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(Quatorze heures deux minutes)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Un moment de recueillement. Vous pouvez vous asseoir.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents. M. le député de
Matapédia.
Pétition demandant l'aide
des gouvernements aux victimes de la MIUF
M. Marquis: M. le Président, conformément aux
dispositions de notre règlement, qu'il me soit permis de déposer
une pétition portant 840 signatures, en plus d'être appuyée
par de nombreuses corporations municipales et autres organismes,
présentée au nom de toutes les victimes de la mousse isolante
d'urée formaldéhyde de la région 01. Cette pétition
qu'on demande de déposer et à l'Assemblée nationale du
Québec et à la Chambre des communes du Canada prie les deux
gouvernements de prendre, selon leurs compétences respectives, la
position urgente qu'exige l'état actuel du dossier et notamment de
prendre les dispositions suivantes: 1. Déclarer la situation de la MIUF
un sinistre national et débloquer les fonds d'indemnité. 2.
Ordonner l'aide physique et matérielle de l'Armée canadienne. 3.
Ordonner la création d'une commission d'enquête
présidée par un magistrat. 4. Protéger la santé
familiale en votant un plan d'évacuation obligatoire et de relogement
temporaire sans aucuns frais, le cas échéant. 5. Voter la
suspension du paiement des taxes municipales, le cas échéant. 6.
Voter la suspension du paiement du prêt hypothécaire, le cas
échéant. 7. Modifier la Loi sur l'aide juridique pour admettre
toutes les victimes de la MIUF. 8. Ordonner sur-le-champ une étude
épidémiologique. 9. Accorder toutes les ressources
matérielles et financières aux victimes.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Pétition
déposée. M. le député de Saint-Henri.
Pétition pour la confessionnalité des
écoles
M. Hains: M. le Président, conformément à
notre règlement, j'ai l'honneur de déposer une pétition
signée par plus de 25 présidents d'associations au sujet de la
confessionnalité dans nos écoles.
Cette pétition peut représenter de 25 000 à 30 000
signatures personnelles.
Voici la teneur de cette pétition: "Attendu que tout enfant a le
droit de bénéficier d'un système d'éducation qui
favorise le plein épanouissement de sa personnalité;
Attendu que les parents ont le droit de choisir les institutions qui,
selon leurs convictions, assurent le mieux le respect des droits de leurs
enfants;
Attendu que les personnes et les groupes ont le droit de créer
des institutions d'enseignement autonomes et, les exigences du bien commun
étant sauves, de bénéficier des moyens administratifs et
financiers nécessaires à la poursuite de leur idéal;
Attendu qu'il importe d'instituer, suivant ces principes, un
ministère de l'Éducation dont les pouvoirs soient en relation
avec les attributions reconnues à un Conseil supérieur de
l'éducation, à ses comités catholique et protestant ainsi
qu'à ses commissions, voici les demandes: 1) que l'on maintienne
légalement l'école catholique pour les parents qui le demandent;
2) que l'on maintienne les commissions scolaires confessionnelles; 3) que des
mécanismes de consultation appropriés assurent à des
parents la possibilité de choisir le type d'école qui
répond à leurs attentes; 4) que l'on maintienne le droit effectif
des parents de choisir l'école privée. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Pétition
déposée.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
M. Bertrand: M. le Président, je m'excuse...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: ... au niveau du dépôt de
documents.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.
Documents relatifs au projet de loi no 65
M. Bertrand: Tel que je m'y suis engagé hier, il y a un
certain nombre de documents que j'aimerais déposer pour le
bénéfice des parlementaires qui participeront à la
commission parlementaire qui a comme responsabilité d'étudier le
projet de loi no 65 article par article. Je voudrais donc déposer un
document qui fait état des comparaisons avec les législations
étrangères, un autre document qui fait l'analyse des organismes
visés par le projet de loi no 65, un autre document qui fait l'analyse
des engagements ministériels et des orientations de l'Opposition sur le
projet de loi, un autre document sur la définition des mots clefs
contenus dans le projet de loi, un document sur la synthèse des
principales dispositions de la loi et un document - j'aurais aimé que le
député de Marguerite-Bourgeoys soit ici -relatif aux commentaires
de la Commission des droits de la personne.
Après avoir pris des informations, effectivement, le 3 juillet
1981, j'avais écrit à la Commission des droits de la personne,
à Mme Francine Fournier, présidente, pour lui demander si elle
avait des commentaires à nous transmettre relativement au rapport de la
commission Paré. Elle nous a répondu le 28 novembre et,
effectivement, elle nous a transmis des commentaires. Le 3 décembre, je
la remerciais de nous avoir transmis ces commentaires.
J'ajoute à cela que, malgré toutes ces précautions
prises, j'ai écrit hier à Mme Fournier pour lui demander si,
à la lecture du projet de loi no 65, elle avait d'autres commentaires
à ajouter à ceux qu'elle nous avait déjà fait
parvenir sur le rapport de la commission Paré. Je dépose aussi ce
document, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Document
déposé par le ministre des Communications.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés. M. le leader du gouvernement.
Rapports du greffier en loi sur des projets de loi
privés
M. Bertrand: M. le Président, il y a un projet de loi
inscrit au nom du député de Bourassa, le projet de loi no 202,
Loi concernant la ville de Montréal-Est. Le greffier en loi adjoint de
la Législature nous indique qu'il a examiné, suivant les
règles de pratique, le projet de loi no 202, que le projet de loi est
conforme à l'avis et que les avis ont été publiés,
mais qu'il y a lieu de suspendre la règle de pratique puisque le projet
de loi a été déposé au secrétariat des
commissions après l'ouverture de la session. S'il y a consentement, M.
le Président, pour déroger aux règles de pratique pour le
dépôt de ce projet de loi...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a
consentement? Consentement. Rapport déposé.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article g du feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 68 Première lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor propose la première lecture du projet de loi no
68, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
régimes de retraite. M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Il s'agit
du projet de loi no 68. Ce projet de loi a principalement pour objet: de
diminuer les dépenses budgétaires et les besoins financiers du
gouvernement à l'égard des régimes de retraite des
secteurs public et parapublic soit: le Régime de retraite des
enseignants, le Régime de retraite des fonctionnaires et le
Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes
publics, les dispositions particulières prévues par la Loi
concernant la protection à la retraite de certains enseignants.
Également, il a pour but: de permettre, sans date limite, le transfert
des participants de ces régimes au Régime de retraite des
employés du gouvernement et des organismes publics; de prévoir
qu'un ministre désigné par le gouvernement soit responsable de
l'application de ces lois. (14 h 10)
Tout en préservant les droits acquis des pensionnés et des
participants de ces régimes, ce projet de loi prévoit, pour le
service futur seulement, les modifications suivantes: le partage en parts
égales entre employeurs et employés du coût des
régimes; l'indexation des pensions sur l'excédent de 3% de
l'indice des prix à la consommation au sens du Régime de rentes
du Québec.
De plus, l'indexation des pensions, le 1er janvier qui suit la date de
la mise à la retraite, s'effectuera proportionnellement au nombre de
jours pour lesquels la pension a été versée au cours de
l'année civile de la
mise à la retraite par rapport au nombre de jours de cette
même année civile. Ces modifications s'appliqueront à
compter du 1er juillet 1982, dans le cas du partage des coûts en parts
égales entre employés et employeurs; à compter du 1er
janvier 1983, dans le cas de l'indexation annuelle des pensions sur
l'excédent de 3%, cette indexation ne s'appliquant toutefois qu'à
la portion de pension acquise après le 30 juin 1982 et à compter
du 1er janvier 1983 quant à l'indexation proportionnelle des pensions,
mais pour les seules pensions qui sont devenues payables après le 30
juin 1982.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette première
lecture est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article h inscrit au feuilleton d'aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture,
M. le leader?
M. Bertrand: Oui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture,
prochaine séance ou séance subséquente.
M. Bertrand: C'est cela. L'article h du feuilleton d'aujourd'hui,
M. le Président.
Projet de loi no 48 Première lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Le ministre des Transports
propose la première lecture du projet de loi 48, Loi favorisant la
poursuite des objets de la Ligue de taxis de Montréal Inc. M. le
ministre des Transports.
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, ce projet de loi a pour but de
favoriser la poursuite des objets de la Ligue de taxis de Montréal Inc.
et précise les conditions selon lesquelles les propriétaires de
taxis de l'agglomération de Montréal seront habilités
à participer à la prochaine assemblée
générale de la Ligue de taxis de Montréal Inc. et à
soumettre leurs candidatures à titre de membres du conseil
d'administration de la ligue lors de la prochaine élection. Il
décrète l'obligation de la ligue de tenir une assemblée
générale de ses membres le 26 septembre 1982 aux fins de leur
soumettre pour adoption un texte refondu de ses règlements et de fixer
le montant de la cotisation annuelle qui sera exigible de ses membres à
compter de 1982. Ce projet de loi permet au ministre des Transports de nommer
un vérificateur pour vérifier les comptes et les livres de la
corporation au 31 décembre 1982 et d'établir une cotisation
spéciale afin de réduire, le cas échéant, le
déficit accumulé par la corporation au cours des années
1979, 1980 et 1981. Il impose aux détenteurs de permis de
l'agglomération de Montréal l'obligation de payer à la
corporation, en plus de la cotisation qui peut être établie par le
ministre des Transports, un montant de 35 $ par permis et par année pour
chacune des années 1979, 1980 et 1981 et prévoit à cet
égard qu'un défaut de paiement pourra entraîner la
révocation de permis de propriétaire de taxi. Enfin, ce projet de
loi confie la surveillance de la prochaine assemblée
générale des membres de cette corporation ainsi que de la
prochaine élection de son conseil d'administration à un
comité dont le mode de nomination est prévu au projet de loi. La
date de l'élection sera postérieure à la tenue de
l'assemblée générale.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette première
lecture est-elle adoptée? M. le député de
Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: M. le Président, je voudrais poser une
question au leader parlementaire concernant ce dépôt de projet de
loi en première lecture. Le leader peut-il nous informer à quel
moment il saisira la Chambre de l'étude de ce projet de loi en
deuxième lecture?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, même s'il s'agit d'une
question qui, normalement, serait posée en vertu de l'article 34, il me
fait plaisir d'y répondre immédiatement puisqu'il y a eu
dépôt en première lecture. Il se pourrait - il me semble
que le ministre en a discuté avec le député de
Jeanne-Mance -qu'on puisse disposer de ce projet de loi en deuxième
lecture en 45 minutes ou une heure environ. À ce moment-là,
peut-être jeudi soir de la semaine prochaine, une heure environ.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette première
lecture est-elle adoptée? Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture,
prochaine séance ou
séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article f).
Projet de loi no 202 Première lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Le député de
Bourassa propose la première lecture du projet de loi privé no
202, Loi concernant la ville de Montréal-Est. Cette première
lecture est-elle adoptée? Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
Renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
parlementaire permanente des affaires municipales.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté. Questions orales des députés. M.
le député de Laporte.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Augmentation des tarifs sur les autoroutes à
péage
M. Bourbeau: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports. Le ministre des Transports a annoncé ce matin
une augmentation des tarifs sur les autoroutes à péage du
Québec, et ce à compter du 1er juillet prochain. Il appert que
les tarifs passeront de 0,25 $ à 0,50 $ à chaque poste de
péage à compter du 1er juillet prochain, à 0,60 $ à
compter du 1er avril 1983, à 0,70 $ à compter du 1er avril 1984
et à 0,80 $ à chaque poste de péage à compter du
1er avril 1985.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Bourbeau: Aux heures de pointe, le tarif
préférentiel sera porté de 0,10 $ à 0,35 $ jusqu'au
1er janvier 1983, date à laquelle il serait aboli. Le ministre ne
trouve-t-il pas que le gouvernement a assez abusé des automobilistes
depuis un an, notamment en augmentant la taxe sur l'essence d'au moins 110%, en
augmentant les droits d'immatriculation de 60%, en augmentant l'assurance
automobile d'au moins 12%, et qu'au lieu d'exploiter encore davantage cette
vache à lait qu'est l'automobiliste, il serait grand temps que le
gouvernement pense à couper dans les vraies dépenses folichonnes
que sont les maisons du Québec à l'étranger, la propagande
gouvernementale, les voyages des ministres en avion privé, les...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
député, en se basant sur ce qu'on a fait depuis quelque temps,
veuillez poser la fin de la question, s'il vous plaît!
M. Bourbeau: Je termine ma question dans laquelle je demandais au
ministre si on ne devrait pas plutôt couper dans d'autres domaines qui
font moins mal aux usagers comme, entre autres, les millions gaspillés
dans Quebecair et les primes de séparation aux fonctionnaires.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Transports.
M. Clair: M. le Président, je suis heureux de voir que le
député de Laporte est capable de répéter à
peu près mot à mot les communiqués de presse qu'on a
émis dans le cas de l'augmentation des péages sur les autoroutes.
Essentiellement, je pense qu'il s'agit d'une décision qu'il était
devenu important de prendre en ce qui concerne la majoration des péages
sur les autoroutes. Le député dit que c'est une augmentation
exagérée. Je voudrais simplement lui indiquer que ces tarifs
n'avaient pas été révisés depuis 1958. Si on
regarde la valeur réelle des péages depuis 1958...
Une voix: 1958?
M. Clair: ... la valeur réelle des péages, par
exemple, de 0,10 $ aux heures de pointe, ce tarif préférentiel ne
se justifie nullement sur le plan de l'étalement urbain, sur le plan
d'une politique visant à favoriser le transport en commun.
Des voix: À l'ordre!
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je pense qu'on a essayé de donner à cette
Assemblée un décorum. J'aimerais que le ministre puisse
répondre à la question, s'il vous plaît. Cela s'applique
aux deux côtés d'ailleurs. M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, ce que j'étais en train
d'expliquer, c'était, premièrement, que depuis 1958, il n'y a eu
aucune augmentation de péage sur les
autoroutes au Québec; au contraire, il y a eu l'introduction d'un
tarif préférentiel aux heures de pointe, ce qui va à
l'encontre de la logique pour quelque politique que ce soit en vue de favoriser
l'utilisation du transport en commun, notamment, de lutter contre
l'étalement urbain. Cette question d'un tarif préférentiel
aux heures de pointe n'a aucune logique.
Nous avons convenu de le conserver pour une certaine période
jusqu'à ce que des mesures comme le covoiturage, comme
l'intégration tarifaire au point de vue du transport en commun dans la
région de Montréal aient lieu. Que valent les 0,10 $ de 1958,
aujourd'hui, en 1982? Ces 0,10 $ valent aujourd'hui 0,03 $ par rapport à
la valeur de l'argent de 1957; les 0,25 $ valent 0,07 $, les 0,50 $ valent 0,15
$. Si on avait indexé au coût de la vie les péages sur les
autoroutes, au lieu de 0,10 $, le tarif serait de 0,34 $, ce qui est exactement
ce que nous avons annoncé; au lieu de 0,25 $, il serait dès
à présent à 0,84 $, ce tarif sur les autoroutes. Or, le
député dit: En 1985, le tarif sera de 0,80 $. Ce que ça
veut dire, c'est que même en 1985 l'augmentation des péages sur
les autoroutes sera largement en retard par rapport à l'indice des prix
à la consommation, par rapport à l'augmentation du coût de
la vie.
Enfin, je voudrais ajouter qu'en ce qui concerne les comparaisons qu'on
peut faire avec l'étranger... (14 h 20)
Une voix: C'est bon cela.
M. Clair: M. le Président, pour la...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La
question est posée au ministre des Transports et c'est à lui de
répondre et non à d'autres de faire des commentaires. La
façon de lui poser des questions, c'est d'obtenir la permission du
président. M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, j'indiquais que, si on fait des
comparaisons avec l'étranger - cela peut être utile, à
l'occasion, de faire un certain nombre de comparaisons avec l'étranger -
pour la même distance comprise entre Sherbrooke et Montréal,
actuellement, il en coûte 1,25 $ pour franchir la distance, et cela
coûtera 2,50 $ dorénavant alors que sur l'autoroute à
péage la moins chère aux États-Unis et à peu
près la moins chère qu'on puisse trouver pour la même
distance, il en coûterait plus de 4,50 $, et c'est le New York Thruway.
Si on prend le Pennsylvania Turnpike, pour la même distance, par rapport
à 2,50 $, il en coûterait plus de 31 $, M. le
Président.
Quand on essaie de faire passer cette mesure comme étant
déraisonnable, comme étant une ponction déraisonnable sur
les automobilistes, je pense que le député est mal
renseigné.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Est-ce que le ministre pourrait nous donner les
pourcentages de comparaison avec le coût des autoroutes dans la
région de Québec, par exemple? M. le Président, en ces
temps de crise et de chômage sans précédent, le ministre ne
trouve-t-il pas que l'augmentation projetée constitue une taxe
régressive et cynique qui frappe autant les pauvres que les riches et
les démunis que les bien nantis?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Transports.
M. Clair: M. le Président, non, je ne pense pas qu'il
s'agisse là d'une taxe indirecte ni régressive. Depuis 1960 - ce
n'est pas d'hier - l'Office des autoroutes ne s'autofinance pas et doit
recevoir des avances du ministre des Finances du Québec qui constituent,
à toutes fins utiles - ne nous le cachons pas - une subvention
déguisée. Je voudrais bien que les autoroutes à
péage soient payées depuis longtemps, mais que voulez-vous?
Contrairement à la croyance populaire, qui veut que ces autoroutes sont
payées depuis longtemps, la dette accumulée de l'Office des
autoroutes dépasse les 400 000 000 $. Cette année même,
pour subventionner l'Office des autoroutes, le ministre des Finances devrait
lui avancer 20 000 000 $ pour lui permettre de continuer à
fonctionner.
M. le Président, je pense qu'à l'époque où
on veut donner priorité au transport en commun, en suivant la logique du
député, à savoir de favoriser les moins bien nantis,
l'argent va être beaucoup mieux utilisé en subventionnant le
transport en commun plutôt qu'en subventionnant un déficit
à l'Office des autoroutes du Québec, M. le Président. Je
pense que, de ce point de vue là, la logique est implacable. Il vaut
beaucoup mieux favoriser le développement du transport en commun que de
favoriser l'étalement urbain par des autoroutes à péage
qui font partie de l'héritage autoroutier du Québec et je pense
que la logique va beaucoup plus dans le sens de faire payer vraiment ce qu'il
en coûte pour l'Office des autoroutes et d'utiliser au maximum les
ressources de l'État pour subventionner le transport en commun.
C'est d'ailleurs pourquoi on a profité de cette occasion pour
annoncer l'abolition des péages en ce qui concerne les taxis et les
autobus à tous les postes de péage de l'Office des
autoroutes.
En terminant, M. le Président...
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Clair: ... je veux indiquer au député exactement
ce que j'ai dit en conférence de presse ce matin. Pour les personnes qui
doivent utiliser l'automobile pour se rendre à leur travail - il y en a
un certain nombre, je le reconnais, qui sont des usagers captifs, à
toutes fins utiles, de l'utilisation de l'autoroute pour se rendre à
leur travail - on a annoncé ce matin l'intention du gouvernement selon
laquelle, dès qu'une réforme dans l'industrie du taxi sera mise
de l'avant, ce qui devrait être le cas au cours des semaines très
prochaines, nous avons l'intention de légaliser le covoiturage au
Québec; non pas pour nuire à la rentabilité de l'industrie
du taxi, mais, au contraire, pour permettre à l'industrie du taxi de
pouvoir bénéficier du covoiturage et également pour
permettre aux usagers captifs de l'autoroute à péage de pouvoir
se regrouper pour les fins de voyages de leur domicile à leur travail.
Ce qui fait que deux personnes qui voyageaient seules hier ou aujourd'hui,
chacune dans son automobile privée, si elles se regroupent à deux
ou trois pour voyager à leur travail, loin de subir une augmentation de
tarif, elles connaîtront une diminution des coûts de péage
sur les autoroutes parce que le covoiturage sera légalisé.
M. Bourbeau: Question additionnelle.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question additionnelle, M.
le député de Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Une dernière
question additionnelle au ministre. En ce qui concerne les travailleurs, ceux
qui jouissent présentement d'un tarif préférentiel aux
heures de pointe, le ministre ne trouve-t-il pas particulièrement odieux
que ce soient ces derniers qui écopent du plus grand pourcentage
d'augmentation, soit de 500%, et ce, en six mois? C'est-à-dire que le
tarif passera de 0,10 $ qu'il est présentement à 0,50 $ le 1er
janvier 1983 et ce, à un moment où les travailleurs voient leur
pouvoir d'achat réduit comme jamais auparavant.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, le député de
Laporte a été très intéressé au transport en
commun. Je lui pose la question - je sais qu'il ne peut pas répondre,
mais je la lui pose quand même - s'il serait logique qu'alors que le
ticket d'autobus de la CTCUM pour la même période est passé
de 0,15 $ à 0,75 $, pendant ce temps-là, l'Office des autoroutes
accumulait déficit par-dessus déficit et était
subventionné par le gouvernement du Québec directement? Il me
semble que la logique en faveur du travailleur, c'est beaucoup plus pour les
fins du déplacement domicile-travail, de favoriser le
développement du transport en commun, le covoiturage, l'utilisation
d'alternatives à l'automobile privée. Je pense que ça va
beaucoup plus dans ce sens-là.
Enfin, en ce qui concerne le tarif préférentiel, nous
avons hérité de cette situation. Si le député
considère que c'est une situation logique, il est une des rares
personnes à trouver qu'il est logique de maintenir un tarif
préférentiel aux heures de pointe parce que cela a un effet de
découragement à l'utilisation du transport en commun; dans la
plupart des autres pays du monde, quand il y a tarif
préférentiel, c'est justement en dehors des heures de pointe,
afin de contribuer à étaler l'heure de pointe et permettre aux
utilisateurs captifs de payer un peu moins cher. Le tarif
préférentiel est maintenu pour une certaine période de
temps.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
ministre.
M. Clair: M. le Président, je voudrais pouvoir
terminer.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Clair: Le tarif préférentiel sera maintenu pour
une période que j'ai indiquée tantôt, jusqu'à ce que
l'intégration, la rationalisation tarifaire puisse avoir lieu dans la
région de Montréal et qu'une alternative, qui s'appelle le
covoiturage, soit légale et disponible au Québec comme ça
l'est dans la plupart des pays du monde aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a plusieurs personnes
debout. La période des questions, jusqu'à maintenant, a
porté sur ce problème. J'accepterai une dernière question
additionnelle de la part du député de Groulx et une autre de Mme
la députée de Chomedey. J'ai cru comprendre aussi que le ministre
des Affaires intergouvernementales aurait une intervention à faire. M.
le député de Groulx.
M. Fallu: Si je comprends les intentions du ministre, c'est de
donner la gratuité de péage aux taxis et aux autobus. Mais est-ce
qu'il retiendra la suggestion que je lui ai faite il y a une quinzaine de jours
de donner la gratuité et même une voie réservée au
covoiturage?
