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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 22 novembre 1979 - Vol. 21 N° 70

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures dix minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Présence de MM. Rethoré et Soisson

Je voudrais signaler la présence aujourd'hui dans les galeries du ministre de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs de France, accompagné du nouveau consul général de France à Québec, M. Henri Rethoré et du conseil d'administration de l'Office franco-québécois pour la jeunesse qui se réunit présentement à Québec. J'ai donc l'honneur de saluer en votre nom à tous, M. Jean-Pierre Soisson.

Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale

Compte tenu de l'arrivée parmi nous aujourd'hui de nouveaux membres de l'Assemblée nationale, j'ai assigné à la formation de l'Opposition officielle de même qu'à la formation de l'Union Nationale de nouveaux sièges qu'ils occupent déjà. Je voudrais simplement produire le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale.

Certificats d'élection dans trois comtés

J'ai maintenant l'honneur d'informer l'Assemblée que le secrétaire général de l'Assemblée nationale a reçu du directeur général des élections les certificats d'élection suivants:

Québec, le 22 novembre 1979.

M. le secrétaire général de l'Assemblée nationale, Cité parlementaire, Québec.

Cher monsieur, je certifie que, conformément à un bref d'élection émis le dix-septième jour d'octobre 1979 et adressé à M. Jacques Drouin, marchand, président d'élection dans le district électoral de Beauce-Sud et domicilié à Saint-Georges-Est, M. Hermann Mathieu, notaire, a été, ainsi qu'il appert du rapport en date du 22 novembre 1979 qui se trouve dans les archives de mon bureau, élu député du collège électoral de Beauce-Sud à l'Assemblée nationale du Québec, en remplacement de M. Fabien Roy, directeur-gérant, démissionnaire." Et c'est signé du directeur général des élections, Pierre-F. Côté.

M. le chef de l'Opposition, je vous invite à aller accueillir le nouveau membre, le nouveau député de Beauce-Sud. "Québec, le 22 novembre 1979.

M. le secrétaire général de l'Assemblée nationale, Cité parlementaire, Québec.

Cher monsieur, je certifie que, conformément à un bref d'élection émis le dix-septième jour d'octobre 1979 et adressé à M. Jacques Marleau, superviseur, président d'élections dans le district électoral de Maisonneuve et domicilié à Montréal, M. Georges Lalande, avocat, a été, ainsi qu'il appert du rapport en date du 22 novembre 1979 qui se trouve dans les archives de mon bureau, élu député du collège électoral de Maisonneuve à l'Assemblée nationale du Québec, en remplacement de M. Robert Burns, avocat, démissionnaire." C'est signé du directeur général des élections, Pierre-F Côté.

M. le chef de l'Opposition, allez accueillir votre nouveau membre. "Québec, le 22 novembre 1979.

M. le secrétaire général de l'Assemblée nationale, Cité parlementaire, Québec.

Cher monsieur, je certifie que, conformément à un bref d'élection émis le dix-septième jour d'octobre 1979 et adressé à M. Pierre Boivin, avocat, président d'élection dans le district électoral de Prévost et domicilié à Saint-Sauveur-des-Monts, Mme Solange Chaput-Rolland, journaliste, a été, ainsi qu'il appert du rapport en date du 22 novembre 1979 qui se trouve dans les archives de mon bureau, élue députée du collège électoral de Prévost à l'Assemblée nationale du Québec en remplacement de M. Jean-Guy Cardinal, notaire, décédé. Le directeur général des élections, Pierre-F. Côté".

M. le chef de l'Opposition, allez accueillir votre nouveau membre.

A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais indiquer aux gens qui assistent aux affaires du jour dans les galeries que, les circonstances s'y prêtant et de manière tout à fait exceptionnelle, on a toléré qu'on puisse manifester, mais, maintenant que nous en sommes vraiment aux affaires du jour, je vous demande de respecter la règle et de ne plus manifester.

Aux affaires du jour. Oh! Je m'excuse.

M. le chef de l'Opposition. (14 h 20)

Accueil des nouveaux députés

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, vous comprendrez facilement la joie qui anime le groupe des députés de notre parti aujourd'hui, en cette circonstance où nous accueillons dans nos rangs trois nouveaux députés qui viennent d'être l'objet de la faveur populaire d'une manière absolument éloquente et dont la signification ne devrait laisser aucun doute dans l'esprit de personne. Le 14 novembre dernier, les trois candidats de notre parti aux élections complémentaires de Beauce-Sud, de Maisonneuve et de Prévost ont remporté des victoires dont je voudrais très brièvement signaler l'ampleur, afin qu'on en comprenne mieux la signification. Dans ces trois circonscriptions, aux élections générales de 1976, le parti ministériel, qui présentait évidemment des candidats dans chacune cette fois-ci, avait remporté 38 000 voix environ sur 91 000 tandis que notre parti en avait

remporté seulement 25 000. Cette fois-ci, dans les trois mêmes circonscriptions, le pourcentage du parti ministériel est tombé à 38,6%, d'après mes calculs, tandis que celui du Parti libéral est passé à 60,5%.

Des Voix: Oh!

M. Ryan: Le nombre de voix accordées aux ministériels a connu une chute de 5000, tandis que le nombre de voix accordées au Parti libéral a connu une progression de 27 000. Ces chiffres se situent exactement dans la même perspective que les résultats des trois élections complémentaires qui avaient précédé, au cours des derniers mois, dans les comtés de Notre-Dame-de-Grâce, d'Argenteuil et de Jean-Talon.

Si l'on fait le total des voix exprimées à l'occasion de ces six élections complémentaires, on constate que le Parti libéral a remporté 61% des voix dans les six circonscriptions soumises au jugement de la population tandis que le parti gouvernemental devait se contenter de 32,90%. Alors que la fois précédente, en 1976, notre parti avait obtenu 35% des voix seulement et il a vu grimper son total, comme je viens de le dire, à 61% cette fois-ci, le parti ministériel est passé de 34,9% à 32,8%. Evidemment, les décimales sont sujettes à ajustement, parce que j'ai calculé rapidement à l'aide d'une calculatrice qui n'est pas aussi perfectionnée que celle dont on dispose sans doute de l'autre côté de la Chambre.

M. le Président, cette faveur populaire non équivoque accordée à notre parti tient, j'en suis convaincu, d'abord à l'acceptation dans la population du mouvement de renouveau en profondeur qui se poursuit au sein de notre formation depuis au-delà d'un an et demi. Chaque fois que ce message a été présenté à la population, un message de rapprochement du peuple, de service aussi désintéressé qu'il est humainement possible de le concevoir, la réponse de la population est formidable. D'ailleurs, ceci ne vaut pas seulement pour notre parti; je pense que c'est la règle profonde de la démocratie.

Deuxièmement, je crois que les électeurs ont voulu signifier qu'ils font davantage confiance en notre parti, en ce qui touche l'avenir constitutionnel du Québec, qu'au parti d'en face dont l'option a fait l'objet d'une présentation éclatante, à l'aide de fonds publics considérables, quinze jours avant la journée du scrutin et j'ai l'impression que cet événement a aidé notre cause au lieu d'aider celle du gouvernement.

Les électeurs nous signifient également qu'ils sont beaucoup plus enclins à favoriser des politiques d'équilibre en matière de culture et de langue, en particulier. Malgré certaines impressions superficielles qu'on a pu tirer de sondages qui ne tenaient pas compte de toute la réalité, les constatations que nous faisons, nous, sur le terrain, nous indiquent que nos concitoyens veulent favoriser des politiques d'équilibre dans ce domaine et il en va de même d'ailleurs dans le domaine économique où l'on veut avoir à la tète des affaires une équipe qui manifeste un souci de tenir compte de tous les aspects de la réalité et non pas seulement de certains objectifs doctrinaux que l'on a pu inscrire dans un programme.

Je suis témoin, une nouvelle fois, M. le Président, à l'occasion de l'événement d'aujourd'hui, de la qualité du processus démocratique dans notre société. Les élections — je pense qu'on peut le dire de part et d'autre — se sont déroulées sans que des facteurs de violence n'interviennent, sans que des irrégularités graves ne viennent troubler le libre fonctionnement du processus démocratique. Je pense que nous devons tous nous en réjouir et, personnellement, je le souligne avec beaucoup de satisfaction. On constate également que l'acceptation du verdict populaire se fait, sous notre régime de gouvernement, d'une manière harmonieuse, paisible et efficace. Une fois que les électeurs ont parlé, les événements suivent leur cours et ceux qui ont reçu le mandat de les représenter viennent occuper leur place légitime au sein du Parlement. Je pense que c'est un spectacle d'une grande beauté dont il y a lieu de souligner la grandeur en une occasion comme celle-ci.

Autant je veux féliciter les nouveaux députés et les accueillir dans notre formation avec toute la chaleur possible, je tiens à remercier les électeurs qui leur ont accordé leur confiance et qui, du même coup, ont accordé leur confiance au parti que je dirige. Ils sont représentés aujourd'hui dans les galeries et dans d'autres parties de cet édifice parlementaire par de nombreux citoyens qui ont tenu à venir célébrer l'événement avec les nouveaux élus. Je regrette seulement qu'il n'ait été impossible, pour des raisons physiques, d'en accueillir un plus grand nombre dans cette enceinte. Encore une fois, j'exprime à tous les citoyens — ceci vaut également pour ceux qui sont d'une autre allégeance politique — les remerciements de ceux qui les représentent ici pour l'engagement dont ils ont fait preuve pendant les campagnes électorales très animées dont nous sortons. Je pense que c'est cela qui est le plus grand de tout. Il y a peut-être à l'heure actuelle, dans notre démocratie québécoise, un plus haut taux de participation spontanée, libre, gratuite et enthousiaste qu'à beaucoup d'autres époques de notre histoire et je suis content de voir que dans la mesure où ce phénomène s'accroît, dans la même mesure il semble vouloir favoriser notre formation politique.

La circonscription de Beauce-Sud est reconnue, M. le Président, pour son esprit d'initiative, pour le dynamisme de ses entreprises, pour son indépendance et sa liberté d'esprit. Le député qui aura l'honneur de représenter la circonscription de Beauce-Sud dans notre Parlement est à l'image de cette population qui l'a élu. Taillé dans le bois franc, incarnation vivante de la débrouillardise et de la vigueur beauceronne, le nouveau député de Beauce-Sud a le langage direct, simple et vrai des gens de sa région.

Il apporte en même temps à cette Chambre un actif très important, celui d'une carrière profes-

sionnelle bien remplie, d'une vie très largement consacrée, depuis de nombreuses années, au service bénévole de ses concitoyens et d'une précieuse expérience dans la chose publique, expérience acquise à la fois dans l'exercice exemplaire d'une profession aussi ancienne que nos valeurs les plus chères, le notariat, et aussi d'une fonction publique délicate entre toutes, celle de coroner, dont il s'est acquitté pendant de nombreuses années avec un courage et une liberté d'esprit au-dessus de tout reproche.

Dans Maisonneuve, les électeurs ont choisi, en la personne de leur nouveau député, un représentant qui était, avant de se lancer en politique, un administrateur public de grande qualité, dont le gouvernement précédent et le gouvernement actuel avaient, d'ailleurs, reconnu la compétence exceptionnelle en lui confiant des fonctions qui sont parmi les plus difficiles et les plus exigeantes de toutes, soit tour à tour celle de directeur des greffes au palais de justice de Québec et, ensuite, au palais de justice de Montréal où régnait, on s'en souvient tous, une situation qui demandait l'intervention d'une main vigoureuse. Le nouveau député de Maisonneuve a laissé de côté une carrière déjà très brillante dans la fonction publique pour se lancer dans la politique active. Malgré certaines garanties dont il disposait en raison de son statut de fonctionnaire, il courait des risques certains en acceptant l'engagement dans un parti politique comme il l'a fait. Je le félicite des sacrifices auxquels il a consenti. Je veux assurer cette Chambre qu'il a gagné son élection durement en usant plusieurs paires de semelles pendant les semaines où il a fait campagne. Les électeurs ont vraiment choisi, je pense, dans cette circonscription, celui des candidats qu'ils ont eu l'occasion de connaître de plus près et qui s'est manifesté à eux avec un souci très prononcé de comprendre leurs problèmes, de se mettre à leur écoute et de leur faire voir qu'il serait entièrement disponible pour les servir, si on lui accordait la confiance populaire. (14 h 30)

De la nouvelle députée de Prévost, il n'est rien, M. le Président, qu'on ne connaisse déjà ou qu'on n'ait déjà dit. Je soulignerai, néanmoins, qu'après s'être taillé une place exceptionnelle dans les grands débats relatifs à la vie et à l'avenir de ce pays et dans la vie journalistique, la nouvelle députée de Prévost, à un stade de sa carrière où on commence d'ordinaire à songer aux joies du repos, a accepté un défi exceptionnel et l'a, d'ailleurs, vaincu d'une manière qui a dépassé toutes les attentes de ses concitoyens.

Toute la vie politique de la nouvelle députée de Prévost s'est définie, jusqu'à maintenant, sous le signe de deux grands amours: celui de sa terre, Québec, qu'elle célèbre et aime avant toute autre chose et celui du Canada dont elle n'a cessé, pendant sa campagne, de faire voir, avec une noblesse exceptionnelle, les grandeurs et les aspects positifs, tout en soulignant les problèmes qui affectent actuellement notre système fédéral de gouvernement et qui exigeront, au cours des prochaines années, une action résolue en vue de mieux ajuster ses institutions, nos institutions politiques, aux besoins d'aujourd'hui.

La nouvelle députée de Prévost introduit dans notre débat politique une note d'élévation, de sentiments bien compris, authentiques, de noblesse, de franchise, de respect de l'adversaire dans la discussion qui contribuera sûrement à la promotion de certains objectifs qui vous sont chers dans cette Chambre, M. le Président, et que vous nous rappelez à l'occasion avec l'autorité que nous vous reconnaissons tous. Alliée à sa grande connaissance du Québec et du Canada tout entier, la nouvelle députée de Prévost apporte des qualités d'expression, une vivacité d'esprit, un éveil intellectuel qui sera sûrement un sujet de fierté, non seulement pour son groupe parlementaire, mais pour toute la Chambre.

Aux trois nouveaux députés que nous accueillons aujourd'hui, j'offre, au nom de mes collègues du groupe parlementaire libéral, mes félicitations chaleureuses et les sentiments de bienvenue les plus cordiaux. Je leur souhaite une longue et fructueuse carrière parlementaire.

M. le Président: M. le premier ministre. M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, vous comprendrez — et je suis sûr que nos amis d'en face comprendront aussi — que nous n'ayons pas tout à fait déliré d'enthousiasme tout à l'heure. Personnellement, je me souviens de 14 novembre qui étaient plus réconfortants que le dernier, des souvenirs que je partage avec le député de Bonaventure, mais, quoi qu'il en soit, je me joins très volontiers au chef de l'Opposition pour saluer l'arrivée en Chambre des trois recrues que la démocratie électorale vient d'ajouter aux effectifs parlementaires libéraux. Au nom de mes collègues, de ce côté-ci, à l'unanimité, j'en suis sûr, je veux leur souhaiter la bienvenue. Je n'ajouterai pas grand-chose, il n'y aurait plus grand-chose à ajouter au panégyrique que vient de faire à leur sujet le député d'Argenteuil, sauf pour souligner tout de même en passant l'excellente formation politique qu'a reçue, dans un autre parti, jusqu'à la veille même du scrutin, le nouveau député de Maisonneuve.

Evidemment, je ne peux rien ajouter non plus à l'éditorial très légèrement partisan qu'a également fait le député d'Argenteuil sur les élections, sauf pour noter tout de même qu'il ne faut — cela on l'apprend en politique, après un certain nombre d'années — jamais prendre trop vite ses désirs pour des réalités. On voit, par exemple, sur le plan fédéral, que tout gouvernement, le long de la route et parfois même au tout début de la route, peut perdre des élections, il faut s'attendre à de telles épreuves. Dans notre cas, je ne répéterai pas à quel point ça nous a déçus, mais à quel point ça nous a peut-être aussi très utilement secoués.

D'ailleurs, comme le montre le départ, hier, de M. Trudeau, les victoires en partielles ne sont pas

toujours garantes d'un avenir aussi sûr que le député d'Argenteuil voudrait s'en convaincre.

Cela dit, on me permettra, très brièvement, M. le Président, de remercier, pour notre part, tous les électeurs qui ont voté pour nos candidats, le 14 novembre, et, en même temps que les militants, dans des circonstances très difficiles, de féliciter de tout coeur ces trois candidats, M. Desmarais, M. Harvey et M. Boisvert, qui ont fait une lutte que plusieurs facteurs, qui n'avaient rien à voir avec eux personnellement, rendaient extraordinairement malaisée.

Cela dit, encore une fois, bienvenue à nos trois nouveaux collègues de la Chambre.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je voudrais, moi aussi, avec le chef de l'Opposition officielle, avec le premier ministre, féliciter les trois élus du 14 novembre, dans Beauce-Sud, dans Maisonneuve et dans Prévost. Je voudrais leur souhaiter la bienvenue dans cette Chambre et les assurer, au nom de notre formation politique, de notre amitié, de notre respect. J'ai connu un peu plus la nouvelle députée de Prévost, je voudrais vous assurer, M. le Président, que je suis heureux de voir sa présence ici. Je pense qu'elle peut nous aider à élever le ton du débat, au cours des prochains mois, peut-être apporter des solutions aux problèmes des Québécois, pour qu'on puisse, après, passer à d'autres préoccupations quotidiennes de nos concitoyens.

Alors, en particulier à la députée de Prévost, de même qu'aux deux autres députés, je les assure de notre aide, de notre amitié. Je leur souhaite la bienvenue encore une fois dans cette Chambre.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, je voudrais également m'associer à mes collègues pour souhaiter la bienvenue à ces trois nouveaux députés très représentatifs de la population. Je vous avoue que cela me fait presque plaisir de voir que même si ces députés ne représentent pas mon parti, à l'occasion de ces élections, je n'ai encore une fois rien perdu, moi, en tout cas. J'étais presque jaloux quand j'ai vu passer le chef de l'Opposition officielle près de mon pupitre, faire trois voyages; je me demandais pourquoi il ne m'en aurait pas laissé au moins un.

Toutefois, M. le Président, je voudrais souligner que la bonne chance qu'on souhaite à ces trois nouveaux députés, c'est en fonction du fait qu'on sait, nous qui sommes déjà en cette Chambre, que cela prend un peu de bonne chance pour pouvoir travailler selon ce que nos électeurs attendent de nous. Je suis persuadé que ces trois députés tenteront l'impossible pour bien remplir leur mandat. Je n'ai pas la chance de les connaître intimement tous les trois, mais j'ai eu la chance, cependant, de rencontrer à quelques reprises Mme la députée de Prévost. J'ai eu l'occasion d'être interviewé par elle et également de la rencontrer lors du passage à Québec de la Commission Pépin-Robarts.

Je vous avoue que j'ai toujours été impressionné par la façon positive dont elle posait ses questions, autant comme journaliste que comme membre de la commission Pépin-Robarts. Je suis persuadé que ceci se réflétera dans notre Assemblée pour le plus grand bien de l'ensemble de nos travaux. Bonne chance aux trois nouveaux députés.

Le Président: Merci.

M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Merci à tous mes nouveaux collègues pour l'accueil chaleureux. Hommage à M. le premier ministre ainsi qu'à tous les membres de cette Assemblée. Veuillez croire, M. le Président, en mon entière collaboration et à ma soumission au règlement.

Franchir le seuil de cette auguste enceinte, vous le savez, représente un honneur et un défi considérable, surtout lorsque l'on représente le plus beau comté de la province. Je veux remercier les électeurs de Beauce-Sud pour la confiance mise en mon humble personne. Je désire être le député de tous les électeurs sans égard à la partisanerie politique. (14 h 40)

Je veux remercier mes organisateurs, mes collaborateurs supporteurs, en particulier mon épouse, Hélène, qui fut d'un constant support. Egalement, hommages et salutations à M. Raymond Boisvert, mon adversaire, pour sa courtoisie.

M. le Président, je veux profiter de l'occasion pour rendre hommage à mes parents, père et mère, tous deux décédés, mon père, Napoléon, ma mère, Joséphine. Mon père était un brave cultivateur et organisateur de l'UCC. La famille comptait treize enfants et je suis le onzième. Nous avons été élevés très modestement. Je veux les remercier pour l'héritage reçu, héritage que la rouille ni la vermine ne peuvent attaquer. J'ai dû quitter l'école de rang à l'âge de douze ans pour occuper diverses fonctions, comme apprenti fermier, bûcheron, commis au Syndicat coopératif l'Alliance de Saint-Ephrem et premier gérant de la Caisse d'établissement de La Chaudière, pour ensuite reprendre le chemin de l'école à l'âge de 25 ans, après une interruption de treize ans. J'ai dû faire mon cours classique au séminaire de Saint-Victor, ainsi qu'au séminaire Saint-Augustin de Cap-Rouge. Je veux en profiter pour remercier mes valeureux professeurs.

Une fois assermenté notaire, vous comprendrez que je me suis installé dans ma paroisse nata-

le, Saint-Ephrem, localité dont je suis fier à plusieurs titres. Je veux remercier cette population valeureuse, travailleuse, débrouillarde et inventive où règne un esprit d'unité extraordinaire, modèle de population qui a pris en main sa destinée. De 1973 à 1979, cette population a appris à cerner ses besoins et à les régler. En effet, la population de Saint-Ephrem a réalisé un phénomène qui devrait être crié à la grandeur du Québec. En sept ans, près de trois quarts de million furent recueillis par voie de souscriptions publiques servant à la réalisation de réseaux de loisirs, de santé et d'industries. La population croit que le salut spirituel vient d'en haut, mais elle a appris, M. le Président, que le salut matériel vient d'en bas. Je veux donc dire merci à mes chers concitoyens de Saint-Ephrem pour l'appui presque unanime reçu le 14 novembre.

Je veux saluer le curé de la place, M. l'abbé François Germain, se remettant d'un malheureux accident. Merci également à la population de Saint-Victor qui m'a accueilli en son séminaire érigé à coups de sacrifices par les plus âgés. M. le Président, comme notaire, je veux adresser mes hommages à la Chambre des notaires du Québec, vous le comprendrez. Existe-t-il une réalité plus authentiquement québécoise que le notariat? Il s'agit de la profession la plus présente aux quatre coins du Québec, héritière du droit civil français. C'est avec fierté que je me proclame inscrit au tableau de l'Ordre des notaires.

M. le Président, à titre d'ancien coroner, je veux adresser des hommages aux corps policiers présents en Beauce, les remercier de leur inlassable collaboration, féliciter l'honorable ministre de la Justice d'avoir, sous ses ordres, un corps policier d'aussi haute qualité, entièrement dévoué à la protection du public et au service des citoyens, agissant avec grand professionnalisme et discipline.

Je dois, M. le Président, mon engagement politique à une délégation nombreuse de 700 personnes réunies à Saint-Ephrem le 18 juin dernier sous l'initiative des maires locaux, MM. Hervé Bernard et Marc Plante. Aussi, évidemment, mon engagement fut motivé par la présence de M. Claude Ryan à la tête d'un Parti libéral renouvelé. Je proclame que je suis fier de mon chef, homme honnête, intègre, franc, compétent, supérieurement intelligent, respectant les traditions et les valeurs morales du Québec, entièrement dévoué au service du peuple. Merci, M. le député d'Argenteuil, d'avoir su renouveler le Parti libéral et de le conduire vers un soleil levant plein de promesses.

De plus, l'option constitutionnelle de mon parti a également fortement motivé mon engagement. M. le Président, il y a à peine quelques mois, Beauce-Sud était le dernier comté sur lequel le Parti libéral pouvait former des espoirs. Je crois sincèrement que le phénomène qui s'est passé dans le comté de Beauce-Sud existe en puissance partout au Québec.

En acceptant de servir en cette Chambre, je veux avoir en vue les problèmes des gagne-petit, des assistés sociaux, des chômeurs, des étudiants, l'accès des jeunes au travail, être présent aux problèmes des agriculteurs, des artisans, des hommes d'affaires, des promoteurs de petites et moyennes entreprises. Je désire que l'appareil de l'Etat soit ramené à des proportions plus humaines afin que les normes soient au service du citoyen et non pas le citoyen au service des normes.

M. le Président, en conclusion, c'est sous le signe du service et de l'amour que je veux entreprendre mon mandat. Comme disait une maxime latine: Ubi amatur non laboratur, c'est-à-dire, où il y a de l'amour, il n'y a pas de travail. Si, en cours de route, mes espoirs venaient à s'éteindre, je me rappellerai ce court texte de Paul Claudel: "Ce que la politique ne peut faire, c'est à l'amour de l'achever".

Je tâcherai de compléter et féconder Claudel pour ce beau texte que je me permets de citer de saint Paul — je termine là-dessus — "Quand j'aurais la connaissance de tous les mystères et de toute la science, s'il me manque l'amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais mes biens aux affamés, s'il me manque l'amour, je ne gagne rien". Je mets en doute un peu l'Etat Providence dans le moment.

M. le Président, que ces paroles guident mes actions de parlementaire en cette Chambre et mes états de service au profit de mes chers électeurs de Beauce-Sud. Toujours fier d'être Beauceron, Québécois et Canadien.

Le Président: M. le député de Maisonneuve. M. Georges Lalande

M. Lalande: M. le Président, c'est avec un sentiment de fierté mais aussi de profond respect que j'entre aujourd'hui au sein de cette Assemblée. Notre tradition parlementaire qui prend sa source dans la théorie moderne de la séparation des pouvoirs politiques a toujours conservé et confirmé au Parlement, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale, sa pleine suprématie.

Je suis de ceux qui croient fondamentalement à cette suprématie parlementaire dans l'organisation de notre société. Je suis également de ceux qui croient, en corollaire, que les deux autres pouvoirs doivent se soumettre au pouvoir législatif, c'est-à-dire à la volonté directe du peuple. Cette perspective est d'autant plus claire pour celui qui, pendant de nombreuses années, a servi l'Etat tant au niveau de l'exécutif qu'au niveau du judiciaire. En effet, autant comme officier de justice que comme fonctionnaire de l'Etat, j'ai été à même de développer cette dimension nécessaire pour ceux qui oeuvrent au sein et au niveau du public, c'est-à-dire développer le sens de l'Etat et le respect de l'organisation étatique. (14 h 50)

Les pouvoirs de cette Assemblée sont très étendus. Pour paraphraser ce grand juriste de chez nous qu'était Me Jean-Charies Bonenfant, je pense comme lui que cette Assemblée aurait le pouvoir même de changer un homme en femme si elle le désirait, au point de vue juridique, évidem-

ment. Cela pour démontrer l'importance et le pouvoir de la décision parlementaire dans notre société.

Je remercie les gens de Maisonneuve de me permettre d'accéder sans la moindre ambiguïté à cette Assemblée. Bon nombre d'entre eux se sont d'ailleurs déplacés pour assister du haut des galeries à la session d'aujourd'hui. Cette confiance que les gens de Maisonneuve viennent de placer en moi à un moment difficile de notre histoire nationale n'aura pas été vaine, je l'affirme sans restrictions. Comme j'ai eu l'occasion de le répéter très souvent au cours des dernières semaines, mon rôle de député à l'égard de mes concitoyens de Maisonneuve sera d'être autant que possible la courroie de transmission privilégiée de leur communication vers ceux qui gouvernent le Québec.

Les problèmes sociaux et économiques sont nombreux dans notre comté de Maisonneuve. Dans bien des cas, ils sont causés uniquement par la lourdeur de l'appareil bureaucratique gouvernemental trop écrasant pour le simple citoyen. Je compte bien travailler à fond auprès des divers agents économiques et sociaux pour essayer autant que possible de réchauffer ce monstre froid, ce léviathan qu'est devenu l'Etat moderne.

Je remercie mes amis du Parti libéral du Québec et, de façon privilégiée, le chef du parti de m'avoir permis d'oeuvrer au sein d'une formation politique qui a, tout au cours de son histoire, toujours été présente et active dans l'émancipation extraordinaire du peuple québécois au sein du Canada.

Le Président: Merci, M. le député de Maisonneuve.

Mme la députée de Prévost.

Mme Solange Chaput-Rolland

Mme Chaput-Rolland: M. le Président, avant d'exprimer ma gratitude aux citoyens de Prévost, je vous prie de m'accorder un peu d'indulgence pour les bévues que je ne manquerai pas de commettre face au style parlementaire, puisque je ne le connais pas. Mais je l'apprendrai très vite et je me soumettrai à vos directives.

Je me dois de dire aux gens de Prévost qui sont là le plus vibrant merci pour m'avoir conduite à cette Assemblée nationale. Je n'ose pas dire que je suis émue, j'ai peur qu'on me taquine un peu, mais je le suis. Ils se sont mis à plus de 25 000 pour me donner leur appui et me faire part de leur accord avec les opinions exprimées tout le long de cette campagne. Et que veulent-ils donc, ces électeurs de Prévost? D'abord, que je rappelle avec respect la mémoire de I ex-député de Prévost qui occupait votre chaise à la vice-présidence et qui est mort au devoir. Il a besogné ferme pour ses idées. J'entends besogner ferme pour les miennes.

Les gens de Prévost veulent également que je défende d'abord leurs intérêts locaux et régionaux. Ce comté a une triple vocation, touristique, économique et agricole, et les besoins sont pressants. Ils veulent également que je témoigne de mon respect pour les responsabilités du premier ministre, de ses collègues et de ses députés. Ils m'ont fait savoir qu'ils espéraient que je continue dans cette Assemblée historique et nationale à faire valoir des convictions politiques qui répondent à leurs aspirations, tout en respectant les vues de ceux qui ne les partagent pas. Ils m'ont prié de dire clairement, sans équivoque et sans insistance, ma loyauté au chef de l'Opposition officielle, à ses directives, comme à mes collègues que je rejoins aujourd'hui avec beaucoup de fierté. Les citoyens de Prévost savent que je suis venue à la politique avec un peu d'appréhension et beaucoup d'hésitation. Mais ils n'ont pas été scandalisés par mes années errantes en quête d'un pays; ils n'ont pas été étonnés parce que, souventefois, j'ai ébranlé mes certitudes dans les visées politiques et constitutionnelles; ils ont compris et approuvé une démarche de plus de 20 ans d'accointance avec les milieux canadiens et québécois et ils se souviennent qu'en 1970, j'écrivais, ce que toute ma carrière confirme: "Je sens ce soir — je devrais dire cet après-midi, M. le Président — que jamais je ne parviendrai à détester la terre canadienne pour mieux aimer la terre québécoise."

J'entre donc à l'Assemblée nationale portée par l'estime des gens de Prévost et désireuse de partager pleinement et humblement les travaux de cette Chambre.

M. le Président, un dernier mot. Je suis désormais en politique active, à ce moment de ma vie, parce que c'était aussi l'année référendaire. L'Assemblée nationale deviendra, si elle ne l'est déjà, le creuset dans lequel se fondront bientôt les deux courants d'idées qui inspirent ceux qui croient au Canada et ceux qui y croient moins; mais les gens de Prévost y croient, M. le Président, la plupart d'entre eux me l'ont signifié, mais ils ne croient pas, et moi non plus, qu'il soit nécessaire de mépriser ceux qui ne partagent pas leurs opinions. M. le Président, à la minute où l'Assemblée nationale avalisait la tenue d'un référendum dans tout le Québec, tous les citoyens comprenaient que les tenants du oui ou du non avaient la même dignité, la même qualité d'être, le même souci de démocratie. Au nom de tous les citoyens de Prévost, M. le Président, je défendrai leur foi dans un Canada renouvelé, dans une fédération rajeunie et restructurée au nom de ce Québec qui devient de plus en plus conscient de la richesse de son héritage et de la grandeur des traditions qui ont germé, au cours des âges, dans la terre de nos aïeux. Je vous remercie.

Le Président: Aux affaires courantes.

Déclarations ministérielles. M. le ministre des Finances.

Etat des négociations dans les secteurs public et parapublic

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je crois qu'il est temps que je mette l'Assemblée nationale au

courant de l'état des négociations collectives dans les secteurs public et parapublic.

La première phase prévue par la loi 62 s'est en effet terminée à minuit, hier soir. Cela exige que l'on fasse le point. La loi stipule en effet qu'à minuit, hier soir, au plus tard, le gouvernement présente des dépôts à la fois normatifs et salariaux à l'Assemblée nationale ou auprès de son secrétariat qui serviraient de base aux votes des unités syndicales impliquées. On sait que ces votes doivent être pris dans la semaine qui vient. Ces dépôts, le gouvernement pouvait fort bien les préparer de façon unilatérale à partir des offres qu'il avait, avec ses partenaires, déjà déposées aux diverses tables de négociation.

Il était évidemment bien préférable d'en négocier le contenu avec les parties syndicales et de présenter des dépôts dont l'essentiel aurait donné lieu à un accord de principe. C'est à cette tâche que se sont attelés les négociateurs patronaux et syndicaux depuis une semaine. Le travail d'exploration et de négociation s'est fait, d'une part, par le truchement d'un groupe constitué des trois coordonnateurs des centrales syndicales et de représentants du gouvernement et, d'autre part, aux tables sectorielles de l'éducation et des affaires sociales.

Hier, au début de la soirée, la situation était là suivante. Pour la FTQ, les clauses normatives aussi bien pour les affaires sociales que pour le soutien dans le secteur de l'éducation avaient été acceptées et le coordonnateur de la FTQ acceptait les offres salariales et s'engageait à en recommander l'adoption aux instances syndicales qu'il représente. Pour la CSN, la Fédération des affaires sociales, par le truchement de son conseil fédéral, commençait à accepter toutes les clauses normatives du projet de convention collective, ce qui s'est terminé ce matin. Le coordonnateur de la CSN s'engageait à recommander à ces instances syndicales les propositions salariales qui avaient été faites par le gouvernement au front commun. La même situation prévalait pour ce qui a trait au soutien scolaire qui relève de la CSN. (15 heures)

Je dois ajouter — en sortant de mon texte — qu'on vient de m'indiquer que le Conseil fédéral de la Fédération des affaires sociales de la CSN, qui regroupe comme on le sait quelques centaines de délégués syndicaux, vient d'accepter les propositions salariales du gouvernement.

