de chiffre, de pourcentage prévu, au lieu des 25 p.c, parler de 40 p.c?

Je vois que le vice-président fait un saut, mais il l'avait sûrement prévu puisque les différents opinants qui ont parlé ont manifesté, si j'ai bien compris, le désir que cet écart puisse être plus de 25 p.c. Je pense que c'est normal que ça soit 40 p.c. II y a justement un député ministériel qui nous approuve et je crois qu'il a raison de le faire.

Il y a, en plus des différents facteurs géographiques, un facteur très intéressant et c'est lors des sessions de la commission parlementaire qu'on nous a mentionné ces faits. Dans les comtés urbains, comme Montréal, par exemple, en moyenne, suivant les chiffres qu'on nous a fournis, 15 p.c. d'électeurs de moins vont voter que dans les secteurs ruraux ou semi-ruraux; cela veut dire que déjà entre les deux secteurs il y a 15 p.c. de population de différence qui sont moins intéressés, qui ne se rendent pas voter. C'est un facteur important. Quant à l'autre facteur, qui est des plus importants, je pense que le vice-président va comprendre ce que je veux dire à ce moment-ci, par un exemple.

Nous parlons, de ce temps-là, d'une région

qui s'appelle la baie James. Ce territoire est vaste et immense, il forme un sixième de la province de Québec, et il faudra penser un jour à en faire un comté. Pour un certain nombre d'années, ce comté-là ne sera sûrement pas très populeux, mais le député qui devra le représenter aura des centaines de milles à parcourir pour cette circonscription donnée, par exemple. Je pense qu'il serait raisonnable que vous entrevoyiez la possibilité d'augmenter au moins, si vous ne vous rendez pas à 40 p.c, cette marge prévue.

M. HARDY: Je suis bien d'accord avec les préoccupations que vient d'exposer le député de Rouyn-Noranda. D'ailleurs, j'en avais fait mention tantôt dans mes remarques. Toutefois, il ne faut pas oublier que le principe de base doit toujours demeurer: un électeur, un vote. Si on ne part pas de ce principe-là, on fausse totalement tout le régime démocratique. Ceci, comme tous les grands principes, si l'on veut reconnaître les impératifs de la réalité, il faut évidemment apporter certains correctifs. Je pense, personnellement, que la marge de 25 p.c. — c'est d'ailleurs la norme adoptée par le gouvernement fédéral, c'est la norme qui existe, je pense, en Angleterre à l'heure présente — est un quart et ceci nous amène à des comtés qui pourront avoir un nombre d'électeurs de 40,000 et de 24,000.

Vous avez déjà, entre 40,000 et 24,000 électeurs, une marge très considérable ; si on ne veut pas revenir dans la même situation où l'on est présentement, il faudrait être très prudent quant à l'augmentation de la marge en plus ou en moins.

Je pense que les inquiétudes formulées par le député de Rouyn-Noranda... Il donnait un exemple très typique, le cas de la baie James, mais il y a d'autres comtés aussi; je pense au comté de Duplessis, au comté de Saguenay, au comté des Iles-de-la-Madeleine qui forment des cas bien spécifiques. Le dernier paragraphe de l'article 9 donne aux commissaires toute la latitude pour respecter ces cas spéciaux lorsqu'on parle de "considérations exceptionnelles d'ordre démographique et géographique telles que la très faible densité de la population, le taux relatif de croissance de la population d'une région, son accessibilité, sa superficie ou sa configuration". Je pense que si les commissaires appliquent d'une façon raisonnable — je n'ai pas de raison de croire qu'ils ne le feront pas — les règlements, les inquiétudes formulées par le député de Rouyn-Noranda pourront trouver une solution satisfaisante par l'application de ce dernier paragraphe.

Personnellement, je ne favoriserais pas l'augmentation de la marge de 25 p.c. d'une façon générale, s'appliquant à tout le territoire du Québec parce qu'à ce moment-là, nous risquerions de nous retrouver avec une carte électorale qui contiendrait des lacunes presque aussi grandes que celles que nous avons présentement.

M. SAMSON: Je maintiens encore quelques inquiétudes, le vice-président n'ayant pas réussi à me convaincre encore du bien-fondé de cet article tel qu'il nous apparaît. Voici pourquoi je crois que ce doit être pris en considération: Parce que le bill 80 dit bien: "La Loi de la commission permanente de la réforme des districts électoraux".

Il n'est pas question, dans le bill 80, de mode de scrutin. Je suis aussi d'accord avec le vice-président de la Chambre qu'il nous faut prendre en considération les densités de population et essayer, autant que possible, d'avoir une moyenne raisonnable. Mais nous avons vu, par la commission perlementaire, que d'autres moyens nous ont été suggérés pour faire en sorte que les districts électoraux soient le plus équilibrés possible et, pour venir compenser la question de densité de population ou d'électeurs, si vous voulez, d'autres moyens nous ont été suggérés. Je ne veux pas dire qu'ils seront retenus, mais ils ont été suggérés.

En vertu de ce bill, la commission n'aura pas comme but ou comme fonction de discuter autre chose que les districts électoraux. Si cette commission ne doit pas fournir autre chose qu'un rapport visant à nous proposer quels seront les futurs districts électoraux, à ce moment-là, la densité de population a un effet moindre que si nous avions demandé, par le même bill, de discuter de la question du mode de scrutin.

Or, si l'effet est différent, cela veut dire que nous devons, à ce moment-ci, prendre en grande considération la question géographique. Dans un district électoral sur l'île de Montréal, vous pouvez retrouver actuellement environ 50,000, 60,000 ou 80,000 électeurs, dans certains cas, dans un pâté de maisons dont le député peut faire le tour en voiture dans une demi-heure au maximum. Tandis que, si vous avez à couvrir un comté comme la Gaspésie, le Lac-Saint-Jean, le Saguenay...

M. DUMONT: Charlevoix.

M. SAMSON: ... ou les autres comtés des régions éloignées, par exemple, l'Abitibi-Est... Pardon?

M. PICARD: Quand vous parlez d'un maximum d'une demi-heure, vous oubliez les feux de circulation et les arrêts.

M. SAMSON: Bien, à ce moment-là, il peut le faire à pied dans une demi-heure. M. le Président, c'est quand même cela qu'il faut prendre en considération, si on discute de districts électoraux. Si on a à discuter du mode de scrutin, c'est une autre chose. Je pense que je serais hors d'ordre d'en discuter à ce moment-ci, mais on aurait peut-être dû faire en sorte que les deux apparaissent dans le même bill, à ce moment-là, pour respecter les idées qui sont préconisées par le parrain du bill.

Quant à nous, nous croyons raisonnable que

la marge soit augmentée à 40 p.c. de différence. Nous accepterions ces 32,000 comme moyenne, mais nous préférons 40 p.c. à 25 p.c. Je comprends qu'à la fin de l'article il est dit que "la commission peut s'écarter des règles énoncées au premier alinéa pour des considérations exceptionnelles d'ordre démographique et géographique, telles que la très faible densité de population, le taux relatif de croissance de la population d'une région, son accessibilité, sa superficie ou sa configuration".

Nous comprenons que la fin de l'article pourrait servir, mais est-ce qu'on fera de cette fin d'article un principe qui devra servir souvent ou s'il doit servir par exception? Si le principe devra servir souvent, pourquoi ne pas immédiatement changer le barème? S'il doit servir par exception, à ce moment-là, changeons la proportion de 25 p.c. à 40 p.c. Si on doit se servir de la fin de l'article quisi régulièrement, je ne vois pas la nécessité, à ce moment-là, de mettre un barème. Je ne vois pas la nécessité de mettre ni les 32,000 ni les 25 p.c. Je ne sais pas si vous voyez ça comme ça mais si on prévoit que les commissaires devront se servir du deuxième alinéa de l'article 9 aussi souvent qu'il leur est loisible de le faire, à ce moment-là, le premier alinéa est inutile. Si, par contre, le deuxième alinéa doit être exceptionnel, bien, le premier devrait être corrigé de façon que, pour les districts électoraux, on considère la géographie, les distances et aussi les besoins des populations des différents districts électoraux. Dans un district électoral, comme l'Abitibi-Est, par exemple, les besoins et les demandes des électeurs, leurs recours à leur député est différent de ce qui existe dans un district de Montréal, par exemple.

M. MAILLOUX: C'est ça.

M. SAMSON: Tellement différent, M. le Président, que je peux vous dire, comme exemple, et je pense que vous pouvez aussi m'en citer plusieurs vous-même, que dans des régions plus éloignées où les comtés ne sont peut-être pas aussi denses en population, nous recevons, les députés, en moyenne, une vingtaine de lettres par jour, alors que dans un district électoral comme ceux de Montréal, dans certains cas...

M. MAILLOUX: Une par mois.

M. SAMSON: ... un député libéral m'a dit un jour qu'il en avait reçu quatre dans un an. C'est peut-être les deux extrêmes.

M. HARDY: C'est parce qu'il ne fait pas de patronage.

M. SAMSON: Je pourrais donner le nom du député, mais je ne voudrais quand même pas, en donnant son nom, qu'on lui retire sa secrétaire. Mais quand même il y a autant de différence que cela. Il y a des députés à Montréal qui n'ont même pas besoin d'un bureau parce que les gens ne se dérangent pas pour aller voir le député, ils n'ont pas besoin de le faire, ils ont les services de bien-être social, ils ont les services de santé, ils ont tous les services très bien structurés sur l'île de Montréal parce qu'il y a déjà un gouvernement municipal, qui est quasi un demi-gouvernement provincial tellement il y a densité de population. C'est au moins un gros gourvernement régional, ce que nous n'avons pas dans les régions éloignées.

M. MAILLOUX: La seule chose, c'est de s'occuper des sports.

M. SAMSON: Voyez-vous, M. le Président, un de vos députés ministériels me dit que, dans certaines régions de Montréal, le député n'a qu'à s'occuper des sports.

M. MAILLOUX: C'est ça.

M. SAMSON: C'est vrai ça, ce qui nous est rapporté. Dans nos comtés, dans les comtés plus éloignés, le député doit devenir un ombudsman local, un gars à qui on confie tout, un gars qui doit s'occuper de bien-être social, qui doit s'occuper des questions de santé, qui doit s'occuper des foyers pour les personnes âgées, qui doit s'occuper de voirie, d'agriculture, de colonisation, qui doit s'occuper de tout.

Il est impossible à ces députés de pouvoir s'occuper de tout en ayant 50,000 ou 40,000 de population ou d'électeurs dans son comté; il doit nécessairement avoir moins d'électeurs, considérant tous ces faits et la géographie. En ville, c'est possible d'avoir plus d'électeurs et d'avoir moins de territoire. Evidemment, je ne crois pas que l'écart existant entre la densité de population d'un comté de ville et d'un comté rural soit un accroc à la démocratie.

Dans plusieurs autres domaines, et je peux donner un exemple des syndicats qui ont des syndicats locaux, régionaux et tout ça est affilié aux centrales syndicales.

Or, M. le Président, la démocratie joue son jeu par voie de délégation de pouvoirs en partant du bas jusqu'en haut. Maintenant, les locales n'ont pas toutes le même nombre de membres. Vous avez des locales qui peuvent avoir 200 membres et d'autres qui en ont 500 et elles ont un vote à la centrale. L'honorable député de Mégantic disait tantôt qu'à l'ONU vous avez des pays qui ont peut-être 6 ou 7 millions de population, vous avez des pays qui ont 20 millions, vous avez des pays qui ont 200 millions et ils ont un vote. A ce moment-là...

M. CHARRON: II ne se passe rien, non plus, à l'ONU!

M. SAMSON: M. le Président, pourriez-vous rappeler à l'ordre l'honorable député de Saint-

Jacques qui ne semble pas vouloir prendre part au débat...

M. CHARRON: Très bien. Continuez, c'est tellement intéressant.

M. SAMSON: ... sauf pour dire des choses inutiles.

M. BACON: Pour une fois que c'est intéressant, laissez-le parler.

M. SAMSON: Ah bon! J'ai un excellent conseil du député de Maskinongé, il me demande de ne pas le dire et de ne pas le mentionner. Je pense que le député de Maskinongé a compris ce que le député de Saint-Jacques...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Je pense, à ma connaissance, que le seul qui a le droit de parole actuellement est le député de Rouyn-Noranda. J'ai l'impression que je vais avoir la collaboration des députés des deux côtés de cette Chambre.

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, je ne connais pas de meilleur moyen d'arrêter quelqu'un que de lui dire qu'il a encore le droit de parole. J'avais fini, M. le Président.

M. HARDY: Pour répondre à l'honorable député de Rouyn-Noranda sur cette question, je voudrais lui dire que le dernier paragraphe de l'article 9 s'appliquera par exception, c'est évident.

Si l'on examine l'ensemble du territoire du Québec, des comtés qui auront dans les parties semi-rurales, semi-urbaines des comtés de 24,000 électeurs, je pense qu'un député est capable de bien les représenter, même en tenant compte des problèmes différents qui peuvent se poser à un député à Montréal ou dans une grande ville et en campagne. Je pense qu'un député, ce n'est pas trop. En tout cas si on me dit que c'est trop, je vais vraiment me demander si je fais un bon député actuellement parce que je représente un comté semi-rural...

M. SAMSON: Ce n'est pas rural chez vous.

M. HARDY: De Saint-Jérôme à Saint-Jovite, c'est semi-rural.

M. SAMSON: Non, non, voyons donc!

M. HARDY: Dans mon comté, il y a 80,000 électeurs et 55 municipalités. Par ailleurs, je pense que des comtés de 24,000 électeurs, en général, je dis bien,...

M. CHARRON: Combien y a-t-il de commissions scolaires dans votre comté?

M. HARDY: Cela diminue de jour en jour parce qu'il y a eu pas mal de fusions chez moi.

M. CHARRON: Très bien.

M. HARDY: Je pense qu'un député, d'une façon générale, peut bien servir un comté qui comprend 24,000 électeurs. Mais lorsqu'il y a des cas particuliers où l'étendue ou l'acessibilité du territoire est difficile, eh bien, ce sont des cas exceptionnels à mon avis et ils trouveront une solution par l'application des critères qui se trouvent au dernier paragraphe. Encore une fois, je ne peux vraiment pas souscrire à cette demande du député de Rouyn-Noranda d'élargir la marge au-delà de 25 p.c. Je trouve déjà que 25 p.c, c'est beaucoup comme marge en plus ou en moins.

M. CHARRON: M. le Président,...

M. DUMONT: Sur le même sujet, M. le Président,...

M. LE PRESIDENT (Blank): L'honorable député de Saint-Jacques, est-ce sur le même sujet?

M. DUMONT: Sur le même sujet.

M. CHARRON : Sur le même sujet également.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques a la parole.

M. CHARRON: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda en a fait formellement une proposition d'amendement?

M.SAMSON: Non, M. le Président, j'ai demandé à l'honorable...

M. CHARRON: Ou bien si vous avez simplement...

M. SAMSON: ... vice-président de la Chambre d'accepter cet amendement.

M. CHARRON: Vous n'en avez pas fait un amendement formel?

M. SAMSON: Je n'ai pas voulu le proposer formellement mais j'ai l'impression que nous allons être obligés de le faire.

M. CHARRON: Disons que vous le faites là, parce que cela me donnerait le droit de parler.

M. SAMSON: Cela vous donnerait le droit de parler pour satisfaire les désirs du député de...

M. CHARRON: C'est parce que moi je peux arriver avec un autre amendement.

M. HARDY: Vous proposez de changer 25 p.c. par 40 p.c, en plus ou en moins?

M.SAMSON: Je propose, M. le Président, étant donné que j'ai actuellement la parole, appuyé par le député de Mégantic, qu'à la huitième ligne le mot "vingt-cinq" soit remplacé par le mot "quarante".

M. CHARRON: Très bien.

Alors, M. le Président, sur l'amendement que je viens de suggérer au député de Rouyn-Noranda...

M. DUMONT: Suggéré par nous-mêmes.

M. CHARRON: ... mais auquel j'ai donné une consistance juridique, pour notre part, nous ne pouvons pas accepter un amendement du genre. Les raisons qu'a fait valoir le député de Terrebonne, en réponse à la suggestion du député de Rouyn-Noranda, sont parfaitement valables. Je faisais tout à l'heure le calcul avec le chef de l'Union Nationale. Si nous acceptions cet écart, en dehors même des exceptions qui sont prévues au deuxième alinéa du même article 9, nous pourrions avoir, avec notre norme de 32,000 électeurs, des comtés qui iraient jusqu'à 19,400 et d'autres qui iraient — si je rajoute la même chose à l'autre bout — à 44,000.

M. HARDY: Plus que le double.

M. CHARRON: Plus que le double. Cela veut dire que, dès le départ, la nouvelle carte électorale, que tout le monde a réclamée, que tous les partis de la Chambre sont prêts à accepter, porterait déjà, avant même qu'elle ait fonctionné, des comtés qui compteraient plus du double de la population de certains autres comtés. Si on se fie, après cela, à l'évolution démographique au Québec, je veux bien croire qu'il y a une baisse de natalité mais il y a aussi un autre phénomène aussi important, une concentration de plus en plus forte dans la zone métropolitaine de Montréal. Cela veut dire que, là-bas, nous arriverions très tôt à 44,000 électeurs. Nous serions très tôt obligés de jouer l'écart jusqu'au maximum, c'est-à-dire 44,000 électeurs, parce que cela est un fait qui peut s'inscrire dans les cinq ou six prochaines années. Je ne suis pas démographe, mais tout le monde a déjà lu des articles qui portent là-dessus.

A l'autre excès, également, très tôt des comtés qui, aujourd'hui, auraient 24,000 ou 25,000 personnes, se trouveraient à l'autre extrême et devraient jouer jusqu'aux 19,400. Alors pour nous, cet amendement est inacceptable. Même, le député de Terrebonne se rappellera que nos interventions, lors de la commission de l'Assemblée nationale, là-dessus, visaient à accepter les 25 p.c. actuels, mais si le député de Terrebonne nous était arrivé, toujours basé sur le même principe de "un homme, un vote", en disant que l'écart permis n'aurait pas été plus grand que de 20 p.c, il aurait eu notre accord également à ce sujet.

Mais nous admettons, après avoir entendu un certain nombre de représentations, en particulier de députés de comtés ruraux, qu'effectivement 25 p.c. c'est la norme. Mais en aucun temps, toute forme d'amendement devant augmenter le chiffre des 25 p.c. permis à l'écart des 32,000 n'est pour nous acceptable. C'est pourquoi nous nous opposerons à l'adoption de l'amendement du député de Rouyn-Noranda.

M. PICARD: M. le Président, je pense que je devrai faire appel au règlement et attirer votre attention sur le fait que cet amendement est irrecevable pour la bonne raison qu'il va à l'encontre du principe même du projet de loi.

Le projet de loi lui-même est censé être présenté en vue d'assurer à tous les électeurs une représentation juste et équitable à l'Assemblée nationale. Comme vient de le mentionner le député de Saint-Jacques, on revient pratiquement aux mêmes écarts dans le nombre d'électeurs que ceux que nous avons présentement. Vous partez de 19,200 électeurs dans un comté et vous pouvez avoir le comté voisin avec 44,800 électeurs. Alors on revient encore à la même situation. Retirons tout simplement le projet de loi si nous acceptons un amendement comme celui-là.

M. CHARRON: D'ailleurs, avec la réforme qui s'en vient, si nous acceptions cette norme, je sais très bien que le président actuel, le député de Saint-Louis, serait très intéressé à refiler dans le comté de Saint-Jacques, qui est juste à côté, un nombre considérable de Néo-Québécois!

M. LE PRESIDENT: J'ai déjà donné...

M. LEGER: M. le Président, je voulais simplement, pour donner suite à la proposition d'amendement du député de Rouyn-Noranda, dire que l'une des raisons majeures pour laquelle il proposait cet amendement provenait du fait que, selon lui, il y a beaucoup plus de travail à faire dans un comté rural qu'il pourrait y en avoir auprès des électeurs dans un comté urbain. Il tenait pour acquis que les distances font voyager le député davantage, que, selon leur habitude les citoyens des comtés ruraux viennent voir leur député pour régler des problèmes la plupart du temps personnels, alors que je pense que, de plus en plus, si on ne veut pas rester dans un autre siècle, on s'en va vers un député qui aura surtout un rôle non seulement de législateur à l'Assemblée nationale mais aussi un rôle d'animateur de comté, animateur de groupes, animateur de personnes et non pas

uniquement une rencontre toujours individuelle, personnelle, avec les gens de son comté.

M. le Président, je dirais que les gens de comtés ruraux, comme les gens de comtés urbains, ont le droit de faire des demandes à leur député, d'exiger qu'on s'occupe précisément de leur cas particulier. Mais est-ce que, dans l'avenir, ces demandes qui sont justifiées la plupart du temps par les citoyens ou les électeurs d'un comté, devront être faites directement au député? Est-ce que, bientôt, on n'arrivera pas à un service de secrétariat d'un député avec des personnes bien instruites des problèmes locaux, qui pourraient être des assistants du député, qui pourraient recevoir des personnes qui ont des problèmes personnels et qui pourraient résoudre beaucoup de problèmes que le député lui-même, car ce dernier n'a peut-être souvent pas le temps, surtout quand il a des sessions qui durent huit à neuf mois par année?

M. le Président, le député de Rouyn-Noranda disait qu'il y a des députés dans des comtés urbains qui ne font absolument pas de bureau. Je tiens à lui dire que s'il y en a — il se peut qu'il y ait des comtés urbains dans lesquels les députés font peu de bureau — ce n'est pas nécessairement parce qu'il n'y a pas de besoins dans les villes.

Il y a autant de besoins, mais ils sont différents. Justement, si on veut qu'un député s'occupe de son comté, il faut lui fournir les outils dont il a besoin pour le faire. Et les outils pour un comté urbain peuvent être différents que dans un comté rural.

Je n'aurais aucune objection, plus tard, à ce qu'on donne des allocations de dépenses supplémentaires à un député qui est dans un comté rural, parce qu'il aura à parcourir de plus longues distances, peut-être à faire plus de voyages. Qu'on lui accorde aussi, peut-être, des dépenses de secrétariat plus élevées pour lui permettre d'avoir non pas un seul secrétaire, qui s'occupe de rencontrer souvent des membres du comté parce que le député est absent, est à Québec, mais du personnel plus nombreux pour les comtés ruraux. Cela permettrait de régler les problèmes de comtés ruraux de la même façon qu'on peut le faire dans la ville de Montréal.

M. le Président, je pense qu'il faut tout simplement repenser cette situation en fonction du rôle futur du député. Est-ce qu'actuellement la façon dont agit un député dans une circonscription rurale est exactement celle qui doit continuer dans l'avenir? Je pense qu'il faut se poser la question et donner plutôt des services, des moyens de secrétariat et entraîner du personnel payé par le gouvernement pour régler, dans le comté d'un député rural, des problèmes qui sont spécialement ruraux. Dans le comté urbain, ce seront peut-être d'autres outils dont aura besoin le député, mais il faut regarder vers l'avenir et avoir une vision différente du rôle qu'un député pourra jouer. Pour terminer, je demanderais au député de

Rouyn-Noranda de lire l'éditorial de la Presse de ce soir où il verra que le rôle d'un député s'en va dans une direction différente de celle qu'il voudrait bien lui conserver.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: M. le Président, pour répondre au préopinant, je lui dirai d'abord que ce sont les électeurs qui décident des services qu'on doit leur accorder en venant ou non nous rencontrer, selon qu'ils aiment ou non l'idéologie politique que nous représentons. Alors, des électeurs, nous en avons dans nos bureaux. Je ne sais pas si c'est la même chose à Montréal pour les députés péquistes, mais dans les comtés créditistes, du moins, nous en avons.

Quand nous réclamons ces 40 p.c, je vois déjà, si nous laissons 25 p.c. — c'est pourquoi je dis que cette motion est recevable — que les comtés de Gaspé-Sud et de Gaspé-Nord disparaîtraient immédiatement. Si vous êtes déjà allés en Gaspésie, si vous avez déjà visité la Maison du pêcheur, vous savez qu'on va fusionner ces comtés-là. Je pense à votre comté, M. le Président où vous avez envoyé le gars que l'on appelle "Peau de chien". C'était beau, le comté de Matapédia! Il va disparaître lui aussi. Alors, ce gars de Montréal ne pourra pas venir essayer de se faire élire dans la Vallée de la Matapédia ou dans ces comtés que nous voulons protéger. Il me semble que c'est très précis dans l'article: "Toutefois, elle peut admettre des districts électoraux dont le nombre des électeurs est supérieur ou inférieur à ce nombre d'au plus 25 p.c. — nous demandons 40 p.c. — chaque fois qu'elle l'estime nécessaire." Alors, M. le Président, ça n'oblige pas que l'on applique chaque fois. Prenons l'exemple du comté de Terrebonne. On ne sera pas obligé, si les membres de la commission ne le jugent pas nécessaire, d'appliquer le 40 p.c. de différence, mais, selon la consistance du projet de loi et de l'article 9, surtout de la motion que nous présentons, c'est laissé au bon plaisir de la commission.

A ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas ajouter 40 p.c. et lui laisser cette possibilité. Je le dis et je le répète, pour ne pas retarder les travaux de cette Cahmbre: Quand le député de Terrebonne a fait allusion, tout à l'heure, à cette marge de 25 p.c. en disant: Au fédéral, c'est ce qu'ils ont accepté, eh bien, j'ai aussi connu le fédéral qui est evnu englober les comtés de Dorchester, Bellechasse et Montmagny dans un seul comté et, lors de la réforme électorale — je ne veux pas entamer une bataille juridique sur cette question — on a fait diminuer d'un comté la représentation canadienne-française à Ottawa.

Nous venons d'avoir l'avis, que cette année encore, nous diminuerons d'un comté. Nous

allons maintenant avoir dans la province de Québec, au fédéral, 73 comtés.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. DUMONT: Si nous étudions sérieusement le cas pour donner plus de latitude à cette commission, les 40 p.c. ne seraient pas une obligation, mais permettraient à loisir à cette commission de les appliquer là où c'est nécessaire, selon les représentations que nous pourrions faire. Là je prends encore en exemple les comtés qui environnent le comté de Wolfe, comme dirait le député de Bonaventure, où il n'y a qu'à peu près 10,000 électeurs. C'est un autre comté qui va disparaître et pourtant il y a un député qui fait son possible, le comté de Wolfe va disparaître...

M. LEVESQUE: Quel comté?

M. DUMONT: ...et il semble y avoir un bon représentant...

M. LEVESQUE: J'ai compris Bonaventure.

M. DUMONT: Comme dirait le député-ministre...

M. LEVESQUE: Ah! J'ai peur pour mon comté.

M. DUMONT: J'ai parlé du comté de Wolfe...

M. LEVESQUE: Ah! Très bien.

M. DUMONT: ...et à ce moment-là on dit que...

M. LEVESQUE: Mégantic.

M. DUMONT: Oh! A 35,000 électeurs, je ne parle pas pour mon comté, mais je voudrais que des représentants de chaque comté puissent faire à la commission des représentations véritables. Si on donnait cette marge de 40 p.c, ça n'engagerait pas la commission, mais ça permettrait à loisir de l'appliquer là où il pourrait y avoir une injustice, par exemple, pour le député des Iles-de-la-Madeleine. Tout le monde sait en cette Chambre, y compris les journalistes, que le député des Iles-de-la-Madeleine, nous voulons le garder avec nous. Il fait rire l'Assemblée nationale, c'est plaisant. Nous voulons le garder...

M. LACROIX: C'est votre meilleure.

M. DUMONT: Nous ne le savions pas, mais il était rendu avec nous autres. Voyez-vous, M. le Président, que les 40 p.c. ont de l'influence?

Or, M. le Président...

M. LACROIX: ...parler en mon nom.

M. DUMONT: Comme le député de Terrebonne l'a mentionné tout à l'heure, sur le territoire de la baie James il n'y aura pas une grande population. Si on laisse les 25 p.c, on va être loin de cette marge qu'on accorde dans une loi et qu'on ne pourra pas appliquer. Si on attend qu'il y ait une marge de 25 p.c. on n'est pas prêt d'avoir un comté dans cette région. Et c'est la même chose pour le parc Forillon. C'est la même chose à travers la province de Québec, et pas seulement à cause des comtés ruraux ou semi-ruraux. On voudrait donner plus de latitude à cette commission, qui, avec ces 40 p.c, empêcherait au moins certains comtés d'être bannis immédiatement ce soir par ce projet de loi.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aimerais apporter un autre point de vue pour renforcer la position et l'amendement de l'honorable député de Rouyn-Noranda. M. le Président, le rôle du député a été très bien décrit par le député de Rouyn-Noranda, le député de Mégantic. Le député de Chicoutimi, ce soir, en a fait un tour d'horizon et je n'ai pas à revenir sur le sujet, parce qu'il a été entièrement et très bien couvert.

M. le Président, il y a aussi le cas où un député accède à un ministère. On n'en a pas parlé en cette Chambre mais, si un député d'un comté rural accède à un ministère, comparativement à un député d'un comté urbain, il y a une énorme différence. Il y a des comtés ruraux de 36,000 ou 38,000 électeurs. Je le sais, je représente un comté de 37,000 électeurs à l'heure actuelle, et le comté était représenté dans l'ancien gouvernement par un ministre. Posons-nous une question: Est-ce qu'un ministre qui est député d'un comté rural et qui a un ministère important peut s'occuper adéquatement de son ministère et efficacement de son comté? Je pense que les membres de l'ancien gouvernement, dont les représentants sont assis à notre droite, en savent quelque chose.

Il y a peut-être bien des facteurs à l'heure actuelle qui ont fait qu'à la dernière élection il y a eu un changement aussi radical dans le Québec. Or, M. le Président, nous savons que la division des circonscriptions électorales mérite d'être amendée. Des comtés, à l'heure actuelle, ont à peine 6,000 électeurs alors que d'autres en ont 80,000. Mais tout de même il ne faudrait pas partir d'une exagération pour aller vers une autre.

Je pense que le député d'un comté rural, qui veut s'occuper de son comté et le mener à bien — un comté rural qui a 36,000 à 40,000 électeurs, c'est déjà l'équivalent d'un ministère — la personne qui a un comté de cette dimension et de cette population à représenter ne peut accéder à aucun ministère et être capable de mener son ministère à bien. Voyez-vous le problème que cela peut poser? Il y aurait à peu près uniquement les représentants des comtés urbains qui pourraient être ministra-

bles, M. le Président.

Lorsque nous avons, comme dans le comté de Beauce, 46 municipalités: Lorsque nous avons, comme dans la ville de Montréal...

M. VEILLEUX: On va les fusionner bientôt.

M. ROY (Beauce): Quand bien même vous les fusionneriez, cela ne changera pas les problèmes. La population demeurera avec les mêmes problèmes, M. le Président. Cela ne change absolument rien. Ces n'est pas avec les fusions que l'on va régler les problèmes. C'est une question qui est discutable dans un autre ordre d'idées.

Prenons, par exemple, la ville de Montréal ou la ville de Québec où il y a une chambre de commerce pour le Montréal métropolitain et une chambre de commerce pour le Québec métropolitain. Quand vous arrivez dans les comtés ruraux, vous pouvez avoir 15 ou 20 chambres de commerce. Il en est de même pour toutes les autres associations, les dirigeants d'entreprises et tous les autres mouvements qui, à un moment donné, ont leur mot à dire dans l'administration et la gestion des affaires publiques.

Si on ne veut pas écraser les députés ruraux, si on veut permettre que toute la population du Québec soit représentée équitablement, je ne crois pas à la démocratie uniquement par le nombre. La démocratie doit exister selon les besoins et selon les possibilités des personnes aptes à les représenter. Le Québec est un grand territoire où il y a des régions qui sont très peu peuplées. Il y en a qui sont plus peuplées et il y en a, comme la région métropolitaine de Montréal, où, évidemment, il y a une grande population. H ne faudrait pas que, dans les régions rurales où la population est faible, où la population est éloignée, le député ne puisse pas rencontrer ses électeurs à cause des distances. Ses électeurs sont des contribuables qui ont les mêmes droits et qui doivent avoir les mêmes privilèges que les citoyens résidant dans les grands comtés urbains, M. le Président. Je pense que c'est une question de justice.

Ce n'est pas de la faute du Parti québécois, ce n'est pas la faute de l'Union Nationale ni du Parti libéral, ni la nôtre si le Québec est grand et s'il y a des régions qui sont peu peuplées. D reste que c'est une question de fait. Vous allez prendre des exemples en France et en Angleterre, vous allez prendre des exemples ailleurs, mais cela ne s'applique pas dans la province de Québec. Je pense qu'on devrait être assez logique pour arrêter de copier sur les autres, pour essayer de trouver des solutions à nos problèmes, tels qu'ils se présentent et pour faire face à la réalité telle qu'elle est. C'est cela, je pense, que nous devrions faire.

En France, il y a 520 députés et il y en a 575 en Angleterre, alors que les territoires sont beaucoup plus petits qu'au Québec. Dans sa partie peuplée, le Québec, à l'heure actuelle, couvre déjà plusieurs fois la superficie de la France. On devrait être conscient de ce fait. Si on veut réellement donner justice et si on veut justement que la démocratie survive dans la province de Québec, il nous appartient...

M. HARVEY (Chauveau): On devrait être 50.

M. ROY (Beauce): Si vous voulez parler, vous le député de Chauveau vous vous lèverez tout à l'heure, vous demanderez la parole et vous ferez un discours.

M. HARVEY (Chauveau): Certainement.

M. ROY (Beauce): Actuellement, c'est moi qui ait le droit de parole.

M. HARVEY (Chauveau): Au prorata de la France, on devrait être 50 députés. Votre intervention ne tient pas de la logique même.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. HARVEY (Chauveau): N'allez pas chercher vos exemples en France; restez sur la gravelle... de grâce!

M. ROY (Beauce): Si le député de Chauveau s'ouvrait les oreilles de temps en temps...

M. HARVEY (Chauveau): Je vais revenir tout à l'heure.

M. ROY (Beauce): ... il se serait rendu compte que j'ai parlé de la France par rapport à l'étendue territoriale. Je n'ai pas fait de comparaison avec la population de la France; j'ai fait une comparaison avec l'étendue territoriale. Comme d'habitude, le député de Chauveau ne comprend jamais rien...

M. HARVEY (Chauveau): Vous allez très bien. Continuez...

M ROY (Beauce): ... et ne fait que nous interrompre, M. le Président.

M. HARVEY (Chauveau): Je vais revenir tout à l'heure.

M. ROY (Beauce): Je termine mes observations là-dessus.

M. HARVEY (Chauveau): Je vais vous parler, moi. Vous venez!

M. ROY (Beauce): Je termine mes observations là-dessus. Je pense, M. le Président, qu'il est de notre responsabilité, ici ce soir, étant donné que nous avons un mandat à donner à cette commission qui sera formée, de lui donner un cadre suffisamment grand pour être capable de tenir compte des observations que j'ai

mentionnées tout à l'heure et que le député de Rouyn-Noranda et le député de Mégantic ont mentionnées. Si nous voulons, comme je le disais tout à l'heure, que notre démocratie au Québec — on se gargarise beaucoup de démocratie au Québec, à l'heure actuelle — ne soit pas seulement des mots, mais que ça existe également dans les faits, je pense que l'amendement présenté par le député de Rouyn-Noranda devrait être adopté.

Si cet amendement est adopté, je pense qu'il pourrait permettre de corriger les lacunes qu'il y a, à l'heure actuelle, dans la représentation entre les différents territoires, mais de façon que chaque électeur du Québec puisse rencontrer son député sans avoir à faire 200, 300, 400 milles, et sans être obligé de prendre une entrevue, parfois quinze jours ou trois semaines d'avance, pour être capable de le rencontrer.

Or, sur ce point j'aurais une autre demande à faire. Je pense, étant donné que cela concerne tout le Québec, que le gouvernement, qui se veut démocratique, devrait permettre même à ses députés, lors du vote qui sera pris tout à l'heure, un vote libre de façon à permettre aux députés ministériels comme à ceux de tous les autres partis...

M. HARVEY (Chauveau): On est toujours libre.

M. HARDY: Toujours libre.

M. ROY (Beauce): ... de voter librement sur ce projet de loi. J'aimerais pouvoir croire l'honorable député de Terrebonne...

M. HARDY: M. le Président, une question de règlement. Le président n'a pas le droit de supposer que les députés de cette Chambre ne sont pas libres de donner leur vote.

M. LE PRESIDENT: Sur un point de règlement, ce n'est pas le président, c'est l'opinant...

M. ROY (Beauce): Je n'ai pas compris, M. le Président...

M. SAMSON: Est-ce que cela veut dire que vous allez donner entière liberté à tous vos députés de voter selon leur conscience, comme l'honorable chef de l'Opposition...

M. HARDY: M. le Président, je n'ai aucun pouvoir de donner la liberté aux députés de cette Chambre. Tous les députés possèdent la liberté de voter comme ils l'entendent et il n'appartient pas à un autre député de le déclarer...

M. PAUL: ... demain...

M. ROY (Beauce): Alors, je vais demander au député de Terrebonne, tout à l'heure, de bien vouloir faire cette déclaration solennelle, juste avant le vote, pour tâcher de permettre aux députés d'être bien informés de leur privilège.

Alors, M. le Président, je termine là-dessus, mais encore une fois, je sollicite la collaboration et la compréhension du gouvernement qui a la responsabilité, à l'heure actuelle, de la rédaction et de la présentation de ces projets de loi, qui a la majorité en Chambre, de bien peser la décision qui sera prise tout à l'heure, parce que cette décision sera lourde de conséquences dans l'avenir politique, économique et social du Québec, j'irai même jusque-là, afin de permettre aux populations éloignées de se faire représenter adéquatement, afin de permettre aux populations éloignées de rencontrer leur représentant élu, pour qu'il puisse, lui aussi, les consulter à l'occasion.

On a parlé d'animation, tout à l'heure. Cela va bien faire de l'animation quand les députés veulent parler à leur population, qui est groupée, par exemple, dans un territoire de deux ou trois milles carrés ou même cinq milles carrés, mais un autre député qui a les mêmes obligations devant ses électeurs et qui a un territoire de 200 à 300 milles, comment voulez-vous qu'il fasse de l'animation? C'est un tout autre problème.

Encore une fois, je demande au gouvernement de bien penser à ce à quoi il s'engage et de bien vouloir adopter l'amendement qui a été présenté par le député de Rouyn-Noranda.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, très brièvement, je voudrais participer à ce débat sur l'article 9 et vous dire que j'ai eu l'occasion, comme député siégeant dans une autre Chambre, de participer à des débats justement sur un article qui se lisait à peu près comme celui-ci. Tout en admettant qu'il y a une énorme différence dans le travail de représentation d'un député qui représente un milieu rural ou un comté rural et un comté urbain, je voudrais demander à la commission qui sera chargée de faire ces délimitations électorales d'agir en conséquence lorsqu'il s'agira d'établir les districts électoraux.

Je voudrais également vous dire qu'à l'occasion des discussions dans une autre Chambre, nous avons discouru pendant des heures et des heures sur la possibilité d'augmenter ce pourcentage, qui était de 25 p.c, à 33 1/3 p.c. Mais laissez-moi vous dire que ce pourcentage, même si nous avions obtenu, à la Chambre des communes du Canada, de l'inscrire dans la législation à 33 1/3 p.c, ceci serait devenu simplement un chiffre placé là sur le plan théorique.