Deuxième question. Nous vivons dans une région où
nous sommes enclavés par des autoroutes à péage,
contrairement à la rive sud, par exemple, ou une partie de la rive sud
ou une partie de l'Est. Le ministre a-t-il
l'intention de tenir compte des impacts économiques, notamment
pour le camionnage, sur la région de la rive nord?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Clair: La suggestion de mon collègue, le
député de Groulx, dont il m'a fait part il y a déjà
quelques semaines, à savoir qu'éventuellement on puisse en venir,
aux postes de péage, à abolir ou à réduire
substantiellement le péage pour les personnes qui voyagent à
trois ou quatre dans le même véhicule, est une possibilité
très intéressante. Maintenant, à cause de la
configuration, de la constitution des postes de péage actuels, c'est le
premier pas que nous faisons dans ce sens en assurant la gratuité aux
taxis et aux autobus. De cette façon, nous pourrons voir jusqu'à
quel point ce privilège d'utiliser sans péage les autoroutes
à péage du Québec est contrôlable. Je suis loin
d'être fermé à une hypothèse comme celle
qu'évoque le député de Groulx, mon collègue. (14 h
30)
En ce qui concerne les impacts sur l'économie, effectivement,
nous en tenons compte. Comme je l'ai indiqué, ces tarifs demeurent
proportionnellement peu importants pour ce qui concerne la part qu'ils occupent
dans les coûts de transport. On va en tenir compte au fur et à
mesure que les événements se dérouleront en ce qui
concerne les prochaines augmentations.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, au nom de la population de
Laval, je dois me lever aujourd'hui et questionner le ministre. Je veux bien
qu'il veuille freiner l'étalement urbain, mais quand même,
qu'est-ce qu'il fera pour la population de Laval? Elle existe et elle devra
payer un supplément au taux qui était déjà assez
élevé pour elle car elle le paie chaque jour. Je veux bien qu'on
force les gens au covoiturage, mais est-ce qu'on peut tous monter dans le
même véhicule pour voyager ensemble? Le ministre doit quand
même savoir qu'il y a d'autres façons de procéder afin
d'empêcher cette population d'être surchargée quant au taux
qu'elle doit payer.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, c'est justement pour tenir
compte de la population de Laval, de la situation qui est décrite par la
députée de Chomedey, que nous avons conservé pour un
certain temps le privilège actuel de tarifs préférentiels
aux heures de pointe. De toutes les hypothèses que nous avons
étudiées en ce qui concerne la rationalisation tarifaire et
l'intégration tarifaire dans la grande région de Montréal,
c'est justement la région de l'île de Laval qui va connaître
les avantages les plus importants, les plus substantiels. C'est justement afin
de tenir compte de cette réalité que nous avons maintenu le
privilège tarifaire aux heures de pointe jusqu'à ce que
l'intégration et la rationalisation tarifaire dans la région de
Montréal puissent avoir lieu.
M. le Président, je pense que les ponts sont nombreux pour faire
la liaison entre Laval et l'île de Montréal et tous les ponts ne
sont pas à péage. Il y en a un certain nombre. Encore une fois,
ce n'est pas moi qui ai décidé de les construire, ces postes de
péage et ces autoroutes. Je pense qu'aujourd'hui on devait tenir compte
d'une réalité historique. Nous en avons tenu compte et, je pense,
de la manière la plus rationnelle, la plus équitable possible
dans les circonstances.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Portneuf et whip de l'Opposition, juste avant de vous accorder la parole,
j'ai une demande de la part du ministre des Affaires intergouvernementales et
je voudrais l'entendre.
M. Morin: M. le Président, permettez-moi de faire observer
qu'il doit y avoir des collègues du même côté de la
Chambre que le député de Laporte et sûrement aussi beaucoup
d'hommes d'affaires qui auront été étonnés
d'entendre mentionner les maisons du Québec de la façon dont le
député de Laporte l'a fait. M. le Président, quoique la
question n'ait pas porté directement là-dessus, le
député de Laporte a mis en cause des maisons du
Québec...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
le ministre, je comprends, il y a des façons dont le règlement
vous permet d'intervenir sur cette question. Je veux que vous la souleviez.
M. Morin: Question de privilège, M. le Président.
Il y a tout de même des choses qu'on ne peut pas laisser passer. Si le
député de Laporte est - à première vue, en tout
cas, on doit présumer qu'il l'est - compétent dans le domaine des
transports, il ne semble pas l'être dans celui du commerce
extérieur. Je veux simplement dire, pour rectifier les faits, que les
exportations du Québec ont connu une croissance assez exemplaire depuis
quelques années justement grâce aux maisons du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
ministre. Question de règlement de la part du leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, sur une question de
règlement. En vertu de l'article 34, paragraphe 3, "un
député peut, avec la permission du président, s'expliquer
sur un fait qui, bien que ne constituant pas une violation de privilège,
le concerne en tant que député." Je pense que le ministre des
Affaires intergouvernementales, qui a la responsabilité des maisons du
Québec à l'étranger, est en droit de se servir de cet
article pour rétablir des faits et je pense que plutôt que de
gémir, de l'autre côté, on devrait permettre au ministre de
rétablir les faits pour que la population sache exactement ce qu'il en
est.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je pense qu'on
étire présentement le règlement en plus d'étirer la
période des questions. Je pense qu'on devrait revenir à l'esprit
et à la lettre de notre règlement. Des questions sont
posées, des réponses sont données. Maintenant, s'il y a un
incident, à un moment donné, qui touche à la personne d'un
député, qui touche à un fait personnel, d'accord. Cela ne
veut pas dire qu'on va commencer à permettre à tout ministre qui
n'est pas d'accord sur un préambule de se lever et de répondre.
Je pense que ce serait un abus du Parlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Tout en comprenant
peut-être - et j'en ai fait mention au moment où la question a
été posée en demandant de revenir à des
préambules un peu moins longs - le désir du ministre de faire
certaines rectifications, je dois dire que je serais très large comme
président si j'acceptais d'interpréter l'article 34 et ses
alinéas et paragraphes comme étant un moyen de permettre à
quelqu'un de diverger d'opinions sur une question donnée. Le
député de Laporte a une opinion et le ministre des Affaires
intergouvernementales a une opinion. Je pense que, compte tenu de cela et
compte tenu du temps écoulé, nous allons revenir à la
période des questions, et j'aimerais qu'on revienne à la
deuxième question principale de la part de l'Opposition. M. le
député de...?
M. Dauphin: Marquette.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Marquette.
Le placement étudiant
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, mais, en son absence, je l'adresserai à son adjoint
parlementaire. Le 23 mars dernier, le ministre du Travail confirmait la rumeur
que le programme de subventions pour l'incitation à l'emploi au niveau
du secteur privé avait été aboli et remplacé par un
autre programme qui a consisté en l'engagement de 195 étudiants
qui vont se promener chez les employeurs du Québec pour les inciter
moralement à engager des étudiants pour cet été.
Étant donné que le nouveau programme remplacé, justement,
par ces 195 étudiants, n'exige aucune condition des employeurs pour
l'engagement des étudiants car, autrefois, sous l'ancien programme, on
exigeait au moins 180 heures de travail à l'étudiant pour lui
donner la subvention au courant de l'été; étant
donné également que le bon d'emploi annoncé à cinq
jours des élections partielles dans Louis-Hébert et Saint-Laurent
n'aide aucunement les étudiants, puisque, pour être admissible au
programme d'un bon d'emploi, il faut être à la recherche d'un
emploi depuis six mois, c'est-à-dire, en pratique, être
prestataire de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage, ma question est
en deux volets: J'aimerais, premièrement, demander à l'adjoint
parlementaire du ministre du Travail quelles sont les prévisions du
ministère relativement au placement étudiant pour la
création d'emplois cet été et, deuxièmement, si le
chômage continue à s'aggraver de la façon qu'il s'aggrave
présentement - ce qui est l'opinion également de tous les
analystes du Québec - quels moyens va prendre l'adjoint parlementaire ou
le ministre du Travail et s'il va réviser le fameux programme des 195
étudiants engagés.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail.
M. Dean: M. le Président, je remercie le
député de Marquette de sa question. Les activités du
service de placement étudiant n'ont commencé que depuis une
semaine et, déjà, il y a 2270 demandes d'étudiants faites
par des employeurs dans le secteur public, ce qui se compare presque avec les
chiffres de l'année dernière à la même date. Dans le
secteur privé, il y a eu 1379 demandes dans une semaine et les candidats
qui ont déjà commencé à travailler en vertu du
placement étudiant pour cet été sont au nombre de plus de
2000. Les prévisions déjà annoncées pour le
placement étudiant, si je me rappelle bien - je n'ai pas les chiffres,
mais je peux les fournir - sont d'environ 9000 emplois prévus pour cet
été sans subventions en comparaison avec à peu près
le même chiffre l'année dernière avec des subventions.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marquette.
M. Dauphin: Question additionnelle, M. le Président.
Étant donné le taux de chômage très
élevé au Québec, comme tout le monde le sait, étant
donné que l'on prévoit, malgré ce que nous a
déclaré l'adjoint parlementaire du ministre du Travail, qu'il va
y avoir peut-être 50 000 ou 75 000 étudiants qui ne travailleront
pas cet été, j'aimerais demander à l'adjoint
parlementaire, de concert avec le ministre de l'Éducation, s'il peut
assurer cette Chambre ainsi que la population étudiante du Québec
- car vous savez que si la grosse majorité des étudiants ne
travaillent pas au courant de l'été, ils ne pourront pas
poursuivre leurs études l'année subséquente -que
l'enveloppe budgétaire des prêts et bourses pour l'an prochain
sera révisée à la hausse pour combler effectivement le
taux élevé de chômage qu'il va y avoir chez les
étudiants cet été.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Prévost et adjoint parlementaire. (14 h 40)
M. Dean: Évidemment, M. le Président, au moment
où je parle, je ne peux pas assurer le député dans le sens
qu'il me le demande. Une chose est certaine pour ce qui est du placement
étudiant: comme on l'a annoncé en réponse à une
question en Chambre, à savoir qu'il n'y aurait pas de subvention pour le
placement d'étudiants cette année, les indications qu'on avait et
les sondages qu'on avait faits auprès du monde patronal,
démontraient que les employeurs qui cherchent effectivement des
étudiants ne tenaient pas plus que cela à se faire payer pour
embaucher des étudiants. C'est quelque chose qu'ils faisaient de toute
façon. Ce qui se passe semble prouver les résultats de ces
sondages. Nous avons des informations du monde patronal suivant lesquelles ce
n'est pas la subvention qui fait en sorte que l'employeur va embaucher des
étudiants pour les emplois d'été.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bellechasse.
Projet d'expansion des chantiers maritimes
Davie
M. Lachance: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Elle concerne un important
projet d'expansion des chantiers maritimes Davie Shipbuilding à Lauzon,
comme vous le savez, qui sont la propriété de Dome Petroleum de
Calgary. On parle d'un projet d'agrandissement nécessitant des
déboursés de l'ordre de 193 000 000 $. Or, les journaux de ce
matin nous apprennent une nouvelle alarmante, à savoir que la Dome
Petroleum connaîtrait présentement de sérieuses
difficultés au niveau de la liquidité, d'où
l'inquiétude d'une bonne partie de la population de la rive sud de
Québec qui met beaucoup d'espoir dans la réalisation prochaine du
projet d'expansion des chantiers Davie. Ma question en deux volets est la
suivante: Est-ce qu'il est exact que le gouvernement du Québec entend
participer financièrement à ce projet qui aura un impact
très bénéfique pour les travailleurs de la rive sud de
Québec et, en particulier, pour les travailleurs de Bellechasse qui sont
très affectés par le chômage qui sévit
présentement? Si oui, j'aimerais savoir quel est l'état des
pourparlers et quand on peut s'attendre à des résultats concrets
à ce sujet.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, le problème
d'agrandissement du chantier maritime de Davie à Lauzon et de
construction de la cale sèche courte pour les superpétroliers
éventuellement, c'est la priorité industrielle numéro un
pour la région de Québec du ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, de même d'ailleurs que la priorité
numéro un de la Chambre de commerce du Québec. C'est sûr
que c'est un peu inquiétant les nouvelles qu'on voit ce matin concernant
Dome Petroleum et les intérêts que cette entreprise a à
payer, mais qu'est-ce que vous voulez? Autant les petites ou les moyennes
entreprises sont attaquées par la politique aberrante du gouvernement
fédéral de garder des taux élevés
d'intérêt, autant Dome est vraiment touchée
sérieusement par cette politique de taux élevés
d'intérêt.
M. le Président, je ne suis pas le seul à le dire,
puisqu'un député libéral fédéral dit lui
aussi... Ils sont nombreux les fédéraux à se dire
déçus de l'inertie du gouvernement fédéral devant
la situation économique. Il faut cesser de répondre à la
crise avec des cataplasmes, a déclaré un député
libéral fédéral à Ottawa. Ce serait grand temps que
ce gouvernement fédéral à Ottawa commence à faire
des choses, d'autant plus que le même député libéral
fédéral a dit: Si le premier ministre Trudeau a l'intention de
demeurer à son poste une autre année, il devra démontrer
plus d'intérêt qu'il n'en affiche actuellement devant les
problèmes de l'économie. Cette mauvaise politique
fédérale nuit aussi, bien sûr, à de grandes
entreprises comme Dome Petroleum.
Ceci dit, le gouvernement du Québec a l'intention de participer
et d'aider l'entreprise Davie à Lauzon, si on peut faire avancer le
gouvernement fédéral de ce côté. Je rappelle que,
dans la construction des cales sèches au Canada au cours des
dernières années, une cale sèche en Colombie
britannique a eu 100% de subventions fédérales; une cale
sèche à Vancouver a eu 72%; une autre à Halifax, 69%; une
autre au Nouveau-Brunswick, 61%, et une autre à Terre-Neuve, 100%. Le
gouvernement du Québec demande au gouvernement fédéral de
contribuer dans le même pourcentage que celui auquel il a
contribué ailleurs au Canada, soit en Nouvelle-Écosse, à
Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick et même en Colombie britannique;
à peu près le même pourcentage, aider à la
construction...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Biron: ... de cales sèches sur le même pied que
ce qu'on a fait ailleurs. On ne demande pas mieux au Québec. On veut la
même chose que ce que le fédéral a fait ailleurs. Si le
fédéral se décide à donner au moins ses 65% en
moyenne, comme il a fait ailleurs, et non pas 100%, l'entreprise Dome et le
gouvernement du Québec construiront rapidement cette cale sèche
qui pourra donner du travail à plusieurs milliers de travailleurs sur la
rive sud du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bellechasse, question additionnelle.
M. Lachance: Question additionnelle, M. le Président, je
voudrais demander au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme s'il
entend suggérer à son homologue fédéral que le
gouvernement d'Ottawa contribue, comme il l'a fait pour l'obtention des
contrats de Bombardier en ce qui concerne le métro de New York, avec un
taux d'intérêt semblable; peut-être que ça pourrait
améliorer les choses. Deuxièmement, j'aimerais demander au
ministre s'il fait de la participation du gouvernement fédéral
à ce projet une condition essentielle pour la participation du
gouvernement du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, d'abord, une condition
essentielle pour pouvoir construire la cale sèche, c'est d'avoir la
participation du gouvernement fédéral. C'est sûr que nous
lui demandons de contribuer fortement, parce qu'il a contribué ailleurs,
dans les autres régions du Canada. De plus, lorsqu'on voit qu'on peut
baisser les taux d'intérêt à un taux raisonnable comme 9,7%
pour Bombardier... Les entreprises du Québec sont capables de vivre
convenablement. Tout ce qu'on demande, c'est qu'on finisse cette folie de taux
d'intérêt élevés et on pourra finalement repartir
à la fois des petites et moyennes entreprises, et même de grandes
entreprises comme Dome.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
M. Blank: M. le Président, j'ai une question à
poser à l'adjoint du ministre du Travail.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
Éviter une grève du transport en commun
à Montréal
M. Blank: Au mois de janvier, nous avons adopté une loi
pour le retour au travail des travailleurs du transport en commun à
Montréal afin de redonner les services à la population durant le
mauvais temps de l'hiver. À ce moment-là, dans mon discours de
deuxième lecture, j'avais averti le gouvernement que c'était
seulement un report de la date de la grève. Il y a même des
syndicats qui ont dit que la grève de janvier avait été
suscitée par le gouvernement afin qu'une courte grève soit
déclenchée et que le gouvernement puisse jouer au grand
héros en renvoyant ces gens au travail, la vraie grève devant
avoir lieu au mois de mai, alors que le gouvernement tolérerait une
grève d'au moins deux, trois ou quatre semaines, on ne le sait pas.
Maintenant, au moins un ou deux syndicats ont le droit légal de
grève et, les trois syndicats impliqués ont donné avis
qu'il y aurait une journée d'étude, le vendredi 28 mai prochain.
On sait, avec l'expérience de ces syndicats et du côté
patronal, que les journées d'étude, parfois, s'allongent en une
grève de plusieurs jours ou de plusieurs semaines. Je demande au
ministre, voyant le rapport qu'il a reçu de Me Jutras, ce qu'il entend
faire pour éviter cette nouvelle grève qui crée une
situation terrible pour les gens de Montréal, même en
été.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail.
M. Dean: M. le Président, le droit de grève est
acquis, comme tout le monde le sait, depuis le 11 mai par les trois syndicats
de la CTCUM à la suite de la suspension du droit de grève
légal par l'adoption de la loi 47 au mois de janvier. Les trois
syndicats, avec toutes les possibilités de ressources humaines du
ministère du Travail, poursuivent des négociations intensives
dans le but d'arriver à une entente. Je comprends la bonne
volonté du député qui dit: Le monde dit ça, le
monde dit ça, mais je pense que l'objectif des travailleurs en question
n'est pas de faire une grève à tout prix, mais d'arriver à
négocier avec leur employeur une
convention collective qui sera acceptable, qui sera
réglée, qui sera signée.
Le ministère déploie tous les efforts possibles pour
favoriser ce processus de négociation. On peut noter au moins une chose
qui semble indiquer une amélioration de la situation depuis le mois de
janvier. Malgré que le droit de grève était acquis le 11,
les syndicats en question, certainement par mandat exprès de
l'assemblée générale, ont opté d'abord pour une
grève de 24 heures qui, selon les informations que nous avons, aura lieu
le 28 mai, vendredi de la semaine prochaine. Selon nos informations,
liés par un mandat exprès d'une assemblée des membres,
à savoir que ce serait une grève de 24 heures et pas plus. D'ici
à ce temps, des négociations intensives se poursuivent. D'abord,
on voudrait surtout faire appel à la partie patronale et aux trois
parties syndicales dans ce dossier, afin qu'elles continuent à
négocier dans le but d'en arriver à une entente
négociée.
Malgré ce qui a pu se faire dans le passé, je
réitère que le mandat de grève de 24 heures est une
décision ferme d'une assemblée des membres du syndicat. Donc, je
vois mal qu'un mandat précis et adopté par le syndicat en
assemblée générale ait pu ne pas être
respecté sans la tenue d'une autre assemblée et d'un autre vote.
Selon toute vraisemblance, ce serait le cas ici.
Je dois dire que, surtout en ce moment et pendant que les services sont
maintenus, les parties déploient tous les efforts possibles et sont de
bonne foi pour en arriver à une entente négociée dans ce
dossier.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, question additionnelle. C'est
la réponse on ne peut plus classique d'un porte-parole du
ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu lorsqu'il y a imminence de grève et la
même réponse a été fournie la dernière fois.
Mais il y a une question que je voudrais poser, en l'absence du ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
à son adjoint parlementaire. Mon collègue de Saint-Louis et
d'autres collègues de ce côté l'ont soulevée, c'est
la question des services essentiels liés à un conflit de travail
dans le transport en commun.
Je voudrais poser la question précise suivante à l'adjoint
parlementaire: est-ce qu'au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu, il y a eu, depuis janvier, des gestes
concrets posés par le ministère de manière à amener
la partie patronale comme la partie syndicale à discuter, à
s'entendre et à établir un protocole d'entente de fourniture des
services essentiels en cas de grève dans le transport en commun dans la
région de Montréal? Le transport en commun, cela veut dire
nommément le transport, par exemple, pour les personnes
handicapées d'abord et, deuxièmement, le transport pour les
travailleurs, par exemple, concernant la fourniture des services de
métro aux heures de pointe.
Je pose cette question, M. le Président, si vous me le permettez,
parce qu'il a été abondamment question de cela de la part de nos
collègues de ce côté-ci, du député de
Sainte-Anne, en particulier, et d'autres collègues, lors du débat
sur la loi du mois de janvier. Je veux savoir si le ministère du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a
posé des gestes concrets.
Au moment où on se parle, alors que, comme l'a indiqué le
député de Saint-Louis, on est peut-être à la veille
d'une grève, est-ce qu'il y a eu des pourparlers sur la question des
services essentiels spécifiquement et, s'il y a grève, est-ce que
le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu s'est préoccupé de faire en
sorte que la population de Montréal bénéficie au moins des
services essentiels dans un conflit de travail dans le transport en commun?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Dean: M. le Président, bien sûr, les
conciliateurs du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, comme partie de leur mandat dans ces
négociations, ont fait des efforts pour aborder la discussion des
services essentiels. Dans l'hypothèse qu'il n'y ait pas de grève
avant le 28 mai, mais qu'il y ait une grève d'une durée de 24
heures seulement, il y a encore possibilité que les parties s'entendent
pour maintenir des services essentiels.
Je peux souligner qu'en plus des efforts dont a parlé le
député de Jean-Talon et ses collègues il y a eu aussi,
avant même la grève du mois de janvier, les efforts faits par les
députés montréalais du parti ministériel pour faire
appel aux syndicats dans le sens de la fourniture d'un minimum des services
essentiels à la population.
Je peux rassurer le député, cette Chambre et la population
en insistant sur le fait que les négociations se poursuivent de
façon intensive et que, pour le moment, il n'est question que d'une
journée de grève sur mandat du syndicat, que la question des
services essentiels devrait être poussée et sera poussée
par les représentants du ministère comme cette question a
été poussée à un aboutissement heureux dans le cas
de la grève de Gaz métropolitain où,
depuis six ou sept semaines, les travailleurs sont en grève, tout
en ayant une entente avec leur employeur en vue du maintien des services
essentiels, qui, effectivement, ont été maintenus depuis le
début de cette grève.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Anne, question principale.
Le toit du Stade olympique
M. Polak: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
vice-premier ministre, en l'absence du premier ministre, mais s'il ne se
considère pas compétent ou pas à l'aise, je n'ai aucune
objection à ce que ma question soit référée au
président du Conseil du trésor, parce qu'il s'agit tout de
même du dossier technique du toit du stade.