Pour ce qui a trait aux enseignants de la CEQ et des collèges, la situation était plus complexe. Le coordonnateur de la CEQ s'est engagé à recommander à ses instances les offres salariales du gouvernement, non pas pour toute la période prévue pour la convention, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1982, mais pour la période de trois ans pour laquelle il détenait un mandat à l'égard des enseignants. Pour ce qui a trait aux clauses normatives applicables aux enseignants, il reste quelques points où l'accord n'est pas fait. C'est le cas, par exemple, de la tâche et de la sécurité d'emploi pour les enseignants des commissions scolaires et pour le mode d'opération des dépar- tements dans le cas des collèges. Compte tenu des accords existants, le gouvernement a donc procédé hier soir à des dépôts qui traduisent les accords intervenus et dans le cas des clauses que je viens de mentionner et où il n'y a pas eu accord, les offres de la partie patronale.

Dans lé cas des fonctionnaires, des professionnels du gouvernement, du Cartel des organismes professionnels de la santé et de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers, les dépôts ont été ajustés en fonction des négociations avec le front commun, de façon à étendre à ces groupes les clauses pour lesquelles l'exploration avec les coordonnateurs avait abouti. Je signale, en passant, M. le Président, que nous venons d'être avertis que sur les clauses normatives, tout est maintenant réglé avec le COPS et la FIIQ. Il faut maintenant que les instances syndicales se prononcent sur le contenu de ces dépôts. On comprendra que pendant que ce processus est en cours, il ne serait pas approprié que je commente longuement le contenu des offres et que je porte à leur sujet des jugements de valeur trop accusés. Je pense, néanmoins, que plusieurs objectifs ont pu être combinés. Les syndicats obtiennent un niveau de revenu amélioré pour les bas salariés, ce qui était pour eux un objectif majeur. La protection du revenu contre l'inflation a donné lieu à la mise au point d'une formule acceptable. Le gouvernement, de son côté, pourra maintenant fonctionner avec une marge de manoeuvre un peu plus grande pour satisfaire à la fois la croissance des besoins de l'ensemble de la population sans avoir à accroître le fardeau fiscal des contribuables. Tout cela, bien sûr, suppose que les formules mises au point seront acceptées, ce que l'on doit souhaiter au nom de tous les citoyens du Québec.

Il me reste à souligner le travail surhumain déployé par les négociateurs de toutes les parties impliquées. Pour tous ceux qui ont déploré, dans un passé récent, la lourdeur des mécanismes de négociation, les jours que nous venons de traverser sont la preuve que des négociations peuvent être rapides et, espérons-le, concluantes.

Des Voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt le déroulement de la dernière phase des négociations, surtout depuis l'adoption de la loi no 62 par cette Chambre. Je voudrais adresser au ministre des Finances des félicitations pour la manière extrêmement consciencieuse dont il s'est acquitté de sa tâche, du moins dans la mesure que nous avons cru percevoir parce que nous comprenons tous que beaucoup d'aspects de ce travail doivent demeurer discrets et même secrets jusqu'au moment où on peut en dévoiler les résultats. Alors,

j'accueille avec beaucoup de satisfaction, au nom de l'Opposition officielle, les nouvelles que l'on nous communique aujourd'hui au sujet du progrès des négociations et de la possibilité que l'on s'achemine maintenant vers un règlement dans tous les secteurs qui étaient impliqués.

J'ai écouté avec attention ce que le ministre des Finances a déclaré. Tout à l'heure, à la période des questions, nous aurons des précisions à lui demander en ce qui touche plusieurs aspects des clauses normatives dont il a parlé surtout dans la déclaration d'aujourd'hui. Je voudrais, pour l'instant, émettre quelques commentaires au sujet de la partie salariale, des arrangements que l'on nous communique et ceci comprend, évidemment, le dépôt qui a été fait en soirée hier, alors que plusieurs d'entre nous étaient absents de la Chambre.

Je note que ce que l'on nous communique aujourd'hui demeure exploratoire, demeure à l'état de projet, dans une certaine mesure plutôt dans une mesure très réelle, au contraire, vu qu'il reste encore l'approbation de la partie syndicale à obtenir à l'endroit des propositions qui ont fait l'objet d'accords aux tables de négociations. Je note aussi qu'il s'agit d'arrangements qui demeurent partiels parce que certains secteurs embrassés par l'ensemble de la négociation dans le domaine public et parapublic n'ont pas été mentionnés dans la déclaration que nous venons d'entendre. Là-dessus, nous pourrons obtenir — je l'espère — les précisions dont nous avons besoin pour nous former une opinion au cours de la période qui va suivre.

Au sujet de la partie salariale de l'arrangement, je voudrais souligner une couple de points qui m'apparaissent importants. D'abord, le ministre des Finances a entrepris la négociation de cette année en fondant la stratégie patronale sur le principe suivant lequel les rémunérations dans le secteur public devraient être de plus en plus comparables à celles qui ont cours dans le secteur privé.

Je voudrais rappeler à ce sujet que la base dont on s'est servi en cours de route pour étayer des positions patronales demeure très imparfaite. Nous souhaitons qu'au cours des mois qui suivront, le gouvernement trouve le moyen de recueillir des données encore plus précises que celles sur lesquelles on s'est fondé pour soutenir, par exemple, que dans le secteur public, la moyenne des rémunérations serait de 16% supérieures à celles qui ont cours dans le secteur privé. Nous estimons quant à nous que la preuve ferme, précise, incontestable de cette affirmation n'a jamais été fournie en cours de route, parce que certaines distinctions essentielles n'ont pas été faites dans les plaidoiries qui ont été présentées au nom du gouvernement par le ministre des Finances. Je pense en particulier à la nécessité de tenir compte du caractère syndiqué ou non syndiqué des entreprises privées avant de les comparer au gouvernement, la nécessité également de tenir compte de la taille des entreprises. C'est évident, si l'on compare des entreprises qui embauchent cinq, dix ou quinze salariés au gouvernement, qu'il se produira des écarts comme ceux qui ont été mentionnés. Je ne mets pas en doute la véracité des pourcentages qui ont été mentionnés à divers stades des négociations, mais je dis que la preuve suivant laquelle on pourrait les accepter d'une manière raisonnablement certaine n'a pas été faite et que ceci est sûrement l'un des progrès que l'on doit souhaiter en vue de la ronde des négociations qui suivra, ou même, en cas de complication, pour terminer la ronde actuelle.

Il sera bon, je crois, que le ministre nous fournisse des précisions. Le dernier souvenir que nous conservons des propositions patronales déposées aux tables de négociation en matière salariale remonte au 11 novembre 1979. Le ministre avait alors souligné que les nouvelles offres patronales représentaient globalement des sommes de l'ordre de $680 millions si mes souvenirs sont exacts. Je voudrais que le ministre précise aujourd'hui, s'il peut le faire, dans sa réplique tout à l'heure, si cette masse salariale a fait l'objet de changements importants depuis le 11 novembre, pour arriver, en particulier, aux arrangements qui semblent avoir fait l'objet d'accords en ce qui touche le taux de base vers la fin du contrat ou pour la première partie de la première année d'un nouveau contrat à intervenir. (15 h 10)

Deuxièmement, je voudrais que le ministre précise également si, pour donner satisfaction à la partie syndicale en ce qui touche le taux de base, lequel se situait autour de $200 à la fin du contrat qui a expiré à la fin de juin 1979, donc pour donner satisfaction aux revendications syndicales autour du taux de base, il a fallu amputer de manière sensible les rémunérations déjà offertes ou offertes en vertu des dernières propositions aux échelons intermédiaires et aux échelons supérieurs à l'échelle des salaires. Nous croyons comprendre, en lisant les journaux, que dans le secteur de l'enseignement en particulier il y aurait aujourd'hui des grincements de dents.

Je voudrais souligner, quand on parle de taux de salaire, qu'il est très important d'éviter des comparaisons trop absolues. Le taux de base s'applique en général à une main-d'oeuvre qui n'a pas de qualifications très développées, qui n'a pas le même taux de stabilité, qui n'a pas le même taux de progression dans le cheminement de carrière que les taux plus élevés. Si l'on était allé imposer des sacrifices déraisonnables à des catégories de salariés de l'Etat ou des secteurs publics et parapublic qui se situent aux échelons intermédiaires ou supérieurs afin de satisfaire à un besoin de popularité ou de règlement à tout prix, je pense qu'il faudrait s'interroger sérieusement sur le prix que l'on invite notre société à payer. Je pense qu'on n'a pas de jugement de valeur à émettre a priori sur le fait que telle catégorie touche telle rémunération et telle autre catégorie telle autre rémunération. Toute une série de facteurs doivent être considérés. En tout cas, j'aimerais qu'on nous fournisse des précisions là-dessus et que nous obtenions surtout l'assurance que les règlements

intervenus en matière salariale n'ont pas été achetés sur le dos de catégories d'employés des secteurs public et parapublic qui ont droit à une juste progression de leur rémunération.

Je voudrais également obtenir des explications sur l'accord qui a été fait en ce qui touche le taux de base de $265 par semaine. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'un accord qui embrasse six mois, au-delà de la troisième année du contrat, j'aimerais avoir des explications là-dessus. Est-ce que cela veut dire qu'il faudra — j'achève, M. le Président, mais je crois... Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter de ces choses depuis qu'on en parle de l'autre côté 24 heures par jour. Je pense que c'est normal. Non, ce n'est pas la période des questions, c'est une période au cours de laquelle j'ai le droit d'émettre mes opinions.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, un moment. Il y a une déclaration ministérielle qui a été faite selon les dispositions de notre règlement. Cette déclaration ministérielle doit être brève.

On ne fait pas, généralement, d'histoire avec cela. Il faut également, normalement, que la réplique soit proportionnelle à la déclaration ministérielle. En ce sens, je vous invite à conclure assez rapidement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une courte question de règlement. On se rappellera qu'au cours de discussions et au cours des périodes de questions en particulier, relativement au même sujet qui est abordé aujourd'hui, la présidence, et cela, je pense bien, avec le consentement de tous, a permis une grande latitude aux ministres qui, tout à tour, sont venus ajouter des compléments de réponse, et cela a duré bien plus longtemps que des réponses en temps ordinaire. C'est pourquoi, je pense bien qu'à ce moment-ci, on devrait faire preuve de la même latitude de l'autre côté de la Chambre.

Le Président: C'est pour cela que nous avons toléré, M. le leader parlementaire de l'Opposition. M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je vous remercie, M. le Président. Comme on le disait ici, je pense que c'est une des opérations des plus importantes du gouvernement pendant, non seulement une année budgétaire, mais une période de trois mois. Si nous pouvons trouver quelques minutes pour exprimer des opinions ou des préoccupations sérieuses, il me semble que c'est le lieu pour le faire. C'est beaucoup mieux qu'on le fasse ici qu'à l'extérieur.

Je termine mon intervention en soulignant que la politique salariale, la politique de rémunération est l'un des aspects les plus fondamentaux de toute l'action du gouvernement. Je souhaite que nous nous acheminions, avec les accords qui semblent être en vue maintenant, vers un régime où les travailleurs de l'Etat et du secteur parapublic jouiront de conditions qui leur permettront de donner le meilleur rendement possible à leurs concitoyens.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. Rodrigue Biron

M. Biron: Je suis heureux, moi aussi, qu'on en soit venu à une entente presque complète, finalement, sur ces négociations dans les secteurs public et parapublic. J'ai l'impression que c'est à cause des négociateurs des deux parties, c'est à cause de l'action du gouvernement, d'une part, peut-être aussi des questions que l'Opposition a posées, d'autre part. Mais je pense bien que c'est à cause aussi du gros bon sens des travailleurs des secteurs public et parapublic qui, en quelque sorte, ont forcé leurs négociateurs à négocier beaucoup plus sérieusement avec le gouvernement employeur. Devant la déclaration du ministre des Finances aujourd'hui, je dois dire que c'est une déclaration qui se borne strictement à faire le point sur l'état des négociations, sans nous en dire beaucoup plus, en fait, que ce qu'on a pu lire dans les journaux aujourd'hui ou au cours des dernières journées sur la nature et la portée des offres patronales et les ententes conclues dans certains cas.

Ceci est particulièrement vrai sur la question névralgique de la politique salariale. Sur ce point crucial, le ministre des Finances, dans sa déclaration, se borne à nous dire, comme si de rien n'était, que la protection du revenu contre l'inflation a donné lieu à la mise au point d'une formule acceptable. Peut-être que le ministre, sans prendre trop du temps de cette Chambre, pourrait nous parler un peu plus de ce qu'est cette formule acceptable. Est-ce acceptable tout simplement pour les travailleurs? Est-ce acceptable pour les deux parties? Est-ce acceptable aussi pour ceux et celles qui auront à en payer la note, c'est-à-dire les contribuables du Québec? Sur ce point, le ministre nous a dit qu'il n'accroîtra pas le fardeau fiscal des contribuables. Je voudrais bien le croire, mais je voudrais aussi qu'il puisse nous garantir aujourd'hui qu'en particulier au cours de cet exercice financier qui se terminera le 31 mars, aucun emprunt additionnel ne surviendra à la suite des dernières offres que le ministre a déposées par rapport à ce qui avait été prévu initialement.

Bien sûr, il y a le budget supplémentaire qui a été déposé et dont on discutera ce soir, qui fait qu'on fera des emprunts supplémentaires. Il sera bon de savoir si réellement il y aura d'autres emprunts qu'on sera obligé de faire au cours des derniers mois de l'exercice financier pour payer justement ces offres finales ou ces dernières offres qu'on a faites aux travailleurs des secteurs public et parapublic. Comme le chef de l'Opposition officielle, je trouve décevant que nous soyons en présence d'un règlement qui est partiel. Il semble que, dans le secteur de l'éducation, la CEQ, les enseignants sortent insatisfaits et un peu frustrés de cette ronde effrénée de négociations qui vient de prendre fin. Il est vrai que la CEQ accepte de sou-

mettre les offres du gouvernement à ses membres, mais il faudra peut-être attendre quelques jours pour voir ce qui va arriver.

Il y a un point précis sur lequel je voudrais demander au ministre de nous répondre concernant justement ces changements importants. Y a-t-il eu des changements importants dans ces offres monétaires ou dans la masse salariale complète qu'il a déposée au cours des dix derniers jours, depuis qu'on entrevoit la fin de cette ronde effrénée de négociations? Si oui, de quel ordre sont ces changements importants à l'intérieur des dernières offres qu'on a mises sur la table et qui n'avaient pas été prévus il y a une dizaine de jours?

Il y a aussi un autre point. Le ministre des Finances nous a dit à plusieurs reprises, d'ailleurs le premier ministre aussi, qu'on essayait de diminuer l'écart entre le secteur public et le secteur privé. De ce côté en particulier, je voudrais comprendre davantage ce qui se passe, parce qu'il semble que le salaire minimum en particulier qu'on propose aux employés des secteurs public et parapublic, qui est d'un peu plus de $200 maintenant par semaine, va augmenter jusqu'à $265 par semaine. Je pense que le député de Portneuf a posé des questions la semaine dernière ou cette semaine au premier ministre justement à propos de cet écart du salaire minimum.

Est-ce que cela veut dire que le gouvernement a prévu que, dans le secteur privé, on augmenterait le salaire minimum en proportion de ce qu'on donne au secteur public? Quand même, ce sont les travailleurs du secteur privé qui ont à payer les taxes, donc les salaires pour les travailleurs du secteur public. Je voudrais que le ministre des Finances nous en dise davantage. Est-ce qu'on va faire aussi suivre le secteur privé par des lois ou des décisions du gouvernement? (15 h 20)

En passant, je note que l'augmentation du salaire minimum au secteur public va représenter, à la fin des 42 mois, à peu près $2 l'heure d'augmentation avec ce qui est aujourd'hui, autour de $200 ou un peu plus par semaine, jusqu'à $265 par semaine. Il s'agit de savoir ce qui va arriver à ceux et celles qui auront à en payer le coût. Je serais intéressé, dans la réplique du ministre des Finances, à savoir ce qui arrivera dans le secteur privé, maintenant, quant au salaire minimum, puisqu'on a accepté de porter le salaire minimum du secteur public à $265 après 42 mois. Qu'est-ce qui va arriver dans le secteur privé, quelle est la décision du gouvernement dans ce secteur et est-ce qu'on va élargir l'écart entre le secteur privé et le secteur public ou si on va agir de quelque façon pour le rétrécir et permettre aux contribuables de souffler davantage et de payer un peu moins de taxes avec leur salaire?

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, je voudrais, comme mes collègues, me réjouir du fait qu'on nous annonce un règlement, sinon total, au moins partiel. Cependant, je voudrais m'accrocher au dernier paragraphe de la déclaration ministérielle où le ministre nous dit: "Les jours que nous venons de traverser sont la preuve que des négociations peuvent être rapides." Je pense qu'il serait bon qu'on se rappelle que, si cela a été rapide dans les derniers jours, il y a sûrement des raisons qui font que cela a été rapide alors que, pendant des mois, cela a été très très lent. Il y a sûrement quelque chose et ce quelque chose, à mon avis, c'est la loi spéciale no 62. Si les offres ont été acceptées par les syndicats jusqu'à présent et qu'elles le seront peut-être par les syndiqués, je soutiens respectueusement que cela ne règle que partiellement le problème.

Le grand problème qu'on a connu au cours des négociations et qu'on a connu au cours des années précédentes, c'est un problème qui n'est présentement que reporté à plus tard. On le connaîtra probablement à nouveau. Il ne faut pas oublier que les syndicats, quand on parle surtout de négociations rapides, ont dû avoir recours quand même à la grève et voire à la menace de grève générale illimitée pour que, finalement, cela fasse bouger quelque chose.

Quand, finalement, le gouvernement a bougé, cela a été pour faire voter la loi 62 dans le but de suspendre le droit de grève temporairement dans les secteurs public et parapublic et ce, au nom de l'intérêt public, au nom du droit à la santé et au nom du droit à la sécurité de chaque citoyen. Je n'en fais pas grief au gouvernement, M. le Président. Je pense qu'à ce moment le gouvernement n'avait plus le choix. Il fallait qu'il agisse de cette façon. Mais ce n'est quand même qu'avec la suspension temporaire du droit de grève, voire même à la possibilité d'en arriver à le perdre totalement, que les négociations ont pu être rapides et déboucher sur des ententes plus ou moins satisfaisantes pour les travailleurs. Je prétends que, dans ce domaine comme ailleurs, quand on n'a pas les bonheurs qu'on veut, on tente d'éviter les malheurs qu'on peut. C'est probablement dans ce sens qu'il y a eu des ententes qui se sont déroulées au cours des derniers jours.

Or, je dis que c'est partiellement réglé pour le moment. Ce n'est que partie remise. A moins que le gouvernement n'accepte de profiter de l'actuel sursis pour élaborer un nouveau mécanisme de relations de travail dans les secteurs public et parapublic, mécanisme qui devra être à la fois satisfaisant pour les travailleurs et qui devra — on n'évitera pas cela — exclure le recours à la grève. Sinon, M. le Président, les lois spéciales se multiplieront et, finalement, le spécial deviendra l'ordinaire.

Le Président: M. le ministre des Finances. M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, nos amis de l'Opposition ont soulevé tellement de points distincts qu'on me permettra, à l'occasion de cette réplique, de prendre plus de deux ou trois minu-

tes, car j'aurais de la difficulté à répondre à tout ce qui a été soulevé.

Je voudrais commencer d'abord par une question de méthode ou d'approche soulevée par le chef de l'Opposition officielle quant à la façon dont le gouvernement a établi ses comparaisons entre le secteur public et le secteur privé. Là, je pourrai simplement dire ceci, M. le Président. Je souhaiterais vivement que le chef de l'Opposition officielle regarde, non pas le mois dernier ou il y a deux mois, mais toute la masse de documents qui a été mise en circulation par le gouvernement il y a déjà un an. Lorsqu'il souligne, par exemple, qu'il n'y a pas, dans les comparaisons faites par le gouvernement, de différence établie avec les syndiqués du secteur privé par opposition aux non-syndiqués du secteur privé, je lui rappellerai une brochure, dont le nom m'échappe, d'une petite couleur orangée qui doit se trouver quelque part sur sa table, où on établit clairement la distinction. En tout cas, M. le Président, je lui remettrai — si vous me permettez de le lui faire penser — un petit résumé de cette comparaison que nous établissons entre le secteur public et le secteur privé syndiqué et non syndiqué le plus volontiers du monde, si un page peut le porter au chef de l'Opposition de l'autre côté de cette Chambre. C'est un document qui circule et que bien des gens ont eu entre les mains depuis un certain temps.

Je crois qu'au contraire, ce que nous avons fait, à l'occasion de ces négociations, cela a été pour la première fois de faire en sorte que ceux qui étaient directement impliqués dans ces négociations sachent exactement à quoi s'en tenir par rapport au secteur privé et obtiennent de nous une masse de renseignements et de comparaisons qui faisaient qu'ils pouvaient non seulement consulter ce que nous faisions au Conseil du trésor, mais le discuter en y mettant tout le temps nécessaire.

D'ailleurs, il faut dire que nos partenaires syndicaux dans cette opération ont discuté certains chiffres, ils nous ont amenés à modifier certaines comparaisons. Il est clair, par exemple, que j'ai eu l'occasion de constater, comme président du Conseil du trésor, qu'une comparaison que nous avions établie pour des gardiens de nuit n'était pas correcte par rapport au marché privé et ce sont les syndicats qui nous l'ont signalé et, à la suite de cela, on a apporté l'amendement et la correction, ce qui était une erreur patente. On me dira: Cela n'est pas partait. Je dirais, M. le Président: Cela n'est manifestement pas partait, mais c'était la première fois que cela se faisait. Si on veut maintenant me dire: Essayez de faire mieux la prochaine fois, on peut toujours faire mieux, M. le Président, c'est sûr.

Ceci étant dit, passons à des questions qui m'ont été posées. Par exemple, quelle est l'augmentation de la masse depuis le 11 novembre? Il faut considérer que sur le plan de la masse salariale depuis les offres du 11 novembre, mais à l'exclusion des derniers six mois, si on veut comparer au 11 novembre, il faut comparer les trois premières années; on s'entend bien, le 11 novembre ne portait que sur trois ans. Sur une comparaison identique, il y a à peu près, dans les dépôts, une différence de $70 millions à $80 millions, par rapport à trois ans, on s'entend bien, en laissant le P-4 de côté. Pour offrir $265 en fin de contrat à la main-d'oeuvre non spécialisée, travaillant au taux de base, nous avons non pas fait unilatéralement une sorte de récupération chez les salaires les plus élevés, mais nous avons utilisé une formule de redistribution qui, à l'origine, avait été proposée par le front commun lui-même au mois de mars dernier. Nous nous sommes donc servis d'une formule, d'une structure, en somme, de rémunération qui nous avait été proposée en mars dernier et que nous avons adaptée, d'ailleurs, non pas en la rendant plus dure, mais en la rendant un peu moins dure sur le plan de la redistribution. C'est essentiellement à partir d'une formule proposée par le front commun que nous avons procédé. Quant à la formule d'indexation, me disait le chef de l'Union Nationale, j'ai dit qu'elle était acceptable. Je dois dire ici, M. le Président, que j'ai reculé un peu devant ce que nous appelons entre nous et au niveau des techniciens le monstre sur ce plan. Le monstre, c'est une formule de protection contre le revenu qui remplit certains des objectifs que nous avions en tête, mais que, là encore, nous avons tiré de la méthodologie syndicale. C'est pas plus cher, bien sûr, mais c'est bougrement plus compliqué. Dans la mesure, cependant, où cela leur faisait plaisir d'utiliser des moyennes mensuelles, on a dit: Bien sûr, pourquoi pas?

Alors, encore une fois, si le chef de l'Union Nationale est intéressé à avoir une explication de ce qu'on appelle, entre nous, le monstre, je la lui enverrai volontiers, mais je lui souhaite beaucoup de plaisir. Tout ce dont je peux l'assurer, cependant, c'est que cette formule-là n'est pas plus chère que celle que nous avions en tête, sauf que, là encore, cela nous permettait de dire: Puisque la partie syndicale propose une certaine méthodologie, pourquoi pas? (15 h 30)

La réduction des écarts entre le secteur public et le secteur privé. Je vous rappellerai ici, M. le Président, que nous avons établi, aussi bien à l'égard du secteur non syndiqué que du secteur syndiqué, que les rémunérations globales — pas seulement les salaires — chez beaucoup d'employés du secteur public étaient supérieures à ce qu'on trouve dans le secteur privé. Nous nous sommes entendus pour ne pas faire de corrections à cet égard pour les taux de base, les moins bien payés. C'est ainsi que les moins bien payés, en fin de convention, arrivent à $265. Mais, pour beaucoup d'autres groupes, cependant, qui sont beaucoup mieux payés et très en avance sur le marché privé, il est évident qu'une certaine correction a été discutée et finalement a pris place. Dans ce sens, je pense qu'un des objectifs que nous avions en tête à cet égard est réalisé, de même qu'est réalisé un des objectifs que les syndicats avaient en tête, c'est-à-dire l'amélioration de la situation des gens les moins bien payés. Je pense qu'ici on

est arrivé à un compromis qui est acceptable et qui permet aux deux parties d'atteindre certains des objectifs qu'elles avaient. D'autre part, cela va éviter au secteur privé, je pense, d'avoir à se considérer comme la vache à lait de tout le système.

Le chef de l'Union Nationale me demandait: Est-ce qu'on prévoit des emprunts additionnels cette année à cause de cette partie du règlement qui porte sur 1979/80? Je lui répondrai: Non, il n'y aura pas d'emprunts additionnels dus spécifiquement à cela.

Qu'est-ce qui va arriver aux taxes compte tenu de ce règlement sur les trois ans, trois ans et demi? Il est évident que c'est un peu difficile pour un ministre des Finances de commencer à parler de ces choses avant un discours du budget, même s'il y a quand même plusieurs mois avant que le discours du budget vienne. Mais une chose est claire, comme j'ai eu l'occasion de le dire dans ma déclaration ministérielle; ce règlement ne va pas imposer de fardeau fiscal additionnel sur l'ensemble de la population. C'était un objectif majeur du gouvernement et je pense qu'il est atteint.

Finalement, le député de Rouyn-Noranda posait une question que bien des gens se posent à l'heure actuelle et à laquelle je réponds volontiers parce que cela me paraît effectivement une question de bon sens. J'espère que ma réponse sera une réponse de bon sens aussi. Effectivement, les négociations se sont poursuivies à un rythme très rapide depuis quelques jours. Est-ce qu'il faut vraiment des grèves ou des menaces de grève pour que les négociations avancent vite? Il est clair qu'en soi, d'une façon générale, quand des gens agitent la menace de grève, à plus forte raison s'ils se mettent en grève, cela met une pression sur tout le monde pour chercher une entente, pas seulement sur la partie patronale d'ailleurs, mais sur la partie syndicale parce qu'une grève coûte cher aux syndiqués, cela va de soi, c'est général.

Mais, dans le cas qui nous préoccupe ici et dans les négociations du secteur public, j'aurais quand même un certain nombre de choses à dire. Jamais dans le passé ces négociations dans le secteur public n'ont été aussi rapides, jamais. Il faut être de bon compte ici. A côté des quatorze mois de 1976, de certaines conventions qui en 1972 ont pris 20 mois, soyons de bon compte. On me dit de l'autre côté de la Chambre: Les fonctionnaires et le COPS et des groupes comme ceux-là? Ces groupes-là nous ont fait comprendre très tôt qu'ils voulaient s'aligner sur le front commun, qu'ils se laissaient déporter sur le front commun. Voilà, quand on est arrivé au front commun, cela a pris quelques mois. Les conventions collectives du front commun sont venues à échéance le 1er juillet dernier. Dans ce sens, reconnaissons simplement et de bon compte, en comptant les mois, que ça été quand même assez rapide.

Il y a eu une accélération, je le reconnais, au cours des derniers jours, en ce sens que, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer au début du mois de septembre, nous envisagions de mettre sur la table, au fur et à mesure des négociations, tout, de façon qu'on soit prêt — vous vous en souviendrez — autour du 1er décembre. En décidant d'aller en grève le 13 novembre, il est clair que les centrales syndicales nous ont amenés à débouler plus rapidement. Ce qui se serait fait sur un mois s'est fait sur quinze jours. Si on veut parler de ce type d'accélération, oui, bien sûr, j'en conviens. Au fond, cela a amené un processus qui aurait dû prendre à peu près un mois à se faire sur une quinzaine de jours.

Il me reste, M. le Président, en m'excusant d'avoir été un peu long, d'annoncer à cette Chambre une nouvelle qui vient de me parvenir et qui entre, je pense, dans l'esprit général qui est en train de s'amorcer aujourd'hui: Le Syndicat d'Hydro-Québec vient d'annuler son avis de grève pour demain.

Le Président: Merci, M. le ministre des Finances.

Dépôt de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Liste des dépôts relatifs à la loi no 62

Je voudrais faire le dépôt de la liste des dépôts justement faits hier soir auprès du secrétaire général de l'Assemblée nationale conformément à la loi 62. Je pense bien que vous me ferez grâce d'avoir à faire l'énumération aride des quelque 45 organismes qui sont mentionnés.

M. le ministre de l'Education.

Rapport de la Corporation des évaluateurs agréés

M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi, à titre de ministre responsable de l'application des lois professionnelles, de déposer le rapport d'activités de la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec pour l'année 1978-1979.

Le Président: Rapport déposé.

Rapport de l'Ordre des chiropraticiens

M. Morin (Sauvé): Permettez-moi de déposer également le rapport de l'Ordre des chiropraticiens du Québec pour l'année 1978-1979.

Le Président: Merci, rapport déposé. M. le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

Rapport du ministère des Consommateurs

M. Joron: M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport annuel du ministère pour l'année 1978/79.

Le Président: Merci, rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues. M. le député de Laprairie.

Etude du projet de loi no 54

M. Michaud: M. le Président, vous me permettrez, suivant les dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente des consommateurs, coopératives et institutions financières qui a étudié, les 13 et 20 novembre 1979, le projet de loi no 54, Loi sur le recouvrement de certaines créances, article par article, et elle l'a adopté avec des amendements.

Le Président: Rapport déposé. Merci, M. le député de Laprairie.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le leader parlementaire du gouvernement.

Réimpression du projet de loi no 9

M. Charron: M. le Président, le gouvernement a l'intention de déposer deux projets de loi aujourd'hui dont un, c'est le premier que je vous demanderais d'appeler, est un projet de loi réimprimé à la suite de nombreux amendements que le travail en commission parlementaire a permis d'ajouter au texte original du projet de loi. En vertu de l'article 124 du rèplement, je vous demanderais de permettre au ministre d'Etat à la Réforme électorale de déposer une copie réimprimée du projet de loi sur la Loi électorale du Québec.

Le Président: M. le ministre d'Etat à la Réforme électorale propose la réimpression du projet de loi no 9, Loi électorale du Québec, conformément aux dispositions de l'article 124 de notre règlement.

M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, nous avons fait cette réimpression à la demande de l'ensemble des membres de la commission parlementaire.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée? Adopté.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler le projet de loi qui apparaît à l'article d) du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 61

Première lecture

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose la première lecture du projet de loi sur les appareils sous pression et d'autres dispositions législatives. Il s'agit du projet de loi no 61.

M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, il est très significatif qu'en ce jour nous déposions un projet de loi sur les appareils sous pression et d'autres dispositions législatives qui, comme on le verra, peuvent de temps en temps toucher au climat. Ce projet de loi refond et remplace la Loi concernant les appareils sous pression et abroge la Loi sur les paratonnerres. On a les orages qu'on peut! Il intègre les dispositions à la Loi sur les électriciens et les installations électriques. La Loi sur les appareils sous pression a pour objet d'assurer la sécurité de ces appareils par la surveillance de leur construction, de leur installation, de leur utilisation et de leur remise dans le commerce. A cette fin, elle permet notamment à un inspecteur d'ordonner l'arrêt du fonctionnement d'un appareil sous pression et d'y apposer les scellés lorsque cet appareil présente un danger imminent. Les modifications apportées à la Loi sur les électriciens et les installations électriques ont pour objet de soumettre les installations de protection contre la foudre au régime général des installations électriques à l'exception de celui des licences exigées. Merci, M. le Président. (15 h 40)

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période de questions orales.

M. le député de Portneuf.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Négociations dans les secteurs public et parapublic

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'aurais une question à l'endroit du ministre des Finances. Sans trop de préambule évidemment et sans débat, j'aimerais le remercier des informations fournies dans la déclaration ministérielle qu'il a faite aujourd'hui. Cependant nous aurions d'autres questions. Une première, le ministre nous a annoncé hier, vers 18 heures, qu'il ajoutait une quatrième période à la convention qui s'étendait

sur six mois, soit jusqu'au 31 décembre 1982. On sait que plus une convention collective est longue, plus les syndiqués demandent des clauses de protection du revenu. C'est d'ailleurs à ce moment qu'interviennent différents mécanismes d'indexation et de protection du revenu. Quant aux offres qui ont été déposées ici à l'Assemblée nationale hier, au bureau du secrétaire, et qu'on a analysées ce matin, vous comprendrez et le ministre des Finances comprendra qu'on n'a pas pu physiquement passer à travers cette quarantaine de documents dans l'espace de trois ou quatre heures.

J'aimerais demander au ministre des Finances quel est le mécanisme de protection du revenu qui a été prévu, tel que déposé hier. Est-ce que le mécanisme est le même pour l'ensemble des syndicats du front commun et des autres syndicats qui sont actuellement à négocier avec le gouvernement du Québec pour le renouvellement de leur convention collective? S'il y a des distinctions entre ces mécanismes d'indexation, sur quels motifs les négociateurs patronaux et le gouvernement se sont basés pour en arriver à de telles distinctions?

