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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le lundi 23 décembre 1974 - Vol. 15 N° 103

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

LE PRESIDENT (M. Lavoie): A l'ordre, messieurs !

Affaires courantes.

Dépôt de rapport de commissions élues.

M. LEGER: M. le Président, juste une question d'information ou de directive. Est-ce qu'on pourrait attendre qu'il y ait un peu plus de ministres en Chambre? Ils commencent à arriver. Une période de questions sans ministre devant nous autres...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LEGER: II en arrive, il en arrive!

M. BOURASSA: Est-ce qu'il veut se rétracter sur les accusations de la semaine dernière?

M. LEGER: Pardon?

M. BOURASSA: Est-ce que le député veut se rétracter sur les accusations faites la semaine dernière?

M. LEGER: Attendez votre tour, vous verrez. Il y a une enquête qui s'en vient là-dessus, vous allez être très surpris.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. BOURASSA: ... enquête.

LE PRESIDENT:

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

Asbestos Corporation

M. MORIN: II nous est un peu difficile de poser des questions ce matin, M. le Président. Il manque...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. MORIN: ... les deux tiers des ministres.

UNE VOIX: Au feuilleton!

M. MORIN: J'avais une question pour le ministre des Richesses naturelles, qui est absent. Je vais donc la poser au premier ministre.

Une étude des fonctionnaires de la Direction générale des mines du ministère des Richesses naturelles a recommandé, récemment, la nationalisation de 1'Asbestos Corporation. J'aimerais demander au premier ministre quelles sont ses intentions à l'égard de cette recommandation. Peut-on s'attendre à ce que ce soit là la fameuse "nouvelle politique" de l'amiante que le ministre des Richesses naturelles avait annoncée pour 1974? Sur les derniers jours de l'année, le premier ministre peut-il nous dire si, enfin, il y aura une politique de l'amiante au Québec, et si tel est le cas, est-ce bien celle qui consiste à nationaliser 1'Asbestos Corporation?

M. BOURASSA: M. le Président, lorsque nous avons discuté, au conseil des ministres — évidemment, je ne peux pas révéler le contenu des discussions — des mesures financières qui ont été annoncées jeudi dernier, qui permettent au gouvernement d'aller chercher $50 millions de plus dans les compagnies exploitant les richesses naturelles du Québec, $48 millions à $50 millions, c'est-à-dire taxer davantage les grosses compagnies pour aider les petits contribuables.

Cela pouvait résumer la déclaration du ministre des Finances. Le ministre des Richesses naturelles nous a fait part qu'il avait des propositions à discuter avec nous au sujet des mesures à prendre par le gouvernement du Québec vis-à-vis de l'exploitation des richesses naturelles. Il n'est pas allé dans le détail, tel que le suggère le chef de l'Opposition, c'est-à-dire la nationalisation d'une compagnie. Il n'a pas parlé de cette question, mais il a dit que les mesures annoncées par le ministre des Finances pourraient être complétées à l'aide de propositions de son ministère par d'autres mesures dans les prochains mois. Mais nous n'avons pas encore discuté de ces mesures au conseil des ministres.

M. MORIN: Mais les mesures annoncées par le ministre des Finances ne sont pas de nature à régler le problème de l'exploitation des richesses naturelles par et pour les Québécois! J'aimerais, au premier ministre, demander ceci: compte tenu du fait qu'il y a appréciation du prix des richesses naturelles, que le Québec doit en tirer une plus grande rente économique et que celle-ci demeure insuffisante dans le budget du ministre des Finances, le premier ministre a-t-il réfléchi — ou le ministre des Richesses naturelles, qui vient de faire une entrée remarquée en Chambre — ne pourrait-il pas nous dire s'il a déjà pensé à ce problème?

J'imagine que le premier ministre et le ministre ont réfléchi à la situation de l'industrie de l'amiante au Québec. Quelle est leur politi-

que? Je le demande au ministre des Richesses naturelles parce que c'est lui-même qui a déclaré qu'il annoncerait cette nouvelle politique en 1974. Nous sommes tout près de la fin de 1974 et, bien que nous aurons l'occasion de siéger sans doute encore de nombreux jours avant le 31 décembre...

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une question, s'il vous plaît?

M. MORIN: ... ce serait peut-être l'occasion pour le ministre de nous décrire sa politique.

M. BOURASSA: M. le Président, il n'est pas sûr qu'on va siéger encore de nombreux jours, parce que, si l'Opposition se rend compte de ce qu'elle impose aux familles, par exemple, des journalistes et de tous ceux qui travaillent à l'Assemblée nationale...

M. BURNS: Voyons donc, c'est vous, ça! C'est vous qui imposez quelque chose.

M. BEDARD (Chicoutimi): Nous l'imposons à nos familles.

M. BURNS: Si vous faisiez des sessions normales en présentant vos projets contentieux au début, au lieu de les présenter à la fin...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Si l'Opposition se rend compte de ce qu'elle fait par son "filibuster" et par son opposition systématique. Parce qu'il n'y a pas seulement les députés; il y a toux ceux qui travaillent à l'Assemblée nationale, il y a les journalistes, il y a plusieurs centaines de personnes qui sont affectées, pour les fêtes de Noël, par l'attitude de l'Opposition.

M. MORIN: Vous nous l'imposez à nous-mêmes.

M. BEDARD (Chicoutimi): On se l'impose à nous aussi.

M. BOURASSA: Pensez un peu à ceux qui travaillent à l'Assemblée nationale, qui voudraient être avec leur famille durant le temps des Fêtes.

M. MORIN: Oui.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous auriez dû y penseravant.

M. MORIN: Nous y pensons.

M. BOURASSA: Cela ne parait pas, parce que vous faites de l'opposition systématique.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait revenir à l'amiante, s'il vous plaît?

M. BOURASSA: Je comprends que le chef de l'Opposition ne soit pas de bonne humeur ce matin, je comprends. Les échos que j'ai eus en fin de semaine, M. le Président, c'est qu'on ne parle plus de la piastre à Lévesque, on parle du chèque à Morin.

M. MORIN: M. le Président, permettez-moi une question de privilège. Je ferai remarquer au premier ministre qu'avant d'être le "chèque à Morin", cela a été le "chèque à Lavoie". C'est vous, M. le Président, qui me l'avez remis, n'est-ce pas?

Je voudrais que le premier ministre cesse de faire de la démagogie sur mon dos. Et avant d'être le chèque du président, ce chèque a été celui de trois ministres libéraux.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition...

M. MORIN: M. le Président, c'est sur un point de privilège. Je voudrais aussi demander aux députés qui étaient avec moi à Bruxelles et qui ont joui des mêmes privilèges, dont le député des Iles-de-la-Madeleine, de faire preuve d'un peu plus de justice dans leurs propos.

M. le Président, le député des Iles-de-la-Madeleine a touché un chèque aussi, pour aller à Bruxelles.

M. LACROIX: Oui.

M. MORIN: Le député des Iles-de-la-Madeleine a été également un "chou de Bruxelles"; cela vient en grappe, les choux de Bruxelles.

M. LACROIX: Mais j'y avais droit, moi, à l'allocation, tandis que le chef de l'Opposition n'y avait pas droit, d'après la Loi de la Législature.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. BOURASSA: Le chef...

M. LESSARD: Petit premier ministre ! Petit premier ministre! ... Vil! Bas! ...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre, messieurs!

M. LEGER: Le juge qui se moque des personnes qui comparaissent.

M. BOURASSA: Bien oui, bon! ... Ils en ont perdu...

M. LEGER: Cela ne s'est jamais vu.

M. BURNS: Pas capable de se hisser plus haut qu'un "back-bencher", imaginez, le premier ministre !

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BOURASSA: Bon! s'il vous plaît, du calme! Ils en ont perdu le sens de l'humour, M. le Président. On ne peut plus faire de l'humour avec le chef de l'Opposition.

Pour répondre à sa question, j'ai dit tantôt au chef de l'Opposition que le ministre des Richesses naturelles avait dit au conseil des ministres qu'il était sur le point d'amener des propositions touchant l'exploitation des richesses naturelles. Est-ce que ce sera avant la fin de l'année 1974 ou au début de l'année 1975? Nous verrons cela dans quelque temps. Mais le ministre des Richesses naturelles a annoncé au conseil des ministres qu'il fera des propositions d'ici quelques semaines.

M. MORIN: En question supplémentaire, M. le Président. Au sujet des événements récents dans le domaine de l'amiante et notamment de la destruction du moulin King Beaver, est-ce que le ministre des Richesses naturelles — à moins que le premier ne s'y fie pas pour répondre aux questions — pourrait nous dire où en sont aujourd'hui les tractations en ce qui concerne la reconstruction de l'usine?

Et deuxièmement, en ce qui concerne les travailleurs, où en sont les mesures pour créer de l'emploi pour tous ces travailleurs qui sont quelque 800 et qui ont été littéralement jetés sur le pavé par l'incendie du moulin?

M. MASSE: M. le Président, j'ai eu l'occasion de répondre d'une façon assez précise au cours de la semaine dernière à cette question du député de Saguenay. Je pense qu'on est à court de questions ce matin. J'ai dit que la compagnie devrait prendre une décision de reconstruction d'ici quelques mois. Et c'est toujours la même réponse que j'ai à offrir ce matin.

Remboursement de dépenses

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce que le premier ministre pourrait nous assurer ce matin si le ministre de l'Agriculture a remboursé les dépenses lorsqu'il a utilisé l'avion du gouvernement pour se rendre en Floride, ainsi que le député des Iles-de-la-Madeleine?

M. BOURASSA: II va y avoir des plaintes.

M. LESSARD: Y-aura-t-il des plaintes portées contre le ministre de l'Agriculture et contre le député des Iles-de-la-Madeleine, tel que le ministre des Transports nous l'avait dit?

M. BOURASSA: Le député devrait savoir qu'il n'y a pas eu d'infraction à la Loi de la Législature, d'abord, et deuxièmement, malgré qu'il n'y a pas eu d'infraction à la Loi de la Législature, il y a eu remboursement. Cela a été dit par le ministre des Transports.

M. LESSARD: II y a eu infraction à l'équité des ministres.

M. TETLEY: ... il a dit...

LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

Comptes d'électricité

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander au ministre des Richesses naturelles s'il a été mis au courant que l'Hydro-Québec aurait commencé à faire parvenir à certains abonnés, en même temps que leur facture, un formulaire à remplir leur demandant de le retourner avec un chèque de $50 comme dépôt en garantie sur les comptes à venir? Si le ministre est au courant de cette situation, peut-il nous dire si le Gouvernement a l'intention d'intervenir pour empêcher l'Hydro d'utiliser ce moyen? Les $50 en dépôt qui resteront toujours en dépôt pour garantir la facture des clients ne rapporteront que 4 p.c. d'intérêt alors que, comme nous le savons, le taux de location de l'argent est d'environ 12 ou 13 p.c. présentement.

M. MASSE: Ce fait m'est inconnu. Cela me surprendrait qu'Hydro-Québec exige de ses abonnés des paiements à l'avance, mais vous faites peut-être une distinction entre les clients actuels et les nouveaux abonnés. Je m'informerai auprès d'Hydro-Québec, pour répondre plus tard.

M. SAMSON: Est-il vrai qu'Hydro-Québec pourrait le faire en vertu d'un règlement adopté par le gouvernement du Québec selon un arrêté en conseil qui a été passé en 1967, je pense?

M.. SAMSON: Je prends avis de la question, M. le Président.

LEE PRESIDENT: Le député de Johnson.

Foyer Joseph-Denis

M. BELLEMARE (Johnson): Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Je lui en ai parlé la semaine dernière. C'est au sujet du foyer Joseph-Denis, à Trois-Rivières. Depuis le mois de juin dernier — j'en ai d'ailleurs parlé avec le député de Trois-Rivières aussi; il est bien au courant de la situation — il y a eu des faits qui ont été rapportés au public qui étaient assez dramatiques. A la suite, une enquête a été faite par l'organisme lui-même et elle a duré plusieurs mois. On a transmis le résultat de l'enquête ces jours derniers, qui est publique maintenant. Dans ce résultat d'enquête, il est remarqué

particulièrement que le ministre des Affaires sociales doit, le plus tôt possible, nommer un enquêteur spécial pour relever tous les faits et demander l'application de sanctions, s'il y a lieu.

M. FORGET: M. le Président, en effet, j'ai entre les mains ce rapport qui, quoique daté du 3 décembre 1974, ne m'est parvenu qu'à la fin de la semaine dernière. En face des demandes extrêmement sérieuses, comme l'a indiqué le député de Johnson, qui sont contenues dans ce rapport, mes collaborateurs du ministère l'étudient de manière à voir quelle action nous devons prendre à la suite de ces recommandations.

M. BELLEMARE (Johnson): Autre question supplémentaire. Vu que ce rapport est public, qu'il est presque publié en entier dans les journaux, le ministre aurait-il des réticences à déposer ce rapport pour l'information de ceux qui, particulièrement, sont intéressés?

M. FORGET: En principe, non, mais j'aimerais, malgré tout, en prendre pleinement connaissance puisque des noms de personnes peuvent y être inclus. Comme ces personnes n'ont pas nécessairement bénéficié de toutes les protections possibles, selon les lois, dans la préparation du rapport, je veux m'assurer que son dépôt et sa publication ne seraient pas de nature à porter préjudice à qui que ce soit, étant donné les faits qu'il peut contenir.

M. BACON: Une question supplémentaire, M. le Président.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, dernière question supplémentaire. Je crois que tous les noms qui sont contenus dans ce rapport, bien que je n'en connaisse pas tout le contenu, ont déjà été publiés dans les journaux de la région. Je ne vois pas quel préjudice on pourrait avoir à le déposer, à ceux particulièrement qui sont intéressés par ce problème, dans la région.

M. BACON: Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: Dernière.

M. BACON: Est-ce que le ministre, s'il tient à donner suite à une des suggestions de faire faire une enquête par un enquêteur spécial, peut nous assurer qu'il nommera quelqu'un en dehors du ministère et des CRSSS et de tout ce qui est relié au ministère des Affaires sociales, soit un enquêteur absolument indépendant?

M. FORGET: M. le Président, il est de coutume de nommer des personnes, lorsque nous décidons d'en nommer en vertu de l'article 128 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui sont les plus indépendantes et les plus impartiales possible, mais qui, bien entendu, doivent aussi connaître le milieu dans lequel elles sont appelées à intervenir.

LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

Parc fédéral au Saguenay

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Dans une dépêche en date du 29 septembre 1971, en provenance du gouvernement du Québec, on lisait ce qui suit: "La politique du gouvernement québécois quant à l'implantation des parcs nationaux sur le territoire du Québec devrait être précisée prochainement par le premier ministre Bourassa". Je voudrais demander au premier ministre s'il peut nous faire le bilan des négociations qui ont eu lieu, mercredi dernier, entre le gouvernement du Québec et le ministre responsable des Affaires indiennes à Ottawa, concernant la cession éventuelle à Ottawa d'un territoire de quelques centaines de milles carrés le long de la rivière Saguenay, dans le but d'en faire un parc fédéral.

M. BOURASSA: J'ai rencontré brièvement le ministre des Affaires indiennes pour discuter du cas de la région de Saguenay. Il doit y avoir une rencontre au niveau des fonctionnaires d'ici la mi-janvier pour voir s'il n'y aurait pas une formule qui pourrait être trouvée de manière à satisfaire les exigences du Québec et à faire profiter la population de la région des avantages d'un tel parc. D'ici la mi-janvier, une rencontre devrait avoir lieu là-dessus.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je voudrais demander au premier ministre s'il est exact qu'il existe deux plans: un qui représenterait environ 230 milles carrés et l'autre de 355 milles carrés.

M. BOURASSA: C'est-à-dire...

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que c'est exact?

M. BOURASSA: Les discussions sur l'étendue, sur l'endroit ou sur la superficie elle-même, on n'a pas abordé ces détails dans ma discussion avec le ministre, M. Buchanan. Cela sera fait à la mi-janvier.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce que je demande au premier ministre...

LE PRESIDENT: Dernière.

M. BEDARD (Chicoutimi): J'en aurais une autre. Ce que je demande au premier ministre, c'est s'il existe deux plans distincts du Québec à soumettre en vue des négociations au gouvernement d'Ottawa?

M. BOURASSA: Bien, on m'a parlé de deux superficies possibles.

M. BEDARD (Chicoutimi): Bon! LE PRESIDENT: Dernière.

M. BEDARD (Chicoutimi): Dernière question. Je voudrais demander au premier ministre si, au cours des négociations, il envisage la possibilité d'un échange qui aurait comme effet qu'une partie des terrains qui ont été cédés au gouvernement d'Ottawa autour de Mirabel, soient retournés au gouvernement du Québec en échange de la cession de territoires du parc fédéral du Saguenay.

M. BOURASSA: M. le Président, cela a été fait dans d'autres cas, comme le député le sait. C'est un élément de la situation. Mais il y a d'autres facteurs qu'il faut considérer, par exemple le rôle des agents du ministère du Tourisme au sein du parc fédéral-provincial, qui dépendra de la formule finale. Mais c'est simplement un élément de la situation parmi plusieurs autres.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Hausse d'assurance sur les maisons

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. Le ministre est-il au courant du fait qu'un organisme canadien qui regroupe un grand nombre de compagnies d'assurance a recommandé une hausse de 39 p.c. des primes d'assurance sur les maisons au Québec? Et, deuxièmement, est-ce que le ministre croit que cette hausse de 39 p.c. de l'ensemble de l'assurance sur les maisons, qui comprend la protection contre le feu, le vol, etc., est justifiée? Sinon, est-ce qu'il entend faire enquête sur cette hausse que préparent les compagnies d'assurance?

M. TETLEY: M. le Président, je vais prendre avis. J'ai déjà parlé aux fonctionnaires concernant cette question, et j'espère répondre le plus tôt possible, demain, mercredi, ou je ne sais pas, aussitôt que possible.

M. LEGER: J'espère qu'il ne répondra pas mercredi, cela va être Noël.

Question supplémentaire. Est-ce que le ministre, qui va prendre avis de la question, a l'intention quand même de faire enquête sur les possibilités d'augmentation?

Je lui pose cette question parce que, la dernière fois où il y a eu une annonce d'augmentation des taux d'assurance de 10 p.c. on a eu un débat, ici, et pendant qu'on débattait la question, qui a été reportée, la hausse a été acceptée. Je lui demande s'il veut faire enquête pendant qu'il est encore temps, alors qu'il n'y a que des recommandations de faites.

M. TETLEY: Je vais étudier la question avant de prendre une décision.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.

Télédiffusion de programmes sportifs

M. ROY: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre des Communications. Vendredi dernier, je lui demandais s'il était au courant qu'il y avait un contrat qui existait entre CFCF-TV, canal 12, et Canadian Sport Network, à l'effet que ce canal de télévision avait obtenu les droits de télédiffusion français et anglais exclusifs au Québec. J'avais également demandé au ministre quelles étaient les intentions de son ministère, quelles étaient les intentions du gouvernement, les actions qu'ils avaient posées, compte tenu que ces programmes de télévision doivent commencer incessamment.

M. L'ALLIER: M. le Président, vendredi dernier, j'ai pris avis de la question du député. J'attends la confirmation des faits qu'il souligne à cette Chambre et je lui ferai part, dès que je les aurai, de l'action éventuelle du ministère dans ce domaine.

M. ROY: M. le Président, comment le ministre peut-il expliquer le fait qu'il n'est pas au courant de cette situation alors qu'un communiqué a été émis aux journaux, le 25 juillet dernier, communiqué qui a été publié? Dans celui-ci M. Hamilton fait connaître clairement ses intentions, lorsqu'il dit: Nous avons acquis les droits, à la télévision française, des parties pour qu'aucune station française ne les ait. Nous garderons donc jalousement la propriété de ces droits parce que notre but est précisément d'augmenter notre cote d'écoute chez les foyers francophones, chez lesquels le hockey est très très populaire.

Je demanderais au ministre s'il a l'intention d'étrenner pour de vrai la loi 22, de façon que la souveraineté culturelle du Québec ne soit pas seulement des voeux pieux mais qu'on procède logiquement et concrètement. Il y a là un cas où il y a matière à intervention de la part du gouvernement, de façon que cette provocation à l'endroit des francophones prenne fin.

LE PRESIDENT: Vous m'avez donné avis que vous aimeriez apporter une réponse. Est-ce que vous pourriez profiter de l'occasion pour répondre à cette question?

M. L'ALLIER: Oui, M. le Président. Pour ce qui est de la question qui vient d'être posée, je

ne peux pas dire autre chose que ce que j'ai dit. Nous allons vérifier les faits et les circonstances qui entourent les faits, s'ils sont fondés. Deuxièmement, je ferai des commentaires à ce moment-là.

M. Laurent Laplante à Radio-Québec

M. L'ALLIER: Je vous avais donné avis que je voulais compléter la réponse que j'avais faite au député d'Anjou relativement à Radio-Québec et notamment quant à la nature et la durée des engagements et du salaire qui serait versé à M. Laplante.

Or, avant de répondre à cette question, M. le Président, je voudrais bien souligner que l'événement ou l'incident Radio-Québec aura certainement permis de préciser à la fois l'autonomie de Radio-Québec et aussi l'exercice de la responsabilité de ministre responsable de l'organisme. Le contrepoids à l'autonomie de Radio-Québec, c'est précisément l'opinion publique et l'exercice, en cette Chambre, de mes responsabilités. En quatre ans, c'était la première fois que je faisais un commentaire sur Radio-Québec et j'ai l'intention, dans l'avenir, à chaque fois que les circonstances, dans mon esprit, le justifieront, de procéder de cette façon.

Je n'ai pas l'intention d'intervenir en sous-main à Radio-Québec et sous la table pour essayer de faire changer des attitudes ou des décisions. Radio-Québec est parfaitement libre de ses décisions et la décision d'engager M. Laplante a été confirmée par Radio-Québec et sera respectée.

Ceci étant dit, Radio-Québec m'a fourni les informations suivantes: M. Laplante, qui est rédacteur en chef adjoint et éditorialiste à un quotidien montréalais, a vu ses services retenus pour une période de treize émissions hebdomadaires consécutives, d'une durée d'une demi-heure, comme animateur.

A l'occasion de cette série d'émissions, M. Laplante percevra un salaire ou des honoraires qui sont conformes à ce qui est habituellement payé pour ce genre d'emploi, à savoir un contrat de treize semaines pour $3,666. C'est-à-dire $282 par demi-heure d'émission hebdomadaire.

Ce que j'ignorais, c'est qu'on a aussi proposé à M. Laplante, qui l'a accepté, un autre contrat, celui de recherchiste sur sa propre émission, et que ce deuxième contrat de recherchiste s'étend du 20 janvier au 23 avril 1975.

Donc, comme recherchiste à l'émission qu'il animera, M. Laplante recevra un honoraire de $3,317 soit $255 par demi-heure d'émission hebdomadaire. Au total, M. Laplante recevra donc de Radio-Québec, pour la durée de son contrat qui est renouvelable, tel que spécifié au contrat, à la satisfaction des deux parties, $537 par semaine, en plus de continuer d'assumer ses responsabilités dans l'emploi qu'il a dans un quotidien montréalais.

Sur ce dernier point, je n'ai aucun commentaire à faire. Les éditorialistes et rédacteurs de quotidiens nous ont habitués à croire qu'il s'agissait d'une fonction qui occupait pleinement celui qui les exerçait. Nous sommes sans doute dans le processus d'évolution de cette fonction. Ce qui m'importe, c'est que cette émission, qui est importante et dont nous n'avons jamais remis en cause l'importance, se réalise et ce dans les meilleures conditions.

Je conclurai cet incident en disant que si, par l'incident Laplante, nous avons pu attirer l'attention de l'opinion publique ou des citoyens sur Radio-Québec, et peut-être réciproquement l'intérêt ou l'attention de Radio-Québec sur les préoccupations des citoyens, c'est une excellente chose parce que les deux, je pense, en ont besoin. Radio-Québec commencera à diffuser le 19 janvier prochain, et l'émission dont il s'agit ici sera diffusée à compter du 24 janvier prochain. Merci.

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Quai Sainte-Catherine

M. LESSARD: Est-ce que le ministre des Transports pourrait donner suite à une question que je lui posais il y a quelques semaines concernant la possibilité pour le gouvernement de compenser des augmentations de tarif, étant donné le bris du quai de Sainte-Catherine, et l'augmentation de ces tarifs suite à la décision de la commission des transports?

M. MAILLOUX: M. le Président, il est vrai que le bris des installations portuaires de Tadoussac a amené des surcharges aux populations de Saguenay et de Duplessis, et la commission des transports a accepté une augmentation des tarifs de 5 p.c. pour les charges complètes et de 10 p.c. pour les charges brisées. J'ai fait préparer un projet d'arrêté en conseil qui sera soumis dans les jours suivants. Je veux croire que malgré que la note soit élevée, il sera possible au gouvernement de compenser afin que les populations des deux comtés mentionnés n'en soient pas pénalisées.

LE PRESIDENT: Affaires du jour. Une dernière question, le député de Beauce-Sud.

Promotion de l'avortement

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre de la Justice. C'est une question que j'ai déjà posée en Chambre; elle paraît, d'ailleurs, au journal des Débats du

mardi, 17 décembre, à la page 3589. J'avais demandé au ministre de la Justice s'il était au courant que l'on se servait d'une série d'émissions radiophoniques, payée en vertu de la Loi de l'aide juridique, pour faire la promotion de l'avortement. Le ministre avait dit qu'il prenait avis de la question, qu'il allait faire enquête et qu'il allait en informer la Chambre. J'aimerais savoir où en sont rendues les démarches du ministre.

M. CHOQUETTE: Voici, M. le Président, il s'agit d'une émission qui s'appelle La minute juridique. En fait, c'est un programme d'information qui a été organisé par la Commission des services juridiques à l'intention du public par l'intermédiaire des postes de radio.

Dans le cadre de ce programme, on informe le public du droit et de la loi telle qu'elle existe dans certains domaines; il peut s'agir, par exemple, de relations entre propriétaires et locataires, il peut s'agir d'actions en dommages. En somme, on a tenté de situer à l'intérieur de ce programme d'information les questions qui, normalement, préoccupent la plupart des gens et c'est ainsi que, parmi ces minutes juridiques, il y a eu celle qui portait sur l'avortement légal. A ce point de vue, je voudrais quand même préciser à l'endroit du député de Beauce-Sud que l'information fournie n'était pas pertinente à l'avortement illégal, mais bien a l'avortement légal.

Cependant, je dirais que, pour ma part, je considère qu'on aurait bien pu se dispenser de donner de l'information juridique même sur l'avortement légal. Celles qui veulent avoir recours à ce procédé, eh bien, elles savent qu'elles doivent s'adresser à des médecins et qu'il n'y a qu'un endroit où on peut procéder à des avortements légaux et c'est dans les hôpitaux. C'est la raison pour laquelle je ne vois pas beaucoup le grand intérêt qu'il y avait pour la Commission des services juridiques de publier une information, même légale et valable, sur ce sujet.

M. ROY: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait me dire s'il a pris des dispositions afin de faire modifier ces programmes radiophoniques de façon à y mettre fin? Il y a la question légale, mais après avoir entendu l'émission, elle était réellement biaisée, de façon à inviter les gens en leur faisant croire qu'il y avait beaucoup plus de droits qu'il n'y en a en réalité. L'émission était vraiment, vraiment tendancieuse pour en faire une promotion pour l'avortement. C'est pourquoi j'ai cru de mon devoir d'attirer l'attention du ministre là-dessus.

M. CHOQUETTE: Je ne reproche pas au député d'avoir fait son devoir et d'avoir attiré notre attention sur cela. Je ne crois pas, en fait, que l'information fournie était une invitation à l'avortement. Par contre, à partir du moment où on donne une certaine information sur le sujet, c'est sûr et certain que cela peut être interprété comme une invitation ou, enfin, au moins une possibilité d'avoir recours à cela. Je crois que les avis peuvent être partagés sur une telle question, d'autant plus qu'il s'agit de l'avortement légal qui est reconnu par le code criminel et qui peut se faire dans les hôpitaux du Québec.

M. ROY: Que ce soit présenté de façon différente.

M. CHOQUETTE: Certains peuvent réprouver cela, même sur le plan moral. Dans ce domaine, vous comprenez que l'unanimité n'existe pas et c'est même un domaine où les avis sont le plus partagés. Il y a des gens qui sont radicaux dans leurs opinions sur ce sujet de l'avortement, autant pour que contre. Alors, c'est un sujet très controversé.

Je ne suis pas en mesure de dire à la Commission des services juridiques d'arrêter de faire cette publicité. D'autre part, je me suis enquis auprès du président de la Commission des services juridiques et je ne crois pas que cette annonce paraisse de nouveau; du moins, si elle devait le faire, ce sera une fois seulement. Je n'ai pas voulu intervenir pour dire au président que je lui interdisais de faire paraître de nouveau cette annonce, parce que je respecte quand même l'autonomie de la Commission des services juridiques.

Je lui ai fait part de mon sentiment à l'effet qu'on aurait probablement eu avantage à se dispenser de cette information particulière.

LE PRESIDENT: Avec le consentement, une dernière courte question.

L'honorable député de Lafontaine.

Installations olympiques

M. LEGER: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre d'Etat responsable du gouvernement auprès du COJO. Plutôt que de soulever une question de privilège demain, j'ai préféré lui poser une question aujourd'hui sur le sujet. Le ministre, à la suite de plusieurs questions, m'avait promis de déposer à la Chambre les prévisions budgétaires des Jeux olympiques si elles s'avéraient différentes de celles qui avaient déjà été supposées. Tout le monde sait maintenant, M. le Président, que les Jeux olympiques vont coûter le double des prévisions antérieures et qu'il y a des revenus supplémentaires aussi. Alors, je demande au ministre s'il peut déposer aujourd'hui ou demain, tel qu'il l'a promis à la Chambre, les nouvelles prévisions budgétaires qui sont contenues dans le rapport que le COJO a fait à la ville de Montréal.

M. LALONDE: M. le Président, je n'ai pas encore reçu les prévisions budgétaires comme telles de la ville de Montréal.

Le rapport auquel fait référence le député de Lafontaine est probablement celui qui a été préparé par le coordonnateur mandataire de la ville de Montréal et qui fait la réévaluation des coûts du Parc olympique, tel que je l'avais annoncé il y a quelques mois. Maintenant, nous sommes en communication constante avec les autorités de la ville de Montréal, dont j'ai eu un rapport ce matin à l'effet que les autorités de la ville de Montréal sont encore en train d'étudier la question, de façon à faire les coupures nécessaires ou à trouver des sources de financement additionnelles. Je n'ai pas eu la décision finale. Seule la ville de Montréal peut prendre sa propre décision, à savoir quel sera son budget pour les installations olympiques.

M. LEGER: Vous n'avez pas vu le rapport?

M. LALONDE: M. le Président, j'ai dit et je peux encore répéter pour le bénéfice du député de Lafontaine que le rapport de la société Lalonde, Valois, Lamarre, Valois, ne constitue pas des prévisions budgétaires comme telles. C'est une réévaluation du projet du Parc olympique. Il reste à la ville de Montréal le choix d'accepter d'aller de l'avant avec ce Parc olympique tel qu'évalué dans le rapport par les ingénieurs ou de faire des modifications que j'ignore, maintenant, mais que je ne pourrai connaître que lorsque la ville de Montréal aura décidé quel sera le projet final et nous en aura fait part.

M. LEGER: Quand?

M. LALONDE: Je m'attends à cette décision d'ici quelques jours.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Motion pour faire siéger une commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je veux faire une motion pour qu'une commission siège. On notera au vote, probablement, si on le regarde de près, qu'il y aura sans doute plus des deux tiers des députés et 21 ministres qui apparaîtront à ce vote, s'il est demandé, et que ce ne sera pas les deux tiers qui manquent mentionnés par le chef de l'Opposition.

M. BURNS: Ecoutez, je veux rectifier quelque chose.

M. LEVESQUE: Un petit mensonge.

M. BURNS: On voyait que les ministres arrivaient et on a tout simplement... Vous vous référez au début de la séance...

M. BOURASSA: Oui.

M. BURNS: ... lorsqu'on a demandé de retarder? Nous n'avons pas dit qu'ils n'étaient pas là. Nous avons dit: Retardez donc un peu...

M. BOURASSA: On accepte vos excuses.

M. BURNS: II n'est pas question d'excuses. Je veux que quand vous nous citiez...

M. LEGER: Ils arrivaient un à un.

M. LEVESQUE: Au Salon rouge, commission des affaires municipales, projet de loi numéro 98, loi concernant certaines municipalités de l'Outaouais et du Saguenay. Je fais motion pour que cette commission puisse siéger immédiatement.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Un vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur do la motion du leader parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lalonde, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, L'Allier, Harvey (Jonquière), Arsenault, Houde (Fabre), Desjardins, Giasson, Perreault, Fortier, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bonnier, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Morin, Burns, Léger, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 74 Contre: 0

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée et cette commission peut siéger immédiatement.

Motion pour faire siéger la commission sur le projet de loi no 87

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que la commission de l'Assemblée nationale puisse siéger, lorsque les circonstances et la procédure le permettront, pour étudier article par article, le projet de loi no 87, Loi modifiant la loi de la Législature et la loi de l'exécutif.

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT: Pardon?

M. BURNS: Le vote enregistré.

LE PRESIDENT: Vote enregistré. Est-ce qu'on peut faire changer les votes, ou quoi?

M. BURNS: Non, M. le Président. Je voudrais bien vous être agréable, M. le Président.

LE PRESIDENT: Que les députés restent ici, s'il vous plaît.

Est-ce qu'on peut voter immédiatement?

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lalonde, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, L'Allier, Arsenault, Houde (Fabre), Desjardins, Giasson, Perreault, Fortier, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bonnier, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE SECRETAIRE: Pour: 68 Contre: 5

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée. Dans quelle salle? Salon rouge ou...?

M. LEVESQUE : On pourra peut-être le déterminer à ce moment-là.

M. BURNS: Cela peut être long, M. le Président. On est peut-être aussi bien de prendre la salle où on est le plus confortable, le salon rouge!

M. LEVESQUE: Est-ce l'air climatisée que l'on recherche ou le confort des fauteuils?

M. BURNS: Les fauteuils nous permettent de rester là longtemps.

M. LEGER: L'air climatisé permet de refroidir les esprits.

M. VEILLEUX: On va prendre la salle 91-A!

M. BURNS: Vous n'avez pas d'endroit encore plus inconfortable que 91-A?

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on voudrait disposer de certains articles de troisième lecture, à ce moment-ci?

M. BURNS: En ce qui me concerne à l'article 2, nous avons l'intention de voter contre la troisième lecture. Je me contenterais d'enregistrer les dissidences des députés de Sauvé, Lafontaine, Saguenay, Chicoutimi et de Maisonneuve.

M. LEVESQUE: Disposons de ça tout de suite.

M. ROY: Article par article, s'il vous plaît. M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY: Nous allons également inscrire notre dissidence, les députés de Rouyn-Noranda et de Beauce-Sud.

M. BELLEMARE (Johnson): Et le député de Johnson.

Projet de loi no 90 Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la troisième lecture du projet de loi no 90, Loi modifiant la loi de la protection du malade mental. Cette motion est adoptée sur division, avec la dissidence des honorables députés de Sauvé, Maisonneuve, Lafontaine, Saguenay, Chicoutimi, Rouyn-Noranda, Beauce-Sud et Johnson.

Adopté sur division.

M. BURNS: Quant aux articles 3, 4, 5 et 6, nous serions prêts à les adopter. A l'article 7, j'ai un discours de troisième lecture à faire, qui peut durer un certain temps. Il y a également un discours de troisième lecture à l'article 8.

Projet de loi no 40 Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'article 3, l'honorable ministre des Affaires sociales propose la troisième lecture du projet de loi no 40, Loi de la commission des affaires sociales. Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la troisième lecture du projet de loi no 41, Loi modifiant la loi sur les services de santé et les services sociaux.

Projet de loi no 41 Troisième lecture

M. FORGET: M. le Président, j'aimerais, en vertu de l'article 125, faire une motion pour retourner en commission plénière pour des amendements de forme, largement, au projet de loi no 40 et au projet de loi no 41 également.

LE PRESIDENT: On peut faire les écritures pour la révocation de l'ordre de troisième lecture et la formation de la commission plénière, l'adoption du rapport de la commission et l'adoption du projet de loi tel qu'amendé.

Cette motion de troisième lecture est adoptée.

M. ROY: Le projet de loi no 41, M. le Président?

LE PRESIDENT: Le projet de loi no 41, oui.

M. SAMSON: Le projet de loi no 40 seulement. Le projet de loi no 41, on vote contre.

LE PRESIDENT: Le projet de loi no 41?

UNE VOIX: On vient de le lire, le projet de loi no 41.

M. FORGET: Le projet de loi no 40 également, M. le Président.

M. ROY: Pour les projets de loi no 40 et 41, je pense qu'il serait bon d'avoir des motions différentes, parce que nous avons une position différente sur ces projets de loi.

LE PRESIDENT: Oui. Le projet de loi no 40 est adopté.

M. ROY: C'est cela.

LE PRESIDENT: Mais pour le projet de loi no 41...

M. ROY: Au projet de loi no 41, on notera la dissidence du député de Rouyn-Noranda et du député de Beauce-Sud.

LE PRESIDENT: Bon. Adopté sur division, avec la dissidence des honorables députés de Rouyn-Noranda et de Beauce-Sud.

Projet de loi no 92 Troisième lecture

LE PRESIDENT: Article 5. L'honorable ministre de la Justice propose la troisième lecture du projet de loi no 92, Loi modifiant certaines prescriptions.

Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. ROY: Lequel, M. le Président?

LE PRESIDENT: Article 5, projet de loi no 92.

Projet de loi no 79 Troisième lecture

LE PRESIDENT: Article 6. L'honorable ministre de la Justice propose la troisième lecture du projet de loi no 79, Loi modifiant le code civil et la Loi concernant le louage de choses.

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Article 10.

Projet de loi no 201 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Article 10. L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns (suite)

M. BURNS: M. le Président, au moment où nous nous sommes quittés, très tard samedi soir...

Si vous permettez, M. le Président, ma voix

n'est pas tellement forte ce matin. On va laisser sortir les gens qui ont à sortir.

M. le Président, le leader me demande ce qui se passe. J'ai demandé qu'on attende que les gens quittent avant de reprendre le débat.