Comme préambule, rapidement, je dois dire qu'on a eu une
commission parlementaire à la fin du mois d'octobre, il y a donc sept
mois, où on a étudié de toute urgence les
différentes options - il y en avait cinq - dont les coûts varient
entre 50 000 000 $ et 87 500 000 $. À ce moment-là, aucun autre
groupe n'a été entendu quoique, au moment de nos travaux, il y
avait une autre alternative, c'est-à-dire celle d'un toit gonflé
à l'hélium. On a eu récemment deux autres options
analogues d'un toit gonflé qui ne coûterait qu'à peu
près 7 000 000 $.
Des voix: Question! Question!
M. Polak: Tout de même, M. le Président, il s'agit
d'une affaire technique et je n'aime pas me faire déranger par ces mots
"question", "question"... parce que, vous autres, je vous renseigne...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, M. le député, vous nous rendriez service
à nous et à vous-même, si vous posiez votre question.
M. Polak: Merci, M. le Président. La RIO, par l'entremise
de M. Saulnier, a recommandé sa solution, c'est-à-dire un
déboursé de 64 900 000 $. Récemment, nous avons tous lu
dans les journaux le rapport d'un expert, M. Geiger, concernant la
possibilité de l'effondrement de la structure sous le poids de la neige
ou de la glace, si le chauffage venait à s'arrêter. Encore
d'autres études.
Voici ma question. Vu la situation financière désastreuse
du Québec, est-ce que le ministre est prêt à s'engager:
À ce que le gouvernement ne débourse pas ou ne donne pas
l'autorisation de débourser des fonds publics qui pourraient varier
entre 50 000 000 $ et 87 000 000 $?
Est-il prêt à considérer immédiatement la
solution d'un toit gonflé ou, au moins, faire étudier cette
solution, même si ledit toit doit être temporaire?
Il y a un deuxième volet à ma question. Est-ce qu'une
telle solution ne donnerait pas en même temps la latitude au gouvernement
de remettre la formule permanente, élégante et très
coûteuse, à plus tard, quand on aura de l'argent? Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le vice-premier
ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, quand je ne
connais pas un dossier à fond, je préfère prendre avis de
la question. Je ne veux pas, comme le député de Laporte tout
à l'heure, parler à travers mon chapeau. Je prends donc avis de
la question.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Fin de la période
des questions. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation aurait un complément de réponse à donner
à l'Assemblée. M. le ministre.
Suppression d'un silo dans le port de
Montréal
M. Garon: M. le Président, c'est à la suite de la
question du député de Huntingdon d'hier. Je remarque justement
que les députés de Beauce-Sud et de Huntingdon ne sont pas
là, mais le ministre est là pour attendre leurs questions qui ne
viennent pas.
M. Pagé: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition
sur une question de privilège.
M. Pagé: Très brièvement, au nom de mes
collègues, je voudrais confirmer à cette Chambre que les
porte-parole de la mission agricole sont dans le milieu pour rencontrer les
agriculteurs et régler les problèmes que vous n'êtes pas
capable de régler.
Des voix: C'est ça!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Garon: Cela me fait penser, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je ne
voudrais pas vous interrompre, mais comme vous avez un complément de
réponse, donnez-le s'il vous plaît.
M. Garon: Disons, M. le Président, que
ce que le député de Huntingdon a dit hier était
faux puisque les agriculteurs ont rencontré quatre députés
fédéraux le 30 mars pour faire des demandes au gouvernement
fédéral et une de ces demandes concernait le maintien du silo 1
dans le port de Montréal ou la mise en place d'une solution de rechange
de façon que l'alternative du silo 1 soit pour un autre silo, si le silo
1 était démoli à l'automne 1982 pour entreposer la
récolte de 1982 et pour les années subséquentes. (15
heures)
Ensuite, plus précisément le 28 avril, il y a eu une
rencontre à Montréal entre l'Office canadien des provendes,
représenté par MM. Perreault, Charron et McAmulty et l'UPA,
représentée par le président M. Jacques Proulx et par M.
Jean-Claude Blanchet, et la Fédération des cultures commerciales,
représentée par MM. Fradette et Dallaire, qui ont demandé
que le silo 1 soit maintenu pour recevoir la récolte de 1982 et que, si
le silo 1 doit être démoli, on réserve de la place pour les
céréales québécoises dans les silos existants, le
no 4, par exemple, pour créer de nouveaux espaces. Les producteurs ont
indiqué qu'ils désirent conserver un débouché dans
le port de Montréal à n'importe quel prix pour ne pas être
dépendants uniquement du marché local, de la même
façon qu'ils souhaitaient la création de centres régionaux
pour ne pas dépendre uniquement du port de Montréal.
Concernant la quantité entreposée, au sujet du silo 1, sa
capacité totale est de 112 000 tonnes. Les livraisons, en 1981, ont
été d'environ 50 000 tonnes au silo 1; au silo 3, entre 20 000 et
25 000 tonnes supplémentaires.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Nous allons donc
aux motions non annoncées. M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président, à défaut d'avoir pu poser une question
additionnelle tout à l'heure au ministre des Transports, je ferai une
très brève motion non annoncée qui, j'en suis convaincu,
va recevoir l'appui du député de La Peltrie, du
député de Maskinongé et de plusieurs de mes
collègues.
Je fais motion pour que cette Assemblée demande au gouvernement
du Québec, et plus particulièrement au ministre des Transports du
Québec, d'affirmer expressément qu'il n'a pas l'intention
d'ouvrir d'autres postes de péage sur le réseau d'autoroutes du
Québec actuellement ouvert à la circulation ou encore sur toute
autre autoroute en voie de parachèvement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Y a-t-il consentement?
Des voix: Non! Non!
Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a pas consentement.
M. le député de Vachon.
Retrait du projet de loi no 188
M. Payne: Je voudrais me prévaloir de l'article 86 du
règlement, M. le Président, pour faire une motion en vue de
retirer du feuilleton le projet de loi no 188, Loi concernant un contrat
d'approvisionnement à l'hôpital Charles-Le Moyne.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je crois comprendre qu'il
y a consentement. Est-ce que cette motion est adoptée?
Adopté.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais faire la motion
suivante: Que cette Assemblée, rappelant au gouvernement la situation
catastrophique que vit présentement l'industrie québécoise
de la construction domiciliaire, le ministre de l'Habitation ne
prévoyant pas plus de 25 000 mises en chantier en 1982, malgré le
programme d'accès à la propriété mis en vigueur en
décembre 1981 - ces 25 000 mises en chantier étant le plus bas
niveau atteint depuis plus d'une vingtaine d'années, avant les
années soixante...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, avec l'expérience que vous avez, vous savez que je
dois vous rappeler à l'ordre, comme je l'ai fait la semaine
dernière. La motion, s'il vous plaît.
M. Ciaccia: C'est pour cela que je n'ai pas fait mon
préambule plus long, M. le Président. Que cette Assemblée
demande au gouvernement de mettre en place immédiatement un programme de
relance de l'industrie de la construction domiciliaire comportant les
éléments suivants: 1) un financement...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Ciaccia: ... hypothécaire comportant un taux
d'intérêt réduit pour permettre l'accès...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Ciaccia: Que cette Assemblée demande au gouvernement du
Québec...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Je l'ai
déjà dit, malheureusement ou heureusement, selon ce qu'on en
pense d'un
côté ou de l'autre, je me dois d'entendre la motion pour
déterminer s'il y a consentement ou non. M. le député.
M. Ciaccia: Au cas où les membres du gouvernement
n'auraient pas entendu le début de ma motion: Que cette Assemblée
demande au gouvernement du Québec de mettre en place
immédiatement un programme de relance de l'industrie de la construction
domiciliaire comportant les éléments suivants: 1) un financement
hypothécaire comportant un taux d'intérêt réduit
pour permettre l'accès à la propriété aux personnes
de revenu modeste et moyen; 2) un plafonnement de la valeur admissible des
maisons; 3) une utilisation maximale des sommes disponibles auprès de la
Société canadienne d'hypothèques et de logement et non
utilisées depuis plusieurs années, ces sommes inutilisées
représentant, pour la seule année 1980, quelque 43 000 000 $
à des taux d'intérêt avantageux, ce qui pourrait servir de
financement pour la construction de logements multifamiliaux, et 4) une
révision en profondeur du système de taxation municipale donnant
ainsi suite à la motion adoptée unanimement par cette
Assemblée le 12 mai 1982, de façon à rendre moins injuste
ledit système de taxation et à faire disparaître les effets
négatifs dudit système qui, à l'heure actuelle,
découragent et rendent plus difficile l'accession à la
propriété résidentielle.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a
consentement? M. le leader du gouvernement. Il n'y a pas de consentement. Nous
passons à une question de règlement de la part du leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Sur une question de règlement, M. le
Président. Je n'ai pas voulu interrompre le député de
Mont-Royal dans la lecture de sa motion non annoncée. C'est une demande
de directive que je vous adresse et je vous demande de nous faire savoir,
lorsque vous le jugerez opportun, si cette façon de présenter une
motion non annoncée est convenable ou pas en vertu de notre
règlement. C'est tout ce que j'avais à dire. J'aimerais que vous
nous informiez là-dessus, peut-être la semaine prochaine, pour que
nous sachions à quoi nous en tenir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition, sur la question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai jamais entendu une question
posée d'une façon aussi globale que celle-là. Je ne
voudrais pas être à votre place, M. le Président, pour
porter jugement.
M. Ciaccia: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de vous accorder la
question de privilège -s'il vous plaît! - je vais commencer par
prendre celle que j'ai devant moi, cette question de règlement. Je vais
la prendre en délibéré d'une façon ou d'une
autre.
D'un autre côté, je tiens à faire remarquer aussi
à cette Assemblée qu'il y a eu d'autres moments où des
questions à savoir si la motion présentée était
longue ou courte, quelque soit son contenu, ont été posées
ici, ont fait l'objet de décisions, mais, d'une façon ou d'une
autre, je prends en délibéré cette question. La semaine
prochaine je vous donnerai une réponse sur ce qu'une motion non
annoncée doit être, en faisant mention que j'ai souvent
demandé, soit à cause de l'inexpérience, soit
peut-être à cause de l'expérience de la personne,
d'éviter les préambules à la motion telle qu'elle devrait
normalement être présentée à cette
Assemblée.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, pendant que
vous êtes sur le sujet, vous me permettrez de vous demander que, dans
votre délibéré, si vous considérez la longueur de
la motion, vous puissiez peut-être en même temps considérer,
en plus de la motion du député de Mont-Royal, celle de
l'honorable ministre de l'Énergie et des Ressources qui a lui-même
une motion au feuilleton. Nous avons rappelé à la
présidence à un moment donné qu'elle nous semblait un peu
longue. Comme elle est beaucoup plus longue que celle - il me semble du moins -
du député de Mont-Royal, je pense bien qu'on ne peut pas avoir
deux poids, deux mesures. D'autant, M. le Président, que je vous ferai
remarquer, vous me le permettrez en terminant, que je ne crois pas qu'il y ait
de différence fondamentale entre une motion annoncée et une
motion non annoncée parce que, après tout, la seule
différence entre les deux, c'est que l'une demande, exige le
consentement unanime, tandis que l'autre, évidemment, étant
donné qu'il y a avis, on peut en discuter aux moments opportuns.
Quant à une motion non annoncée ou une motion tout court,
une motion de fond, les deux sont une motion de fond et doivent être
considérées sur le même pied. Si celle de l'honorable
député de Mont-Royal est un peu longue, il faudrait en même
temps songer à celle que vient de nous présenter il y a quelques
jours le ministre de l'Énergie et des Ressources.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je vais dire
en public ce que j'ai eu l'occasion et l'honneur de vous dire en privé.
C'est qu'en ce qui concerne la motion du député de Mont-Royal, le
délibéré
sera fait et réponse sera rendue la semaine prochaine. En ce qui
concerne l'autre motion, le droit que vous aviez de plaider sur la
recevabilité est maintenant caduc puisque la réplique du chef de
l'Opposition a déjà été faite. En
conséquence, aucun délibéré ne sera fait sur ce
sujet.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, sur la
question de règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Vous me permettrez de vous dire que je
ne voudrais pas que les paroles que j'ai prononcées puissent être
interprétées par vous comme étant une demande de ramener
une objection que j'ai volontairement laissé tomber pour les raisons que
je vous ai également données en privé. Je voulais
simplement demander à la présidence, dans son étude du cas
de la motion du député de Mont-Royal, qu'elle tienne compte
également qu'au feuilleton, même si nous ne nous y sommes pas
opposés, il y a là un exemple concret d'une longueur qui nous
paraît... disons, que si elle est normale, sûrement que celle du
député de Mont-Royal est normale. (15 h 10)
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement faire
remarquer qu'il y a déjà eu une motion présentée
par le gouvernement appuyée, si ma mémoire est bonne, par
l'Opposition qui contenait 276 mots. Pardon, 326 mots. Celle
présentée par le ministre de l'Énergie et des Ressources
n'en contient que 276. Il y a, à mon avis, une différence
substantielle entre une motion annoncée qui est inscrite au feuilleton
et une motion non annoncée. Je pense que c'est là-dessus que vous
allez délibérer.
Le Président: De toute façon, je considère
le deuxième sujet comme étant clos. En ce qui concerne le premier
sujet, c'est-à-dire la façon de présenter les motions non
annoncées, j'ai déjà eu l'occasion de dire que nous avons
vérifié dans d'autres Législatures comment on
procédait. Les façons de procéder sont différentes
d'une Assemblée à l'autre. Ce n'est pas facile de trancher. Quoi
qu'il en soit, puisque la demande me vient pour la nième fois, je
m'engage au cours des prochains jours à vous suggérer - et non
pas à vous imposer - une façon de procéder que vous
pourrez accepter ou rejeter.
M. le député de Chambly, sur une question de
directive.
M. Tremblay: Oui, M. le Président. Me serait-il possible
de vous demander dans la même lancée de nous informer, à
une prochaine réunion, si la proposition du député de
Mont-Royal serait recevable compte tenu de l'article 64 de notre
règlement?
Le Président: Je prends le tout en
délibéré, M. le député de Chambly.
M. Tremblay: Merci.
Le Président: Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, je demande le consentement de
cette Chambre et je fais lecture de la motion suivante: "Que cette
Assemblée souligne le deuxième anniversaire du
référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec,
à l'occasion duquel les Québécois et les
Québécoises se sont prononcés majoritairement pour le
Québec et pour le Canada, et demande au gouvernement du Québec
qu'il accepte le résultat référendaire et cesse ses luttes
stériles avec le gouvernement fédéral, pour que
s'établisse enfin un climat favorable à la coopération et
à la relance économique."
Le Président: Consentement? Une voix: Non au
Canada.
Le Président: M. le leader du gouvernement, je vous
accorde la parole, tout en vous disant que j'ai déjà
remarqué qu'il y avait absence de consentement unanime.
M. Bertrand: Oui, simplement sur une question de
règlement, M. le Président. Je pense que la motion aurait
été acceptable, mais dans l'autre Parlement, parce que le
gouvernement qui n'a pas respecté le résultat du
référendum, c'est le gouvernement fédéral.
Des voix: Bravo!
Le Président: Enregistrement...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais simplement rappeler
à la présidence que nous venons encore de voir un exemple du
très peu de respect non seulement pour la présidence, mais pour
l'institution qui s'appelle l'Assemblée nationale. Voici ce que je veux
dire à ce sujet, M. le Président.
M. Bertrand: M. le Président, il y a
vraiment exagération. On veut faire un débat...
Le Président: Je demanderais, s'il vous plaît, aux
deux leaders de collaborer. La présidence tient à dire que
lorsqu'elle remarque qu'il y a défaut de consentement unanime - et c'est
le seul devoir, en tout cas, qu'a la présidence, au stade des motions
non annoncées - aucun autre commentaire ne peut être émis
sur la motion, ni d'un côté, ni de l'autre.
M. Levesque (Bonaventure): Justement, vous avez deviné le
point que je voulais souligner, M. le Président. On nous a
refusé, de part et d'autre, le consentement et vous savez que vous avez
toujours insisté pour qu'il n'y ait pas de commentaires sur
l'acceptation ou le refus de discuter d'une motion. Or, je comprends
qu'à un moment donné quelqu'un qui est peut-être sans
expérience pourrait être porté à donner des
explications, mais l'exemple que vient de nous donner présentement le
leader parlementaire du gouvernement est inacceptable.
Le Président: Motions non annoncées. M. le
député de Louis-Hébert.
Souhaits de bienvenue au championnat féminin de
water-polo
M. Doyon; Merci, M. le Président. Je demande le
consentement unanime de cette Chambre pour que cette Assemblée souhaite
la bienvenue aux équipes participantes au championnat canadien senior
féminin de water-polo qui aura lieu cette fin de semaine au PEPS de
l'Université Laval et que cette Assemblée souhaite aussi la
meilleure des chances à l'équipe de Sainte-Foy, qui s'est
classée comme l'une des meilleures au Canada.
Des voix: Bravo!
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: S'il n'y a ni débat ni demande
d'enregistrement des noms, M. le Président, il y aura accord. Il n'y a
pas de débat et pas d'enregistrement? Très bien, on donne notre
consentement.
Le Président: II y a consentement? Est-ce que la motion
sera adoptée? Adopté.
M. le leader du gouvernement, sur les avis à la Chambre.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Mardi prochain...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader, excusez-moi. En vertu de l'article 34, Mme la députée
de L'Acadie.
Recours à l'article 34
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander au
leader du gouvernement quand il sera possible d'obtenir le dépôt
de l'étude Landry touchant les ressources médicales en
régions éloignées. Je pense que c'est au moins la
nième fois que nous demandons le dépôt de ce rapport que le
ministre des Affaires sociales s'était déjà engagé
en commission parlementaire à nous donner, à la suite d'une
révision de ce rapport. Ceci me semble encore important, parce que
même si la loi 27 devait régler les problèmes de ressources
médicales en régions éloignées au mois de
décembre, nous sommes rendus au mois de juin, et le problème est
toujours d'une aussi grande acuité. Nous apprécierions beaucoup
que, finalement, on puisse déposer cette étude.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, après en avoir
conversé avec le ministre des Affaires sociales lors de l'étude
des crédits à la commission des affaires sociales, le ministre
répondra aux questions de Mme la députée de
L'Acadie...
Mme Lavoie-Roux: Vous nous disiez cela au mois de
décembre!
M. Bertrand: ... relativement au rapport Landry.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, je voudrais demander au leader
du gouvernement si c'est l'intention du gouvernement de déposer le texte
du projet de loi sur les services essentiels en cas de grève dans les
secteurs public et parapublic. Je signale simplement au leader que ce n'est pas
la première fois qu'on fait pareille demande. Est-ce qu'on pourrait
avoir autre chose aujourd'hui que la remarque que cela se fera prochainement,
sous peu? Là où nous sommes rendus, c'est au débat du
vendredi de la semaine dernière. On a eu un débat avec le
ministre du Travail et il y était question de quelques jours. Il me
reste à déterminer ce que le mot "quelques" peut vouloir
signifier.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Le "quelques" veut dire
"certainement avant le 1er juin" parce que, au-delà de cette
date, il est évident qu'on ne pourrait pas adopter le projet de loi
avant la fin de nos travaux parlementaires.
Le Président: Merci.
M. le député d'Orford. En vertu de 34?
M. Vaillancourt (Orford): En vertu de 34, je remarque au
feuilleton d'aujourd'hui que le projet de loi privé no 218, Loi
concernant la succession d'Isidore H. Munz, y est encore inscrit alors qu'il a
été adopté en deuxième lecture il y a un bon bout
de temps.
M. Bertrand: Quel article?
M. Vaillancourt (Orford): À la page 6 du feuilleton
d'aujourd'hui, numéro 16.
M. Bertrand: Le député dit que...
M. Vaillancourt (Orford): II a été
étudié en commission des bills privés il y a un bon bout
de temps et il est encore au feuilleton.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: S'il a été étudié en
commission parlementaire, il y a aura un rapport qui sera fait ici à
l'Assemblée nationale. Je crois qu'il n'y a pas de problème dans
les circonstances.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ce que voulait
indiquer, je pense bien, le député d'Orford, c'était qu'il
trouvait qu'on le laissait pas mal longtemps en deuxième lecture.
Pourquoi attendre aussi longtemps? Est-ce qu'on ne pourrait pas en disposer?
C'est la question.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je comprends le leader de l'Opposition de vouloir
expliquer au député d'Orford de quoi il est question. Lorsqu'on
indique deuxième lecture pour les projets de loi privés, en fait,
il n'y a pas de deuxième lecture qui se fait dans le vrai sens du terme
à l'Assemblée nationale. Le projet de loi s'en va en commission
parlementaire. Dans le cas de ces projets de loi privés, puisqu'on en
parle, il y a la commission des affaires municipales où il y a beaucoup
de projets de loi qui sont inscrits, à la commission des institutions
financières, et à la commission de la justice aussi. Je peux
indiquer que, dès que nous aurons terminé l'étude des
crédits dans les commissions parlementaires, nous pourrons amener les
projets de loi privés, entre autres pour ces trois grandes commissions
où il y a plusieurs projets de loi privés qui sont inscrits. (15
h 20)
M. Vaillancourt (Orford): Ce que je veux dire, c'est que ce
projet de loi a été étudié et le rapport n'a pas
encore été produit devant l'Assemblée nationale. Le
rapport est fait. Nous attendons la troisième lecture.
M. Bertrand: On fait une vérification. Le
Président: D'accord.
M. Levesque (Bonaventure): Si je comprends bien...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): ... la réponse du leader
parlementaire du gouvernement au député d'Orford, c'est
qu'étant donné que le rapport est maintenant adopté... Ce
n'est peut-être pas ce que veut indiquer le leader du gouvernement, mais
il s'agit d'un retard souligné par le député d'Orford que
l'on pourrait corriger simplement avec un peu de bonne volonté de la
part du gouvernement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, on n'a aucune objection
à procéder immédiatement, s'il le faut.
M. Levesque (Bonaventure): Je suis bien prêt. Aux affaires
du jour, en commençant, tout à l'heure.
M. Bertrand: Y a-t-il un débat là-dessus?
M. Levesque (Bonaventure): Non. M. Bertrand:
Adopté?
M. Levesque (Bonaventure): II y en a quatre.
Le Président: Aux affaires du jour. M. Bertrand:
Non, mais pour celui-là.
M. Levesque (Bonaventure): Pour celui-là, d'accord.
Le Président: Aux affaires du jour.
M. Levesque (Bonaventure): Aux affaires du jour, M. le
Président?
M. Vaillancourt (Orford): Si c'est adopté, il n'y a pas de
problème.
Le Président: Avis à la Chambre.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: Les avis à la Chambre, M. le
Président. Mardi prochain, le 25 mai, au salon rouge, commission
parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité
du revenu, pour l'étude de ses crédits, de 10 heures à 12
h 30. À la salle 81-A, la commission des affaires municipales, pour
l'étude article par article du projet de loi no 46.