Mais en ce qui me concerne, je suis satisfait de ce pourcentage de 25 p.c. pour autant que, dans la pratique, la commission l'utilise à bon escient pour faire cette distinction qui existe entre les comtés ruraux et les comtés urbains. Inutile de faire inscrire dans l'article 9, un

pourcentage de 40 p.c. si ça devient seulement un pourcentage théorique qui ne serait à peu près jamais utilisé par la commission. Qu'on leur donne un pourcentage comme celui qui est suggéré dans la législation, un pourcentage de 25 p.c. et à l'intérieur de ce pourcentage de 25 p.c, la commission peut prendre des décisions qui correspondront à l'argumentation des députés qui siègent en cette Chambre et aux désirs des électeurs de nos comtés respectifs.

Donc, en ce qui me concerne, je ne puis accepter qu'on place théoriquement un chiffre de 40 p.c. Je suis satisfait de ce chiffre de 25 p.c. et, encore une fois, je demande à la commission, sur le plan pratique, de l'utiliser à la lumière de l'expérience vécue lors du remaniement de la carte électorale au fédéral où les 25 p.c. ont été trop souvent malheureusement seulement un chiffre qui était là dans la législation, dont on ne s'est pas servi, mais je suis convaincu à l'avance qu'ici, pour la carte électorale du Québec, on se servira de ce pourcentage de 25 p.c.

M. PICARD: M. le Président, je serai très bref. Quant à l'amendement proposé par le député de Mégantic — je crois plutôt que c'est le député de Rouyn-Noranda qui l'a présenté — au cours de la discussion, on a fait mention tout à l'heure, je crois que c'est le député de Beauce, de petits pays comme l'Angleterre, par exemple, qui avait 500 ou 600 députés. Alors, moi, à entendre tous les députés des comtés ruraux se plaindre d'avoir un trop grand territoire à couvrir, trop de problèmes à résoudre, trop de personnes qui viennent les voir, trop de lettres qu'on leur écrit, alors je pense qu'il n'y a qu'une solution et c'est celle-ci...

M. DUMONT: M. le Président, sur une question de privilège.

M. PICARD: ... elle est conditionnée ma solution, par exemple.

M. DUMONT: Sur une question de règlement. On est en train d'affirmer que nous avons dit que nous recevions trop d'électeurs. Mais, nous n'en recevons jamais trop, tous les gens sont bienvenus.

M. SAMSON: Vous ne les recevez pas tous, par exemple.

M. DUMONT: Nous en recevons beaucoup.

M. SAMSON: Nous les recevons tous, nous autres.

M. PICARD: Bien, si vous faites de la publicité pour en avoir plus, arrêtez de vous plaindre. La seule solution possible, M. le Président, pour avoir une représentation équitable à l'Assemblée nationale — elle est conditionnée, ma suggestion — c'est qu'on augmente le nombre de députés à 600, mais qu'on réduise les salaires à $3,000 par année et probablement qu'on aura des sessions qui dureront moins longtemps.

M. LOUBIER: M. le Président, juste deux mots. Je me préoccupe assez peu des 25 p.c. ou des 40 p.c. Je suis satisfait du deuxième paragraphe de l'article 9. D'ailleurs, le député de Terrebonne l'a souligné à bon escient tout à l'heure, c'est que ceux qui m'ont précédé ont vanté la compétence et les mérites du président de la commission et des autres commissaires. Alors justement, en vertu du deuxième paragraphe de l'article 9, nous donnons au président et aux commissaires la latitude voulue pour juger d'une façon spécifique des besoins de tel ou tel comté sur le plan socio-économique, ou sur le plan socio-culturel, ou sur le plan des caractéristiques de chacun des comtés.

Partant de là, M. le Président, j'accepte des remarques qui ont été faites par le député de Beauce plus spécifiquement et par ceux qui ont parlé pour le Parti québécois. Et il y a, dans toutes ces remarques, évidemment matière à réflexion. Je pense que le président et les commissaires pourront, à même ces remarques, marcher à l'intérieur de balises sociologiques ou économiques qui vont permettre à cette commission de traiter au mérite des cas exceptionnels et particuliers. D'ailleurs, c'est tellement bien dit dans le deuxième paragraphe de l'article 9. Je me permets de le citer très rapidement: "La commission peut s'écarter des règles énoncées au premier alinéa."

Or, M. le Président, il ne sert à rien, avec des trémolos dans la voix, de s'apitoyer sur un comté en particulier. Ce n'est pas préjuger de la disparition d'un comté plus qu'un autre ce soir puisque tout est dirigé au deuxième paragraphe où on laisse la pleine latitude à la commission d'évaluer les caractéristiques ou les éléments qui feraient, peut-être, je cite un exemple, que le comté de Wolfe pourrait demeurer le comté de Wolfe à cause de certaines caractéristiques qui sont mentionnées dans le deuxième paragraphe de l'article 9. Ce serait le même phénomène pour le comté des Iles-de-la-Madeleine ou d'autres comtés.

M. le Président, je pense que nous devons féliciter d'abord le député de Terrebonne d'avoir signalé, tout à l'heure, lorsqu'il répondait à un opinant de l'Opposition, que le deuxième paragraphe de l'article 9 donne cette sécurité et, en même temps, permet à la commission d'exercer une certaine discrétion dans les cas d'exception. Pour ma part, je ne me sens pas prisonnier de ces 25 p.c., en plus ou en moins. Je m'en remets à 100 p.c, au deuxième paragraphe, à la compétence, comme on l'a signalé, du président de la commission, au bon jugement des membres de la commission. De toute façon, le rapport reviendra devant les députés de cette Chambre et nous pourrons, à ce moment-là, discuter du projet qui nous aura

été remis et le faire d'une façon beaucoup plus sereine, beaucoup plus intelligente puisque nous aurons au moins devant nous un instrument de travail qui nous aura été soumis après réflexion, analyse par des experts.

M. HARDY: Dans le même sens que l'a souligné le député de Bellechasse, je pense qu'il faut que la loi laisse une certaine latitude — je pense qu'elle a été rédigée dans ce sens-là — aux commissaires. Comme vient de le dire le chef de l'Opposition officielle, lorsque la commission remettra son rapport, si les députés ou certains députés considèrent que les commissaires n'ont pas appliqué les critères d'une façon valable, si, par exemple, ils ne se sont pas servis du dernier paragraphe d'une façon judicieuse dans certains cas, si, par exemple, on a fait un trop grand comté, une population trop dispersée en n'utilisant pas le mécanisme du deuxième paragraphe, les députés auront toujours le loisir de proposer autres choses, de proposer des amendements. Alors, je pense que l'article 9, tel que rédigé, correspond à toutes les inquiétudes que l'on peut formuler. D'abord, il respecte le critère d'un électeur, un vote; il fait des comtés à dimension raisonnable puisque nous pouvons avoir, dans les milieux ruraux, des comtés de 24,000 électeurs et, enfin, il prévoit que nous pourrons avoir des comtés plus restreints que 24,000 électeurs, des plus petits comtés lorsque la population est vraiment dispersée. Je pense que l'article 9 répond vraiment à toutes ces inquiétudes, à tous ces problèmes. C'est pourquoi je demande le vote sur l'amendement de l'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. LE PRESIDENT: Adopté sur division. Vous voulez un vote.

M. SAMSON: Le ministre de l'Education vient voter avec nous! Je voulais vous le faire remarquer.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien se lever.

M. DUMONT: Le député de Matapédia a voté avec nous !

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

La motion d'amendement est rejetée.

M. PAUL: M. le Président, après avoir entendu les remarques qui ont été faites par beaucoup de préopinants, je me demande si, pour répondre aux objectifs ou aux buts visés par chacun des participants à ce débat sur l'article 9, il n'y aurait pas avantage à élargir la liberté d'action, d'interprétation, d'orientation, d'analyse et d'objectivité de MM. les membres de la commission. Nous retrouvons au paragraphe 2, à la troisième ligne, le mot "exceptionnelles". Alors, je suis sûr que le député de Charlevoix se trouve un peu traumatisé par l'interprétation pratico-pratique que MM. les membres feront de ce terme. C'est pourquoi, dans le but de réunir à peu près toutes les idées qui ont été exprimées ce soir, je voudrais proposer qu'à la troisième ligne du deuxième paragraphe de l'article 9 le mot "exceptionnelles" soit rayé pour être remplacé par les suivants: "socio-culturelles, socio-économiques".

Et nous continuons le texte tel que nous le retrouvons à l'article 9.

Je souhaite, M. le Président, que cet amendement soit jugé recevable par celui qui, ce soir, est le porte-parole du gouvernement. La participation du député de Terrebonne comme — je ne dirai pas parrain — défenseur d'un projet de loi constitue un précédent heureux dans notre Assemblée nationale. C'est la première fois que cela se produit. J'espère que le gouvernement, occasionnellement et assez souvent, fera appel à certains secrétaires parlementaires qui pourront présenter des projets de loi avec beaucoup plus de compétence que peuvent le faire certains ministres.

M. le Président, je vous donne le texte de mon amendement. Est-ce que tous les pages sont partis? Je vais faire le page, M. le Président. J'aimerais que le député de Terrebonne me fasse connaître ses commentaires sur cet amendement.

M. HARDY: M. le Président, je serais peut-être prêt à faire...

M. PAUL: Au sens du code civil.

M. HARDY: Oui, justement.

M. PAUL: D'accord: 1,918 et suivants.

M. HARDY: Je n'aime pas plus qu'il le faut l'introduction des mots "socio-culturelles et socio-économiques". Maintenant, si c'était la volonté des députés... Mais il y a une chose à laquelle je tiens absolument, par exemple, c'est que le mot "exceptionnelles" demeure. Parce qu'encore là c'est toute l'économie de l'article 9 qui se trouve changée si on enlève le mot "exceptionnelles". Je reviens toujours au principe de base. Le principe de base demeure que l'on doit avoir un électeur, un vote. C'est le principe de base. Après cela, on fait des exceptions. On dit que, suivant la densité de la population, il peut y avoir un écart de 25 p.c. Une troisième exception, qui vient préciser davantage la deuxième exception, c'est que, pour des raisons exceptionnelles d'ordre démographique, d'accessibilité, de faible densité on peut aller au-delà de 25 p.c. L'écart pourrait être de plus de 25 p.c. en fait. Mais il faut vraiment que ce soit pour des considérations exceptionnelles. Si le mot "exceptionnelles" ne demeure pas là, pourquoi 25 p.c? Il y aurait une certaine contradiction à l'intérieur même de l'article 9 si on enlevait le mot "exceptionnelles".

Quant à la question socio-culturelle et

socio-économique, j'aimerais peut-être que d'autres députés se prononcent. Moi, j'avoue franchement que je n'y vois pas une raison absolue de m'y opposer mais je n'aime pas tellement cela.

M. PAUL: Les termes sont trop savants!

M. HARDY: Non, pas tellement. Je pense que je réussis quand même à comprendre un peu la substance de ces vocables.

M.PAUL: Vous? Ah oui! Mais beaucoup ne les comprennent pas!

M. HARDY: Je me demande s'il est sain d'introduire dans l'élaboration d'une carte électorale ces éléments de culture, de sociologie, d'économie. Si on se rend à l'extrême logique de ce principe, ça voudrait dire qu'à un moment donné, si on retrouve des gens d'un certain niveau économique sur le territoire, on essayerait de les circonscrire pour former un comté de gens qui sont des assistés sociaux, par exemple, ou si dans un autre coin, on peut simplement mettre des Italiens ensemble, on ferait un comté d'Italiens. Je pense qu'à ce moment-là on crée, en quelque sorte, peut-être des ghettos; je ne pense pas que ce soit sain pour la démocratie.

Maintenant, je suis bien disponible à me laisser convaincre, mais ma première réaction, c'est que je ne suis pas tellement favorable à cette introduction.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté l'argumentation du député de Terrebonne. Je vous avoue qu'elle ne m'a pas convaincu, mais je ne vais pas reprendre tout ce que j'ai dit ce soir en deux courtes heures. Je veux attirer simplement l'attention du député et peut-être lui proposer une autre formulation.

Le député prétend que le fait de radier le mot "exceptionnelles" changerait l'économie de l'article. Je ne pense pas que cela soit le cas, mais, pour enlever tout soupçon, toute inquiétude au député de Terrebonne, je lui proposerais ceci: "La commission peut, le cas échéant, s'écarter des règles énoncées au premier alinéa pour des considérations d'ordre démographique, géographique, socio-culturel et socio-économique." Je crois que le mot "exceptionnelles — je l'ai dit lors de mon intervention en seconde lecture — risque de cristalliser l'opinion des commissaires eux-mêmes qui vont voir ce mot un peu comme une sorte de barrière, comme une sorte d'interdit. Cela peut, si vous voulez, paralyser ou, si je puis m'exprimer ainsi, limiter le champ de leur enquête et de leurs réflexions.

Si l'on mettait, par exemple: "La commission peut, le cas échéant..." cela respecterait l'économie de l'article, sans pour autant fixer dans l'esprit des futurs commissaires cette idée que l'on ne peut tenir compte des facteurs qui sont énoncés après que "dans des cas exceptionnels". Le mot "exceptionnelles" a déjà une signification très forte et il comporte déjà en soi l'idée d'exception, au sens d'écarter et de n'examiner que dans des cas extrêmement particuliers.

J'ai l'impression qu'en acceptant l'expression "le cas échéant" cela respecte l'économie de l'article: cela enlève au mot "exceptionnelles" son caractère trop restrictif à mon sens.

Quant aux autres termes que je voudrais voir introduire et qui réfèrent aux critères précis que nous avons examinés à la commission de l'Assemblée nationale, j'y tiens, parce que quand nous en avons parlé, on s'est toujours référé à un ensemble de critères.

J'ai dit tout à l'heure, en seconde lecture, que le premier ministre nous avait présenté sa législation avant que la commission n'eût l'avantage de siéger à nouveau et de déterminer les critères qui allaient servir aux futurs commissaires. Et je ne pense pas que ce serait introduire un élément très nouveau dans cette législation, que d'insérer les mots "socio-culturelles" et "socio-économiques", ne serait-ce que pour faire penser aux commissaires qu'ils ont à tenir compte de ces réalités qui dépassent de loin celles de la démographie et de la géographie.

Alors je ne sais pas si mon plaidoyer que je ne veux pas prolonger a convaincu le premier ministre. Je propose cette formulation: La commission peut, le cas échéant, s'écarter des règles énoncées au premier alinéa, pour des considérations d'ordre démographique, géographique, socio-culturel, socio-économique telles que la très faible densité de la population, le taux relatif de la croissance, la population, autres choses, etc.

M. BOURASSA: Je pourrais tenir compte de toutes les opinions qui sont assez diverses: "pour des considérations spéciales", si "exceptionnelles" paraît peu conforme.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le premier ministre serait d'accord pour qu'au mot "exceptionnelles" on substitue l'expression "le cas échéant"?

M. BOURASSA: Particulières. "Pour des considérations particulières".

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, "s'écarter des règles pour des considérations particulières".

M. BOURASSA: Est-ce que ça fait l'unanimité?

M. LAURIN: A cette décision, il me semble qu'il conviendrait que tous les autres députés s'expriment également.

M. HARDY: IL n'y a pas de décision de prise, ce sont des échanges.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Quitte à me soumettre à l'examen une fois adopté, je négocie actuellement avec le premier ministre.

M. LAURIN: II faudrait que ce soit une négociation quadripartite.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous vous associez mal à ces négociations.

Alors, M. le Président, je dirai ceci: La commission peut, le cas échéant, s'écarter des règles énoncées au premier alinéa, pour des considérations particulières d'ordre et le reste, en y ajoutant "socio-culturelles" et "socio-économiques". Alors je soumets ça au premier ministre quitte à y revenir après avoir connu l'avis de nos partenaires.

M.LAURIN: M. le Président, le député de Terrebonne invite d'autres députés à se faire entendre sur une question qu'il dit ne pas vouloir décider lui-même tout de suite. Il me fait grand plaisir de répondre à cet appel.

En fait, je ne puis y résister et je lui réponds: Adsum. En réalité, je suis tout à fait d'accord avec l'esprit qui a animé les propos du député de Terrebonne en voulant garder le mot "exceptionnelles". Autrement, si l'on ajoutait d'autres critères, ce serait courir le grave danger de diluer le principe qu'il a qualifié lui-même de premier, de fondamental, d'essentiel, qui est celui d'un homme, un vote et qui constitue l'assise même des principes démocratiques.

Il me semble qu'en ajoutant autre chose, surtout ces adjectifs qui sont moins forts que "exceptionnelles", comme, par exemple, "spéciales" ou "particulières", on ouvre la voie à des interprétations qui, justement, présentent un grave danger.

M. HARDY: Le député de Bourget me permet-il une question?

M. LAURIN: Oui.

M. HARDY: Sans être linguiste, je me demande vraiment si, dans le contexte, le mot "spéciales" n'aurait pas, à toutes fins pratiques, le même effet que le mot "exceptionnelles".

M. LAURIN: J'aimerais mieux le mot "spéciales", que le mot "particulières" mais je préfère encore le mot "exceptionnelles".

M. BOURASSA: On va rassembler tout le monde avec "spéciales".

M. LAURIN : Ceci indique bien que c'est dans des circonstances véritablement majeures, qui tomberaient sous le sens des trois commissaires, auxquelles le sain entendement ne pourrait échapper. Ce n'est qu'à ces conditions-là qu'on consentirait des exceptions. Par ailleurs, M. le Président, j'appelle l'attention du député de Terrebonne et du premier ministre sur un autre aspect.

Si nous voulons ajouter "critères socioculturels ou socio-économiques", il s'agit de critères qu'il est extrêmement difficile d'évaluer pour ne pas dire quantifier alors que le critère qu'a retenu le gouvernement, et qui est à la base de son projet de loi, est mathématique. En plus, il a l'immense avantage de rallier, autour de lui, l'opinion de tous les spécialistes en la matière. Pour ces deux raisons, pour éviter ces deux dangers, le risque de dilution et, deuxièmement, le risque d'avoir beaucoup de difficultés à quantifier, à évaluer d'autres critères que ce critère mathématique, il me semble que le gouvernement devrait garder sa formulation première et garder "exceptionnelles".

En réalité, nous avions même l'intention de proposer un amendement afin de limiter d'une façon plus stricte, d'une façon plus précise le nombre éventuel de ces exceptions. Après une étude quand même assez fouillée de la carte du Québec, il nous a semblé, d'après les divers comtés que nous avons pu examiner, que le nombre de ces exceptions ne devrait en aucune façon dépasser cinq.

Car, si l'on dépassait trop ce chiffre, on mettrait en danger le principe même qui préside à la révision que le gouvernement tente d'effectuer avec le présent projet de loi. Nous ne proposerons pas notre amendement afin de limiter à cinq le nombre des exceptions, mais, en retour, il nous semble que le gouvernement devrait en rester à sa formulation première.

M. BOURASSA: Je ne sais pas si on ne pourrait pas faire l'unanimité avec un terme. Le député a dit que "spéciales" lui paraissait plus acceptable que "particulières" Je pense que cela ne change pas l'esprit de l'article, quand même.

M. LAURIN : En espérant que les commissaires lui donnent le même sens qu'à "exceptionnelles"

M. HARDY: Peut-être qu'avec ce qui a été dit on pourrait arriver à un consensus en acceptant le mot "spéciales" dans l'amendement du député de Maskinongé et en laissant tomber les vocables "socio-économiques et socio-culturelles".

UNE VOIX: D'accord.

M. HARDY: "Spéciales" au lieu de "exceptionnelles".

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Remarquez, M. le Président, on ne va pas s'instituer à nouveau en filibustier, mais je tenais énormément à mes expressions "socio-culturelles" et "socio-économiques" en raison de la démonstration fort brillante et fort savante que j'ai faite et fort longue, dira le ministre des Affaires culturelles. Mais, s'il n'y a pas moyen de convaincre le gouvernement, on va laisser cela à l'intelligence des commissaires qui, j'en suis sûr,

vont lire avec énormément d'attention mon long et brillant discours.

M. PAUL: C'est ça. Adopté, M. le Président.

M. LEGER: M. le Président, concernant cette motion, je dois me prononcer contre, parce que le mot "spéciales" veut tout simplement dire qu'il y aura une différence avec les autres, mais ce n'est pas une exception. Il peut y avoir la moitié des comtés qui auraient un traitement spécial. Tandis que le mot "exceptionnelles", cela veut dire que c'est une chose qui peut arriver très rarement, en ayant soin de dire: C'est par exception seulement qu'on peut le permettre. Je pense qu'il y a une différence fondamentale entre le mot "spéciales" et le mot "exceptionnelles". Pour une fois qu'on est tellement d'accord sur le projet présenté par le gouvernement, je pense qu'il devrait s'en tenir à sa formulation de "exceptionnelles", si on veut réellement atteindre le but qu'on poursuit avec cette réforme.

M. LOUBIER: M. le Président, si l'on évite les discussions, parce que vous savez, Quillet, Larousse, je n'ai pas encore tout feuilleté ça. Si l'on veut discuter, je trouve que la motion d'amendement proposée par le député de Maskinongé était bien fondée et très bien rédigée, sauf que, dans les circonstances, je me rallierais à l'opinion émise par celui qui m'a précédé et pour régler ça rapidement, liassons ça tel quel "exceptionnelles," ça va convenir.

M. PAUL: M. le Président, je retire ma motion avec le consentement...

M. HARDY: L'article 9 est adopté tel quel?

M. CHARRON: M. le Président, oui, je vais garder mon amendement pour après le...

M. LEVESQUE: Qu'on fasse rapport.

M. BLANK (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité n'a pas fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger à nouveau.

M. LAVOIE (président): Quand siègera-t-il? Même séance?

UNE VOIX: En vertu de quel article? M. LE PRESIDENT: Article 331. M. BLANK: Article 331.

Anniversaire du premier ministre

M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai l'honneur de présenter une motion de félicitations à l'endroit de l'honorable premier ministre qui célèbre à cet instant son trente-huitième — devrais-je le dire — anniversaire de naissance. Comme dans toutes les occasions, même où il pourrait se reposer, on le retrouve toujours au travail, et encore maintenant il aimerait probablement célébrer son anniversaire dans des circonstances un peu plus reposantes.

Bien détendu, cependant avec ce même esprit de travail qui le caractérise, avec tout le dynamisme qu'il possède, il continue allègre, avec cette jeunesse de 38 ans, à servir sa province. Il me fait plaisir, au nom de l'équipe ministérielle —je suis convaincu qu'on se joindra à moi tout de suite de l'autre côté — de lui souhaiter une excellente carrière, de lui formuler nos meilleurs voeux de bonne santé, de lui formuler tous les voeux appropriés particulièrement en cette fin de session. Il peut être assuré que les services immenses qu'il rend à la province sont appréciés, non seulement par ceux qui sont ici ce soir, mais par la population du Québec dans son ensemble.

Nous voulons donc, M. le Président, dire à notre premier ministre, sans flagornerie, combien nous l'estimons, parce qu'il est estimable. C'est un homme qui est connu maintenant plus que jamais, non seulement pour cet esprit de travail dont j'ai parlé, mais pour cette grande compréhension des problèmes humains et sa tolérance si remarquable.

Alors, je suis particulièrement fier du rôle que j'ai à jouer ce soir. Le vocabulaire que j'utilise n'est pas celui du député de Chicoutimi. Mais, tout de même, je suis convaincu qu'il essaie de traduire, le mieux possible, les sentiments qui nous animent tous, particulièrement de ce côté-ci de la Chambre où nous avons apprécié de travailler avec le premier ministre chaque jour, de suivre la direction qu'il imprime à son parti et en même temps à sa province.

Encore une fois, M. le premier ministre, tous les meilleurs voeux de l'équipe ministérielle, tous les meilleurs voeux de vos collaborateurs. Au nom du Conseil exécutif, au nom de nos collègues de l'Assemblée nationale, enfin — et je suis convaincu que nos bons amis de la tribune de la presse en seront heureux, même s'ils sont silencieux, s'ils ne peuvent s'exprimer comme ils aimeraient le faire, en cette occasion comme dans d'autres — nous tous ici, ce soir, nous nous associons pour rendre hommage au premier ministre et lui souhaiter un joyeux anniversaire de naissance.

M. LOUBIER: M. le Président, les caprices du destin sont absolument insondables mais parfois combien révélateurs. Le destin se charge de me donner toujours un peu d'avance sur le premier ministre. J'ai quelques mois de plus que lui. Deuxièmement, il est né sous le signe du Cancer alors que je suis né sous le signe de la Balance, Balance qui "balance" le Cancer, M. le Président.

Je voudrais m'associer d'une façon très spontanée et très sincère, en mon nom personnel et au nom de mon équipe, aux voeux qui

ont été formulés par le leader parlementaire du gouvernement.

M. le Président, je pense que vous me permettrez bien de faire une référence à l'horoscope de ce jour du premier ministre. Je lirai ceci: "Bonnes dispositions intellectuelles. Faites le point et prenez des résolutions constructives. Mais redoublez de prudence face à l'adversité — on s'est trompé, il fallait dire à l'adversaire — de même, si von sentiments sont en jeu. Suivez votre emploi du temps et ne brusquez rien. Tenez compte des critiques justifiées".

M. LEVESQUE: Est-ce authentique?

M. LOUBIER: C'est à la page 27 du Soleil, au bas de la page, évidemment.

M. le Président, pour nos frères les Français, le 14 juillet, c'est la prise de la Bastille. Pour le premier ministre ou pour les Québécois, pour plusieurs générations, le 14 juillet, ce sera la prise de la baie James.

Mais, pour tous les Québécois contemporains et plus particulièrement pour tous les membres de cette Chambre, le 14 juillet, c'est l'anniversaire du premier ministre actuel. Je redis ma sincérité dans les sentiments et les voeux de bonheur, de santé et de succès que j'exprime au premier ministre. Tout le monde sait quelle est la complexité, la difficulté de sa lourde tâche, surtout dans un Québec qui est assailli de défis sur le plan social, sur le plan économique et sur le plan constitutionnel. Notre considération et notre respect sont acquis au premier ministre.

Je voudrais que mes voeux rejoignent très délicatement madame Bourassa et les enfants qui auront, évidemment, à se priver, peut-être demain, de la présence d'un mari et d'un père. A ce moment-ci, vous me permettrez, avec une pointe d'ironie, de dire à madame Bourassa, à travers les débats ou les épreuves de la Chambre, épreuves dans tous les sens du mot, que ce sera la faute de l'aumônier du premier ministre s'il est retenu en Chambre, "l'abbé James".

M. SAMSON: M. le Président, nous nous associons également à tous ces bons voeux qu'a reçus le premier ministre en ce jour de son 38e anniversaire de naissance.

Je n'oserai pas lui demander: Comment vous sentez-vous en ce jour de votre 38e anniversaire de naissance? J'aurais peur qu'il me réponde 50/50.

M. BERTRAND: Des bonnes mesures.

M. SAMSON: Le premier ministre fête ses 38 ans en un jour mémorable qui est celui de la prise de la Bastille. C'est peut-être à coups de 38 que nous avons assisté, ce soir, à une tentative moderne de la prise de la Bastille. Cette tentative n'a pas réussi grâce à l'arrivée de renforts et de canonniers d'expérience.

Croyant qu'il pourrait être utile au premier ministre d'être mieux armé afin de faire face à de futurs assauts contre sa Bastille, nous souhaitons qu'il reçoive en cadeau un canon de circonstance qu'il voudra sûrement utiliser à l'avenir.

Ceci dit, M. le Président, nous offrons nos meilleurs voeux de bon anniversaire à notre premier ministre actuel, et qu'il conserve sa santé, afin d'être bien certain de pouvoir dans l'avenir occuper le plus efficacement possible, son futur poste de chef d'Opposition.

M. LAURIN: M. le Président, c'est toujours...

M. CHARRON: On ne fera pas de "filibuster".

M. LAURIN: ... le meilleur moment, que celui où les armes parlementaires se taisent, où le silence s'établit, où le coeur reprend ses droits que souvent la raison ignore. Nous avons bien failli ne pas avoir avec nous le premier ministre lors de ce 14 juillet. Si mes informations sont exactes, il devrait être en ce moment à la baie James, alors qu'aujourd'hui, (on l'a comparé à Moïse) il est réduit à considérer ce Parlement comme le mont Nébo d'où il ne fait qu'entrevoir sa terre promise.

Mais nous espérons qu'il s'y plongera bientôt avec délices. Cette année, évidemment, le premier ministre a peiné sous le harnais. Même si nous faisons mine de ne pas nous en apercevoir, nous en sommes toujours très conscients. Si nous combattons parfois rudement le chef de parti, nous assurons toutefois le chef du gouvernement qu'il peut compter sur notre amitié et notre affection profonde.

M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais remercier très sincèrement le chef de l'Opposition, le chef du Ralliement créditiste, le chef du Parti québécois, de même que le leader parlementaire, pour les paroles extrêmement élogieu-ses et réconfortantes qu'ils ont eues à mon endroit.

On s'aperçoit que, même au milieu des débats les plus rudes, ou du moins sans être rudes, les plus serrés, nous pouvons trouver ensemble des moments de détente. J'ai donc fort apprécié toutes les remarques, de même que les souhaits qui ont été exprimés, particulièrement celui du chef de l'Opposition, sur la prise de la baie James au cours du 14 juillet, c'est-à-dire au cours de la prochaine journée.

M. LEVESQUE: De la présente journée. M. BOURASSA: De la présente journée.

M. LOUBIER: Je suis encore en avance sur vous.

M. BOURASSA: J'ai donc retenu ce souhait du chef de l'Opposition. Pour mettre fin rapidement à ce débat, je me permets de demander l'ajournement selon l'article 331.

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire de l'Opposition officielle m'avait donné un préavis à l'effet qu'il désirait remettre, d'une manière particulière et personnelle à l'honorable premier ministre, à l'occasion de son anniversaire, un présent qu'il m'a dit tout à fait approprié. Je serais enclin à lui demander de lui remettre immédiatement...

M. PAUL : M. le premier ministre, je vous demanderais d'ouvrir ce cadeau et de me le remettre pour que j'y lise une note fort intéressante à l'intérieur.

Je dis à Votre Majesté que la procédure est un art qui consiste à ne contester que pour reconnaître ses torts, mais si l'on veut s'en prévaloir aux fins de régner sur les hommes encore faut-il très bien savoir les règles qui ne sont point bonnes. Boileau à Louis XIV, le 14 juillet 1971. Poème de Jean-Noël Tremblay, député de Chicoutimi. Signé: Gabriel Loubier, Jean-Jacques Bertrand, Rémi Paul, Gérard Lé-vesque, Bernard Dumont, Camille Samson, Camille Laurin, Robert Burns, Jean-Noël Lavoie, président.

M. LACROIX: Article 331...

M. BOURASSA: M. le Président, le leader parlementaire peut être assuré que j'apprécie hautement ce cadeau, aujourd'hui.

M. LEVESQUE: Suspension de dix minutes.

M. LE PRESIDENT: Suspension de quinze minutes.

M. LEVESQUE : Oui, quinze minutes.

M. CHARRON: Est-ce qu'on peut le débattre?

M. LE PRESIDENT: Consentement unanime.

Motion pour inscription au journal des Débats

M. LAVOIE (président): Avant de retourner en comité, pendant que la Chambre siégeait en comité plénier, tout à l'heure, l'honorable député de Montcalm s'est levé pour intervenir dans le débat et il a demandé la permission de la Chambre pour déposer son texte afin qu'il soit inscrit au journal des Débats in extenso. Cela a été agréé, à ce moment-là, mais, pour le journal des Débats, je préférerais qu'il y ait consentement unanime de la Chambre, que ce soit ratifié par la Chambre.

M. SAMSON: Nous sommes toujours unanimes, presque.

Projet de loi no 80 (suite) Comité plénier

M. BLANK (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs!

M. HARDY: Article 9, adopté?

M. CHARRON: Le député de Terrebonne ne peut pas faire semblant qu'il ne sait pas qu'on a un amendement à présenter à l'article 9.

M. HARDY: Un amendement à l'article 9? Hum!

M. CHARRON: Oui.

M. SAMSON: Vous avez notre consentement unanime pour que ce soit inscrit au journal des Débats.

M. CHARRON: Elle est bonne, celle-là! M. le Président, vous qui avez suivi les travaux de la commission, vous savez très bien que la réforme électorale est un sujet qui nous a préoccupés au plus haut point depuis les résultats de 1966 qui avaient fait que le gouvernement majoritaire dans la population était effectivement dans l'Opposition. Les résultats de 1970, je n'ai pas besoin de vous le rappeler, n'ont fait que confirmer notre intention de réforme électorale.

Mais ça nous préoccupe tellement qu'on en rêve. Comme le premier ministre probablement — il faut être gentil avec lui aujourd'hui, pour 24 heures — quand on se couche le soir et qu'on est préoccupé par le sort du Québec, il y a toujours un sujet particulier auquel on pense soit la baie James, soit autre chose.

Or, il est arrivé dernièrement que c'était à la réforme électorale. Si vous me le permettez, pour expliquer l'amendement que je vais vous proposer et qui découle de ce rêve-là, je vais vous en faire part. J'ai rêvé, à un moment, qu'il y avait une réunion du cabinet et que le premier ministre, responsable de cette matière, comme il est d'ailleurs le parrain de la loi, suggérait à ses collègues qu'il fallait véritablement faire quelque chose, parce que l'Opposition commençait à mettre en doute la réforme électorale qui avait été annoncée le soir même du 29 avril. Comme plusieurs se plaignaient des lenteurs des travaux de la commission, il disait au cabinet: II faut véritablement se brancher le plus rapidement possible.

Or, il est arrivé qu'on en discutât et qu'on s'entendit sur une réforme de la carte. Selon des sondages ou, enfin, des études faites, on disait que même le Parti libéral pouvait y gagner. Donc, cela a fait très rapidement l'accord du cabinet. Mais, sur le mode de scrutin, on ne voulait rien savoir. Comme nous l'a dit à la commission le président de la commission politique du Parti libéral, on avait une peur terrible du mode de scrutin proportionnel, mais on savait, quand même, avec le flair qu'a le premier ministre de l'opinion publique, que cette idée avait fait du chemin, qu'au moins 24 p.c. de la population étaient d'accord sur cette idée-là et que ça s'étendait graduellement.

Le nouveau chef de l'Union Nationale, à une émission sur les ondes de Télémedia, à Montréal, avait déclaré qu'il regardait d'un oeil

favorable le scrutin proportionnel. Il fallait donc que le cabinet prenne une décision et c'est alors qu'intervint ce truc qui s'appelle aujourd'hui le projet de loi 80. On fait la réforme des districts électoraux, mais sans dire qu'on ne fait pas ou qu'on fait la réforme du mode de scrutin.

M. le Président, Machiavel n'aurait pas pensé mieux, et j'en rends hommage au premier ministre. Je suis convaincu que ça vient de lui, cette brillante idée. A ceux qui disent: Vous ne faites pas la réforme du mode de scrutin, il dit : Mais non, la loi 80 dit simplement que la première étape, ce sont les districts électoraux. Le mode de scrutin, ça peut intervenir dans quelques mois. Ainsi, il désamorce très habilement une bombe qui aurait pu intervenir à ce moment-ci, lorsqu'il nous aurait annoncé abruptement que le cabinet avait décidé de ne pas changer le mode de scrutin.

Le suspense sur la réforme électorale persiste et lorsque, dans six mois, il nous annoncera que le cabinet a décidé de ne pas changer le mode de scrutin, décision qui, dans mon rêve, était déjà prise...

M. HARDY: C'est toujours un rêve.

M. CHARRON: ...alors, à ceux qui se soulèveront — et il y aura vraisemblablement sept députés qui se soulèveront là-dessus — il pourra dire: Oui, mais la réforme électorale est engagée depuis un bon bout de temps, depuis que le projet de loi 80 existe. C'était politiquement très habile. Je me permets de croire que nous n'assisterons pas à un changement du mode de scrutin et je me permets de penser, à la suite de mon rêve, que la décision est déjà prise. Mais il faut être bon prince, le 14 juillet, et se fier aux annonces répétées du premier ministre, dans son discours de deuxième lecture, que la décision est encore à venir.

Capitalisant là-dessus, à la fin de mon rêve, j'ai pensé à un amendement, et c'est pourquoi je propose, appuyé par le député de Lafontaine, de remplacer le premier alinéa de l'article 9 par le suivant: La commission doit préparer son rapport en partant de l'hypothèse qu'il y aura soit 80, soit 110 districts électoraux sous réserve de l'addition, s'il y a lieu, d'au plus cinq districts électoraux pour donner suite aux dispositions du troisième alinéa de ce même article. Chacun des districts électoraux devra comprendre sensiblement le même nombre de personnes. Toutefois, chaque fois qu'elle l'estime nécessaire en raison de la densité de la population, la commission peut admettre des districts électoraux dont le nombre de personnes est supérieur ou inférieur d'au plus 25 p.c. du nombre moyen de personnes obtenues en divisant par 80 ou 110, selon le cas, la population du Québec lors du dernier recensement disponible.

Cet amendement a pour conséquence que cela entre pleinement dans la stratégie préparée par le premier ministre. Cela laisse le suspense ouvert. Là où il y a faille actuellement, là où on peut douter du suspense et croire que mon rêve est réalisé, M. le Président, c'est quand on confirme un seul mandat à la commission et que, donc, cette commission-là pourrait travailler pendant huit mois, six mois et, en décembre, le gouvernement interviendrait, le cabinet, si la décision n'est pas encore prise, pourrait dire: C'est le mode scrutin proportionnel allemand que nous appliquons au Québec, donc le nombre de comtés est porté à 80 et il y aura 30 députés élus selon un mode à déterminer. Alors, la commission dont nous avons accepté la création, en principe, aurait travaillé pour rien. Ses membres se seraient "désâmés", sur le quotient qui leur est proposé de 32,000 électeurs, à bâtir une carte dans le système actuel, et on leur demanderait, tout à coup, cela avec remise du mandat le 1er mars, ce qui ne leur donnerait que quelques mois, de chambarder complètement leurs travaux parce que désormais il faut baisser à 80.

Alors, si on veut garder le suspense que le cabinet a décidé d'entretenir et de ne pas révéler tout de suite sa décision, il faut que la commission soit, d'une certaine façon, complice du suspense. C'est pourquoi il faut demander à la commission de préparer celle qui sera vraisemblablement appliquée, la carte de 110 députés, tout le monde le sait, la décision est déjà prise. Mais pour laisser croire à la population que la décision n'est pas déjà prise, il faut lui permettre de développer une carte de 80 comtés avec un nouveau quotient, toujours en respectant le troisième alinéa de l'article 9. C'est pourquoi nous proposons cet amendement pour être sûrs que la décision, quant au mode de scrutin, n'interférera pas, de façon grave, dans les travaux de la commission et que, de part et d'autre, la liberté de choix... Cela pourrait même aider le cabinet à prendre sa décision si elle n'est pas prise, parce que là on saura de quoi cela a l'air à 80, et à quoi cela répond quand on a 110 comtés.

C'est pourquoi en toute déférence, puisque le mode de scrutin n'est pas encore choisi, nous sommes tout à fait logiques de demander à la commission de préparer deux cartes, donc notre amendement devrait être accepté.

M. HARDY: M. le Président, j'ai l'impression que le rêve qu'a fait le député de Saint-Jacques a été fait au cours d'une nuit après qu'il eut lu un chapitre ou deux du Prince de Machiavel.

M. CHARRON: J'ai lu "Bourassa - Québec".

M. HARDY: Je suis convaincu que son rêve n'a aucune relation avec la réalité puisque, contrairement à ce que vient d'affirmer le' député de Saint-Jacques, il n'y a, de notre côté, aucune décision de prise, en tout cas en ce qui me concerne, quant à la possibilité de modifier le mode de scrutin.