M. le Président, au moment où nous nous sommes quittés samedi soir, j'étais à dire quelles étaient, selon moi, les deux conditions qui risquaient de remettre de l'ordre dans la construction. La première, à mon avis, était la rediscussion de l'ensemble de la législation qui couvre ce domaine très important de notre économie, soit l'industrie de la construction. En particulier, j'avais mentionné que, dès les premières années de la mise en vigueur de la loi 290, déjà des représentants patronaux et des représentants syndicaux se disaient insatisfaits de cette loi qui se voulait un règlement total du problème. J'ai même mentionné à ce moment-là, je n'ai aucune crainte de le répéter, qu'il est certain que la loi 290, Loi concernant les relations de travail dans l'industrie de la construction, avait réglé un certain nombre de problèmes mais que les plus cruciaux, soit ceux de la représentativité, ceux des méthodes de négociation, ceux des techniques de formation des tables de négociations n'avaient pas été réglés eux.

Il y en a bien d'autres qui pourraient être rediscutés avec les parties et je ne suis pas naif quand je dis qu'il faudrait ramener les parties à la commission parlementaire et rediscuter avec elles.

Je sais fort bien qu'il n'y aura peut-être pas de consensus absolu à ce moment-là, que certaines associations patronales tenteront de nous vendre l'idée qu'il y a trop d'associations. Il y en a même qui vont peut-être tenter de nous vendre l'idée qu'il n'y a pas assez d'associations représentatives.

La même remarque vaut pour le côté syndical. Cependant mon raisonnement est le suivant: Si on prend la peine nous-mêmes, en commission parlementaire, de tenter de trouver ce mince filet où il peut y avoir, sinon consensus, quelque chose qui se rapproche le plus possible d'un consensus, par la suite nous serons capables de faire cette loi ou cet habit fait sur mesures pour les gens de l'industrie de la construction, en souhaitant qu'à ce moment-là on aura remis la paix dans ce domaine bouleversé, comme on le sait.

J'ajouterais, je le répète, qu'il y a une condition préalable à cette rediscussion. Même si ça paraît dur de le dire, cette condition préalable, à mon avis, c'est le remplacement du ministre qui détient le portefeuille du Travail actuellement, ceci à cause du manque de confiance qu'ont les parties à l'endroit de cet interlocuteur.

Le ministre m'a fourni un argument additionnel à la fin de la séance. J'ignore si ça a été enregistré au journal des Débats et j'ignore si c'est la fatigue qui s'était emparée de lui et qu'il ne lançait pas dans le débat le fond de sa pensée. Mais, si ce qu'il pense est exact, il me donnait une preuve additonnelle qu'il est temps qu'il soit remplacé au ministère du Travail, lorsqu'il a lancé à l'endroit des chefs syndicaux l'expression "sépulcres blanchis".

Comment peut-on envisager que l'actuel ministre du Travail soit un interlocuteur valable auprès des associations patronales et auprès des associations syndicales lorsqu'une des deux parties sent qu'elle n'a pas la confiance du ministre, alors qu'elle-même ne veut pas accorder sa confiance au ministre?

Si on traite les chefs syndicaux de sépulcres blanchis on les traite, ni plus ni moins, d'hypocrites. Comment peut-on, quand nous croyons qu'une personne est un hypocrite, valablement discuter avec cette personne?

J'arrête là mes propos, qui ont été amplement élaborés l'autre soir, simplement pour dire qu'également à la fin de la séance j'entendais le premier ministre me dire: Quand vas-tu arriver avec des solutions concrètes? C'en sont deux solutions concrètes. Je n'ai pas le monopole de l'intelligence, je ne peux pas vous rédiger une nouvelle loi 290.

C'est justement ma thèse que ce n'est pas à nous d'imposer au milieu de la construction des normes qui ne seront pas au moins en grande partie partagées par eux, qu'on n'aura pas vérifiées avec eux, d'abord ce que ça prend pour faire marcher cette industrie, ce que ça prend pour que les conflits de travail soient réduits à leur plus strict minimum, ce que ça prend pour, en somme, normaliser les rencontres entre patrons et employés, entre associations patronales et associations syndicales dans le milieu de l'industrie de la construction. M. le Président, je serais bien téméraire si j'essayais de vous arriver aujourd'hui avec une solution globale. C'est justement cela mon point de vue de base, que la solution globale va venir des parties, lorsque ces parties seront placées dans une situation, tant au point de vue de l'interlocuteur qu'au point de vue de la structure d'une commission parlementaire, pour nous dire, les unes après les autres et avec les divergences que, sans doute, on notera d'une partie à l'autre, ce que ça prend. Et là, on prendra nos responsabilités.

Mais la solution, M. le Président, parce qu'on n'a pas discuté, parce qu'on ne se sent pas en position de discuter avec les parties patronales et syndicales, la solution ce n'est pas d'arriver, comme je disais l'autre jour, lorsqu'on a besoin d'un marteau, avec une masse. C'est ce que le projet de loi actuel propose, c'est une masse alors qu'on a besoin d'un marteau. M. le Président, quand on arrive à fausser le système de cette façon, non seulement on ne réglera pas le problème mais on devra revenir, dans quelques mois ou peut-être dans une année, si on est chanceux, en disant: II faut mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction, et proposer un autre amendement. C'est ce que j'appelle du "patchage", au lieu d'arriver avec une solution qu'on va tenter de faire globale, qu'on va tenter

de faire coller au milieu. Je vous prédis, M. le Président, que non seulement l'amendement à la loi actuelle ne mettra pas d'ordre dans la construction mais il va augmenter le désordre.

Je demandais au premier ministre samedi soir, lorsqu'il m'invectivait au sujet de ces propos, quand vous allez modifier le décret, quand vous allez modifier, sans le consentement des parties concernées, le décret, si les parties, qu'elles soient patronales ou syndicales, refusent ces modifications, est-ce que c'est vous qui allez prendre votre marteau et allez compléter le chantier du site des Jeux olympiques à Montréal? Est-ce que c'est vous qui allez prendre votre scie et allez compléter les formes nécessaires? Est-ce que c'est vous qui allez monter dans les poteaux et agir comme "rigger"? Je dis, M. le Président, que c'est être irréaliste que de tenter une solution draconienne comme celle-ci, alors que le milieu de la construction est particulièrement survolté, avec cette toile de fond que je mentionnais, qui s'appelle la commission Cliche et tout ce qu'on en apprend.

M. le Président, à toutes fins pratiques, le projet de loi no 201 est une loi spéciale, caractéristique d'à peu près. Et peut-être le seul dénominateur commun qu'on peut retrouver, depuis quatre ans, des lois du travail qu'on a vécues sous ce gouvernement, le seul dénominateur commun c'est que c'est une loi d'exception. C'est exceptionnel que quand vous avez des parties qui négocient ensemble, des parties qui viennent à une table des négociations et se donnent un contrat qui, éventuellement, devient un décret — je sais que celui-là a été imposé, je sais que l'autre aussi a été négocié avec des difficultés particulières, de telle sorte qu'il est difficile de penser qu'il y avait eu consensus dans l'un et l'autre cas. Mais, le décret tient lieu de contrat entre les parties — il est exceptionnel qu'on vienne de l'extérieur, que le gouvernement vienne de l'extérieur modifier des conditions. Je disais que si l'une des conditions qu'on veut modifier c'est d'accorder les fameux $0.50 l'heure réclamés par les gens de la construction, sur le site du village olympique à Montréal, si on veut faire reprendre le plus rapidement ces travaux en accordant les $0.50, qu'on le dise dans la loi; je n'aurai pas d'objection, je ne me battrai pas contre cela.

C'est là, M. le Président, que je dis qu'on en demande trop et c'est là que je dis que c'est une loi exceptionnelle. C'est une loi d'exception qu'on passe aujourd'hui. Et pourtant, Dieu sait que nous avons demandé, dans un autre cas, une loi d'exception que nous croyons, jusqu'à un certain point, justifiée; mais on ne la demandait pas par voie de loi exceptionnelle, on la demandait par voie d'amendement au code du travail. Je pense à la formule Rand qui est toujours au feuilleton, qu'on pourra adopter tout à l'heure si vous voulez.

Il reste que l'on a, actuellement, deux conflits qui perdurent, pas dans le domaine de la construction, mais dans un domaine particulier qui s'appelle la United Aircraft et dans un autre domaine qui s'appelle la Canadian Gypsum. Le seul point d'achoppement sérieux qui reste, après un an et demi ou deux ans de grève — je fais une comparaison, M. le Président; vous allez voir que je suis dans l'ordre encore — si on adoptait la formule Rand on pourrait permettre de voir régler la grève, en ajustant les employeurs à la majorité des employeurs décents au Québec. Imaginez-vous donc, il y en a des employeurs décents et il y en a des indécents aussi. Les deux que je viens de mentionner, même le ministre les a traités de dégueulasses et là-dessus, je suis entièrement d'accord avec lui, dans le cas de la United Aircraft et de la Canadian Gypsum.

Mais qu'est-ce qu'on a fait, alors qu'on soumettait au gouvernement une solution? On nous a dit: On n'est pas prêt, on ne le sait pas, etc. Je dis que, lorsque c'est le temps de faire une mesure qui a un caractère un peu exceptionnel en faveur des travailleurs et contre les employeurs, ce ministère n'est pas prêt à le faire. Quand il s'agit de reprendre en main des pouvoirs qui appartiennent aux parties, ce qui est encore plus exceptionnel que d'imposer la formule Rand, bien, là, il est prêt à le faire sans aucune hésitation, dans les conditions absolument incroyables de la bousculade de fin de session. On ne se fait aucun remords de venir se mettre le nez dans toutes les dispositions du décret, parce que c'est cela que permet le projet de loi no 201.

Si encore, je le répète, le problème concerne l'emplacement des Jeux olympiques à Montréal et si le problème est les $0.50 l'heure, qu'on le dise et on va adopter, en ce qui me concerne, sans aucune difficulté ce projet de loi.

Il est évident que, dans ces circonstances, je ne peux aucunement voter pour le projet de loi. Je sais que, si le gouvernement a l'intention de l'adopter, il va le faire avec sa majorité et il va dire que cela a été adopté et qu'on a imposé le droit du lieutenant-gouverneur en conseil de modifier le décret, sans le consentement des parties, de l'abroger, de le maintenir. Voici une suggestion constructive que je fais à l'endroit du premier ministre. Il faudrait que se rendant compte du caractère exceptionnel de la présente loi, éventuellement, le gouvernement accepte, s'il croit — là, je ne partage pas ses vues — que ce projet de loi est absolument nécessaire, d'en atténuer au moins les effets en le rendant temporaire, par exemple, en ne permettant pas que ces pouvoirs exceptionnels que le gouvernement veut se donner continuent à s'appliquer après le mois de juin 1975.

Si c'est pour mettre de l'ordre temporairement et immédiatement dans l'industrie de la construction et si le gouvernement, malgré que je ne partage pas ses vues, pense que c'est la seule solution, bien qu'il se rende compte du fait qu'il ne joue pas les règles normales du jeu et qu'il rende ces règles nouvelles temporaires.

Je pense que cela devra être un minimum pour atténuer les effets de cette loi exceptionnelle. Malgré le pouvoir qu'accorde ce nouveau projet de loi au gouvernement, c'est-à-dire ce droit de prolonger, d'abroger ou de modifier le décret sans le consentement des parties, il faudra aussi que cette affirmation soit allégée. Quand on dit, dans une loi, que cela peut se faire sans le consentement des parties, je pense qu'il y a tendance pour la partie qui a le pouvoir, en l'occurrence le lieutenant-gouverneur en conseil, de se ficher de toute consultation. Il faudra qu'il y ait au moins, quand même, consultation avec les parties concernées et, au moins qu'il y ait tentative d'assurer un minimum de consensus.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je termine là mes remarques qui, je pense, avec la première partie du point de vue que j'ai énoncé samedi soir, complètent nos vues sur ce projet de loi que je devrai réprouver par mon vote, contre lequel je voterai. Nous aurons possiblement quelques amendements à soumettre lorsque nous étudierons le projet de loi article par article.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, le gouvernement a déposé un projet de loi portant le numéro 201. Evidemment, en fin de semaine, j'avais hâte de connaître un peu les réactions à ce projet de loi, réactions du milieu intéressé. Voici ce que j'ai trouvé dans les journaux de fin de semaine. Je pense que c'est peut-être bon que le ministre en prenne note s'il ne l'a pas fait à ce moment-ci. "La prise en main de la construction par le gouvernement constitue une victoire pour la ville de Montréal et la FTQ. Du côté de la ville, le projet de loi 201 permet d'espérer le retour à la normale sur les chantiers olympiques paralysés par la grève des ferrailleurs. Pour la FTQ, ce projet de loi constitue une victoire morale venant légaliser les augmentations salariales obtenues par une grève illégale dans la construction le printemps dernier. Le ministre Cour-noyer a déjà reconnu le bien-fondé des revendications salariales pour l'indexation des salaires. Même si la CSN lutte également pour ce principe, l'intervention gouvernementale est fort malvenue pour Michel Bourdon de la Fédération du bâtiment et du bois, qui craint le rétablissement de deux taux différents dans la construction à Montréal et en province. La CSN entend s'opposer énergiquement à une telle mesure puisque la majorité de ses syndiqués de la construction travaillent en dehors de la métropole. Du côté patronal, enfin, on s'oppose, officiellement du moins, au projet de loi 201 en déclarant que les problèmes de la construction ne sont pas des problèmes de salaire, mais touchent plutôt la productivité. L'intervention du gouvernement fait toutefois l'affaire de certaines associations patronales qui pourront faire porter l'odieux des augmentations de salaire sur le ministre du Travail."

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a des problèmes dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas d'aujourd'hui que cela va mal. Il y a des intérêts privés qui sont en cause. Il y a également des intérêts politiques. Je pense qu'il faudra le dire un bon matin.

Tant et aussi longtemps qu'on poursuivra trois objectifs aux mêmes endroits, sous prétexte de l'intérêt des travailleurs, d'une part, et que, d'autre part, on semble vouloir travailler à détruire systématiquement l'économie québécoise pour bâtir le socialisme au Québec et que, d'un autre côté, on retrouve toutes sortes de petits conflits d'intérêts comme ceux que la commission Cliche a découverts, je me demande sincèrement et logiquement comment le gouvernement peut espérer faire un pas vers la bonne compréhension, vers l'acceptation mutuelle de normes, de règles, avec un projet de loi semblable.

Pour régler quoi, M. le Président? Je me le demande et je doute de la bonne intention du ministre parce que le ministre lui-même a eu, je ne dirai pas l'indélicatesse, mais a commis l'erreur magistrale de déclarer en pleine Assemblée nationale que les chefs des centrales syndicales sont des sépulcres blanchis.

Comment le ministre peut-il inviter ces gens à s'asseoir avec lui pour en venir à trouver une solution, en venir à trouver réellement des méthodes, des moyens pour tâcher de sortir de l'impasse dans laquelle le gouvernement se trouve, mais surtout l'impasse dans laquelle l'industrie de la construction se trouve?

M. le Président, je pourrais rappeler au ministre les propos que nous avons tenus lors de l'adoption du fameux bill 9 pour lui dire, tout simplement, que le projet de loi qui est actuellement devant nous n'est que la suite "logique" — et je dis bien "logique" entre guillemets — du fameux bill 9, parce qu'il ne pouvait que conduire le gouvernement à aller plus loin, parce que son projet de loi no 9 a été celui qui, au lieu de faire en sorte de régler, de trouver des solutions pour tâcher que le gouvernement sorte de l'impasse, le projet de loi no 9 n'a fait que jeter de l'huile sur le feu et aggraver la situation.

Comment le ministre pourra-t-il appliquer une loi et faire accepter la loi qu'il nous soumet actuellement, le projet de loi no 201, qui dit que le lieutenant-gouverneur en conseil peut aussi, sur la recommandation du ministre, prolonger, abroger ou modifier le décret, sans le consentement des associations de salariés ou d'employeurs quand il est d'avis que dans l'intérêt public cette solution est la seule qui puisse remédier à la situation existante?

Comment le ministre peut-il faire appliquer une loi lorsqu'on traite ceux qui font partie de

l'autre côté, ceux qui représentent les travailleurs, les dirigeants des centrales syndicales de sépulcres blanchis?

Je me demande, M. le Président, si ce n'est pas simplement la provocation — je pose la question au ministre — ce vers quoi le gouvernement semble vouloir se diriger dans une lutte à finir, une fois pour toutes. C'est ça qu'il est important de se demander.

M. le Président, tant et aussi longtemps que, dans l'industrie de la construction, vous retrouverez sur les mêmes chantiers, pour grouper les mêmes catégories de travailleurs, trois centrales syndicales, comment pourra-t-on faire l'unanimité, alors qu'elles ont des intérêts divergents? L'une d'entre elles prend tous les moyens pour s'assurer le contrôle exclusif de l'industrie ds la construction. L'autre se débat pour garder ses droits en faisant en sorte que dans le maraudage elle ne puisse pas perdre un certain pourcentage de ses syndiqués. Alors que la nouvelle centrale syndicale cherche, elle, à prendre sa place.

Si nous avions un tel système dans la fonction publique, où irions-nous? Si nous avions un tel système dans le monde de l'éducation, dans le monde de l'enseignement, où irions-nous? C'est là le problème. Cela est du côté syndical.

Du côté patronal maintenant, on sait depuis fort longtemps que les gros entrepreneurs veulent à tout prix se débarrasser des petits. Les gros entrepreneurs font uniquement affaires, ou presque, exclusivement avec le gouvernement; le gouvernement peut rouvrir les contrats, peut, un moment donné, faire en sorte d'augmenter les taux, parce qu'on prend l'argent dans le fonds consolidé du revenu. Mais, lorsque les petits constructeurs font de la petite construction pour l'entreprise privée, est-ce qu'ils sont capables de faire la même chose? J'aimerais que le ministre puisse nous éclairer là-dessus. Actuellement, les normes qui s'appliquent dans la construction de gros édifices en plein coeur de la ville de Montréal se retrouvent dans les milieux ruraux, où on construit de petits édifices. Est-on aux prises avec les mêmes problèmes, les mêmes difficultés? C'est là le point.

Est-ce qu'on veut faire en sorte d'éliminer complètement la petite propriété privée dans la province de Québec, en laissant exclusivement le champ libre à la grosse propriété multinationale, qui avec des millions peut toujours "se tirer d'affaire" — je ne veux pas faire référence à ce qui s'est dit à la commission Cliche — ou encore à la propriété de l'Etat, propriété collective? Veut-on qu'il n'y ait plus personne au Québec qui soit propriétaire, que ce soit l'Etat qui soit propriétaire, d'une part, et quelques grosses entreprises multinationales, d'autre part, parce qu'elles le socialisme ne les a jamais dérangées?

M. le Président, je ne suis pas un spécialiste dans les relations de travail et je ne suis pas spécialiste non plus dans tout ce qui regarde toutes les subtilités qu'on retrouve dans le décret de la construction et dans toutes les lois que le gouvernement a fait adopter, les lois qui sont en vigueur, ou encore toute l'historique de la question. Mais j'entendais le ministre nous dire qu'il n'y avait pas un endroit dans l'Amérique du Nord où il y avait autant de lois dans le domaine de la construction que le Québec et que le Québec avait été à l'avant-garde. Je pense que ce n'est pas une référence, quand on regarde dans quelle situation on se trouve, au Québec. Ce n'est sûrement pas une référence. Il n'y a plus personne qui se comprend dans le domaine de la construction. Non seulement le ministre ne comprend pas, les employeurs ne se comprennent pas, les travailleurs ne se comprennent pas non plus. Lorsque les travailleurs arrivent sur le marché du travail, au printemps — parce que nous avons quand même quatre, cinq mois où il est pratiquement impossible de faire de la petite construction au Québec sans en augmenter les coûts de façon considérable — lorsqu'ils sont prêts à prendre le travail, à la fin d'avril, au début de mai, ils se retrouvent toujours aux prises avec des arrêts de travail, avec des grèves, de façon qu'ils perdent les meilleurs mois de l'année. Ceci a pour conséquence de coûter combien aux petits propriétaires? Cela coûte combien à la province? Cela coûte combien à nos sociétés québécoises? Qu'on regarde les conséquences de cet état de choses, actuellement, les conséquences qu'elles auront dans la construction d'un complexe que nous avons appuyée ici à l'Assemblée nationale, le complexe Desjardins, qui, pour une fois, permettait à la collectivité canadienne-française de pouvoir s'installer dans le monde des affaires à Montréal. Où va-t-on aller de ce côté? La question des Jeux olympiques, on ne m'apprendra rien ce matin en me disant qu'on veut tout faire pour les bloquer les Jeux olympiques, pour des considérations politiques.

Cela, je vais quand même avoir le courage de le dire, un bon matin. Il y a des conflits politiques dans l'industrie de la construction et les travailleurs en font les frais, et les contribuables du Québec également en font les frais. Quelles sont les règles du jeu qui devraient être établies de façon à ce que l'on puisse en sortir? Quand même, l'industrie de la construction est la deuxième industrie en importance dans l'économie québécoise. Depuis que nous avons été élus, le 29 avril 1970, nous avons eu des lois d'urgence et des problèmes. Il n'y a pas un secteur d'activité économique où nous avons eu autant de problèmes que celui du monde de la construction.

Et le gouvernement veut s'arroger le pouvoir, aujourd'hui, de prolonger, abroger ou modifier le décret sans le consentement des associations de salariés ou d'employeurs? Mais, où est-ce qu'on va? Où allons-nous?

M. COURNOYER: Lisez l'autre bout aussi.

M. ROY: Oui, oui! Quand il est d'avis, lui, le gouvernement, qu'il est de l'intérêt public,

quand lui est d'avis qu'il est de l'intérêt public, quand et où, et en vertu de quels critères? Cela, c'est la question qu'il est important de se poser.

Si le gouvernement — le gouvernement n'a pas tellement de temps pour agir — n'en vient pas à trouver des solutions équitables, des solutions valables pour dénouer la crise, je ne dirai pas l'impasse, dans l'industrie de la construction, nous allons avoir des lendemains qui vont nous coûter cher.

Est-ce qu'on s'est déjà interrogé, du côté gouvernemental? Je suis heureux, ce matin, que le premier ministre soit ici. Je pense que les propos de mon collègue de Johnson ont fait du bien. Depuis deux jours, je remarque que le premier ministre est plus souvent à l'Assemblée nationale.

M. BOURASSA: Question de privilège, M. le Président.

M. ROY: Non, il n'y a pas de privilège. M. BOURASSA: Question de privilège. M. ROY: Je le félicite. Je vous félicite.

M. BOURASSA: Non, non, mais question de privilège.

Le député sait fort bien que, le 23 décembre ou samedi soir dernier, les rencontres que je peux avoir avec les groupes ou les fonctionnaires ne peuvent pas se faire étant donné le temps de l'année. Quand je ne suis pas en Chambre, cela ne veut pas dire que je ne fais rien. C'est bien plus facile, pour un chef de gouvernement, de s'asseoir tranquillement en Chambre que de régler les problèmes administratifs. Donc, il ne faut pas interpréter l'absence du chef du gouvernement en Chambre comme... C'est le cas de tous les chefs de gouvernement des sociétés modernes. Il faut interpréter cela en pensant que le travail parlementaire n'est pas le seul travail du chef du gouvernement.

M. ROY: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit, M. le Président. J'ai dit que j'étais heureux de voir que le premier ministre était à son siège à l'Assemblée nationale. Que le premier ministre sorte de temps en temps, on n'a rien contre ça. On n'a rien contre ça, au contraire. Mais le premier ministre a quand même des ministres, pour s'occuper de l'administration de la province, dans ses ministères. Je comprends qu'il a des problèmes, le gouvernement; des problèmes, il en a. Ils se multiplient de mois en mois et de semaine en semaine. Mais...

M. CHOQUETTE: De jour en jour.

M. ROY: De jour en jour. Je suis d'accord avec le ministre de la Justice là-dessus. Il y a un point sur lequel je veux attirer l'attention du gouvernement. Est-ce que, du côté gouvernemental, on a déjà fait une étude sérieuse pour voir, au niveau de la propriété au Québec, la propriété québécoise, si nous gagnons du terrain de ce côté ou si nous nous en allons tout simplement vers la ruine? Est-ce qu'on a fait des comparaisons avec les autres provinces? Ce sont des questions qui sont intéressantes. Ce sont des questions que nous devons nous poser.

J'ai pris l'initiative de faire faire une recherche pour trouver une réponse à ces questions. J'ai eu la surprise — la désagréable surprise — de constater que la province qui a le plus petit pourcentage de propriétaires au Canada, c'est la province de Québec. La province de Québec, 47.44 p.c. des propriétaires contre 52.56 p.c. de locataires, alors que la moyenne canadienne, en 1971, était de 60.27 p.c. de propriétaires et 39.73 p.c. de locataires.

Si on regarde, d'un autre côté, dans le milieu anglophone québécois, le pourcentage de propriétaires est de beaucoup supérieur au pourcentage de propriétaires du côté francophone, on se rend compte que c'est un désastre. On n'est même plus chez nous dans la province de Québec. La propriété est de plus en plus difficile d'accès. On est en train de se faire déposséder complètement comme peuple et on se retrouve avec des problèmes de cette façon dans l'industrie de la construction. Le gouvernement, depuis trois ans, n'a pas été capable de trouver une solution valable pour dénouer l'impasse.

On nous a apporté de petites lois... Un instant.

M. BOURASSA: ... votre solution.

M. ROY: On nous a apporté de petites lois, à la sauvette, à la dernière minute.

Il est quand même étonnant qu'aujourd'hui, 23 décembre, à onze heures trente du matin, nous soyons rendus à adopter une petite loi qui donne au gouvernement les pouvoirs de tout régler lui-même, quand on sait ce qu'il a fait jusqu'à maintenant, au lieu de changer les règles du jeu, au lieu de trouver des moyens permettant aux gens de trouver un terrain d'entente et de dénoncer, si c'est nécessaire, ceux qui ne font pas leur devoir.

M. le Président, alors qu'en 1961 nous avions un plus grand pourcentage de propriétaires — 49 p.c. des Québécois étaient propriétaires — en 1971, on a réduit cela de 2 p.c. Quel est le pourcentage, aujourd'hui, en 1974? Le gouvernement s'est tellement peu soucié de ce problème qu'on n'est même pas capable d'avoir des statistiques récentes. Il faut référer aux statistiques de 1971 et nous sommes à la fin de 1974. On pourrait au moins avoir les statistiques de 1973. Nous ne les avons même pas. Alors, Terre-Neuve, 79.98 p.c. de propriétaires, près de 80 p.c; l'Ile-du-Prince-Edouard, 75 p.c. de propriétaires; Nouvelle-Ecosse, 71 p.c. de propriétaires; Nouveau-Brunswick, 69 p.c. de propriétaires; l'Ontario, 63 p.c. de propriétaires. Il y a 16 p.c. de plus de propriétés privées dans l'Ontario qu'il n'y en a dans la province de Québec.

Là, on parle des propriétaires versus les locataires, mais regardons donc la propriété commerciale de la province de Québec aujourd'hui. La propriété est rendue à peu près impossible, inaccessible. On a travaillé dans les milieux ruraux — je parle du développement des milieux ruraux et des milieux semi-urbains — pour faire en sorte que la propriété puisse être accessible à un plus grand nombre possible; nous avons travaillé et il y en a d'autres qui ont travaillé dans ce domaine, pour faciliter l'accès à la propriété privée. Or, le plus grand embêtement et le plus grand obstacle que nous ayons à ce jour, c'est le gouvernement provincial, notre gouvernement.

Il y a quand même des limites, M. le Président. Si on ne veut pas se réveiller demain matin, M. le Président, et nous retrouver dans une situation qui fait...

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Beauce-Sud me permettrait une question? Il a cité des statistiques sur les proportions entre propriétaires et locataires au Québec, comparativement à d'autres provinces canadiennes. Est-ce que le député prétend qu'il s'agit d'une situation nouvelle ou est-ce qu'il s'agit d'une situation traditionnelle?

M. ROY: M. le Président...

M. CHOQUETTE: Sur le nombre de propriétaires.

M. ROY: M. le Président, c'est une tradition qui semble s'installer au Québec.

M. CHOQUETTE: Malheureusement, oui, vous avez raison.

M. ROY: Malheureusement.

M. CHOQUETTE: Malheureusement.

M. ROY: A l'intention du ministre, qui semble vouloir reporter sur d'autres gouvernements...

M. CHOQUETTE: Je dis que c'est malheureux.

M. ROY: ... l'état de la situation, j'aimerais quand même signaler que, de 1960 à 1974, le Parti libéral a été au pouvoir...

M. CHOQUETTE: II y a eu l'Union Nationale, il y a eu Taschereau, il y a eu...

M. ROY: ... pendant dix ans.

M. CHOQUETTE: Cela fait seize ans.

M. ROY: Pendant dix ans. Je ne veux pas faire l'éloge ou faire le bilan des gouvernements qui ont précédé, mais je sais une chose, cepen- dant, c'est que, depuis 1970, dans la province de Québec — et là je ne m'en prendrai pas aux autres gouvernements — c'est encore beaucoup plus difficile que ce ne l'était auparavant, depuis 1960.

Je me rappelle qu'à partir de 1960 c'est devenu de plus en plus difficile d'une année à l'autre d'être propriétaire dans la province de Québec. C'est devenu de plus en plus difficile. Depuis 1970, c'est encore plus difficile qu'avant. Si on continue, en 1980, est-ce que cela veut dire que nous allons nous retrouver avec à peu près 30 p.c. de propriétaires dans la province de Québec et 70 p.c. de locataires? Je pense qu'il est bon de se poser la question de ce côté-là.

Qu'on prenne le temps d'examiner la question et qu'on prenne le temps de regarder ce qui se passe dans l'industrie de la construction et nous allons trouver là le problème. Il y a des gens qui ont été obligés de fermer leur entreprise, depuis deux ans, de discontinuer complètement; il y a des gens qui ont été obligés d'abandonner complètement, depuis deux ans, dans la province de Québec, leurs projets de construction de propriétés privées, à cause justement de tous ces décrets !

M. le Président, on se rappellera les interventions que nous avons faites à l'Assemblée nationale parce qu'on a amené devant les tribunaux, comme de vulgaires criminels, d'honnêtes travailleurs. Que le ministre de la Justice ne vienne pas nous dire, M. le Président, que c'est un autre gouvernement que le gouvernement libéral qui a toléré cet état de fait.

M. CHOQUETTE: Je ne comprends pas le sens de l'intervention du député. Est-ce que le député reproche au gouvernement d'avoir institué des actions devant les tribunaux?

M. ROY: Oui.

M. CHOQUETTE: Dans quel cas?

M. ROY: Dans quels cas? Les travailleurs de la construction, en vertu de tout ce qui s'est déroulé, les règlements, les normes, les décrets et les arrêtés en conseil.

M. CHOQUETTE: Parlez-vous des permis de travail?

M. ROY: Oui, des permis de travail, des cartes de qualification professionnelle et tout ce que vous voulez, mais surtout des fameux permis de travail.

M. CHOQUETTE: C'est rien qu'à ça que vous vous référez?

M. ROY: Oui, surtout les fameux permis de travail administrés par la Commission de l'industrie de la construction. Avec ce que nous aurons l'occasion de découvrir, par suite de

l'enquête qui a eu lieu et qui se continuera après les Fêtes — du moins, nous l'espérons — tout n'est pas sorti de ce côté-là.

M. CHOQUETTE: Mais je suis sûr que le député de Beauce-Sud ne reproche pas au gouvernement de traduire les chefs syndicaux qui sont de véritables bandits devant les tribunaux et faire la vérité sur leur conduite. Je suis sûr que le député de Beauce-Sud ne reproche pas cela au gouvernement.

M. ROY: M. le Président, le ministre de la Justice veut m'amener sur un autre terrain. Je vais demeurer sur le terrain où j'étais. Lorsque je dis que dans le Québec, en 1972... On se rappellera combien j'ai dénoncé cette situation devant l'Assemblée nationale, les fameux permis de travail. Il fallait avoir un permis de travail pour aller faire des petites réparations de $50 sur des propriétés privées dans des petits villages ruraux du Québec.

Il y a des gens, à un moment donné, qui se sont fait prendre, des gens de mon comté, des gens de tous les comtés de la province de Québec qui ont été poursuivis. Le ministre se rappellera que l'an dernier j'ai dû, à un moment donné, l'appeler personnellement — le ministre du Travail se le rappellera — pour faire sortir pour la fête de Noël, pour permettre à un père d'une grosse famille de mon comté de retourner dans sa famille passer Noël avec les siens alors qu'il était en prison comme un criminel pour avoir posé de la brique, dans l'industrie de la construction, et un autre pour avoir engagé un vieux briqueteur pour faire une réparation mineure dans un petit village rural d'une population de 600 âmes. Qu'on ne vienne pas me dire que ce sont des politiques justes, honnêtes, que c'est un gouvernement qui sait où il va.

M. COURNOYER: ... où l'on va.

M. ROY: Qu'on ne vienne pas me dire cela. Il y a quand même des limites! Qu'on poursuive des criminels, comme l'a dit le ministre de la Justice tantôt, quand c'est prouvé que ce sont des criminels, je n'ai rien contre ça, au contraire, le gouvernement fait son devoir. Mais quand on est rendu à poursuivre d'honnêtes travailleurs dont le seul crime est d'avoir travaillé, d'avoir exercé un métier qu'ils exerçaient déjà depuis 20, 22, 24 ans, et les tramer devant les tribunaux, je pense que c'est aller très loin.

Présentement, si on ne fait pas en sorte — et je terminerai mon intervention là-dessus parce que je suis entièrement d'accord avec la proposition de mon collègue de Maisonneuve — de convoquer la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre, de façon qu'on convoque les parties... Mais avant que la commission parlementaire ne siège, j'aimerais qu'il y ait une rencontre entre les représentants de chaque parti politique de façon que nous puissions déterminer l'agenda et décider de quelle façon cette commission parlementaire va travailler. J'en fais la suggestion au ministre. Le premier ministre m'a demandé si j'avais des suggestions tantôt. Convoquons les parties devant la commission parlementaire...

M. BOURASSA: ... solution.

M. ROY: ... permettons-leur de venir s'exprimer, nous dire ce qu'elles pensent. Mais je ne veux pas, par exemple, que cette commission soit manipulée par une stratégie gouvernementale qui fera encore en sorte qu'on ne pourra pas connaître toute la question...

M. CHOQUETTE: Qui va venir nous dire ce qu'ils pensent?

M. ROY: M. le Président.

M. CHOQUETTE: J'ai demandé au député...

M. BELLEMARE (Johnson): Laissez-le faire son intervention.

M. CHOQUETTE: Que le député de Johnson se mêle donc de ses petits, lui.

Je parle au député de Beauce-Sud, je parle à un député sérieux.

M. BELLEMARE (Johnson): Je vais vous le dire dans deux minutes, qui est sérieux.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je m'oppose aux interventions du député de Johnson qui sont irrégulières...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Vous avez posé une question au député de Beauce-Sud. Le député de Beauce-Sud vous donne-t-il la permission de la poser?

M. CHOQUETTE: J'accepte de demander au député de Beauce-Sud s'il va me donner la permission de lui poser une question... et le député de Johnson m'empêche de lui poser cette question.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président...

M. CHOQUETTE: Je le lui demande, mais vous m'empêchez...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dites-vous oui ou non?

M. ROY: M. le Président, je voudrais donc que le ministre cesse d'être si nerveux. Qu'il reste donc assis tranquille. Je ne sais pas s'il n'a pas eu l'occasion de se reposer au cours de la journée de dimanche. Mais qu'il reste calme, bien tranquille.

M. CHOQUETTE: Je suis calme.

M. ROY: Je ne vous ai pas permis de poser de questions. Quand vous avez dit que pour le député de Johnson, c'était irrégulier de poser des questions, vous étiez tout à fait dans l'irrégularité également.

M. BELLEMARE (Johnson): C'est ça.

M. CHOQUETTE: ... permission. Voulez-vous arrêter de faire des signes comme ça?

M. ROY: Je n'ai pas accordé la permission, M. le Président. Depuis quinze minutes le ministre de la Justice cherche à m'amener sur un autre terrain. J'ai dit non. Je dis qu'à la commission parlementaire qui devrait siéger, on devrait faire en sorte que les représentants...

M. CHOQUETTE: Quels représentants?

M. ROY: Les représentants de la partie patronale, les représentants de la partie syndicale, les représentants...

M. CHOQUETTE: Et vous pensez qu'ils vont nous apprendre quelque chose de nouveau?

M. ROY: ... M. le Président, du monde du travail. Qu'on donne la latitude nécessaire à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre de convoquer et de choisir ceux qu'elle voudra convoquer devant la commission parlementaire. Alors, si tel personnage ne fait pas l'affaire, si tel autre personnage ne fait pas l'affaire, ce n'est quand même pas le ministre de la Justice qui a le pouvoir de dire qui va être chef de la CSN; ce n'est quand même pas le ministre de la Justice qui a le pouvoir et le devoir de décider qui va être le chef de la FTQ. Non, ce n'est quand même pas, M. le Président...

M. CHOQUETTE: En tout cas, il y a une chose dont vous pouvez être sûr, ce n'est sûrement pas mon choix.

M. ROY: ... le chef, le président... Ce n'est quand même pas le ministre de la Justice qui a le pouvoir et le privilège de décider qui va être le président de la CSD. Voyons! M. le Président, les travailleurs ont choisi des représentants; ils ont des interlocuteurs. Mais si, en commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre, on juge qu'on devrait interroger d'autres personnes, qu'on prenne les moyens pour convoquer ces personnes devant la commission parlementaire.

Auparavant, M. le Président, je dis au ministre que cette commission parlementaire avant d'être convoquée, il devrait y avoir une rencontre entre les représentants des différents partis politiques, de façon à ce qu'on prépare l'ordre du jour. M. le Président, on ne sortira pas de l'impasse, et le premier ministre non plus ne semble pas avoir de solution pour sortir de l'impasse à l'heure actuelle. Nous allons sortir de l'impasse — je vais oser faire une petite prédiction, M. le Président — quand il y aura de la bonne volonté de part et d'autre, quand on sera intéressé de part et d'autre à mettre les petits intérêts privés, les petits intérêts particuliers, les intérêts politiques de côté, qu'on pensera pour la province et qu'on pensera également pour les travailleurs. C'est à ce moment-là, M. le Président. Je le dis et j'en profite pour faire appel aux différents responsables de quelque niveau que ce soit, de quelque milieu que ce soit, les responsables actuels...

M. CHOQUETTE: Vous êtes comique. Vous êtes comique à force d'être naif.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Laissez-le finir.

M. ROY: Je fais appel, M. le Président...

M. CHOQUETTE: Vous êtes même ridicule.

M. ROY: ... également au ministre de la Justice qui, par ses propos, aggrave la situation ce matin, par ses propos haineux...

M. CHOQUETTE: C'est vrai, haineux. M. ROY: ... M. le Président... M. CHOQUETTE: Et fondés.

M. ROY: ... ses propos provocateurs. Comment le gouvernement peut-il avec de tels propos tenus par l'honorable ministre de la Justice actuellement, faire en sorte que les différentes personnes responsables, nous puissions les inviter à s'asseoir autour d'une table, et mettre...