Au niveau des motions, aujourd'hui même, de 15 h 30 à 18
heures et de 20 heures à 22 heures, au salon rouge, la commission
permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme pour l'étude de
ses crédits et, à la salle 81-A, la commission des affaires
culturelles, pour l'étude de ses crédits.
Le Président: Est-ce que cette motion à double
volet sera adoptée? Adopté. M. le leader de l'Opposition.
Demande de directive à la présidence La
question avec débat M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais
attirer votre attention sur le feuilleton, à la page 12, en appendice;
il y a ce qu'on appelle un avis d'une question avec débat, en vertu de
l'article 174a du règlement. Je n'ai pas l'intention, vous vous en
doutez bien, d'entrer et de discuter le fond de cette motion ou de cet avis.
Mais je voudrais faire une demande de directive à la présidence;
je ne vous demande pas une réponse sur-le-champ si vous
préférez attendre. Je trouve qu'il y a là une
irrégularité qui touche aux droits et aux privilèges des
membres de l'Opposition.
En effet, lorsque nous avons décidé, d'un commun accord,
de substituer la séance du vendredi matin, c'est-à-dire la
période des questions du vendredi matin, par une question avec
débat, c'était entendu que la question avec débat
était réservée aux membres de l'Opposition. Je ne fais pas
grief au député ministériel qui veut discuter d'une
question en particulier, mais ma demande de directive touche ceci: est-ce que
la question avec débat n'est pas réservée aux
députés de l'Opposition? J'insiste là-dessus parce que,
autrement, si nous avions nos mercredis, ce serait la même chose parce
que n'importe quel député ministériel pourrait demander
d'être entendu le mercredi avec une autre motion d'un
député ministériel; le vendredi, un autre
député ministériel pourrait poser une question avec
débat. Autrement dit, on aurait une sorte de caucus du Parti
québécois qui se réunirait ici, à
l'Assemblée nationale, pour jaser des problèmes qui sont
normalement discutés en caucus de leur côté.
M. le Président, je crois qu'à ce moment-là, toutes
nos règles, tous nos usages, toutes nos coutumes, on les envoie de
côté. Il faudrait peut-être se réunir, à un
moment donné, pour revoir le règlement de l'Assemblée
nationale et peut-être changer les règles du jeu. Mais, si on veut
maintenir les règles du jeu telles que nous les avons connues
jusqu'à maintenant, je pense qu'on devrait biffer cet avis. Avec tout le
respect que je dois à l'auteur, qui est le député
d'Arthabaska, que je pourrais féliciter pour son intérêt
pour une question ou l'autre, particulièrement les questions agricoles -
il n'y a aucun problème de ce côté-là, je ne veux
pas faire de partisanerie avec ça - je voudrais rappeler que c'est un
sujet qui est venu sur le tapis ou une procédure qui a été
adoptée à la suite d'un échange entre le ministre de
l'Agriculture, qui se sentait coincé avec une motion de blâme,
etc., qui pouvait lui être adressée. On comprend cela. Mais je
laisse de côté ces considérants qui ne devraient même
pas entrer en ligne de compte.
Je tiens simplement à rappeler à la présidence
l'importance, pour la présidence, de répondre, dans les plus
brefs délais, à cette demande de directive qui touche directement
l'institution qui s'appelle l'Oppostion, est à ses moyens d'expression
qui sont assez limités, soit le mercredi après-midi et le
vendredi matin. Si on lui enlève cela, aussi bien donner tout au
gouvernement et le laisser faire. Quand arriveront le mercredi
après-midi et le vendredi matin, ce sera le caucus public, le caucus du
Parti québécois. Le reste sera réservé au
gouvernement. Notre rôle, évidemment, serait assez curieusement
émasculé, c'est un gros mot, mais, en tout cas - réduit
à un point tel, M. le Président, que je pense que nos droits et
privilèges seraient durement affectés. Je compte donc sur la
présidence pour ramener les choses où elles doivent
être.
Une voix: C'est magnifique.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, dans le même sens que
le leader de l'Opposition, je ne sais pas si je vais prendre ses
dernières remarques quand il disait que leurs moyens étaient
limités. Nous sommes d'accord ici pour reconnaître que leurs
moyens sont
limités; nous l'avons constaté en particulier dans le
débat sur les questions agricoles où il y a eu très peu de
questions...
M. Levesque (Bonaventure): ... ce n'est pas un débat, M.
le Président.
M. Bertrand: ... posées à mon
collègue...
Une voix: Ils sont absents aujourd'hui. M. Bertrand: Oui,
très peu de questions.
M. Levesque (Bonaventure): Si on veut faire un débat on va
faire un débat.
M. Bertrand: M. le Président, la demande de directive, je
l'appuie sur l'article 174a et je vous demande de nous interpréter le
sens de cet article qui dit: "Un député..." Alors, je lis la
question avec débat: "... du député d'Arthabaska". Je
pense que c'est un député, M. le Président, élu par
sa population...
Une voix: Bon député.
M. Bertrand: ... cultivateur, intéressé par les
questions agricoles. Donc, le premier aspect de l'article est respecté:
un député. "... peut inscrire au feuilleton - ça, c'est un
feuilleton, M. le Président, et je pense que les gens l'auront reconnu;
au feuilleton, le député a inscrit une question avec débat
-un avis de question avec débat signifiant qu'il désire
interroger un ministre - il est ici - qu'il désigne sur une affaire
d'intérêt général qui relève de sa
compétence administrative."
Au paragraphe 4 de l'article 174a, il est dit: "II ne peut y avoir plus
d'une question avec débat par semaine. S'il y a plusieurs avis de
question avec débat, le président peut déterminer l'ordre
dans lequel ils seront appelés en tenant compte de l'ordre dans lequel
les avis ont été donnés - donc, là, il y a un
élément important: il va falloir tenir compte de l'ordre dans
lequel les avis ont été donnés - de leur
répartition entre les divers partis reconnus..." Pour les partis
reconnus, M. le Président, je vous réfère à
l'article 1 de notre règlement: "parti reconnu": un parti qui, aux
dernières élections générales, a fait élire
au moins onze députés..."
Une voix: C'est notre cas.
M. Bertrand: On en a fait élire 80. Il y en a encore 79.
On a onze députés, M. le Président. Je dirais même
qu'on a à peu près sept fois onze députés. Alors,
si on se réfère à l'article 174a, paragraphes 1 et 4, il
me semble que... D'autant que le député d'Arthabaska qui, hier, a
vu ce qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, a
constaté l'intérêt ou le désintérêt que
certains marquaient pour la question agricole, veut interroger le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation parce qu'il est
lui-même agriculteur et qu'il veut défendre les
intérêts de la classe agricole. Il se prévaut du
règlement, le lit à la lettre, l'applique à la lettre et
veut tout simplement que son privilège de député et membre
d'un parti reconnu soit respecté à l'Assemblée
nationale.
Je vais donc dans le sens de la demande du leader de l'Opposition pour
que vous nous rendiez une décision qui nous permettrait vraiment de
savoir si, oui ou non, le député d'Arthabaska est un
député; si, oui ou non, il peut poser une question avec
débat; si, oui ou non, il est membre d'un parti reconnu; si, oui ou non,
il peut faire valoir ses intérêts comme député
représentant la classe agricole et si, oui ou non, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation peut répondre
à ses questions un vendredi matin.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ai-je besoin,
à ce moment-ci, de vous rappeler...
Le Président: M. le leader de l'Opposition. (15 h 30)
M. Levesque (Bonaventure): ... que lorsqu'on parle d'un parti
reconnu, c'est clair qu'à ce moment, il s'agit des partis de
l'Opposition, et il y en avait plus d'un lorsque le règlement a
été fait. Je peux rappeler à l'honorable leader
parlementaire du gouvernement que j'étais moi-même présent
lorsque chacune des dispositions de ce règlement a été
fabriquée. Jamais, il ne nous est venu à l'idée, à
l'esprit, encore une fois, qu'on puisse imaginer que les questions avec
débat ou les mercredis pour la journée des députés,
ça voulait dire... On sait que le mercredi, c'est la journée des
députés, mais ça ne veut pas dire que c'est la
journée des députés ministériels. La journée
des ministériels, c'est toute la journée du mardi, le mercredi
avant-midi, le jeudi après-midi, le jeudi soir. Ils ont l'initiative des
choses et c'est tellement vrai que quand on arrive aux questions du mercredi et
du vendredi matin, le leader parlementaire du gouvernement se lève
chaque fois et dit: Ah! ça, ce n'est pas mon affaire. Je vais passer la
parole au leader parlementaire de l'Opposition qui va nous indiquer quels sont
les travaux qu'il suggère pour le mercredi après-midi ou le
vendredi matin.
M. Baril (Arthabaska): Question de
privilège, M. le Président.
Le Président: M. le député d'Arthabaska sur
une question de privilège.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): J'aimerais soulever une brève
question de privilège puisque je suis concerné dans cette
présentation de question avec débat. D'abord, je désire la
soulever parce que si votre décision allait dans le sens que la question
avec débat est réservée uniquement aux
députés de l'Opposition mes privilèges, comme
député de cette Assemblée, comme député
élu démocratiquement par les électeurs d'Arthabaska,
seraient grandement affectés.
J'écoutais l'argument du leader de l'Opposition, à savoir
que cette question avec débat était réservée
à l'Opposition. Je ne vois pas le mot "Opposition" dans le livre des
règlements. Si cette période de question avec débat avait
été établie pour être réservée aux
députés de l'Opposition, on aurait dû inscrire le mot
"Opposition".
J'écoute le député de Portneuf qui dit que je fais
pitié. Il fait beaucoup plus pitié que moi en tournant sa petite
patente en l'air... Il devrait m'écouter comme je l'écoute.
D'abord, M. le Président, j'ai inscrit cette question avec
débat en me basant sur notre règlement...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Baril (Arthabaska): ... comme l'a décrit...
Une voix: Qu'il dépose ses preuves.
M. Baril (Arthabaska): ... notre leader. Je ne
répéterai pas ce qu'il a dit en relisant les articles, mais, pour
une fois, j'ai essayé d'être conforme au règlement.
Je tiens à vous signaler ces quelques points du règlement
pour que, pendant votre période de réflexion, vous teniez compte
de mes droits comme député, d'abord, et également comme
agriculteur qui s'est toujours intéressé au monde agricole non
seulement pour les choses du passé, mais pour planifier l'avenir en
assurant un revenu décent aux agriculteurs et un approvisionnement
certain aux consommateurs québécois.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous me
permettrez simplement une précision.
Le Président: Très rapidement, M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Très rapidement, je ne veux pas
prolonger le débat, mais, à la suite des propos du
député d'Arthabaska dont je respecte l'opinion, il n'y a pas
d'erreur, ainsi que l'intérêt, je voudrais simplement lui rappeler
une chose. Premièrement, quant au règlement lui-même, nous
sommes régis - et je le réfère à l'article 3 de
notre règlement - également par les précédents
établis à la suite de l'interprétation des lois et des
règlements. Alors, ici, nous avons un usage constant et je ne crois pas
qu'il y ait un doute à ce sujet.
Deuxièmement, je voudrais vous rappeler que, dans ces discussions
du mercredi après-midi et du vendredi matin, rien n'empêche le
député d'Arthabaska d'intervenir. Ce n'est pas ça, c'est
l'initiative...
M. Pagé: C'est ça.
M. Levesque (Bonaventure): ... qui est laissée au parti de
l'Opposition pour le mercredi après-midi et le vendredi matin. Pour le
reste de la semaine, l'initiative est au gouvernement. Mais, dans les deux cas,
tous les députés ont droit de parole.
M. Pagé: C'est ça.
M. Levesque (Bonaventure): Voilà, M. le
Président.
M. Pagé: Très bien.
Le Président: Ma fin de semaine en sera une de
réflexion. Tout en donnant une réponse la semaine prochaine au
député de Mont-Royal, je donnerai également une
réponse à cette question très pertinente qui vient
d'être soulevée devant l'Assemblée nationale. Je prends
donc le tout en délibéré, avec l'engagement de donner une
réponse définitive au cours de la semaine prochaine.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Avant les affaires courantes, M. le
Président, et pour suivre la bonne habitude qu'on a prise, je voudrais
simplement donner un aperçu des travaux de la semaine prochaine. Mardi
après-midi, deuxième lecture du projet de loi no 62 inscrit au
nom du ministre de la Justice. Mardi soir, présentation du budget.
Mercredi avant-midi, projet de loi no 62, inscrit au nom du ministre de la
Justice. Mercredi après-midi, journée des députés.
Je pense que celle-là, de toute façon, est coulée dans le
ciment, c'est celle du député de Beauce-Sud, qui a droit à
ses deux semaines. Jeudi après-midi, réplique du chef de
l'Opposition. On continuera le débat sur le discours sur le budget.
Jeudi soir, projet de loi sur la Ligue de taxis A-11; si on pouvait en
disposer
assez rapidement, on reviendrait ensuite avec le projet de loi no 62. Ce
sera peut-être dans l'ordre inverse, mais enfin, on verra. Cela va?
Au niveau des commissions parlementaires, en plus de celles qui sont
déjà annoncées, entre autres, les engagements financiers,
le jeudi 27 mai prochain, je voudrais indiquer qu'en dehors de celles qui
étaient normalement prévues, il y en a une qui s'ajoute, la
commission de l'Assemblée nationale, pour disposer de quelques questions
qui ne devraient pas prendre beaucoup de notre temps, relativement à la
nomination de certains membres siégeant à des commissions
parlementaires. Cela se fera mercredi après-midi, après la
période des affaires courantes. Toutes les autres commissions sont
celles qui sont déjà annoncées depuis un certain temps
pour l'étude des crédits.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Affaires du jour.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je vous inviterais, M. le Président, à
appeler...
M. Levesque (Bonaventure): Si on me le permet, justement au
moment où le leader parlementaire du gouvernement est en train d'appeler
les affaires du jour, puis-je lui demander quel est le menu exact pour le reste
de cette semaine? Si nous disposions de certains projets ou motions, est-ce que
le vote serait remis à mardi?
Le Vice-Président (M. Rancourt); M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Comme je dois quitter dans quelques minutes - je
devrais même être parti depuis à peu près dix minutes
-pour aller à une conférence fédérale-provinciale
sur les communications à Calgary, qui se tient demain, pour aller
défendre le dossier de la télévision payante... En
passant, je tiens à remercier l'Opposition de m'avoir fait savoir, par
l'intermédiaire du député de Jeanne-Mance, que j'avais
l'appui total et entier de tous les députés de l'Assemblée
nationale pour défendre la juridiction du Québec en
matière de télévision payante. Je serai là demain
et je vous avouerai qu'effectivement je suis aussi sceptique que le
député de Jean-Talon, puisqu'on a reçu un
télégramme du ministre fédéral des Communications,
M. Fox, nous disant: Venez faire un tour à Calgary, mais sachez d'avance
qu'il ne sera pas question de parler de juridiction, la juridiction nous
appartient. Comme vous pouvez le voir, le climat est bon pour la discussion,
l'ouverture d'esprit.
J'irai tout de même défendre les intérêts du
Québec, puisqu'il s'agit d'intérêts touchant nos
compétences et nos juridictions, touchant aussi les
intérêts économiques du Québec. Ceci étant
dit, M. le Président, quelle était la question,
déjà?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Ma question était celle-ci.
M. Pagé: Qu'il lise le feuilleton.
M. Levesque (Bonaventure): Quand on parle d'obsession dans le
domaine constitutionnel, je pense qu'on en a eu un bel exemple. Je voulais
simplement demander au ministre, avant de partir, s'il peut nous dire si le
reste de la journée se fera sur la motion au nom du ministre de
l'Énergie et des Ressources; si on en dispose, est-ce tout pour le menu
de la journée? Est-ce que le vote pourra avoir lieu mardi? C'est la
seule chose que je vous demandais.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Nous aurions normalement un débat aujourd'hui
sur la motion du ministre de l'Énergie et des Ressources. Quant à
nous, le débat ne se terminera pas aujourd'hui; donc, il n'y a pas de
difficulté en ce qui a trait... S'il se terminait aujourd'hui, le vote
ne serait appelé que la semaine prochaine, mais j'indique
déjà que le débat ne se terminera pas aujourd'hui.
Le leader parlementaire adjoint et ministre du Revenu, le
député de Sherbrooke, sera là. Si, par ailleurs,
l'Opposition consentait à ce qu'on suspende l'étude de cette
motion à 18 heures pour revenir, à 20 heures, avec le projet de
loi no 37, et qu'on en dispose avant 22 heures, à ce moment-là,
on pourrait appeler le vote mardi prochain. Mais, en tout état de cause,
j'indique que, quant à nous, les travaux, pour aujourd'hui, porteront
sur la motion inscrite au nom du ministre de l'Énergie.
M. Levesque (Bonaventure): Bon voyage! M. Bertrand:
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement, les affaires du jour. (15 h 40)
M. Bertrand: L'article 1 du feuilleton, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Reprise du débat sur la motion suivante du ministre de
l'Énergie et des Ressources. "L'Assemblée nationale du
Québec,
rappelant: - son autorité quant à
l'intégrité du territoire québécois et ses
attributions en matière de propriété et de droits
civils..." suspension de la lecture? Comme il y a acquiescement pour dispenser
de la lecture de la motion, je donnerai la parole au leader adjoint du
gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, avant qu'on amorce la
discussion, est-ce qu'on n'est pas en train d'oublier le député
d'Orford pour les deuxième et troisième lectures de son projet de
loi? On pourrait disposer de cela dès maintenant, M. le
Président.
M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le leader parlementaire
adjoint du gouvernement.
Projet de loi no 218 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt); M. le
député d'Orford propose la deuxième lecture du projet de
loi no 218. Est-ce que cette deuxième lecture est adoptée?
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député
d'Orford propose la troisième lecture de ce même projet de loi no
218, Loi concernant la succession d'Isidore H. Munz. Est-ce que cette
troisième lecture est adoptée? Adopté.
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Reprise du débat
sur la motion du gouvernement
s'opposant aux pouvoirs proposés
par le projet de loi fédéral
C-108
Le Vice-Président (M. Rancourt): La parole est au leader
adjoint du gouvernement, député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, quand on examine l'oeuvre
accomplie par Hydro-Québec depuis 20 ans dans le domaine de
l'électricité, on se doit, je pense que tout le monde en
conviendra, de la qualifier de colossale et de grandiose. Les
Québécois ont parfaitement raison d'être fiers de cette
oeuvre gigantesque. Ils l'ont réalisée avec leur talent, avec
leur compétence, avec leur expérience et leur argent. C'est le
Québec seul, M. le Président, qui a investi des milliards de
dollars pour faire surgir ces ouvrages monumentaux que sont entre autres Manic
V et LG 2. Le fédéral n'a pas mis un seul sou dans tous ces
travaux. Ce sont les Québécois tout seuls qui ont fait
d'Hydro-Québec l'une des plus grandes entreprises du genre au monde.
Voilà que maintenant que nos immenses richesses
hydroélectriques nous placent dans une situation avantageuse,
constituent pour nous un atout économique d'une valeur inestimable,
voilà que tout à coup le fédéral s'amène
avec ses gros sabots dans nos plates-bandes. Voilà que le
fédéral s'ingère dans nos juridictions, se moque de nos
intérêts légitimes, menace l'intégrité de
notre territoire et s'apprête à nier en pratique les pouvoirs et
les responsabilités de l'Assemblée nationale. Quand on
réunit M. le Président, un certain nombre de faits: le coup de
force constitutionnel qui réduit les pouvoirs de cette Chambre, la
réduction substantielle des transferts fiscaux, 500 000 000 $ en moins
seulement cette année, et le projet de loi C-108 devant le Parlement
fédéral, quand on réunit ensemble ces faits, tout
observateur impartial ne peut que constater que nous sommes en face d'une vaste
offensive, concertée, délibérée, planifiée,
de la part du fédéral pour écraser le Québec sur
tous les plans.
Revenons au projet de loi C-108, M. le Président, et rappelons-en
la nature. Essentiellement, par ce projet, le fédéral entend
doter l'Office national de l'énergie, qui est une de ses
créatures, d'un nouveau pouvoir, je dis bien d'un nouveau pouvoir, le
pouvoir d'exproprier, à la demande d'une province, un corridor dans une
autre province pour permettre la construction de lignes de transmission
d'électricité interprovinciales ou internationales, sans devoir
obtenir l'autorisation, l'accord, la permission de la province
concernée. En d'autres termes, n'étant pas suffisamment
satisfaite d'avoir perpétré en 1927 le plus grand vol de
territoire de notre histoire, celui du Labrador, Terre-Neuve veut
désormais, en plus, annexer à son territoire un long corridor,
une large bande de territoire québécois sans même notre
consentement. Telle est la nature du projet de loi C-108 qui est devant la
Chambre des communes.
Comment en est-on arrivé là? Comment en est-on
arrivé au fédéral à cet empiètement,
à cette ingérence, à cet accroissement injustifié
des pouvoirs de l'Office national de l'énergie, à cette intrusion
dans un secteur vital que nous avons développé seuls, à
coups de milliards? Il nous faut remonter à 1969. Cette
année-là, Hydro-Québec concluait et signait un contrat de
65 ans avec Churchill Falls Labrador Corporation, contrat par lequel
Hydro-Québec achetait la production d'électricité de
Churchill Falls, soit 5 200 000 kilowatts, et participait au
financement de la centrale. C'est le début de l'histoire, M. le
Président.
Or, à partir de 1976, Terre-Neuve entreprend toute une
série de gestes en vue de rouvrir le contrat de 1969 pour réviser
à la hausse le prix de vente de l'électricité. En
même temps et parallèlement, Terre-Neuve souhaite et
prépare un projet visant à développer d'autres sites
hydroélectriques de la rivière Churchill avec l'intention
d'exporter cette énergie aux États-Unis. Pour ce faire - il
suffit de jeter un coup d'oeil sur une carte pour le comprendre facilement -
nous savons tous que la seule route logique, aussi bien géographiquement
qu'économiquement, pour acheminer l'électricité vers soit
la Nouvelle-Angleterre, soit l'État de New York, cette route logique
passe nécessairement à travers le territoire du Québec, du
nord au sud, créant un corridor dont - on l'a déjà
mentionné - la superficie est l'équivalent du territoire de
l'île de Montréal. C'est la seule route possible, M. le
Président. Telle est la situation. Tel est le problème.
