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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le vendredi 15 décembre 1972 - Vol. 12 N° 90

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues. Présentation de motions non annoncées. Le ministre des Affaires sociales.

Réimpression des projets de loi nos 256, 265, 268, 270 et 255

M. CASTONGUAY: M. le Président, les projets de loi suivants ont été réimprimés. Je propose qu'ils soient déposés: Loi sur l'optomé-trie, no 256, Loi des techniciens en radiologie, no 265, Loi des opticiens d'ordonnance, no 268, Loi des acousticiens en prothèses auditives no 270. Je propose que ces projets de loi, M. le Président, soient distribués, de même que celui sur la pharmacie, loi 255.

LE PRESIDENT: Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. PAUL: M. le Président, dans un grand geste de coopération, le leader du gouvernement peut-il nous informer si les projets de loi qui apparaissent en appendice sont imprimés? Nous sommes prêts à recevoir la première lecture de ces projets.

M. LEVESQUE: Je remercie le député de Maskinongé pour sa collaboration. Ce sera peut-être possible demain.

LE PRESIDENT:

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

Questions orales des députés

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Contrats à Place Royale

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question au premier ministre concernant le problème de Place Royale. Est-il exact que, dans le cas des contrats de Place Royale c'est, comme le rapporte un journal de ce matin, sans aucun risque et avec une marge de 20 p.c, c'est-à-dire le coût plus 10 p.c. de profits, 10 p.c. d'administration, que cinq entrepreneurs québécois se sont partagé un montant d'au moins $4 millions en contrats à Place Royale?

M. le Président, une question additionnelle: Est-il exact que l'ancien coordonnateur de Place Royale, M. Marc Picard, adressait, le 15 décembre 1970, à M. Guy Frégault alors sous-ministre et toujours sous-ministre aux Affaires culturelles une demande de partager un montant de $800,000 de contrats entre quatre entrepreneurs?

M. BOURASSA: M. le Président, si je comprends bien le député, il parle du pourcentage de profit qui serait de 10 p.c? Est-ce qu'il pourrait répéter?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici, M. le Président: 20 p.c. de profit.

M. BOURASSA: 10 p.c. de frais d'administration et 10 p.c. de profit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est 10 p.c. de profit et 10 p.c. d'administration.

M. BOURASSA: C'est dire qu'il reste un profit imposable de 10 p.c, si je comprends bien la question du député.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demande au premier ministre de ne pas faire d'exercices fiscaux...

M. DEMERS: Ce n'est pas être économiste que de sortir des affaires comme ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... mais de nous dire s'il est exact que quatre entrepreneurs se sont partagé en contrats un montant de plus de $4 millions et si le coordonnateur de Place Royale, dans une lettre de 1970 adressée à M. Frégault, a demandé au ministre qu'un montant de $800,000 soit partagé entre quatre entrepreneurs, point.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai le droit de demander des précisions sur les questions du député qui joue aux vierges offensées alors...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez fait des exercices fiscaux.

M. BOURASSA: ... qu'il a été au pouvoir quatre ans. J'ai dit: Est-ce que le député se réfère à un profit imposable de 10 p.c, pour...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne délayez pas le problème.

M. BOURASSA: ... donner tous les faits. J'ai dit au député que j'essaierais de répondre le plus rapidement possible. Tout ce qu'on m'a dit hier, c'est que la préparation de plans et devis pour la restauration de monuments historiques était très difficile, parce qu'on pouvait s'attendre à toutes sortes de surprises et qu'on était pour donner les réponses aussi rapidement que possible. Actuellement, on prépare les réponses et je les soumettrai prochainement.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le

premier ministre pourrait, lorsqu'il donnera réponse, nous indiquer, de façon précise, si les travaux exécutés à Place Royale ont été des travaux de restauration ou des travaux de reconstitution et si, en l'occurrence, on a utilisé les matériaux qu'on a retirés des édifices anciens et où sont passés ces matériaux?

M. BOURASSA: D'accord, M. le Président.

M. LOUBIER: Est-ce que le premier ministre, qui voulait se donner un vocabulaire d'économiste ce matin, pourrait vérifier de façon concrète, dans un langage qu'il comprend bien, pour expliciter notre pensée, si cela a été à "cost plus"? "Cost plus", vous connaissez cela, 10 p.c. sur l'administration et 10 p.c. en plus sur les matériaux, comme l'a indiqué le député de Chicoutimi dans sa question.

Ensuite j'avais demandé, hier, au premier ministre dans la même veine, s'il était disposé â déposer tous les documents inhérents à ces tractations ou â ces transactions. Le premier ministre nous avait répondu affirmativement. Est-ce toujours son intention de respecter son engagement et de déposer ces documents soit aujourd'hui ou demain, comme il nous l'avait laissé prévoir?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre des Finances me signale que toute cette discussion a été faite aux engagements financiers.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BOURASSA: Le ministre des Finances doit être bien informé sur ces questions. C'est très exceptionnellement qu'il y a des contrats sans appel d'offres ou des contrats de cette nature.

M. LOUBIER: Attendez, il y en a d'autres!

M. BOURASSA: Oui, ils peuvent, il y en a eu également sous l'ancien gouvernement, sous tous les précédents gouvernements. Si vous voulez...

M. LOUBIER: Nous ne sommes pas sous l'ancien gouvernement, nous sommes sous votre gouvernement, celui de l'efficacité administrative...

M. BOURASSA: Sauf que vous avez augmenté les impôts de $400 millions et nous, nous ne les avons pas augmentés.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Lotbinière.

M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre entend-il donner suite â son engagement d'hier, de déposer tous les documents, comme il s'est engagé à le faire?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dit qu'hier et aujourd'hui nous avions commencé à amasser les documents pour les déposer. Tout ce qu'on m'a signalé, hier, c'est que dans ces cas de restauration, il était très difficile de prévoir les coûts pour des raisons que tout le monde va comprendre.

M. LOUBIER: Ce n'est pas la question.

M. BOURASSA: Je le signale pour empêcher que le député voie toutes sortes de choses, alors que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le Président. Le ministre...

LE PRESIDENT: L'honorable député de Shefford.

M. RUSSELL: M. le Président, tout à l'heure j'ai entendu le premier ministre faire une affirmation en Chambre, qui doit être rectifiée immédiatement.

Il a dit que ces choses, que l'on demande, avaient été discutées aux engagements financiers, ce qui est faux. Je voudrais dire au premier ministre qu'il serait mieux d'assister aux séances de la commission des engagements financiers pour savoir exactement quelle est la façon de procéder et là il comprendrait qu'on n'entretient pas de discussion ou qu'on ne fait pas d'interrogatoire à cette commission.

M. CROISETIERE: II n'est presque jamais en Chambre. Il passe son temps à nager dans la piscine.

M. GARNEAU: M. le Président, sur une question de privilège.

LE PRESIDENT: Le député de Jean-Talon, sur une question de privilège.

M. GARNEAU: Je n'assiste pas régulièrement aux séances de la commission des engagements financiers, mais je connais les informations qui nous sont demandées au Conseil du trésor, justement pour répondre aux questions qui sont posées à cette commission. Je ne dis pas que les documents y sont déposés, mais je dis que les informations ont été demandées; et comme cela avait été établi dans le passé, ces informations sont transmises verbalement, parce qu'il n'avait jamais été de coutume de déposer les C.T.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une question additionnelle, M. le Président.

LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une dernière question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il

est exact que le ministre des Affaires culturelles a démis M. Marc Picard, coordonnateur de Place Royale et a fait affecter à un autre poste, M. Claude Paulette, directeur de l'information au ministère des Affaires culturelles et si cela est relié à l'affaire de Place Royale?

M. BOURASSA: Vous demandez si ceci était relié à l'affaire de Place Royale?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. M. BOURASSA: De quelle façon?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourquoi ces deux fonctionnaires ont-ils été, un démis et l'autre déplacé?

M. LOUBIER: Attendez.

M. GARNEAU: M. le Président, il y a toujours une limite à faire toutes sortes d'insinuations sur Place Royale.

LE PRESIDENT: A l'ordre! M. DEMERS: A la rescousse!

M. GARNEAU: Parce que les insinuations qui sous-tendent les questions et du chef de l'Opposition et de l'ancien ministre des Affaires culturelles laissent croire que le gouvernement aurait manoeuvré dans ces choses. C'est justement parce que nous suivons le dossier de Place Royale que des changements ont été faits au niveau de l'administration. C'est justement parce que nous suivons le dossier de Place Royale que l'ancien ministre des Affaires culturelles avait pris action. C'est clair que ce n'est pas une chose facile à administrer...

M. CROISETIERE: II devait y en avoir dans le groupe qui n'avaient pas leur carte de membre de la Fédération libérale.

M. GARNEAU: ... et c'est justement parce que nous suivons le dossier de Place Royale que, depuis un an, tous les contrats qui ont été donnés à Place Royale sont révisés par le contrôleur des finances et ses enquêteurs, pour voir s'il y a eu des abus.

M. LOUBIER: M. Paul Desrochers. Merci des aveux.

M. GARNEAU: M. le Président, il est évident que le gouvernement ne se laissera pas embarquer dans des choses mal administrées.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LOUBIER: Permutations, tripotage, patronage.

M. DEMERS : Et quand ça ne fait pas, le bâillon!

M. CROISETIERE: Un conseiller technique, c'est un conseiller technique.

M. GARNEAU: C'est pour ça que nous avons demandé des enquêtes, et le chef de l'Opposition qui connaît bien ce genre de contrat, parce qu'il en a administrés alors qu'il était ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, sait fort bien que c'est le devoir du gouvernement de surveiller l'exécution de ces contrats, et nous avons pris nos responsabilités. Ce que vous essayez de faire aujourd'hui, c'est tout simplement de prendre un petit capital politique sur des choses que nous avons déjà faites.

M. LOUBIER : Attendez ! Déposez les documents et après, vous verrez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose la question de privilège.

Je n'ai fait aucune insinuation, j'ai posé des questions qui sont relatives...

M. LOUBIER: Cela fait mal. M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... à des faits. UNE VOIX: Les ministres sont nerveux.

M. BOURASSA: Ces 10 p.c. imposables, c'est grave, c'est épouvantable!

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai posé des question relatives â des fins qui sont d'ordre public et qui relèvent de l'administration du gouvernement.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

M. LOUBIER: J'attendais et je riais. M. BELAND: M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous reprochez ça souvent à tout le monde. Je demanderais que vous montriez l'exemple.

Accidents du travail

M. BELAND: J'aurais une question à poser à l'honorable ministre du Travail. J'avais adressé cette question, la semaine dernière, à l'honorable ministre des Affaires sociales. Cependant, comme il l'a référée au ministre du Travail, je la lui pose ce matin.

Est-ce que vous auriez eu, M. le ministre, des plaintes de citoyens qui se sentiraient lésés dans leurs droits de réclamation à la suite d'accidents de travail, accidents à cause desquels ils seraient victimes d'incapacité totale permanente et pour lesquels la commission ne leur aurait accordé que 8 p.c. ou 9 p.c. d'incapacité?

M. COURNOYER: J'ai parfois des plaintes de ce genre-là, où les gens ne sont pas satisfaits de la décision de la Commission des accidents de travail quant â la détermination de leur incapacité. Il arrive régulièrement dans ma fonction que les gens se plaignent au ministre du Travail, qui est responsable de la commission. Je n'ai pas de cas précis mais j'ai eu des plaintes.

M. BELAND: Question supplémentaire, M. le Président. Lorsqu'une victime d'accident est reconnue comme incapable, de façon permanente, totale, est-ce qu'il est possible de ne lui accorder que 8 p.c. ou 9 p.c. d'incapacité?

M. COURNOYER: Il y a une contradiction dans ce que vous affirmez. Je ne peux pas concevoir qu'une personne qui est totalement incapable, et d'une façon permanente, puisse être considérée comme incapable seulement â 8 p.c. Il y a une contradiction, mais je ne peux pas concevoir comment ça peut arriver.

M. LESSARD: II faut qu'il soit mort.

M. COURNOYER: Je ne vois pas comment on peut arriver à une décision comme celle-là.

M. BELAND : Est-ce que le ministre accepterait de faire enquête â la commission des accidents du travail afin de se rendre compte de la situation qui existe présentement?

M. COURNOYER: Certainement. Je vais m'informer, mais donnez-moi un cas précis, s'il vous plaît, parce que, apparemment, il y a 50,000 réclamations par année. Tous les réclamants ne sont pas incapables totalement et permanemment. Il y a 50,000 réclamations par année.

M. BELAND: Je fournirai à l'honorable ministre quelques cas bien précis.

M. LESSARD: Nous pourrions donner des cas multiples, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Usine de la CIP à Témiscamingue

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Terres et Forêts. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, à la suite des deux rapports qui ont été déposés concernant la CIP à Témiscamingue, il a enfin pris une décision? Est-ce que le ministre a l'intention d'en informer et la population de Témiscamingue et les députés en cette Chambre avant Noël?

M. DRUMMOND: M. le Président, les négociations continuent.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, dans les deux études qui ont été déposées, on a étudié la possibilité d'une conversion de la production de l'usine. En un autre produit?

M. DRUMMOND: Comme je viens de le dire, les négociations continuent entre les parties impliquées et, jusqu'à présent, cela marche assez bien.

M. LESSARD: Question additionnelle. Les négociations continuant, est-ce que le ministre aurait objection à déposer les deux rapports de rentabilité sur cette usine?

M. DRUMMOND: En temps et lieu.

M.LESSARD: C'est un gouvernement de temps et lieu.

Usine SOMA

M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre pourrait me faire connaître les développements dans le dossier SOMA, concernant plus précisément les compagnies qui ont accepté de prendre la relève de Renault?

M: SAINT-PIERRE: Le dossier continue d'évoluer normalement. Nous avons transmis â la société Volkswagen, au début de la semaine, des informations, des renseignements très précis qu'elle avait demandés sur les coûts de main-d'oeuvre, les possibilités de sous-traitance et d'autres renseignements en ce qui touche les barrières tarifaires, la structure de l'ensemble de l'administration fédérale des tarifs. J'ai communiqué hier avec mon homologue du gouvernement fédéral pour des appuis additionnels. Il a apporté une excellente collaboration et nous tentons tous les efforts possibles. Ce ne sont pas des promesses, mais je pense bien, si jamais l'entreprise ne pouvait pas se réaliser, on ne pourrait pas nous taxer d'avoir malgré tous les efforts possibles pour tenter de réaliser le projet.

M. CHARRON: On commence à préparer la sortie, hein? On commence à préparer des excuses.

M. SAINT-PIERRE: Non, on ne prépare pas la sortie. On demeure toujours optimiste. Si les gens du Parti québécois mettaient autant d'efforts â tenter de nous aider sur le plan économique qu'ils en mettent à tenter de faire descendre les gens dans la rue, je suis certain qu'au Québec, cela irait beaucoup mieux.

Comme je l'avais également mentionné à d'autres reprises, il y a d'autres dossiers...

M. LESSARD: Ce n'est pas de l'incapacité partielle, c'est de l'incapacité totale.

M. SAINT-PIERRE: ... qui sont reliés à SOMA. Nous n'avons pas qu'une seule possibilité. Ce deuxième dossier a donné lieu, au début de la semaine, à de multiples rencontres à Montréal. Nous tentons de faire évoluer ce dossier le plus rapidement possible. Dans les deux cas, il implique l'utilisation à la fois de la main-d'oeuvre et des bâtiments de SOMA.

M. LOUBIER: Question additionnelle. Au cas où les conclusions de ces négociations, de ces tractations, se traduiraient de façon négative, est-ce que le ministre a mis de l'avant des mesures préventives pour le reclassement des employés de SOMA?

M. SAINT-PIERRE: En collaboration avec le ministère du Travail, il y a déjà un comité de reclassement qui fonctionne depuis six ou sept mois. Je sais que sur la rive sud il y a un nombre assez élevé de gens qui ont trouvé de l'emploi. Je pourrai vous fournir des statistiques très précises.

Je ne veux pas blâmer les ouvriers, et s'il y a quelque chose, je dois reconnaître que, dans le dossier, l'esprit de cohésion des ouvriers a toujours été un élément positif, le syndicat lui-même, sur le plan local, était prêt à apporter toute la collaboration nécessaire. Je ne parle pas d'autres personnes qui ont tenté de s'en faire du capital politique. Je ne parle pas des partis politiques, mais des chefs syndicaux car les ouvriers eux-mêmes ont apporté beaucoup de cohésion.

Mais je ne peux m'empêcher de mentionner que je connais au moins deux ou trois entreprises qui, encore récemment, dans cette région, se plaignent de ne pouvoir connaître le taux normal d'expansion de l'entreprise à cause d'un manque de main-d'oeuvre et dans des secteurs très connexes. Je vous citerai deux exemples.

Il y a à peine quelques mois, le président de Marine Industries Ltd m'affirmait qu'actuellement, dans la construction, le niveau d'activité à cette compagnie est freiné par l'impossibilité de trouver de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas une main-d'oeuvre tellement spécialisée. On parle de soudeurs, de gens sur les lignes d'assemblage. Encore hier, je rencontrais le conseil d'administration de United Aircraft, qui est dans l'impossibilité de trouver des techniciens, des ingénieurs et du personnel dans la fabrication, soit environ 50 à 75 personnes.

Il y a quand même là un problème qu'on connaît et qui a des facettes dans d'autres secteurs; on tente actuellement d'avoir des statistiques. A mon ministère, on m'informe qu'il manque au moins 48,000 personnes dans des secteurs très connus, comme l'exploitation forestière, et dans d'autres secteurs d'activités où on est freiné. Bientôt, les usines seront obligées de cesser leur production, non par manque de commandes, non pas parce que le marché n'est pas bon, non pas parce que les prix ne sont pas bons, mais, dans le cas des usines de pâtes et papier parce qu'on ne trouve pas la main-d'oeuvre pour couper le bois dans les forêts.

M. LESSARD: C'est parce qu'ils ne sont pas payés. Les conditions de vie y sont impossibles.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER : Etant donné que le ministre a ouvert...

M. SAINT-PIERRE: Si tous ceux qui sont prêts à travailler à $75 par semaine à l'animation sociale étaient prêts à faire un effort sur le plan économique, le problème serait réglé.

M. LESSARD: Vous irez y travailler pendant quelques jours. Vous verrez ce que c'est. Améliorez donc les conditions de travail.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: Quelle mouche a piqué le ministre ce matin?

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce pourrait nous dire s'il...

M. CHARRON: II est piqué, le général.

M. LOUBIER: ... est en train de faire une étude en profondeur du réservoir possible de tous ces employés spécialisés à quelque degré que ce soit, en relation avec la demande et surtout en relation avec l'affirmation qu'il vient de faire?

Il vient de dire que plusieurs milliers d'employés spécialisés, à un degré plus ou moins élevé, pourraient permettre à des industries de connaître plus d'expansion, mais que ces industries n'ont pas ces diplômés ou ces ouvriers. Est-ce que le ministre est en train de faire d'abord une étude du réservoir possible de ces employés qui seraient actuellement bénéficiaires des prestations d'assurance-chômage ou d'allocations sociales et qui auraient la compétence voulue pour travailler, et puis des demandes qui nous parviennent?

M. SAINT-PIERRE: Ce sujet précis a fait l'objet de discussions au niveau du conseil des ministres, il y a déjà un mois ou un mois et demi, mais je pense que l'acuité du problème milite pour une concertation encore plus grande entre le ministère du Travail, le nôtre et celui des Affaires sociales. C'est un dossier où nous tentons à la fois de colliger des statistiques, de voir des programmes précis qui pourraient être mis en oeuvre afin de diminuer le fardeau de l'Etat en matière d'assurance sociale et d'augmenter la capacité des entreprises sur le plan de la production afin de procurer, ce qui me semble fondamental — et là je rejoins les centrales syndicales — un droit des individus soit le

droit à un travail rémunérateur, décent, compte tenu des possibilités de la société et de notre niveau de vie en général.

M. LOUBIER: Une dernière question. LE PRESIDENT: La dernière.

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre se propose de faire une publicité autour de ces demandes de la part de l'industrie concernant des employés spécialisés ou non? Je suggère au ministre cette attitude qui pourrait faire connaître à tous les Québécois les besoins au niveau de la main-d'oeuvre.

M. SAINT-PIERRE: C'est un problème — je ne voudrais pas l'éterniser — que l'on retrouve dans d'autres pays, sauf que dans d'autres pays, souvent, c'est une politique d'immigration qui permet de faire cette zone tampon. Tous les pays européens ont le même problème, il y a des gens en Allemagne, en Suisse, en France qui refusent certains métiers comme celui de boueur et autres. Le cas échéant, c'est l'immigration de la Turquie, de la Yougoslavie ou du Portugal qui permet de jouer un rôle de tampon. Mais je pense que la question est bien soulevée et nul doute que le ministère du Travail, qui a des responsabilités particulières dans ce secteur, verra à le résoudre.

LE PRESIDENT: Une question additionnelle?

M. CHARRON: Quand la compagnie Volkswagen doit-elle faire connaître sa réponse définitive?

M. SAINT-PIERRE: Je vais vous répondre rempli de sérénité. Il n'y a pas d'échéancier, il n'y a pas de fusil qu'on puisse braquer contre comme ultimatum. Lors de ma rencontre avec le vice-président de Wolkswagen, en Allemagne, et les membres du conseil d'administration nous avions convenu que, de part et d'autre, il n'y a aucun intérêt à éterniser le débat. Ils nous ont posé des questions précises, on y a répondu. Je pense qu'au cours des prochaines semaines il y aura des discussions intenses et l'on devrait tout savoir. J'ai donné, il y a quelques jours, la date du 15 janvier qui me paraît — compte tenu de la période des Fêtes — la période la plus longue durant laquelle nous pourrions attendre. Mais il faut bien comprendre que nous faisons une offre à une compagnie qui est libre de l'accepter ou de la refuser, et de prendre un certain temps pour la considérer. Je pense qu'avant le 15 janvier nous devions avoir une réponse.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lévis.

Réparation de traversiers

M. ROY (Lévis): M. le Président, ma ques- tion s'adresse à l'honorable ministre des Transports. On va peut-être dire que c'est une marotte chez moi de parler des bateaux. Si j'en parle c'est parce que c'est urgent. J'ai posé plusieurs questions au ministre des Transports, il m'a toujours très bien répondu pour renseigner la population et ce matin...

M. LAFRANCE: II est en retard ce matin.

M. ROY (Lévis): ... je voudrais savoir — le ministre des Transports doit être au courant que les bateaux passeurs vont être arrêtés prochainement pour des réparations dans les chantiers maritimes — si ces dépenses sont au frais des chantiers maritimes ou si le gouvernement en paie une partie.

M. PINARD: M. le Président, j'ai répondu plusieurs fois à ce genre de questions posées par le député de Lévis ou par d'autres en cette Chambre. Il y a un contentieux entre le ministère des Transports, la Société de la traverse de Lévis-Québec et la Compagnie Davie Ship building qui a construit les navires. Il s'agit de savoir quels sont les vices de construction. Je pense que ces vices sont maintenant déterminés. Nous négocions encore avec la compagnie pour savoir quelle est sa part de responsabilité en la matière et quels doivent être les coûts des réparations que la compagnie doit assumer. Jusqu'ici, la compagnie a consenti à faire certains travaux de réparation, à remplacer certaines pièces de machinerie sur les bateaux et, si d'autres défauts de construction persistent à se manifester, nous avons bon espoir que ces réparations seront à la charge de la compagnie comme le stipule le contrat, ou comme nous le laissent espérer les négociations entreprises jusqu'ici.

M. ROY (Lévis): Est-ce que le ministre pourrait me dire s'il a été informé par ses ingénieurs si, à l'occasion des réparations qui seront effectuées au navire, on a pensé d'améliorer les escaliers qui sont un danger considérable pour les piétons? Est-ce que les ingénieurs ont renseigné le ministre sur la manière de faire un escalier pour qu'on puisse monter et descendre sans danger?

M. PINARD: M. le Président, encore là, c'est un défaut de conception, de dessin. Les escaliers, comme j'ai pu le constater moi-même, sont abrupts, très à pic et difficiles à monter. En hiver, c'est plus difficile qu'en été, parce qu'il peut y avoir de la glace ou de la neige...

M. CASTONGUAY: Ils descendent vite, par contre.

M. PINARD : II faudrait mettre une surface abrasive sur les marches de ces escaliers, mais je pense qu'il faudrait leur donner une autre inclinaison de façon que la montée soit plus facile et que la descente soit moins rapide, de

façon que personne ne se retrouve sur le dos et sur le pont en même temps.

M. ROY (Lévis): Une question supplémentaire, M. le Président, si le ministre me le permet. Je comprends que, pour descendre, c'est assez facile. Il y en a qui ont descendu, ça n'a pas été trop long. Quand les ingénieurs iront faire des constatations, s'ils veulent savoir comment se fait un escalier, je m'offre à le leur montrer. On pourra avoir un escalier qui aura du sens.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

CEGEP Bourg-Chemin

M. CHARRON: M. le Président, mes questions s'adressent au ministre de l'Education et sont relatives au campus Saint-Hyacinthe du CEGEP Bourg-Chemin. Je veux demander au ministre de l'Education s'il a rencontré M. Fernand Morin, le commissaire enquêteur, ou s'il a reçu une communication de sa part, si l'état de son rapport lui a fait envisager la possibilité de présenter une loi, si cette loi serait de portée générale par un amendement à la loi des CEGEP ou si elle serait une loi spéciale se rapportant exclusivement au cas de Saint-Hyacinthe.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, je n'ai pas encore eu de rapport de Me Morin, par conséquent je ne considère pas qu'il soit dans l'intérêt public de faire des commentaires.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

Manifestation à Nicolet

M. VINCENT: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Il est certainement au courant qu'il y a eu lundi, mardi et mercredi une occupation du bureau du ministère des Affaires sociales à Nicolet, que certains journaux ont même titré dans Nicolet-Yamaska: "La police mate les assistés sociaux". Ma question est la suivante. Afin de ne pas entacher la bonne renommée de ce bureau ainsi que des agents qui y travaillent, afin d'analyser de façon sereine les griefs exposés par un certain groupe de personnes, est-ce que le ministre pourrait nous faire rapport, si ce n'est pas aujourd'hui, lundi, sur ce qui s'est produit, sur les résultats obtenus par qui que ce soit et sur le fonctionnement du bureau présentement?

M.CASTONGUAY: M. le Président, au cours des deux dernières années, nous avons eu un certain nombre de cas de manifestation dans des bureaux d'aide sociale et, dans un certain nombre de ces cas, nous retrouvons toujours la même personne, un M. John Ayotte.

Je ne le crois pas originaire de Nicolet, je crois qu'il est plutôt originaire de l'extérieur du Québec. Je tiens à mentionner ceci, parce que les choses sont beaucoup plus calmes et les choses se règlent de façon générale de façon beaucoup plus ordonnée lorsque ce M. Ayotte n'est pas sur les lieux. Il y a eu occupation, c'est réel, lundi et mardi, et les plaintes portaient apparemment sur 29 dossiers. Ces dossiers ont été revus dans 18 des cas. Des faits nouveaux ont été apportés par les bénéficiaires d'aide. Présentement, dans ces 18 cas, on revise chacun des dossiers pour voir si l'application des règlements et de la loi pourrait donner lieu à des modifications.

Dans 11 des autres cas, le directeur général et le bureau régional ont fait la révision comme prévu d'après les dispositions de la loi; on me dit que dans ces 11 cas, les décisions prises au niveau du bureau étaient exactes. On me dit que, passé la journée de mardi, les choses sont rentrées dans l'ordre.

M. VINCENT: Le ministre nous a mentionné le nom d'une personne, M. John Ayotte. Est-ce qu'on pourrait avoir des détails sur ce personnage? D'où vient-il? Quelles sont ses fonctions? Est-ce qu'il est à l'emploi d'un service du gouvernement ou d'une organisation quelconque?

UNE VOIX: C'est un animateur.

M. CASTONGUAY: M. le Président, ce que je crois utile de mentionner, ici, dans cette Chambre, c'est que M. Ayotte, comme je l'ai dit plutôt, nous l'avons retrouvé dans la plupart des manifestations qui ont eu lieu autour des bureaux d'aide sociale du réseau, soit à Montréal, soit à Québec, soit à Nicolet. Je pense que cela décrit un peu le genre de personnes qui semblent beaucoup plus intéressées à semer l'inquiétude chez les bénéficiaires d'aide sociale qu'à travailler comme d'autres groupes qui s'affairent au bon fonctionnement de cette loi, c'est-à-dire des groupes comme ceux qui aident au maintien de comptoirs d'accueil, qui aident à l'information des bénéficiaires dans certains bureaux et qui aident à renseigner les bénéficiaires sur les dispositions de la loi, leurs droits, etc..

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre pourrait nous dire si ce M. Ayotte se présente comme un animateur social ou comme un employé du gouvernement? Sous quel titre se présente-t-il, étant donné qu'on semble bien le connaître? En second lieu, si le ministre des Affaires sociales a raison de croire qu'il s'agit d'une personne qui, directement ou indirectement, est à la source ou est mêlée à une certaine agitation, est-ce que le ministre entend demander à son collègue, le ministre de la Justice, de procéder à une enquête sur les gestes et les attitudes de ce M. Ayotte?

M. CASTONGUAY: M. Ayotte, M. le Président, ne se présente pas comme un employé du gouvernement mais il est actif dans certains groupements qui s'intéressent à la défense des droits des bénéficiaires d'aide sociale.

UNE VOIX: Un autre Vallières.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires sociales ne pense pas quand même que cette action a permis de régler un certain nombre de cas qui, dans certaines circonstances, exigent du temps considérable avant que les officiers du ministère des Affaires sociales interviennent?

M. DEMERS: Là, on l'a!

UNE VOIX: Est-ce qu'il a sa carte du PQ?

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai rencontré à plusieurs reprises depuis 1970 des groupes représentant des bénéficiaires d'aide sociale ou destinés à aider les bénéficiaires d'aide sociale. J'admets que, dans bien des cas, ils ont fait un travail valable. C'est pourquoi je mentionnais qu'il y en a même qui maintiennent les comptoirs d'accueil dans nos bureaux, etc.. Si j'ai parlé de M. Ayotte dans un autre sens, c'est que je crois qu'il y a une différence fondamentale à faire entre les gens qui aident vraiment et ceux qui sèment plutôt l'inquiétude.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

Problème des petites fermes

M. BELAND: Etant donné que l'honorable ministre de l'Agriculture du Québec entend rencontrer le ministre fédéral de l'Agriculture, M. Whelan, est-ce qu'il a l'intention de nous faire part ce matin des suggestions qu'il entend faire à l'honorable ministre fédéral, relativement au problème des petites fermes?

M. TOUPIN: M. le Président, si c'est un sujet que je veux discuter avec mon collègue fédéral, je ne verrais pas pourquoi il serait utile, ce matin, que j'informe le député de Lotbinière des choses que je vais dire au ministre fédéral de l'Agriculture.

M. BELAND: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce qu'au moins il y aurait possibilité, ce matin, de nous faire part quelque peu de l'agencement que l'honorable ministre entend faire, relativement à un office paragou-vernemental du secteur agro-alimentaire?

M. TOUPIN: M. le Président, ce sont des projets qui, au ministère et au gouvernement, sont explorés, sont examinés en vue de rendre encore plus efficaces les programmes et les politiques que nous avons. Ce n'est pas plus que cela, mais c'est tout cela.

LE PRESIDENT: Dernière question. L'honorable député de Bourget.

Décret des enseignants

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre du Travail et concerne le décret des enseignants. Nous sommes rendus au 15 décembre, est-ce que le ministre a l'intention d'émettre ce décret? Est-ce que ce décret reflétera plutôt la position du gouvernement ou la position de la Fédération des commissions scolaires? Est-ce que ce décret permettra aux enseignants d'avoir des conditions semblables à celles que leur a faites le gouvernement, avant qu'il soit question du décret?

M. COURNOYER: Comme, sans doute, le leader parlementaire du Parti québécois le sait, il ne faut pas divulguer les secrets du conseil des ministres, qui n'a pas encore eu lieu, pour décider du contenu du décret. Nous avons encore jusqu'à minuit moins cinq ou minuit pour passer notre décret. Le premier ministre m'a informé qu'il y avait une réunion du conseil des ministres cet après-midi et, après cette réunion, je pourrai informer le Parlement du contenu du décret.

M. LAURIN: Est-ce que le ministre nous dit quand même à sa façon que le décret sera émis aujourd'hui, de toute façon?

M. COURNOYER: Je suis tenu, parce que le texte même du premier décret donnait jusqu'au 15 décembre pour passer le complément de ce décret, après le rapport des commissaires enquêteurs qui avaient été nommés, M. Miraud et M. Laforce... Le rapport, je l'ai reçu dans les délais, le 30 novembre; on m'a fait un certain nombre de recommandations. Je suis rendu à proposer au conseil des ministres un décret aujourd'hui, le 15 décembre.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LEVESQUE: M. le Président, la commission parlementaire de l'Assemblée nationale, si tel est le désir des membres de cette assemblée...

M. PAUL: Ah oui!

M. LEVESQUE: ... pourra poursuivre l'étude du projet de loi 62 au Salon rouge, en commission parlementaire. Et ici, M. le Président...

LE PRESIDENT: Un instant; cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Après le bâillon, on se met à travailler.

M. LEVESQUE: Vous voyez la largeur de vues, l'objectivité, l'esprit de collaboration!

M. PAUL: Je vous en remercie. M. le Président, il semble que le leader du gouvernement n'a pas compris la sincérité de mes sentiments quand j'ai dit: Je remercie le leader de nous fournir l'occasion de parler. C'est beau, cela.

M. LEVESQUE: J'ai très bien compris, et c'est dans le même sens que je réitère mes propres sentiments et les sentiments des ministériels.

M. DEMERS: Joyeux Noël!

M. LEVESQUE: Vous avez toujours vu cette largeur de vues chez nous, vous avez toujours remarqué...

M. LOUBIER: M. le Président, c'est dangereux!

M. PAUL: Arrêtez-le!

LE PRESIDENT: A l'ordre! Cette motion n'est pas susceptible de débat.

M. PAUL: C'est ça.

M. LEVESQUE: Article 45.

Rapport de la commission sur le projet de loi no 71

LE PRESIDENT: On propose la prise en considération du troisième rapport de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications sur l'étude du projet de loi 71.

A l'ordre s'il vous plaît, messieurs!

L'honorable député de Chicoutimi

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, suite aux débats que nous avons eus en commission parlementaire relativement au projet de loi 71, nous avons fait des observations générales et particulières au ministre de l'Education et nous avons, par la suite, proposé une série d'amendements. Au nom du parti dont je suis membre, je voudrais, ce matin, revoir, dans le temps qui m'est imparti, les amendements que j'ai proposés.

Afin d'être parfaitement honnête et équitable à l'endroit des personnes qui m'ont aidé â préparer ces amendements, je dois vous dire que les trois derniers amendements que je propose m'ont été suggérés dans leur formulation — et je les ai repris comme tels — par des représentants de la CSN. Que ceci soit bien entendu afin qu'on ne me reproche pas de m'être approprié des biens qui n'étaient pas les miens.

Mais j'ai fait miens ces amendements. Le premier porte sur l'article 4, section II, article 582. L'amendement se lit de la façon suivante: "Ajouter, à la fin de cet article, l'alinéa suivant: La langue de travail dudit conseil est le français". Je n'ai pas besoin de reprendre ici toute la discussion que nous avons eue en commission parlementaire. Je rappelle simplement pour mémoire la déclaration du premier ministre, qui s'est engagé à faire du français la langue du travail, et nous avons cru devoir proposer pour le Conseil scolaire de l'île de Montréal que la langue de travail utilisée par ce conseil soit le français.

Je propose donc, M. le Président, formellement cet amendement: "La langue de travail dudit conseil est le français." Je n'insiste pas, je ne crois pas devoir élaborer. Je mets tout simplement en évidence cette exigence qui a déjà été virtuellement reconnue et qui doit virtuellement faire l'objet d'une proposition ou d'un projet de loi du gouvernement suite à la déclaration, maintes fois répétée, du premier ministre.

Le second amendement, M. le Président, porte sur la composition du conseil scolaire. Il s'agit de l'article 4, section II, article 585, tel que cela apparaît dans le projet de loi que nous avons. L'article 585 est modifié de la façon suivante: "Le conseil est composé de 27 membres désignés de la façon suivante: a) La Commission des écoles catholiques de Montréal désigne, dans les 30 jours qui suivent l'élection de ses membres, 15 personnes parmi ses membres. "b) Le Bureau des écoles protestantes du grand Montréal désigne, dans les 30 jours qui suivent l'élection de ses membres, quatre personnes parmi ses membres. "c) Chaque commission scolaire autre que celles visées aux paragraphes a) et b) désigne, dans les 30 jours qui suivent l'élection de ses membres, un ou des membres de la façon suivante: "a) Commission scolaire de l'Ouest, deux membres; b) Commission scolaire du Centre-Nord, un membre; c) Commission scolaire du Sud-Ouest, un membre; d) Commission scolaire de Verdun, un membre; e) Commission scolaire de l'Est, deux membres; f) Commission scolaire de Lakeshore, un membre."

Cet amendement reprend les propositions que nous avons faites en commission parlementaire et l'objectif de cet amendement est le suivant: Etant donné que le ministère, le gouvernement, par le ministre de l'Education, a refusé de modifier la carte scolaire de l'île de Montréal, nous avons cru devoir repenser le problème de la représentation au sein du conseil scolaire afin d'établir un équilibre de forces entre les commissions scolaires protestantes et catholiques, les commissions scolaires à majori-

té francophone et les commissions scolaires à majorité anglophone et, nous avons voulu établir en même temps un système de pondération qui fasse que la majorité linguistique de l'île de Montréal se trouve représentée de façon équitable, conformément à sa puissance démographique et à sa clientèle scolaire.

Cet amendement a déjà fait l'objet en commission parlementaire de discussions assez prolongées. Je voudrais tout simplement, non pas que soit inscrit comme tel au journal des Débats, mais que soit inscrit au journal des Débats la proposition suivante que je fais: Que le gouvernement, n'ayant pas voulu modifier la carte scolaire devrait, afin d'assurer cet équilibre et cette pondération entre les groupes culturels, accepter l'amendement que je propose.

Le troisième amendement porte sur l'article 4, section II, 591. Cet article est de nouveau amendé de la façon suivante. Je dis bien "de nouveau amendé" parce que déjà, le gouvernement avait accepté, à la suite de nos représentations et à la suite de sa réflexion, un amendement à ce sujet. Il avait refait l'article, l'avait amendé lui-même et nous avions accepté son amendement, mais nous ne le croyons pas suffisant. Donc, cet article est de nouveau amendé de la façon suivante: "Dans la seconde ligne du troisième alinéa, remplacer le mot "peuvent" par le mot "doivent". Deuxièmement, ajouter après le troisième alinéa, l'alinéa suivant: "Aux fins de favoriser le rattrapage, le conseil devra, avant la date visée à l'article 621, créer un comité chargé de procéder à un inventaire de toutes les ressources et de déterminer par règlement spécial les moyens à prendre pour assurer la redistribution desdites ressources."

Vous vous souvenez, M. le Président, alors que vous étiez le directeur de nos débats à la commission parlementaire, que nous avons discuté très longuement ce problème du rattrapage, de la redistribution des ressources. Nous avions alors proposé au ministre de l'Education de donner de véritables pouvoirs au conseil scolaire afin qu'il soit assuré que le rattrapage se fasse, que les milieux défavorisés reçoivent le traitement qu'ils doivent obtenir du Conseil scolaire de l'île de Montréal et afin que les autres objectifs qui sont déterminés par le projet de loi et qui, d'ailleurs ont fait l'objet de nos discussions et l'objet de déclarations et d'engagement du ministre de l'Education soient obtenus par le truchement d'un conseil scolaire qui n'ait pas seulement la possibilité de faire des règlements portant sur ces problèmes particuliers mais doit avoir l'obligation de faire tel règlement pour atteindre les fins que je viens d'indiquer.