C'est justement parce qu'il n'y a aucune décision de prise qu'il ne faut pas, dans la loi que nous adoptons à l'heure actuelle, le bill 80, poser quelque geste que ce soit qui pourrait laisser croire que nous sommes ou en faveur du mode actuel ou en faveur d'un autre mode ou contre. H ne faut pas, en d'autres termes, que la loi 80 ou les travaux qui seront effectués par la commission indépendante préjugent de la décision qui pourrait être prise par le comité dont a parlé le premier ministre, comité qui aura pour mandat d'étudier en profondeur la possibilité d'introduire des modifications au mode de scrutin actuel.

D'ailleurs, le député lui-même démontre, en nous donnant cette alternative de 80 ou 110, qu'eux aussi ne sont pas tout à fait fixés. Quand il nous parle de 110, il nous laisse entendre qu'il y aurait possibilité qu'il n'y ait pas de modification.

De toute façon, M. le Président, je pense, encore une fois — ici je reviens à ce que j'ai déjà dit au cours du débat — que, même dans l'hypothèse où on introduirait un élément de proportionnelle, par exemple, pour un certain nombre de sièges, il y a quand même des impératifs qui demeurent, à savoir une certaine grandeur pour un comté, si on veut qu'un député puisse bien représenter son comté. Cela demeure. Quand on arrive à 32,000 électeurs, c'est qu'encore une fois nous considérons que c'est la grandeur moyenne pour un comté. Même si nous avions un élément de proportionnelle, cette exigence demeurerait.

Je pense, quant à moi, que la solution, si on devait modifier le mode de scrutin, serait d'augmenter d'un certain nombre de sièges la députation.

M. CHARRON: Le député de Terrebonne me permet-il une question? Se rend-il compte des conséquences? L'article 9 créera, comme le disait le député de Bourget, à peu près 110 comtés.

M. HARDY: Oui.

M. CHARRON: Si jamais le cabinet se branchait pour la proportionnelle allemande où un tiers des députés seraient élus, à la proportionnelle — un tiers de 110, c'est 35 — cela porterait le nombre de députés, donc, à 145.

M. HARDY: II y a cette possibilité d'augmenter le nombre. Il y a aussi une autre possibilité, puisque la commission remettra son rapport à la Chambre, au moment où la Chambre adoptera la loi de la division territoriale. A ce moment-là, le mode de scrutin sera changé, on pourra quand même réduire; à partir du rapport présenté par la commission, il y aura possibilité de faire certains recoupages et de diminuer le nombre de comtés qui aura été fixé par le rapport. Alors, en augmentant le nombre de sièges et en diminuant le nombre de circonscriptions à partir du rapport de la commission, on pourra, à ce moment-là, faire une synthèse des deux. Mais je ne pense pas qu'il serait souhaitable de demander à la commission indépendante de faire deux cartes. Ce serait peut-être un travail inutile. D'autant plus qu'encore une fois le rapport, c'est la Chambre, c'est le Parlement qui en demeure le maître absolu, celui qui aura le dernier mot. Quand le Parlement étudiera le rapport, quand le Parlement ou l'Exécutif préparera la loi, si le comité spécial mandaté pour étudier la question des modes de scrutin recommande que l'on introduise une modification au mode de scrutin, on pourra tenir compte de cet élément dans la préparation de la loi de la division territoriale.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne crois pas nécessaire, pour ma part, qu'on retienne l'amendement proposé par le député de Saint-Jacques. Les préoccupations qu'il a exprimées au sujet du mode de scrutin, nous les partageons tous et nous nous sommes déjà penchés sur ce problème. Nous n'avons toutefois pas le droit de préjuger de l'avis de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale qui aura à examiner de façon précise ce sujet avec les experts et, pour l'instant, nous confions un mandat à une commission qui est nommée à des fins spécifiques, soit préparer le réaménagement de la carte électorale.

Déjà on lui a quand même dicté, si je puis m'exprimer ainsi, une ligne de conduite. On lui a imposé certains critères auxquels elle doit s'en tenir et il ne faut pas oublier une chose, c'est que le mandat de la commission est de préparer le réaménagement de la carte électorale.

Par ailleurs, cette commission doit déposer un rapport. Ce rapport sera examiné par les parlementaires en temps utile et la commission est permanente de sorte qu'au moment où le gouvernement prendra une décision en ce qui concerne le mode de scrutin, la commission qui est permanente pourra très rapidement réajuster la carte électorale, pourra revoir le réaménagement et, en somme, rétablir ses délimitations en fonction des exigences d'un mode de scrutin qui pourra être le mode de scrutin proportionnel ou tout autre mode de scrutin.

Mais, il ne faut pas demander à la commission de faire deux choses en même temps, de penser à une redistribution des districts électoraux selon les normes qui sont indiquées dans le projet de loi et de se préoccuper du mode de scrutin. La commission qui va faire la carte électorale va la faire en fonction des critères qu'on lui a déterminés, critères qui, selon moi, ne sont pas suffisants, mais enfin! Quand elle aura présenté son rapport, nous allons l'examiner; elle pourra présenter d'autres rapports si entre-temps le gouvernement exprime son intention de changer de mode de scrutin, comme cette commission est permanente, il n'y aura aucun délai en l'occurence, elle n'aura aucune difficulté à réajuster son tir, si je puis dire, et à

réaménager à nouveau la carte électorale en fonction des principes qui sous-tendront le mode de scrutin que l'Assemblée nationale aura décidé d'accepter.

Par conséquent, je ne vois pas, à ce moment-ci, la nécessité d'accepter l'amendement proposé par le député de Saint-Jacques.

M. LEGER: M. le Président, j'appuie la motion du député de Saint-Jacques pour plusieurs raisons, dont la suivante: c'est que le chiffre magique dont faisait mention le député de Terrebonne, 32,000 électeurs comme moyenne, comment est-il survenu? Il est survenu tout simplement en divisant le nombre d'électeurs actuels par à peu près le nombre de comtés que nous avons actuellement. Pour établir que la moyenne de 32,000 était la base avec un surplus de 25 p.c, en plus ou en moins, on s'est basé sur les chiffres que nous avons actuellement. Ces chiffres-là sont assez bien si l'on considère que c'est à peu près la moyenne au Canada. Je pense qu'il y a environ 10 millions à 11 millions d'électeurs au Canada pour 265 députés. C'est à peu près la même moyenne. Maintenant, si on veut garder à peu près le nombre de députés...

M. HARDY: Le député me permet-il une question?

M. LEGER: Oui.

M. HARDY: Ne reconnaît-il pas que le propre document déposé par son parti à la commission parlementaire suggérait justement cette moyenne de 32,000 électeurs par comté?

M. LEGER: Si le député a bien écouté, je n'ai pas dit que le chiffre n'était pas bon, j'ai dit... une augmentation sur les 32,000...

M. HARDY: Alors, vous êtes d'accord avec le chiffre magique.

M. LEGER: ... pour dire qu'il ne pouvait pas se permettre de changement.

Alors, moi, je veux dire que le nombre de députés devrait suivre la moyenne de députés à travers le Canada pour que, sur tant d'électeurs dans une province ou dans un pays, la proportion soit la même; 108 ou 110, c'est à peu près la même proportion de députés qui conviendrait d'après les normes du reste du pays.

C'est donc dire que, si on a, plus tard, à déterminer qu'il faut accepter un mode de scrutin proportionnel, on ne peut pas, par la suite, dire: On va rajouter des députés aux 108 ou aux 110, parce qu'on dépasserait la norme de 108, 110 pour le nombre d'électeurs qu'on a au Québec.

M. HARDY: Ce n'est pas logique, ça.

M. LEGER: Si on a à adopter plus tard, par hypothèse, la proportionnelle, il faut, je crois, y penser tout de suite, et pour plusieurs raisons. Entre autres, nous nommons une commission indépendante qui va s'occuper de faire un travail de recherche technique, de recherche scientifique, sans aucune préoccupation partisane, sans aucune influence politique, pour les meilleurs intérêts du Québec.

En partant de l'argumentation qu'on veut rester autour de 108 ou 110 députés dans la province de Québec, pour quelles raisons ne pas préparer immédiatement une deuxième hypothèse qui amènerait 80 députés dans 80 circonscriptions, avec une possibilité de correction ou de proportionnelle d'environ 30 députés qui nous ramènerait encore à la norme de 110 députés dans la province?

M. le Président, cette commission, ça ne lui coûtera pas un sou de plus quelle fasse deux présentations: une de 80 députés et une de 110, parce qu'elle aura en main les mêmes données socio-économiques, socio-culturelles, géographiques et ethniques.

M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question? Même dans l'hypothèse où vous ajoutez la proportionnelle, est-ce que vous avez songé à la sorte de comté que vous auriez si vous réduisiez ça à 80 circonscriptions? Si le territoire du Québec est divisé en 80 circonscriptions, les députés de certains comtés vont avoir une partie de province comme comté.

M. LEGER: M. le Président, le député doit, quand même, admettre que les circonscriptions fédérales du Québec sont au nombre de 74.

M. HARDY: Les problèmes ne sont pas les mêmes.

M. LEGER: Les problèmes ne sont pas les mêmes, mais les façons de les résoudre au Québec peuvent peut-être trouver des solutions différentes. Autrement dit, le rôle d'un député au provincial n'est certainement pas le même que le rôle d'un député au fédéral, mais, si on suit la logique de ce que j'ai dit tantôt en répondant à la proposition d'amendement du député de Rouyn-Noranda, il faut de plus en plus définir quel devra être dans l'avenir le rôle d'un député, et à ce moment-là, donner au député d'une circonscription — peut-être plus vaste parce qu'il y en aurait 74 ou 80 — des services et des outils pour remplir son rôle d'une façon efficace, mais peut-être différente de ce qu'elle est actuellement.

Le député de Rouyn-Noranda donnait comme argument premier qu'il était obligé de faire du bureau parce qu'il avait un grand comté urbain et que la population allait le voir régulièrement. Il faut admettre une chose, c'est que, de la façon qu'on siège actuellement, huit à neuf mois par année à Québec, les députés ne me feront pas croire qu'ils sont dans leur comté

pour faire ce travail-là, sauf durant trois mois ou durant les fins de semaine, parce que, depuis quelque temps, on siège presque cinq jours et six jours par semaine.

Si un député désire rencontrer personnellement chacun de ses électeurs, est-ce que ça n'est pas, dans le fond, beaucoup plus dans le but de se faire connaître personnellement de ses citoyens, pour dire: Regardez, je m'occupe de vous autres, votez pour moi? Est-ce que c'est la conception qu'on devrait avoir, plus tard, de l'électoralisme au point de vue de son comté? On devrait voir bien plus un député se faire élire parce qu'il aura résolu les problèmes de son comté, les problèmes collectifs et qu'il aura probablement résolu des problèmes individuels, parce qu'il aura à son service des secrétariats et du personnel qui s'occuperont de rencontrer les gens de son comté pendant que, lui, est neuf mois par année à Québec.

Alors, on ne me fera pas croire que, pendant qu'un député est neuf mois à Québec, il peut voir les gens de son comté tous les jours de la semaine. Moi, personnellement, M. le Président, tant qu'on n'a pas siégé le lundi, je les voyais le lundi. J'en voyais, dans un comté de Montréal, une cinquantaine par jour le lundi et j'étais à mon bureau de neuf heures du matin à minuit.

C'est donc dire que je ne pouvais rien faire d'autre le reste de la semaine. On ne me fera pas croire que les députés ruraux n'ont pas à être à Québec au moins huit à neuf mois par année, comme le font les députés urbains. C'est sûr que les problèmes ne sont pas les mêmes, mais il faut donner des outils différents au comté urbain et au comté rural.

Pour revenir à mon argumentation, je pense que cette commission — qui étudie présentement ou qui va étudier — aura devant elle les données qu'il faut pour faire les deux choix. Elle n'aura pas à reprendre ce travail-là par la suite, ce sera un travail tout prêt. Il faut se rappeler aussi ce que le président des élections disait: Si on n'a pas un projet précis de réforme avant décembre 1972, on ne pourra rien corriger avant la prochaine élection. C'est donc dire qu'en mars 1972, quand le comité va présenter à l'Assemblée nationale son rapport, il faudra, à ce moment précis, des choix facilement identifiables pour nous permettre d'établir, devant ces choix, des décisions qui ne pourront pas être limitatives parce que l'on n'aurait, selon le plan actuel du projet de loi, qu'une possibilité.

C'est la raison pour laquelle je dis que ça ne coûte pas plus cher; les commissaires vont faire le même travail, ils vont travailler sur les mêmes données. Ils peuvent arriver à deux conclusions différentes, 80 ou 110 comtés. La commission parlementaire pourra déterminer, ayant ces deux projets devant elle, si l'on prend un projet correctionnel ou un projet de proportionnelle. Nous aurons devant nous un document de travail immédiatement identifiable et nous pourrons, à ce moment-là, sans perte de temps, faire un choix. D'ici ce temps-là, rien n'empê- che que la commission parlementaire qui s'occupe de la réforme électorale continue à siéger pour discuter des modes de scrutin, proportionnel ou autre, afin d'en arriver, en mars 1972, à des commencements de solution que nous pourrons comparer avec le résultat des deux rapports qui nous seront soumis par des personnes qui ne perdront pas de temps puisque, si elles ont à rencontrer des personnes dans les comtés de la province, si elles ont à travailler à des documents, elles auront devant elles les données pour présenter ces deux documents.

De toute façon, je pense que cette proposition est réaliste et qu'elle ne préjuge en rien des décisions qui seront prises en mars 1972. Cela ne fait que nous donner les outils, les éléments nécessaires afin de prendre une décision précise en mars parce que nous aurons devant nous ce qu'il faut pour décider dans les deux cas.

M. SAMSON: M. le Président, quant à nous, nous ne souscrirons pas à cet amendement pour la bonne et simple raison, que j'ai mentionnée dans mon allocution précédente, que je me croirais hors d'ordre de discuter de questions autres que celle des districts électoraux.

Cet amendement nous amène à discuter de la question du mode de scrutin et nous amène beaucoup plus loin que la question des districts électoraux. Si nous l'acceptions, ce serait changer le principe même du bill, chose que nous ne pouvons faire à ce stade-ci de nos discussions, étant donné que le débat de deuxième lecture est terminé et que nous avons eu l'occasion de voter sur le principe inscrit dans le bill 80.

Je voudrais aussi rassurer l'honorable député qui vient de parler au sujet du travail des députés ruraux ou ceux des comtés mixtes, parce qu'il y a, dans certains comtés, des villes et des sections rurales. Ces députés, pour rassurer le député d'une région urbaine, sont au service des électeurs. Nous n'avons pas besoin d'offrir de services, on nous en demande. Nous nous devons d'être à la disposition de nos électeurs. Si nous sommes à leur disposition comme on le fait, c'est parce que nous croyons que c'est le rôle du député.

Nous ne sommes pas là pour imposer à la population le rôle du député. La population qui vote pour un député sait parfaitement ce qu'elle s'attend d'avoir. Ce qu'on nous demande, nous sommes là pour y répondre.

Quant au fait de dire que nous donnons peut-être ces services pour nous attirer les faveurs des électeurs lors des prochaines élections, dans mon cas, je suis parfaitement à l'aise pour en parler, je n'ai jamais eu besoin de faire cela pour me faire élire, d'autant plus que, dans mon comté, tous mes adversaires ont perdu leur dépôt et celui du Parti québécois inclusivement. Et ils vont le perdre encore dans l'avenir beaucoup plus que la dernière fois. Je n'ai même pas besoin de faire de bureau pour leur faire perdre leur dépôt. Ils n'auront même pas besoin de présenter un homme, ils n'en trouve-

ront même pas aux prochaines élections. Alors qu'ils ne se cassent pas la tête, on va continuer à faire notre devoir, quoi qu'en pensent les honorables députés du Parti québécois qui ne représentent pas des sections comme les nôtres. Ils sont confinés à l'est de la ville de Montréal pour un maximum d'encore trois ans.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Je veux rétablir les faits. Je n'ai jamais dit que je trouvais que les députés du Ralliement créditiste ne faisaient pas leur devoir dans leur comté. Je suis convaincu qu'ils le font et je les admire pour cela. Mais je veux simplement rappeler que j'ai dit que l'argument qu'il essayait de faire valoir semblait déterminer que les députés urbains ne pouvaient pas faire la même chose chez eux. Alors c'est la seule nuance que j'ai faite et je suis tout simplement convaincu qu'ils travaillent très fort dans leur comté et je les approuve pour ça.

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement pour le remercier d'avoir accepté de rétablir les faits.

M. LE PRESIDENT: L'amendement rejeté sur division.

M. HARDY: Alors l'amendement du député de Saint-Jacques est rejeté sur division.

M. LE PRESIDENT: L'amendement du député de Saint-Jacques est accepté sur division...

M. LEGER: Notre amendement est accepté sur division?

M. HARDY: Non, votre amendement est rejeté sur division.

M. LEGER: Ah bon! Merci. Attention parce que ce qui est écrit là, ça compte.

M. LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté sur division et l'article 9 est adopté tel qu'amendé. Article 10?

M. PICARD: M. le Président, excusez-moi, mais avant d'adopter l'article 9, je voudrais dire que je ne peux pas comprendre qu'on ait utilisé, à l'article 9, le critère électeur au lieu du critère population. Je vais vous dire pourquoi. Lorsqu'on utilise le critère...

M. HARDY : Est-ce que le député me permet une question? Est-ce qu'il est au courant de l'amendement que nous avons présenté?

M. PICARD: Absolument, j'ai entendu l'amendement. Cela n'affecte en rien le fait qu'on utilise...

M. PAUL : Limité dans le parti. Limité dans le parti.

M. PICARD: J'aimerais attirer l'attention du député de Maskinongé sur le fait que je suis aussi un député de la ville de Montréal, qui est la municipalité du Québec qui a eu le plus à souffrir des injustices de la division des circonscriptions électorales de la province de Québec depuis les derniers cent ans.

M. PAUL: Je vous offre mes sympathies.

M. PICARD: On entend toujours parler des comtés ruraux, mais des comtés urbains, on n'en entend pas parler. Alors, voici ce qui arrive, M. le Président, si on utilise le critère électeur. La loi ne le dit pas. Ce n'est pas mentionné ici, mais transposons ce texte de loi sur le plan pratique, cela veut dire qu'aux prochaines élections, en 1974, c'est une hypothèse, parce que cela peut être 1975...

M. PAUL: Non, 1973.

M. PICARD: ... on devra utiliser les listes électorales établies en 1970. Nous n'avons pas d'autres méthodes que nous pourrions utiliser. Nous sommes tenus d'utiliser, lors d'une élection générale, des listes électorales qui datent déjà de quatre ans. Présentement, c'est la seule façon de procéder. On ne peut pas utiliser une liste électorale, sinon en passant par l'énuméra-tion et la révision de la liste électorale, et on utilise toujours des chiffres vieux de quatre ans. Alors si on utilisait le critère population, on pourrait utiliser des chiffres beaucoup plus récents à l'occasion d'une élection générale. Et la raison pour laquelle je m'oppose au critère électeur, je veux juste donner une petite idée de l'évolution qu'il peut y avoir dans certains comtés de la province et plus particulièrement dans l'île de Montréal.

Prenez, par exemple, le comté de Marguerite-Bourgeoys qui a vu le nombre d'électeurs dans ce comté augmenter, entre 1966 et 1970, de 30.52 p.c. Ce n'est pas une augmentation de 2 p.c. ou 3 p.c. C'est 30.52 p.c. d'augmentation du nombre d'électeurs dans quatre ans. On a vu, dans le comté de Bourassa, le nombre d'électeurs augmenter de 29.87 p.c. C'est donc dire que, si on utilise sciemment, tel que rédigé ici dans le texte de loi, le critère électeur, on aura, en 1974, des listes électorales complètement faussées.

Alors, M. le Président, à moins qu'on n'arrive, au cours de l'étude de la Loi électorale plus tard, avec les listes électorales permanentes, je pense qu'on devrait songer sérieusement à changer le critère électeur pour utiliser le critère population. Si, toutefois, M. le Président —j'en profite pendant que je suis debout — on décidait de le maintenir, il faudrait, il me semble, au moins mentionner ce qui arrivera dans l'éventualité d'une élection partielle dans un comté donné.

Je transpose un texte de loi sur le plan pratique. Disons qu'il y a une élection partielle

en 1972, dans un comté de la province, est-ce qu'on va utiliser les listes électorales de 1970, qui était la dernière élection générale, ou si on va étudier les listes électorales compilées à la suite de l'énumération à l'occasion d'élections partielles? On ne dit absolument rien de ça, M. le Président.

Maintenant, au même article no 9, j'aimerais attirer l'attention des membres du comité sur une suggestion que j'avais faite lors de l'étude de la réforme électorale en commission. Cette suggestion avait semblé faire le consensus parmi les membres de la commission, à savoir qu'on devrait, lorsqu'on découpera la carte électorale, respecter les limites des régions administratives du Québec.

Il y a, au Québec, dix régions administratives qui ont été établies, en 1965, sur une base scientifique par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Je pense qu'on devrait respecter ces limites des régions administratives de façon qu'aucun comté ne voit ses frontières chevaucher les limites des régions administratives. Et cela, c'est tout à l'avantage des comtés ruraux, eux qui préconisent la décentralisation administrative. Cette décentralisation administrative est pratiquée maintenant par le ministère de l'Industrie et du Commerce et par le ministère des Affaires municipales. J'ai eu l'affirmation, l'autre jour, du ministre des Affaires municipales à l'effet que les nouvelles limites des communautés régionales respecteraient les régions administratives établies par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Le ministère des Affaires sociales respecte ces régions administratives. Si on veut réellement avoir la décentralisation administrative dans le gouvernement de la province de Québec, il faudrait, il me semble, avoir des comtés qui ne chevauchent pas sur deux ou trois régions administratives différentes.

Alors, voici les trois points que je voulais soulever: la question du critère électeur au lieu de population; la question de définir dans le texte de loi quelle liste d'électeurs on utilisera à l'occasion d'une élection partielle — il n'y a rien de prévu ici; on aura un petit problème, tout à l'heure, s'il y a une élection partielle quelque part dans la province avant les élections générales — et, troisièmement, la question de respecter les limites des régions administratives. Je pense qu'on devrait y songer sérieusement avant de rejeter cette suggestion.

M. HARDY: M. le Président, le dernier point évoqué par le député d'Olier, la question des élections partielles, je ne pense pas que ça pose de difficultés majeures puisque, si une élection partielle est déclenchée alors qu'il n'y a pas eu de modification à la Loi de la division territoriale, c'est la loi antérieure qui s'applique. Il n'y a pas de problème.

M. VINCENT: En aucun temps d'ici les prochaines élections générales, pour toute élection partielle, même si elle avait lieu seulement en 1974?

M. HARDY: Aussi longtemps que la Loi de la division territoriale est ce qu'elle est, on fonctionne avec celle qui est en vigueur.

M. VINCENT: Mais, M. le Président, advenant que la loi soit votée?

M. HARDY: La Loi de la division territoriale? Cela dépendra de la loi. Si la loi ne prend effet qu'à compter d'élections générales.

M. VINCENT: Je pense que c'est un point qu'on devrait surveiller...

M. HARDY: Lorsqu'on étudiera la Loi de la division territoriale.

M. VINCENT: ... qu'elle prenne effet seulement à une élection générale.

M. HARDY: C'est ça. C'est cette loi-là qui déterminera le mécanisme. Quant aux régions administratives, je dois dire à mon collègue, le député d'Olier, qui nous a, à maintes reprises, parlé de cette question en commission parlementaire, que, pour ma part, j'ai été jusqu'à un certain point fasciné par cette idée et que je l'ai considérée.

Maintenant, il y a le problème suivant: Si on ajoute, ou si on met trop de critères sur lesquels devront se baser les commissaires, on peut arriver avec le résultat suivant, c'est que les commissaires ne pourront plus faire de carte électorale. Je pense qu'ils auront déjà assez de problèmes avec les critères que l'on a fixés. Si, en plus, on leur parle de divisions administratives, bien j'ai peur qu'à ce moment-là, il soit bien difficile de faire concorder les critères que nous avons dans la loi plus la question des divisions administratives. Ils ne sauront plus trop comment tailler les comtés.

Enfin, pour la question de population et d'électeurs, je ne voudrais pas revenir sur ce que j'ai dit auparavant. Mais je pense que cela ne pose pas véritablement un problème puisque électeurs ou population, on arrive aux mêmes résultats à la fin du compte. De toute façon, le retard qui pourra exister entre les derniers chiffres que nous avons, c'est-à-dire la dernière carte électorale, si on appliquait le principe du député d'Olier, il faudrait refaire beaucoup d'autres articles de la loi puisque la loi dit, un peu plus loin ou auparavant, qu'après chaque élection, dès qu'une élection est terminée, immédiatement la commission permanente fait une étude et prépare un rapport pour dire à l'Assemblée nationale s'il y a lieu ou non de modifier les comtés. Tandis que si l'on se base sur la population, sur le recensement fédéral qui ne vient qu'à tous les dix ans, tandis que notre commission...

M. PICARD: Cinq ans.

M. HARDY: Le recensement fédéral?

M. PICARD: Cinq ans. Je vous l'assure. Le recensement démographique.

M. HARDY: Tous les dix ans. La loi fédérale...

M. PICARD: Cinq ans.

M. VINCENT: Le vrai recensement, tous les dix ans.

M. HARDY: Le vrai recensement n'a lieu que tous les dix ans. D'ailleurs, c'est comme cela qu'il y a une révision de la carte électorale fédérale, tous les dix ans, se basant sur le recensement de tous les dix ans. Tandis que nous, nous aurons des chiffres officiels après chaque élection. Alors, je pense qu'à ce moment-là, nous pouvons tenir la carte électorale encore plus à jour que si l'on se basait sur le recensement.

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 9, adopté. Article 10?

MR. BROWN: Mr. Chairman, I would like to say a few words on this article.

M. LE PRESIDENT: Quel article?

MR. BROWN: Article 10.

MR. THE PRESIDENT: Article 10?

MR. BROWN: Yes. ... dealing with "in the performance of its duties" dans l'exercice de ses fonctions.

Our rural people are hoping that if there is a commission and if the commission carries out its job, that they will see some of these performances of its duties. There are too many things that are dependent on pins stuck on a map, here in Quebec. Things that happened in a rural county with houses being knocked down and trees being cut that a few yards would have avoided. The rural people have had the experience during the last ten years of our very enlightened engineering, that nobody shows up on the ground, they sit and put pins on a map, they send the map down and that is it.

Now, there has been a minimum of representation asked for by this committee since its inception. The rural people of the Province of Quebec have not been consulted. Can you imagine a territory as large as the New England States of the United States and altogether, for witnesses to carry the ideas of the rural people, we have had two... Now, I feel this and I feel it strongly and I know that my rural people feel the same way, the passing of this law is a bitter pill for them to take. It will be an even more bitter pill if, all of a sudden, there is a map put in a paper locally, showing all of the lines and all of the new counties and how they are divided up and no consultation, whatsoever, with the people in these areas. Now, I cannot stress to you too strongly in the performance of its duties, I hope that in this number 10 item, that the duties are spelled out so that we can say to the rural people: "We know you are going to be consulted because you have never been consulted before." This is the key to the situation.

This business of dismemberment of the county may mean nothing to you people that are in the city, because a street or another street does not matter very much anyway, but the ground that a person has lived on and his family has lived on for a hundred years is something that is very very dear to their hearts. And this redistribution, whether it is to benefit or not, is going to be a very bitter pill for the rural people of the Province of Quebec.

And, in talking about these rural people, they are the people that get up in the morning at five o'clock, they go to bed at nine o'clock, they work seven days a week and nobody ever hears them screaming about their lot being bad or anything else. So, the least we can do in this law is to see that these people are consulted in their areas and that the commissioners that work for this committee will see them.

To the average rural person, this is an Act of vengeance on the part of the urban counties of the Province of Quebec. Now, I hope when these people are going around and we are talking about one vote, one voter, that they will remember that there is $1 that equals the same as the voters. If we are talking of this modern set up of where everybody participates on an equal basis, then Joe Smith who lives out by Owl's Head Mountain should now not have to eat dust for a period of ten years when somebody in the city is sitting on an asphalt road.

A VOICE: Very good.

MR. BROWN: If a book is available in the city of Montreal to a citizen, il should be available as easily to a citizen in Clarke City. And, if you are talking of equality, you have to consider these equalities as well as the equality of saying you want a vote for a vote.

There are those that say, among my city friends: well, it is more convenient for this little piece of land to be transferred from one county to the other. I wonder what their reaction would be if we took a small part of James Bay and transferred it to Ontario? It would be much easier to look after it because it is closer to the city of Toronto. When you move things around in a rural area, it is a very serious thing. And again, I would like to stress that we consult these people, that we see them, that we take their advice as to what should be done in these counties, and that they start participating in democracy a dollar bill for a dollar bill in the city.

M. HARDY: M. le Président, je pense que les problèmes dont vient de parler le député de Brome sont exacts. Je suis persuadé que les membres de la commission, avec la latitude que leur donne la loi, tiendront sûrement compte, d'une part, des problèmes particuliers qui se posent dans les régions rurales comme celle que représente le député de Brome et surtout qu'ils prendront en considération, puisque les pouvoirs qui leur sont accordés en vertu de l'article 10 leur permettent de consulter, leur permettent même d'assigner des témoins, de les faire entendre s'ils ont besoin, à un moment donné, de connaître quels sont les problèmes particuliers qui se posent dans une région, que la commission composée pourra aller sur place et pourra interroger des témoins. C'est dans la première partie. Enfin, lorsque le rapport sera déposé devant l'Assemblée nationale, la commission de l'Assemblée nationale elle-même pourra aller consulter sur place, comme on en a déjà parlé, non seulement les députés, mais aussi les différentes personnes intéressées, afin que la carte électorale qui sera définitivement adoptée par ce Parlement réponde vraiment aux besoins, aux exigences particulières qui peuvent se poser dans les différents secteurs de la province.

DES VOIX: Adopté.

MR. BROWN: Mr. Chairman, I would like a commitment, on the part of the Vice-President, that every county that is going to be changed is consulted in that county.

M. HARDY: Dans la mesure du possible; rien ne s'y oppose, au contraire l'ensemble de la loi permet cette consultation.

M. LE PRESIDENT: Article 10, adopté, article 11.

M. LAURIN: M. le Président, je n'aurais qu'une question à poser au député de Terrebonne. Cet article permettra-t-il d'appliquer la suggestion que je faisais lors de mon intervention de deuxième lecture d'avoir les services d'un spécialiste en sciences humaines, comme un démographe, un géographe ou un sociologue, et est-ce l'intention du député de Terrebonne d'inciter les membres de la commission à se doter des services de pareils spécialistes?

M. HARDY: Oui. D'abord, il est sûr que, précisément, cet article a été prévu pour permettre à la commission de faire appel aux personnes de différentes disciplines qui pourront les aider. Et j'imagine que les commissaires — évidemment, en principe, ni le député de Terrebonne ni les autres députés de cette Chambre n'auront de pouvoirs sur les décisions des membres de la commission — que ces personnes que nous allons nommer seront suffisamment ouvertes, seront suffisamment perméables aux différentes préoccupations dont a parlé le député de Bourget pour faire appel à ces personnes des différentes disciplines. Quant à moi, si je peux, je profite de l'étude de ce projet de loi en comité pour inviter avec beaucoup d'insistance les futurs membres de la commission à s'adjoindre toutes ces personnes qui pourront les aider à vraiment préparer un projet de carte qui réponde aux différents besoins qui peuvent exister dans ce domaine.

M. LAURIN: Je vous remercie, M. le Président.

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 11, adopté, article 12, adopté, article 13, adopté, article 14, adopté. Le bill est adopté avec un amendement.

M. BLANK (Président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté avec un amendement le bill 80 et demande qu'il soit agréé.

M. LE PRESIDENT: Cet amendement est-il adopté?

M. PAUL: Agréé. M. LE PRESIDENT: Adopté. M. LEVESQUE : Troisième lecture. Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire, pour l'honorable premier ministre, propose la troisième lecture du projet de loi 80. Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, juste un mot très bref. Nous avons donné notre agrément à ce projet de loi considérant que c'est une première étape. Il est évident que nous aurions préféré que le problème fût examiné dans son ensemble et que la réforme électorale tfnt compte de toute l'institution parlementaire, de l'ensemble des institutions politiques en regard de la nouvelle constitution que devra se donner le Québec.

L'on aura noté que le parti que je représente ici n'a pas formulé d'opinion absolument définie sur le sujet de la réforme électorale, parce qu'il nous apparaît nécessaire de s'accorder encore, en raison de la conjoncture socio-politique, un temps de réflextion et de recherche à l'aide des experts pour définir une ligne de pensée, une orientation qui soient conformes aux réalités qui se manifestent dans le Québec et qui se préciseront.

Par conséquent, le projet de loi est, dans notre esprit, une tentative de réforme. Elle est bonne dans la mesure où les parlementaire s'y trouvent associés et dans la mesure où l'Assemblée nationale aura le dernier mot lorsqu'il s'agira de statuer sur les décisions, les recommandations qui seront proposées par les commissaires...

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. LOUBIER: Oui.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. BOURASSA: Je remercie tous les députés pour leur collaboration dans cette nouvelle étape de la réforme électorale. C'est mon discours.

M. LEVESQUE : Article 1.

M. LE PRESIDENT: Le leader parlementaire, pour le ministre des Finances, propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des subsides.

Comité des subsides Grief du député de Nicolet

M. VINCENT: M. le Président, avant que vous ne quittiez votre fauteuil, j'avais bien l'intention de parler d'un problème qui concerne les producteurs d'oeufs de la province de Québec, de Fedco, mais j'aurais l'intention à cette occasion de présenter une motion qui se lirait comme ceci: La Chambre, tout en étant disposée à voter à Sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, est d'avis que le lieutenant-gouverneur en conseil ou la régie, en vertu des pouvoirs que lui confère la loi, article 40, chapitre 45, statuts de 1969, suspende ou abroge l'ordonnance no L-23 publiée dans la Gazette officielle du Québec, le 10 juillet, et qui entre en vigueur le 19 juillet, décrétant une hausse du prix du lait au consommateur, sans tenir compte du prix de revient au producteur.

M. le Président, je ne...

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. VINCENT: Si elle était adoptée, M. le Président, je la présenterais immédiatement et je laisserais se poursuivre les travaux mais je n'ai pas l'intention de présenter cette motion. J'ai simplement l'intention de faire un grief sur cette question, parce que vous savez, M. le Président, qu'aux dernières heures avant l'ajournement il serait laborieux pour le gouvernement d'expliquer les raisons pour lesquelles la Régie des marchés agricoles est obligée de prendre cette décision.

M. le Président, la dernière ordonnance de la Régie des marchés agricoles du Québec datait du 26 octobre 1968. On se souvient qu'à ce moment il avait été décrété une augmentation du prix minimum pour toute catégorie de lait vendu nature, c'est-à-dire la revente du lait naturel; il avait été décrété une augmentation pour le prix minimum de $0.02 la pinte et également une augmentation pour le prix maximum de $0.02 la pinte.

Cela représentait environ $8 millions de plus payés par le consommateur québécois et, sur ce montant de $8 millions, $5 millions, en vertu de la même ordonnance, s'en allaient aux producteurs laitiers du Québec. On se souvient également qu'à ce moment-là nous avons eu une motion pour ajourner les débats de la Chambre, afin de discuter ce problème fantastique qui voulait que le consommateur paie $8 millions de plus et que seulement $5 millions s'en aillent aux producteurs laitiers du Québec.

Cette motion d'ajournement avait été présentée par le député de Marguerite-Bourgeoys, appuyé par le député d'Outremont, maintenant ministre de la Justice et qui s'était fait le défenseur des producteurs laitiers et des consommateurs. Par la suite, nous avions eu l'occasion d'entendre le député de Louis-Hébert et d'autres députés qui ont parlé pendant pres-qu'une journée sur la question. Ce débat s'est poursuivi pendant des jours, des semaines, dans nos antichambres de bureaux, à la salle du Conseil exécutif, avec des délégations de consommateurs, de producteurs laitiers.

M. le Président, c'était au mois d'octobre 1968 et, comme je l'ai dit à ce moment-là, il s'agissait d'une hausse de $0.02 la pinte de lait de toute catégorie, que ce soient les contenants de deux pintes, de trois pintes ou le gallon, que ce soit livré au consommateur ou vendu au comptoir. Ce qui est quand même remarquable, M. le Président, c'est qu'à ce moment-là, sur l'augmentation de $0.02 qui représentait environ $0.80 les 100 livres de lait du producteur, une proportion assez considérable s'en allait au producteur, soit $5 millions sur $8 millions.

Voici le but de mon grief aujourd'hui. L'ordonnance de la Régie des marchés datée du 6 juillet dernier, qui a paru dans la Gazette officielle du Québec qui a été publiée le 10 juillet et dont nous avons pris connaissance seulement lundi, va beaucoup plus loin.

Je comprends que le gouvernement n'a pas encore eu le temps, comme l'a affirmé le premier ministre, vendredi, à l'honorable chef de l'Opposition, d'étudier toute la question au conseil des ministres, de regarder toutes les implications. Je sais qu'ils ont pris connaissance officiellement de cette ordonnance seulement lundi. Je sais également que les travaux mouvementés, les débats orageux de l'Assemblée nationale n'ont pas permis au premier ministre ou au cabinet de se pencher sur la question, mais je voudrais quand même, aujourd'hui, souligner l'importance que nous, de l'Opposi-

tion, et que le public en général attache à cette question afin que, le plus tôt possible, le gouvernement actuel se penche sur ce problème et apporte les mesures ou les correctifs nécessaires.

La nouvelle ordonnance de la Régie des marchés augmente le prix minimum du lait livré et vendu au consommateur, pour les contenants d'une pinte, de $0.28 qu'il était à $0.32 et le prix maximum de $0.33 qu'il était à $0.37. Pour le demi-gallon ou le contenant de deux pintes, le prix minimum était de $0.55 et il devient $0.63. Le prix maximum pour le contenant de deux pintes était $0.65 et ce prix devient, avec la nouvelle ordonnance, $0.73. Le contenant de trois pintes, pour le lait vendu et livré au consommateur, était au prix de $0.80. Ce prix minimum devient $0.92, alors que le prix maximum, qui était de $0.95, devient $1.07.

En ce qui concerne le gallon, le prix minimum était, avant la nouvelle ordonnance qui entrera en vigueur le 19 juillet, $1.04 et il deviendra, le 19 juillet, $1.21. Le prix maximum de cette catégorie, qui était $1.24, deviendra $1.41. En ce qui concerne maintenant le lait vendu au comptoir, que ce soit par Perrette ou par d'autres vendeurs, le prix pour la catégorie d'une pinte était d'un minimum de $0.27 et d'un maximum de $0.32 avant l'ordonnance; ce minimum deviendra $0.31 et le maximum $0.36. Vous avez remarqué, M. le Président, que, depuis le début, tous les minimums et tous les maximums ont été augmentés de $0.04.

Pour le lait vendu au comptoir en contenant de deux pintes, le prix minimum était $0.53 avant l'ordonnance et le prix maximum était $0.63. Avec la nouvelle ordonnance, le prix minimum passe de $0.53 à $0.61 et le prix maximum passe de $0.63 à $0.71. Ce qui est remarquable — là, cela devient encore plus difficile à comprendre — c'est que, pour le contenant de trois pintes, c'est-à-dire le lait que les familles nombreuses vont acheter au comptoir, le prix minimum était de $0.77 et le prix maximum de $0.92, avant l'ordonnance. Avec la nouvelle ordonnance, le prix minimum devient $0.90 et le maximum $1.05, ce qui veut dire que, dans cette catégorie, il y a une augmentation plus substantielle que pour les autres où c'était $0.04 la pinte. Si nous faisons la différence entre $0.77 et $0.90, cela signifie $0.13 d'augmentation pour le contenant de trois pintes.