Quelles sont les solutions à un tel problème? Il y a une
solution qui saute aux yeux de tout le monde. La solution consiste à
négocier. C'est la solution préconisée par le gouvernement
du Québec. Le chef de l'Opposition laissait entendre, mardi, que le
gouvernement du Québec n'a pas voulu et ne veut pas négocier ce
qui est, évidemment, faux. À plusieurs reprises et plusieurs fois
même dans cette Chambre, par la voix du premier ministre, depuis quatre
ans, le gouvernement du Québec a offert à Terre-Neuve d'amorcer,
d'entreprendre des négociations globales sur l'ensemble du dossier,
c'est-à-dire sur les projets de développement des autres sites de
la rivière Churchill et sur les projets de développement des
rivières de la Côte-Nord. Le Québec n'écarte
même pas, dans le cadre de ces négociations globales, des
pourparlers sur le contrat signé en 1969. C'est cela, la solution
logique, normale, rationnelle et équitable. C'est la solution
négociée. C'est la voie de la négociation. C'est la
solution privilégiée par le gouvernement du Québec:
s'asseoir autour d'une table, se parler, discuter et tâcher de s'entendre
en tenant compte des intérêts légitimes des deux
parties.
M. le Président, le chef du Parti libéral du
Québec, lui aussi, veut négocier. Reconnaissons-le. Savez-vous
comment, M. le Président? En adoptant une position carrément
inadmissible. Je cite la position officielle du chef de l'Opposition en date
d'aujourd'hui, le 20 mai: "Le Parti libéral du Québec
considère que pour favoriser l'ouverture de négociation avec le
gouvernement de Terre-Neuve, le gouvernement du Québec devrait -
écoutez bien, M. le Président - reconnaître explicitement
la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador."
Des voix: Oh!
(15 h 50)
M. Brassard: M. le Président, depuis Taschereau, qui
était premier ministre au moment où le hold-up sur le Labrador a
été commis, aucun premier ministre, aucun chef de parti du
Québec n'avait osé reconnaître et cautionner le vol
territorial de 1927. Jamais - vous pourrez examiner l'histoire de tous les
gouvernements qui se sont succédé depuis celui d'Alexandre
Taschereau - aucun chef de parti, aucun premier ministre n'a osé
cautionner le vol territorial de 1927.
M. le Président, ce que je viens de citer, c'est un
événement historique. Pour la première fois, un chef de
parti du Québec va aussi loin que de reconnaître explicitement la
juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador. Heureusement qu'il est chef de
l'Opposition.
M. Ciaccia: Question de privilège!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, j'invoque mon
privilège de député. Le document qu'a cité le
député de Saint-Jean, il en a cité seulement une portion,
qu'il cite donc toute la phrase, qu'il continue la phrase. C'est
malhonnête, ce qu'il vient de faire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.
M. Brassard: M. le Président, jamais, je le
répète, un chef de parti au Québec n'est allé aussi
loin que cela. C'est grave. Heureusement, je le disais, qu'il est chef de
l'Opposition. Je pense que les Québécois, le 13 avril 1981, ont
fait preuve de beaucoup de perspicacité, ont eu beaucoup de flair en
laissant dans l'Opposition ce chef de parti.
La solution à ce problème, c'est la solution
négociée. Or, Terre-Neuve refuse cette solution, rejette le
dialogue avec Québec. Dès 1978, il y a quatre ans, Terre-Neuve
quitte le comité interministériel Québec-Terre-Neuve
chargé de considérer l'ensemble de la question du
développement des ressources du Labrador et de la Côte-Nord.
Autrement dit, Terre-Neuve, en 1978, a décidé de quitter la table
de négociation. C'est cela, la réalité. Elle choisit
plutôt, d'une part, d'aller devant les tribunaux pour faire casser le
contrat de 1969, et, d'autre part, de manigancer avec Ottawa un coup de force
visant à dépouiller le Québec par expropriation brutale
d'un immense territoire pour permettre l'exportation de
l'électricité labradorienne vers les États-Unis. Cette
association, cette alliance Ottawa-Terre-Neuve, prend d'abord la forme
d'une société publique dont les actionnaires sont le gouvernement
fédéral et celui de Terre-Neuve, Lower Churchill Development
Corporation, pour mettre en valeur la Basse-Churchill. Ce faisant, soit dit en
passant, le gouvernement fédéral cesse d'être neutre. Il
prend parti, puisqu'il est actionnaire de cette société. Cette
alliance Ottawa-Terre-Neuve prend aussi la forme d'un projet de loi, le projet
de loi C-108, qui constitue une agression brutale contre notre territoire et
une tentative inacceptable de mainmise fédérale sur le principal
pilier de notre développement: l'hydroélectricité.
Devant cette agression et devant cette ingérence, devant cette
légalisation du brigandage, quelle est l'attitude du Parti
libéral du Québec? Elle est d'abord de tenter de minimiser
l'importance de cette motion. Mardi dernier, le leader de l'Opposition disait
en substance: Cessez donc de nous achaler avec des motions futiles. Vous faites
perdre le temps de cette Chambre. À plusieurs reprises, il l'a dit. Je
le cite même au texte, il va même jusqu'à dire: "Nous avons
autre chose à faire que de venir niaiser ici, M. le Président."
Et le leader de l'Opposition de rappeler un certain nombre de motions qui ont
été débattues en cette Chambre, dont celle de
décembre 1981, dans laquelle le premier ministre du Québec
rappelle le droit du peuple québécois à disposer de
lui-même, rappelle le droit historique du Québec à
être partie prenante et à consentir à tout changement dans
la constitution du Canada qui pourrait affecter les droits et les pouvoirs du
Québec, motion dans laquelle on reconnaît que les deux peuples qui
ont fondé le Canada sont foncièrement égaux et que le
Québec forme à l'intérieur de l'ensemble
fédéral canadien une société distincte.
C'était cela, la motion de décembre 1981. Selon le leader de
l'Opposition, c'était futile, inutile, achalant - il a même
utilisé cette expression - une perte de temps. À propos, je vous
le signale, les libéraux ont voté contre cette motion. Leur chef
a parlé pour et ils ont voté contre.
En mars 1982, une autre motion demandant au fédéral de
participer, cette fois-ci, au financement du fonds d'urgence, du fonds d'aide
aux PME. Dans la crise économique que nous traversons, c'était
là aussi, selon l'opinion de l'Opposition, une perte de temps, une
motion insignifiante. Soit dit en passant, les libéraux ont
également voté contre. Leur chef a parlé pour, si ma
mémoire est bonne, et ils ont voté contre. En avril 1982, une
motion dénonçant la teneur de la Loi sur les transferts fiscaux,
qui nous fera perdre, seulement cette année, plus de 500 000 000 $. Cela
aussi, c'est une perte de temps, selon l'Opposition. L'Assemblée
nationale n'a pas à s'occuper de ces niaiseries. Ils ont aussi
voté contre cette motion. Leur chef a parlé pour, et ils ont
voté contre.
Se sont-ils maintenant rendu compte qu'en agissant ainsi, la population
du Québec les considérait comme un triste ramassis de mercenaires
sans honneur à la solde du fédéral, à la solde
d'Ottawa? Ou se sont-ils aperçus qu'en agissant ainsi, ils
contredisaient de façon flagrante les orientations du parti
établies par leur chef au conseil général de septembre
1981? Cela vaut la peine de citer quelques passages de ce message du chef du
Parti libéral. Il dit ceci, entre autres: "La perspective
concrète et journalière de notre parti doit être la
défense, la promotion et l'illustration des droits et des
intérêts du Québec. Nous devons défendre à
temps et à contretemps le territoire, les pouvoirs législatifs,
les institutions, les valeurs propres, les intérêts du
Québec."
Une voix: Ils ne sont pas d'accord.
M. Brassard: Plus loin, on lit ceci: "Si les initiatives du
gouvernement fédéral acculent le Québec à une
position de légitime défense de ses droits constitutionnels, la
première loyauté du Parti libéral du Québec doit
être envers le Québec, non à l'endroit du Parti
libéral fédéral." Peut-être qu'ils se sont
aperçus qu'en agissant ainsi et en votant contre les motions dont j'ai
parlé, ils contredisaient les orientations de leur parti.
Toujours est-il que, face à la motion du ministre de
l'Énergie et des Ressources, ils ont décidé de relever la
tête, de redresser l'échine, de faire preuve de courage politique,
de poser un geste héroïque d'indépendance à
l'égard de la maison mère d'Ottawa, de secouer le joug du Parti
libéral du Canada qui les écrase et les étouffe. De quelle
façon? En votant pour la motion? En imitant le Parti libéral de
Terre-Neuve, qui est l'Opposition officielle en cette province, qui appuie le
gouvernement de Terre-Neuve dans sa lutte contre le gouvernement
fédéral à propos des ressources au large des côtes?
C'est même jour de deuil, à Terre-Neuve, à ce sujet. En
imitant le Parti libéral de Terre-Neuve? Non, M. le Président, il
ne faut quand même pas en demander trop. Non, en s'abstenant. Ils vont
s'abstenir, ils s'abstiennent de voter. C'est héroïque, n'est-ce
pas? Quel acte éclatant d'autonomie! Ils s'abstiennent.
Ils ont trouvé sans doute que Judas n'était pas un
modèle à suivre et que trahir les intérêts du
Québec n'était pas très populaire. Alors, ils ont
décidé d'accomplir un progrès moral considérable en
s'inspirant désormais de Ponce Pilate: ils s'en lavent les mains, ils
vont s'en laver les mains. La
motion rappelle l'autorité du Québec quant à
l'intégrité du territoire québécois et ses
attributions en matière de propriété et de droits civils
et en matière de gestion des terres publiques. Cela ne les regarde pas,
ils s'en lavent les mains, ils s'abstiennent. La motion rappelle la
compétence exclusive du Québec à l'égard des
richesses naturelles, notamment l'exploitation et le transport de
l'hydroélectricité sur son territoire. Cela n'a pas d'importance,
ça ne les concerne pas, ils s'en lavent les mains, ils s'abstiennent.
(16 heures)
La motion rappelle, M. le Président, et condamne
l'ingérence du gouvernement fédéral susceptible de rendre
inopérants plusieurs lois et règlements du Québec,
notamment en ce qui concerne le réseau de transmission, l'échange
et la vente d'hydroélectricité, l'aménagement du
territoire, la protection de l'environnement et des terres agricoles et la
distribution du gaz naturel. Cela ne les intéresse pas. Ce n'est pas
leur affaire. Ce n'est pas leur problème. Ils s'en lavent les mains. Ils
s'abstiennent de voter, M. le Président.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les libéraux ont une
façon originale, inédite, inusitée, de défendre -
je cite le message de leur chef - "... de défendre à temps et
à contretemps le territoire, les pouvoirs législatifs, les
institutions, les valeurs propres et les intérêts du
Québec". Le territoire du Québec est menacé, M. le
Président, ils s'abstiennent. Les pouvoirs du Québec sont
menacés, ils s'abstiennent. Les institutions du Québec, en
particulier Hydro-Québec, sont menacées, ils s'abstiennent. Les
valeurs propres et les intérêts du Québec sont
menacés, ils s'abstiennent.
M. le Président, j'ai presque envie de citer une petite chanson
de Félix Leclerc qui les concerne directement. Je vous la cite et vous
allez voir que cela les décrit très bien. Elle s'appelle
Fatalité. Félix Leclerc dit: "Quand on l'a vue passer, qui s'en
allait se noyer, la fille à Pit Goyer, on aurait pu bouger, mais on a
laissé faire. Sur la neige, capot noir, on a dit, il faut croire que
c'est un chien qui erre. Quand on l'a vu flamber, la villa des Gobeil, on a
dit, c'est le soleil qui reflète dans la baie. On est rentré vite
vite, on s'est barricadé sans attendre la suite de ce qui est
arrivé. Quand on a vu le cousin fouiller dans nos tiroirs, voler notre
butin, pis enjamber le trottoir, on l'a laissé passer, parce qu'on veut
pas d'histoire. On lui a même crié s'y reviendrait pour souper."
Une belle chanson qui les concerne, n'est-ce pas, parce qu'on ne veut pas
d'histoire de l'autre côté. On n'en veut pas.
Il n'y a rien de bon pour le Québec, M. le Président, dans
le projet de loi C-108, rien qui l'avantage, rien qui permette un
règlement accéléré de ses litiges avec
Terre-Neuve.
Devant cette réalité, les députés
libéraux du Québec prennent la fuite en peureux et jouent
à Ponce Pilate. Ce n'est pas un parti politique sérieux,
responsable et cohérent. C'est un fragile assemblage de clans et de
factions aux intérêts si divergents qu'il doit choisir
l'abstention, une position ridicule et loufoque, pour ne pas éclater,
pour ne pas se désagréger. M. le Président, c'est cela la
vérité et c'est cela la réalité.
Quant à moi, ma position ne sera peut-être pas originale.
Je conviens qu'elle sera banale, mais elle aura l'avantage d'être
cohérente, logique et honorable. Je vais voter pour cette motion du
ministre de l'Énergie et des Ressources.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir
d'intervenir, cet après-midi, concernant le projet de loi C-108 qui est
présentement au stade de la deuxième lecture à la Chambre
des communes, à Ottawa, et pour lequel M. Duhaime, le ministre de
l'Énergie et des Ressources, a proposé une motion.
J'écoutais le député de Lac-Saint-Jean nous
rappeler que nous n'avons voté qu'une fois sur six avec le gouvernement.
Je crois qu'il nous a rendu bien service parce que, malheureusement, plusieurs
de nos militants nous reprochent d'avoir voté trop souvent avec lui. Je
veux le remercier d'avoir souligné la chose. Il est vrai, M. le
Président, que nous n'avons voté qu'une seule fois avec le
gouvernement sur six motions depuis un an et demi; c'était une fois
où il fallait défendre la constitution et les pouvoirs de
l'Assemblée nationale du Québec.
Je crois que l'action qu'il propose est une action toute verbeuse, le
genre d'action dont nous sommes, malheureusement, les victimes au
Québec. M. le Président, ce débat, que le
député nous dit être un débat extrêmement
important, n'a duré que mardi après-midi; il n'a pas
continué en soirée et voici qu'il revient aujourd'hui.
Voilà l'urgence de ce gouvernement! Voilà un débat si
urgent qu'il a fallu attendre de mardi à jeudi pour pouvoir continuer la
discussion que nous avons commencée mardi dernier.
M. le Président, nous avons annoncé notre intention de ne
voter ni pour ni contre cette motion parce que nous ne voulons pas être
dupes de procédés tout à fait farfelus que le gouvernement
essaie d'utiliser pour tenter de cacher son inaction et son ignorance dans ce
dossier.
Ce qui est encore plus grave, c'est que le gouvernement, depuis un an
que ce projet de loi a été annoncé, n'a pris aucune
action.
Quelle est la correspondance que le ministre de l'Énergie et des
Ressources a eue avec le gouvernement fédéral? Quelles
représentations a-t-il faites? Quelles études techniques, quelles
études juridiques ont été faites pour démontrer
justement les implications réelles de ce projet de loi?
J'ai demandé ici même, en cette Chambre, de déposer
les études qui auraient été faites et, comme je n'ai
reçu absolument rien, je dois conclure que le ministre n'a rien fait
depuis un an pour tenter de cerner le problème et pour tenter de faire
valoir les justes représentations du Québec dans ce domaine.
Pour notre part, nous reconnaissons la compétence
constitutionnelle du gouvernement fédéral. Nous reconnaissons que
le gouvernement fédéral est responsable du commerce international
et du commerce interprovincial. Nous reconnaissons également que, dans
le domaine de l'énergie, quant aux politiques nationales, il a aussi un
droit de regard et, dans le domaine du commerce interprovincial et
international, la constitution lui donne un droit très strict de
réglementer ce genre de commerce.
C'est donc dire que nous n'avons pas voulu cautionner le Parti
québécois qui veut nous faire croire que le gouvernement
fédéral n'a absolument rien à faire dans ce domaine. Je
crois qu'il était de notre devoir de dénoncer ce gouvernement
séparatiste qui cherche à réaliser la séparation
avant même d'avoir obtenu l'appui de la population du Québec.
Ce qui est encore pire, c'est qu'il essaie également de nier au
gouvernement fédéral un droit d'expropriation. Le
député de Lac-Saint-Jean aurait pu souligner le fait que, depuis
1904, le gouvernement fédéral a le droit d'exproprier les lignes
de chemins de fer au Québec. Il a également le pouvoir
d'exproprier dans d'autres domaines, M. le Président. Et, très
certainement, il a le droit de légiférer en ce qui concerne les
exportations d'énergie vers les États-Unis. Mais le ministre
n'ayant pas fait son travail, nous ne sommes pas pour cautionner ce
gouvernement dans son inaction.
Bien sûr, il y a des sections du projet de loi C-108 qui touchent
la protection de l'environnement et la protection des terres agricoles. Nous
disons là-dessus que nous sommes d'accord avec le gouvernement pour
qu'il fasse des représentations qui auraient dû être faites
bien avant aujourd'hui.
Nous sommes également d'accord avec le mémoire
qu'Hydro-Québec a présenté au comité permanent de
la législation, cette semaine, et qui touche différents articles
-je n'entrerai pas dans les détails - comme la révocation des
licences, les modifications aux critères permettant l'émission de
permis d'exportation et, surtout, le fait qu'Hydro-Québec, comme elle en
témoignait à la suite de la présentation du projet de loi
C-108, sera dans la situation suivante: s'il y a deux juridictions dans le
domaine de la protection de l'environnement, ceci va retarder
considérablement la construction des lignes de transport
d'énergie, va coûter beaucoup plus cher et ne permettra pas
à HydroQuébec de jouer pleinement son rôle.
Si nous n'avons pas voulu nous lier au gouvernement, c'est en fonction
de ce que j'ai dit au début, à savoir que le gouvernement n'a pas
joué son rôle et n'a pas fait les représentations qu'il
aurait dû faire depuis un an. Cela ne veut pas dire que nous sommes
totalement d'accord avec le projet de loi C-108 dans son entité, mais ce
que nous avons voulu souligner, c'est que le vrai problème n'est pas
là. Le vrai problème, c'est que l'inaction du gouvernement cache
également une inaction du gouvernement dans le domaine des
négociations avec Terre-Neuve.
Il faut souligner, concernant ce problème dit des chutes
Churchill, qui dérive de la contestation que fait le gouvernement de
Terre-Neuve face à l'entente de 65 ans pour alimenter le Québec
en énergie électrique, que si le gouvernement du Québec
n'a pas voulu innover et tenter de régler ce différend. Nous
disons qu'il n'a pas joué le rôle qu'il aurait dû jouer.
Encore là, le vrai problème est extrêmement sérieux
et aura des conséquences très néfastes pour le
Québec, si l'on continue dans la voie juridique dans laquelle nous nous
sommes lancés. (16 h 10)
Si le projet de loi C-108 est adopté, est-ce que vraiment il
permettra à Terre-Neuve de construire une ligne de transport
d'énergie de Terre-Neuve jusqu'aux États-Unis? La réponse
est bien claire, c'est non. C'est non, non pas pour des questions juridiques,
mais pour des questions pratiques, pour des questions techniques. Je vais
tenter de faire état de quelques-unes de ces raisons. Il faut bien
comprendre que si Terre-Neuve devait gagner en Cour suprême le jugement
qu'elle a déjà gagné en Cour d'appel de Terre-Neuve, ceci
l'amènera à saisir les actifs de Churchill Falls Corporation et,
automatiquement, ceci imposera au gouvernement de Terre-Neuve de refinancer
complètement les dépenses qui ont été faites avant
1969 et qui totalisaient 800 000 000 $.
C'est donc dire que Terre-Neuve ou Churchill Falls Corporation, qui
bénéficie présentement d'un financement de 800 000 000 $
à un taux d'intérêt de 7% à 8%, devra, si
Terre-Neuve décide d'aller dans cette direction, refinancer le projet
complètement, à des taux d'intérêt allant de 17%
à 18%. C'est dire aussi que le gouvernement de Terre-Neuve devra
s'engager dans une avenue extrêmement
chère, extrêmement difficile, extrêmement
onéreuse sur le plan financier puisqu'il devra payer 10% de plus,
à cause des taux d'intérêt élevés, sur des
montants de l'ordre de 800 000 000 $.
Mais le plus onéreux pour Terre-Neuve serait de ne pas avoir de
ressources financières pendant la durée de la construction de la
ligne de transport d'énergie. Tous ceux qui s'intéressent
à ce domaine savent que la durée de construction de la ligne de
transport devrait être, au minimum, d'à peu près huit ans,
dans le meilleur des mondes. S'il le fallait, comme je le crois bien, si le
gouvernement du Québec voulait défendre l'environnement du
Québec, il ferait en sorte que les lois du Québec soient
respectées et que la Loi sur les terres agricoles soit également
respectée. Il s'ensuivrait que la construction de la ligne de transport
d'énergie pourrait prendre non pas huit ans ou dix ans, mais quelque
douze ans.
Par ailleurs, le gouvernement de Terre-Neuve devra également
financer cette ligne de transport d'énergie. Une estimation rapide veut
que cette ligne de transport d'énergie coûte au minimum 1 500 000
000 $. C'est donc dire que s'il fallait que le gouvernement de Terre-Neuve nous
coupe l'électricité, nous coupe l'approvisionnement en
énergie électrique, d'une part, le gouvernement de Terre-Neuve
n'aurait plus de revenus et, d'autre part, il aurait à financer, pendant
une période de dix à douze ans, une dette de l'ordre de 2 300 000
000 $ à 2 500 000 000 $.
M. le Président, je vous le laisse à penser. Vous n'avez
qu'à consulter les états financiers du gouvernement de
Terre-Neuve, vous n'avez qu'à consulter les états financiers de
la Newfoundland & Labrador Hydro pour constater, comme je l'ai fait, que le
gouvernement de Terre-Neuve se trouve dans une situation impossible et qu'il ne
pourra pas s'acheminer dans cette direction.
De plus, il faut bien constater que les Américains, qui cherchent
à s'approvisionner en énergie électrique à bon
marché, auront énormément de difficulté à
accepter de s'engager dans cette voie en constatant, comme je l'ai fait, les
difficultés de réalisation d'un tel projet. Ils auront de la
difficulté à apposer leur signature au bas d'un contrat en bonne
et due forme capable de leur donner, dans une période de dix ou douze
ans, l'énergie électrique dont ils auront, à ce
moment-là, un urgent besoin.
Il faut savoir que si les États du Nord-Est des États-Unis
s'engageaient dans cette voie, ils auraient à mettre de
côté d'autres formes de génération de
l'électricité, croyant pouvoir compter sur l'énergie qui
viendrait de Terre-Neuve, alors que Terre-Neuve serait dans une
quasi-impossibilité de leur garantir la date de livraison de
l'énergie et se trouverait, par ailleurs, dans la
quasi-impossibilité de financer un projet comme celui-là.