M. le Président, si nous sommes obligés de présenter à nouveau cet amendement, c'est que nous considérons que la réforme scolaire — et nous aurons l'occasion de le redire en troisième lecture — qu'amorce le projet de loi 71 n'est pas véritablement une réforme scolaire, qu'elle maintient à peu près à tous égards le statu quo, que le projet de loi est un net recul sur les objectifs qui avaient été définis déjà par l'ancien ministre de l'Education, par le ministre de l'Education d'il y a quelques années, le député de Bagot, et que la loi actuelle ne nous paraît pas satisfaire aux exigences d'une organisation scolaire qui tienne compte des besoins de toutes les populations et particulièrement des groupes défavorisés.

Cet amendement a également pour but de donner au conseil les pouvoirs — tous les pouvoirs — qui lui permettent de faire disparaître les causes de la tension qui existe actuellement et les causes de la tension qui, éventuellement, pourra s'accroître du fait de l'organisation que propose le ministre par le projet de loi 71.

L'autre amendement que je soumets à la considération de la Chambre est le suivant: Article 4, section III, article 620. Cet article 620 est remplacé par les suivants: Article 620: "Dès la création du conseil, la commission doit lui transférer la propriété de tous ses immeubles." Cette discussion a été assez longue en commission parlementaire. Je ne reviens pas sur tous les arguments. Je vous indique simplement l'objectif que nous poursuivons. C'est que le Conseil scolaire de l'île de Montréal, ayant les responsabilités qui lui sont attribuées par la loi au titre des pouvoirs et obligations de ce conseil scolaire, doit posséder tous les instruments qui lui permettent d'atteindre les objectifs que visent le ministre de l'Education et le gouvernement en présentant ce projet de loi.

Or, l'un de ces instruments essentiels est à notre sens la propriété des immeubles. Autrement, il ne sera pas possible de concilier les intérêts divergents des diverses parties constituantes de cette structure scolaire et de favoriser ainsi une allocation du bien scolaire qui aille dans le sens des besoins de la clientèle scolaire, des besoins de la population de l'île de Montréal, et qui aille également dans le sens des objectifs dont nous a très souvent parlé le ministre, objectifs que nous acceptons, mais qui ne peuvent être atteints si le conseil scolaire n'a pas en même temps que les autres droits et pouvoirs qui lui sont attribués, la propriété des immeubles.

M. le Président, je complète cet amendement, parce qu'il s'agit ici d'un problème d'articulation de la loi. Si on donne la propriété des immeubles, il faut, évidemment, modifier le reste de l'article 620 pour qu'il soit cohérent. Alors, après le libellé "Dès la création du conseil, la commission doit lui transférer la propriété de tous ses immeubles" suit ceci: "Elle peut: — il s'agit de la commission scolaire — a) contracter par lettre de change, billet ou autre effet négociable, des emprunts, pour une période n'excédant pas un an, pour financer ses opérations en attendant les verse-

ments du conseil; Cela se trouve déjà dans le projet de loi." b) prendre à bail des immeubles". Ceci est compatible avec l'amendement qui permettrait de transférer la propriété des immeubles au conseil scolaire "c) placer ces fonds de toute manière jugée appropriée, soit en son nom, soit au nom de fiduciaires; d) conclure avec le conseil toute convention pour fins scolaires. La commission ne peut toutefois exercer les pouvoirs mentionnés aux paragraphes a) et b) sans l'autorisation du conseil; dans le cas visé au paragraphe b), ce dernier doit obtenir l'approbation du ministre si la durée du bail excède trois années ou si le loyer annuel excède $100,000". C'est tout simplement la reprise de ce qui se trouve déjà à l'article 620, mais nous l'avons détaché pour que l'on comprenne bien qu'il s'agit là des obligations ou droits de la commission scolaire et non pas du conseil scolaire.

L'autre amendement, M. le Président, que j'ai numéroté 620 a) et qui pourra être numéroté différemment si le ministre l'accepte, est le suivant: "Le conseil ne peut acquérir, aliéner un immeuble, le construire, l'agrandir, le transformer ou le démolir sans l'approbation du ministre si le coût de l'opération excède $100,000". Il s'agit simplement d'une question de cohérence puisque cette obligation était faite à la commission scolaire et, comme nous exigeons le transfert des immeubles au conseil scolaire, il était normal que l'on reprit cette partie de l'article 620 pour la rattacher aux droits et pouvoirs, aux droits et obligations du conseil scolaire.

Article 620 b). C'est un nouvel article que nous introduisons et qui est un article d'articulation: "Aux fins des articles 620 et 620 a), le ministre peut accorder au conseil, selon les modalités et conditions qu'il détermine, une autorisation générale pour les actes prévus spécifiquement dans le budget d'investissement qu'il approuve". M. le Président, je n'ai pas besoin d'élaborer longuement sur le sens de cet article. Il suffit de se reporter au journal des Débats pour comprendre les raisons qui nous ont incités à le proposer. Le ministre aura l'occasion de se prononcer à nouveau et de nous dire quel est l'état de sa réflexion évolutive à ce stade de notre débat.

M. le Président, les trois autres articles sont ceux dont je vous ai parlé et qui m'ont été soumis par des représentants de la CSN. Je les ai repris comme tels parce qu'en toute honnêteté, comme ils comportaient des aspects très techniques, référant à des dispositions précises du code du travail et des conventions collectives et tous autres mécanismes qui régissent les relations patronales ouvrières en milieu scolaire, j'ai cru devoir les reprendre comme tels et les proposer comme tels au gouvernement. Qu'il soit bien dit, encore une fois, que la formulation n'est pas de mon cru, mais qu'ils correspondent aux inquiétudes que j'avais exprimées et que je n'avais pu traduire de façon rigoureusement juridique lorsque nous en avons discuté en commission parlementaire. Ces articles sont les suivants:

A l'article 7, remplacer le sous-alinéa c) par le suivant: "dresser, en collaboration avec les comités d'implantation et après entente avec les associations qui représentent les cadres et autres employés pour fins de conclusion de conventions collectives, un plan d'intégration du personnel des commissions scolaires existantes, répartissant ce personnel entre le conseil et les commissions scolaires nouvelles. A défaut d'entente, nonobstant les dispositions de l'article 37 du code du travail, un conseil d'arbitrage sera constitué, conformément aux dispositions des articles 62 à 79 du code du travail, à l'exception du deuxième alinéa de l'article 66 et de l'article 78". "Le président du conseil d'arbitrage sera nommé sur recommandation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, la décision sera finale et liera les parties". Je pense que je n'ai pas besoin d'expliciter cet article, le ministre connaît très bien le cadre dans lequel il s'insère, et il connaît également les préoccupations sous-jacentes à cet article qui porte notamment sur le transfert du personnel, sur le réaménagement des ressources humaines actuellement existantes dans les commissions scolaires qui seront regroupées — enfin tentativement — et sur les plans d'intégration.

M. le Président, on m'a suggéré également un autre amendement que j'ai repris à mon compte. A l'article 11, remplacer le sous-alinéa c) par le suivant — c'est à peu près le même sens, c'est le même article, au fond, avec le même sens —: "Dresser en collaboration avec les commissions scolaires existantes et après entente avec les associations qui représentent les cadres et autres employés pour fins de conclusion de conventions collectives, un plan d'intégration de leur personnel au sein de la commission scolaire nouvelle. A défaut d'entente, nonobstant les dispositions de l'article 37 du code du travail, un conseil d'arbitrage sera constitué conformément aux dispositions des articles 62 à 79 du code du travail, à l'exception du deuxième alinéa de l'article 66 et de l'article 78. Le président du conseil d'arbitrage sera nommé sur recommandation du Conseil consultatif du travail et de la main d'oeuvre, la décision sera finale et liera les parties."

Il s'agit, en fait, dans un autre article et dans un cadre qui est analogue, de la reprise de celui que je vous ai proposé antérieurement. Le dernier amendement que j'ai à proposer, c'est celui qui porte sur l'article 24. Le ministre se rappellera qu'au moment où nous avons étudié et finalement adopté, sur division, je pense, l'article 24, nous avions exprimé nos inquiétudes en ce qui concerne les plans d'intégration et la réintégration avec tous droits acquis de quelque fonctionnaire d'une quelconque commission scolaire existante avant l'entrée en vigueur de la loi qui sera, semble-t-il, prochainement adoptée.

Nous avions, en discutant avec le ministre,

reçu des assurances formelles à cet égard. Je me souviens, entre autres, que le député de Saint-Jacques s'était inquiété particulièrement de certaines commissions scolaires, dont celle de Saint-Laurent. Le député de Saint-Jacques avait mentionné le cas de certaines commissions scolaires qu'il connaît mieux que moi, parce qu'il est de la région de Montréal et de la ville de Montréal. Nous avions reçu du ministre des assurances mais nous pensons, enfin je pense quant à moi, que la proposition d'amendement qui m'a été soumise par les représentants de la CSN recoupe sinon l'amendement que j'avais commencé de rédiger, à tout le moins rejoint les préoccupations que j'avais au sujet des droits acquis et des plans d'intégration. L'amendement se lit donc comme suit: Aucun employé d'une commission scolaire existante ne peut être congédié ou mis à pied en raison de la mise en application de la présente loi. Les personnes à l'emploi des commissions scolaires existantes le 30 juin 1973, deviennent, le 1er juillet 1973, des employés, soit du conseil, soit des commissions scolaires nouvelles, conformément aux plans d'intégration dressés par les comités d'implantation et le conseil subordonnément aux droits et obligations des commissions scolaires existantes et de leurs employés.

Ceci, toutefois, sous réserve quant aux salariés, au sens du code du travail et aux associations accréditées pour les représenter, de l'article 36 du code, et quant aux personnes exerçant une fonction pédagogique ou éducative, au sens de la Loi de l'instruction publique qui les régit. C'est reprendre en somme, une partie de l'article de la loi 71, en y ajoutant des précisions qui, en plus de la garantie formelle — nous avions fait confiance au ministre et nous sommes encore prêts à lui faire confiance à cet égard — inscrivent dans la loi la protection des droits acquis par un quelconque employé, une quelconque commission scolaire existant avant l'entrée en vigueur de la prochaine loi.

M. PAUL: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, le député de Chicoutimi, pour vous signaler que nous n'avons pas quorum, même si le quorum n'est que de vingt.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Qu'on appelle les députés!

M. PAUL: Cela n'a pas d'importance. Ce n'est pas cela que le règlement dit. Avec le bâillon, soumettez-les à la discipline aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'étais donc à dire que cet amendement reprend en substance le texte de la loi, l'article de la loi, que nous a proposé le ministre de l'Education, mais il précise et il ajoute une précaution additionnelle qui se joint à l'engagement formel qu'avait pris le ministre en ce qui concerne les droits acquis d'employés de certaines commissions scolaires, notamment celle de Saint-Laurent, comme l'avait indiqué le député de Saint-Jacques.

Ce sont là les amendements que j'avais à proposer au projet de loi 71. Amendements que nous avions déjà proposés en commission parlementaire, qui n'avaient pas été acceptés mais que nous croyons devoir à nouveau soumettre, non seulement à l'attention des membres de cette Chambre, mais à l'attention des citoyens, afin qu'on comprenne bien de quelle façon nous concevions, nous, la restructuration scolaire de l'île de Montréal qui devait être une véritable unification des structures scolaires de l'île de Montréal, et non pas le maintien d'un statu quo qui donne des arrhes à différents groupes mais qui, à notre sens, ne répond pas aux exigences actuelles d'une organisation scolaire planifiée, cohérente, une organisation scolaire qui s'accorde au mouvement et au rythme général d'évolution de la société québécoise et particulièrement de cette partie de la société qui vit sur le territoire de l'Ile de Montréal.

On aura remarqué, M. le Président, et je crois que cela a été signalé à l'extérieur de cette Chambre, que nous avons essayé, et je crois que nous y avons réussi, à maintenir ce débat à un haut niveau, que nous n'avons pas essayé de jeter des groupes linguistiques les uns contre les autres, des groupes religieux les uns contre les autres, nous avons tout simplement essayé de faire comprendre au gouvernement que la loi qu'il présentait ne correspondait pas à notre conception de la réorganisation ou de la restructuration scolaire de l'île de Montréal. C'est dans ce sens, dans cet esprit, que je présente ces amendements ce matin, et c'est également dans le même style que je formulerai à la fin, lors du discours de troisième lecture, l'opinion de notre gouvernement, de notre parti. Je m'excuse. J'ai devancé les faits.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, la commission parlementaire de l'éducation a consacré presque 25 heures à étudier article par article le projet de loi 71. La plupart des observateurs, ceux qui ont suivi les délibérations, ont rendu un jugement presque unanime quant à la qualité et à la sobriété des discussions. Cela pourrait surprendre quand même, que ce débat se soit fait avec une telle sérénité et avec un tel souci d'amélioration de la loi, quand on sait que les partis de l'opposition avait fait unanimité en deuxième lecture quant à leur opposition au projet de loi dans son principe même et que normalement cette opposition, si on s'en était tenu aux faits et à la logique des oppositions, aurait dû se transformer à la commission parlementaire en harcèlements, en amendements anodins qui auraient été purement dilatoires ou tout simplement en ce qu'on pourrait appeler un "filibuster".

Cela n'a pas été le cas pour une raison. C'est que ce projet de loi, qu'on le veuille ou non,

sera adopté par la majorité gouvernementale. Ce projet de loi aura des conséquences extrêmement importantes sur le territoire montréalais. Puisque cette structure que nous jugions et que nous jugeons toujours inadéquate, injuste et protectrice des privilèges de la minorité anglophone, va avoir à jouer, et pour longtemps — peut-être même à perpétuité, comme le disait le député de Verchères l'année dernière, en parlant de cette même structure — il faut nous appliquer — et c'est comme ça que nous avons considéré notre devoir — à arracher le plus de concessions possible pour que cette structure ait le moins possible d'effets néfastes, qu'elle aura quand même, sur le territoire montréalais.

Nous avons marqué quelques gains en commission plénière, en particulier lorsque l'insistance de l'Opposition a réussi à faire fléchir le ministre à un endroit où, d'ailleurs, je m'explique encore mal comment il a mis tant de temps à fléchir, celui de faire obligation à la nouvelle structure qui s'appellera le conseil scolaire, de consacrer cette priorité de règlementation au rattrapage des milieux défavorisés. Je dis: Je me demande encore comment le ministre a pu poser des objections aussi longtemps, puisqu'en aucun temps, son ministère, ses décisions, sa liberté de manoeuvre à lui n'étaient mis en question. Il s'agissait tout simplement de donner mission à une structure qui, dans la lettre première du projet de loi, coiffait un régime scolaire, sans qu'on sache exactement quelles étaient ses missions et en particulier, les missions fondamentales qui pouvaient justifier son existence et son implantation sur l'île de Montréal.

Les efforts de l'Opposition — et à cet effet, mentionnons les deux partis d'Opposition qui ont travaillé à la commission parlementaire — ont réussi à faire ce gain qui sera je crois, utile à la population défavorisée de Montréal et en particulier à celle du comté de Saint-Jacques, je l'espère bien, mais dont les effets — nous ne sommes pas dupes de cela — ne viendront qu'à très long terme, dont les effets ne viendront que par suite de coulisses, par suite de jeux de compromis, par suite de tractations. Quand même, si tout cela un jour devait coïncider, l'amendement que nous aurons réussi à poser dans le projet de loi, à l'article 591, aura réussi à faire de cette possibilité, une probabilité.

M. le Président, j'ai aussi, à la suite des amendements présentés par le député de Chicoutimi, une série d'amendements à présenter.

Le ministre de l'Education les connaît dans l'ensemble à peu près tous, ce sont ceux que, pendant les 25 heures qui ont occupé nos débats nous avons présentés à la commission de l'Education. Il s'en trouve quand même quelques nouveaux et mes collègues du parti, ce matin, en feront la présentation.

Pour ma part, vétéran de la bataille sur le bill 71, je me ferai l'obligation, dans le temps qui m'est imparti, de reprendre et redéfendre parce que je les considère comme capitaux, ceux auxquels la majorité gouvernementale s'est opposée. Je dois dire, comme première remarque, que des amendements présentés par le député de Chicoutimi, la presque totalité font l'objet de notre accord, que nous aurons d'ailleurs à signaler lorsque vous appellerez le vote sur ces amendements.

J'en propose quelques-uns qui ont aussi accompagné notre travail en commission parlementaire, parce que je crois que si certains amendements présentés par le député de Chicoutimi devaient échouer, comme ils ont échoué en commission parlementaire, il serait utile que le même esprit, le même objectif, la même intention qui ont présidé à l'élaboration des amendements du député de Chicoutimi réapparaissent dans une formule qui, à cause de l'importance du projet de loi, pourrait recevoir cette fois l'appui du parti ministériel.

Le député de Chicoutimi a présenté à l'article 585 une nouvelle répartition des sièges sur le territoire montréalais. Je ne vous répéterai pas les arguments que le ministre a invoqués pour refuser cette nouvelle répartition des sièges, il aura l'occasion de le faire lui-même tout à l'heure. Je me dis quand même que la structure telle que proposée à l'article 585 est injuste à l'égard des francophones, est injuste à l'égard des zones défavorisées et de leurs représentants dans cette structure et est injuste quant à la structure démographique de représentation des populations à ce conseil scolaire.

En effet, M. le Président, ne vous signale-rais-je que ce fait, qu'à la Commission des écoles catholiques de Montréal, qui a maintenant droit, par un amendement ministériel, à six sièges, cette commission devra représenter près de 220,000 étudiants, avec ses six sièges, pendant que la Commission scolaire catholique de Verdun ne représentera que 12,000 étudiants avec ce siège que lui accorde l'article 585.

Pour toutes les raisons de représentation démocratique comme d'objectifs bien particuliers sur le territoire montréalais lorsqu'il s'agit de trancher entre les questions de représentation ethnique qui, à Montréal, sont une pierre d'achoppement, et si un gouvernement essaie de les contourner comme on a essayé de le faire avec ce projet de loi, il se heurtera tôt ou tard à un mur sur lequel toute la situation du Québec peut exploser.

Donc, si les amendements du député de Chicoutimi ne devaient pas parvenir au succès, il nous semble essentiel qu'une nouvelle formule rétablisse les objectifs visés, et nous avons présenté à cet effet des objectifs présentant la pondération du vote, en maintenant la répartition des sièges actuels tels que présentés dans l'article 585, à une modification près, c'est-à-dire que nous reveindrions à la structure première et que nous oublierions l'amendement présenté par le ministre de l'Education pour porter à six le nombre de sièges de la CECM.

Nous revenons avec cet objectif de pondéra-

tion parce que, depuis le temps que nous l'avons énoncé, il a d'abord reçu un accord favorable des partis d'Opposition, ce qui a été important, mais aussi à l'extérieur de la Chambre, quand l'opinion publique a pris connaissance de cette possibilité qui a mérité l'attention d'éditorialistes et de commentateurs.

M. le Président, l'article 585 devrait donc être amendé, à notre avis, en ce sens. Il faudrait remplacer, à la deuxième ligne du premier alinéa, le mot 17 par le mot 15 et biffer, à la deuxième ligne du même alinéa, les mots "ou nommer". Il faudrait remplacer à la deuxième ligne du paragraphe a) du premier alinéa, le mot "six" par le mot "cinq".

Il faudrait ajouter, à la fin du paragrapha a) les mots suivants : lesquelles ont chacune droit à trois votes. Il faudrait ajouter, à la fin du paragraphe b), les mots suivants: lesquelles ont chacune droit à deux votes. Il faudrait remplacer les paragraphes c) et d) par les suivants: le paragraphe c) se lirait comme suit: La commission scolaire no 2 désigne, dans les trente jours qui suivent l'élection de ses membres, une personne parmi ses membres, laquelle a droit à deux votes. Le paragraphe d): Chaque commission scolaire, autre que celles visées aux paragraphes a), b) et c), désigne, dans les trente jours qui suivent l'élection de ses membres, une personne parmi ses membres qui a droit à un vote. L'objectif est clair, c'est la modalité que nous présentons par un vote pondéré que d'autres structures ont déjà adopté et qui a connu du succès.

A l'article 592, nous présentons un amendement qui ajouterait au paragraphe g)... C'est le paragraphe qui permet au conseil scolaire de faire ses règlements internes. Nous ajouterions à ce paragraphe g) les mots: Sauf quant à la langue de travail qui est le français. Le député de Chicoutimi a présenté un amendement du même genre et mon collègue, le député de Bourget, reviendra sur cet aspect de la question dans son intervention tout à l'heure.

A l'article 593, c'est le deuxième amendement que je m'efforcerai ce matin de canaliser. Il faudrait ajouter, à la deuxième ligne du premier alinéa, lorsqu'il s'agit... Puis-je vous référer, M. le Président, à la lettre de cet article? C'est l'article échappatoire du gouvernement. C'est l'article trou du projet de loi. C'est l'article où toute la faiblesse et toute la démission gouvernementale s'est concentrée.

M. LESSARD: M. le Président, un point d'ordre. Je m'excuse auprès de mon confrère. Nous avons à discuter un projet de loi extrêmement important et on constate encore que nous n'avons pas quorum, alors que le quorum est strictement de vingt députés. Il me semble que le parti ministériel devrait au moins exiger que ses députés de Montréal assistent à la discussion de ce projet de loi.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard):

Nous avons quorum maintenant. Le député de Saint-Jacques peut continuer.

M. CHARRON: Cet article 593 est celui qui remet aux mains du conseil scolaire la démission gouvernementale quant à trancher de l'avenir de la structure scolaire à Montréal. Ce que nous avons suggéré en commission, c'est que nous ajoutions, après le mot "élaborer" de la deuxième ligne de cet article où on donne les responsabilités du conseil scolaire... Nous voulons que le conseil scolaire élabore un projet d'implantation de corporation scolaire unifiée. Cet amendement ne vient aucunement à l'en-contre du principe du projet de loi. Le principe du projet de loi — enfin, il y en a beaucoup — mais celui que nous a présenté le ministre de l'Education, est de laisser aller des forces sur le territoire montréalais. Et l'implantation d'une structure provisoire, laquelle structure provisoire aura à présenter, au ministre de l'Education d'un prochain gouvernement, un projet de structuration définitive.

Ce que nous demandons simplement, c'est que, parmi les rapports que fera ce conseil scolaire au ministre de l'Education, parmi... Notez, M. le Président, que nous ne soustrayons rien aux obligations que le ministre lui incombe dans l'article 593. Nous ajoutons une demande de plus. C'est qu'en plus du plan général de restructuration scolaire de l'île de Montréal, en plus des plans particuliers ou intermédiaires en vue d'une restructuration graduelle, nous demandons que le conseil scolaire soit forcé, par la lettre de la loi à l'article 593, de présenter un projet. Libre sera le gouvernement de l'adopter ou non. C'est donc là que nous n'entrons aucunement en conflit avec le principe du bill et que nous voulons faire adopter au gouvernement une position que, d'ailleurs, il n'aura même pas lui-même à trancher puisqu'il s'agit d'un autre gouvernement et que nous ne lions même pas les mains du prochain gouvernement. Nous demandons simplement que, sur sa table de travail, s'il a la volonté, ce gouvernement-là, de trancher la question, contrairement à celui qui est en face de nous, il ait le document en main d'un projet de commission scolaire unifiée.

Libre à lui à ce moment-là de dire oui ou non, ou de le modifier. Mais nous demandons à ceux qui sont chargés de la démission gouvernementale maintenant de reprendre parmi les études qu'ils auront à faire ce qui a fait l'année dernière, il y a moins d'un an, l'unanimité à peu près absolue de tous les francophones, qui a même été pendant un certain temps la volonté du parti ministériel et qu'a défendue en Chambre avec beaucoup de force le député de Verchères et ancien ministre de l'Education, que les deux partis de l'Opposition, à l'exception du Ralliement créditiste, ont adopté comme principe, que la CECM, que tous ceux qui, dans la dernière semaine, ont exprimé leur avis sur le projet de loi 71, ont dit regretter de ne

plus retrouver dans ce projet de loi, le principe d'unification des commissions scolaires. Nous ne demandons pas...

M. PAUL: Je m'excuse auprès de mon collègue. M. le Président, puis-je vous signaler que nous n'avons pas quorum?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Avec le président, nous sommes vingt, nous avons quorum.

M. CHARRON: Puis-je vous signaler d'ailleurs que cette obligation quant à revenir au quorum s'est également manifestée à la commission parlementaire lorsqu'à un projet aussi important pour l'île de Montréal, il s'est trouvé, sur un amendement capital, que le seul député de l'île de Montréal où quand même le parti ministériel se retrouve en force, le seul député de l'île de Montréal qui s'y trouvait était le ministre de l'Education.

M. GOLDBLOOM: J'invoque une question de privilège pour souligner ma présence.

M. CHARRON: Vous n'avez pas compris ce que j'ai dit. J'ai dit: A un certain moment, en commission, sur un amendement que nous discutions et qui était vital, il s'est trouvé que le seul député libéral montréalais — presque par obligation devait-il s'y trouver — était le ministre de l'Education. S'il n'avait pas été ministre de l'Education, peut-être n'y aurait-il pas été. Nous avons discuté de la restructuration scolaire de l'île de Montréal avec le député de Pontiac, le député de Kamouraska, le député de Saint-Hyacinthe, le député de Fabre qui était le plus près de Montréal et qui a assisté aux séances. Je termine cette remarque sur la démission gouvernementale en disant que nous demandons par cet amendement à l'article 593 que le conseil scolaire soit chargé, lui, si le gouvernement refuse de le faire, de travailler une fois de plus à un projet, sur un principe d'unification des commissions scolaires qui fait encore la grande majorité de choix des francophones sur l'île de Montréal et du Québec en entier et qui avait retrouvé l'année dernière, sur le projet de loi 28, l'unanimité quasi absolue des francophones. C'est tout ce que nous demandons par l'article 593. Si vraiment, le gouvernement allait s'opposer à demander au conseil scolaire chez qui il vient de refiler tout le problème/ à même demander à ce conseil scolaire de lui donner son avis quant à un projet d'implantation de corporation scolaire unifiée, la démission serait totale et la peur serait devenue véritablement de la lâcheté.

Il est un autre amendement sur lequel je voudrais insister bien particulièrement, parce que celui-là aussi me laisse tout à fait perplexe quant au refus que le gouvernement y a opposé. Mon collègue, le député de Bourget, reviendra tout à l'heure avec un amendement à l'article 618, qui ajouterait les mots et les chiffres suivants après le chiffre "166".

M. LESSARD: Je vous rappelle encore, M. le Président, que nous n'avons pas quorum.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): La séance est suspendue. Qu'on appelle les députés.

M. CHARRON: M. le Président, mon collègue le député de Bourget présentera tout à l'heure, à l'article 618, un amendement nouveau, que nous n'avons pas présenté en commission parlementaire, mais qui viserait à ajouter après le chiffre 166, figurant à l'article 618, les mots et les chiffres suivants: Les deuxième et troisième alinéas du paragraphe 3 de l'article 204. Il s'agit, M. le Président, de dispositions qui ne s'appliqueront pas au territoire montréalais, et si vous connaissez bien les deuxième et troisième alinéas du paragraphe 3 de l'article 204 de la Loi de l'instruction publique, c'est ce qu'on appelle familièrement le bill 63. Nous n'avons pas présenté cet amendement en commission parce que, M. le Président, nous avons assisté trop souvent à la démission gouvernementale sur ce point et au maintien de cette loi inique pour nous soumettre au spectacle deux fois. Nous allons le faire ici en soumettant au vote gouvernemental cet amendement, mais nous ne nous leurrons pas quant aux décisions gouvernementales puisque le débat sur le bill 91 que nous avons présenté, le débat sur le bill 28 l'année dernière, où ce refus d'optempérer a amené le gouvernement à saccager son propre projet de loi no 28, nous ne nous leurrons pas, mais il est de notre devoir, pour le succès même de l'implantation de cette structure scolaire, de nous assurer par un amendement que le projet de loi 63, qui peut complètement contrecarrer n'importe quel objectif...

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Saint-Jacques, malgré qu'il aborde un sujet intéressant, aborde néanmoins un sujet qui a déjà fait l'objet d'un débat à la session actuelle, puisque c'est son propre parti qui a présenté un projet de loi sur cette question-là, projet de loi qui a été discuté à la Chambre et qui d'ailleurs est encore pendant, qui n'a pas été conclu. Je crois que le député de Saint-Jacques aurait mauvaise grâce à aborder ce sujet à l'intérieur du débat sur le bill de la restructuration scolaire de l'île de Montréal.

M. CHARRON : Sur la même question de règlement qui ne devrait pas compter sur mon temps imparti, le bill 91 présentement en discussion, toujours au feuilleton et que votre gouvernement a peur de rappeler...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le bill 71.

M. CHARRON: Non, je réponds au député d'Outremont. Le bill 91 que nous avons présenté et qu'il invoque pour éviter cet amendement, est un projet qui propose une nouvelle législation quant à la langue d'enseignement. L'amendement que nous présentons actuellement n'est pas la proposition d'une nouvelle loi quant à la langue d'enseignement, il s'agit de l'abolition de dispositions de la Loi de l'instruction publique qui ne s'appliqueraient pas sur le territoire montréalais. C'est tout à fait différent. Nous n'avons pas demandé d'adopter une nouvelle politique linguistique, nous demandons d'en refuser une qui s'applique. C'est exactement ce que nous faisons.

Enfin, M. le Président, ce sera l'intervention de mon collègue, le député de Bourget. Je veux, pour ma part, mentionner qu'il est important que cet amendement extrêmement important quant aux privilèges des parents à l'intérieur du système d'éducation que nous avons présenté à l'article 619, revienne sur le tapis ce matin et il sera présenté par mon collègue le député de Saguenay. Avant que ne finisse mon temps, M. le Président, je veux attirer votre attention en particulier sur un amendement que je juge capital et sur lequel je voudrais concentrer les dernières minutes de mon intervention. Il s'agit d'un amendement à l'article 620 qui ajouterait le paragraphe g) suivant: "conclure avec un centre local de services communautaires, un centre hospitalier, un centre de services sociaux ou un centre d'accueil, toute convention pour améliorer la santé des élèves et le milieu social dans lequel ils vivent, tant par la prévention que par le traitement". Il s'agit là, M. le Président, de répondre à un voeu que formulait, il y a maintenant un an, le Conseil supérieur de l'éducation dans un avis soumis au ministre quant à l'école en milieu défavorisé où il faisait un rapport direct entre le milieu social ambiant de l'école et l'école proprement dite dans ces milieux. Parmi ces recommandations se trouvait cette nécessaire coordination à établir entre les services gouvernementaux du milieu et l'école proprement dite.

Malheureusement, à peu près l'ensemble des recommandations du Conseil supérieur de l'éducation en ce domaine précis sont restées lettre morte. Il est de notre devoir à nous, particulièrement représentants de cette zone de Montréal, de faire que la nouvelle structure scolaire supplée, et une fois de plus, comme ça semble être devenu sa tâche, à la démission et à la négligence gouvernementale et que là où le gouvernement refuse de s'occuper des problèmes, la nouvelle structure scolaire, les commissions scolaires en prendront charge.

Il faut aussi, par un autre amendement à cet article 620, ajouter après le troisième alinéa, l'alinéa suivant. C'est l'amendement qui, à la commission parlementaire, a mérité l'abstention du député de Fabre pendant que tous les autres députés libéraux, fidèles à la ligne du parti, et proprement ignorants des questions scolaires montréalaises, se sont alignés derrière le ministre de l'Education pour une raison ou pour une autre, mais pour l'une comme l'autre, incompréhensible, pour refuser cet amendement que je m'étais efforcé de fignoler d'une telle façon qu'il corresponde à la philosophie de changement social pompeusement annoncée par le ministre de l'Education et qui respecterait ce qu'il nous avait affirmé être inclus déjà dans l'esprit du projet de loi mais qui... Vous comprendrez pourquoi nous nous méfions de ces généreuses intentions qui dans nos quartiers défavorisés n'ont jamais rien apporté, qui apportaient une fois pour toutes dans le projet de loi l'affirmation concrète de ce que le ministre avait dit s'y trouver. Cet amendement est le suivant: "La commission doit, si le conseil, à la demande d'une autre commission scolaire, adopte une résolution en ce sens, permettre l'utilisation de ces équipements scolaires aux personnes et aux conditions que la résolution détermine."

C'était l'amendement secours que nous avions apporté suite à l'échec qu'avait connu en commission l'amendement du député de Chicoutimi, lequel il a présenté de nouveau ce matin pour vote ultérieur, l'amendement qui visait à remettre la propriété des équipements au conseil scolaire, à la structure centrale scolaire sur l'Ile de Montréal.

M. le Président, si le gouvernement s'entête, malgré l'accord des commissions scolaires francophones elles-mêmes, à maintenir la propriété des équipements scolaires riches aux riches et à attendre le jeu des budgets, à attendre le jeu des réglementations et des tractations de coulisses qui devront nécessairement entourer toute réglementation en ce sens, s'il accepte encore d'attendre l'exercice d'un pouvoir auquel n'incombe pas l'obligation au conseil scolaire, à l'article 591, pour une utilisation rationnelle et équitable des équipements face aux diverses clientèles à desservir, il faut se rabattre sur un amendement secours comme celui que je viens de présenter et qui dit ceci: Lorsque, par exemple, pour appeler les choses par leur nom, une commission scolaire francophone, quelle qu'elle soit, parmi les six commissions scolaires catholiques — tout le monde sait que le mot "catholique" est un "front" pour le mot "français" — de l'île de Montréal obtiendront, par suite de tractations, par suite de compromis, par suite de démarches que je prévois interminables, si on voit la structure du conseil scolaire, que le conseil scolaire établisse une réglementation d'utilisation d'équipements scolaires qui appartiennent actuellement à celles qui sont privilégiées depuis cent ans sur le territoire montréalais, les commissions scolaires protestantes, anglophones, de dire: Ecoutez, l'école bien meublée que vous avez en face — parfois d'un côté à l'autre de la rue — d'une commission scolaire francophone moins bien équipée, vous allez permettre l'utilisation de ces équipements privilégiés, que vos privilèges de

protestants vous ont valu pour laisser utiliser ces équipements par les francophones, vous allez vous y soumettre.

C'est exactement ce que l'on dit, M. le Président. La commission doit, si le conseil lui demande de le faire, s'y soumettre et ne pas se rabattre sur le fait qu'elle se dit: Je suis propriétaire de mes équipements et je ne laisserai pas venir les pauvres jouer dans mes plates-bandes. Il faut maintenir le statu quo que moi je demande de préserver dans le projet de loi actuel mais que le ministre nous affirme avoir été sa préoccupation essentielle, c'est-à-dire le rattrapage des milieux défavorisés. Cet amendement secours est le dernier que nous présentons. Il me semble être celui qui devrait à tout le moins être adopté par la majorité ministérielle s'il en est un adopté par la Chambre, pour éviter que l'utilisation des immeubles existants par les milieux défavorisés n'ait été qu'un paravent pour le maintien du statu quo. J'espère, cette fois, qu'il se trouvera plus qu'un député montréalais, non pas pour s'abstenir, comme l'a fait le député de Fabre en commission, mais pour adopter — parce que ses membres eux aussi sont membres d'un Parlement et issus de comtés qui ne comportent pas toujours des privilégiés — cet amendement qui me semble minime par rapport à toutes les obligations que devrait avoir le conseil scolaire. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard ): Est-ce que le député de Saint-Jacques laisse tomber le dernier amendement à l'article 24?

M. CHARRON: Oui, M. le Président, parce que le député de Chicoutimi l'a présenté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Merci.

Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, je voudrais intervenir sur ce projet de loi et intervenir en particulier sur un problème qui m'apparaît absolument important, soit le rôle des parents. Chaque fois que nous avons eu à discuter d'un projet de loi scolaire, ici, en cette Chambre, le Parti québécois est intervenu avec le même amendement. Cet amendement veut dans des écoles administrées par des commissions scolaires et ici, il s'agit des écoles administrées par des commissions scolaires de Montréal, que le comité d'école prévu à l'article 67 de la Loi de l'instruction publique soit au moins consulté sur certains points que j'élaborerai.

S'il est une chose qui a été avortée depuis la réforme de l'éducation, c'est bien le rôle des parents à l'intérieur des écoles. Pourtant, je me souviens très bien, pour avoir participé à la mission; en 1965, quelle insistance on mettait dans le rapport Parent et quelle insistance on mettait à convaincre les parents que, dans la nouvelle école qu'on leur proposait, ils auraient leur place. Non pas une place où ils ne seraient pas consultés, non pas une place qu'on avait vue dans le passé, c'est-à-dire, une place où on convoquait les parents une fois par année pour venir prendre le thé ou le café ou quelque liqueur avec les professeurs ou avec la direction de l'école, mais une place où ils auraient véritablement un pouvoir de consultation.

Je me rappelle, lorsque nous avions à parcourir, en tout cas dans ma région, les différentes municipalités, à rencontrer les parents, à leur expliquer cette nouvelle place dans l'école, quelle objection nous avions â essuyer. Je me rappelle quelle déception nous avions éprouvée à ce moment-là parce que les parents nous disaient: Voici, c'est encore une façade, vous venez nous dire que vous voulez en fait que les parents participent à l'éducation de leurs enfants, mais nous savons très bien que ceci ne se traduira pas dans des faits concrets. Ceci en fait nous a amenés à la situation dans laquelle les parents vivaient à ce moment-là, situation de consultation une fois par année et encore là, c'était strictement bien souvent pour les informer de nouvelles transformations et de nouveaux programmes.

Or, M. le Président, nous le savons, et je n'ai pas besoin d'insister sur ce point, s'il est une chose absolument primordiale dans l'éducation, s'il est une chose absolument nécessaire, c'est la relation constante entre parents et éducateurs.

S'il y a une chose, aujourd'hui, que nous constatons, ce sont ces conflits, ces tensions que nous vivons à l'intérieur de l'école actuellement entre, d'un côté les parents qui vivent à l'extérieur de l'école et de l'autre, les professeurs et la direction de l'école qui ont bien souvent la responsabilité d'imposer des programmes seuls, la responsabilité de déterminer l'affectation, par exemple, des professeurs, la responsabilité du choix des manuels, la responsabilité de toute l'organisation interne de l'école. Les parents n'ont strictement, dans cette école, qu'à recevoir les décisions qui ont été prises par la direction de l'école, par le directeur et aussi par les professeurs.

M. le Président, il m'apparaît que l'amendement qui a été proposé par le Parti québécois est extrêmement important. En effet, quand on lit l'article 67 de la Loi de l'instruction publique, on constate combien cet article est imprécis. Le rôle qu'on donne aux parents dans cet article est bien vague. Le strict rôle qu'on donne aux parents, c'est de tenter de stimuler une participation des parents à l'intérieur de l'école par différents moyens. Mais les moyens ne sont aucunement précisés. Ces moyens, à venir jusqu'ici, nous ne les avons pas encore véritablement vu inscrire à l'intérieur du comité d'école, de telle façon que nous assistons actuellement à une démission des parents, démission extrêmement grave, démission basée strictement sur le fait que, depuis cette réforme

scolaire, depuis qu'on leur a dit qu'ils devaient avoir un nouveau rôle à l'intérieur de l'école, ils ont compris que c'était encore de la façade; les parents ont compris qu'ils n'avaient aucun pouvoir. On ne peut pas parler de problèmes concrets, parlons du choix des méthodes à l'intérieur de l'école. Il s'agit encore là, je crois, d'un problème important et nous constatons actuellement que, dans différentes commissions scolaires — et c'est probablement la même situation à Montréal — nous avons utilisé différentes méthodes, méthode active, méthode dynamique, que les parents sont complètement perdus et que chaque année on modifie ces méthodes. Il arrive que, dans certaines commissions scolaires et probablement aussi à Montréal, une année on utilise une méthode active et l'autre année, on utilise la méthode dynamique. De telle façon que d'année en année, les parents ne savent plus où se retrouver. Cela est un problème qui crée des tensions actuellement entre, d'un côté les commissions scolaires, de l'autre, les parents et les enseignants.

M. le Président, il y a tout le problème aussi du choix des maîtres. Nous savons comment certains comités de parents, certaines organisations de parents protestent actuellement parce qu'ils disent que les maîtres ne représentent pas véritablement les désirs des parents, les volontés des parents. Ces gens affirment avec raison qu'ils n'ont aucun pouvoir dans le choix des maîtres.