Encore davantage, M. le Président, quand on touche le prix du lait au gallon, livré au comptoir. Avant l'ordonnance, le prix minimum du lait au gallon, vendu au comptoir aux consommateurs, était de $1 à $1.20 au maximum. Avec la nouvelle ordonnance, le prix devient $1.19 minimum à $1.39 maximum. Ce qui signifie qu'il y a là une augmentation de presque $0.05 la pinte. Sur quatre pintes, il y a une augmentation de $0.19; ce qui veut dire presque $0.05 la pinte d'augmentation.

M. le Président, quand nous regardons le contexte actuel, est-ce que, premièrement, il était juste, équitable, que, dans le contexte actuel, la Régie des marchés ordonne une hausse du prix du lait aux consommateurs de $0.04 à l'intérieur des ordonnances? Il est bien possible que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation ou le premier ministre me répondent qu'effectivement ce n'est pas obligatoire que ce soit une augmentation de $0.04. Là-dessus, je pense que nous sommes tous d'accord. Mais, sur le plan pratique, les minimums étant augmentés de $0.04, eh bien, il est plausible, même possible, qu'à l'intérieur des cadres fixés dans l'ordonnance les prix du lait soient augmentés de $0.04 la pinte.

En ce qui concerne les contenants de trois pintes et d'un gallon, effectivement, le prix sera augmenté de plus de $0.04 la pinte. On sait qu'à l'heure actuelle il y a des organisations, telles Perrette, qui vendent toujours au prix minimum le contenant de trois pintes et le contenant d'un gallon. Or, Perrette ou une autre organisation, qui vendaient le contenant de trois pintes au prix minimum de $0.77 et le contenant de quatre pintes au prix minimum de $1, seront dans l'obligation, le 19 juillet prochain, d'augmenter leur prix minimum à $0.90 pour le contenant de trois pintes et à $1.19 pour le contenant de quatre pintes. Ce qui signifie qu'effectivement les organisations de ce genre feront subir aux consommateurs une hausse, dans le cas du contenant de quatre pintes, de tout près de $0.05 la pinte et, pour le contenant de trois pintes, d'un peu plus de $0.04 la pinte.

M. le Président, mon grief est le suivant. J'ai demandé tantôt si, à l'heure actuelle, il était plausible, justifié ou justifiable de demander aux consommateurs québécois de payer entre — cela peut varier — $6 millions et $15 millions, cette augmentation consentie par la Régie des marchés agricoles. Cela peut varier entre $6 millions et $15 millions de plus que le consommateur aura à payer.

Deuxième question : Est-ce que ce précédent est acceptable — parce que je calcule que c'est un précédent — qu'en même temps qu'une ordonnance haussant le prix du lait aux consommateurs on n'ait pas pensé à donner une hausse quelconque aux producteurs laitiers du Québec? Parce que la dernière augmentation que le producteur laitier du Québec a reçue date de 1968 et on sait que le coût de production a augmenté considérablement depuis.

Je sais, M. le Président, en terminant ce grief que je place devant le gouvernement, devant le premier ministre, qu'il a été assez difficile pour eux de se pencher concrètement et posément ou d'analyser d'une façon très vaste sur ce problème. Je sais que les heures des derniers jours ont été très brèves pour que le premier ministre puisse relire cette ordonnance de la Régie des marchés.

Je sais que le ministre de l'Agriculture a eu

l'occasion d'aller rencontrer les représentants du Manitoba, de l'Ontario pour essayer de trouver un semblant de solution au problème des oeufs. Ce que je demande ce soir au nom de l'Opposition officielle, en voulant appuyer encore davantage les propos tenus par l'honorable chef de l'Opposition vendredi dernier, alors qu'il en a fait une demande formelle au premier ministre, c'est que celui-ci nous donne l'assurance que, dès le prochain conseil des ministres, toutes les implications de cette question seront analysées. Qu'on regarde la capacité de payer du consommateur, mais qu'on tienne compte également du producteur laitier, qui, nous le savons, a fait une demande devant la régie des marchés pour une augmentation du prix de revient du lait qu'il vend aux usines de transformation. M. le Président, je ne puis appuyer plus fortement cette demande en mentionnant au premier ministre que ça semble un voeu unanime de la population. Je ne demande pas au premier ministre ou au cabinet de se prononcer avant d'avoir devant eux tous les faits, mais, s'il y avait possiblité de suspendre temporairement cette décision afin d'en connaître toutes les implications, je crois que le premier ministre rendrait service aux consommateurs et aux producteurs laitiers du Québec.

M. BOURASSA: M. le Président, le fait que je sois ici à cette heure et avec les autres problèmes qu'on a, c'est que...

M. VINCENT: Même le jour de votre fête.

M. BOURASSA: Je sais l'importance du problème soulevé par le député de Nicolet et je puis l'assurer qu'à la première occasion, dans les tout prochains jours, le conseil des ministres va examiner très sérieusement ce problème pour essayer d'y apporter les solutions les plus appropriées possible.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, pour appuyer le grief du député de Nicolet, quelques mots seulement; pour avertir les gens d'en face, ça ne durera pas une demi-heure, mais quelques minutes.

Il y a quelques jours le ministre de l'Agriculture, dans cette Chambre, nous avait fait part d'une ordonnance de la Régie des marchés agricoles qui accordait aux distributeurs de lait une hausse de $0.02 la pinte. Or, si nous lisons l'ordonnance, nous constatons que cette hausse du lait n'est pas de $0.02 mais de $0.04. A ce moment-là, j'avais essayé de soulever un débat d'urgence dans cette Chambre. Je considérais que c'était une question très importante puisqu'elle occasionnait des dépenses de $8 millions aux consommateurs de lait.

M. TOUPIN: M. le Président, est-ce que je pourrais soulever une question de privilège? Très rapidement, je ne veux pas, remarquez bien, soulever un débat sur la question, si le député me le permet aussi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. TOUPIN: C'est simplement pour rétablir les faits quelque peu. J'ai déclaré que l'augmentation pratique pourrait être de $0.02, mais néanmoins j'avais dit auparavant que l'ordonnance prévoyait effectivement une augmentation de $0.04.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'accepte votre explication. Tout simplement, je voulais faire remarquer qu'à ce moment-là nous parlions d'une dépense additionnelle de $8 millions; alors si c'est $0.04, c'est une dépense de $16 millions que doit absorber le consommateur. Cette dépense touche les pauvres comme les riches, tout le monde. Nous apprenions aussi que les producteurs de lait du Québec avaient fait eux aussi une demande devant la Régie des marchés agricoles.

Je comprends que l'augmentation du coût de la vie existe pour les distributeurs comme dans tous les secteurs, mais ce qui est assez formidable, à mon sens, c'est de constater que cette hausse du prix du lait n'apporte absolument rien aux producteurs du Québec. Déjà il y a quelques mois, lors d'une motion du député de Nicolet, nous avions discuté de tout le problème de l'industrie laitière au Québec.

Nous avions même demandé, à ce moment-là, la convocation d'une commission parlementaire pour essayer de trouver des solutions à ces problèmes.

Je pense que les producteurs de lait du Québec sont déjà pénalisés. Ils ont déjà beaucoup de difficultés à faire survivre leur industrie et il est normal qu'eux aussi demandent une augmentation. D'ailleurs, le ministre nous avait fait part qu'eux aussi avaient fait une demande d'augmentation à la Régie des marchés agricoles.

Or, quand il s'agit d'un produit de consommation comme le lait, qui est essentiel sur toutes les tables des citoyens québécois, je pense qu'une augmentation de $16 millions est une chose assez grave. Je comprends que, pour quelques-uns, $0.04 la pinte de plus cela ne crée pas de problème. Mais si vous considérez qu'une forte proportion de la population du Québec n'a pas de salaires très élevés, que d'autres sont chômeurs, d'autres des assistés sociaux, quand il s'agit d'acheter trois, quatre ou cinq pintes de lait par jour, cela représente un montant assez considérable à la fin du mois ou à la fin de l'année. Alors, je pense que c'est une question urgente.

Je comprends que, ce soir, on ne peut pas parler de tout le problème de l'industrie laitière. Je vous fais grâce de cela. Il s'agit tout simplement de mentionner, devant cette Cham-

bre, la gravité de la situation parce que cela crée une dépense additionnelle et cela ne règle pas les problèmes des producteurs. C'est là qu'est le point fondamental de mon intervention. Les producteurs de lait se plaignent actuellement de ne pas être capables de joindre les deux bouts. Même plusieurs sont obligés de vendre leur ferme, d'abandonner la production de lait parce que, semble-t-il, ils n'ont pas les revenus nécessaires pour survivre. Alors, je demanderais au ministre de l'Agriculture, au premier ministre aussi, pour appuyer la suggestion qu'a faite tantôt le député de Nicolet, l'ancien ministre de l'Agriculture, que le conseil des ministres prenne ce cas en considération. Je ne sais pas par quelle procédure on peut intervenir. Ce n'est pas mon problème, c'est le problème du gouvernement. Je pense qu'on devrait y voir le plus tôt possible.

Je sais que nous sommes limités dans la politique laitière au Québec parce que, brièvement, si vous lisez l'article 95 de la constitution, on dit: "Les pouvoirs décisionnels prioritaires en agriculture sont confiés au pouvoir central." Il y a la Commission canadienne du lait comme la Commission canadienne du blé. Il y a des décisions qui se prennent au fédéral. Il y a des décisions qui se prennent au provincial. Le marasme, je ne dirais pas agricole mais celui qui existe chez les producteurs laitiers, est dû surtout à la politique fédérale. Je sais qu'on ne peut pas régler tous les problèmes, étant donné que nous avons deux gouvernements qui ont juridiction dans ce domaine.

J'espère que le ministre de l'Agriculture et le premier ministre ainsi que tout le cabinet du gouvernement actuel prendront ce problème en considération et essaieront de régler cette question à l'avantage du consommateur, à l'avantage du producteur et aussi du distributeur. Il faut donner justice à tout le monde. Mais il reste à savoir, si ces $0.04 d'augmentation sont raisonnables pour le distributeur, s'il serait raisonnable qu'il y en ait une partie qui aille au producteur. En définitive, c'est toujours le consommateur qui absorbe le coût de revient d'un produit. Alors, je demande au gouvernement d'essayer de régler cette situation le plus tôt possible.

M. ROY (Beauce): M. le Président,... M. BURNS: M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): ...vous me permettrez quelques mots seulement pour dire que nous appuyons le grief qui a été fait par l'honorable député de Nicolet, bien que nous soyons convaincus que tout ceci ne réglera rien. Les producteurs laitiers doivent faire face à des hausses constantes de coût de production.

Les industriels laitiers sont en face du même problème. Vous avez, d'un autre côté, les consommateurs du Québec qui, eux, à cause de leur pouvoir d'achat toujours limité, sont obligés de faire face également au coût de la vie. Lorsqu'il y a une augmentation du coût des denrées, il est évident qu'ils doivent s'en priver d'autant.

M. le Président, ceci pour vous dire que nous touchons, je pense, un problème extrêmement profond. C'est tout le système dans lequel nous avons à nous débattre qui est en cause. Il est évident que cette hausse du prix du lait, si elle se maintient, entraînera, en quelque sorte, une diminution de la consommation du lait et que les familles nombreuses seront les plus affectées. S'il y a une diminution de la consommation du lait, le gouvernement fédéral, par les politiques laitières, sera en quelque sorte obligé de faire face à des surplus de lait. Il sera obligé de venir encore pénaliser les producteurs parce qu'ils auront trop produit.

M. le Président, nous nous débattons dans un système qui est complètement illogique, qui est complètement dépassé et qui ne répond plus aux besoins de notre époque, aux besoins modernes.

M. le Président, le problème de nos consommateurs, à l'heure actuelle, ne réside pas dans le fait qu'ils ne peuvent pas s'approvisionner. H réside dans le fait qu'ils manquent de pouvoir d'achat. Ils manquent de pouvoir d'achat parce qu'ils sont en chômage, dans la plupart des cas. Ils sont en chômage parce qu'il y a trop de produits sur le marché.

M. le Président, je pourrais, à ce stade-ci, faire un débat qui serait assez long, mais je terminerai là-dessus. Tout simplement...

UNE VOIX: Bravo!

M. ROY (Beauce): ... je demande au gouvernement de se pencher réellement sur ce problème qui est un problème économique de fond. Tant et aussi longtemps que le gouvernement du Québec ne se mettra pas à la table pour bien penser au problème, pour bien penser à la situation telle qu'elle se présente, on tournera tout simplement dans le vide. On s'attaquera aux conséquences des problèmes et on changera les problèmes de place.

M. le Président, bien que nous admettons que les producteurs laitiers ont des problèmes à envisager à cause des hausses du coût de production et qu'ils doivent faire face à des obligations, nous devons également admettre que les consommateurs à l'heure actuelle, ne sont pas capables de faire face à l'augmentation qu'on vient de leur annoncer. C'est pourquoi, M. le Président, je maintiens que cela ne règle rien, ni dans un sens, ni dans l'autre, parce que c'est le système qu'il faudrait tout simplement changer. Je pense que, dans les circonstances, M. le Président, nous n'avons pas d'autre choix,

de façon que nos familles québécoises, nos familles nombreuses surtout, ne soient pas, en quelque sorte, privées dans un certain pourcentage d'une denrée essentielle pour leurs enfants, que celui d'appuyer le grief du député de Nicolet.

M. BOURASSA: M. le Président, pour résumer en terminant, je signalerais au député qu'à l'occasion de ce débat j'ai l'occasion de boire du lait que m'ont fait parvenir les membres de la Tribune de la presse, à l'occasion de mon anniversaire. Il n'y a pas le moindre doute sur l'importance et l'intérêt qu'apporte le gouvernement à la question. Le ministre de l'Agriculture ajoutera quelques mots. Mais, à la première occasion, demain ou après-demain, dès l'ajournement de la session, nous examinerons le problème soulevé.

M. PAUL: M, le Président, c'est sans malice. J'aurais peut-être voulu le faire à un moment plus opportun; je sais que le premier ministre n'a pas encore eu le temps d'examiner son nouveau livre de règlements. Mais, dès maintenant, je voudrais lui signaler l'article 266 qui dit qu'on ne peut pas parler deux fois sur la même motion. Vu que c'est sa fête, M. le Président, je n'en dis pas plus.

M. CADIEUX: Voici l'avantage de ne pas connaître les règlements.

Grief du député de Maisonneuve

M. BURNS: M. le Président, à ce moment-ci, vu l'heure tardive, je prends l'engagement auprès de tous les députés de cette Chambre de ne pas parler longtemps sur un sujet qui...

M. CADIEUX: C'est vachement bon, ce que vous venez de dire.

M. BURNS: II ne m'arrive pas souvent d'être applaudi du côté ministériel... je pense, mériterait sans doute, M. le Président, une plus longue intervention que celle que je ferai. C'est le problème de l'autoroute est-ouest dans Montréal, mais vu dans une optique toute nouvelle, toute récente et toute fraîche qui remonte à peine à avant-hier soir, étant donné que nous sommes rendus au 14 juillet.

Lundi soir, le ministère de la Voirie inaugurait à Montréal, officiellement, dans le beau comté de Maisonneuve, un bureau d'information relativement au prolongement de l'autoroute est-ouest dans Montréal. C'était l'occasion aussi de mentionner le tracé définitif de l'autoroute est-ouest, le tracé étant celui de la rue Notre-Dame plutôt que celui de la rue Rouen, qui avait été aussi une des options dans l'alternative Rouen-Notre-Dame, au départ.

Personnellement j'ai un grief à formuler, et il est malheureux que le ministre de la Voirie ne soit pas ici pour y répondre, mais je pense que le premier ministre éventuellement, s'il m'écoute, saura répondre.

M. PAUL: Il a des problèmes.

M. BURNS: Premièrement, je vais essayer de synthétiser le plus possible, toujours relativement à cette ouverture officielle du bureau d'information ainsi qu'à l'annonce du tracé définitif, j'ai personnellement été très étonné de voir que, lors de cette inauguration officielle qui était l'initiative du ministère de la Voirie, les invitations — et quelque 60 invitations ont été envoyées — ont été envoyées par l'Association des hommes d'affaires de l'est de Montréal, sous la signature de son président, M. Georges Paré. Je m'étonne personnellement, je me pose la question et j'aimerais que le ministre de la Voirie puisse y répondre, peut-être pas au cours de cette session-ci parce qu'elle tire à sa fin — et il semble que le ministre de la Voirie ait décidé de prendre ses vacances — mais peut-être que l'occasion lui sera fournie au cours de conférences de presse qu'il fera à nouveau sans doute sur l'autoroute est-ouest. Je m'étonne que, lors de l'inauguration du bureau d'un ministère, lors de l'annonce d'une décision gouvernementale concernant le tracé, ce soit une association d'hommes d'affaires — qui, soit dit en passant, ouvertement et depuis le début de l'affaire fait campagne en faveur de l'autoroute contre l'attitude de la majorité des résidants du sud-est montréalais — qui adresse les invitations.

Or, il arrive que les invitations qui ont été adressées l'ont été évidemment, dans une proportion très importante, à des membres de cette société des hommes d'affaires de l'est de Montréal et non pas à des personnes qui comme telles sont visées, c'est-à-dire des résidants qui sont sur le tracé de l'autoroute, et je reviendrai tantôt au problème de ces résidants.

C'est mon premier grief relativement à cette affaire. Chose qui m'a étonnée aussi, c'est qu'à cette réunion on n'a pas vu le ministre de la Voirie; il est en vacances, d'accord, je comprends ça, on a le droit de prendre des vacances. Mais malheureusement le premier ministre n'y était pas non plus; il avait prévu prendre des vacances ou prévu faire un voyage à la baie James, ce qui pouvait être des vacances, pour voir et s'imaginer ce qui arriverait éventuellement à ce beau projet...

M. BOURASSA: Le ministre de la Voirie n'est pas en vacances.

M. BURNS: Je ne sais pas s'il est en vacances mais on m'a dit qu'il n'était pas là hier soir. Or, ça m'étonne, ça me surprend de lui, le ministre, qui, tout au cours des crédits, nous a dit: Nous sommes prêts à rencontrer la population. Evidemment, les sept députés du Parti québécois faisaient objection au fait qu'on avait décidé par voie tout simplement publicitaire d'annoncer à un certain moment ce projet de prolonge-

ment de l'autoroute est-ouest et qu'on nous ait dit après ça qu'on tentait vainement de faire échec à un projet qui avait été décidé, qui avait été pensé, comme le projet de la baie James d'ailleurs.

Mais j'ai été étonné d'entendre ce même ministre de la Voirie nous dire tout au long de l'étude des crédits: Je vous donnerai les réponses, je rencontrerai la population. C'est vrai, et là j'admire le ministre de la Voirie qui a dit à ce moment-là: Je n'ai peut-être pas fait toutes les consultations nécessaires auprès de la population, mais je pense qu'à l'avenir, nous tenterons de communiquer avec la population.

Or, hier soir, nous avions, à cette réunion, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, pour remplacer le ministre de la Voirie. Je pense que c'était une occasion, c'était sur les lieux, c'était à l'endroit où le bureau d'information s'ouvrait et c'était normal que le ministre soit là. Son sous-ministre était là, soit, d'accord. Mais, vu les engagements antérieurs, vu la contestation qui naît dans l'est de Montréal, — et qui est même rendue à maturité, en ce qui me concerne — qui se manifeste relativement au prolongement de l'autoroute est-ouest, que le ministre n'ait pas été là, je ne le comprends pas.

Qu'un autre ministre, si charmante soit-elle, ait été là, et qu'elle n'ait pu dire qu'un seul discours sur le tourisme, ça n'a pas réglé le problème, M. le Président, des citoyens de l'est de Montréal, qui, eux, disent: On a l'impression que le ministère de la Voirie, que le gouvernement ne nous écoute pas, ne tient pas compte de notre opinion. Une fois le reproche fait, le ministre de la Voirie nous avait dit: A l'avenir, on y verra. On tentera de se rapprocher des citoyens. Alors c'est, M. le Président, une chose que je ne comprends pas, de la part du ministère de la Voirie et, de ce fait, de la part du gouvernement.

Il y a eu également, lors de cette réunion, une annonce qu'une banque de logements se ferait relativement aux personnes qui seraient déplacées, c'est-à-dire que, dans un certain secteur montréalais, on prévoyait de bonnes choses à de bonnes conditions, d'accord, c'est-à-dire relogement des personnes déplacées, autant que possible au même loyer et dans les mêmes conditions, et on a ajouté une condition à ça: dans le même quartier. Or quand on connaît le quartier sud-est de Montréal et surtout si on connaît le quartier Maisonneuve, qui me préoccupe plus, peut-être, que les autres,quand on vient nous dire: le même quartier, et que le quadrilatère soit le suivant, c'est-à-dire de la rue Bleury, à l'ouest, à la Montée Saint-Léonard, à l'est, et au sud, du fleuve jusqu'à la rue Jean-Talon, celui qui a dit que c'était dans le même quartier, il ne faut pas connaître Montréal.

On englobe je ne sais pas combien non seulement de quartiers mais de types de quartiers. Que vous veniez dire aux gens de Maisonneuve: Ne vous inquiétez pas on vous reloge, puis, ce qui est encore plus gentil, on vous reloge dans un même type de quartier, bien moi, je ne comprends pas. C'est malheureux que le député de Jeanne-Mance ne soit pas ici parce qu'il comprendrait ce que je veux dire. Quand on parle de la rue Jean-Talon et, par exemple, de la Ire avenue, et de Jean-Talon qui se trouve dans son comté, il va s'apercevoir que ça n'a rien à faire avec le coin, par exemple, Sicard et Notre-Dame, dans Maisonneuve. Je pourrais vous citer un tas d'autres exemples, mais je me demande pourquoi on tente de faire croire, ou de faire, selon l'expression consacrée, prendre des vessies pour des lanternes.

C'est une autre chose que je ne comprends pas de cette fameuse réunion de lundi soir. Autre annonce qui a été faite à ce moment-là, c'est que tout ce relogement prévu va être confié à des trusts. Il est malheureux, encore une fois je le déplore, que le ministre de la Voirie, futur membre du conseil de la baie James, ne soit pas ici, c'est parce qu'il est en plein examen de son avenir qu'il n'est pas ici.

Je ne sais pas et je ne veux pas lui prêter d'intention; c'est peut-être une chose possible. Il est malheureux que le ministre ne soit pas ici pour nous dire combien cela va coûter de confier ce relogement à des trusts, pourquoi on ne s'occupe pas de cela par l'entremise des voies normales. Pendant que je suis sur ce sujet-là, je ne comprends pas que ce soit le ministère de la Voirie lui-même qui s'occupe du relogement alors que c'est une fonction municipale.

Je me souviens également qu'au niveau de l'étude des crédits, le ministre de la Voirie nous avait dit que la municipalité de Montréal serait celle qui serait chargée de voir à ce relogement, c'est sa fonction. Y a-t-il une raison particulière pour laquelle le ministère de la Voirie devrait s'occuper de cela? Moi, je ne comprends pas.

Comme je ne veux pas prendre inutilement le temps de la Chambre et vu l'heure tardive, je n'ai qu'une seule et dernière récrimination à faire à ce sujet. Encore une fois, me référant à l'étude des crédits de la Voirie, où nous avons manifesté notre opposition au projet de l'autoroute est-ouest sans citer des choses, je sais que le ministre nous a dit: Quand nous ferons — ce qui a été fait lundi — l'ouverture officielle du bureau d'information, on vous invitera, messieurs les députés du Parti québécois qui faites cette opposition à l'autoroute est-ouest.

Sauf erreur, et j'ai vérifié auprès de mes trois autres collègues visés par l'autoroute est-ouest, nous n'y avons pas été invités. Pourquoi? Parce qu'on nous a oubliés, tout simplement. Est-ce qu'on va continuer à nous faire de ces promesses? On nous blâme de ne pas être aux réunions convoquées; nous ne sommes pas invités, que voulez-vous qu'on dise à ce moment-là? J'aurais bien aimé, personnellement, n'eussent été les travaux assidus de la Chambre hier soir, être là et entendre...

M. CADIEUX: A la dernière pelletée de terre.

M. BURNS: ...la brillante allocution du mi-

nistre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Malheureusement, comme je n'ai pas été invité... Je termine là-dessus. Je vois que le premier ministre s'apprête à répondre brillamment aux questions que je me pose. Je veux simplement vous rappeler qu'à Toronto, M. le premier ministre, il y a un grand premier ministre, semble-t-il, parce que je le trouve grand par une citation que je vous livre et que je vous demanderais d'examiner à fond.

Peut-être qu'il y aurait possibilité de faire un parallèle avec l'autoroute est-ouest, même si le sous-ministre de la Voirie, même si le publicitaire officiel, M. Vastel, de la Voirie, tente de nous dire que ce n'est pas le même problème à Montréal qu'à Toronto, je pense qu'il y a matière à réfléchir dans cette citation de M. Davis qui a dit, lorsqu'il a arrêté, par décision gouvernementale, l'autoroute Spadina, à Toronto: "Si nous voulons répondre convenablement et intelligemment aux besoins de transports de la région de Toronto (Montréal) — je lis Montréal parce qu'il y a un net parallèle à faire entre Toronto et Montréal — nous devons accorder notre confiance aux moyens et aux méthodes autres que ceux qui encourageront l'usage des automobiles et le pullulement des voitures comme mode fondamental de transport."

Je laisse tout simplement cette citation-là au premier ministre, je lui demande d'y réfléchir. Je lui demande aussi s'il est entré en communication entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ontario relativement à ce problème. S'il n'en a pas eu, est-ce qu'il a l'intention d'en avoir? Est-ce que l'expérience de Toronto va servir, jusqu'à un certain point, de guide? Je l'espère, en ce qui me concerne. Si jamais il y avait véritablement des distinctions telles qu'on ne doive pas tenir compte de cette attitude du gouvernement ontarien, attitude, à mon avis, très courageuse.

Même si c'est un parti conservateur en Ontario, même si c'est un parti qui a aussi tous ses défauts, comme le parti libéral, je suis obligé d'admettre que c'est une attitude courageuse. Quand le gouvernement actuel prend des attitudes courageuses, nous le lui disons également. Ce sont les remarques que j'avais à faire sur l'autoroute est-ouest.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai écouté avec la plus grande attention les propos du député de Maisonneuve. Je ne peux malheureusement pas répondre à toutes et chacune des questions qu'il a posées. Je vais communiquer avec le ministre de la Voirie et je vais discuter avec son brillant adjoint et nous essaierons d'apporter des réponses aux questions du député.

Je dois lui dire que, comme député de Mercier, comté de l'est de Montréal, et comme homme politique provenant de l'est de Montréal, j'ai le plus grand intérêt pour le développement et le progrès équilibrés de l'est de Montréal. Je ne crois pas qu'il y ait un homme politique dans l'histoire du Québec qui soit plus intéressé au développement de l'est de Montréal. Dans mes moments de loisirs, durant l'ajournement de la session, j'ai l'intention de me rendre dans les comtés de l'est de Montréal, dans mon comté, dans le comté du député de Maisonneuve, dans le comté de Saint-Jacques, dans le comté du député de Bourget, dans le comté du député de Sainte-Marie et de discuter avec les électeurs de ces différents comtés pour connaître leurs problèmes et essayer d'apporter les meilleures solutions.

M. BURNS: Vous nous inviterez, je l'espère, contrairement aux promesses non suivies du ministre de la Voirie.

M. BOURASSA: Oui.

M. CHARRON: Si le premier ministre annonçait, ce soir, l'arrêt des travaux de l'autoroute est-ouest à la rue Saint-Denis, peut-être que la session se terminerait avant la fin de la semaine. Peut-être.

M. LE PRESIDENT (Hardy): La motion est-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Les entrées, M. le Président.

Adoption des crédits

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, pour les entrées, je pense qu'il faudrait compléter ces entrées comme suit.

M. PAUL: Ah oui! Préalablement, il faut les appeler. Excusez-moi.

M. LEVESQUE: Les crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce?

M. PAUL: Adopté.

M. LEVESQUE: Travaux publics?

M. PAUL: Adopté.

M. LEVESQUE: Agriculture et Colonisation?

M. PAUL: Adopté.

M. LEVESQUE: Terres et Forêts?

UNE VOIX: Adopté.

M. PAUL : Ah! Au sujet du ministère des Terres et Forêts, M. le Président, il y avait une question qui était restée en suspens.

M. LEVESQUE : Comme pour les ministères que je viens d'énumérer.

M. PAUL: Ah! Mais c'était beaucoup plus grave. Je sais que le député de Rouyn-Noranda a voyagé avec le ministre des Terres et Forêts. Alors, dans les circonstances, je présume que la solution a été trouvée à ce problème.

M. SAMSON: Oui, M. le Président, c'était l'article 6-4.

M. LEVESQUE: C'était l'article 4-6.

M. SAMSON: Article 4 - 6, oui. Cela a peu d'importance à 2 h 15 du matin.

M. LEVESQUE: Adopté. Alors, les crédits suivants ont été adoptés en commission; c'est pour qu'ils soient également adoptés ici, au comité des subsides: Voirie, Finances, Institutions financières, Compagnies et Coopératives, Affaires culturelles, l'Immigration, Travail et Main-d'Oeuvre, Conseil du trésor.

M. PAUL: C'est vrai, M. le Président, que trop fort ne casse pas, mais la plupart de ces crédits ont été adoptés.

M. LEVESQUE: Oui, oui, mais pour être sur, pour faire les entrées.

M. PAUL: Ah! J'admire la prudence qui caractérise le leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: Je demanderais au président de la commission permanente des Affaires sociales de faire rapport.

M. SHANKS: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport à la Chambre que la commission des Affaires sociales a siégé et a adopté tous les postes des crédits budgétaires pour l'année financière 71/72.

M. LEVESQUE: Adopté? M. PAUL: Adopté.

M. LEVESQUE: Je demanderais maintenant au président de la commission permanente de l'Education de faire rapport.

M. PILOTE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport à la Chambre que la commission de l'Education a siégé et a adopté tous les postes des crédits budgétaires pour l'année 71/72.

M.PAUL: M. le Président, je n'ai rien compris.

M. CARDINAL: Sauf l'article 1, qui a été suspendu. M. le Président, adopté.

M. CHARRON: M. le Président, à l'article 1, je viens de faire un compromis avec le premier ministre et il faut que j'en fasse mention à la

Chambre; plutôt que de faire un grief à l'article 1, j'ai décidé de poser une question tout à l'heure, lorsque nous reprendrons nos travaux, au premier ministre sur le site de l'Université du Québec à Montréal.

Article 1, adopté, M. le Président.

M. BOURASSA: Merci.

M. LEVESQUE: Alors, merci. Rapport.

UNE VOIX: Une autre victoire.

M. BOURASSA: Je vous remercie de votre collaboration.

M. CHARRON: Bien, je vous en prie, cela nous a fait plaisir.

M. HARDY (président du comité des subsides): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté des résolutions qu'il vous prie d'agréer.

M. LAVOIE (président): Ces résolutions sont-elles adoptées? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais proposer la première, la deuxième et la troisième lecture du projet de loi no 79, Loi octroyant à Sa Majesté des deniers requis pour les dépenses du gouvernement pour l'année financière se terminant le 31 mars 1972 et pour d'autres fins du service public.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. CHARRON: Avant de l'adopter, M. le Président, est-ce qu'on peut demander au leader du gouvernement...

DES VOIX: A votre siège.

M. CHARRON: ... si on ne sera pas pris, je viens d'entendre la mention 31 mars 1972, à voter un budget supplémentaire le 31 mars 1972 au soir jusqu'à minuit moins cinq sur des projets antipopulaires comme ceux de l'autoroute est-ouest qui ont prévalu lors de tous nos débats le 31 mars 1971?

M. BOURASSA: Nous allons tirer toutes les leçons de l'expérience passée, celle-là comme celle que j'ai connue aujourd'hui.

M. CHARRON: Bravo!

M. BURNS: Ce qui nous inquiète, c'est que vous n'avez pas l'air d'apprendre parce que ce qui est arrivé le 31 mars arrive actuellement concernant la baie James. J'y vois un parallèle extraordinaire, sauf que l'un des deux projets, choississez lequel, est beaucoup plus important que l'autre.

M. LEVESQUE : Alors, les trois lectures sont adoptées?

M. PAUL: Plus le comité plénier.

M. LEVESQUE: Plus le comité plénier et en plus de cela les voies et moyens pour les entrées également.

M. BOURASSA: Bien, là, je ne comprends plus. Qu'est-ce que ça veut dire ça, M. le Président, plus les voies et moyens, moins les subsides?

M. CHARRON: Servez-vous de votre cadeau.

M.PAUL: M. le Président, ça prouve qu'on lui a donné un cadeau utile.

M. LEVESQUE: II l'a perdu.

M, BURNS: Vous ne l'avez pas déjà donné à quelqu'un d'autre?

M. LEVESQUE: Alors, pour les articles 1 et 2, c'est-à-dire pour les subsides, il y avait eu rapport, adoption. Ensuite, 2, voies et moyens. Après cela, le bill en trois lectures, incluant le comité plénier.

M. ROY (Beauce): En quoi consiste le bill que le leader du gouvernement vient de nous expliquer?

M. LEVESQUE: Bien, je l'avais montré aux divers leaders de l'Opposition.

M. SAMSON: On a pris le numéro. M. LEVESQUE: Le 79, en effet. M. SAMSON: Cela, on l'a vu.

M. LEVESQUE: Ce projet reproduit tous les crédits qui ont été adoptés pour chacun des ministères.

M. ROY (Beauce): Très bien, adopté.

M. CARDINAL: Tout le monde qui a travaillé un peu au Parlement sait ça.

M. BOURASSA: Alors, tout est adopté, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on fait les écritures concernant le comité des voies et moyens?

M. CARDINAL: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Rapport et résolutions, adoptés?

M. PAUL: C'est ça.

M. BOURASSA: Avec les écritures?

M. CHARRON: Est-ce que cela vous tente d'en passer un autre?

M. BOURASSA: Tout est correct, là! M. LEVESQUE: Alors, M. le Président... M. CHARRON: Article 16?

M. LEVESQUE: Article 5. Est-ce que l'article 16 est...

M. CHARRON: Non, je veux dire l'article 16 du bill 50.

M. LEVESQUE: Ah! Article 5, en effet.

M. LEGER: M. le Président, sur l'article 5, je n'ai pas choisi l'heure d'étudier ce bill-là. On l'a subie. Je dois faire remarquer que j'en ai, quand même, pour à peu près une heure et demie sur ce bill-là. H est deux heures vingt minutes. Je dis au gouvernement que ce n'est pas parce qu'il est cette heure-là que nous allons limiter ce que nous avons à dire, sans faire de débat inutile. Je vous le dis, j'en ai pour une heure et demie. Je me demande si le gouvernement persiste à le faire adopter ce soir.

M. LEVESQUE: Est-ce que nous ne pourrions pas commencer, toujours?

M. LEGER: Je n'ai pas d'objection. Quant à moi, je ne voudrais pas qu'on veuille limiter le débat à cause de l'heure.

M. LEVESQUE: Non, non. Au contraire. UNE VOIX: Jusqu'à l'aube.

M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais attendu que le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives s'exprimât d'abord, pour ensuite...

M. BURNS: Bien, nous le savions.

M. CARDINAL: D'accord, je sais bien que c'est ça. Mais il y a eu une interruption qui s'est faite. Je ne sais pas si elle a été faite selon les règlements. Nous avons toute la patience requise pour étudier ce projet de loi et notre collaboration est accordée d'avance au gouvernement s'il est raisonnable, comme il semble l'être.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières Compagnies et Coopératives propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier.

M. BURNS: Avant que vous ne quittiez le

fauteuil, je veux vous dire également que notre collaboration aussi est acquise au gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. LOUBIER: M. le Président, je dois, au nom de mon collègue, le député de Chicoutimi, corriger. Je pense qu'on aurait dû dire: Avant que vous ne "quitassiez" le fauteuil, au nom de sa majesté la langue française !

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Alors, bonne nuit.

Projet de loi no 45 Comité plénier

M. TETLEY: ...M. le Président, qu'il me soit permis de noter que j'ai distribué en Chambre un petit dossier avec le rapport de la commission, avec tous les amendements, quelques amendements en effet, cinq, que nous allons suggérer ce soir et des documents, soit les appendices a) et c), qui donnent des explications. Je n'ai pas d'autres remarques pour le moment.

M. CARDINAL: M. le Président, pour faire suite à ce qu'a dit le ministre, ce projet de loi qui porte le no 45 et qui s'intitule Loi de la protection du consommateur a déjà une assez longue histoire. H est né sous l'ancien gouvernement. Il a été revu par le gouvernement actuel. Il a été étudié durant toute une pleine journée, en commission parlementaire, où plusieurs amendements ont été apportés, venant des Oppositions et tout particulièrement, je me permettrai de le souligner, de l'Opposition officielle. Grâce à la grande compréhension du ministre, la plupart de ces amendements ont été acceptés.

Je veux souligner un point que je crois important. C'est que nous avions donné, à ce moment-là, au ministre une certaine latitude pour apporter, après étude, avec ses légistes et ses fonctionnaires, ce que j'appellerais des amendements de concordance. Depuis, je sais que nous avons reçu, presque tous, un très long télégramme qui nous proposait peut-être 120 amendements. Mais quant à nous, de l'Opposition officielle, tout en respectant ce que pourraient proposer les membres d'autres Oppositions, je dirai tout de suite, M. le Président, à l'égard du ministre, que, sujet à ces amendements qu'il a eu la délicatesse de me remettre comme il les a remis, d'ailleurs, aux deux autres Oppositions, j'accepte d'avance. Je serais prêt, au nom de l'Opposition officielle, sans empêcher la liberté de parole des deux autres

Oppositions — je le souligne à nouveau — à adopter les articles 1 à 129 en bloc.

M. TETLEY: Je remercie le député de Bagot.

M. ROY (Beauce): M. le Président, en ce qui nous concerne, nous avons également participé à l'étude de ce projet de loi article par article à la commission parlementaire, la semaine dernière. Nous avons pu remarquer, en étudiant tous ces articles, que le projet de loi no 45, nouvelle forme, présenté par le ministre actuel des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, avait subi des amendements assez importants comparativement à l'ancien projet de loi présenté par le ministre de la Justice l'automne dernier.

M. le Président, nous avons également remarqué que, dans la nouvelle rédaction le ministre avait tenu compte de certaines de nos recommandations.

Dans la rédaction de ce nouveau projet de loi, on en avait tenu compte et les articles avaient été amendés en conséquence.

Lors de l'étude en commission parlementaire, nous avons proposé des amendements qui ont été acceptés, alors que d'autres ne l'ont pas été.