C'est donc dire qu'il s'agit d'une fumisterie. On veut nous faire croire
que le projet C-108 pourrait permettre à Terre-Neuve de construire une
ligne de transport telle que celle-là. Je ne parle pas du
côté juridique, je crois que nous devons faire des
représentations au gouvernement fédéral sur l'aspect
juridique du projet de loi, mais je dis qu'en pratique, la possibilité
que Terre-Neuve puisse construire une ligne de transport comme celle-là,
c'est de la fumisterie, cela n'existe pas, ce n'est pas une
réalité du monde actuel. D'autant plus que si vous additionnez
les intérêts durant la construction, les délais de
construction, le coût de financement non seulement du refinancement de
Churchill Falls, mais aussi le coût de financement des lignes de
transport d'énergie, M. le Président, vous constaterez, si vous
faites le calcul comme je l'ai fait, que le coût de l'énergie
rendue aux frontières des États-Unis va être tellement
élevé que les Américains n'y seront nullement
intéressés. D'autant que l'Office national de l'énergie ne
pourra permettre à Terre-Neuve d'exproprier cette énergie que
pour une période de temps qui ne devrait pas durer plus de 20 ans,
probablement, ou 25 ans, alors que, normalement, ces lignes de transport
d'énergie doivent être amorties sur une période de 50 ou 60
ans.
C'est donc dire, M. le Président, que je ne veux pas contester
que le projet de loi C-108 contient des aspects juridiques importants, mais je
dis que la réalité économique pour le Québec n'est
pas de ce côté. La réalité économique, les
vrais faits sont que Terre-Neuve ne pourra jamais construire cette ligne de
transport d'énergie. Les ingénieurs d'Hydro-Québec le
savent. Les ingénieurs de Terre-Neuve le savent. Les chicanes de
politiciens ne régleront absolument rien dans les faits. Les faits sont
que nous allons présentement vers une contestation juridique et cette
contestation juridique n'est pas dans le meilleur intérêt de
Terre-Neuve et n'est pas dans le meilleur intérêt des
Québécois.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons
cherché d'autres voies. Nous avons cherché d'autres voies parce
que nous avons tenté de voir ce que le ministre avait fait depuis un an
pour tenter de régler ce litige. J'entendais le député de
Lac-Saint-Jean dire: Bien oui, à plusieurs reprises, nous avons
exprimé notre désir. Le premier ministre a exprimé le
désir de négocier ce litige important. M. le Président,
tous ceux qui ont à négocier des ententes comme celle-là,
comme tous ceux qui ont été impliqués dans ces litiges,
tous ceux qui ont
été impliqués dans le monde des affaires savent
que, pour négocier, il ne s'agit pas de toujours répéter:
On veut négocier. Il faut arriver avec des propositions qui vont faire
que la partie adverse va venir s'asseoir à la table des
négociations et que tous vont faire en sorte que finalement les
négociations vont déboucher.
Depuis un an, depuis deux ans, M. le Président, depuis cinq ans,
que dis-je, puisque le problème avec Terre-Neuve dure depuis 1976,
depuis six ans, le gouvernement qui est au pouvoir n'a rien fait de bien
positif, si ce n'est que de proposer qu'il y ait des conférences
à certains moments. En 1978, il y a eu une possibilité de
négociation qui a avorté. Depuis ce temps, on ne fait que
répéter que le Québec veut négocier un "package
deal" et M. Peckford répond que la seule possibilité de
négociation pour le Québec, c'est d'admettre qu'il faudra ouvrir
le contrat des chutes Churchill. Pour toutes ces raisons, nous avons cru que
nous allions dans une direction qui va être très onéreuse,
qui ne réglera pas le problème. La solution juridique, comme tous
en ont eu l'expérience un jour ou l'autre, va nous amener dans une
situation impossible et, s'il fallait que la Cour suprême du Canada donne
raison à Terre-Neuve, la situation du Québec, à ce moment,
au point de vue des négociations, va être bien pire que celle dans
laquelle nous nous trouvons maintenant.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, il est vrai, ce
matin, le chef de notre parti a donné une conférence de presse
dans laquelle nous avons annoncé plusieurs aspects de notre politique
à ce sujet. Nous avons fait état, comme je viens de le faire, du
fait que nous croyons qu'il est à peu près impossible pour
Terre-Neuve d'utiliser le projet de loi C-108 pour exporter aux
États-Unis. Nous avons également dit ceci: "Le Parti
libéral du Québec considère que les lignes de transport
d'énergie électrique construites au Québec doivent
être sous la responsabilité d'Hydro-Québec et du
gouvernement québécois. Le PLQ considère que le transport
de l'énergie électrique, en raison de l'ampleur des
déploiements qu'il requiert et de ses implications très
importantes pour l'aménagement du territoire, ne saurait être
assimilé purement et simplement au transport d'autres formes
d'énergie, tels le gaz et le prétrole."
M. le Président, je crois que notre prise de position
là-dessus est très claire. Nous croyons que, pour la protection
de l'aménagement du territoire; nous croyons que, pour la protection de
l'environnement du Québec, il ne peut se faire que l'on assimile des
lignes de transport d'énergie avec un gazoduc ou avec un pipeline qui se
trouve dans le sol. Après deux ou trois ans, comme vous le savez, il est
tout à fait possible pour ceux qui cultivent la terre de recommencer
à utiliser leur terrain comme auparavant. Nous croyons que les lignes de
transport d'énergie sont de tout autre nature. (16 h 20)
Pour en venir à l'autre proposition, nous avons dit, et je le
répète, qu'une solution qui serait tranchée par un
tribunal serait la plus mauvaise solution au différend qui nous oppose
à Terre-Neuve. On peut bien se mettre la tête dans le sable, mais
la Cour suprême va statuer sur ce problème. Nous avons dit qu'il
faudrait que le gouvernement se remette à l'oeuvre, cherche de nouvelles
idées, se mette à bouger et fasse de nouvelles propositions.
Comme le gouvernement semble être complètement dépourvu
d'idées, nous en avons trouvé une. Étant allé
moi-même à Terre-Neuve, M. le Président, je me suis rendu
compte jusqu'à quel point les frontières du Labrador sont un
problème viscéral pour les Terre-Neuviens. Depuis 1927, et bien
avant, pas un seul gouvernement du Québec n'a fait quelque chose
à ce sujet. Les gouvernements du Québec ont tous fait de belles
phrases, mais ils n'ont posé aucun geste juridique pour faire valoir les
droits du Québec sur ce territoire. C'est la raison pour laquelle la
commission Dorion, qui a remis son rapport en 1971, disait ceci, et je reprends
ses termes: II faut mettre fin à l"'indéfinition" et à
l'équivoque dans lesquelles nage l'affaire du Labrador depuis 40
ans.
M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous disons ceci:
"Le PLQ considère que, pour favoriser l'ouverture des
négociations avec le gouvernement de Terre-Neuve, le gouvernement du
Québec devrait reconnaître explicitement la juridiction de
Terre-Neuve sur le Labrador sous réserve de négociations
politiques susceptibles de préciser à l'avantage des deux parties
une définition des frontières du Labrador qui épouse mieux
la réalité géographique et économique que ne le
fait le tracé retenu par le Conseil privé en 1927."
M. le Président, nous croyons que, si le gouvernement tentait de
chercher de nouvelles avenues, s'il arrêtait de se mettre la tête
dans le sable et s'il cherchait véritablement à rouvrir le
dossier, cette porte ouverte, et cette possibilité permettrait au
gouvernement du Québec de s'asseoir à la table du gouvernement de
Terre-Neuve pour négocier sur la base de ce dont il a fait état
dans le passé, c'est-à-dire d'un "package deal" qui inclurait non
seulement le contrat de Churchill Falls, mais également les
rivières de la Côte-Nord. Cela nous permettrait, M. le
Président, en collaboration avec Terre-Neuve, non seulement de
développer les rivières de la Côte-Nord, mais
également d'autres rivières du Labrador comme celle du Lower
Churchill, c'est-à-dire les chutes en bas de Churchill Falls. Nous
pourrions,
conjointement, assurer un développement économique, nous
pourrions travailler à créer de l'emploi, nous pourrions lancer
de nouveaux projets, exporter cette énergie aux États-Unis et
assurer des emplois dont nous avons besoin, diminuer le chômage dont nous
souffrons terriblement à l'heure actuelle et faire en sorte, M. le
Président, que, finalement, deux provinces voisines qui sont faites pour
s'entendre puissent collaborer dans le meilleur intérêt des
Terre-Neuviens et des Québécois.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Transports et député de Drummond.
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, depuis les cinq
dernières années que j'ai l'honneur de représenter les
électeurs du comté de Drummond à l'Assemblée
nationale du Québec, je pense qu'avec le discours que vient de prononcer
le député d'Outremont, je n'ai jamais entendu raisonnement aussi
absurde, raisonnement aussi inacceptable dans la défense des
intérêts du Québec sur le plan de son territoire, sur le
plan politique et sur le plan de l'économie
québécoise.
Je reprends à peu près ce que le député
d'Outremont vient de dire. Le député d'Outremont vient de dire en
substance: des pouvoirs nouveaux à l'Office national de
l'énergie, ce n'est pas là la vraie question. La vraie question,
nous dit-il, est celle du contrat de Churchill avec Terre-Neuve. Or, il affirme
du même souffle que la possibilité, selon lui, de la construction
d'un tel corridor est impossible techniquement et que cela ne saura se
réaliser en aucune façon pour toutes sortes de raisons
juridiques, techniques, financières, etc. Du même souffle, dans
une déclaration qui a été faite ce matin par celui qui
pourrait nous servir de premier ministre, s'il était de ce
côté-ci de la Chambre, sur les conseils, probablement, du
député d'Outremont, ce matin, qu'apprend-ton, M. le
Président, alors que le député d'Outremont nous dit: II
n'y a pas de problèmes, les nouveaux pouvoirs à l'Office national
de l'énergie, ce n'est pas ce dont il est question, ce dont il est
question, c'est bien plus du contrat de Churchill avec Hydro-Québec? Il
fait du même souffle deux affirmations que jamais, à ma
connaissance, aucun homme politique québécois n'a faites ici
à l'Assemblée nationale du Québec. Il annonce qu'ils sont
prêts de leur côté à renoncer officiellement et
formellement aux droits du Québec sur le territoire labradorien et, en
plus, il annonce qu'ils sont prêts à rouvrir le contrat. Comment
peut-on justifier une telle logique?
M. le Président, le député d'Outremont, parce qu'il
est allé faire un tour, semble-t-il, au Labrador ou à
Terre-Neuve, revient et dit: Ce sont des bonnes gens, les gens de Terre-Neuve.
On a un problème majeur avec eux, un conflit important qui porte
substantiellement sur deux choses: la réouverture du dossier, du contrat
de Churchill, et deuxièmement, sur la question de la juridiction du
Québec ou de Terre-Neuve sur les terres du Labrador.
La position du député d'Outremont, face à des
négociations difficiles, et celle du Parti libéral, c'est de
dire: II y a un argument majeur que Terre-Neuve n'avait pas dans ses cartes,
celui de la propriété des droits du Québec ou de
Terre-Neuve sur le territoire labradorien. Le député d'Outremont
propose de commencer la négociation en leur disant: Le Québec n'a
jamais reconnu ces droits, on va commencer par les reconnaître. Le
Québec a toujours refusé de rouvrir le contrat, on va commencer
par admettre qu'on est prêts à rouvrir le contrat.
M. le Président, je ne comprends pas le raisonnement que fait le
député d'Outremont. De tous les raisonnements qu'il m'a
été donné d'entendre ici, à l'Assemblée
nationale, sur une question politique, économique des droits et
privilèges du Québec en matière de territoire, c'est le
plus absurde, le plus loufoque que j'aie jamais entendu. Ces gens sont
effectivement, comme le souligne mon collègue, des
démissionnaires. Je ne veux pas m'attarder seulement à cela.
L'histoire a déjà eu l'occasion de juger le parti d'en face et
aura l'occasion de continuer à le faire.
Je voudrais m'attacher essentiellement aux conséquences
économiques que risquent d'avoir les nouveaux pouvoirs qui sont
accordés à l'Office national de l'énergie pour les
Québécois. M. le Président, sans remonter aux origines
d'Hydro-Québec, nous, les Québécois et les
Québécoises, avons investi, dans le développement de nos
capacités de production d'énergie hydraulique au Québec,
au cours des vingt dernières années, nous avons investi, seuls,
16 000 000 000 $ en vingt ans, 16 000 000 000 $ investis seulement par les
Québécoises et pour les Québécois. C'est un effort
gigantesque que la collectivité québécoise a consenti au
moment de la nationalisation de l'électricité et des
développements en matière d'hydroélectricité qu'on
a connus. Pourquoi a-t-on consenti cet effort gigantesque? Essentiellement,
pour nous procurer trois avantages majeurs: Premièrement, pour le
développement économique du Québec; au moment où on
se parle, la capacité de produire de l'électricité
abondante à des coûts peu élevés est devenue un
atout majeur pour le développement économique du Québec.
Deuxièmement, une autre raison pour laquelle nous avons consenti cet
effort, c'était pour fournir aux Québécois et aux
Québécoises de l'électricité aux tarifs les plus
bas possible. Troisièmement, c'était pour développer
un
des avantages substantiels que comporte la présence d'un
réseau hydroélectrique de la puissance de celle dont dispose le
Québec, soit de pouvoir vendre de l'énergie excédentaire.
M. le Président, ce sont là les trois avantages majeurs que cela
comporte: un incitatif au développement économique, la
possibilité d'exporter, et des tarifs aussi avantageux que possible pour
les abonnés.
M. le Président, l'Office national de l'énergie a, depuis
plusieurs années, un certain nombre de pouvoirs en ce qui concerne les
licences d'exportation d'électricité en dehors du territoire
québécois. Depuis vingt ans, le Québec exporte de
l'énergie en se conformant aux pouvoirs actuels de l'Office national de
l'énergie. Il en exporte au Nouveau-Brunswick. Il en exporte aux
États-Unis. Il en exporte en Ontario. Tout cela se fait actuellement
dans le respect des lois en vigueur pour l'Office national de
l'énergie.
M. le Président, nous n'avons pas d'objection à
reconnaître une juridiction constitutionnelle jusqu'à un certain
point, du gouvernement fédéral en matière
énergétique. La meilleure preuve, c'est que dans la motion
même du député de Saint-Maurice, le ministre de
l'Énergie et des Ressources, nous l'avons dit, nous acceptons le
maintien des pouvoirs actuels de l'Office national de l'énergie et du
gouvernement fédéral quant aux conditions et modalités de
délivrance de certificats pour un pipeline ou une ligne internationale
de transmission d'électricité et quant au contrôle du
transport du pétrole, du gaz naturel et la transmission de
l'électricité. (16 h 30)
La position défendue par le gouvernement dans ce dossier n'est
pas d'engendrer une nouvelle chicane fédérale-provinciale
puisqu'on spécifie qu'on accepte la loi dans son état actuel,
dont les amendements datent d'environ 1971. Ce n'est pas pour ça que la
proposition contenue dans le projet de loi no C-108 est inacceptable. Quels
sont ces nouveaux pouvoirs qu'on confie à l'Office national de
l'énergie? Les plus importants, qui ont justement été
dénoncés par Hydro-Québec, sont au nombre de trois. Le
premier, l'Office national de l'énergie a déjà le pouvoir
d'émettre des certificats pour l'exportation d'énergie
électrique en dehors du Québec selon des critères
déterminés, connus, inscrits dans la loi, qui ne font pas l'objet
de discussions outre mesure. Ce qu'on veut faire, c'est ajouter une nouvelle
dimension aux conditions qu'on pourrait attacher à l'émission
d'un tel certificat pour permettre l'exportation.
Je cite: "En plus des conditions habituelles, l'Office national de
l'énergie aurait le pouvoir de fixer des modalités et conditions
qu'il estime nécessaires ou souhaitables dans l'intérêt
public." Depuis quand quelqu'un, qui que ce soit, dans les diverses provinces
au Canada, a le pouvoir de fixer des conditions de façon arbitraire qui
ne sont nullement limitées à des permis de quelque nature qu'ils
soient? Ce pouvoir serait donc un pouvoir discrétionnaire, arbitraire
qui pourrait permettre à l'Office national de l'énergie de
décréter, demain matin, qu'Hydro-Québec devra accepter
d'avoir sur ses lignes du courant qui provient de Terre-Neuve parce que
ça pourrait paraître dans l'intérêt public.
L'Office national de l'énergie pourrait imposer toute
espèce de conditions sous les mots "les conditions qu'elle estime
nécessaires ou souhaitables dans l'intérêt public". Pire
encore, le projet de loi no C-108, tel qu'il est présentement
déposé devant le Parlement du Canada, permettrait à
l'Office national de l'énergie "de révoquer les permis, les
certificats d'exportation pour commodité et nécessité
publiques". Il s'agit là d'un pouvoir encore plus arbitraire, encore
plus dangereux pour les éventuels exportateurs et également pour
les éventuels acheteurs d'énergie outre-frontières du
Québec.
Cette disposition, c'est un peu comme si la Commission des transports du
Québec, la Régie des services publics, le CRTC, le Conseil de la
radio-télévision canadienne, avaient le pouvoir, en tout temps,
pour le simple caprice d'un organisme quasi judiciaire ou d'hommes politiques
en mal de décisions, de révoquer un permis d'exportation
présentement ou ultérieurement en faveur d'Hydro-Québec.
Cette disposition du projet de loi est inacceptable. D'ailleurs, le
président du conseil d'Hydro-Québec l'a dénoncée
hier en indiquant à quel point cela pouvait rendre vulnérable la
capacité d'exportation d'électricité du Québec vers
l'extérieur.
Un troisième changement apporté par le projet de loi no
C-108 aux pouvoirs de l'Office national de l'énergie, c'est la
possibilité de fixer des normes environnementales distinctes des normes
provinciales. Comment le ministre de l'Énergie, des Mines et des
Ressources du Canada peut-il essayer aujourd'hui d'introduire dans une loi la
possibilité d'avoir des normes d'environnement distinctes de celles qui
existent présentement quand on sait fort bien que celles du
Québec n'ont jamais créé de problème et que tout ce
qui pourrait advenir, c'est que cela retarde la réalisation du projet
d'exportation d'électricité et complique la situation et la
possibilité réelle de vendre de l'énergie
excédentaire aux États-Unis.
M. le Président, voilà pour les pouvoirs juridiques
nouveaux, exorbitants, arbitraires qui seraient ainsi confiés à
l'Office national de l'énergie. Mais, en plus, M. le Président,
quand on sait que l'Office national de
l'énergie pourrait voir ses décisions acceptées ou
refusées par le gouvernement fédéral, on voit que non
seulement il s'agit d'un pouvoir arbitraire entre les mains de l'Office
national de l'énergie, mais également d'un pouvoir arbitraire
entre les mains du gouvernement fédéral. Le député
d'Outremont nous parlait tantôt du potentiel hydroélectrique de
Lower Churchill, du Bas-Churchill. Est-ce qu'il aurait oublié que le
gouvernement fédéral est actionnaire à 49% de Lower
Corporation Development de Churchill? Drôle de situation. Le gouvernement
fédéral se donne un pouvoir arbitraire de trancher,
supposément dans l'intérêt national, et, en même
temps, il est actionnaire à 49% pour développer Lower Churchill.
Comment pensez-vous qu'un tel pouvoir discrétionnaire sera
utilisé dans l'avenir si ce n'est au détriment évident du
Québec, comme ce fut le cas, l'été dernier, pour le
ministre fédéral des Transports qui dispose, avec son
gouvernement, d'un pouvoir encore moins évident que celui dont on veut
doter le ministre fédéral de l'Énergie, en matière
de services ferroviaires? Vous savez ce qui s'est passé dans votre
propre région alors que la Commission canadienne des transports avait
obligé Via Rail à maintenir des services ferroviaires aux
passagers dans plusieurs régions du Canada. Ce qui s'est produit, un bon
matin: pouvoir arbitraire, discrétionnaire, quasi absolu du gouvernement
fédéral, ils ont décidé simplement de couper les
services dans certains cas et de les réduire dans d'autres. M. le
Président, ce pouvoir pourrait avoir des conséquences
économiques terribles.
Pour bien comprendre de quoi on parle quand on parle des exportations
d'électricité, je voudrais vous donner deux ou trois chiffres.
Comparons les profits nets d'Hydro-Québec à ses ventes
d'énergie excédentaire. Faisons une petite comparaison. En 1976,
les profits nets d'Hydro-Québec étaient de 310 000 000 $ et les
ventes d'énergie excédentaire étaient de 35 000 000 $.
Donc, l'équivalent d'environ 11% des profits nets d'Hydro-Québec.
En 1981, les profits nets d'Hydro-Québec étaient de 558 000 000 $
et les ventes d'énergie excédentaire étaient de 314 000
000 $. Donc, l'équivalent de 56% des profits nets. En 1990, si on
projette les rentrées du contrat de PASNY et, éventuellement, de
NEEPOOL, soit les États de la Nouvelle-Angleterre, on en arriverait
à des profits nets d'Hydro-Québec de 3 380 000 000 $ et à
des ventes d'énergie excédentaire de 2 184 000 000 $. C'est donc
dire, M. le Président, qu'en 1990, parce que les Québécois
ont investi dans l'énergie électrique, parce que nous avons,
massivement, investi, les ventes d'énergie excédentaire
pourraient représenter l'équivalent de 65% des
bénéfices d'Hydro-Québec.
M. le Président, si on fait le total des exportations
d'énergie excédentaire par Hydro-Québec pour la
période 1982 à 1990, c'est une somme de 13 317 000 000 $ dont il
s'agit. 13 000 000 000 $ d'énergie excédentaire qui pourrait
être vendue aux États-Unis.
Ce que les pouvoirs de l'Office national de l'énergie mettent en
cause, c'est justement cela. Imaginez-vous, M. le Président, la position
des éventuels acheteurs américains qui, par exemple, dans le
contrat de PASNY, doivent, pour accueillir notre énergie
hydroélectrique, consentir chez eux des investissements de l'ordre de
550 000 000 $. (16 h 40)
Imaginez-vous, M. le Président, dans quelle sorte d'état
d'insécurité les place le projet de loi C-108 du gouvernement
fédéral quand on sait qu'avec de tels pouvoirs exorbitants,
arbitraires, en tout temps les conditions de marché conclues pourraient
être modifiées unilatéralement par des décisions de
l'Office national de l'énergie. Insécurité, donc, pour les
acheteurs éventuels d'électricité
québécoise.
Deuxièmement, risque de priver le Québec ou
Hydro-Québec du contrôle de 13 000 000 000 $ de ventes
d'énergie excédentaire au cours des huit prochaines
années.