Par la suite, M. le Président, je donne tout de suite avis au ministre des Finances que j'aurai une question additionnelle à deux volets très spécifiques, premièrement à l'égard du Syndicat des fonctionnaires provinciaux et aussi concernant Hydro-Québec.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Le mécanisme d'indexation ou de protection du revenu plutôt, en P-4, a été offert ou étendu, d'après ce que je sais, à tous les groupes. Il y avait encore un groupe, je pense, hier, où cela n'était pas clair. Mais dans l'ensemble, l'idée est d'étendre la chose sur la même base et sur la même formule. Cette formule de protection de revenu est appuyée sur un taux d'inflation de 7% en P-4, donc pour la dernière période de six mois, et comporte en outre un arrêt des phénomènes de stabilisation dont je parlais plus tôt pour certains groupes et une augmentation du revenu réel de 0,8% de la masse salariale de l'année.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. De toute façon, on aura l'occasion ce soir et demain matin, en fin de semaine tout au moins de prendre connaissance des différents documents qui nous ont été déposés et nous poserons certainement d'autres questions mardi prochain.

Le ministre des Finances nous a dit tout à l'heure que ce qui avait été offert au front commun s'appliquait presque mutatis mutandis aux autres groupes et, entre autres, au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Est-ce que le ministre des Finances, à ce moment-ci, peut nous donner l'assurance que par rapport à ce qui avait été préalablement offert au début au Syndicat des fonctionnaires provinciaux, aucun groupe n'aura à subir de baisse dans l'offre déposée hier? Je vais donner deux exemples bien particuliers sur la foi d'information que je reçois. On m'informe que dans la catégorie "ouvriers" notamment, ce qui aurait été offert hier c'est 1,7% de moins que la masse qui avait été offerte au début. On se rappellera d'ailleurs qu'au début, le ministre des Finances et les négociateurs patronaux avaient confirmé que pour ce qui est de la classe "ouvriers" ceux-ci étaient déjà à 1% de moins que dans le secteur privé? Est-ce qu'il pourrait me confirmer ces faits, ou les infirmer, ou s'il préfère plutôt attendre et vérifier.

Deuxième volet de la question additionnelle en ce qui concerne la négociation à Hydro-Québec. Le ministre des Finances nous a annoncé tout à l'heure que le syndicat avait mis de côté son avis de grève pour demain. On en est fort heureux du côté de l'Opposition officielle cela va de soi. Cependant, est-ce que le ministre des Finances pourrait nous dire quel a été le résultat de la demande syndicale à l'égard des employés des anciennes compagnies, le groupe qu'on appelle le groupe des nationalisés à l'égard de leur fonds de retraite? On sait que c'est un problème qui se posait avec beaucoup d'acuité.

On sait que c'est un problème qui se posait avec beaucoup d'acuité, on sait que c'est un problème qui a fait l'objet de représentations dans le courant de la présente négociation. Est-ce que le ministre des Finances pourrait nous dire ce qui a été réglé au sujet du fonds de retraite des employés qui étaient dans d'autres compagnies qui ont été nationalisées lors de la création d'Hydro-Québec et de la loi de 1962?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Pour ce qui a trait à l'extension des offres ou des dépôts d'hier soir aux groupes qui ne font pas partie du front commun, j'ai demandé qu'effectivement on s'assure bien que ces dépôts ne représenteraient pas une réduction par rapport à des offres qui auraient pu être faites officiellement antérieurement à ces groupes. Je n'ai pas de raison de croire que cela n'a pas été appliqué dans tous les cas. Pour ce qui a trait au cas spécifiquement soulevé par le député de Portneuf, je veux bien procéder à une vérification, mais j'en serais, à première vue, tout à fait étonné. En tout cas, tout de suite, si le député me le permet, je corrigerai un chiffre qu'il vient de donner. L'enrichissement offert aux ouvriers, parce qu'ils sont légèrement au-dessous du marché privé, est de 0,6%. Je procéderai à une vérification; j'ai toute raison de croire que cela a été fait selon les instructions données, mais je pourrai procéder à la vérification qu'il me demande dans ce cas.

Pour ce qui a trait à Hydro-Québec, il y a un certain nombre de propositions qui ont été examinées pour ce qui a trait au fonds de pension de ce qu'on appelle les anciens nationalisés. Leur cas a déjà été étudié au Conseil du trésor et il y a déjà fort longtemps d'ailleurs et certaines propositions avait été retenues. Hydro-Québec a annoncé des modifications à son programme à l'égard des

fonds de pension de ce qu'on appelle les anciens nationalisés; il est tout à fait évident que le syndicat voudrait pouvoir incorporer cette question dans la convention collective alors que pour ce qui a trait aux pensionnés des anciennes compagnies nationalisées, le problème se pose sérieusement à savoir si cela doit entrer dans une convention collective. Je sais que la question est posée par les syndicats, je sais qu'ils ont un certain nombre d'exigences à cet égard. Le ministre du Travail me fait signe qu'il a des précisions à apporter sur cette clause spécifique et il est possible qu'il ait eu de son conciliateur un rapport; je peux, si on me le permet, M. le Président, lui passer la parole.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: Essentiellement, c'est pour rappeler le contexte dans lequel le ministre des Finances a fait part à la Chambre tout à l'heure du retrait de l'avis de grève dans le cas d'Hydro-Québec. Les syndicats d'Hydro-Québec nous avaient envoyé un avis de grève dans les délais prescrits par le code pour une grève qui devait durer 24 heures et devant avoir lieu demain. Compte tenu de développements importants dans ce dossier, au niveau du syndicat comme au niveau des mandats de l'employeur, nous pouvons considérer qu'il y aura, au plus tard à compter de samedi, si ce n'est demain, des réunions de conciliation au cours desquelles l'ensemble de ces questions seront sans doute discutées.

M. Pagé: On n'a pas répondu à la question spécifique du problème du fonds de retraite. Où en est rendue cette requête, cette représentation formulée par des centaines de travailleurs d'Hy-dro-Québec?

M. Johnson: Je prends bonne note de la question du député de Portneuf qui se fait possiblement le porte-parole de certains employés qui ont ce problème et il me fera plaisir de lui faire parvenir par écrit la réponse dès que la question sera conclue.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si vous me permettez, j'aurais une question additionnelle dans le domaine de l'Education, étant donné que c'est la large situation du front commun, au ministre de l'Education. Etant donné que la déclaration ministérielle indique que c'est dans ce domaine que l'écueil reste aux négociations, le ministre de l'Education pourrait-il nous expliquer ce qui accroche compte tenu de l'optimisme qu'il exprimait le 12 novembre, juste avant d'étudier la loi 62? Il pourra relire sa réponse aux pages 3463 et 3464 du journal des Débats. Qu'est-ce qui accroche au niveau de la tâche? Naturellement, je ne veux pas l'enquiquiner avec des détails, mais il pourrait quand même considérer que c'est assez important.

Une Voix: Kiki! Wouf! Wouf!

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): II est bien difficile de donner une réponse précise au député puisque les nouvelles offres sont maintenant devant l'Assemblée et que nous ne connaissons pas exactement la réponse des enseignants ni les votes qui seront pris éventuellement pour accepter ou refuser nos offres. Mais je demeure profondément optimiste, surtout depuis le dépôt d'hier soir.

En effet, nous avons, vous le savez, fortement amélioré la sécurité d'emploi des enseignants puisque ceux-ci jouiront désormais de la sécurité totale à l'intérieur d'un rayon de 50 kilomètres autour de leur ancien lieu de travail, pour le cas où ils seraient mis en disponibilité. De plus, dans le dépôt que nous avons effectué hier soir, un peu avant minuit, nous avons tenté d'améliorer considérablement la tâche de l'enseignant. Par exemple, nous avons diminué le nombre d'élèves par classe, ou par enseignant, à tous les niveaux: préscolaire, primaire, secondaire. Nous avons allégé la tâche globale de l'enseignement en P-3 pour ceux du préscolaire et du primaire, comme nous le demandait, d'ailleurs, la CEQ. Enfin, nous avons également amélioré le temps maximum d'enseignement, lequel a été diminué au primaire en P-3, dernière année de la convention.

De même, nous avons voulu donner une garantie aux enseignants. Plusieurs, en effet, étaient inquiets des changements qui pourraient être apportés éventuellement au régime pédagogique et à la grille-matière. Nous leur avons donné la garantie, par une clause qui porte le numéro 8.1-03, que les modifications aux règlements ou aux directives du ministère de l'Education qui porteraient sur le régime pédagogique, les grilles-matières — tout ce qui découle du plan d'action — ne peuvent avoir pour effet de modifier les dispositions du chapitre 8, lequel définit la tâche de chaque enseignant, C'est une garantie extrêmement importante et je souhaite qu'elle ait pour effet de rassurer profondément les enseignants.

En outre — je termine là-dessus — comme 3465 enseignants de plus seront nécessaires pour remplir les divers postes qui vont être créés à la suite de cos offres, j'ose espérer que ce sera de nature à rassurer pleinement et de façon définitive les enseignants quant à la portée des offres et du plan d'action que le gouvernement a rendu public il y a déjà quelques mois.

M. Brassard: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Une question additionnelle au ministre des Affaires sociales. Je pense qu'il serait dans l'ordre que le ministre des Affaires sociales dresse le bilan, comme il l'a fait les jours précédents, de la situation actuelle dans le réseau des affaires sociales.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, brièvement, la situation aujourd'hui est sensiblement la même qu'hier, mais, évidemment, on s'attend que, dans les heures qui viennent, elle change de façon assez spectaculaire. A tout événement, au cours de la journée, un total de 74 hôpitaux connaissaient un débrayage illégal et il y avait certaines difficultés dans trois hôpitaux: Saint-Sacrement à Québec, Saint-Joseph à Trois-Rivières et l'Hôtel-Dieu de Montréal. Quant aux centres d'accueil, une cinquantaine étaient partiellement paralysés par le débrayage illégal, quinze CLSC sur un total de 81 et, finalement, deux centres de services sociaux sur quatorze.

Comme le président du Conseil du trésor l'a indiqué tout à l'heure, les syndiqués de la Fédération des affaires sociales, qui avaient entamé ou entrepris un débrayage illégal depuis quelques jours, ont accepté, par le vote majoritaire, de recommander à leurs syndicats locaux dans l'ensemble du réseau des affaires sociales l'acceptation autant des offres monétaires que des offres au plan normatif.

Nous avons donc toutes les raisons de croire, nous fiant aux échanges que nous avons eus depuis quelques jours avec les représentants syndicaux, que, dans les heures qui viennent, nous devrions assister à un retour massif au travail. Et je veux simplement, en terminant, rendre hommage à tout le personnel des établissements, tout ce personnel qui a dû prendre les bouchées doubles qui a dû travailler, dans certains cas, quinze heures, parfois vingt heures, à cause du débrayage illégal des confrères. Je veux leur rendre hommage et je veux aussi espérer, comme mon collègue, le président du Conseil du trésor, que ces offres recevront l'acceptation des membres dans chaque établissement. Merci.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais poser une question supplémentaire au ministre de l'Education. Je l'ai entendu dire tout à l'heure qu'il y avait une clause de proposée aux enseignants afin que leur tâche ne soit pas modifiée advenant un changement au régime pédagogique. Le ministre de l'Education peut-il nous assurer — si le nombre d'heures n'est pas changé et que la tâche dans ce sens n'est pas modifiée — qu'il se pourrait quand même, à la suite de l'application du plan d'action du ministre, que les enseignants se retrouvent, non pas avec un plus grand nombre d'étudiants dans chaque cours, mais avec un plus grand nombre d'étudiants dans l'ensemble des périodes qu'ils devront assumer puisque, maintenant, on passe à des blocs de trois périodes plutôt qu'à des blocs de quatre ou cinq périodes; tel qu'on les a actuellement. C'est ce qui inquiète les enseignants.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, il faut comprendre que, d'après l'actuelle convention — celle qui est en vigueur tant qu'elle n'aura pas été remplacée par celle-ci — il est possible à un enseignant d'accepter, contre rémunération, de donner une vingt et unième heure d'enseignement. Il y en a même — vous le savez — qui en donnent davantage, toujours avec compensation en argent. La chose demeure possible dans la convention qui, je l'espère, sera approuvée par les enseignants; ceux-ci peuvent être appelés, s'ils le désirent, mais on ne peut pas leur imposer la chose. Ils peuvent accepter une vingt et unième heure d'enseignement, mais contre paiement en espèces trébuchantes et sonnantes. C'est la règle de l'ancienne convention que nous prolongeons. D'ailleurs, sur ce point, je pense qu'il y a accord avec la CEQ. C'est elle-même qui nous a proposé la clause que nous avons insérée dans la convention pour résoudre ce problème.

Donc, M. le Président, il y aura sûrement des enseignants qui pourront donner une heure de plus d'enseignement, mais, d'autre part, nous voulons aussi assurer un meilleur encadrement des enfants du niveau primaire et des adolescents du niveau secondaire, de sorte que certains pourront être titulaires, non pas toutefois titulaires à plein temps puisque nous ne favorisons pas un tel partage des tâches. Certains pourront avoir, par exemple, deux heures de moins d'enseignement pour occuper ces postes de titulaires. Vous savez que c'est un des objectifs du livre vert et cela a été l'une des grandes conclusions de la tournée qui a suivi la publication de ce livre vert, c'est-à-dire que les enfants ont besoin d'un peu plus d'encadrement. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu obtenir une certaine souplesse dans la convention collective en vue de permettre aux uns de faire de l'enseignement et aux autres de faire de l'encadrement.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Question principale, M. le Président, au ministre des Finances.

Le Président: Bon! Je reviendrai à vous dans quelques minutes. Je vais permettre une autre question...

Une Voix: Le ministre des Finances arrive, M. le Président.

Le Président: S'agit-il d'une question principale?

M. Forget: Oui.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, que ce soit très bref, pour revenir à vous, M. le chef de l'Union Nationale.

M. le député de Saint-Laurent.

Travaux de la commission Keable

M. Forget: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de la Justice et elle fait suite

à la question que je lui posais hier, en lui demandant de répondre à l'accusation qui circule, c'est-à-dire que le ministre a fait preuve de parti-sanerie dans la formation de la commission Keable, une commission qui a un caractère politique et qui est présidée par un ex-candidat du Parti québécois. (16 heures)

Le ministre de la Justice a-t-il pris connaissance de la déclaration d'un dénommé Comeau qui a été faite hier devant la commission Keable qui a convoqué cet individu à titre de témoin? Il s'agit d'un ex-felquiste qui a refusé de témoigner en alléguant précisément les mêmes motifs. Je pense que le ministre conviendra avec nous qu'il s'agit du même point de vue exprimé aux deux extrémités du spectre politique, si vous voulez. Non seulement il a abondé dans le même sens des accusations portées relativement au caractère partisan et politique de cette enquête Keable, mais il a même ajouté d'autres motifs de même nature, cependant, pour refuser de répondre, y compris, en particulier, le désir qu'aurait, selon lui, le Parti québécois de se blanchir de toute connivence, dans la période préélectorale et préréférendaire qui s'annonce, avec les éléments terroristes de 1970.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je ne relèverai pas les faussetés habituelles contenues dans les préambules du député de Saint-Laurent concernant les accusations auxquelles il fait allusion, dont feraient état les journaux. Je voudrais quand même le lui rappeler, parce qu'il oublie que ces accusations sont le fait du député de Saint-Laurent. On se rappelle que ces accusations étaient sans aucun fondement; il l'a d'ailleurs avoué lui-même.

M. le Président, concernant la commission Keable, j'ai toujours...

M. Forget: M. le Président, question de privilège. Le ministre dit que j'ai avoué que les accusations étaient sans aucun fondement.

M. Bédard: Oui, M. le Président.

M. Forget: Je n'ai fait aucun aveu de ce genre-là...

M. Bédard: M. le Président.

M. Forget: ... et les accusations dont je parle sont celles contenues dans une déclaration d'un témoin.

M. Bédard: M. le Président. Une Voix: A l'ordre!

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Les journaux auxquels se réfère le député de Saint-Laurent évoquent que le député de Saint-Laurent n'avait absolument aucun argument pour étayer les accusations auxquelles il fait allusion.

Alors, M. le Président, je tiens à rappeler au député de Saint-Laurent que la commission Keable est une commission indépendante qui a un mandat très précis à remplir, mandat qui a été défini par le gouvernement, par arrêté ministériel, qui a été déposé en cette Chambre et qui est à la connaissance de tous les membres de l'Assemblée nationale. Ce mandat n'a pas pour but de faire une enquête sur la crise d'octobre, mais porte plutôt sur l'évaluation de certaines méthodes policières qui auraient pu prévaloir au niveau de certaines enquêtes et de certains faits très précis.

M. le Président, je continuerai, parce que je crois que c'est l'attitude que doit avoir un ministre de la Justice par rapport à une commission indépendante, comme je l'ai fait dans le passé, de m'abstenir de tout commentaire relatif aux travaux de la commission Keable. Encore une fois, la commission Keable effectue ses travaux selon un mandat précis qu'elle doit respecter. Si la commission Keable ne respectait pas son mandat, n'importe quel citoyen est capable de poser les gestes nécessaires pour demander ce respect du mandat qui lui a été imparti.

M. le Président, c'est pourquoi je ne suis pas en mesure de répondre au député de Saint-Laurent concernant certains témoignages qui auraient pu être rendus devant la commission Keable pour la bonne et simple raison que la commission Keable est un organisme indépendant — il devrait se le rappeler — et qu'il serait très peu opportun — je dirais même inadmissible — que le ministre de la Justice commente continuellement, au jour le jour, les témoignages ou les faits qui peuvent être relatés à l'occasion des auditions publiques de la commission Keable.

M. Forget: Question supplémentaire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, une dernière question.

M. Forget: Est-ce que le ministre ne se rend pas compte, par son attitude de soi-disant détachement, que cette commission qu'il dit indépendante...

M. Bédard: M. le Président, question de privilège.

M. Forget:... n'existe que par l'autorisation du gouvernement à...

M. Bédard: Question de privilège, M. le Président.

M. Forget: ... son bon plaisir en...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Ma question de privilège sera très courte, mais elle fait suite à une insinuation habituelle du député de Saint-Laurent qui mentionne que l'attitude du ministre de la Justice en est une de détachement. Au contraire, l'attitude du ministre de la Justice en est une de respect envers une commission indépendante qui a des travaux à effectuer dans le respect de la loi, dans le respect du mandat qui lui a été imparti par le gouvernement. Les tribunaux sont là pour juger si ce mandat est respecté.

M. Forget: M. le Président, je n'avais pas terminé...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... ma question supplémentaire. Est-ce que le ministre accepterait de déposer ce témoignage, ce mémoire lu à la Commission Keable et où il est personnellement mis en cause de même que l'ensemble du gouvernement? C'est une question à laquelle il ne peut pas refuser de répondre. Ce n'est pas une commission indépendante, premièrement, puisqu'elle existe selon le bon plaisir du gouvernement et, deuxièmement, le gouvernement, le ministre de la Justice en particulier est personnellement mis en cause dans cette question. Est-ce qu'il accepterait au moins de déposer ce document de façon à ce que tous les membres de l'Assemblée nationale puissent en prendre connaissance?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je garderai exactement la même attitude de respect envers une commission indépendante et, je le répète, une commission indépendante telle que celle que représente la Commission Keable. Ce n'est pas parce que la présidence est assumée par quelqu'un qui a pu avoir une activité politique qu'on doit conclure, je pense, qu'une commission est indépendante. S'il fallait en arriver à ce résultat, je pense que je serais dans l'obligation de mettre en cause toutes les nominations à des postes très importants qui ont été faites par la députation, par le gouvernement libéral qui est l'Opposition officielle à l'heure actuelle.

Au contraire, comme ministre de la Justice, j'ai toujours et je continuerai à avoir le respect des structures qui ont été nommées et mises en place d'une façon normale et autorisées par nos lois, par nos règlements et c'est dans ce sens que je n'accepterai d'aucune façon les insinuations qui sont faites continuellement par le député de Saint-Laurent qui, d'une façon très claire, semble vouloir contribuer — je ne sais pas quel est son dessein, quelles sont ses arrière-pensées — seulement à un objectif, à savoir d'essayer de diminuer la crédibilité de la Commission Keable qui fait ses travaux à l'heure actuelle.

En ce qui regarde le ministre de la Justice, il n'a à protéger personne et n'a pas à se protéger. La Commission Keable peut faire toutes les enquê- tes qui lui sont permises par son mandat. Elle aura à faire rapport à cette Chambre et, à ce moment-là, sachez que sans aucune hésitation, le ministre de la Justice prendra les décisions qui s'imposent.

M. Forget: Dernière question, M. le Président.

Le Président: Dernière question, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Justice se rend compte...

M. Brochu: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Brochu: A deux occasions, vous avez signifié au député de Saint-Laurent qu'il s'agissait d'une dernière question additionnelle. Je vous rappelle quand même, M. le Président, que c'est simplement dans l'attente du ministre des Finances qui est maintenant présent que vous avez sauté le tour du chef de l'Union Nationale de façon particulière en permettant au député de poser certaines questions. Je vous demanderais, s'il vous plaît, étant donné qu'il reste seulement huit à dix minutes de la période des questions, de permettre au chef de l'Union Nationale de poser sa question.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, il reste plus de temps que vous ne le croyez. Il reste 17 bonnes minutes. C'est pourquoi je vais permettre une dernière question très brève à M. le député de Saint-Laurent en lui demandant de s'abstenir de préambules et tout de suite après, je vous rejoins.

M. Forget: Merci, M. le Président. Mardi prochain seront convoqués à nouveau les trois témoins qui ont refusé de témoigner pour les raisons que j'indiquais lors de ma première question. Est-ce que le ministre de la Justice se rend compte qu'à cette occasion-là, des gens à qui la commission n'a rien à reprocher, puisqu'ils sont là comme témoins et non pas comme prévenus, risquent d'être condamnés à un outrage au tribunal, même à la prison, pour la seule raison qu'ils refusent de se prêter à ce qu'ils considèrent et à ce que d'autres personnes également considèrent comme un maquillage de la justice et comme une mascarade dans ce cas avec des buts strictement partisans? Est-ce que le ministre de la Justice est prêt à assumer cette responsabilité?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, encore une fois, le député de Saint-Laurent est complètement dans l'erreur en ce qui a trait à sa manière de voir l'administration de la Justice. Il y a une commission Keable, une commission indépendante qui, à l'heure actuelle, a à faire des travaux, qui est

soumise aux pouvoirs de regard et de surveillance de la Cour supérieure du Québec — il sait cela — et si la Commission Keable pose des gestes qui ne seraient pas selon la ligne qui doit être respectée en termes de justice, ce n'est pas le ministre de la Justice, mais également les tribunaux qui seraient en mesure de faire les interventions nécessaires. (16 h 10)

Le député de Saint-Laurent ne se rend pas compte, à l'heure actuelle, de ce qu'il demande au ministre de la Justice qui, s'il intervenait dans un cas particulier parce que c'est la commission Keable par rapport à d'autres commissions, pourrait ensuite se permettre d'intervenir dans les travaux de toutes les commissions qui peuvent avoir à effectuer des travaux en vertu d'un mandat précis parce qu'il y aurait des gestes posés qui ne seraient pas selon son opinion à lui, comme ministre de la Justice.

Le député de Saint-Laurent ne réalise vraiment pas jusqu'à quel point est incongrue et contraire, justement, à une bonne administration de la justice la demande qu'il fait à l'heure actuelle au ministre de la Justice. Si je devais me permettre un geste comme celui-là, à ce moment-là, le député de Saint-Laurent est en train de vouloir justifier par un précédent la possibilité pour n'importe quel ministre de la Justice d'agir de son chef par rapport à des travaux qui sont faits par des commissions indépendantes, des commissions d'enquête. Même, si vous voulez aller plus loin, le ministre de la Justice pourrait, à un moment donné, si je suis la ligne de pensée du député de Saint-Laurent, son argumentation complètement fantaisiste et irresponsable, se permettre d'intervenir dans des procès parce qu'il croit personnellement que des témoins ne seront pas traités équitable-ment.

M. Forget: M. le Président, question de privilège.

M. Bédard: J'ai rarement vu une attitude aussi irresponsable et...

M. Forget: Question de privilège, M. le Président.

M. Bédard: Je me demande ce qu'il fait des libertés individuelles.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, loin de moi la suggestion que le ministre de la Justice intervienne dans le déroulement des procès.

M. Bédard: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de la Justice, je m'excuse, un à la fois, s'il vous plaît! Je vous reconnaîtrai tout de suite après M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, contrairement aux indications ou aux suggestions faites par le ministre de la Justice, je n'ai jamais invité le ministre de la Justice, directement ou indirectement, à intervenir dans des procès devant des tribunaux judiciaires. Mais il y a une distinction essentielle entre des tribunaux judiciaires qui existent en vertu des lois adoptées par l'Assemblée nationale et une commission d'enquête politique qui existe en vertu d'un arrêté en conseil.

M. Bédard: M. le Président, cette attitude ne fait qu'illustrer l'ignorance du député de Saint-Laurent concernant le statut d'une commission d'enquête. Je pense qu'en termes de responsabilités il devrait savoir qu'une commission d'enquête a également des pouvoirs judiciaires qui sont très bien définis.

M. Forget: M. le Président...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Union Nationale.

Administration de la Caisse de dépôt

M. Biron: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances et a trait à l'administration interne de la caisse de dépôt. On sait que la caisse de dépôt est un organisme para-gouvernemental qui aura sous gestion, bientôt, une somme de $10 milliards, 10 000 millions. On sait aussi que le gouvernement ne peut pas intervenir directement dans la gestion quotidienne de la caisse. Bien sûr, le gouvernement peut intervenir moralement, faire pression sur la direction de la caisse, mais il ne peut pas intervenir directement actuellement.

Or, dans l'hebdo Finance que je recevais hier matin, on laisse planer des doutes quant à la gestion interne de la caisse. On dit, en particulier: "Le millionnaire de la caisse, M. Pierre Arbour en fut le directeur-conseil en investissements corporatifs. Il était alors fonctionnaire au service de l'Etat et du fonds de pension collectif des Québécois jusqu'à deux années, environ, avant son départ. En avril 1979, il a pris le contrôle de Pétroles Laduboro dont la caisse était le second actionnaire en importance par un investissement personnel de $102 000." On laisse entendre non pas qu'il y a eu malhonnêteté, mais qu'un ex-employé de la caisse aurait pu se servir de son poste pour retirer des bénéfices personnels.

Est-ce que le ministre des Finances est au courant de ce fait? S'il a été informé, a-t-il fait enquête sur ce qui s'est passé ou s'il y a eu un mécanisme quelconque par lequel le ministre des Finances a pu faire enquête? S'il a fait enquête, quel est le résultat de l'enquête?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Non, je n'ai pas fait d'enquête dans ce cas, parce qu'on n'a pas porté à mon

attention qu'il y avait une raison particulière de faire une enquête. Je suis effectivement au courant de la transaction dont il s'agit, mais je voudrais simplement faire remarquer au chef de l'Union Nationale ceci. C'est que M. Arbour n'est pas à la Caisse de dépôt depuis déjà un certain temps; que, sauf erreur, il était directeur du portefeuille d'actions pendant plusieurs années; que, dans ces conditions, il a été en contact par les analyses de la situation de centaines d'entreprises littéralement, et qu'il serait difficile d'imaginer que, quand quelqu'un sort de la Caisse de dépôt qui, encore une fois, est maintenant le plus gros portefeuille d'actions qu'il y a au Canada, et qu'il a, à la Caisse de dépôt, été au service des actions pendant plusieurs années, il a manifestement des connaissances sur toute une série d'entreprises, sur, encore une fois, des centaines d'entreprises, des connaissances qui n'ont été accumulées de façon ni illégale, ni cachée, ni couverte, habituellement à partir de documents qui sont disponibles justement. Le fait que M. Arbour, après être sorti de la caisse, après être associé à un bureau — je parle de mémoire — ait fait un investissement dans une des compagnies où la caisse a des placements depuis un certain nombre d'années, je vous avouerai franchement que je ne peux pas trouver là-dedans quoi que ce soit de répréhensible à première vue, à moins vraiment d'interdire aux anciens employés de la Caisse de dépôt de s'occuper de quelque compagnie que ce soit.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le Président, on sait qu'à l'heure actuelle, dans les milieux financiers, il y a certains bruits qui courent relativement à des pratiques qui pourraient être contestables d'administration de la Caisse de dépôt. Je demande au ministre des Finances: Est-ce que lui, personnellement, est satisfait, à l'heure actuelle, du genre d'administration ou des garanties de saine administration qu'on a à la Caisse de dépôt, en fonction quand même des propriétaires qui sont les citoyens du Québec, ou si le ministre des Finances songe qu'on pourrait avoir un mécanisme quelconque qui donnerait quand même un peu plus de droit de regard au gouvernement, non pas sur les placements quotidiens de la Caisse de dépôt, mais au moins sur la grande administration générale de la Caisse de dépôt? En d'autres termes, on a fondé la Caisse de dépôt il y a déjà une douzaine d'années ou quatorze ans, quelque chose comme cela, et, à l'époque, on a voulu que le gouvernement n'intervienne pas en tant que gouvernement, mais est-ce qu'aujourd'hui, alors qu'on administre 10 milliards, on peut continuer avec les mêmes pratiques ou si ce ne serait pas mieux d'avoir un mécanisme de commission parlementaire ou autrement pour avoir un certain droit de regard sur l'administration quand même quotidienne de la Caisse de dépôt. Je demande au ministre des Finances s'il est pleinement satisfait du genre de gestion qu'on a aujourd'hui à la caisse?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Oui, je dois dire que je suis non seulement satisfait du fonctionnement de la Caisse de dépôt, mais comme, je l'espère, tous les Québécois, nous sommes très fiers de la façon que cet organisme a été géré jusqu'à maintenant. Je n'ai pas de raison de croire que nous ayons à modifier quoi que ce soit dans le mode de gestion de la caisse, qui est très autonome. Je vous rappellerai qu'au moment où la caisse a été crée, au milieu des années soixante, on a donné à la direction de la caisse des garanties d'autonomie qu'aucun président de société d'Etat n'a et qui ressemblent à bien des égards aux protections dont dispose le gouverneur de la Banque du Canada, par exemple. On a garanti l'autonomie de la Caisse de dépôt, au fond, pour les mêmes raisons qu'on a garanti l'autonomie de la Banque du Canada. C'est qu'il y a là un pool d'argent tellement grand qu'il est fondamental qu'on n'utilise pas à des fins, j'allais dire politiques, dans le sens péjoratif du terme, les sommes qui s'y trouvent. Je pense qu'on aura toujours un avantage considérable à ne pas tâter le pouvoir en lui donnant, à l'égard de ces grands organismes financiers, une solution facile pour régler des problèmes financiers que tout gouvernement, à un moment donné, peut avoir. Je ne souhaiterais qu'une chose à cet égard, c'est que le type d'autonomie qu'on a donné à la Caisse de dépôt en vertu de la loi soit maintenu et qu'on reconnaisse, peut-être plus souvent qu'on le fait, que nous sommes en face d'un des organismes collectifs des Québécois dont nous avons, je pense, droit d'être fiers à juste titre.

M. Biron: M. le Président.

Le Vice-Président: M. le chef de l'Union Nationale. (16 h 20)

M. Biron: Je sais que le ministre des Finances était au tout début de la fondation de la Caisse de dépôt et placement, mais aujourd'hui, si le gouvernement décidait de s'en servir davantage pour le développement économique du Québec, est-ce que le ministre des Finances continuerait à dire qu'on ne doit rien changer à la Caisse de dépôt et placement ou si on devrait revoir son mécanisme d'administration ou d'interférence, même d'ingérence de la part de l'Etat et jusqu'à un certain point s'il faut limiter? Je demande au ministre des Finances, s'il fallait s'en servir pour le développement économique du Québec, quelle serait sa position. Est-ce qu'elle serait encore la même qu'au début, à la fondation de la Caisse de dépôt et placement?

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: La Caisse de dépôt et placement est un des leviers les plus importants dont nous

disposions pour le développement économique du Québec. Il faut bien comprendre dans quoi les ressources de la caisse sont investies. Elles sont investies dans des obligations gouvernementales, du gouvernement de Québec. Elles sont investies dans des obligations d'Hydro-Québec. Elles sont investies dans des obligations municipales, de commissions scolaires, d'hôpitaux, de CEGEP. Elles sont investies en outre dans des hypothèques au Québec, dans des constructions, des immeubles au Québec. Par ailleurs, sur le plan des actions, là, on ne peut pas établir une distinction aussi nette, parce qu'il y a des compagnies qui fonctionnent dans plusieurs provinces dont le Québec, mais la Caisse de dépôt et placement achète des actions de sociétés canadiennes, la caisse de dépôt n'a jamais fonctionné sur le marché de New-York.

D'autre part, justement sur le plan des actions, la caisse de dépôt est très connue dans les milieux de petites et moyennes entreprises pour avoir donné, sur le plan de placements privés au niveau du capital d'équité, un coup de main solide à des vingtaines de sociétés québécoises. Dans ce sens, on ne peut pas dire: Si le gouvernement de Québec, un jour, voulait s'en servir pour du développement économique... Depuis quinze ans, la Caisse de dépôt et placement ne fait que cela!

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse, une dernière question principale, très brièvement.

M. Goulet: Avant la dernière question principale, M. le Président, j'aimerais que vous constatiez avec moi que sur 26 ministres il n'en reste que sept en Chambre. J'aurais une question à poser soit au ministre d'Etat au développement économique, au ministre de l'Industrie et du Commerce ou au premier ministre; or, ni l'un ni l'autre n'y sont, M. le Président. Est-ce que vous pourriez, dès mardi — à moins qu'on ne sonne les cloches pour appeler les ministres — nous donner une troisième question?

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse, vous pouvez poser votre question. Peut-être que la personne à qui elle s'adresse arrivera incessamment. Je vous donne l'occasion de poser votre question principale.

M. Goulet: M. le Président...

Le Vice-Président: Fin de la période des questions.

M. Grenier: Avant que le dernier ministre s'en aille, j'aimerais poser une question, si vous me le permettez.

Le Vice-Président: Fin de la période des questions.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je voudrais indiquer à la Chambre... Est-ce qu'on en est aux avis à la Chambre, M. le Président?

Le Vice-Président: Motions non annoncées. M. Charron: Je n'en ai pas.