M. CHOQUETTE: Vous n'êtes pas sérieux. M. ROY: ... la politique de côté?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. ROY: M. le Président, je ne pensais pas réellement que notre ministre de la Justice était si politiquement engagé, pour ne pas changer le mot qui finit par "ent" et "g" la même chose, je serais tenté de changer le "g" de la deuxième syllabe par "r". Le ministre m'aura compris, M. le Président. Quand même, est-ce que le gouvernement est rendu à ce point de vouloir un affrontement à tout prix avec tout ce secteur de l'activité économique? L'attitude du ministre de la Justice ce matin, M. le Président, nous laisse songeurs.C'est une attitude qui n'est pas digne de notre Justice au Québec, qui a la

responsabilité et le devoir de faire appliquer nos lois dans la province; tenir des propos comme il vient d'en tenir à l'Assemblée nationale, M. le Président, je trouve cela indigne de sa part. C'est de la provocation.

La loi du ministre, c'est de la provocation; les propos du ministre ce matin, c'est de la provocation. Et on veut régler le problème?

M. CHOQUETTE: ... La commission Cliche, c'est de la provocation?

M. ROY: Est-ce qu'on veut régler le problème, M. le Président? La Commission de l'industrie de la construction devrait comparaître également devant la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre. C'est un fouillis, M. le Président, complet, un fouillis total dans lequel personne ne s'y retrouve mais dans lequel également ceux qui ont des postes de direction cherchent leurs intérêts ou cherchent à faire de la politique. M. le Président, je dis que je fais un appel ce matin. Tout le monde s'envoie des cartes de Noël, tout le monde s'envoie des voeux: "Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté". C'est vrai, je dis qu'il y a encore possibilité de trouver un minimum de bonne volonté dans les différents milieux, de façon à ce que nous puissions réunir tout ce monde ensemble. Qu'ils viennent à la commission parlementaire nous faire des suggestions, qu'ils viennent nous expliquer l'orientation qu'ils veulent donner à l'industrie de la construction, qu'ils viennent nous dire les modifications qui seraient nécessaires dans les lois. Qu'ils viennent nous le dire eux-mêmes et non pas, vous, venir nous présenter une petite loi comme nous avons ce matin.

La loi que nous avons ce matin, je me pose la question si ce n'est pas l'outil que certains cherchent et espèrent pour provoquer au Québec, ce qu'on cherche par tous les moyens à provoquer depuis, trois ans, une grève générale.

Je me demande si le ministre ne fournit pas justement le prétexte à ceux qui veulent saboter l'économie québécoise, à ceux qui veulent changer le régime; si le ministre, par sa loi, ne leur fournit pas justement le prétexte qu'ils cherchent depuis fort longtemps. Ils peuvent dire: Le gouvernement a adopté une loi inacceptable. Elle est inacceptable aussi. Prolonger, abroger ou modifier le décret sans le consentement des associations de salariés ou d'employeurs quand il est d'avis que c'est dans l'intérêt public... Alors, les syndicats n'ont plus un mot à dire là-dedans, les travailleurs n'ont plus un mot à dire là-dedans et les associations patronales n'ont plus un mot à dire là-dedans. C'est le ministre, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide.

M. CHOQUETTE: Je demande la permission au député de poser une question.

M. ROY: Non, M. le Président.

M. CHOQUETTE: Une petite question. M. ROY: Non, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Vous poserez la question au député de Johnson après.

M. ROY: Je ne permettrai pas au ministre d'ajouter encore des propos malheureux au propos extrêmement malheureux qu'il a tenus tout à l'heure...

M. CHOQUETTE: Non, non, c'est une question.

M. ROY: ... je ne le lui permettrai pas. Si le ministre de la Justice veut intervenir dans le présent débat, le règlement le lui permet, il a droit à 20 minutes. Alors, que le ministre de la Justice...

M. CHOQUETTE: Je veux poser une question au député.

M. ROY: ... nous réponde. S'il a quelque chose à dire à ce sujet, qu'il le dise qu'il exprime ses opinions. Mais qu'il n'exprime pas ses opinions, cependant, comme un petit politicien; qu'il exprime ses opinions comme un membre du cabinet, comme un ministre responsable, un ministre qui a des responsabilités dans le Québec, d'immenses responsabilités.

Il est évident qu'un projet de loi de ce genre ne doit, dans les circonstances, être accepté pour aucune considération. C'est jeter de l'huile sur le feu et prendre le risque de conduire le Québec... J'ai l'impression que le gouvernement fait une erreur épouvantable, une erreur magistrale, et je me demande si cela ne pourrait pas aller jusqu'à provoquer le fait que l'anarchie qui règne dans l'industrie de la construction s'étende à tous les autres secteurs de l'activité économique au Québec.

Il y a tellement d'anarchie dans ce domaine, il y a tellement de manque de leadership, il y a tellement de lois qui s'enfargent, il y a tellement de réglementations que plus personne ne s'y comprend, et adopter un projet de loi de ce genre ne fait qu'aggraver la situation.

Je demande au ministre, aujourd'hui, d'essayer de faire en sorte de jeter du lest, de baisser la vapeur, de diminuer la tension qui prévaut de ce côté. Il faudrait que le ministre de la Justice retire les propos qu'il a tenus. Il faudrait que le ministre du Travail retire les propos qu'il a tenus l'autre soir. Il a le droit de penser ces choses, mais il n'a pas le droit, comme ministre du Travail, de les dire. C'est cela qui est différent, c'est cela qui est important.

Que le ministre annonce que dès le début de janvier la commission parlementaire sera convoquée...

M. COURNOYER: M. le Président, puis-je poser une question au député?

M. ROY: ... et que les parties intéressées pourront venir devant la commission parlementaire de façon à pouvoir s'exprimer.

M. COURNOYER: Puis-je poser une question?

M. ROY: J'ai terminé, M. le Président, et je voterai contre le projet de loi.

M. COURNOYER: M. le Président, je voudrais poser une question avant de terminer. En vertu de quelle loi n'ai-je pas le droit de dire mon opinion sur du monde que je pense être des sépulcres blanchis?

M. ROY: M. le Président, le ministre, en me posant cette question, me prouve que, justement, il n'est plus en mesure d'assumer ses fonctions. Comment peut-il...

M. COURNOYER: La question était en vertu de quelle loi...

M. ROY: ... aller s'asseoir avec des gens...

M. COURNOYER: Je vous pose la question: En vertu de quelle loi qui me défend à moi d'avoir une opinion sur quelqu'un? Si cela est vrai que cela existe, une question semblable, vous avez toujours eu raison depuis le début de votre exposé. Le ministre du Travail n'a pas choisi André Desjardins, il n'a pas choisi non plus Marcel Pepin et il n'a pas choisi Bourdon, et quand ces gens viennent ici faire des règlements avec les parties contractantes patronales, n'accusez pas le ministre, il ne fait que suivre ce que ces gens lui disent de faire au nom de ce qu'ils prétendent être la collectivité qu'ils représentent. Faites attention de faire la distinction et lisez comme il faut les lois de la construction et vous allez voir que ce sont eux qui ont le pouvoir et pas nous autres.

M. ROY: M. le Président, je veux dire au ministre que ce n'est pas en vertu d'une loi qu'il s'est exprimé, c'est en vertu d'un manque de jugement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Johnson.

M. VEILLEUX: C'est pour vous encourager un peu.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE (Johnson): Voyons! Non, non, cela a été fait dans Johnson.

M. le Président, je me lève ce matin pour apporter au débat une contribution bien parti- culière. Comme l'honorable ministre, en terminant son exposé l'autre soir, a dit: Maintenant, la parole est à ceux qui veulent s'opposer, fort de cette invitation, je devrais dire d'abord que c'est sûrement une situation d'urgence. C'est surtout aussi, à cause de la situation d'urgence, une loi d'exception. Et Dieu sait que les lois d'exception dans bien des cas et dans bien des parlements ont été employées.

Je n'ai pas besoin de vous dire que nous vivons, depuis 1964, par le chapitre 141, sous un nouveau régime qui s'est appelé le code du travail.

Il y a à peine dix ans que cette législation nouvelle parmi les travailleurs a été incorporée à nos statuts. Difficile dans les premières années d'application, extrêmement compliquée, pour ceux qui avaient autrefois pratiqué une certaine procédure en vertu de la loi des décrets ou autres, a été l'application du nouveau code du travail.

Donc, difficultés multiples parmi les travailleurs et parmi les employeurs qui n'étaient pas assujettis ou qui ne voulaient pas s'assujettir aux directives, et particulièrement, aux aléas de la loi.

Donc, dix ans d'existence d'un code du travail qui a été fort contesté, qui a été mis en doute par bien des légistes et qui a été amélioré en plusieurs circonstances. En 1968, on a connu, dans les relations du travail et de l'industrie de la construction, une législation toute spéciale, une législation encore qui était une législation d'urgence, une législation qui n'a pas ramené, bien sûr, le climat de fraternité et de coopération puisqu'on a mis ensemble... Pardon?

M. CHOQUETTE: Vous êtes doux, ce matin.

M. BELLEMARE (Johnson): Non. Je n'ai pas fini, je commence.

M. CHOQUETTE: Vous êtes d'une douceur extrême.

M. BELLEMARE (Johnson): Je ne sais pas si le ministre anticipe le ministère du Travail par sa participation ce matin. On l'a annoncé comme le prochain ministre du Travail. Que la Providence nous épargne ce fléau!

M. CHOQUETTE: Je suis d'accord.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. BELLEMARE (Johnson): II n'est seulement pas ministre du Travail et vous voyez déjà sa rigidité à tourner le fer...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): A l'ordre, s'il vous plaît. Revenons au débat.

M. BELLEMARE (Johnson): Merci, M. le Président. Je continue, je redeviens doux. Je suis moins fin que tout à l'heure.

M. VEILLEUX: Oui, pas mal!

M. BELLEMARE (Johnson): La loi des relations de travail dans l'industrie de la construction, en 1968, a causé bien des difficultés. Le législateur vivant à l'époque a voulu, lui aussi, répondre à un besoin nouveau, et surtout par des critères nouveaux il a mis dans un décret des gens qui avaient sûrement des idées divergentes, mais il n'y avait pas moyen de faire autrement. Celui qui vous parle en sait quelque chose. D se souvient des longues veilles passées à essayer de concilier, d'abord, avant l'adoption de la loi. Mais, après, pour appliquer le premier décret. M. le Président, à la FTQ, la CSN —à l'époque, la CSD n'existait pas — sont venues se joindre la Corporation des martres-électriciens, la Corporation des maîtres en tuyauterie, l'Association de la construction de Montréal, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec et l'Association des constructeurs des grandes routes et des grands travaux. C'était tout un chantier. C'était, à ce moment, dans la province, apporter quelque chose de neuf, quelque chose qui brimait certains droits et des employés et des patrons et des syndicalistes, mais il fallait, pour le bien public et pour assurer l'ordre, cette loi des relations de travail dans la construction.

Dieu sait combien cela a été difficile d'application. En 1970, par le bill 38, qu'on appelle, qui est, aux statuts, le bill 34, on a même apporté des modifications dans les relations de travail de la construction, et on a apporté, en 1973, le bill que, je pense, si j'avais été ici, j'aurais critiqué fortement, le bill 9, qui enlevait à ce décret l'unanimité des parties contractantes pour le remplacer — et le mot est grave — par la majorité. Et cela, dans les relations de travail, on sait ce que cela peut revêtir.

Des conditions de travail difficiles. Je voudrais sur cela attirer votre attention.

C'est en 1351 qu'a eu lieu la première grève en Angleterre; c'est entre 1721 et 1750 qu'on a fait le premier code du travail, en Angleterre. Aux Etats-Unis, la première grève en 1747; premier code du travail en 1801. Des précédents, oui, et je dirai, tout à l'heure, pourquoi il y a eu des précédents; des lois de carcan obligatoire peut-être, dans certains domaines, mais trop de pouvoirs au ministre, et je le dirai très calmement.

M. le Président, en 1969, celui qui vous parle a imposé à un syndicat, la FTQ, qui contrôlait la sécurité sociale, par le biais du Comité paritaire dans la construction, le transfert ici, à la Caisse de dépôt, de $50 millions, qu'il contrôlait à ce moment, directement. On a fait le transfert de ces $50 millions à la Caisse de dépôt pour qu'il y ait plus de contrôle. Aujourd'hui, après l'enquête Cliche, on s'aperçoit... On a été critiqué, on a été tramé sur la rue. On m'a fait brûler, ici devant le parlement, en effigie, c'est sûr, mais j'ai eu le courage quand même de faire transporter $50 millions du fonds de la FTQ, le sous-comité des affaires sociales, dans la Caisse de dépôt pour qu'il y ait un contrôle. Ce n'était pas facile, dans l'effervescence des idées du temps, mais il y avait là une obligation morale pour le ministre de le faire. Je l'ai fait. Donc, je suis fier du bill 290, n'en déplaise à tous ceux qui voudront m'en faire reproche. Le bill 290 a établi, au moins, une base raisonnable entre les parties. Qu'elles soient dissidentes, ce n'est pas nouveau dans les relations patronales-ouvrières, au contraire. Aujourd'hui, il y a des raisons et des motifs qui poussent peut-être le gouvernement à nous apporter une loi qui n'est probablement pas unique; il y a, aux Etats-Unis, plusieurs précédents qui ont été créés et particulièrement au Canada, quand le gouvernement fédéral, dans la grève des marins, a mis sous tutelle et a pris le contrôle complet de toutes les relations de travail dans l'organisation des marins. Je reviendrai sur cela tout à l'heure.

Il y a des précédents. Je suis sûr que le ministre a été inspiré de certains facteurs très importants. Je dirai lesquels et, dans la deuxième partie, je lui suggérerai d'autres possibilités et, enfin, je dirai pourquoi je serai contre. Premièrement, je pense que ce qui nécessite cette loi d'urgence, une loi d'exception, les révélations qui ont été faites, dernièrement, devant la commission Cliche en donnent un certain volet. L'honorable ministre de la Justice a parfaitement raison quand il dit qu'il y a un malaise considérable, au sein des syndicats, même au sein des associations patronales qui, de connivence avec certains chefs syndicaux, ont outrepassé le décret qui était formel.

Deuxièmement, une raison objective, à mon sens, c'est la baisse constatée dans la productivité sur les chantiers de construction, surtout quand on regarde les statistiques de l'année dernière, celles de 1972 et qu'on les compare avec celles de l'Ontario et des Etats-Unis. Il y a dans les statistiques un décalage extrêmement important pour l'intérêt public de la province, quand on considère particulièrement l'Ontario, notre voisine et notre concurrente, en affaires simplement, et la province de Québec depuis les neuf derniers mois. Le ministre le sait; il a en main probablement ces statistiques, comme moi je les ai. Cela nous est founi par le gouvernement fédéral et je n'ai probablement pas à lui répéter cette différence énorme dans la productivité.

C'est l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce qui, dernièrement, disait que nous étions en perte de vitesse de 30 p.c. et que des investissements de $150 millions étaient presque disparus de la province à cause de ce point particulier. Donc, il y a certainement un intérêt public.

Il y a, troisièmement, aussi de grands chantiers en danger de voir monter le coût extrava-

gant de leurs constructions, à cause probablement du coût qu'ils ont estimé lorsqu'ils ont signé un contrat, qui est valable pour deux ans, trois ans ou cinq ans. J'en connais un contrat qui est de cinq ans et il n'a pas la clause où il résorbe la différence entre le coût de production et l'inflation, ils sont à contrat fixe. C'est une grande victoire pour la ville de Montréal, ce bill — je le dis en passant — autant pour la FTQ, comme le disait si bien mon collègue tout à l'heure, qui va avoir reconnu par ce bill toutes les grèves illégales qu'ils ont faites pour l'indexation. Je ne peux pas féliciter le gouvernement pour ça, certainement pas. On donne à la FTQ...

M. BOURASSA: Attendez.

M. BELLEMARE (Johnson): ... une absolution totale.

M. BOURASSA: Attendez de voir ce que l'on va faire avec.

M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?

M. BOURASSA: Attendez de voir ce que l'on va faire avec le projet de loi.

M. ROY: Bien, dites-nous le.

M. BELLEMARE (Johnson): Non, mais écoutez, M. le Président, je récite mon discours. Si le premier ministre voulait être sage, comme il l'est toujours, bien poli, cela me ferait bien plaisir. Il me semble que je ne dis rien d'injurieux. Je récite ma thèse, à moi. Elle n'est peut-être pas agréable par bouts, elle ne le sera pas tout à l'heure. Mais c'est sûr et certain que je vais le faire avec un ton qui ne choquera personne, qui ne mettra personne en colère.

M. BOURASSA: Tant mieux.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, dans le milliard de construction, à Montréal, il y a de grands travaux qui se font et qui vont bénéficier de ce projet de loi. Il y a aussi le fait que d'autres, à cause de ce projet de loi... La peur, c'est le commencement de la sagesse. Peut-être que le ministre ne s'en servira pas de sa loi, mais elle est là. C'est une loi de protection. Il n'est pas dit que, demain matin, le ministre du Travail va exercer son pouvoir de prolonger ou d'abroger. Ah! Là, par exemple, cela deviendrait un ministre qu'il faudrait changer 24 heures après, parce qu'il manquerait de responsabilité publique, Lui, en vertu des pouvoirs qu'il donne aujourd'hui, déciderait sans consulter les partis, de prolonger, d'abroger ou de modifier le décret, oh! , comme le dit mon collègue de Beauce-Sud, ce serait la véritable anarchie. Mais il écrit dans une loi, il récite dans une loi certains principes. Il dit, dans son projet de loi, c'est là que je lui poserai tout à l'heure certaines questions: Quand il est d'avis que dans l'intérêt public c'est la seule solution. C'est là que je vois que la loi peut être exercée. Peut. Le ministre peut, ce n'est pas doit. Il peut. Quand l'intérêt public, et seul l'intérêt public peut le commander, il pourrait exercer ce pouvoir.

Mais je dirai tout à l'heure aussi, dans quelques minutes, pourquoi il y a là un danger quand même. L'exemple de Cartier Mining, l'exemple de mont Wright, l'exemple des travaux de la Place Desjardins, l'exemple de la baie James, où la province investit des milliards de dollars, l'exemple des Jeux olympiques de Montréal; je pense que là ce sont de grands travaux qui doivent se réaliser et qui, pour l'économie générale d'une province, ne doivent pas être dérangés par des ralentissements de travail ou par tous autres moyens illégaux qui peuvent se produire.

Qu'attend plutôt le gouvernement pour proscrire l'obstruction patronale à l'accréditation syndicale? Cela serait quelque chose de bien dans une loi, introduire cela dans notre loi. Ce serait une loi nouvelle, une loi qui existe dans d'autres provinces comme en Colombie-Britannique, où le patron n'a pas le droit de faire aucune obstruction systématique, comme cela se fait, pour que l'accréditation devienne une réalité.

Pourquoi qu'on n'introduit pas dans notre code du travail, dès aujourd'hui, dès la prochaine session, une réglementation pour empêcher ce qu'on appelle des agences de grève qui préparent des "scabs"?

Cela, dans les relations patronales-ouvrières, ce sont des choses importantes, très importantes pour protéger le droit des syndicalistes, qui veulent véritablement exercer, en vertu de la loi, leurs droits et leurs privilèges.

Pourquoi le gouvernement ne réglemente-t-il pas ce que l'honorable juge en chef Deschênes disait dernièrement? Les injonctions ne sont pas un instrument pour écraser la masse des travailleurs! Là encore, M. le Président, le gouvernement devrait, à mon sens, légiférer pour empêcher l'abus qu'ont fait certaines personnes des injonctions.

Qu'attend le gouvernement pour faciliter la syndicalisation en la faisant résulter d'un vote majoritaire des travailleurs? Pas seulement d'un vote majoritaire d'une assemblée constituée mais d'un vote majoritaire de tous les travailleurs. Le gouvernement serait, je pense, bien inspiré de mettre cela dans le code du travail.

Qu'est-ce que le gouvernement attend, M. le Président, pour imposer des sanctions très sévères à ceux qui ne veulent pas sérieusement négocier? Quand, après les délais accordés en vertu du code du travail, il y a des délais qui sont respectés par les syndicalistes et que le patron ne veut pas sérieusement négocier? Qu'attend le gouvernement pour imposer cela dans sa loi?

M. le Président, qu'attend le gouvernement pour permettre, dans certains cas bien particuliers, la réouverture des conventions collectives

quand il y a des changements technologiques ou qu'il y a des changements dans la vie économique, comme, par exemple, l'inflation qu'ont à subir bien des gens? Cela aurait été, je pense, des choses qui auraient été, à ce jour, peut-être, nécessaires pour établir le climat que tout le monde recherche.

M. le Président, ces quelques suggestions que je fais, ce sont des choses que l'expérience du ministre lui a fait toucher du doigt tous les jours. Pourquoi ne pas établir la formule Rand, avec des conditions telles que le voulait le juge: Un vote présidé par un officier du ministère du Travail, un vote que tout le monde devrait être capable de donner, quand il s'agit d'accréditation ou quand il s'agit de grèves, même si on ne paie pas sa contribution.

Je pense que la formule Rand serait aujourd'hui une chose assez bien reçue, sauf si on y mettait certaines conditions, conditions d'application, bien sûr. Mais pourquoi prolonger une grève comme celle qu'il y a, présentement, à la Canadian Gypsum? La seule et unique raison, toutes les questions normatives étant acceptées, c'est la formule Rand.

Je comprends que le ministre va me dire: Ils ont d'autres installations, à la Canadian Gypsum, à travers la province, et on n'a pas la formule Rand. Je comprends cela. Mais est-ce que, M. le Président, on doit tenir douze mois ou treize mois des gens en grève à cause d'une seule et unique raison comme celle-là?

M. le Président, si j'avais eu l'occasion de parler sur la formule Rand — je ne l'ai pas eue parce que je n'étais pas encore tout à fait habitué à mon règlement mais je commence à m'habituer, Dieu merci, assez bien — j'aurais dit ces choses sur la formule Rand.

M. le Président, pourquoi ce projet de loi est-il un carcan? Pouquoi le projet de loi est-il d'urgence? Pourquoi ce projet de loi est-il d'exception? Le ministre ne croit-il pas sincèrement, M. le Président, puisque je dois m'adresser à vous, que cela va causer une mauvaise réputation à nos travailleurs? Elle est déjà pas mal hypothéquée, cette réputation.

Le député de Maisonneuve disait: II faudrait changer le ministre. Je l'ai été moi-même, et j'ai entendu l'Opposition plusieurs fois, dans le temps, me dire: II faut changer le ministre. Je l'ai entendu cet argument moi aussi, plusieurs fois. Le ministre, c'est un expert en droit ouvrier. Il a des défauts, mais il ne les a pas tous. Chose certaine, qui, demain matin, mon cher, pourrait te remplacer? Pas le ministre de la Justice, certain, M. le Président. Ce serait le plus mauvais ministre!

M. CHOQUETTE: Merci beaucoup!

M. BELLEMARE (Johnson): Le plus mauvais!

M. CHOQUETTE: ... M. le député.

M. BELLEMARE (Johnson): Non, M. le Président. Changer le ministre du Travail? Non, ce n'est pas le ministre qu'il faut changer. C'est la mentalité du gouvernement.

M. CHOQUETTE: Le premier ministre vous approuve, je tiens à vous le dire.

M. BELLEMARE (Johnson): Laissez-moi finir. C'est la mentalité du gouvernement vis-à-vis des classes laborieuses. D'abord, indexation du salaire minimum. Cela, ça presse. Il y a 1,300,000 employés qui vivent sur des décrets et qui vivent en vertu du salaire minimum. Cela, c'est dans ma province, sur les 2,400,000 travailleurs. Il y en a donc 800,000 qui sont, en vertu des conventions collectives, extrêmement bien protégés.

Mais les 1,300,000 qui ne le sont pas, eux, c'est la responsabilité du gouvernement d'y voir. Je pense qu'on rétablirait dans les relations de travail, pas seulement dans les relations patronales-ouvrières, un meilleur climat.

J'ai eu l'occasion, lors de mon discours sur l'augmentation de salaire... Je regrette infiniment qu'un de mes collègues ait dit que j'étais un vendu, que je m'étais laissé acheter par le gouvernement. Je ne parle pas au nom des autres; je parle en mon nom. Je regrette infiniment cette épithète. Je ne suis pas un vendu. Je suis un homme de principes, toute ma carrière l'a prouvé. Ce n'est pas le gouvernement qui pourrait m'acheter avec quelques piastres. J'ai déjà refusé des occasions de devenir autre chose qu'un député où j'aurais peut-être pu faire beaucoup plus d'argent. J'ai refusé parce que j'aime mon métier, j'aime ma profession, j'aime être membre de l'Assemblée nationale pour y apporter ma contribution. Mais vendu, c'est une expression qui dépasse probablement la pensée de celui qui l'a dit ou écrit. Je ne veux pas passer pour un vendu. J'ai mes opinions, j'ai dit pourquoi j'étais en faveur du salaire des députés. Un député qui travaille, qui se respecte, qui paie de sa personne doit être bien payé, bien rémunéré.

C'est vrai que la popularité du ministre est à la baisse, mais ça ne dépend pas de lui seul. Cela dépend de l'attitude qu'a prise son gouvernement dans les relations de travail et ça, c'est dans l'opinion publique, plus que la réputation même du ministre qui n'est pas mise en doute.

Les principes généraux étant établis, je dis que, dans la loi, il y a plusieurs failles. Premièrement, cette loi d'exception, comme l'a dit ce matin le ministre.

M. BURNS: Cela viendra bien.

M. BELLEMARE (Johnson): Peut-être, mais pas avant 20 ans.

Le député de Maisonneuve le disait, et il avait raison, que le décret n'a pas d'années d'existence dans la loi qui nous est présentée. Le 1er juin 1975, le décret de la construction, c'est bien sûr, expire. Je vois venir le ministre ainsi que le gouvernement. Alors, comme la loi

n'a pas de date de durée, d'existence, là, par exemple, on fait une erreur. Le gouvernement devrait être précautionneux et mettre dans sa loi une date. Que ce soit 1976, je ne le chicanerai pas, mais pas beaucoup plus loin, parce que les impératifs qui doivent se réaliser d'ici 1976 sont d'ordre public. Je pense que le ministre serait bienvenu de la préciser. Il ferait plaisir non seulement au député de Johnson, mais à une foule d'autres personnes qui sont inquiètes parce que la date de durée est permanente. On n'a pas fixé d'années de durée. Cela, je pense que ça devient quelque chose de très important dans une loi d'exception.

Comme je le dirai dans deux minutes, quand on a mis en tutelle les marins à Ottawa, on avait mis une date limite et ça s'est réglé avant la date limite qu'on avait imposée.

M. BURNS: Les élévateurs aussi.

M. BELLEMARE (Johnson): Les élévateurs, en Colombie-Britannique, non. Peut-être celle-là est aussi. En tout cas, je sais qu'il y a plusieurs autres précédents où on a mis des dates.

Le ministre pourrait peut-être mettre le 1er janvier 1976. Le décret pourrait être prolongé — c'est ce qui est dans la loi — du 1er juin 1975 au premier janvier 1976, six mois pour permettre que les grands travaux nécessaires en 1976 puissent s'achever.

M. COURNOYER: Juste un point d'information.

Le décret actuel expire en mai 1976, tel qu'il est écrit, celui que nous avons à discuter.

M. BELLEMARE (Johnson): Le décret expire le 1er mai 1976.

M. COURNOYER: II n'expire pas le 1er janvier; il expire en mai 1976.

M. BELLEMARE (Johnson): II expire en mai 1976?

M. COURNOYER: Le 1er mai.

M. BELLEMARE (Johnson): Le ministre ne mettrait-il pas, quand même, une date limite dans sa loi?

M. COURNOYER: Je croyais que vous pensiez que le décret expirait en janvier 1976. J'ai voulu, tout simplement, vous éviter d'avoir une argumentation pour janvier, alors qu'en fait il n'expire qu'en mai.

C'est juste un point d'information que je vous donnais parce que peut-être j'avais mal compris. Je ne négocie pas avec vous actuellement.

M. BELLEMARE (Johnson): Mon information était que le décret expirait le 1er juin 1975.

Alors, si le décret expire le 1er mai 1976, je verrais d'un bon oeil que le ministre mette le 1er janvier 1977, au moins, pour ne pas lui donner d'autres pouvoirs que ceux qui sont commandés aujourd'hui par l'intérêt public pour que cette loi d'exception ne devienne pas une loi permanente.

Cela, ce serait important. En vertu de cette loi, M. le Président, le ministre possède des droits discrétionnaires; par exemple, en vertu de l'article 12, la grève est suspendue. Il n'y a plus de grève possible, c'est sûr. Le maraudage, c'est sûr.

Je pense, M. le Président, qu'il y a une foule d'autres articles dans le code, que je n'ai pas besoin de citer au ministre, qui empêchent véritablement les bonnes relations patronales-ouvrières par la suspension effective de la véritable négociation dans cette industrie. Il y a là des droits qui sont certainement trop grands pour une période indéfinie. La convention expire le 1er mai 1976. D'ici à ce temps-là, M. le Président, il peut se produire bien des choses. Le ministre, en vertu de sa loi, peut abroger quand c'est le seul intérêt public qui le commande, mais qui va le faire, M. le Président? Le ministre seul, le cabinet des ministres? Je pense que c'est dangereux, M. le Président. Comme d'ailleurs toutes les grèves et lock-out sont suspendus, ne sont valides qu'à l'expiration, lorsque le ministre mettra une date à son décret.

Entre suspendre les droits, M. le Président, et les annuler, il n'y a pas une grande différence dans cette loi. Les suspendre ou les annuler, c'est exactement pareil. Et là, cela devient dangereux; cela devient extrêmement difficile pour ceux qui sont régis par ce décret, parce que c'est une loi matraque. Et cette loi matraque, M. le Président, le ministre lui, parce qu'il subit une baisse de popularité dans l'opinion publique, certaines personnes vont peut-être lui faire des requêtes pour qu'il applique la loi, soit du côté patronal ou syndical. Le ministre me comprend.

Je pense, M. le Président, qu'il y a dans cette loi matraque des droits acquis qui sont brimés, des droits acquis par les hautes luttes qu'ont faites le syndicalisme et le patronat pour faire reconnaître certains droits acquis qui sont dans le décret et qui vont être sous la juridiction exclusive du ministre. Je pense que cela est mauvais.

Maintenant, M. le Président, ce n'est pas tout de parler pour une loi en énonçant certains principes généraux qui ont pu motiver le ministre à apporter cette loi à la toute dernière minute; ce n'est peut-être pas tout non plus de dire au ministre pourquoi il y a des dangers. Je lui fais une suggestion: plutôt que ce soit lui, le ministre, qui prenne toute la responsabilité de l'application d'une telle loi, pourquoi n'établirait-il pas une tutelle? Une tuelle bien pensée de trois membres composée entre les parties, et le gouvernement et les syndicats et les em-

ployeurs? La tutelle, M. le Président, d'après le dictionnaire, est une institution bien établie en vue de protéger les gens dont la responsabilité est déficiente. M. le Président, je crois qu'elle existe d'ailleurs dans le code civil pour des mineurs. Elle a été établie occasionnellement par des lois spéciales pour protéger, surveiller, soit des personnes ou des groupes irresponsables.

Là, M. le Président, la tutelle pourrait, six jours par semaine, à temps plein, exercer un contrôle véritable sur l'application de la loi; voir si le ministre doit prolonger, si le ministre doit abroger, si le ministre a une bonne raison de le faire en vertu de la loi, selon l'intérêt public. Ni plus ni moins se protéger et protéger son ministère et protéger le gouvernement. Avec une tutelle, M. le Président, qui serait six jours par semaine au travail, qui pourrait établir certains critères de surveillance, la loi va être adoptée, mais est-ce que ceux qui ont la mentalité d'appliquer certains principes pour retarder certains travaux vont le faire demain matin? Ecrire de la législation dans le recueil des lois, c'est facile; mais l'appliquer et changer la mentalité du jour au lendemain, le ministre ne croit-il pas que peut-être — je ne le souhaite pas — il pourrait y avoir une recrudescence dans le mal qu'il veut corriger?

Cela pourrait arriver, parce que la loi n'a pas de dent, parce que la loi n'impose pas, comme le code du travail le fait, certaines responsabilités et, si on ne les accomplit pas, certaines amendes. Dans le code du travail, à l'article 126, vous avez, par exemple: Qui fait défaut de se conformer à une obligation, à une prohibition imposée par le présent code, ou par un règlement du lieutenant-gouverneur en conseil, ou par un règlement ou une décision d'un enquêteur, d'un commissaire-enquêteur du tribunal, commet une infraction et est passible, à moins qu'une autre peine ne soit applicable, d'une amende de $25 à $100, de $100 à $1,000 pour chaque récidive, dans les deux cas.

Mais l'article 129 va plus loin que cela dans le code du travail: Si plusieurs personnes forment l'intention commune — je n'accuse personne, mais je constate des faits — de commettre une infraction, chacune d'elles est coupable de chaque infraction commise par l'une d'elles dans la poursuite de la commune intention et punissable en vertu de la loi.

Là, je crois que l'honorable ministre devrait penser sérieusement à mettre des dents à sa loi, à nommer trois membres qui composeraient une commission de tutelle, avec probablement des gens qui auront la responsabilité d'aller surveiller les travaux. Quand, sur un travail ordinaire, un briqueleur — je prends cet exemple parce qu'il a été donné avant-hier — pose 300 briques au lieu de 1,200 dans une journée, bien il y a certainement quelqu'un qui s'est occupé à retarder le travail. Quand un bon plombier, ordinairement, fait neuf installations de tuyauterie de chambre de bain dans une journée et qu'on est rendu à l'installation d'une chambre de bain par jour, il y a certainement là quelque chose qu'il faut essayer de réprimer. Mais ce n'est pas le ministre du Travail qui va aller voir sur les chantiers de construction si les gens qui y travaillent vont abuser, vont faire exprès pour retarder, en employant des moyens peut-être diversifiés pour arriver à cette fin.

Si l'honorable ministre voulait véritablement l'intérêt public et la protection de ceux qui ont investi et qui veulent investir de nouveau dans la province de Québec, je pense qu'il faudrait une loi avec trois commissaires, qui pourraient être appelés des commissaires-tuteurs et qui exerceraient, en vertu de la loi, les privilèges qu'ont, en vertu du code civil, les tuteurs. Ils feraient rapport par des enquêteurs, il pourrait y en avoir trois, quatre ou cinq. Ce n'est pas tellement répandu dans la province encore ce système de retardement des travaux, on le constate dans certains grands chantiers. C'est là qu'il faudrait que le gouvernement exerce une vigilance de tous les instants et ce n'est pas le ministre du Travail qui peut le faire. Le ministre du Travail est obligé, tout d'abord, de défendre sa réputation à tous les matins. Tous les matins, on ouvre le journal et c'est épouvantable tout ce qu'on peut trouver contre le ministre du Travail; on lui demande sa démission, on fait toutes sortes d'accusations. Après l'avoir été moi-même, pendant plusieurs années, je sais comment cela affecte le moral d'un homme public, mais on est exposé à cela parce qu'on a accepté la responsabilité. Plus lui que moi, il avait une préparation assez particulière pour être ministre du Travail; il a fait son droit du travail, il a représenté le patronat pendant des années, il avait une expérience. Mais les choses se sont aggravées, la crédibilité du ministre est en perte de vitesse. Pourquoi aller s'ajouter un autre fardeau comme celui-là de présenter une loi matraque? Tout le monde pense, quand on n'a pas lu le projet de loi, que c'est une loi que le ministre va appliquer demain matin. Non, je sais que le ministre l'a fait mettre dans les statuts comme précaution. Je ne pense pas que le ministre, le matin du 3 janvier, fasse la demande au conseil des ministres d'adopter un ordre en conseil pour que la loi soit en vigueur.

Non, mais cela peut être un bon outil de négociation quand il dira: Messieurs, c'est assez, votre affaire. Vous allez négocier de bonne foi. Vous allez respecter le décret. Vous allez vous assujettir aux conditions que vous avez acceptées. Sinon, j'ai en main une loi qui me permet, comme on dit au premier article, d'abroger ou de modifier même le décret.

Je pense que le ministre en a déjà suffisamment. Il a toute la responsabilité de son ministère qui est énorme, aujourd'hui. Il a la responsabilité du tribunal du travail. Il a toute la loi de l'accréditation et des commissaires-enquêteurs. Il a la loi de la commission des accidents du travail. Il a la loi des décrets et je pense qu'il n'y a pas loin de 50 décrets. Il a la responsabili-

té de mettre en pratique le code du travail. Il doit rendre sa décision dans maints conflits ouvriers. Il a, actuellement, 25 grèves dans la province de Québec et Dieu sait qu'il y en a qui durent depuis longtemps. C'est la responsabilité du ministre du Travail.

Ce sont des conditions quasi inhumaines pour un ministre du Travail. Mais le ministre du Travail reflète actuellement et paie chèrement l'attitude du gouvernement qui, du point de vue du travail, n'a pas apporté les remèdes qu'il fallait apporter.

Je termine, avec plaisir pour mes honorables amis d'en face, en disant que dans des cas extrêmes, je pense que la loi d'urgence est nécessaire, mais que par exemple, à cette loi d'urgence, il faudrait d'abord mettre une date pour la durée de l'application du décret. Deuxièmement — c'est ma recommandation la plus forte — je pense qu'on devrait nommer trois commissaires, des commissaires-tuteurs qui auraient l'avantage d'avoir certains spécialistes, certains enquêteurs qui iraient sur les lieux de travail faire ce que le ministre ne peut faire six jours par semaine, et rappeler à certaines personnes qu'il y a un décret et que le décret oblige à telle et telle conditions et que si cela n'est pas fait, le ministre a une loi qui lui permettra de modifier le décret. Je pense que c'est un bon outil, mais ce n'est pas à lui à l'appliquer. Ce n'est pas à lui.