M. le Président, nous ne proposons pas un pouvoir décisionnel — encore là, si nous le faisions, ce serait aller à l'encontre des pouvoirs des commissions scolaires — mais nous proposons au moins un pouvoir de consultation. Il me semble que c'est une chose qu'on devrait immédiatement accepter. Chaque fois que nous avons proposé cet amendement, on l'a refusé.

Une chose aussi essentielle que celle-là, un pouvoir de consultation. Pas un pouvoir de décision, un pouvoir de consultation. Pouvoir de consultation aussi sur le choix, non seulement des maîtres, mais des volumes.

Le ministre me répondra: Mais il faut avoir une certaine planification dans le choix des volumes. Il ne faut pas permettre qu'une commission scolaire décide d'utiliser tel volume alors que telle autre commission scolaire décide d'utiliser tel autre volume et que, d'année en année, ce choix puisse être changé. C'est là une objection que le ministre nous a déjà apportée, l'ex-ministre de l'Education.

Mais il ne s'agit pas de demander aux comités de parents de décider du choix des volumes. Il s'agit de discuter avec eux, de dialoguer avec eux, de faire des exposés et, en les écoutant, de leur donner au moins la possibilité de faire valoir certains points qui sont essentiels sur le choix des volumes.

Je me demande comment le ministre actuel peut refuser un amendement comme celui-là, alors que la commission Parent elle-même en voyait la nécessité, pour que les parents soient intégrés au milieu scolaire, pour que les parents soient consultés...

M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais poser une question...

M. LESSARD: Pas seulement une consultation de façade, une réelle consultation.

M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux poser une question?

M. LESSARD: Allez-y.

M. CHOQUETTE: Après tout, les commissions scolaires sont dirigées par des commissaires élus par le peuple, donc les parents. Comment pouvez-vous dire qu'il n'y a pas de consultation dans le choix des maîtres puisque les administrateurs de la commission scolaire résultent de la volonté populaire? Je crois que votre argument porte à faux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas ça qu'il dit.

M. LESSARD: M. le Président, ce n'est pas en élisant des commissaires une fois de temps en temps que les parents sont consultés. Les parents sont consultés sur la nomination...

M. CHOQUETTE: Bien...

M. LESSARD: Mais à l'intérieur, une consultation, c'est plus que nommer des commissaires.

M. CHOQUETTE: Oui, mais est-ce que le député me permettrait une autre question? Est-ce qu'il ne trouve pas que l'autorité des administrateurs scolaires, des commissaires scolaires élus, serait mise en doute par une consultation obligatoire auprès d'une association de parents? Ce serait créer une double autorité pour décider d'un problème.

M. LESSARD: M. le Président, il faut distinguer entre l'administration d'une commission scolaire qui est faite par des commissaires et, ensuite, tout le travail de l'éducation. Sortons dehors tous les comité d'écoles et sortons de l'école tous les comités de professeurs si on accepte l'argument du ministre. Les commissaires sont strictement nommés pour administrer des biens.

Cependant, à l'intérieur de l'école, il y a autre chose qu'administrer des biens matériels. J'ai l'impression qu'encore là, ce gouvernement ne comprend pas véritablement ce que nous proposons, ce qui devrait normalement être accepté. C'est une chose qui avait été essentielle, qui avait été comprise dans le rapport Parent, cette nécessité de collaboration entre parents, professeurs et commissions scolaires dans le choix des enseignants, dans l'adoption des programmes, dans les méthodes.

On constate, actuellement, dans nos écoles — et il faut les visiter pour le constater; il faut, comme moi, avoir enseigné pendant huit ans pour le constater — quelle tension nous vivons actuellement dans ces écoles entre, d'une côté, les professeurs et, d'un autre côté, les parents, tension qui devient d'autant plus forte lorsqu'il y a un conflit dans l'enseignement, dans la négociation collective des enseignants.

Si les parents se sentaient directement impliqués, on aurait une meilleure compréhension à l'intérieur des écoles. Il y a certaines personnes qui ont affirmé que les professeurs ne désiraient pas cette consultation, que les professeurs ne voulaient pas que les parents mettent le nez à l'intérieur de l'école, que les parents viennent véritablement à l'intérieur de l'école, non pas comme des gens qui ne sont pas bienvenus, non pas comme des gens qu'on n'accepte pas, mais des gens qu'on acceptera et qui auront même le pouvoir, comme ça se fait dans certaines commissions scolaires.

Ils peuvent assister aux cours qui sont donnés par les enseignants, qui sont donnés par les professeurs. De cette façon, les parents pourront véritablement voir ce qui se fait dans ces écoles.

On va me dire que c'est de l'idéalisme. C'est vrai qu'actuellement un certain nombre de parents ont démissionné. C'est vrai qu'actuellement dans les organisations de parents, les parents se rendent très peu aux assemblées. Mais au début, lorsque nous avions convaincu véritablement les parents qu'ils avaient un rôle à jouer dans les écoles, j'ai pu constater que nos réunions de parents amenaient des parents, que les parents étaient véritablement intéressés à discuter de l'école lors de ces réunions. Cela, c'est dès de début de la réforme de l'éducation. Mais depuis ce temps, qu'est-ce qu'on leur a donné, qu'est-ce qu'on leur a fourni comme instrument de consultation? Rien, absolument rien. De telle façon que les parents sortaient de ces réunions en disant: Nous autres, nous constatons que nous n'avons rien à faire là-dedans, que c'est encore de la consultation de façade. Tant et aussi longtemps qu'on ne donnera pas de pouvoirs réels aux parents, ces gens démissionneront, sentiront qu'ils n'ont aucun rôle à jouer à l'intérieur de l'école. Mais grâce à l'amendement qui est proposé par le député de Saint-Jacques et par le Parti québécois, on pourra véritablement concrétiser le rôle des parents à l'intérieur de l'école. Et encore là, il ne s'agit pas d'un pouvoir décisionnel, il s'agit au moins d'un pouvoir de consultation et je ne comprends pas pourquoi l'actuel ministre de l'Education n'accepterait pas cet amendement.

LE PRESIDENT: Le député de Bourget. M. Camille Laurin

M. LAURIN: Je voudrais d'abord signaler une petite erreur dans l'article 618. C'est non pas le paragraphe trois de l'article 204, mais le paragraphe trois de l'article 203. A l'article 618.

M. le Président, le sens de l'amendement présenté par le député de Saint-Jacques est très simple. Il s'agit de rendre certain que la loi 63 ne s'applique pas, dans les paragraphes que nous venons de mentionner à l'île de Montréal. C'est simplement cela. Nous avions présenté cet amendement l'an dernier lors du débat sur la loi 28 et il est probable que c'est parce que nous l'avons présenté, c'est-à-dire parce que le gouvernement ne voulait pas, en adoptant la loi 28, entériner une deuxième fois, juridiquement, légalement, la loi 63, qu'il a laissé tomber son projet de loi. Nous le représentons à nouveau cette année, forts des statistiques qui se sont accumulées au cours de la présente année et qui montrent d'une façon de plus en plus évidente que si la loi 63 continue de s'appliquer dans la loi de la restructuration scolaire, les effets en seraient encore plus nocifs pour la population francophone de l'île de Montréal.

Nous voulons expliquer notre position sobrement et brièvement parce que nous savons...

LE PRESIDENT: Si je comprends bien, cet article qui est passé inaperçu lorsque j'ai étudié les amendements des honorables députés de Chicoutimi et de Saint-Jacques, comme vous venez de le dire, voudrait enlever l'application du projet de loi 63 sur l'île de Montréal

M. LAURIN: C'est cela. Sur l'île de Montréal, c'est-à-dire qu'en nous référant à l'article 618, nous disons que plusieurs dispositions de la Loi de l'instruction publique s'appliquent à ce projet de loi, mais qu'il y en a qui ne s'appliquent pas, par exemple les articles 64, 65, 127, 164 et 166. Nous voudrions faire ajouter deux paragraphes afin de compléter la liste des articles de la loi générale qui ne s'appliquent pas à l'île de Montréal.

LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais vous demander, si cet amendement est adopté, si cela aurait le même effet que votre projet de loi 91?

M. LAURIN: Non, parce que dans la loi 91, nous proposions des mesures nouvelles comme par exemple, que l'enseignement soit donné en langue anglaise pour les immigrants de langue maternelle anglaise qui viennent s'installer au Québec. Ce n'est pas du tout la même chose. Nous proposions une politique nouvelle alors que dans celle-ci, nous proposons simplement que des articles de la loi générale ne s'appliquent pas dans la loi 71, c'est-à-dire qui traite de la restructuration scolaire sur l'île de Montréal, à la suite de tous les autres qui sont mentionnés.

LE PRESIDENT: Continuez. Je verrai.

M. LAURIN: Donc, déjà avec la loi 28, c'était un peu difficile à accepter mais, malgré

tout, on avait l'unification qui aurait pu neutraliser, compenser jusqu'à un certain point les effets nocifs de cette loi pour les habitants de l'île de Montréal. Maintenant que la loi prévoit le maintien, du moins pour une période de trois ans, de la distinction linguistique et de la distinction confessionnelle, les effets qui ont été notés jusqu'ici seront beaucoup plus nocifs. C'est la raison pour laquelle nous demandons que ceci ne s'applique pas sur l'île de Montréal.

D'ailleurs, depuis trois ans que cette loi a été adoptée, les trois partis de l'Opposition en cette Chambre ont été unanimes à en déplorer les effets qui ont été contraires bien souvent à ce qu'on avait prévu. Nous avons pris note des statistiques qui ont paru et qui ont été compilées par le ministère de l'Education et par la Commission des écoles catholiques de Montréal, statistiques qui montrent que cette liberté légale d'envoyer les enfants à l'école anglaise, a joué contre la majorité francophone sur l'île de Montréal au point que 90 p.c. ou 91 p.c. de tous les enfants des immigrants s'intègrent à la minorité anglaise de Montréal.

D'ailleurs, la chose a été également notée par presque tous les analystes de la chose scolaire. Les effets de la loi 63 ont été déplorés dans tout le Québec par un très grand nombre d'éditorialistes et il nous semble bien que la cause est entendue. La loi 63 sur l'île de Montréal a joué contre la majorité francophone à Montréal. Il semble donc qu'il faut en demander le rappel justement parce que cette loi a donné une garantie légale, une garantie juridique à une coutume qui existait auparavant, or on sait qu'il y a une grosse différence entre la coutume et la loi, qu'il est beaucoup plus facile de se prévaloir d'une loi que d'une coutume et que la loi assure à la population anglophone des droits qu'elle peut maintenant faire valoir devant les tribunaux.

Nous voyons donc que l'urgence du rappel de cette loi s'impose. Nous ne demandons pas grand-chose au gouvernement. Nous ne demandons pas une nouvelle politique linguistique pour l'île de Montréal. Nous savons que le gouvernement n'est pas prêt. Il dit qu'il n'est pas prêt. Il demande de nouvelles preuves, de nouvelles garanties. Il attend le rapport de la commission Gendron. Il veut s'entourer de toutes sortes de précautions avant d'adopter une nouvelle politique linguistique. Nous ne comprenons pas ses hésitations, mais, quand même, s'il ne veut pas tout de suite adopter une nouvelle loi, qu'il prenne au moins conscience que les effets de l'ancienne loi ont été nocifs. Qu'il la rappelle donc, qu'il revienne au statu quo ante, ce qui lui laisserait le champ absolument libre d'ailleurs pour appliquer une nouvelle politique linguistique dans les quelques mois qui viennent.

D'ailleurs, nous voyons que ce projet de restructuration scolaire n'entrera en vigueur que dans deux ans. Ceci donnerait amplement le temps au gouvernement, même avec le rap- pel de la loi 63, de faire son lit de de proposer une politique qu'il voudrait positive ou qu'il voudrait évolutive dans ce domaine. C'est donc le minimum que nous lui demandons.

S'il ne veut pas accepter ce minimum, ceci voudra dire, encore une fois comme l'an dernier, que la majorité ministérielle votera à nouveau pour le maintien de la loi 63, votera à nouveau pour la distinction qui est faite entre une minorité que l'on favorise et une majorité que l'on brime. Cela voudra dire, encore une fois, que ce parti est à la solde d'une nimorité et ne reflète pas les aspirations de la majorité.

Le gouvernement a le choix. S'il préfère entériner une deuxième fois par un texte juridique une mesure qui a joué contre la majorité francophone, il a toute liberté, il a toute latitude pour le faire, mais il en portera la responsabilité pour ne pas dire l'odieux devant la population francophone.

Nous ne voulons pas nous étendre sur le sujet parce que nous avons présenté plusieurs fois nos thèses. L'an dernier et à plusieurs reprises cette année lors de nos débats, le gouvernement a présenté plusieurs fois sa propre thèse. Il semble que les enjeux sont tellement clairs, tellement nets que le gouvernement ne peut plus se dérober devant cette responsabilité qui est la sienne et le vote également sera tellement net et tellement clair que la population saura parfaitement juger où se trouvent les véritables défenseurs de la majorité francophone au Québec.

M. le Président, je voudrais ajouter un autre mot sur l'article que présentait le député de Chicoutimi en ce qui concerne les relations de travail. Nous voudrions appuyer cet amendement pour plusieurs raisons. Si nous demandons qu'aucun salarié ne soit congédié mis à pied ou non réengagé par suite de la mise en application des dispositions de la présente loi, ni ne subisse une diminution de son traitement, c'est parce qu'il y a des dispositions semblables dans plusieurs autres lois du Québec et particulièrement dans la Loi de l'intégration de la police de la Communauté urbaine de Montréal. Si nous demandons en particulier que l'affectation des salariés à l'emploi de la Commission scolaire de Saint-Laurent, soit à la commission scolaire no 2, soit à la commission scolaire no 3, soit faite en tenant compte du choix individuel des salariés, ceux qui ont le plus d'ancienneté prenant rang avant les autres, c'est que, pour nous, nous ne limitons pas en cela le pouvoir de la commission de renvoyer pour cause. Toutefois, nous demandons que soit exclu un renvoi dont le seul motif serait la redistribution des clientèles. Les professeurs de Pierrefonds, par exemple, pourraient choisir dans la mesure où les besoins le justifient.

Le ministre ne peut pas prétendre qu'il s'agit là d'une matière négociable et qu'il va le donner aux enseignants. S'il le prétend, il serait beaucoup plus simple qu'il l'inscrive dans son projet

de loi et non seulement cette mesure serait plus simple, mais en même temps elle serait beaucoup plus claire pour l'avenir.

Enfin, nous pensons qu'il faut inscrire un mécanisme d'arbitrage et de sanction dans la loi elle-même. Un tel arbitrage existe dans le code du travail pour la négociation et la solution des griefs, nous ne voyons pas pourquoi le ministre se refuserait à inclure un mécanisme analogue qui s'inspirerait des dispositions semblables du code du travail dans la présente loi, encore une fois pour que la chose soit plus claire, plus nette et qu'on n'en arrive pas par cette omission à créer des imbroglios et des injustices que l'on pourrait éviter.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, en ce qui concerne les amendements présentés par le député de Saint-Jacques, j'ai le droit de le faire, M. le Président.

LE PRESIDENT: Pardon? Je m'excuse, à moins qu'il y ait consentement unanime, un député n'a droit de parole qu'une fois sur cette motion, en vertu de l'article 125.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On a droit sur tous les amendements.

LE PRESIDENT: Vous pouvez consulter l'article 125 sur l'étape du rapport. Cinquième alinéa: II faudrait faire une distinction" entre l'ancien comité plénier de la Chambre et cette nouvelle procédure: "Le président organise le débat au cours duquel a lieu la prise en considération du rapport et des amendements proposés, la règle voulant qu'un député ne parle qu'une fois ne s'applique pas au proposeur du projet de loi".

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux bien respecter les règlements. Avec le consentement de la Chambre, est-ce que je pourrais dire un mot très bref sur un amendement?

LE PRESIDENT: Avec le consentement de la Chambre je n'ai aucune objection.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une chose très simple.

LE PRESIDENT: II y a consentement. Très bien.

M. LEDUC: Je me souviens de mercredi soir et je ne suis pas prêt à donner mon consentement, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très bien, M. le Président, nous avons noté.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: M. le Président, j'aimerais à mon tour faire quelques remarques, au moment où nous sommes rendus à une étape importante du cheminement de ce projet de loi 71. Evidemment, beaucoup d'encre a coulé autour de la restructuration scolaire de l'île de Montréal, beaucoup d'encre a commencé à couler autour de cette loi dite pour favoriser le développement scolaire sur l'île de Montréal parce que, simplement au niveau du changement de titre dans la loi, on peut déjà prévoir — on l'a vu d'ailleurs — un changement dans les objectifs. Le premier projet de loi se voulait une restructuration globale, une réforme globale de ce qui concerne l'éducation en milieu montréalais; il est devenu aujourd'hui du moins d'après le titre, davantage un projet de loi pour orienter l'éducation. J'ai mentionné en deuxième lecture que lorsqu'on parcourt plus en détail le projet de loi, on se rend compte qu'il s'agit d'abord et avant tout d'une préoccupation administrative.

A ce sujet, il y a un article de journal, qui m'a plu au plus haut point, que j'ai pu lire, et qui dit ceci: "Fondamentalement, le projet de loi 28 était censé pourvoir à l'administration des affaires scolaires. M. Cloutier dit qu'on s'occupera plutôt des questions pédagogiques en parlant du prochain projet de loi, c'est-à-dire celui que nous avons devant nous. Donc, on devait s'occuper davantage des questions pédagogiques. Voilà une déclaration admirable pour ce qu'elle veut dire. Mais que fera-t-on pour mettre un terme aux injustices relatives aux droits des parents de désigner les administrateurs et la répartition des impôts? Que fera-ton pour grouper les ressources dont on dispose? Comment arrivera-t-on à réduire le nombre excessif des conseils scolaires dans l'île de Montréal? Comment assurera-t-on une distribution équitable des facilités, des services et des possibilités offertes? De quelle façon compte-t-on agir pour mettre d'accord tous les Québécois francophones, anglophones, catholiques, protestants et d'autres pour bien servir les intérêts de l'éducation publique? " Donc, autant de questions que les citoyens, comme ceux qui sont chargés de la chose scolaire en milieu montréalais, ont pu se poser et peuvent encore aujourd'hui se poser parce que, non satisfait d'avoir mis de côté une réforme globale, contre laquelle j'étais à ce moment pour certaines raisons bien particulières, non pas qu'il n'y ait pas eu de besoin, il y avait un besoin d'une certaine réorganisation scolaire sur l'île de Montréal, mais pas de la façon dont c'était présenté dans le bill 28, à mon idée...

Ce que je veux dire, c'est que, non satisfait d'avoir reculé sur la question du bill 28, aujourd'hui on revient avec un projet de loi 71, que l'on veut être le premier fils d'une nombreuse famille de projets de loi à venir et qui sont justement, fondamentalement, en vue de

réassurer les objectifs du premier projet de loi, soit le projet de loi 28.

Sur cet aspect, je me suis posé plusieurs questions. J'en ai posé certaines au ministre, mais les réponses à ce sujet n'ont pas été suffisamment claires, du moins pour moi. J'avais demandé au ministre, lorsqu'il mentionnait que le projet de loi 71 n'était qu'une étape, donc que le premier petit frère de toute une famille, quelles seraient les autres étapes à suivre. Et le ministre a été peu loquace à cet effet, reportant, plus souvent qu'autrement, les décisions à venir sur les recommandations du conseil scolaire de l'île ou sur d'autres soi-disant consultations qui auraient pu ou pourront être effectuées. A ce stade-là, j'ai manifesté et je manifeste encore énormément de réserves, parce qu'à mon sens, le rôle du gouvernement étant de prendre des décisions, de prendre position, je me trouve face à une sorte d'indécision, à une sorte de situation floue que je considère inacceptable devant un gouvernement clairement mandaté pour prendre des décisions. Je pense que l'ensemble des citoyens de l'île de Montréal et ceux qui se préoccupent de la chose scolaire veulent et attendent d'un gouvernement que celui-ci prenne position, mais en ayant les éléments éclairés de toute la discussion. C'est pour cette raison que nous avions demandé aussi que, sur le projet de loi 71 comme cela a été fait sur le projet de loi 28, on puisse avoir les audiences de la commission parlementaire pour être en mesure d'avoir les suggestions, les commentaires, les rapports des organismes intéressés et des groupements qui auront à vivre à l'intérieur du cadre législatif du bill 71.

Cet élément nous a été refusé malheureusement, parce que j'y voyais une très grande importance à ce moment étant donné que, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le projet de loi 71 n'est qu'une première étape dans l'application plus intégrale de tout un ensemble de lois en matière d'éducation à Montréal. Il m'a semblé très important de pouvoir réentendre, devant cette nouvelle orientation, les gens impliqués, directement intéressés. Donc, dans le contexte de toute l'histoire qui a précédé le dépôt du projet de loi 71, on peut dire que le projet de loi 71 nous apparaît comme étant un peu infirme, comme étant un peu mal à l'aise à l'intérieur de la législation présente, parce qu'il est loin d'être complet. Il touche presque uniquement des aspects administratifs quoique le ministre ait bien dit avant — j'ai mentionné l'article du journal tout à l'heure — qu'il voulait se donner des préoccupations davantage pédagogiques. Ce qui me déplaît également au plus haut point, à l'intérieur de ce projet de loi, c'est qu'on reporte le problème encore une fois.

Encore une fois, on laisse la situation en suspens en reportant sur le conseil de l'île toute la décision qui devra être prise.

Je pense que ce n'est pas le rôle du gouverne- ment de prendre cette décision, cette position, c'est plutôt son rôle de prendre une décision éclairée en recevant en audience les intéressés là-bas, afin de faire la lumière sur l'ensemble de ce projet de loi. A mon sens donc, c'est de reporter le problème, pour la première raison que je viens de mentionner. Deuxième raison, c'est parce qu'il s'agirait d'une première étape dont on ne connaît pas les suivantes.

De plus, à mon sens, j'émets ici une certaine réserve sur la question du délai qui, apparemment, serait peut-être un peu court, d'ici juin, pour préparer toute l'élection et préparer les gens à participer véritablement.

Deuxièmement, le mandat du conseil scolaire de l'île de recevoir les subventions manifeste un peu une philosophie de base du bill de créer une espèce de tutelle sur l'île de Montréal en installant cette forme de gestion régionale qui aura le contrôle sur l'ensemble, parce qu'on se retrouve encore face à la situation que trop souvent j'ai déplorée, que trop souvent plusieurs personnes ont déplorée également, celle où on confie des responsabilités à quelqu'un mais où on ne lui donne pas les pouvoirs nécessaires. Donc, les pouvoirs sont centralisés à un niveau et les responsabilités effectives ou les vrais responsabilités se trouvent à un autre niveau, celui des commissions scolaires.

On donne des responsabilités mais pas suffisamment de pouvoir parce que ce pouvoir est bien assis sur un fauteuil bien déterminé qui est au-dessus de l'ensemble de l'île de Montréal.

De plus, on a parlé des milieux défavorisés et des problèmes que ceux-ci présentent. Je pense qu'il serait faux de prétendre que l'organisation scolaire de l'île de Montréal puisse régler l'ensemble de ces problèmes, au contraire. Il peut y avoir une certaine planification au niveau budgétaire de faite en matière scolaire en ce qui concerne les milieux défavorisés, mais l'organisation scolaire ne peut à elle seule régler les problèmes des milieux défavorisés. Je pense que le ministre en est conscient. Ce serait vouloir se servir d'un bouc émissaire à ce moment-là pour dire qu'on regroupe tous les problèmes sur cette question. Une organisation scolaire ne peut vraiment à elle seule régler ce problème des milieux défavorisés. Le problème est beaucoup plus vaste et l'interaction avec d'autres facteurs est vraiment évidente.

J'aimerais également souligner que j'appuie aussi l'amendement proposé par l'Unité-Québec sur la question des relations de travail, afin de respecter les droits acquis par les individus.

Dans le présent projet de loi, le gouvernement nous présente une loi pour favoriser, apparemment, le développement scolaire sur l'île de Montréal, en accordant, comme je le mentionnais tout à l'heure, des responsabilités à différents paliers d'administration mais, comme à l'habitude, en oubliant d'accorder des pouvoirs réels à ces différents paliers pour permettre aux intéressés de s'acquitter de leurs responsabilités.

Dans le problème de l'éducation, je pense qu'il y a quand même des points importants à regarder. Il y a, d'accord, le côté administratif mais il y a surtout le côté éducatif. Et si nous voulons être sérieux, je pense que nous ne pouvons pas dissocier, dans une réforme scolaire, des points de vue aussi importants. Je pense que ce serait morceler un peu d'avance la mise en application d'une loi en matière scolaire et nous ne pouvons vraiment pas, à ce sujet-là, nous permettre d'ignorer la question pédagogique.

M. le Président, c'étaient les quelques remarques que j'avais l'intention de faire à ce stade-ci. J'avais déploré — et je déplore encore — qu'avant de faire toute réforme, que ce soit sur l'île de Montréal ou ailleurs, en matière scolaire, le ministre devrait plutôt prendre le temps de réflexion qu'il faut, ce "feed-back" nécessaire, pour plutôt réorganiser son propre ministère de l'Education. Je l'avais souligné déjà pour que chez lui également, là où sont les responsabilités, là ou devraient être les pouvoirs également, on en arrive à une forme décentralisée de pouvoirs administratifs et de gestion en matière éducative.

Voilà les remarques que je voulais faire.

Je maintiens ma position à ce sujet, parce que je me dis: Le problème de l'éducation est trop grave pour permettre à un ministère déjà souffrant de traiter dans un autre secteur.

M. le Président, je vous remercie et, en ce qui me concerne, je ne peux donner mon approbation au projet de loi tel que présenté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, tout d'abord, je désire remercier à nouveau ceux qui ont participé à ce débat. J'ai retrouvé le ton serein qui a caractérisé les discussions en commission élue. Au cours des 25 heures qu'ont duré ces discussions, il y a eu de part et d'autre des échanges qui témoignaient de l'importance de ce projet de loi. Les amendements qui ont été proposés reprennent en gros, à quelques nuances près, ceux qui l'ont été au cours du débat en commission élue. Par conséquent, c'est rapidement que je vais les commenter, quitte à référer ceux qui s'intéressent à ces sujets au journal des Débats.

Il me parait en effet inutile de reprendre tous les arguments qui m'ont poussé à les rejeter. En fait, j'ai tenu à considérer avec le plus d'ouverture d'esprit possible tous les amendements qui me paraissaient compatibles avec l'économie de ce projet de loi. C'est ainsi que j'ai pu, au nom du gouvernement, accepter quesques-unes des recommandations venant de l'Opposition.

Cependant, les amendements qui reviennent maintenant ne rentrent pas dans cette optique et, par conséquent, le gouvernement va voter contre.

Le plus brièvement possible, M. le Président, mais avec tout de même le souci d'aller au fond des choses, je ferai quelques commentaires sur sept points qui me paraissent recouper les amendements de l'UQ comme les amendements du Parti québécois.

Ces commentaires portent sur la représentation, article 585, paragraphe 4, sur la propriété des immeubles, paragraphe 4, article 620 ; sur les pouvoirs du conseil, paragraphe 4, article 591; sur le français langue de travail, paragraphe 4, article 582; sur les comités de parents, paragraphe 4, article 619; sur les relations de travail, articles 7 c), 11 b)et 24, et enfin sur le principe même de l'unification, article 593.

Tout d'abord, M. le Président, quelques mots sur la représentation au conseil scolaire. Je dois d'abord rappeler que nous ne sommes pas en présence d'un regroupement définitif, mais bien d'un premier regroupement, lequel a deux raisons d'être; d'abord, amorcer un processus qui ira plus loin; ensuite, mettre en place le conseil scolaire. C'est dans cette perspective qu'il y a passage de 33 commissions scolaires à huit commissions scolaires, mais persistance de deux grands blocs, soit la CECM et le PSBGM. Pour cette raison même, une pondération du vote est apportée de sorte que la CECM a cinq membres supplémentaires — le projet initial en comportait quatre et j'ai accepté en amendement d'ajouter un membre — et la PSBGM un membre supplémentaire.

Je dois faire observer ici que cette représentation ne doit pas être considérée en rapport avec la population scolaire mais bien en rapport avec le fait que nous parlons d'unités administratives. Il y aura des nominations gouvernementales que j'ai tenu à maintenir, précisément pour assurer un équilibre le cas échéant. C'est là une prérogative que doit conserver le gouvernement dans le contexte actuel.

De plus, M. le Président, l'équilibre au conseil doit tenir compte non seulement de la proportion protestants-catholiques puisque nous maintenons le système confessionnel et par conséquent de ce point de vue, le statu quo, mais également de l'équilibre des forces, de manière qu'on ne se retrouve pas dans une situation où la commission scolaire la plus importante, la CECM, laquelle n'est pas morcelée, n'ait pas un poids trop considérable par rapport aux commissions scolaires de banlieue.

En ce qui concerne la propriété des immeubles, j'ai très longuement, au cours d'au moins deux à trois heures de débat, expliqué quelles étaient les considérations pratiques qui justifiaient que cette propriété reste au niveau des commissions scolaires. Par conséquent, inutile de revenir sur le fait qu'il y a intérêt à ce que la responsabilité demeure le plus près des utilisateurs, sur le fait que traditionnellement, cette propriété appartient aux commissions scolaires et que ce serait ouvrir la voie à des bouleverse-

ments administratifs considérables que de prendre une décision contraire sur le fait qu'il y a lieu de disposer, dans l'organisation des activités scolaires, de l'affectation des immeubles. De plus, aucune raison ne milite en faveur de transformer le conseil scolaire en un immense organisme de gestion.

Nous voyons ce conseil scolaire comme une structure légère, de manière qu'il puisse remplir ses fonctions, lesquelles — et il me paraît extrêmement important de le souligner — sont des fonctions de planification et de coordination. Le conseil scolaire peut parfaitement, dans ces conditions, faire face à ses obligations sans avoir la propriété des immeubles, laquelle ne constituerait pour lui qu'une charge supplémentaire et — je n'hésite pas à le dire — une charge inutile.

C'est ainsi que par son pouvoir de réglementation, à l'article 591 d), le conseil pourra voir à l'utilisation rationnelle des équipements. C'est ainsi que, par le contrôle des budgets d'investissement, il pourra rétablir l'équilibre, le cas échéant, entre commissions scolaires riches et commissions scolaires moins riches. C'est ainsi que son pouvoir d'emprunt ne sera pas affecté, grâce à l'existence d'un fonds général du conseil scolaire et des commissions scolaires, tel que prévu par l'article 592 c).

J'ai accepté un important amendement pour apporter une clarification en ce qui concerne le rattrapage. C'était l'esprit du projet de loi, c'était l'intention du gouvernement. Mais cet amendement me paraît être suffisant et j'ai l'impression qu'il n'est pas souhaitable d'imposer des contraintes trop considérables dans tous les autres secteurs.

D'ailleurs, une des caractéristiques de ce projet de loi qu'il convient de souligner, est qu'il comporte très peu d'approbations ministérielles et qu'il fait confiance au milieu, qu'il fait confiance aux gens qui seront élus au niveau des commissions scolaires et ensuite, délégués au conseil.

Je suis étonné — je le signale simplement en passant — du fait que lors du débat touchant le bill 28, on avait fait état de ce qu'on considérait être des interventions gouvernementales trop poussées, alors que maintenant, au cours du débat sur le projet de loi 71, l'Opposition semble adopter une attitude presque inverse et on trouve que le gouvernement laisse trop de liberté au conseil scolaire.

Or, il y a là une amorce de mouvement qui, à mon avis, s'inscrit dans le sens de l'avenir, c'est-à-dire un mouvement vers une décentralisation de plus en plus marquée. Quelque part, en rapport avec les pouvoirs du conseil, l'Opposition souhaite l'existence de comités qui auraient des fonctions définies. Il va de soi que ce serait, encore là, dicter au conseil ce qu'il doit faire et il va de soi que le conseil mettra sur pied des comités.

D'ailleurs, l'organisme temporaire que nous avions mis sur pied, le conseil de développe- ment de l'île de Montréal, l'a fait spontanément et il m'apparaftrait là encore maladroit et aller à l'encontre de ce que nous voulons faire, d'imposer ces obligations.

La question du français, langue de travail, à la suite d'une intervention du député de Bourget concernant le français dans le secteur de l'enseignement proprement dit, a été longuement discutée en commission élue. J'ai indiqué que je n'avais pas l'intention de me laisser entrafner dans un débat qui me paraissait malvenu. J'ai ajouté que le gouvernement ne sous-estimait pas l'importance de la question linguistique. Je me suis même permis de dire que je ne croyais pas être suspect de ce point de vue-là, ayant été celui qui avait présenté la loi 64, étant également celui qui avait présidé à la restructuration de l'Office de la langue française et au très important programme d'implantation du français dans l'industrie qui a lieu actuellement.

J'ai également ajouté que c'était dans mes intentions de présenter, aussitôt que possible l'an prochain, une politique concernant l'enseignement des langues, l'enseignement du français, langue maternelle, comme d'ailleurs l'enseignement de l'anglais, langue seconde.

Dans cette perspective, il me parait parfaitement inutile et peu souhaitable d'intervenir par le biais de ce projet de loi, dont ce n'est pas le principe. En ce qui concerne plus particulièrement l'obligation au conseil de faire du français la langue du travail, je crois que ce serait là une démarche qui comporterait de très grands inconvénients, non seulement parce que c'est une démarche parcellaire, qui irait peut-être même à l'encontre de ce que nous voudrions faire d'une façon plus globale, mais aussi parce que c'est une démarche qui n'a pas sa raison d'être et qui donnerait lieu à tout un ensemble de petites vexations.

En fait — et ceci est important — c'est que la pratique de tous les grands organismes métropolitains sur l'île de Montréal a démontré que le français avait la prédominance qui lui revenait. C'est le cas de la CUM, c'est le cas du Conseil supérieur de l'éducation, c'est le cas de COCSIM (Conseil de développement scolaire de l'île de Montréal), organisme auquel je faisais allusion il y a quelques instants.

Par conséquent, n'allons pas apporter de confusion et tout mêler. Il y a d'une part un problème qui est le problème linguistique au Québec et qui devra recevoir une solution, et il y a d'autre part un projet de loi que nous étudions en ce moment, projet de loi qui a des fins administratives claires et précises. Ce n'est pas à cette occasion qu'il convient d'aborder l'importante question linguistique.

Brièvement, je voudrais dire un mot des comités de parents. Il s'agit là de comités consultatifs et non de comités décisionnels. Il n'y a pas intérêt à réduire leur marge de manoeuvre en déterminant à l'avance sur quels sujets ils devront aborder. La loi ne peut pas

créer la participation. Elle ne peut que présenter une structure qui fait confiance à la volonté des hommes. La participation est une démarche difficile qui exige une ouverture qui n'a peut-être pas toujours été réalisée de la part des administrateurs. Mais il reste qu'il appartient aux comités de parents de tenir compte de leurs intérêts, lesquels peuvent varier d'une région à l'autre et d'un comité à l'autre, et il appartient aux administrateurs de tenter d'impliquer les parents dans le processus décisionnel. A notre époque, le processus décisionnel est devenu extrêmement complexe. On ne peut faire des options d'une manière empirique. Il faut que ces options soient basées sur une information adéquate et il y a indiscutablement de la part des administrateurs des commissions scolaires un devoir de présenter cette information et de permettre aux comités de parents de jouer leur rôle.

Quelques mots maintenant sur la question des relations de travail. Je dis quelques mots, mais vous me permettrez peut-être d'être un peu plus long que sur les autres points, parce que je ne voudrais surtout pas que persiste la moindre inquiétude dans l'esprit des syndicats de ce point de vue. Voilà un projet de loi qui n'a pas été contesté par les syndicats, parce qu'il y a eu des consultations préalables et parce que le gouvernement a clairement dit qu'il n'entendait pas, dans un processus comme celui-ci, que les droits des travailleurs soient brimés de la moindre manière.

Les amendements proposés par l'opposition, aux articles 7 c) et 11 b) sont des amendements qui auraient pour effet de rendre négociables les plans d'intégration du personnel dont il est question dans ces deux articles.

Qu'est-ce que l'on propose? On propose que ces plans d'intégration soient établis non seulement après consultation des associations d'employés intéressées mais après entente avec ces dernières, tout comme s'il s'agissait d'une convention collective, le recours à l'arbitrage étant suggéré s'il y avait défaut d'entente entre les parties.

Je vous signale que j'ai présenté moi-même plusieurs amendements au cours du débat en commission élue pour donner toutes les garanties nécessaires en ce qui concerne les consultations auprès des associations les plus représentatives. Ceci m'apparaissait déjà contenu dans la loi mais j'ai préféré apporter une clarification supplémentaire pour qu'aucun doute ne persiste.

De ce point de vue, que prévoit le projet de loi 71? Il prévoit que le conseil provisoire conjointement avec les commissions scolaires, s'il y a lieu — c'est l'article 7c) — et les comités d'implantation — c'est l'article 11b) — a la responsabilité de dresser les plans d'intégration à la suite de consultations ordonnées par la loi auprès des associations concernées de cadres et d'employés.

Les dispositions de la loi — je m'excuse, si mes explications peuvent paraître un peu techniques — à cet égard doivent être comprises à la lumière de l'article 24 du projet de loi. Les personnes à l'emploi des commissions scolaires existantes le 30 juin 1973 deviennent le 1er juillet 1973 des employés soit du conseil, soit des commissions scolaires nouvelles, conformément aux plans d'intégration dressés par les comités d'implantation et le conseil, subordonnément aux droits et obligations des commissions scolaires et de leurs employés — c'est ce passage qu'il convient de retenir — et sous réserve, quant aux salariés, au sens du code du travail, et aux assocaitions accréditées pour les représenter, des articles 36 et 37 du code et quant aux personnes exerçant une fonction pédagogique ou éducative au sens de la Loi de l'instruction publique, des dispositions de cette loi qui les régissent.

Je crois utile de lire les articles 36 et 37 du code du travail. L'article 36 dit: "L'alinéation ou la concession totale ou partielle d'une entreprise autrement que par vente en justice n'invalide aucune accréditation accordée en vertu du présent code, aucune convention collective ni aucune procédure en vue de l'obtention d'une accréditation ou de la conclusion ou de l'exécution d'une convention collective sans égard à la division, à la fusion ou au changement de structure juridique de l'entreprise. Le. nouvel employeur est lié par l'accréditation ou la convention collective comme s'il y était nommé et devient par le fait même partie à toute procédure s'y rapportant aux lieu et place de l'employeur précédent".

L'article 37 dit: "Un commisseur enquêteur peut rendre toute ordonnance jugée nécessaire pour constater la transmission de droits et d'obligations visés à l'article 36 et régler toute difficulté de l'application dudit article".

Quant aux dispositions de la Loi de l'instruction publique dont il est fait état dans l'article 24 du projet de loi 71, en ce qui concerne les cadres, elles se rapportent notamment au droit à l'arbitrage par suite du non-réengagement avant la fin d'une troisième année d'enseignement. C'est l'article 219.

Il s'ensuit, M. le Président, selon le projet de loi 71, que les plans d'intégration du personnel sont établis par le conseil, le cas échéant, et les comités d'implantation, après consultation — et, soit dit en passant, la Loi de la Communauté urbaine de Montréal ne va pas plus loin — mais que les employés concernés conservent individuellement tous les recours prévus par les conventions collectives qui les régissent ou, dans le cas des cadres, par des dispositions de la politique administrative et salariale qui les concernent. Si l'établissement du plan d'intégration n'est pas une matière négociable ni son application une matière sujette à un arbitrage général, tout individu qui, en vertu de ce plan, se croirait lésé pourrait exercer les recours prévus par la convention collective qui régit ces conditions de travail ou par la politique admi-

nistrative en ce qui concerne les cadres et le personnel de gérance. Il n'est pas inutile de répéter, M. le Président, qu'en cette matière, les dispositions du projet de loi 71 reproduisent exactement celles de la loi 27, la Loi concernant le regroupement et la gestion des commissions scolaires.

Or, l'expérience a démontré que de telles dispositions correspondent adéquatement aux exigences découlant de fusions ou d'annexions de commissions scolaires. Même si le nombre de commissions scolaires a été réduit de quelques milliers à 189 en dehors de l'île de Montréal, la procédure suivie, quant à l'intégration du personnel, a été satisfaisante.