Maintenant, le ministre nous a remis, ce soir, une série d'autres amendements. Tout à l'heure, j'ai pris la peine de regarder quelle serait l'implication de ces amendements dans ce projet de loi et, d'avance, je peux lui dire que nous les acceptons tous. Nous n'avons aucune réserve concernant les amendements proposés. Nous sommes prêts, en ce qui nous concerne, à adopter en bloc, nous aussi, les articles 1 à 126 sans autre discussion. Non pas que nous ne nous intéressons pas à ce projet de loi; au contraire, nous nous y intéressons au plus haut point. Nous avons eu l'occasion de faire part de nos remarques au ministre lors de l'étude de la commission parlementaire, la semaine dernière, ainsi que de souligner certains points dont nous voulons que le gouvernement tienne compte lors de la rédaction des règlements. En effet, je pense que la loi vaudra ce que vaudront les règlements en quelque sorte. Il y a certains articles dans le projet de loi qui donnent énormément de pouvoirs au gouvernement, mais nous sommes assurés de la collaboration du ministre et de sa compréhension pour que le gouvernement n'abuse pas de ces pouvoirs et qu'il n'en fasse pas une loi un peu dictatoriale qui pourrait même aller jusqu'à contrôler l'industrie et le commerce.

Ce projet de loi de la protection du consommateur est le premier que nous avons au Québec; il n'y a jamais eu de loi de la protection du consommateur. Nous sommes conscients que cette loi est imparfaite, mais nous la jugeons satisfaisante dans le moment et dans les circonstances.

Nous regrettons, cependant — ceci m'évitera

de faire une nouvelle intervention lors de l'adoption en troisième lecture — que certaines dispositions de ce projet de loi n'aient pas pu couvrir la publicité qui s'adresse aux enfants. Je tiens à le souligner parce que c'est extrêmement important.

Nous comprenons les difficultés que le gouvernement aurait de faire une législation qui se tiendrait du fait que cette publicité peut venir de toutes parts: de la radio, de la télévision, d'ailleurs, d'autres provinces — Radio-Canada est de juridiction fédérale — il y a, tout de même, les postes de télévision des Etats-Unis qui entrent dans la province de Québec et nous avons une quantité de revues, publications ou autres journaux qui viennent des autres pays.

M. LEGER: M. le Président, le député de Beauce a-t-il l'intention de ne plus reparler quand nous ferons l'étude du projet article par article, parce qu'il est à parler d'articles qui seront vus dans peut-être une demi-heure? Alors, s'il a l'intention de ne plus reparler, je n'ai pas d'objection.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je veux tout simplement faire un résumé pour ne pas avoir à y revenir, sauf s'il y avait de nouveaux amendements proposés à certains articles ou des articles susceptibles d'être amendés par le gouvernement.

Il est possible que nous acceptions les nouveaux amendements, mais je parle en regard des amendements que nous avons étudiés et de ceux que le ministre nous a soumis, ce soir dans la nouvelle rédaction du bill. Je voulais faire une résumé pour ne pas alourdir le débat. Je voulais faire une espèce de synthèse pour ne pas avoir à reprendre la parole à tous les articles de ce projet de loi.

Je termine sur ce point concernant, par exemple, un article par le député de Lafontaine, par l'intervention qu'il a faite, je me demande si je n'aurais peut-être pas dû garder mon droit de parole pour revenir sur certains articles.

M. CARDINAL: On a tout le temps.

M. ROY (Beauce): On a tout le temps, en comité. Alors, M. le Président, pour ne pas engager le débat...

M. BURNS: 346.

M. ROY (Beauce): ... justement, le député de Lafontaine va peut-être le regretter, mais, je termine mes observations là-dessus. Tout de même je tiens à répéter qu'en ce qui concerne actuellement, tel que les amendements ont été proposés, nous sommes prêts à l'adoption globale des articles de 1 à 126 pour ne pas prolonger le débat.

M. CARDINAL: M. le Président, à cause d'une intervention justement du député de

Lafontaine, tantôt j'ai été très bref et je n'ai pas voulu profiter de l'occasion pour vanter les louanges du gouvernement précédent qui avait démarré ce projet. Mais si, en cours de route, on vient nous proposer de part et d'autre, de nouveaux amendements, qui viennent détruire l'économie de ce projet de loi, qui sans être parfait et on l'a dit en commission parlementaire, est une première étape très importante au Québec et dont nous nous réjouissons, il est évident qu'à ce moment-là, l'Opposition officielle se réserve son droit de discussion en espérant la collaboration de tous les partis dans cette Assemblée nationale.

M. BURNS: M. le Président, alors simplement comme déclaration préliminaire, je veux également expliquer pourquoi malheureusement nous avons insisté pour que la commission parlementaire, c'est-à-dire pour que le comité plénier siège ce soir. Cela n'a pas du tout été dans le but de rallonger ce débat.

Et j'en profite, j'ouvre une parenthèse pour remercier le ministre des Institutions financières pour la collaboration qu'il nous a donnée, en tout cas, il nous a mis au courant de toutes les étapes de son projet, même si nous ne sommes pas d'accord avec tous les amendements qu'il a apportés, je sais que l'attitude qu'il a tenue tout au long de ce débat-là a été motivée par une sincérité profonde, par un désir d'améliorer le problème du consommateur et là-dessus je l'en félicite simplement.

Surtout, ce n'est sûrement pas à cause de ces raisons-là, sûrement pas sur un bill du ministère des Institutions financières que nous aurions voulu faire obstruction, c'est à cause du fait que malheureusement, coïncidait avec l'étude en commission le problème de la baie James, le député de Lafontaine qui est le représentant officiel du parti en cette matière en commission se devait, d'une minute à l'autre, d'être appelé en Chambre, pour participer au débat sur la baie James et ce n'est que pour cette raison que nous avons refusé de participer à la commission parlementaire. Ce n'est que pour cette raison que nous devons malheureusement forcer la tenue de ce comité plénier.

M. LEGER: M. le Président, le bill de la protection du consommateur est trop important pour que nous passions sous silence certains aspects que nous verrons à mesure que les articles vont passer devant nous, pour nous apporter les amendements ou les interpréations ou les appréciations que nous jugeons bon de donner.

Au départ, avant de passer à l'article 1, M. le Président, je veux simplement faire une petite mise au point concernant le député de Beauce.

Je ne voulais absolument pas lui couper la parole tantôt, mais comme je voyais qu'il exprimait des idées sur différents articles qui sont très loin dans le bill, je me demandais si c'était tout simplement pour résumer tout ce

qu'il avait à dire, et à ce moment-là, il n'aurait plus eu le droit de parole, ou si, tout simplement, il voulait continuer à parler. Je n'ai pas d'objection pourvu qu'on étudie article par article. D avait parfaitement raison de parler sur le bill, mais je voyais qu'il aurait pu l'allonger du fait qu'il expliquait immédiatement des articles précis alors qu'on n'était pas encore rendu là. C'est juste pour cette raison que j'avais fait cette mise au point.

Quand nous avons commencé — c'est à peu près la seule chose que j'ai pu dire à la commission parlementaire — avant d'adopter l'article 1, il avait été question d'un préambule. Je voudrais résumer aujourd'hui un peu la raison pour laquelle nous proposons, encore en comité plénier, que le ministre repense sa décision concernant la possibilité d'inclure un préambule dans cette loi. D'ailleurs, contrairement à ce qu'il m'avait dit la dernière fois, c'est une chose normale puisque, dans le livre de procédure, à l'article 564, il est bien dit que le préambule fait partie possible d'un projet de loi, lequel on étudie souvent à la fin d'un projet de loi puisqu'il exprime le principe même de cette loi.

Je voudrais, pour les fins du journal des Débats, lire le préambule. Après cela, j'expliquerai pourquoi. Je vais en donner une copie immédiatement aux partis présents. La présente loi devrait comprendre le préambule suivant: "La présente loi doit être mise en application et interprétée à la lumière des principes suivants: Premièrement, le consommateur a droit à l'information nécessaire pour connaître la qualité de ce qu'il achète, sa composition, son mode d'emploi, la façon d'en assurer l'entretien, la garantie qui s'y rattache, son prix total et les modalités du contrat. Toute publicité doit avoir pour fin exclusive l'information du consommateur. Elle doit être exacte et complète. "Deuxième point, le consommateur a le droit de s'organiser pour protéger ses intérêts et faire valoir ses droits. Il doit, de plus, participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des lois et des règlements qui le concernent. "Troisième principe, il est du devoir de l'Etat de protéger le consommateur contre les produits nocifs ou dangereux, contre les fraudes et les pratiques déloyales, contre l'usure ou l'exploitation. "Quatrièmement, le consommateur doit pouvoir choisir librement les biens ou les services disponibles et se les procurer au prix le plus bas possible."

Quelles sont les raisons profondes pour lesquelles nous proposons que soit inscrit, au début de ce projet de loi, ce préambule? Il y a trois raisons majeures. Premièrement, en vertu...

M. PICARD: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. LEGER: Oui, M. le Président.

M. PICARD: C'est lui-même qui a mention- né tantôt que le préambule était admis et qu'il était étudié à la fin de tous les articles du projet de loi. Est-ce qu'on ne pourrait pas commencer à l'article 1 et discuter du préambule —qu'il le dépose — à la fin du projet de loi? Il l'a suggéré lui-même.

M. LEGER: De toute façon, j'en ai pour deux minutes. Vous pourrez juger par la suite. Premièrement, en vertu de l'article 40 de la Loi d'interprétation, un préambule fait partie de la loi et sert à en expliquer l'objet et la portée.

Deuxième raison, c'est d'éclairer le législateur, le consommateur et les officiers qui auront à administrer et à interpréter la loi et les règlements de manière à ce que ce soit clair que le projet de loi ne nuise pas au bon commerce en permettant à des individus de faire des plaintes futiles, parce que tel ou tel article interprété strictement leur permettrait de le faire, ou en permettant à un commerçant de s'en tirer parce que le législateur aurait oublié ou mal formulé un autre article.

Je voudrais souligner qu'à l'occasion de l'étude en commission parlementaire, où j'ai assisté au débat provenant des arguments présentés par différents députés de cette Chambre, combien ce préambule aurait été nécessaire et pourrait être nécessaire pour conclure justement à ce que ces députés disaient. Je me réfère au député de Laurier, au député de Chauveau, aux députés de Beauce et de Dorchester, qui, au cours de la commission parlementaire, se sont demandé, à différents articles et à juste titre, si une interprétation stricte de la loi, pour tel ou tel article sur lesquels ils étaient en train de discuter, ne pourrait pas nuire à ce qu'on pourrait appeler, et je cite les mots précis qu'ils ont dits, "le bon commerce."

Si un tel préambule était adopté, il permettrait d'éviter ce que semblaient craindre ces membres de la commission.

M. le Président, la troisième raison, c'est qu'un tel préambule éviterait aux législateurs l'obligation de faire des textes qui, pour tenir compte de ceux qui, d'une façon responsable, exercent un commerce, permettraient à des fraudeurs de contourner la loi en obligeant à le formuler plus souplement et plus simplement.

La raison du préambule, c'est clair, c'est pour permettre à ceux qui auront à légiférer, à ceux qui auront à l'interpréter de savoir réellement le principe que cette loi voulait atteindre.

M. CARDINAL: M. le Président, sur la question du préambule, deux remarques. Je commencerai, comme mon excellent ami et quand même membre d'un autre parti, le député de Lafontaine, par rappeler les objectifs du projet de loi no 45. Son titre est déjà un préambule et, pour une fois, c'est un titre clair, contrairement à d'autres lois dont je n'ai pas le droit de parler, d'après les règlements. Comme son titre l'indique, ce projet de loi vise à protéger le consommateur lors des ventes à crédit et des ventes faites par les vendeurs itinérants.

Le projet comporte également certaines dispositions concernant les prêts d'argent dans les limites de la juridiction du Québec: la garantie, la publicité. Le projet prévoit également l'établissement d'un Office de la protection du consommateur ainsi qu'un organisme de consultation qui, dans certains cas, grâce aux amendements que nous avons proposés, doit nécessairement être consulté. On le verra en temps et lieu. C'est intitulé le Conseil de la protection du consommateur. Une section de ce projet de loi régit l'émission de permis aux vendeurs itinérants, de même qu'aux vendeurs d'automobiles usagées, si je ne me trompe pas.

Le but visé par cette loi est certainement louable et personne en cette Chambre n'en doute ni ne veut l'attaquer. Il nous apparaît, cependant, que certains amendements devaient être suggérés et l'ont été, d'ailleurs, en commission parlementaire de façon à rendre la loi plus claire dans certains cas et plus efficace dans d'autres cas. Dans certains cas, nous avons suggéré un adoucissement à la loi et, dans d'autres cas, nous avons suggéré des dispositions plus sévères.

Avant de clôturer, je veux souligner cette espèce de manichéisme que nous avons où les autres sont toujours les méchants et nous, les bons. Ce qui nous parait le plus évident, c'est que cette loi, si on n'y fait pas attention, peut laisser croire ou présupposer qu'il n'y a que des marchands malhonnêtes et aucun acheteur inconséquent ou irresponsable.

Le plus drôle — quelqu'un l'a souligné tantôt — c'est que celui qui est aujourd'hui acheteur est demain consommateur et celui qui est aujourd'hui consommateur est demain acheteur. Le préambule, nous paraît inacceptable pour deux raisons. Tout d'abord, parce qu'il n'indique que des voeux pieux. S'il a un aspect juridique, ceci devient fort embarrassant à cause des règles d'interprétation de nos statuts et de nos lois du Québec qui disent, premièrement, que les notes explicatives d'un projet de loi ne peuvent jamais servir ni devant un tribunal, ni pour un conseiller juridique à interpréter une loi, puisque ce n'est qu'un projet qui vient du gouvernement et non pas de l'Assemblée nationale qui est maîtresse de sa décision pour l'adoption de la loi. Deuxièmement, parce que ces mêmes règles d'interprétation, consacrées par une jurisprudence constante, nous disent qu'un préambule ne peut pas servir à interpréter les articles d'un projet de loi.

Or, ou bien le préambule devient lui-même un article et, à ce moment-là, il est de la législation — alors, le préambule, tel que rédigé, n'est pas de la législation; c'est ce que j'ai appelé des voeux — ou bien il n'est qu'un préambule et, à ce moment-là, il n'apporte rien d'autre. Les gens qui veulent savoir quelles ont été, un jour, les intentions d'un gouvernement au sujet d'un projet de loi n'ont qu'à se référer au journal des Débats et aux procès-verbaux et tant le journal des Débats que les procès-ver- baux et un préambule n'engagent en rien ni la judicature, ni le Barreau, ni tout homme qui a à procéder en matière juridique. Merci, M. le Président.

M. GUAY: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, une personne qui voudrait interpréter la loi se retrouverait clairement dans les discussions du journal des Débats.

M. CARDINAL: Pardon, M. le Président, je n'ai jamais dit ça.

M. LEGER: Les intentions seraient vues clairement.

M. CARDINAL: J'ai dit si on voulait voir les intentions, non pas l'interprétation de la loi, parce que, pour l'interprétation de la loi, le juge, d'après l'économie de notre droit, n'est tenu qu'au texte de la loi sans son préambule, sans ses notes explicatives, sans le journal des Débats, sans les procès-verbaux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, avant l'adoption de l'article 1, je ne voudrais pas, évidemment, changer l'esprit serein des discussions sur ce projet de loi.

Mais je trouve tout de même un peu curieux, un peu étrange que des députés d'un certain parti politique, par stratégie parlementaire, et le député de Lafontaine a même mentionné qu'il a assisté aux discussions sans y participer...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Il n'est pas du tout question de la stratégie parlementaire et je demande, tout simplement, au président de rappeler à l'ordre le député de Dorchester. Il n'est pas question de décider. J'ai fait une déclaration justement pour cela, au début, pour expliquer à la Chambre pourquoi nous avons insisté sur le comité plénier. M. le Président, je vous demanderais de rappeler le député à l'ordre. S'il voulait faire une intervention là-dessus, il aurait dû la faire l'autre jour à la commission parlementaire ou en Chambre quand nous avons déclaré notre intention.

M. GUAY: M. le Président, c'est justement à la suite des précisions qu'a apportées tantôt le député de Lafontaine ou l'autre député. Justement...

M. BURNS: We would not be here...

M. GUAY: ... le député l'a mentionné, c'est

pour préciser notre position, parce que lorsque nous relirons le journal des Débats, peut-être qu'à ce moment-là on dira que les députés du Ralliement créditiste n'ont pas participé à l'étude de ce projet de loi, chose qui sera absolument fausse. Je pense que certaines discussions, y compris le préambule que nous discutons, sont la reprise de certaines discussions qui ont déjà eu lieu. C'est une répétition de mots et un dédoublement de travail.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur le principe que vient de proposer le représentant du Parti québécois, le préambule — j'ai lu, avec attention, le préambule dont il nous a fait parvenir une copie — je remarque qu'à l'article 1, les deux dernières lignes, on dit ceci: "Toute publicité doit avoir pour fin exclusive l'information du consommateur. Elle doit être exacte et complète." M. le Président, sur ce point, je me permettrais de souligner qu'on exigera, en quelque sorte, par le préambule, que la publicité soit complète alors que, dans certains cas, on s'est plaint qu'il y avait justement trop de publicité. Si on obligeait, par un préambule de la loi, la publicité à être complète, on obligerait même la publicité, dans un certain sens. Comme le préambule qu'on vient de nous soumettre ne change rien à la loi, je ne voudrais pas répéter ce qu'a dit le représentant de l'Union Nationale, le député de Bagot, avant moi. Disons que je n'ai pas sa compétence en matière d'interprétation...

M. CARDINAL: Fort savamment.

M. ROY (Beauce): Fort savamment, c'est vrai. Je n'ai pas sa compétence pour discuter de ces choses. Il me semble que ce que le député de Bagot a dit tout à l'heure est tout simplement logique et mérite d'être retenu.

Toutefois...

M. CARDINAL: Je remercie le député.

M. ROY (Beauce): ... nous ne nous opposerions pas à un certain préambule, mais très court. Nous ne nous opposons pas au principe qu'il y ait un préambule dans un projet de loi. Mais il est dangereux, à notre avis, d'avoir un préambule trop élaboré parce qu'à ce moment-là, il y a danger d'avoir une contradiction entre le préambule et l'interprétation de la loi, comme on l'a souligné tout à l'heure.

M. TETLEY: M. le Président, il y a quatre raisons pour lesquelles je soumets respectueusement que le préambule ne peut pas être accepté. Tout d'abord aucune loi, c'est la tradition au Québec, depuis longtemps, n'a de préambule. Deuxièmement, je note le livre de rédaction et d'interprétation des lois, de Me Louis-Philippe Pigeon qui, à l'heure actuelle, est à la cour Suprême, livre dans lequel il parlait de la rédaction des lois.

Le préambule ne se trouve pas dans cette loi.

Troisièmement, en effet, le préambule modifie complètement le bill. Je vous donne un exemple. Le mot "usure", au troisième paragraphe. Si nous adoptons le troisième paragraphe du préambule, nous sommes contre l'usure. C'est une stiuplation claire et nette. Le premier paragraphe: "Toute l'information nécessaire". Peut-être que le commerçant ne veut pas faire de la publicité. Peut-être veut-il couper les prix. Il y a des commerces qui ont toutes sortes de publicités et il y en a d'autres qui n'en ont pas. Allons-nous accepter ce principe qu'il faut toujours faire de la publicité?

Regardez le quatrième paragraphe. C'est en effet une modification énorme de notre économie: "Le consommateur doit pouvoir choisir librement les biens, etc., et se les procurer au prix les plus bas possible". Mais est-ce que cela veut dire "price control"? Peut-être que le prix sera plus élevé à cause des livraisons ou d'un autre problème.

En effet, c'est une modification de la loi. Cela affectera aussi l'interprétation par le juge, comme le député de Bagot l'a déjà noté, de tout article. M. le Président, c'est un point que je ne veux pas soulever. Je suis absolument certain que cet amendement en troisième lecture qui modifie complètement les principes du bill, est irrecevable. Mais je ne soulève pas ce cinquième argument parce que je crois qu'en effet, nous devons tous repousser l'amendement.

M. PAUL: M. le Président, pourrions-nous faire une suggestion? Que l'avion décolle un peu. Il est encore à terre.

M. LEGER: M. le Président, à l'article 1, j'ai quelques définitions à proposer. Je peux en distribuer. Premièrement, article 1, c): "Bien". La définition qui est donnée est la suivante: "Tout bien mobilier ou service faisant l'objet d'un contrat". Quand on fait une définition, il est dangereux de définir par deux notions dans un même définition. Si vous remarquez, le mot "service" qui est inclus dans la définition de "bien" n'est même pas lui-même défini. Il faut remarquer qu'à m) et à s), le mot "service" revient deux fois. A m) "Prix comptant": le prix auquel est offert un bien ou un service". A s) la même chose, à s) ou à r). A deux autres endroits, le mot "service" revient. Alors pourquoi ne pas avoir distingué le mot "service" du mot "bien". Est-ce que le bien vendu avec un service, c'est la même chose? Je remarque que dans la loi du Manitoba, on inscrit: "Goods or services" ou "Goods and services", la dernière partie ayant été ajoutée par amendement.

M. le Président, je me demande pourquoi on ne pourrait pas définir le mot "service". Voici la suggestion que je fais. Je la remets à un page. Les pages sont fatigués! "Bien" ce serait: "Tout bien mobilier, sauf une valeur mobilière au sens de la Loi des

valeurs mobilières, Statuts refondus 1964, et comprend toute chose rattachée à ou faisant partie d'un bien immobilier que les parties ont voulu détacher avant la vente ou selon le contrat de vente et tout bien mobilier devant être rattaché à tout bien immobilier au moment de ou après la livraison". Je donne un exemple: Est-ce qu'un bien meuble, comme une fenêtre, un revêtement, des portes, une fois posé, devient un bien immeuble?

M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, nous ne sommes pas pour commencer une leçon de droit civil sur les biens meubles par destination, par nature ou par exception. Nous pourrions en discuter longtemps. Je donnais au moins 200 heures là-dessus.

M. LEGER: II faut raccourcir ça.

M. CARDINAL: Bien raccourcir ça! C'est que cette loi-ci vient compléter le code civil ou y faire exception. Par conséquent, toutes les règles du code civil continuent à s'appliquer. Ce qui est fixé à fers et à clous demeure bien par accession; ce qui est fixé par un propriétaire, et du bien meuble et du bien immeuble, pour y demeurer à demeure devient immeuble par destination, et j'en passe. Je ne reprendrai pas tous les articles qui se rapportent à la définition des biens meubles et immeubles. L'amendement part d'un bon naturel, mais il ne fait que répéter ce qui est déjà dans le code civil, avec le danger que ce ne soit pas tout à fait concordant.

M. LE PRESIDENT: Rejeté?

M. TETLEY: Je suid d'accord avec le député de Bagot. L'honorable juge Pigeon, dans son livre, parle des dangers de la définition par énumération; c'est, en effet, l'argument du député de Bagot. De plus, vous retirez de notre définition toute la jurisprudence.

M. CARDINAL: Si vous le permettez, M. le Président, il y a autre chose. C'est une philosophie que je dirais du droit québécois, par rapport au droit statutaire anglais ou à celui qu'on retrouve à Ottawa. A Ottawa ou en Angleterre, lorsqu'on veut décrire un train, on prend dix pages pour dire que ça comprend la locomotive, les roues d'une locomotive, le "tender", les wagons, ce qui réunit les wagons et, enfin, jusqu'au bout. Au Québec, on se contente de dire que c'est un immeuble parce que ça se déplace sur une voie ferrée et, par conséquent, dans une limite définie. Alors, il ne faudrait pas faire du droit statutaire à la façon anglaise. Je pense que le Parti québécois devrait, le premier, faire du droit à la façon française, c'est-à-dire à base de principes et non pas à base de définitions.

M. BURNS: M. le Président, je m'inscris en faux contre les dernières remarques du député de Bagot. D'ailleurs, le député de Bagot devrait se souvenir que c'est lui qui m'a enseigné mon droit au tout début.

M. CARDINAL: Un autre!

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Vous l'avez mal appris.

M. BURNS: Moi, je trouve que ses remarques comme professeur étaient beaucoup plus appréciées que ses remarques comme député.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais on a de bons et de mauvais élèves.

M. VEILLEUX: Amendement rejeté.

M. CARDINAL: Mais je ne peux pas laisser passer ça comme ça. Comme je l'ai déjà dit à quelqu'un d'autre: Si j'avais des réponses claires quand j'étais professeur, c'est parce qu'il y avait souvent des questions claires et intelligentes.

M. LEGER: M. le Président, dans ce cas-là, je voudrais soumettre un autre amendement qui permettrait, au moins, de définir le mot "services". Le mot "services" n'est pas du tout inclus dans les définitions. Je ne sais pas si le ministre va accepter la définition de services.

Je la lis ici: "Services: tout ouvrage, main-d'oeuvre et autres services personnels, tout le service relatif au transport, à l'accommodation pour hôtel, restaurant, à l'éducation, aux divertissements, aux loisirs, aux funérailles et ses services connexes et tout contrat d'assurance fourni par une personne autre que l'assureur." Ni plus ni moins, c'est pour définir le mot "services" dont on se sert plusieurs fois et qui n'est absolument pas défini.

M. TETLEY: M. le Président, respectueusement, je crois que c'est un autre cas de définition par énumération. Toute énumération est restrictive et nous avons grand peur d'accommodation pour hôtel, restaurant — avez-vous oublié motel? — éducation, divertissements, cours, sport. Est-ce qu'un bar est un divertissement? Lorsque je vois une telle rédaction ça me fait peur et je préfère un mot large; services, ça veut tout dire.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que le ministre va définir service d'une autre façon?

M. BURNS: M. le Président, la dernière argumentation du ministre ne me satisfait pas en ce sens que pour rejeter l'existence d'une définition du mot "services" il nous dit que la définition que nous proposons est trop restrictive. Je pense que, plutôt de ne pas en avoir, nous serions peut-être encore mieux, étant donné que le mot est utilisé dans la loi, d'en avoir une, même restrictive. Et si on peut

arriver à trouver une définition qui est beaucoup plus large et moins restrictive, moi je veux bien. Au fond, je pense que ce qui anime la proposition du député de Lafontaine c'est qu'il voit une lacune dans l'absence de définitions qu'on pourrait retrouver au tout début de ce texte à l'article 1. Alors, si le ministre a une proposition à nous faire qui serait moins restrictive, nous n'avons pas d'objection. C'est une lacune qu'on trouve au projet de loi en ce sens que la définition de "services" n'existe pas.

M. TETLEY: Mais, M. le Président, un des documents les plus importants au Québec et qui a duré 105 ans, plus que la confédération, c'est le code civil. Il n'y a presque pas de définitions. On laisse ça au juge et au bon sens; "services" veut dire ce que c'est. Autrement, le code civil aurait un dictionnaire pour les définitions, parce que le code civil touche tout droit. Donc je m'inscris complètement en faux contre cette pensée malgré que j'admire l'intention de protéger le consommateur. Je crois que définir "services" causerait des lacunes claires et nettes dans la loi.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEGER: M. le Président, on définit, à l'article f), crédit: "Le droit consenti par un commerçant à un consommateur d'exécuter à terme une obligation, moyennant un coût". L'amendement que je proposerais ce serait d'ajouter: Ou une majoration du prix de vente. C'est le même texte mais en ajoutant, après "moyennant un coût" ou une majoration du prix de vente.

M. TETLEY: M. le Président, j'ai eu la coopération étroite du député de Lafontaine et mes légistes ont étudié une telle proposition.

Nous croyons que c'est inutile et dangereux parce que si un crédit est accordé moyennant une majoration du prix de vente, il y a là, d'après nous, un droit consenti moyennant un coût. Donc, nous avons peur que cela ajoute quelque chose dont nous n'avons pas besoin et nous croyons qu'encore une fois la définition telle qu'elle.est la meilleure.

M. LEGER: Sur division, M. le Président. Ce devrait être la définition que l'on devrait obtenir sur division.

M. TETLEY: ... quelques-unes de vos définitions.

M. LEGER: Je suis bien d'accord sur la façon dont travaille le ministre, c'est très bien et très intéressant. A l'article 1, M. le Président, prix comptant.

M. TETLEY: Pardon, vous me permettrez de présenter un amendement, à l'article 1, entre i) et j). Nous avons noté, après des remarques faites par les trois partis d'Opposition, qu'une définition... l'obligation principale et nous croyons qu'il faut ajouter: suivant les observations de... j'oublie quel parti où il faut ajouter cet amendement.

Je suggère qu'on inscrive, tel que rédigé: obligation principale, la livraison d'un bien ou la prestation d'un service.

M. LEGER: M. le Président, je voulais vous le proposer, c'est un amendement que je vous avais soumis. Je vous remercie de l'avoir accepté, mais je ne pensais pas qu'il arrivait à i), je voulais vous le présenter à la fin. Je suis heureux que vous ayez accepté la proposition du Parti québécois.

M. TETLEY: Très bien.

M. LEGER: II faut bien en adopter une de temps en temps.

M. LE PRESIDENT: L'amendement ii) est accepté.

M. LEGER: M. le Président, je ne sais pas si on en arrive à m), prix comptant. Voici la façon dont je le présenterais. La définition du prix comptant : Le prix auquel est offert un bien ou un service à un consommateur qui ne bénéficie pas de crédit lors de la formation du contrat, prix apparaissant aux annonces, liste de prix, catalogue, étiquettes ou autres indices, compte tenu de tout rabais accordé.

M. TETLEY: M. le Président, je partage l'opinion du député de Lafontaine. Nous avons étudié votre définition, plusieurs juristes l'ont étudiée et nous trouvons que c'est plutôt un amendement dangereux qui peut nuire au consommateur.

M. LEGER: Sur division, M. le Président. M. LE PRESIDENT: Adopté sur division. M. LEGER: Maintenant à l'article q).

M. CARDINAL: q). D s'est produit un incident en commission parlementaire quand j'ai dit: J'ai soulevé un q), il y a des gens qui se sont sentis visés.

M. TETLEY: C'est un q) dans la version anglaise, en tout cas. Je propose que la version anglaise de l'alinéa q) soit changée en remplaçant, dans la troisième ligne, les mots "a contract" par les mots "the signing of a contract" afin de poursuivre...

M. LEGER: D'accord.

M. TETLEY: Oui, très bien.

M. LEGER: La définition de vendeur itiné-

rant, celle qui était présentée, je l'amenderais pour celle-ci: Vendeur itinérant, tout vendeur qui, ailleurs qu'à son adresse, sollicite, négocie ou conclut avec un consommateur un contrat de vente.

M. TETLEY: M. le Président, c'était en effet, la définition qui existait dans l'ancien bill. Et après étude de tous les mémoires, après les renseignements donnés par nos légistes, nous avons conclu que c'était trop dangereux pour la raison suivante. La loi s'occupe des personnes qui téléphonent au consommateur ou arrivent à la porte du consommateur et "sollicitent"; c'est un mot très fort. Mais nous ne voulons pas nécessairement viser le cas d'un vendeur d'automobiles qui est chez lui, au magasin ou à son lieu de travail, lorsque l'acheteur arrive et veut acheter une voiture. Après que l'acheteur a examiné attentivement la voiture, il fait, avec elle, le tour du pâté de maisons ou peut-être quelques milles. C'est possible dans ce cas-là que ce soit négocié. C'est aussi le cas de quelqu'un qui nous invite à déjeuner après que nous ayons, nous les consommateurs, sollicité une entrevue avec le vendeur. Donc, nous voyons que les deux mots, sollicitations et négociations, étaient beaucoup trop forts et beaucoup trop dangereux parce qu'il faut une balance entre la protection du consommateur et l'épanouissement de notre économie. Nos légistes avaient aussi une grande peur du mot négocie.

M. LEGER: Sur division? M. PAUL: Sur division. M. TETLEY: Sur division.

M. LEGER: M. le Président, il y a un mot qui n'a pas été défini, je pense, à moins que je ne me trompe, c'est le mot commerçant. Voici l'amendement qui est proposé: La personne qui, exerçant un commerce, en semblables matières ou non, contracte avec un consommateur: sont réputés exercer un commerce, le vendeur itinérant et le prêteur.

M. TETLEY: Mais encore je suggère que cet amendement soit rejeté parce que, même dans l'amendement, je vois que c'est répétitif. La personne qui exerce un commerce est un commerçant. Nos légistes ont trouvé cela très dangereux et même un peu contradictoire. Cela n'aide en rien. Aussi, c'est une définition énu-mérative qui est dangereuse et nous voulons laisser à la jurisprudence la définition de ce qu'est un commerçant, parce que nous avons bien défini le consommateur, d'une façon très large.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

M. LEGER: Sur division, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Il y a un amendement au paragraphe s)?

M. TETLEY: Oui, je voudrais suggérer qu'on remplace l'alinéa s) par le suivant: "versement comptant" — voici une énumération acceptable parce que c'est une énumération d'effets ou d'objets — 1) le montant d'argent; 2) la valeur d'un effet de commerce payable à demande; ou 3) la valeur convenue d'un bien donné en acompte lors du contrat."

M. CARDINAL: Cela éclaircit la situation et je suis d'accord.

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 1, adopté. Article 2?

M. CARDINAL: Adopté.

M. LEGER: M. le Président, à l'article 2, je voudrais présenter l'amendement suivant: "Nulle offre, promesse ou entente préalable à un contrat n'engage le consommateur." Autrement dit, c'est une définition formaliste qui permet, en deux lignes, d'éviter une répétition qui n'est absolument pas nécessaire.

M. TETLEY: Je crois, M. le Président, que l'amendement protège moins le consommateur et c'est l'avis encore de nos légistes. Voici le problème: une personne ne peut pas, en effet, faire une offre ou une promesse. Elle peut retirer une offre ou une promesse. Si vous dites que nulle offre ou promesse n'engage le consommateur, le commerçant peut dire: Bon, vous avez soixante jours pour accepter, vous l'avez accepté, mais ça ne vous engage pas. Donc, vous avez perdu votre droit.

M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, je réfère encore à cette bible du Québec qui n'est pas le code Napoléon, mais le code civil, adopté un an avant la confédération, et qui dit qu'une offre, une promesse ou une entente au préalable est une pollitication et que, par conséquent, elle engage déjà. Il y a eu des causes, à ce sujet-là, à tous les niveaux de chacune des cours.

M. LEGER: Qu'est-ce qui arrive?

M. LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté? Article 2, adopté.

M. LEGER: L'article 3, quant à moi, est adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté. Article 4?

M. LEGER: A l'article 4, M. le Président, je voudrais, quand même, féliciter le ministre pour l'amendement que nous lui avions proposé et

qu'il a accepté. C'est, je pense, une belle amélioration pour le projet de loi. C'est celui qui dit, justement, que le contrat doit être lisiblement rédigé en français, mais que le consommateur peut demander qu'il soit rédigé aussi en anglais.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne peux résister à la tentation d'indiquer que c'était dans le texte préparé par l'Union Nationale.

M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté?

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur ce même point, je tiens à souligner que nous avions fait les mêmes remarques.

M. TETLEY: M. le Président, évidemment, je veux amender le bill 45 pour remplacer, à la troisième ligne du premier paragraphe de l'article 4, le mot "demander" par le mot "exiger" et, en anglais, le mot "ask" par "require".

M. CARDINAL: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Article 5, adopté?

M. LEGER: M. le Président, je voudrais faire un amendement à l'article 5, qui se lit comme suit: "Le commerçant doit signer et remettre au consommateur l'écrit dûment rempli et lui permettre de prendre connaissance de ses termes et de sa portée avant d'y apposer sa signature." L'amendement se lirait comme suit: Le commerçant doit remettre au consommateur l'écrit dûment signé et lui accorder un délai suffisant — que je rajoute — pour lui permettre de prendre connaissance de ses termes et de sa portée avant d'y apposer sa signature. La raison c'est que, concernant la preuve à faire, il y a une différence entre la mention "un délai suffisant" et son absence. Le juge va déterminer si cela a été un délai suffisant alors que, si cela n'est pas inclus dans le texte actuel, c'est le commerçant qui juge de ce délai. C'est la raison pour laquelle je soumets respectueusement cet amendement, c'est-à-dire d'ajouter les mots "délai suffisant".

M. TETLEY: Encore une fois, après étude profonde, les légistes et moi-même sommes d'accord que cela n'ajoute rien. Déjà le commerçant doit signer et remettre au consommateur l'écrit dûment rempli et lui permettre d'en prendre connaissance. Le juge va décider, pas du délai, mais de quelque chose de beaucoup plus fort. En effet, si le commerçant a permis de prendre connaissance, cela, à mon avis est beaucoup plus fort. Nous avons le même but mais pas les mêmes moyens.

M. LE PRESIDENT: Article 5, adopté. Article 6?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 7? M. TETLEY: Un instant.

M. LEGER: J'ai un amendement à proposer à l'article 7. L'article 7 dit: "Le contrat est formé lorsque toutes les parties l'ont signé." Le reste, c'est la même chose. Je voudrais proposer l'amendement suivant: Le contrat est formé à l'adresse du consommateur si elle est située au Québec et au moment où chaque partie est en possession d'un double de l'écrit où est consigné le contrat.

M. TETLEY: Cette fois-ci, j'invoque le code de procédure civile qui est aussi assez âgé mais pas autant que le code civil. Si par cet amendement vous commencez à amender notre code de procédure civile, vous allez tomber dans des pièges que nous avons vus aujourd'hui. Pardon?

M. PAUL: ...je ne vous ai pas appelé.

M. TETLEY: Nous avons vraiment peur que, par cet amendement-là, vous modifiiez toute la jurisprudence ou vous vous mêliez dans toute la jurisprudence qui existe à l'heure actuelle et qui est assez bien définie.

M. PAUL: M. le Président, cela ne m'arrive pas souvent d'être de la même opinion que l'honorable ministre. Mais il vient de nous donner une interprétation juridique qui est une marque de progrès sensible chez lui dans l'interprétation de nos textes de loi.

C'est avec plaisir, M. le Président, que j'ai bu les paroles du ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. CARDINAL: D'ailleurs, M. le Président, comme nous en avons discuté en commission parlementaire, dans la grande majorité de ces contrats, une élection de domicile est faite.

M. LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté sur division et l'article 7 est adopté. Article 8?

M. CARDINAL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 9?

M. CARDINAL: Adopté.

M. LEGER: Un instant, M. le Président. A l'article 9, je voudrais ajouter un article 9 a). En ce sens que l'article 9 tel quel serait adopté, mais je voudrais ajouter un autre article entre l'article 9 et l'article 10. Alors voulez-vous adopter l'article 9 ou s'il faut que je vous le donne tout de suite.

M. LE PRESIDENT: Article 9, adopté.

M. CARDINAL: Oui, article 9, adopté.

M. LEGER: Alors à l'article 9 a), M. le Président, j'aimerais présenter l'amendement suivant: "Tout contrat assorti d'un crédit envisagé par la section 3 et tout contrat pour un prix comptant peut être "dissolu" par le consommateur au plus tard le troisième jour après exécution totale ou partielle de l'obligation principale du vendeur." C'est "dissous".

UNE VOIX: J'aimerais mieux "dissous".

M. LEGER: Cela vient de dissolution mais c'est dissous.

M. CARDINAL: Ou résolu. M. LAURIN: C'est une erreur de "frappe". M. LEGER: Cela m'a frappé en pleine face! UNE VOIX: Ne le frappez pas!

M. LEGER: "Cet article ne s'applique pas au contrat envisagé par la section 4". M. le Président, l'argumentation que je veux donner là-dessus, c'est que jusqu'à maintenant, on n'a touché que le vendeur itinérant alors qu'ici, on veut toucher les problèmes de vente générale de produits non périssables qui permettrait, justement, aux personnes qui achètent à crédit d'avoir une période de résolution du contrat.