Le ministre devrait être plus prudent, surtout dans une descente comme celle qu'il subit présentement dans l'opinion publique. Ce n'est pas beau qu'un ministre se fasse descendre tous les jours. Qu'il n'aille donc pas ajouter à l'odieux de ce qui est déjà terrible pour lui. S'il voulait véritablement prendre les conseils d'un vieux, un vieux chef, pas comme le PQ, mais un vieux chef, je lui dirais qu'il y a de la prudence à exercer dans ce domaine, parce que ce n'est pas en rudoyant les masses, ce n'est pas en sortant le bâton qu'on va adoucir ou qu'on va roder certains éléments de la société. Non. Le ministre devrait être prudent, devrait mettre une date à son décret, devrait mettre une date à sa loi et devrait particulièrement former une commission de trois tuteurs qui auraient la responsabilité de détecter ce qui est d'intérêt public ou non. Et en vertu de la loi, ce qui est d'intérêt public sera recommandé au ministre et, à ce moment, le ministre agirait, mais il ne serait pas seul à décider. Je pense que le premier ministre rendrait un service signalé à son ministre s'il voulait écouter les recommandations d'un homme qui a vécu un peu cette expérience.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): Le premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: J'ai écouté les porte-parole de l'Opposition et dans l'ensemble, quitte à commenter brièvement leurs propositions de tantôt, on ne peut pas dire que les suggestions qui ont été faites par l'Opposition sont de nature à régler le problème.

Dans le cas du député de Maisonneuve, on a parlé comme solution de la convocation de la commission parlementaire, comme si, automatiquement, le simple fait de convoquer la commission parlementaire pourrait nous permettre de régler le problème.

Je ne dis pas qu'à plusieurs occasions cette formule n'a pas été efficace, mais nous ne croyons pas, de notre côté, que, dans l'état où se trouve actuellement la situation de la construction, la convocation de la commission parlementaire pourrait apporter quelque chose.

Cela a été la même chose dans le cas du député de Beauce-Sud. Si nous étions convaincus que cela pourrait être une amorce de solution, nous n'aurions aucune hésitation à convoquer la commission parlementaire, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises. Mais je crois que nous avons utilisé toutes les étapes possibles. Le ministre du Travail a travaillé avec acharnement, depuis quelques mois, pour essayer d'arriver à une solution qui nous éviterait d'arriver avec un projet de loi qui, nous l'admettons, est relativement radical.

Quant à la suggestion du député de Johnson, qui a quand même une expérience dans ce secteur, de créer trois tuteurs, je ne vois pas en quoi cela pourrait améliorer la situation. Cela pourrait créer une étape de décision additionnelle qui pourrait retarder la solution de problèmes qui sont immédiats. Il n'y a rien qui empêche le ministre du Travail ou le gouvernement de nommer un groupe de travail, qui ne serait pas aussi rigidement encadré que dans la formule proposée par le député de Johnson, mais qui pourrait faire au gouvernement ou au ministère du Travail des recommandations que pourraient faire les tuteurs dont parle le député de Johnson.

Si je comprends bien la formule proposée par le député de Johnson, c'est de créer un organisme légal, qui aurait des pouvoirs formels et qui se trouverait, à mon avis, à retarder le processus de décision dans l'action gouvernementale, alors que nous faisons face à des problèmes extrêmement urgents.

M. le Président, quand le député de Johnson parlait de l'indexation du salaire minimum, c'est au coût de la vie, je suppose, c'est l'indexation au coût de la vie, si j'ai bien compris. Si je peux me permettre une question: A quoi serait accrochée l'indexation du salaire minimum? A l'augmentation du coût de la vie ou du salaire moyen des ouvriers?

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, le premier ministre ne m'amènera dans aucun guet-apens. Il va faire son discours, puis, s'il a besoin de renseignements, je lui en donnerai.

M. BOURASSA: Non, c'est parce que le député de Johnson, tantôt, a dit qu'avant de faire adopter cette loi il devrait y avoir l'indexation du salaire minimum. Je suppose que c'est au coût de la vie. Si ce n'est pas le cas, je voudrais savoir sur quelle base. Or, je dis au député de Johnson — c'est également proposé par le Parti québécois — que, si nous adoptions cette formule d'indexation à l'augmentation du coût de la vie, depuis deux ans et demi, l'indexation du salaire minimum aurait augmenté de 25 p.c. Cela rejoint l'autre projet de loi qui est en discussion actuellement, sur l'augmentation du salaire des députés. C'est ce que je répondais à des journalistes qui me questionnaient là-dessus. Si on indexait selon la formule du Parti québécois et du député de Johnson, depuis deux ans et demi, le salaire minimum n'aurait augmenté que de 25 p.c, alors qu'en fait il a augmenté de 53 p.c. C'est simplement pour faire réaliser aux partis d'opposition la faiblesse de certaines de leurs propositions, parce que, si on les appliquait, ceux qui sont assujettis au salaire minimum, ce n'est pas 53 p.c. d'augmentation qu'ils auraient eus depuis deux ans et demi, mais 25 p.c.

M. BELLEMARE (Johnson): Le premier ministre sait que ce n'est pas cela du tout.

M. BOURASSA: Non, c'est sur quoi, d'abord?

M. BELLEMARE (Johnson): C'est sur les conventions collectives déjà signées par les autres je l'ai dit dix fois dans mon discours, M. le Président. Tous les autres, les 800,000, ont des conventions collectives qui les favorisent. Il y a des conventions collectives partout, dans tous les domaines. Pourquoi ne pas indexer le salaire minimum sur ceux qui ont déjà négocié des conventions collectives? Même en prenant la plus basse échelle des conventions collectives, il serait alors de l'ordre de $3.25 ou de $3.50. C'est ça que le premier ministre veut essayer de prendre avec une indexation. C'est toute la différence.

M. BOURASSA: Si on prend la moyenne des augmentations du salaire au Canada, je crois, sauf erreur, que c'est 10.7 p.c. pour 1974; c'est un peu la moyenne des conventions collectives, des augmentations de salaire, soit 10.7 p.c. Or, nous avons 53 p.c. pour deux ans et demi.

M. BELLEMARE (Johnson): Le premier ministre est...

M. BOURASSA: Le député de Johnson comprend ce que je veux dire.

M. BELLEMARE (Johnson): Non, je ne comprends pas.

M. CHOQUETTE: II ne veut pas comprendre.

M. BOURASSA: Ou il ne veut pas comprendre, parce que...

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, est-ce que le premier ministre me permettrait d'intervenir deux minutes?

M. BOURASSA: Oui, oui.

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que le premier ministre sait qu'il y a des milliers de conventions collectives signées où les petits, par exemple, qui travaillent, comme balayeurs à la Wayagamack, à la Consolidated Paper, ont, eux autres, $3.40, $3.45 l'heure? En prenant le plus bas taux de toutes les conventions collectives, quand on prend ceux des décrets, qu'on prend ceux du salaire minimum, il y a une différence épouvantable.

C'est ça, le malaise dans notre société. Il est là, le malaise. Ce n'est pas par des chiffres qu'on va régler ça, en citant des comparaisons qui nous sont plus favorables les unes que les autres. C'est en prenant celles qui nous font le plus mal, celles des conventions collectives les plus basses avec les décrets du salaire minimum.

M. BOURASSA: M. le Président, je pense que j'ai été assez clair. J'ai pris soit l'indexation au coût de la vie, soit la moyenne d'augmentation du salaire des travailleurs au Canada. Dans les deux cas, cela se situe entre 10 p.c. et 12 p.c. par année.

M. BELLEMARE (Johnson): ... plus élevé.

M. BOURASSA: 10 p.c. et 12 p.c. par année, alors que le salaire minimum, par le gouvernement actuel, a été augmenté de 53 p.c. Alors, je réplique aux partis d'Opposition...

M. BURNS: Vous comparez des pommes et des oranges.

M. BOURASSA: Non, M. le Président. M. BURNS: Bien, voyons donc!

M. BOURASSA: L'indexation proposée par le Parti québécois — c'était à lui de donner des explications aux députés — donnerait des résultats considérablement moindres dans le taux d'augmentation du salaire minimum que ce que nous avons fait depuis deux ans et demi. Et ils le savent.

M. LESSARD: ... 50...

M. BOURASSA: M. le Président, ce que je veux dire au député de Johnson, c'est que le problème de la construction, il le sait, est l'un des plus compliqués actuellement au Québec, et depuis longtemps. C'est M. Bertrand, ancien premier ministre, qui disait, dans une interview après l'élection du 29 avril 1970, que l'une des principales raisons pour lesquelles il avait dé-

clenché les élections était qu'il trouvait le problème de la construction presque insoluble. C'est pourquoi il avait déclenché, d'une façon un peu précipitée, les élections de 1970. Cela a été dit dans une interview par M. Bertrand. Donc, la complexité du problème n'est pas nouvelle.

M. BELLEMARE (Johnson): Vous n'étiez pas au cabinet des ministres, cette fois-là.

M. BOURASSA: De toute façon, cela a été déclaré par M. Bertrand qui était le chef du parti et chef du gouvernement.

Ce que je veux dire, c'est que les solutions qui ont été proposées... Le député de Maisonneuve a proposé, comme autre solution, la démission du ministre. C'est évident que lorsque personne ne trouve aucune solution de rechange que ce soit les intéressés ou l'Opposition, la solution facile à proposer, c'est la démission du ministre. Quand on n'a pas autre chose à dire, quand on n'a pas de solution de rechange, on demande la démission du ministre. C'est tellement facile !

Si nous regardons les faits — et c'est toujours la même façon, pour le gouvernement, de répondre aux accusations — quel a été le résultat de l'action du ministre du Travail dans le domaine des relations du travail?

Le ministère du Travail a reçu, en 1974, 1,064 demandes d'interventions conciliatrices. Dans 850 de ces cas, l'intervention du ministère a évité la grève. Sur 210 grèves qui ont eu cours au Québec, il n'en restait, à la fin de décembre, que 27, ce qui donne un pourcentage de 97.7 p.c. de succès. Est-ce qu'il y a un autre ministre du Travail au Canada, est-ce qu'il y a un autre ministre du Travail qui a 98 p.c. de succès comme moyenne? Est-ce qu'on demande la démission d'un ministre qui réussit à régler les conflits dans une moyenne de 98 p.c? Vous pensez que la population du Québec va vous prendre au sérieux? Le gouvernement, devant les accusations qui sont faites tellement gratuitement contre lui ou l'un de ses ministres, a coutume de répondre par des faits clairs, que personne ne peut démentir. Là, je viens d'en donner: une moyenne de réussite de 98 p.c.

Ce n'est pas étonnant que le ministre du Travail garde la confiance du gouvernement, garde la confiance du caucus, garde la confiance de la population du Québec.

M. LESSARD: Ne le faites pas pleurer, il a la larme facile.

M. BOURASSA: M. le Président...

M. LESSARD: Ne le faites pas pleurer, il a la larme facile.

M. BOURASSA: ... le député de Maisonneuve a attaqué le gouvernement sur des négociations présumément illégales concernant la baie

James. J'ai eu l'occasion de répondre, à plusieurs reprises, à ces questions. Qu'est-ce qu'on reproche au gouvernement dans cette question? De faire des rencontres ou d'examiner des formules pour voir si on ne pourrait pas appliquer, à la baie James, la solution de Churchill Falls; pour voir si on ne pourrait pas appliquer à la baie James la solution qui existe à la Manicouagan pour la CSN?

M. BURNS: Pourquoi...

M. BOURASSA: Est-ce que le député de Maisonneuve est conscient, par exemple, de ce que pouvait créer une grève en 1978, à la baie James?

M. BURNS: Cela peut se discuter avec toutes les centrales, cela.

M. BOURASSA: Je vais vous répondre. M. BURNS: Oui, oui.

M. BOURASSA: S'il y avait une grève, en 1978, à la...

M. BURNS: Ne changez pas de sujet, là.

M. BOURASSA: ... baie James, les conséquences seraient catastrophiques pour les Québécois...

M. BURNS: Ne changez pas de sujet.

M. BOURASSA: ... non seulement pour la question des coûts mais pour la question de la fourniture d'électricité. Or, le gouvernement examine ou le ministère du Travail et le gouvernement voient s'il n'y aurait pas possibilité, avec la centrale la plus importante...

M. BURNS: ... officiel.

M. BOURASSA: ... d'avoir des amendements aux lois. C'est évident que cela aurait pris une loi d'exception. Le député de Maisonneuve le sait. Cela aurait pris une loi d'exception, on n'a pas été d'accord. Le ministre du Travail n'a pas été d'accord, le gouvernement n'a pas voulu accepter, pour l'instant, de faire une loi d'exception. Actuellement, selon des chiffres que j'ai déjà cités, qui ne sont pas nouveaux, il y a 32 p.c. des travailleurs à la baie James qui sont de la CSN. Alors que la moyenne provinciale est de 23 p.c, il y en a 32 p.c. qui sont de la CSN, selon des chiffres que j'ai donnés il y a un mois.

M. BURNS: Raison de plus de jaser avec leurs représentants aussi.

M. BOURASSA: M. le Président, comment peut-on blâmer... Si c'est tout ce qu'on a à reprocher au gouvernement, imaginez la faiblesse de l'Opposition et la force du gouverne-

ment. Si tout ce qu'on a à reprocher au gouvernement, c'est d'essayer de trouver une formule qui va éviter aux Québécois des dommages considérables dans quelques années, ce n'est pas solide. C'est ce qui a été fait, des rencontres pour voir s'il n'y aurait pas des amendements à la loi qui pourraient être apportés; cela n'a pas donné de résultat. C'est tout. Mais jusqu'à quel point, M. le Président...

M. BURNS: 14 rencontres?

M. BOURASSA: M. le Président, quel que soit le nombre de rencontres, je ne suis pas au courant du nombre exact de rencontres, il est...

M. BURNS: II n'y aurait pas pu en avoir une des 14 avec la CSD et la CSN, non?

M. BOURASSA: M. le Président, quel que soit le nombre de rencontres, que ce soit pour ce projet de loi ou pour d'autres projets de loi — le gouvernement ou l'Hydro-Québec, dans ce cas, mais, dans d'autres lois, ce sera le gouvernement ou les ministères — on peut tenir le nombre de rencontres nécessaires pour voir si c'est important de modifier la loi.

Mais jusqu'où peut-on défier le bon sens, du côté de l'Opposition, M. le Président, en faisant des reproches comme ceux-là au gouvernement? On ne devrait rien faire, absolument rien faire? Arriver avec des grèves en 1977 ou 1978, au point critique et, à ce moment-là, augmenter les coûts de la baie James d'une façon considérable et risquer de ne pas pouvoir donner l'électricité nécessaire aux Québécois?

M. BURNS: Vous n'avez pas besoin de cela, cela augmente tout seul avec les contrats que vous avez signés !

UNE VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. BOURASSA: Risquer d'être incapables de fournir aux Québécois l'électricité dont ils ont besoin pour faire fonctionner leur industrie? C'est cela que vous voudriez qu'on fasse? Qu'on n'assume pas les responsabilités les plus élémentaires pour le bien-être des Québécois?

M. le Président, depuis quand va-t-on reprocher au gouvernement de voir s'il n'y a pas possibilité d'amender des lois pour le bien-être des Québécois? C'est renversant de voir certaines accusations de l'Opposition et cela démontre jusqu'à quel point ils n'ont pas d'arguments contre le gouvernement pour lui reprocher d'examiner le cas avec les intéressés. C'est la FTQ qui est la centrale la plus importante. Il faut discuter d'abord avec la centrale la plus importante.

S'il y avait eu entente, par hypothèse, il aurait fallu déposer un projet de loi. Les autres parties auraient pu se faire entendre, auraient pu protester. Elles auraient pu dire: Pourquoi...

M. BURNS: Devant un fait accompli, n'est-ce pas? C'est ça.

M. BOURASSA: M. le Président...

M. BURNS: C'est ça. Vous changez les règles du jeu constamment. Vous êtes habitué.

M. LACROIX: ... tantôt.

M. LEVESQUE: A l'ordre, à l'ordre! On ne vous a pas interrompu.

M. BOURASSA: J'ai écouté patiemment le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Le premier ministre m'a interrompu à plusieurs reprises, alors je me sens très libre à son endroit.

M. BOURASSA: Une ou deux fois, beaucoup moins...

LE PRESIDENT: Je vais inviter le premier ministre à s'adresser à moi.

M. BOURASSA: D'accord.

LE PRESIDENT: Je vais tenter de ne pas l'interrompre.

M. BOURASSA: Je n'ai pas interrompu le député de Maisonneuve, beaucoup moins que d'habitude.

M. BURNS: Non? Combien de fois?

M. BOURASSA: Beaucoup moins que d'habitude, une ou deux fois.

M. BURNS: Regardez le journal des Débats pour voir combien de fois vous m'avez interrompu.

M. BOURASSA: M. le Président, donc pour répondre au député de Maisonneuve, le gouvernement a négocié avec la centrale la plus importante, celle qui reçoit 72 p.c. des travailleurs. Le gouvernement doit négocier avec les représentants syndicaux. Le député de Maisonneuve qui a une expérience dans le domaine du syndicalisme le sait. Quand le gouvernement doit agir, sous d'autres rapports, contre ces mêmes représentants, il le fait. Il l'a fait, par l'intermédiaire du ministère de la Justice, lorsqu'il a poursuivi le président de la FTQ construction, par"preferred indictment", accusation privilégiée. Il n'a pas craint de prendre les mesures les plus radicales lorsque c'était nécessaire de le faire. Mais, par ailleurs, il faut qu'il discute avec les représentants dûment élus par leurs syndiqués avec le gouvernement.

On peut faire toutes sortes de démagogies avec cela, mais là comme ailleurs, je fais

confiance au bon sens de la population. Je donne les faits, les raisons, et je pense que l'action du gouvernement, dans toutes ces questions, est inattaquable. On doit quand même essayer de prendre des mesures qui répondent aux besoins des Québécois.

M. BURNS: Le premier ministre me permet-il une question?

M. BOURASSA: Oui.

M. BURNS: Vous parlez de l'attitude du gouvernement qui est inattaquable. Est-ce que, pour la vérifier véritablement, cette attitude inattaquable, le premier ministre est prêt à demander à M. Paul Desrochers d'aller témoigner devant la commission Cliche sur ses 14 rencontres qui ont eu lieu illégalement avec une des centrales?

M. BOURASSA: M. le Président, je viens de démontrer au député de Maisonneuve que le gouvernement, le ministère, des fonctionnaires ont examiné des possibilités d'amender la loi. En quoi est-il illégal pour le gouvernement d'examiner la possibilité de modifier la loi?

M. BURNS: Avec une partie seulement.

M. BOURASSA: Le député de Maisonneuve sait que dans le cas de la CSN il y a un monopole à Manicouagan.

M. BURNS: Ils sont couverts par le code du travail et non par la Loi de l'industrie de la construction.

M. BOURASSA: M. le Président, je ne sais pas si le député de Maisonneuve...

M. BURNS: ... ce qui se passe et vous pourrez donner des arguments. Ce n'est pas le même cas du tout.

M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. BOURASSA: Le député de Maisonneuve...

M. BURNS: II y a eu accréditation à Manicouagan avant même...

M. LEVESQUE: ...

M. BURNS: Ils sont accrédités pour...

LE PRESIDENT: Je demanderais au premier ministre de s'adresser à la présidence au lieu de causer avec le leader parlementaire de l'Opposition.

M. BOURASSA: Je lui pose une question. Ou bien le député de Maisonneuve est naïf ou il est malhonnête. Tout ce qu'a fait le gouverne- ment, dans cette question, ce sont des rencontres illégales? Ce serait défendu pour tout fonctionnaire, tout ministère, de discuter des amendements à la loi? Ce serait illégal pour tous les fonctionnaires, avant de proposer des amendements à la loi, d'en discuter entre eux? C'est ce que dit le député de Maisonneuve?

M. BURNS: Ce n'est pas défendu.

LE PRESIDENT: Là, c'est moins permis.

M. BOURASSA: De discuter, M. le Président, pour arriver...

M. BURNS: Je vais quitter mon siège, M. le Président, parce que ça me provoque.

LE PRESIDENT: Bon, très bien!

M. BOURASSA: M. le Président, évidemment il a quitté son siège parce qu'il sentait qu'il n'avait plus aucune argumentation. Le député de Maisonneuve lance l'illégalité comme ça, il s'appuie sur rien, sur aucun texte de loi, il dit simplement que c'est illégal parce qu'il a vu cela quelque part, alors que tout ce que faisait le gouvernement c'était de discuter s'il n'y avait pas possibilité d'amender la loi.

Je pense que nous ne pouvons pas du tout accepter — je pense que je m'exprime, ce matin, d'une façon très modérée — nous ne pouvons certainement pas accepter les accusations du député de Maisonneuve sur les efforts que fait le ministère du Travail ou le gouvernement pour essayer d'avoir des lois réalistes, à la lumière de précédents qui se sont faits soit à Churchill Falls, soit à l'Expo 67. On a même parlé du cas des Jeux olympiques. Imaginez, s'il fallait annuler les Jeux olympiques à cause de grèves, qui serait blâmé?

M. le Président, tout ceci pour vous démontrer la justification de cette loi. Je n'ai pas à répéter ce qu'a dit le ministre du Travail, tantôt, sur l'importance de la construction dans l'économie. Hier, on mentionnait à un réseau de télévision qu'il y aurait 80,000 travailleurs qui seraient en grève à cause des problèmes de la construction actuellement. Le gouvernement ne fait, tout simplement, qu'assumer ses responsabilités les plus élémentaires. Le ministre du Travail et le gouvernement ont tout essayé. Au cours de la semaine, nous retardions jour après jour le dépôt du projet de loi, parce que nous faisions confiance à une petite possibilité d'entente entre les parties; on a vu que cela n'a donné aucun résultat. Ce n'est pas en convoquant une commission parlementaire, du moins dans l'état actuel de la situation, avec les délais qui courent, qu'il sera possible certainement d'arriver à une entente, lorsque les parties n'ont pas pu s'entendre depuis plusieurs mois.

Nous sommes conscients que cette loi va constituer, pour le ministre du Travail et pour le gouvernement, une lourde tâche. C'est tou-

jours plus facile de jouer les Ponce Pilate en face de problèmes aigus. Mais ce n'est pas notre attitude traditionnelle, au contraire. Nous voulons assumer nos responsabilités, même lorsqu'elles sont très difficiles. La meilleure preuve de la complexité du problème a été démontrée ce matin devant le vide presque total des propositions qui ont été faites par l'Opposition.

En conclusion, M. le Président, je veux dire que le gouvernement veut agir en face d'une situation aussi importante, aussi cruciale, pour l'économie du Québec et indirectement pour son progrès social. En effet, si le Québec devait, à cause des problèmes de la construction, traverser une récession ou faire face à des difficultés économiques plus importantes que le reste du Canada; si le Québec, à cause de la situation de la construction, ne pouvait pas profiter pleinement des Jeux olympiques qui vont lui permettre de traverser les difficultés économiques qui sont prévues pour l'an prochain d'une façon plus facile, on serait certainement en droit de blâmer le gouvernement si le gouvernement ne faisait rien.

Nous avons à ce jour fait le maximum et, en particulier, le ministre du Travail a fait le maximum pour apporter des solutions à ces problèmes. Il est blâmé actuellement sans avoir les pouvoirs d'apporter des correctifs à cette situation. Tout ce que nous faisons avec cette loi, c'est que nous nous donnons les moyens d'agir pour régler le problème. Je compte sur un minimum de lucidité de la part de l'Opposition pour nous appuyer, pour nous donner les moyens d'agir afin de régler le problème. Si l'Opposition ne devait pas voter pour ce projet de loi, c'est qu'une fois de plus elle placerait la partisanerie politique au-dessus des véritables intérêts des Québécois. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: Est-ce que le ministre du Travail entend exercer son droit de réplique, ce qui mettra fin au débat de deuxième lecture?

M. COURNOYER: Je pense bien que le premier ministre a répliqué à ma place et ce qu'il a dit, je l'aurais répété.

LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de deuxième lecture est adoptée?

DES VOIX: Vote!

M. BURNS: Je demanderais un vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a cinq députés?

M. ROY: Oui, oui!

LE PRESIDENT: Ce n'est pas une question technique.

Qu'on appelle les députés !

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 201, Loi modifiant la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lalonde, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Toupin, Massé, L'Allier, Harvey (Jonquière), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 71 Contre: 8

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no 201 soit maintenant déféré à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pour étude article par article.

LE PRESIDENT: Avec les délais normaux? M. LEVESQUE: Est-ce qu'il y a des délais?

LE PRESIDENT: Pour le rapport à l'Assemblée.

M. BOURASSA: Si l'Opposition... On verra. M. LEVESQUE: On s'en reparlera.

M. BURNS: Moi, M. le Président, je ne peux pas m'engager d'avance à ne pas suivre les délais.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, nous allons suspendre la séance et même ajourner afin que les commissions puissent siéger.

Mais peut-être ce serait mieux de suspendre et ajourner un peu plus tard dans la journée.

M. BURNS: II faudrait que vous fixiez votre heure tout de suite.

M. LEVESQUE: C'est-à-dire qu'on peut revenir pour quelques minutes pour ajourner, à un moment donné, disons peut-être huit heures ce soir.

Avant de proposer l'ajournement ou la suspension jusqu'à huit heures.

M. le Président, vous semblez être...

LE PRESIDENT: Je verrais plutôt dans ce cas, un ajournement, jusqu'à huit heures.

M. LEVESQUE: Jusqu'à huit heures. D'accord.

Travaux parlementaires

M. LEVESQUE: Avant de proposer l'ajournement jusqu'à huit heures, je proposerais, M. le Président, que les commissions suivantes siègent. Premièrement, continuer les travaux très rapides qui se déroulent au salon rouge. Je regrette d'informer le leader parlementaire de l'Opposition officielle que je ne peux pas me rendre à son voeu quant aux fauteuils du salon rouge, ils sont déjà occupés. Quant au projet de loi no 87, pour l'étude de la Loi de la Législature, ce sera à 91. La Commission du travail et de la main-d'oeuvre sera à la salle 81.

M. LEGER: C'est la proposition du député de Saint-Jean.

M. LEVESQUE: Oui, pour respecter le voeu du député de Saint-Jean.

M. le Président, ces commissions...

LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Non, un instant M. le Président. Les commissions siégeront à partir de quinze heures, les trois. Je propose l'ajournement de la Chambre à huit heures, ce soir.

LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: L'assemblée ajourne ses travaux à aujourd'hui...

M. LEVESQUE: M. le Président, un instant. On comprend bien que lorsque j'ai parlé de suspension ou d'ajournement, cela a le même effet. On ne recommence pas une autre séance avec...

M. BURNS: Avec la période de questions? Oui, oui!

M. LEVESQUE: Alors suspension, M. le Président.

LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures.

(Suspension de la séance à 13 h 9)

Reprise de la séance à 20 h 5

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je d'abord souligner que la commission de l'Assemblée nationale poursuit ses travaux ou doit le faire à la salle 81-A?

M. BOURASSA: Ou au salon rouge. Est-ce qu'on aimerait mieux au salon rouge, c'est un petit peu plus...

DES VOIX: non.

M. BURNS: Vous êtes obligé de faire une motion, je crois.

M. LEVESQUE: On l'a faite, elle est adoptée.

M. BURNS: Non. Vous l'avez faite...

M. LEVESQUE: Ah! oui, elle a été adoptée ce matin.

M. BURNS: ... ce matin mais le président de la commission a ajourné les séances de la commission suivant l'ordre de la Chambre.

M. LEVESQUE: Quand cela?

M. BURNS: A suspendu jusqu'à nouvel ordre de la Chambre.

UNE VOIX: C'est cela.

M. BURNS: C'est bien cela?

M. LEVESQUE: J'avais compris, M. le Président, que nous avions même voté là-dessus ce matin.

M. BURNS: Suspension jusqu'à nouvel ordre de la Chambre.

Motion pour faire siéger la Commission de l'Assemblée nationale

M. LEVESQUE: Un instant, on va s'enquérir. Alors, je propose, appuyé par le député de Maisonneuve, que la commission de l'Assemblée nationale siège immédiatement à la salle 81-A pour poursuivre l'étude du projet de loi no 87.

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion du leader parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mlle Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Cadieux, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Bossé, Bacon, Veilleux, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Picard, Gratton, Assad, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bonnier, Marchand, Caron, Côté, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Samson, Roy.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Lessard, Bédard (Chicoutimi). Abstention: M. Bellemare (Johnson).

UNE VOIX: Le député de Jeanne-Mance.

M. LACROIX: Est-ce qu'on pourrait ajouter le nom du député de Saint-Hyacinthe?

LE SECRETAIRE: Pour: 66

Contre : 5

Abstention: 1

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée et cette commission peut siéger immédiatement.

M. LEVESQUE: A l'article 24, j'aimerais révoquer l'ordre de la deuxième lecture et faire motion pour que le projet de loi no 88, Loi modifiant la loi de la protection de la santé publique, soit déféré à la commission parlementaire des affaires sociales, selon les règles de pratique de déférence après la première lecture.

LE PRESIDENT: Cette révocation...

M. BURNS: Oui, M. le Président. Adopté.

LE PRESIDENT: L'ordre de deuxième lecture est adopté? Adopté. Et cette motion de déférence du projet de loi après la première lecture est adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE :Hya deux rapports, M. le Président.

LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

Rapport sur le projet de loi no 98

M. HARVEY (Dubuc): Au nom du député de Lévis, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires municipales qui a étudié, attentivement, le projet de loi no 98, Loi concernant certaines municipalités de l'Outaouais et du Haut-Saguenay, dont elle a adopté tous les articles avec leurs amendements.

LE PRESIDENT: Rapport déposé. Le député de Sainte-Marie.

Rapport sur le projet de loi no 201

M. MALEPART: M. le Président, conformément à notre règlement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration qui a étudié le projet de loi no 201, Loi modifiant la loi sur les relations de travail dans le domaine de la construction.

M. LEVESQUE: Article 23.

Projet de loi no 84 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 84, Loi concernant les juges.

Le ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter ce soir a, je l'avoue aisément, une portée modeste. En effet, le projet de loi en question n'a pas pour objet de modifier la base de traitement des juges de nos cours Provinciales, puisque la base de leur salaire ou de leur traitement a été établie par une loi qui date de l'année dernière.

Cependant, le projet de loi vise à tenir en considération les facteurs inflationnistes de l'économie pour autant qu'ils affectent les traitements de nos magistrats et à leur accorder, seulement pour l'année 1975, un forfaitaire une indemnité, un montant payé exclusivement en fonction de l'augmentation du coût de la vie, de telle sorte que le traitement de base des juges demeure celui qui avait été établi l'année dernière, mais qu'un montant additionnel leur sera versé à titre forfaitaire, et ceci pour l'année 1975 seulement, pour tenir compte de l'accroissement du coût de la vie.

Quant aux calculs de ce forfaitaire, je ne veux pas le discuter trop longuement et l'expliquer à cette Chambre d'une façon qui prendrait le temps des travaux de la Chambre. En fait, le calcul du forfaitaire que no.us proposons est essentiellement celui qui a été adopté en ce qui concerne les membres de l'Assemblée nationale par la Loi de la Législature, mais en fait qui est actuellement à l'étude devant une commission parlementaire après son adoption, en principe, en deuxième lecture.

Je n'avais pas la prétention de dire au député de Maisonneuve que ce projet de loi était d'ores et déjà adopté en troisième lecture, même signé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. BURNS: Le ministre va reconnaître que c'est à la commission parlementaire qu'il peut y avoir des modifications, s'il y en a. Alors, c'est uniquement cette précision que je voulais faire faire.

M. CHOQUETTE: J'accepte de faire la précision qu'on demande de moi. Je disais tout simplement que le système de calcul du montant forfaitaire qui sera donné aux juges pour l'année 1975, ce système est identique à celui qui est proposé dans la Loi de la Législature qui est actuellement à l'étude devant l'une des commissions de cette Assemblée. Dans ces circonstances, je ne me sens pas dans l'obligation de décrire la façon de calculer ce forfaitaire.

On s'étonnera peut-être, cependant, que le gouvernement ne propose qu'une indexation, enfin un calcul du forfaitaire que pour une année, c'est-à-dire 1975, et n'aille pas plus loin pour adopter une solution identique pour les années qui suivront, ainsi qu'il est proposé dans le projet de loi qui concerne les traitements des députés.

Je réponds immédiatement à cette interrogation en disant que la question du traitement des juges est assez complexe. Elle pose des problèmes au point de vue de la détermination du niveau de leur traitement par rapport à d'autres occupations dans la société, d'autres occupations comparables, semblables ou qui requièrent des qualités qui se rapprochent de celles des juges ou une formation qui soit assez proche de celle des juges.

Cette question du traitement, de la rémunération et de la détermination des fonctions de travail des juges comprend non seulement la question du traitement proprement dit mais aussi toutes les questions qui sont relatives à la pension des juges, au montant versé à leurs veuves au cas de décès, aux bénéfices marginaux qui sont accordés aux juges en vertu de la loi. Donc que je ne me sentais pas suffisamment renseigné, à ce moment-ci, pour prendre une position définitive sur la question de leur traitement et des conditions de travail qui s'attachent à leurs fonctions et ainsi proposer un projet de loi qui aurait réglé d'une façon définitive et complète tout l'ensemble de la question.

C'est la raison pour laquelle j'ai préféré, M. le Président, régler purement et simplement la question du coût de la vie dans ce projet de loi que je présente ce soir, et c'est la raison pour laquelle je disais, au début de mes remarques, que la portée de ce projet de loi était modeste.

En effet, j'ai l'intention, au cours de l'année qui vient, de publier un livre blanc, qui a d'ailleurs été annoncé depuis assez longtemps, sur l'ensemble des problèmes qui concernent l'administration de la justice et le fonctionnement des tribunaux, comme d'ailleurs de la fonction judiciaire, comme d'ailleurs du mode de nomination des juges, comme d'ailleurs de la discipline et du contrôle des qualités des juges. Donc, j'ai l'intention, M. le Président de publier un ouvrage qui cherchera à exprimer une politique en matière judiciaire, mais qui tiendra compte de tous les aspects de l'administration de la justice parmi lesquels, évidemment, il y a la question du traitement, de la rémunération des juges, de leur pension et de ce qui concerne leurs conditions de travail.

C'est la raison pour laquelle, devant notre désir d'exprimer une politique générale dans ce domaine, j'ai pensé qu'il n'y avait pas lieu d'arriver immédiatement avec des solutions qui se voudraient définitives à ce problème de la rémunération et des conditions de travail des magistrats. D'autant plus, qu'arrivant en fin de session, il me semble que cela aurait été imposer à l'Assemblée nationale une étude d'un sujet qui représente sans aucun doute des aspects complexes. Donc, à tout considérer, j'ai pensé que la solution la plus pratique était de régler la question de l'augmentation du coût de la vie en réglant ce problème par le moyen d'un forfaitaire payé exclusivement pour l'année 1975, me réservant ainsi, au cours de l'année, la latitude d'exprimer une politique générale dans le domaine et de présenter une loi à l'Assemblée nationale, au moment où nous serons moins bousculés par les délais que nous ne le sommes actuellement.

J'ajouterais finalement, M. le Président, que le gouvernement fédéral vient de proposer, par une loi qu'il a déposée, des augmentations très importantes de traitement pour ses juges, ses juges de la cour Supérieure et ses juges des "County Courts" et que ces augmentations de traitement qui sont proposées aux juges fédéraux ont un effet d'entraînement sur les traitements de nos propres juges provinciaux.

Il ne sert à rien de se cacher que les traitements payés aux juges fédéraux ont une influence, au moins par voie de comparaison, sur les traitements qui sont ou qui peuvent être payés à nos juges.

Pour que les honorables députés aient à l'esprit le montant des traitements proposés par le gouvernement fédéral à ses juges en vertu de la loi qui a été déposée, il y a quelques jours, à Ottawa, je vais mentionner brièvement les chiffres les plus pertinents.

Ainsi, les juges de la cour Supérieure sont actuellement payés $38,000. Or, le gouvernement fédéral propose qu'à compter d'avril 1974 les juges de la cour Supérieure soient payés $45,500 —donc, une augmentation de $7,500 rétroactive au mois d'avril 1974— et que le traitement de ces mêmes juges de la cour Supérieure soit porté, en avril 1975, à $53,000. Quant aux juges des "County Courts", la loi fédérale propose qu'à compter d'avril 1974 ils reçoivent un traitement ae $34,000, qu'en avril 1975 leur traitement soit porté à $40,000 et qu'en avril 1976 leur traitement soit porté à $46,000.

Quoi que l'on puisse penser des chiffres contenus dans la loi fédérale, sur lesquels je m'abstiendrai de faire des commentaires, il n'y a pas de doute que ces traitements proposés à l'égard des juges fédéraux qui, pour certains d'entre eux, remplissent des fonctions assez semblables à celles de nos juges de nos cours Provinciales... Je réfère, par exemple, aux juges des "County Courts", qui ont une juridiction intermédiaire entre celle des juges de la cour Supérieure et celle de nos juges de la cour Provinciale. Car l'on sait que, dans les autres provinces canadiennes, l'Ontario, la Colombie-Britannique, il y a tout un système de "County Courts" qui n'existe pas au Québec.

Au Québec, les fonctions des "County Courts" sont, en fait, réparties entre les juges de la cour Supérieure ici et les juges de la cour Provinciale.

Donc, M. le Président, si l'on prend comme point de repère le traitement qui est proposé par la loi fédérale aux juges des "County Courts", eh! bien, on note que les autorités fédérales ont décidé de leur accorder des augmentations de traitement très considérables.

Evidemment, je ne dis pas que ces traitements ont été adoptés. La loi fédérale vient tout juste d'être déposée; elle sera probablement discutée en cours d'année et adoptée. Peut-être y aura t-il des modifications apportées au projet de loi fédéral, de telle sorte qu'après l'adoption de la loi fédérale, peut-être ne nous retrouverons-nous pas devant des chiffres identiques à ceux que j'ai mentionnés tout à l'heure.

Compte tenu, donc, de nos propres travaux dans le domaine de l'établissement d'un mode de paiement des traitements des juges provinciaux, compte tenu des propositions fédérales, compte tenu des propositions que nous ferons en cours d'année quant à une politique qui permettra au gouvernement dans l'avenir de fixer les salaires de ces juges et les conditions de travail de ces juges avec plus de méthode et plus de précision que celle qui a prévalu généralement dans le passé quant à la détermination de ces traitements et de ces conditions de travail, j'ai cru qu'il suffirait à ce moment-ci de faire face au problème immédiat de l'augmentation du coût de la vie, de telle sorte que l'Assemblée nationale autoriserait le paiement d'un forfaitaire pour tenir lieu de l'accroissement du coût de la vie.