Un dernier mot concernant l'entente de 1968-1971 s'appliquant aux instituteurs des commissions scolaires. Le décret qui tiendra lieu de convention collective ou les conventions collectives signées contiendront les dispositions requises pour assurer la protection des droits des instituteurs ou autres employés des commissions scolaires touchées par le regroupement du projet de loi 71. Même — et je m'y suis engagé formellement, je reviens sur cet engagement — le cas spécial de la Commission scolaire actuelle de Saint-Laurent fera l'objet d'une clause particulière dans le décret tenant lieu de convention collective pour les instituteurs, s'il doit y avoir un tel décret.

En conclusion de ce point, M. le Président, je dirais que les garanties inscrites dans le code du travail, dans le cas où il y a changement d'employeurs, de même que les textes inscrits dans les conventions collectives justifient entièrement que ne soient pas retenus les amendements proposés par l'Opposition aux articles en cause du projet de loi 71. Il reste, M. le Président, un dernier point que j'ai promis d'aborder. C'est celui qui concerne un amendement du Parti Québécois et qui voudrait qu'un rapport sur les commissions scolaires unifiées soit présenté. Nous n'accepterons pas cet amendement, mais je désire préciser que nous sommes entièrement d'accord pour qu'un tel rapport soit présenté aussi sur d'autres options. En effet, le mandat confié au conseil scolaire est, de ce point de vue, extrêmement clair. Il ne préjuge pas, pas plus d'ailleurs que les différentes dispositions de la loi 71, de ce qui pourrait être recommandé par le conseil. Je crois que c'est extrêmement important parce que c'est l'approche même qui fonde ce que nous avons tenté de réaliser. Il appartiendra au conseil de présenter un, deux ou trois plans d'aménagement.

Il appartiendra au conseil, après consultations et négociations avec ses membres, après les études qui lui paraîtront nécessaires, d'en arriver à une recommandation de ce point de vue. Il est important de se rappeler que c'est le gouvernement qui aura à prendre la décision. Le gouvernement aura même la latitude, devant une recommandation faite dans le cadre que je viens de vous décrire, de demander que l'on reprenne la question et qu'on lui fasse une autre recommandation. Cette approche est fondée sur l'autonomie du milieu, cette approche est fondée sur la responsabilité du milieu. Il y a enfin un amendement qui est nouveau, présenté par le Parti québécois; je crois qu'en le citant, j'aurai véritablement fait un tour d'horizon complet. Cet amendement concerne l'article 620-1) alors qu'on aurait souhaité qu'il soit possible de conclure, avec un centre local de services communautaires ou un centre hospitalier, certains contrats, certaines conventions ayant pour fin d'améliorer la santé des élèves et le milieu social dans lequel ils vivent. Ce pouvoir existe déjà de par le pouvoir général de réglementation du conseil et là encore, dans l'esprit même du projet de loi, il ne parait pas souhaitable de déterminer d'une façon trop précise ces responsabilités. Je suis convaincu que ceci fait partie de tous les efforts que le conseil aura à tenter.

M. le Président, je n'ai rien d'autre à ajouter, sinon pour dire que le gouvernement votera contre tous les amendements de l'Opposition parce que, pour la très grande majorité, ces amendements ne font que reproduire ceux présentés au cours du débat en commission élue. Je me suis expliqué très longuement sur la portée de tous ces amendements; j'ai simplement voulu, dans cette intervention qui sera ma seule intervention, revenir en gros sur certains points, comme l'a souhaité l'Opposition puisqu'elle a voulu reprendre le débat au cours de la discussion du rapport. Je termine en disant que, encore une fois, je considère que mes remerciements doivent aller à tous ceux qui ont participé à ce débat, parce qu'on a su l'orienter vers les points les plus importants du projet de loi 71. Dans mon discours de troisième lecture, je tenterai peut-être de revenir sur cet esprit général qui l'a marqué. Merci, M. le Président.

M. CHARRON: Me prévalant de l'article 97, je voudrais rétablir les faits quant à la présentation d'un amendement, le dernier qu'a signalé le ministre. Le nouvel amendement que nous faisons figurer ce matin, au paragraphe g) de l'article 620, s'adresse aux commissions scolaires et non pas au conseil scolaire. Dans votre réplique, vous avez dit que ce pouvoir existait déjà, au conseil scolaire, dans ses pouvoirs de réglementation. Je vous rappelle, au cas où vous connaîtriez mal votre propre loi, que l'article 620 concerne les pouvoirs des commissions scolaires et qu'à cet endroit, il est permis de rajouter une disposition de plus.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, c'est exact; je m'excuse. Cela n'invalide pas les arguments que j'ai présentés, mais le député de Saint-Jacques a tout à fait raison.

LE PRESIDENT: Nous allons procéder à la mise aux voix des amendements.

M. PAUL: M. le Président, qu'on appelle les députés.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Sur sept amendements proposés par le député de Chicoutimi, parce qu'il y en a un qui a été refusé ou consolidé avec un amendement du député de Chicoutimi, du député de Saint-Jacques, nous pouvons procéder sur les amendements du député de Chicoutimi. Premier amendement à l'article 4.

Est-ce qu'il y a lieu de grouper les votes?

M. PAUL: Non, M. le Président. Je regrette de vous être désagréable mais, en vertu des dispositions de l'article 125, 7e, nous avons le droit de demander un vote successif sur chacun des amendements.

LE PRESIDENT: Vous en avez parfaitement le droit.

Votes sur les amendements de M. Jean-Noël Tremblay

LE PRESIDENT: Le premier vote.

Que ceux qui sont en faveur de l'amendement proposé par l'honorable député de Chicoutimi sur l'article 4 veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Deniers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cet amendement veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Goldbloom, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Fortier, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 20.

Contre: 43.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

Deuxième amendement soumis par l'honorable député de Chicoutimi à l'article 4, section II, amendement à la loi originale, à l'article 585. Est-ce qu'il s'agit du même vote?

M. PAUL: Non, M. le Président, nous demandons le vote enregistré.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Castonguay, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Fortier, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 20.

Contre: 45.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

Troisième amendement proposé par l'honorable député de Chicoutimi, article 4, section II, à l'article original 591. Est-ce qu'il s'agit du même vote?

M. PAUL: Non, M. le Président, je regrette.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. PAUL: Je tiens à signaler aux honorables députés qui siègent à votre droite notre grande générosité, parce que nous pourrions demander l'application de l'article 106.

M. LEVESQUE: II est bien bon!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain,

Picard, Leduc, Fraser, Fortier, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Lomoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 20.

Contre: 44.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

Quatrième amendement proposé par l'honorable député de Chicoutimi. A l'article 4, section III, article original, 620.

Que ceux qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Charron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 20.

Contre: 43.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

Je demanderais au député de Chicoutimi ou au leader... Aux amendements proposés par le député de Chicoutimi, article 4, section III, article original 620, à la page...

M. PAUL: Pour aujourd'hui, nous considérons que le même vote peut s'appliquer à l'article 620 a) et 620 b).

LE PRESIDENT: Je viens de me rendre compte d'ailleurs que c'est le même titre en haut.

M. PICARD: Je demande le vote enregistré tout comme les autres, parce que le député de Maskinongé semble penser qu'il est capable de manipuler les membres de l'Assemblée nationale...

LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est une question d'interprétation du président. C'est le même vote qui s'applique aux trois amendements.

Autres amendements proposés par l'honorable député de Chicoutimi, à l'article 7. Que ceux qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Charron, Joron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetely, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 21.

Contre: 43.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

Amendement suivant à l'article 11 proposé par l'honorable député de Chicoutimi Remplacer le sous-alinéa c) par le suivant...

Que ceux qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetiè-re, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Charron, Joron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 21.

Contre: 43.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

Dernier amendement proposé par le député de Chicoutimi, à l'article 24: remplacer l'article 24 par les suivants... que ceux qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Deniers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Charron, Joron, Lessard.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE : Pour: 21.

Contre: 43.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

A l'ordre messieurs!

Nous allons procéder à la mise aux voix des amendements proposés, et suivant la disposition qu'on trouve dans les projets d'amendements du député de Saint-Jacques. Nous allons procéder à un vote sur l'article 4. Par la suite, nous procéderons à un vote à l'article 24 a). Il y aura deux votes sur les amendements proposés par le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Pourquoi, M. le Président?

LE PRESIDENT: Parce que vous avez soumis, ici, un amendement à l'article 4, tel que c'est rédigé, vous avez en exergue: Article 4. A la suite, vous avez un amendement à l'article 24 a).

M. CHARRON: C'est la même chose pour le député de Chicoutimi. Ils sont forcément à l'intérieur de l'article 4, il y avait 20 pages dans l'article 4.

Votes sur les amendements de M. Claude Charron

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de l'amendement proposé à l'article 4, par le député de Saint-Jacques, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Laurin,

Charron, Joron, Lessard, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Saint-Pierre, Massé (Arthabaska), Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 21.

Contre: 43.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté.

M. CHARRON: M. le Président, j'aimerais poser la question de privilège ici, parce que je considère que le traitement que vous avez fait aux amendements du député de Chicoutimi et le traitement que vous faites aux amendements que j'ai proposés me portent préjudice.

Les amendements que nous avons présentés à l'intérieur de l'article 4, qui, comme je vous le rappelle, est un article immense amendant la Loi de l'instruction publique, qui s'étale sur 20 pages dans le livret ne sont, d'aucune nature, semblables. Il est impossible aux membres de l'Assemblée de se prononcer globalement. Par exemple, en auraient-ils contre la disposition linguistique parmi un des amendements contenus dans l'article 4 et seraient-ils favorables en même temps à la pondération du vote que nous proposons à la structure, que par le vote que vous venez de proposer, on serait obligé de le rejeter. Je pense que vous avec procédé d'une façon avec le député de Chicoutimi, où votre entendement aurait pu aussi bien être aussi difficile à son égard qu'au mien et vous me devez le même traitement que vous avez donné au député de Chicoutimi.

LE PRESIDENT: Je vous ferai remarquer sur cette question de privilège que la rédaction des deux projets d'amendement est totalement différente. Dans le cas qui nous occupe actuellement, on voit — et je pense que vous en avez une copie — que vous traitez un amendement global à l'article 4, avec des sous-sections des articles 585, 592, 593, 618, 619, 620, alors que dans le cas du député de Chicoutimi, vous avez bien distinctement des amendements...

A l'ordre! Nous allons procéder. Je mets

aux voix maintenant l'amendement proposé à l'article 24 a).

Que ceux qui sont en faveur... L'article 106, d'accord.

M. LESSARD: Je demande qu'on lise l'article 106.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques propose à l'article 24 a), d'ajouter après l'article 24, le paragraphe suivant: Aucun salarié ne peut être congédié, mis à pied ou non rengagé, par suite de la mise en application des dispositions de la présente loi, ni ne peut subir une diminution de son traitement. L'affectation des salariés à l'emploi de la Commission scolaire de Saint-Laurent, soit à la commission scolaire no 2, soit à la commission scolaire no 5, est faite en tenant compte du choix individuel des salariés, ceux qui ont le plus d'ancienneté prenant rang avant les autres. La procédure d'arbitrage prévue aux conventions collectives des salariés ou à défaut de telles conventions ou si elle n'y pourvoit pas suivant les articles 88 à 90 du code du travail s'applique au présent article.

Que ceux qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Laurin, Joron, Lessard, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Massé, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc,

Fraser, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE SECRETAIRE: Pour: 20.

Contre: 42.

LE PRESIDENT: L'amendement est rejeté. Maintenant, nous allons procéder à un dernier vote sur le rapport global.

Que ceux qui sont en faveur du rapport veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Hardy, Choquette, Pinard, Garneau, Tremblay (Bourassa), Harvey (Jonquière), Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Bienvenue, Massé, Goldbloom, Mailloux, Cadieux, Vaillancourt, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Leduc, Fraser, Bacon, Berthiaume, Carpentier, Cornellier, Faucher, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Larivière, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Gallienne, Gratton.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Russell, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Latulippe, Brochu, Roy (Lévis), Béland, Guay, Audet, Laurin, Joron, Lessard.

LE SECRETAIRE: Pour: 42.

Contre: 20.

LE PRESIDENT: Le rapport est adopté. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 34)

Reprise de la séance à 15 h 17

Projet de loi no 75

Deuxième lecture

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Le ministre de l'Industrie et du Commerce propose la deuxième lecture du projet de loi 75, Loi concernant la Société générale du Québec.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et en recommande l'étude à la Chambre. En matière de vie économique du Québec, nous avons tenté, au cours des dix premières années, plusieurs initiatives qui ont voulu modifier la direction et l'implication du gouvernement du Québec. Jusqu'au début des années soixante, le gouvernement s'était limité à apporter au secteur privé une contribution en matière d'infrastructure, en matière d'aide à l'investissement et en matière d'aide technique à la petite et à la moyenne entreprise; il avait mis sur pied une série d'institutions, de structures qui visaient à l'impliquer, directement comme gouvernement, soit comme le seul propriétaire ou, dans d'autres cas, comme un des partenaires des entreprises, cela dans le but d'accélérer le développement économique du Québec.

Dans plusieurs de ces cas, qu'on s'en réfère à l'Hydro-Québec, à la Société des alcools, le gouvernement confiait à une société paragouvernementale un quasi-monopole sur un secteur d'activité. Pour des raisons de bien commun, il était nécessaire d'accorder à l'Etat cette responsabilité. Dans deux des cas, que l'on pense particulièrement à la Société générale de financement, nous voulions faire un premier pas en tentant d'associer le secteur privé et le secteur public dans des initiatives qui visaient à développer la vie économique du Québec. Il y aura bientôt dix ans que nous avons cette loi. Sans vouloir refaire l'historique de la SGF, nous pouvons, dans cette période de dix ans, au moins déceler avec un peu de recul certaines des leçons qui s'en dégagent.

Il nous a toujours semblé que nous avions voulu, il y a dix ans, peut-être sans nous en rendre compte réellement, donner à la SGF des objectifs qui ont toujours été contradictoires. D'une part, un des premiers objectifs de la SGF était d'assurer le développement économique du Québec, alors qu'un deuxième objectif, qu'on trouve dans le texte même du projet de loi, visait à attirer l'épargne des Québécois. Or, la seule façon d'attirer l'épargne des Québécois, c'est d'avoir des entreprises qui offrent, en matière de rentabilité, en matière de dividendes, en matière de retour sur l'investissement, des sommes ou des pourcentages qui sont équiva- lents à ce que l'on peut retrouver dans d'autres institutions qui sollicitent l'épargne des Québécois.

Or, sans négliger l'importance de certaines décisions qui sont plus le résultat de facteurs humains, on doit se rendre compte que, dans l'évolution de la SGF, ces administrateurs ont été constamment tiraillés entre ces deux objectifs qui sont presque contradictoires: d'une part, créer des entreprises, sauver les entreprises en difficulté, assurer leur développement régional, et d'autre part, tenter d'attirer l'épargne des Québécois afin d'être capable de redonner des dividendes sous forme de capital investi, soit comme actions ordinaires, soit comme actions privilégiées.

Ces difficultés ont fait l'objet d'analyses très sérieuses au cours des deux dernières années en particulier. Un comité interne du ministère de l'Industrie et du Commerce avait fait une analyse en profondeur de l'ensemble de la Société générale de financement et de ses filiales. Le rapport, connu sous le nom de rapport de Coster, qui est un rapport interne, donnait quelques causes des problèmes de la SGF que je me permets de vous énumérer, et peut-être pour la première fois dans cette Chambre.

Le rapport du groupe de travail, qui comprenait des gens du Conseil du trésor comme des gens du ministère et des gens de l'extérieur, qui avait été soumis au premier ministre en février 1971, énumérait les causes suivantes comme étant les problèmes de la SGF.

Premièrement, mauvais état de la conjoncture économique au cours des deux ou trois dernières années.

Deuxièmement, poursuite d'objectifs difficilement conciliables chargés de susciter la formation et le développement d'entreprises industrielles ou commerciales qui contribuent de façon dynamique au développement économique et à la création d'emplois. La SGF avait également la tâche difficile d'obtenir une rentabilité à court terme, suffisante — et par là je cite textuellement la loi — pour amener la population du Québec à participer au développement de ces entreprises en y plaçant une partie de son épargne".

Troisième cause de difficulté de la SGF: l'achat d'entreprises pour des fins étrangères à une saine gestion, principalement en se livrant à des opérations de sauvetage d'entreprises familiales qui présentaient des problèmes de succession.

Quatrièmement, diversification trop poussée des investissements qui dénotent l'absence d'une politique de développement rationnel et qui rend très aléatoire la recherche d'effets de taille et de complémentarité dans un regroupement d'entreprises aussi disparates.

Cinquième cause: certaines déficiences dans la gestion, que nous n'avons pas l'intention de nier, tant au niveau des méthodes utilisées que des personnes en place — j'aurais quelques mots

plus tard pour cela — bien qu'au niveau des personnes en place, on ne puisse dénoter, nos études l'ont prouvé, aucune mauvaise foi, aucune incompétence flagrante, mais peut-être une certaine inexpérience des Québécois en général, dans ce type de structure, dans ce type d'initiatives. Ces déficiences dans la gestion se retrouvent à la fois dans une trop grande autonomie laissée aux filiales et un contrôle financier trop relâché de la compagnie de portefeuille, la SGF. Deuxièmement, certaines erreurs techniques découlant d'un "know how" insuffisant, particulièrement lorsque la SGF s'engageait seule dans des entreprises nouvelles. Nous avons évidemment à l'esprit les cas de Sogefor et de SOMA. Dans le premier cas, c'étaient des activités forestières; dans le deuxième cas, c'était le montage d'automobiles. Dans ces cas la SGF n'avait pas de partenaires, soit locaux soit étrangers. A cause d'un "know-how" insuffisant, des erreurs techniques importantes ont pu être commises et ont largement grevé les possibilités de succès de l'entreprise.

Il y a également une absence de motivation dans la recherche de profits. Ceux-ci ont pu sembler, dans trop de cas, un objectif secondaire. Il y avait aussi une trop faible proportion des membres de la direction ayant une expérience pertinente dans la gestion d'un conglomérat ou d'une entreprise industrielle.

Les éléments de solution que proposait le rapport de M. de Coster, au sujet des problèmes de la SGF, pouvaient être envisagés à deux niveaux: D'une part, des remèdes à court terme, conçus à l'intérieur des limites de l'orientation de la Loi de la SGF. Des lois ont été votées par ce Parlement l'an passé et elles visaient à ce que le gouvernement absorbe cette partie des déficits accumulés qui pouvaient être directement attribuables à des initiatives, au développement d'entreprises, que ce soit Sogefor ou SOMA.

Il y avait également la nécessité, à court terme, d'un assainissement des finances de la SGF. Des mesures concrètes, qui ne font pas l'objet de projets de loi mais qui ont de l'importance, ont été prises à la fois par le ministère mais surtout par les administrateurs de la SGF au cours des douze derniers mois. Ces mesures visaient à sortir la SGF de certains secteurs trop disparates, à tenter de se départir de fonds qui ne pouvaient, à long terme, satisfaire aux objectifs de la SGF dans des circonstances qui pouvaient être un peu difficiles.

Le rapport de Coster mentionnait également que ces mesures, que ces remèdes pouvaient être, à plus long terme, envisagés par des changements législatifs nécessitant une réorientation de la SGF et tentant de liquider certaines des contradictions, certaines difficultés du départ. J'aimerais m'attarder quelque peu sur ces difficultés pour bien expliquer aux parlementaires le pourquoi et la portée du projet de loi 75. Dans le projet de loi 75, il ne s'agit pas, comme certaines manchettes de journaux ont pu le laisser croire, d'étatiser la SGF. Il s'agit de retrouver la collaboration avec le secteur privé, à un niveau différent d'une compagnie de portefeuille, d'un holding comme la SGF.

Souvent, dans le passé, en retrouvant cette collaboration avec le secteur privé au niveau du holding, nous avons eu des difficultés à nous entendre complètement sur des actions précises prises par la SGF ou envisagées par la SGF au niveau de ses filiales. Si l'essence même du projet de loi no 75 est, d'une part, de racheter les autres partenaires du gouvernement dans la SGF, c'est également, dans un deuxième temps, de nous retrouver comme partenaires au niveau des filiales, là où c'est possible, dans une région donnée, au niveau d'un secteur donné précis où, à l'avance, les partenaires peuvent retrouver des éléments, des objectifs sur le plan de la rentabilité financière.

J'explique très brièvement. Dans le passé, je pense que plusieurs de nos partenaires, que ce soient les Caisses populaires Desjardins, que ce soient les institutions financières, que ce soient les mouvements financiers français, ont pu être d'accord avec la SGF dans certaines initiatives très précises: Cegelec, d'autres types d'initiatives, SOMA ou autres. Ils pouvaient être en profond désaccord avec la SGF dans d'autres filiales qui, pourtant, avaient pour effet de diminuer la rentabilité de l'ensemble de la compagnie de portefeuille.

Par le projet de loi no 75, nous tentons de liquider cette contradiction entre des partenaires qui n'ont pas les mêmes idées, les mêmes objectifs face à un investissement donné, à savoir, d'une part, le gouvernement et, d'autre part, des groupes privés différents, et de tenter de retrouver cette alliance entre le secteur privé et le secteur gouvernemental, non pas au niveau de la compagnie de portefeuille, de la compagnie de holding, mais au niveau de la filiale, là où on peut circonscrire davantage les objectifs de l'entreprise, les objectifs de la filiale, ce à quoi on peut s'attendre dans cinq ans, dans dix ans, sont les risques, quelles sont les difficultés.

Plus que cela — j'y reviendrai plus tard — je pense que ceci nous permettra, au niveau des régions et particulièrement dans cet objectif qui visait à attirer l'épargne des Québécois, d'avoir une réaction beaucoup plus intense que nous avons pu en avoir dans le passé. Je pense en particulier aux caisses d'entraide économique qui, dans certaines régions, à cause de difficultés au niveau de la gestion de portefeuilles industriels, sont un peu obligées d'utiliser leurs fonds strictement dans l'impôt hypothécaire de maisons. Ces gens, actuellement, hésiteraient un peu à confier de l'argent à la SGF, sachant que cet argent, si on prend le cas de la Caisse d'entraide économique du Saguenay-Lac Saint-Jean, pour citer un cas d'espèce, on pourrait l'utiliser pour Sogefor, pour SOMA, dans des régions qui ne sont pas propres à leurs propres entreprises.

Si nous pouvions avec le projet de loi 75,

avoir au niveau des filiales, une action, une collaboration entre le secteur gouvernemental et le secteur privé dans un type d'entreprises bien défini â l'avance, avec une filiale, au Lac-Saint-Jean, qui pourrait s'occuper de la transformation du bois, je pense qu'il serait beaucoup plus facile d'attirer une participation des gens du Lac-Saint-Jean qui retrouveraient une entreprise oeuvrant dans leur propre région, dans un secteur que les gens connaissent beaucoup.

Le désavantage des holdings, s'ils permettent d'aplanir les risques que comportent certains investissements, c'est que les partenaires, au départ, doivent se satisfaire d'une moyenne de rendement, d'une moyenne de performance qui est strictement la moyenne des investissements dans chacune des filiales. Avec la nouvelle loi, le gouvernement, pour utiliser des mots de la presse, aura socialisé la SGF, il sera l'unique partenaire de la SGF. Il entend bien reconstituer ou retenir la formule mixte de l'Etat, l'accentuer même, puisque, à plusieurs reprises, j'ai déjà déclaré que, dorénavant, nous avons l'intention d'éviter des cas comme SOMA ou comme Sogefor où la SGF, une entreprise gouvernementale, s'est lancée dans un secteur donné sans partenaires du groupe privé qui pouvaient apporter à l'entreprise à la fois un "know-how", à la fois une connaissance en gestion et à la fois une participation â l'équité.

Les échecs de la SGF ont été surtout, d'une façon très flagrante, dans des secteurs où elle s'est lancée à cent pour cent dans une entreprise donnée, comme SOMA ou Sogefor. Sans partenaires, sans personnes qui apportaient une contribution, nous avons tenté de faire une percée dans un secteur où, comme je l'ai mentionné, des erreurs techniques, à cause d'un manque d'expérience, nous ont coûté très cher.

Le rapport de Coster, qui a donné lieu à cette analyse de la situation, nous a permis, au cours des douze derniers mois, d'envisager plusieurs réformes, d'apporter, au niveau des décisions du conseil d'administration, un assainissement de la situation financière de la SGF. D'ailleurs, je suis heureux de dire que sûrement les chiffres de 1972 indiqueront une amélioration substantielle au niveau des performances de chacune des filiales de la SGF.

Mais, comme je le mentionnais également, le rapport de Coster nous recommandait, à plus long terme, de liquider cette difficulté de l'association avec le groupe privé et de tenter de la retrouver au niveau de la filiale. Il faut dire que la loi qui est devant cette Chambre, la loi 75 — je tiens à le préciser — n'est pas la panacée à tous les problèmes de la SGF. Ce n'est qu'une de plusieurs initiatives prises par le gouvernement au cours des derniers mois pour tenter d'améliorer la situation de la SGF.

Il semble peut-être nécessaire, avant de discuter le fond même de la proposition qui est devant nous, d'expliquer brièvement que le gouvernement ne veut pas établir une certaine confusion entre des organismes comme la Caisse de dépôt ou la Société de développement industriel.

Bien sûr, nous tentons de plus en plus d'intéresser la Caisse de dépôt à participer au capital-actions d'entreprises québécoises. Mais à chaque fois, la Caisse de dépôt, ayant cette responsabilité de bien administrer des fonds publics, des régimes de retraite des fonctionnaires ou d'autres personnes de la province, a toujours et uniquement cette seule préoccupation: une rentabilité maximum des sommes investies, même dans une perspective à plus ou moins long terme.

Par exemple, lorsque nous prenons des cas précis, comme le cas de Cabano, le cas de Témiscamingue, je pense que le conseil d'administration de la Caisse de dépôt doit uniquement se poser la question: Pouvons-nous envisager, dans un tel investissement, de retirer le maximum de profits? Si, par contre, l'investissement ne donne pas un maximum de profits, je pense, en ayant à l'esprit le bien commun de l'ensemble de la province, que la Caisse de dépôt est justifiée d'investir dans d'autres sociétés qui offrent des perspectives de rentabilité économique plus grandes.

La Société de développement industriel, comme son nom l'indique et comme vous le savez tous, a un rôle différent de la SGF. Elle est plutôt non pas une société qui, en général, prend des initiatives données, identifie des marchés et tente de faire des percées mais une société qui constitue un apport surtout à la petite et à la moyenne entreprise québécoise, ou même à la grande entreprise québécoise. La société, sur le plan du financement, sur le plan de prêts à intérêt réduit, sur le plan d'émission d'obligations industrielles, de la construction d'édifices — elle est encore à ses premiers 18 mois de fonctionnement — vise essentiellement à réagir, non pas à prendre l'initiative, à des initiatives du secteur privé et à apporter une contribution pour rendre possibles des projets, au Québec, soit au niveau du financement ou soit au niveau du capital-actions.

Mais là, on se rappelle que la charte constitutive de la SDI l'oblige à se restreindre à 30 p.c. du capital-actions des sociétés dans lesquelles elle investit. C'est donc dire que nous retrouvons, si on tient compte de cas comme Soquem, Soquip, dans des secteurs donnés particuliers, tout un secteur où le gouvernement pourrait investir, en retrouvant une association avec le secteur privé, dans des cas où sa participation pourrait être supérieure à 30 p.c. Mais, comme je l'ai indiqué, nous allons tenter, dans tous les cas possibles, de trouver un partenaire privé, qui soit québécois ou qui soit étranger, pour nous permettre de faire une certaine percée dans les secteurs donnés.

Ce cas de la SGF n'en est pas un, donc, comme la Caisse de dépôt, pour retirer le maximum à court terme ou à moyen terme, des investissements donnés. Ce n'est pas un support

ou un appui à des initiatives privées en matière de financement, mais c'est bien là où le gouvernement, par des initiatives, par des études, identifie des marchés, recherche des partenaires et tente de rendre possible dans des régions du Québec ce qui autrement pourrait être très difficile, sinon impossible.

Donc, la proposition du projet de loi 75 est essentiellement de deux ordres. Premièrement, retrouver à l'intérieur de la SGF un seul actionnaire, le gouvernement du Québec. Deuxièmement, donner l'autorisation au lieutenant-gouverneur en conseil de faire une offre aux autres actionnaires que nous avons actuellement dans la SGF pour racheter tant le capital-actions que les actions privilégiées détenues par ces personnes.

J'insiste de nouveau, nous allons espérer, dans un deuxième temps, retrouver l'association avec le secteur privé au niveau des filiales de la SGF, là où la rentabilité est précise, là où l'objectif n'est pas flou, n'est pas une accumulation d'initiatives, mais là où il est circonscrit par les buts mêmes de l'entreprise.

Essentiellement donc, le projet de loi vise ces deux objectifs et les différents articles soutiennent celui de permettre au gouvernement le rachat des entreprises.

Les gens pourront se demander: N'est-il pas abusif, dans un projet de loi, de donner pleine latitude au gouvernement, d'offrir le prix que le lieutenant-gouverneur veut bien offrir aux actionnaires de la SGF? Je tiens à assurer à tous les députés de cette Chambre que toutes les précautions ont été prises pour que le prix offert à nos actionnaires de la SGF était réellement équitable, compte tenu de l'ensemble de l'expérience des dix ans.

Nous avons fait faire au cours de l'été, par des firmes reconnues, une évaluation systématique, complète de chacune des filiales, évaluation qui, il va sans dire, a dépassé largement une évaluation de la valeur aux livres de ces filiales, mais qui a tenu compte de leurs possibilités des investissements. Elle a également tenu compte du personnel de gestion de ces filiales et, surtout, de leur potentiel de profits, de bénéfices possibles annuels, ajoutés à ça. On a multiplié par un facteur conforme au secteur industriel dans lequel nous les retrouvons.

Ceci a donné lieu par la suite à des négociations — si je peux employer le mot — des discussions préliminaires, avec le mouvement Desjardins en particulier, qui avait investi beaucoup dans la SGF, pour tenter de nous assurer qu'au niveau de chacune des filiales notre évaluation était juste et précise. Vous comprendrez bien que le cas de la SGF nous cause des difficultés un peu particulières, puisque la SGF est, un peu comme la province de Québec, une entité qui n'est pas comme les autres. C'est une compagnie sujette aux lois ordinaires de la province, sujette en particulier — puisqu'elle est cotée en bourse — aux lois des valeurs immobilières.

D'autre part, c'est une compagnie assujettie aux lois de l'Assemblée nationale, en particulier pour la constitution de son conseil d'administration et pour l'entiercement de l'actif qu'avaient placé les caisses populaires dans la SGF. Il nous fallait donc mener l'opération en deux temps: tenter d'être constamment conformes à la Loi de la commission des valeurs immobilières et en même temps tenter de respecter la loi de la SGF votée par ce Parlement. C'est pour cette raison que nous tentons aujourd'hui de parachever l'opération en demandant à l'Assemblée nationale la permission d'acheter nos autres partenaires suivant l'essence des discussions qui ont eu lieu.

D'ailleurs, le projet de loi veut simplement donner, dans un cas très précis, au lieutenant-gouverneur la même délégation d'autorité qu'on retrouve dans la loi de certains des ministères. Je pense qu'il serait ridicule d'avoir une loi pour autoriser le ministre des Travaux publics à vendre tel édifice à tel prix. Bien sûr, on lui fait confiance, on lui donne un mandat et on lui demande d'être responsable des actes qu'il pose. Bien sûr, dès que nous ferions, comme gouvernement, l'offre officielle aux partenaires, copie de cette offre serait discutée devant cette Chambre et lorsque nous aurons l'occasion de discuter les crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce, nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes les questions pour tenter de justifier le sens de l'offre même.

Je dois dire — et je pense que je vais être brutalement franc — que compte tenu du fait qu'une partie importante du portefeuille de la SGF se retrouve dans la compagnie Marine, et compte tenu de —on comprendra qu'en dévoilant ceci j'ai eu des ordres très stricts du premier ministre de m'assurer que l'offre n'était pas trop élevée — l'autre partenaire que nous avons dans le groupe Marine et du fait que ce partenaire détient un certain pourcentage du portefeuille de la SGF, ceci a tenté à diminuer nos offres. D'autre part, le mouvement Desjardins ayant payé $10 les parts il y a déjà dix ans, nous avons tenté de lui donner le maximum possible, compte tenu de notre responsabilité de bien administrer les fonds publics. Comme je l'ai expliqué, notre offre repose essentiellement sur une analyse très détaillée de chacune des filiales de la SGF, analyse qui, à la suite de discussions avec le mouvement Desjardins en particulier, a donné lieu à une légère modification.

Dans le projet de loi, nous retrouvons également une diminution du conseil d'administration de la SGF. Je pense que le conseil de seize pour une compagnie de portefeuille comme celle-là n'a pas été une expérience tellement heureuse et nous préférerions avoir un conseil plus restreint de sept membres qui seraient nommés par le gouvernement. Encore une fois, je réitère qu'au niveau des filiales, la SGF se retrouvera dans le secteur privé, surtout avec des Québécois, mais également avec des étran-

gers qui pourront apporter à la fois une participation à l'équité et une contribution au niveau de la gestion de l'entreprise et au niveau de la technologie donnée.

Evidemment, M. le Président, en regardant l'avenir, il est bien sûr que la loi que nous étudions n'assure pas le succès de la SGF. Si elle permet la transaction, si elle permet de liquider cette contradiction dans les objectifs, de liquider cette contradiction des partenaires qui pouvaient être motivés d'une façon différente dans les opérations de la SGF, elle pose tout entier le problème sur lequel nous nous sommes attardés depuis déjà plusieurs mois: la saine administration de la SGF. Les récentes nominations que nous avons faites, le soin très particulier que nous apporterons à la nomination des gens au conseil d'administration de la SGF, et, je pense, le temps considérable que j'ai personnellement, avec le premier ministre, donné au dossier SGF, devraient prouver hors de tout doute que nous n'avons nullement l'intention de liquider l'entreprise.

Je pense que dans le moment tous conviendraient que la plus mauvaise contribution que nous pourrions faire, le tort le plus considérable que nous pourrions faire à la SGF serait de l'inonder de $1 million, $2 millions, $3 millions ou $4 millions que le gouvernement pourrait lui confier.

Je pense qu'il est essentiel de franchir un plateau, d'assainir la position financière de la SGF, mais si, à la fin de l'exercice de 1973, celle-ci révèle, des performances intéressantes sur le plan économique et sur le plan de la rentabilité, c'est l'intention du gouvernement de ne pas ménager ses efforts pour lui donner un capital-actions plus substantiel qui lui permettrait d'avoir un effet plus considérable dans plusieurs des régions du Québec.

Evidemment, j'aimerais également mentionner, M. le Président, que, pour les filiales de la SGF que nous allons créer, nous tenterons de trouver une contribution du secteur privé. Lorsque ces filiales auront une carte de visite ou une fiche de séjour intéressante qui indiquera, pendant deux ou trois ans, une situation financière saine, un taux de croissance intéressant, il n'est pas impossible que nous tentions d'en faire des compagnies à capital, des compagnies publiques cotées aux Bourses et auxquelles la population et le petit investisseur pourraient, dans un secteur très précis, contribuer.

Je pense que nous allons, comme j'expliquais plus tôt, avoir une meilleure réaction de la population. Pour citer des cas très précis, je pense qu'il serait relativement possible d'avoir une contribution des gens du secteur de Charlevoix, dans une compagnie comme Donohue, si cette compagnie, après deux ou trois ans où les profits sont intéressants, devenait une compagnie publique — elle l'est, d'ailleurs — à laquelle les gens de l'endroit pourraient participer.

De même, cela pourrait se faire pour une compagnie qui exploiterait surtout au Lac-

Saint-Jean, bien que ce ne soit pas notre intention que les compagnies de la SGF aient une vocation uniquement régionale. Souvent, à cause du milieu, à cause des ressources naturelles à développer, à cause du type d'entreprises, la compagnie s'identifie à un secteur donné. Lorsque la compagnie, non pas immédiatement au début comme ce fut, il me semble, l'erreur de la SGF, mais après trois ou quatre ans, aura enfin un certain record de course, il n'est pas impossible que nous fassions de compagnies qui ne sont pas publiques dans le moment des compagnies publiques pour tenter d'attirer l'investissement privé ou l'épargne des Québécois.

J'irai même, M. le Président, à dire davantage. Dans certains cas, si la SGF a rendu possibles, dans des régions données, certaines entreprises, il n'est pas exclu qu'après que cette filiale sera devenue une compagnie publique fonctionnant bien la SGF s'en retire et laisse le milieu agir, pour utiliser ces fonds dans d'autres secteurs qui sont à développer au Québec. Car, souvent, nous nous rendons compte au ministère de marchés importants qui ne sont pas réellement exploités, qui ne sont pas développés. On nous fera grâce de tenter l'impossible, mais de ne pas pouvoir courir avant d'apprendre honnêtement à marcher.

Encore récemment, les journaux indiquaient un secteur très important où le Québec n'a aucune raison de ne pas avoir une prédominance, c'est le secteur des chauffe-eau, qui est tellement relié à notre énergie électrique. Pourtant, on sent la difficulté d'intéresser les industriels Québécois à accaparer une plus large part du marché québécois des chauffe-eau. Mais pour accaparer une telle industrie dans le type d'économie que nous avons, je pense qu'il est essentiel que l'entreprise soit rentable, que, sur le plan de la productivité, sur le plan de son capital humain, sur le plan de sa rentabilité financière, elle puisse se comparer à d'autres entreprises dans d'autres secteurs et, en particulier, être capable d'offrir au consommateur, au marché, des prix aussi intéressants que les entreprises étrangères.

C'est là, peut-être, que la SGF pourrait avoir un rôle à jouer. Je ne voudrais pas m'étendre, mais le projet de loi 75 consiste donc en une série de mesures visant à permettre à l'Etat de transformer la structure financière de la SGF, tout en s'octroyant des pouvoirs administratifs qui correspondent à ses nouvelles responsabilités. De plus, comme je l'ai mentionné, nous ne voudrions pas que ce projet de loi 75 soit la panacée de nos initiatives en matière industrielle.

Nous tentons, par des efforts modestes, mais des efforts qui impliquent non seulement un ministre ou un gouvernement mais beaucoup de fonctionnaires, de faire des rapprochements entre toutes les institutions québécoises, celles qui oeuvrent dans le secteur économique. Qu'on pense à Soquem, qu'on pense à l'Hydro-Québec, qu'on pense à Sidbec. Il est essentiel

que tous ces organismes semi-publics se retrouvent et puissent participer davantage au développement du Québec.

On doit déplorer, â juste titre, que dans le passé ces organismes aient tenté de trop oeuvrer par eux-mêmes dans un champ donné. Il ne s'agit pas d'avoir une mainmise de l'Etat ou une mainmise sur le plan politique, avec un petit "p", sur chacune de ces entreprises. Je pense qu'il est essentiel, tous les Québécois le reconnaissent, que le Pouvoir politique, avec un "p" majuscule, puisse apporter un effort de concertation dans chacune de ces entreprises. Les études que nous poursuivons au ministère nous permettent d'identifier des secteurs donnés. Le projet de loi qui est devant nous concerne un secteur fort important qui est, comme je l'ai expliqué, distinct de la Caisse de dépôt, distinct de la Société de développement industriel, où les initiatives sont importantes. Il nous donnera une possibilité réelle d'un apport tant sur le plan régional que sur le plan sectoriel.

Bien sûr, l'expérience des dix dernières années pourrait être, pour certains, amère, pourrait être presque la raison d'un découragement; en effet, les parts qui ont été données à $10 sont sur le marché maintenant à $4.50. Je ne partage pas ce pessimisme. Je pense que nous devons tirer de véritables leçons et réaliser qu'au Québec, sur le plan économique, différent des autres points de vue, les initiatives de l'Etat — je crois que c'est éminemment sain — doivent être constamment sujettes à la comparaison avec les possibilités du secteur privé. Je suis bien placé — pour avoir été au ministère de l'Education — pour dire que dans les secteurs de l'Education et des Affaires sociales, les initiatives de l'Etat étant essentiellement un secteur de monopole, nous n'avons aucun baromètre qui nous permette de juger précisément et au jour le jour l'efficacité de ces secteurs.