D'ailleurs, M. le Président, il y a déjà plusieurs magasins, de grosses maisons qui donnent, même dans leur vente, 30 jours et si vous n'êtes pas satisfait, argent remis, etc. C'est une pratique qui se fait assez couramment. Même, cela permettrait souvent d'aider des consommateurs qui achètent un produit chez des marchands, qui vont plutôt remettre à la personne qui n'est pas satisfaite, non pas l'argent, mais un crédit pour acheter autre chose. Cela pourrait quand même être une occasion qu'une personne achète à crédit en dedans de trois jours à l'occasion d'y repenser et, au lieu qu'on lui remette simplement un crédit sur un autre objet, elle peut ravoir son argent.

D'ailleurs, M. le Président, cela pourrait aussi éviter les ventes sous pression, comme on voit des vendeurs d'appareils électriques dans des régions éloignées ou dans des régions où des personnes ont des revenus plutôt modiques, cela permettrait justement de donner aux gens l'occasion de pouvoir repenser et les protéger.

C'est un amendement pour donner au moins trois jours au consommateur pour des produits non périssables.

M. TETLEY: M. le Président, nous touchons à la question de principe, ici, plutôt de procédure ou d'interprétation. Je ne partage pas et le gouvernement ne partage pas l'opinion du député de Lafontaine. Il veut donner à tout consommateur le droit de résoudre un contrat dans les trois jours, même un achat, n'importe lequel achat au magasin. Il n'y a pas de juridiction en Amérique du Nord, peut-être au monde, qui donne ce droit.

J'ai peur qu'un tel amendement affecte complètement notre commerce. Je crois qu'il faut procéder par étape mais, à mon avis, c'est la vingtième ou la trentième étape.

Je trouve que c'est beaucoup trop avancé. Vous êtes en avance, mais, là, vous êtes peut-être revenus en arrière.

M. LE PRESIDENT: Amendement rejeté sur division?

M. PAUL: Sur division.

M. LEGER: Sur division.

M. LE PRESIDENT: Article 10?

M. LEGER: A l'article 10, je voudrais demander une clarification au ministre. On dit, à l'article 10: "La présente section ne vise pas le contrat où le montant pour lequel un crédit est accordé n'excède pas $50."

Etant donné que les vendeurs itinérants, à l'article 48, peuvent vendre jusqu'à $25 sans signer de contrat, je me demande s'il pourrait y avoir, à l'article 10 des multiples de $49 qui ne seraient pas soumis à la loi et des multiples de $15, $18 ou $25 pour les vendeurs itinérants. Ne serait-il pas préférable, à l'article 10, au lieu de $50, de proposer $25 pour être conforme un peu avec la loi qui régira le vendeur itinérant? Ma motion d'amendement serait d'enlever $50 pour mettre $25.

M. PAUL: M. le Président, je regrette de différer d'opinion avec mon honorable ami, le député de Lafontaine, mais on sait qu'il y a des règles de preuve qui régissent nos procédures devant les tribunaux. Je fais appel à vos connaissances, M. le Président, de l'article 1233 du code civil qui dit que la preuve testimoniale ne peut être admise que dans des cas où la valeur réclamée est inférieure à la somme de $50.

UNE VOIX: C'est amendé.

M. PAUL: Oui, mais 1234 dit que la preuve écrite ne peut être changée par témoin. Alors, je dis que c'est en quelque sorte déséquilibrer un peu toute la jurisprudence reconnue, que nos tribunaux ont arrêtée et fixée, tant au niveau de la cour Provinciale que de la cour Supérieure, de la cour d'Appel et de la cour Suprême. Dans les circonstances, je regrette de ne pas être capable, en tant que bâtonnier, d'appuyer l'honorable député de Lafontaine.

M. LE PRESIDENT: Article 10, adopté sur division?

M. LEGER: Article 10, sur division. M. LE PRESIDENT: Article 11? M. LEGER: Adopté. M. LE PRESIDENT: Article 12?

M. LEGER: A l'article 12, M. le Président, je voudrais poser une question au ministre. Pourquoi les mots "au moins" dans: "Le contrat doit prévoir au moins un paiement différé par période". Etant donné qu'on a fixé le mois, je pense, à cinq semaines, quand on dit doit prévoir "au moins" un paiement différé, ça veut dire qu'il peut y en avoir plus.

Cela voudrait dire — d'après moi, ce n'est pas clair — qu'un commerçant pourrait demander plus qu'un paiement par période, si on dit: "Au moins". Alors, je me demande pour quelle raison on ne met pas, tout simplement: "Le contrat doit prévoir un paiement différé par période".

M. GIASSON: Ce n'est pas au moins cinq semaines; c'est au plus cinq semaines. Cela peut être moins.

M. LEGER: Oui, mais c'est la quantité de paiements. Alors "prévoir au moins un paiement", ça peut vouloir dire qu'il peut y en avoir plus qu'un. Il peut y avoir des contrats...

M. VEILLEUX: II faut qu'il y en ait au moins un. S'il n'y a pas ça, il peut ne pas y avoir de paiement. Or, il faut qu'il y en ait un; ça prend au moins un paiement.

M. LEGER: Oui, doit prévoir un paiement.

M. VEILLEUX: Arrêtez de vous casser la tête.

M. LEGER: Si le député de Saint-Jean relit l'article 12, en enlevant le mot "au moins" ce serait: "Le contrat doit prévoir un paiement différé par période"

M. CARDINAL: C'est parce qu'en droit, les premiers articles du code civil disent que un signifie un et quand c'est plus qu'un ça signifie plusieurs.

M. TETLEY: C'est ça, en effet, et c'est la raison pour laquelle nous voulons que chaque consommateur paye au moins une fois par période. Autrement il va acheter aujourd'hui et payer d'ici deux ans. Nous avons défini, comme vous le savez, une période comme cinq semaines au plus, donc il faut un paiement par cinq semaines.

M. LEGER: Oui, mais la définition que vous donnez actuellement ne donne pas l'impression qu'il pourrait y en avoir plus qu'un dans la même période.

M. TETLEY: Ah oui, mais...

M. LEGER: Cela veut dire qu'une personne peut, au lieu de 12 versements de $25 par mois, en faire 15 ou 17, c'est-à-dire que dans un même mois il pourrait y avoir deux ou trois versements. Cela veut dire qu'il pourrait y en avoir plus dans une période.

M. TETLEY: Ah! c'est ça il peut y en avoir quatre dans un mois, parce que c'est par semaine, d'accord, il y a tant de paiements par semaine, nous ne voulons pas empêcher les gens de faire des paiements. Il y a des gens qui payent toujours le vendredi soir.

UNE VOIX: Nous on paye le premier jour du mois.

M. LEGER: A l'article 12, je vais ajouter 12 a). Article 12 adopté. A l'article 12 a), M. le Président, je voudrais représenter au ministre un amendement qui était dans le projet de loi anciennement. Je veux qu'il m'explique pourquoi il l'a enlevé, et c'est le suivant: Le consommateur bénéficie de toute ambiguïté dans le calcul et l'énonciation du coût de crédit. Alors personnellement j'aimerais le proposer comme amendement et qu'il me dise pourquoi il l'a enlevé.

M. TETLEY: La raison pour laquelle nous avons enlevé, en effet, l'article 14, je crois, c'est parce que nous avons amendé ou modifié l'article 117, et par cet article nous avons inclu l'article 14, et en lisant l'article 117, vous verrez pourquoi: "Si un contrat ne respecte pas les exigences prescrites par la présente loi ou les règlements, le consommateur peut en demander la nullité."

Donc et aussi,...

M. LEGER: C'est moins fort quand même.

M. TETLEY: Non, toute ambiguïté, c'est parce que la loi n'est pas claire.

M. CARDINAL: De toute façon, il y a une règle d'interprétation du code civil qui dit qu'un contrat s'interprète toujours contre le créancier et en faveur du débiteur.

M. PAUL: Article 1,013 et suivant. Prenez votre code civil.

M. LE PRESIDENT: Article 12 a) adopté. Article 13.

M. LEGER: M. le Président, à l'article 13, j'aurais quelque chose à ajouter à 13 a). En ce qui me concerne 13 est adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 13 a).

M. LEGER: A l'article 13 a), M. le Président, je voudrais ajouter ceci: Toute catégorie de

consommateur qui, de part la nature de ses occupations, a des revenus saisonniers ou cycliques peut être exemptée des dispositions de l'article 14 de la manière prescrite par les règlements. Je m'explique, M. le Président, c'est que plusieurs personnes peuvent tomber en chômage passager ou peuvent avoir des occupations comme les débardeurs ou ceux qui ne travaillent que l'été, etc.

Ils seraient, par l'article 14, obligés de payer d'une façon régulière. S'il y avait un manque à payer leurs versements échus, surtout s'il y a un article de déchéance de dette, si on leur réclame le solde complet, ils pourraient même perdre le produit qu'ils ont en main; alors que, s'ils n'étaient pas obligés, à cause de leurs occupations, s'il y avait un amendement qui tiendrait compte de ces personnes qui ont des revenus saisonniers, ils seraient protégés davantage puisque c'est un bill pour la protection des consommateurs.

M. CARDINAL: Par exemple, les députés.

M. TETLEY: Exactement. Ce serait plutôt les cultivateurs ou les pêcheurs. Vous avez suggéré "en la manière prescrite par règlement", dans votre amendement. Je crois que nous avons déjà pensé à cela à l'article 102s); il y a un moyen "d'exempter, en totalité ou en partie, de l'application de la présente loi toute catégorie de personnes, de biens ou de contrats qu'il indique". C'est notre intention de faire des règlements exactement dans ce sens.

M. LEGER: Vous acceptez le principe... M. TETLEY: Mais oui.

M. LEGER: ...vous ne voulez pas le mettre dans la loi, vous le mettez dans les règlements.

M. TETLEY: En effet, nous sommes d'accord sur le principe. Nous avons déjà mis cela dans...

M. LE PRESIDENT: Article 13, adopté sur division.

M. LEGER: Merci, M. le Président. M. LE PRESIDENT: Article 14.

M. LEGER: En ce qui me concerne, l'article 14 est adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 15? M. LEGER: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 16? M. LEGER: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 17? Il y a un amendement.

M. LEGER: A l'article 17, j'ai un amendement à proposer au ministre. Je pense que c'est probablement celui qu'il va accepter.

M. TETLEY: Oui, nous avons accepté votre amendement.

M. LEGER: Voulez-vous me permettre au moins d'avoir eu le plaisir de le suggérer? A l'article 17, le ministre me disait justement qu'il acceptait cet article que je lui avais soumis. L'article 17 se lirait ainsi: "Si l'obligation principale du commerçant est exécutée plus de sept jours après la formation du contrat, le coût de crédit et le début de la période ne courent qu'à compter de la date de cette exécution."

M. CARDINAL: Adopté...

M. TETLEY: Adopté.

M. CARDINAL: ...tel qu'amendé.

M. TETLEY: Tel qu'amendé. C'est exactement notre amendement aussi. Très bien.

M. LE PRESIDENT: Article 18? UNE VOIX: Adopté. M. LEGER: Adopté.

M. CARDINAL: M. le Président, à ce stade-ci du débat, si le député de Lafontaine pouvait nous dire à quels articles il a un amendement, on pourrait adopter tous les articles jusque là sans arrêter.

M. TETLEY: Pardon, M. le Président. A l'article 17, le député de Lafontaine n'a pas lu le deuxième paragraphe.

M. LEGER: C'est parce que le président a dit "adopté" tout de suite. Je termine l'article, M. le Président. "Dans le cas d'un contrat à exécution successive...

M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. LEGER: ...le commerçant est réputé exécuter son contrat aux fins du présent article...

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEGER: ...lorsqu'il commence à accomplir sa prestation conformément au contrat."

M. CARDINAL: Adopté.

M. TETLEY: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEGER: Le prochain amendement est à l'article 20, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Articles 18 et 19, adoptés.

M. LEGER: A l'article 20, M. le Président, je voulais simplement faire remarquer qu'il se lit comme suit: "Si les parties à un contrat visé à la présente section désirent modifier certaines dispositions du contrat, en retrancher ou en ajouter de nouvelles et si le coût de crédit s'en trouve augmenté, elles doivent passer un nouveau contrat conformément aux règles édictées par la présente loi". M. le Président, pourquoi la disparition du paragraphe sur le rabais? Si un commerçant décide d'augmenter le rythme des paiements différés, a-t-il le droit de le faire sans nouveau contrat? D'après nous, il peut le faire.

M. CARDINAL: M. le Président, en droit commun, il ne peut pas augmenter le rythme alors que les consentements ont déjà eu lieu.

M. TETLEY: C'est Ça, il faut le consentement des deux, mais presque tous les contrats donnent ce droit, mais il faut le consentement. Autrement, nous changeons presque la totalité de notre droit civil et la création d'une obligation qui est le "meeting of the minds".

M. CARDINAL: C'est ça. Pourvu que les gens aient "their mind".

M. LE PRESIDENT: Article 20, adopté tel qu'amendé.

M. LEGER: C'est l'article 28...

M. LE PRESIDENT: Article 21, adopté?

M. CARDINAL: Jusqu'à l'article 28.

M. LEDUC: Adoptés, articles 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27...

M. LE PRESIDENT: Articles 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, adoptés.

M. LEDUC: Adoptés.

M. LEGER: Alors, M. le Président, à l'article 28, c'est plutôt l'article 28a)...

M. LE PRESIDENT: Alors article 28, adopté.

M. CARDINAL: Article 28 adopté.

M. LEGER: Article 28 adopté. L'amendement, c'est le suivant: Lorsque le commerçant qui accorde le crédit accessoire n'est pas celui qui est partie au contrat principal, une troisième personne. Le contrat en vertu duquel le crédit est consenti doit énoncer, outre les mentions requises à l'article 28, premièrement, la date et le lieu du contrat accessoire; deuxièmement, le nom et l'adresse du commerçant qui accorde le crédit acessoire, la description de tout objet ou document donné au commerçant qui accorde le crédit accessoire en reconnaissance ou en garantie de l'obligation du consommateur. C'est la première partie de l'article 28a). La deuxième partie concerne le tout d'un crédit accessoire qui ne doit pas exéder 12 p.c. et le terme du contrat de crédit accessoire ne peut excéder 36 mois. A la raison, je sais que la première partie sourit au ministre, mais la deuxième lui sourit moins. Il me l'a déjà dit. Mais il faut penser une chose, c'est que le ministre ne met pas au moyen de réglementation cette possibilité de limiter ou du moins de fixer le taux et s'il n'est ni inscrit dans la loi. Il ne pourra pas plus le faire dans les règlements.

Je me dis une chose. Si le ministre n'inscrit pas quelque part la possibilité de fixer un taux maximum, même s'il ne le fixe pas précisément, s'il ne se permet pas, s'il ne se donne pas le pouvoir de le fixer quand il le voudra, eh bien, il se trouve à sortir d'un champ important où il ne pourra plus par la suite se réintégrer.

Alors il faudrait penser que dans l'avenir les situations peuvent changer et qu'il serait peut-être très heureux d'avoir une possibilité parce qu'il l'aura prévue dans le projet de loi, de pouvoir fixer un taux, même s'il ne veut pas mettre de limite immédiatement.

M. TETLEY: Le député a tout d'abord soulevé une question importante, une question de principe. Le taux d'intérêt est, en effet, le contrôle du crédit. Le rapport Parizeau qui est le rapport par excellence du ministère, préparé par une commission dont M. Jacques Parizeau était président, MM. Michel Bélanger, Robert Després, Douglas Fullerton, Yves Pratte et Jacques Prémont, membres, a fait rapport exactement dans le sens contraire du député. Je réfère la Chambre à la...

M. LEDUC: ... le contraire de ce qu'il avait dit.

M. TETLEY: ... je réfère le député, quand même c'est un rapport important ou intéressant, c'est la bible du ministère, n'est-ce pas? Cela a été fait avant la création du ministère. Et je réfère le député aux pages 174 à 177. Contrôler le taux est dangereux, contrôler la quantité de crédit par l'amendement ne peut excéder 36 mois. Il y a eu une étude importante en Angleterre, intitulée "Consumer Credit", faite par une commission assez importante dont le président était un nommé lord Crowther. J'ai les deux volumes du rapport ici, et je vous en ai envoyé, je crois, des copies. En effet Lord Crowther et ses compagnons aussi sont fermement contre le contrôle d'un tel crédit. Et je cite à la page 360: "From this long argument we have no difficulty in drawing a definite conclusion: Term control should find no place among the weapons of economic policy." C'est un gouvernement socialiste qui a

écrit ce rapport. "Its value is far outweighted by the iniquities it creates and by the difficult practical problems to which its gives rise. We hold this view so strongly that we are unwilling to make any recommandations about what amendments in addition should be made to the orders to render them more equitable and workable."

Alors, M. le Président, je dois rejeter l'amendement.

M. LE PRESIDENT: Sur division.

M. LEGER: M. le Président, le prochain est à l'article 32.

M. LE PRESIDENT: Article 30, adopté. Article 31, adopté. Article 32.

M. ROY (Beauce): M. le Président, si on me permet de faire une intervention sur l'amendement qui a été proposé relativement au contrôle du taux d'intérêt, ce n'est pas pour répéter ce que nous avons déjà dit. Concernant le contrôle du taux d'intérêt pour que les consommateurs québécois puissent emprunter à des taux moindres, disons que nous sommes entièrement d'accord de ce côté-là. Je ne voudrais pas — du fait que nous ne participons pas actuellement à ce débat, à ces amendements parce que justement nous avons eu l'occasion de le faire à la commission parlementaire, ce que les membres du Parti québécois n'ont pas eu l'occasion de faire — qu'il serait dit demain matin que nous avons assisté passivement à cet amendement du Parti québécois ou que nous consentons ou encore que nous serions d'accord pour que le taux d'intérêt soit très élevé ou encore que nous serions contre un abaissement du taux d'intérêt vis-à-vis des consommateurs.

Alors, M. le Président, il y a tout un problème de ce côté-là que nous pourrions aborder et il serait, je crois, extrêmement long d'en discuter. Tout de même, actuellement, il y a les caisses d'épargne et de crédit et, je tiens à le souligner, les caisses d'épargne et de crédit ont fait une éducation dans ce sens-là, ont fait un énorme travail et ont mis à la disposition de leurs membres des capitaux pour leur permettre d'être capables d'emprunter à des taux avantageux. Mais les caisses d'épargne et de crédit ont été obligées de subir la hausse du taux d'intérêt, comme les autres ont dû le faire.

Pour être capables d'avoir des épargnes à leur disposition, des épargnes déposées par des personnes qui ont des capitaux, autrement dit, qui accumulent des épargnes, bien elles ont été obligées de payer un taux d'intérêt assez élevé. Si les caisses d'épargne et de crédit n'avaient pas payé un taux d'intérêt concurrentiel, les gens seraient allés tout simplement, déposer ailleurs. Cela a eu pour effet d'obliger toutes nos sortes de caisses d'épargne et de crédit à exiger des taux plus élevés aux consommateurs, à leurs membres qui voulaient emprunter des capitaux chez elles.

M. le Président, je tiens à dire que, si tout le système financier canadien était repensé de façon à éviter qu'il n'y ait trop d'emprunts sur le marché de l'épargne, parce que la loi de l'offre et de la demande joue, il est évident que nos consommateurs pourraient bénéficier d'un taux d'intérêt moins élevé.

Je suis entièrement d'accord sur le fait que le taux d'intérêt, actuellement, est trop élevé pour les consommateurs québécois. Je me plais à le dire, mais je pense que ce n'est pas en mettant un amendement dans la Loi de la protection du consommateur que nous réglerons le problème. Je tiens à le dire, tout simplement, de façon qu'il ne soit pas dit que nous assistons passivement à l'adoption de cet amendement et que, justement, nous n'avions pas d'intervention à faire.

M. LE PRESIDENT (Leduc): D'accord, Article 32?

M. LEGER: A l'article 32, M. le Président, je voulais, tout simplement, redire la même chose. Alors, je vais tout simplement éviter un long débat. Je voulais proposer le même amendement parce que, là, il est question du taux de crédit d'une vente à tempérament. Le ministre va probablement me donner la même réponse. Alors, je ne soumets pas mon amendement à l'article 32.

M. LE PRESIDENT: Alors, j'imagine qu'il est adopté sur division.

M. TETLEY: Pardon, refusé.

M. LE PRESIDENT (Leduc): Refusé. Pardon, je veux dire que l'article 32 est adopté.

M. CARDINAL: C'est ça.

M. TETLEY: Oui.

M. LE PRESIDENT: Sur division?

M. TETLEY: Non.

M. LE PRESIDENT: Donc, adopté.

M. CARDINAL: Oui.

M. LEGER: M. le Président, je ne suis pas d'accord. Je voulais qu'il adopte mon amendement.

M. CARDINAL: Alors, sur division, d'accord.

M. LEGER: M. le Président, à l'article 34, maintenant.

M. CARDINAL: Article 33, adopté.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait adopter l'article 33 avant?

M. LEGER: Oui.

M. LE PRESIDENT: Merci. Article 34?

M. LEGER: A l'article 34, je pense que c'est une chose très importante que le ministre devrait repenser deux fois. A l'article 34, il y a a), b) et c). Je crois que les sous-paragraphes a) et c) sont, à cause de la jurisprudence actuelle, les deux façons normales et habituelles que les juges utilisaient pour donner gain de cause aux commerçants lorsqu'un consommateur est pris en défaut de paiement. Lorsqu'un consommateur, qui avait acheté un produit et qui payait d'une façon régulière, manquait deux ou trois paiements, le commerçant l'amenait devant le juge pour lui dire: Voici, il a trois paiements en retard. Le juge lui disait: Vous allez payer les paiements échus — c'est le sous-paragraphe a) ou c) — si vous ne le faites pas, le commerçant doit reprendre son produit. En ajoutant le b), on permet d'exiger le paiement immédiat du solde de la dette. Cela veut dire que si une personne avait payé, peut-être, le tiers du montant, le commerçant aurait le droit d'exiger immédiatement le solde des deux tiers du montant, sinon elle pourrait perdre l'objet.

Si le ministre met une clause de déchéance de terme dans son bill il ne faut pas s'imaginer que tous les commerçants vont dire: On ne s'en servira pas de cela. Toute personne qui a droit d'aller jusque-là va inclure une clause de déchéance de terme dans ses contrats.

A ce moment-là, c'est une protection additionnelle inutile pour le commerçant. Dans un bill sur la protection du consommateur, je pense que ce n'est pas l'occasion de le faire. Si on veut réellement protéger le consommateur, il ne faut pas donner une ouverture comme celle-là au commerçant qui, même s'il est bien intentionné, pourrait dire: Je suis aussi bien d'inclure cela dans mon contrat. Cela me donne des protections supplémentaires.

M. le Président, je pense qu'il faudrait rayer, dans l'article 34, le paragraphe b) au complet. C'est l'amendement que je fais.

M. TETLEY: M. le Président, respectueusement, je ne partage pas l'opinion du député de Lafontaine. Pourquoi? En effet, c'est l'article qu'on appelle "seize or sue". C'est un article très important. Le même article existe au Manitoba et la même idée existe dans notre code civil à l'article 1,561 f).

M. CARDINAL: Article a).

M. TETLEY: C'est a) et f), etc. L'ancien doyen est au courant.

M. PAUL: On ne dit pas l'ancien, on dit l'ex-doyen.

M. TETLEY: L'est-il encore? Ah! L'ex, pardon.

M. PAUL: Ancien! Il est encore tout jeune. C'est un jeune homme d'avenir.

M. TETLEY: Bon! Je retire ces paroles antiparlementaires.

M. CARDINAL: Quand nous parlerons de vous, plus tard, nous dirons l'ex-ministre.

M. TETLEY: II y en a aussi ici, en Chambre, je crois, des "ex". Mais cela ne fait rien.

M. le Président, nous voulons protéger le commerce aussi bien que les consommateurs. Autrefois, le moyen d'aider l'économie était de mettre de l'argent dans la construction. C'était le moyen favori de Franklin D. Roosevelt et de tous les économistes keynésiens, etc. Aujourd'hui je crois qu'une des méthodes les plus importantes ou les plus populaires, suivant les économistes, c'est de mettre de l'argent dans les mains des consommateurs. Mais, pour les mêmes raisons, nous voulons aider les commerçants à donner du crédit. Il faut donner ce droit, ce choix au commerçant, soit d'exiger le paiement, soit d'exiger le solde ou soit de reprendre possession.

L'article 34 b) donne un certain droit, c'est vrai, mais après un avis de trente jours. S'il y a des pressions ou des suggestions du député de Lafontaine, j'ai aussi reçu des pressions et des demandes des compagnies de finance qui croient que cela tel que rédigé, peut affecter, même aujourd'hui, leurs droits. Les compagnies de finance veulent plus de pouvoirs.

M. LEGER: Nous ne sommes pas obligés de les leur donner.

M. TETLEY: Non. C'est le même article, en effet, que...

M. LEGER: Ce n'est pas le bill de la protection des finances, mais le bill de la protection du consommateur.

M. TETLEY: Non, ce n'est pas la protection des finances, mais c'est peut-être la protection de l'économie. Donc, j'ai dit non aux compagnies de finance parce que c'est le même article que dans l'ancien bill et je dois dire non au député de Lafontaine.

M. BURNS: M. le Président, très brièvement, je veux tout simplement ajouter mon petit grain de sel à cette discussion. La chose la plus désagréable et la plus inacceptable, à mon avis, c'est lorsque vous avez un consommateur qui — vous allez me dire — dans certains cas, à cause de négligence, dans d'autres cas, à cause de mauvaise foi de sa part — c'est, vous allez l'admettre, M. le ministre, quand même la minorité — mais très souvent, pour des raisons d'impossibilité vous avez une personne qui déjà est placée dans une situation impossible au point de vue financier. Il s'agit d'une personne à qui il

arrive des malheurs inattendus, que ce soit la maladie, qui l'empêche de travailler avec une sécurité d'emploi insuffisante ou une assurance-maladie insuffisante vue du point de vue de l'emploi.

Cette personne non seulement est placée dans la position désavantageuse de ne pas pouvoir faire face à ses obligations, mais encore elle se voit aux prises avec une disposition législative qui donne, à toutes fins utiles, trois choix au vendeur. Je considère que, lorsqu'un vendeur ou un commerçant, au sens large du mot, vend quelque chose à crédit, il le vend à crédit, mais il en prend le risque. C'est un risque qu'il doit prendre, et c'est un risque calculé. C'est un risque qui apparaît, d'ailleurs, au niveau de son bilan, pour les mauvaises créances. Je me dis tout simplement : Un bien a été vendu. Donnons à ce commerçant le choix, en cas de non paiement, soit de le reprendre, ou soit, comme le dit le paragraphe a), d'exiger le paiement.

A ce moment-là, le choix, il l'a, mais, selon la pratique actuelle, comme cela a toujours été dans le temps des saisies-revendications et en matière d'automobile, tout le monde sait jusqu'à quel point il y a eu des abus dans ce domaine-là. Si non seulement le commerçant, utilisant le choix prévu au paragraphe c), reprend l'automobile et, de par son contrat, a le droit d'aller chercher le profit qu'il perd, à ce moment-là, peut-être qu'il sera un peu plus judicieux dans le choix de ses débiteurs éventuels.

Au fond, ce qu'une loi du consommateur doit faire, c'est non seulement protéger le consommateur dans ces conditions, mais c'est aussi le protéger contre lui-même. Je pense qu'à plusieurs reprises nous avons soulevé ce problème-là. Un commerçant qui veut vendre à tout prix, et dont le débit vis-à-vis du grossiste a un élément d'importance quant au coût, à la longue, va devenir peu scrupuleux. Si, lorsqu'il reprend un bien, il peut aller reconquérir le manque à gagner sur ce bien-là, ce commerçant va rendre un crédit beaucoup plus facile. Je pense, M. le ministre — disons que j'insiste très sérieusement sur ce point-là — que c'est notre devoir, comme législateurs, de rendre le crédit facile, accessible, d'accord, mais dans des normes qui font que le commerçant sera obligé d'y penser deux fois avant d'accorder le crédit.

Et si vous enlevez le 2e paragraphe, c'est une norme qui n'existe plus qui va faire dire aux commerçants: Je vais y penser avant d'accorder le crédit...

M. CARDINAL: II augmentera le taux d'intérêt.

M. BURNS: Bien, il augmentera le taux d'intérêt. A ce moment-là, on s'occupera de ça. On réglementera le taux d'intérêt, peu importent les problèmes constitutionnels que ça peut sembler poser à l'heure actuelle. Il reste quand même que je ne trouve pas que dans une société dite de consommation, on doive donner des conditions telles que le commerçant se dise: Je me fous de la qualité de mon débiteur. Et c'est là qu'il inscrit ses pertes sur ceux chez qui il ne pourra pas aller chercher ce manque à gagner. Et je trouve que c'est notre devoir de tenter de régler ce problème-là en enlevant cette troisième option. Une fois que vous avez une possibilité de reposséder le bien ou d'exiger le paiement immédiat, je ne vois pas pourquoi, dans une loi dite de protection du consommateur, vous auriez la possibilité, en plus, d'aller chercher le manque à gagner, parce qu'à toutes fins pratiques c'est ce que le paragraphe b) dit.

M. TETLEY: M. le Président, l'article 34 est très important et c'est une modification assez importante de notre loi. Autrefois, le commerçant avait le droit de saisir l'automobile et de demander, après la vente de l'automobile, la somme due, les deux droits. Aujourd'hui, le commerçant n'a qu'un droit, une alternative, "seize or sue" mais pas les deux. Donc, nous protégeons énormément le consommateur, ce qu'on ne fait pas en Ontario. Deuxièmement il faut noter à l'article 34 b), que le commerçant peut exiger le solde dû suivant certaines procédures. Un avis de trente jours, en vertu de l'article 68 et suivant; et à l'article 70, le consommateur a trente jours pour payer en un seul paiement le solde dû et revient dans le contrat avec tous ses droits.

Et s'il n'est pas capable de le faire, il a même un autre droit, c'est d'aller devant la cour et plaider que les modalités de paiement soient modifiées. Donc c'est incroyable ces droits, il a même des droits en vertu de l'article 38, lorsque les deux tiers sont payés. Donc nous avons, à mon avis, en modifiant la loi, changé complètement, pas complètement mais en grande partie les droits du consommateur. A l'avenir, parce que IAC et GMC etc. n'ont pas autant de droits qu'autrefois, ils vont penser avant de donner du crédit. Et les fameux 15 p.c. vont devenir, sans être obligatoires, peut-être 20 p.c. et 25 p.c, parce que là où le crédit serait donné à ceux qui ont vraiment le droit au crédit, ou au moins qui ne sont pas de très grands risques.

Ceux qui ne peuvent pas payer, qui ont trop de crédit, n'auront pas crédit. Si nous acceptions l'amendement de l'honorable député de Lafontaine, le paiement initial serait d'à peu près 50 p.c. parce que le commerçant n'aurait pas de pouvoir du tout et vous affecteriez énormément le crédit.

M. LEGER: M. le Président, c'est tout simplement à cause de l'heure que je ne discute pas davantage cet article, parce qu'il y a d'autres articles à venir, mais j'aurais beaucoup d'autres arguments à apporter au ministre là-dessus. Comme je vois que son idée est déjà faite sur cet article, c'est inutile de prolonger le débat. C'est sur une division très soulignée que nous acceptons l'article 34.

M. LE PRESIDENT: Article 34, adopté sur division. Article 35?

M. LEGER: Le prochain amendement est à l'article 38.

M. LE PRESIDENT: Article 35, adopté; article 36, adopté; article 37, adopté; article 38?

M. LEGER: A l'article 38, très rapidement, je voulais soumettre au ministre que, plutôt que ce soit le tiers du prix de vente, ce soit la moitié. Je sais que le ministre pense que ce n'est qu'un jeu de mots, mais je pense que la moitié de l'objet cela veut dire que l'on a dépassé 51 p.c. de l'objet et c'est la raison pour laquelle on demande la moitié du prix de vente.

Voici l'amendement: Si lors du défaut du consommateur celui-ci a payé au moins la moitié du prix de vente — au lieu des deux tiers — le commerçant ne peut exercer son droit de reprise à moins d'obtenir la permission du tribunal.

M. TETLEY: Nous croyons que deux tiers est le pourcentage approprié.

M. LEGER: Adopté sur division, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Article 38, adopté.

M. LEGER: Le prochain amendement, M. le Président, pour votre gouverne, est à l'article 43.

M. LE PRESIDENT: Articles 39, 40, 41, 42, adopté. Article 43?

M. LEGER: M. le Président, on peut adopter l'article 43, quant à moi; c'est à 43 a).

M. CARDINAL: Article 43, adopté. M. LE PRESIDENT: Article 43, adopté.

M. LEGER: A l'article 43 a), je voudrais soumettre l'amendement suivant: Un agent d'information ne peut fournir ses dossiers de crédit qu'à un commerçant. Ce commerçant ne peut se servir de ces dossiers de crédit que pour les fins de son commerce. C'est tout simplement pour permettre qu'il y ait quand même une certaine discrétion.

En plus, que le consommateur puisse avoir accès à ces dossiers, il faudrait que ce soit simplement le commerçant qui ait le droit de le savoir et qu'il y ait une certaine discrétion là-dessus. C'est la raison pour laquelle nous soumettons l'amendement 43 a).

M. CARDINAL: M. le Président, ceci a été discuté en commission. Je ne sais pas — je n'en doute pas— quelles sont les connaissances de mon collègue dans cette question. Ce qu'on appelle les agents d'information — dans le milieu du commerce, dans la finance et dans l'industrie ils portent d'autres noms — sont des maisons dont certaines sont extrêmement sérieuses, lesquelles possèdent des dossiers confidentiels en ce sens que ce n'est que sur enquête de crédit qu'elles donnent leur résultat.

J'ai moi-même fait les remarques du député de Lafontaine lors de la commission parlementaire, ainsi que les a d'ailleurs faites le député de Beauce, je pense.

Mais, après mûres réflexions, me rendant compte que, de toute façon, toute personne qui a un intérêt peut requérir à ces agents d'information, j'ai laissé tomber ma suggestion, convaincu qu'elle viendrait complètement désorganiser ce genre de services, parce que c'en est un. Il peut même arriver qu'un individu, même s'il n'est pas commerçant, ait besoin de ce service.

M. TETLEY: M. le Président, le député de Lafontaine suggère un privilège à l'agent d'information. C'est beaucoup trop. Les députés ont certains droits en Chambre. Les journalistes demandent un privilège devant une certaine commission de la Chambre. Les prêtres ont un privilège. Nous trouvons très intéressante la suggestion, mais créer par cette loi un privilège aujourd'hui, je trouve cela très très dangereux.

M. LEGER: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 44?

M. LEGER: Le prochain est à l'article 53.

M. CARDINAL: Articles 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, adoptés.

M. LE PRESIDENT: Articles 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, adoptés?

M. TETLEY: Pardon, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'article 48, je crois que nous avons un amendement.

M. TETLEY: Oui, puis-je suggérer que les amendements aux articles 48, 49, 50 et 51 soient adoptés tels que notés dans le rapport de la commission des Institutions financières?

M. LEGER: Quels articles?

M. TETLEY: Les articles 48, 49, 50, 51.

M. LEGER: Si vous voulez me permettre, j'ai fait une petite erreur; j'avais quelque chose à l'article 46.

M. CARDINAL: Pour clarifier une situation, quand j'ai dit adoptés, je voulais dire adoptés tel qu'amendés à la commission parlementaire.

M. TETLEY: Très bien.

M. LEGER: Est-ce que le ministre me le permet ou si j'y reviendrai plus tard?

M. TETLEY: Plus tard, d'accord. Que ces amendements tel que rédigés dans le rapport de la commission soient adoptés.

M. CARDINAL: Dans tous les cas, cela satisfait l'Opposition.

M. TETLEY: Articles 48, 49, 50, 51 et je peux ajouter les articles 54, 57, 58, 59.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le ministre me permettrait, pour la bonne marche du comité plénier...

M. PAUL: C'est-à-dire pour la marche lente.

M. LE PRESIDENT: ... qui est très éveillé, afin d'éviter toute erreur? Nous étions, je pense, rendus à l'article 51 et il y avait un changement. A l'article 52, il n'y avait pas de changement. Est-ce qu'on pourrait revenir à l'article 46...

M. TETLEY: Mais avec plaisir!

M. LE PRESIDENT: ... pour satisfaire le désir du député de Lafontaine?

M. LEGER: Ce sera très court, M. le Président. On proposait de biffer l'article 46 complètement.

M. PAUL: Vous proposiez de le biffer complètement! Mais, M. le Président, c'est contraire au règlement !

M. BURNS: M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour le député de Lafontaine et pour le député de Maskinongé, je pense que le député de Maskinongé n'a pas compris le sens de ce que le député de Lafontaine vient de dire. Ce que le député de Lafontaine voulait dire, c'est que nous voterons contre cet article et que nous ne voulons pas que cet article apparaisse.

M. PAUL: Notre règlement d'intention. M. LEGER: Vive l'intention! M. BURNS: C'est ça. M. PAUL: Très bien.

M. BURNS: Connaissant très bien le député de Lafontaine qui, véritablement, est un de mes amis — je ne le dis pas à la légère dans son cas, parce que cela se dit souvent à la légère dans cette Chambre — je sais que ce contre quoi nous en avons, c'est l'existence même de ces agents d'information.

Nous sommes contre le fait surtout qu'on les voit dans la partie la plus désagréable de l'exercice de leur emploi et c'est malheureux, mais le texte...

M. CARDINAL: Est-ce que les avocats ne s'en servent pas?

M. BURNS: Je m'excuse, mais l'avocat qui vous parle actuellement ne s'en sert jamais.

M. CARDINAL: Ah bon! C'est très bien. M. BURNS: Et ça, je le dis...

M. CARDINAL: Je crois le député, il est à son siège.

M. BURNS: ... avec le...

M. PAUL: Et ceux qui voudraient parler, c'est la même chose.

M. BURNS: ... je mentionne à mon siège.

Mais qu'on commence à dire qu'il n'a pas le droit de divulguer ceci et cela, au fond ça pose le problème des agents d'information tout court. Et si nous votons contre, nous voulons tout simplement manifester notre position sur l'existence même de ce genre de services qui, soit dit en passant, rendent des services à l'occasion, mais qui, dans la majorité des cas sont un objet de harassement de la population. Et on n'a qu'à voir surtout les agents d'information qui servent aussi d'agents de perception et très souvent les deux fonctionnent dans une même optique. Et c'est surtout l'utilisation de l'information par rapport à la perception que je trouve absolument inacceptable. Je le mentionne — et nous voterons contre simplement pour le signaler peut-être de façon symbolique — mais quand même très réelle au gouvernement, même si le député de Brome n'est pas content et qu'il tape sur son bureau. Je trouve que c'est un point important. Alors, s'il veut taper, qu'il aille taper ailleurs, c'est son problème.

Je le signale parce que je voudrais qu'éventuellement le gouvernement repense l'existence même de ces agents d'information qui sont aussi des agents de perception à toutes fins pratiques et qui se servent de leurs informations pour harasser et opprimer une certaine population, qui, très souvent, est absolument ahurie devant l'action de ces gens-là.

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Blank): Sur division.

M. CARDINAL: Un instant, je vous prie. Je pense que j'ai assez collaboré pour qu'on ne doute pas que je me lève inutilement. Je suis d'accord, non pas pour rayer l'article mais pour souligner certains des aspects de ce qu'a dit le député de Maisonneuve. Moi-même dans des expériences que j'ai eues dans le milieu des affaires, j'ai vu souvent de ces agents de

perception faire le tour de tous les voisins d'une famille donnée pour avoir des renseignements sur ses habitudes de vie, sur la voiture ou les voitures qu'elle possède; ils vérifient au bureau d'enregistrement les hypothèques qui peuvent y être enregistrées, appellent les agents d'assurance pour savoir quelles sont les assurances sur la vie. En fin de compte, ils possèdent sur vous un dossier parfois plus développé que vous n'en avez vous-même, hors de votre connaissance et donné par des gens qui parfois ne connaissent même pas la valeur des renseignements qu'ils donnent et qui souvent sont inexacts.