Je conclus donc, M. le Président, mes observations en disant tout simplement que je pense que les juges de nos cours Provinciales ont droit, comme toutes les autres classes de la société, de voir l'Assemblée nationale et les membres de cette Assemblée leur donner un traitement qui soit conforme à la fonction qu'ils remplissent dans la société. Les juges n'ont pas beaucoup de pouvoirs de pression; c'est un groupe qui n'a pas le droit de se syndiquer, mais c'est un groupe qui, en fait, voit ses conditions de travail déterminées par législation de l'Assemblée nationale. Je crois, M. le Président, qu'il faut, lorsque l'on fixe leur traitement, prendre en considération tous les aspects des fonctions que remplissent les magistrats. Je crois, M. le Président, que je n'ai pas besoin de dire jusqu'à quel point la fonction judiciaire est essentielle à une société qui se veut ordonnée et juste. Je pense que nous voulons tous, peut-être par des moyens différents à certaines occasions, peut-être que nos collègues de l'Opposition et nous-mêmes sommes séparés sur certains aspects, certains moyens de réaliser cet objectif, mais je crois que nous sommes quand même réunis sur un objectif, c'est-à-dire que nos magistrats devraient avoir cette impartialité et cette sérénité qui leur permettent de trancher les litiges qui viennent devant eux, sans considération autre que celles des faits et du droit, sans aucune autre considération que de rendre justice.

A ce point de vue, on me permettra de dire que la qualité de la magistrature au Québec est très bonne.

Je pense que, même si dans certaines circonstances nos magistrats ont été critiqués, il y a progrès constant dans la magistrature québécoise et qu'on entend de moins en moins de critiques à l'égard de cette magistrature. Je sais pour ma part que les juges en chef de toutes nos cours, avec la collaboration de leurs juges, ont fait un effort dans les dernières années pour accroître le volume de travail accompli par les cours.

Aujourd'hui on siège plus tôt le matin et plus longtemps durant la journée. Les juges de certaines cours font un effort intense. On n'a qu'à constater ce qui se passe, par exemple, à la cour des Sessions de la paix à Montréal. On n'a qu'à voir d'autres de nos cours où vraiment le volume des affaires judiciaires est très considérable, et je crois que nos magistrats ont décidé de faire face à ce volume des affaires judiciaires. Ils sont convaincus qu'ils doivent faire en sorte que les délais judiciaires ne soient pas trop longs, que la magistrature ne peut pas jouer un rôle passif et qu'elle doit aller de l'avant pour permettre aux justiciables d'obtenir justice rapidement et ainsi faire en sorte que les problèmes judiciaires ne trament pas d'une façon qui soit trop considérable.

Donc, comme ministre de la Justice, en présentant cette loi, je me fais comme un devoir de conscience à leur égard,. Je dois dire à la

Chambre que la magistrature m'a donné sa collaboration, pas seulement au ministre de la Justice, mais à la société en général, en faisant en sorte que les affaires judiciaires se traitent beaucoup plus efficacement et rapidement qu'autrefois. Et je suis heureux que la magistrature ait réagi d'une façon aussi moderne aux problèmes contemporains de l'administration de la justice.

Je dis donc en m'assoyant qu'en concédant ce forfaitaire basé sur l'accroissement du coût de la vie nous ne faisons, de notre côté, que rendre justice aux magistrats qui ont des problèmes semblables à tous les autres citoyens au point de vue de l'inflation et de l'augmentation du coût de la vie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, sur ce projet de loi no 84 que le ministre de la Justice nous présente en deuxième lecture, il y a une chose dans tout ce qu'il a dit que je puis admettre, et sans aucune difficulté, c'est que la base de traitement, dans le projet de loi, n'est pas modifiée. Et je n'ai pas du tout l'intention de revenir là-dessus, je pense que nous avons eu un assez long débat à ce sujet l'année dernière.

Cependant, encore une fois, on nous présente un projet de loi d'augmentation de salaire des juges en fin de session, et à quelle date, en particulier? Le 23 décembre. Deuxième lecture. Comme si ce genre de choses devrait être caché à l'opinion publique. Comme si ce genre de choses devait passer sous silence autant que possible, alors que tout le monde est occupé à magasiner et à regarder ailleurs que ce que les élus du peuple font.

Et je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec l'augmentation du salaire des députés, qui est actuellement en discussion dans une autre salle du parlement.

Je ne peux, eu égard à ces deux parallèles, avoir une autre attitude que celle que j'ai eue relativement au salaire des députés, et je veux que cela soit bien clair. Dans tout ce que le ministre de la Justice a dit, il est sûr qu'énormément de juges font leur travail. C'est sûr que le ministre de la Justice peut avoir un certain nombre — quoique là-dessus, je suis un peu moins convaincu — de problèmes à trouver des juges compétents, en ce sens que certains avocats se sentent un peu moins attirés vers la profession à cause du salaire. Là-dessus, on pourrait discuter assez longtemps, connaissant le nombre d'avocats, en pratique privée, qui n'attendent que le moment où ils vont monter sur le banc, avoir cette pension absolument intéressante pour eux, avoir ce salaire qui n'a aucune flexibilité, malgré la diminution de leur productivité. Je pense que le ministre de la

Justice, qui, lui-même, l'autre soir, lors de l'étude du projet de loi no 80, parlait de la diminution de productivité dans le domaine de la construction, pourrait tirer de bonnes leçons... Vous en avez parlé.

M. CHOQUETTE: Pas sur le bill.

M. BURNS: Oui. Pas sur ce projet de loi. Sur l'autre.

M. CHOQUETTE: Je n'ai pas parlé sur le bill 80.

M. BURNS: Le bill 80. Oui, c'est votre bill relativement à la conciliation entre locataire et locateur. Vous vous rappelez?

M. CHOQUETTE: Quel rapport cela a-t-il?

M. BURNS: C'est cela. Je vous ai même demandé, M. le ministre, si vous aviez décidé, comme tous les autres ministres, c'est-à-dire celui de l'Industrie et du Commerce, celui du Travail et de la Main-d'Oeuvre, le premier ministre, de tenter de passer le message sur la diminution de productivité dans l'industrie de la construction.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas un gros message à passer. Je pense que c'est assez évident. D'après vous?

M. BURNS: En tout cas, lorsque je vous ai entendu dire cela et que, ce soir, je vous entends parler du salaire des juges, je trouve qu'il y a quand même une disproportion entre les deux.

De toute façon, ce n'est pas cela qui est mon propos; ce n'est pas la base de mon propos. Je dis que je m'étonne, très sérieusement, de voir le gouvernement, encore une fois, en fin de session, nous demander une augmentation de salaire des juges, qui s'appelle une indexation et, je l'avoue, qui n'est pas plus que cela non plus. Qu'on ne se trompe pas, on l'a mentionné au cours du débat sur l'augmentation de salaire des députés, nous n'avions rien contre, en principe, une forme d'indexation des salaires, même des gens qui reçoivent $33,000 par année comme les juges, même des salaires des gens comme les députés qui reçoivent $15,600 par année. Ce n'est pas ce qui est le problème en discussion.

C'est la facilité avec laquelle ce gouvernement-ci trouve des prétextes et est convaincu très facilement d'indexer le salaire de ceux qui sont dans la société les moins mal pris. Là, je m'aperçois qu'au moins le gouvernement est logique dans une chose, c'est qu'il est d'abord et avant tout intéressé à hausser le salaire de ceux qui en font le plus dans la société, avant de s'occuper de ceux qui en font le moins.

M. le Président, à partir d'aujourd'hui, avec ces deux preuves, celle de l'augmentation de traitement des députés et celle de l'indexation des salaires des juges, j'espère que ce gouvernement, et surtout le premier ministre n'aura pas le culot de revenir nous parler de social-démocratie. Parce que la social-démocratie, je ne sais pas si vous avez lu les mêmes livres que moi là-dessus, mais elle a un but: c'est, autant que possible et sans brimer l'un et l'autre bouts de la société, en haut et en bas des échelles de salaires, de réduire cette différence. Qu'est-ce qu'on fait actuellement? On ne réduit pas cette différence, on ne fait pas de la social-démocratie, même si le premier ministre essaie de placer le mot à chacune de ses interviews, même quand cela n'a rien à faire dans le cadre de l'entrevue qui lui est demandée.

Mais on va arrêter, bondance, de faire des farces! C'en est une autre farce de ce gouvernement qui se dit social-démocrate. C'en est une autre farce de dire: II faut absolument indexer le salaire des juges, parce que ces pauvres messieurs et ces pauvres madames ne gagnent que $33,000 par année. Qui laisse-t-on pour compte, actuellement? On laisse pour compte — je n'ai pas besoin de revenir là-dessus, mais je le mentionne — les gens qui sont au salaire minimum à $2.30 dont le salaire n'est pas indexé. On laisse pour compte la moitié des travailleurs syndiqués actuellement, qui risquent de jour en jour de se placer dans l'illégalité pour faire rouvrir leur convention collective, qui se sont littéralement fait organiser, parce qu'à un moment donné on a dit: Les prévisions économiques pour l'année à venir et l'augmentation normale du standard de vie des travailleurs devraient vous faire accepter dans la convention collective — cela, on l'a fait en 1972, 1973 et 1974 — une augmentation de 5 p.c, 6 p.c., 7 p.c. et même 10 p.c. par année. On a vu le cas très récent des pompiers de Montréal à qui une sentence arbitrale a donné 4.3 p.c. d'augmentation, tenant compte de deux facteurs en particulier.

Les deux facteurs principaux, ce sont ceux que je mentionnais; d'abord, il y a l'augmentation normale du standard de la vie d'un travailleur. C'est évident qu'un travailleur qui commence à travailler à $3.00 l'heure doit s'attendre que, même en faisant le même travail, toutes choses étant normales, le revenu national augmentant, son propre revenu doit augmenter.

Et le coût de la vie augmentant, son revenu doit augmenter aussi pour se garder, eu égard à ces deux facteurs, en relation avec l'augmentation du coût de la vie et avec l'augmentation de son standard de vie.

Pourtant, j'entends le ministre, je l'ai noté, je l'ai mis entre guillemets sur ma feuille, c'est bien le ministre de la Justice qui a dit: Tout ce que nous demandons dans le projet de loi no 84, Loi concernant les juges c'est — et je cite — ce qui est fait pour toutes les classes de la société; ce qui est une fausseté.

Le ministre de la Justice ou bien n'a pas examiné ce qui se passe actuellement dans la

société ou bien — non je ne dirai pas que c'est de la malhonnêteté, ce n'est pas de la malhonnêteté — il tente tout simplement de couvrir une augmentation de salaire qu'autrement il ne saurait comment défendre devant l'Assemblée.

Les autres classes de la société, ce sont ceux que je mentionnais tout à l'heure, ce sont ceux qui sont embrigadés dans une convention collective qui, dans certains cas, ont encore un an, deux ans et même trois ans à faire avant qu'ils puissent réexaminer les conditions de travail qu'ils ont négociées?

Les autres classes de la société, ce sont les gens qui, actuellement, reçoivent $2.30 l'heure et dont les $2.30 ne sont même pas indexés, malgré qu'on l'ait demandé en cette Chambre, il y a à peine six mois. Malgré que la majorité gouvernementale nous ait même refusé de hausser ces $2.30 à $2.50 et de les indexer, et malgré que la majorité gouvernementale ait proposé un amendement qui rend purement discrétionnaire, comme le projet de loi no 84, purement discrétionnaire, entre les mains du gouvernement, l'indexation du salaire minimum.

Ah oui! M. le Président, je vous rappelle entre autres que la motion que j'avais moi-même proposée fixait à la base le salaire minimum à $2.50, qu'à cette motion nous avions ajouté le fait que le coût de la vie aidant, ces $2.50 devaient varier en conséquence. Quand je dis "le coût de la vie aidant", vous comprenez ce que je veux dire. Cela n'aide pas tellement pour quelqu'un qui gagne $2.50 l'heure.

Qu'est-ce qu'on a fait comme amendement? Comme amendement à cette motion, on a dit: $2.30, cela va être assez et, deuxièmement, l'indexation, on en tiendra compte selon les circonstances. A ce que je sache, ce même gouvernement, qui utilise le même pouvoir discrétionnaire, l'utilise d'une façon différente dans le cas des juges, et je ne veux pas faire de la démagogie avec ça, je vous prie de me croire.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député me permet-il une question?

M. BURNS: Certainement.

M. LEVESQUE: N'est-il pas vrai que, depuis deux ans et demi, c'est-à-dire entre mai 1972 et novembre 1974, l'augmentation du salaire minimum a été de 53.3 p.c?

M. BURNS: Bien oui. Mais qu'est-ce que vous voulez?

M. LEVESQUE: Ce que je veux dire, c'est qu'il y a indexation.

M. BURNS: Si j'ai $0.02 et vous multipliez pas 50, cela va vite, cela fait $1 d'augmentation. Mais si j'ai $33,000 et que vous multipliez par 10 p.c, cela fait $3,000. Je veux dire...

M. LEVESQUE: Non, c'est parce que...

M. BURNS: ... il faut quand même tenir compte...

M. LEVESQUE: ... le député parlait d'indexation.

M. BURNS: ... d'un certain nombre de proportions. Bien oui.

M. LEVESQUE: C'est pour cela que le député mentionnait que si c'était à $2.50...

M. BURNS: Bien oui mais...

M. LEVESQUE: ... et ensuite on indexait.

M. BURNS: Oui.

M. LEVESQUE: Ce que je dis simplement, c'est que l'effet de l'augmentation depuis deux ans et demi dépasse même l'indexation proposée par le député.

M. BURNS: Vous parlez en pourcentage. Moi, je vous parle en chiffres absolus. C'est le problème. Si, à un moment donné, vous trouvez que les $2.50 que nous demandions il y a quelque six mois est insuffisant, bondance on va être les derniers à crier, si vous mettez, au minimum, à $3 le salaire minimum. Ce n'est pas nous qui allons crier là-dessus. Mais on va crier tant et aussi longtemps que toutes les autres classes de la société, comme le disait le ministre, n'obtiendront pas cette indexation.

J'admets que je fais cette distinction dans le cas des juges. Je la fais de façon vraiment délibérée. Ils ne sont heureusement pas dans notre cas. Ce n'est pas sur eux que je fais cette représentation, ce n'est pas sur leur dos que je la fais. Je veux être bien clair là-dessus. Que ce soit bien clair.

On se plaint de voir que mes collègues viennent me consulter mais c'est parce qu'il y a une commission, apparemment, qui siège actuellement, où on a des problèmes de procédure, M. le leader. Si on avait été un peu plus nombreux, peut-être que je pourrais être aux deux places. Bon. Pardon?

M. LEVESQUE: Et moi également, et d'autres également.

M. BURNS: Cela vous apprendra à être aussi égoistes aux élections, M. le Président. Vous ne pouvez pas avoir toute la substance de mon discours quand on se fait interrompre comme cela, en plein milieu.

Je ne perds pas le fil de mes idées, quand même. Je disais tout simplement que ce n'est pas sur le dos des juges que je veux faire cette intervention. C'est sur le dos de ce gouvernement, dont je réprouve les méthodes et la méthode que je réprouve le plus, c'est juste-

ment d'amener ce type de loi en fin de session. Il s'agit justement du type de loi qu'on doit amener, selon l'expression même du leader parlementaire du gouvernement, visière levée. On ne doit pas avoir peur d'amener ce type de loi. On ne doit surtout pas avoir peur que ce problème soit discuté devant tout le monde.

M. le Président, est-ce qu'on est revenu au même problème de procédure? Est-ce que je peux plaider cette affaire? J'aimerais bien pouvoir plaider la question de procédure qui a lieu en bas. Je ne peux pas faire cela devant vous, M. le Président. Je ne peux pas vous dire que la question préalable ne s'applique pas ailleurs qu'en deuxième lecture. Je ne peux pas vous dire cela, M. le Président. Non? Non, on ne m'a pas imposé de question préalable encore mais on en parle en bas, me dit-on.

M. le Président, je tiens la même attitude que dans le cas qui nous préoccupe à l'autre commission, à la salle 81-A, le traitement des députés, même si les juges sont dans une position différente des députés et même si la position des juges n'est pas indécente. Je ne peux pas blâmer les juges quant à un projet de loi qui est présenté pour faire augmenter leurs traitements par voie d'indexation. Mais la position est tout aussi indécente — je le dis sans aucune méchanceté — de la part du gouvernement, dans la forme de la présentation de son projet de loi, et, deuxièmement, quand on sait comment le gouvernement tient si peu compte des autres classes de la société.

Parlons, par exemple, des accidentés du travail. Vous allez me dire que c'est indexé. J'aimerais bien qu'on regarde le pourcentage d'augmentation, année par année, des prestations des accidentés du travail. Et Dieu sait qu'on a affaire justement à une classe démunie et qui, au départ, malgré une incapacité totale, temporaire ou permanente, se retrouve avec, au maximum 75 p.c. de son salaire antérieur.

Je vais vous raconter une petite anecdote. Le ministre de la Justice s'en souviendra. Il y a quelque temps, nous avons amendé la loi concernant les accidents du travail pour permettre que les gains admissibles antérieurs à un accident du travail puissent être portés de $6,000 par année à $9,000 par année. On a tenu compte du fait que le coût de la vie a augmenté, on a aussi tenu compte que les revenus avaient augmenté. Mais je me rappelle qu'à cette même occasion, quand j'ai dit qu'il y avait des gens, avant 1970, avant 1971 et avant 1972 qui possiblement gagnaient plus que $6,000 et qui possiblement auraient intérêt à voir leurs gains admissibles établis à plus que $6,000, donc au moins jusqu'au maximum de $9,000, qu'est-ce qu'on m'a dit? On m'a dit que ce n'était pas possible, que ça coûterait trop cher.

Pourtant on a affaire à des gens qui, actuellement, sur une base de $6,000 se voient octroyer à peine 75 p.c. de leurs gains admissibles et on dit: On ne peut pas les porter jusqu'à $9,000, c'est beaucoup trop. La Commission des accidents de travail va faire faillite.

Moi, je le sais ce qui est arrivé. Le gouvernement a reçu beaucoup trop de pressions. De qui? De ceux qui fournissent à la caisse électorale du Parti libéral, c'est-à-dire des employeurs.

Il n'y a pas de Ah! Ah! C'est exactement ce que je pense. C'est drôle comme c'est toujours le petit dans la société qui, à un moment donné, se fait dire: Tu en demandes trop. C'est-y drôle! Quand on vise à une parité générale, dans le domaine de la construction, on dit: Cela n'a pas de bon sens, les employeurs de telle région ou de telle autre région ne pourront pas les payer. On ne pense pas à l'éventuel consommateur. Jamais je n'ai entendu cet argument. Quand on parle d'augmentation des prestations d'accidents de travail on dit: Si ça coûte trop cher à la commission, comme c'est une commission autofinancée, ce sont les employeurs qui devront hausser leurs cotisations à cette commission. Je n'ai pas entendu le ministre du Travail, à cette occasion, pleurer sur le sort de gens qui avaient subi des accidents de travail en 1969 et qui gagnaient à l'époque $12,000...

M. CHOQUETTE: Mais vous savez très bien que...

M. BURNS: ... Non, j'essaie de vous prouver que, malgré tous les baratinages de votre premier ministre quand il nous parle de la social-démocratie, vous faites de l'antisocial-démocra-tie.

M. CHOQUETTE: Le député me permettrait-il une question?

M. BURNS: Certainement, M. le Président.

M. CHOQUETTE: Quand on parle des indemnités payées par la Commission des accidents du travail, elles sont basées sur le paiement de primes. Alors, si c'est basé sur le paiement de primes, comment voulez-vous faire rétroagir des indemnités dans le passé, alors que les primes étaient basées sur un montant de $6,000 comme gain admissible?

M. BURNS: Elle est basée sur un paiement de primes. Et ce que le ministre de la Justice ne sait pas — ce qu'il saura peut-être si, un jour, il est ministre du Travail — c'est qu'actuellement il y a tellement de millions de réserve, à la Commission des accidents du travail, que c'en est gênant. Ce qu'il y a de tellement grave, je ne veux pas partir un débat là-dessus, mais vous m'avez posé la question, c'est que vous avez une Commission des accidents du travail qui n'est pas une compagnie d'assurance et qui fonctionne comme une compagnie d'assurance, c'est-à-dire qu'elle a un fonds de réserve alors qu'elle devrait n'en avoir pratiquement pas.

C'est ce que le ministre de la Justice devrait savoir. Quand il sera ministre du Travail, après le 1er janvier, plus tard, quand on aura "scrapé" l'autre...

M. CHOQUETTE: M. le Président, je pense que notre collègue est hors du sujet, il est rendu dans les accidents du travail.

M. BURNS: C'est vous qui m'avez posé une question. J'essaie de vous remettre sur la bonne "track".

M. CHOQUETTE: C'est vous qui vous êtes lancé dans les accidents de travail.

M. BURNS: J'essaie de vous dire ceci au sujet de votre question. Quand je donnais l'exemple des gains admissibles à $6,000, je dis qu'il y avait du monde en 1969 et en 1970, avant l'amendement de la loi, qui gagnaient $10,000, $12,000, $13,000 et qui ne peuvent même pas bénéficier de l'amendement que nous avons adopté en 1972, je crois, qui hausse les gains admissibles de $6,000 à $9,000. Et savez-vous pourquoi? Je suis bien placé pour vous dire pourquoi parce que je l'ai demandé au ministre du Travail; il a dit que cela coûterait trop cher. Il y a des choses qu'on ne peut pas faire.

Je me dis, M. le Président, qu'aux petits dans la société, on leur refuse quelque chose — et, quand je parle de petits, je parle de petits gagnants, je ne parle pas de petits au point de vue de la valeur; j'espère que tout le monde me comprend là-dessus parce qu'il y a souvent des travailleurs qui gagnent très peu et qui sont plus intelligents que certains ministres. M. le Président, je dis tout simplement que, quand on refuse ces choses à des petits, je trouve bizarre qu'un mouvement qui se dit social-démocrate vienne facilement lancer les $10,000 aux députés, lancer les $20,000 à d'autres députés, lancer les $5,000 d'augmentation par année à d'autres députés et lancer des $3,000 et quelques centaines de dollars aux juges, par année.

M. le Président, il y a une incohérence dans cette attitude. Je ne vous dis pas qu'il faut prendre tous ces $10,000 lancés à certains députés, $20,000 à d'autres, certains ministres, et les $3,000 quelques centaines de dollars à certains juges; je ne vous dis pas qu'il faut prendre tout cela dans un paquet et redistribuer cela à l'ensemble des gens qui ne reçoivent pas cela. Ce n'est pas ce que je vous dis. Je vous dis qu'il faut que vous soyez conséquent avec vous-même. Je vous dis que, lorsque vous parlez de 10 p.c. d'augmentation pour un juge, c'est pas mal plus important que 10 p.c. dont on ne parle même pas pour quelqu'un qui gagne $2.30 de l'heure, qui ne gagne pas $100 par semaine.

C'est là que je dis qu'il faut être conséquent. Cette discussion, vous ne l'aimez peut-être pas, M. le ministre, je sais. Je sais qu'elle ne vous plaît pas mais, c'est bien de valeur, moi je suis élu pour venir vous dire des choses autres que ce que vous pensez. C'est pour cela d'ailleurs que, dans mon comté, ce n'est pas un libéral qui a été élu. Parce qu'il y avait quelqu'un qui pensait autrement que le libéral qui se présentait. Je me sens tout à fait autorisé, M. le Président, de venir vous parler au nom d'une population de travailleurs de Maisonneuve dont, soit dit en passant, à peu près 20 p.c. sont constamment entre la Commission des accidents du travail et l'assistance sociale, quand entre les deux ils ne se forcent pas pour se retrouver au salaire minimum. C'est d'eux autres que je suis en train d'essayer de vous parler; c'est d'eux autres que j'espère vous allez vous rendre compte qu'ils ont un problème bien différent et bien plus achalant que celui des députés, des juges et des ministres. Et je ne vous le dis pas, M. le Président, avec de la démagogie. Ce que je dis ici c'est ce que je dis aux gens quand ils viennent me dire: Cette loi n'a absolument aucun bon sens, en parlant de la Commission des accidents du travail.

Vous avez des gens qui travaillent au salaire minimum et qui se blessent au travail, M. le Président; qui tombent sur les accidents du travail et qui sont obligés d'attendre six mois avant de recevoir le premier chèque parce qu'il y a un fonctionnaire qui s'enfarge dans les fleurs du tapis à quelque part et parce que le dossier se retrouve quelque part entre Montréal et Québec. Bien moi j'ai le droit de me choquer, M. le Président. Qu'on vienne nous dire que cela n'a pas de bon sens, le pouvoir d'achat que perdent les juges; cela n'a pas de bon sens, le pouvoir d'achat que perdent les députés; cela n'a pas de bon sens qu'actuellement les pauvres directeurs de compagnies diminuent leur dividende d'année en année à cause du coût de la vie. M. le Président, j'ai le droit d'avoir un préjugé en faveur d'une classe de la société et, je ne m'en cache pas, mon préjugé est favorable à ceux qui, actuellement, en ont le plus besoin, et ce ne sont sûrement pas les juges, ce ne sont sûrement pas les députés.

M. le Président, je n'ai pas l'intention d'élaborer plus longuement là-dessus. Vous connaissez ma pensée. En terminant, je demande au ministre de la Justice qu'il ait au moins — je ne dirai pas l'honnêteté — la prudence d'attendre pour adopter de façon finale le projet de loi no 84 sur la hausse de salaire des juges. Qu'il ait au moins la prudence d'attendre que le projet de loi concernant la hausse de traitement des députés soit adopté dans toutes ses étapes.

J'espère qu'on saura cadrer ces deux choses. Comme vous le voyez, il n'est pas du tout question pour nous de venir vous faire une obstruction systématique sur le projet de loi no 84. Il me semble que notre attitude sur l'autre projet de loi est suffisamment significative que vous vous devez, par prudence, d'attendre au moins ce qui va arriver dans l'autre projet de loi avant de l'adopter de façon finale.

J'irais plus loin, M. le Président. Si vous avez

la prudence que je vous suggère, si vous prenez la peine de voir quel sera le résultat — on ne sait pas quel sera le résultat — de ce débat qui risque, à certains moments, d'être un peu long —je vous le dis d'avance — sur l'augmentation de salaire des députés, si vous prenez ce risque et que vous montrez cette sagesse et cette prudence d'attendre que le projet de loi no 87 soit adopté, j'irais aussi loin que de vous dire que vous vous forcez pour avoir un nouveau problème l'année prochaine dans le cas des juges.

Parce que si on veut être logique avec soi —je vais encore plus loin que vous — et qu'on indexe le salaire des députés selon l'augmentation moyenne entre le salaire de base d'une année à l'autre, calculée pour l'ensemble des activités économiques du Canada au cours de chaque mois de l'année, tel que publié par Statistique Canada, et que vous veniez seulement avec un projet de loi d'un an, vous risquez d'avoir un autre problème de la même nature l'année prochaine, si le projet de loi concernant les députés est adopté.

Quant à y être, même si je ne suis pas d'accord que certaines classes de la société passent avant d'autres, surtout quand ces classes en ont moins besoin que d'autres, réglez-le définitivement, le problème des juges. Vous avez toutes sortes de réticences, vous voulez faire réexaminer le traitement des juges. Si vous ne l'avez pas fait réexaminer, je ne suis pas certain que ce barème d'indexation soit une façon de dire qu'actuellement le salaire des juges doit être haussé de telle et telle façon.

Sinon, je dis que vous le faites exprès pour recréer un problème l'année prochaine. C'est pour ça que je vous dis: Attendez au moins, avant d'adopter le projet de loi, que celui du traitement des députés soit réglé. Si, par hasard, le gouvernement persistait dans son idée d'imposer cette hausse de traitement avant de régler les autres problèmes urgents dans la société, vous pourrez tout aussi bien faire la même chose relativement aux juges; au moins, on n'en parlera plus et on saura à quel gouvernement on a affaire.

Je prie instamment le premier ministre et tous ses ministres de cesser de nous parler à partir de maintenant de social-démocratie dans ce gouvernement. Les farces que le premier ministre peut faire à la télévision ou à la radio dans ses émissions, quand un journaliste lui pose une question et qu'il revire ça en social-démocratie, je pense qu'il est temps qu'il arrête de les faire.

Après des projets de loi comme ceux-là, j'espère qu'il n'y a aucun Québécois qui va croire aux farces du premier ministre. Parce que ce n'est rien d'autre que ça: c'est une farce de parler de social-démocratie, quand un gouvernement se préoccupe, la larme au coin de l'oeil, de gens qui gagnent entre $15,000 et $33,000 et qu'il ne se préoccupe pas de gens qui n'ont même pas $100 par semaine. J'appelle ça une grosse farce et je cherche la définition d'une social-démocratie qui pourrait justifier une telle attitude par un gouvernement. Moi, je ne la vois pas.

De toute façon, je vais voter contre ce projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, l'an dernier, à la même époque, nous devions discuter d'un projet de loi pour ajuster le traitement des juges, ainsi que pour effectuer un certain rattrapage, compte tenu des mois et des années qui s'étaient passés avant le dernier ajustement. Cette année, nous revenons devant le Parlement avec une proposition — je dis nous; je devrais dire le gouvernement, c'est dans ce sens que je l'ai prononcé — pour accorder une prime de vie chère à cette catégorie de citoyens.

M. le Président, bien sûr, il serait assez facile, à ce moment-ci — et cela serait de toute façon, peut-être, la méthode la plus facile — de nous livrer à un grand débat pour tenter de jouer les vierges pures, encore une fois.

Quand j'entends des discours comme celui de l'orateur qui m'a précédé, je me dis combien il doit être facile de jouer les anges quand on a des cornes tout le tour de la tête.

Vous savez, il y a une philosophie, en ce moment, qui court dans les couloirs du parlement, surtout depuis l'arrivée du PQ en 1970. Cette philosophie est celle de tenter — et c'est tellement évident, c'est tellement apparent — par tous les moyens possibles de déprécier tout ce qui peut représenter ou personnifier l'autorité.

C'est évident que si on lance des choses ainsi contre toute forme d'autorité... Nous parlons du cas des juges, mais je vous souligne que nous avons entendu le même genre de discours dans tous les autres cas où il s'est agi de quelqu'un qui représente ou qui personnifie une autorité quelconque.

Donc, nous retrouvons là le jeu de ceux qui se font les défenseurs d'une philosophie socialiste. Ce jeu est de tenter par tous les moyens possibles de promouvoir la lutte des classes, et c'est facile. Vous pouvez facilement mettre le trouble entre les gouvernants et les gouvernés, entre les instituteurs et les étudiants, entre les travailleurs et les patrons, etc. Dans quelque sphère que ce soit de la société, si nous sommes dans une société organisée, bien organisée, qui veut vivre en paix, nous avons besoin du phénomène de l'autorité à tous les paliers. Ce qui me fait réfléchir le plus en ce moment est de voir que parmi ceux qui tentent de déprécier l'autorité, parmi ceux-là mêmes, il y a un extrême respect de l'autorité au sein de leur propre organisme car, s'il n'y avait pas ce respect aveugle de l'autorité au sein de l'organis-

me auquel je me réfère, nous aurions vu des députés, vendredi et samedi, se prononcer librement, n'étant pas attachés à un quelconque soviet suprême.

Mais ce qui est bon pour la guerre dans leur cas n'est pas bon pour la paix dans le nôtre, semble-t-il toujours selon leur raisonnement et leur philosophie. J'ai entendu le député de Maisonneuve, pour qui j'ai beaucoup de respect, nous souligner qu'il connaît personnellement de très bons avocats qui feraient d'excellents juges, mais a-t-il dit, ces gens gagnent beaucoup plus que s'ils étaient juges, donc ils ne sont pas intéressés à être élevés à la magistrature. Je devrais peut-être dire, dans leur cas, à être descendus au degré de la magistrature. Ils ne sont pas intéressés, mais par contre, il a dit qu'il doutait, dans ses mots à lui — je les interprète et si je les interprète mal, que l'on me corrige — en quelque sorte de la compétence de ceux qui voudraient absolument être juges.

Donc, si ceux qui nous feraient des bons juges, ne sont pas intéressés parce qu'ils gagnent plus ailleurs, ceux qui sont intéressés ne nous feraient peut-être pas des bons juges. C'est le point d'interrogation qu'il a placé.

Dois-je en déduire, M. le Président, que c'est là un souci de sa part et un désir de voir restreindre le nombre des bons juges? Est-ce là une possibilité qui permettrait davantage à quelques-uns de ses mais de pouvoir crier plus fort sur la place publique et dénoncer la compétence ou l'incompétence des magistrats? La porte qu'il a ouverte est trop grande pour que nous nous permettions de ne pas douter qu'il y a peut-être un piège à l'intérieur de la maison. Le jeu qui se déroule devant nos yeux depuis quelque temps, c'est évident, est de tenter de semer le doute dans l'opinion publique quant à l'intégrité de tout ce qui représente l'autorité. Tout cela, en favorisant dans le même temps, une lutte des classes. Et il est facile de dire à quelqu'un qui n'a pas un gros revenu: Si tu n'en as pas tellement, c'est parce que l'autre en a trop. Cela, en langage populaire, s'appelle de la démagogie démagogique.

M. le Président, je vous souligne respectueusement que, si dans l'ordre naturel, la nature avait voulu que tout le monde soit sur le même pied, que tout le monde passe dans le même moule, Dieu aurait fait en sorte qu'on vienne au monde tous de la même façon, avec le même visage, la même stature, etc. etc. Pourtant, il y a tellement de monde sur la terre que vous ne les compterez sûrement pas sur vos doigts de la main, et je pense qu'il n'y en a pas deux qui sont faits de la même façon. Cela n'est pas fait par l'industrie. M. le Président, tous, regardons-nous, on a des différences physiques apparentes, différences au point de vue capacité intellectuelle, différences au point de vue de la compétence, différences au point de vue intelligence. Si la nature avait voulu qu'on soit tous sur le même pied, de la même façon, on ne nous aurait pas faits de cette façon, on nous aurait faits comme des robots avec le même moteur, la même transmission et le même différentiel. On nous aurait faits comme des machineries, quand il y en aurait un qui attraperait une maladie de coeur, on irait au garage chercher un autre coeur puis on le remplacerait. Ils ont essayé cela et ça ne marche pas dans le système. On pourrait faire cela pour tout ce qui est humainement possible, pour tous les humains de la terre. On remplacerait tous les morceaux. Mais, M. le Président, je n'ai pas encore trouvé le mécanicien capable de mettre une cervelle à celui qui en manque.

Si on était capable, dans plusieurs cas, surtout avec les discours qu'on a entendus durant la fin de semaine, j'aurais été prêt à payer ma part pour en remplacer certaines. Mais on nous a souligné l'importance de régler tous les problèmes la même journée. On a tenté de nous expliquer cela. Imaginez-vous on est là sur terre avec nos différences, avec notre esprit d'initiative qui est différent, avec nos aspirations qui sont différentes, avec nos capacités qui sont différentes, puis là on a tenté de passer tout le monde dans le même moule, dans le même tuyau. C'est évident qu'il y en a peut-être qui sont trop petits pour le tuyau, ils passent pas pire ceux-là, mais ceux qui sont trop gros pour le tuyau, ils ne passent pas. C'est un peu comme je vous disais samedi soir, avec cette philosophie, ils voudraient ajuster les têtes aux chapeaux et non les chapeaux sur les têtes.

Je vous souligne ceci: Quant à nous, pour être conséquents avec ce qu'on a dit depuis toujours, on va avoir la même attitude pour tout le monde. On va continuer à soutenir que tous ont des droits, que la nature a permis d'en donner suffisamment pour tout le monde. On va continuer à soutenir qu'il est physiquement possible et qu'on peut le rendre possible financièrement en tout cas, de donner à tous et à chacun de nos concitoyens ce que nous pouvons appeler un revenu annuel garanti, de façon universelle, sans discrimination envers qui que ce soit.

Cela veut dire qu'on peut permettre à tout le monde d'en avoir suffisamment pour se loger, pour se nourrir, pour se vêtir, pour vivre convenablement. Au-dessus de ce que j'appellerai ce minimum vital, laissons donc les gens libres de pouvoir s'épanouir dans notre société. Pourquoi tenter de rabaisser ceux qui ont des capacités? Ce n'est pas en détruisant le château d'un riche que vous allez améliorer la cabane d'un pauvre, mais en faisant notre possible collectivement pour améliorer ce qui manque, pour en donner plus à ceux qui n'en ont pas assez, oui. Mais ce n'est pas en en enlevant aux autres qu'on va régler cela, voyons donc. Il y en a suffisamment pour tout le monde dans notre société.

Je voudrais être bien interprété. Je ne suis pas là pour défendre le gouvernement en matière économique. J'ai fait mes griefs souvent. A chaque occasion qui m'a été donnée, je les ai faits. Je vais continuer aussi. A chaque

occasion qui nous sera donnée, nous allons continuer à parler de revenu minimum garanti, ajusté régulièrement selon l'indice du coût de la vie. Avec ça, sur une base universelle pour tous, cela veut dire la vraie, la réelle économie distributive. Nous n'aurions même pas besoin de ces autres plans, de CAT ou de bien-être social et de choses comme ça, qui sont sélectifs et qui constituent des injustices dans leur application parce qu'ils sont sélectifs.

La loi est peut-être valable dans un certain sens, mais dans son application, parce qu'il y a là un besoin de jugement de la part de ceux qui appliquent la loi, de la part de certains fonctionnaires, parce qu'on est obligé de faire de l'interprétation, c'est là que nous retrouvons le plus d'injustices. Il y a des injustices à la Commission des accidents du travail, envers les ouvriers, oui. Mais les plus grandes injustices proviennent de l'application de la loi, de l'administration de la loi. A ce chapitre, je n'ai pas de leçon à recevoir de personne, non plus. Vous viendrez faire un tour dans mes bureaux pour voir les nombreux dossiers qui sont ouverts au nom de nombreux ouvriers. Chez nous, tous les cas qui nous sont référés, tous les cas particuliers, nous les traitons, nous y travaillons. Nous tentons de faire corriger des erreurs administratives, parce que, dans 95 p.c. des cas, les injustices découlent d'erreurs administratives.

Bien sûr, on peut philosopher; bien sûr, on peut faire de la politique dans les nuages. Mais, quand un ouvrier arrive à votre bureau, qu'il a un problème particulier parce que la femme et les enfants n'ont pas suffisamment de nourriture à la maison, pensez-vous que je réglerais ce problème particulier en faisant de la haute voltige philosophique? C'est en s'occupant de chacun de ces cas que nous réussissons à aider ces gens, en attendant qu'il y ait des réformes économiques dans notre province, qui permettraient à tous d'en obtenir de façon universelle, sans qu'on soit obligé de faire une enquête chaque fois, sur tous les cas.

Dans le cas du bien-être social, M. le Président, trop souvent on a eu à se plaindre du fait que certains employés ou fonctionnaires allaient fouiller dans les maisons privées pour faire leurs enquêtes. Ce n'est pas dans la chambre à coucher, M. le Président, qu'on peut déterminer si une personne mérite ou ne mérite pas. Si c'est une personne humaine, si elle a des engagements envers sa famille, elle a des besoins. Ce n'est pas au mérite qu'on doit lui accorder de l'aide, mais selon ses besoins. C'est dans ce sens que le Crédit social a toujours parlé et c'est pourquoi je ne suis pas gêné de dire que nous allons continuer à faire notre devoir, à revendiquer, à crier bien fort mais de façon positive. Ce n'est pas en détruisant notre société que nous allons améliorer le sort de ceux qui ont besoin d'aide.