Tous les efforts sont faits pour améliorer les rendements. Gouvernement après gouvernement, on tente d'introduire des méthodes de gestion plus sophistiquées. Mais nous n'avons pas le parallèle — je pense que c'est nécessaire puisque ça deviendrait un déboublement des ressources — qui nous permet de comparer l'efficacité du système d'éducation, que ce soit au niveau des CEGEP, des universités et des commissions scolaires, à celle du secteur privé. Dans d'autres secteurs économiques — on pense à la Société des alcools, à l'Hydro-Québec — là aussi il y a un certain monopole qui ne nous permet pas de juger de l'efficacité de l'entreprise.

Dans un secteur comme la SGF, comme Sidbec, le gouvernement a tenu à respecter toutes les règles du jeu. Il a tenu â soumettre ces entreprises aux lois de la concurrence, au vent violent de la concurrence internationale qui exige des critères d'efficacité, de rentabilité, de dynamisme, de taux de croissance. Je pense qu'il est sain que dans ce secteur on tente de faire les premiers pas. La SGF, donc, se compare peut-être mal avec certaines entreprises, comme le Québec se compare peut-être mal avec l'Ontario. Mais, si on analyse les performances de grandes compagnies américaines, celles-ci ont pu connaître, de 1968 à 1970, les mêmes difficultés que la SGF; celles-ci ont pu connaître, en Bourse, une dévaluation de leurs actions pour des raisons reliées à la conjoncture.

Il s'agit de prendre une entreprise dont nous avons raison d'être fier, la compagnie Bombardier; il y a deux ans, ses actions étaient cotées $22 à la Bourse et, ce matin, elles sont quelque part aux alentours de $7. C'est la conjoncture et d'autres facteurs qui ont joué. Il n'y a aucune raison de désespérer des possibilités de l'entreprise.

Je pense, au contraire, que Bombardier, au cours des prochaines années, va être appelée à connaître un haut taux de croissance.

Donc, on n'a aucune raison de désespérer de la SGF et, là, je tiens à vous assurer que le gouvernement n'a aucunement l'intention, comme certaines mauvaises langues ont voulu le prétendre, de liquider la SGF. Au contraire, nous voulons assainir sa position. Nous voulons lui faire franchir un plateau. Nous voulons lui permettre de se réorganiser. Mais nous n'hésiterons pas, lorsque le temps sera venu — je pense que tous conviennent qu'actuellement le temps n'est pas venu — à injecter des sommes additionnelles dans le capital-actions. Nous serons d'autant mieux placés pour le faire, qu'alors nous serons le seul actionnaire de la SGF. Ce sera beaucoup plus facile car nous ne serons pas obligés de faire un appel de fonds d'actionnaires qui sont souvent récalcitrants lorsqu'il s'agit de contribuer davantage à une entreprise qui a certaines difficultés.

Si, d'une part, il ne faut pas se décourager face aux efforts du Québec en matière économique, s'il faut, tous les jours, persévérer et que chacun y apporte sa contribution, d'autre part, je pense qu'il serait éminemment malsain de penser qu'on puisse bâtir, en matière économique, avec des rêves, des chimères. Il serait énormément malsain de penser que, sur le plan économique comme sur tout autre plan, au Québec, on puisse uniquement compter sur des surhommes. Ceux qui tentent de bâtir des sociétés en émettant, comme première hypothèse, que les gens seront des surhommes, que, sur les tablettes du gouvernement, se trouvent des administrateurs hors pair qui ne demandent pas mieux que d'aller dans des régions pour tout régler, se trompent. Nous n'avons pas ces administrateurs hors pair. Le véritable défi pour le gouvernement, c'est tant à l'intérieur du gouvernement qu'à l'extérieur, de tenter, par tous les moyens possibles, d'obtenir le maximum d'une pâte qui a son potentiel, ses qualités, ses défauts et aussi ses handicaps.

A plusieurs reprises, nous avons fait un appel particulier à la jeunesse du Québec, à la contribution qu'elle pouvait apporter. Une des grandes déceptions que j'ai eues comme minis-

tre de l'Industrie et du Commerce, en visitant les différentes régions du Québec, fut de constater que nos chefs d'entreprise, ceux qui sont prêts à créer des emplois — parce que créer des emplois ne peut pas être uniquement la fonction d'un premier ministre ou d'un ministre de l'Industrie et du Commerce; c'est aussi la fonction de tous les Québécois — dans une large mesure, et je le déplore, ne sont pas le produit de notre système d'éducation. Ils ne sont pas, dans une large mesure, le résultat des efforts que nous avons demandés aux ouvriers, aux cultivateurs, à toute la population du Québec.

Je ne voudrais pas décrier nos chefs d'entreprise en parlant de leurs limites. Au contraire, j'ai le plus profond respect pour ces gens qui ont une quatrième, cinquième, sixième ou septième année et qui n'hésitent pas, à coups de sacrifices personnels, de bâtir quelque chose au Québec. J'ai, non pas un profond dégoût, mais presque du mépris pour ces gens qui ont reçu beaucoup de la société et qui tentent de bâtir uniquement autour d'une bonne bouteille de vin, dans une discothèque de Montréal, en élaborant des chimères et des plans qui n'ont rien à voir avec la réalité.

Je compte qu'au cours des prochaines années nous allons avoir une réaction plus positive de notre jeunesse. J'aurais plus de respect pour ceux qui n'hésiteront pas à aller dans des régions éloignées du Québec pour bâtir. Car nombre de secteurs nous permettraient d'avoir des entreprises qui seraient rentables, dynamiques. Mais, pour ça, il faut accepter que, dans le secteur économique, on ne puisse pas uniquement bâtir en théorie, mais qu'il faut bâtir en regroupant des ressources humaines et en dénotant autant d'efficacité que nos concurrents, que ceux-ci soient des Japonais ou des Américains.

Je le dis, mais avec beaucoup de respect, puisque nos chefs d'entreprise m'ont montré — c'est peut-être une des raisons; on en donnera prochainement — qu'au ministère, malgré des difficultés, il y a plusieurs points très positifs. Malgré des difficultés à créer tous les emplois que nous aimerions créer, on est profondément encouragé lorsque, comme je l'ai fait récemment, on va dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean et qu'on rencontre le propriétaire des entreprises Tanguay. C'est quelqu'un qui a peut-être sa septième ou sa huitième année, mais qui a réussi à mettre au point, avec presque les moyens du bord, un produit qui, selon ce que des présidents de compagnies américaines me disent, est deux ans plus avancé que le marché.

On est impressionné, dans des secteurs donnés, de voir ce qu'il est possible de créer. Je pense qu'au Québec nous n'avons pas un problème d'argent. Le député de Saguenay me sourit. On peut dire que le fédéral devrait nous donner plus d'argent, mais, foncièrement, est-ce qu'on ne doit pas admettre qu'au Québec, sur le plan économique, on n'a pas un problème d'argent? Je pense que, foncièrement, au Qué- bec, on n'a pas un problème de ressources, parce qu'il y a des gens qui ont prouvé leurs capacités. Mais nous avons réellement le problème de mettre tout ça ensemble, de trouver des gens qui sont prêts à bâtir des entreprises et qui ont les deux pieds sur terre.

M. ROY (Beauce): Est-ce que l'honorable ministre me permettrait une question?

M. SAINT-PIERRE : Sûrement.

M. ROY (Beauce): Je m'excuse, je ne voudrais pas être désagréable à l'endroit du ministre. Quand même, il y a une question. Vous dites que le Québec n'a pas de problème d'argent. Est-ce que l'honorable ministre des Finances est d'accord avec vous sur ce point?

M. SAINT-PIERRE: Le Québec n'est pas?

M. ROY (Beauce): Le Québec n'a pas de problème d'argent. Est-ce que le ministre des Finances est d'accord avec vous sur ce point?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, tout est relatif dans la vie. Je pense que le ministre des Finances nous a démontré, d'une façon très positive, que la dette du Québec est beaucoup moindre aujourd'hui qu'elle ne l'a été, per capita, comparée à nos revenus. Le ministre des Finances nous a dit qu'il y a 20 ans cela nous prenait quatre ans des revenus de la province pour payer notre dette, alors qu'aujourd'hui cela nous prend deux mois. Le ministre des Finances nous a montré que la dette du Québec, il y a à peine dix ans, était une des plus hautes per capita au Canada. Ce sont les chiffres de Statistiques Canada. Je sais que vous n'avez pas confiance en la Banque du Canada mais...

M. LATULIPPE: On a changé les méthodes comptables depuis ce temps-là.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, je pense que nous allons revenir au sujet pour la conclusion.

Donc, je pense qu'il y a une leçon à tirer de l'expérience de la SGF. Cette leçon ne doit pas nous décourager ni nous faire persévérer et rêver en couleur dans des secteurs donnés. Froidement, nous devons tenter d'attirer des administrateurs. Froidement, nous devons tenter d'obtenir l'efficacité et, remplis d'enthousiasme, nous devons tenter une plus grande concertation avec les outils que l'Etat s'est donnés.

En présentant le projet de loi 75, il ne faut nullement y voir une liquidation de la SGF. Au contraire, nous donnons suite à un comité d'étude composé de M. de Coster, du secrétaire du Conseil du trésor, M. Bélanger, et certains autres qui s'étaient penchés sur le problème. Ils ont fait des recommandations auxquelles nous avons souscrit. Ce n'est pas la panacée à tous les

problèmes de la SGF, mais un moyen de plus que, parmi tant d'autres, le gouvernement, concrètement et tous les jours, tente de prendre pour assainir la position de la SGF. Pour cette raison, je recommande l'adoption du projet de loi 75.

M. LAURIN: M. le Président, j'invoque le règlement. Je remarque que le ministre s'est appuyé, à plusieurs reprises, dans son intervention, sur le rapport De Coster. Il l'a cité au début et au milieu de son intervention.

Est-ce que le ministre aurait objection à déposer immédiatement ce rapport pour que nous puissions en prendre connaissance et l'utiliser pour les fins de la discussion?

M. SAINT-PIERRE: Honnêtement, il ne serait pas dans l'intérêt public de dévoiler le rapport De Coster. Je n'ai pas de cachette à faire. C'est que le rapport s'est penché sur des personnes, s'est penché sur l'administration de certaines filiales données. Honnêtement, je vous ai donné, mot à mot, les causes que le rapport avait identifiées, c'est-à-dire les problèmes de la SGF. Je vous ai donné, mot à mot, les recommandations du rapport De Coster. Ce n'était pas un rapport de commission d'enquête. On n'a pas fait venir de témoin. Il n'a pas été conçu et écrit pour être rendu public. C'est plutôt un rapport remis au premier ministre et lui recommandant des actions à prendre à la SGF.

M. LAURIN: M. le Président, sur la même question de règlement. Le ministre vient de dire qu'il a cité, mot à mot, le rapport De Coster, même s'il ne veut pas en dévoiler...

M. SAINT-PIERRE: Non. J'ai dit que j'ai cité, mot à mot, les causes qu'on retrouve dans le rapport De Coster.

M. LAURIN: Mais oui, justement. M. le Président, j'invoque l'article 182, que vous connaissez aussi bien que moi. Il s'énonce ainsi: "Quand un ministre cite, ne serait-ce qu'en partie, un document, il peut être requis, sans autre formalité, de le déposer immédiatement, à moins qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt public de le faire." En conséquent,...

M. SAINT-PIERRE: Invoquant le même article,...

M. LAURIN: ... je me demande si le ministre ne pourrait pas revenir sur sa décision.

M. SAINT-PIERRE: ... M. le Président, je déclare qu'il est d'intérêt public de ne pas le dévoiler.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, en abordant l'étude du projet de loi 75, qui concerne la SGF, qui est une société mixte, pour l'instant, mais qui sera entièrement publique si ce projet de loi est adopté, on touche un des sujets, dans le domaine économique, qui, à mon avis, est parmi les plus importants pour les Québécois.

En effet, je pense qu'il faut se rappeler et resituer, en guise d'introduction à ce débat, l'importance qu'ont, pour les Québécois, ces sociétés publiques mixtes, qui ont fait leur apparition ou enfin qui ont pris de l'importance et dont on s'est mis à discuter, pour la première fois au Québec, au début des années soixante, à une époque où certains disaient qu'on sortait d'une grande noirceur et qu'on entreprenait une révolution tranquille. Il fallait maintenant se lancer dans des domaines nouveaux.

Là, on a commencé à créer un certain nombre de sociétés, dont quelques-unes sont devenues très importantes. Pourquoi, à ce moment-là — et cela reste encore vrai aujourd'hui, bien davantage — a-t-on senti que si on voulait entrer dans les ligues majeures, sur le plan économique, si on voulait devenir — je vous rappelle les slogans de l'époque — un peu maître chez nous, si on voulait, en d'autres mots, commencer à exercer un certain contrôle sur l'orientation de l'activité économique, au Québec, il fallait se donner des instruments puissants. Il était apparu, à ce moment-là, que seul l'Etat avait des ressources suffisantes ou une capacité d'organisation suffisamment grande pour entrer dans les ligues majeures.

L'expérience le confirme parce qu'on sait qu'aujourd'hui — le ministre de l'Industrie et du Commerce en conviendra parce que ce sont sûrement des faits et statistiques dont il est au courant — parmi la soixantaine de très grandes entreprises, au Québec, disons celles dont le chiffre d'affaires dépasse les $100 millions par année, il y en a à peu près, dans le secteur industriel, pas beaucoup plus qu'une cinquantaine ou une soixantaine, au Québec. Elles sont responsables, en somme, comme groupe, de pas loin des trois quarts de notre production industrielle. C'est donc dire qu'on est à l'ère des grandes entreprises et qu'en fait tout notre secteur industriel est basé sur un nombre assez restreint d'entreprises qui sont assez grandes.

Parmi cette cinquantaine ou cette soixantaine d'entreprises, si on exclut de cette catégorie la Coopérative fédérée, incluant la Coopérative agricole de Granby, si vous voulez, dans le secteur agro-alimentaire, il n'en reste que trois qui sont contrôlées par les Québécois dont deux sont publiques — une l'est à moitié mais le deviendra, si nous adoptons ce projet de loi — et une autre est privée. Il y a Sidbec, qui est une compagnie d'Etat, la SGF, le complexe de Marine Industries et tout l'ensemble, et Bombardier. Ce sont les trois seules entreprises

québécoises contrôlées par des Québécois, dans le secteur industriel, dont le chiffre d'affaires dépasse environ $100 millions par année.

Deux, disais-je, sont des entreprises d'Etat et une est une entreprise privée. C'est donc dire qu'elles sont les points d'appui sur lesquels on peut commencer à se tailler une place dans le monde industriel. L'expérience, l'histoire nous montrent que si on n'avait pas crée ces entreprises publiques, il n'y aurait pas trois entreprises, aujourd'hui, mais il n'y en aurait qu'une, parmi les soixante, soit Bombardier, et encore, on ne le sait pas. Possiblement que dans l'intervalle, la famille Simard, de Sorel, qui a vendu 60 p.c. de Marine Industries à la SGP, il y a déjà sept ou huit ans — c'était vers 1964 — l'aurait peut-être vendue à un groupe américain, comme ils ont fait avec Sorel Steel, qui a été vendue à Crucible Steel.

C'est donc dire que si on ne s'inquiète pas et si on ne se préoccupe pas de créer, dans le domaine industriel, et surtout dans cette partie de notre économie qui est la plus faible, dans le domaine de l'industrie lourde, de toutes pièces, de grandes entreprises publiques, qu'on ne rêve pas en couleurs, il n'y aura pas d'entreprises québécoises qui naîtront dans ce secteur, et notre contrôle, au lieu de rester ce qu'il est ou d'augmenter, sur l'ensemble du secteur industriel, diminuera. Nous avons le choix entre rester assis et souhaiter qu'apparaissent des entrepreneurs privés, qui ne se sont jamais manifestés, à quelques exceptions près, évidemment, mais une invention comme Bombardier, vous conviendrez qu'on n'en voit pas à toutes les années, ni même à tous les dix ans, on pourrait même dire ni même à toutes les générations. Alors si on s'assoit, comme peuple, et qu'on attend que des petits génies comme Armand Bombardier poussent pour doter l'économie québécoise d'une série de grandes entreprises contrôlées par les Québécois, on risque drôlement d'attendre longtemps. Ce serait une politique économique fort aléatoire et complètement fondée sur l'incertain. Il faut agir.

Les gouvernements précédents, même s'ils ont commencé à le faire timidement, l'ont compris.

C'est ce que le gouvernement Lesage avait commencé à faire au début des années soixante.

Il y a un deuxième problème. Ce n'est pas seulement le fait que nous contrôlons seulement trois des soixante grandes entreprises industrielles au Québec, c'est que si nous n'arrivons pas à contrôler une partie importante de notre secteur industriel, qui est finalement le coeur et le moteur de l'ensemble de l'activité économique — on n'a pas besoin d'ergoter longtemps là-dessus pour le savoir — nous ne contrôlerons pas non plus notre destinée culturelle, comme le premier ministre nous le propose depuis un certain temps sous la forme d'une souveraineté culturelle.

La culture est le résultat d'un paquet d'activités humaines. Ce n'est pas un tiroir qu'on ouvre et qu'on referme à volonté. Il ne s'agit pas d'ouvrir un tiroir politique et de le refermer et après d'ouvrir le tiroir économique puis le tiroir social. La vie de la société est un tout.

S'il n'y a pas une dimension de souveraineté économique dans la vie des Québécois, c'est de la pure foutaise — je ne veux pas reprendre ce que je disais hier — que de venir nous parler de souveraineté culturelle. De là l'importance de se tailler une place dans le secteur industriel.

Il y a un autre phénomène aussi. Il ne s'agit pas seulement de l'évolution, de l'orientation de la croissance, de pouvoir déterminer où nous nous en allons de savoir quel sera notre destin économique, quelle sorte de régime on va avoir à vivre dans cinq ans et dans dix ans. Ce n'est pas seulement ça.

Nous avons un autre problème urgent auquel le ministre de l'Industrie et du Commerce a fait allusion tout à l'heure. Il a déploré le fait que, chez les jeunes, il n'y en ait pas assez qui s'intéressent aux carrières créatrices dans le domaine industriel ou dans des secteurs comme la gestion, la finance ou le commerce.

Il doit certainement connaître les statistiques, puisqu'il a déjà été ministre de l'Education, du partage qui se fait chez nos jeunes entre ce qu'on appelle les humanités et les carrières scientifiques, administratives, commerciales ou financières et savoir que ce n'est pas tellement différent au Québec de ce que c'est en Californie. C'est un phénomène d'une société à l'aube de la civilisation postindustrielle. C'est en train de se réaliser en Californie avec, évidemment, l'expansion des communications et l'importation massive des schèmes culturels qu'on peut faire dans le monde moderne.

Ces idées aussi sont entrées au Québec. Moi, je ne m'inquiète pas de ça. Ce n'est pas un cas particulier au Québec, On peut vérifier la même chose, même dans ce pays si "industrieux" — ou qui l'a été du moins dans le passé — qui s'appelle les Etats-Unis. On a le même problème et le même phénomène là-bas.

Mais je pense que de toute manière ce ne sera peut-être jamais la majorité des jeunes qui sortent du système d'éducation qui s'en iront dans les carrières scientifiques, les carrières administratives, les carrières industrielles, financières et commerciales. Il y a déjà, au moment où nous nous parlons, un bon nombre de gars qui sortent de nos écoles, des Hautes Etudes Commerciales, des écoles de commerce. On produit maintenant un bon nombre de M.B.A., de "Master in Business Administration", juste pour prendre ce secteur, un nombre considérable par rapport à ce qu'on faisait au Québec.

De toute façon, on ne pouvait même pas obtenir ce diplôme dans une université québécoise il y a dix ans. Aujourd'hui, il y en a trois universités qui le décernent, à ma connaissance. Je sais qu'il y a les Hautes Etudes, Sherbrooke et Laval. Il en sort un bon nombre de ces gens par année. Mais le problème est de savoir où ils vont. Est-ce qu'ils ne s'en vont pas, par hasard,

travailler parfois à Toronto, à New-York, en Europe, même dans le fond de l'Afrique?

Nous pouvons peut-être nous demander comment il se fait que nous exportons une bonne partie des gars que nous produisons. On n'a jamais évalué jusqu'à quel point le Québec ne subissait pas, comme d'autres pays le subissent, un "brain drain", une sortie de nos meilleurs talents et de nos meilleurs diplômés. Il faudrait peut-être se demander pour quelle raison ça se passe.

C'est peut-être parce qu'on ne leur a jamais fourni les cadres de travail, les entreprises où ils peuvent travailler en se sentant dans leur langue, à part ça.

Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie du gouvernement et parler du français comme langue de travail. Le député de Mercier — je le vois entrer en ce moment — l'a promis depuis bien longtemps...

M. BOURASSA: C'est dans le programme du parti depuis 1966, M. le Président.

M. JORON: Je comprends que ça prenne du temps.

M. BOURASSA: Vous avez copié notre programme.

M. JORON: Peut-être, mais nous serions prêts à l'appliquer demain matin si nous étions au pouvoir.

Je disais que, s'il se fait peut-être un certain "brain drain" au Québec, il se peut que ce soit parce que nous n'avons pas des entreprises pour recevoir ces diplômés. Il y a un phénomène culturel là-dedans, il ne faut pas se le cacher. Pour un Québécois qui a des valeurs culturelles différentes de celles des Canadiens, qui a une langue différente et qui a peut-être de fortes racines qui le retiennent au sol du Québec lui-même, ce n'est peut-être pas bien drôle d'aller travailler pour Alcan, et être envoyé en Afrique du Sud, ou pour Westinghouse Electric, et être envoyé à Pittsburg, ou pour General Electric, et être envoyé à Albany ou à Schenectady dans l'Etat de New York. Il y a ce phénomène-là. On en a vu un exemple de choses semblables au moment où le Québec a acquis les compagnies d'électricité privées en 1962. Je ne sais pas si vous vous souvenez, M. le Président, on avait à cette époque fait souvent des pressions sur la Shawinigan Water and Power, qui était la plus importante, pour lui demander d'employer des ingénieurs francophones, diplômés de l'Université de Montréal, de l'Ecole polytechnique et ainsi de suite. La réponse — je me souviens encore de cette période — invariable de la compagnie était: On est bien prêt à en embaucher mais il n'y a pas de tels diplômés. Il y en avait un qui est aujourd'hui ministre de l'Industrie et du Commerce. A cette époque, c'était la réponse, souvenez-vous en, que nous servait la Shawini- gan Water and Power. Pourtant, dès l'instant où le Québec a acheté la Shawinigan et que ç'a été intégré à l'Hydro-Québec, ça n'a pas pris grand temps que la majeure partie des cadres ont été remplacés par des ingénieurs francophones. Ces gars-là existaient donc. Ils n'ont pas fait leur cours de génie en l'espace de six mois ou d'un an. Ils étaient donc là mais n'avaient pas réussi à se placer. Pourquoi? C'est peut-être tout simplement parce que dans le cadre de l'entreprise elle-même, ils le sentait étranger à leur culture; ça les empêchait peut-être d'y aller. Et le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui a été secrétaire, je pense, de la Corporation des ingénieurs...

M. SAINT-PIERRE: Registraire.

M. JORON: ... pourrait sûrement en témoigner. De là toute l'importance, M. le Président — disais-je en guise d'introduction — des entreprises publiques aujourd'hui pour le Québec.

M. le Président, je vous dirai tout d'abord que nous sommes d'accord sur le projet de loi 75 et que nous allons y apporter notre appui.

Le diagnostic qu'a posé le ministre de l'Industrie et du Commerce au début nous parait fondé dans ses grandes lignes d'ailleurs. C'était ce que j'avais exprimé au printemps lors de l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce et aussi l'année dernière, à la même époque, au mois de décembre 1971 quand on a voté un projet de loi augmentant le capital de la SGF.

Parlons des objectifs qui avaient été assignés, à sa fondation, à la SGF — je vais parler brièvement là-dessus, je ne veux pas répéter ce que le ministre a dit: On voulait assurer un certain développement économique, attirer l'épargne des Québécois et en même temps sauver toutes les entreprises familiales, petites, moyennes ou grosses, qui allaient se vendre à des intérêts étrangers. C'était le phénomène de la récupération, si vous voulez. Ces objectifs pouvaient avoir quelque chose de contradictoire et pouvaient mener exactement où, finalement, ç'a conduit la SGF, c'est-à-dire à une diversification bien trop poussée.

Vous aviez, à un moment donné, en tout cas, 17 ou 18 filiales, allant d'assez gros morceaux, comme Donohue Brothers ou Marine Industries, à des compagnies, au bout de la ligne, à peu près dix, quinze ou vingt fois plus petites, dans des secteurs s'étendant du bois, en passant par les automobiles et les petits pois, aux tricots LaSalle, en retournant dans les carottes, puis en s'en allant, ensuite, dans les isolateurs électriques, pour revenir aux automobiles, puis à la construction de bateaux.

M. RUSSELL: H était dans les patates.

M. JORON: Est-ce qu'il était aussi dans les patates?

M. RUSSELL: Non, mais ça s'en venait.

M. JORON: Oui, c'est ça. Il n'était pas loin de se retrouver dans les patates aussi. C'était devenu une macédoine qui n'avait plus de sens, une diversification trop poussée. En même temps, il y avait un autre problème au niveau de la structure du capital. Les gens qu'on a voulu intéresser à participer au capital de la SGF étaient des catégories d'actionnaires trop différents qui avaient des buts qui n'étaient pas conciliables finalement. Vous aviez, d'une part, les pouvoirs publics et l'Etat qui, au nom de la collectivité, pouvaient être intéressés à investir à long terme, puis à prendre des risques. Cela ne faisait rien au gouvernement de placer de l'argent, puis de ne pas avoir de dividendes avant cinq ans ou avant dix ans ou avant vingt ans; il s'agissait d'un développement à long terme. Mais, en même temps, vous aviez, avec le gouvernement, des petits actionnaires, une foule de gens dans le public qui, eux, s'attendaient à un rendement beaucoup plus immédiat, puis qui n'avaient peut-être pas la même optique, la même patience ou qui ne souscrivaient pas, en tout cas, pour un placement à aussi long terme. En plus de ça, vous aviez les institutions financières, notamment les caisses populaires, qui, elles, ne peuvent pas se permettre de prendre des risques, parce que c'est l'argent de leurs déposants, de leurs sociétaires finalement qu'elles mettent en jeu.

Alors, les placements que font les caisses populaires sont obligés de répondre à un certain nombre de critères de sécurité. Il faut que ça rapporte, il faut que ça ressemble, en tout cas, jusqu'à un certain point, à ce que le code civil appelle un placement de bon père de famille. Or, c'étaient des objectifs trop différents, c'étaient une série de différentes classes d'actionnaires. Il y en avait trois principales qui n'avaient pas des objectifs conciliables.

Cela, on s'en est aperçu. Il a peut-être fallu faire une expérience de dix ans. On l'a faite et on l'a appris à nos dépens. Ce n'a pas été, jusqu'ici, un succès fabuleux, la SGF. On est d'accord là-dessus, sur le diagnostic, sur le verdict. Il faut donc faire d'autre chose, car ce n'est pas complètement mort, non plus; il ne faut pas l'enterrer, loin de là.

Alors, on est parfaitement d'accord sur ce que le projet de loi propose. Le projet de loi propose une réorganisation du capital qui va, au bout de la ligne, faire de l'Etat le seul actionnaire, ce qui va permettre d'éviter toutes les contradictions et puis les oppositions d'intérêt, si vous voulez, qui pouvaient exister auparavant à cause de la présence de trois catégories d'actionnaires.

Il n'y en a donc plus qu'une catégorie. Dorénavant, il devrait être beaucoup plus facile de traver un rôle, une vocation à la SGF. C'est donc ce que le ministre a tenté de nous exposer dans les grandes lignes. Ce que je déplore jusqu'à un certain point, c'est que ça ne soit pas contenu dans le projet de loi. Je ne le sais pas, me dira-t-il, si un projet de loi semblable peut décrire, dans ses grandes lignes, tout au moins, quelle devrait être la vocation ou, enfin, dans quelle direction devrait se diriger la SGF. Sauf que, pour l'instant, on n'a pas de garantie autre que celle du ministre qui nous dit être d'accord sur les principales recommandations du rapport De Coster et qui se prépare à les suivre.

Bien, on espère qu'il va les suivre, parce qu'on est aussi d'accord sur ce deuxième point, finalement beaucoup plus important que la seule réorganisation du capital. Ce point qui n'est pas contenu dans le projet de loi, mais qui a fait la majeure partie du discours du ministre, et avec raison d'ailleurs, est le plus important. C'est qu'il faut décider maintenant ce qu'on fera avec cette bébite-là" si vous me permettez l'expression, ou avec cette entreprise. Où est-ce qu'on l'amène?

Je voudrais, pas trop longuement, vous donner nos idées là-dessus. Elles correspondent à plusieurs des idées que le ministre a émises. Cependant, je voudrais ajouter à celles-là quelques suggestions et, ensuite, finalement, le mettre en garde contre un certain nombre de dangers. Il y a une première chose, avant de penser à ces objectifs, à cette vocation, à ce rôle que l'on veut voir maintenant jouer par la SGF.

Il y a une première observation que je veux faire. La SGF est une compagnie qui appartient déjà partiellement aux citoyens du Québec par l'intermédiaire de l'Etat, et l'Etat est aujourd'hui représenté par les députés qui siègent en cette Chambre, non pas le gouvernement mais l'ensemble de l'Assemblée nationale. Nous sommes tous, au nom de nos électeurs, des actionnaires de la SGF. Or, on a bien de la misère à avoir des renseignements. Ce qui est un peu curieux, c'est que c'est la même chose pour l'Hydro-Québec. Cela fait un mois et demi que je demande au premier ministre — je le dis par analogie — d'étudier le contrat qu'a signé l'Hydro-Québec avec la société Bechtel. Vous savez combien de fois je l'ai demandé, je pense que c'est quatorze fois depuis le début de novembre et on le ne sait pas encore. C'est pourtant une compagnie qui nous appartient à tous, aux citoyens du Québec. C'est une compagnie publique, l'Hydro-Québec, et on n'arrive pas à avoir de renseignements semblables.

La même chose se serait produite dans le cas d'une entreprise privée étrangère que ça ferait longtemps qu'on aurait eu les renseignements. Je trouve un peu étrange qu'on ne puisse pas voir le rapport de Coster, qui n'est pas d'intérêt public. Comme me le soufflait à l'oreille le député de Bourget, il aurait pu être explosif. Peu-être qu'il pourrait — je ne sais pas si c'est le cas — mettre en cause la compétence d'un certain nombre d'individus qui y seraient nommés. Qu'on l'expurge et que tout le reste, qui ne compromet pas la réputation des individus, soit disponible au public.

Le ministre a fait allusion tout à l'heure à

une évaluation, qui aurait été faite au cours de l'été dernier, des principales filiales de la SGF pour déterminer leur valeur au marché, non pas leur valeur aux livres — parce que cela, on peut toujours le voir par les bilans antérieurs — mais la valeur au marché. Dans une compagnie privée, les actionnaires savent ces choses-là. Quant une maison de courtage, par exemple, par son service d'analyse et de recherche, se met dans la tête d'analyser une compagnie publique, une compagnie qui a des actions inscrites à la Bourse, dans les compagnies privées, surtout les plus importantes, la collaboration qu'on offre à ces recherchistes qui viennent de différentes maisons de courtage est énorme. On les laisse fouiller dans les livres de la compagnie. Ils peuvent tout savoir parce que la compagnie se dit: Ils vont faire une étude et ils la termineront par la recommandation d'acheter des titres de la compagnie; ça ne fera que hausser nos titres, ce sera bon pour notre image.

On fournit ces renseignements dans l'industrie privée d'une façon plus gratuite et beaucoup plus facilement que dans le cas d'une compagnie publique. Nous ne pouvons pas avoir des renseignements sur quelque chose qui nous appartient. En somme, un gars qui aurait acheté une part de la SGF à la bourse — ça ne sera plus le cas après ce projet de loi parce qu'il n'y aura plus d'actionnaires privés dans la SGF — et qui se serait prévalu de cette action pour se présenter à l'assemblée générale des actionnaires aurait pu obtenir plus d'informations et plus de réponses qu'il est possible, pour un député ici en Chambre, d'en obtenir. C'est ce qui me paraît un peu curieux. En tout cas!

Comme me le suggère encore, en me le soufflant à l'oreille, le député de Bourget, ça fait longtemps qu'on l'a demandé, à la même époque l'an passé. A ce moment-là, le leader parlementaire était ministre de l'Industrie et du Commerce. Il y a à peu près un an et demi qu'on veut connaître certains de ces renseignements. Ceci dit, revenons-en au nouveau rôle et à la nouvelle vocation que le ministre propose pour la SGF. Il nous dit que d'abord il va y avoir une première étape où il va probablement falloir passer à travers une cure d'amaigrissement. Après avoir terminé un certain nombre d'études et après s'être posé un certain nombre de questions, probablement qu'on va se départir d'un certain nombre de petites filiales plus ou moins rentables. Même si elles peuvent être rentables en soi, elles ne correspondent peut-être pas à un objectif global que la SGF pourrait s'être fixé.

Je pense aussi que c'est une période nécessaire, qu'il faut passer par cette étape-là.

Cela sera sain finalement. Personnellement, je conçois, évidemment, que le coeur de la SGF — cela l'est déjà, c'est le morceau le plus important — pourrait se limiter à ce qui s'intitule le complexe autour de Marine Industries-Forano-Volcano, dans le secteur de l'industrie lourde. Peut-être, d'un autre côté, que c'est un problème d'ordre différent, la question de l'investissement qu'a la SGF dans la compagnie de papier Donahue.

Ce sont, je pense, les deux morceaux les plus intéressants, parmi les gros morceaux. Je comprends qu'il y a des plus petits morceaux qui peuvent être intéressants en soi, comme Cegelec, etc., mais parmi les gros morceaux, ce sont les plus intéressants qu'on retrouve dans la SGF. Le ministre avait raison de le signaler en faisant des comparaisons avec l'évolution des cours d'actions d'autres compagnies. Il a mentionné Bombardier. On pourrait en trouver bien d'autres. Nous pourrions montrer qu'on a peut-être connu de mauvaises années dans Marine Industries depuis quelques années, mais que ce n'était pas particulier à la SGF ou à Marine Industries, qui a des sociétés privées dans d'autres secteurs et qui avaient connu des difficultés aussi considérables et qui tiennent de la conjoncture économique. C'est très vrai. On pourrait additionner une foule d'autres exemples à ceux qu'il a mentionnés. Il a parlé des cours de Bombardier. Il y a les cours de Dominion Bridge, qui, il y a trois ans, étaient autour de $30 ou $35 et qui sont tombés à $12. Cela a repris un peu.

Enfin tout ce qui se situait dans ce secteur, le secteur de la construction mécanique et des dérivés de l'industrie sidérurgique, a connu des variations. Il ne faut pas s'en inquiéter. Marine Industries, peut-être à l'exception de son président, je ne veux pas être méchant inutilement, c'est quelque chose qui a bien du bon sens et qui peut être promis à un avenir intéressant. C'est autour de cela que je vois que la SGF devrait faire sa cure que j'appelle d'assainissement ou d'amaigrissement.

Le problème est: qu'est-ce qu'on fera par la suite? Là encore le ministre va peut-être me dire que je n'arrête pas, aujourd'hui, d'être d'accord avec lui, mais je suis aussi d'accord avec l'idée qu'il se fait que, par la suite, après cette étape — et j'espère que cette étape ne sera pas trop longue et que les bonnes paroles du ministre, aujourd'hui, ne sont pas un leurre, dans le sens qu'il a vraiment l'intention de donner suite à la deuxième étape qu'il nous a explicitée — la SGF sera plus ou moins l'instrument, le véhicule, le moyen par lequel la collectivité, les Québécois, l'Etat au nom de la collectivité, si vous voulez, investit avec des partenaires étrangers dans un certain nombre de nouvelles entreprises, rejoignant l'objectif de la création d'emplois, de la création de secteurs nouveaux, de ce qu'il y a une incidence de développement économique régional et tous ces buts. Je pense que c'est effectivement une bonne formule.

Le ministre a eu raison de signaler — et combien de fois — que le problème majeur au Québec n'est pas un problème d'argent. Ce n'est pas un problème de capital. Je suis en complet désaccord, par exemple, avec le président de Marine Industries qui passe son temps à nous

répéter, depuis dix ans, que nous sommes des quêteux montés à cheval. Les Québécois ne sont pas des quêteux et il faut s'enlever cela de la tête. Si on les compare à l'ensemble des peuples de la terre, ils ont, d'abord, un des niveaux de vie les plus élevés, qui leur vient de leur propre activité économique. Ils paient annuellement — je n'entrerai pas dans des affaires fédérales-provinciales — à tous les niveaux de gouvernement, les mettant tous dans le même paquet, pas loin de $9 milliards d'impôts par année. Ils ont une épargne accumulée, celle qui est déposée dans nos institutions financières, de $25 milliards. Ils ont un taux d'épargne annuelle, par rapport au produit national brut, plus élevé que celui des Etats-Unis. Ce n'est pas un peuple de quêteux. C'est un peuple riche.

Par contre, il est pauvre en initiative, en "entrepreneurship", en créativité, en technologie et à bien des égards. C'est vrai. C'est là le bobo. Le ministre avait raison. Ce n'est pas l'argent qui manque. D'ailleurs, la chose la plus curieuse — et là, je parle par expérience pour avoir été, pendant cinq ans, dans le domaine de la finance, rue Saint-Jacques — c'est toujours de l'argent qui court après des gars compétents.

Ce n'est jamais l'inverse qu'on voit. L'argent est là et attend les bons projets, les entrepreneurs, les gars qui ont de l'initiative, les gars qui ont des projets, les gars solides. Quand il paraît des gars comme ça, c'est effrayant comme c'est facile de financer quelque chose de sérieux!

C'est ce qui m'amène au problème, à l'objectif que nous apporte le ministre de se servir de la SGF pour former des compagnies en association ou en "joint venture" avec des étrangers. Cela, je trouve que c'est une fichue de bonne formule. Je suis parfaitement d'accord sur ça. Cela peut nous permettre d'aller chercher une technologie qu'on n'a pas au Québec. Cela peut nous permettre d'ouvrir à l'extérieur des marchés qu'on n'a peut-être pas dans le moment. Cela peut nous permettre d'aller chercher des hommes qui vont en entraîner d'autres ici.

Cela est possible si on adopte cette politique de faire de la SGF le moyen par lequel l'Etat s'associe avec des compagnies étrangères pour la création d'un secteur nouveau, s'appuyant, je l'espère — en même temps, cela me permet d'adresser une autre question au ministre — en partie sur le pouvoir d'achat du gouvernement. Au sujet de la politique d'achat, cela fait longtemps que vous nous devez un rapport. Je ne veux pas vous affubler de tous les maux de la terre aujourd'hui et de tous les rapports qu'on attend avec impatience. Mais celui-là est très important. Cela peut être, en l'occurrence à partir de ça que de nouvelles industries peuvent être créées au Québec. Je pense, par exemple, aux centaines de millions de dollars que l'Etat ou le secteur parapublic ont dépensés, pour installer de l'équipement électronique dans les CEGEP et dans les écoles secondaires. Cela dépasse les cents millions de dollars depuis six ou sept ans. Cela aurait peut-être valu la peine et cela aurait peut-être été l'occasion — en "partnership", justement, avec une compagnie étrangère— d'assurer l'établissement d'une usine au Québec, laquelle se serait vu garantir un chiffre d'affaires d'une centaine de millions de dollars par année pour les cinq premières années. J'imagine que dans des conditions semblables, il aurait été passablement facile de trouver le partenaire intéressé.

Je disais cela tout simplement dans le sens que dans sa recherche de partenaires, de secteurs nouveaux à ouvrir et de création d'emplois, le gouvernement devrait mesurer d'abord son propre pouvoir comme client, comme consommateur, comme acheteur. Cela peut l'amener à ouvrir passablement de secteurs nouveaux au Québec.