Le Vice-Président: Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre

M. Charron: Voilà. Tout le monde comprendra que l'horaire annoncé a été forcément un peu changé pour la journée d'aujourd'hui. L'horaire est modifié de cette façon. Le débat sur le budget supplémentaire ne s'entreprendra qu'à 20 heures, ce soir. Entre-temps, j'inviterai la Chambre à prendre en considération trois rapports qui ont déjà été déposés devant elle, soit celui sur le projet de loi no 56 au nom du ministre des Affaires sociales, celui sur le projet de loi no 53 au nom du ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières et celui sur le projet de loi no 51 au nom du ministre des Affaires culturelles. J'indique tout de suite qu'aucun amendement n'a été annoncé jusqu'ici et il me semble que ces débats ne sauraient accaparer tout l'après-midi. Par la suite et jusqu'à 18 heures, nous entamerons — s'il est possible de le finir, tant mieux — la deuxième lecture du projet de loi no 60 au nom du ministre de l'Energie et des Ressources.

Il n'y aura aucune commission parlementaire, mardi. C'est exceptionnel, mais prenons-le pendant que ça passe. Toutefois, demain, il y aura réunion de la commission parlementaire du travail et de la rnain-d'oeuvre à la demande du député de Portneuf ici même, au salon bleu, la question avec débat est adressée au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Pour le moment, je fais motion pour que, jusqu'à 18 heures et ce soir, pour sa dernière séance, la commission de la présidence du conseil se réunisse au salon rouge afin de terminer l'étude article par article du projet de loi no 10.

M. Lavoie: M. le Président, avant de décider de cette motion...

Le Vice-Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: ... je voulais voir le ministre de la Justice, ministre responsable de la réforme électorale. Nous avions une entente et cette entente demeure toujours à l'effet de terminer aujourd'hui l'étude en commission parlementaire du projet de loi no 10 sur la représentation. Maintenant, je me demande s'il n'y aurait pas lieu, si cela ne dérangeait pas les travaux du gouvernement, qu'au lieu que la commission siège cet après-midi et ce soir — je ne sais pas, je n'ai pas consulté le représentant de l'Union Nationale — je pense que cela ne retarderait d'aucune façon si la commis-

sion siégeait peut-être mardi après-midi et mardi soir, si cela ne dérangeait pas le programme du ministre. M faut prendre en considération, M. le Président et M. le leader du gouvernement, qu'hier après-midi, la commission n'a siégé qu'une demi-heure à peine; on a commencé à siéger à 17 h 30, au lieu de siéger normalement vers 16 heures, à cause d'un débat qu'il y a eu à l'Assemblée. Cet après-midi, à cause de certaines circonstances, la commission au lieu de siéger vers 15 heures ne commencera ses travaux que vers 16 h 45, dans quelques minutes. Il reste quelques articles en suspens, très peu, mais il y a une couple d'articles de fond. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen de faire un arrangement quelconque.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, j'imagine que cette question devrait recevoir une réponse favorable, sauf que la séance de mardi que suggère le député serait, de notre côté, impossible du fait que le ministre de la Justice ne sera pas présent à l'Assemblée. Il sera présent pour la période des questions, mais il a d'autres engagements au cours de la journée; évidemment, il a préparé son calendrier en fonction d'une entente que nous avions établie ensemble et qui lui assurait cette disponibilité à ce moment-ci.

Je laisserai plutôt les députés membres de la commission, si celle-ci peut se réunir, évaluer tout à l'heure la possibilité que, demain matin, s'il y avait entente, la commission siège quelques heures supplémentaires — je conviens avec le député de Laval que l'horaire a été grignoté au cours de la semaine — mais je ne peux offrir la journée de mardi. Je laisserai donc la commission en déterminer d'elle-même et je ferai rapport à la Chambre lorsque celle-ci aura convenu d'une entente.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion du leader du gouvernement sera adoptée?

M. Pagé: Brièvement, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: II y aurait peut-être lieu, pour le leader du gouvernement, d'indiquer que demain, suite aux discussions que j'ai eues avec le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et à l'arrangement qu'on a pris, qui s'inscrit dans la collaboration habituelle de l'Opposition, la commission siégera à 9 heures, exceptionnellement.

M. Charron: Bien.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion du leader du gouvernement sera adoptée à l'effet de faire siéger la commission de la présidence du conseil et de la constitution?

M. Brochu: M. le Président, peut-être pour assister à la courte présence que les ministres pourraient faire en cette Chambre après la période des questions, nous demanderons un vote enregistré.

Le Vice-Président: Qu'on appelle les députés. Suspension à 16 h 29

Reprise à 16 h 35

Le Vice-Président: Je mets donc aux voix la motion du leader du gouvernement qui a pour but de faire siéger la commission de la présidence du conseil et de la constitution cet après-midi jusqu'à 18 heures et, ce soir, de 20 heures à 22 heures pour étudier article par article le projet de loi no 10. Que celles et ceux qui sont pour cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Léonard, Couture, Vaugeois, Clair, Gendron, Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Lazure, O'Neill, Martel, Gagnon, Marcoux, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, La-plante, Mme Leblanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Alfred, Marquis, Ouellette, Gosselin, Brassard, Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Levesque (Bonaventure), Caron, Vaillancourt (Orford), Lavoie, Lalonde, O'Gallagher, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Raynauld, Lamontagne, Giasson, Rivest...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: II est parti au Canada.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: ... Lalonde, Mathieu, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Biron, Brochu, Grenier, Goulet, Fontaine, Cordeau, Le Moignan, Samson.

Le Vice-Président: Ceux qui sont contre? Abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 72 — Contre: 0 — Abstentions: 0

Le Vice-Président: La motion est adoptée et la commission peut siéger.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président — je m'excuse de ne pas l'avoir donné tout à l'heure, cela peut être important pour les députés, surtout ceux qui doivent retourner dans leur circonscription en fin de semaine — le député de Johnson s'est informé de l'endroit exact où on peut faire des représentations sur le projet de loi no 57 qui touche toutes

ou à peu près toutes, je crois bien, les municipalités du Québec. Je crois que les députés — le lundi, par exemple, à leur bureau de comté — peuvent avoir des représentations en ce sens.

Le bureau que j'ai annoncé, j'en donne l'adresse exacte pour tout le monde. Il s'agit de faire des représentations autant que possible auprès du directeur général de l'évaluation foncière, comme il se doit, au ministère des Affaires municipales, M. Robert Fournier, édifice G, 27e étage, gouvernement du Québec. Le numéro de téléphone, puisque cela peut être utile également pour les députés qui auront des représentations, c'est 643-8099.

Une Voix: ...

M. Charron: Non, c'est le numéro de téléphone au bureau. Je n'ai pas son numéro de téléphone à sa résidence, M. le Président. Je crois que c'est un outil qui peut être important pour les députés.

Je vous prierais d'appeler l'article 19 du feuilleton d'aujourd'hui.

M. Brochu: En vertu de l'article 34.

Le Vice-Président: Auparavant, j'aimerais demander au leader de l'Opposition officielle quelle sera la question avec débat de vendredi en huit.

M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je me rends avec plaisir à votre invitation en vous faisant part que la commission permanente de l'énergie et des ressources pourrait se réunir vendredi prochain, c'est-à-dire dans huit jours, pour la question avec débat du député de Mont-Royal au ministre de l'Energie et des Ressources sur le sujet suivant: la politique relative au pétrole.

Le Vice-Président: Que tous en prennent avis. M. le leader du gouvernement.

M. Brochu: M. le Président, en vertu de l'article 34.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Union Nationale, en vertu de l'article 34.

M. Brochu: Justement pour enchaîner sur l'avis que vient de faire le leader du gouvernement concernant l'ouvertude des bureaux pour recevoir les plaintes ou les demandes concernant le projet de loi no 57 sur la fiscalité municipale, le gouvernement a peut-être reçu, comme on commence à en recevoir à nos bureaux, des demandes de plus en plus nombreuses de la part de différents groupements, entre autres, de commissions scolaires qui demandent à être entendues avant l'étude du projet de loi article par article. (16 h 40)

Est-ce l'intention, face à cette demande de plus en plus répétée de la part des groupes intéressés, du gouvernement de convoquer cette commission parlementaire pour entendre les groupes, en particulier les commissions scolaires sur le projet de loi 57 avant son étude article par article?

M. Charron: Non, M. le Président. Pour le moment, je m'en tiens à la décision annoncée en début de semaine lors du dépôt du projet de loi.

M. Brochu: En vertu de l'article 34.

Le Vice-Président: M. le député de Richmond.

M. Brochu: Le leader du gouvernement me corrigera si ce n'est pas exact, mais je pense que c'est mardi prochain, le 27, que doit être déposé à l'Assemblée nationale le rapport de la Commission qui a siégé sur l'étude du projet de loi no 9, qui traite des districts électoraux. Ce projet de loi comprenait 217 articles qui ont été à peu près tous amendés. On est rendu maintenant à 300 articles. En vertu de notre règlement, on aurait jusqu'à mardi soir, 22 heures, pour déposer les amendements à ce projet de loi. Je demande ceci au leader du gouvernement. Compte tenu du grand nombre d'amendements apportés et des modifications presque à l'ensemble des articles, est-ce que ce serait possible d'obtenir un délai pour les dépôts des amendements que nous pourrions avoir à déposer devant l'Assemblée nationale et le greffier? Est-ce qu'on pourrait avoir un délai additionnel, quitte à ce que ce soit jusqu'au lendemain matin, dix heures, ou quelque chose du genre, pour nous permettre une étude intelligible de l'ensemble des amendements du gouvernement?

M. Charron: M. le Président, je suis sensible à la représentation que fait le leader de l'Union Nationale. Sur-le-champ, je ne peux donner une réponse précise, mais je suis prêt à en discuter avec lui et mon collègue de Bonaventure. Si on trouve une entente à l'amiable, j'y conviendrai.

Le Vice-Président: Merci.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: L'article 19 du feuilleton, M. le Président.

Prise en considération de rapports de commissions élues

Projet de loi no 56

Le Vice-Président: J'appelle donc la prise en considération du rapport de la commission permanente des affaires sociales qui a étudié le projet de loi no 56, Loi modifiant la Loi sur le Régime de rentes du Québec. Est-ce que ce rapport sera adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Rapport adopté.

M. Charron: L'article 17 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 53

Le Vice-Président: J'appelle maintenant la prise en considération du rapport de la commission permanente des consommateurs, coopératives et institutions financières qui a étudié le projet de loi no 53, Loi sur les corporations de fonds de sécurité. Est-ce que ce rapport sera adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Rapport adopté.

M. Charron: L'article 18, M. le Président.

Projet de loi no 51

Le Vice-Président: J'appelle la prise en considération du rapport de la commission permanente des affaires cultuelles qui a étudié le projet de loi no 51, Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre. Est-ce que ce rapport sera adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Rapport adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Aussi rapidement, M. le Président, l'article 8, s'il vous plaît.

Projet de loi no 60 Deuxième lecture

Le Vice-Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 60, Loi modifiant la Loi concernant les droits sur les mines et je cède la parole au ministre de l'Energie et des Ressources.

M. le ministre.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, le présent projet de loi est dans la continuité d'un ensemble de mesures que le gouvernement du Québec a prises depuis 1977 pour tenter de redresser la situation un peu désastreuse de notre industrie minière au Québec. Je pense plus particulièrement à celle du cuivre et du zinc parce que, dans le domaine du fer, la situation s'est notablement améliorée. Elle est même très saine présentement. Dans le secteur de l'amiante, tout le monde sait que ces compagnies font des profits que l'on peut peut-être qualifier d'exagérés mais, à tout le moins, qu'on peut certainement qualifier de généreux.

Donc, c'est dans ce secteur du cuivre et du zinc que le Québec rencontre un certain nombre de difficultés. De là cette proposition qui est présentée ici dans le projet de loi 60 et qui a essentiellement comme objectif d'obtenir trois résultats. Le premier résultat est de s'arrêter et de regarder comment est structurée notre industrie minière du cuivre et du zinc, quel genre de mines nous avons et quelles mesures peut-on prendre pour faire en sorte qu'elle trouve de nouvelles réserves de minerai et donc, puisse se développer ou, au moins, continuer à produire. Tout le monde sait qu'on est très content de découvrir une mine, mais il faut quand même reconnaître qu'une mine, pour vivre, doit s'épuiser. Il n'y a pas d'autres façons, on doit donc extraire continuellement le minerai et, après un certain nombre d'années, cette mine doit forcément fermer. Donc, première réflexion: Comment peut-on encourager les petites mines à découvrir du nouveau minerai? C'est le point sur lequel j'insisterai au cours de mon exposé.

Avant d'aborder ce point de vue, j'aimerais prendre au moins le temps pour voir la situation de notre industrie, particulièrement dans le Nord-Ouest. En fait, on a parfois l'impression que le Québec est un pays riche en ressources naturelles et que grâce à ces richesses naturelles, nous serons en mesure de vivre éternellement prospères. On oublie malheureusement que l'importance de notre industrie minière au Québec n'a fait que décroître depuis 1965 et que, en pratique, cette industrie minière supporte une industrie secondaire de moins en moins intéressante. Je m'explique.

Présentement, 10% du cuivre produit au Canada viennent du Québec; c'est intéressant. Lorsqu'on regarde quel est le pourcentage des réserves que nous avons sous terre, identifiées, pour soutenir l'activité minière, on s'aperçoit que c'est à peine 5,3%. Donc, nous exploitons nos mines plus rapidement que nous ne trouvons du minerai pour remplacer celui que nous avons exploité, et on voit immédiatement le danger poindre à l'horizon. Cela veut dire des mines qui vont fermer, cela veut dire qu'il n'y aura pas de nouvelles mines pour prendre la relève, donc une diminution de la production minière québécoise et, évidemment, une réduction des approvisionnements dans notre industrie de transformation. C'est dangereux de continuer dans cette voie parce que nous avons, au Québec, près de 65% ou 70% de toute l'industrie de transformation métallurgique du cuivre au Canada, deux "smelters", nous avons les affineries électrolytiques de Montréal, dans le cuivre et dans le zinc. En d'autres termes, nous avons une industrie de transformation très sophistiquée au Québec qui aurait besoin d'environ 440 000 tonnes de cuivre par année alors que nous n'en produisons à peu près que 150 000 tonnes. Donc, nous, Québécois, ne produisons pas suffisamment de matières premières pour approvisionner ces usines et on se rend bien compte que c'est toute notre industrie manufacturière associée à la métallurgie qui est menacée par la fermeture de nos mines.

Premier phénomène, le niveau d'exploitation de nos mines est trop élevé par rapport à notre effort d'exploration, nous ne trouvons pas assez de gisements. Deuxièmement, pour le zinc, le problème est le même. Il faut maintenant examiner la situation d'une ville comme celle de Rouyn-Noran-

da qui est au centre de nos préoccupations. En fait, le "smelter" de Noranda reçoit en approvisionnements environ 980 000 tonnes. Mais comme je l'expliquais tantôt, il ne le reçoit pas de mines québécoises. En fait, il reçoit en particulier tout près de 400 000 tonnes d'une mine située en Ontario qui s'appelle la société Texasgulf & Sulphur. Donc, il y a 400 000 des 980 000 tonnes qui vont à Noranda qui viennent de la société Texasgulf. Quelle est cette société Texasgulf? C'est une société minière à l'origine américaine et dont le gouvernement canadien a repris le contrôle par le biais de la Canadian Development Corporation qui en contrôle environ 33%. C'est une immense société qui possède tout près de $1 400 000 000 d'actifs.

Cette société nous expédiait du concentré de cuivre, ce qui nous permettait de faire fonctionner l'usine de Rouyn-Noranda, en bonne partie. Cependant, l'Ontario qui, comme vous le savez, a toujours eu à coeur l'intérêt du Canada, le partage des richesses naturelles, devait trouver que ces concentrés qui quittaient l'Ontario, finalement, appauvrissaient l'Ontario et qu'il aurait été intéressant de le transformer en Ontario, sauf que la société Texasgulf disait: Ce volume de 400 000 tonnes est insuffisant pour justifier la construction d'un "smelter" chez nous. Donc, nous n'en construisons pas. Le gouvernement ontarien devait se préoccuper sérieusement des moyens pour amener cette compagnie à comprendre le bon sens. Ils ont trouvé un moyen. (16 h 50)

Le moyen trouvé par l'Ontario est très simple. Toute compagnie minière paie une taxe spéciale qui s'appelle les droits miniers sur ses profits. On devrait donc augmenter cette taxe à 40%, le taux marginal de taxation lorsque les profits sont de $20 millions et plus. C'est une taxe très élevée parce que, notons-le, l'entreprise paie déjà 45% de taxation au point de vue de l'impôt corporatif. Cela veut donc dire que l'impôt payé monte à 85%. Pour chaque dollar de profit d'une compagnie minière géante en Ontario, $0.85 vont dans les coffres des gouvernements. C'est très élevé. C'est tellement élevé même que l'entreprise cesse totalement d'être rentable. Mais on ne veut quand même pas faire faire faillite aux compagnies minières on-tariennes. Il y en a deux dans cette situation; essentiellement, la société Inco et la société Texasgulf qui sont toutes deux situées au nord de l'Ontario.

Or, on sait que les provinces n'ont pas le droit de taxer ailleurs qu'aux puits. En d'autres termes, les droits miniers que nous percevons, parce que nous sommes propriétaires des richesses naturelles, nous avons droit de les prélever lorsque le minerai sort de la mine. Nous n'avons pas le droit de taxer de façon particulière les profits d'une autre façon que par l'impôt corporatif. Donc, si l'on veut taxer le profit aux puits, il nous faut donc soustraire la part de profit qui est associée au raffinage, à la concentration, opération simple pratiquée par tous les gouvernements provinciaux.

Pour compenser pour le fardeau fiscal très élevé que l'Ontario impose à ses grandes compa- gnies minières, on introduit une allocation de traitement qui, en fait, s'élève à tout près de 30% pour le nord de l'Ontario, ce qui se compare avec 15% au Québec. Le raisonnement que fait l'Ontario est le suivant: le coût de la vie est tellement élevé dans le nord de l'Ontario que, en pratique, il faut investir davantage pour produire du minerai dans le nord de l'Ontario. Il faut donc donner une allocation de traitement plus élevée.

Evidemment, si vous taxez très fortement les profits, mais que vous donnez une allocation très élevée de traitement, vous ramenez la compagnie sur la même base qu'antérieurement. Elle ne paie donc pas plus d'impôt qu'avant. Oh, mais attention! Si vous réalisez cette opération et que cette compagnie persiste à vouloir son minerai au Québec, elle n'a plus droit à l'allocation. N'ayant plus droit à l'allocation, c'est littéralement la faillite. On crée donc des conditions financières telles que l'entreprise a dû s'engager dans la construction d'un "smelter".

Voilà comment ce partage généreux des richesses de l'Ontario s'est fait, évidemment, au détriment de Rouyn-Noranda. Quand il s'agit de partager le pétrole de l'Alberta, soyons généreux mes frères, achetons-le à moitié prix et pensons au développement économique du Canada. Je parle au nom de l'Ontario. Mais, lorsqu'il s'agit de partager nos concentrés de cuivre, il est préférable de les transformer en Ontario, quitte même à imposer une surcharge fiscale qui pourrait être anticonstitutionnelle. On pourrait se demander pourquoi la société Noranda n'a pas protesté. La société Noranda a déjà des mines en Ontario. Elle était dans une situation un peu délicate. Elle n'a donc pas jugé bon de poursuivre le gouvernement ontarien.

La société Texasgulf aurait pu poursuivre; elle aussi se voyait lésée. Mais, cependant, elle est contrôlée par le gouvernement fédéral et, pour des raisons que nous ignorons, elle choisit de ne pas le faire.

Quant au gouvernement Bourassa, motus. Les analyses des fonctionnaires à l'époque sont très explicites; on peut les retrouver en grand nombre dans tous les classeurs du gouvernement: cette décision de l'Ontario et du gouvernement fédéral va entraîner à plus ou moins brève échéance la fermeture du concentrateur de Noranda, pas avant les années 1982 ou 1983, parce que d'ici là il faudra construire le "smelter", mais après.

Donc, premier problème, nous voyons Noranda privée d'un approvisionnement en concentré de cuivre qui, lui, vient de Texasgulf et cela avec l'appui tacite du gouvernement fédéral, avec, non seulement la bénédiction, mais l'intervention fort active du gouvernement de l'Ontario et avec, évidemment, l'appui, au moins par son silence, du gouvernement Bourassa. Cela se comprend, le gouvernement Bourassa voulant faire la preuve que le fédéralisme est rentable n'est certainement pas pour faire la démonstration que nous nous faisons avoir. C'est bien évident que non.

Alors, on camoufle absolument toutes les études. Avez-vous vu, sous le régime Bourassa, des chiffres concernant les dépenses créatrices d'emploi au Québec? Non, pas du tout. On n'est certai-

nement pas pour les rendre publics. A-t-on vu, par exemple, des analyses sur les subventions du MEER au Québec? Evidemment non, parce qu'on sait à nouveau qu'on est défavorisé. Toutes ces études, on les cache. D'ailleurs, l'ancien gouvernement libéral a fait faire des études à la hâte — je parle du gouvernement d'Ottawa — à l'arrivée au pouvoir du Parti québécois au Québec, en se disant: On va faire la preuve que le fédéralisme est rentable. Nous apprenions récemment, par le biais du ministre Jarvis, que le gouvernement a préféré enterrer ces études, les mettre sur les tablettes. Il a préféré les enterrer parce que, malheureusement, cela confirmait tout ce que nous disions depuis des siècles.

C'est le problème lorsqu'on se retrouve avec des gouvernements dits fédéralistes au Québec, qui n'ont d'autre objectif que de faire la démonstration que le système est bon, même si nous nous faisons rouler au cours de l'opération. La conséquence de ça... C'est assez amusant parce que j'entends souvent le député de Rouyn-Noranda manifester chaleureusement son fédéralisme; il n'a jamais expliqué à ses électeurs de Rouyn-Noranda que c'est grâce à son action fédéraliste qu'il est en train de se faire "fourrer".

Je vais vous donner quelques chiffres, M. le Président, je suis convaincu que cela va vous intéresser. Voici quelques chiffres sur l'importance, pour la région de Noranda, de l'exploitation de la minière Noranda. Sur une population totale de 38 000 habitants, à Rouyn-Noranda, il y a 15 600 travailleurs, 2800 chômeurs, 18% de taux de chômage. La fonderie de Rouyn-Noranda emploie à elle seule 1200 travailleurs. Si on ajoute les emplois indirects, on retrouve un chiffre entre 3000 et 4000. Si le "smelter" de Noranda ferme, c'est un taux de chômage de 40% qu'on aura directement à Rouyn-Noranda, mais ce n'est pas tout parce que nos compagnies minières, qui présentement ont l'avantage d'avoir un "smelter" à proximité, doivent maintenant exporter leurs concentrés; devant faire cela, la conséquence inévitable est que les coûts de production montent. Comme nos gisements sont plus petits et marginalement rentables, un bon nombre de nos mines deviennent non rentables. C'est un impact catastrophique sur l'économie de tout le Nord-Ouest québécois. Et notre distingué collègue du Parti présidentiel, qui siège à nos côtés à l'Assemblée...

Une Voix: Démocrate.

M. Bérubé: Démocrate? Je m'excuse, mais on n'arrive pas à suivre les noms de ces partis. Ce distingué collègue du Parti démocrate de Rouyn-Noranda, qui fait face à une décision désastreuse pour l'économie de sa région, n'en parle jamais à ses concitoyens. Il n'en parle jamais parce qu'il faut bien qu'il démontre que, pour lui, le fédéralisme est rentable. A ce moment-là, on préfère taire cela. Les gens de Rouyn-Noranda vont tranquillement, la paix dans l'âme, sans se douter que l'action fédérale, l'action ontarienne va provoquer un effondrement chez eux.

Le gouvernement du Québec, lui, n'a pas d'autre choix que de tenter de corriger la situation. Comment pouvait-on tenter de corriger la situation dans ce territoire, là-bas? D'abord, il fallait augmenter le niveau d'exploration. Nous avons demandé à nos sociétés d'Etat de faire un effort particulier. Par exemple, en 1975, le gouvernement a dû investir environ $7 millions en exploration au Québec. En 1978, c'était $22 747 000. C'est énormément plus. Compte tenu des contraintes budgétaires qu'on connaît à Québec, on se rend compte de l'effort considérable que nous avons consenti. C'est la seule solution. (17 heures)

Nous avons demandé à nos sociétés d'Etat de faire un effort. Peut-être que la société Texasgulf, qui a des actifs de $1 400 000 000, aurait pu faire un effort. On me dit qu'elle investit beaucoup au Québec: $30 000, essentiellement. C'est l'effort magistral de la société Texasgulf pour corriger l'impact négatif de ses politiques.

Cela se compare avec SOQUEM qui investit environ $7 millions. SOQUEM, une petite société à nous autres, Québécois, qui vaut à peu près $100 millions d'actifs, investit $7 millions en exploration chez nous. Texasgulf and Sulphur, qui nous appartient puisque nous sommes Canadiens, investit $30 000 au Québec, $1 400 000 000 d'actifs. C'est cela, deux poids, deux mesures. C'est le fédéralisme rentable. Mais ce n'est évidemment pas le député de Rouyn-Noranda qui va le souligner. C'est le genre d'information dont ses électeurs auraient besoin pour prendre une position au moment du référendum, mais il n'en parlera pas, c'est bien évident.

Donc, il fallait augmenter l'effort d'exploration de l'Etat. Egalement, il fallait tenter de stimuler l'émergence de nouvelles entreprises d'exploration au Québec. Pour cela, il fallait réduire le risque. C'est pour cette raison que, comme gouvernement, on a investi énormément dans l'exploration géophysique, géochimique, les cartes de synthèse, pour faire en sorte que le Québec soit tellement bien connu sur le plan géologique que le risque de faire de l'exploitation diminue et, par conséquent, qu'il y ait plus d'investissements en exploration.

Donc, réduire le risque en augmentant la quantité d'information disponible. Parce que moins on connaît le territoire, plus on prend des chances lorsqu'on investit de l'argent pour de l'exploration. Si, au contraire, la géologie est parfaitement bien connue, on saura à l'avance qu'il y a des endroits où cela ne vaut pas la peine d'aller; on se concentrera là où cela vaut la peine et il y a beaucoup plus de chance de découvrir. Pour la même quantité d'argent investi, on trouve proportionnellement plus de minerai. Si on trouve plus de minerai, c'est plus intéressant d'explorer, il y a donc plus de chances d'avoir des investisseurs. Voilà le raisonnement que nous avons fait. C'est donc une réduction du risque.

Egalement, un partage du risque en mettant sur pied un fonds de développement minier, ce qui nous permet de défrayer à peu près la moitié des

dépenses d'exploration et des compagnies et des prospecteurs qui s'offrent à nous.

Egalement, on s'est aperçu que beaucoup de notre argent, au Québec, s'en allait en Alberta, s'en allait dans la mer de Beaufort, cette magnifique mer de l'Arctique, au bout du delta du Mackenzie, parce qu'il existe, en Alberta, ce que nous appelons des sociétés en commandite. Ce sont des prospecteurs qui ont des propriétés intéressantes, qui les mettent dans une société; ils convainquent une dizaine d'hommes d'affaires, médecins ou autres, de mettre un peu d'argent là-dedans. On crée une société, on effectue des travaux d'exploration et, si on trouve, tant mieux, si on ne trouve pas, on défait la société et on recommence.

Pour encourager l'exploration, le gouvernement consent des avantages fiscaux importants. C'est important de le souligner à l'intention des Québécois. Tout citoyen qui prend $1 sur son salaire et qui l'investit dans une société en commandite, peut déduire ce $1 de son revenu. Par conséquent, le gouvernement lui rembourse, littéralement parlant, l'impôt qu'il aurait payé dessus. Alors, un citoyen qui paie 50% d'impôt sur $1 pourra dire que sur chaque dollar d'exploration qu'il aura investi, le gouvernement lui en remboursera la moitié. C'est une façon de stimuler l'investissement et d'amener les citoyens à risquer dans le domaine de l'exploration minière.

Or, beaucoup de Québécois investissent présentement en Alberta, parce que les règles de formation des sociétés en commandite sont beaucoup plus souples, beaucoup plus flexibles, et permettent la constitution rapide de ces sociétés, la désagrégation, l'addition de propriétés. C'est ce qui explique pourquoi nous avons présenté un projet de loi, pour modifier le Code civil et favoriser la création de telles sociétés au Québec. C'est donc possible depuis maintenant quelques mois puisque nous avons adopté cette loi lors de la dernière session.

Cependant, d'après notre analyse, c'est encore insuffisant. Il faut aller plus loin et nous irons plus loin. En fait, nous avons constaté qu'au Québec, notre richesse dans le domaine du cuivre et du zinc reposait dans de petites mines qui, parfois, ont une longévité surprenante. Prenez une mine comme Sigma que l'on a développée en pensant qu'elle aurait une vie de cinq ans; trente ans plus tard, elle fonctionne toujours, à profit.

Notre géologie est à ce point compliquée que, d'une façon générale, on trouve une petite mine, on fore une galerie, on commence à exploiter et là, pour voir simplement, on fore un trou pour sonder dans une direction et — surprise! — on trouve une nouvelle veine. Nos mines se développent petit à petit à partir des galeries existantes. C'est donc important pour nous, ces petites mines. Il faut trouver un moyen de les rendre peut-être un peu plus rentables de manière qu'il s'en développe davantage et en développant davantage, on a des chances de développer de beaux gisements au Québec.

Nous constatons également — et c'est ce que je viens de dire — que 65% de tout le nouveau minerai découvert au Québec ne vient pas de nouvelles mines découvertes à partir de sondages en surface, mais bien de nouveaux minerais découverts en faisant des forages à partir des mines existantes. Donc, si on veut augmenter nos réserves de minerai de manière que la société Noranda n'ait pas à fermer son "smelter" de Rouyn-Noranda, il ne faut pas se contenter de placoter comme l'a fait le député de Rouyn-Noranda. Il faut prendre les moyens. On cherche ce qu'on pourrait faire. Une des façons d'y arriver, c'est de se dire: Nous avons des avantages particuliers pour toute entreprise qui fait de l'exploration au Québec. Je m'explique. Si vous êtes une compagnie et que vous faites de l'exploitation minière, vous déduisez de vos dépenses chaque dollar que vous dépensez en exploration. Le gouvernement vous en rembourse environ 50%, mais ce n'est pas tout. On peut, pour chaque dollar d'exploration, ajouter $0.33 de déduction. Evidemment, cette déduction amène une réduction de l'impôt qui est plus intéressante encore. C'est une incitation à l'exploration que nous appelons hors chantier, c'est-à-dire que toute entreprise qui fait un trou de forage qui lui coûte $1, si elle payait un taux marginal de taxation de 65% — ce qui est tout à fait possible au Québec — le gouvernement, normalement, lui rembourserait $0.65. Elle paierait $0.35. Chaque dollar d'exploration lui coûterait $0.35. C'est intéressant mais normal.

Nous ajoutons maintenant pour l'exploration hors chantier — je dois dire qu'elle existe déjà — une allocation supérieure de 33%, ce qui veut dire que pour chaque dollar d'exploration, il en coûtera maintenant $0.29 à l'entreprise pour faire ce dollar d'exploration. Donc, c'est une déduction supplémentaire que la compagnie peut effectuer. Cependant, cette allocation d'exploration qui existe depuis un bon nombre d'années — depuis au moins une quinzaine d'années à ma connaissance — au Québec, qui existe dans l'ensemble des provinces canadiennes, qui vise à accélérer les recherches en exploration et à inciter les compagnies, au lieu de garder les profits qu'elles ont faits, à les réinvestir dans le développement du potentiel minéral, cette politique existe depuis longtemps. Mais comme nous constatons, au Québec, que c'est à l'intérieur des mines que l'on trouve le plus de nouvelles réserves, nous nous disons: Pourquoi ne pas donner la même incitation à l'industrie pour faire de l'exploration, mais, cette fois-ci, en chantier, c'est-à-dire sous terre. Donc, le premier élément du projet de loi a comme objectif de permettre aux compagnies minières non seulement de pouvoir déduire leurs dépenses d'exploration en surface, mais également leurs dépenses d'exploration en profondeur en jouissant exactement des mêmes avantages fiscaux que pour la fin des explorations en chantier. La conséquence, évidemment, ce sera de stimuler le genre d'exploration qui pour nous au Québec est excessivement important, c'est-à-dire le développement de réserves là où nous avons plus de chances d'en trouver.

Le deuxième élément de ce projet de loi, M. le Président, est un élément d'aide à la très petite

industrie. En effet, nous avons un grand nombre de tout petits gisements. Ces petits gisements sont évidemment plus coûteux d'exploitation parce que, forcément, vous avez peu de volume, vous n'avez pas d'économie d'échelle, il vous faut encore beaucoup de main-d'oeuvre pour faire les mêmes opérations, sauf que les opérations se font sur un petit volume de minerai. (17 h 10)

C'est pour cette raison que, pour faciliter le développement de ces mines, nous proposons, en fait, d'augmenter l'exemption qui n'avait pas bougé depuis un certain nombre d'années. En effet, les premiers $150 000 de profits d'une toute petite mine ne sont pas taxés. Comme ce montant n'avait pas été modifié depuis quelques années — depuis quatre ans, je crois — nous avons pensé que nous pourrions l'accroître à $250 000, donc de maintenir cet avantage que nos petites mines avaient dans le passé.

Le troisième élément de ce projet de loi, c'est un élément d'étalement des pertes. En effet, on sait — on l'a connu il y a maintenant trois ans — que le prix du cuivre est cyclique, qu'il est tantôt très élevé comme présentement ou à la baisse, complètement effondré comme il y a deux ans et demi. La conséquence, c'est qu'il faut faire en sorte que les profits que l'on réalise durant les bonnes années servent à éponger les déficits des années mauvaises. Cependant, nous avons constaté que les mauvaises périodes étaient souvent assez longues, de plus de deux ans, et qu'il se trouvait des pertes subies trois années antérieurement que l'on ne pouvait plus éponger à l'aide des profits puisque la loi ne permettait que de prendre la moyenne de deux ans. Nous avons donc pensé, à la lumière des cycles économiques observables, de permettre à l'industrie de regrouper ensemble quatre années budgétaires, de manière à faire la moyenne des profits et pertes et à ne payer de l'impôt que sur le profit net moyen de la période en question. Ceci va permettre à l'entreprise d'éponger plus facilement ses pertes à partir des profits qu'elle pourrait générer dans les périodes de bonne conjoncture.