Bien sûr, M. le Président, on s'est fait casser les oreilles, depuis quelque temps, par la social-démocratie. Je vais vous en parler, de la social-démocratie, je vais vous en parler de cela. On me dit, à ma gauche, à mon immédiate gauche, M. le Président: Ah! si c'était donc un vrai gouvernement social-démocrate, on ne laisserait pas adopter des projets de loi en dernier ressort, à la veille des Fêtes comme cela. On ne discuterait pas d'un projet de loi d'augmentation ou de forfaitaire pour les juges à la cachette, comme on a dit la même chose pour les députés.

A la cachette, M. le Président, je dis non. On ne fait rien à la cachette. Si la presse rapportait tout ce qu'on dit ici, le peuple n'aurait pas l'impression qu'il se fait des choses à la cachette. Mais malheureusement, M. le Président, regardez les journaux du matin, regardez les journaux de tous les matins. Il y a un certain groupe qui parle, mais il y a trois autres groupes qui parlent et les journaux du matin vont vous rapporter ce qu'a dit un certain groupe et, pour les autres, c'est comme si, tout à coup, les oreilles se seraient bouchées. On n'a rien entendu.

A la cachette, M. le Président? Si la population du Québec pouvait voir exactement ce qui se passe ici, toujours, à toutes les heures, en tout temps, elle saurait de quelle façon nous entreprenons les débats, ce que l'on pense. Malheureusement, ce que je dis ce soir, ce que j'ai dit samedi soir, M. le Président, on retrouve cela biaisé dans le journal le lendemain matin. C'est dommage qu'on soit obligé de dire cela de cette façon. Cela me fait de la peine. Ce n'est pas normal et cela me fait mal d'être obligé de dire cela. Mais il va falloir un jour qu'on le dise, quelqu'un.

A la cachette, M. le Président? Si le gouvernement était social-démocrate, il ne le ferait pas à la cachette, comme le disait mon prédécesseur tantôt. M. le Président, un gouvernement social-démocrate, au Canada, il y en a dans différentes provinces justement.

Il y en a un en Colombie-Britannique, un gouvernement social-démocrate, NPD, NDP comme ils disent là-bas: "New Democrate Party, New Departure Party"! Parce qu'ils vont partir. M. le Président, ces vierges saintes que sont les gouvernements sociaux-démocrates n'adoptent rien à la cachette. En effet, quand le premier ministre Dave Barrett a pris le pouvoir, une des premières mesures qu'il a adoptées, a été de doubler les honoraires des députés et les siens, comme premier ministre, pas à la cachette, M. le Président, non. Il n'a même pas présenté de projet de loi. La loi, là-bas, disait: Tant d'émoluments pour chaque session. Alors tout ce qu'il a fait, c'est que d'un trait de plume, il a ordonné deux sessions par année. Il a doublé les sessions, il a doublé les salaires de tout le monde d'un trait de plume.

Ce n'est pas à la cachette, cela, M. le Président? Bien non, cela a pris presque deux ans avant que le peuple ne s'en aperçoive.

C'est au mois de juin, par la loi no 159 des statuts de la Colombie-Britannique, qu'ils ont

régularisé cette situation par la loi. Quand? La dernière journée de la session en Colombie-Britannique. Tiens, regarde donc cela. Quelle est la différence entre un gouvernement de vierges offensées sociales-démocrates ou un autre gouvernement? A ce chapitre je dis que le NDP, "New Departure Party", a fait au Canada ce qu'aucun autre gouvernement, dans aucune des autres provinces, n'aurait risqué de faire.

Je veux être bien clair. Notre position à nous, ce n'est pas d'empêcher quiconque, dans notre société, d'améliorer son sort. Au contraire, et je pense que c'est de cette façon qu'on doit raisonner, notre position c'est de permettre à tous d'améliorer leur sort. C'est pourquoi je n'ai aucune gêne à appuyer le projet de loi qui est devant nous, parce que le forfaitaire proposé est sur la même base que celui proposé pour les députés, mais retenez bien cela, je pense que le député de Maisonneuve ne l'a pas pris celle-là. Samedi soir passé, le ministre des Finances, en cette Chambre, a lui-même déclaré publiquement être disposé à signer immédiatement toutes les conventions collectives présentées par les centrales syndicales concernant les employés publics et parapublics à la condition que la clause d'indexation soit la même que celle proposée pour les députés et pour les juges.

Je vous dis que dans, notre société, des indexations, des forfaitaires, des primes de vie chère, il y en a eu tout au cours de l'année précédente, il y en aura encore cette année. S'il y a des groupes qui ont été oubliés, c'est le devoir du gouvernement de faire en sorte de ne pas les oublier. Est-ce parce qu'on va le refuser à un groupe, pour une loi que nous avons devant nous, que nous allons régler le problème des autres? Non. Il s'agit de penser aux autres. Je vous dis que je me suis battu depuis que je suis en cette Chambre, depuis 1970, pour élever le niveau de vie de tous nos concitoyens en partant de la base. Même si je vote pour le projet de loi devant nous, préparez-vous, je vais continuer à lutter dans le même sens, je vais continuer à crier de la même façon, je vais continuer à revendiquer de la même façon jusqu'à ce que nous ayons obtenu pour tous et chacun de nos concitoyens un traitement équitable permettant à tous et à chacun de vivre raisonnablement dans notre province de Québec.

Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre, dans son droit de réplique.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne pensais pas que nous assisterions, ce soir, à une réédition, en forme miniature, du débat qui a déjà eu lieu sur l'augmentation du traitement des députés. Mais je pense bien qu'il n'y a pas lieu de s'en étonner, le député de Maisonneuve a reservi essentiellement les discours qu'il a tenus en cette Chambre sur ces questions qui ont été envisagées préalablement. Le député de Rouyn-Noranda a fait une intervention avec force et beaucoup de conviction par laquelle il signale son appui à ce projet de loi.

Je m'étonne que le député de Maisonneuve ait saisi cette occasion pour nous exposer, de nouveau, sa philosophie égalitariste alors qu'en fait il affirme que, sur le plan de l'indexation des traitements des magistrats, il n'a pas d'objection essentielle ou fondamentale.

Alors, encore une fois, M. le Président, je m'étonne de la logique du député de Maisonneuve qui, d'une part, affirme qu'il partage une politique gouvernementale par laquelle on tient compte de l'augmentation du coût de la vie. Mais lorsque nous arrivons avec des mesures concrètes pour justement rendre fonctionnelles et réaliser ces indexations, on trouve toujours un motif secondaire de s'y opposer en alléguant que d'autres classes sociales ne reçoivent pas un traitement aussi avantageux que celles que nous cherchons à corriger ou celles que nous cherchons à améliorer dans un projet déterminé.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de me lancer, à l'instar du député de Rouyn-Noranda, dans un exposé sur cette façon de voir les choses, cette espèce de type de justice essentiellement comparative, cette justice qui voudrait ramener les choses à un dénominateur commun absolu, parce que je pense que le député de Rouyn-Noranda l'a très bien fait et que, en fait, j'aurais assez peu de choses à ajouter.

Cependant, j'aimerais quand même faire remarquer au député de Maisonneuve que, lorsqu'il prend la Commission des accidents du travail comme un point de comparaison avec la loi que je présente à la Chambre ce soir, qu'il nous dit que lorsqu'on a haussé le montant des revenus admissibles pour fins de calcul des indemnités des accidents du travail de $6,000 à $9,000, eh bien! qu'on ne l'a pas fait rétroactivement, je dis au député de Maisonneuve: Le gouvernement actuel a quand même posé le geste de hausser ces mêmes revenus admissibles de $6,000 à $9,000. Il ne faudrait pas oublier, que justement c'est le gouvernement actuel qui a posé des gestes concrets et qui donne des indemnités plus considérables aux accidentés du travail.

Je ne suis pas ici, M. le Président, pour faire l'apologie de la Loi des accidents du travail, ni l'apologie de la Commission des accidents du travail. Des retards administratifs, il y en a sans doute à cette commission. De la bureaucratie, il y en a incontestablement à cette commission. Mais je pense qu'il ne faudrait pas procéder toujours avec une façon mesquine et dire: On aurait pu faire rétroagir ces dispositions au sujet des traitements admissibles de $9,000 à bien des années en arrière. Il ne faudrait pas toujours adopter, vis-à-vis des mesures présentées par le gouvernement, un jugement mesquin et petit qui tend à réduire l'importance des mesures

apportées par le gouvernement. C'est, je pense, ce que l'on peut reprocher à l'argumentation du député de Maisonneuve. Au fond, elle se passe dans une logique purement et simplement comparative, comme si toutes les situations devaient se comparer les unes aux autres et comme si on ne devait jamais poser de gestes en faveur de qui que ce soit, tant et aussi longtemps qu'on n'aurait pas posé ces mêmes gestes à l'égard de tout le monde.

Eh bien! ce n'est pas possible, M. le Président, pour le gouvernement, de tout faire à la fois. Ce n'est tout simplement pas réalisable que d'imposer au gouvernement une obligation morale de réviser, de réformer tous les aspects sociaux et économiques de la société québécoise. Et quand même on voudrait faire croire à la population du Québec qu'il est possible, du jour au lendemain, de tout réformer et de rendre ce monde parfait, eh bien! M. le Président, les gens qui ont le moindre jugement et la moindre expérience vont vous dire que, premièrement, le travail législatif l'en empêche, le travail strictement de voter ces lois est un empêchement. En plus de cela, les contraintes financières seront toujours là pour nous empêcher, d'une certaine façon, de régulariser toutes les situations qui se présentent devant nous.

Alors, M. le Président, je pense que le député de Maisonneuve nous a quittés, qu'il est rendu en orbite.

Il s'imagine que le gouvernement a toutes les disponibilités financières pour réviser à la fois la Loi des assistés sociaux, les accidents du travail, etc., etc., sans que nous soyons obligés de nous reporter à certaines réalités comptables qui sont les produits de l'impôt que nous allons chercher dans la poche des contribuables. Il faudrait quand même s'en souvenir, ces mesures sociales que nous apportons et que nous allons continuer à apporter, il faut les financer, aller chercher l'argent dans les poches des contribuables.

Or, cet aspect semble échapper au député de Maisonneuve. Lorsqu'il pose des exigences à un vote favorable à l'égard d'une mesure s'appli-quant à un groupe que nous cherchons à indexer pour une année, ses exigences dépassent la commune mesure avec la portée réelle de ce projet de loi. Je voudrais dire, au sujet de la critique générale que le député de Maisonneuve a faite à l'égard du gouvernement sur le plan de la social-démocratie, que le gouvernement actuel a fait plus en matière de justice qu'aucun autre gouvernement qui l'a précédé.

Je peux lui dire, sans me vanter, que la Loi favorisant l'accès à la justice, la loi des petites créances, est un des modèles dans le monde actuel. Au lieu de prendre un air constamment mesquin, piteux, critiqueux à l'égard des législations québécoises et des mesures adoptées par le gouvernement, est-ce que le député de Maisonneuve ne devrait pas, au nom de sa philosophie, s'enorgueillir lorsqu'il est possible pour le Québec de dire qu'il a une des lois les plus avancées au point de vue de la justice populaire, au point de vue social dans le domaine de la justice, une loi qui a vraiment laissé la porte ouverte à de l'air frais dans ce système souvent vétuste qu'est notre système judiciaire?

J'aimerais bien que, parmi les critiques du député de Maisonneuve, il compte les réalisations québécoises, car ce n'est pas vrai que le Québec est en retard sur toute la ligne, contrairement à cette mentalité qu'il essaie de répandre dans toutes les classes de notre société.

Ce n'est pas vrai que le Québec doit nécessairement tirer de l'arrière, partout et toujours, tant et aussi longtemps que le Parti québécois n'occupera pas les banquettes du gouvernement. Pendant ce temps, nous agissons, M. le député de Maisonneuve. Nous avons agi dans le domaine de l'aide juridique. Voilà un autre domaine où le Québec ne cède le pas à aucun autre gouvernement dans le monde.

Je puis vous dire que notre système d'aide juridique au Québec est aussi avancé que celui de la Suède qui, elle, avait commencé un système d'aide juridique bien avant nous, qui avait expérimenté ces choses bien avant nous au Québec. Nous avons rattrapé très rapidement le temps perdu et le budget que nous allons consentir à l'aide juridique l'année prochaine, qui sera environ de $18 millions, c'est l'équivalent de ce que la Suède met dans son programme d'aide juridique qui passe pour le plus avancé au monde.

Nous de ce côté de la Chambre, nous ne nous imaginons pas que nous allons rendre cette société parfaite. Nous sommes assez réalistes pour savoir que la perfection n'est pas de ce monde. Nous sommes assez expérimentés pour savoir quels efforts il faut faire dans n'importe quel nouveau programme législatif ou administratif avant que celui-ci donne des bénéfices à la population.

Mais nous sommes prêts à faire ces efforts. Pendant que le Parti québécois critique, nous réalisons. C'est la raison pour laquelle le premier ministre n'a pas tort de parler de social-démocratie. Peut-être que le premier ministre se paie un peu la tête du député de Maisonneuve qui, avec son faux sérieux, mérite qu'on se paie sa tête.

D'autre part, lorsque je compare nos mesures sociales, nos programmes à l'égard des assistés sociaux au Québec, nos programmes dans le domaine de la santé publique, de l'assurance-santé, nos programmes en matière d'hôpitaux, nos programmes en matière d'aide juridique, nos programmes en matière de petites créances, M. le Président, je dis que nous vivons dans une des sociétés les plus sociales-démocrates, n'en déplaise au député de Maisonneuve.

Quant à nous, nous avons l'intention de continuer dans la voie que nous avons adoptée et ce n'est pas parce que nous voulons des programmes pour donner justice au peuple; ce n'est pas parce que nous avons l'intention de continuer dans cette voie qui veut donner la justice à toutes les classes de la société que, par le fait même, nous allons nier la justice à l'égard

de ceux qui rendent la justice, c'est-à-dire nos juges de nos cours provinciales. Au contraire. Je pense que nous nous sentons moralement, autorisés de rendre justice à ces magistrats justement en vertu des mesures sociales que nous avons apportées pour tous les autres éléments de la société.

Je voudrais faire remarquer au député de Maisonneuve que cette augmentation, que cette somme forfaitaire qui sera donnée aux juges pour cette année et qui s'élève aux environs de $3,000, au niveau d'impôt sur le revenu que paient ces juges en proportion de leur revenu, il leur en restera environ 50 p.c. ou 55 p.c. dans leurs poches après qu'ils auront payé l'impôt sur le revenu. Ce qui veut dire qu'en fait, l'augmentation qui leur est consentie, sous forme d'indexation au coût de la vie pour cette année, ne dépasse pas les bornes et n'atteint même pas ce que nous avons consenti aux fonctionnaires du gouvernement du Québec.

Le député de Maisonneuve devrait quand même comparer ce qui est offert aux magistrats par rapport à ce que les fonctionnaires du gouvernement québécois auront à partir du 1er janvier 1975. Est-ce qu'on sait que les fonctionnaires du gouvernement du Québec auront aux environs de 29 p.c. d'augmentation, le 1er janvier 1975? Est-ce qu'on le sait de l'autre côté de la Chambre?

Il me semble que cette comparaison est élémentaire. Le gouvernement donnera suite à ses obligations en vertu des conventions collectives à l'égard de ses fonctionnaires. Ses cadres obtiendront également des conditions avantageuses, les sous-ministres de la même façon. Alors, n'est-ce pas le temps de donner justice également aux juges qui eux n'ont pas de syndicat, qui eux n'ont pas de force de négociation, qui eux n'ont pas de chefs syndicaux pour venir taper le tambour en leur nom dans les media d'information et, le plus souvent, faire des déclarations à l'emporte-pièce? Les juges sont obligés de maintenir le silence dans la sérénité et je pense que c'est notre devoir, comme l'a dit tout à l'heure le député de Rouyn-Noranda, de faire ce que nous pouvons en faveur de ces serviteurs de la société.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que le projet de loi no 84 est adopté en deuxième lecture?

M. BURNS: Sur division. Je vous prie d'inscrire ma dissidence.

LE VICE-PRESIDENT: Adopté sur division avec dissidence du député de Maisonneuve.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. BIENVENUE: Article 22.

Projet de loi no 82 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Transports propose la deuxième lecture du projet de loi no 82, Loi modifiant la loi de l'autoroute et le code de la route.

Le ministre des Transports.

M. MAILLOUX: M. le Président, je ne pense pas que le projet de loi no 82 m'amène à faire un discours à l'emporte-pièce. Comme ce sont simplement trois amendements mineurs, si l'Opposition le permettait, ou je donnerais des informations sur les trois articles dans l'immédiat ou on irait en commission...

M. BIENVENUE: Le ministre des Transports accepterait-il que je l'interrompe avec mes excuses? J'ai oublié de proposer que l'étude du projet de loi 84 du ministre de la Justice...

M. BURNS: II est trop tard.

M. BIENVENUE: ... soit déférée à la commission de la justice.

M. BURNS: Une autre fois. Non. On est dans un autre article. On ne peut pas changer.

M. LEVESQUE: Non, mais il faut faire quelque chose.

M. BURNS: Pardon? On a changé d'article. Non. J'écoutais le ministre des Transports.

M. LEVESQUE: M. le Président, il faut toujours faire quelque chose avec le projet de loi, n'est-ce pas?

M. BURNS: II est adopté en deuxième lecture. C'est déjà beau.

M. LEVESQUE: Oui, mais le secrétaire général va avoir de la misère.

M. BURNS: Dans le moment il est dans les airs.

M. LEVESQUE: On va être obligé de demander la révocation de l'ordre de deuxième lecture.

M. BURNS: Vous pouvez demander la révocation de l'ordre.

M. LEVESQUE: Je suis obligé, M. le Président.

M. BURNS: Auquel je consens.

M. LEVESQUE: Alors, merci. Motion adoptée. Puis-je proposer que ce projet de loi no 84 soit déféré à la commission parlementaire de la

justice, pour étude article par article, à un moment donné?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette déférence est adoptée?

M. BURNS: M. le Président, sur division. Inscrivez ma dissidence.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Sur division, avec la dissidence du député de Maisonneuve.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on peut maintenant demander le renouvellement de l'ordre de deuxième lecture et faire nos excuses au ministre des Transports?

M. MAILLOUX: J'accepte les excuses.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Transports.

M. MAILLOUX: M. le Président, j'ai posé une question à l'Opposition. Il n'y a pas de discours de deuxième lecture. Les explications données en appendice au projet de loi sont telles qu'elles éclairent suffisamment les parlementaires. S'il y a des informations supplémentaires en commission, il me fera plaisir de les fournir.

M. BURNS: Je suis d'accord qu'on saute les discours traditionnels de deuxième lecture et que nous passions — je ne sais pas si c'est l'intention du gouvernement de le faire — en commission plénière, s'il ne l'oublie pas.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit déféré...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que ce projet de loi est adopté en deuxième lecture, le projet de loi no 82? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que le projet de loi soit déféré à la commission plénière et que les écritures soient faites.

M. BURNS: Non, j'aimerais qu'on aille en commission plénière pour entendre le ministre quand même.

M. LEVESQUE: D'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): On demande que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en commission plénière pour l'étude du projet de loi no 82. Est-ce que c'est adopté? Adopté.

Commission plénière

M. BLANK (président de la commission plénière): Article no 1.

M. MAILLOUX: La Loi des autoroutes, à l'article 15, dit ceci: L'office a pour objet a) étude des projets; b) préparation des plans et devis; c) construction. Le paragraphe g) se lit comme suit: L'emploi d'agents pour assurer l'observance de la loi et des règlements concernant ces voies de communications. Il s'agirait d'ajouter à ce paragraphe g) "les agents nommés conformément au paragraphe g) sont d'office agents de la paix".

M. BURNS: Je veux juste savoir quelle est l'intention de cet amendement, M. le ministre.

M. MAILLOUX: Je vais essayer...

M. BURNS: Quels problèmes concrets avez-vous eus?

M. CHOQUETTE: L'intention de cet amendement c'est de confirmer que les agents au service de l'Office des autoroutes sont bien des agents de la paix et qu'il n'y ait pas d'ambiguité sur leur statut.

M. BURNS: Est-ce que vous avez eu des problèmes? Je veux savoir si vous avez eu des problèmes concrets.

M. CHOQUETTE: Non, des problèmes théoriques. Il s'agit de confirmer leur statut d'agents de la paix de façon à leur permettre d'exercer leurs fonctions d'agents de la paix, sans aucune ambiguïté ou équivoque.

M. BEDARD (Chicoutimi): Quels problèmes la situation antérieure causait-elle?

M. BURNS: Est-ce qu'on a contesté dans le passé devant les tribunaux leur statut d'agents de la paix?

M. CHOQUETTE: Non, pas encore.

M. BURNS: Est-ce que cela a quelque référence avec le système de points de démérite?

M. CHOQUETTE: Non, cela concerne toute l'application des lois pénales. En fait, en tant qu'agents ce sont eux qui décernent les contraventions au code de la route, au code criminel, etc. Alors, il fallait clarifier d'une manière sans équivoque qu'ils étaient bien des agents de la paix et exerçaient ces fonctions comme agents de la paix. Il n'y a rien d'autre que cela.

M. BURNS: Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté? Article 1, adopté. Article 2.

M. MAILLOUX: A l'article 2, il s'agit de la Loi sur les infractions aux charges, poids total à charge. L'article 49 b) du code de la route, statuts refondus, édictés par l'article 90 du chapitre 55 des lois, dit: "Dont le poids total en charge excède celui fixé par le lieutenant-gouverneur en conseil, commet une infraction et est passible, sous poursuite sommaire, d'une amende de $200." Alors, il s'agirait d'ajouter "d'une amende minimum de $200 et de $2 par 100 livres excédant le poids total en charge fixé et du paiement des frais."

Alors, après le mot "amende" il s'agirait d'indiquer "amende minimum". Pour le poids total en charge, c'est l'amende minimum dans tous les cas.

M. SAMSON: Quel est le but de cet amendement, M. le Président? Minimum... On doit considérer que, dans certains cas, l'amende était moins élevée. Et est-ce que cela a apporté des abus...

M. MAILLOUX: M. le Président, je dirai immédiatement que, l'an passé, avant la période de Noël, nous avions amendé cette loi pour éviter que soit pénalisé un camionneur en même temps sur le poids total en charge de même que sur la charge axiale. Il ne peut être condamné maintenant, depuis une année, sur les deux à la fois.

Tout le public s'est imaginé, évidemment, que c'était une amende abusive. Au moment où elle a été réduite, l'an passé, il avait bien été indiqué que c'était l'amende minimum qui serait exigée dans tous les cas de dépassement. Cela n'a pas été indiqué dans la loi, "amende minimum", parce que c'est $200 dans tous les cas où il y a un excédent de charge plus $0.02 par livre en excédent du poids total en charge.

Alors, l'amende de $200 a toujours été l'amende minimum d'ailleurs qui a été payée depuis une année. Cela ne change rien, sauf que c'est pour la bonne compréhension de tous ceux qui circulent sur les routes.

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela enlève la possibilité au juge d'aller en bas de $200, ce qui n'était pas le cas avant.

M. MAILLOUX: C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 3, adopté?

M. MAILLOUX: M. le Président, à l'article 3, l'article 71, qui traite de la procédure quant aux poursuites, il s'agirait d'ajouter... L'article 7 disait ceci: "Au cas de poursuite prise par la corporation d'une municipalité locale, dans laquelle l'infraction a été commise, le greffier ou secrétaire-trésorier de cette municipalité doit, dans les quinze jours de la date du jugement, faire rapport au procureur général de toute condamnation obtenue par cette corpora- tion, lui remettre en entier le montant des amendes imposées sour peine d'une amende de $20. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une poursuite pour infraction à l'article 50, l'amende imposée appartient en entier à la corporation municipale et, dans ce cas, le greffier ou secrétaire-trésorier n'est pas tenu de faire le rapport prévu par le présent paragraphe.

Alors: "Nonobstant le paragraphe 7 de l'article 71 du Code de la route, la ville de Longueuil, la ville de Saint-Hubert et la ville de Greenfield Park peuvent, par entente avec le procureur général, approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil, renoncer en faveur du procureur général à poursuivre les infractions commises dans — c'est indiqué son territoire, est-ce que c'est leur territoire — son territoire aux lois et règlements concernant la circulation et le stationnement, et convenir du partage des amendes. "Dès la publication dans la Gazette officielle du Québec d'une entente visée au premier alinéa, le procureur général a l'autorité voulue pour poursuivre les infractions qui y sont visées, et l'article 73 du Code de la route s'applique; en outre, le ministre des Finances a alors l'autorité suffisante pour verser à la municipalité dont il s'agit sa part du produit des amendes, à même le fonds consolidé du revenu, dans la mesure où elles en font partie."

Alors, c'est pour permettre au procureur général de, lui-même, faire les poursuites qui s'imposent et faire le partage avec les municipalités pour lesquelles l'entente est prise.

M. CHOQUETTE: C'est pour permettre au ministre des Finances...

M. SAMSON: M. le Président ...

M. CHOQUETTE: ...de faire remise aussi.

M. SAMSON: ...est-ce qu'il y a eu des consultations avec les villes concernées pour en arriver à ça? Est-ce qu'elles sont d'accord?

M. CHOQUETTE: Absolument. Nous avons fait un accord avec ces villes à l'effet que leur cour municipale est administrée, en fait, par un juge de la cour Provinciale, qui siège comme juge municipal. Alors, le gouvernement a pris en charge les cours municipales de ces villes. Là, il s'agit de négocier des ententes spéciales avec elles sur le plan des poursuites et des répartitions d'amendes. Il s'agit aussi d'autoriser le ministre des Finances à remettre une partie des amendes aux villes.

Il s'agit là d'un projet pilote d'intégration des cours municipales au système judiciaire ordinaire.

C'est pour cela que nous avons besoin de cet article.

M. SAMSON: Est-ce que les villes n'ont pas réclamé que l'entente soit connue avant l'adoption de la loi?

M. CHOQUETTE: J'ai un projet d'entente, ici, qui a été négocié avec les villes. Je m'apprête à le signer aussitôt que l'article sera adopté. Nous avons négocié avec les villes en question et, nous en somme arrivés à une entente, mais nous n'étions pas autorisés à signer cette entente avant l'adoption de cet article.

M. SAMSON: D'accord, mais l'entente est faite?

M. CHOQUETTE: Ah oui! M. SAMSON: Ah bon! d'accord. M. CHOQUETTE: Oui, oui. M. SAMSON: Parfait.

M. CHOQUETTE: D'ailleurs, même, elle sera rétroactive au 1er octobre, parce que c'est le moment où les cours Municipales ont été prises en charge par le gouvernement du Québec.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre pourrait déposer une copie de cette entente?

M. CHOQUETTE: Je peux vous la montrer, mais je ne sais pas si...

M. SAMSON: Vous ne voulez pas la déposer?

M. CHOQUETTE: Je vous la montrerai. Je vous en donnerai une copie.

M. SAMSON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 4?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 5?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 6, adopté?

UNE VOIX: Adopté.

M. BLANK (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le bill 82 a été adopté par la commission plénière sans amendement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Ce rapport est-il agréé?

UNE VOIX: Agréé.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Troisième lecture?

M. BURNS: A une séance subséquente.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Séance subséquente.

M. BIENVENUE: Article 7.

Projet de loi no 80 Troisième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de la Justice propose la troisième lecture du projet de loi no 80, Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. CHOQUETTE: M. le Président, pour ma part, j'ai eu l'occasion de discuter de ce projet de loi autant en deuxième lecture qu'en commission. Je n'aurais rien d'autre à ajouter, mais je pense que le député de Maisonneuve a quelque chose à dire. Je me réserve donc le droit de lui répliquer.

M. BURNS: J'imagine que vous allez répliquer.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, l'étude du projet de loi sur les relations entre propriétaires et locataires juste avant Noël est devenue une tradition si fortement ancrée que c'est peut-être la vraie raison qui empêche le ministre de la Justice de nous présenter une loi permanente. En effet, depuis, à ma connaissance, au-delà de 20 ans, en fin de session, aux environs de l'ajournement des Fêtes, nous avons un projet de loi de cette nature qui ramène, qui fait revivre cette loi qui n'a rien de permanent en soi. En ce qui me concerne, c'est la quatrième année d'affilée que je vois ce projet de loi nous revenir.

Chaque année, le ministre nous ramène son projet de loi et on peut être porté à oublier que le sort des 80 p.c. de la population québécoise qui vit en loyer dépend un peu de l'attention que nous portons, lors de l'adoption de cette loi, toujours temporaire, et cela d'année en année.

Avec cette technique législative, M. le Président, le gouvernement peut se permettre d'apporter une ou deux nouvelles mesures, chaque année, sans trop mettre en danger les contributions que verse à la caisse électorale le "lobby" des constructeurs et des propriétaires de logements locatifs.

Ainsi, cette année, nous avons réussi à faire accepter par le ministre de la Justice deux mesures qui vont améliorer, je l'admets, le sort de certains locateurs et qui, en même temps, vont permettre à l'establishment libéral de

mieux dormir. La première de ces mesures acceptées en commission visait à rendre justice aux locataires habitant des immeubles que le propriétaire veut transformer en condominiums. Avec les amendements acceptés, ces locataires seront désormais traités selon les mêmes règles que celles qui régissent les autres locataires, n'étant plus pénalisés par le choix du promoteur immobilier de changer la destination de son immeuble.

La seconde mesure qui a été acceptée par le ministre est certes la plus importante puisqu'elle permet de prévenir les coupures d'électricité quand c'est le propriétaire qui a la charge de cet approvisionnement. Cette amélioration, M. le Président, que nous réclamions depuis deux ans, vient rectifier une situation flagrante d'injustice qui pénalise bon nombre de locataires quand leur propriétaire oublie de payer ses comptes.

Cependant, si ces deux améliorations peuvent contribuer à assainir les relations entre la classe des locataires et celle des propriétaires, il n'en reste pas moins qu'il serait très prétentieux de crier victoire de notre part.

Car si on regarde l'ensemble des avantages concédés à chacune des deux classes, on voit tout de suite que c'est la classe des propriétaires qui bénéficie du plus grand nombre d'avantages.

L'exemple le plus évident de cette préférence du législateur, c'est sans doute le fardeau de la preuve qui repose encore sur le locataire qui doit poursuivre son propriétaire devant la régie s'il considère qu'il se fait exploiter. C'est là une méthode bien originale de protéger le consommateur puisqu'on ne protège que ceux qui se plaignent.

En 1974 — le ministre pourra confirmer ces chiffres — je pense que ça concerne 3 p.c. des locataires. De plus, cette année le ministère de la Justice a poussé le ridicule jusqu'à soustraire de l'application de la loi tous les nouveaux logements, et ce pour une période de cinq ans. Evidemment, je parle des logements, comme le dit la loi, qui ont été bâtis après le mois de décembre 1973.

Lorsqu'en commission nous avons demandé au ministre de nous expliquer les véritables raisons de cette exclusion, c'est le député de Louis-Hébert, adjoint parlementaire du ministre, qui nous a répondu que si on voulait que les constructeurs d'habitations construisent de nouveaux immeubles, il fallait permettre d'offrir leurs logements à des prix très bas la première année et de les remonter au premier renouvellement du bail, et cela sans aucun contrôle.

On ne peut pas être vraiment fier d'un gouvernement dont la seule méthode d'incitation à construire est d'encourager la fraude et la mauvaise administration des constructeurs, et cela aux dépens de l'évidente et éminente majorité des électeurs locataires.

A ce propos, le ministre nous a d'ailleurs souligné que ce n'était pas bien grave parce que les logements neufs ne représentent quand même qu'un faible pourcentage de tous les logements disponibles. Et, après tout, pourquoi se préoccuper de 2 p.c. ou 3 p.c. des locataires qui habiteront ces logements neufs puisque, de toute façon, les locataires des logements couverts ne se plaignent que dans une proportion de 3 p.c. des cas? Une telle insouciance est peut-être seulement due à un manque d'information des locataires, je l'admets. Selon les associations intéressées, cependant, si seulement 3 p.c. des locataires se sont plaints à la régie cette année, ce n'est pas que les propriétaires se sont montrés plus raisonnables, mais c'est que les locataires n'ont pas confiance en la régie ou en ignorent le fonctionnement, que cette même régie n'est pas facilement accessible et que ses procédures de fonctionnement sont arbitraires, incohérentes et trop complexes pour être quali-fiables d'accessibles à tous.

En fait, la Régie des loyers n'est pas un organisme de protection du consommateur comme on l'entend de nos jours. Son rôle a toujours été et demeurera, hélas! tant et aussi longtemps que le ministre n'acceptera pas de faire une réforme en profondeur, de concilier les relations entre deux groupes comme si ces deux groupes étaient sur un pied d'égalité.

Or, il faut bien admettre que le bail a cessé depuis longtemps d'être un contrat d'adhésion. Si le législateur a cru bon d'instaurer des mesures de protection du consommateur dans presque tous les cas de contrats d'adhésion, qu'attend-il pour faire de même pour le problème des consommateurs de logements, bien qui est probablement le premier des biens de consommation, comme j'ai eu l'occasion de le dire et en deuxième lecture et lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire.

Je souligne au ministre qu'il peut très bien corriger partiellement la situation actuelle sans devoir changer la loi pour cette année, ceci n'étant plus possible. La Régie des loyers possède beaucoup de pouvoirs qu'elle n'exerce pas ou qu'elle exerce mal, faute de personnel et de budget. Peut-être qu'il n'est pas trop tard pour corriger la situation sur le plan administratif.

De nombreux griefs ainsi que de nombreuses solutions ont été exposés au ministère ces derniers temps ainsi qu'au président de la régie, M. le juge Desjarlais. Parmi ceux-ci retenons, par exemple, les remarques du Groupement des locataires du Québec métropolitain qui constitue un effort constructif dans le sens de l'amélioration du service dispensé par la Régie des loyers. A titre d'exemple, mentionnons quelques-unes des réformes que ces personnes proposent.

En premier lieu, ces gens du Groupement des locataires du Québec métropolitain propose — et j'endosse cette suggestion — de palier le manque d'information qu'ont les locataires du rôle en plus des pouvoirs de la régie par une vaste campagne de publicité axée, non pas sur le

bail type ou sur l'opportunité des nouvelles dispositions législatives, mais sur les droits des locataires et sur la façon de les exercer efficacement. De plus, pour contrer les déclarations des associations de propriétaires face aux augmentations que les locataires devraient considérer comme normales, faire, selon leur suggestion, établir par le service technique de la commission des barèmes d'augmentation type par région et par type d'habitation.

En second lieu, M. le Président, ces gens suggèrent de rendre plus accessibles les services de la Régie des loyers, notamment en multipliant les bureaux et en les ouvrant le soir et le samedi afin de permettre aux travailleurs de s'y rendre sans avoir à subir des pertes de salaire.

Finalement, en troisième lieu, multiplier le personnel afin d'accélérer l'audition et le jugement des demandes dans un délai raisonnable. Si le ministre de la Justice a été capable de le faire pour le tribunal des petites créances, comme il se plaisait à nous le dire lors de l'étude des crédits de son ministère le printemps dernier, pourquoi ne pourrait-il pas faire de même pour un organisme qui, temporaire depuis plus de 20 ans, risque de devenir permanent à plus ou moins longue échéance?

M. le Président, en terminant, je dis tout simplement que je me sentais le devoir de faire ces critiques constructives à l'endroit de la Régie des loyers, vu l'absence cette année encore d'une solution à caractère permanent, vu que le tribunal des loyers retarde, vu qu'on devra sans aucun doute — et je ne me fais pas d'illusion là-dessus — dès l'année prochaine encore une fois, renouveler cette même loi. Mais tout au moins dans l'immédiat, et cela, comme je le mentionne, ne demande aucun amendement à la loi pour le faire, on devrait au moins tenter d'augmenter, pendant qu'on est pris avec ce tribunal temporaire qu'est la Régie des loyers, l'efficacité de la régie. C'est ce que je souhaite malgré toutes les réserves que j'avais pour le projet de loi, et en deuxième lecture et surtout les amendements qui nous ont tellement surpris et tellement déplu. Malgré tout, M. le Président, je souhaite, parce que c'est encore le seul organisme auquel les locataires peuvent s'adresser, qu'on puisse faire les réformes administratives dans l'immédiat.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Est-ce que la troisième lecture du projet de loi no 80, Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, est adoptée?

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Adopté.

M. BIENVENUE: Article 9), M. le Président.

Projet de loi no 46 Deuxième lecture

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Article 9). Le leader adjoint propose la reprise des débats sur la motion de M. Bienvenue proposant que le projet de loi no 46, Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration, soit maintenant lu pour la deuxième fois.

Le député de Saint-Jacques.

M. BURNS: II est absent, M. le Président, alors il n'y a pas de problème. Moi, j'ai épuisé mon droit de parole.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Y a-t-il d'autres opinants? La réplique de l'honorable ministre de l'Immigration.

M. Jean Bienvenue

M. BIENVENUE: M. le Président, le député de Maisonneuve, dans ses remarques l'autre jour, lors de l'étude de ce projet de loi, avait insisté, et avec raison, sur le sens des statistiques émanant du premier Bulletin statistique annuel du ministère que je dirige. Il avait relevé, avec inquiétude, ce déséquilibre, notamment au chapitre de la langue des immigrants qui viennent au Québec. Je voulais dire que c'est à dessein que, pour ma part et avec mes hauts fonctionnaires, j'ai brusqué la parution de ce premier bulletin; je l'ai accéléré précisément pour démontrer l'urgence et l'importance d'adopter ce projet de loi no 46 et de lui assurer un suivi. Cette urgence, cette hâte, cette anxiété que j'éprouvais explique davantage les cris d'alerte que j'ai lancés à plusieurs reprises depuis un an et depuis deux ans, explique davantage le sens de mes négociations auprès du ministère fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration depuis bientôt deux ans, explique davantage aussi les missions répétées que j'ai faites en France, que mes hauts fonctionnaires ont faites, et ailleurs, dans l'espoir de trouver les mécanismes pour freiner ce phénomène, pour mettre fin à ce déséquilibre auquel j'ai fait allusion.

Le député de Maisonneuve — et je vais d'ailleurs lui consacrer avec beaucoup de plaisir la quasi-totalité de ce droit de réplique — m'a posé l'autre jour des questions, ne s'engageant pas, disons, de façon formelle à ce que son vote soit conditionné par les réponses, mais laissant entendre que peut-être ça pourrait influencer la position de son parti de l'Opposition officielle sur la question.