Mais là où il devrait profiter de l'occasion que lui fournit cette formule de "joint venture", que le gouvernement ne devrait pas rater, c'est dans la formation de cadres québécois dans les secteurs où ça n'existe pas. Si l'Etat devient un partenaire avec une compagnie étrangère à 50-50, dans un secteur technologique évolué, où on n'a pas aujourd'hui les connaissances, la main-d'oeuvre ou les ingénieurs requis au Québec, c'est l'occasion d'aller chercher des étrangers, mais pouvru que ce soit à condition de former les cadres québécois pour qu'un jour ils puissent prendre la relève. Cette technique du "joint venture" et de l'étranger que l'on va chercher devrait procurer l'occasion de les former et de trouver des jobs à tous ces diplômés qui sortent des universités mais qui n'ont pas d'expérience. On pourrait rendre ces carrières très intéressantes pour un bon nombre de jeunes s'ils s'apercevaient qu'au bout de la ligne il y a des débouchés, des débouchés dans un cadre qui leur est familier, dans un milieu culturel qui est le leur. C'est une permière raison.

Il y en a une deuxième aussi. C'est que, par cette voie, on se trouve à ouvrir un canal, une façon pour la collectivité québécoise pour les citoyens québécois de participer directement à la propriété d'entreprises nouvelles — j'espère que ce seront surtout des entreprises d'avenir — leur assurant ainsi une participation directe au point de vue de l'équité, une part de propriété dans cette économie nouvelle qui se bâtit à tous les jours. C'est peut-être parfois plus important de voir à s'assurer que ce seront les Québécois qui vont acheter l'avenir plutôt que de racheter le passé.

Dans ce sens, on devrait être bien sûr que, pour tout ce qui se fait de nouveau, dans la mesure du possible, au Québec on devrait toujours privilégier la participation des Québécois. Si la SGF remplit, éventuellement, son rôle véritablement et si le ministre est sincère et va jusqu'au bout de la ligne dans la voie qu'il nous trace aujourd'hui pour la SGF, cela pourrait devenir, sans faire trop de verbiage, un instrument de libération économique, si vous voulez, considérable.

II y a une troisième occasion qui s'offre aussi, c'est la possibilité de faire de nouvelles expériences au niveau de la gestion et d'ouvrir, dans le domaine social, avec une incidence plus sociale, si vous voulez, des perspectives nouvelles. Cela doit être — du moins, cela l'a toujours été dans notre esprit — l'Etat, dans une société qui exerce un leadership et est un petit peu en avant. Quand l'Etat a des entreprises, pourquoi ne deviendrait-il pas un phare, un leader ou un innovateur par rapport aux autres, pouvant entraîner, éventuellement, derrière lui, l'ensemble du secteur privé? Quand je parle du domaine social, je pense â tout le problème de la participation des travailleurs à la gestion des entreprises où ils travaillent. C'est un phénomène de la civilisation industrielle que les grandes usines, où vous avez du montage sur des chaînes très très longues, ont déshumanisé le travail et fait que le citoyen travailleur se sent de plus en plus loin des décisions, se sent de moins en moins responsable de contrôler lui-même son environnement. Son lieu de travail, son environnement de travail, c'est extrêmement important, ne serait-ce qu'en termes d'heures, en plus de tout le conditionnement psychologique et culturel que cela a sur l'individu.

Il y a là un problème. Toutes les sociétés le savent. Il faut réintégrer le travailleur aux décisions, dans l'entreprise. Ce que je souhaite comme vocation nouvelle â la SGF, on devrait le dire tout de suite, également, pour Sidbec, pour l'Hydro-Québec, pour la Société des alcools du Québec et pour toutes les entreprises qui sont des entreprises d'Etat, aujourd'hui. Elles devraient être les premières, au Québec, à s'ouvrir à ces idées nouvelles et à ces tentatives d'intégration des travailleurs aux décisions, dans l'entreprise.

Je suis d'accord qu'on n'a pas inventé la lune, â ce sujet, et qu'on ne sait pas â quel genre de structures finales on aboutira, au bout de la ligne, là-dedans. On va y aller par expérience. Si ce n'est pas l'Etat qui, parmi les premiers, commence ces expériences, elles ne se feront pas. Je ne pense pas que ce soit nécessairement l'initiative première ou le devoir premier du secteur privé, bien qu'il y en ait, des industries privées, qui le font et qui semblent bien en avant de l'Etat, là-dessus. Il arrivera peut-être que les consommateurs contrôleront une compagnie privée, comme General Motors, bien avant que les travailleurs de l'Hydro-Québec puissent avoir un mot à dire dans la gestion d'Hydro-Québec, ce qui ne me parait pas normal. On aurait l'occasion de commencer, tout de suite, des expériences, dans le domaine du travail, au niveau social, extrêmement intéressantes. Cela devrait être aussi l'un des objectifs de cette nouvelle SGF.

Enfin, M. le Président, tout cela est bien beau. La SGF peut, comme je le disais, être fort utile et s'avérer un des instruments de libération économique des Québécois. Le Québec a aujourd'hui, même dans sa situation de demi-Etat, un certain nombre d'instruments. Ils ne sont pas tous, évidemment, d'importance égale. Ils ne remplissent pas tous leur rôle également, non plus. Mais, pour les résumer — le ministre y a fait allusion — pour qu'il n'y ait pas de confusion entre les différents instruments que possède l'Etat, à l'heure actuelle: sa Caisse de dépôt, sa Société de développement industriel, sa SGF, il faut savoir quelles sont les fonctions et la vocation bien définie de chacune d'elles. Je pense que c'est clair. Le ministre les a évoquées. Ce n'est pas le rôle de la Caisse de dépôt d'entreprendre ce type de création de secteurs industriels nouveaux; on voudrait que ce soit celui de la SGF. C'est vrai pour la simple raison que la Caisse de dépôt est fiduciaire des fonds qui sont déposés là pour le compte des retraités. On ne peut pas, à cet égard, prendre les mêmes risques avec ces sommes, avec ces fonds qui sont déposés, finalement, en fidéicommis, qu'on le peut avec de l'argent que l'Etat investit directement comme actionnaire dans la SGF, en lui assignant un rôle précis.

C'est clair que ça ne peut pas être la vocation principale de la Caisse de dépôt. Elle remplit aussi un paquet d'autres rôles. C'est devenu peut-être l'organisme le plus important du genre au Canada. C'est devenu un instrument de financement, surtout des pouvoirs publics; du gouvernement du Québec d'abord, ensuite d'un certain nombre de municipalités, de commissions scolaires et de l'Hydro-Québec jusqu'à un certain point. C'est devenu une façon pour les pouvoirs publics québécois de s'autofinancer.

Et on sait jusqu'à quel point cela est vrai. Depuis à peu près cinq ans — les chiffres du ministre des Finances nous l'ont bien des fois confirmé — les obligations du Québec ou de l'Hydro-Québec, en dehors de celles qui sont vendues aux Etats-Unis, ne se vendent à peu près plus dans le reste du Canada. Toronto nous avait, en 1967, servi un éloquent: 'We do not buy foreign bonds" en parlant des obligations du Québec. Ils ont tenu parole. Les derniers chiffres indiquent qu'effectivement les réservoirs de capitaux importants de Toronto et de l'Ouest du Canada n'achètent plus, depuis longtemps, de titres québécois.

Et, quand ils le font, ce n'est que dans la mesure des épargnes qu'ils viennent cueillir au Québec; dans le cas d'une compagnie d'assurance par exemple c'est sous forme de primes. C'est relatif au chiffre d'affaires qu'ils font au Québec, mais pas davantage. Heureusement que le Québec a eu depuis un certain nombre d'années cette institution qu'est la Caisse de dépôt, ce régime des rentes publiques qui alimente la Caisse de dépôt. Je sais qu'un projet de loi va transférer le fonds de la Commission des accidents du travail à la Caisse de dépôt, et il faudrait probablement voir à l'élargissement de la Caisse. Ainsi l'autofinancement des pouvoirs publics québécois est, dans une large mesure, assuré. Cela, c'est la vocation de la Caisse de dépôt.

Le ministre a dit qu'il ne fallait pas confondre la SGF, dans son rôle de création de secteurs industriels nouveaux, et la SDI, Société de développement industriel, qui est plutôt l'équivalent de l'organisme fédéral, la Banque d'expansion industrielle. C'est un organisme prêteur, pas tellement à la très petite entreprise — parce qu'il y a un minimum dans les prêts qui est, si ma mémoire est fidèle, de $100,000 ou même de $250,000 — mais à la moyenne entreprise pouvant aller jusqu'à la grande entreprise.

Mais ça reste un organisme prêteur qui ne permet pas aux Québécois d'acquérir une part de propriété, un intéressement direct dans les entreprises qui sont aidées par la SDI. C'est une compagnie prêteuse, finalement. Les chiffres en témoignent. Il ne faut pas se conter de peurs avec le rôle que la SDI remplit depuis sa fondation; à toutes fins pratiquas, ce n'est quasiment rien. C'est à peine une petite vague dans une grande, grande mer.

Qu'on compare les prêts qu'effectue la SDI, ou l'incidence que ça a dans le développement d'un certain nombre d'entreprises, au montant d'argent qui est prêté par la Banque d'expansion industrielle fédérale. Que l'on compare aussi la SDI aux programmes d'expansion économique régionale des ministères fédéraux. C'est une "bean", la SDI, là-dedans, c'est un instrument qui n'a vraiment, à mon avis, aucune importance et qui est peut-être même superflu finalement, tant et aussi longtemps qu'on accepte de continuer dans un système fédéral.

Evidemment, dans l'optique où le Québec verrait réunis dans le Parlement de Québec l'ensemble des taxes et des pouvoirs, il est bien sûr qu'on ne maintiendrait pas une telle panoplie d'instruments différents. On pourrait, dans une Banque d'expansion industrielle québécoise, réunir toutes ces fonctions éparses qui sont aujourd'hui remplies à Ottawa par la Banque d'expansion, par des ministères qui distribuent des subventions, par la SDI ici, etc.

Toutes ces fonctions, qui sont finalement toutes les mêmes, pourraient être réunies dans un seul instrument. Enfin, la SDI dans le cadre actuel, ce n'est pas un instrument qui permet une action économique de l'Etat sur l'économie. La SGF par contre, c'en est un, et je ne reviens pas sur le rôle qu'on lui a assigné tout à l'heure.

Je signale en terminant qu'on aurait besoin d'un instrument supplémentaire qu'on n'a pas dans le rôle que l'on veut définir pour la SGF à l'heure actuelle.

Il y a une fonction qui ne sera pas remplie là-dedans et qu'il est peut-être impossible de cumuler avec les autres fonctions qu'ont vient de donner à la SGF mais qui, pourtant, est tout aussi importante. Cette fonction est celle que nous décrivons dans le manifeste de l'exécutif du Parti québécois où on propose un autre instrument que nous n'avons pas ici et que nous appelons une société de réorganisation indus- trielle. C'est un tout autre type de problème, équivalant, si vous voulez, au genre de sociétés que vous retrouvez en Grande-Bretagne à l'heure actuelle ou en Italie ou dans un certain nombre de pays semblables, une société publique dont le rôle est de voir à la réorganisation de secteurs industriels existants qui sont devenus trop vieux, trop vétustes, trop diversifiés, trop fractionnés entre un certain nombre de concurrents, qu'à un moment donné la concurrence internationale a dévalorisés et à qui on impose une fusion forcée — parce que ces fusions ne sont pas toujurs volontaires — un regroupement forcé, une réorganisation, un réoutillage industriel, une modernisation, enfin le relancement d'un secteur. Ce serait certainement le cas...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question?

M. JORON: Oui.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce dans l'optique du programme du parti que dans le secteur industriel, lorsque des entreprises que le gouvernement ou l'Etat peut considérer trop marginales, faisant insuffisamment preuve de dynamisme, on impose la fusion, on exproprie l'entreprise un peu comme des terrains pour des fins de bien public? Comme on exproprie un terrain, on exproprierait une entreprise en disant: On vous saisit, et c'est une société d'Etat qui va vous sortir du pétrin.

M. JORON: Certainement pas, le ministre m'a mal compris.

M. SAINT-PIERRE: II faut voir ça pratiquement parce que — je m'excuse, vous allez me permettre trente secondes pour le débat — la SDI possède des fonds presque illimités et justement, en bâtissant des ressources, il n'y a rien qui l'empêche dans des secteurs donnés de tenter non pas de se poser des questions, à savoir ce qu'on pourrait trouver pour dire non à l'entrepreneur, mais à savoir ce qu'on pourrait faire pour dire oui, pour pouvoir le conseiller. Et à moins d'avoir une superorganisation gouvernementale qui va brimer ce que je considère quand même une liberté fondamentale à notre régime, la liberté d'entreprise, — il y en a qui bafouent ça, c'est sérieux, la liberté d'entreprise — je pense qu'il faut la laisser aux gens...

M. JORON: II est bien sûr que le gars qui ne veut pas vendre, on ne peut pas le forcer à vendre, on ne l'achètera pas de force. C'est évident. Mais ce à quoi je fais allusion, par exemple...

M. SAINT-PIERRE: Vous achetez à gros prix?

M. JORON: Non, ce à quoi je fais allusion, ce sont des secteurs qui sont dominés par des

intérêts étrangers et qui ne peuvent se fusionner, — je vais vous donner un exemple — sur le territoire du Québec parce que, même ici, ces filiales obéissent aux lois antitrusts qui les régissent dans leur pays, c'est-à-dire aux Etats-Unis. Prenez le domaine électronique ou celui de l'appareillage électrique, les grille-pain, réfrigérateurs et tout ça. Westinghouse, Général Electrique, etc., peuvent avoir sur le territoire du Québec plusieurs petites usines, plusieurs petites chaînes de montage dont aucune n'est véritablement rentable et que la logique même devrait normalement conduire à une fusion mais qui ne peuvent pas le faire parce que le US Justice Department poursuivrait les compagnies mères aux Etats-Unis pour leur interdire de le faire à l'étranger. D'après le principe de l'extra-territorialité des lois, les lois américaines suivent les filiales de compagnies américaines partout où elles vont. Elles ne peuvent pas faire à l'étranger ce qu'elles n'ont pas le droit de faire chez elles.

Dans des cas semblables, il n'y a pas d'autres moyens pour réaliser cette fusion que d'étatiser l'ensemble de ces filiales pour les regrouper. Tout ça se fait d'une façon différente d'un secteur à l'autre. Comment, par exemple, le gouvernement anglais en est-il venu à provoquer la fusion de la plupart des compagnies engagées dans le domaine des télécommunications et de l'appareillage électronique? En Grande-Bretagne, vous aviez un marché qui était divisé entre English Electric, Electrical and Musical Industries et British General Electric. Tout ça a été fusionné et ça s'appelle aujourd'hui British General Electric ou General Electric of Great Britain, je ne m'en souviens pas. On a constitué, à partir de trois entreprises qui n'étaient pas de petites "bineries" à l'échelle du Québec — c'étaient des sociétés qui avaient $1 milliard comme chiffre d'affaires — une seule compagnie qui n'a pas loin de $3 milliards comme chiffre d'affaires aujourd'hui, parce que c'est la grosseur qu'il faut dans ce domaine pour concurrencer IBM, Philips de Hollande, et ainsi de suite.

Les Français sont en train de faire pareil avec la Compagnie générale d'électricité de France, Thomson-Houston, Hotchkiss-Brandt. Cela semble être des noms étrangers, mais ce sont toutes des compagnies françaises. Ils sont en train de tout fusionner pour les mêmes raisons. Ce genre de raisonnement s'applique au Québec dans une foule d'industries. On pourrait considérer, par exemple, celle des pâtes et papier — là, il y a peut-être un nettoyage à faire — celle de la pétrochimie qui a causé au ministre passablement de problèmes qui, à l'heure actuelle, ne sont peut-être pas terminés. Je lui souhaite bonne chance, remarquez, mais je souligne, en passant, qu'il a fait dans ce domaine, jusqu'à maintenant, un excellent travail.

Il y a aussi le domaine des textiles et le domaine agro-alimentaire. Cela fait longtemps, d'ailleurs, que je retiens des questions en Chambre à la suite du discours que vous avez fait, il y a plus d'un mois, je pense — je ne me souviens plus où c'était — sur l'industrie agroalimentaire. Au Salon de l'agriculture, c'est ça. C'était un fichu bon discours que vous avez fait là.

Mais, à l'étude des crédits, quand on en aura l'occasion, on aura pas mal de questions là-dessus. Je suis bien intéressé de voir comment vous allez réaliser les objectifs que vous avez définis là. Cela m'amène, M. le Président, à conclure que le ministre est bien bon pour définir des objectifs. C'est bien difficile, la plupart du temps, d'être en désaccord avec ces objectifs. Il y a le don de bien les tracer. Ce qui nous inquiète davantage, ce sont les moyens. Est-ce qu'il a les moyens de ses ambitions? Est-ce qu'il va pouvoir les réaliser?

Le grand objectif que le ministre nous propose pour la SGF, c'est d'être véritablement un instrument de développement économique permettant aux Québécois, par leur Etat, d'y participer, ainsi de suite. Il se propose d'en faire l'instrument auquel l'Etat du Québec s'associe avec des compagnies étrangères, dans des secteurs où on n'a pas la technologie au Québec pour ouvrir des secteurs industriels nouveaux. D'abord, est-ce qu'il va le faire? Est-ce qu'il va avoir un gouvernement, une caisse électorale qui vont lui permettre de le faire? Est-ce qu'il peut le faire?

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, me permettez-vous?

M. JORON: Je vais juste terminer. Vous allez avoir votre droit de réplique tout à l'heure. Est-ce qu'il veut vraiment que les Québécois, se servant de leur association avec des entreprises étrangères, acquièrent une formation, acquièrent une participation pour éventuellement rentrer dans des domaines où ils n'existaient pas? En d'autres mots, est-ce pour donner aux Québécois le premier rôle éventuellement ou bien pour que l'Etat le joue pleinement pour eux ou si ce n'est pas pour jouer le second violon, s'éteindre, puis prendre son trou?

Parce que ça peut marcher — je le signale — d'un côté ou de l'autre. C'est bien beau, cette formule. Cela peut être celle qui nous permettra de faire un grand pas en avant, comme ça peut être celle qui permettra au gouvernement de masquer son désintéressement total pour une action dans le domaine économique.

Enfin, c'est l'avenir qui le dira.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Le député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, le projet de loi qui est présentement à l'étude, Loi concernant la Société générale de financement du Québec, peut se résumer dans une phrase assez courte: C'est le commencement de la fin

d'un beau rêve en couleurs. Nous assistons, M. le Président, à un moment de réveil. A l'heure actuelle, on cherche justement un calmant, pour nous endormir de nouveau, de façon à pouvoir reporter le problème à plus tard. Nous l'avons dit, c'est un peu une caractéristique du gouvernement actuel de reporter les problèmes à plus tard, sans regarder la cause fondamentale de la situation qui prévaut dans cette société d'Etat, cette société de la couronne.

Je viens d'entendre le député de Gouin qui parlait d'étatisation de l'entreprise. C'est là, justement, que j'ai vu la philosophie qui anime le Parti québécois et qui a animé certains responsables, au moment où cette société d'Etat a été créée. En effet, je dis, tout simplement, qu'on peut étatiser une usine, qu'on peut étatiser ses murs, qu'on peut étatiser son équipement, mais qu'une entreprise, c'est d'abord une association d'hommes responsables, une association d'hommes capables d'initiatives, capables de leadership, enfin d'hommes audacieux.

Je ne sache pas qu'aucun pays au monde, aucun gouvernement au monde soit capable d'étatiser ce que je viens de mentionner: une association d'hommes. On peut étatiser des usines, comme je viens de le dire, on peut étatiser de l'outillage et de la machinerie mais on n'étatisera jamais l'initiative, on n'étatisera jamais le leadership, on n'étatisera jamais les talents et on n'étatisera jamais la responsabilité. C'est une hérésie, et c'est justement ce qui fait commettre tant d'erreurs au gouvernement actuel, qui a tant fait commettre d'erreurs depuis une dizaine d'années au Québec et qui risque encore de nous faire commettre tant d'autres erreurs au cours des prochaines années.

La situation dans laquelle se trouve la Société générale de financement nous justifie de soutenir et de défendre les principes que nous avons toujours préconisés et défendus. Nous avons toujours parlé d'entreprises privées, nous avons toujours parlé d'entreprises responsables, nous avons toujours parlé de personnes responsables, qui ont à rendre compte et à payer pour leurs erreurs. Nous nous trouvons maintenant devant une société qui applique un régime de bien-être social à bien des industries et des industriels au Québec. Nous nous trouvons devant des personnes qui ont été aux prises avec certains problèmes particuliers, certains problèmes politiques, certaines pressions politiques et financières pour en faire une institution qui serait le bouc-émissaire ou le bouche-trou — pour employer un terme peut-être un peu dur — de bien des erreurs afin de permettre à plusieurs personnes de récupérer une partie de leur portefeuille, parce que ces entreprises avaient des problèmes et peut-être aussi parce que le gouvernement n'a peut-être pas joué le rôle qu'il aurait dû jouer dans ce domaine.

Je veux citer, parce que très à point, un éditorial paru dans le Soleil, signé par M. Dubé, le 19 novembre 1970. J'ai trouvé ces propos vraiment à point et tout à fait conformes à ce que j'en pense moi-même: "Après quelques années d'existence, il faut bien se rendre à l'évidence — c'est brutal, M. le Président — la Société générale de financement n'a pas été tellement créatrice de nouveaux emplois. Sa principale fonction, jusqu'ici, a été de conserver dans les mains du groupe canadien-français des entreprises qui auraient pu passer sous le contrôle du capital anglo-saxon ou américain. Elle a opéré certains regroupements d'entreprises dans un même consortium, réglé les problèmes de succession de plusieurs hommes d'affaires, parce que le problème de l'entreprise privée, au Québec, dans ce domaine, est le problème des successions.

Je sais que le ministre en est conscient, car je reconnais la compétence du ministre et sa lucidité dans ces domaines. Je sais que la situation à laquelle il a à faire face n'est pas tellement agréable. Il a reçu un héritage qu'il n'a pas demandé, un héritage qui lui est imposé, parce que ce n'est quand même pas lui qui est à l'origine de toutes ces choses.

M. LATULIPPE: Vous n'avez même pas pu refuser l'héritage sous bénéfice d'inventaire.

M. ROY (Beauce): "Elle a de plus réussi, cette société de la couronne, ce tour de force de rendre déficitaires plusieurs industries reconnues parmi les plus prospères que nous possédions. Nous pourrions continuer l'énumération mais à quoi bon! Une chose est patente, la SGF doit être transformée, se donner une direction plus dynamique ou accepter de s'enliser dans des difficultés financières dont elle ne pourra se sortir."

Cette Société générale de financement a été constituée en société en vertu d'une loi sanctionnée le 6 juillet 1962. Le capital-actions autorisé par la loi est de $150 millions, dont $25 millions sont des actions à dividendes différés réservées au gouvernement, et $125 millions, des actions ordinaires, soit 12 millions et demi d'actions à $10 chacune. Le gouvernement lui-même, on se souviendra, a souscrit $5 millions au départ et a versé $1 million. Une émission d'actions de $10 millions a été ensuite lancée et achetée par les caisse populaires et les autres institutions financières.

Enfin, la SGF peut émettre des obligations.

La première émission a été fixée à $5 millions et réservée aux particuliers par tranches de $100, de manière que le public participe plus largement aux activités de la société.

La SGF est une société de crédit et de contrôle, et je veux revenir sur ce point. D'autre part, elle accorde des prêts à moyen terme et à long terme avec ou sans garantie. Elle achète des actions communes pour participer à la gestion des entreprises ou en acquérir le contrôle. Toutefois, son rôle principal se situe au niveau de la participation à la gestion d'entreprises, qu'elles soient acquises ou créées. Tel est

d'ailleurs son objectif principal, comme en fait foi l'article 4 de la loi de 1962, créant la SGF. Cet article stipule que les deux buts principaux de la SGF sont, premièrement, de susciter et favoriser la formation et le développement d'entreprises industrielles et, accessoirement d'entreprises commerciales dans la province, de façon à élargir la base de sa structure économique, en accélérant le progrès et en contribuant au plein emploi.

On a beaucoup parlé d'entreprises pour créer des emplois. Je m'interroge sur ce point. C'est encore une hérésie que nous avons récoltée de quelques théoriciens en économie politique et qui a permis à plusieurs pays de s'embourber et de connaître aujourd'hui un marasme économique duquel ils ne pourront probablement jamais se sortir, à moins de je ne sais quel miracle.

Le premier but de l'entreprise n'est pas de créer des emplois. Le premier but de l'entreprise est de fournir un bien ou un service de la meilleure qualité possible, au meilleur prix possible pour l'usage et les besoins des consommateurs. C'est le but premier de l'entreprise. Si le gouvernement ne veut pas poursuivre une politique uniquement de plein emploi et toujours parler en fonction de création d'emplois ou autres, qu'il cesse d'acheter des ordinateurs pour ses différents ministères et qu'il engage du personnel de bureau. Ainsi on aura contribué à créer de nouveaux emplois.

Qu'on se débarrasse, au ministère de la Voirie, d'outillage moderne et on pourra parler de création d'emplois. Lorsqu'on voit, à l'heure actuelle, pour favoriser la création d'emplois, toutes les acrobaties auxquelles le gouvernement se livre pour favoriser la création d'emplois, avec toutes les contradictions que cela implique, je dis que nous faisons fausse route. Nous surchargeons le fardeau gouvernemental, le fardeau public. Nous compliquons l'administration et nous nous retrouvons dans l'inefficacité, avec des entreprises non rentables, parce que le but poursuivi est faux.

Le deuxième but pour lequel la SGF a été fondée, c'est d'amener la population du Québec à participer au développement de ses entreprises en y plaçant une partie de son épargne. Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui a pour objet de biffer le deuxième but pour lequel cette société était créée.

M. SAINT-PIERRE: C'est au niveau des filiales. Dans votre région, ça irait bien mieux si vous aviez une filiale. Je vais prendre votre région. Vous avez des entreprises qui font des maisons mobiles. La SGF pourrait avoir une filiale et tenter d'apporter 50p.c, avec des gens de chez vous qui ont de l'expérience. Disons qu'on crée une filiale. Cela va très bien et elle vend des maisons mobiles au Nouveau-Brunswick et dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre. Au bout de deux ou trois ans, on en fait une compagnie publique qui marche rondement, efficacement. On invite les gens de votre région à fournir du capital à cette entreprise. On ne fait pas ce qu'on a fait. Je lève mon chapeau devant ces gens de Lac-Mégantic qui dans 32 jours, ont ramassé $600,000, mais après on n'a pas su quoi faire avec. La première nouvelle qu'on a, c'est qu'on demande des propositions et on se fait jouer. Six mois après, on a perdu les $600,000 et on vient voir le ministère pour dire: Donnez-nous les $600,000 on s'est fait jouer.

C'est le sens de la loi. Ce n'est pas d'empêcher les gens de contribuer. C'est de changer le niveau.

M. ROY (Beauce): Changer le système. Mais je me demande sincèrement si l'honorable ministre est convaincu d'avance et est optimiste quant à la solution de rechange qu'il propose. Parce que le problème de la SGF — et le ministre le sait — est un problème d'administration des entreprises. Nous avons connu le même problème à l'Hydro-Québec au moment où elle fut étatisée. Les complications administratives et les frais d'administration ont été tels que les entreprises sont devenues déficitaires.

Comme les dirigeants de ces mêmes entreprises ne risquent plus leurs capitaux, ils deviennent tout simplement des salariés, des fonctionnaires. Alors, il y a un problème très grave de motivation à la base.

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. ROY (Beauce): Je pense que le ministre est conscient de ce problème.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous me permettez une question? Justement, je vous l'ai expliqué. Si on reprend le même cas, vous avez à l'esprit, en faisant des approbations mutuelles, Les Tricots LaSalle. Mais si on reprenait les Tricots LaSalle, qu'est-ce qu'on ferait? On n'irait pas à la SGF à cent pour cent comme c'est le cas ici. On exigerait que l'individu apporte la contribution du capital-actions à la gestion de la filiale, celle que je vous donnais avant. On n'irait pas à cent pour cent et dire: On engage des gens. Ce sont des fonctionnaires et ils n'ont plus aucune motivation. On leur dirait: Mettez 50 p.c. du capital et si on fait des pertes, vous allez faire des pertes, vous aussi. C'est ça qu'on tente de faire dans le projet de loi. On évite les erreurs que vous décrivez.

M. ROY (Beauce): Vous voulez éviter les erreurs, mais d'après l'expérience, jusqu'à présent, et avec l'orientation que nous connaissons, nous nous demandons sérieusement si les erreurs qui ont été commises ne seront pas tout simplement remplacées par d'autres erreurs. Nous nous interrogeons sur ce point parce que nous avons quand même quelques suggestions à faire à l'honorable ministre. Je les ferai à la fin de mon intervention et je suis convaincu qu'elles retiendront son attention.

C'est vrai qu'il y a eu des erreurs. Mais ce que j'étais en train de dire au ministre, c'est que les principes et les buts, au point de départ, sont faux, reposent sur de faux principes. J'écoutais l'honorable député de Gouin et j'étais d'accord avec lui sur certains points. Mais sur certains autres points, j'étais complètement en désaccord avec lui.

On dit qu'une entreprise, c'est une association d'hommes responsables, d'hommes qui peuvent développer de l'initiative, qui sont capables de leadership, des hommes qui sont capables de prendre des risques. Lorsqu'on administre le portefeuille d'un autre, est-ce qu'une personne, même un bon administrateur, est capable de prendre des risques si ce ne sont pas ses capitaux qui sont en jeu? Les industriels, l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce le sait, sont obligés de consentir des risques et de prendre des chances souvente-fois. Ils sont obligés de faire preuve d'initiative. Ils sont obligés, quelquefois, de changer complètement de direction dans très peu de temps et dans très peu d'espace. Mais les structures administratives et la réglementation des entreprises d'Etat ne sont pas assez souples pour permettre aux administrateurs de ces entreprises de s'orienter dans ce sens, à moins que la SGF devienne une société de participation qui aurait des politiques incitatrices au niveau de l'achat des produits fabriqués au Québec, pas toujours des politiques incitatrices â la production, mais des politiques incitatrices à la consommation lorsque ces produits sont fabriqués au Québec.

Nous l'avons déjà dit et ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion de le répéter dans cette Assemblée. Je vois le ministre des Finances qui fait un signe négatif. Je trouve tout simplement scandaleux et épouvantable ce que la SGF fait à l'intérieur de la province de Québec. On parlait des industries de la Beauce tout à l'heure. Nous avons une industrie, dans le comté de Beauce qui a eu à souffrir et â subir la concurrence de Forano. Le ministre de l'Industrie et du Commerce sait de qui je parle. Cet industriel doit payer des impôts au gouvernement pour satisfaire à toutes les exigences du gouvernement et concurrencer une entreprise gouvernementale qui est administrée à même les fonds publics et qui est subventionnée par l'Etat. Elle n'est pas responsable de ses propres déficits.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je m'excuse. Je veux rétablir les faits. Il faut se rappeler que Forano paie des impôts comme toute autre entreprise, que Forano est soumise exactement aux mêmes règles du jeu, est astreinte aux mêmes réglementations de la part du gouvernement. Finalement, si vous prenez le dossier économique de Forano, vous allez vous apercevoir que c'est une des entreprises de la SGF qui n'a pas connu de déficit, qui, dans des périodes de conjoncture difficile, a constamment aug- menté son chiffre d'affaires. Elle a maintenu des profits intéressants. C'est la preuve du succès.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je n'ai pas le bilan de Forano ici. Mais j'ai déjà eu l'occasion de l'examiner...

M. GARNEAU: Ne parlez pas si vous ne savez pas.

M. ROY (Beauce): ... et je pourrai y revenir lors de l'étude de ce projet de loi, article par article, en commission parlementaire.

Quand je regarde les taux de participation de la SGF, au 31 décembre 1971, c'est tout simplement désastreux de voir de quelle façon on a travaillé, dans ce domaine et, par voie de comparaison, de quelle façon, par exemple, une société de gestion, une société de contrôle fonctionne. On a créé des entreprises comme, par exemple, David Lord Ltée. On a acheté 100 p.c. des actions ordinaires, 100 p.c. des actions privilégiées, alors que pour contrôler une entreprise, tout le monde sait qu'il suffit d'avoir 51 p.c. des actions.

Alors, pourquoi investir énormément de capitaux, encore, dans ce domaine, pour acheter la totalité des actions? Dans le cas de Cegelec, 50 p.c. des actions; même pas 51 p.c, même pas 49 p.c. Personne n'a le contrôle des actions. Qu'est-ce qui arrive si ceux qui participent, au. niveau de l'entreprise privée, veulent orienter l'entreprise dans une direction et que ceux qui ont â administrer des actions qui sont détenues par le gouvernement provincial veulent agir dans une autre direction? Il s'ensuit des discussions stériles, des discussions sans limite, sans issue, avec les résultats que nous connaissons.

M. le Président, ce qui est plus grave â l'intérieur de cela — c'est pour cela que je suis d'accord pour qu'on fasse une certaine transformation à la SGF — c'est qu'on est en train de camoufler quelque chose. C'est du camouflage qu'on est en train de faire. On voit qu'en 1971 Marine Industrie a accumulé un déficit de $3,189,000, alors qu'en 1967, elle avait fait des profits de $2,161,000.

M. SAINT-PIERRE: Et qu'en 1972, les trois premiers mois, elle a accumulé un bénéfice de $5 millions. Dites donc cela. C'est complet. C'est publié, c'est public. Vos recherchistes devraient savoir cela.

M. ROY (Beauce): Le gouvernement n'est pas tellement généreux pour ses budgets de recherche.

M. SAINT-PIERRE: C'est dans la grosse Presse, dans les pages financières.

M. ROY (Beauce): Le gouvernement n'est pas tellement généreux, non plus, pour nous fournir des documents.

M. LEDUC Ce sont des documents publics qui paraissent dans les journaux.

M. ROY (Beauce): Je prends les bilans que nous avons ici, pour l'année 1971. Dans le cas de Sogefor, M. le Président, qu'est-il arrivé? L'année dernière, lorsqu'on a adopté la loi, je me souviens que nous avions proposé une motion, demandant de faire comparaître les dirigeants de Sogefor, pour tâcher de savoir de quelle façon le gouvernement entendait disposer des actifs. On nous a dit qu'on ne pouvait pas le faire, parce qu'il y avait des négociations en cours, qu'il fallait attendre, parce qu'il aurait été dangereux, il aurait été contraire à l'intérêt public de faire part des pourparlers et des possibilités qu'il pouvait y avoir dans ce domaine.

En bons princes, M. le Président, nous avons fait confiance au gouvernement. Nous avons fait confiance aux dirigeants de ces entreprises. On nous avait donné l'assurance que la commission parlementaire serait convoquée à nouveau et qu'au cours de ces séances on nous ferait part du bilan, on nous dirait exactement ce qui était arrivé et de quelle façon la situation a été réglée.

M. le Président, nous n'avons pas réentendu parler de cela, sinon que nous avons pu profiter de certains rapports qui ont été publiés dans les journaux ou encore par certains analystes.

M. le Président, je reviens aux deux principes fondamentaux qui avaient guidé la SGF, au tout début. Précisons tout de suite que de nombreuses personnes trouvaient inconciliables ces deux objectifs, fixés au départ. C'est ainsi que M. Robert Thomassin, vice-doyen de la faculté des sciences de l'administration de l'université Laval, trouve que la contradiction se situe dans le fait que, si l'on veut attirer les épargnants, il faut garantir un revenu à cette épargne, puisque ces épargnants peuvent déjà faire des placements qui rapportent, avec le maximum de sécurité, dans d'autres institutions. Or, si la SGF veut lancer des entreprises nouvelles ou acheter des entreprises déjà existantes qui sont dans une situation précaire, mais qu'il est possible de rétablir, ce sont là des projets qui ne sont pas rentables à court terme et qui comportent donc un risque important. Ce n'est pas le genre de placement que recherche un épargnant, à moins d'y être contraint, c'est-à-dire à moins d'avoir à subir une loi étatique, une loi d'épargne obligatoire.

C'est d'ailleurs ce que le président de la SGF, M. Jean Deschamps reconnaissait quand il déclarait: "La Société générale de financement ne devrait pas aller sur le marché tant que son succès définitif n'est pas assuré. Les objectifs fixés par les fondateurs de la SGF l'ont empêchée de rémunérer le capital, comme il eût sans doute été souhaitable de le faire, mais nous achetons l'avenir et nous pouvons le faire grâce à l'épargne institutionnelle moins sensible aux pressions conjoncturelles que l'épargne individuelle".

Qu'est-ce que cela donnera aux épargnants, M. le Président? Où allons-nous? Il y a dix ans que la Société générale de financement existe. Nous avons eu affaire à trois gouvernements, au cours de cette période, et nous récoltons aujourd'hui ce qui était à prévoir dès le départ, pour des raisons que j'ai mentionnées au tout début.

Par contre, à la suite de la nouvelle orientation donnée récemment à la SGF, celle-ci veut se faire octroyer un nouveau rôle, qui se résume à trois points principaux: attirer au Québec des capitaux pour la création et l'implantation d'entreprises industrielles et commerciales — c'est un but fort louable — attirer des capitaux pour le regroupement et l'intégration d'activités de même nature; enfin, maintenir, au Québec, le centre de décision d'entreprises par sa prise de participation au capital de sociétés jugées essentielles.

Je m'interroge. Les buts sont fort louables. On ne peut pas ne pas être d'accord sur ces trois objectifs.

Quand je regarde les institutions financières que nous avons au Québec, comme les caisses d'entraide économique, les caisses d'établissement qui travaillent à peu près dans le même champ d'activité, je constate toutes les difficultés que connaissent ces institutions, qui ne coûtent rien — je dis bien qui ne coûtent rien — au gouvernement et qui sont prêtes à aider des industriels du Québec, à faire de l'investissement dans certains secteurs, alors que le gouvernement lui-même n'a pas défini de politique précise en matière de développement industriel.

Vous avez, dans une certaine direction, la SDI qui finance certains domaines, mais lorsqu'on essaie d'aider des entreprises existantes qui aimeraient prendre de l'expansion et bénéficier de cette aide, on se rend compte encore qu'avec toute la subtilité de ces lois, de ces dispositions et de ces règlements, il y a seulement quelques types d'entreprises qui répondent aux normes bien établies.

M. SAINT-PIERRE: Ce ne sont pas les normes, c'est la politique.

M. ROY (Beauce): On constate que notre petite entreprise de chez nous ne peut même pas avoir accès à cette aide, étant exclue au point de départ parce que la haute technologie et toutes ces choses font en sorte que ce sont des outils qui sont tout prêts, tout disposés à recevoir des entreprises multinationales, des entreprises internationales ou à capital étranger.

Mais lorsqu'il s'agit de nos petites entreprises québécoises qui seraient prêtes à doubler et à tripler, nous rencontrons difficulté par-dessus difficulté, embêtement par-dessus embêtement. J'en sais quelque chose, parce que je me suis occupé passablement de développement industriel depuis une douzaine d'années dans ma région.

Je peux dire que c'est le même problème qu'on rencontre un peu partout. Nous avons

des gens dans le Québec — je parle de la région de chez nous — qui ont fait preuve d'audace, qui, au lieu de donner de l'expansion à leurs entreprises dans le Québec, ont été obligés d'aller créer des filiales ailleurs.

Nous avons même vu des gens de chez nous, alors que le gouvernement est alerté, qu'il est paniqué, et que certaines personnes bien conscientes, de bons nationalistes québécois trouvent désastreux que nos entreprises passent entre des mains étrangères, nous avons vu des gens de chez nous, dis-je, qui n'ont pas eu peur d'aller acheter des entreprises américaines et de venir les réinstaller ici.

On parlait des usines de maisons mobiles tout à l'heure. On a encore vu, avec notre gouvernement provincial, le tour de force que nous avons été obligés de faire pour garder une usine chez nous, garder en activité une mine qui ne coûte encore rien au gouvernement. Nous avons trop de lois embêtantes, parce que le gouvernement n'a pas de philosophie économique, pas de programme de développement économique précis.