Troisièmement, et c'est là que c'est probablement le plus
grave, pour avoir les tarifs d'électricité que nous avons
présentement au Québec, Hydro-Québec tient compte du fait
qu'elle vend de l'énergie excédentaire aux Américains, aux
Ontariens, un petit peu au Nouveau-Brunswick. Si elle ne pouvait plus compter
sur la vente d'énergie excédentaire comme elle le fait, qui s'en
ressentirait? Essentiellement deux groupes de personnes. D'abord les
abonnés d'Hydro-Québec, qui s'en apercevraient sur leur facture,
parce que les 13 000 000 000 $ qui viendront dans les coffres
d'Hydro-Québec de la vente d'énergie excédentaire, si on
"insécurise" cette possibilité-là ou si on
l'anéantit - Hydro-Québec a présumé qu'elle pouvait
réaliser ces ventes - qui s'en ressentirait, si elle ne pouvait le
faire? Au premier titre les abonnés d'Hydro-Québec, mais
deuxièmement, également, le Québec a un atout majeur pour
le développement économique à cause de ses bas taux
industriels dans des cas comme Reynold's et Pechiney.
L'un des avantages comparatifs les plus considérables dont
dispose le Québec pour son développement économique c'est
justement de pouvoir avoir de l'énergie électrique abondante et
moins dispendieuse que les concurrents du Québec. Ce que ces pouvoirs
discrétionnaires, arbitraires et abusifs qu'on veut confier à
l'Office national de l'énergie et au gouvernement du Canada
mettent en cause, c'est la possibilité pour les abonnés de
continuer à avoir des tarifs intéressants par rapport à ce
qu'il y a ailleurs dans le monde. Deuxièmement, la possibilité de
conserver un avantage comparatif par rapport à la plupart des autres
pays du monde. Et enfin, cela risque de compromettre également les
investissements importants consentis au Québec.
Je termine en 30 secondes pour dire que je trouve
particulièrement regrettable que le député d'Outremont et
le chef de l'Opposition, aujourd'hui, 20 mai 1982, deux ans jour pour jour
après la grande trahison dont le chef du Parti libéral et
l'ensemble de son équipe ont été victimes encore plus que
nous... Deux ans jour pour jour après ce référendum, on
nous apprend que si l'Opposition était de ce côté-ci de la
Chambre, elle serait prête à renoncer aux droits historiques du
Québec sur le territoire labradorien et à signaler au
gouvernement de Terre-Neuve qu'elle est prête à rouvrir le contrat
de Churchill.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous étudions
aujourd'hui une motion du ministre de l'Énergie et des Ressources et
encore une fois, c'est une motion qui s'oppose au gouvernement
fédéral, qui condamne l'ingérence dudit gouvernement, qui
réclame des membres du Parlement fédéral... C'est encore
le même refrain, la même cassette du Parti québécois.
C'est encore une autre façon, une autre stratégie, une autre
tactique que le gouvernement du Parti québécois utilise, pas pour
résoudre le problème qui existe, parce qu'on sait qu'il existe un
problème... Ce n'est pas avec cette motion qu'on va résoudre ce
problème. Il utilise ce débat à l'Assemblée
nationale pour poursuivre encore une fois ses objectifs politiques alors qu'il
y a deux ans aujourd'hui la population lui a dit: Non, on n'en veut pas, de vos
objectifs politiques, on ne veut pas de la séparation, on ne veut pas
vous donner un mandat pour séparer le Québec du Canada.
M. le Président, il faut expliquer à la population le
rôle de l'Assemblée nationale qui est de légiférer
pour le bénéfice de la population du Québec. C'est son
rôle. Qu'est-ce que le gouvernement vient faire? Ce n'est pas une loi
qu'il nous présente, c'est une motion. Savez-vous quelles sont les
conséquences d'une motion? Il n'y a pas de conséquences à
une motion, c'est un moyen pour le gouvernement de faire de la propagande. Une
loi, on peut l'adopter, l'amender, la changer, il y a des conséquences
pour la population. Est-ce que la population sait que même si on vote
unanimement, même si on fait n'importe quoi, il n'y a pas de
conséquences à une motion. Alors, pourquoi présenter une
motion encore aujourd'hui pour condamner le fédéral, pour
s'opposer au fédéral? Pourquoi? Pour faire de la propagande
politique.
Si le gouvernement voulait résoudre le problème, pourquoi
aurait-il attendu à maintenant pour présenter cette motion? Il y
a plus d'un an qu'il sait qu'il y a un avant-projet, le projet de loi C-108, du
gouvernement fédéral. Il n'en a pas parlé ici, à
l'Assemblée nationale. La deuxième lecture du projet de loi C-108
a eu lieu, au Parlement fédéral, et il ne nous a pas avertis
avant l'adoption en deuxième lecture. Il n'est pas venu nous dire
à l'Assemblée nationale: II y a un problème, faisons
quelque chose pour essayer d'effectuer des changements au projet C-108. Non, sa
stratégie était d'attendre que la deuxième lecture ait
lieu au Parlement fédéral, le 27 avril, pour nous arriver avec
une motion. Là, on joue à la vierge offensée.
Regardez-nous, disent-ils. Il faut s'opposer au fédéral.
Ici, à l'Assemblée nationale, nous sommes des
législateurs, des députés. C'est l'Exécutif, le
gouvernement qui doit agir, c'est lui qui doit négocier; qu'a-t-il fait
jusqu'à maintenant? Pourquoi attendre à aujourd'hui? C'est une
tactique, une stratégie du Parti québécois.
Le 20 mai, il y a deux ans, la population a rendu un verdict. Le Parti
québécois, les membres du gouvernement du Parti
québécois ne l'ont pas accepté, ce verdict. C'est
malheureux, ils n'ont pas accepté la décision de la population de
faire partie intégrante du Canada et le fait qu'en plus d'être
Québécois nous sommes aussi des Canadiens. S'ils l'avaient
accepté, ils auraient agi différemment. Aujourd'hui, ils
agiraient différemment.
Ils veulent qu'on vote avec eux. Ils disent: Donnez-nous votre vote,
cela va nous donner de la force. On va aller négocier à Ottawa et
on va démontrer au gouvernement de Terre-Neuve, au gouvernement
fédéral que nous avons des droits et qu'on va faire
prévaloir nos droits. J'ai déjà entendu cela ici. Le 2
octobre, ils ont dit la même chose. Ils ont voulu avoir le consentement
unanime de cette Assemblée pour aller négocier à Ottawa.
Qu'ont-ils fait? Je suis l'un de ceux qui ont dit: Si la motion
présentée le 2 octobre l'avait été par un autre
gouvernement, j'aurais voté pour, mais je n'ai pas confiance en vous,
vous allez l'utiliser pourquoi? Pour arriver à vos objectifs
séparatistes, non pas pour aller négocier. Malheureusement - et
j'insiste -j'ai eu raison. C'est ce qu'il a fait, ce gouvernement, il a
affaibli le Québec. On avait le droit de veto, le droit de veto
avait
été offert et le premier ministre, avec sept autres
provinces, a signé un document enlevant le droit de veto au
Québec sur les changements constitutionnels.
On nous a affaiblis et, aujourd'hui, on a le front de venir nous
demander de voter avec lui pour lui donner le droit d'aller négocier.
Vous n'avez pas besoin de cela pour négocier. Si vous vouliez le faire
de bonne foi, vous auriez pu le faire avant et vous pourriez continuer à
le faire. S'il y a des lois que vous voulez voir adopter par l'Assemblée
nationale, présentez-nous-les et vous allez voir que l'Opposition va
jouer son rôle. On ne s'oppose pas toujours au gouvernement pour le
simple plaisir de s'opposer, quand il y a quelque chose que nous savons dans
l'intérêt de la population, quand une loi est de bonne foi et
répond aux besoins du Québec, M. le Président, on n'est
pas gêné de voter pour, comme on n'est pas gêné
parfois de voter contre, ou d'apporter des amendements et des changements. (16
h 50)
Comme je l'ai dit tantôt, une loi a des conséquences. On
peut la mettre en application. C'est ça le rôle de
l'Assemblée nationale. Notre rôle, ce n'est pas d'avoir des
discussions puériles et stériles ici pour les fins de propagande
du Parti québécois. M. le Président, c'est une tactique de
ce gouvernement que de provoquer toujours de la confrontation, de ne jamais
accepter de coopération avec le fédéral. Moi, M. le
Président, je n'accepte pas cela. Ce gouvernement veut sur le dos de la
population en arriver à ses objectifs. Il ne se préoccupe pas du
bien-être de la population. Si vraiment vous vouliez coopérer avec
le fédéral, pourquoi? Je vais vous donner un exemple. Il y a une
crise dans la construction domiciliaire. Il y a 44 000 000 $ qui dorment
à la Société canadienne d'hypothèques et de
logement, ils ne sont pas utilisés par le gouvernement du Québec.
Pourquoi ne pas, par esprit de coopération, aller travailler avec le
gouvernement fédéral, coopérer avec lui? Vous n'allez pas
toujours vous entendre; naturellement, il va y avoir des divergences d'opinions
à un moment donné sur certains sujets. Au moins, ce ne sera pas
l'attitude négative que vous adoptez toujours.
Vous créez une atmosphère malsaine au Québec. Vous
créez une atmosphère de confrontation. Vous faites de la
propagande, c'est un lavage de cerveau que vous faites, sur les jeunes surtout,
toujours contre le fédéral. Pourquoi? Je sais pourquoi. Vous
n'êtes pas arrivés à vos objectifs le 20 mai 1980. Vous
vous y prenez par de tels moyens pour toujours essayer d'aller démontrer
au fédéral que ce n'est pas bon parce que si -merci, Dieu nous en
garde - jamais il fallait que vous vous entendiez avec le
fédéral, imaginez-vous ce qui arriverait aux objectifs du Parti
québécois! On ne pourrait pas se séparer. Ce ne serait pas
nécessaire de promouvoir la séparation, l'indépendance du
Québec. On se serait entendu avec le fédéral.
Imaginez-vous donc! Il y a une contradiction, M. le Président, et c'est
pour cela qu'on va s'abstenir à propos de cette motion.
C'est une tactique de diversion, votre motion. Vous voulez cacher votre
mauvaise administration avec tous ses déficits. Vous voulez faire
oublier qu'il y a des taxes que vous avez imposées à la
population. Quand j'entends la démagogie des soi-disant ministres de ce
gouvernement, M. le Président, franchement, je ne sais plus quoi faire.
On cite un document à tort et à travers et on accuse l'Opposition
de dire qu'elle reconnaît explicitement la juridiction de Terre-Neuve sur
le Labrador. Mais c'est absolument malhonnête. On oublie de citer les
huit autres lignes, M. le Président, qui donnent les conditions
auxquelles nous serions prêts à accepter une telle reconnaissance.
Les conditions, M. le Président, ce sont des négociations
politiques susceptibles de préciser à l'avantage des deux parties
une définition de la frontière du Labrador.
C'est cela qui est en jeu. Certainement qu'on va reconnaître la
juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador, mais à des conditions
précises. Vous faites de la démagogie là-dessus. Vous avez
peur de vous mouiller dans ce dossier. On ne fait que suivre les
recommandations de la commission Dorion. Ce n'était pas une commission
instituée par l'Opposition. C'est en 1971, je crois, si je ne m'abuse,
que cela avait été institué par le gouvernement de l'Union
Nationale. Elle a fait des recommandations précises.
Aujourd'hui, vous avez le front de faire de la démagogie et de
faire de la propagande. C'est un exemple parfait de propagande que vous faites
dans ce dossier. On va s'abstenir. Certainement qu'on va s'abstenir. On ne veut
pas jouer votre jeu. On ne veut pas jouer votre jeu, se laisser entraîner
sur votre terrain, pour que vous puissiez vous en faire gloire et vous donner
une crédibilité que vous n'avez pas. Vous n'avez pas cette
crédibilité. Vous attaquez toujours, du matin au soir, du
commencement à la fin de la semaine, du commencement du mois à la
fin du mois, d'une année à l'autre, toujours contre le
fédéral.
Le monde, M. le Président, commence à être
tanné de ce genre de tactiques négatives et stériles, de
ce continuel climat de confrontation, de conflit que vous créez. Vous
attendez le moment propice. Ces gens ont présenté une motion
aujourd'hui, parce que la deuxième lecture a eu lieu et que c'est le
temps de la présenter. S'ils l'avaient présentée au mois
de mars ou au mois d'avril, on aurait peut-être pu faire des changements
à la loi C-108. Ce n'est pas ce
qu'ils veulent. Ils ne veulent pas ça. Ne vous faites pas
d'illusions, M. le Président. Ils seraient les plus déçus
si jamais il y avait les changements qu'ils veulent à la loi C-108,
parce qu'ils ne pourraient pas critiquer le fédéral. Ils ne
seraient pas capables. Il faudrait qu'ils admettent que c'est vrai que le
fédéral fait certaines choses qu'on ne peut pas critiquer d'une
façon démagogique comme ils le font maintenant.
Quand on entend le ministre des Transports parler des tarifs
d'Hydro-Québec et des exportations, M. le Président, savez-vous
à quoi cela me fait penser? Cela me fait penser à une tactique de
propagande bien connue il y a plusieurs années qui disait -
c'était même avant mon temps, j'étais tout petit
garçon, mais je l'ai lue et j'en ai vu les conséquences - que, si
on répète un mensonge assez souvent, la population va finir par
le croire. C'est cela que fait le Parti québécois. Il
répète tous les jours des mensonges complets pour les entrer dans
la tête de la population. Quand je les entends parler des tarifs
d'Hydro-Québec... Ce sont eux qui ont imposé des dividendes, qui
sont allés chercher de l'argent à Hydro-Québec pour
combler leurs déficits et, maintenant, ils ont le culot de dire que
c'est l'Office national de l'énergie qui met en jeu, qui met en
péril et qui bouleverse les revenus d'Hydro-Québec.
C'est une interprétation complètement fausse, M. le
Président. L'Office national de l'énergie a toujours donné
des permis à Hydro-Québec pour l'exportation de l'énergie.
Pour votre information, jusqu'à présent, les exportations de
l'énergie excédentaire, c'est l'Office national de
l'énergie qui les a approuvées et il va continuer de les
approuver. M. le Président, qu'ils n'essaient pas de faire croire que le
gouvernement fédéral fait cette loi pour essayer de venir
chercher quelque chose au Québec, pour aller contre le
Québec.
C'est absolument faux. Il faut seulement vous rappeler la politique
énergétique dont on a discuté en cette Chambre avant et
après le référendum. Les membres du gouvernement voulaient
que cela atteigne le prix mondial. Ils critiquaient la politique
énergétique du gouvernement fédéral en disant que
le gouvernement fédéral obligeait l'Alberta à vendre son
pétrole au Québec et dans tout le Canada à un prix
canadien. Qui en a bénéficié? Ce n'est pas l'Alberta qui
en a bénéficié, M. le Président. Ce sont tous les
Canadiens, incluant les Québécois. On ne parle pas de cela. Mais
non! Pour arriver à leurs fins, à leur objectif de
séparation, ils prônaient, ils encourageaient le gouvernement
fédéral à aller au prix mondial. Ce sont des milliards de
dollars que nous avons épargnés à cette province, au
Québec, grâce à la politique énergétique
fédérale. On ne dit pas cela. On ne dit rien là-dessus. On
fait oublier les positions prises par le Parti québécois. Si
jamais on avait eu le malheur d'appliquer ces positions, on serait dans une
situation encore plus désastreuse qu'on ne l'est aujourd'hui.
Vous voulez vous opposer, MM. les membres du Parti
québécois? Opposez-vous donc aux coupures budgétaires
brutales. Opposez-vous donc aux exodes des Québécois qui s'en
vont en dehors du Québec, parce qu'ils ne peuvent pas vivre avec vos
politiques fiscales, avec le chômage. Vous voulez condamner, M. le
Président? Condamnez le chômage, spécialement parmi les
jeunes. Vous voulez réclamer le développement économique?
Réclamez qu'au lieu d'augmenter les taxes et d'obliger les industries
à quitter le Québec, d'obliger les usines à fermer leurs
portes, réclamez donc qu'il y ait des programmes, des lois à
cette Assemblée pour promouvoir le développement
économique. Au lieu d'augmenter vos dépenses pour les affaires
gouvernementales de 18% et de laisser les augmentations dans l'industrie et le
commerce à un niveau très minime cette année,
réclamez donc plus d'argent dans vos budgets pour des fins commerciales
et économiques plutôt que pour des fins de propagande
gouvernementale. Si vous faites cela, M. le Président, je vais
être le premier à l'appuyer. (17 heures)
M. le Président, c'est un gouvernement de conflits et de
confrontations. C'est un gouvernement de lavage de cerveau. C'est le but de la
motion d'aujourd'hui. On va laver le cerveau des Québécois, on va
essayer de leur faire croire que le fédéral a toujours agi, agit
et continuera d'agir contre nos intérêts. On va laver le cerveau
des Québécois et, la prochaine fois, on va essayer de les
convaincre dans un autre référendum, une autre élection de
faire la séparation. C'est un gouvernement de lavage de cerveau des
jeunes, de lavage de cerveau des travailleurs, de lavage de cerveau de tous
ceux qui habitent au Québec pour une fin seulement, celle de faire la
séparation du Québec. C'est le sens de cette motion.
Démasquons ce gouvernement:
N'essayons pas de faire son jeu et de commencer à discuter
l'article 1, le paragraphe 3, la loi C-108, la politique
énergétique, les certains pouvoirs qu'on va garder. Si vous
voulez faire cela, je vous dis: Amenez-nous un projet de loi qu'on va discuter,
qui va avoir des conséquences pour la population que vous, gouvernement,
pourrez mettre en application. Ne nous amenez pas des motions de propagande,
des motions de lavage de cerveau, des motions pour créer un conflit
entre citoyens, un conflit entre le fédéral et le provincial, une
confrontation entre les fédéralistes et ceux qui sont moins
fédéralistes, une confrontation avec tous les différents
secteurs de la
population. Voilà le but de la motion. Disons donc la
vérité. Il va falloir que la population se réveille et
qu'elle sache ce que ce gouvernement est en train de faire contre elle.
Nous sommes dans une situation assez désastreuse
économiquement. On devrait être ici à discuter de lois et
de politiques économiques, de mesures que nous devrions prendre pour
secourir les chômeurs, tous ceux qui ont besoin de l'aide du
gouvernement, de l'aide économique, des avantages qu'un gouvernement
pourrait leur donner. On a besoin d'un gouvernement qui a différentes
priorités. Voulez-vous changer vos priorités? Je vous le dis,
changez-les. Oubliez l'affaire du séparatisme, que l'on va battre le
fédéral, que ceux qui sont de ce côté sont des
traîtres.
M. le Président, je ne descendrai même pas à ce
niveau de langage. Qui sont les vrais traîtres? Je ne descendrai pas.
Est-ce que ce sont ceux qui ont abandonné le droit de veto ou si ce sont
ceux qui disent au gouvernement: Écoutez, prenez donc des mesures pour
protéger le Québec et protéger la population? Prenez donc
vos responsabilités; vous ne les prenez pas. Croyez-moi selon une bonne
expression, on en a plein notre casque de ce qui se fait ici. On essaie des
tactiques de diversion. L'histoire va vous juger, l'histoire va juger ce
gouvernement. La population va le juger aussi parce qu'on commence à le
démasquer.
M. le Président, ce n'est pas une motion qui peut mener à
une conclusion pratique. C'est une motion seulement pour des fins de
propagande. On aurait pu voter contre. Cela aurait pu être encore
interprété d'une certaine façon, d'essayer de faire de la
démagogie. Nous disons au gouvernement: Prenez vos
responsabilités. Agissez dans l'intérêt des
Québécois, mais n'oubliez pas la décision et le mandat
qu'ils vous ont donné le 20 mai, il y a deux ans. Prenez vos
responsabilités, mais quant à nous, nous ne voulons pas faire
partie de votre système et de votre stratégie de propagande que
vous essayez de nous imposer. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vimont.
M. Jean-Guy Rodrigue
M. Rodrigue: M. le Président, le député de
Mont-Royal vient de nous dire qu'il aurait peut-être appuyé le
gouvernement si nous avions présenté cette motion avant
l'adoption du projet de loi en deuxième lecture au Parlement d'Ottawa,
parce que là, il y aurait eu possibilité de changer quelque
chose. Il me semble que pour un parlementaire d'expérience comme lui, il
devrait savoir qu'après l'adoption de la deuxième lecture d'un
projet de loi, c'est là qu'on peut changer quelque chose, en commission
parlementaire, alors qu'on fait l'étude article par article. Je ne
comprends pas très bien son argument. J'ai l'impression que pour
quelqu'un qui accuse le gouvernement de faire de la démagogie, il en
fait peut-être beaucoup lui-même.
M. le Président, nous étudions actuellement une motion du
ministre de l'Énergie et des Ressources qui a pour objet de s'opposer
à l'élargissement des pouvoirs du gouvernement
fédéral et de l'Office national de l'énergie, tel que
proposé par le projet de loi C-108, qui condamne l'ingérence du
gouvernement fédéral susceptible de rendre inopérants
plusieurs lois et règlements du Québec et finalement qui
réclame des membres du Parlement fédéral qu'ils apportent
au projet de loi no C-108 les modifications appropriées.
Le député de Mont-Royal, tout à l'heure, se
plaignait qu'on passait notre temps à dire que le gouvernement
fédéral s'ingérait dans les affaires du Québec. Si
on s'en plaint, c'est parce que le gouvernement fédéral
s'ingère dans les affaires du Québec. Un des meilleurs exemples,
c'est le projet de loi no C-108, qui a été présenté
et qui est défendu par le ministre fédéral de l'Energie et
des Ressources, Marc Lalonde. Ce projet de loi m'inquiète et m'indigne
à plusieurs titres: d'abord, comme membre de l'Assemblée
nationale dont le mandat est de défendre, de sauvegarder et de
promouvoir les intérêts du Québec; ensuite, comme
employé d'Hydro-Québec depuis 22 ans, parce que ce projet de loi
constitue une menace de mainmise fédérale sur
Hydro-Québec, rien de moins.
Cette entreprise est l'un de nos principaux leviers économiques.
C'est une entreprise que nous avons bâtie seuls, sans l'aide de personne,
surtout pas du fédéral, avec l'argent des Québécois
et en ne comptant que sur le talent et l'énergie des ouvriers, des
techniciens, des ingénieurs et des administrateurs
québécois. Enfin, ce projet de loi m'inquiète et m'indigne
comme citoyen du Québec et consommateur d'électricité. Si
le fédéral adopte ce projet de loi préparé et
présenté par le ministre Lalonde, c'est une menace constante de
hausse radicale des tarifs d'électricité au Québec qui
pèsera sur l'ensemble des consommateurs, et ce malgré les efforts
considérables que nous avons déployés pour nous doter d'un
réseau électrique moderne, efficace et relativement peu
coûteux.
Le projet de loi no C-108 octroie de nouveaux pouvoirs au gouvernement
fédéral et à l'Office national de l'énergie, entre
autres le pouvoir d'expropriation et de construction de lignes de transport sur
le territoire d'une autre province, donc du Québec. Il accorde
également le pouvoir de refuser d'accorder, de révoquer ou de
suspendre une licence d'exportation et de vente
d'électricité dans tous les cas - je cite le texte du projet de
loi - où "la nécessité publique le requiert". Il accorde
également à l'ONE le pouvoir d'édicter ses propres normes
en matière de protection de l'environnement et des terres agricoles,
l'aménagement du territoire et même en matière de
sécurité et de santé des travailleurs affectés
à ces travaux.