Sa première question — et j'ai extrait cela du journal des Débats — était la suivante: "A quel moment le ministre doit-il annoncer les sommes nouvelles que le conseil des ministres mettra à la disposition de son ministère? Quelles sont ces sommes et comment entend-il les affecter? "

Evidemment, devançant la période normale pour la révélation de ces chiffres, devançant l'étude des crédits, et avec l'autorisation du ministre des Finances, je puis, sans donner de chiffres — mais le député de Maisonneuve est assez habile avec son crayon pour se faire une idée assez juste — dire qu'en pratique la contribution du gouvernement du Québec à son ministère de l'Immigration doublera au cours de la prochaine année fiscale. Doublant ces sommes et à même ces sommes doublées, nous poursuivrons des objectifs qui porteront sur l'établissement des immigrants, alors que nous voudrons consacrer 36 p.c. de plus à cet article, les effectifs devant alors passer de 38 à 97 postes, également augmenter les effectifs de nos services à l'étranger qui passeraient de 7 à 38 postes, nos services de l'emploi dont les effectifs passeraient de 11 à 32 postes, les effectifs de notre service aux immigrants-investisseurs qui passeraient de 6 à 9 et enfin le bureau régional de Québec qui verrait ses effectifs passer de 6 à 7.

Toujours grâce à cette augmentation future du budget, nous voudrions voir et nous entendons faire augmenter de 37 p.c. l'élément 2 de notre programme qui porte sur l'adaptation des immigrants.

Le député de Maisonneuve me posait aussi la question suivante: "Quels sont les moyens et l'échéancier envisagés par le ministre dans la multiplication de ses agents de recrutement à l'étranger, et à partir de quel moment ses agents seront-ils habilités à informer, recruter et sélectionner en toute indépendance de leurs vis-à-vis fédéraux?

On vient de voir que la participation du Québec au ministère que je dirige serait doublée lors de la prochaine année fiscale. Pour ce qui est des moyens, toujours en vertu de ces budgets accrus, le budget augmenterait au sujet des agents de recrutement à l'étranger — si mes objectifs se réalisent — de 82 p.c. Les effectifs passeraient de 7 à 38, et je donnerai tout à l'heure quelques précisions à ce sujet.

Pour ce qui est de l'échéancier, dès le projet de loi 46 qui est devant nous, adopté, res ipsa loquitur, 10 postes nouveaux seraient ouverts, portant de 7 à 17 le nombre de ces postes; 3 postes additionnels seraient créés à Paris...

M. BURNS: ...

M. BIENVENUE: Res ipsa loquitur.

M. BURNS: C'est beau, ça fait bien dans un discours d'un ministre de l'Immigration.

M. BIENVENUE: C'est bien. C'est en latin.

Trois postes nouveaux seraient créés à Paris, deux à Port-au-Prince, en Haiti, deux à Montréal, pour des missions itinérantes futures, un additionnel à Beyrouth, un additionnel à Rome, et un nouveau — parce que c'était inexistant — à Londres. Le reste, quant aux ouvertures de postes, commencerait à courir à compter du 1er avril prochain.

Il faut, évidemment, tenir compte de certains impératifs. Je pense, notamment, aux délais nécessaires à l'ouverture des postes nouveaux et à ceux qui proviennent des questions d'ordre pratique, notamment, de celles relevant de la juridiction du ministère des Travaux publics ou encore des ambassades du fédéral à l'étranger.

Dès leur arrivée en poste — c'était le dernier volet de cette deuxième question du député de Maisonneuve — les agents en question seront habilités à informer, sélectionner et recruter les candidats suivant les pouvoirs que nous voulons leur donner par ce projet de loi.

Je dois dire, cependant, que cela ne sera jamais en toute indépendance vis-à-vis des autorités fédérales. Je pense à certaines formalités techniques. Je pense aux formules OS-8, aux formules F-1000 et aux visas qui sont de la compétence fédérale.

En d'autres termes, tant et aussi longtemps que le Québec fera partie d'un Etat souverain sur le plan politique, autre que lui-même, il devra — j'y reviendrai plus tard — tenir compte d'une certaine dépendance, à la fin de la ligne, à la fin du processus de la venue des immigrants, vis-à-vis des autorités fédérales.

Je disais, il y a un instant, que je donnerais quelques détails sur ces postes nouveaux et sur les nouveaux pays qui seraient desservis. Je dis tout de suite que nous envisageons de répartir comme suit, sur le plan géographique, les futurs services extérieurs en question.

En d'autres termes, des villes que je vais maintenant énumérer, nous couvririons les pays que je mettrai également dans l'énumération. De Paris, ces agents couvriraient la France, la Belgique, le Luxembourg, la Hollande, la Suisse, l'Allemagne et l'Afrique francophone.

De Londres, évidemment, le Royaume-Uni. De Lisbonne, le Portugal, l'Espagne, le Maroc et l'Afrique portugaise. De Rome, l'Italie, la Grèce et la Yougoslavie. De Beyrouth au Liban, la Syrie, la Jordanie, l'Irak, la Turquie, l'Egypte, l'Afghanistan, le Pakistan, la Somalie, l'Ethiopie et la péninsule arabique.

De Port-au-Prince, les Caraïbes, l'Amérique centrale et le Mexique. De Bogota ou de Sao Paulo, l'Amérique latine.

Nous augmenterons les effectifs qui partiront de Montréal. Du ministère de l'Immigration du Québec à Montréal, partiront des missions périodiques ou suivant les besoins à destination de l'Amérique du Sud et de l'Afrique, à destination des Etats-Unis d'Amérique, à destination de l'Asie et du Pacifique et des stagiaires seront ajoutés toujours pour alimenter cette banque de futurs fonctionnaires qui seront en poste à l'étranger.

A Montréal toujours, grâce à cette augmentation à venir des crédits à laquelle j'ai fait allusion, un poste de chef de service, un cadre, sera ajouté, un inspecteur et un responsable

d'inspection et de liaison, quatre analystes feront de la recherche et de l'analyse en permanence sur la zone d'Europe, sur la zone d'Amérique, sur celle du Moyen-Orient, de l'Asie et de l'Afrique et, enfin, un personnel de soutien et de secrétariat sera ajouté.

Je dois dire, en toute justice, pour les intéressés, que la collaboration intelligente, positive, agissante des autorités fédérales m'est déjà acquise relativement à l'ouverture de tous les futurs postes que je viens d'énumérer, le tout conformément, je l'ai déjà dit, au désir souventefois exprimé des autorités fédérales de m'aider à augmenter considérablement le taux de l'immigration francophone au Canada et au Québec.

Mon homologue fédéral m'a indiqué clairement qu'il était prêt, quant à lui, là où il n'y a pas de Maison du Québec, là où ils sont logés, comme c'est le cas actuellement, dans les ambassades canadiennes, à recevoir en aussi grand nombre que cela sera nécessaire des représentants du ministère de l'Immigration du Québec.

Je parlais du désir, souventefois exprimé récemment et répété par le premier ministre du Canada lui-même de favoriser l'immigration des francophones. Je tire un extrait d'une dépêche récente de la Presse canadienne, à partir d'Ottawa, qui se lit comme suit: "Le gouvernement canadien entend prendre toutes les dispositions nécessaires pour accroître le nombre des immigrants de langue française, a déclaré hier, dans une interview, le ministre de l'Immigration, M. Robert Andras. Le gouvernement, a ajouté M. Andras, projette d'ouvrir plus de bureaux d'immigration dans les pays francophones. Il veut que des fonctionnaires voyagent dans les pays de langue française, pour y trouver des immigrants et il entend, à ces fins, coopérer avec le gouvernement du Québec".

Dans une autre dépêche, plus récente, M. le Président, du journal The Gazette du 3 décembre, le même M. Andras à nouveau, faisait état, donc en une occasion différente, de sa préoccupation et de celle de ses hauts fonctionnaires, à ce sujet. Je lirai rapidement, avec votre permission, une partie de cette dépêche intitulée: Accord to boost francophone migrants. The new Québec-Ottawa Immigration agreement now being drafted is designed to increase substantialy the flow of French-Speaking immigrants to Québec. Immigration minister Robert Andras said in an interview yesterday: The new agreement would be signed and made public early next month — il s'agit en l'occurrence du prochain mois de janvier — The agreement has been under negociation for almost 18 months. Andras described the agreement as a revision or up-dating of the Lang-Cloutier agreement of a few years ago under which Québec secured, for the first time, the right to place immigration officials in selected Canadian Embassies abroad. Québec shows missions mainly in Southern Europe. Andras said he could not confirm

Québec Immigration minister Jean Bienvenue's estimate that the new agreement would assure the Province four times as many French-Speaking immigrants as anglophones". Je fais un bref aparté M. le Président, pour dire que je ferai tout à l'heure un court commentaire sur cette allusion que je viens de lire. Je reprends le texte, qui se lit comme suit: "Utmost certainly the intent of it is to encourage French-Speaking people to go to the province of Québec, the minister said. Competency in French is going to be a matter of interest in both Governments. Andras said Ontario also has a cooperative immigration agreement with the Federal Government. He said immigration was a shared field of jurisdiction under the BNA Act though Ottawa had primacy".

Lorsqu'on parle de cette "primacy", M. le Président, c'est évidemment celle à laquelle je viens de faire allusion, et sur laquelle je reviendrai, et qui porte sur ce que j'appellerai le dernier mot, lors de la décision finale de choix d'un immigrant. "Québec immigration officers will specialize in locating immigrants of special interest to Québec and show them the advantages of settlement in that province although federal officers will have final say in the selection".

M. le Président, cette entente à laquelle on fait allusion — je reprends ces propos à mon compte — va être l'aboutissement d'une longue, patiente, discrète négociation de près de 18 mois, sans vacarme, sans bruit, dénuée de toute forme d'hostilité, et qui, je pense, sera un pas combien remarquable en avant relativement aux intérêts et à la présence du Québec dans ce domaine de plus en plus délicat de l'immigration.

J'aurai l'occasion, M. le Président, plus tard, d'y revenir, mais je répète ma vive satisfaction, si rien ne devait survenir au dernier instant, de voir l'évolution de ce dossier qui est sur le point d'aboutir.

M. le Président, la question suivante que m'avait posée le député de Maisonneuve se lisait comme suit: Par quels moyens le ministre entend-il reprendre en main le contrôle réel et efficace des instruments d'intégration des immigrants au Québec français?

Je suppose, évidemment, qu'entre autres outils d'intégration, le député de Maisonneuve faisait allusion aux COFI qui sont peut-être le plus connu et le principal parmi tous ces outils auxquels j'ai fait allusion.

Le 31 juillet 1974, le conseil des ministres donnait pleine juridiction au ministère de l'Immigration sur les COFI. Depuis cette date, le ministère a négocié les modalités de la prise en charge directe des COFI avec le Conseil du trésor, avec la Commission de la fonction publique, avec le ministère de la Fonction publique et, enfin, le ministère des Travaux publics.

Le Conseil du trésor, par une lettre du 19 novembre dernier, a approuvé le nouveau plan

d'effectifs du ministère de l'Immigration comprenant le personnel des COFI. Et par le CT 85550 du 6 novembre dernier, il a approuvé le nouveau plan d'organisation administrative supérieure incluant le personnel de cadre de ces COFI.

La classification du personnel des COFI et les modalités de l'intégration des personnes autrefois à l'emploi de la CECM sont en cours et le Conseil du trésor vient tout juste — cela fait à peine quelques jours — d'approuver le principe de leur intégration à la Fonction publique dans la catégorie du personnel académique. En un mot, ce seront des professeurs.

Reste cependant posé le problème de l'intervention des Centres de main-d'oeuvre du Canada dans la désignation des élèves envoyés aux COFI. Sortir du cadre de l'entente sur la formation professionnelle des adultes coûterait $10 millions au Québec, ce qui entraînerait un budget global du ministère de... Je ne peux pas le dire, j'ai failli le dire, je m'excuse. J'ai mis les "brakes" juste à temps, M. le Président.

Le député de Maisonneuve me posait une quatrième question, dont...

M. BURNS: Cela ne vous tente pas d'être indiscret un peu?

M. BIENVENUE: Oui. M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: Je verrai le député derrière le fauteuil du président après.

M. BURNS: Bon.

M. BIENVENUE: La quatrième question du député de Maisonneuve se lisait comme suit: "A quel moment le ministre entend-il aviser le ministre fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration que le Québec disposera seul de sa propre politique d'immigration et que celle-ci ne saurait accepter quelque droit de contrôle ou le veto du gouvernement fédéral? " La question étant à quel moment, je la tourne un peu en disant: A quelle occasion? J'entendrais dire cela, moi ou un autre, et l'occasion serait, évidemment, lors de l'accès du Québec à l'indépendance.

A quelle date aurait lieu une telle occasion? Cette date, cette occasion ou cette indépendance peut-être...

M. BURNS: Vous me le direz derrière le trône, cela aussi !

M. BIENVENUE: Non, j'allais dire, M. le Président, que peut-être mes petits enfants pourront-ils le demander à leurs descendants! Trêve de plaisanterie, ce que je veux dire sur une note plus sérieuse — et je reprends ici ce que j'ai dit à des centaines de reprises depuis trois ans — c'est que dans toute fédération comme la nôtre, le pouvoir central exerce toujours et doit exercer auprès des provinces ou de ses Etats membres un contrôle et, à la limite de toute l'opération, doit exercer le veto qui en est la sanction, cela même si l'immigration chez nous est un domaine de juridiction partagée.

La raison fondamentale en est que précisément nous n'avons pas de contrôle ou de veto sur nos frontières. Je fais allusion aux frontières du Québec, sauf, évidemment, lorsqu'elles coincident avec celles du fédéral, et je pense notamment le long de la frontière américaine et, qui plus est, nous n'avons pas de frontières proprement dites, le Québec, au sens du droit international public, nos frontières étant les frontières du pays, de la fédération à laquelle nous appartenons.

Il n'existe pas de frontières au sens juridique du mot entre, à titre d'exemple, nous et le Nouveau-Brunswick ou encore nous et la province d'Ontario, et ce que cela entraîne.

M. le Président, je vais procéder par exemples pour me faire mieux comprendre. Je pense au cas de tel immigrant, je pense au cas de X ou Y, un immigrant qui serait entré en Colombie-Britannique ou en Nouvelle-Ecosse sans le contrôle et sans le veto du gouvernement central et, évidemment, encore moins ou encore davantage sans le veto du gouvernement québécois. J'imagine qu'un tel immigrant, qui convient parfaitement, de par ses aptitudes, de par son métier, de par la langue qu'il parle, à l'une ou l'autre de ces provinces, puisse parfaitement bien, en retour, ne pas convenir au Québec ou aux exigences ou aux besoins du Québec sur le plan socio-culturel ou socio-économique. Toutefois, rien ne l'empêche, cet immigrant, d'entrer chez nous, d'entrer au Québec, qu'il vienne de la Nouvelle-Ecosse par le Nouveau-Brunswick, qu'il vienne de la Colombie-Britannique par l'Ontario, rien, absolument rien ne l'empêche d'entrer chez nous et cela, sans même que nous le sachions.

Un immigrant qui décide d'entrer chez nous, nous l'ignorons. Le plus bel exemple auquel je puis penser, M. le Président, parce que j'ai fait le voyage moi-même dans le passé, assez souvent, est celui d'un brave type qui est entré à Halifax et qui décide de se rendre à Toronto en circulant sur ce train qu'on appelle l'Océan Limitée, je ne sais pas s'il s'appelle toujours comme cela mais dans mon temps, il s'appelait l'Océan Limitée. Rien ne l'empêche de débarquer, comme passager, n'importe où, que ce soit chez le député de Bonaventure ou chez le député de Matapédia ou à Rivière-du-Loup, ou à Lévis, et de décider de rester ici et de s'y établir.

M. BURNS: M. le ministre, est-ce que vous me permettez une question?

M. BIENVENUE: Oui, oui.

M. BURNS: C'est intéressant parce que c'est un problème juridique concret. J'admets d'ail-

leurs ce que vous dites. Mais est-ce qu'il n'y a pas lieu, à un moment donné, dans vos ententes, étant donné que les immigrants, pendant la période de probation, si on peut dire, je n'aime pas le mot — mais ce n'est pas comme cela qu'on l'appelle — la période durant laquelle il accède à sa citoyenneté canadienne...

M. BIENVENUE: La période de cinq ans que vous voulez dire.

M. BURNS: ... durant les cinq ans, il y a du moins une période de contrôle. Il y a quand même des points de contrôle. Est-ce qu'il n'y a pas moyen, dans vos ententes avec le fédéral, de garder un contrôle conjoint sur le déplacement de l'immigrant en question? Est-ce que c'est envisagé par votre ministère?

M. BIENVENUE: Non, M. le Président. Evidemment, ce serait trop long d'entrer à fond dans la question mais un tel contrôle est... Il y a celui qui occupe le fauteuil qui est un expert en matière d'immigration.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le moment après que l'immigrant a reçu son visa d'immigrant — "landed immigrant arrived in Canada" — il n'y a aucun contrôle, à moins qu'il y ait infraction à la loi criminelle ou quelque chose comme cela.

M. BIENVENUE: C'est cela. C'est la libre circulation.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

M. BIENVENUE: Alors, M. le Président, à l'inverse de ce que je viens de dire, d'autres provinces ne sont pas ou ne seraient pas nécessairement d'accord sur nos candidats, sur les candidats que le Québec aurait choisis et sur ces candidats qui décideraient d'en sortir pour aller ailleurs. On voit qu'à l'inverse, le même phénomène est susceptible d'arriver. Je dis à ce moment-là, M. le Président, évidemment, tant et aussi longtemps que c'est le statu quo sur le plan constitutionnel, tant et aussi longtemps que le député de Maisonneuve et moi ne nous serons pas entendus sur la date, derrière le fauteuil du président, qu'il est peut-être heureux que le gouvernement central soit cette espèce d'arbitre ou d'agent pondérateur qui peut assurer, dans une certaine mesure, jusque dans une certaine limite, un minimum de protection, de précautions, un minimum de garantie des provinces les unes envers ou contre les autres à cause des critères qui ont servi à la sélection des immigrants à l'étranger.

M. le Président, le député de Maisonneuve — vous voyez que je n'exagérais pas quand j'ai dit que je lui consacrerais avec beaucoup de plaisir ce droit de réplique — posait la cinquième et dernière question suivante. Pardon, il y en a une sixième. Il disait donc: Maintenant que le ministre, via la direction de la recherche de son ministère, dispose des données statistiques nécessaires, à quel moment le ministre entend-il définir une politique concrète d'immigration pour le Québec, par exemple: De combien d'immigrants avons-nous besoin annuellement en fonction de l'ouverture du Québec sur le monde, en fonction de nos critères linguistiques, en fonction de notre marché du travail?

La Direction de la recherche de ce ministère exploite seulement les données du mouvement de l'immigration passée et actuelle. La question du député de Maisonneuve pose tout le problème de l'absence d'un outil unifié et cohérent de connaissance des problèmes de population. Je pense à la population totale, active, complémentaire, etc. C'est à ce problème que veut répondre, c'est ce défi que veut relever ce projet de ministère des ressources humaines, dont le premier ministre s'est le premier fait le protagoniste à quelques reprises, notamment lors d'une longue et intéressante interview exclusive qu'il accordait à M. Gilles Gariépy, du journal La Presse, au mois d'août dernier, interview que j'ai moi-même eu l'occasion de reprendre à mon propre compte assez fréquemment au cours des derniers mois.

Alors, cet outil cohérent, unifié, de connaissances que serait le futur, l'éventuel ministère des ressources humaines est absolument indispensable pour répondre à la question que soulève, avec raison, avec énormément d'à-propos le député de Maisonneuve, surtout dans le contexte actuel de notre incertitude future sur la population du Québec face à ce phénomène de plus en plus inquiétant de dénatalité.

A ce sujet, le ministère de l'Immigration a décidé de tenir, à la fin de janvier prochain, un colloque à Montréal où seront invités et où participeront des experts du milieu universitaire, de différents milieux, du milieu de la fonction publique, des experts en démographie, des experts tous versés à un titre ou à un autre dans l'étude de ces questions. J'attends beaucoup du résultat de ce colloque pour l'orientation future ensuite du ministère que je dirige.

La sixième question à deux volets du député de Maisonneuve se lisait comme suit: "Quels pays avons-nous l'intention de favoriser comme sources d'immigration et comment les Néo-Québécois seront-ils accueillis et intégrés chez nous et sur quel type d'équilibre démographique le Québec peut-il compter pour les années qui viennent? " La réponse à la première question: "Quel pays avons-nous l'intention de favoriser"? se trouve au tableau dont j'ai tracé les grandes lignes, il y a quelques instants, dans ce projet d'extension de nos services à l'étranger. Ce projet nous permettra de contrôler de 70 p.c. à 80 p.c. du mouvement d'immigration au Québec.

Comme on a pu s'en rendre compte, on y favorise les pays de recrutement francophones et francophonisables et on tente de contrôler le mouvement en provenance des pays non francophones et moins facilement francophonisables. Donc, je le répète, grâce à cette extension assez

considérable de nos services à l'étranger, le Québec espère et croit pouvoir contrôler de 70 p.c. à 80 p.c du mouvement de son immigration.

On songe, entre autres ici, au débat amorcé par la publication à venir du livre vert fédéral qui lui-même donnera lieu à une législation future, à une refonte complète de la loi fédérale sur l'immigration. On pense au problème de l'immigration visible, de l'immigration en provenance des pays sous-développés.

Il faudrait se contenter de rappeler, comme je l'ai fait à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, que l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants est la responsabilité du peuple québécois dans son ensemble et pas seulement celle du ministère de l'Immigration du Québec dont on connaît les effectifs restreints et les moyens financiers combien modestes.

Ce que je prêche, M. le Président, presque tous les jours depuis trois ans et au cours des dernières semaines, ayant parfois, hélas! l'impression que je prêche dans le désert de la xénophobie qui, parfois, atteint les couches plus profondes et plus détestables du racisme. Le Parti québécois, à son congrès récent, a reçu à ce sujet les doléances de certains immigrants qui, avec raison, se sont plaints de la façon dont ils sont peu ou pas accueillis, ou mal accueillis, en certaines occasions. J'ai lu et mes collègues ont pu lire, M. le Président, il y a quelques semaines, le récit navrant et bouleversant de cet Haïtien, immigrant reçu officiellement au Canada et au Québec, ayant son statut d'immigrant reçu, qui a dû végéter d'un emploi à l'autre à Québec, ici, dans cette pure et catholique ville de Québec, et il n'y a pas de cachette, il ne faut pas hésiter à se le dire, parce qu'il avait la peau noire.

J'ai reçu, M. le Président — j'en avais apporté quelques-unes avec moi dans mon dossier mais je vous avoue que je préfère les laisser là devant moi où je les ai sous les yeux — des lettres combien terribles, la grande majorité non signées, mais certaines d'entre-elles signées d'anglophones et de francophones du Québec, jetant avec mépris leurs craintes, leurs inquiétudes et parfois, ce qui est pire, leur haine de ces étrangers qui ont choisi de venir vivre parmi nous. A l'occasion d'émissions radiophoniques, M. le Président, j'ai eu des appels dans le même sens de personnes qui oubliaient comment elles aimeraient être traitées elles, si elles devaient aller vivre dans un nouveau pays. Le journal La Gazette du 8 novembre dernier nous rapportait les propos de Mme Thérèse Lavoie-Roux qui commentait avec stupéfaction les traitements qui avaient été réservés à certains enfants d'immigrants dans des écoles du secteur français de Montréal, qui, en raison des exigences de la loi no 22, faisaient leur apprentissage dans certaines écoles du réseau français, et racontait des choses bouleversantes de la part des élèves et de certains professeurs. Que l'on se rappelle, M. le Président, avec quelle véhémence en certains milieux on a fait le reproche aux immigrants d'avoir depuis 25 ans, de façon traditionnelle, choisi le secteur anglophone pour faire éduquer leurs enfants.

Alors, ce n'est pas tout, M. le Président, de critiquer et de les inviter avec vigueur à venir chez nous, mais encore faut-il les y accueillir. M. le Président, je pense que le jour où les Québécois comprendront et accepteront, et que les immigrants ne viennent pas, suivant la vieille expression, voler nos "jobs" et au contraire occupent, pour partie d'entre eux, celles de ces "jobs" sur lesquelles nous levons le nez, qu'au contraire ils ont créé et créent des dizaines de milliers d'emplois au Québec, et à Montréal en particulier, je crois que le jour où les Québécois comprendront ce qu'ont compris avant nous les Etats-Unis d'Amérique et l'Ontario —je lirai quelques lignes, M. le Président, d'un extrait du journal La Presse, un numéro assez récent à ce sujet — le Québec aura répondu à une des questions les plus importantes que m'a posées le député de Maisonneuve, avec combien, je le répète, d'à-propos et de justesse. Je pense que le Québec aura répondu à cette question et se sera grandi.

L'article auquel je faisais allusion, M. le Président — et j'achève — était un article récent du journal La Presse, numéro du 10 décembre, sous la signature de M. Jean Poulin, intitulé: "La puissance de consommation de l'Ontario dépend en grande partie de ses immigrants". Très rapidement, M. le Président, je voudrais lire, avec votre permission, quelques passages qui établissent, je pense, les points que j'ai modestement soulevés devant vous. Je cite: "Comme les entreprises américaines implantées en Ontario ont donné à cette province sa puissance de production, ce sont les immigrants européens qui sont à l'origine d'une part importante de la croissance, de sa puissance, de consommation. "D'autres données fédérales, d'ordre démographique celles-là, montrent que l'Ontario reçoit à elle seule plus de la moitié de tous les immigrants qui entrent au Canada chaque année. Il en résulte que la différence de population entre les deux provinces, qui était de 400,000 en 1951, a plus que triplé aujourd'hui, soit 1,913,000 au 1er janvier dernier".

Si le Québec avait pu recevoir le même nombre d'immigrants étrangers que l'Ontario, cet écart serait réduit de moitié sans tenir compte de leurs descendants. Or, gagner 950,000 habitants représente une avance économique considérable. Comme le souligne le ministère de l'Immigration du Québec dans son rapport annuel, le Québec a tout intérêt à voir sa population augmenter. Cela signifie plus de producteurs et plus de consommateurs, mais aussi plus d'emplois et plus de contribuables.

De plus, accueillir des adultes déjà formés présente un double avantage: économie des coûts de formation et utilité immédiate des nouveaux arrivants, etc.

Le député de Rouyn-Noranda m'avait pour

sa part posé une question qui se lisait comme suit: "Le ministre de l'Immigration, avec toute la bonne volonté que je veux bien lui reconnaf-tre, est pris dans un cadre, dans un carcan qui ne lui permet pas de faire ce qu'il voudrait, en admettant qu'il veuille bien avoir au Québec une immigration à majorité francophone, ce dont je ne suis pas tellement certain. J'attendrai avec beaucoup d'intérêt sa réplique. J'aimerais entendre le ministre nous dire que lui, son désir est de favoriser une majorité d'immigrants francophones du Québec."

Je l'ai dit, mille fois peut-être, le député de Rouyn-Noranda est peut-être le seul qui ne l'avait pas entendu, je l'ai dit à l'Assemblée nationale au cours d'interventions dans le passé, je l'ai dit à l'étude de mes crédits, lors de conférences de presse, lors d'allocutions publiques, etc., et je le répète: L'objectif que je poursuis, la première visée de notre action, celle de celui qui vous parle et celle de ses hauts fonctionnaires, est de faire en sorte que la vapeur soit renversée, que l'équilibre se rétablisse pour que les immigrants venant au Québec soient, dans la proportion 80-20, francophones, et cela à l'image actuelle, selon la proportion actuelle de la population autochtone québécoise.

Et c'est à ce sujet que je voulais faire une mise au point autour d'une autre erreur que j'ai retrouvée dans les journaux et qui a failli induire en erreur mon collègue, le ministre fédéral de l'Immigration. Je n'ai jamais, de près ou de loin, dit que grâce à cette nouvelle entente que nous nous apprêtons à signer, ou grâce à ce projet de loi, automatiquement le taux de l'immigration francophone serait quadruplé. Ce que j'ai dit, ce n'était pas la certitude ou l'assurance, mais bien l'espoir d'atteindre ce résultat, l'objectif, le but.

Je rappelle cependant, à travers tout cela, à travers ces aspirations sur le plan socio-culturel, que l'immigration sélective doit reposer sur des assises non seulement socio-culturelles, mais aussi socio-économiques combien vitales. En d'autres termes, je suis prêt à la souplesse. Au lieu d'envisager et de me diriger vers cet objectif de 80-20, je n'aurais aucune objection à ce que ça devienne 79-21, si le coût de cet écart symbolique de 1 p.c. favorisait ou reposait sur l'accueil au Québec de quelque douzaine d'immigrants anglophones, mais amenant avec eux, comme ça été le cas dans le passé, quelques millions de dollars d'investissements.

Enfin, M. le Président, à sa dernière question le député de Rouyn-Noranda voulait s'assurer qu'on informerait davantage les futurs immigrants qui viennent au Québec qu'il s'agit d'une province francophone et que le français est la langue de la majorité, qu'il faut parler.

Je rappelle ce que j'ai dit précédemment, M. le Président, quant à la multiplication de nos postes à l'étranger, y compris au Royaume-Uni. C'est un des éléments essentiels de ce projet de loi que celui de pouvoir, à l'avenir, conjointe- ment avec les autorités fédérales, partout où nous serons, informer, sélectionner, et recruter les immigrants.

M. le Président, c'est un sujet sur lequel on peut parler encore bien davantage. C'est un sujet qui est de plus en plus actuel. On n'a qu'à lire les grands quotidiens. On n'a qu'à entendre les préoccupations de l'homme de la rue. On n'a qu'à regarder, je l'ai dit, ce phénomène de plus en plus inquiétant de la dénatalité, sur le plan et culturel et économique. Mais je crois que l'outil que le Québec s'apprête à se donner, sous forme de cette loi 46, constitue vraiment un pas vers l'avant qui aurait dû être fait bien auparavant, si le Québec veut vraiment avoir son mot à dire dans le choix des citoyens qui viendront habiter son territoire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 46 est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté. Ne pouvant demander un vote enregistré, je vous prie d'enregistrer mon vote favorable.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: Je propose que ce projet de loi no 46 relativement à la Loi de l'immigration soit déféré à la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration.

M. BURNS: C'est cela.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette déférence est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

M. LEVESQUE: Article 26.

Rapport sur le projet de loi no 20

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre a pris en considération le rapport de la commission permanente de l'agriculture qui étudie le projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte.

UNE VOIX: Adopté. M. BURNS: Sur division.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Ce rapport est-il adopté?

M. BURNS: Sur division.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté sur division. Prochaine séance ou cette séance-ci?

M. BURNS: Vous venez de manquer un discours.

M. LEVESQUE: Article...

M. BURNS: Séance subséquente.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article 19. On commence par l'article 19. Est-ce le cas? On serait mieux de commencer avec l'article 19.

UNE VOIX: ... sur la même longueur d'ondes.

M. LEVESQUE: Article 19.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que le ministre de l'Immigration propose la deuxième lecture du projet de loi no 85, Loi modifiant...

M. LEVESQUE: Un instant.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Excusez-moi.

M. LEVESQUE: C'est cela, mais ce n'est pas le ministre de l'Immigration.

Projet de loi no 85 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 85, Loi modifiant la loi favorisant le crédit à la production agricole.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre. Rapidement, ce projet de loi modifie une loi qui existait déjà. On l'appelait le crédit à la production agricole. Elle groupait, au fond, dans ses objectifs, deux productions en particulier, soit les productions bovines, d'une part, et les productions céréalières de l'autre.

Ce projet de loi, qui amende la loi qui existait, poursuit deux buts bien précis. Le premier est d'élargir à toutes les productions la possibilité d'avoir à leur disposition un crédit à la production, c'est-à-dire une capacité d'emprunt dans une banque ou dans une caisse populaire en vue de financer soit un élevage de bovins, soit un élevage ovin ou une production céréalière ou une production maraîchère. Donc, c'est le premier objectif des amendements apportés.

Le second objectif, c'est que l'ancienne loi prévoyait des prêts possibles jusqu'à $25,000. Celle-ci peut autoriser les banques et les caisses à prêter jusqu'à $50,000. Ces amendements auront également pour effet de rendre plus facile l'application de cette loi, de décompliquer, si on peut s'exprimer ainsi, son application au niveau des formules que les producteurs devaient remplir pour avoir accès à cette loi.

Maintenant, le producteur n'aura plus besoin de fournir tous les renseignements relatifs à ses objectifs de production, à ses intentions, etc. Il n'aura qu'à présenter à sa banque ou à sa caisse populaire un bilan de ses activités économiques. La banque, la caisse populaire ou les autres institutions de crédit prévues par la loi comme étant susceptibles d'être des organismes accrédités pour prêter pourront, à l'aide de cette comptabilité, mettre à la disposition du producteur une marge de crédit pouvant atteindre $50,000, plutôt que $25,000.

On facilite, d'une part, l'accès à l'emprunt et, d'autre part, on double les possibilités d'emprunt d'un producteur pour son crédit à la production, et ce crédit est entièrement garanti par le gouvernement. Ces amendements s'inscrivent dans les objectifs du ministère qui sont toujours les mêmes, c'est-à-dire tenter de faire produire à l'agriculture du Québec tout ce qu'elle peut produire pour satisfaire d'abord les besoins de la consommation québécoise et après, bien sûr, s'il y a des surplus dans certaines productions et des marchés disponibles, exporter dans d'autres marchés du pays, dans d'autres provinces et également sur les marchés internationaux.

M. le Président, il s'agit là en substance des objectifs que poursuit ce projet de loi. C'est une loi essentielle surtout par les temps qui courent, à cause des difficultés qu'ont les producteurs de bovins à se financer, le prix étant bas. Même si le gouvernement est intervenu au chapitre de subventions qui seront versées seulement en février ou en mars, après avoir fait les enquêtes requises, cette loi viendra, aussitôt qu'elle sera adoptée, mettre à la disposition des producteurs cette marge de crédit dont ils ont besoin pour financer leur élevage de l'année 1974, ces bovins qui seront mis en marché à l'automne 1975.

M. le Président, si cette loi était adoptée, elle contribuerait, d'une part, à s'inscrire très nettement dans les objectifs du ministère et elle contribuerait aussi et surtout — c'est là l'importance — à aider les producteurs à financer leur production tant bovine que céréalière pour l'année 1975.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 85 est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La commission plénière ou la commission élue?

Projet de loi déféré à la commission

M. BIENVENUE: Je ne veux plus me faire attraper, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire de l'agriculture pour y être étudié article par article.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion pour renvoi à la commission est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

M. BIENVENUE: Adopté. Article 20, M. le Président.

Projet de loi no 97 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 97, Loi sur les nantissements agricole et forestier.

M. CHOQUETTE: Je le propose, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion de deuxième lecture est adoptée?

M. BURNS: Oui, M. le Président. En ce qui me concerne, je suis favorable à l'adoption du projet de loi. Depuis longtemps existe le nantissement agricole. Je pense que c'était une lacune, l'absence de nantissement forestier, sachant maintenant qu'existent les producteurs forestiers, particulièrement les petits producteurs indépendants qui peuvent avoir besoin, à un moment donné, comme dans le cas du nantissement agricole, de produire une valeur collatérale à l'endroit de leurs emprunts. Je pense que, de nos jours, ceux qui s'adonnent encore à la production forestière, à caractère limité, on doit leur reconnaître cette possibilité d'obtention de crédits. Je serai entièrement favorable à ce projet de loi. Il me semble que c'est de reconnaître une réalité qui aurait dû être reconnue depuis bien longtemps. Tout ce que j'espère c'est que cela aura pour effet de favoriser ce type particulier de producteurs agricoles. Il ne faut pas se gêner pour le dire, ce sont des producteurs agricoles au sens strict du mot mais qui sont dans la production forestière elle-même. Surtout, c'est là l'avantage de la mesure, je pense, cela favorisera, non pas les gros trusts forestiers, non pas les grandes compagnies forestières, mais beaucoup plus les petits producteurs forestiers.

Dans ce sens-là, je ne vois pas pourquoi on hésiterait à voter en faveur d'un tel projet de loi.

UNE VOIX: C'est de la social-démocratie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.

M. SAMSON: Une minute, une minute, cela va trop vite.

M. ROY: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud, je l'ai appelé.

M. ROY: ... le ministre de l'Agriculture va peut-être être surpris ce soir. Il pourra peut-être considérer cela comme ses étrennes de ma part. Je vais voter en faveur de son projet de loi.

M. BURNS: Non, mais surtout qu'il vient du ministre de la Justice !

M. ROY: Non, non... M. le Président...

M. SAMSON: Vous voyez, M. le Président, que cela valait la peine de l'attendre.

M. BEDARD (Chicoutimi): Tu t'est trompé de bénéficiaire.

M. ROY: Je voulais l'ajouter, mais mon collègue de Maisonneuve ne m'en a même pas donné le temps, parce que je sais très bien que ce projet de loi, présenté par le ministre de la Justice, est une concordance suite à une demande du ministère de l'Agriculture et de son ministre. C'est cela que je voulais dire. J'étais bien au courant. Maintenant, si le ministre de la Justice veut partager une partie des étrennes de son collègue, le ministre de l'Agriculture, je n'ai aucune objection.

Je suis très heureux de cette mesure parce qu'il y a déjà plusieurs années, je dirais même plus de dix ans, que des organismes coopératifs, les caisses d'épargne et de crédit le réclament. Le ministre de l'Agriculture se rappellera un organisme d'épargne et de crédit où il a travaillé et où j'ai eu à travailler moi-même, c'est-à-dire les caisses d'établissement, puisqu'il a été gérant de sa caisse d'établissement également dans la région de Trois-Rivières. Les caisses d'établissement ont consenti ce genre de prêts à la classe agricole, lorsqu'il s'agissait d'établissements

agricoles, pour permettre aux agriculteurs de bénéficier de prêts à moyen terme pour pouvoir répartir, sur un certain nombre d'années, le coût de leurs investissements.

Je pense que c'est une mesure qui répond à un besoin urgent. Et si j'avais un reproche à faire au gouvernement, je dirais: Pourquoi il ne l'a pas présenté, ce projet de loi, avant aujourd'hui? Mais nous l'avons devant nous.

Cependant, j'aimerais dire ceci à l'honorable ministre de l'Agriculture. Je sais qu'il a un autre projet de loi de déposé. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de l'examiner. Mais il faudra que ce projet de loi soit accompagné par une autre mesure, qu'on fasse en sorte d'augmenter le montant des prêts permis en vertu de la Loi de l'amélioration des fermes de façon à ce que ces prêts puissent être garantis selon le pourcentage normal par le gouvernement comme par les autres et permettre aux personnes bénéficiaires de ce projet de loi, de ces emprunts, de pouvoir bénéficier d'un certain remboursement d'intérêt.