Je n'ai pas le temps à cette heure du matin de donner des exemples ni de développer ce point. J'accepte ce projet de loi tel qui est et dont nous avons dit à plusieurs reprises à la commission parlementaire que c'était une première étape. Il y aura d'autres étapes et on espère qu'en ce gouvernement ou en celui qui le suivra on en viendra à toucher à ce point qui concerne la vie privée des gens, sujet sur lequel d'ailleurs le fédéral veut légiférer et le Québec pourra le faire en matière de droits de l'homme.

DES VOIX: Adopté.

M. TETLEY: Je suis contre votre amendement à l'effet de biffer l'article 46, mais je vois, pour l'avenir, des changements. Comme l'a dit le député de Bagot, c'est une première étape. Mais le raisonnement, je peux le donner. Si vous procédez contre l'agent d'information, il est responsable, en droit pénal et en droit civil, de la diffamation. Personnellement, s'il ne veut pas se protéger...

M. BURNS: M. le ministre, sans vouloir vous interrompre, vous savez que la preuve de ces choses-là est très difficile à faire. Ce sont des choses qui arrivent et, habituellement, on apprend cela par l'entremise de voisins. Quand vient le temps de poser des gestes concrets, les gens disent: Ecoutez, je ne veux pas me mêler de cela. Ce sont des choses que j'ai apprises et ne me tramez pas en cours, etc. Vous savez que la preuve est très difficile à faire dans ces cas-là.

M. TETLEY: Sur division, je ne partage pas...

M. PAUL: Ce n'est pas plus difficile à faire que dans les cas de conspiration.

M. LE PRESIDENT: Article 46, adopté sur division.

M. BURNS: Surtout quand la conspiration est réelle, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Nous arrivons maintenant, messieurs, à l'article 52.

M. LEGER: Quant à moi, adopté. M. LE PRESIDENT: Article 53?

M. LEGER: A l'article 53, M. le Président, j'ai un amendement à faire. Voici comment il se lirait: Dans le cas d'une vente faite par un vendeur itinérant, le consommateur peut exercer sa faculté de résolution dans un délai de dix jours après l'exécution totale ou partielle par le vendeur de son obligation principale.

M. le Président, je serai bref. Il ne sert à rien de sortir toutes les raisons; nous les avons déjà sorties. Il faut, quand même, réaliser qu'une grande partie de la population est incluse dans celle qui est absente de son domicile plus longtemps que cinq jours. Vous avez toutes les occupations comme les bûcherons, les navigateurs, les pêcheurs, les voyageurs de commerce et on peut même dire les députés. Il y a une quantité énorme de personnes qui sont dans la catégorie de travailleurs qui sont absents de chez eux pendant plus de cinq jours. Même si le ministre me dit que cela ne comprend pas le samedi et le dimanche, je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas 10 jours, surtout pour les vendeurs itinérants qui sont la sorte de commerçants qui peuvent à cause de leur façon de travailler, exercer le plus de pressions sur une personne à domicile, alors que la personne responsable du foyer, le mari, ne sera de retour que pas mal plus tard. Je pense qu'il n'y a aucun danger de prolonger cette période de résolution à dix jours pour justement protéger cette partie de la population qui est susceptible d'être jouée par des vendeurs malhonnêtes. C'est sûr que cette loi-là ne s'appliquerait pas à des vendeurs itinérants honnêtes. Je demande au ministre de reconsidérer sa décision sur l'article 53.

M. TETLEY: M. le Président, avec l'article 105, c'est presque toujours sept jours. C'est assez long. Je note qu'en Ontario, dans "The Consumer Protection Act", article 18, ce n'est que deux jours. Je crois que nous sommes allés assez loin avec cinq jours.

M. LEGER: M. le Président, ce n'est pas parce qu'on prend l'exemple de l'Ontario que c'est parfait. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas être en avant de l'Ontario de temps en temps. De toute façon, je vois que votre décision est prise. Il est quatre heures et quart. Donc, sur division et soulignez-le deux fois cette fois-ci.

M. PICARD: M. le Président, à titre de renseignement, pourrais-je savoir, lorsque vous parlez de cinq jours — j'ai cru entendre quelqu'un le mentionner — si cela comprend le samedi et le dimanche?

M. TETLEY: Oui. J'ai référé l'honorable député à l'article 105.

M. PICARD: Dans ce cas, M. le Président, étant donné que la majorité des consommateurs, comme moi-même, d'ailleurs, n'avons pas de formation juridique, il serait si simple, si cela

ne comprend pas le samedi et le dimanche, de dire: Sept jours complets de calendrier. Seven calendar days. Tout le monde comprendrait cela. Mais autrement, si vous ne l'inscrivez pas de cette façon, nous sommes là à nous demander: Est-ce que les dimanches ou les fêtes légales sont exclus? Dites donc: Sept jours complets de calendrier. N'importe qui, même celui qui a fait une deuxième année, le comprendra.

M. CARDINAL: C'est du "filibuster" du côté ministériel.

M. TETLEY: Avec le plus grand respect que j'ai pour le député d'Olier, vous allez mêler les cartes avec vos congés. Parce que l'article 105 parle aussi des délais pour les autres avis. Si le délai se termine un samedi ou un dimanche, cela revient au lundi suivant.

M. CARDINAL: C'est écrit.

M. TETLEY: II y a Noël, le Jour de l'An, etc. Egalement, la période de cinq jours est assez longue. Je ne partage pas l'opinion du député d'Olier.

UNE VOIX: Adopté sur division.

M. LE PRESIDENT: Article 53, adopté sur division.

M. LEGER: Le prochain, M. le Président, est à l'article 62.

M. CARDINAL: Alors les articles 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60 et 61, sont adoptés.

M. LE PRESIDENT: Tous ces articles sont adoptés.

M. LEGER: M. le Président, on peut adopter l'article 62 en ce qui me concerne.

M. LE PRESIDENT: Articles 60, 61 et 62, adoptés.

M. LEGER: M. le Président, je propose, à l'article 62a) — je pense peut-être avoir l'appui des membres du Ralliement créditiste — c'est qu'en aucun endroit, on ne parle de la publicité faite pour les enfants. Je propose l'amendement suivant, à l'article 62a) qui se lirait comme suit: "Aucune publicité d'un bien par un commerçant ne doit s'adresser principalement aux enfants".

M. le Président, le ministre me répondra probablement qu'il avait l'intention, à l'article 102, de réglementer sur cette publicité. Mais il faut quand même admettre qu'on ne peut pas mettre dans des règlements quelque chose qui n'a pas été au moins énoncé dans la loi. Alors il faut parler au moins de l'objet dans la loi. Je me demande si le ministre ne pourrait pas, tout simplement, ajouter à l'article 62a) que concernant la publicité pour les enfants, l'inscrire là, quitte à réglementer par la suite.

M. CARDINAL: M. le Président, nous avons fait un débat assez long. Mon collègue le député créditiste était d'accord avec moi, sauf que nous nous sommes rendu compte d'une chose tous les deux — il me corrigera si je me trompe — c'est qu'à ce moment-là, les revues qui arriveront des autres provinces, des autres pays, des postes de radio canadiens ou américains, toute publicité qui viendra de l'extérieur ne serait pas soumise à ces règles et que nos propres moyens d'information le seront.

Il y a là la même discrimination qu'on a voulu faire pour les cigarettes; il suffit de lire une revue française, il y a des annonces à pleines pages. On a même aujourd'hui mentionné dans un journal que, depuis qu'aux Etats-Unis et au Canada on a adopté ces règles qui viennent diminuer la publicité de la cigarette, la consommation a augmenté de 3 p.c. Alors, comme je l'ai déjà dit, les lois ne sont pas faites pour être vertueuses et je me demande qui décidera ce qu'est la publicité qui s'adresse principalement à des enfants. Qu'est-ce qu'un enfant, à quel âge cesse-t-on d'être un enfant? J'aurais mille questions mais je ne veux pas allonger le débat, l'idée part d'un excellent naturel. Le ministre nous a donné l'assurance, en commission, que son ministère se pencherait profondément sur la question, espérons pas trop longuement, et qu'il nous suggérerait des règles sur la publicité. Mais on se rappelle que le gouvernement fédéral a déjà tenté des expériences semblables qui se sont avérées en fin de compte plutôt malheureuses qu'heureuses pour nos propres moyens d'information.

M. TETLEY: II faut que je réponde... pardon?

M. LEDUC: Je crois que l'esprit qui anime le député de Lafontaine dans l'amendement qu'il propose est bienvenu, si l'on s'attarde à regarder ou à se remémorer certaine publicité destinée aux enfants, spécialement durant la période des Fêtes. Je me souviens qu'on disait aux enfants à un certain moment: Si vos parents vous aiment, ils vous achèteront le cadeau X, ce qui, à mon sens, est à peu près le pire geste qu'un commerçant ou qu'un publicitaire puisse poser. D'un autre côté, il faut aussi penser à l'autre aspect de la publicité qui s'adresse aux enfants et qui, celle-là, peut être constructive. Je crois que le ministre, dans sa sagesse, devra, à un moment donné, trouver un moyen, sinon pour légiférer, du moins essayer d'exercer des mesures de pression sur ces publicitaires qui laissent passer des annonces semblables. Mais il ne faudrait sûrement pas le faire au détriment de ceux qui font une publicité honnête et qui s'adressent aux plus jeunes ou aux adolescents.

M. CARDINAL: M. le Président, un dernier

mot. Ne pourrions-nous pas justement, comme on l'a dit à la commission parlementaire, commencer aux niveaux élémentaire, secondaire dans les écoles, en collaboration avec le ministère de l'éducation, à éduquer les enfants vis-à-vis de la publicité? Ce qu'on dit des enfants, il faut le dire des adultes. Il y a combien de mesdames et messieurs qui...

M. LEDUC: ... qui sont de grands enfants.

M. CARDINAL: ... sont de grands enfants? C'est pourquoi je posais la question tantôt: C'est quoi un enfant? Je pense que le meilleur et plus direct moyen serait que l'on commence à l'école. On n'a pas besoin d'augmenter les budgets, on les a déjà vu au ministère de l'Education, nous les avons votés ce soir. Et qu'on leur apprenne que tout ça n'est pas nécessairement vrai.

M. BURNS: M. le Président...

M. ROY (Beauce): M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Blank): L'honorable député de Beauce.

M. TETLEY: Pensez un peu à la publicité des livres.

M. BURNS: Par ordre d'importance, je laisse parler le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas que je me pense plus important, M. le Président, mais ça fait exactement trois fois que je demande la parole.

Alors, tout à l'heure, au début de l'étude de ce projet de loi, j'avais justement souligné le problème de la publicité faite aux enfants et j'ai eu l'occasion de le souligner également lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire.

Je pense, M. le Président, que ce problème est réel, très important, mais pas facile à résoudre. Je pense que, pour le résoudre d'une façon réelle, d'une façon pratique, il faudrait que le Québec soit situé sur une île dans le sud du Pacifique, complètement isolé du monde extérieur, parce que je pense que même si on essayait actuellement de contrôler notre télévision à l'intérieur du Québec, il reste que nous ne pouvons pas contrôler la télévision qui vient de l'extérieur.

Il y a, de plus, le député de Bagot l'a souligné tout à l'heure, le problème des revues. Nous avons des revues qui rentrent de l'extérieur. Nous avons vu, sur le plan pratique, l'interdiction que le fédéral a donnée à la publicité sur le tabac. Or, M. le Président, je pense que, inclure un article dans le projet de loi — remarquez bien que je n'y ai aucune objection, au contraire, s'il y avait possibilité d'inclure un article dans le projet de loi avant qu'il soit adopté, de façon à pouvoir, en quelque sorte, permettre au gouvernement d'exercer un certain contrôle de ce côté-là — je pense que ce serait une excellente chose. Je me demande, en réalité, sur le plan pratique ce que ça pourrait donner. Je me demande si ça ne serait pas tout simplement une petite formule hypocrite qui dirait ceci: On va faire notre possible pour essayer d'éviter la publicité qui s'adresse aux enfants, essayer de légiférer dans ce domaine-là, mais en réalité sur le plan pratique ça ne donne absolument rien.

Alors, M. le Président, je tiens à dire que nous serions heureux que le gouvernement puisse faire quelque chose dans ce domaine-là, mais nous aimerions réellement que si le gouvernement parle de faire quelque chose qu'il ait au moins des formules qui nous permettent d'espérer un réel résultat, ce dont nous doutons.

Or, M. le Président, je suis bien d'accord avec mon collègue du Parti québécois, avec mon collègue le député de Bagot, mais seulement je me demande encore une fois qu'est-ce que ça pourra donner puis jusqu'où on pourra aller dans ce domaine-là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je ne voudrais pas insister sur ce point, mais je considère que c'est un point très important. Je pense que le ministre en est convaincu également. Il nous a mentionné à quelques reprises, lors des représentations faites par des personnes concernées par la publicité faite aux enfants, que c'était un problème. J'ai remarqué que le député de Bagot aussi semble bien d'accord que c'est un problème, sauf que j'ai l'impression que nous démissionnons beaucoup trop facilement devant ce problème. Nous nous disons; c'est quelque chose qu'on ne peut pas arrêter si ça vient de l'extérieur de la province. C'est quelque chose qui nous bloque, si c'est de la publicité télévisée.

Bien je vous dis d'abord, en ce qui concerne ce qui vient de l'extérieur de la province, si je regarde — et je précède le projet de loi — l'article 102, paragraphe o) vous êtes en mesure par voie de réglementation, de faire de la réglementation relativement à l'établissement de normes concernant la publicité. Arrêtez de crier dans le fond, ceux qui ne comprennent pas, ce n'est pas grave, on parle entre adultes — pour établir des normes concernant la publicité au sujet de tout bien de crédit.

Vous avez déjà un élément d'inscrit dans la possibilité de réglementation, pourquoi on n'en inscrirait pas un autre? On régit des normes de publicité. C'est évident que si on inscrit des normes de publicité concernant le crédit, tôt ou tard on va empiéter sur d'autre chose. Pourquoi ne pas le dire carrément? Si le problème de la télévision est un problème constitutionnel qui nous empêche de légiférer

carrément, bien à ce moment-là ça nous fixera peut-être, à nous du Québec, comme objectif, d'aller négocier auprès d'Ottawa, c'est peut-être quelque chose qui est négociable, des normes applicables à la télévision.

Je pense qu'il ne faut pas démissionner devant ce problème-là parce que, prétend-on; il y a de la publicité qui vient de l'extérieur. S'il vient de la publicité de l'extérieur et qu'on a décidé qu'au Québec elle est illégale, on la saisira et on l'enlèvera, cette publicité-là, en autant qu'elle soit de notre juridiction.

Quoi qu'on ait un sourire à l'égard de ce que je dis, je pense que c'est possible à partir du moment où on est vigilant, à partir du moment où l'on dit: II faut faire quelque chose dans ce domaine. Autrement, si on s'était dit la même chose en matière d'oeufs et de poulets, on n'aurait même pas adopté la loi que vous savez, qui a été adoptée par la présente Législature. J'incite le ministre à ne pas prendre à la légère ce problème-là. Je n'ai pas besoin — et je me suis restreint sur ce point-là — de revenir sur tous les arguments que tout le monde ici, je pense, comprend relativement à la publicité à l'égard des enfants.

Ce serait à peu près aussi fallacieux que de dire: On ne fait pas de publicité dans les asiles, chez les gens qui comprennent les choses, mais qui ont une compréhension moindre que l'homme moyen. C'est à peu près exactement le même argument que je n'ai pas besoin de développer, j'ai l'impression que tout le monde le comprend. De grâce ne cédons pas devant cela parce que cela pose des difficultés.

M. ROY(Beauce): M. le Président, est-ce que je pourrais me permettre de poser une question à l'honorable leader du Parti québécois? Pourriez-vous suggérer une formule ou un moyen quelconque qui pourrait donner des résultats pratiques? Remarquez bien que je suis entièrement d'accord pour dire qu'il y a eu tellement d'abus de ce côté-là, du fait de la publicité aux enfants, que je pense que le gouvernement se doit de prendre ses responsabilités.

La question que j'ai posée tout à l'heure est la suivante: Comment, sur le plan pratique, le gouvernement peut-il procéder de façon à avoir au moins un minimum de résultats? Si le député de Maisonneuve avait quelque chose à dire, je serais, en ce qui me concerne, très intéressé à l'entendre.

M. BURNS: J'ai quelque chose de très simple à suggérer. D'une part, l'adoption de l'amendement proposé par le député de Lafontaine, en ce sens que toute publicité destinée aux enfants doit être considérée comme illégale et ensuite, il y aurait peut-être quelque chose à faire au niveau strictement opérationnel de la loi en disant: Quelqu'un qui contreviendra à cela pourra... Je ne sais pas d'ailleurs, si les pouvoirs de la loi — je n'ai pas scruté cet aspect-là — y sont déjà, mais il est fort possible que déjà dans la loi nous ayons les éléments pour dire que la publicité qui sera faite en contravention de cette disposition-là, sera quelque chose qui peut être confisquée, c'est tout.

Le problème de la télévision, à mon avis — peut-être que le premier ministre ne sera pas heureux — je crois que ce serait un problème à ajouter aux autres problèmes qui devaient être discutés à Victoria parce que c'est un problème constitunionnel de juridiction fédérale. Je pense que le gouvernement fédéral a autant intérêt que le gouvernement du Québec de voir à ce que les citoyens, que l'on considère comme des citoyens qui ne sont pas encore aptes à recevoir de la publicité, à en juger et à l'apprécier, que ces citoyens-là puissent être protégés peut-être plus que d'autres. Le citoyens moyen, lui, peut recevoir de la publicité, peut en juger, peut trancher dans la publicité qui lui est donnée alors que ce citoyen-là en particulier, à qui l'on s'adresse, c'est-à-dire l'enfant, n'est absolument pas dans une position pour trancher ce problème.

Ce qu'il y a de pire, c'est qu'il y a des liens sentimentaux qui viennent s'inscrire dans le portrait. Je veux bien qu'on reste dans un cadre capitaliste de loi d'offre et de demande, mais, là, vous avez une autre dimension qui vient s'installer, c'est-à-dire le lien sentimental entre les enfants et les parents. En tout cas, qu'on s'y penche, qu'on ne laisse pas ce problème de côté, en disant tout simplement: II n'y a plus rien à faire relativement à cela, parce qu'on va mettre le commerçant québécois en désavantage par rapport au commerçant de l'extérieur. Bien, s'il le faut, mettons des pouvoirs de saisie et de confiscation même de documents qui viennent de l'extérieur, parce que ce qui se passe au Québec, c'est quand même de notre juridiction.

M. VEILLEUX: Oui, mais je vais vous poser la question: Qu'est-ce que vous faites, par exemple, des endroits situés près de la frontière américaine? Je prends Saint-Jean où on capte les ondes de la télévision de Burlington et de Plattsburg.

M. BURNS: Mais le député de Saint-Jean sait fort bien que, dans tout règlement, dans toute loi, il y a toujours un élément limite. Qu'est-ce que vous voulez? On ne doit pas dépasser 70 milles à l'heure sur une autoroute. Vous pouvez toujours me dire: Bien oui, mais le gars qui fait 71 milles à l'heure? Qu'est-ce que vous voulez? H fait 71 milles à l'heure! Il y a une frontière. Cela existe. On n'a pas le choix; elle est là.

M. VEILLEUX: Moi, je crois que la meilleure manière de pallier ce problème-là, c'est encore ce que disait le député de Bagot tout à l'heure, soit d'organiser des cours à partir de l'élémentaire jusqu'au secondaire.

M. BURNS: L'un n'empêche pas l'autre.

M. LEGER: Tout en précisant que vous deviez adopter des règlements.

M. BURNS: Je suis bien d'accord avec le député de Saint-Jean. Cela n'empêche pas la suggestion du député de Bagot. Qu'on organise des cours, qu'on éduque les enfants dès le bas âge, relativement à la publicité; je suis bien d'accord. Mais l'un n'empêche pas l'autre. Je veux dire que ce ne sont pas des arguments qui empêchent l'adoption d'un texte formel, d'un texte vraiment prohibitif, comme celui qui est proposé par le député de Lafontaine. A moins qu'on ne dise: C'est bon la publicité à l'égard des enfants. Si c'est ça qu'on dit, bien, je vais dire: D'accord, on va voter tout simplement contre votre attitude. Mais je pense que personne dans cette Chambre ne dit que c'est bon, la publicité à l'égard des enfants.

M. LEDUC: M. le Président...

M. LEGER: Vous avez une solution?

M. LEDUC: M. le Président, je ne veux pas passer pour un de ceux qui veulent encourager un "filibuster", mais c'est un des domaines que je crois assez bien connaître.

M. BURNS: Je m'excuse, M. le député, ce n'est pas un "filibuster"!

M. LEDUC: Non, non, si on nous accusait, nous de ce côté-ci...

M. BURNS: Non, non, pas du tout.

M. LEDUC: ...cela n'a rien à voir avec le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Très bien, continuez, continuez.

M. LEDUC: Loin de là. Non, c'est un problème extrêmement complexe. Pour ma part, je sais que l'Association canadienne des annonceurs, qui est un organisme national, fait actuellement une étude à ce point de vue là, pour essayer d'arriver si ce n'est pas de la législation, du moins, à un semblant de code d'éthique. Il y a, quand même, du côté de la clientèle enfantine, une publicité excellente. Il s'agira de déterminer où finit le bien pour arriver au mal.

Nous ne sommes pas les seuls actuellement au Canada à nous intéresser à ce problème-là. Au contraire, il y a, l'Association canadienne des annonceurs, il y a au moins trois provinces en plus de la nôtre qui s'interrogent là-dessus. J'espère qu'on aura l'occasion bientôt de discuter plus à fond de ce problème dans cette Chambre-ci.

M. BURNS: M. le Président, juste un dernier point. Moi, dans tout ça, c'est que je réfléchis tout haut et puis je me dis ceci:

Quand la Loi des jurés a été amendée, qu'est-ce qui a précédé ça? Vous avez vu des jeunes femmes obligées de faire un mois, deux mois de prison — je procède par analogie — pour mépris de cour. Qu'est-ce qui arrive maintenant? Quelques mois plus tard, on nous arrive en Chambre avec une loi permettant aux femmes d'accéder aux jurys. Vous avez actuellement une contestation concernant l'avortement. Evidemment, ce n'est pas de notre juridiction. Vous avez des femmes qui se promènent de temps à autre, en guise de manifestation et qui enlèvent leurs vêtements. Tôt ou tard, elles vont se faire incarcérer pour des choses comme ça, malgré que ce soit réjouissant pour l'oeil à l'occasion, selon les sujets.

UNE VOIX: Cela s'en vient intéressant, votre affaire.

M. BURNS: Qu'est-ce qu'il va falloir faire pour faire comprendre aux gens que la publicité à l'égard des enfants c'est de la foutaise et qu'il faut que ça disparaisse? Va-t-il falloir qu'on se mette — je ne sais pas — à promener des enfants dans des bebelles automatiques, dans des projectiles, à les envoyer à bord de fusées et dire: C'est un enfant perdu pour le Québec? Je ne sais pas, moi.

Mais, tôt ou tard, il me semble que c'est le genre de législation avec lequel on doit commencer parce que tout le monde est conscient du problème. S'il y a unanimité autour d'un problème, c'est bien quant à la publicité en tout cas. Cela va peut-être déplaire à bien des agences de publicité, à des compagnies comme Mattel, etc. Mais il reste...

M. LEDUC: Cela ne déplaira à aucune agence de publicité sérieuse.

M. BURNS: Je ne visais pas le député de Taillon.

M. LEDUC: Non, non, vos commentaires ne déplairont à aucune agence de publicité sérieuse.

M. LAURIN: M. le Président, j'en appellerais également aux lois de la psychologie. Depuis très longtemps, il m'arrive peu souvent de parler ici en tant que psychologue, mais il faut quand même que je me rappelle la discipline que j'ai exercée — que j'exerce encore d'ailleurs — depuis tellement d'années. Nous savons que la mentalité enfantine est comme une cire molle, qu'elle est très susceptible à toutes les influences qui peuvent s'exercer sur elle. Nous savons également — la psychologie nous l'enseigne — que c'est précisément à cet âge que les influences nocives peuvent se démarquer de la façon la plus dangereuse et qu'elles peuvent influencer de la façon la plus décisive le cours ultérieur de la vie. Je puis vous assurer, en tant qu'homme de l'art cette fois et non pas en tant que député,

que les influences qu'exercent actuellement les protagonistes de la publicité enfantine sont extrêmement nocives pour le développement individuel du jeune enfant, du futur adulte.

C'est là un argument très sérieux, même si nous en parlons à quatre heures et trente-huit du matin. Il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de cet aspect, l'importance de cette facette et je dois vous avouer que je n'ai pas compris jusqu'ici la répugnance du ministère des Institutions financières à légiférer dans le domaine. Bien sûr, on nous dit toujours: Nous réglementerons la publicité aux enfants. Mais depuis combien d'années nous promet-on cette réglementation? On nous l'a promise au fédéral, on nous l'a promise au provincial.

Mais jamais cette réglementation n'arrive, à cause de pressions, je ne dirai pas indues, mais à cause de pressions qui se manifestent en coulisse, de pressions qui sont dues à des intérêts financiers puissants. Il me semble que le facteur humain devrait prédominer, devrait avoir préséance sur les facteurs purement financiers, parce que cette société est faite pour l'homme et que l'homme n'est pas fait pour la société. Si vraiment cette société est faite pour l'homme, il nous semble que le législateur devrait prendre enfin ses responsabilités et mettre dans les lois — en fait, c'est la première qui régit la consommation — il devrait, dis-je, mettre dans cette loi originelle les réglementations, les articles plutôt, qui devraient interdire une sorte de viol de la mentalité infantile ou enfantine.

Je sais bien que le mot que je viens d'employer, M. le Président, est très fort, mais, en réalité, lorsque nous considérons ce qui se fait actuellement à la radio et à la télévision, en ce qui concerne la publicité faite aux enfants, je ne peux m'empêcher de qualifier ces procédés de viol de la mentalité enfantine. Ou, si vous n'aimez pas ce mot, M. le Président, j'emploierai le mot assaut, un assaut nocif qui a été dénoncé à moult reprises, non seulement par les spécialistes de ma discipline, mais également par tous ceux qui, éclairés par cette discipline, sans en être des protagonistes, ont quand même vu que cela correspondait aux canons du bon sens, aux canons d'une mentalité d'honnête homme au sens où le XVIIIe siècle l'entendait. C'est la raison pour laquelle je joindrais mon appel à celui qu'a fait le député de Lafontaine, à celui qu'a fait le député de Maisonneuve, pour qu'enfin le gouvernement se décide à assumer une fois pour toutes ses responsabilités en ce domaine et non pas, encore une fois, par voie de réglementation mais par voie d'un article de la loi qui montrerait que le législateur s'est enfin décidé à intervenir dans ce domaine où les droits de l'homme sont directement menacés. C'est un appel pressant que je fais à quatre heures et quarante minutes, ce 14 juillet, parce que ceci nous semble extrêmement important. On dit que la nuit porte conseil. Etant donné que nos délibérations se prolongent au cours de cette nuit, alors que tous les citoyens sont couchés, il me semble, M. le Président, que le ministre devrait profiter de cette occasion pour rejeter du revers de la main toutes les demandes qui lui ont été faites, toutes les pressions qu'il a dû subir à l'effet de ne pas légiférer en ce sens, afin qu'à cette heure de la nuit, le droit de l'enfant ait préséance sur la finance, que le droit de l'homme ait préséance sur toutes les pressions qui ont pu être exercées au nom de vils intérêts commerciaux.

Je fais cet appel avec toute la conviction qui me caractérise afin que le ministre prenne enfin ses responsabilités et légifère en ce sens au lieu de réglementer.

M. TETLEY: Je ne peux que dire amen. Je regrette que personne ne m'ait donné le droit de le dire avant que vous ne parliez tous. Je suis 100 p.c. d'accord, et nous allons légiférer ou réglementer...

M. LAURIN: Légiférer, M. le Président, pas réglementer.

M. TETLEY: Bon. Nous allons réglementer la publicité dirigée vers les enfants. Mais prenez, par exemple, votre article 62a): "Aucune publicité d'un bien par un commerçant ne doit s'adresser principalement aux enfants". Je vous donne un seul exemple d'une bonne publicité, d'un vrai bien. Je parle de la Bible pour les enfants ou des livres d'enfants. Moi, je veux de la publicité au sujet des livres, c'est très important. Ou peut-être la "gomme balloune". Il faut que les enfants s'amusent. Votre article n'est donc pas acceptable tel que rédigé.

D'autre part, vous m'avez fait penser — surtout le député de Maisonneuve lorsqu'il parlait — à une lacune peut-être dans la loi. Voici un "silver lining in the cloud". Je crois que nous allons proposer une modification à l'article 102o). Mais aucune publicité, c'est absolument inacceptable, parce qu'il y a de la publicité d'une grande valeur. Prenez les petites encyclopédies pour les enfants ou peut-être les jouets de construction.

M. BURNS: Puis-je poser une question au ministre?

M. TETLEY: Oui.

M. BURNS: Le ministre accepterait-il que nous modifions notre amendement en disant: "Aucune publicité, outre celle d'ordre culturel" ou quelque chose du genre?

M. TETLEY: Si vous êtes capables...

M. BURNS: Tiens, il est revenu. Il est revenu, le ministre du Revenu!

M. HARVEY (Jonquière): II a été étudié, ce projet!

M. TETLEY: Essayez de trouver un amendement qui vous plaise.

M. BURNS: Je conçois très bien, M. le ministre, votre objection. Je sais qu'il y a des choses qui sont attitrées, si vous voulez, pour les parents, qui sont dirigées à l'endroit des parents conscients du besoin de développement culturel, du besoin de développement physique, etc. Mais au fond, l'approche de la publicité dans ce cas, ce n'est sûrement pas le fait que l'enfant dira: J'ai besoin de me cultiver dans tel et tel domaine. C'est de la publicité dirigée vers les parents. Mais si vous craignez que cela empêche la publicité dans certains domaines particuliers, je suis bien d'accord pour modifier notre amendement.

M. TETLEY: Nous allons réglementer. Je vous soumettrai à la commission parlementaire les règlements proposés. Je les soumettrai également au conseil. Mais quelles dispositions doivent être modifiées chaque année?

Si vous êtes quand même capable de trouver un article ce matin, avant de partir, je vous en serais très reconnaissant mais je trouve votre amendement inacceptable tel que rédigé.

M. BURNS: Parce que...

M. TETLEY : Parce que vous dites: Aucune publicité. Il y a de la bonne publicité, l'équipement des scouts, par exemple, peut être d'une très grande valeur. J'ai parlé de livres, mes enfants achètent des livres, c'est dirigé directement vers les enfants. Prenez "Boy's Home" ou "Canadian Boy", voilà des revues pour les scouts et les louveteaux. Dans le "Canadian Boy" se trouve de la publicité pour toutes sortes d'objets de grand mérite et de grande valeur. Sans cette publicité, il n'y aurait pas de "Candadian Boy", qui a un tirage d'un demi-million. Cette revue est d'une grande valeur. J'ai parlé de la Bible pour des enfants, rédigée en termes acceptables aux enfants, c'est dangereux votre argument pour éliminer toute publicité.

M. BURNS: Sauf que cette publicité ne s'adresse habituellement pas aux enfants, elle s'adresse aux parents. Prenons par exemple l'Encyclopédie de la jeunesse. Je me souviens de mon jeune âge, où l'Encyclopédie de la jeunesse était le fin des fins de la culture pour les jeunes de milieux moins favorisés, c'est-à-dire dont les parents n'avaient pas une bibliothèque de $15,000. Le fin des fins, c'était l'Encyclopédie Grolier et l'Encyclopédie de la jeunesse. A ce moment-là, ce n'était sûrement pas l'enfant qui décidait: Je veux une Encyclopédie de la jeunesse. Sûrement, ça n'arrivait pas à cause du fait qu'ils avaient pris connaissance de la publicité à la radio, dans les journaux ou à la télévision, c'était parce que le petit ami, le voisin ou la petite cousine avait cette encyclopédie. M. le Président, je comprends très bien la position du ministre, je ne veux pas aller plus loin là-dessus, je veux simplement que notre voix soit entendue, et je connais la sincérité du ministre. Quand il nous dit: Présentez-moi un texte acceptable, je vais le discuter et nous allons y penser, pour moi, ce que vient de dire le ministre a de la valeur et je dis tout simplement: Nous ne vous présenterons pas un texte ce matin, nous allons y penser. Connaissant la sincérité du ministre à l'égard d'une déclaration comme celle-là, je prends note de ce qu'il nous dit, nous allons y penser et je suis certain que même si c'est à la prochaine session, nous aurons peut-être une suggestion à lui faire. Peut-être que le ministre la fera sienne, s'il la trouve justifiée, mais en ce qui me concerne, je n'oublie pas ce problème et nous tenterons d'apporter quelque chose de constructif dans l'intersession qui s'en vient.

J'apprécie d'autre part l'engagement du ministre à examiner et à ne pas mettre de côté définitivement ce problème-là.

M. TETLEY: Nous allons modifier l'article 102 o).

Suivant les remarques de tous les députés des deux côtés de la Chambre, à la suggestion des légistes nous avons ajouté les mots '"spécialement toute publicitée destinée aux enfants". Pour moi ce n'est pas assez votre amendement. Je ne veux pas lire dans les journaux demain que j'ai refusé un certain article. Principalement ça veut dire quoi, enfant, ça veut dire quoi? D y a peut-être des enfants d'un certain âge!

M. GUAY: M. le Président, j'aimerais peut-être ajouter quelques mots sur ça. Evidemment on a parlé de la publicité qui s'adresse directement aux enfants. IL y a également cette publicité qui s'adresse spécialement ou directement aux parents, mais qui nous dit que cette publicité-là ne sera pas perçue par les enfants? Alors c'est entendu que c'est bien difficile de déterminer si telle ou telle publicité s'adresse directement aux parents ou directement aux enfants. Peut-on dire aux enfants que cette publicité-là, ce commercial-là qui passe à la télévision, s'adresse spécialement aux parents et d'autres spécialement aux enfants?

Alors c'est assez difficile de faire la ligne de partage entre la publicité qui s'adresse aux parents parce qu'elle est bien souvent perçue par les enfants comme la publicité qui s'adresse aux enfants est facilement perçue par les parents.

M. CARDINAL: Alors, M. le Président, on pourrait quand même... je pense qu'on en a tous assez parlé pour que les journalistes se rendent compte de ce qu'on pense, s'ils sont encore éveillés! Bon! Je ne voudrais pas bâillonner personne, mais il faut quand même être raisonnable. On est...

M. BURNS: De toute façon vous ne pouvez bâillonner personne.

M. CARDINAL: Bien, je pourrais toujours faire de l'opposition comme le premier ministre en a fait hier. Cela nous conduirait...

M. BURNS: On va vous acheter un livre de règlement vous aussi.

M. LE PRESIDENT (Leduc): Si je comprends bien, la proposition du député de Lafontaine est retirée.

M. BURNS: Pour montrer notre bonne foi je vais aller même plus loin que ça. Je pense qu'avec le consentement de la Chambre et celui du député de Lafontaine nous serions même prêts à retirer notre amendement devant la bonne foi du ministre. Nous le retirons cet amendement. Ce que nous voulions surtout et principalement c'était de discuter ce problème-là puis obtenir des déclarations et des garanties de la part du ministre.

M. LEGER: Le ministre nous garantit qu'il va trouver une formule pour...

M. BURNS: Ou qu'il va accepter les nôtres.

M. LEGER: Ou qu'il acceptera les nôtres. M. le Président, pour aller plus vite, moi en ce qui me concerne, le prochain article c'est à 75.

M. LE PRESIDENT: Articles 68, 69, 70, adoptés. Articles 71, 72, 73, 74, adoptés. Article 75?

M. LEGER: A l'article 75, je vous ferai grâce du texte, mais quand même c'est un article qui a trait au système pyramidal qu'on veut condamner. Alors, M. le Président, à l'article 75, il est clair que ça rend nul et illégal toute pratique de vente qui s'apparente disons aux ventes pyramidales. Cependant, dans le code criminel, il était indiqué aussi une chose à peu près semblable. Cela a permis à la ville de Montréal d'obtenir à peu près dix condamnations contre de telles pratiques sans changer le fond du problème.

En effet, M. le Président, ces compagnies utilisent toutes les façons de retarder le jugement. Pendant ce temps elles continuent d'opérer à cause des possibilités d'appel etc. d'arrêter l'injonction, etc. Elles font suffisamment d'argent pour défrayer les frais judiciaires et les amendes. Les consommateurs sont ainsi roulés pour des millions de dollars par des individus, toujours les mêmes, qui au lendemain de la condamnation forment une nouvelle compagnie sous un autre nom, avec un nouveau produit, sous une nouvelle raison sociale, et le petit jeu devra recommencer.

M. le Président, je vous ferai remarquer que l'article 75 n'est pas suffisant pour régler le problème. J'en ai parlé au ministre et je propose un amendement précis, qui serait le suivant, à l'article 80. Je veux dire qu'à l'article 80 je veux un amendement, parce que l'article 75 ne règle pas le problème dans son entier. Je vais seulement donner l'esprit de l'amendement: Le directeur de l'office, selon l'amendement que je proposerai à l'article 80, peut ordonner à une personne, visée par l'article 75, de cesser ses activités, opérations ou pratiques et la personne doit se conformer à cet ordre. C'est un amendement que je proposerai à l'article 80 du fait que l'article 75 ne règle pas le problème en profondeur.

En ce qui me concerne, l'article 75 — ce n'est pas là que je fais l'amendement, c'est à l'article 80 — peut être adopté.

M. LE PRESIDENT (Giasson): Article 76, adopté. Article 77, adopté.

M. LEGER: Le prochain amendement serait à l'article 79. Je l'ai soumis au ministre.

M. LE PRESIDENT: Article 78, adopté. Article 79?

M. TETLEY: Adopté.

M. LEGER: Merci. Je peux vous lire l'article 79 parce qu'il est adopté. A l'article 79 d), il était dit que parmi les charges ou responsabilités de l'Office du consommateur, on disait de promouvoir la création de services. L'amendement que je propose et que le ministre accepte gracieusement est celui-ci: Non seulement de promouvoir, mais aussi de subventionner la création et le développement de services ou d'organismes destinés à protéger le consommateur et à coopérer avec ces services. Le ministre accepte l'article 79 d)?

M. LE PRESIDENT: Article 79 d) adopté.

M. LEGER: Cela me console pour les autres qui ne sont pas adoptés.

M. TETLEY: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté tel qu'amendé.

M. TETLEY: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: Article 80?

M. LEGER: A l'article 80, j'avais un amendement. Je pense cependant que le ministre a quelque chose dans ce sens-là. A l'article 80, vous avez un amendement.

M. TETLEY: Le député de Lafontaine a suggéré quelque chose et après étude, nous avons cru bon de faire un amendement dans le sens qu'il a proposé. H avait suggéré que si un commerçant enfreint la loi au sujet des ventes pyramidales, le directeur devait agir d'une certaine manière. Nous avons décidé, en vertu de sa suggestion, qu'il fallait faire l'amendement

qui suit: "Si un commerçant enfreint la présente loi ou un règlement — cela veut dire toute la loi ou tout règlement — le directeur peut lui ordonner de s'y conformer et le commerçant doit obéir à cet ordre." Je préfère, si vous permettez, notre amendement au vôtre.