C'est donc le sens du présent projet de loi, M. le Président, et je termine là-dessus. C'est un projet de loi qui a comme objectif essentiellement de stimuler le développement de petites mines au Québec par le biais de l'exploration souterraine, en favorisant la rentabilité des plus petites entreprises, donc en leur donnant une exemption d'impôt pour les premiers $250 000 de profits, et également en reconnaissant que ce type d'industries, ces petites mines de cuivre et de zinc, sont soumises à des variations continuelles des prix et qu'il serait plus juste, plus équitable de faire en sorte qu'elles puissent étaler les profits et les pertes sur une plus longue période de manière à calculer l'impôt.

C'est le sens du présent projet de loi. C'est un projet de loi qui va dans le sens de la petite entreprise québécoise, dans le sens du développement d'un entrepreneurship québécois, dans le sens d'un rétablissement de la situation minière dans le Nord-Ouest québécois.

Je dois dire, M. le Président, cependant, que je ne suis pas certain que cela soit suffisant. Nous surveillons continuellement la situation dans le domaine minier au Québec. Evidemment, je pourrais toujours procéder à une séance de péta-ge de bretelles et dire: Alors que le Québec était dans une position dramatique en 1974, 1975 et 1976 en ce qui a trait à l'exploration minière, depuis l'arrivée du gouvernement actuel et l'implantation de nos politiques, aujourd'hui le Québec a le championnat, par exemple, pour l'importance du forage pour la recherche de nouveaux gisements dans les métaux de toutes les provinces canadiennes. Je pourrais souligner que, au Québec, l'effort de l'entreprise privée en exploration s'est non seulement maintenu, mais accentué. Mais je devrai vous dire, malheureusement, M. le Président, que c'est encore largement insuffisant. En effet, nous estimons que, pour maintenir simplement le niveau d'activités minières actuel, il nous faudrait au moins $70 millions d'investissement en recherches minières. L'industrie en dépense à peu près $32 millions à $35 millions. Nous croyons que cette part doit doubler. Nous sommes prêts comme gouvernement — nous l'avons montré en portant notre part de $7 millions à $22 millions — à tendre vers une autosuffisance dans le domaine de nos minerais au Québec.

Vous vous rendrez compte qu'en ajoutant les $35 millions de l'entreprise privée aux $22 millions du gouvernement, nous nous approchons très rapidement de ces $60 millions à $70 millions qu'il nous faut générer. Mais nous entendons parfois les représentants de l'entreprise privée se plaindre que le gouvernement intervient trop, que le gouvernement est en train de saper toute l'initiative de l'entreprise privée en intervenant trop massivement. M. le Président, je suis prêt à leur laisser la place.

Je suis prêt à les inciter à faire leur part et si, d'ici un an, l'entreprise privée investit non plus $35 millions mais $70 millions en exploration au Québec, nous pourrons, à ce moment-là, dire: Le gouvernement avait raison de faire confiance à l'entreprise privée. Mais, si l'entreprise privée continue à ne même pas fournir la moitié de l'effort qui est nécessaire pour maintenir ses mines en existence, à ce moment-là, il sera temps, très sérieusement, d'envisager des mesures beaucoup plus radicales. Cela pourra signifier une intervention gouvernementale beaucoup plus massive, l'élimination de tous les avantages fiscaux consentis à l'industrie minière et la reprise en main par les Québécois en investissant directement eux-mêmes. C'est à l'entreprise privée de relever le défi. J'espère qu'avec ces différentes mesures que nous avons adoptées, nous verrons graduellement une expansion majeure de l'exploration de l'entreprise privée au Québec et, dans ces conditions, nous serons au moins en mesure de dire: L'entreprise privée prend les moyens pour maintenir son rythme d'activités actuel au Québec. C'est l'objectif du gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Lacoste): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le projet de loi que nous étudions maintenant s'imposait. Il était absolument nécessaire d'apporter des mesures fiscales pour inciter et pour aider les petites mines dans le Nord-Ouest du Québec. Jusqu'à maintenant, ces petites mines étaient défavorisées par les lois fiscales existantes et le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, nous allons l'appuyer parce qu'il va venir aider l'exploration, le développement, la mise en oeuvre de ces petites mines.

Comme on l'a mentionné tantôt, il y a des cycles dans l'industrie minière, il y a des hauts et des bas. Alors, il faut prévoir qu'au moment où on est au creux de la vague, ces sociétés puissent se créer des réserves pour pouvoir continuer leur exploration. C'est pour cette raison que nous appuyons ce projet de loi, parce qu'il permettra la déduction de certains frais d'exploration et de mise en oeuvre, l'exemption d'être augmenté de $150 000 à $250 000 qui est un montant assez considérable pour ces petites mines et il étalera sur une période de quatre ans la possibilité de pouvoir récupérer les pertes.

M. le Président, il faut réaliser que cela fait quelques années qu'il y a des représentations qui sont faites auprès du gouvernement actuel pour mettre en oeuvre non seulement ce projet de loi-ci, mais pour prendre les mesures nécessaires pour venir en aide à ces petites mines. Je ne comprends pas parfois les contradictions du ministre. C'est bien beau d'essayer de mettre tout sur le dos du fédéral. "Tout est la faute du fédéral." On blâme l'Ontario, on blâme le gouvernement fédéral pour la situation qui existe ou la possibilité d'une pénurie de cuivre à Rouyn-Noranda. Mais, c'est cette même politique... Il critique le gouvernement de l'Ontario de vouloir manufacturer les produits en Ontario plutôt que de les exporter dans d'autres provinces. C'est la même politique que le gouvernement du Québec et il critique. Par exemple, dans l'industrie de l'amiante, il dit: II n'y a pas assez d'utilisation de ce produit primaire au Québec, alors nous allons vous exproprier. (17 h 20)

Je ne crois pas que le ministre soit vraiment en mesure de critiquer cette politique quand lui-même en vient à en mettre en oeuvre. Je pourrais dire que ce n'est pas en poursuivant ces objectifs d'indépendance qu'on va réduire cette possibilité ou qu'on va enlever à l'Ontario sa politique de vouloir manufacturer, de vouloir utiliser des produits primaires en Ontario, même que ça va empirer. Maintenant, il y a des mesures que nous pouvons prendre pour nous assurer, dans certains endroits, qu'on pourra faire des représentations, créer des pressions pour que cette politique soit équilibrée. Je crois, premièrement, qu'on ne peut pas critiquer un autre gouvernement pour les politiques que nous-mêmes poursuivons.

Deuxièmement — peut-être que c'est une critique qu'on peut faire à d'autres — on pense trop strictement à nos intérêts sans penser à l'ensemble de la population et peut-être qu'avec une opti- que différente, on pourrait en venir à d'autres mesures. Pour cette raison, nous appuyons une mesure telle que le projet de loi no 60, parce que c'est une mesure concrète qui vient à l'aide de ces petites mines pour leur permettre de faire de l'exploration plutôt que de fermer. C'est le risque qu'elles courent, plusieurs de ces mines pourraient fermer. Avec ces mesures incitatrices, elles pourront continuer leur développement.

Une autre critique que le ministre a faite. Il reproche aux Québécois d'envoyer leur argent en Alberta, dans l'île de Beaufort. Quand on a suggéré au ministre d'adopter une politique sur le pétrole, de ne pas aller au prix mondial, le ministre s'est contredit encore une fois, il veut envoyer encore plus d'argent québécois en Alberta. Alors, qu'il se branche, soit qu'il soit consistant dans son approche et qu'il dise: Voici la situation, ou qu'il ne fasse pas le reproche à d'autres provinces, au Parti libéral ou à ceux qui suggèrent que ce n'est peut-être pas nécessaire d'aller au prix mondial, parce que c'est un prix qui est contrôlé artificiellement par un cartel et il devrait peut-être penser à l'ensemble des intérêts des Québécois. Nous l'avons signalé, nous avons déjà reçu, en bénéfices, $5 200 000 000, on ne peut pas faire fi de ce montant, et on recevra encore d'autres bénéfices de ce produit qui sera utilisé au profit de tous les Canadiens.

Je crois, M. le Président, que quand le ministre vient dans cette Chambre déposer des projets de loi comme le projet de loi no 60, il crée une situation qui peut inciter l'industrie à réinvestir dans le développement économique, la recherche, l'exploration, la mise en matière de produits; alors, nous pouvons l'appuyer. Mais quand il cherche à mettre sur le dos du fédéral ou sur le dos d'autres provinces tous les maux qui existent au Québec, je crois qu'il va un peu loin, et même sa solution n'est pas une solution, parce que s'il poursuit son objectif d'indépendance, ça ne changera pas le fait que le pétrole se trouve en Alberta, qu'il faudra l'acheter... mieux se fier aux politiques fédérales, essayer de travailler dans le cadre de ces politiques, essayer de les modifier au bénéfice du Québec. Nous avons réussi jusqu'à maintenant dans certaines mesures et peut-être que, avec une bonne volonté, nous pourrons encore réussir pour d'autres.

Nous appuyons le projet de loi, M. le Président, mais il y a certainement quelques questions que nous pouvons poser au ministre quant aux modalités, et peut-être y apporterons-nous certaines modifications pour essayer de bonifier le projet de loi en commission parlementaire. Je pourrais demander au ministre — qui pourrait répondre dans sa réplique — pourquoi, dans son projet de loi, nous n'avons pas une définition de frais d'exploration et de mise en valeur. Dans le projet de loi original qui est modifié par ce projet de loi-ci, une définition de frais d'exploration est incluse. La façon dont le présent projet de loi est rédigé laisse une ambiguïté, cela laisse tout à la décision du gouvernement, parce qu'il n'y a pas de définition de frais d'exploration minier et de mise en valeur.

Dès que cela devient frais d'exploration, l'exemption ne s'appliquerait pas. Il devient important pour une société de savoir quel montant elle pourrait déduire, quel montant pourrait lui être exempté pour être en mesure d'être plus certaine dans ses opérations, plutôt que de la laisser dans l'ambiguïté et de laisser cela encore à la discrétion du gouvernement. Le ministre pourrait peut-être aussi nous répondre, nous dire les montants qui sont impliqués en allant de $150 000 à $250 000 d'exemption, ce que cela va impliquer pour le Trésor québécois, quels sont les montants et est-ce qu'il a les chiffres. Il pourrait nous soumettre ce qu'il s'attend d'avoir de cet investissement. Evidemment, il va y avoir moins de revenu, et je pense que ce serait bon d'informer-la Chambre du coût exact de ce projet de loi et des mesures qui y sont incluses.

Le ministre a fait état des sommes qui sont investies dans ce domaine par l'Etat et des sommes qui sont investies par l'entreprise privée. Il nous a dit que les sommes de l'entreprise privée n'étaient pas suffisantes pour rencontrer les besoins de l'industrie dans l'exploration. Il nous a dit qu'on aurait besoin de $70 millions par année et jusqu'à maintenant, presque ou un peu moins de la moitié de ce montant est investi. Nous aurions certaines recommandations à faire et l'approche que nous prendrions serait peut-être un peu différente de cette du ministre. Effectivement, il y a eu des suggestions qui ont été faites, des représentations qui ont été faites au gouvernement pour suggérer au gouvernement quelles mesures pourraient être prises pour encourager l'entreprise privée et les petits investisseurs à investir dans ces entreprises, dans le domaine minier, dans l'exploration. Par exemple, une des recommandations qui ont déjà été faites, c'est de permettre à ces sociétés de pouvoir bâtir une réserve non imposable dont les montants devraient être utilisés strictement pour l'exploration dans un certain nombre d'années. Cela répondrait aux exigences de ces compagnies, cela répondrait à la question du cycle, quand on est dans le creux du cycle, il y aurait des sommes qui seraient disponibles pour réinvestir et faire de l'exploration. C'est une mesure qui va au-delà des mesures prévues dans le projet de loi actuel.

L'autre mesure — et c'est peut-être cela qui nous distingue de l'approche du gouvernement — c'est que nous prendrions plus de mesures pour inciter l'entreprise privée et les petits investisseurs à investir dans ces entreprises, dans des entreprises québécoises, par exemple, en accordant des stimulants, des incitatifs aux investisseurs, aux individus. Par exemple s'ils investissaient dans l'exploration, ce serait déductible de leur impôt, cela serait déductible des profits qu'ils font dans d'autres entreprises. Ce serait un moyen d'inciter des sommes de l'industrie privée, parce que ce n'est pas en faisant des menaces, en disant: Si vous ne le faites pas, nous allons investir... Parce que l'argent, tout de même, il va falloir le trouver en quelque part. Plutôt que de prendre l'approche que c'est l'Etat qui va le faire, c'est l'Etat qui va s'en occuper, vous pourriez faire ce qu'ils font dans d'autres endroits, prévoir des mesures incitatives pour permettre aux individus et aux sociétés d'avoir des avantages d'investir, d'avoir des avantages plus qu'ils n'en ont maintenant. S'ils investissent, ils pourront déduire cela de leurs autres impôts.

C'est vrai que dans certains cas, l'assiette fiscale dans certains endroits pourrait être réduite, mais ce serait compensé par l'activité économique additionnelle que vous pourriez trouver par l'investissement de ces sommes. (17 h 30)

Plutôt que d'envisager plus d'investissements de l'Etat dans ce domaine, on devrait prendre des mesures fiscales pour aider l'entreprise privée à réinvestir au Québec. Comme exemple, M. le Président, je pourrais dire que tant que les impôts seront plus élevés ici, naturellement, ce sera plus facile pour ceux qui prennent les décisions d'aller investir ailleurs, parce que les taux de taxes, les taux d'impôt sont plus élevés que dans d'autres juridictions. C'est un autre point qui ne sera pas amélioré si on poursuit les objectifs indépendantistes du ministre. C'est un fait de la vie économique. Ces choses-là n'ont pas de frontières. Si vous avez des conditions économiques convenables, si vous inspirez la confiance et si vous permettez à l'industrie privée de bénéficier de certains avantages, l'industrie privée va venir ici, va investir et va créer des emplois.

Le ministre a dit — ici, je dois avouer qu'il a raison — qu'il ne faut pas exagérer les richesses naturelles que nous avons. C'est vrai que nous en avons, mais il faut les exploiter. Il faut que les politiques du gouvernement permettent l'exploitation spécialement dans le secteur privé, parce que le gouvernement ne peut pas tout faire. Malgré les prétentions, les réclamations de certains, le gouvernement ne peut pas tout faire. Il faut permettre à l'entreprise privée d'oeuvrer dans ce domaine pour le bénéfice de toute la population. Par exemple, quand on parle de la production minérale du Canada, si on prend toute la production des provinces, on voit qu'au Québec on produit 9,3% de toute cette production et cela inclut naturellement la production pétrolière en Alberta. Si on enlève la production pétrolière, le pourcentage que nous produisons au Québec va augmenter. Tout ceci pour dire qu'il ne faut pas se dire: Nous avons des richesses naturelles, on peut se fier sur cela. Il faut que ces richesses soient développées, il faut que les gouvernements aient des mesures incitatrices, des politiques pour permettre à l'entreprise privée, selon certains règlements, d'investir. Le ministre a fait état de certaines sociétés en commandite où les gens allaient investir en dehors du Québec. Naturellement, on doit faire de même. On a commencé — mieux vaut tard que jamais — mais peut-être que ce n'est pas assez.

Nous appuierons le projet de loi. Comme je le disais, c'est une mesure qui s'imposait parce que cela fait des années, au moins depuis 1975, que ces compagnies font des représentations auprès du gouvernement. Finalement, après trois ans au

pouvoir, le gouvernement nous présente ce projet de loi faisant suite au discours du budget du ministre des Finances. Le gouvernement doit faire plus pour encourager le développement économique, soit par des mesures fiscales, soit par d'autres programmes. J'en ai mentionné seulement deux, mais il pourrait instituer d'autres programmes pour aider à l'industrie privée, et créer des mesures afin que l'industrie trouve cela plus avantageux de se développer ici qu'ailleurs.

Le principe du projet de loi no 60 est excellent; on voudrait que ce soit répandu dans d'autres domaines. Le principe du projet de loi no 60, quel est-il? Même si le ministre nous l'a dit, peut-être n'est-ce pas tout à fait accepté dans d'autres ministères. Le principe est le suivant: afin de permettre le développement économique, il faut avoir les mesures fiscales appropriées qui sont plus avantageuses ici qu'ailleurs. Ce principe va s'appliquer que le Québec fasse partie de la confédération ou qu'il n'en fasse pas partie. C'est un principe économique universel.

Alors, les questions des désavantages onta-riens, des désavantages du fédéral, ce n'est pas pertinent à ce débat, cela n'a rien à faire, c'est l'économique qui compte. Comment pouvons-nous attirer les industries ici et comment allons-nous le faire? Allons-nous avoir des mesures fiscales qui peuvent répondre aux besoins de l'industrie privée? Si nous avons ces mesures fiscales qui répondront aux besoins, les compagnies viendront ici. Si nous ne pouvons pas leur répondre, malgré les objectifs politiques, malgré tout le reste, les compagnies ne viendront pas. C'est aussi simple que cela.

Alors, dans le domaine économique, ne mêlons pas les cartes. Quand on est dans le domaine économique, cela ne sert à rien de commencer à essayer de faire de la politique par les politiques de l'Ontario, à cause des fuites d'argent, des investissements dans d'autres provinces. Regardons les politiques qu'on peut appuyer. Ce n'est pas parce qu'on est indépendantiste qu'on doit dire: On va aller aux prix mondiaux, on va envoyer tout l'argent du Québec en dehors du Québec. Ce n'est pas le principe du contrôle des richesses naturelles. On accepte que le contrôle des richesses naturelles et le développement appartiennent aux provinces, mais, quand cela dépasse une limite, quand cela dépend de la survie économique d'un pays, quand cela dépend de la possibilité du consommateur de pouvoir changer son standard de vie, on dit: Ecoutez, il y a certaines mesures. C'est cela, le bénéfice du fédéralisme. C'est quand, dans certains cas, on peut faire des politiques pour l'ensemble de tous les Canadiens; même si cela représente un peu moins pour une certaine province, on le fait.

M. le Président, il y a eu un temps où l'huile de I'Alberta a été subventionnée par les montants que l'Ontario payait de plus. Alors, la raison pour laquelle j'ai parlé de cela, je n'avais pas l'intention d'en parler, mais c'est le ministre qui l'a mentionné pour démontrer, pour essayer de mettre tout le blâme sur les autres. C'est trop facile, c'est bien facile de dire: Si on n'a pas de développement ici, c'est la faute des autres. Si on n'a pas de développement ici, peut-être que c'est notre propre faute, à cause des mesures fiscales qu'on n'a pas. Le Conseil du patronat vous a fait des représentations, vous a expliqué pourquoi beaucoup de sociétés s'en vont, pourquoi beaucoup de cadres, les gens qui prennent les décisions, s'en vont; c'est à cause de vos mesures fiscales. Cela n'a rien à voir avec les objectifs politiques.

J'aurais préféré que le ministre se restreigne, parle strictement de l'aspect économique de ce projet de loi, sans essayer de blâmer les autres juridictions. Mais, même en le faisant, je pense qu'il s'est contredit. Je ne pense pas que cela ait ajouté beaucoup au débat. Alors, M. le Président, malgré les prétentions du ministre, malgré les raisons qu'il apporte à l'appui de son projet de loi, nous l'appuierons, mais pour d'autres raisons et, principalement, parce que c'est une bonne mesure qui est demandée par ces compagnies, par ces sociétés, qui est nécessaire pour maintenir ces petites mines en activité, qui va permettre l'exploration, le développement économique. C'est une bonne mesure dans ce sens et, pour ces raisons, nous allons appuyer le projet de loi. Merci.

Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais prendre la parole, au nom de l'Union Nationale, sur ce projet de loi no 60 qui nous est présenté par le ministre responsable des Richesses naturelles. Ce n'est pas souvent, depuis un bon bout de temps, qu'on a l'occasion d'avoir un projet de loi qui concerne l'industrie minière. Les derniers sont de mémoire vénérable, je pense, à la dernière session, et ç'a été un projet de loi qui a donné lieu à beaucoup plus de discussions, je pense, que celui qui nous est présenté aujourd'hui, parce qu'on avait eu, à ce moment-là, en termes de discussions au niveau de la commission parlementaire, quelque chose comme 70 heures de débat. Je pense que ce sera un petit peu différent pour le projet de loi no 60 qui est devant nous, étant donné qu'il s'agit essentiellement, au départ, d'un projet de loi technique qui vise à stimuler le développement des petites mines en favorisant l'exploration souterraine. Je pense qu'on ne peut d'aucune façon aller à l'encontre de cette ouverture nouvelle que fait le ministre par le projet de loi qu'il nous présente aujourd'hui. (17 h 40)

M. le Président, l'industrie minière au Québec se trouve, depuis quelques années, aux prises avec certaines difficultés. Le ministre a eu l'occasion d'y faire allusion tout à l'heure dans son discours. Il y a également une rentabilité assez intéressante dans certains secteurs. On sait que c'est quand même une industrie fluctuante qui est soumise aux aléas du marché. Malgré cette situation plutôt favorable dans l'ensemble pour l'année

1979, il n'en reste pas moins, à mon sens, que l'industrie minière a quand même certains problèmes majeurs à surmonter. En particulier, au point de départ, j'aimerais souligner la récession économique qui touche actuellement les Etats-Unis. On sait que les Etats-Unis constituent, en quelque sorte, le principal débouché de notre industrie minière. Lorsque des difficultés se produisent dans le secteur économique en termes de récession surtout — ce qui est envisagé aux Etats-Unis — on sait que cela ne peut pas avoir d'autres effets chez nous que d'avoir des impacts négatifs et de réduire, en quelque sorte, les marges de manoeuvre qui, à quelques occasions, ne sont pas suffisamment grandes pour nous permettre de faire face à cette situation, ou même de continuer à fonctionner de façon satisfaisante. On sait que cela vaut également pour d'autres secteurs. On aura l'occasion d'y revenir. Je pense qu'il y a une question avec débat qui a été soumise pour la semaine prochaine concernant la question des hydrocarbures ou le domaine pétrolier, si j'ai bien compris la proposition qui a été faite par le député de Mont-Royal à cet égard. Je pense que c'est la question avec débat qui aura lieu dans deux semaines. Cela, pour vous dire qu'également dans le domaine des hydrocarbures, dans le domaine pétrolier, ce qui se passe aux Etats-Unis, la situation financière du dollar, ce qui se passe aussi au plan mondial, la crise iranienne actuelle et la crise qui semble prendre naissance en Arabie Saoudite qui est un pays producteur de pétrole à un niveau assez élevé, tout cela a des incidences assez importantes sur la valeur du dollar américain et sur la santé de l'économie américaine à laquelle — qu'on le veuille ou non — on est associé de très près, de sorte que lorsqu'ils subissent certaines difficultés dans ce secteur, pas longtemps après ou au même moment, ici, au Canada, on a également à absorber les contrecoups de ce qui se produit là-bas. Donc, l'industrie minière, comme d'autres secteurs, est soumise et sera soumise au cours des prochains mois à cette récession économique que l'on pressent de plus en plus ouvertement aux Etats-Unis.

Il y a également, comme deuxième problème dans l'industrie minière, la concurrence de plus en plus forte de nouveaux pays producteurs de minéraux, par exemple, l'Australie et le Brésil. On va même jusqu'à dire que les dirigeants des entreprises minières... Comme nous le rapporte la Presse du 23 avril dernier, et je cite: "Les taxes sans cesse élevées au pays ont obligé certaines compagnies canadiennes à explorer et à investir dans d'autres pays." J'aimerais que, sur cet aspect, le ministre, dans sa réplique, puisse nous apporter certains éclaircissements.

Le ministre a soulevé la question de l'exploration qui était faite davantage en Ontario par Texasgulf en particulier, compte tenu de la situation particulière que cette entreprise a vécue et continue de vivre par rapport au Québec, mettant ainsi en péril la région de Rouyn-Noranda par rapport à son "smelter" puisqu'il y avait un flot assez large de minerai qui était acheminé de l'Ontario vers le "smelter" de la région du Nord-Ouest québécois.

Etant donné qu'on a coupé cet approvisionnement, cela crée certains problèmes. Je pense que le ministre a bien décrit, à juste titre, la situation qui prévaut là-bas. Cependant, comme cet article nous l'indique, M. le Président, il y aurait également une autre forme de concurrence au niveau de l'exploration. Les grandes entreprises seraient peut-être davantage intéressées dans le contexte actuel, du moins dans certains cas, à effectuer de l'exploration dans d'autres pays. J'aimerais que le ministre situe cette remarque dans son contexte.

On parle de cette concurrence étrangère. Cela n'est pas nouveau et je pense que le ministre a été mis au courant puisqu'il a assisté, si je ne me trompe, au 81e congrès de l'industrie minière qui a eu lieu tout récemment. C'est justement à partir de ces réunions qui ont eu lieu que ces propos ont été tirés indiquant cette concurrence étrangère et je cite: "Deuxièmement, le Canada doit subir la concurrence de plus en plus forte — comme je l'indiquais tout à l'heure — de nouveaux pays producteurs de minéraux, tels l'Australie et le Brésil. Les dirigeants canadiens de cette Association, l'Institut canadien des mines et de la métallurgie, estiment que les taxes, sans cesse élevées au pays, ont obligé les compagnies canadiennes à explorer et à investir dans d'autres pays".

J'aimerais que le ministre, dans sa réplique, s'il est possible qu'il le fasse à ce moment-là, nous indique dans quelle mesure cette exploration dans les pays étrangers comme l'Australie pourrait avoir un effet de concurrence sérieuse sur la situation actuelle du Québec. Est-ce que c'est une quantité négligeable ou si c'est quelque chose qui peut affecter grandement l'entreprise d'ici? Le ministre est peut-être en mesure de prendre les informations et de nous les communiquer en conséquence puisque ces gens-là, à leur 81e réunion annuelle, ont cru bon de l'indiquer comme étant un des facteurs majeurs des problèmes qu'ils rencontrent présentement, soit celui de la concurrence étrangère.

A cette réunion, on a également souligné — je cite l'article de journal — que, premièrement, il y a la possibilité d'une croissance au ralenti dans le secteur minier canadien. Les Etats-Unis qui importent plus de 56% de la production minière canadienne demeurent le plus grand débouché du Canada et les perspectives de récession — comme je l'ai indiqué tout à l'heure — là-bas donnent lieu à certaines inquiétudes du côté de ceux qui exploitent dans le domaine de l'industrie minière canadienne.

Enfin, troisièmement, l'industrie minière canadienne se dit victime de la méfiance de la population envers elle et lors de son prochain congrès, l'industrie tentera de convaincre les gouvernements et le public en général que l'exploitation minière peut être bénéfique à tous. Cela ouvre le volet, évidemment, à ce que le ministre disait il y a quelques minutes, en lançant un peu un défi à l'industrie minière en disant: Ecoutez! Si l'industrie minière est en si excellente

santé et si son dynamisme est aussi grand qu'elle le prétend, on pourra peut-être assister, dans les prochains mois ou dans les prochaines années, à une manifestation tangible de cela par les millions de dollars qui pourront être investis justement au niveau de l'exploration au Québec. A ce moment-là, si l'industrie minière devait d'elle-même faire cette démarche, le gouvernement du Québec — si on atteint ce seuil des $70 millions auxquels le ministre a fait référence — serait prêt à se retirer de ce champ s'il y a un dynamisme réel qui se manifeste de ce côté-là.

C'étaient donc là les problèmes majeurs auxquels ont fait allusion les responsables d'industries minières et dont on doit tenir compte dans la situation présente.

On pourrait également mentionner, M. le Président, un exemple qui nous touche plus particulièrement. On dit ici qu'en 1974, les mines du Nord-Ouest produisaient pour $321 millions et, en 1978, ce chiffre était tombé à $202 millions. Je pense que c'est peut-être dans la foulée des explications que le ministre a données tout à l'heure, par rapport aux "smelters" du Nord-Ouest québécois. En 1968, on comptait 8700 travailleurs miniers dans le Nord-Ouest et, dix ans plus tard, on ne trouvait plus que 4600 employés travaillant directement dans le domaine de l'industrie minière.

En plus, il n'est certes pas superflu de mentionner un élément là-dedans qui a quand même une certaine importance, même s'il ne touche pas l'ensemble des citoyens du Québec. On assiste — le ministre qui est spécialisé dans le domaine pourra nous l'indiquer dans sa réplique — malheureusement à l'exode de plus en plus important, nous dit-on, de certaines de nos compétences professionnelles sur le plan minier, en particulier nos géologues qui doivent, dans le contexte actuel, aller à l'extérieur pour trouver de l'emploi.

En effet, quelques fois par année, des géologues et des techniciens miniers doivent s'exiler quelques mois dans le nord de la Saskatchewan, nous indique-t-on, parce qu'il n'y a pas de travail pour eux dans le Nord-Ouest québécois, région qui pourtant a des richesses naturelles enviables dans son sous-sol. M. le Président, en fait, ce sont là quelques exemples des problèmes que connaît l'industrie minière actuellement, une de nos principales richesses naturelles chez nous.

Quant à nous, de l'Union Nationale, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous avons l'intention d'appuyer ce projet de loi puisqu'il se situe dans la logique et dans la foulée des autres décisions qui ont été prises pour favoriser et stimuler le développement de la petite entreprise au niveau de l'exploitation minière en favorisant une plus grande exploitation et des allégements fiscaux dans ce domaine. Cependant, malgré ces efforts marqués depuis quelques années pour alléger le fardeau fiscal afin de faciliter le développement de l'industrie minière, il reste encore — je pense que le ministre l'a reconnu — beaucoup à faire. Au fil des années, les gouvernements en place, tant du côté fédéral que du côté du Québec, devront, je pense, unir leurs efforts pour le plus grand bien de l'industrie minière au Québec. Justement à ce sujet, le président-directeur général de Noranda dans le Nord-Ouest, M. Fowler, soulignait que la seule chance de l'industrie minière dans le domaine des métaux, sauf le fer, réside dans une exploration massive. Son intervention était tout à fait claire. Il a donné certaines indications supplémentaires en disant, par exemple — je cite ici le Devoir — "L'association demande d'étaler ses revenus sur cinq ans au lieu de trois ans". Déjà, on assiste à une amélioration dans le projet de loi puisque le ministre a indiqué une ouverture dans ce sens en disant qu'ils pourront déjà étaler au moins sur quatre ans leurs opérations financières. On demandait ici une période de cinq années. (17 h 50)

Donc, M. le Président, nous encourageons le ministre à collaborer davantage avec l'industrie minière québécoise afin de la stimuler et qu'elle puisse prendre un second souffle dont l'économie québécoise a grandement besoin actuellement. En terminant, j'aimerais simplement attirer l'attention du ministre sur un dernier point qui n'est pas majeur dans la discussion actuelle, mais on ne fait pas mention de la réglementation comme telle qui doit, je pense, venir plus tard. On a eu d'autres discussions dans d'autres forums concernant la réglementation qui n'est pas soumise en même temps que les projets de loi. Pour d'autres projets de loi, cela avait une importance plus grande que pour celui-ci. J'ose espérer que, pour l'élaboration de la réglementation, le ministre prendra soin de consulter les entreprises directement visées, si ce n'est pas déjà fait. Peut-être que, dans sa réplique, le ministre pourra nous donner quelques renseignements là-dessus. Je ne fais pas une question de principe, à ce moment-ci, de toute cette réglementation qui est absente des projets de loi. Je le soumets simplement au ministre sous forme de question.

Je termine mes propos en espérant que les résultats escomptés par ces changements de nature technique apportés par le projet de loi no 60 puissent vraiment être réalisés. En ce qui concerne l'Union Nationale, nous allons donner notre appui à ce projet de loi no 60 présenté par le ministre des Ressources et de l'Energie.

Le Vice-Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, je n'ai que quelques minutes à ma disposition, je voudrais quand même faire connaître mon point de vue sur le projet de loi no 60. J'ai cru comprendre que le ministre avait attaché beaucoup plus d'importance au député de Rouyn-Noranda qu'à son projet de loi; alors, j'en profiterai pour vous donner quelques explications qu'il aurait peut-être dû vous donner au lieu de parler du député de Rouyn-Noranda.

Je voudrais faire comprendre ceci au ministre. Le projet de loi no 60 est un projet de loi qui est bon; je pense que, là-dessus, on va très bien s'entendre. Nous n'avons rien contre ce projet de loi; au contraire, à mon sens, c'est attendu depuis longtemps. Je vais peut-être faire plaisir malgré tout au ministre — je ne sais pas s'il le mérite — en lui disant que ce genre de choses, ce genre d'allocations ou ce genre d'exemptions était demandé depuis longtemps, même sous l'ancien gouvernement. Autrement dit, mon propos n'est pas de blâmer l'actuel gouvernement de ne pas avoir agi avant, mon propos est de dire que ça fait longtemps qu'on réclame ce genre de choses et que les gouvernements, quels qu'ils soient — parce qu'il y en a eu des bleus, des rouges et des péquistes — ont attendu et c'est aujourd'hui que nous retrouvons quelque chose dans le sens de ce que nous demandons. Si on doit donner le crédit à quelqu'un, je veux bien le donner à celui qui a présenté le projet de loi, parce que c'est lui qui a décidé de faire écho aux justes revendications qui nous proviennent du monde minier depuis longtemps.

Cependant, je déplore les propos du ministre lorsqu'il mentionne que c'est une question d'indépendance ou de fédéralisme. Je vous dis franchement et honnêtement que ça n'a rien à voir, ni avec le fédéralisme, ni avec l'indépendance, ni avec la onzième province non plus. Dans mon coin de province, on parle du fédéralisme, on parle de l'indépendance, et on parle autant, sinon plus, dans certains cas, d'une onzième province possible. Donc, on est au-dessus de ces petites chicanes de l'indépendance par rapport au fédéralisme.