Ce projet de loi est bien important dans plusieurs régions du Québec, la mienne en particulier, parce que la forêt constitue un revenu d'appoint très important pour l'agriculture. Lorsqu'on constate que, dans l'achat ou le transfert des fermes, il y a parfois jusqu'à $10,000 d'inventaire forestier, alors qu'on ne peut pas hypothéquer une coupe de bois — on peut seulement la nantir — je pense que c'est un projet de loi de ce genre que les institutions financières, non seulement les caisses d'établissement, mais les caisses populaires pourront ouvrir leurs portes et offrir ce service aux cultivateurs.

M. le Président, c'est avec plaisir que nous appuierons ce projet de loi. J'aimerais que le ministre de l'Agriculture, à ce moment-ci, s'il n'a pas pris la parole sur ce projet de loi, nous fasse connaître quelles sont ses intentions et qu'est-ce qui existe actuellement au point de vue de l'expansion des montants de prêts totaux, globaux, qui sont consentis en vertu de la Loi de l'amélioration des fermes, de façon que ce projet de loi présenté par le ministre de la Justice soit réaliste, c'est-à-dire qu'il offre réellement une solution nouvelle aux agriculteurs. Si le montant maximum permis par la Loi de l'amélioration des fermes n'était pas élevé, il est évident qu'on ne réglerait pas les problèmes, à ce moment, parce que la majorité des agriculteurs ont emprunté à la limite extrême du montant qui est prévu par la loi.

M. TOUPIN: M. le Président, seulement quelques précisions à la suite de ce que vient de dire le député de Beauce-Sud. Il est évident que la loi que présente le ministre de la Justice a pour fonction d'amender le code civil, je pense, si ma mémoire est bonne. Je dois personnellement remercier le ministre de la Justice de l'empressement qu'il a manifesté pour présenter les amendements requis à cette loi pour, pre- mièrement, y inclure une possibilité pour les forestiers, ce qui correspondra à des besoins du ministère des Terres et Forêts, ultérieurement, lorsque la Loi du crédit forestier viendra en discussion et, deuxièmement, permettre aussi aux agriculteurs d'être capables de porter en garantie ou en nantissement quelque chose comme $50,000 alors qu'avant, c'était à peu près $15,000.

Cela vaut non seulement pour la Loi du crédit à la production dont on a discuté tantôt, mais cela vaut aussi pour la Loi du nantissement agricole qui sera amendée probablement à la prochaine session et les autres lois qui permettent aux agriculteurs d'emprunter dans les banques et dans les caisses.

Quant au montant que les banques et les caisses prêtent aux agriculteurs, cela se situe dans l'ordre probablement de $50 millions ou $55 millions par année. C'est extrêmement important, cette source de crédit, pour les agriculteurs. Ils ont besoin de plus que cela encore et le but de cette loi est précisément de leur permettre d'emprunter davantage et d'offrir, en plus des biens qu'ils possèdent et qu'ils ne pouvaient pas offrir en garantie auparavant... Cette loi vient parachever ou continuer les lois de crédit que nous avons déjà et va offrir sans aucun doute aux agriculteurs des occasions nouvelles qui n'existaient pas auparavant.

M. VEILLEUX: M. le Président, quelques mots seulement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Ce projet de loi ne touche pas beaucoup d'électeurs de mon comté mais simplement, je suis très heureux que le ministre de la Justice le présente ce soir en deuxième lecture, parce que le fait de présenter ce projet de loi donne une leçon de social-démocratie au député de Maisonneuve.

Le député de Maisonneuve, sur un projet précédent, a critiqué le ministre de la Justice. Il a critiqué le gouvernement sur la non-préoccupation qu'on avait des gens autres que les juges, par exemple, en l'occurrence, et il faisait mention du projet de loi des députés. Le ministre de la Justice, dans sa réponse, a mentionné les mesures de social-démocratie que lui-même avait mises en pratique...

M. ROY: N'en mettez pas trop...

M. VEILLEUX: ... depuis deux ans. Ce projet de loi constitue un exemple type. Je vous demanderais, M. le Président, de dire au député de Maisonneuve d'analyser en profondeur ce projet de loi et il y verra la marque de la social-démocratie du gouvernement.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je tiens à exercer mon droit de réplique pour féliciter

tous les intervenants, de quelque formation politique qu'ils soient, pour leurs propos extrêmement judicieux et agricoles!

M. ROY: Pourriez-vous répéter le dernier mot, s'il vous plaît?

M. CHOQUETTE: Je dis judicieux et agricoles.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 97 sera-t-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. LEVESQUE: Un instant. Dans le premier cas, on aurait pu déférer le projet de loi à une commission parlementaire. Pardon?

M. BURNS: Commission plénière. Je n'ai pas d'objection.

M. LEVESQUE: Oui. Dans ce cas, si les deux projets de loi sont reliés, je me demande pourquoi on n'irait pas faire les deux en même temps, en commission plénière.

M. BURNS: Ce n'est pas la même commission, il y en a une, c'est la justice.

M. LEVESQUE: Non, mais ici en commission plénière. Si on passait les deux en commission plénière?

M. BURNS: Vous voulez dire le crédit à la production, projet de loi 85...

M. LEVESQUE: Et le nantissement. M. BURNS: Je n'ai pas d'objection.

M. LEVESQUE: Alors, révoquez la déférence à la commission de l'agriculture. L'ordre est révoqué.

M. BURNS: Adopté.

Projet de loi no 85 Commission plénière

M. LEVESQUE: Je propose, M. le Président, que vous quittiez maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en commission plénière pour l'étude en commission plénière des deux projets de loi, soit le projet de loi no 85 relativement au crédit pour la production agricole, et le projet de loi no 97 relativement au nantissement agricole et forestier.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en commission plénière pour l'étude des projets de loi no 85 et 97 est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

M. BLANK (président de la commission plénière): A l'ordre, messieurs!

Projet de loi no 85, Loi modifiant la loi favorisant le crédit à la production agricole, article no 1. a).

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): b)?

DES VOIX: Adopté.

M. ROY: Quel projet de loi, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Blank): Le projet de loi no 85.

M. ROY: Nous n'en avons pas de copie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Loi modifiant la loi favorisant le crédit à la production agricole.

M. ROY: Mon dossier est resté à mon bureau, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Une copie pour le député de Beauce-Sud.

M. CHOQUETTE: De la loi?

LE PRESIDENT (M. Blank): Pas le vôtre, 85. Ce n'est pas imprimé.

M. BURNS: II n'est pas dedans.

C'est une autre des vicissitudes de fin de session, qu'on ait un projet de loi, pour qu'on l'étudie article par article.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on pourrait le suspendre quelques instants pour en obtenir des copies?

Projet de loi no 97 Commission plénière

LE PRESIDENT (M. Blank): D'accord, on suspend le projet de loi no 85 et nous prenons le projet de loi no 97.

Article 1.

M. ROY: Projet de loi no 97, article 1. C'est très technique, c'est parfait. Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 2.

M. BURNS: Adopté. M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 3.

M. ROY: Je n'ai pas vérifié, M. le Président, mais les légistes ont dû quand même faire une bonne vérification.

M. BURNS: Si je comprends bien, M. le ministre, ce qu'on fait, à toutes fins pratiques, c'est qu'on étend tout simplement au domaine forestier les nantissements qui existaient déjà pour le domaine agricole et le domaine des animaux de ferme.

M. CHOQUETTE: Exactement.

M. BURNS: C'est simplement une concordance.

M. CHOQUETTE: C'est-à-dire oui. Autrefois on pouvait nantir des troupeaux, des équipements agricoles, on pouvait les donner en garantie d'un prêt, même si l'emprunteur gardait la possession des biens nantis; on applique le même principe au domaine forestier.

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 4.

M. ROY: A l'article 4, M. le Président, il y a un point qui est passablement technique. Etant donné que nous avons un spécialiste en droit, l'article dit: "1979 c). A défaut par l'emprunteur ou, le cas échéant, par celui qui a nanti ses biens, de remplir ses obligations, le créancier peut, sans préjudice de tout autre recours: 1. obtenir, sur demande, la remise des biens nantis". Dans le cas du bois, il y a deux choses. Il y a le bois qui constitue la coupe de bois comme telle, et il y a le bois qui est coupé. Il n'y a pas de distinction qui est faite dans la loi à ce sujet-là. Il est évident qu'il est normal qu'une personne peut exiger la remise des biens nantis lorsqu'il s'agit du bois qui est coupé et qui est le long des routes, procéder à la saisie du bois. Cela s'exécute facilement. Mais dans le cas du bois qui n'est pas coupé, des coupes de bois, du bois debout, est-ce qu'on a prévu une disposition dans la loi de façon que le créancier puisse exercer un certain droit de recours, mais un droit de recours réel?

M. BURNS: Lorsque le produit forestier en question est debout, en bois debout comme on dit, comme une récolte, est-ce un des cas où la saisie-brandon pourrait s'appliquer?

M. CHOQUETTE: Je crois que le député a raison.

M. BURNS: Parce que...

M. CHOQUETTE: Le député a raison.

M. BURNS: M. le Président, une récolte debout, comme une exploitation forestière, est un immeuble, je pense, alors qu'une fois coupée cela devient un meuble. Je pense que la saisie-brandon s'applique aux récoltes debout. Donc — je ne le sais pas — est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire...

M. CHOQUETTE: Cela s'applique...

M. BURNS: ... si cela s'applique également aux forêts?

M. CHOQUETTE: Non, cela s'applique même au bois qui n'est pas coupé, qui peut faire l'objet du nantissement. C'est-à-dire que des arbres qui peuvent être exploités d'une façon commerciale peuvent faire l'objet du nantissement et, par conséquent, son sujets à la garantie dont il est parlé dansl'article 1979 c). Alors, cela ne s'applique pas seulement au bois qui est coupé. On pourrait nantir, par exemple, une forêt, la donner en garantie. Le créancier, pour exécuter sa garantie, s'il n'est pas payé suivant les termes du contrat de nantissement, pourrait exécuter son obligation sur le bois debout.

M. ROY: Je m'explique, M. le Président. J'ai vécu plusieurs de ces cas personnellement. Vous avez le cas, par exemple, d'une personne qui nantit sa coupe de bois envers une caisse populaire ou une caisse d'établissement et dont l'hypothèque, dans le cas de l'agriculture, est détenue en premier rang par l'Office du crédit agricole ou par la Société du crédit agricole fédérale. Qu'est-ce qui arrive si la personne ne remplit pas ses obligations et que le bois est debout? On peut toujours parler d'immeuble par destination, mais qu'est-ce qui arrive si la personne veut recouvrer sa créance? Parce qu'il ne s'agit pas du même créancier qui a l'hypothèque des biens immobiliers. J'aimerais bien, à ce moment-ci, qu'on nous dise clairement dans la loi, en vertu de l'article 1979 ou des autres, comment, dans un tel cas, parce qu'il s'agit en quelque sorte de dispositions nouvelles de la loi, une personne pourrait exiger ou recouvrer sa créance dans un pareil cas. Je prends un exemple entre autres, celui de l'Office du crédit agricole comme tel. On sait que les prêts qui sont consentis par l'Office du crédit agricole ou par la Société du crédit agricole tiennent compte de l'évaluation forestière, non pas pour l'attribution du prêt, mais pour examiner la valeur complète, c'est-à-dire la totalité de l'actif

de l'emprunteur. Ils calculent également les revenus forestiers dans l'établissement des remboursements qu'il doit effectuer. Mais là il ne s'agit pas du même organisme qui consent le prêt: il s'agit d'un autre organisme que celui qui est créancier hypothécaire de l'immeuble.

M. le Président, il se pourrait en vertu de la loi qu'il y ait même deux hypothèques sur la propriété. Je vais prendre un cas que nous rencontrons souvent en agriculture. Par exemple, un homme vend sa ferme à son fils ou encore à un étranger, la même distinction s'applique; sa ferme est payée par un montant d'argent comptant qui est constitué à partir de montants d'argent personnel qui sont consentis par l'acheteur ou l'emprunteur et par un montant additionnel qui est versé par l'Office du crédit agricole, dont le vendeur garde une deuxième hypothèque comme vendeur sur la propriété.

Donc, il se trouve à avoir deux liens hypothécaires sur la même propriété de ferme. Et comment l'institution prêteuse, soit les caisses d'épargne-crédit ou les banques pourront-elles s'organiser pour être capables de recouvrer leur créance sans que les créanciers hypothécaire mettent un obstacle, parce qu'ils pourraient le faire, selon moi et selon bien des avis que nous avons eus?

M. LACROIX: Votre question est pertinente et le ministre de l'Agriculture va y répondre.

M. TOUPIN: Le député de Beauce-Sud a sans doute raison de poser cette question. Elle se situe dans un contexte réel, mais je crois qu'il oublie une chose, c'est que tout bien hypothéqué ne peut jamais faire l'objet d'un nantissement. Je vais aller plus loin. D'abord, il y a une précision que je voudrais apporter. Lorsqu'on parle de la question forestière, dans ce projet de loi, il ne s'agit pas, pour le moment, de comprendre que les lois du crédit agricole actuelles vont consentir des prêts pour les forestiers.

Nous avons prévu cet amendement dans la perspective d'un programme du ministère des Terres et Forêts qui, lui, est à préparer une loi sur le crédit forestier. Et dans le projet de loi sur le crédit forestier qui sera discuté ultérieurement seront prévues les modalités d'emprunt de la part des producteurs et les modalités également de prêts de la part des prêteurs.

Si nous nous référons aux lois du nantissement agricole de l'Office du crédit agricole, c'est que chaque fois qu'un agriculteur présente une demande d'emprunt pour fins de nantissement à une banque, il doit en même temps déposer ses contrats d'hypothèques, de telle sorte que la banque et la caisse ne pourront pas prêter sur nantissement des biens faisant déjà l'objet d'une hypothèque. D'ailleurs, les banques et les caisses là-dessus sont extrêmement prudentes: elles ne peuvent pas hypothéquer en nantissement un bien qui l'est déjà.

C'est seulement lorsque nous discuterons de la Loi du crédit forestier que nous aborderons dans les détails cette question. Le projet de loi ici ne prévoit pas ça. Tout ce qu'il prévoit, c'est qu'il autorisera les banques et les caisses à accepter des nantissements sur les forêts, soit les forêts — comme le disait le député de Maisonneuve — en bois debout ou les forêts coupées, soit en douze pieds, quatre ou huit pieds, etc., et voire même aussi les fonds de terre forestiers qui peuvent être offerts d'une part sous forme d'hypothèque en garantie ou d'autre part sous forme de nantissement en garantie à une banque ou à une caisse.

Mais la plupart du temps les biens immobiliers, les caisses et les banques, ainsi que les institutions prêteuses les acceptent beaucoup plus sous forme d'hypothèque en tant que garantie, et c'est seulement pour les biens qui sont monnayables, négociables, qui peuvent être offerts, tout compte fait, sous forme de nantissement aux banques et aux caisses. C'est l'expérience qu'a vécue à venir jusqu'à maintenant le crédit agricole et c'est exactement, je pense, ce que le ministère des Terres et Forêts prévoit dans son projet de loi du crédit forestier. C'est surtout à ce moment que le député de Beauce-Sud aura des réponses précises à la question qu'il pose.

Ce projet de loi, tout ce qu'il vient faire, c'est autoriser un producteur à offrir en garantie du bois debout ou du bois coupé, mais pas plus que ça. Les modalités de prêt ne sont pas prévues dans ce projet de loi. Les modalités de prêt ou d'emprunt, les responsabilités du prêteur et de l'emprunteur se retrouveront dans la loi pertinente au crédit forestier, mais pas plus que ça.

M. ROY: Je ne sais pas si je me suis mal expliqué ou si le ministre m'a mal compris, à moins que le projet de loi ne soit tout simplement adopté en attendant que le projet de loi du crédit forestier se présente...

M. TOUPIN: ... pas plus loin que ça.

M. ROY: C'est justement là qu'est le point.

M. TOUPIN: II y a une autre précision que je voudrais apporter. Ce projet de loi qui amende le code civil a pour fonction de donner au producteur l'occasion d'offrir ses biens forestiers en nantissement, mais il a aussi pour fonction d'élargir le champ des biens à être offerts en nantissement pour que le producteur agricole puisse emprunter plus de $15,000, jusqu'à $50,000. De telle sorte que ce projet de loi permettra au producteur, par exemple, de donner en garantie sa récolte, ce qui n'était pas possible auparavant.

On pourra donner en garantie d'autres biens qui n'étaient pas éligibles auparavant, et cette loi autorisera le producteur à offrir ses biens en garantie pour augmenter sa marge de crédit

dans une banque. C'est le but principal de cette loi et, par incidence, on en a profité pour donner l'occasion au ministre des Terres et Forêts de passer sa loi sur le crédit forestier.

M. ROY: ... une disposition, c'est dans le cas d'être obligé d'avoir recours. En cas de recours, en cas... Je me réfère et je reviens à l'article 1979 c): "A défaut par l'emprunteur ou, le cas échéant, par celui qui a nanti ses biens, de remplir ses obligations, le créancier peut, sans préjudice de tout autre recours obtenir, sur demande, la remise des biens nantis..."

UNE VOIX: Sur demande. M. ROY: Alors?

M. TOUPIN: C'est l'obligation. C'est la responsabilité de tout emprunteur et c'est le devoir de tout prêteur que de tenter de récupérer ses emprunts.

M. ROY: Je comprends cela, mais je voudrais dire au ministre — parce que le ministre a dit bien des choses tout à l'heure — que l'Office du crédit agricole n'hypothèque jamais une coupe de bois, n'hypothèque jamais la forêt. Il n'y a que le fonds du terrain qui est hypothéqué. C'est là qu'est le point.

M. CHOQUETTE: Ecoutez. Si vous avez une hypothèque sur un immeuble consentie, supposons, à l'Office du crédit agricole contre un prêt, l'hypothèque vaut contre le terrain et vaut contre la forêt qui est dessus parce que les deux sont immeubles. Par conséquent, ils sont entièrement couverts par l'hypothèque. Et comme l'a dit, tout à l'heure, le ministre de l'Agriculture, on ne pourrait pas avoir un nantissement de la forêt qui est debout vu qu'elle sert déjà de garantie réelle au prêt hypothécaire. Mais il est possible d'envisager la situation où, en l'absence d'une hypothèque sur le fonds de terre, vous pourriez avoir un nantissement qui s'appliquerait exclusivement au bois qui est debout, et à ce moment, le créancier, en vertu de l'acte de nantissement, qui voudrait exécuter sa garantie... Si le député de Beauce-Sud m'écoutait, je pourrais lui donner des explications...

M. BURNS: II vous écoute.

M. CHOQUETTE: ... le créancier pourrait exécuter sa créance non pas contre le fonds du terrain mais exclusivement contre le bois qui est debout ou le bois qui vient d'être coupé et qui attend d'être transporté ailleurs. Ce sont deux droits réels différents qui sont, d'une certaine façon, un peu incompatibles. Ils ne peuvent pas coexister en même temps, mais ils ne visent pas précisément la même chose malgré que le bois debout, dans les deux circonstances est un droit réel.

M. BURNS: Je pense que nous comprenons très bien, M. le ministre, ce que vous êtes en train de dire. Evidemment, quand on parle d'un nantissement, on ne parle pas d'hypothèque.

M. ROY: C'est clair.

M. BURNS: Nous le comprenons et je pense que le député de Beauce-Sud et moi nous entendons très bien avec vous là-dessus. Mais ce nantissement qui, en soi, est quelque chose qui s'adresse à un bien meuble, quand on entend... Non?

M. CHOQUETTE: Non. Je crois que le nantissement, dans le sens où il est compris dans ce projet de loi, s'adresse autant à des biens immeubles qu'à des biens meubles. Exemple, le bois qui est debout est un bien immeuble.

M. BURNS: C'est cela.

M. CHOQUETTE: Donc, ce bois est susceptible de faire l'objet d'un nantissement. Il peut faire l'objet d'une hypothèque, si on voulait aussi, mais il peut aussi faire l'objet d'un nantissement. Par exemple, une compagnie — je vais donner une comparaison dans le domaine commercial — qui émet une émission d'obligations sur l'ensemble de ses biens, par exemple, ses biens immeubles, tous ses camions, ses autobus, sa machinerie, etc, vous avez un acte d'hypothèque qui s'applique à la fois à ses biens immeubles et ses biens meubles. Vous avez, en somme, dans le domaine commercial, l'analogie qui est exactement la même en ce qui concerne ici le nantissement agricole. Prenez d'autres articles, en particulier, dans 1979, le nantissement agricole touchera, par exemple, le troupeau, il pourrait toucher la machinerie et vous avez des biens meubles.

M. BURNS: C'est cela.

M. CHOQUETTE: Et il peut toucher, d'un autre côté, des bâtiments aussi, en même temps, et il peut toucher de la forêt qui est debout. Donc, l'avantage du contrat de nantissement est de couvrir l'ensemble d'une exploitation et de couvrir à la fois les biens meubles et les biens immeubles.

Il est possible, cependant, dans la situation qu'a signalée le ministre de l'Agriculture qu'advenant que vous ayez une hypothèque sur le fonds de terre cela vous empêche de procéder à un nantissement des mêmes biens ou d'une partie des mêmes biens, puisque les arbres qui sont debout sont immeubles et seraient couverts par l'hypothèque. Par conséquent, ils ne pourraient pas être hypothéqués deux fois.

M. BURNS: Je ne suis pas un expert dans ça. Au risque de me tromper ou au risque de passer

pour un grand naïf — c'est simplement dans le but de clarifier quelque chose — est-ce que je vous ai bien compris quand vous m'avez dit que le nantissement agricole peut s'appliquer à des biens immeubles?

M. CHOQUETTE: II peut s'appliquer autant à des immeubles qu'à des meubles. Il s'applique à un ensemble. En fait, l'avantage d'un contrat de nantissement, c'est qu'il peut couvrir l'ensemble d'une exploitation. Il n'est pas comme un acte d'hypothèque qui s'applique exclusivement à des immeubles, parce qu'avec un acte d'hypothèque vous pouvez seulement hypothéquer des biens immeubles. Vous ne pouvez pas inclure les biens meubles, tandis qu'avec l'acte de nantissement vous pouvez inclure tout. Vous pouvez inclure, par exemple, les scies pour scier le bois en question, le tracteur etc.

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Article 4, adopté?

M. ROY: Un instant.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Un instant, M. le Président. Je ne veux pas faire de l'obstruction systématique sur ce projet de loi, je veux être bien clair, mais je me place au niveau d'une institution prêteuse, à ce moment-ci. J'ai encore bien des choses à apprendre, même si j'ai travaillé pendant de très nombreuses années dans ce domaine particulièrement. J'ai été un peu surpris quand le ministre m'a dit tout à l'heure qu'on peut nantir des bâtisses de ferme. Cela ne se fait pas. Je n'en ai jamais vu. Peut-être que j'ai encore bien des choses à voir, je vais l'admettre, mais la loi de nantissement agricole ne permet pas le nantissement de bâtisses de ferme. Cela est clair, net, c'est bien dans la loi.

Quand on parle de nantissement forestier, je me demande jusqu'où la loi actuelle peut avoir une réelle valeur. Parce que si on avait amendé la Loi du crédit agricole de façon qu'on puisse hypothéquer, avec des clauses spéciales de nantissement, là, je serais d'accord avec le ministre de la Justice. Mais, à ce jour, vous avez 95 p.c. des fermes au Québec ou à peu près — je n'ai pas les statistiques— qui sont déjà hypothéquées envers l'Office du crédit agricole ou envers la Société du crédit agricole fédérale. Alors, s'il y a 95 p.c. des fermes qui, à cause de ce fait, sont placées dans une situation où elles ne peuvent pas se prévaloir de la loi actuelle, il reste seulement 5 p.c. des gens. D'après ce que je sais de la loi — je n'ai pas le droit, évidemment, de parler de la future loi, que je ne connais pas, qui va être présentée par le ministère des Terres et Forêts — suite aux nombreuses discussions qui ont eu lieu soit en commission parlementaire, soit ici même à l'Assemblée nationale, soit encore à l'occasion de l'étude des crédits, il s'agit d'une loi qui serait à peu près l'équivalent de la Loi de l'Office du crédit agricole pour faire des prêts à long terme. Cela va bien. Mais, pour expliquer mon point, je vais prendre un exemple typique. Une personne, une société, une caisse d'épargne et de crédit ou une caisse populaire a prêté $8,000 en vertu de la nouvelle loi du nantissement agricole à un agriculteur. L'agriculteur ne fait pas les versements. Il ne paie pas l'intérêt, non plus. Alors, le créancier, en somme la caisse populaire, devra exercer ses droits prévus à l'article 1979c), s'il veut se faire payer. Comment pourra-t-il se faire payer s'il y a une hypothèque sur la ferme? C'est là le point. Il faudrait qu'il y ait des dispositions précises dans la loi — je n'en retrouve pas dans la modification de la loi, dans le code civil — qu'il y ait une autorisation écrite expresse qui permet à une personne de faire couper le bois pour percevoir son argent. Si ce n'est pas prévu, comment le créancier pourra-t-il exercer son droit de recours? C'est là le point.

M. TOUPIN: M. le Président, ce que le député de Beauce-Sud apporte comme exemple pourrait se retrouver dans les faits.

M. ROY: Bien oui.

M. TOUPIN: Mais, il y a une chose, aussi, qui est évidente en soi. C'est qu'une banque ou une caisse populaire, lorsqu'elle consent un prêt à un agriculteur en vertu de la loi du nantissement, ou du nantissement agricole ou du nantissement forestier éventuellement, si toutefois une telle loi vient, avant d'accorder ce nantissement, la banque ou la caisse populaire ou l'institution prêteuse s'assure que les biens qui seront nantis pourront, un jour ou l'autre, faire l'objet, en tant que tels, du remboursement du prêt si l'emprunteur décide de ne pas rembourser la banque.

De telle sorte que, lorsqu'une banque ou une caisse prête sur nantissement, elle prête pour beaucoup plus de biens qui sont parfois nécessaires pour garantir l'emprunt. J'apporte un exemple. Le producteur forestier qui, à l'hiver, fait 200 cordes de bois pour fins de vente au printemps, il veut financer son entreprise. Il va trouver une banque et il dit: Est-ce que vous êtes intéressée à nantir le bois que j'ai? La banque va alors lui poser des conditions. Elle va dire: Oui, on est d'accord. On va nantir ces biens. Mais, chaque fois que vous allez vendre le bien, vous allez nous en informer ou l'acheteur éventuel devra nous en informer, si cette condition existe. Si cette condition n'existe pas, la banque peut dire: Je vais vous prêter mais seulement 10 p.c. sur le bois que vous avez de coupé et pour le reste vous allez me donner votre camion en garantie. Vous allez me donner votre autre morceau de forêt en garantie. Vous allez me donner votre autre équipement en garantie, de telle sorte que la banque et la caisse

se protègent toujours. Les institutions prêteuses, là-dessus, n'ont jamais connu de problème jusqu'à maintenant.

Ce qui est encore plus important, c'est que ce projet de loi va permettre aux agriculteurs d'offrir des biens en garantie qu'ils ne pouvaient pas offrir auparavant parce qu'on élargit l'éventail des biens à être offerts. Ces éventails de biens, on ne les retrouve pas dans ce projet de loi. On les retrouve dans les lois particulières du crédit agricole ou éventuellement du crédit forestier. C'est ainsi que les problèmes se règlent. Jamais les banques ou les caisses n'ont porté plainte, ou à l'office ou au ministère, parce qu'un agriculteur n'avait pas remboursé son prêt. Ce n'est jamais arrivé. Mais c'est déjà arrivé par ailleurs que l'agriculteur qui devait rembourser $5,000 d'emprunt n'a pas pu en rembourser plus de $3,000 parce qu'une faillite est venue.

Donc, il y a une disposition de la loi dans le nantissement agricole du ministère de l'Agriculture, administrée par l'office, qui dit que le gouvernement garantit 10 p.c. du total des prêts, de telle sorte que ni les banques, ni les caisses n'ont jamais perdu dans ces lois.

M. ROY: Je suis bien d'accord. Mais le point, ce n'est pas le moment où le prêt est consenti. En...

M. TOUPIN: Sûrement.

M. ROY: ... supposant qu'une personne fait un prêt — c'est la dernière fois, M. le Président, que je me lève sur cette question.

Si ce n'est pas clair, je vais tout simplement, à la fin de l'étude de l'article, demeurer dissident sur ce point parce que je veux que ce soit bien clair. Lorsque nous avons — je parle un peu en connaissance de cause — à recouvrer des créances en vertu de prêts qui sont consentis en vertu de la Loi de l'amélioration des fermes, c'est-à-dire la Loi du nantissement agricole, lorsque c'est de la machinerie agricole, nous l'identifions, nous avons les numéros de série, nous avons tout. Alors il s'agit, de par la loi, de partir et d'aller chercher la machinerie.

Dans le cas des animaux, c'est une chose qui peut aussi se faire. Parfois, il faut faire très très vite parce que des camions, la nuit... J'ai déjà vu des gens qui ont chargé leurs animaux à minuit, deux heures du matin et le lendemain matin, ils étaient abattus, ils étaient déjà dans les frigidaires et il y avait même déjà des morceaux de viande qui étaient partis chez les épiciers. Cela veut dire que c'est assez difficile à récupérer, à ce moment-là.

Dans le cas du bois, il est évident que le bois est là, mais le point où j'en suis — et c'est là l'objet de ma question — c'est qu'advenant le refus de la personne d'exécuter son engagement de couper tant de cordes de bois, vous allez me dire que le bois demeure là, oui, mais on ne peut quand même pas le laisser là indéfiniment parce qu'il n'y a pas d'assurance là-dessus.

Nous savons, à l'heure actuelle, que dans les coupes de sapin et d'épinette, pas dans les coupes mais dans les forêts de sapin et d'épi-nette, entre autres, il y a eu de la maladie, il y a des insectes. Il y a même des lots boisés qui sont menacés, complètement menacés. Ce que je veux savoir du ministre — c'est le point — c'est quel serait le recours? Je ne retrouve pas de disposition dans la loi, actuellement, qui me donne satisfaction. Quelle serait la disposition qui pourrait me donner tous les droits pour obliger cette personne à couper le bois et, si elle refuse, d'engager quelqu'un et aller en couper? Parce qu'il n'y a pas d'autre moyen, M. le Président. Nous avons déjà été obligés de le faire dans le passé. Si nous avons réussi à passer, c'est parce que nous avions eu la chance heureuse d'être le deuxième créancier hypothécaire et nous avons dû communiquer avec l'Office du crédit agricole. Si je parle de ces choses, c'est que cela a été extrêmement difficile d'avoir la permission de l'Office du crédit agricole pour pouvoir aller faire la coupe du bois pour pouvoir récupérer notre argent. Cela a été extrêmement difficile.

Alors, si on veut y aller...

M. TOUPIN: Je ne veux pas faire de débat...

M. ROY: ... réellement et si on veut que cette loi rende réellement service à la classe agricole, il faut faire en sorte que le créancier hypothécaire ne soit pas pris de façon à ne pas être en mesure de consentir des prêts à cause, justement, de ces obstacles parce que, dans le crédit forestier, il s'agit de quelque chose de nouveau, complètement nouveau. Il y a quelques institutions, de très très rares institutions qui ont osé le faire, et celles qui l'ont fait, dans le passé, ont quand même quelques cas de jurisprudence qui incitent justement à la prudence et à des précisions dans la loi.

M. TOUPIN: M. le Président, ce que je voudrais dire au député de Beauce-Sud — je ne veux pas argumenter très longtemps là-dessus — c'est que cette loi n'autorise pas pour autant une banque à prêter à un agriculteur. Elle peut le faire, mais elle vient compléter une loi du crédit.

C'est dans la loi de crédit que nous trouvons les conditions de prêt garanti par le gouvernement. Si les prêts ne sont pas garantis par le gouvernement, en vertu de cette loi toute banque et toute caisse peuvent accepter des nantissements mais ce seront et la banque et la caisse qui à ce moment-là détermineront les conditions du prêt. La loi n'est pas faite pour ça, elle permet seulement de nantir, c'est tout ce qu'elle fait.

On va retrouver dans les lois de crédit les conditions qui doivent être posées pour que le

gouvernement garantisse cet emprunt. Cette loi-là, chaque fois qu'on amende les lois de nantissement, on l'amende. C'est la loi du code civil.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 6, adopté. Article 7, adopté. On revient au bill 85.

Projet de loi no 85 Commission plénière (suite)

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 1 a), adopté. Article 1 b). Avez-vous le bill?

M. ROY: Le projet de loi no 85? LE PRESIDENT (M. Blank): Oui.

M. ROY: Quand on n'a pas la loi, c'est difficile d'arriver...

Non, je l'ai la loi là mais cela vous démontre que nous avons eu le temps d'en faire une étude judicieuse.

M. TOUPIN: Je peux, M. le Président, donner des explications pertinentes à chacun des articles et dire pourquoi ces amendements. Si des questions peuvent être posées par les députés de l'Opposition, je serais bien disposé à y répondre.

J'aurai simplement un amendement à proposer à l'article 1, que je suis prêt à déposer tout de suite, qui ne change absolument rien au principe mais qui change la façon dont le principe pourrait être appliqué.

Lors de la rédaction, nous avons rédigé l'article 1 sous une forme qui ne correspond pas directement aux objectifs visés. L'amendement aurait simplement pour but, après le mot condition, ...l'article 1 se lit comme suit: Paragraphe a): Ajouter par l'addition, à la fin du paragraphe c), des mots suivants: II signifie également, dans le cas de propriété indivise d'une ferme, plusieurs personnes physiques, à condition que, parmi celles-ci, celles qui détiennent au moins 60 p.c. des droits de propriété soient des exploitants agricoles.

L'amendement qu'on apporterait serait simplement celui-ci: On le lirait comme ceci: II signifie également, dans le cas de propriété indivise d'une ferme, plusieurs personnes physiques, à condition que, parmi celles-ci, il se trouve un ou plusieurs exploitants agricoles détenant au moins 60 p.c. des droits de propriété de la ferme." C'est simplement la précision qu'il faut apporter pour être certain que ce soient des propriétaires qui ...cela ne va pas?

C'est un amendement qui apporte des précisions pour déterminer exactement ce que c'est que les propriétaires qui détiennent 60 p.c. des droits de propriété.

M. ROY: Dans la loi, donc vous modifiez la loi, à 60 p.c; dans l'ancienne loi, avant qu'elle ne soit modifiée, c'était quoi?

M. TOUPIN: C'était 50 p.c. J'ai rédigé 60 p.c. parce que le total des emprunts pourra être majoré jusqu'à $50,000, alors qu'avant il était seulement de $25,000. On a été plus exigeant vis-à-vis des propriétaires de fermes dites de propriété collective.

M. ROY: D'accord.

L'article comporte quand même des sous-paragraphes: a, b, c, d, e, f, g, h, M. le Président. Je vous dis qu'étudier une loi aussi importante à onze heures moins cinq, le 23 décembre, alors qu'on vient tout juste de l'avoir, les copies sont encore chaudes!

M. TOUPIN: Je n'ai pas d'inconvénient, M. le Président, à ce qu'on le rediscute demain.

M. ROY: M. le Président, j'aimerais avoir le temps de jeter un coup d'oeil.

M. LEVESQUE: Avec plaisir, on va demander au président de faire rapport. Il y a un projet de loi dont l'étude est terminée; quant à ce projet de loi, ce deuxième, nous ferons état de la question.

M. ROY: M. le Président, je vois un nouveau membre de l'Opposition, je vais changer de siège.

M. BOURASSA: ... la troisième lecture à présenter, on va être d'accord.

M. LACROIX: M. le Président, ... discuter avec des enfants, on n'aimerait pas discuter avec une personne intelligente.

M. BLANK (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le projet de loi no 97 est adopté sans amendement, et pour le projet de loi no 85, je demande la permission de siéger à nouveau.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Est-ce que ces deux rapports sont agréés?

M. BURNS: Agréé, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): Agréé. Troisième lecture du projet de loi...

M. BURNS: Séance subséquente.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Brisson): ... séance subséquente.

Rapport sur les projets de loi nos 7 et 201

M. LEVESQUE: M. le Président, j'aimerais suggérer que nous prenions en considération les

rapports sur les projets de loi no 7 et 201; le projet de loi no 7, Loi sur les assurances et le projet de loi no 201, Loi modifiant la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'on prend en considération les rapports des commissions?

M. LEVESQUE: Oui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que ces rapports sont adoptés? Les deux rapports sont adoptés?

M. BURNS: M. le Président, je ne sais pas, dans le cas des assurances, si le ministre a des amendements; je pense que oui. Je ne veux prendre personne par surprise; aussi, je vous indique que je ne serai pas d'accord pour dépasser minuit.

M. LEVESQUE: Non, je suis d'accord... M. BURNS: Je voudrais que ce soit bref.

M. LEVESQUE: ... mais les amendements sont incorporés.

M. TETLEY: Non, j'en ai ajouté un. Il y a plusieurs amendements qui ont été adoptés à la commission, mais il y a un seul amendement dont j'ai donné avis et que j'ai déposé, suivant le règlement, avant quinze heures, vendredi dernier. C'est un amendement à l'article 420zl. Je voulais ajouter le mot "raisonnable" après le mot "proportion", afin que la proportion des investissements soit raisonnable au Québec. Je voudrais retrancher après le mot "Québec", dans la septième ligne dudit paragraphe, les mots suivants "ainsi que la nature et la forme de ces investissements", parce qu'il y avait un problème peut-être. Les compagnies d'assurance qui ont des investissements compliqués, qui vendent et achètent des actions et des obligations, pour $2 millions ou $3 millions par jour, seraient peut-être affectées dans leurs investissements par une loi trop compliquée, trop rigide. Avec les mots "proportion raisonnable", mes conseillers m'ont avisé que c'était assez pour les contrôler.

M. BURNS: Et vous enlevez le mot raisonnable.

M. TETLEY: Nous ajoutons le mot raisonnable, mais nous enlevons les mots...

M. BURNS: Vous ajoutez raisonnable et vous enlevez ce qui reste après "Québec".

M. TETLEY: C'est ça. M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Si je comprends bien, l'amendement proposé par l'honorable ministre des Institutions financières à l'article...

M. TETLEY: 420zl.

LE PRESIDENT: ... 420zl du projet de loi no 7, est-il adopté? Rapports adoptés maintenant?

M. LEVESQUE: Rapport du bill 7 adopté et bill 201, adopté.

LE PRESIDENT: Est-ce que ces rapports de la commission qui a étudié le projet de loi no 7 et de celle qui a étudié le projet de loi no 201 sont adoptés?

M. BURNS: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose maintenant l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 58)

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