Il y a quand même un ensemble à l'intérieur de ces choses. Et puisque nous parlons du rôle de la SGF, on touche au développement économique de la province de Québec et ça fait suffisamment longtemps que nous en parlons. Je pense que notre parti politique a donné des preuves — nous l'avons mentionné souvente-fois — que nous sommes très intéressés au développement industriel de notre province. Nous l'avons dit.

C'est pourquoi nous réclamons des réformes profondes dans notre système gouvernemental, dans le système économique et surtout dans le système financier qui est au service d'entreprises multinationales, alors que nous assistons à la dépossession de nos entreprises de chez nous.

Le problème auquel nous avons à faire face, c'est que nos industriels sont tout simplement écoeurés. Ils n'ont plus la motivation qu'ils devraient avoir parce qu'il n'y a pas de politique incitatrice de la part du gouvernement. Ils sont prêts à développer leurs entreprises, mais ils sont guettés par les lois de l'impôt, ils sont aux prises avec les lois de succession, les lois du ministère du Travail. Pas des lois du ministère du Travail qui favorisent les travailleurs, mais des lois qui ne font que compliquer et alourdir l'administration, qui ne rendent pas service aux ouvriers.

Il y en a, des lois qui rendent service aux ouvriers, mais quand on constate que des personnes hautement spécialisées de l'industrie de la construction comme celles qui travaillaient à la Glendale Mobile Home de Saint-Joseph-de-Beauce, ont été dans l'impossibilité absolue de travailler à la reconstruction de leur usine en étant rémunérées, alors que c'étaient des gens spécialisés dans ce même domaine, je dis que c'est tout simplement ridicule. Quoi qu'on fasse avec la Société générale de financement, tant que le gouvernement gardera cette orientation, qu'il ne se donnera pas de politique clairement définie, au lieu de créer au Québec des grandes entreprises qui demandent des milliards et des milliards de dollars, il ne pourra développer l'industrie de transformation, l'industrie secondaire au Québec.

La région métropolitaine de Québec et la région où je demeure ont à leur portée le marché nord-américain. Nous n'avons pas de routes, c'est un premier problème. Nous ne sommes pas capables d'avoir des lois gouvernementales et l'aide que nous serions en droit d'attendre. Nous avons les dirigeants d'entreprises, nous avons des hommes compétents, nous avons des investisseurs, nous avons des capitaux. Nous avons tout cela mais il n'y a pas de possibilités parce qu'on décourage ces gens de mille et une façons. Il n'y a pas de possibilités quoi que fasse la Société générale de financement, tant et aussi longtemps que le gouvernement s'orientera dans cette direction. Je ne mets pas en doute la bonne volonté et le désir de l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Mais je veux attirer l'attention du ministre pour lui dire que la tâche qu'il a à accomplir est immense. Il y a des choses que son ministère doit subir à cause des politiques d'autres ministères. Il va falloir qu'il y ait au niveau du gouvernement une orientation globale, une orientation générale et que nous ayons, au sein même de ce gouvernement, des principes ou encore des politiques d'ensemble, des politiques globales dans lesquelles tous les ministères travailleront en étroite collaboration vers un même objectif.

M. le Président, je sais que la tâche n'est pas facile parce que la réorientation totale de l'administration publique, de l'administration gouvernementale est en cause. Il va falloir qu'il y ait plus d'interdépendance entre les ministères, une plus étroite collaboration de façon à ce que le gouvernement puisse élaborer cette politique. J'accorde au ministre qu'il a certainement la ferme intention, la bonne volonté, la compétence nécessaire pour mener cette tâche à bien.

Mais, M. le Président, pour revenir au projet de loi qui nous préoccupe à l'heure actuelle, le fait que le gouvernement devienne le seul actionnaire c'est tout simplement une facture que les Québécois ont à payer aujourd'hui pour une série d'erreurs qui ont été multipliées par d'autres erreurs. Il y a eu de l'irresponsabilité, une philosophie fausse au point de départ. Certaines personnes ont rêvé en couleurs et aujourd'hui on dit aux Québécois: Voici, nous allons racheter le capital-actions et nous allons faire payer aux contribuables québécois toutes nos erreurs. Nous allons, pour que cette pilule soit moins amère à avaler, tenter de redéfinir un nouveau rôle à la SGF. Je tiens à dire au ministre immédiatement — et je pèse bien mes paroles — que le nouveau rôle qu'il veut donner à la SGF est fort louable mais nous ne croyons pas d'avance au résultat parce que le problème

n'est que reporté. Le problème de la SGF dépend, dans la plus grande mesure, d'une politique économique globale, dépend d'une politique d'expansion industrielle globale et des objectifs que le gouvernement provincial — je ne dirai pas seulement le ministère de l'Industrie et du Commerce — dans son ensemble veut se donner. On a couru un peu à gauche, un peu en avant, un peu à droite, un peu en arrière. Maintenant la SGF a éparpillé toutes ses énergies, ses activités, ses capitaux, a fait des investissements inutiles. Et aujourd'hui on dit aux Québécois: Voici, nous avons pensé une nouvelle formule, nous voulons essayer de ménager le choux et la chèvre, nous avons tout simplement l'intention de donner une nouvelle vocation. Pour que la SGF puisse bénéficier de cette nouvelle vocation qu'on lui accorde, vous devrez payer la facture qui est attachée au projet de loi.

M. le Président, je m'interroge sur les sociétés gouvernementales. Prenons par exemple l'achat de la firme Forano. Je citerai des extraits qui ont paru dans le journal Québec-Presse: Lors de l'achat, M. Filion prend le contrôle de Forano, en 1963-1964, pour la somme totale de $1,424,041, soit 95 p.c. des parts.

Combien valait réellement Forano, à l'époque? Pour en avoir une idée, laissons la parole au courtier François Lessard, de Montréal. M. Rosario Tremblay, membre de l'ordre, parce qu'on parle de la patente à l'intérieur de cela, et administrateur influent de la Société nationale de gestion, de défunte mémoire, a déclaré publiquement, en 1963, que la Société nationale de gestion, dans l'espoir de se tirer du trou, aurait voulu acquérir Forano. Pour connaître la valeur de Forano, la Société nationale de gestion fit appel aux experts de la SGF qui dirent: Forano, ça vaut $800,000.

Cela, M. Tremblay l'a dit publiquement, affirme M. Lessard. Or, rappelons-le, la SGF elle-même a payé pour Forano plus de $1,400,000. Quant à Volcano, elle fut acquise, en même temps, pour la somme de $1,025,742. Volcano, on l'a vu, se situait en plein dans le circuit de la patente et de la Société nationale de gestion.

S'il fallait d'autres preuves que celles fournies jusqu'à maintenant, qu'il suffise de signaler que Volcano était le principal annonceur dans le bulletin de la patente du temps, l'Emérillon. Marine dans le décor, nous filons comme cela jusqu'en 1965.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement. Il me semble qu'il y a une règle de pertinence des débats. Je m'inscris en faux contre tout ce qui a été déclaré. Il me semble que ce n'est même pas sérieux. Pour respecter la pertinence des débats, on ne peut pas commencer à reprendre les actes administratifs qui ont été posés depuis dix ans par la SGF.

Il me semble que le député doit revenir au projet de loi 75 qui est devant nous et non pas parler des choses qui sont arrivées il y a neuf ans,qui sont fausse, d'ailleurs.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): J'inviterais le député de Beauce à revenir au débat.

M. ROY (Beauce): L'honorable ministre dit que ce n'est pas sérieux. Je vais lui dire que c'est, quand même, extrêmement sérieux, parce qu'il y a une facture attachée à ce projet de loi. Nous ne nous laisserons pas endormir par le fait qu'il s'agit, tout simplement, d'une seule et nouvelle orientation qu'on veut donner à la Société générale de financement. Il y a une facture à l'endos de cela et je pense que les contribuables du Québec et les députés de cette Assemblée ont quand même le droit de s'interroger sur les faits qui justifient qu'on trouve cette facture accrochée derrière le projet de loi. Je veux que le ministre, lors de sa réplique, nous donne certaines assurances que ces erreurs ne se répéteront pas, mais le ministre n'en est pas capable; j'en suis à peu près persuadé.

Il y a eu un autre point aussi qui a fait l'objet de beaucoup de discussions. C'est lorsque la Société générale de financement a acquis le contrôle du Centre éducatif et culturel. On sait quel est le rôle et la puissance du trust Hachette, un trust d'Europe, de France, M. le Président.

UNE VOIX: Revenez à la loi.

M. ROY (Beauce): Je suis dans la loi parce que, dans cette loi, il y a des actions qui sont détenues. Comme le dit le député de Frontenac, le passé est garant de l'avenir. On peut trouver cela fatiguant, mais, quand même, je suis exactement dans le texte de la loi. Je sais que ça fait mal qu'on discute de ces choses, parce qu'on a voulu faire un certain tripotage pour aller chercher quelques petits profits, pour tâcher de dire: La Société générale de financement n'est pas en aussi mauvaise posture que cela. Elle avait, quand même, besoin de certains petits profits pour camoufler des déficits dus aux erreurs du passé.

Or, M. le Président, sur cette Société générale de financement, dans les circonstances, j'aurais beaucoup à dire encore, mais je pense qu'avec ce que nous venons de citer au ministre nous avons quand même réussi à attirer son attention. Je m'interroge encore sérieusement sur le fait qu'on veut donner encore plus de pouvoirs à une société qui va aller s'implanter dans des domaines où nous avons probablement des industriels du Québec, des industries bien de chez nous. Or, le gouvernement, par l'entremise de cette société d'Etat, va aller s'implanter dans des domaines comcurrents. Il va aller concurrencer ces entreprises et absorber des déficits lorsqu'elles en font, comme cela s'est pratiqué au cours des dix dernières années,

c'est-à-dire depuis la fondation de la Société générale de financement.

Or, je pense que le gouvernement aurait un moyen à prendre pour tâcher de sortir du bourbier dans lequel il s'est enlisé. Qu'il se donne d'abord une politique économique. Que, par des politiques incitatrices, on permette, on favorise et on incite les industriels ou encore les consommateurs à acheter des produits au Québec.

Je reviens encore sur cette question parce que j'y crois fermement, je suis convaincu que c'est un des moyens les plus efficaces pour permettre à des entreprises du Québec de demeurer chez nous, au Québec, de se développer en subventionnant la consommation ou l'achat de produits fabriqués au Québec, d'authentiques produits du Québec.

Dans le cas des entreprises qui nous concernent, si le gouvernement veut se débarrasser des déficits, s'il veut se débarrasser de cette patate chaude de façon â ne pas être toujours dans l'obligation de revenir à la charge du contribuable québécois, le gouvernement devrait retourner à l'entreprise privée en favorisant la copropriété des entreprises. Si toutes les entreprises qui sont actuellement sou le contrôle de la Société générale de financement, je n'en exclus aucune, permettaient à leurs employés d'en être actionnaires, favorisaient la copropriété des entreprises en permettant aux employés d'en être les actionnaires, ces mêmes employés seraient beaucoup plus motivés et intéressés, deviendraient des personnes responsables, capables de prendre des décisions et nous verrions, j'en suis convaincu, dès le moment où ce serait fait, une orientation nouvelle de ces entreprises.

Nous les verrions ces entreprises, au niveau de la mise en marché des produits, au niveau de la fabrication, au niveau de la modernisation, au niveau d'une meilleure administration et à tous les niveaux. Et ces entreprises, au lieu d'être des fardeaux ne coûteraient rien à l'Etat, paieraient des impôts comme les autres, contribueraient à alimenter le trésor québécois, ce qui ferait l'affaire de l'honorable ministre du Revenu qui attend que cette loi soit adoptée pour faire adopter la sienne, ce qui permettrait à l'honorable ministre des Finances d'être beaucoup plus heureux dans ses fonctions.

Il y a trois moyens vers lesquels le gouvernement devrait orienter ses politiques: 1) retourner vers l'entreprise privée; 2) favoriser la copropriété de ces entreprises, permettant aux employés d'être des actionnaires responsables; 3) établir des politiques incitatrices pour favoriser et permettre l'achat de produits manufacturés au Québec, dans des entreprises québécoises. Si ces trois principes étaient mis en application, nous n'aurions pas besoin, dans cinq ans — parce que je suis convaincu que ça ne prendra même pas cinq ans, avec cette loi de la SGF — d'envoyer aux contribuables québécois une autre facture déguisée qui sera peut-être investie, immobilisée dans les déficits à long terme, parce que c'est la spécialité du système financier actuel, des déficits à long terme qui ne se paient jamais.

Nous ferions oeuvre salutaire pour notre économie québécoise, nous ferions oeuvre salutaire pour l'administration du gouvernement et ce serait à l'avantage de tous les Québécois.

Pour ces considérations, M. le Président, je regrette de décevoir l'honorable ministre mais nous ne pouvons accepter le projet de loi 75 ni son principe dans sa teneur actuelle. Nous voterons contre.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, durant les quelques minutes qui restent, avant la suspension de six heures, je voudrais vous livrer quelques remarques sur un dossier que devait défendre devant cette Chambre le chef de l'Opposition; mais par suite d'une mauvaise grippe et d'une absence momentanée de la voix — ce qui est bien important pour faire un discours en cette Chambre — à sa demande, j'ai accepté de présenter le point de vue de notre formation politique.

Au long des années, comme les membres de cette Chambre et les gens de l'extérieur qui s'intéressent au développement économique de la province, j'ai suivi de près la carrière — si on me permet le mot — mouvementée de la SGF. Je n'étais pas en cette Chambre en 1961, au moment où l'Assemblée législative a donné naissance à cette institution, à ce mécanisme.

Malheureusement, il n'y avait pas le journal des Débats à cette époque. Nous n'avons donc pas pu prendre connaissance en détail des motifs qu'on a allégués pour la création de cette institution. Ah! bien sûr, des journaux, des textes et des affirmations que l'on a entendues dans cette Chambre au cours des années nous ont reportés à cette époque et nous ont décrit assez bien les objectifs que l'on poursuivait. Le ministre y a fait allusion cet après-midi. Je m'excuse de n'avoir pu entendre la première partie du discours du ministre de l'Industrie et du Commerce. J'ai écouté les interventions de mes deux collègues de ce côté-ci de la Chambre. J'ai pu retracer, à travers leurs interventions, la partie de son discours que j'avais manquée.

C'est une loi que nous attendons depuis longtemps. Je ne fais pas de reproche au ministre de l'Industrie et du Commerce d'avoir attendu ce jour pour nous la présenter. Il fallait tout de même, au moment de son arrivée au ministère, qu'il prenne connaissance des nombreux travaux que l'on avait faits sur ce sujet. Ses prédécesseurs, et je fais allusion particulièrement à l'ex-ministre des Finances, de 1969 à 1970, M. Mario Beaulieu, s'étaient penchés sur ce problème crucial de la SGF. J'avais eu l'occasion même, en 1970, durant les mois de

janvier et de février, d'en causer assez longuement avec lui. M. Beaulieu, alors, avait l'intention de présenter une loi à l'Assemblée nationale, en mars 1970. Malheureusement, à cause de la dissolution de la Chambre, ces avant-projets de loi, étaient déjà rédigés et dont le ministre a peut-être pris connaissance, n'ont pu être présentés à cette Chambre et n'ont pu être discutés.

Déjà, en 1970, et bien avant ça, le problème de la SGF était né. Nous avions à considérer ce problème et nous avions à tenter d'y apporter une solution. L'orientation que voulait donner M. Beaulieu et qu'il voulait proposer au conseil des ministres, à cette époque, si ma mémoire est fidèle, était de scinder en deux parties la Société générale de financement. Il y avait au sein de la société des entreprises qui avaient été achetées rentables et qui étaient demeurées rentables, même si le taux de rentabilité avait diminué. Par contre, d'autres n'avaient pas été achetées pour leur rentabilité, mais pour d'autres considérations, considérations qui ont toujours été assez difficiles de concilier, d'une part, avec les objectifs que poursuit ordinairement l'entreprise privée et, d'autre part, ceux que peut considérer l'entreprise d'Etat.

Il y avait donc deux catégories d'entreprises bien déterminées. Les unes, par manque de rentabilité, grèvaient lourdement le rendement et les possibilités de la SGF. D'ailleurs, on voyait les résultats par l'attrait que ces entreprises pouvaient exercer sur les investisseurs. Le prix qui fluctuait presque toujours vers la baisse sur les marchés boursiers.

Je crois qu'il y avait quelque chose de logique dans cette option que nous considérions et que nous nous apprêtions à concrétiser.

Il s'agissait d'une part de séparer les entreprises rentables qui ne créaient pas de problème à la Société générale de financement et qui auraient pu être, pour l'investisseur, un endroit intéressant pour investir de l'argent. Je ne pense pas qu'une entreprise comme Forano — le ministre en a parlé tantôt — avec son taux de rendement, aurait eu des difficultés sur les marchés à intéresser les investisseurs. Je ne le crois pas. Il y a d'autres entreprises, au sein de la SGF, qui étaient dans le même cas. Mais il était plus difficile pour Sogefor, pour des entreprises qui se laissent traîner par la Société générale de financement, de comporter un intérêt pour l'investisseur.

Alors, est-ce que cette option était la meilleure? Je ne sais pas si elle était la meilleure mais elle était certainement intéressante. Nous allions plus loin dans cette option. Dans la deuxième partie, dans la deuxième catégorie, celle des entreprises à taux de rendement très faible, des entreprises qui n'avaient pas atteint le seuil de la rentabilité, des entreprises déficitaires, l'action de la SGF, de ses dirigeants et des autres actionnaires de l'entreprise privée aurait pu se diriger davantage vers ces entreprises. Il y aurait eu une espèce de "task force" vis-à-vis de ces entreprises. On aurait pu divertir toutes les énergies de ceux qui étaient intéressés par cette société vers le redressement de ces entreprises plus difficiles, de sorte que nous nous serions retrouvés, je pense, à un moment donné, avec la possibilité de n'avoir, dans cette deuxième catégorie d'entreprises, que des entreprises qui accèdent à ce seuil de rentabilité que l'on voulait atteindre.

Aujourd'hui, le ministre de l'Industrie et du Commerce nous apporte une loi qui ne tient pas compte de cette catégorisation. L'Etat devient le seul actionnaire, non seulement l'actionnaire majoritaire, de l'entreprise SGF. L'Etat accepte donc l'entière responsabilité d'une entreprise qui a été fortement discutée à sa naissance —plusieurs doutant de l'opportunité de lui donner naissance — et sur laquelle plusieurs ont porté un jugement très sévère au fur et à mesure des années.

Les objectifs de la société, je n'y reviens pas, les trois opinants qui m'ont précédé l'ont dit, étaient très louables. Là-dessus, tout le monde est d'accord. Mais entre l'énoncé de ces objectifs, la poursuite de ces objectifs et leur atteinte, il y a toute une marge qu'il était difficile de franchir. Le ministre a donc décidé, après étude du dossier, de se porter, avec le gouvernement, acquéreur en entier de cette société.

Qu'est-ce qui viendra comme deuxième étape? Le député de Gouin, tantôt, a posé le problème. Je crois qu'on peut être d'accord avec cette première étape à l'effet de se porter acquéreur de la SGF. Il nous faut poser un geste. On ne peut plus accepter que cette société connaisse les difficultés qu'elle a connues depuis onze ans et la laisser aux prises avec ces difficultés.

Nous allons donc devoir redéfinir une deuxième étape pour la SGF. Est-ce que c'est dans cette deuxième étape que le ministre va faire cette catégorisation? Est-ce qu'il va garder au sein de la SGF toutes ses entreprises?

Y a-t-il objection à ce qu'un jour, après que nous aurons franchi cette première étape de se porter acquéreur de la SGF, après que le ministre en sera devenu le seul actionnaire, on opte définitivement pour l'une ou l'autre des solutions que nous avions ébauchées nous même? Y aurait-il objection, pour le gouvernement, à se départir d'une entreprise comme Marine Industries? Y aurait-il objection à se départir des entreprises comme Bonnex, Cegelec, Tricots Lasalle, Benoît Girard, Industries Valcartier, Donohue?

L'un des reproches qu'on a faits à la société —je pense que c'est un reproche qui est mérité, qui est exact — c'est que la société s'était dirigée dans une foule de secteurs, que la SGF avait tenté de circonscrire ou de percer une pointe dans différents secteurs d'activité. Je pense que c'est exact. C'est là une des faiblesses de la SGF. Même s'il est actionnaire majoritaire — non seulement majoritaire mais à 100 p.c, le

seul actionnaire — le gouvernement est encore aux prises avec cette diversité d'entreprises à travers lesquelles il est difficile de voir un lien, une trame, une orientation bien précise.

On voit des "holdings" ou des entreprises de "holding" — enfin, c'est un "holding"— qui détiennent plusieurs entreprises mais au sein desquelles on peut voir une orientation bien définie. On peut voir qu'un "holding" peut être intéressé à développer un territoire, une région. A ce point de vue, je pourrais prendre un exemple dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, je pourrais prendre des exemples dans toutes les régions de la province, où on a des "holdings" d'entreprises un peu différentes. Mais parce qu'elles sont situées dans la même région, parce qu'elles font affaire avec les mêmes ressources humaines, avec â peu près les mêmes hommes, dans les différentes entreprises, parce qu'elles font affaires avec une même clientèle, on peut retrouver, au sein de ces "holdings" une certaine homogénéité.

Mais ce n'est pas le cas, M. le Président, pour la SGF, parce qu'il y a des entreprises, là-dedans, dans toutes les régions de la province, il y a des entreprises dans tous les secteurs d'activité, il y a des entreprises d'une bonne structure financière. Il y en a qui ont un taux de rentabilité qui est intéressant, il y en a d'autres qui sont déficitaires. Alors, M. le Président, comment, dans tout cela, faire quelque chose qui se tienne, quelque chose qui soit assez homogène et qui puisse faciliter aux administrateurs et aux gens qui sont responsables du développement de ces entreprises, comment donner des indications assez précises du développement d'une telle société?

Ne m'engageant pas au nom de mon parti, parce que n'ayant pris le dossier que cet après-midi, il est possible que j'exprime des idées personnelles qui n'ont pas encore été complètement endossées par ma formation politique, alors que l'on se penche justement, à l'intérieur de la confection du programme du parti, sérieusement sur toute la section économique.

Mais il me parait que je dois livrer à cette Chambre et au ministre de l'Industrie et du Commerce quelques opinions personnelles que j'ai sur ce dossier.

Est-ce qu'il y aurait objection à ce que la Société générale de financement se départisse de ces entreprises qui fonctionnent bien, qui n'ont pas de problème de rentabilité, qui sont bien intégrées non seulement à toute l'économie québécoise, mais à la région où elles sont implantées? Personnellement, je n'y vois aucune objection.

J'y mettrais, toutefois, des conditions. Une des conditions, qui était un des objectifs de la SGF, serait que ces entreprises restent ici, entre les mains de Québécois. Cela pourrait être une condition. Il ne serait pas question que la SGF se débarrasse d'une entreprise rentable et la vende, demain matin, à des Américains.

Il y a d'autres institutions financières, com- me la Caisse de dépôt, qui sont autorisées à investir et à participer à des entreprises québécoises. La Caisse de dépôt est déjà une institution en place. Aux fins d'éviter du dédoublement, ça pourrait être une chose intéressante de permettre à la Caisse de dépôt d'acquérir une partie des actions ou une partie intéressante de ces entreprises.

Egalement, les actionnaires minoritaires, qui sont déjà des propriétaires en partie de l'entreprise, pourraient avoir la possibilité d'acquérir des actions de ces entreprises, de sorte que l'Etat se retrouverait — je pense qu'on ne doit pas avoir peur de le dire — demain matin, dans la SGF, avec la deuxième catégorie d'entreprises, celles qui étaient le moins rentables.

Je pense qu'alors les efforts du gouvernement, les efforts des administrateurs de la SGF pourraient être canalisés vers le développement entier de ces entreprises non rentables, de façon â les amener le plus tôt possible, elles aussi, au seuil de rentabilité, et on continuera le processus.

La SGF, qui, depuis onze ans, a connu tellement de difficultés sur le marché québécois, est-il opportun de continuer longtemps à lui garder le même nom? Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce pense qu'à force de travail, à force d'énergie, d'initiative, il est possible, malgré le handicap que porte la SGF, malgré les aventures qui lui sont arrivées dans différentes régions pour certaines entreprises, malgré le nom qu'elle porte actuellement, malgré non seulement les raisons motivées que l'on a de lui faire des reproches, mais les préjugés que l'on peut continuer d'entretenir à l'endroit de cette entreprise, et pour cause...

Est-ce qu'il sera possible à la SGF, en portant le même nom, de parvenir à éliminer les difficultés qu'elle a connues depuis le début? M. le Président, il est un autre aspect dont je voudrais traiter brièvement et qui me paraît important. Nous avons déjà — j'y ai touché tantôt — des entreprises d'Etat qui existent. Nous avons Sidbec, Soquem, Soquip, Rexfor et il y en a d'autres. M. le Président, est-ce que ce ne serait pas le temps — peut-être qu'on me dira que je déborde les cadres de ce débat; on pourra le faire un peu plus tard ou lors des discussions des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce — au moment où on revoit toute l'orientation de la SGF et celle qu'on voudrait donner à ces entreprises d'Etat, entreprises mixtes, de revoir s'il n'y a pas certains dédoublements qui vont fortement handicaper le ministère de l'Industrie et du Commerce et l'orientation qu'il veut donner à une politique économique?

M. le Président, je ne pourrai certainement pas terminer avant six heures. Est-ce qu'il y a d'autres gestes que cette Chambre doit faire avant six heures?

M. LEVESQUE: Est-ce que le député en a encore pour longtemps?

M. CLOUTIER (Montmagny): II y aurait deux ou trois points.

M. LEVESQUE Je veux dire au point de vue du minutage?

M. CLOUTIER (Montmagny): Disons que j'en aurais certainement pour un quart d'heure ou vingt minutes.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a le consentement unanime?

M. LEVESQUE: Un instant, s'il vous plaît, M. le Président.

Est-ce que le député peut demander l'ajournement du débat?

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

LE PRESIDENT: Suspension du débat?

M. CLOUTIER (Montmagny): Suspension du débat?

M. LEVESQUE: Non, j'ai demandé l'ajournement.

C'est l'ajournement du débat. On le reprendra demain.

M. CLOUTIER (Montmagny) : Demain, pas d'objection.

LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, ce soir nous prendrons la deuxième lecture du projet de loi au nom du ministre du Revenu, à moins que les honorables députés soient prêts à l'adopter immédiatement et aller en commission parlementaire.

M. LATULIPPE: C'est un bill assez technique qui a des implications de concordance.

M. LEVESQUE: C'est ça, il n'y a pas tellement de principes à discuter en deuxième lecture.

M. LATULIPPE: Non, non, je serais d'accord pour le passer immédiatement en troisième lecture.

M. LEVESQUE: Alors deuxième lecture du projet de loi immédiatement au nom du ministre.

Projet de loi no 77 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu propose la deuxième lecture du projet de loi no 77, Loi modifiant de nouveau certaines dispositions législatives d'ordre fiscal, cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province ayant pris connaissance de ce bill, en recommande l'étude à cette Chambre.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Pas la motion du lieutenant-gouverneur, la motion de deuxième lecture.

Adopté.

Projet de loi déféré à la commission

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, comme il y a eu entente avec les députés de cette Chambre, je propose qu'on se rende à la commission élue pour étudier le bill article par article.

LE PRESIDENT: Cette motion de déférer le projet de loi à la commission élue des finances et du revenu est-elle adoptée?

Adopté.

M. LEVESQUE: Justement j'allais faire une proposition, mais j'aurais besoin du consentement unanime de la Chambre. A huit heures et quart, on pourrait entreprendre sans arrêter le bill 62, si les honorables membres veulent continuer l'étude du bill 62. Ici, on passerait le projet de loi en deuxième lecture au nom du ministre du Travail relativement à la Commission des accidents du travail.

A moins que ce soient les mêmes...

M. CLOUTIER (Montmagny): J'étais également responsable de ce projet de loi.

M. LEVESQUE: Ce qu'on peut faire, c'est ceci, c'est qu'on peut attendre que la deuxième lecture du projet de loi au nom du ministre du Travail soit adopté.

Là, on enverrait les deux projets de loi à la salle 81.

M. CLOUTIER (Montmagny): A la même salle, mais il ne faudrait pas que les deux commissions siègent en même temps.

M. LEVESQUE: Non, une après l'autre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Parce que je suis responsable des deux projets de loi.

M. LEVESQUE: La même chose va arriver là-bas, je pense.

M. LAURIN: L'une après l'autre?

M. LEVESQUE: Oui, d'accord.

M. LAURIN : Mais pas en même temps.

M. LEVESQUE: En même temps que le projet de loi 62, cependant.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, si la Chambre ne siège pas.

M. LAURIN: Si la Chambre ne siège pas.

M. LEVESQUE: Si la Chambre ne siège pas. Si ce n'était pas trop long, si c'était la même chose pour le projet de loi au nom du ministre du Travail, même si ça prenait quelques minutes...

M. ROY (Beauce): Non, ce sera plus long que cela.

M. LEVESQUE: D'accord. Alors, suspension des travaux de la Chambre jusqu'à 8 h 15. A ce moment-là, nous prendrons le projet de loi au nom du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, le bill relatif à la commission des accidents du travail en deuxième lecture. Je m'imagine qu'il n'y aurait pas objection, si ce ne sont pas les mêmes personnes impliquées... Est-ce que ce sont encore les mêmes?

DES VOIX: Oui.

M. LEVESQUE: Alors, nous attendrons, dans ce cas-là, pour siéger à la salle 81-A que la deuxième lecture soit adoptée. D'accord?

LE PRESIDENT: Est-ce que cela veut dire qu'après la deuxième lecture du projet de loi...

M. LEVESQUE: Nous ajournerons les travaux de la Chambre. A moins qu'il n'y ait d'autre chose qui survienne entre-temps, ce serait notre intention, à ce moment-ci, d'ajourner les travaux de la Chambre.

LE PRESIDENT: Je préférerais que ça devienne un ordre de la Chambre que, ce so r, après la deuxième lecture du projet de loi au nom du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, il y ait ajournement de la Chambre pour qu'en même temps que la commission de l'Assemblée nationale étudie le bill 62, la commission des finances et du revenu étudie le bill au nom du ministère du Revenu et qu'après, si c'est terminé, on prenne le projet de loi au nom du ministre du Travail. Est-ce que cela devient, du consentement unanime de la Chambre, un ordre de la Chambre? Adopté.

M. LEVESQUE: Adopté.

LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 20

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

M. PAUL: M. le Président, remarquez que je ne m'embarrasserai pas dans mes voisins, ce soir.

LE PRESIDENT: Le leader parlementaire ayant appelé l'article 38, je donne la parole au ministre de la Justice.

M. PAUL: Il a un problème de pistolet à régler.

Projet de loi no 74 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la deuxième lecture du projet de loi no 74, Loi concernant la Commission des accidents du travail de Québec.

L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Jean Cournoyer

M. COURNOYER: M. le Président, je ne ferai pas un long préambule. Cette loi ne comporte que deux articles et ces deux articles s'expliquent d'eux-mêmes. Je veux souligner, cependant, la procédure qui a été suivie qui nous a permis d'en venir à cette conclusion, comme gouvernement. Nous avons formé un comité interministériel, il y a déjà un certain temps, avec comme mandat d'étudier la possibilité pour la Caisse de dépôt de prendre, dans une seule équipe, l'administration des fonds de réserve de la Commission des accidents du travail.

Les conclusions de ce comité, qui sont précédés d'une foule de considérations que, je n'ai pas à répéter, font que cette décision ne doit être en aucune façon interprétée comme étant un blâme quelconque à l'endroit de l'administration par la Commission des accidents du travail des fonds de réserve. Les circonstances sont telles que cela pourrait vouloir dire que nous sortons de la commission des fonds pour les mettre à la caisse, parce qu'il y aurait eu telle ou telle malversation ou tel ou tel défaut de politique. Ce n'est absolument pas le cas. Je voulais le mentionner, cependant, pour éviter que quiconque, dans le public, n'ait la fausse impression qu'il s'agit d'une punition quelconque vis-à-vis de la commission.

Il s'agit strictement d'une décision portant sur une politique d'investissement, visant à transférer des fonds assez importants à la Caisse de dépôt du Québec. Il est à espérer que l'administration de ces fonds par la Caisse de dépôt comporte un rendement au moins équivalent sinon meilleur que celui de la Commission

des accidents du travail a eu jusqu'ici, avec les limites dans lesquelles elle observait la Loi des accidents du travail.

C'est tout ce que j'ai à dire. Je suis prêt à répondre aux questions des gens de l'Opposition, au moment opportun.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): Le projet de loi no 74 n'a rien de contentieux.

C'est une décision administrative qui me paraît logique étant donné les structures de la Caisse de dépôt et de placement, étant donné les possibilités que cette institution a d'effectuer des placements de façon sécuritaire et de la façon la plus profitable possible pour les citoyens du Québec, étant donné qu'elle a des effectifs, étant donné qu'elle a des outils de travail que, peut-être, la Commission des accidents de travail n'a pas. Je ne vois pas l'utilité, pour la Commission des accidents de travail, étant donné que ce n'est pas là sa principale mission, de gérer des fonds. C'était accessoire. La fonction principale de la Caisse de dépôt et de placement est de voir à effectuer des placements dans le cadre de la loi, selon les autorisations qui lui ont été accordées. C'est donc une décision qui me paraît normale.

La seule chose que je voudrais mentionner au ministre, c'est que ces fonds proviennent exclusivement du secteur du travail. Ces fonds sont fournis par les employeurs. Alors, il y a là plusieurs millions de dollars. Je ne sais pas par combien se chiffrent les fonds qui sont disponibles pour le placement, et non seulement pour le placement à long terme. La loi prévoit que les fonds à court terme, dont la Commission des accidents de travail n'a pas un besoin immédiat, seront aussi transférés à la Caisse de dépôt et de placement. Cela représente des centaines de millions de dollars, peut-être $200 millions ou $300 millions.

Etant donné que cela vient des employeurs, cela vient donc du secteur du travail dont une bonne partie de ce secteur est composée d'industriels.

Je voudrais faire le rapprochement avec la Loi concernant la SGF que nous étudions présentement, qui a pour objet, si l'on veut — l'étude en Chambre, en tout cas — de nous faire réfléchir sur le développement industriel et économique du Québec. Les objectifs que poursuit la loi, c'est de faire en sorte que le développement économique de la province se fasse de la meilleure façon possible.

Etant donné que ces fonds sont importants, ils sont transférés à la Caisse de dépôt et placement, dont c'est aussi une des fonctions, non seulement accessoire mais principale, de contribuer au développement du Québec. Il faudrait peut-être revoir la possibilité, pour la

Caisse de dépôt et placement, d'aller un peu plus loin dans le développement industriel du Québec. C'est la Caisse de dépôt qui administrera les fonds, qui les aura. Alors on peut s'interroger sur la façon dont la Caisse de dépôt les utilisera maintenant, étant donné que la Commission des accidents du travail est un organisme qui a pour objet de fournir des services aux employeurs et aux employés. J'espère que la Caisse de dépôt et placement en fera le meilleur usage possible. Dans ce meilleur usage, je vois que le développement industriel du Québec est une des façons de développer le Québec.

C'est la réflexion que je voulais faire. Peut-être que dans cette optique, si la Caisse de dépôt n'a pas tous les pouvoirs, il faudra revoir ce secteur, de façon à lui permettre de répondre à ses objectifs, que nous souhaitons se réaliser le mieux possible.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, très brièvement, j'aimerais, en quelques mots, dire au parrain de ce projet de loi que je suis d'abord entièrement d'accord sur le principe de ce projet de loi.

Cependant, plusieurs questions me sont venues à l'esprit, en étudiant ce projet de loi. Premièrement, je croyais que le ministre nous dirait, dans son discours de présentation, quels sont les avantages, ils sont sans doute multiples.

C'est une loi qui a un but purement administratif, d'accord. Sauf que l'administration de la Commission des accidents du travail, dans le passé, je dois le dire, a bien administré, et j'irais même jusqu'à dire: a administré jalousement les fonds de la commission puisque, dans plusieurs cas, des victimes d'accidents ont porté à mon attention — et ça s'est sûrement fait dans le passé — que la commission n'était pas trop généreuse à leur endroit.

Bien sûr, ce n'est pas l'endroit ni le moment pour parler du problème entier des accidents du travail, sauf que les fonds qui sont aujourd'hui en surplus, qui forment un coussin de sécurité pour les travailleurs qui peuvent bénéficier tôt ou tard d'indemnités, proviennent des employeurs. Et moi je me demande si ce ne serait pas le moment de parler de l'utilisation éventuelle de ce montant qui est quand même assez important, au-delà de $200 millions.

Ce projet de loi vise, je pense bien, à réduire le coût de l'administration. C'est sans doute l'objet pour lequel il est présenté. En principe, on dit que ça transfère des fonds. Oui, mais pourquoi le fait-on? Est-ce que, dans l'application, ça donnera le résultat qu'on en attend? Probablement.

Sans toucher tout le problème en entier de la gestion des disponibilités, je demande au ministre si, premièrement, il peut nous donner une

bonne partie des avantages, s'il peut nous donner les montants qui sont transférés. Je pense que la population se pose des questions et ce serait bien que le ministre nous fournisse des chiffres là-dessus.

Ne serait-il pas possible de prendre ces fonds qui sont disponibles à la Commission des accidents du travail, qui sont transférés à la Caisse de dépôt, pour faire de la prévention dans le domaine de la sécurité? Par le fait même, on réduirait peut-être les accidents qui doivent être indemnisés par la Commission des accidents du Travail.

La question a déjà été soulevée à un autre moment. Le ministre nous a dit: Nous n'aurons jamais vidé toute la question. Je me demande s'il n'y a pas lieu, étant donné que ces fonds appartiennent déjà à l'entreprise, à l'employeur, de les utiliser à des fins comme celles-là, par exemple, éducation prévention pour qu'il y ait plus de sécurité.

Je n'ai pas le droit, le règlement ne le permet pas, d'entrer dans les détails mais si la Commission des accidents du travail a accumulé un montant aussi important depuis son existence, plusieurs se posent des questions et je me les pose aussi. Est-ce que la commission a suivi l'évolution dans les montants à accorder — si on compare le coût de la vie — aux personnes qui bénéficient de montants versés par la commission en cas d'accident? Je ne peux pas non plus, M. le Président, attirer l'attention du ministre sur l'administration de la commission ou sur les lenteurs assez marquées que l'on remarque parfois à la commission. Je n'ai pas le droit de le faire, ce n'est pas le principe de la loi, mais étant donné qu'on y touche tellement peu souvent, je me pose des questions et je les adresse au ministre: Est-ce qu'il y a possibilité de regarder dans ce sens également puisque, évidemment, parlant d'un montant qui devrait être transféré, sans toucher à tout on peut quand même soulever des points et se poser des questions?

Le ministre pourrait peut-être profiter de l'occasion, étant donné qu'il ne l'a pas fait dans son discours de présentation, pour faire un tour d'horizon sur tous les montants qui sont transférés, sur le contenu du portefeuille de la commission et peut-être sur la marche de la commission s'il prévoit des améliorations et, enfin, sur les avantages qui sont visés par cette loi concernant la Commission des accidents du travail du Québec.

M. le Président, connaissant le ministre du Travail, ce n'est pas sans étude, sans recherche, ce n'est pas sans calcul non plus qu'il a décidé de présenter cette loi, mais, à l'endroit des travailleurs, c'est quelque chose d'assez important. A l'endroit des employeurs aussi puisque les employeurs ont bien l'impression qu'une bonne partie de ces montants leur appartient puisque ce sont eux qui ont dû la verser pour protéger les travailleurs qu'ils embauchent.

J'attends ces réponses du ministre et je n'aurai pas d'objection — je profite de ce moment pour le dire — à passer ensuite à la troisième lecture en Chambre. Cela pourrait nous exempter de la commission parlementaire et nous éviter de perdre un temps précieux pour la Chambre.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, c'est vrai que le projet de loi 74 qui est devant nous pour étude en deuxième lecture est plutôt de nature administrative. Je ne pense donc pas qu'il appelle de longs débats de principe. Cependant, les raisons qui ont pu motiver ce geste administratif invitent peut-être à quelques brefs commentaires.