Cela n'a rien à voir avec cela dans n'importe laquelle des administrations possibles, si les gouvernements permettent des exemptions fiscales, des mesures fiscales pour encourager l'industrie, cela donne des résultats. Quand on ne le permet pas, cela ne donne pas de résultat. Cela ne donne rien de faire des discours techniques, jouer sur les chiffres, sur les virgules et sur les calculatrices, le simple gros bon sens nous fait comprendre que quand il y a des encouragements fiscaux, il y a aussi des résultats qui y sont accrochés. Les encouragements fiscaux en matière minière, aujourd'hui, je suis fier de voir qu'il y en a, mais je peux vous dire que ce n'est pas un fait nouveau, je peux vous dire que cela n'a pas été inventé la semaine passée, cette affaire. La région du Nord-Ouest québécois, que je représente, la comté de Rouyn-Noranda, a eu des mines d'or longtemps subventionnées et c'était là la seule façon de permettre que ces mines puissent continuer. Si ma mémoire m'est fidèle, elles n'étaient pas subventionnées par le gouvernement provincial, elles étaient subventionnées par le gouvernement fédéral.

Je pense que quand on veut jouer sur l'indépendance et fédéralisme, c'est le genre de patinoire à deux coups, comme on pourrait dire, qui ne pourrait faire autre chose que risquer de faire "s'éjarrer" le ministre. Je lui conseille de ne pas trop en parler, plus il va en parler, plus il va "s'éjarrer".

Ce qu'on nous apporte aujourd'hui, comme mesures fiscales incitatives, ce n'est pas non plus un cadeau. Il ne faut pas penser qu'on vient de donner à l'industrie minière le cadeau du siècle, non plus. Parce que ce n'est pas non plus la trouvaille du siècle. Ce qui sera exempté, si cela permet — et je pense que cela peut permettre — par l'exploration d'avoir des gisements nouveaux en exploitation ou des gisements en exploitation accrue, cela permet des emplois nouveaux... Dans le secteur minier, chaque emploi a un effet multiplicateur d'environ six. Ce qui veut dire, pour chaque emploi dans le secteur minier, environ six emplois ailleurs, dans le secondaire, dans le tertiaire, dans le secteur des services, ce qui fait que ces emplois, un multiplié par six, cela fait un multiplié par six fois les impôts des particuliers que le gouvernement va aller chercher. Cela fait multiplier par six fois les taxes de vente que le gouvernement peut aller chercher dans le domaine de la vente où il y a taxe de vente. Autrement dit, ce n'est qu'une roue qui tourne.

Comme il y a, dans ce secteur, un effet multiplicateur qu'on ne retrouve pas dans tous les secteurs de l'économie, parce que c'est une richesse naturelle de base, quand le gouvernement nous fait croire qu'on vient de faire un gros cadeau, je peux vous dire que si cela réussit, si cette loi permet l'expansion, cela va permettre en même temps une rentrée de fonds accrue au Trésor québécois, ce qui fait qu'on aura probablement perdu de la main gauche quelques dollars qu'on va récupérer facilement et même un peu plus de la main droite dans le Trésor québécois.

Donc, ce n'est pas un cadeau que le gouvernement du Québec vient faire ni aux mines du Nord-Ouest quécécois non plus qu'à la population du Nord-Ouest québécois, ce n'est que justice, ce n'est qu'une mesure — je le reconnais, par exemple — économique incitatrice qui est susceptible de permettre de réduire le taux de chômage et de permettre, bien sûr, une industrialisation accrue. Cela fait longtemps que je le réclame. En 1970, parmi mes premiers discours en cette Chambre, je réclamais — ceux qui étaient là s'en rappelleront — des mesures qui ressemblent un peu à celles-là. On peut, bien sûr, se chicaner sur quelques virgules, mais le principe est le même. Ce principe, le gouvernement ne l'a pas accepté à ce moment-là. Quand Texasgulf a décidé, pour une raison ou pour une autre, de cesser d'exporter son produit vers la fonderie de Noranda, bien sûr, cela a créé un déséquilibre, mais il faut se rappeler qu'il n'y a rien qui empêchait la province de Québec de prendre des mesures incitatrices, comme d'autres gouvernements l'ont fait, pour tenter de conserver ce marché. Je rappellerai que le minerai qui est venu à Noranda depuis un certain nombre d'années — parce qu'à la mine Horn, comme telle, il n'y a plus de minerai là — venait de la région même de Rouyn-Noranda, de la région de Chibougamau et aussi du Manitoba, dans certains cas, ainsi que de l'Ontario.

Bien sûr, si on nous permettait de continuer à traiter le minerai qui nous vient de l'Ontario, cela donnerait plus d'emplois, mais il faut aussi qu'on

considère — et c'est le genre de choses qu'on ne sait peut-être pas suffisamment ailleurs au Québec, mais on le sait chez nous, dans la région de Rouyn-Noranda — combien de nos travailleurs mineurs de Rouyn-Noranda travaillent dans les mines à Timmins, à Sudbury, à Kirkland Lake ou ailleurs en Ontario. (18 heures)

Ils vont gagner de l'argent en Ontario pour venir payer de l'impôt dans la province de Québec. Sur les piastres gagnées en Ontario, on paie l'impôt fédéral là comme au Québec, mais le mineur dont la résidence est située au Québec le 31 décembre de l'année, mais qui gagne son argent en Ontario vient payer son impôt provincial dans la province de Québec, M. le Président. Il y en a plusieurs comme cela; je connais des familles et plusieurs de mes anciens concitoyens, plusieurs de mes actuels concitoyens vont gagner leur argent en Ontario.

Je vois, comme vous, qu'il est 18 heures, mais je pense qu'avec le consentement de la Chambre je pourrais peut-être terminer dans une minute environ.

Le Vice-Président: Consentement?

Des Voix: Consentement.

Le Vice-Président: Consentement.

M. Samson: Je dis, M. le Président, que, dans une région comme la nôtre, on ne peut pas couper la frontière au couteau parce que notre main-d'oeuvre peut tout aussi bien aller travailler de l'autre côté. Pendant de nombreuses années, des résidents de Rouyn-Noranda voyageaient à la mine Kerr-Addison, à Virginia Town, à quelque 30 milles de Rouyn-Noranda. Ils allaient gagner de l'argent là et revenaient chez eux tous les jours, dépenser à Rouyn-Noranda l'argent qu'ils gagnaient en Ontario.

Le ministre n'a pas besoin de se demander pourquoi, dans ma région, on n'est pas particulièrement séparatiste. C'est parce que nous avons appris que cette ligne qui sépare les deux provinces est imaginaire et qu'on peut gagner notre vie des deux côtés, en harmonie. On a appris cela. D'ailleurs, la région minière que je représente a été ouverte, en ce qui concerne le domaine minier, par l'Ontario. Ce n'est pas le gouvernement du Québec qui a ouvert la région; c'est l'Ontario. Les premiers chemins réels carrossables qui ont permis de venir à Rouyn-Noranda et de sortir de Rouyn-Noranda pour aller à Ottawa, Toronto, Montréal ou Québec, c'est par l'Ontario. Le gouvernement du Québec n'avait pas daigné, jusque dans les années 1947 ou 1948, nous donner même un chemin qui nous permettait de sortir de cette région. Qu'on ne vienne pas aujourd'hui nous chanter la chanson de la séparation. Cela ne fonctionne pas chez nous, M. le Président.

J'aurais bien mieux aimé que le ministre s'en tienne à son projet de loi. Le projet de loi no 60 est un beau projet. Le premier ministre, il n'y a pas tellement longtemps, quand il parlait de l'indépendance, disait: L'indépendance, c'est un beau mot, mais il a tellement été galvaudé. Moi, je dis: Votre projet de loi, M. le ministre, c'est un beau projet de loi, mais tâchez donc de ne pas trop le galvauder.

Le Vice-Président: Merci. Qui demande l'ajournement du débat?

M. Bertrand: M. le Président, avant de demander l'ajournement du débat...

Le Vice-Président: Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: ... si j'avais le consentement de la Chambre, le ministre pourrait terminer dans les prochaines minutes son discours de réplique sur le projet de loi et, plutôt que de suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, je les suspendrais jusqu'à 20 h 15.

Le Vice-Président: Consentement? Des Voix: Consentement.

Le Vice-Président: Consentement. M. le ministre.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci beaucoup. C'est cela. Cela me permettra de répondre. Merci, M. le Président. J'ai noté un certain nombre de remarques de la part de l'Opposition. Je vais les reprendre rapidement. D'une part, lorsqu'on demande le dépôt des règlements, je suis entièrement d'accord. En fait, au moment de l'étude article par article, j'aurai avec moi les règlements qui me permettront à ce moment-là de répondre en même temps à la question de la définition des dépenses, des travaux d'exploration, des travaux de mise en valeur, de sorte que nous aurons la définition. Nous saurons également comment on peut les distinguer des travaux d'exploitation, parce que la principale difficulté de cette loi — je réponds là au député de Rouyn-Noranda — la principale raison pour laquelle de nombreux gouvernements ont refusé de s'engager dans cette loi, c'est que, en général, au niveau du ministère des Finances, on arrivait mal à imaginer des façons de distinguer entre ce qui seraient des travaux d'exploitation et des travaux de mise en valeur et d'exploration et, par conséquent, cela aurait pu donner lieu à des abus.

C'est simplement en imaginant des règlements que nous avons été capables de présenter un tel projet de loi et toute la substance du projet de loi est dans ces règlements et non pas dans la loi comme telle. Donc, je déposerai les règlements. Il m'apparaît absolument essentiel, d'ailleurs, que nous les ayons pour orienter le débat. Quant au montant de déduction qu'implique cette loi, le coût que pourraient représenter, pour la fiscalité du Québec, les termes de cette loi, malheureusement, je ne les ai pas avec moi. Il y a quand

même eu des simulations de faites et cela me fera plaisir, peut-être en commission, d'amener avec moi les analyses qui ont été faites, de sorte que je pourrais répondre de façon plus précise.

Il y a eu plusieurs recommandations intéressantes de la part du député de Mont-Royal concernant des mesures qui, je pense, sont valables. L'idée, par exemple, d'une mise de côté des profits durant les bonnes années pour les réinvestir dans les mauvaises années. Je dois souligner, cependant, que l'étalement des profits sur quatre ans a justement cette conséquence. Le fait de pouvoir étaler profits et pertes sur quatre ans permet de prendre des profits et de les reporter en des périodes plus difficiles, de manière, justement, à justifier des dépenses d'exploration. C'est essentiellement le but. On rejoint l'objectif visé par le député de Mont-Royal d'une façon peut-être un peu différente mais qui, fondamentalement, donne le même résultat.

Quant aux incitations aux individus, je suis bien d'accord pour donner des incitations, mais je voudrais simplement donner quelques chiffres aux membres de cette Chambre, chiffres qui sont extrêmement intéressants. Je ne sais pas si vous savez — d'ailleurs, cela pourrait être intéressant puisque vous pourrez le faire— par exemple, pour les médecins ou les professionnels québécois, avec un salaire de l'ordre de $60 000 par année.

Je ne sais pas si vous savez quelles sont les incitations que le gouvernement fédéral accorde aux Québécois pour aller investir dans l'exploration pétrolière en Alberta, particulièrement dans la mer de Beaufort. Pour chaque dollar investi dans la mer de Beaufort par un individu qui gagne $60 000, savez-vous combien le gouvernement lui rembourse?

Une Voix: Non.

M. Bérubé: $1.09. En d'autres termes, tout individu qui dépense $1 dans la mer de Beaufort reçoit automatiquement des gouvernements, $1.09. Ce n'est plus une incitation à l'exploration. M. le Président, on est tout aussi bien de le faire nous-mêmes. Si c'est rendu que pour chaque dollar d'investissement qu'un individu met dans l'exploration, le gouvernement est obligé de mettre $1.09 et le rembourser, cela n'a plus de bons sens. En d'autres termes, il y a incitation et incitation. Je pense qu'il ne faut pas exagérer le niveau des incitations, mais néanmoins on serait prêt à en envisager certaines.

Je termine sur quelques petites réflexions. Tout d'abord, le député de Rouyn-Noranda a tenu des propos que j'ai trouvés difficilement acceptables de la part d'un député qui doit défendre ses concitoyens. En effet, même un parti, comme il le dit, indépendantiste, tel que le nôtre, propose pour le Canada une union économique avec libre circulation des personnes et des biens. Donc, aucune entrave à cette libre circulation. Or, qu'est-ce que l'Ontario a fait pour empêcher le concentré de cuivre de venir à Noranda? Ces gens ont imposé une taxe sur l'expédition de concentré chez vous et c'est parce que cette taxe existe que vous êtes privés de l'approvisionnement. C'est là la seule et unique raison pour laquelle, en fait, la compagnie Taxasgulf, qui est une filiale du gouvernement canadien, a préféré construire son "smelter". C'est tout simplement par le biais d'une taxation à l'exportation très bien camouflée — je le reconnais — mais vous admettrez que j'ai pris le temps, même si c'est un peu compliqué, de révéler le fonctionnement de cette taxe qui, par le biais d'un jeu d'une taxe très élevée marginale et d'une allocation de traitement, rend totalement non économique la transformation à Rouyn-Noranda. Même le gouvernement actuel, le gouvernement du Québec, dans sa proposition de souveraineté-association, refuse des mesures gouvernementales qui bloqueraient la libre circulation des biens et des personnes.

Ce dont vous souffrez, M. le député de Rouyn-Noranda, finalement, c'est d'une politique à caractère protectionniste, gouvernemental, basée sur la taxation qui va mettre en chômage 20% des travailleurs de votre comté. Que vous défendiez une telle politique me surprend au plus haut point. La raison pour laquelle nous voulons une libre circulation est très simple...

Le Vice-Président: Vos cinq minutes achèvent.

M. Bérubé: Certainement, dans quelques instants. La seule raison pour laquelle nous voulons une libre circulation, c'est que chaque fois qu'au nom d'un prétendu intérêt national le gouvernement fédéral a instauré ses politiques nationales, nous avons été les dindons de la farce. Par exemple, on a mis les tarifs ferroviaires pour faire en sorte que le blé de l'Ouest soit livré au Québec à bon marché. Comment voulez-vous développer une industrie céréalière au Québec à ce moment-là? On a mis des tarifs ferroviaires qui nous apportent des pommes de terre des Maritimes au Québec de telle sorte qu'on fait venir des pommes de terre de la Nouvelle-Ecosse à meilleur prix que quand on les fait venir de Rimouski. Comment voulez-vous qu'on soit d'accord avec une politique tarifaire de ce type-là? On a mis une ligne Borden... (18 h 10)

M. O'Gallagher: Question de règlement.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Robert-Baldwin sur une question de règlement.

M. O'Gallagher: Je pense que le ministre est rendu dans les pommes de terre. Ce n'est plus pertinent, il est pas mal dans les "patates". Je pense qu'on lui a accordé cinq minutes après 18 heures pour autant qu'il s'en tienne à la pertinence du débat.

M. Bérubé: 30 secondes.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement pour une minute supplémentaire?

Une Voix: Laissez-le finir.

M. Bérubé: On a mis une politique nationale du pétrole, la ligne Borden; toutes nos raffineries n'avaient plus le droit d'expédier en Ontario. Le pipe-line qui autrefois circulait de Montréal à Toronto est allé dans le sens contraire, c'est-à-dire qu'on a interdit l'exportation en Ontario. La conséquence est que nos raffineries n'ont pu prendre de l'expansion, on a bloqué le développement de notre industrie pétrochimique au Québec et, finalement, on a payé le prix. Cela est une politique nationale du pétrole. Finalement, c'est cela qu'on prétend. Quand il y a trop de blé, on subventionne les gens de l'Alberta pour ne pas qu'ils ensemencent leurs terrains. Quand on produit trop de lait, on nous pénalise en nous imposant des amendes pour ne pas qu'on produise du lait. Ce qu'on dit c'est qu'à chaque fois qu'i y a eu des politiques dites nationales, c'est nous qui avons été les dindons de la farce et on a payé pour. On n'en veut plus. Ce qu'on veut, c'est la libre circulation des biens et des personnes. On va tirer notre épingle du jeu, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 60 sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'énergie

M. Bertrand: Je fais maintenant motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente de l'énergie et des ressources.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

Vu le consentement unanime accordé, les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 h 15.

Suspension de la séance à 18 h 12

Reprise de la séance à 20 h 18

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement, vous avez la parole.

Budget supplémentaire

M. Bertrand: Monsieur mon Président, conformément à l'article 129 et à l'article 128 de nos règlements, nous devons maintenant entamer l'étude du budget supplémentaire. Je crois que, comme le stipule l'article 129, le ministre des Finances est autorisé, ainsi que les représentants des partis politiques, à un exposé préliminaire. Je crois que nous devrions appeler cet article, M. le Président.

Le Président: Oui, mais je vous suggère d'abord de faire une motion, au préalable.

M. Bertrand: Est-ce que nous allons immédiatement en commission plénière, M. le Président?

Le Président: Immédiatement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Très bien. M. le Président, je fais motion pour que cette Assemblée se transforme en commission plénière et que nous puissions ainsi entreprendre l'étude du budget supplémentaire présenté par le ministre des Finances.

Le Président: En d'autres termes, vous faites motion pour que je quitte mon fauteuil.

M. Bertrand: Pas tout à fait, M. le Président, mais pour que quelqu'un vous remplace au fauteuil qui est devant vous.

Le Président: Je dois quitter le fauteuil, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Comme vous voudrez.

Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Commission plénière

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, avant de vous donner la parole, M. le ministre des Finances, j'aimerais, pour le bénéfice des députés, vous lire l'article 129 de notre règlement; cela peut nous aider dans nos débats: "Lorsqu'un budget supplémentaire est déposé à l'Assemblée — ce qui est le cas — avant que ne commence l'étude des crédits, un représentant de chaque parti reconnu a droit à un commentaire général de quinze minutes et le ministre des Finances a un droit de réplique de même durée. La durée de ce débat fait partie du temps prévu à l'article 128." Ceci étant dit, je cède la parole au ministre des Finances.

M. le ministre. (20 h 20)

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je ne suis pas certain que j'utiliserai les quinze minutes qui me sont dévolues en vertu du règlement, parce qu'en raison de certaines activités parascolaires depuis

une quinzaine de jours, ma voix est disparue. Je vais néanmoins chercher à présenter au moins les grandes lignes de ce budget supplémentaire et en indiquer ce qui m'apparaît en être le sens.

En fait, je pense que cela vaut peut-être la peine de le rappeler, les budgets supplémentaires de l'automne n'ont rien à voir vraiment avec les budgets que l'on présente au printemps. Au printemps, la politique fiscale, les grandes orientations de dépenses du gouvernement sont présentées. A l'automne, on rectifie le tir dans la mesure où on se rend compte que certains crédits pour des dépenses étaient peut-être insuffisants, dans la mesure où on se rend compte que certaines dépenses que l'on avait calculées de façon un peu mécanique comme le nombre de patients dans les hôpitaux, le nombre d'enfants dans les écoles doit être corrigé, on fait des ajustements aussi. D'autre part, dans l'espace de six ou sept mois, il va de soi que les ministères, le Conseil du trésor et le Conseil des ministres ne sont pas immobiles et peuvent décider ou bien de nouvelles lois qui entraînent de nouvelles dépenses, ou bien des changements dans l'orientation de certains programmes de dépenses. Et cela, bien sûr, doit se refléter à l'automne, lorsqu'on aborde le budget supplémentaire qui est, en somme, simplement une liste de corrections que l'on apporte dans les crédits qu'on avait présentés au printemps.

Ce troisième budget supplémentaire que je présente est tout à fait dans la lignée des deux premiers et, en fait, au montant de $401 millions, il représente pour l'essentiel soit des ajustements dans certains calculs qui avaient été faits sur la base d'un budget, on s'en souviendra, de $14 600 000 000 ou bien de nouveaux engagements que le gouvernement a pris, ou bien le paiement de factures pour l'essentiel.

En fait, sur ces $400 millions, il n'y a que $38 millions de ce qu'on pourrait appeler de nouvelles activités ou de nouveaux programmes. Sont inclus dans ce budget supplémentaire les ajustements nécessaires pour les conventions collectives dont, nous l'espérons tous, nous achevons à l'heure actuelle la négociation. Sont inclus aussi dans ce budget supplémentaire, des ajustements faits au ministère de l'Education pour tenir compte d'un nombre d'élèves un peu plus élevé dans le réseau que l'on ne l'avait envisagé à l'origine. Sont incluses dans ce budget supplémentaire aussi les modifications dans le service de la dette publique.

En fait, en plaçant à $401 millions le budget supplémentaire, j'évalue aussi mes crédits périmés pour le moment — cette évaluation change de mois en mois — à $353 millions. Qu'est-ce que des budgets périmés? En fait, il s'agit essentiellement de dépenses qui ont été acceptées dans les crédits au printemps mais dont on sait maintenant que, pour toute espèce de raisons, elles n'auront pas lieu, elles ne se produiront pas. J'envisage donc $401 millions de budget supplémentaire et, d'autre part, $353 millions de crédits périmés. C'est vraiment la différence entre ces deux montants qui représente l'augmentation des besoins de financement du gouvernement, un accroissement, en somme, net de dépenses.

On me dira: Cette quarantaine de millions d'augmentation nette des dépenses — la différence entre le budget supplémentaire de ce soir et les crédits périmés que j'envisage — est-ce que cela va accroître le déficit budgétaire du gouvernement? Pour le moment, non, parce que les revenus budgétaires du gouvernement sont, dans la dernière estimation que nous avons présentée dans la synthèse des transactions financières pour le deuxième trimestre, en hausse d'une cinquantaine de millions aussi, si bien que, l'un dans l'autre, le déficit budgétaire pour cette année n'est pas modifié par le budget supplémentaire que je présente.

Je voudrais ajouter quelques éléments de ce budget supplémentaire qui sont de nouvelles activités et non pas des ajustements dans le sens de ce que je disais tout à l'heure, et qui peuvent peut-être présenter un certain intérêt dans la mesure où un très grand nombre de ces nouvelles activités ont une influence directe sur la vie économique ou l'activité économique elle-même. C'est ainsi, par exemple, que nous allons accélérer certains travaux d'infrastructure à la Place Royale pour le compte du ministère des Affaires culturelles pour un montant d'environ $1 million. Une accélération des travaux de restauration de logements dans la région de Montréal va représenter environ $2 millions de budget ou de crédits additionnels.

Pour les Affaires sociales, l'amélioration de la sécurité des immeubles et de l'accessibilité aux handicapés va représenter une dépense d'environ $8 millions additionnels d'ici la fin de l'année. Au ministère de l'Energie et des Ressources, la voirie forestière va demander $3 400 000 de plus que ce qu'on avait prévu et la voirie minière, dans le Nord-Ouest québécois, $1 300 000. Au ministère des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, on a ajouté environ $1 million à l'implantation d'équipement de tourisme, de loisir et de services. Aux Services de la protection de l'environnement, bientôt le ministère de l'Environnement, les études de réhabilitation des réseaux d'égout des municipalités inscrites au programme d'assainissement vont impliquer des déboursés additionnels d'environ $2 300 000. Il s'agit là d'ailleurs d'un mécanisme d'accélération pour la mise en place du programme d'assainissement des eaux dont nous aurons peut-être l'occasion de discuter en abordant les crédits de ce ministère. Il s'agit là, je pense, d'un petit montant tel qu'inscrit ici, mais d'un levier pour accélérer les programmes d'assainissement un peu partout au Québec.

Dans le domaine du transport, sur la conservation du réseau routier, nous avons ajouté $6 500 000, et, pour le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, on a accéléré certains travaux de construction et d'aménagement pour un montant d'environ $5 millions.

Il y a donc, dans ce budget supplémentaire, des ajustements techniques pour la majeure partie des sommes, bien sûr, tel que je l'ai indiqué tout à l'heure, mais aussi une trentaine de millions de nouvelles activités qui ont un impact direct sur l'économie. On me dira évidemment que ce n'est

pas considérable. Bien sûr que ce n'est pas considérable, parce que les gestes majeurs, sur le plan de l'économie, se prennent à l'occasion du discours du budget. Encore une fois, ces budgets de l'automne sont des ajustements, des ajustements habituellement marginaux. Nous en sommes au troisième depuis que nous sommes au pouvoir et c'est la raison pour laquelle j'indiquais qu'il s'agit d'un budget supplémentaire dont l'originalité principale consiste à ressembler aux deux autres qui l'ont précédé. Merci.

Le Vice-Président: M. le député d'Outremont. M. André Raynauld

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Le ministre des Finances soumet cette semaine, pour approbation par cette Assemblée, un budget supplémentaire de $401 millions et, contrairement aux deux dernières années, alors que le ministre s'en était tenu à une réaffectation des crédits périmés, ce budget augmente les dépenses et le déficit d'une somme de $75 millions pour l'année en cours. (20 h 30)

Le ministre vient de nous dire que ce déficit et cette augmentation nette de dépenses ne dépasseraient pas une cinquantaine de millions de dollars, peut-être une quarantaine de millions de dollars. Je me fonde, pour dire $75 millions, tout simplement sur le communiqué de presse qui a été émis mardi et qui nous dit que le ministre aurait déclaré cette journée-là que les crédits périmés s'élevaient à environ $325 millions. Par conséquent, il y avait une augmentation nette des dépenses de $75 millions.

M. le Président, mes collègues examineront les demandes additionnelles, ministère par ministère. De mon côté, avec votre permission, je me limiterai à une analyse générale de la situation financière du gouvernement telle qu'elle se présente après le dépôt de ce budget supplémentaire.

L'année dernière, j'ai fait état devant cette Assemblée des écarts considérables qui se sont manifestés entre les prévisions initiales du ministre des Finances dans son discours du budget et les résultats finals. Je m'étais livré à ce petit exercice pour l'année fiscale se terminant le 31 mars 1978. Or, le même phénomène s'est reproduit pour l'année fiscale qui a pris fin en mars 1979. En effet, qui se souviendra qu'en 1978, le discours du budget prévoyait un déficit d'un peu plus de $1 milliard? En fait, le déficit a été de près de $1 500 000 000; la différence s'élève plus précisément à $400 millions, soit une augmentation du déficit de 42% par rapport aux prévisions initiales. Si ce déficit enregistré s'est considérablement accru, c'est dire que les emprunts de la province ont également suivi la même voie. Le ministre avait annoncé des emprunts de $1 163 000 000. En réalité, ils ont atteint $1 575 000 000, soit un accroissement de $412 millions sur les déclarations contenues dans le discours sur le budget. L'année précédente, les emprunts avaient excédé de $450 millions les premières prévisions du ministre.

Je ne doute pas que le ministre des Finances cherche à établir ses prévisions de la façon la plus raisonnable et la plus honnête. Il reste que ces écarts sont très commodes. Le discours du budget recevant une très large publicité, le ministre donne l'impression à l'opinion publique que sa gestion financière est très rigoureuse, alors qu'après coup, l'on découvre qu'elle a été beaucoup plus relâchée. La rigueur est dans le discours, mais la réalité ne suit pas.

Si je mentionne ces différences importantes entre les déficits annoncés et les déficits réels, c'est que nous avons déjà plusieurs raisons de croire qu'il en sera de même cette année, tant pour le déficit que pour les emprunts de la province.

Une première raison tient à l'évolution des recettes budgétaires. Au 30 septembre dernier, le ministre a corrigé ses prévisions de recettes à la hausse pour une somme de $50 millions et notons-le au passage, c'est à cause d'une augmentation imprévue des paiements que le Québec reçoit du gouvernement fédéral. Mais en revanche, nous apprenons que les recettes au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers ont dû être amputées de $66 millions sur les prévisions, ce qui confirme l'impression que j'avais laissée à l'Assemblée à l'occasion d'une question posée au ministre des Finances récemment. Ce qui me surprend davantage cependant, c'est que pour les six premiers mois de l'année, l'impôt sur le revenu n'a augmenté que de 1,1% sur l'année dernière alors qu'on espère obtenir une augmentation de 13% sur douze mois. Les explications qu'on me donnera sans doute tout à l'heure à propos des remboursements ne me convaincront pas. Je crains plutôt que, comme les années précédentes, on se soit montrés indûment optimistes sur les revenus des gens.

Du côté des dépenses, je l'ai déjà dit, le budget supplémentaire prévoit une augmentation de $75 millions. Dans quelle mesure ce budget suffira-t-il à honorer l'ensemble des concessions que le gouvernement aura jugé nécessaire de faire au cours des derniers feux d'artifice nocturnes que le ministre dénonçait en ces termes, il n'y a pas six mois, et qui s'appliquaient, bien entendu, au Parti libéral: "En temps et lieu, nous en reparlerons des feux d'artifice." Donc, le déficit budgétaire qui frise déjà $1 500 000 000 risque fort d'augmenter de nouveau au cours des prochains mois.

Enfin, les emprunts de la province qui étaient outrageants et révoltants naguère, alors qu'ils avaient atteints $1 350 000 000, sont passés de $1 400 000 000 au dernier discours du budget, en avril, à $1 735 000 000. L'expérience des deux dernières années indiquerait que ces emprunts devraient facilement atteindre $1 800 000 000 cette année, sinon davantage. Je note, à cet égard, qu'on a porté à $160 millions les prévisions de remboursements que le gouvernement aurait à effectuer sur les obligations d'épargne du Québec. Un tel volume de remboursements est sans précédent et je ne peux m'empêcher de m'interroger sur sa signification et sa portée. Est-il vrai, par exem-

ple, que le ministre aurait annoncé trop tard les changements qu'il a apportés au taux de rendement sur ces obligations? Sinon, comment se fait-il qu'avec un rendement supérieur à celui des obligations fédérales, le Québec vendra moins d'obligations cette année qu'il n'en remboursera? La question est évidemment importante, compte tenu que ces obligations en circulation s'élevaient à $678 millions au 31 mars 1979.

Pour pouvoir apprécier à sa juste mesure le budget supplémentaire qui nous est proposé, je voudrais maintenant procéder à une brève appréciation de la situation budgétaire et financière du gouvernement du Québec. En d'autres termes, où en sommes-nous? Pour ce faire, je recourrai à quelques reprises à une comparaison du Québec et de l'Ontario. Je voudrais donc faire observer dès le départ que l'économie du Québec a une importance égale à 60% de celle de l'Ontario. La masse des revenus produits dans une année est en effet d'environ $60 milliards au Québec alors qu'elle est d'environ $100 milliards en Ontario. Telle est la taille respective des deux provinces au point de vue économique.

Voyons donc d'abord le niveau et l'évolution récente des dépenses publiques au Québec. On se souviendra que le ministre des Finances s'est engagé à plusieurs reprises à ralentir le rythme de progression des dépenses publiques. Il se dit même très fier de ce qu'il a accompli jusqu'à maintenant. Où en sommes-nous? Depuis 1977, les dépenses budgétaires augmentent de 12% par année, ce qui représente une vitesse supérieure à celle de l'économie québécoise dans son ensemble, légèrement supérieure, mais supérieure tout de même. Ces dépenses sont donc passées de 23% à 24% du produit intérieur brut de 1977 à 1980. A notre avis, le gouvernement n'a pas fait les efforts suffisants sur ce terrain. Le ministre des Finances s'est contenté de trop peu, car la situation exigeait bien davantage. Alors que les dépenses publiques avançaient de 12% par an au Québec, elles croissaient de 9% par an en Ontario. Pour l'année 1979/80, qui est l'année courante, c'est de nouveau un bond de 12% au Québec et un bond de 8% en Ontario. L'effet cumulatif de ces hausses successives des dépenses publiques est maintenant de nature à frapper l'imagination, je pense.

En effet, en 1979/80, les dépenses au Québec atteindront $15 milliards. Or, les membres de cette Assemblée apprendront sans doute avec une certaine surprise qu'au cours de cette même année, les dépenses budgétaires de l'Ontario seront de $15 100 000 000, soit une somme à peu près identique. Le Québec consacre autant d'argent que l'Ontario aux services de son gouvernement, alors que le Québec ne dispose que de 60% des revenus réels de l'Ontario.

C'est comme si deux voisins avaient le même train de vie, mais qu'un des deux ne faisait qu'un peu plus de la moitié du revenu de l'autre. Je ne demanderai pas ici où nous en sommes, je demanderai où nous allons avec un tel train de vie. Le ministre des Finances peut bien déplorer cet état de choses, il peut encore en accuser les gouverne- ments précédents, le gouvernement fédéral, mais c'est sa responsabilité de corriger une situation qui ne peut plus durer.

Or, le ministre ne s'est pas acquitté de cette responsabilité jusqu'ici. Les dépenses budgétaires seront donc de $15 milliards, cette année. Si nous voulions vivre selon nos moyens, comme nos voisins de l'Ontario, il faudrait effectuer une coupure radicale dans les dépenses publiques, une coupure tellement radicale que, j'hésite à le dire, ces dépenses devraient être ramenées à $9 milliards. Je l'ai dit tout à l'heure, elles sont de $15 milliards, cette année, et elles devraient être ramenées à $9 milliards si on suivait la structure de dépenses de l'Ontario.

Par comparaison avec l'Ontario, voilà donc notre véritable capacité de payer, voilà la mesure de nos moyens et de nos ressources. Le ministre, je pense, n'a vraiment pas de quoi se montrer satisfait.

Je pourrais interrompre mon discours dès maintenant, car l'essentiel y est. En effet, si on ne met pas fin à ces extravagances du côté des dépenses, nous aurons beau nous dire et dire à l'opinion publique que nous payons trop d'impôt, le ministre aura beau répondre que les maisons coûtent moins cher au Québec, il restera que ce train de vie de "jet-setter" nous laisse dans les nuages et qu'un jour, il faudra bien revenir sur terre.

Il est donc incontestable que, comme collectivité, nous faisons face à un fardeau fiscal qui est hors de proportion avec nos revenus. Cette disproportion est moins forte que celle des dépenses, et ceci pour deux raisons. Une partie de nos folies est payée par l'ensemble des Canadiens sous forme de paiements de péréquation. Ces derniers s'élèveront en effet à $1 700 000 000 cette année. En outre, nous hypothéquons l'avenir de nos enfants en empruntant toutes les sommes que nous pouvons trouver sur les marchés, nous retardons ainsi les échéances et reportons à plus tard la cure d'assainissement qui devra venir. Il suffit d'examiner l'évolution de l'endettement nouveau auquel on s'adonne chaque année pour s'en convaincre.