M. LEGER: En ce qui me concerne, M. le Président, je remercie le ministre d'aller plus loin que l'amendement que je lui avais proposé parce que cela va concerner justement toutes les autres situations, en plus des ventes pyramidales.

M. CARDINAL: ... de la publicité pour les enfants.

M. LE PRESIDENT: Adopté tel qu'amendé.

M. LEGER: M. le Président, j'aurais un amendement à l'article 80 a), c'est-à-dire un alinéa de plus qui se lirait comme suit: Lorsque l'office reçoit une plainte d'un consommateur, il doit faire enquête pour déterminer si la présente loi et si les règlements ont été respectés et doit en communiquer les résultats au consommateur. L'office peut également faire enquête de son propre chef.

M. TETLEY: Nous croyons que c'est couvert par l'article 81 et pour le moment, nous croyons que cela va trop loin. D'autre part, pour l'avenir nous serons peut-être prêts à adopter quelque chose dans ce genre-là. Mais pour le moment, nous croyons que c'est couvert et ça va trop loin, enfin, plus loin que notre pensée.

M. LEGER: M. le Président, je ne veux pas argumenter à cause de l'heure, mais quand même je proposerais peut-être, si le ministre n'acceptait pas l'article 80 a) que j'ai proposé, de remplacer celui-ci. Est-ce que le ministre accepterait cet amendement-ci? L'office peut exercer, au nom d'un consommateur qui lui en fait la demande, les recours civils qui naissent de la loi, de ses règlements ou d'un contrat qui est assujetti. Il est vrai que souvent les consommateurs n'ont pas les moyens et sont soumis à la longueur des procédures. C'est la raison pour laquelle je propose cet amendement.

M. TETLEY: Mais vous allez modifier toute la loi du ministère de la Justice. C'est que même nos légistes sont fonctionnaires du ministère de la Justice. Le ministère de la Justice va prendre action pour la province, pour le gouvernement et un tel amendement va tout modifier. Malgré le fait que peut-être je partage votre opinion, je ne peux pas accepter cet amendement.

M. LEGER: M. le Président, il y a quand même le problème de la longueur de la justice qui n'est pas résolu, et le fait que le consommateur n'est pas armé, n'a pas les moyens, n'a pas les connaissances. J'aurais préféré que le ministre permette aussi des bureaux juridiques régionaux pour permettre de renseigner la population sur ses droits. Je pense que le ministre est au courant des problèmes, de la situation. Je ne fais que regretter de ne pouvoir trouver dans la loi qui s'en vient des solutions aux problèmes que lui-même a reconnus et qu'il a certainement touché.

M. LE PRESIDENT: Article 80? UNE VOIX: Adopté.

M. LEGER: M. le Président, le prochain article est l'article 85.

M. LE PRESIDENT: Donc, les articles 81, 82, 83, 84 adoptés.

M. LEGER: C'est ça. A l'article 85, le conseil, selon nous, était obligé d'attendre que le ministre lui demande son avis et c'était un conseil consultatif sur la tablette. C'est la raison pour laquelle à l'article 85 a), je propose ceci: Le conseil a pour fonction de donner son avis et de faire les suggestions au ministre sur toute question relative à la protection du consommateur. Alors, je pense que cela donnerait réellement un rôle précis, important au conseil de la protection du consommateur qui pourrait réellement ne pas attendre que le ministre le lui suggère. Il pourrait réellement être efficace et très utile dans son rôle.

M. TETLEY: Pour l'instant, je crois que cette suggestion va trop loin. Je ne veux pas...

M. LEGER: Trop en avant.

M. TETLEY: Je ne veux pas remplacer l'Opposition. Le conseil a toutes sortes de pouvoirs, mais le pouvoir de tout faire, je crois que c'est trop. C'est un conseil consultatif, pas un conseil qui va remplacer le gouvernement ou l'Opposition.

M. LEGER: M. le Président, cet article-là ne demande pas au ministre l'obligation de suivre les directives, mais ça permet à ce comité, si on veut réellement qu'il joue un rôle, de pouvoir soumettre des directives. Cela ne veut pas dire que le ministre est obligé ipso facto de les accepter. Mais si le ministre semble ne pas vouloir ajouter cet article, cela veut tout simplement dire qu'il ne veut les avoir que sur demande quelques fois dans l'année, juste pour dire qu'elles existent. Là, si on relit l'article, c'est simplement le fait que ce comité peut faire quelque chose comme suggestions. Je ne vois pas pourquoi le ministère pourrait reculer, pourrait hésiter devant le fait qu'un comité peut lui donner des avis.

M. TETLEY: Moi, je dois dire que je ne

partage pas votre opinion. Le conseil va fixer presque toutes ses propres règles, mais il faut que le conseil qui peut siéger jour et nuit, comme nous, ait au moins un certain but dirigé par le ministère et ce, tout simplement sur des sujets qui sont du ressort du bill 45.

Pour l'instant, je ne partage pas votre opinion du tout.

M. LEGER: M. le Président, au plaisir de certains, c'est le dernier amendement que j'avais à proposer au projet de loi de la protection du consommateur.

UNE VOIX: Tous les autres articles sont adoptés.

M. CARDINAL: Un instant.

M. TETLEY: A l'article 86, un amendement de la commission. Je vous ai présenté un autre amendement, y compris le président.

M. LEGER: D'accord, M. le Président. M. CARDINAL: D'accord.

M. TETLEY: L'article 102 est modifié suivant le rapport de la commission.

M. CARDINAL: M. le Président, pour fins d'inscription, est-ce qu'on peut dire tout simplement en bloc que les articles 85 à 101 inclusivement sont adoptés tels qu'ils ont pu être amendés par la commission parlementaire?

M. TETLEY: Très bien. Sauf...

M. CARDINAL: Sauf...

M. TETLEY: ...l'article 102, m), n)...

M. CARDINAL: D'accord.

M. TETLEY: ...pour établir des normes concernant les instructions écrites et les manuels concernant l'usage et l'entretien d'un bien ainsi que la langue dans laquelle ils doivent être rédigés, cela ce sont les manuels.

M. CARDINAL: D'accord.

M. TETLEY: Aussi à l'article 102...

M. LEGER: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Dans l'amendement qu'il propose, est-ce qu'il veut dire par là qu'il ne détermine pas quelle langue précise? IL pourra réglementer là-dessus. On ne dit pas que le manuel devra être en français. Je prends comme exemple la compagnie Datsun qui présente des automobiles et qui n'a pas de manuel d'instructions et d'entretien en français.

M. TETLEY: II faut que le manuel et le règlement soient conformes à la loi, tel qu'exprimé à l'article 4.

M. LEGER: II faut qu'ils soient conformes à l'article 4.

M. TETLEY: Oui, c'est certain que ça va être conforme à la loi.

M. LEGER: Alors, nous sommes bien d'accord.

M. TETLEY: A l'article 102, o), ajouter à la fin les mots, "spécialement toute publicité destinée aux enfants."

M. LEGER: Nous sommes très heureux que vous vous soyez rendu à nos désirs.

M. TETLEY: Bon.

M. LEGER: M. le Président, jusqu'à la fin, nous n'avons rien d'autre à ajouter.

M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas un amendement proposé par vous à l'article 114?

M. TETLEY: Oui.

M. CARDINAL: Ah bon!

M. TETLEY: Je reviens.

M. VEILLEUX: M. le Président, avant de passer à l'article 114 il y a l'article 102 duquel nous avons enlevé le paragraphe g. J'ai à dire qu'après avoir fait une réunion avec les personnes intéressées à la consommation dans mon comté, elles m'ont demandé de demander au ministre qu'il y ait un minimum dans un contrat. Disons que je suis déçu que le paragraphe g) ait été abrogé. Tout simplement, je voulais le souligner parce que j'avais dit à mes électeurs que je le ferais et je le fais.

Disons que j'ai ici un rapport du comité d'étude sur les institutions financières, le rapport Parizeau, qui m'explique pourquoi cela aurait pu être enlevé. Pour moi, même si M. Parizeau l'explique, cela ne me satisfait pas.

M. CARDINAL: Disons que le député de Saint-Jacques et moi-même, nous avons longuement hésité, tant le ministre que l'Opposition, avant de l'enlever. Il faut se rappeler qu'il était d'abord dans la loi. Il a été enlevé de la loi et porté aux règlements et ensuite on a laissé une liberté. La garantie est la suivante: C'est que le comité consultatif va peut-être exiger plus que le paragraphe g).

M. TETLEY: Comme en Angleterre, c'était 20 p. c. Lord Crowther — vous pouvez citer l'anglophone Lord Crowther au lieu de Jacques Parizeau dans votre comté — voulait...

M. VEILLEUX: Je vais le faire avec plaisir, M. le Ministre.

M. TETLEY: Lord Crowther voulait enlever 20 p. c. en Angleterre.

Les articles 103 à 113 et l'article 114, tel qu'amendé...

M. ROY (Beauce): M. le Président, je m'excuse. Si l'honorable député de Bagot se souvient, les articles 107 et 108 avaient été adoptés sur division. Alors, il y aurait peut-être...

M. CARDINAL: Ah oui!

M. ROY (Beauce): ... lieu, je pense, de réinscrire "sur division" sur le présent projet de loi.

M. CARDINAL: D'accord.

M. TETLEY: L'article 114 est amendé en ajoutant à la sixième ligne du premier alinéa, après le mot "sommaire", la mention suivante "Statuts refondus de 1964, chapitre 35".

M. CARDINAL: D'accord, adopté. M. LEGER: D'accord, M. le Président.

M. CARDINAL: Jusqu'à la fin, M. le Président, adopté.

M. TETLEY: Les articles 115 à 126 sont adoptés.

M. CARDINAL: Adopté.

M. le Président, qu'on fasse rapport.

M. BROWN (président du comité plénier): M. le Président, le comité a adopté le bill 45 avec des amendements.

M. LAVOIE (président): Ces amendements sont-ils agréés?

M. PAUL: Agréé.

M. CARDINAL: Beaucoup d'amendements agréés et agréables.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Troisième lecture.

L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives propose la troisième lecture du projet de loi no 45.

Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: M. le Président, à la troisième lecture, je demanderais le consentement unanime de la Chambre. Le député de Lafontaine a un discours de troisième lecture. Pour éviter une autre demi-heure...

M. PAUL: Ce serait bon.

UNE VOIX: Nous allons l'écouter.

M. BURNS: ... je demanderais le consentement unanime de la Chambre pour que son discours soit versé au journal des Débats. Je l'ai montré au leader du gouvernement et je pense qu'il n'y a rien d'antiparlementaire, selon ce que le leader a pu voir. Cela éviterait peut-être une autre demi-heure de session. Si nous avons le consentement unanime, que ce discours soit versé au journal des Débats.

M. LEVESQUE: M. le Président, il est difficile pour moi de dire s'il y a quelque chose d'antiparlementaire dans ce discours. Mais, prenant la parole du député de Maisonneuve...

M. LEGER: Et, connaissant le député de Lafontaine...

M. LEVESQUE: Cela, c'est plus inquiétant!

M. LAURIN: Et les corrections effectuées par le député de Bourget...

M. LEVESQUE: J'ai bien confiance au député de Bourget quant à la forme, mais quant au fond, je ne lui donnerais pas un certificat.

M. BURNS: Faites confiance au député de Maisonneuve quant au fond.

M. LEVESQUE : Disons que oui. Quant à la forme, le député de Bourget, d'accord. Quant au fond, le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Les deux, cela fait un maudit bon "team"!

M. LEVESQUE : Mais il ne faudrait pas qu'on me joue des tours!

UNE VOIX: Non, non!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, justement, au cours de cette longue journée de session, nous en sommes à notre deuxième dépôt d'un discours sans l'avoir entendu.

M. le Président, je comprends —je partais pour dire qu'il est tard, mais je devrai plutôt dire qu'il est tôt, parce qu'il est exactement cinq heures douze minutes — mais je pense qu'on est en train de créer des précédents qui peuvent justement...

M. HARVEY (Jonquière): C'est arrivé déjà. Ce n'est pas un précédent.

M. ROY (Beauce): ... nous jouer des tours. M. le Président, pour la bonne marche des travaux de la Chambre et pour le bien de tous les membres de cette Chambre, prenons une

demi-heure de plus s'il le faut. Si un député a un discours à prononcer, qu'il le prononce de façon que, s'il y a quelque chose, à un moment donné, qui peut nous concerner, qui peut concerner d'autres membres de cette Chambre, nous puissions le rappeler à l'ordre et que nous puissions faire les interventions qui s'imposent.

M. LEVESQUE: Allons-y!

M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne sais pas si d'autres membres auraient une intervention.

M. LEVESQUE : Allons-y ! Allons-y !

M. ROY (Beauce): J'avais cette brève intervention à faire sur le projet de loi...

M. LEVESQUE: Très bien, très bien.

M. ROY (Beauce): ... pour permettre au député du Parti québécois de faire son intervention.

M. LEVESQUE: Très bien.

M. ROY (Beauce): Alors qu'il fasse son intervention.

M. BURNS: M. le Président, qu'il soit enregistré que nous étions prêts à sauver peut-être cette demi-heure ou ces vingt minutes à la Chambre mais que les députés du Ralliement créditiste, qui nous accusent depuis un certain temps de retarder les travaux de la Chambre, nous disent ce soir qu'il aiment mieux que le député de Lafontaine fasse son discours de troisième lecture.

Je n'ai pas le choix dans les circonstances — et je pense que le gouvernement n'a pas le choix et l'Union Nationale n'a pas le choix non plus— comme il n'y a pas unanimité, à ce moment-là, le député de Lafontaine va faire son discours de troisième lecture.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je voudrais faire une rectification, je ne voudrais pas...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement, son droit de parole a été utilisé.

M. ROY (Beauce): ... que le député de Maisonneuve m'accuse...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai surtout écouté un verbe de l'intervention du député de Beauce à savoir qu'il voulait rectifier.

UNE VOIX: Rectifier quoi?

M. LE PRESIDENT: Rectifier peut-être l'interprétation que l'honorable député de Maisonneuve a... Je ne sais pas, très brièvement, sans apporter de nouveaux arguments.

M. ROY (Beauce): Ceci pour dire, M. le Président, que je veux faire une distinction très nette entre le projet de loi no 50 et le projet de loi no 45. Je pense que, sur le projet de loi no 45, nous n'avons pas accusé les membres du Parti québécois, et je n'ai pas l'intention de le faire non plus, ni d'attenter à leur droit de parole et de les accuser par le fait qu'ils utiliseraient leur droit de parole en troisième lecture. C'est tout simplement la distinction que je voulais faire.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il consentement unanime à ce que le discours de l'honorable député...

M. ROY (Beauce): Qu'il fasse son discours. Quant à le déposer, je ne suis pas d'accord.

M. BURNS: M. le Président, puis-je, pour le député de Beauce et les membres du Ralliement créditiste, répéter ma suggestion? Le député de Lafontaine a un discours à faire en troisième lecture. Il serait prêt, avec le consentement unanime de la Chambre, à le déposer au journal des Débats. Vous savez que, si jamais il y avait quelque chose d'anti-parlementaire dans ce discours-là, il y a toujours la possibilité d'une motion de correction et il y a même une possibilité de retrait de ce discours, si nécessaire.

Il y a donc une sécurité. En ce qui me concerne, je prends entièrement la responsabilité de ce discours que j'ai lu et que je trouve très parlementaire. Evidemment, je n'ai pas les qualités du président ou quoi que ce soit, mais je suis prêt à dire que je prends l'engagement que ce discours là n'ait rien d'antiparlementaire et qu'il est simplement un discours normal de troisième lecture.

M. LEVESQUE: Quant à nous, M. le Président, nous n'avons aucune objection. J'ai bien confiance en la parole du député de Maisonneuve qui nous dit qu'il n'y a rien d'antiparlementaire. Le député de Bourget me dit qu'au point de vue de la forme, il n'y a pas à s'inquiéter. Le fond et la forme étant protégés, nous aurons l'occasion de juger les honorables membres. Ces deux honorables membres de cette Chambre prennent un risque parce qu'à ce moment-là, ils nous demandent de leur donner un vote de confiance et de faire un acte de foi. Nous, nous sommes prêts à le faire. Et je suis convaincu que le député de Beauce aurait avantage, à ce moment-ci, à nous accompagner dans cet acte de foi et demain, si, après avoir pris connaissance du texte qui sera déposé, le député de Beauce a la moindre objection, nous lui fournirons l'occasion de faire l'intervention qu'il juge à propos.

M. CARDINAL: M. le Président,...

M. ROY (Beauce): M. le Président j'accepte

la suggestion de l'honorable leader de la Chambre.

Je demanderais par exemple aux représentants du Parti québécois de nous remettre une copie de leurs discours.

M. BURNS: C'est entendu. D'ailleurs, c'est une suggestion que j'allais vous faire. Dès que les copies seront faites, vous en aurez une. Les membres de tous les partis de la Chambre auront une copie, (voir annexe).

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.

M. CARDINAL: J'allais demander une directive au président, mais ce n'est plus nécessaire, vu...

M. LE PRESIDENT: Pas à cette heure-ci, je vous en prie.

M. CARDINAL: J'ai dit que ce n'était plus nécessaire.

M. LEVESQUE: Réglé, adopté.

M. CARDINAL: Un instant, voilà assez longtemps qu'on travaille qu'on peut prendre ça calmement. Bon.

M. HARVEY (Jonquière): Allez-y.

M. CARDINAL: II fait jour. M. le Président, je veux simplement dire que je suis parfaitement conscient, malgré cette heure, qu'en me levant ainsi en troisième lecture, ce n'est non plus pour vous demander une directive, mais pour dire que j'épuise mon droit de parole en troisième lecture. Par conséquent, je m'assois.

M. LEGER: M. le Président, je veux remercier cette Chambre de m'éviter de parler à cinq heures vingt ce matin.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Sur un rappel au règlement... M. BIENVENUE: L'éminence grise. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. PAUL: M. le Président, nous assistons à des procédures qui me scandalisent.

M. LEVESQUE: Est-ce pour le journal des Débats?

M. PAUL: C'est plus sérieux que vous pensez.

M. LEVESQUE: Alors, on peut demander au journal des Débats de suspendre.

M. PAUL: Ah! vous pouvez couper ça.

M. LEVESQUE: Très bien.

M. PAUL: Le leader du gouvernement a tout à l'heure parlé d'un acte de foi. Vous permettrez que dans mon rappel au règlement je fasse un acte d'espérance.

M. BRISSON: Faites donc un acte de charité.

M. PAUL: J'en ai un beau à faire, ce ne sera pas long, vos désirs vont être comblés.

M. LACROIX: Un acte de contrition.

M. PAUL: Je vais faire une motion d'espérance. J'espère que le gouvernement, qui dans quelques minutes va proposer l'ajournement à l'automne, va nous promettre qu'à l'automne nous aurons une meilleure planification que celle qui nous est imposée depuis trois semaines. Considérant cependant, M. le Président, que c'est un grand jour, et que nos amis les libéraux communient dans cette allégresse qui les caractérise à l'occasion de la fête du premier ministre du Québec, pour une fois et la dernière, je ne m'opposerai pas à ce qu'on dépose les discours plutôt que de les dire en cette Chambre.

M. LEVESQUE: M. le Président, je ferai remarquer au député de Maskinongé que quant à nous nous n'avons pas déposé de discours. Nous avons accepté un discours déposé par l'honorable député de Montcalm, un ami du député de Maskinongé...

M. PAUL: Tous les députés sont mes amis.

M. LEVESQUE: ...et nous avons accepté également le dépôt d'un discours du député de Lafontaine.

M. PAUL: C'est encore l'un de mes amis.

M. LEVESQUE: Nous l'avons fait dans un grand esprit de collaboration, pour employer une expression bien utilisée par mon honorable ami et leader parlementaire de l'Opposition officielle. Je ne voudrais pas que dans les paroles de l'honorable député de Maskinongé il y ait quoi que ce soit qui puisse être considéré comme une insinuation malveillante à l'égard d'un gouvernement extrêmement ouvert, extrêmement patient, extrêmement tolérant, extrêmement désireux de respecter les principes démocratiques, même jusqu'à cinq heures vingt du matin.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Lafontaine me donne sa parole d'honneur qu'il a respecté totalement l'article 572?

M. LEGER: Me permettez-vous de lire l'article 572?

M. LE PRESIDENT: Je vais vous le dire: "Le

débat sur toute motion de troisième lecture d'un bill public peut porter sur l'ensemble et les détails du bill, mais il doit être restreint au contenu de celui-ci."

M. LEGER: Oui, d'accord.

M. LE PRESIDENT: J'ai l'endossement du député de Maisonneuve et du député de Bourget. De consentement unanime, troisième lecture.

M. LEVESQUE: En tenant compte, évidemment, des remarques très sages et très prudentes de la présidence.

M. TETLEY: M. le Président, avant l'adoption, mes légistes ont suggéré un seul mot au fameux article 102o) au sujet des enfants. Au lieu de "tout bien ou crédit", pour être certain que tout objet est couvert et non pas tout simplement les biens tels que définis dans l'article, "tout bien (faisant ou non l'objet d'un contrat) ou crédit" afin de couvrir tous les cas suggérés par les trois partis. Donc "(faisant ou non l'objet d'un contrat) ou crédit".

M. LEGER: D'accord, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on peut considérer que cet amendement a été effectué en comité?

M. TETLEY: Oui. M. PAUL: Oui.

M. LE PRESIDENT: Autrement, il faudrait recommencer.

M. TETLEY: Oui, très bien.

M. LE PRESIDENT: Consentement unanime que cet amendement a été apporté en comité.

L'honorable ministre propose la troisième lecture.

Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une courte intervention, si on me le permet. Je ne voudrais pas prolonger les débats, mais au tout début j'avais commencé et je vais terminer. J'en ai pour au maximum trois minutes. Je voulais parler un peu du Conseil de la protection du consommateur. Je demanderais au ministre, qui a accepté d'amender cet article pour qu'il y ait un minimum de dix membres et un maximum de quinze membres, de faire en sorte que les nominations soient faites le plus tôt possible. Je pense que ce Conseil de la protection du consommateur aura également un grand rôle à jouer et je demanderais que le gouvernement, dans ces nominations, aille choisir des membres dans tous les secteurs de l'économie, plus particulièrement chez les consommateurs. Je voudrais demander au ministre de regarder dans le mouvement coopératif. Dans ce mouvement, il y a le secteur de l'alimentation où les associations coopératives d'alimentation ont fait un excellent travail d'éducation. Je pense qu'elles pourraient aider le gouvernement dans ce sens.

Il y a le domaine des caisses d'épargne et de crédit également, ainsi que le domaine des mouvements d'éducation populaire. Je songe par exemple à l'Association coopérative d'éducation féminine. Le gouvernement pourrait également aller chercher des membres dans cette commission ainsi que dans le monde syndical et dans le monde des représentants.

En guise de conclusion, Je voudrais dire au gouvernement que la meilleure protection du consommateur, bien que la loi, en somme ait été bonifiée passablement, c'est l'éducation du consommateur. Je demande au gouvernement, en guise de conclusion et je termine là-dessus, de mettre l'accent sur l'éducation des consommateurs et de négocier avec le ministère de l'Education pour que des programmes soient faits dans les maisons d'enseignement au niveau primaire, au niveau secondaire et au niveau supérieur, pour qu'on commence à éduquer les gens à partir de l'école pour en faire des consommateurs avertis lorsqu'ils seront entrés sur le marché de la consommation...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! De consentement unanime, adopté?

DES VOIX: Adopté.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que je pourrais faire une suggestion au leader parlementaire? Si le gouvernement veut bien retirer son bill 50, nous sommes prêts à ajourner pour les vacances d'été.

M. LEVESQUE: II serait peut-être préférable de vous retirer, avec une telle recommandation, alors que le public québécois attend avec tellement d'impatience que le projet de loi no 50 soit adopté.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Moi, j'ai mon voyage.

M. LEVESQUE: M. le Président, avant de proposer l'ajournement, je tiens à vous remercier...

M. VINCENT: L'ajournement? La suspension.

M. LEVESQUE: Non, non, c'est une autre séance. L'ajournement.

M. CARDINAL: C'est une question débat-table.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on veut la débattre?

M. le Président, avant de proposer l'ajournement, je tiens à vous remercier, à remercier les honorables députés qui sont ici à cette heure... est-ce tardive ou matinale? Enfin...

M. BIENVENUE: Hâtive.

M. LEVESQUE: ...à remercier les honorables membres de cette Chambre et les honorables membres de la presse, mes amis, pour avoir ainsi coopéré dans les...

M. VINCENT: N'oubliez pas le personnel.

M. BURNS: Vous avez des remords?

M. LACROIX: Je me souviens.

M. BURNS: Rappelez donc ça à votre leader.

M. LEVESQUE: Je demanderais au député des Iles-de-la-Madeleine de ne pas m'appuyer à ce moment-ci.

Je remercie encore une fois la présidence, les membres de cette Chambre, les membres de la tribune de la presse, les huissiers, les pages, les membres du journal des Débats, enfin tout le personnel d'avoir accepté ce soir de prolonger encore une fois leurs heures de travail afin de permettre à cette Chambre de poursuivre ses travaux.

Nous avions ce soir un projet de loi très important, celui de la protection du consommateur. Nous aurions pu le laisser pour l'automne. Il aurait été facile de convaincre, je le pense bien, tout le monde. Mais d'un autre côté lorsqu'on songe au bien que cela peut faire à tous les consommateurs de la province, particulièrement aux petites gens, à ceux qui ont besoin de ce projet de loi...

M. PAUL: M. le Président, est-ce que la troisième lecture du bill a été adoptée?

M. LEVESQUE: Oui. Je comprends que l'honorable député de Maskinongé serait très heureux de se joindre à moi. Je sais qu'il ne veut pas répéter exactement les mêmes propos que je tiens présentement, mais je sais par contre qu'il concourt à cela.

M.PAUL: Ah! oui.

M. LEVESQUE: Je crois, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Dois-je comprendre que nous sommes en quatrième lecture?

M. LEVESQUE: ...qu'il était important d'adopter ce projet de loi avant la fin de la session.

C'est pourquoi je réitère mes remerciements à tous ceux qui ont permis que ce projet de loi très important puise être accepté et adopté avant l'ajournement.

M. LAURIN: M. le Président, nous remercions le leader parlementaire de nous avoir remerciés.

M. LEVESQUE: Je l'avais fait. M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à tout à l'heure, à onze heures.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

La Chambre ajourne ses travaux jusqu'à onze heures ce matin.

M. LEVESQUE: II y a un rapport que nous avions promis à l'honorable député de Bourget. Pour tenir notre parole, j'aimerais bien que le député de Rouville puisse faire rapport avec le consentement unanime.

M. LE PRESIDENT: Ques les honorables députés se rassoient.

M. OSTIGUY: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission parlementaire des Richesses naturelles a siégé les 19 et 20 mai derniers. Le but de ces séances a été d'examiner le projet de développement de la baie James en compagnie du président de l'Hydro-Québec et de ses commissaires.

M. LE PRESIDENT: Pas besoin d'agrément. UNE VOIX: Le PQ est d'accord. M. BURNS: M. le Président... M. PAUL: Le whip en chef...

UNE VOIX: Je demanderais au whip en chef de confirmer votre présence en Chambre à cette heure tardive.

M. LE PRESIDENT: La Chambre est ajournée.

(Fin de la séance: 5 h 32)

Annexe

Discours de M. Marcel Léger sur la 3e lecture du projet de loi no 45

La loi de la jungle ne disparaît pas complètement malgré les bienfaits de la loi du consommateur.

Qui est le consommateur québécois? Le projet de loi 45 touche, contrairement à tout autre projet de loi, tous les québécois, et, par surcroit, dans des gestes posés quotidiennement. Le consommateur québécois, c'est le travailleur, québécois, syndiqué ou non, dont le revenu disponible est anémique; il s'agit, au même titre que les chômeurs et les défavorisés, de certains citoyens humiliés, (comme les assistés sociaux), de jeunes et de personnes âgées.

Selon nous, le premier instrument pour civiliser la jungle actuelle de l'exploitation des consommateurs serait un code des lois du consommateur. Malheureusement, le projet de loi actuel ne semble pas avoir tenu compte de cette possibilité. Une société de consommation

Le concept même de consommation s'inscrit dans la définition de la société dans laquelle nous vivons.

Mais cette société de consommation avec la variété innombrable des biens et des services qu'elle offre sous les formes les plus attrayantes et sous la pression de publicité à laquelle nul ne peut échapper, engendre des malaises. Ces malaises se manifestent face à l'impuissance où se trouvent les consommateurs isolés, de dominer la situation, d'effectuer des choix judicieux en fonction de leur besoin et de leurs moyens, de se protéger contre eux-mêmes aussi bien que contre les exploiteurs de tout acabit. C'est un problème qui exige une action collective, d'une part, mais aussi qui exige une intervention de la part de l'Etat.

On se rend compte de l'inégalité des forces en présence, soit les consommateurs désunis, d'un côté, et de l'autre côté les puissances d'intérêt des producteurs et commerçants unis de l'autre. Entre le fort et le faible c'est la liberté qui opprime, mais c'est la loi qui affranchit.Appréciation du bill 45

A la lumière des constatations générales que je viens d'énumérer, quelles sont les appréciations qu'il faut donner au bill 45? En face d'un problème dont l'ampleur est considérable et dont les implications sont aussi nombreuses que diversifiées, il faut se réjouir et exprimer sa satisfaction de ce que le gouvernement du Québec ait pris ses responsabilités et décidé de légiférer dans ce domaine. Il a légiféré sur les ventes pyramidales qui sont maintenant contrôlées.

Le projet de loi empêchera les formes de publicité, bannies par règlement, de continuer d'opérer même après appel de la décision du directeur de l'office par le contravenant et jusqu'à ce que les jugements soient rendus. En d'autres mots, la possibilité d'appel ne suspend pas l'interdiction d'opérer.

L'accès aussi à son dossier du crédit est un avantage de plus pour le consommateur.

Le contrôle des nouvelles cartes de crédit est aussi une amélioration. Amendements proposés par le Parti québécois

Sur tous les amendements que le Parti québécois a préparés et présentés au ministre, ce dernier a accepté quelques-uns de nos amendements que nous lui avons proposés et nous le félicitons. Premièrement, plusieurs définitions nouvelles ont été acceptées.

En second lieu, le coût du crédit et le début de la période des versements ne courent qu'à compter de la date de l'exécution du contrat.

Troisièmement, concernant toute infraction à la loi ou règlement par un commerçant, le directeur de l'office peut arrêter toute pratique illégale et sa décision ne peut être suspendue pendant qu'il y a appel.

Quatrièmement, une des responsabilités d'office, entre autres, sera maintenant de pouvoir subventionner la création et le développement de services ou d'organisations destinés à protéger le consommateur et coopérer avec ce service. 1) Aussi nous concluons que le sens et la portée du projet de loi devraient être élargis, de manière à lui donner une authentique dimension sociale. 2) La loi ne prévoit pas ni n'encourage les dialogues et la participation. Si nous nous réjouissons de ce que le projet de loi 45 prévoie l'institution d'un organisme de consultation, "le conseil de la protection du consommateur", nous regrettons que le mode de désignation de ces membres ne

soit pas explicité et que ces fonctions ne se limitent qu'à donner son avis ou à faire des suggestions à l'égard des seules questions que peuvent lui soumettre le ministre ou le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est là une grave lacune qui devrait absolument être corrigée. 3) La loi confine trop l'office de protection du consommateur dans une fonction de policier.

Il serait éminemment souhaitable que cet Office apporte sa collaboration aux organismes privés en leur fournissant le matériel d'information requis aux fins de leur travail d'éducation. QUELQUES RECOMMANDATIONS

II serait normal que le directeur de l'Office de protection du consommateur ou son délégué soit d'office membre du conseil mais sans droit de vote.

Il serait souhaitable aussi que le conseil ait un président et un secrétaire à plein temps ainsi qu'un service de recherches avec budget adéquat, sans quoi son travail risquerait d'être plus ou moins valable et efficace.

De plus, nous croyons que le conseil devrait, en plus d'exercer son rôle consultatif, étudier tous problèmes relatifs à l'application des règlements adoptés post hoc, agir comme organisme de consultation auprès des institutions vouées à la protection et à l'éducation des consommateurs, agir comme organisme de recherche des besoins des consommateurs, et également, comme organisme de représentation des intérêts des consommateurs auprès du ministre.

Nous croyons aussi que le ministre devrait rendre publiques les études du conseil et déposer à l'Assemblée nationale les rapports annuels de ses activités. CHARTE DU CONSOMMATEUR

Parmi les sujets prioritaires qui devraient faire l'objet des études du conseil, l'élaboration d'une charte du consommateur devrait figurer en tête de liste.

Au niveau régional, nous croyons que l'Office de la protection du consommateur devrait être habilité à prendre les dispositions voulues pour que soient établis dans le plus bref délai, des bureaux de consultation juridique, facilement accessibles aux consommateurs qui ont besoin de renseignements et de conseils et veulent formuler au besoin leurs doléances. Ce service devrait être sous le contrôle de l'Etat ou tout au moins subventionné et coordonné par lui.

Il serait souhaitable aussi que l'Office soit habilité à subventionner, en totalité ou en partie, des services d'enseignement aux ménagères avec le concours de conseillères en économie domestique. LES DEFICIENCES DU BILL 45

On peut classer les déficiences du bill 45 sous 4 chapitres: 1 ) CERTAINS DROITS FONDAMENTAUX DU CONSOMMATEUR NE SONT PAS PROTEGES. 2) LES OUBLIS ET LACUNES DE LA LEGISLATION PRESENTEE PEUVENT AVOIR DE GRAVES CONSEQUENCES. 3) CERTAINS ARTICLES PARAISSENT PROTEGER LE CONSOMMATEUR, ALORS QU'EN FAIT ILS NE LUI ASSURENT AUCUNE PROTECTION. 4) ON N'A PAS VOULU REDIGER UN PREAMBULE QUI EXPLICITERAIT LES INTENTIONS DU LEGISLATEUR ET LE SENS DE LA LEGISLATION PROPOSEE. 1) Les droits fondamentaux sont oubliés.

A) Un code du consommateur: le premier instrument pour civiliser la jungle actuelle de l'exploitation des consommateurs aurait pu être un code du consommateur, car dans cette jungle l'exploiteur est roi.

B) Une législation provinciale concernant le taux d'intérêt des ventes à tempérament. Sous prétexte de laisser au gouvernement fédéral la législation sur les taux d'intérêts, on laisse sans protection les consommateurs qui signeront des contrats de vente à tempérament alors que le taux d'intérêt ne sera absolument pas contrôlé. En effet, le code civil prévoyait des lois pour la vente à tempérament. Mais ces articles du code civil sont abolis et remplacés par cette loi du consommateur. Or en aucun endroit de cette loi, on ne fixe les taux maximun d'intérêts de vente à tempérament, alors que le mode d'exécution d'un contrat, donc le contrôle du taux d'intérêts à tempérament, est réellement de juridiction provinciale par le code civil. Ce manque

de législation dans ce domaine peut permettre à tous les commerçants de charger les taux d'intérêts qu'ils désirent sans que la législature provinciale n'y puisse rien. C'est un droit fondamental du consommateur qui est complètement négligé. Il laisse le consommateur à la merci de marchands malhonnêtes.

C)Paiement initial.

On enlève l'obligation d'un paiement initial pour un achat à tempérament. Cette obligation du paiement initial permettait dans l'ancien projet de loi de limiter les appétits de certains consommateurs, qui n'avaient pas conscience de s'embarquer littéralement dans des achats dont ils n'ont pas les moyens d'assumer les frais. Cette absence de barrière que nous présente le nouveau projet de loi n'aidera certainement pas les consommateurs à limiter leurs achats selon leurs moyens. C'est un autre droit fondamental qui n'est pas protégé dans cette législation.

D)Clauses de déchéance de termes.

En permettant aux commerçants de réclamer le solde d'un achat, à défaut de paiements échus, on ajoute une protection supplémentaire aux commerçants dans une loi qui doit protéger le consommateur. Auparavant le commerçant qui voyait un de ses clients ne pas effectuer un paiement à date avait le droit d'exiger les paiements échus. Il pouvait, plus tard réclamer l'objet vendu. Maintenant, s'il y a une clause de déchéance de termes, il peut réclamer en plus, le solde complet de la dette ainsi que l'intérêt, même si la date des autres paiements n'est pas encore échue. Ce pouvoir accordé aux commerçants est absolument impensable puisque ce ne seront pas nécessairement les bons commerçants qui pourront l'utiliser mais plutôt les mauvais commerçants, les personnes malhonnêtes, qui se serviront de cette clause.

E)Le consommateur ne bénéficie plus comme dans le 1er projet de loi des erreurs de calcul du coût du crédit. Les pressions faites par les groupes de commerçants ont eu gain de cause. 2)Les conséquences nocives des lacunes de la loi.

A)Cette loi oublie les transactions immobilières concernant les terrains. Elle oublie aussi les transactions concernant les portes et fenêtres.

B)Cette loi ne prévoit aucune restriction ni contrôle sur les ventes de feu, les ventes anniversaires, les ventes de clôture. Ceci laisse la porte ouverte à tous les abus possibles.

C)Cette loi ne prévoit aucune législation pour contrôler les agissements des agences de collection.

D)Les voitures neuves ne sont pas aussi sous la surveillance de cette législation. On voit immédiatement tous les abus qui peuvent en résulter.

E)On ignore dans ce projet de loi tout contrôle sur la publicité faite aux jeunes. Ceci est un point très important qui aurait pu être inclus dans cette loi.

F)On omet aussi de légiférer sur les manuels d'entretien, en français, pour tout objet acheté par le consommateur.

G)On ne se préoccupe pas de renseigner le consommateur sur la possibilité de publicité massive dans les grands media. 3) Certains articles paraissent protéger le consommateur alors qu'en fait ils ne lui assurent aucune protection.

En effet cette loi permet aux consommateurs un droit de résiliation de contrat en dedans de 5 jours. A première vue, ceci peut paraître une amélioration. Mais si on va au fond du problème, on s'aperçoit qu'une bonne quantité de consommateurs ne pourront pas se servir de cette clause de résiliation de 5 jours. En effet, les pêcheurs qui sont partis pour une période plus longue que 5 jours ne pourront pas utiliser cette clause. Les voyageurs de commerce régulièrement en voyage ne pourront pas se servir de cette clause. Nous croyons que le gouvernement devrait accepter plutôt de mettre un droit de résiliation de 10 jours pour les biens mobiliers, un droit de résiliation de 30 jours pour les biens immobiliers et un droit de résiliation de 15 jours pour les ventes de colportage. Sinon cet article devient un leurre, puisqu'il ne règle absolument pas le problème, tout en laissant croire que c'est une amélioration.

4) Un préambule à cette importante loi, énonçant les principes qui guident cette loi, aurait pu éclairer le législateur, le consommateur et les officiers qui auront à administrer et interpréter la loi et les règlements, de manière à ce que ce soit clair et que ça ne nuise pas au commerce de bon aloi. Ceci aurait pu éviter des plaintes futiles, du fait que tel ou tel article aurait pu être interprété strictement, et aussi permettre à certains commerçants de s'en tirer parce que le législateur aurait oublié un autre article. Le projet de loi 45, malgré nos demandes, n'en fait pas mention.

(Signé) Marcel Léger Député de Lafontaine

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