J'en vois deux. Une des raisons entre autres, qui a pu motiver la Commission des accidents du travail à remettre l'administration de son portefeuille à la Caisse de dépôt, c'est sans doute l'excellente administration de la Caisse de dépôt. Fort brièvement, cela peut être l'occasion de le souligner. Voici un exemple de ce que je pense, moi, être un des instruments les plus importants que le Québec se soit donnés depuis une dizaine d'années. Parmi tous ceux qui sont nés au cours de la révolution tranquille, nul doute, à mon avis, que la Caisse de dépôt est le plus important.

Le fait d'avoir créé la Caisse de dépôt pour recevoir les prestations du régime de rentes nous a, en quelque sorte, obligés à former rapidement des administrateurs, des gérants de portefeuilles, des analystes, des gestionnaires d'argent compétents. Très rapidement, ils furent appelés à gérer un portefeuille qui est déjà rendu à $2 milliards après moins de dix ans et qui va grossir, d'un bond, de quelques centaines de millions de plus environ. Donc, nous avons dû former, très rapidement, une équipe d'administrateurs, de gestionnaires et d'analystes qui sont, il faut le souligner, réputés aujourd'hui comme étant parmi les plus compétents dans tout le marché financier nord-américain.

La réputation de la Caisse de dépôt déborde largement les frontières de la province de Québec et aussi celles du Canada.

Je pense que nous avons un exemple: pour avoir fourni un cadre de travail de chez nous, on a pu rapidement former des gens dont on déplorait autrefois l'inexistence dans notre milieu. Cela peut nous amener à nous poser la question suivante: Qu'est-ce qui est la charrue et qu'est-ce qui est le boeuf? Qu'est-ce qui vient avant quoi? On déplore trop souvent l'absence de gens compétents au Québec dans tel et tel secteurs, mais souvent cette absence est directement liée au manque de cadre de travail pour ces gens. Dès l'instant où le cadre existe, les compétences apparaissent assez rapidement. On peut aussi faire allusion au vieux

dicton: c'est en forgeant qu'on devient forgeron. De là, toute la nécessité de créer ce type d'instruments au Québec.

La deuxième raison pour laquelle, peut-être, la Commission des accidents du travail est amenée à faire ce transfert à la Caisse de dépôt, c'est évidemment l'économie d'échelle que peut représenter l'administration centralisée d'un gros portefeuille. Au lieu de dédoubler les services d'analyse, de recherche, de gestion à deux endroits, on profite de la centralisation en regroupant tout ça sous le chapeau de la Caisse de dépôt.

Ceci m'amène, en terminant, à souhaiter que ce mouvement se continue. Il y a toutes sortes de raisons qu'on pourrait invoquer. Le fait que la Caisse de dépôt est déjà, sur les marchés financier canadiens, l'un des facteurs financiers les plus importants, que c'est déjà le plus gros acheteur d'actions et peut-être aussi le plus gros acheteur d'obligations â chaque année, l'influence des Québécois à travers la Caisse de dépôt est déjà énorme. Jusqu'à présent, la caisse n'a reçu que les prestations du Régime des rentes publiques. Maintenant, on lui envoie autre chose.

Il faudrait penser également â centraliser â la caisse bien d'autres fonds semblables, qui sont administrés de façon éparse par le gouvernement, non seulement pour réaliser une économie d'échelle au niveau de l'administration mais pour grossir encore le pouvoir de la Caisse de dépôt. Pensons seulement combien plus rapidement la caisse pourrait grandir si on lui permettait, par exemple, de recevoir les fonds de pension qui existent dans le secteur privé aussi bien que dans le secteur parapublic; je pense à celui de l'Hydro-Québec, à celui des pompiers, des commissions scolaires, des policiers, etc. Si, par accord entre les bénéficiaires de ces fonds de pension et les employeurs, qui sont souvent le secteur public aussi, la caisse était autorisée â les recevoir, ce n'est pas $2 milliards qu'il y aurait dans la caisse aujourd'hui, ce serait peut-être $3, $4, $5 et $6 milliards.

Il faut bien comprendre que l'essentiel des fonds, de tout ce qui n'est pas le régime public des rentes, tous les fonds supplémentaires privés de pension, ce sont des masses de capitaux énormes qui émanent des Québécois, dans la mesure où ils sont salariés, et qui émanent aussi des Québécois, dans la mesure où il y a des entrepreneurs québécois là-dedans, et notamment tous le secteur public et parapublic. Là, il y a des milliards qui échappent au contrôle des Québécois parce qu'ils sont placés sous l'administration du Royal Trust, du Montreal Trust ou des compagnies d'assurances comme la Sun Life, etc.

Si on pouvait ramener toute cette puissance financière d'une grande partie de notre épargne collective dans un instrument où, justement, est reconnue la compétence des gens qui la gèrent et qui exploitent cet instrument, qui est la Caisse de dépôt, le Québec acquerrait une puissance, une autonomie, une marge de manoeuvre encore plus grandes que celles que la caisse lui a déjà procurées jusqu'à présent.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, nous sommes appelés, ce soir, à étudier une loi très importante.

Effectivement, je suis heureux de constater que mon bon ami, le député de Beauharnois, abonde dans le même sens que le mien, quant aux remarques que j'ai l'intention d'apporter â l'appui de cette loi.

Tout d'abord, il faut comprendre que la Commission des accidents du travail du Québec se trouve actuellement sans président. Je comprends facilement la position du ministre responsable devant cette Chambre de la Commission des accidents du travail. Il a eu l'insigne honneur d'avoir, comme président de cette commission un ancien collègue du temps qu'il siégeait au cabinet des ministres avec l'Union Nationale. Il semble de plus en plus se dessiner une candidature â la présidence de la CAT. Ce sera probablement un de ses collègues actuels du cabinet des ministres.

D'un autre côté, il faut s'interroger quant aux véritables raisons qui poussent le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à nous inviter à analyser cette loi et bien justifier dans l'opinion publique l'adoption d'une telle mesure. Tout à l'heure, le ministre a pris garde de mentionner qu'il ne fallait pas croire que ce transfert de fonds s'imposait par suite d'une mauvaise administration. J'en conviens. Je n'en ai aucun doute. Il ne faudrait pas que cette loi soit considérée comme une espèce de curatelle.

La Commission des accidents du travail, en raison des années d'expérience qu'elle a, a depuis longtemps, passé l'âge de la majorité. Par conséquent, il ne peut être question de tutelle. Comme il s'agit de majeurs, il ne faudrait pas, de ce fait, conclure que, les dispositions de la tutelle ne pouvant s'appliquer, l'on appliquera les dispositions de la curatelle. Je dis que ce ne sont pas ces dispositions que l'on veut appliquer dans le présent cas et encore moins le conseil judiciaire, dont on retrouve les grandes données dans les articles 349 et suivants du code civil.

Il ne s'agit pas de prodigalité de la part de la CAT, surtout lorsqu'on a l'avantage de recevoir ceux qui ont des problèmes avec la Commission des accidents du travail, ayant toujours l'impression, ces pauvres accidentés, qu'ils ont droit à des indemnités beaucoup plus fortes que celles qu'ils reçoivent. Alors, il nous appartient de les convaincre, de les raisonner et de ne pas assimiler ce fonds à un fonds bien connu, celui de la Commission de l'assurance-chômage, où les dépenses, dans une année, ont été de près de $2 milliards.

Je dis donc que c'est une loi nécessaire.

D'abord, il nous faut absolument prendre tous les moyens pour centraliser dans le même office ou le même organisme tous les fonds disponibles que différentes corporations de la couronne ou du gouvernement peuvent posséder. Le ministre n'osera peut-être pas tout à l'heure, par humilité, nous dévoiler quel sera le montant de l'actif transféré.

M. CADIEUX: Par humilité. Vous l'avez bien dit.

M. PAUL: Par humilité, et je n'oserais même pas prétendre qu'il s'agit de fonds que l'on pourrait utiliser avec avantage, comme le signalait si bien mon collègue, le député de Montmagny. Il y aurait peut-être avantage à reviser tant la Loi de la Caisse de dépôt et de placement que la Loi de la Société générale de financement pour, en quelque sorte, retourner, dans l'industrie les fonds que versent les employeurs et qu'ils ont versé depuis l'institution de cette loi, vers l'année 1931, à la suite d'un excellent rapport qui avait été préparé par le juriste Pérodeau. J'en appelle comme témoin, M. le Président, le secrétaire de cette auguste Assemblée qui me fait signe qu'effectivement nos souvenirs de droit administratif, que nous avons acquis en même temps, à la même université, nous rappellent fort bien que cette loi Pérodeau avait préparé l'institution de la Commission des accidents de travail au Québec.

Je félicite le ministre d'une telle législation. Je suis certain qu'il a compris que c'est une bonne administration un acte de sage administration, de centralisation de capitaux qui s'impose dans les circonstances. C'est avec empressement, M. le Président, que nous voterons pour le principe de cette loi tout en invitant le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, de même que tous les membres du Conseil exécutif, à se pencher sur l'occasion d'amender tant la Loi de la Caisse de dépôt et placement que la Loi de la Société générale de financement.

Comme à l'occasion de l'étude d'une loi nous entendons dire fréquemment depuis quelques jours "un électeur, un vote", il faudrait que l'on tente de plus en plus de mettre en application ce leitmotiv, ce mot d'ordre de la dernière campagne électorale au Québec alors que le premier ministre du Québec promettait "un chômeur, un emploi". C'est dans ce contexte que nous insistons auprès du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour qu'avec ses collègues du Revenu, par exemple, il nous propose une loi qui contribuera grandement à augmenter le capital disponible de la Caisse de dépôt et placement. Nous espérons également qu'il pourra être une source de relance économique au Québec pour tâcher, d'un côté de continuer à protéger les travailleurs accidentés et, d'un autre côté, de prendre des mesures pour tâcher de corriger la fâcheuse situation qui existe au Québec dans le domaine du chômage et qui est loin de cette sécurité d'emploi et des promesses que nous avait faites le premier ministre lors de sa dernière campagne électorale générale. Je ne puis pas reprocher à l'honorable ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre...

M. CADIEUX: ... cela a été final.

M. PAUL: ... d'avoir contribué à de telles promesses électorales mais je suis sûr que par son dynamisme, son efficacité au travail, sa sincérité — parce qu'il est allé à une bonne école de formation politique — il constitue un actif précieux pour le cabinet de l'honorable premier ministre. Quant à nous, nous nous réjouissons de ses succès, de l'influence qu'il exerce auprès de ses collègues. Il aura toujours notre appui lorsqu'il présentera des législations aussi charpentées, aussi nécessaires, aussi utiles que la Loi concernant la Commission des accidents de travail de Québec, projet de loi 74.

LE PRESIDENT: Dois-je mettre cette motion aux voix ou vous inviter à bous embrasser? Je ne sais pas.

M. COURNOYER : On peut peut-être s'embrasser !

LE PRESIDENT: Le droit de réplique du ministre du Travail.

M. PAUL: Cela vaut bien une petite réplique.

M. Jean Cournoyer

M. COURNOYER : Avant que de demander au président de mettre la motion aux voix, j'aimerais juste répondre, un tant soit peu, à la partie question de l'exposé du représentant du Ralliement créditiste.

D'après le rapport qui m'a été présenté, la caisse de la commission, le 31 décembre 1971, comportait $196,541,340 d'obligations — c'était sa valeur au pair — et $8,825,000 de placements à court terme, sous forme de certificats de dépôt de sociétés privées de fiducie. Au cours de l'année dernière, une somme de $10,913,500 a été protée au fonds de réserve, mais, depuis 1967, les apports annuels moyens au fonds ont été de $12 millions. Les sommes en cause sont susceptibles, aujourd'hui, de s'accroître rapidement dans l'avenir, au fur et à mesure que le plan quinquennal d'assujettissement de toutes les industries — vous êtes au courant que nous assujettirons toutes les industries à la Loi des accidents du travail et je pense que le plan finit cette année — produira son plein effet et qu'il s'appliquera aux employeurs qui assument présentement leurs propres risques. Là, il s'agit de la cédule 2. Ce n'est pas une annonce, mais il y a une autre recommandation qui nous a été faite par les mêmes comités visant à transférer les gens de la cédule 2 dans la cédule 1.

La cédule 2, juste pour rappeler à votre mémoire ce que c'est, comprend à peu près 1,385 employeurs. Ce sont les ministères, les administrations municipales et scolaires, les compagnies de navigation et de transport aérien, ferroviaire, etc., qui, pour des raisons que je ne connais pas maintenant, avaient été exclus de l'obligation de contribuer à des fonds, mais qui assument ces obligations eux-mêmes, lorsque des accidents de travail arrivent chez eux.

L'une des suggestions est donc de les transporter de la cédule 2 à la cédule 1, donc d'obliger ces corps publics, pour la plupart, à contribuer à un fonds d'accident de travail, accroissant davantage — 800,000 personnes seront affectées par ce genre d'opération — les fonds qui s'en iront à la Commission des accidents du travail, pour ensuite être transférés à la Caisse de dépôt pour administration. Donc, les projections sont très grandes quant aux fonds.

L'autre partie de la question portait sur d'autres aspects. Le comité me rappelle que l'une des recommandations qui avaient été faites, en 1969, par un comité d'étude sur les institutions financières suggérait, à toutes fins utiles, que devraient aussi être confiés à la caisse tous les fonds de placement que le gouvernement administre lui-même ou qu'il fait administrer par ses agences ou ses sociétés d'Etat. Dans la dernière négociation avec les employés de l'Etat et les employés du secteur parapublic, nous avons discuté très succinctement du fonds de pension des employés de l'Etat ou du régime de retraite. Déjà, il y a des amendements à la loi du fonds de retraite des enseignants et du fonds de retraite des fonctionnaires; il y aura création d'un autre fonds de retraite pour les employés d'hôpitaux et les autres employés qui n'en bénéficiaient pas auparavant, ce qui comportera très certainement un autre apport sensible à la Caisse de dépôt, quant à ses actifs. Cela en fait partie.

Quant à la construction, vous vous souvenez que le bill 81, qui avait été adopté sous l'ancien ministre du Travail, modifiant la Loi des régimes supplémentaires de rentes, statuait que, pour ceux qui sont établis par décret, les fonds doivent être envoyés à la Caisse de dépôt. Cela a été le cas pour le fonds de l'industrie de la construction, qui est déjà assez volumineux, je vous en prie, qui passe peut-être dans les $60 millions ou $75 millions, maintenant, après avoir fonctionné depuis 1963. Cela a été la première décision que le Parlement a prise, dans le cas des bénéfices de pension établis par décret.

Il y a donc, je pense, en réponse au député de Gouin, une tendance marquée vers la réalisation de cette suggestion qui avait été faite, en 1969, par un comité d'étude.

L'une des choses que je voudrais mentionner, encore une fois, au représentant du Ralliement créditiste, c'est qu'il y a des avantages, bien sûr, pour la commission et quelques-uns, parmi vous, les ont mentionnés. Je ne voudrais pas les répéter, parce que je pense que vous avez mis le doigt sur les avantages qui existent pour la commission. Quant â la Caisse de dépôt, en soi, la gestion d'un portefeuille de $200 millions est une opération très importante, même pour une institution financière telle que la Caisse de dépôt.

Les apports annuels, qui devraient passer assez rapidement de $15 à $20 millions par an, suffiraient même à justifier l'existence d'une société de placement d'une taille comparable à plusieurs des maisons québécoises.

Pour la caisse, ces ressources additionnelles valoriseraient d'autant les infrastructures de base dont elle a dû se doter en personnel spécialisé, comme vous disiez, les ordinateurs, les locaux, etc., et qui constituent ses frais fixes. Ces nouvelles disponibilités renforceront d'autre part sa position de négociation vis-à-vis des maisons de courtage, qui vont comprimer davantage leur marge pour s'assurer sa clientèle.

Son rendement global ne pourra donc que s'en améliorer, même si on ne doit pas exagérer pour le moment l'importance de cette considération.

Enfin, l'augmentation même de ses disponibilités permettra, selon nous, à la caisse d'effectuer un certain type d'opération, soit plus marginal ou d'une nature inhabituelle ou plus risquée — ce qui n'existe pas actuellement dans tous les cas — qu'elle ne pourrait entreprendre si elle avait un poids relatif plus grand dans l'ensemble de ses placements.

La mesure est ensuite importante pour la Caisse de dépôt, en ce qu'elle pourrait avoir valeur d'entrafnement vis-à-vis de l'épargne publique institutionnalisée qui lui échappe maintenant largement. La décision de confier à la caisse l'administration des fonds de réserve de la commission nous rapproche davantage d'une politique générale visant à ramener la gestion des fonds des institutions à caractère collectif vers ce réservoir principal de l'épargne publique qu'est la caisse.

Enfin, la politique de placement de la caisse étant formulée principalement en vue de répondre aux exigences financières et actuarielles de ses déposants, l'addition d'un client dont l'importance n'est pas négligeable lui donnera une flexibilité d'autant améliorée.

Ainsi, la préférence actuelle de la caisse pour les placements à long terme tient au fait que des retraits importants dans la réserve du régime de rentes ne sont pas prévus avant 1990. L'approche de cette échéance obligerait la caisse à modifier sa politique et à opter pour le placement à court terme, à moins qu'elle puisse maintenir l'équilibre de son portefeuille avec les ressources importantes de tiers déposants.

De ce point de vue, le fond de la Commission des accidents du travail présente pour la caisse l'avantage sur celui accumulé au titre du régime de rentes, du moins dans les conditions actuelles de devoir croître de façon ininterrompue dans l'avenir.

Ce sont ces considérations générales, et pour la caisse et pour la Commission des accidents du travail, et surtout cette recommandation qui date déjà de 1969 qui nous ont permis et presque, à mon sens, du moins à moi, obligés à faire le geste que nous posons. Avec le consentement de mes collègues, je serais prêt à procéder à d'autre chose. Je pense avoir répondu au moins à une partie des questions ou des observations que vous aviez faites.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. ROY (Beauce): Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a lieu d'aller en commission?

M. ROY (Beauce): J'aurais peut-être deux ou trois questions additionnelles à poser à l'honorable ministre.

Commission plénière

LE PRESIDENT: D'accord, faites les écritures et procédons aux questions.

M. ROY (Beauce): Ce sont des questions purement administratives. Le ministre a parlé d'un portefeuille d'obligations de $196 millions. Est-ce que l'honorable ministre pourrait nous dire de quoi il s'agit? Est-ce qu'il s'agit d'obligations d'entreprises, d'obligations publiques? Si le ministre a des chiffres à ce sujet, j'aimerais savoir dans quelle proportion il peut s'agir d'obligations publiques, gouvernementales, municipales, scolaires, hospitalières ou autres. Ou y a-t-il un portefeuille d'obligations d'entreprises privées ou publiques, mais d'entreprises publiques qui n'ont rien à voir avec l'administration publique? Aussi pourrait-il nous dire avec quelle firme de courtage la Commission des accidents du travail pouvait faire affaires?

Y avait-il une firme de courtage attitrée ou si la commission procédait directement avec les institutions en cause?

M. COURNOYER: II y avait certainement des firmes de courtage puisqu'on parlait de 60 firmes d'impliquées dans les transactions. Quant à la nature même du portefeuille, je pense qu'avec ce que j'ai dit tantôt on peut découvrir que le portefeuille comporte des obligations à très long terme.

Ce qui fait que son rendement pourrait être considéré comme très bas, vu qu'on transporte encore des obligations à très long terme achetées à 3 p.c. avant que la progression se fasse dans le rendement des obligations à long terme ou à court terme. On a eu de la difficulté à comparer les portefeuilles de la commission avec les portefeuilles de la Caisse de dépôt parce que, depuis que la Caisse de dépôt existe, le taux d'intérêt ou le rendement des obligations est beaucoup meilleur, ce qui nous donne un rendement moyen, malgré tout ça, de 6.60 p.c. à 6.78 p.c. Il est passé, au cours de l'année, de 6.60 p.c. à 6.78 p.c. Je ne suis pas tellement un spécialiste, quant à la description proprement dite du portefeuille, pour l'information du député, je pourrais obtenir de la commission qu'on me fasse la liste, au moins une description du portefeuille et surtout de la nature des obligations qu'il y a.

M. ROY (Beauce): Je l'apprécierais énormément. J'aurais encore deux questions à poser. La première c'est: Est-ce que le ministre pourrait nous dire si la Commission des accidents du travail, comme le mentionnait l'honorable député de Maskinongé tout à l'heure, prévoit avoir un président bientôt?

M. COURNOYER: La Commission des accidents du travail prévoit sans doute avoir un président bientôt, il s'agit pour le premier ministre et le cabinet de prendre une décision à ce sujet.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on peut prévoir que le président sera nommé pour le jour de l'An; est-ce qu'on prétend que ce sera une nomination pour les Fêtes?

M. COURNOYER: Cela dépend si la chose doit être considérée comme un cadeau ou autrement.

M. PAUL: Pour la population de Drummond, ça va être un beau cadeau.

M. COURNOYER: Les voeux du premier ministre et ses décisions relèvent du premier ministre. Il ne m'a pas encore communiqué officiellement qu'il était prêt à nommer le président.

M. ROY (Beauce): Ma dernière question: Quelles sont les garanties qu'il y a à l'endroit de tout le personnel qui s'occupe de la gestion de ce portefeuille à l'heure actuelle? Est-ce qu'il va être transféré automatiquement à la Caisse de dépôt et de placement? Est-ce que leurs états de service, leur ancienneté, leur sécurité d'emploi vont être protégés?

M. COURNOYER: II s'agit du personnel fonctionnaire et ils ont une protection. Ce sont tous des fonctionnaires, à la Commission des accidents du travail, et comme les autres ils ont une pleine sécurité d'emploi. Je référerais le député à la Loi de la fonction publique pour constater que personne ne peut perdre quoi que ce soit dans la fonction publique. Quant au personnel, est-ce qu'il est si nombreux qu'on le

croirait au préalable? Je n'ai pas l'impression qu'il soit aussi nombreux affecté à la gestion du portefeuille. Il s'agit de 500 transactions par année à peu près et ce sont de grosses transactions. Il n'y a pas grand personnel. La gestion du portefeuille est sous la responsabilité du directeur des services financiers de la commission. On me parle ici d'environ 500 transactions à long terme annuellement, 70 maisons de courtage. Il me semble qu'il n'y a pas grand personnel. De toute façon, vous pouvez être assuré que personne ne va perdre son emploi demain matin à la Commission des accidents du travail.

M. ROY (Beauce): C'est surtout de cela que nous voulions nous assurer parce que, quand même, administrer et gérer un portefeuille d'au-delà $200 millions, il y a certainement quelqu'un qui est attitré et spécialisé là-dedans. Les personnes qui sont spécialisées dans la gestion de portefeuille, j'imagine qu'avec l'expérience qu'elles ont acquise lorsqu'elles étaient à l'emploi de le Commission des accidents du travail, elle pourront continuer dans la même spécialité, dans le même champ d'activité à la Caisse de dépôt et de placement.

Ce sont les précisions que je voulais connaf-tre. Peu importe qu'il y ait cinq, dix ou quinze personnes attitrées, il y a quand même des gens qui ont des droits acquis et c'est important que l'on s'interroge à ce sujet.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question. Est-ce que les intérêts des fonds qui proviennent de la CAT vont être à son crédit ou absorbés par la Caisse de dépôt et de placement? $200 millions à 7 p.c. par année, ça fait $14 millions. Est-ce que c'est la Caisse de dépôt et de placement qui va absorber le tout dans ses fonds ou si elle va les laisser à la disposition de la CAT pour des versements possibles, des augmentations possibles de bénéfices ou de taux de bénéfices accidentés?

M. COURNOYER: C'est-à-dire que tous les fonds sont des fonds qui servent de coussin à des obligations que la CAT contracte continuellement parce qu'il y a des accidents de travail.

Cet argent est strictement pour payer les rentes d'invalidité totale permanente ou partielle temporaire. Tout l'argent de la CAT ne va pas dans les fonds dont il est question ici. Il y a une administration courante de la CAT aussi et des bénéfices qui sont payables immédiatement, les bénéfices d'hôpitaux, par exemple. Il y a un montant considérable qui n'ira jamais là-bas. Les fonds sont de deux ordres: les fonds de réserve qui sont nécessaires à cause des obligations à long terme que la commission a vis-à-vis des accidentés à long terme et l'autre fonds dont on parle, qui est un fonds de coussin pour s'assurer qu'elle n'aura pas de difficulté en période de crise, même pour remplir les obligations constantes. Tout l'argent, y inclus les rendements, est affecté exclusivement à ça. Je ne vois pas autre chose, à moins que je saisisse mal la question.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non. Le ministre a bien saisi. C'est parce que la Caisse de dépôt et placement va avec les modifications qui vont être faites aux autres lois, avoir plusieurs fonds. Elle a le fonds du régime de rentes et nous avons vu, au mois de juin, qu'avec le surplus de fonds accumulé, on a augmenté certaines catégories de rentes en vertu du régime de rentes. C'est la même chose pour la CAT, la Caisse de dépôt va avoir le dépôt de la CAT. Plus tard, la Caisse de dépôt va avoir d'autres fonds à administrer. C'est ce que je veux savoir. Va-ton laisser le crédit à chacun des organismes qui vont prêter à la Caisse de dépôt et placement pour augmenter les bénéfices sociaux?

C'est le sens de ma question, parce qu'évidemment, la Caisse de dépôt devra se rembourser de l'administration. En effet, il y a aussi des dépenses d'administration à la Caisse de dépôt et placement, il y a des gens â payer, il y a des salaires, il y a des fonctionnaires. Il faudra commencer par se payer, se rembourser l'administration, et ensuite, il va rester une partie des profits, les intérêts sur les placements, au crédit de la CAT. C'est le sens de ma question. Les bénéfices vont-ils rester pour augmenter â un moment donné les bénéfices sociaux des accidentés du travail?

M. COURNOYER: Le lieutenant-gouverneur en conseil doit déterminer les modalités d'application de ces transferts en particulier, ceux qui existent présentement et ceux qui existeront par la suite. Il est clair que dans l'esprit du ministre du Travail, il n'est pas question de faire perdre quoi que ce soit comme avantages qu'on pourrait envisager pour l'avenir aux bénéficiaires de la Loi des accidents de travail. C'est en vertu de la Loi des accidents de travail que les fonds sont requis d'une façon très autoritaire. C'est obligatoire maintenant pour tous les employeurs, c'est requis pour les accidentés du travail et ça ne doit pas servir à d'autres fins que la Loi des accidents de travail. Il n'y a pas de problème là-dessus.

Maintenant, quant aux rendements, comme vous dites avec beaucoup de sagesse, il y a quelqu'un qui est obligé d'administrer et qui va être obligé de se payer au moins des frais d'administration proportionnels aux investissements. Cela va être négocié, j'imagine, et j'imagine qu'il faut que ce soit discuté maintenant avec la Caisse de dépôt. Le pouvoir est là, il n'existait pas auparavant. C'est un devoir aussi qu'on donne à la commission, mais il faut que ce soit discuté avec la Caisse de dépôt pour que la commission s'assure dans sa discussion, le lieutenant-gouverneur en conseil bénissant l'assurance, que les fonds qui sont là sont pour les accidentés de travail et pas pour d'autres raisons.

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon on aura les détails dans les rapports annuels de la Caisse de dépôt et placement.

M. COURNOYER: Je pourrais mentionner ici que la décision n'est pas encore prise, mais je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas une décision comme celle-là, qu'à l'organisme de la Caisse de dépôt, étant donné l'importance du fonds, au moins une personne soit nommée représentant de la Commission des accidents de travail. C'est une des recommandations du rapport. Nous n'avions pas l'intention d'amender la Loi de la Caisse de dépôt ici et on m'a avisé qu'il était possible de le faire sans amender la loi de la Caisse de dépôt ni sans amender davantage la Loi des accidents du travail.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans l'esprit des réflexions qu'on a faites en deuxième lecture, si la Loi de la Caisse de dépôt est amendée, on examinera si véritablement l'investissement qui retourne au secteur industriel est suffisant, étant donné que ça vient en grande partie du secteur industriel.

M. COURNOYER: C'est ça.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Olier.

M. PICARD: M. le Président, je suis assez surpris de voir avec quelle facilité le gouvernement, par l'entremise des législateurs, dispose de sommes d'argent qui ne lui appartiennent même pas. Quant on arrive avec un projet de loi pour demander que l'on confie à la Caisse de dépôt et placement le porte feuille détenu actuellement par un organisme comme la Commission des accidents du travail, j'ai le droit de me demander si les membres, c'est-à-dire les industriels, qui ont accumulé, au cours des années, ces $200 millions qu'il y a présentement à la Commission des accidents du travail ont été consultés.

Que le gouvernement présente une loi pour confier les cotisations perçues à la Régie des rentes, par exemple, et qu'on dise, dans la loi, que l'on confie le portefeuille ou les sommes perçues à la Caisse de dépôt et placement, d'accord. A ce moment-là, vous avez une partie qui est payée par l'employeur et une partie payée par l'employé. Dans le cas de la Commission des accidents du travail, le travailleur ne paie pas un cent. En tant qu'industriel, je sais que ce sont les industriels qui ont â payer un pourcentage de leur liste de paie annuelle, pourcentage qui est établi selon le nombre d'accidents ou le nombre de réclamations faites dans cette industrie en particulier.

Le gouvernement ne contribue en rien à ce fonds. La Commission des accidents du travail est administrée, les prestations aux accidentés sont payées strictement à partir de contributions payées par des industriels. Il n'y a pas un cent qui vient du gouvernement via les taxes générales ou autres. J'ai le droit de me demander aujourd'hui si on a consulté les membres cotisants de la Commission des accidents du travail pour savoir s'ils sont consentants que le portefeuille, à l'avenir, soit administré par la Caisse de dépôt et placement. Je considère qu'il est très important qu'on établisse ce fait immédiatement. Vous avez sans doute remarqué que le ministre a lui-même mentionné qu'actuellement seuls les organismes couverts par la cédule 1 contribuent à la caisse de la Commission des accidents du travail.

La cédule 2 couvre les employés gouvernementaux et des centres hospitaliers. Je ne sais pas trop, le ministre l'a mentionné tout à l'heure. Ces gens ne contribuent pas mais à l'avenir ils vont contribuer. Lorsque ceux de la cédule 2 contribueront aux prestations de la Commission des accidents du travail, â ce moment-là le gouvernement aura le droit de dire: Nous voulons administrer ce fonds, nous avons de nos employés qui contribuent. Comme ça l'est actuellement, les employés du gouvernement ne contribuent pas à cette caisse des accidents du travail. Il y a un autre point, M. le Président. Peut-être le ministre pourrait-il répondre aux deux questions en même temps. C'est un point soulevé par le député de Montmagny. C'est une bonne question. Est-ce que les intérêts perçus sur ces placements seront versés à la Commission des accidents de travail ou au fonds d'indemnisation?

Je pense, personnellement, que c'est fait en vertu de la loi qui régit la Caisse de dépôt et placement. Autrement, je ne vois pas comment la Régie des rentes pourrait payer les rentes qu'elle paye actuellement. Ces rentes sont sur une base actuarielle et ça comprend toujours les revenus des montants placés. Il y aurait peut-être une précaution à prendre. A l'article 1 — étant donné que nous sommes en commission plénière, j'ai sans doute le droit de le mentionner — à la sixième ligne vous avez "pour le compte"; on pourrait y ajouter "et au profit" de la commission. Naturellement, cela implique que la Caisse de dépôt et placement déduira des profits des placements les frais d'administration et autres et que le reste ira augmenter le fonds de la Commission des accidents du travail, fonds avec lequel on paie des prestations aux accidentés.

Je pense que c'est un point assez important et qu'il y aurait peut-être lieu d'amender le texte de façon que le fonds bénéficie de ces placements comme ils en bénéficient actuellement lorsque ce sont eux qui font les placements.

Un autre point: L'an dernier ou il y a deux ans, je ne me souviens pas exactement, il a été décidé, encore par une mesure législative, que le fonds de l'industrie de la construction serait, à l'avenir, administré par la Caisse de dépôt et de placement. A une commission parlementaire, les porte-parole de l'industrie de la construction

étaient venus faire valoir leur point de vue. Si ma mémoire est fidèle, ils avaient obtenu que les fonds administrés par la Caisse de dépôt et de placements soient utilisés de façon à promouvoir l'industrie de la construction. Je pense que cela leur avait été accordé.

Je pense que les industriels qui, aujourd'hui, ont accumulé ce fonds de $200 millions devraient eux aussi avoir un mot à dire pour conseiller la Caisse de dépôt et de placement sur la façon dont on pourrait faire ces placements.

M. COURNOYER: Je peux répondre de plusieurs façons. La première, c'est que le fonds en question est un fonds pour les accidentés, qui leur appartient et qui n'appartient plus aux employeurs. C'est ce fonds qui garantit aux employeurs qu'ils peuvent payer leur dette à ceux qui sont accidentés. Cela sauve beaucoup de monde.

Je ne vois pas comment on a pu concevoir jusqu'ici qu'il s'agissait d'un fonds d'employeurs. Ce sont les employeurs qui paient à même les revenus qu'ils ont, les cotisations, pour assumer ou faire assumer leurs responsabilités vis-à-vis des accidentés par une commission ou une coopérative ou une mutuelle qu'on appelle la Commission des accidents de travail. Elle devient, au fur et à mesure des temps, une mutuelle universelle. Cela ressemble beaucoup plus à une taxe maintenant imposée aux employeurs que cela ressemble à une cotisation purement et simplement.

Bien sûr, cette taxe est soumise aux fluctuations et on vient d'établir le système de mérite et de démérite. Il y a des employeurs qui vont peut-être payer plus cher à la Commission des accidents de travail qu'ils en payaient auparavant, mais c'est parce qu'ils ont plus d'accidents qu'ils en avaient auparavant et ils ont plus de responsabilités, présentes et futures vis-à-vis des accidentés, qu'ils en avaient auparavant.

Je rappelle que, même s'ils sont payés par les employeurs, la plupart du temps, surtout les fonds qui sont transférés, pas ceux de l'administration courante, les fonds transférés sont tout simplement utilisés. Il ne faut pas prendre peur à propos des $200 millions. Ce sont ces $200 millions qui permettent à la commission de faire face à ses obligations, non pas vis-à-vis des employeurs, mais vis-à-vis des accidentés. Ce fonds doit être actuariellement établi de manière que les obligations de la commission soient remplies continuellement. C'est la première question.

Je conviens que cela a l'air d'un fonds qui vient des employeurs exclusivement. Mais je vous dis, selon mon opinion, je peux me tromper, que vu l'universalité du système maintenant, c'est l'économie totale de la province de Québec qui va contribuer au fonds des accidentés de travail. De toute façon, je conçois très mal qu'un employeur, qu'il soit dans la construction ou autrement, devant une augmentation de ses obligations, n'augmente pas d'une façon ou d'une autre le prix de son produit. Quand ça coûte plus cher pour construire une structure métallique — parce que cela coûte 8.25 p.c. par $100 de contribution pour pouvoir protéger les gens et participer à un fonds — je sais que c'est le propriétaire de la bâtisse qui le paie et non pas l'entrepreneur qui construit. Le gars qui transfère l'argent s'appelle l'entrepreneur, mais celui qui paie, c'est le propriétaire de la bâtisse. L'économie est faite de cela.

Je ne sais pas comment argumenter davantage. Je ne m'obstinerai certainement pas longtemps là-dessus, parce que je n'ai pas, au moment où je parle, le temps ou le pouvoir de le discuter. La thèse est très longue. Mais il y a une chose certaine, mon opinion est faite là-dessus, le fonds des accidents de travail est un fonds qui appartient aux accidentés.

Maintenant, quand il est payé, ce n'est certainement pas pour autre chose ou pour d'autres fins que pour protéger ceux qui subissent des accidents de travail. C'est la raison. Cela protège non seulement les accidentés, mais cela protège également les employeurs.

Ceux-ci peuvent faire faillite peu de temps après, mais leurs obligations continuent d'être remplies; celles qui sont à long terme le sont par la Commission des accidents du travail. Si vous vous en souvenez, ceux qui étaient là dans le temps, l'une des raisons d'être de la mutuelle, c'était pour éviter que certains accidents, gros ou petits, ne mettent en faillite une compagnie de sorte qu'un individu n'ait pas les bénéfices qui devraient lui être accordés selon l'esprit général de la loi. Je m'arrête là pour la première partie de la question du député.

Quant à la deuxième, à savoir si effectivement nous devrions insister pour que les sommes d'argent soient réinvesties dans l'industrie, je tiens, encore une fois, à souligner que la première obligation d'un fonds, comme d'un fonds de pension, ce n'est pas d'investir dans l'industrie ou dans les obligations; c'est de donner des pensions ou de maintenir des rentes. Je ne suis pas un administrateur, mais, habituellement, lorsqu'on distribue des sommes d'argent à l'intérieur d'un portefeuille, on les distribue de manière que l'on puisse avoir un rendement satisfaisant. On prend les risques qu'il faut, à long terme ou à court terme, mais dans des proportions qui nous permettent de continuer de remplir nos obligations vis-à-vis des bénéficiaires de ces fonds.

Il y a une très grande partie — je n'ai qu'à regarder l'actuel ou le futur — des sommes d'argent qui sont investies dans l'industrie par le truchement d'achat d'actions ou d'obligations. C'est une façon de procéder. Mais qu'en même temps on n'achète pas d'actions du gouvernement, qu'on boude les actions garanties par le gouvernement ou par un autre gouvernement que le nôtre, je pense que c'est se priver d'un investissement qui, jusqu'ici, a été considéré, même par l'entreprise privée, comme intéressant pour tout le monde dans la société

québécoise ou dans la société canadienne. A partir de ce moment-là, les instructions à donner ne devraient pas venir seulement du ministère ou du gouvernement, ni même de la Commission des accidents du travail; c'est une philosophie générale de la Caisse de dépôt et placement. C'est lorsque nous étudions la Loi de la Caisse de dépôt et placement que nous pouvons peut-être déterminer dans quelles proportions le portefeuille devrait être divisé. J'en conviens aussi. Comme le nombre de portefeuilles administrés par la Caisse de dépôt et placement va en s'accroissant, il y a peut-être des différences entre chacun des portefeuilles.

Quant à l'industrie de la construction, je ne sache pas qu'il y ait eu de commission parlementaire lorsque le bill 81 a été étudié. Je sais, cependant, que des protestations ont été faites par les représentants syndicaux. Mais le bill 81 lui-même n'a jamais comporté l'engagement de réinvestir dans l'industrie de la construction.

La Commission des accidents du travail n'investit pas dans les hypothèques ou dans d'autres obligations semblables. Le passage à la Caisse de dépôt et placement rend aussi plus possibles, plus plausibles les pouvoirs que la commission n'avait pas. On en donne maintenant par l'entremise de la Caisse de dépôt et placement. Cela va peut-être aider davantage la Caisse de dépôt et placement et la Commission des accidents du travail à réinvestir dans l'industrie parce qu'il s'agit non seulement des industriels, mais aussi des employés qui ont été accidentés.

La deuxième question, je ne m'en souviens pas.

M. PICARD: Je voudrais savoir s'il y aurait possibilité d'amender le texte de loi de façon à mentionner que les profits réalisés par les placements — je pense que cela ne peut pas être autrement — doivent être remis à la commission.

M. COURNOYER: Evade soi que le fonds est identifié d'une façon telle qu'il doit faire en sorte que la commission rencontre ses obligations. Il ne peut pas faire autrement que d'être, au moins dans la comptabilité, séparé du reste.

UNE VOIX: Adopté.

M. LEVESQUE: Adopté.

Troisième lecture

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): Est-ce que le bill 74 est adopté en troisième lecture?

Adopté.

Qu'on fasse les entrées.

M. LEVESQUE: La commission parlementaire des finances et du revenu siégera, à partir de maintenant, à la salle 81-A pour étudier le projet de loi relatif à certaines dispositions d'ordre fiscal.

Je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

LE VICE-PRESIDENT ADJOINT (M. Blank): La Chambre ajourne ses travaux à dix heures, demain matin.

(Fin de la séance à 21 h 25)

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