Cette année, en 1979/80, cet endettement nouveau s'élèvera, au Québec, à $1 270 000 000, soit un montant supérieur à celui de l'Ontario d'une centaine de millions de dollars. Nous retrouvons donc, du côté des emprunts nets, le même phénomène que pour les dépenses. Avec 60% des revenus, le Québec emprunte autant, sinon plus, que l'Ontario. Si on avait voulu se placer sur un pied d'égalité avec l'Ontario cette année, nous aurions dû limiter notre endettement nouveau à $700 millions, soit près de $600 millions de moins que ce que nous nous permettons de faire.

Le ministre devrait donc, en toute honnêteté, comparer ces emprunts non pas aux recettes fiscales, qui sont de toute manière trop élevées pour être viables, mais à la capacité de l'économie québécoise de les rembourser. Or, nous savons une chose: en proportion du produit intérieur brut, l'endettement nouveau du gouvernement québécois est deux fois plus élevé cette année qu'il ne l'est en Ontario.

J'irai plus loin. S'il est exact que cet endettement a diminué par rapport à l'année 1976/77, il faut aussi ajouter qu'à chaque année depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois cet endettement a été deux fois plus élevé, en proportion du produit intérieur brut, qu'à toutes les années antérieures. Il apparaît donc clairement que l'année 1976/77 a été une exception fort commode pour le ministre des Finances actuel, mais qui cache une réalité plus importante, à savoir que les emprunts nets ont atteint un plateau deux fois plus élevé qu'auparavant.

Si l'endettement nouveau a suivi une telle évolution, il s'ensuit que la dette du Québec augmente et qu'elle devrait excéder de beaucoup la dette de l'Ontario, compte tenu de l'importance respective des deux économies. Et, en fait, il est bien exact que la dette du Québec augmente considérablement depuis 1976, que nous prenions la dette directe du gouvernement, la dette garantie ou celle de l'ensemble du secteur public. En fait, la dette globale du secteur public représentait 42,2% du produit intérieur brut en 1975/76 alors qu'elle s'élevait à 48% du produit intérieur brut en 1978/79. Donc, la dette est passée de 42% à 48% du produit intérieur brut depuis 1975/76.

En ce qui concerne la comparaison Québec-Ontario, il suffira de dire que déjà, en 1976/77, la dette totale du secteur public représentait 54% du revenu personnel au Québec, et seulement 37% en Ontario. Qu'il s'agisse donc des dépenses publiques courantes ou des emprunts, le Québec se trouve sur une voie sans issue à moyen terme, et le ministre des Finances actuel n'a pas réussi à alléger le fardeau présent et futur de ces dépenses publiques, au contraire.

On peut ramener à trois causes principales le niveau excessif des dépenses publiques au Québec. Il y a d'abord les effectifs de la fonction publique qui sont démesurés, compte tenu de notre capacité économique de payer. En dépit des déclarations optimistes du ministre des Finances à cet effet, les effectifs au Québec s'élèvent à 90% des effectifs en Ontario.

Le Vice-Président: M. le député d'Outremont, excusez-moi. A moins d'avoir un consentement unanime, j'ai dit que chaque représentant de parti avait quinze minutes. Les quinze minutes du député d'Outremont sont maintenant expirées. Est-ce qu'il y aurait consentement? Est-ce que vous en avez encore pour longtemps, M. le député d'Outremont?

M. Raynauld: J'en ai pour deux minutes environ, peut-être trois au maximum.

Le Vice-Président: Excusez-moi de vous avoir interrompu; avoir su cela je ne l'aurais pas fait. Allez-y.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je remercie les membres de l'Assemblée pour le consentement.

J'en étais aux effectifs de la fonction publique que je compare entre le Québec et l'Ontario. Je disais que les effectifs au Québec représentaient à l'heure actuelle 90% des effectifs en Ontario alors qu'on devrait en compter environ 60% si on tient compte, encore une fois, de l'importance relative des deux économies. En fait, à la fin de 1978, le nombre des fonctionnaires était de 72 600 au Québec. Il faudrait réduire ce nombre à 50 000 si l'on voulait devenir concurrentiel avec l'Ontario. Donc, là encore, une marge considérable entre ce qui serait acceptable en faisant une telle comparaison et la réalité d'aujourd'hui. Il y a une différence tellement considérable qu'il est difficile d'imaginer d'ailleurs que le ministre pourrait procéder à des réductions aussi radicales dans un temps relativement court.

Une deuxième raison de la hausse excessive des dépenses publiques tient évidemment à l'imagination furibonde du gouvernement pour inventer et mettre en oeuvre de nouveaux programmes de dépenses ou de soi-disant investissements. Les justifications sont toujours innombrables, le mérite de chaque initiative ne fait jamais aucun doute; il s'agit de santé, de pauvreté, de développement régional, d'infrastructures, d'environnement, de culture. On le sait, les besoins sont insatiables, mais on devrait savoir aussi que les ressources sont limitées et la volonté de produire et de travailler pour satisfaire ses besoins est erratique et souvent oublieuse.

Enfin, les dépenses publiques se ressentent à l'évidence du niveau des salaires qui sont versés, mais sur ce point, comme je l'ai dit, je réserverai mes commentaires jusqu'à ce que les informations nécessaires aient été recueillies. Certains voudront mettre en doute la pertinence des comparaisons que j'ai effectuées avec l'Ontario. Le problème qui est posé n'est pas seulement ni surtout celui des impôts que les Québécois doivent payer en plus de ce que paient les Ontariens ni non plus celui des impôts que nos successeurs et nos enfants devront débourser pour rembourser les emprunts que nous contractons aujourd'hui. Ces difficultés sont et seront cruellement réelles, mais le problème est plus profond encore. Si l'administration publique coûte près de deux fois plus cher qu'en Ontario, c'est dire que globalement parlant les travailleurs, les cadres, les professionnels, les scientifiques et l'ensemble des entreprises ne sont plus concurrentiels avec leur contrepartie de l'Ontario. Par conséquent, l'activité économique au Québec est promise tôt ou tard à un ralentissement qui devra s'accompagner d'une diminution des emplois au Québec et d'un déplacement des entreprises et de la population à l'extérieur du Québec.

C'est ce dépérissement, lent mais inéluctable, qui est le plus à craindre si le gouvernement ne s'attaque pas résolument au laisser-aller dans la gestion des affaires publiques et aux comportements et attitudes de Don Quichotte qu'il encourage et nourrit tant sur le front économique et social que sur celui de l'avenir politique du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Je me souviens, lorsque nous avons étudié le budget présenté par le ministre des Finances, à la fin mars ou au début d'avril cette année, que j'avais dit à l'époque que nous étions en face d'un gouvernement qui vivait au-delà de ses moyens, un gouvernement qui empruntait pour vivre quotidiennement, un gouvernement qui empruntait à long terme pour payer son panier de provisions, ni plus ni moins. Avec ce qu'on voit aujourd'hui, on continue dans la même direction en se foutant royalement de ce qui va arriver à ceux et à celles qui devront payer des taxes cette année, l'an prochain, dans cinq ans, dans dix ans et dans vingt ans. (20 h 50)

On hypothèque l'avenir des Québécois et des Québécoises. On hypothèque l'avenir du Québec, à l'heure actuelle, avec un gouvernement irresponsable vis-à-vis de la gestion des fonds publics. Le ministre des Finances dépose aujourd'hui un budget supplémentaire de $400 millions et il nous dit: II y aura des crédits périmés. Le chiffre a changé un peu, mais si on se fie au communiqué de presse que nous avons reçu il y a deux jours, les crédits périmés sont de $325 millions qu'on pourra placer quelque part ailleurs, mais c'est finalement $75 millions de plus de dépenses que ce qui avait été prévu à l'occasion du discours du budget. Cela veut dire que finalement on dépensera cette année $15 035 000 000; c'est pas mal d'argent qu'on va dépenser et on va s'endetter avec tout cela.

Besoins financiers bruts, besoins financiers nouveaux. On avait prévu $1 400 000 000 dont on avait besoin en endettement nouveau pour les Québécois; on est rendu à $1 660 000 000 dans les opérations financières qui ont été publiées il y a quelques jours et, avec l'annonce qu'on nous fait aujourd'hui de $75 millions additionnels, on aurait besoin maintenant de $1 735 000 000 d'endettement des Québécois pour pouvoir payer les dépenses quotidiennes, que nous et nos enfants n'aurons pas fini de payer.

Ce n'est pas fini. Si, au moins, c'était fini, on pourrait se dire: Bien, c'est mauvais, mais... Ce n'est pas encore fini! On entendait ce soir, aux nouvelles à la radio, qu'on exproprierait la société Asbestos au début de janvier 1980. Encore $150 millions dont on aura au moins besoin pour endetter les Québécois, $150 millions à $200 millions de plus.

Ce sont des "peanuts" probablement pour les gens du Parti québécois, mais c'est important pour les Québécois et les Québécoises qui ont à payer des taxes constamment et les intérêts des dettes qu'on est obligé de faire chaque jour. On est rendu qu'on travaille non pas pour faire vivre nos familles mais pour faire vivre les gens du Parti québécois et le gouvernement péquiste au Québec; au-delà de 50% de nos revenus s'en vont dans les mains des péquistes pour administrer ce qu'il nous reste, et il ne nous en reste pas beaucoup.

Si, encore, au-dessus de ces $1 735 000 000 et des $150 millions ou $200 millions dont on aura besoin pour Asbestos Corporation, c'était fini, ce ne serait pas encore si mal, mais ce n'est pas encore fini, parce que le ministre d'Etat au développement économique nous a annoncé que SIDBEC viendrait nous demander de l'argent d'ici la fin de l'année; il y aura peut-être $100 millions, $200 millions, $300 millions. On nous a parlé en tout cas de plusieurs centaines de millions de dollars.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Biron: Finalement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Biron: ... bien allègrement, nous allons faire en sorte d'endetter pour un montant qui va dépasser les $2 milliards les Québécois et les Québécoises d'aujourd'hui et de demain. C'est juste cette année, et attendez-vous que cela continue de plus bel l'an prochain: Envoie donc, Mme la marquise, danse et dépense, les Québécois et les Québécoises sont en arrière et vont payer. Jean-Baptiste va continuer à payer fréquemment pour des idéaux de grandeur qu'on a en face de nous. C'est ce qui est mauvais.

Nous prévoyions — et je l'ai d'ailleurs dit au ministe des Finances au début de l'année — qu'on aurait dû couper les dépenses du gouvernement à 5% au maximum d'augmentation de dépenses et qu'il fallait vivre avec cela. Le gouvernement disait qu'autrefois on gaspillait de l'argent. C'est vrai qu'on a gaspillé autrefois, c'est pour cela que l'ancien gouvernement a été battu. Cela ne veut pas dire qu'il faut continuer à gaspiller autant que cela, cela ne veut pas dire qu'il faut continuer à gaspiller au même rythme et vous empirez même, vous allez encore plus loin; 5%, cela aurait dû être le maximum, cela aurait peut-être fait $700 millions additionnels, quelque chose comme cela, $650 millions. Là, ce n'est pas cela; on a besoin de $1 500 000 000, tout près de $2 milliards, avec des folies comme de nationaliser l'Asbestos Corporation, et on va nous en demander tout à l'heure pour SIDBEC.

Où est l'engagement du ministre des Finances de compresser les dépenses, de réduire les dépenses publiques? Il me semble que je l'entends encore nous dire cela, cette année, l'année passée, il y a deux ans. Nous nous attendons de réduire les dépenses publiques. Je l'entends encore nous dire cela. Pourtant, chaque fois qu'on nous présente un budget, on présente un budget avec des dépenses additionnelles. C'est ce qui est mauvais et il faudrait savoir exactement où on va s'arrêter avec toute cette folie de dépenses à l'heure actuelle.

Les prix augmentent, les taxes augmentent, mais nos revenus n'augmentent pas tellement vite, surtout quand on songe au petit travailleur quelque part au Québec, qui va gagner $200 par semaine environ, à part ceux de la fonction publique, qui vont en gagner $265. Mais les autres vont devoir payer des taxes justement pour le gaspillage qu'on fait présentement.

Or, M. le Président, je pense qu'il faut se poser des questions sérieuses sur le genre d'administration qu'on nous sert à l'heure actuelle, surtout qu'il y a des Québécois de plus en plus nombreux qui sont en chômage à l'heure actuelle ou qui doivent quitter le Québec. Ils s'organisent, en tout cas, pour s'en aller ailleurs ou pour ne pas travailler, afin de ne pas payer des taxes au gouvernement du Parti québécois. On avait prévu, au début de l'année, $4 840 000 000 d'impôt .des particuliers. On a baissé cela à $4 774 000 000, mais on sait qu'avec ce qu'on a fait au cours du premier semestre, seulement $2 123 000 000, on ne se rendra même pas aux $4 774 000 000. Finalement, on va avoir au moins $200 millions de moins de revenus directs, d'impôt sur le revenu des citoyens québécois et québécoises.

Cela veut dire qu'il y a des gens qui ont dû quitter le Québec parce qu'ils étaient littéralement exploités par le gouvernement du Parti québécois, par les péquistes. Ces gens ont quitté le Québec parce qu'ils étaient fatigués de payer des taxes au Parti québécois. Je pense qu'il faut se poser de sérieuses questions.

Il faut aussi se poser de sérieuses questions quant aux revenus sur la vente au détail. Si cela allait si bien au Québec, il me semble qu'on percevrait des taxes de vente de 8%. Pourtant, on nous annonce qu'il y aura une baisse sur les prévisions budgétaires de taxes perçues sur la vente au détail. C'est qu'il y a moins de gens qui habitent au Québec ou qui dépensent au Québec. Ils s'en vont à l'extérieur. Ils sont fatigués de se faire exploiter par les péquistes et ils s'en vont.

Heureusement, ce qui a sauvé le Parti québécois au cours du premier semestre, c'est tout simplement les $108 000 000 de plus qu'on a eus de transferts du gouvernement du Canada. Pourtant, cela a sauvé les péquistes. Cela a aidé à intervenir de ce côté-là. Il faut véritablement se poser de sérieuses questions sur le genre d'administration que nous sert maintenant le gouvernement du Parti québécois.

M. le Président, je voudrais que le ministre des Finances réponde honnêtement aux questions suivantes: Que va-t-il arriver avec Asbestos Corporation? Que va-t-il arriver avec SIDBEC? Quand nous présentera-t-on des besoins financiers nouveaux avec tout cela? Je pense qu'il est important de le savoir afin que nous le sachions et que la population du Québec sache ce qu'elle aura à payer pour toutes sortes d'idées de grandeur qu'on peut avoir de l'autre côté, en disant qu'on veut posséder des entreprises manufacturières dans le domaine de l'amiante.

En plus, M. le Président, lorsqu'on est pris à payer trop cher de taxes et qu'on ne sait pas quoi faire pour couper les dépenses, on les coupe à des endroits qui ne sont pas nécessaires. Je vois qu'on nous demande des crédits nouveaux, en particulier aux Affaires intergouvernementales et aux Communications. Il faut se poser des questions pour savoir ce qu'on fait véritablement. Si on avait des crédits périmés à ces ministères, on n'avait tout simplement qu'à couper les dépenses et à dire: Vous allez arrêter de dépenser et de gaspiller en Europe, en France, à Paris et à toutes sortes de places comme celles-là. Vous allez couper vos dépenses quelque part.

Au ministère des Communications, on a déjà réussi, à force de critiquer l'ancien ministre des Communications, à faire couper des programmes de télévision où on gaspillait l'argent des citoyens du Québec pour faire la propagande du Parti québécois, la publicité du Parti québécois. On a réussi à en faire couper, mais on nous demande quand même un autre montant additionnel de $6 millions. Je voudrais savoir si, véritablement, tout le long de cette étude des crédits supplémentaires, on va regarder si c'est encore pour faire de la propagande et de la publicité pour le Parti québécois.

Ce sont des questions qu'il faudrait se poser sérieusement, de même qu'au sujet des Services de protection de l'environnement. C'est beau, avoir de l'environnement à protéger et tout cela, mais, quand il ne nous restera plus d'industries, quand il ne restera plus personne au Québec, c'est difficile de dire ce qu'on va faire. Je me souviens du maire de la ville de Roberval ou de Saint-Félicien qui me disait l'année dernière que la pire des pollutions, c'était le chômage. Le chômage, à l'heure actuelle, on en a passablement au Québec. On a des gens qui ne travaillent pas. Ils vivent de l'assistance sociale. Tous les autres sont pourtant obligés de payer des taxes parce que le gouvernement, à l'heure actuelle, décourage les investisseurs. Il décourage ceux et celles qui veulent investir au Québec et créer des emplois au Québec. Il décourage ceux qui veulent travailler au Québec en les surtaxant à l'heure actuelle et en laissant faire un gaspillage éhonté de fonds publics tel qu'on le fait présentement.

M. le Président, nous ne sommes pas du tout satisfaits du genre d'administration financière que nous sert ce gouvernement. C'est le temps qu'on arrête de gaspiller, une fois pour toutes, du côté des péquistes.

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, puisqu'il est question ce soir de se lancer dans la démagogie, allons-y! Je vais d'abord me limiter à un certain nombre de renseignements ou de réponses d'ordre technique, pour ceux qui sont intéressés aux choses sérieuses et, après cela, on rentrera dans le grand romantisme financier. (21 heures)

Je voudrais, dans un premier temps, dire qu'effectivement les dépenses sont accrues, les prévisions de dépenses sont accrues de $75 millions, comme l'ont relevé mes deux critiques en disant: II vient de dire que cela augmente seulement d'une quarantaine de millions de dollars les besoins financiers. Je vais expliquer la différence, M. le Président. C'est qu'il y a environ $35 millions de dépenses qui ne provoquent aucune sortie de fonds.

Une Voix: Ah!

M. Parizeau: Ah! Non, il y a toujours, chaque année, des dépenses qui n'entraînent aucune sortie de fonds comme, par exemple, les ajustements sur les régimes de retraite. Est-ce qu'on paie cela à l'extérieur?

Une Voix: Non.

M. Parizeau: Non, comme disent mes camarades de l'Opposition.

Des Voix: Plus tard.

M. Parizeau: En effet, oui, lorsqu'ils prendront leur retraite, mais cette année, cela ne fait pas des déboursés. Il faut, dans ces conditions, quand on veut avoir l'effet sur les emprunts, tenir compte des dépenses qui, seules, provoquent des sorties de fonds. C'est de cette façon que cela se réconcilie, M. le Président.

Cela étant dit, passons maintenant aux grandes charges de cavalerie provoquées par nos amis d'en face. Le député d'Outremont revenait sur les augmentations de recettes d'impôt sur le revenu. Le chef de l'Opposition nationale déplorait la baisse des prévisions de recettes sur la taxe de vente au détail. Alors, regardons ce portrait dans son ensemble. Effectivement, les recettes d'impôt ont baissé ou, tout au moins, se sont stabilisées, comme j'ai eu l'occasion de le dire à l'Assemblée nationale, parce que dans le courant du premier trimestre de cette année nous avons remboursé, au titre de la réforme fiscale municipale, beaucoup plus d'argent que l'an dernier. Forcément, les recettes s'accroissent moins puisqu'on rembourse davantage aux contribuables, ce qui ne fait, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire en cette Chambre, que confirmer — je suis heureux de voir que le député d'Outremont, en regardant les chiffres, enfin, croit le discours du budget — que nous avons remboursé $500 millions aux particuliers à la suite de la réforme fiscale municipale de l'an dernier.

Le chef de l'Union Nationale dit: Les recettes de taxe de vente au détail, les prévisions de recettes pour l'année sont en baisse. C'est exact, M. le Président. Nos prévisions pour le deuxième semestre sont en baisse de $36 millions, pour $1 690 000 000. Il y a donc une légère modification dans nos prévisions. Comme je fais des prévisions à peu près à chaque trimestre, parfois cela monte un peu, parfois cela baisse un peu.

Une Voix: Le yo-yo.

M. Parizeau: Bien sûr, à partir du principe célèbre du yo-yo. Comment se fait-il que ni le député d'Outremont ni le chef de l'Union Nationale ne mentionnent le troisième grand impôt? Quel est le troisième grand impôt, M. le Président? Les corporations. Si vraiment l'économie du Québec va à ce point mal, il faudrait que cela baisse. Eh bien, non! les prévisions sont à la hausse. C'est pour cette raison que nos amis d'en face n'en parlent pas. Les prévisions d'impôt sur les corporations sont en hausse de $59 millions.

Des Voix: Ah!

M. Parizeau: Ah! Ne parlons jamais de ce qui fait mal à la thèse qu'on veut défendre. Bien.

Une Voix: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Parizeau: Je continue, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rivest: C'est vraiment de la haute finance.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît!

M. Parizeau: Le député d'Outremont disait: L'augmentation des dépenses au Québec, c'est affreux, cela augmente de 12% par an. Bien sûr, il rejoint là une thèse que j'ai retrouvée dans un mémoire, il n'y a pas tellement longtemps, du Conseil du patronat, formé, comme chacun le sait, de nos amis intimes, et qui nous reprochait la même chose: 12% d'augmentation, quelle horreur! Bien. Sauf que dans les 12%, il y a une augmentation absolument sensationnelle de l'argent que nous affectons chaque année et pour la première fois au déficit actuariel des fonds de pension, déficit que les gouvernements qui nous ont précédés — à cet égard, je les mets tous dans le même bateau — nous auront laissé. N'est-ce pas, pendant très longtemps...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Parizeau: J'aurais utilisé parfois, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Parizeau: ... un certain nombre de nos amis d'en face peut-être comme conseillers, mais s'ils avaient été conseillers, je ne leur demandais pas de porter la responsabilité de ce qui s'est fait, n'est-ce pas? Il y en a un en particulier que je

désigne en toute amitié. Je pourrais en désigner un autre qui l'a été au niveau du gouvernement fédéral. Il n'en reste pas moins que ce sont les patrons qu'on vise à la fois pour les mauvais coups et les bons coups.

Ceci étant dit, ce que les gouvernements nous ont laissé autrefois, cela a été essentiellement ceci: une situation où le gouvernement ramassait comme revenus les contributions d'un fonds de retraite et passait comme dépenses les prestations de pension à payer chaque année. Aucune provision, rien pour les déficits actuariels. Je me suis retrouvé avec un déficit des fonds de retraite du gouvernement de $5 milliards par année doublant à tous les cinq ans. Cette année, bien sûr, comme l'an dernier, nous avons commencé à rembourser le déficit actuariel des fonds de retraite. Alors qu'on mettait dans le budget, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, une centaine de millions de dollars seulement au titre des fonds de retraite, c'est $750 millions cette année qu'on met là-dedans, $1 milliard l'an prochain, simplement pour être capable de boucher graduellement le déficit actuariel des fonds de retraite. On dira que c'est de l'argent mal dépensé? L'essentiel de l'augmentation un peu rapide, par rapport au produit national brut, comme disait le député d'Outremont, au-delà de l'activité économique dans nos dépenses vient essentiellement de l'argent que nous mettons de côté pour les fonds de retraite que nos enfants justement se seraient ruinés à payer si les mesures que nous prenons maintenant n'avaient pas été prises.

Continuons les charges de la cavalerie! En 1976/77, les emprunts de cette dernière année du gouvernement au pouvoir qui nous a précédés représentaient 17,6% des revenus budgétaires. L'année suivante, en 1977/78, on a réduit ce pourcentage à 12,1% des revenus budgétaires. En 1978/79, cela a remonté à 13,6% et c'est là un des écarts que me reprochait le député d'Outremont. Examinons-le cet écart, M. le Président. Effectivement, en 1978/79, les besoins financiers nets du gouvernement avaient été prévus à près de $1 milliard, ils ont été en fait de près de $1 300 000 000. Il y a $291 millions — mettons $300 millions — de différence entre les deux estimations. A quoi est-ce dû? D'abord au fait que $185 millions qui étaient dûs au gouvernement de Québec par le gouvernement fédéral n'ont jamais été payés et ont été distribués — on s'en souvient, dans l'affaire de la taxe de vente — à chacun des particuliers au Québec. Cela a créé $185 millions du trou. Nos amis d'en face disent: Très bien, bravo! Est-ce qu'ils diront bravo aussi au fait que le ministre fédéral des Finances qui devait payer au gouvernement de Québec, en vertu des ententes établies, $70 millions avant le 31 mars a attendu au début d'avril pour arranger sa caisse pour ne pas nous le payer. On dit bravo, j'écoute les bravo. Je n'entends rien? Bien.

L'essentiel de l'écart entre ce qui avait été prévu au discours du budget et ce que nous avons dû réaliser comme emprunts est attribuable essentiellement à ces deux gestes du gouvernement fédéral. Il n'y a rien d'autre.

Je continue. Pour 1979/80, nous avions calculé que nos emprunts représentaient 10,3% de nos revenus budgétaires. Ils seront supérieurs à cela parce que nous n'allons pas emprunter $1 400 000 000, nous allons beaucoup plus emprunter environ $1 650 000 000. Pourquoi va-t-on emprunter cela? On va emprunter cela essentiellement parce que nous réduisons nos comptes à payer à l'égard des commissions scolaires et des municipalités. (21 h 10)

Est-ce que ces messieurs d'en face considèrent que le fait pour le gouvernement de Québec d'emprunter davantage pour liquider les comptes à payer est une mauvaise chose? Puis-je rappeler, M. le Président, que quand nous sommes arrivés au pouvoir, le gouvernement dont les représentants sont en face devait aux commissions scolaires au-delà de $500 millions qui n'avaient pas été payés. On a retrouvé des comptes de 1972 et de 1973 qui n'avaient jamais été payés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Parizeau: M. le Président, cette année, on les paie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances, auriez-vous l'obligeance, s'il vous plaît, de m'excuser? A l'ordre, s'il vous plaît!

Pendant que le ministre des Finances va terminer son discours, je conseillerais aux députés de tous les coins de la salle de lire les articles 26 et 100 de notre règlement, parce que je constate que vous en êtes complètement ignorants.

M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je terminerai rapidement, M. le Président, sur deux comparaisons que le député d'Outremont a faites avec l'Ontario. Il nous dit: Les effectifs du secteur public sont trop élevés. Il a raison, M. le Président. C'est la raison pour laquelle, l'année dernière, une coupure de 2 1/2% a été décrétée dans les effectifs de la fonction publique et a été réalisée. Bien sûr, de nouveaux programmes ont fait que la fonction publique se stabilise, à peu près, en termes d'effectifs. Les instructions ont été envoyées, pour l'année prochaine, de réaliser exactement la même chose.

Les syndicats nous reprochent copieusement de réduire, dans certains hôpitaux, les effectifs quand vraiment ils dépassent les normes généralement acceptées en Amérique du Nord. Pourquoi est-on tellement attaqué par d'autres si, justement, on ne réalise pas, raisonnablement, graduellement, avec énergie cependant, et avec efficacité, cet objectif de stabilisation et, dans certains cas, de réduction des effectifs? Je n'ai jamais promis une coupure de 50 000 emplois dans le secteur public comme d'autres l'ont fait à d'autres niveaux de gouvernement, on ne fait pas de telles promesses, mais on réalise, cependant, dans certains cas, une stabilisation et, dans d'autres cas, une réduction graduelle des effectifs. J'aime mieux procéder

comme cela, M. le Président, que de lancer des chiffres qui, de toute façon, à un moment donné, sont irréalisables.

Quant aux comparaisons des budgets avec l'Ontario, je rappellerai simplement une chose au député d'Outremont, c'est que le partage des tâches entre le gouvernement d'une province, les municipalités, les commissions scolaires, varie énormément d'un gouvernement provincial à un autre, et il le sait. Dans ces conditions, essayer de comparer la part du budget d'un gouvernement de province sans tenir compte du partage des fonctions entre commissions scolaires et municipalités ne veut rigoureusement rien dire.

D'autre part, comme il le sait aussi, une partie des dépenses, en Ontario, est assumée par le gouvernement fédéral, alors qu'une partie des mêmes dépenses, au Québec, se trouve à être remboursée par des points d'impôt. Dans ces conditions, une partie de la comparaison n'est pas très valable. Ce que je suggérerais simplement au député d'Outremont, c'est d'abord d'établir la comptabilité des deux provinces sur la même base avant d'établir le genre de comparaison qu'il avait faite. S'il cherche à me persuader que les dépenses publiques au Québec sont trop élevées, j'en conviendrai avec lui en lui disant que, depuis trois ans, c'est exactement cela que je cherche à réduire, et que j'ai des taux d'augmentation de dépenses largement inférieurs à ceux qu'on a connus avant sauf, et en tenant compte de l'argent qu'on place, encore une fois, dans le déficit actuariel des fonds de retraite que ses prédécesseurs nous ont agréablement légué.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie tous pour les quelques dernières minutes; je constate que vous avez tous lu l'article 26 du règlement. Il n'y a que le député du Lac-Saint-Jean, probablement, qui a oublié de le lire.

Affaires culturelles

A l'ordre, s'il vous plaît! J'appelle maintenant le programme 1 intitulé "Affaires culturelles". M. le ministre des Finances, est-ce que vous avez quelque chose de particulier à dire?

M. Parizeau: Rien de particulier, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non?

M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Une question. Au programme annoncé par le ministre des Affaires culturelles — dont je regrette l'absence — au sujet des bibliothèques publiques, quand le ministre estime-t-il être en mesure de rendre effectives les propositions qui ont été soumises par son collègue des Affaires culturelles lors du récent congrès de l'Union des municipalités au titre des bibliothèques publiques? Il n'y a rien de prévu évidemment dans ce budget supplémentaire au titre des bibliothèques publiques?

M. Parizeau: Ce sera à l'occasion de la revue des programmes et de l'affectation des fonds par le comité de priorité, qui se produit normalement aux mois de décembre et de janvier. Nous aurons à mettre en oeuvre un certain nombre de ces dispositions.

M. Rivest: Mais, présentement, il n'y a rien de décidé au niveau du Conseil du trésor?

M. Parizeau: Ce n'est pas le Conseil du trésor qui affecte les enveloppes budgétaires, c'est le comité des priorités.

M. Rivest: Jusqu'à maintenant, il n'y a rien de décidé, de ferme?

M. Parizeau: Sauf une sympathie profonde de l'ensemble du gouvernement pour les intentions du ministre des Affaires culturelles dans ce domaine.

M. Rivest: Cela ne donne pas beaucoup de livres à la population.

M. Parizeau: Non, mais ne cherchons pas à anticiper sur le prochain budget.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: A l'élément 2, il apparaît, aux travaux de restauration de la Place Royale, un montant de $1 087 000 et on dit que c'est pour couvrir le reste de certains travaux. Là-dessus, quel montant a été dépensé jusqu'à maintenant? Quel montant a déjà été engagé sur cette somme? C'est une somme bipartite dont une partie a déjà été dépensée.

M. Parizeau: C'est en voie d'engagement, c'est relativement récent comme décision. Il s'agit, pour l'essentiel, de deux choses: d'une part, de l'enfouissement de certains travaux d'infrastructure et en particulier l'enfouissement de câbles, la disparition de divers appareils aériens, câbles, fils, etc., et poteaux, en collaboration d'ailleurs avec Bell Canada et Hydro-Québec, et puis, d'autre part, de certaines sommes pour payer des expropriations.

M. Brochu: II y a donc très peu de ce montant qui est dépensé jusqu'à maintenant.

M. Parizeau: II est engagé, les autorisations sont données. Mais, comme les autorisations ont été données il y a quelques semaines seulement, je ne penserais pas que l'essentiel de la somme soit encore dépensé.

M. Brochu: Merci. Une dernière question maintenant, au programme 5, où on dit: aide

financière aux organismes, $520 000. De quel genre d'organismes s'agit-il?

M. Parizeau: II s'agit d'organismes de toutes sortes, de troupes de théâtre, d'orchestres, etc., dont on doit dire que vraiment, depuis quelque temps, ils n'avaient pas été particulièrement gâtés. La décision a été prise de leur donner un petit peu plus d'oxygène.

M. Rivest: A ce titre, est-ce qu'on pourrait demander au ministre des Finances d'adresser la requête à son collègue des Affaires culturelles, celle de déposer la liste des organismes qui vont recevoir ces subventions?

M. Parizeau: Volontiers, M. le Président.

M. Rivest: Merci. Au sujet de la politique des musées, vous savez qu'à Québec, il y a toute une polémique entourant cela, il y a des chiffres de $30 millions qui ont été avancés par le ministre des Affaires culturelles. Est-ce que pour le ministre des Finances cela en est encore au niveau des grandes sympathies ou s'il y a des décisions quelconques qui ont été prises?

M. Parizeau: M. le Président, il y a déjà deux ans et demi que j'avais indiqué au ministre des Affaires culturelles du temps que la reconstruction ou le réaménagement du musée serait considéré comme une priorité sur le plan budgétaire. A ce moment, nous ne parlions pas d'une trentaine de millions, mais, si je ne m'abuse, de $21 millions ou $22 millions. J'admets que l'inflation a joué et, de toute façon, l'argent est toujours disponible.

L'importance cependant, c'est qu'on s'entende sur ce qu'on veut faire et la querelle à laquelle fait allusion le député de Jean-Talon, même les Montréalais en ont entendu parler.

M. Rivest: Quand vous parlez de l'argent qui est toujours disponible, est-ce que vous vous référez aux $21 millions ou aux $30 millions?

M. Parizeau: On ne fera pas un demi-musée, M. le Président, on essaiera de le compléter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président; au programme 5, élément 2, projet d'économie d'énergie à la Régie de la Place des Arts, $220 000; quel montant la Place des Arts prétend-elle économiser en mettant ce projet à exécution? (21 h 20)

M. Parizeau: Sauf erreur — là, je parle de mémoire — j'ai vu passer ce dossier et il est tout à fait remarquable. Je pense que les dépenses en question se rembourseraient, sauf erreur, en deux ans.

M. Cordeau: Quel genre d'énergie est-ce? M. Parizeau: II s'agit essentiellement du plan du chauffage en particulier. Il y a à l'heure actuelle des travaux à faire, à la Place des Arts, qui sont extraordinairement rentables. Encore une fois, je le dis de mémoire, mais ils sont très rentables. Je dois rendre hommage ici d'ailleurs aux gens de la Place des Arts de s'être rendu compte qu'avec quelques travaux, sur le plan des économies en termes de chauffage, c'est considérable.

M. Cordeau: II y a peut-être d'autres institutions aussi, sachant quel genre d'économie la Place des Arts va faire, qui seraient intéressées à savoir de quelle façon on va procéder.

M. Parizeau: Je dois dire à ce sujet que le ministère des Travaux publics a mis en branle une série d'études à ce sujet, non seulement pour les immeubles gouvernementaux, mais aussi une sorte de méthodologie pour examiner cela même dans les réseaux. Il est évident que, compte tenu de l'augmentation considérable du prix du chauffage, l'examen de ce qu'on peut faire pour les immeubles du gouvernement, les écoles, les hôpitaux, etc., peut donner lieu à des économies très importantes. Il y a pas mal de travaux, d'études qui sont en cours à cet égard. C'est un des premiers qu'on voit passer ici.

Excusez-moi, M. le Président, je viens d'avoir quelque chose de plus précis quant à ce que j'avais à dire sur la Place des Arts. Pour une dépense de $200 000, on économisera $173 000 par an sur la fourniture de combustible. C'est considérable.

M. Cordeau: Est-ce qu'on indique, dans ce document, le genre de réparations ou d'améliorations qu'on va faire à la Place des Arts pour économiser un tel montant sur le plan de l'énergie?

M. Parizeau: Je ne suis pas certain...

M. Cordeau: Pas dans le détail, mais en gros.

M. Parizeau:... que je comprenne tout ce dont il s'agit, mais je vais quand même le lire. A la salle Wilfrid-Pelletier, on m'indique des modifications des séquences de contrôle et additions de contrôleurs d'enthalpie.

M. Lalonde: Est-ce un opéra?

M. Parizeau: Investissement requis: $36 200; économie annuelle anticipée: $85 000. Théâtres Maisonneuve et Port-Royal, modifications des séquences de contrôle et addition de contrôleurs toujours d'enthalpie. Modification des systèmes de ventilation. Investissement requis: $33 400; économie annuelle anticipée: $48 700, etc.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Est-ce que je pourrais poser une question d'information? Est-ce qu'on est au programme 5 des Affaires culturelles?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous sommes aux Affaires culturelles, M. le député.

M. Raynauld: Au programme 5, on parle d'un programme visant à favoriser l'accès du public aux arts d'interprétation par la formation d'artistes de la scène et par l'aide à la production, et on parle de chauffage. Je ne comprends plus rien! Au programme 5, on parle d'aide aux artistes, de la formation d'artistes, et la discussion porte sur le chauffage. C'est ce que je ne comprends pas.

M. Parizeau: C'est parce qu'il y a deux éléments. Il y a une aide financière aux organismes, au programme 5, élément 2, et il y a les projets d'économie d'énergie de la Régie de la Place des Arts. Cela va là parce que la Place des Arts, c'est un théâtre.

Une Voix: Et il faut garder nos artistes au chaud!

M. Raynauld: On va les isoler!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Le ministre me permettrait sans doute de lui poser une question. Il doit avoir quelqu'un des Affaires culturelles autour de lui. J'ai déjà écrit une lettre au ministre. J'aimerais savoir si, dans le montant qu'on voit ici, de $520 000, il y a une somme annuellement pour peut-être pas des sondages, mais pour des recherches faites pour l'implantation de troupes théâtrales dans différents secteurs de la province. Une étude de marché, par exemple.

M. Parizeau: Je n'ai pas d'indication à cet égard, mais cela ne veut pas dire que dans le montant il ne puisse pas y avoir des montants pour ce genre de fins. Le problème est que dans la mesure où cela représente des montants inférieurs à $5000, on ne les voit pas passer au Conseil du trésor. Je vais poser la question et je...

M. Grenier: La question se résume à savoir s'il y a une étude de marché qui est faite pour le théâtre en région rurale du Québec.

M. Parizeau: Je poserai la question et je donnerai avis au député. J'y répondrai dans les plus brefs délais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que les crédits du ministère des Affaires culturelles...

M. Rivest: Une question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Les sympathies du ministre des Finances m'intéressent ce soir. Au programme 2, les biens historiques et archéologiques, à quels sites vont les sympathies du ministre des Finances? $1 537 000.

M. Parizeau: C'est très clair. Il suffit de prendre les deux chiffres de la colonne de gauche, de les additionner et cela donnera le chiffre de la colonne de droite.

M. Rivest: A quels sites s'adressent-ils? Quel programme exactement? Je comprends vos additions.

M. Parizeau: Travaux de restauration à la Place Royale.

M. Rivest:Ah bon! c'est cela.

M. Parizeau: Cela fait $1 087 000.

M. Rivest: Bon.

M. Parizeau: Plus l'acquisition de l'orphelinat Sainte-Thérèse-de-Hull, $450 000. Vous additionnez les deux montants, cela donne $1 537 000.

M. Rivest: On n'a pas les données sur...

M. Parizeau: Et ce sont donc deux sites. Il y a des documents qui doivent circuler.

M. Rivest: On ne les a pas eus, nous.

M. Parizeau: Manifestement, le député de Mégantic-Compton l'a.

M. Rivest: C'est parce que les sympathies de l'Union Nationale sont plus près de vous. On ne les a pas distribués de ce côté-ci.

M. Parizeau: Je m'excuse. On vient de m'indiquer que cela a été remis au chef de l'Opposition.

M. Rivest: II les a gardés, vous savez comment il est.

M. Parizeau: M. le Président, si on peut communiquer à nos amis d'en face une autre copie du document, on pourrait en faire faire une, à moins qu'on n'en ait d'autres.

M. Brochu: Le chef de l'Union Nationale s'est empressé d'en donner copie à tous les députés.

M. Parizeau: En espérant que les communications s'améliorent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, les photocopies vont se faire. M. le député de Jean-Talon. Alors, est-ce que les crédits supplémentaires du ministère des Affaires culturelles seront adoptés?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté.

Affaires intergouvernementales

J'appelle maintenant les crédits supplémentaires du ministère des Affaires intergouvernementales. M. le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à dire? Non? L'Opposition officielle?

M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, il s'agit d'une question un peu plus générale. Est-ce que ces crédits supplémentaires ne sont pas présentés d'habitude lorsque les choses sont survenues qui étaient imprévues lorsque la préparation du budget ordinaire s'est faite? Est-ce que je peux demander, à propos du ministère des Affaires intergouvernementales, par exemple, si le ministre voudrait nous indiquer les raisons pour lesquelles il faut un budget supplémentaire parce que, premièrement, cela n'a pas été prévu en début d'année et, deuxièmement, ce serait trop tard si on attendait au 1er avril pour faire la dépense? Il me semble que dans un cas de budget supplémentaire, il devrait y avoir une certaine notion sinon d'imprévu, du moins de certains événements qui se sont produits qui ont amené le ministre à proposer justement une réaffectation des crédits périmés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, il faut d'abord comprendre qu'ici il y a un certain nombre de décisions qui n'avaient pas été prises à l'occasion du dernier budget comme, par exemple, l'ouverture de maisons représentant le Québec à Moncton, à Edmonton et au Mexique. Ce sont des décisions qui se prennent dans le courant de l'année; il faut bien mettre les montants nécessaires. D'autre part, sur le plan du taux de change, il y a une série de modifications à apporter aux allocations que l'on paie à ceux qui habitent à l'étranger et qui, évidemment, ont été soumis depuis deux ans à des modifications ou qui auraient été soumis à des modifications considérables de leur train de vie ou de leurs allocations si les ajustements n'avaient pas été faits.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, sur la délégation à Moncton justement, est-ce qu'on a une indication du nombre de personnes qu'on va éventuellement engager là? Est-ce qu'il y a une prévision de faite sur la quantité de personnel?

M. Parizeau: Cela me paraît être une délégation modeste à première vue, pas dans le sens où l'entend le maire de Montréal, mais modeste vraiment. Combien de personnes? Il s'agit d'un chef de poste et d'une secrétaire, c'est vraiment modeste.

M. Brochu: C'est simplement un point de départ. D'accord.

M. Parizeau: Or, dans la mesure où nos rapports avec l'Acadie s'intensifient, ce n'est qu'un début. (21 h 30)

M. Brochu: C'est ce que je voulais...

M. Parizeau: Pardon?

M. Brochu:... dire justement. Cela semble être à ce moment-là une porte ouverte sur l'Acadie.

M. Parizeau: M. le Président, il faut toujours un commencement à tout.

M. Brochu: Pour enchaîner, M. le Président, j'espère que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez encore la parole, M. le député de Richmond.

M. Brochu: Ce n'était pas l'impression que j'avais, mais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Malheureusement.

M. Brochu: Merci. M. le Président, au programme 2, élément 1, on parle de l'ouverture éventuelle d'une délégation générale du Québec, cette fois-ci, au Mexique. Pourrait-on avoir plus de précisions là-dessus, à savoir quand on s'attend que cette délégation sera ouverte? J'aimerais également savoir quel est le but plus spécifique de l'ouverture de cette délégation et en particulier — je précise le sens de ma question — à savoir si l'ouverture de cette délégation a un rapport quelconque — et je vois le ministre des Ressources qui me prête une oreille attentive — par exemple, avec l'importation de pétrole et l'importance de plus en plus marquée que prennent les produits pétroliers dans notre monde en bouleversement. L'ouverture de cette délégation et la hâte qu'on semble vouloir y donner, cela aurait-il un rapport quelconque avec les approvisionnements de pétrole en provenance du Mexique?

M. Parizeau: Comme on le sait, nous avons ouvert, il y a quelque temps, notre première délégation en Amérique latine, c'est-à-dire à Caracas. Il était évident que Caracas, à la fois au plan du commerce des produits énergétiques et au plan aussi de certains intérêts industriels et commerciaux que le Québec a en Amérique latine, semblait être un endroit particulièrement indiqué. Néanmoins, il s'en est fallu de très peu que l'on choisisse Mexico comme première délégation plutôt que comme deuxième, parce que Mexico représente, au plan des contacts que l'on peut avoir au niveau de la commercialisation des produits énergétiques, un intérêt aussi grand, au moins à moyen terme, que Caracas peut le représenter et, d'autre part, comme chacun le sait, il y a

quand même beaucoup de Québécois qui transitent, se propagent, fructifient au Mexique et, parfois en reviennent. Depuis fort longtemps, on se posait la question de savoir dans quelle mesure, dans un endroit où il y a autant de Québécois, on ne devrait pas avoir une délégation. Disons donc que nos intérêts mexicains représentent un heureux alliage de tourisme et d'énergie. Voilà!

M. Brochu: Quant à l'autre partie, avez-vous une indication à savoir quand...

M. Parizeau: Je n'ai pas d'indication devant moi à savoir quand cela doit ouvrir, mais le fait que ce soit dans le budget supplémentaire indique que c'est imminent. On peut considérer cela, M. le Président, comme une ouverture appréhendée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député...

M. Brochu: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui?

M. Brochu:... au programme 4, élément 3, il y a, à la rubrique "Service du protocole, conférences et réceptions, $322 800". Qu'est-ce qui justifie une dépense de la sorte dans un budget supplémentaire comme celui-là?

M. Parizeau: Je vais fournir la réponse rapidement. Il y a là-dedans le voyage, évidemment, du président du Conseil de France. Il y a une série d'éléments qui ont dû être ajustés. Le plus important d'entre eux, c'est la conférence des premiers ministres du Canada à Pointe-au-Pic du 15 au 19 août 1979. J'imagine que nos amis d'en face n'ont pas d'objection à ce genre de dépense et à ce genre de colloque?

M. Rivest: Très bien.

M. Parizeau: C'est bien, n'est-ce pas?

M. Rivest: Je vous félicite.

M. Parizeau: II y a, d'autre part, la 32e conférence des ministres de l'Education des pays d'expression française. Je suppose que nos amis d'en face diront que c'est presque aussi bien. Il y en a pour $40 000.

M. Rivest: C'est très cher.

M. Parizeau: Ah bon! Et il y a quelques autres bricoles, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais demander au ministre quels étaient les crédits périmés au ministère des Affaires intergouverne- mentales. Pourrait-on avoir cette information, d'ailleurs, pour chaque ministère? Ce serait très utile à l'avenir pour savoir si ce sont des crédits additionnels sur une base nette par ministère ou s'il s'agit simplement d'une réaffectation des crédits du ministère.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je ne comprends pas. Est-ce que le député d'Outremont veut cela pour les années antérieures...

M. Raynauld: Non.

M. Parizeau: ... ou de la projection dans l'avenir?

M. Raynauld: Pas les années antérieures, juste...

M. Parizeau: Nous calculons, sur la base de certains programmes qui sont un peu en retard, environ $1 million aux Affaires intergouvernementales, M. le Président.

M. Raynauld: L'interprétation serait que, sur les $5 141 000 qui sont proposés pour les Affaires intergouvernementales, il y en aurait environ $4 millions qui seraient des crédits supplémentaires nets.

M. Parizeau: Oui.

M. Raynauld: C'est cela?

M. Parizeau: Oui.

M. Raynauld: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Au programme 2, M. le ministre, les accords entre la France et le Québec au sujet de l'importation d'émissions de télévision.

M. Parizeau: Très bon. M. Rivest: Pardon? M. Parizeau: Très bon.

M. Rivest: C'est très bon. $192 000. Est-ce que, quelque part — je ne sais trop, je vous pose la question — a été déposé devant cette Assemblée le texte de ces accords?

M. Parizeau: M. le Président, même si j'étais ici toutes les minutes des séances de l'Assemblée, je ne me souviendrais pas si vraiment cela a été déposé ou non. Je pense que c'est une question qu'il faudrait poser, dans le cours normal des périodes de questions, à mon collègue des Affai-

res intergouvernementales: lui demander un dépôt de documents, s'il n'a pas été fait.

M. Rivest: Pourriezvous vous engager, parce que je ne voudrais pas accabler le ministre des Affaires intergouvernementales, étant donné qu'il a eu sa part, ces derniers temps, durant la période des questions... Je voudrais simplement l'avoir parce que c'est quand même assez important lorsqu'il s'agit d'évaluer les relations France-Québec. C'est un des programmes importants qui a été négocié, je pense, lors de la dernière visite du premier ministre, M. Lévesque, en France. N'est-ce pas?

M. Parizeau: M. le Président, il y a deux façons de procéder: ou je demande à mon collègue qui, dans des conditions comme celles de notre séance de ce soir, doit l'envoyer au député qui le demande — un point, c'est tout — ou je demande au député de Jean-Talon d'inscrire sa question au feuilleton, auquel cas cela lui serait remis un mercredi en grandes pompes et disponible pour tous les membres de l'Assemblée. Qu'est-ce qu'il préfère, M. le Président?

M. Lalonde: En 1982. M. Rivest: En quelle année? M. Lalonde: En quelle année? M. Parizeau: Pardon?

M. Rivest: En quelle année, si j'inscris ma question au feuilleton, cela va-t-il m'être remis?

M. Parizeau: Non, dans les délais les plus brefs, M. le Président.

M. Lalonde: Oui.

M. Parizeau: Mais enfin. Ecoutez! Je me rangerai aux recommandations ou aux suggestions du député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je suppose que vous allez me donner la même réponse lorsque je vois, au programme 4, une révision de la masse salariale affectée au cabinet du ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Lalonde: Ah bon!

M. Rivest: Nouvelle révision, $200 000 que je lis. Est-ce exact?

M. Parizeau: C'est cela.

M. Rivest: $200 000 au cabinet du ministre des Affaires intergouvernementales, crédits supplémentaires. Pourquoi? Où? Quand? Comment? Qui?

M. Lalonde: Le candidat battu dans le comté de Jean-Talon.

Une Voix: La Maison du Québec à Québec. Une Voix:La Maison du Québec, oui.

M. Rivest: Cela va devenir la Maison du Québec à Québec.

M. Parizeau: Je suis un peu étonné de la question, M. le Président, parce qu'il s'agit de la révision des enveloppes que l'on trouve à plusieurs cabinets de ministre, révision qui a été décidée — enfin, proposée — par le comité de régie interne de l'Assemblée nationale dont, sauf erreur, nos amis de l'Opposition font partie.

M. Rivest: Est-ce que c'est uniquement cela? Le ministre a également mentionné... Au service du protocole, par exemple, je remarque que, pour les réceptions, il y a des prévisions non prévues puisqu'il s'agit d'un crédit supplémentaire de $322 000. Quelles sont les réceptions qui ont occasionné un tel exercice?

Une Voix: La question a été posée.

M. Parizeau: Je vais recommencer ma liste de tout à l'heure. La Conférence des premiers ministres du Canada à Pointe-au-Pic. Lorsqu'on a fait le budget, au mois de mars, on ne savait pas que les premiers ministres du Canada se rencontreraient, qu'ils se rencontreraient à Pointe-au-Pic et qu'on aurait à payer. Là, on le sait. Mais c'est une oeuvre pie, M. le Président, dans l'oeil, j'imagine, de nos amis d'en face. $144 000 pour recevoir les premiers ministres du Canada, ils ne peuvent pas s'opposer à cela. Je disais tout à l'heure qu'il y avait la 32e session de la Conférence des ministres de l'Education des pays d'expression française, $40 734. Voyez, j'ai une liste.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de...

M. Rivest: A l'intérieur de chaque programme, lorsqu'on voit ces supercatégories, catégories, éléments — dans le jargon — au titre des Communications, je me réfère au cahier, en ce moment. Aux Communications, on voit qu'à chaque programme... Par exemple, $122 000, je pense que c'est le montant total des crédits additionnels qui sont demandés au titre des communications. Est-ce bien cela? (21 h 40)

Une Voix: Affaires canadiennes seulement.

M. Rivest: Oui, c'est cela. Ensuite, aux affaires internationales, il a dû y en avoir d'autres; $90 000 si je lis bien. Que sont tous ces programmes de communications additionnelles dont le ministère des Affaires intergouvernementales a soudainement besoin? Est-ce qu'il y a des sondages plus ou moins luxueux qui traîneraient encore quelque part dans le décor?

M. Parizeau: M. le Président, le mot "communications" doit s'interpréter ici dans son sens le plus large. Cela pourrait être tout aussi bien des

frais de voyage que des émissions. C'est communications dans le sens de communiquer.

M. Rivest: De communiquer?

M. Parizeau: Oui. Donc, les frais de voyage entrent dans cela.

Une Voix: Les communications bouche à bouche?

M. Parizeau: De bouche à oreille aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: La réponse du ministre est sûrement très agréable à entendre mais ne règle pas grands problèmes. Plus précisément, est-ce que le ministre des Finances sait si les nouvelles prévisions incluent des sondages? Le ministre des Affaires intergouvernementales a été assez peu loquace quand on lui a demandé s'il y avait d'autres sondages luxueux — comme le disait le député de Jean-Talon tantôt — sondages qui n'ont même pas pu prévoir l'immense victoire libérale dans les partielles il y a quelques jours. Est-ce que le ministre des Finances a autorisé, dans les crédits qu'il nous présente actuellement, de nouveaux sondages partisans de la part du gouvernement?

M. Parizeau: Ah non! M. le Président, les seuls sondages que j'ai autorisés sont les sondages non partisans.

M. Rivest: Vous en avez autorisé?

M. Lalonde: Est-ce que vous en avez autorisé alors?

M. Rivest: Vous autorisez des sondages?

M. Parizeau: Non, M. le Président. Je me permettais une boutade et je regrette que le député de Marguerite-Bourgeoys ne l'ait pas saisie. Je mettais un point d'ironie.

M. Rivest: M. le Président, si vous me le permettez...

M. Lalonde: M. le Président, j'ai également saisi le côté boutade mais...

M. Parizeau: J'en suis ravi.

M. Lalonde: ... étant donné que nous discutons de deniers publics, nous devons être un peu sérieux devant la population de temps à autre. La question des sondages étant une question qui a été très sérieusement traitée par l'Opposition officielle, est-ce que le ministre des Finances peut nous dire ici si, dans le budget supplémentaire qu'il nous propose, il y a des sondages de la part du ministère des Affaires intergouvernementales d'ici le 1er avril 1980?

M. Parizeau: A ma connaissance, absolument pas. De nature partisane ou non partisane, il n'y en a pas. Je ne vois rien où cela puisse apparaître dans ce budget.

M. Rivest: Au sujet des communications, le ministre a dit qu'il s'agissait de communiquer en général, mais quand même, il y a des sommes assez importantes. Est-ce que le ministre pourrait demander à son collègue des Affaires intergouvernementales — puisque c'est lui qui défend les crédits supplémentaires — de nous produire le détail des crédits supplémentaires dont il a besoin au titre des communications? Y a-t-il moyen d'avoir les éléments?

M. Parizeau: Mais, bien sûr. Seulement, je rappelle qu'il y a à peu près $6000 de mouvement de fonctionnaires à l'étranger répartis dans tous ces programmes qui sont dans les communications. Alors, on prendra des montants de cet ordre et on ventilera.

M. Rivest: On voudrait l'avoir et au complet, s'il vous plaît. Insistez auprès de votre collègue des Affaires intergouvernementales.

M. Parizeau: Ah oui!

M. Lalonde: Quand cela sera-t-il produit?

M. Parizeau: Ce sera complet.

M. Rivest: Oui, promis?

M. Parizeau: Je n'ai pas promis, M. le Président, puisque je dis que ce sera complet.

M. Rivest: Non, ce n'est pas pour vous M. le ministre, c'est pour votre collègue des Affaires intergouvernementales qui a tendance à faire des oublis, comme des études sur l'assurance-chômage.

M. Parizeau: M. le Président, je pensais qu'il était depuis fort longtemps clair que nous étions solidaires, mon collègue et moi.

M. Rivest: Oh ça!

M. Lalonde: A votre grand dam!

M. Rivest: Vous l'en informerez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Pourquoi les crédits périmés ne sont-ils pas inclus aux crédits supplémentaires ministère par ministère?

M. Parizeau: M. le Président, je vais être aussi candide dans ma réponse que le député ne l'est dans sa question. C'est qu'il s'agit vraiment d'un exercice — comment dire? — essentiellement "pifométrique". Il y a des gens qui ont une habitude

fort longue de regarder fonctionner les ministères et le leur en particulier, en se disant, au fur et à mesure que passent les mois: Cela, dans tel élément de programme, ils ne dépenseront jamais tout cela, ou bien: Telle chose ayant été bloquée ou ayant pris trois mois de retard, la dépense ne se fera pas. C'est éminemment commode pour un ministre des Finances d'avoir, autour de lui, un certain nombre de pifomètres aussi exercés, mais il ne faut pas prendre cela pour de la comptabilité. Une chose est assez remarquable, cependant, c'est qu'année après année, entre les prévisions de crédits périmés au total — pas nécessairement dans la répartition entre les ministères — et la réalité, il n'y a pas tellement d'écart.

M. Scowen: Je vais simplement dire, M. le ministre, que je trouve que votre réponse n'est pas très satisfaisante. Nous sommes supposés, ici, regarder et surveiller les comptes du gouvernement — c'est une commission qui est créée pour cette raison — et nous n'avons pas l'information essentielle, d'après moi, pour cette étude. Je sais très bien qu'il s'agit peut-être d'un petit jeu entre vous et vos ministères, vos sous-ministres, mais je pense qu'il y a quand même des moyens autres de contrôler les dépenses qui ne sont pas nécessaires que ceux que vous avez choisis. Je pense que nous avons le droit, finalement, d'avoir cette information, ministère par ministère, sur une base régulière si vous voulez que nous approuvions les crédits supplémentaires ministère par ministère.

M. Parizeau: M. le Président, absolument pas. Je pense que le député embarque dans une erreur de perspective absolument monumentale. Ce que nous avons approuvé, ce sont des crédits de fonds publics, des exercices réalisés, en somme, des données comptables qui représentent, sur le plan soit des engagements financiers, soit des dépenses faites, des chiffres certains. Un crédit peut ne pas être dépensé, mais comme crédit, une fois voté, une dépense ex post constatée par le Vérificateur général ou par le contrôleur des finances est, sur le plan comptable, une certitude. L'Assemblée nationale vote des crédits certains et se prononce sur des états financiers certains, mais l'Assemblée nationale, à ma connaissance, ne s'est jamais prononcée — et j'espère qu'elle n'aura jamais à se prononcer — sur une sorte d'évaluation de ce qui peut-être, en cours d'année, ne serait pas dépensé ou le serait, selon des gens dont le coup d'oeil peut être professionnel, mais dont les évaluations n'auront jamais de valeur légale, cela va de soi.

M. Scowen: M. le ministre, je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Au début de l'année, on nous a demandé d'approuver des crédits certains, comme vous les appelez, dans le budget de 1979/80.

A titre d'exemple, pour le ministère des Affaires intergouvernementales, il s'agissait de $36 845 000, et ce que vous êtes en train de me dire maintenant c'est qu'en effet ce n'étaient pas des crédits certains, que vous saviez à l'époque qu'il y aurait certainement des crédits périmés, vous avez eu des expériences dans ce ministère depuis quelques années, c'est un chiffre qui n'était pas révélé à la fois et vous saviez, à l'époque, que tous ces crédits de $36 845 000 ne seraient pas versés. Je pense que ce n'est pas une information adéquate pour ceux qui sont appelés à approuver les crédits, quand vous savez dès le début qu'il y aura des crédits périmés, ce ne sont pas des crédits certains.

Vous venez de prouver, avec les crédits périmés dont vous dites qu'ils sont habituels, que vous les attendez mais vous ne voulez pas révéler à l'Assemblée nationale ou à la population que ce que nous approuvons, ce ne sont pas des crédits certains, comme vous les appelez.

M. Parizeau: M. le Président, on recommence la démonstration. Quand je dis au député de Notre-Dame-de-Grâce que l'estimation qu'on se fait en cours d'année se réalise avec des marges d'erreur relativement faibles, ce n'est pas ministère par ministère, c'est au total. Il y a toujours une espèce de proportion des crédits dans l'ensemble qui ne se réalisera pas. Mais s'imaginer qu'au début d'une année — ce serait vraiment du délire — l'on puisse dire: Nous votons $35 millions de crédits, par exemple, pour un ministère, nous les votons et ce sont les crédits qui sont alloués à ce ministère, qu'est-ce qui peut faire en sorte que les $35 millions ne soient pas totalement dépensés? Exemple, un sous-ministre tombe malade ou un ministre tombe malade et un délai de quinze jours ou trois semaines se fait dans les CT, c'est-à-dire dans les autorisations du Conseil du trésor: à cause de cette maladie, cela peut déplacer quelques centaines de milliers de dollars à la fin de l'année. (21 h 50)

Deuxième hypothèse, un certain nombre de fonctionnaires qui devaient aller faire une mission à l'étranger sont retenus par un dossier fédéral-provincial plus urgent, un certain type de dépenses ne se fera pas. Il est clair comme de l'eau de roche qu'on ne peut pas, au début d'une année, prévoir des choses pareilles.

Passons au ministère des Transports ou des Travaux publics. Le montant des crédits périmés dépend pour une bonne mesure du temps. Est-ce qu'il a beaucoup plu à l'automne ou pas? Quand est-ce que la neige est disparue? Je ne suis pas comme certains Indiens, je ne peux pas prévoir la durée de l'hiver. Il y en a qui arrivent, moi, non, je suis plus humble que cela. Si le député de Notre-Dame-de-Grâce me dit: Dès le mois de mars, quand vous présentez les crédits, auriez-vous l'obligeance de nous dire combien de sous-ministres seront malades et à quel moment l'hiver va se terminer? M. le Président, j'en suis totalement incapable.

M. Scowen: M. le Président, ce que le ministre vient de nous dire, c'est que les crédits périmés, il a donné les exemples, sont normalement le résultat de l'imprévu. J'accepte complètement que ce

soit le cas. C'est exactement le même cas dans la demande des crédits supplémentaires. Ils sont toujours à cause de l'imprévu.

Pour ne pas retarder la discussion éternellement, je veux simplement que le ministre répète maintenant pourquoi, comme comptable en chef de l'économie du Québec, il refuse aux actionnaires du Québec, à la population, de faire savoir, ministère par ministère, pourquoi il y a des crédits périmés, ministère par ministère, au même moment où on demande, pour les mêmes types d'imprévus, des crédits supplémentaires. Quel est son raisonnement, devant la population? Pourquoi refuser cette information à tout le monde?

M. Parizeau: Quand je demande des crédits supplémentaires, ce n'est pas pour des imprévus, c'est pour des prévus. C'est parce qu'en mars on ne savait pas qu'on aurait une réunion des ministres canadiens à Pointe-au-Pic, pour que je demande des crédits supplémentaires. Elle a eu lieu, cette réunion, il faut bien la payer. En mars, on n'avait pas pris la décision d'ouvrir une délégation au Mexique; là, la décision est prise et on va l'ouvrir. Ce n'est pas de l'imprévu, c'est du prévu!

Les budgets supplémentaires de l'automne, ce sont des corrections. Ce n'est pas de l'imprévu. C'est peut-être de l'imprévu par rapport au mois de mars précédent, mais pas rendu au mois de novembre. Au mois de novembre, on prévoit et on présente des corrections de budget. Les crédits périmés, ce n'est pas ça. Cela change constamment, les crédits périmés, de mois en mois. Par exemple, je vais donner un autre cas que nous connaissons bien: les grèves. On peut prévoir un certain nombre de perturbations dans quelques réseaux gouvernementaux, comme chacun le sait; d'ici le mois de mars, est-ce qu'on peut rattraper le temps perdu ou non? Un peu? Beaucoup? Passionnément? A la folie, ou pas du tout? C'est très difficile à dire, les gens viennent de rentrer au travail, dans certains réseaux.

La prévision de crédits périmés ministère par ministère pour chacun des réseaux gouvernementaux, forcément, on la fait au pifomètre et, la semaine prochaine ou le mois prochain, on en fera une autre. Il s'agit essentiellement d'une estimation qui est extrêmement aléatoire d'un ministère à l'autre, mais qui, à cause de la loi des grands nombres, fait qu'à la fin de chaque année, on se rend compte qu'il y a toujours $350 millions ou S360 millions de crédits périmés. Une vieille expérience nous apprend cela, mais il faudrait bien comprendre que, si on commençait à sortir des tableaux de répartition par ministère, par programme et par élément de programme de crédits périmés, on cherchera à jouer à Dieu, ou à remplacer la température.

M. Scowen: Une dernière brève question. Je veux simplement demander si le ministre est satisfait de sa dernière réponse à ma question.

M. Parizeau: M. le Président, il est maintenant 9 h 55. Je vais recommencer pour une quatrième fois. Allons-y! Je reprends.

M. Scowen: Parce que c'est plutôt nécessaire?

M. Parizeau: II y a dans les crédits...

M. Scowen: Je vais répéter ma question parce que le ministre n'a pas essayé de répondre la première fois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que le ministre a compris votre question.

M. Scowen: Vous pensez qu'il a finalement compris?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, est-ce que vous voulez que le député de Notre-Dame-de-Grâce répète sa question?

M. Parizeau: Moi, M. le Président, je suis d'une patience exemplaire ce soir, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Parizeau: Si le député veut reposer sa question, je vais remettre ma réponse.

M. Scowen: J'aimerais que le ministre, brièvement, explique à la population et à l'Assemblée nationale pourquoi, comme comptable en chef, si vous voulez, des finances du Québec, il refuse de donner à la population les détails, ministère par ministère, pour les sommes qui ne sont pas versées, mais qui ont été votées, quand il est prêt à donner l'information sur les crédits supplémentaires qui sont l'équivalent, dans l'autre sens, qu'il demande. Pourquoi un et pas l'autre, ministère par ministère?

M. Parizeau: Je reprends, M. le Président. Il y a des gestes officiels que nous avons à poser, comme Assemblée nationale. Ces gestes sont l'approbation de crédits; ces crédits sont des autorisations de dépenser. Pas des certitudes de dépenser, des autorisations de dépenser. Si, effectivement, ce soir, nous venons d'autoriser l'ouverture d'une délégation à Moncton qui comprend un chef de poste et une secrétaire, advenant — il y a un montant pour la secrétaire — qu'on prenne trois semaines de plus pour la recruter parce qu'on ne trouve pas la bonne du premier coup, il y aura trois semaines d'économisées sur son salaire. Le crédit aura été autorisé mais, à la fin de l'année, il n'aura pas été dépensé.

Ce que nous approuvons, ce sont les crédits autorisés. C'est là-dessus que nous votons. Alors, on me demande: Pourquoi ne pouvez-vous pas prévoir, exactement, ministère par ministère, si toutes les secrétaires seront recrutées à temps ou à quel moment précis de l'hiver la dernière tempête de neige aura lieu. M. le Président, je suis incapable de répondre à cela.

M.Scowen: C'est la caricature pure et simple de ma question, M. le ministre, et vous le savez.

C'est la caricature et on n'a pas besoin de cela. Pourquoi ne réponds-tu pas à la question?

M. Parizeau: M. le Président, je n'ai pas l'habitude de tutoyer nos amis d'en face et il ne me plaît pas beaucoup qu'on le "fisse". Néanmoins, je reviens, après cet épisode touchant, à la question posée.

On me demande, comme comptable des fonds du gouvernement, pourquoi je ne fais pas approuver par l'Assemblée nationale des crédits périmés. C'est pour une raison très simple. C'est que le gouvernement ne les demande pas à Sa Majesté, les crédits périmés. Il ne les fait pas approuver par l'Assemblée nationale. C'est simplement une estimation de ce qui, dans notre meilleur jugement, est susceptible de ne pas être dépensé à même les crédits adoptés par l'Assemblée. On pourrait dire: II n'y aura pas de crédits périmés. On ne nous croirait pas parce que chaque année, il y en a. On préfère indiquer qu'il y en aura. On préfère indiquer une impression de la masse des crédits périmés susceptibles de se produire, mais les crédits périmés n'ont jamais été approuvés par l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale vote des crédits, ce que nous lui proposons ce soir, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Je regrette, M. le ministre, mais je dois faire rapport.

M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière n'a pas fini de délibérer et demande d'être entendue à une autre séance.

Le Vice-Président: Quand siégera-t-elle? Une Voix: A la prochaine séance.

Le Vice-Président: A la prochaine séance. Les travaux de l'Assemblée sont ajournés à mardi, 14 heures.

Fin de la séance à 22 heures

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