Pour le Québec et, j'en suis sûr, pour la majorité
des autres provinces également, ce projet de loi du ministre Lalonde
pourrait avoir des conséquences économiques et environnementales
tout simplement effarantes s'il était adopté. Par exemple, si
Terre-Neuve décidait de vendre son énergie aux Américains,
l'Office national de l'énergie pourrait très bien imposer un
droit de passage et exproprier une partie du territoire du Québec, peu
importe que ce soient des terres publiques ou des terres privées, ou
encore autoriser Terre-Neuve ou une compagnie de cette province à
exproprier une partie de notre territoire pour y construire des lignes de
transport d'énergie, et ce en ignorant complètement nos lois sur
la protection de l'environnement et les terres agricoles.
On pourrait même se retrouver dans la situation aberrante
où Hydro-Québec serait soumise à nos lois de
l'environnement, qui comportent des normes sévères en vue de la
protection de cet environnement, lorsqu'elle demande des permis de construction
pour ses propres lignes qui desservent les citoyens du Québec. Par
ailleurs, Terre-Neuve ou une compagnie étrangère pourrait
construire ses lignes n'importe où, n'importe comment, sans se soucier
de l'environnement du Québec ou encore en ayant à répondre
à des normes inférieures à celles que nous avons ici. Nous
ne pourrions rien dire là-dessus.
Bref, comme le décrit l'éditorialiste Michel Roy, le
Québec pourrait se retrouver dans la situation aberrante suivante:
"L'énergie électrique que produit Terre-Neuve et qu'elle compte
produire en plus grande quantité avec l'aide de capitaux
fédéraux, par la construction d'un gigantesque barrage dans la
basse rivière Churchill, serait acheminée vers le marché
américain grâce à un ensemble de pylônes
installés dans un couloir québécois exproprié par
Ottawa." (17 h 10)
Pour comprendre ce que peut signifier le projet de loi C-108 de Marc
Lalonde quant à l'environnement, M. le Président, essayons
d'imaginer un peu la réaction d'un citoyen d'une ville dont le conseil
municipal aurait décidé d'adopter un règlement qui
permettrait à un voisin d'installer sa corde à linge dans sa cour
sans avoir à lui demander la permission. C'est un peu cela que fait le
projet de loi C-108 pour les lignes de transport d'énergie
électrique. Alors, le voisin pourrait installer les poteaux dans son
potager ou sa rocaille, laisser flotter son linge sur la corde toute la semaine
et il n'aurait absolument rien à dire.
Le projet de loi C-108 va permettre de spolier le territoire du
Québec, c'est évident. C'est déjà suffisamment
grave comme conséquence, mais il y a pis dans ce projet de loi. En vertu
des nouveaux pouvoirs que lui accorde ce projet de loi, l'Office national de
l'énergie pourrait empêcher le Québec de signer des
contrats de vente d'électricité très lucratifs avec les
États-Unis, par exemple, et, en plus, nous forcer à modifier ou
à résilier des contrats de vente que nous avons
déjà signés avec nos voisins du sud, sous le simple
prétexte que - je reprends ma citation - "la nécessité
publique le requiert". Ce sont des termes vagues qui vont permettre n'importe
quel arbitraire, M. le Président. Le texte du projet de loi C-108 aurait
pu dire que la décision se prendrait selon l'humeur du moment des
commissaires que cela n'aurait certainement pas été pire.
Mais est-ce que le ministre Lalonde réalise les
conséquences qu'un tel texte aura sur nos relations commerciales avec
les Américains qui constituent quand même, pour nous, les
principaux marchés d'emprunt et d'exportation, non seulement pour
l'électricité, mais pour plusieurs autres produits? Avec une
réglementation comme celle-là, les Américains n'auraient
jamais signé de contrat avec Bombardier pour l'achat de voitures pour le
métro de New York. Jamais! Quand ils ont signé avec Bombardier,
ils voulaient s'assurer d'avoir les 825 voitures dans un temps
déterminé et ils n'auraient jamais signé ce contrat si le
fédéral avait pu modifier le contrat par la suite, par une
réglementation.
Ce que cela veut dire en clair, c'est que le fédéral
pourra changer les conditions du contrat en cours d'exécution, comme il
l'a déjà fait dans le domaine pétrolier, d'ailleurs, avec
le résultat qu'il a perdu toute crédibilité auprès
des Américains.
Il faut comprendre que, dans un domaine comme celui de
l'aménagement de centrales hydroélectriques et de lignes de
transport, on joue avec des investissements de capitaux considérables et
que les décisions d'investir ne se prennent pas à la
légère et sans garantie à long terme. Quand on signe des
contrats qui impliquent des investissements de plusieurs milliards et des
possibilités de ventes de dizaines de milliards réparties sur une
décennie, on veut avoir des garanties que les termes du contrat vont
être respectés jusqu'au bout. Les Peckford, M. le
Président, ne vont pas loin dans ces ligues-là.
J'écoutais le ministre fédéral Marc Lalonde hier
soir, à la télévision, expliquer pourquoi, selon lui, ce
projet de loi devrait être adopté. Il disait, en substance, que
son
objectif est d'assurer la sécurité
énergétique du pays et qu'en somme il ne fait qu'appliquer aux
lignes de transport d'électricité les règles qui seraient
déjà appliquées pour la construction de pipelines, pour le
transport du gaz ou du pétrole. Cet argument ne résiste pas
très longtemps à l'analyse, M. le Président.
D'abord, aucune province du Canada, actuellement, ne souffre de
pénurie d'électricité. Jusqu'à maintenant, le
Québec et les autres provinces n'ont jamais eu besoin de l'intervention
du fédéral pour s'entendre à l'amiable sur
l'interconnexion de leurs réseaux de distribution électrique.
Plusieurs ententes existent dans ce domaine, dont certaines depuis fort
longtemps, avec l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, les États du Vermont et
de New York, et même avec Terre-Neuve.
Quant à l'argument de la similitude avec les pipelines, le moins
qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas très fort. Un pipeline, c'est
enfoui sous terre et, une fois qu'il est construit, on peut restituer les
terrains où il passe à leur vocation originale. Une ligne de
transport d'électricité, c'est autre chose. Cela constitue un
obstacle permanent et les terrains qu'elle traverse peuvent difficilement
être utilisés à d'autres fins.
Ce qui est curieux dans l'attitude du ministre fédéral
Marc Lalonde, c'est que si son objectif était réellement
d'assurer la sécurité d'approvisionnement du pays en
matière d'énergie électrique, c'est vers le Québec
qu'il se serait tourné, puisque nous avons un potentiel
hydroélectrique de 15 000 à 20 000 mégawatts qui pourrait
être aménagé à des coûts de beaucoup
inférieurs aux coûts d'aménagement du Bas-Churchill
à Terre-Neuve que le ministre semble vouloir favoriser.
En fait, l'argumentation du ministre donne l'impression qu'il a d'autres
raisons mais qu'il préfère ne pas en parler. Est-ce que ce
serait, par exemple, qu'il a une dette envers M. Peckford pour son attitude
à l'occasion du rapatriement de la constitution? Est-ce que ce serait
que M. Lalonde, voulant s'approprier une partie des ressources de
pétrole et de gaz du littoral terre-neuvien au nom du gouvernement
fédéral, voudrait, en retour, donner une compensation à M.
Peckford? Est-ce que ce serait que M. Lalonde veut favoriser la Lower Churchill
Development Corporation dont le fédéral détient 49% du
capital-actions? 11 y a investi 200 000 000 $ en utilisant, entre autres, une
partie de nos taxes, et Terre-Neuve détient les autres 51%.
Si c'était ça, M. le Président - pour ma part, j'ai
de bonnes raisons de croire que c'est ça - ça nous rappellerait
un peu la situation qu'on a vécue à l'occasion du jugement du
Conseil privé de Londres sur la frontière du Labrador où
deux des trois juges avaient des intérêts économiques sur
le développement des richesses naturelles du territoire qui était
convoité à la fois par le Québec et par le Labrador. C'est
ce jugement-là que les gens de l'Opposition voudraient que nous
respections? Vraiment, ils sont descendus très bas.
Devant la menace que fait peser sur le Québec le projet de loi
fédéral qui constitue, à mes yeux, une véritable
tentative de hold-up légal contre le Québec, on aurait pu
s'attendre, pour une fois, que l'Opposition mette de côté sa
petite politique partisane stérile à laquelle elle nous a
habitués depuis un an, et qu'elle se joigne à nous pour
dénoncer cette nouvelle tentative d'ingérence
fédérale dans les affaires du Québec. Mais non!
L'Opposition continue de se défiler lorsque les intérêts du
Québec sont menacés par le fédéral.
Cette fois-ci, les députés de l'Opposition ont
trouvé une nouvelle astuce: ils vont s'abstenir. Oh! ils parlent en
faveur des éléments de la motion, dans certains de leurs
discours, mais ils vont s'abstenir lorsque viendra le temps de compter ceux et
celles qui se tiennent debout. Le leader de l'Opposition et
député de Bonaventure, qui nous avait pourtant habitués
à plus de rigueur à l'occasion des débats dans cette
Chambre, a même déclaré: "que ce sera une abstention -
ça va venir - voulue, lucide, antisouverainiste et antipéquiste."
Moi, M. le Président, je dis que ce sera également une abstention
antiquébécoise parce qu'elle a pour résultat de miner la
position du Québec dans cette affaire qui, compte tenu de l'attaque
fédérale que nous subissons, devrait être sans faille.
Mais, dans le fond, nous savons que c'est ça qu'une bonne partie de
l'Opposition veut faire: livrer le Québec, pieds et poings liés,
au fédéral, pour en finir une fois pour toutes avec cette
drôle de race de monde qui a la prétention d'être assez
grande et d'avoir assez de maturité pour mener ses affaires toute
seule.
Quand on examine les impacts du projet de loi C-108 - et je ne comprends
pas qu'une personne aussi informée que le député
d'Outremont puisse qualifier ça de farfelu -on constate qu'il
crée des conditions qui retardent une entente négociée
entre Québec et Terre-Neuve. C'est pourtant la seule façon qui
permettrait de régler ce contentieux, et c'est la seule façon qui
va permettre de le régler, au bout de la ligne. (17 h 20)
On constate également que cela pourrait coûter 500 000 000
$ aux consommateurs québécois pour remplacer l'énergie de
Churchill Falls par de nouveaux aménagements. On constate, finalement,
que les contrats d'exportation d'Hydro-Québec à Hydro-Ontario et
aux États-Unis, qui devraient nous rapporter quelque chose comme 16 000
000 000 $ en dix ans,
pourraient être annulés par l'Office national de
l'énergie d'un coup sec en évoquant la commodité et la
nécessité publiques. Est-ce que quelqu'un sait ce que veulent
dire la commodité et la nécessité publiques? S'il y en a
qui le savent, j'aimerais qu'ils me le disent, en particulier, des membres de
l'Opposition.
Enfin, dans le contexte économique actuel, cela va provoquer -
parce qu'Hydro-Québec n'ira pas bâtir des barrages pour vendre de
l'énergie aux Américains alors que, deux ans plus tard, le
fédéral pourrait dire: Non, cela ne fonctionne plus - une baisse
importante du nombre d'emplois pour les travailleurs de la construction sur nos
chantiers de construction. C'est cela, la conséquence du projet de loi
C-108 du gouvernement fédéral. Et le député
d'Outremont qualifiait cela de farfelu!
Le projet de loi C-108, que le ministre fédéral Marc
Lalonde tente de faire passer à tout prix, est un projet de loi
pernicieux et antiquébécois. Je le répète, il
constitue une véritable tentative de hold-up sur la principale richesse
énergétique du Québec. J'estime, pour ma part, que
l'ingérence du fédéral dans les affaires du Québec
a, depuis longtemps, dépassé les limites du tolérable. Il
est grand temps que la population du Québec le fasse savoir au ministre
Marc Lalonde et à ses acolytes du gouvernement fédéral et
leurs cousins de l'Assemblée nationale.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: En effet, peut-être qu'on aurait dû faire
savoir au ministre Marc Lalonde les objections que nous avions au bill omnibus
qu'il a présenté le 16 juin dernier. C'est, en fait, le 16 juin
dernier que le projet de loi a été présenté
à la Chambre des communes. Qu'est-ce qu'on a attendu? Pourquoi le
député de Vimont, par exemple, qui est un expert en la
matière, et le ministre de l'Énergie et des Ressources, ont-ils
attendu depuis le 16 juin 1981 jusqu'au 20 mai 1982 pour soumettre les
arguments qu'ils nous soumettent aujourd'hui, presque un an après? Si
ces arguments étaient si valables le 16 juin 1981, quand le projet de
loi a été déposé, pourquoi n'a-t-on pas entendu en
Chambre, depuis une année qu'on siège, tous ces arguments se
refléter? Qu'est-ce qui a empêché le ministre de
l'Énergie et des Ressources, pendant ces onze mois que nous avons
passés depuis le dépôt de ce projet de loi omnibus, de se
mettre en communication avec son homologue fédéral et de lui
faire les objections que présente aujourd'hui le député de
Vimont, que présente le ministre dans sa motion? Faut-il attendre onze
mois pour faire valoir des objections qui étaient tout aussi valables au
départ?
Le député de Vimont dit: On ne pouvait pas le faire avant
la seconde lecture, c'est à ce moment-là qu'on étudie
article par article. Peut-être devrait-il savoir qu'une fois la
deuxième lecture enchaînée, on ne peut plus changer le
principe même du projet de loi. S'il y avait tellement d'objections
valables au départ, les objections qui sont valables aujourd'hui
n'étaient-elles pas aussi valables le 16 juin dernier, quand ce projet
de loi omnibus a été déposé? C'est la question
fondamentale que nous avons essayé d'expliquer par notre refus
symbolique d'appuyer cette motion qui est une façon tout à fait
factice de faire ce que le député appelait de la petite politique
partisane sur un sujet où le Québec aurait dû être
beaucoup plus présent durant tous ces mois d'inaction alors que le
ministre ou ses experts auraient pu très facilement rencontrer leurs
homologues pour présenter les objections du Québec,
d'Hydro-Québec et de toutes les parties intéressées dans
ce dossier au Québec.
En effet, il y a sûrement beaucoup de ministres, depuis juin 1981,
qui ont eu des occasions, soit le ministre de l'Énergie lui-même,
le ministre des Communications, comme il le disait aujourd'hui, soit le
ministre de l'Environnement qui nous a dit durant des commissions
parlementaires qu'il avait rencontré son homologue, lors de
conférences interprovinciales et fédérales, depuis presque
un an de faire les objections qu'on essaie de faire aujourd'hui par une motion
à retardement. Une motion qui ne se présente même pas avant
la première lecture, mais après la première lecture et
après la deuxième lecture. Et qu'est-ce que cette motion va venir
faire maintenant? Le ministre des Transports, qui lui-même dans l'article
disait avoir rencontré son homologue du ministère
fédéral des Transports, récemment, nous raconte, par
exemple, que ce projet de loi va faire perdre à Hydro-Québec
quelque chose comme 13 000 000 000 $ en potentiel d'électricité
d'exportation par le pouvoir qu'aura le gouvernement fédéral de
révoquer les licences d'exportation.
Ce qu'il fallait faire dès le début, c'était
demander au gouvernement fédéral de revoir toute cette question.
Mais c'est étonnant de lire que dans le mémoire
d'Hydro-Québec sur le projet C-108, les objections ne sont pas du tout
de la même nature que le ministre des Transports voulait nous le faire
croire. Hydro-Québec, elle, croit qu'elle a beaucoup de réserves,
point de vue que nous partageons. Elle ne pense pas pour autant que le
gouvernement fédéral va s'opposer d'une façon si
draconienne, que le fédéral va stopper les exportations du
Québec à l'étranger pour 13 000 000 000 $. C'est porter
l'argument à son point le plus
ridicule. Enfin, je voudrais citer le mémoire
d'Hydro-Québec: "Aussi nous soumettons respectueusement qu'il y aurait
effectivement avantage à ce que les termes actuels du paragraphe 84.1 de
la loi soient maintenus. Ils sont connus et ont été
évalués par nos clients." C'est une position raisonnable
exprimée d'une façon logique qui, je suis sûr, trouvera des
interlocuteurs sympathiques, que nous aurions dû apporter devant les
interlocuteurs fédéraux depuis, en effet, juin 1981.
Qu'est-ce qu'on a fait depuis juin 1981? A-t-on agi de quelque
façon que ce soit? A-t-on rencontré les gens du
fédéral? A-t-on négocié, a-t-on discuté? Le
ministre a tous les pouvoirs de le faire. Il ne l'a pas fait. Aujourd'hui, il
veut nous embarquer dans ce petit stratagème. Le ministre de
l'Environnement disait hier que c'est une atteinte à l'environnement du
Québec. Pourtant, il a eu lui aussi toute la chance durant ses
rencontres fédérale-provinciales de discuter du sujet avec ses
homologues, de faire le point sur l'environnement. Le ministre de l'Agriculture
nous a dit qu'il avait rencontré son homologue du fédéral.
Pourquoi n'a-t-il pas discuté avant aujourd'hui, avant hier de cette
question fondamentale? On nous traite comme si le Québec s'était
déjà séparé. C'est ironique que pour la question
des pipelines, pour la question du gazoduc, pour la question des chemins de
fer, on dise: Non, ce n'est pas la même chose. On peut les retirer. C'est
beaucoup plus difficile qu'une ligne de pylônes
hydroélectriques.
Qu'est-ce qui arrive des chemins de fer, des lignes de chemins de fer?
Est-ce qu'on peut les retirer d'un jour à l'autre? À cela, on ne
s'oppose pas quand c'est à notre avantage, pour nos
intérêts spécifiques. Pour la question du gazoduc, on dit:
Oui, c'est d'accord. Quand il s'agit de lignes hydroélectriques, on
s'agite parce que là on veut faire de la politique émotionnelle.
On veut émouvoir les esprits. On veut leur faire oublier tout ce qui se
passe aujourd'hui au Québec. On veut faire de la petite politique,
justement de la politique partisane dont parlait le député. On
s'y oppose nous, on va s'abstenir. On dit que s'abstenir, c'est tellement
ridicule et loufoque. On a parlé de Judas, de Ponce Pilate. On a fait
chanter Félix Leclerc. Seulement, moi, je dirai aux deux
députés qui ont parlé avec tellement de ridicule de
l'abstention que peut-être ils devraient vérifier avec leurs
collègues qui, l'autre jour, votaient - quelques-uns - contre la loi 46
avec beaucoup d'éclat, ce qu'ils ont fait ensuite. Quand ils sont
arrivés en commission parlementaire, quand il s'est agi de gagner le
même principe, qu'ont-ils fait? Ils se sont abstenus. Sur la question
où ils pouvaient voter pour l'île de Montréal après
avoir voté ici contre en deuxième lecture, qu'ont-ils fait? Ils
se sont abstenus. (17 h 30)
M. Chevrette: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Joliette et whip du
gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, vous savez pertinemment -
on ne peut pas laisser dire des faussetés dans cette Chambre
-qu'après avoir adopté en deuxième lecture les principes,
une commission parlementaire ne peut plus changer aucun principe. Le
député de Nelligan devrait savoir cela.
M. Ciaccia: Sur la même question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la même
question de règlement, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'étais présent en commission
parlementaire. On n'avait pas mis en doute le principe, mais on avait
voté sur le même article. Effectivement, les deux
députés ministériels se sont abstenus sur un amendement
qui avait été jugé recevable pour donner les pouvoirs
à la ville de Montréal. Ces deux députés se sont
abstenus. Le député de Nelligan a dit la vérité, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Rochefort: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Je suis directement concerné par cette
question, parce que je suis l'un des deux députés
ministériels dont parle le député de Mont-Royal. Je tiens
à rappeler, M. le Président, que la proposition du
député de Mont-Royal - qui n'était pas la sienne, qui
était d'ailleurs celle du chef de l'Opposition - ne satisfaisait pas les
intérêts vitaux de Montréal dans le débat de la
communauté urbaine, mais parce qu'elle allait plus dans le sens de
l'Opposition, tout en n'étant pas complètement satisfaisante pour
l'Opposition, nous n'avons pas voulu voter contre, mais nous nous sommes
abstenus. D'autre part, M. le Président, les députés
péquistes de Montréal, eux, ont voté contre en Chambre et
ils étaient tous présents en commission parlementaire, ce qui
n'est le cas d'aucun député du Parti libéral dans ce
dossier.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas laisser passer
sans commentaires les accusations du député de Gouin.
M. Grégoire: M. le Président, je me demande si on a
le droit, tant que la commission parlementaire n'a pas encore remis son
rapport, de discuter des travaux de cette commission à
l'Assemblée nationale. Je crois que c'est contre tous les
règlements qui nous régissent ici.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! J'ai entendu les questions de règlement et de
privilège. Maintenant, la parole est au député de
Nelligan.
M. Lincoln: Oui, justement. Le député de Gouin a
vraiment placé très bien l'argument que nous donnons tout le
temps. Il a dit: On s'est abstenus parce que nous pensions que c'était
contraire aux intérêts de Montréal, que la question
n'était pas bien posée. C'est exactement la même raison
pour laquelle nous nous abstenons ici nous-mêmes, parce que nous pensons
que cette motion ne fait rien de positif dans le dossier. Elle évite
toute la question des négociations. Elle amène un esprit de
confrontation et d'émotivité là où il faudrait de
la concertation. C'est pour la même raison. Je citais en exemple les deux
députés qui ont dit que s'abstenir était ridicule et
loufoque, qui ont parlé de Judas et de Ponce Pilate. Moi je dis: Dans le
parti ministériel, quand ils s'abstiennent, est-ce ridicule et loufoque?
Je suis content que le député de Gouin ait fait le point et dit
que ce n'est pas du tout cela. Il s'abstenait pour une question de principe,
parce qu'il pensait que c'était la chose raisonnable à faire.
C'est ce que je veux dire. Nous nous abstenons parce que nous voulons montrer
que cette motion ne sert en rien les intérêts du Québec,
que cette motion est une motion de politique partisane, que si vraiment il y a
avait eu un intérêt du côté du gouvernement d'aller
négocier et d'aller se battre sur les questions de principe dont a
parlé le député de Vimont, ils avaient, depuis le 16 juin
1981, le temps de le faire et ils ne l'ont pas fait. C'est exactement la raison
pour laquelle nous nous abstenons symboliquement. C'est pour montrer que cette
motion est factice.
C'est aussi pour montrer que pendant qu'on parle de ces petites motions
factices, pour montrer que pendant qu'on cite Ponce Pilate et Judas, qu'on dit
qu'il est ridicule et loufoque de s'abstenir et qu'on fait chanter Félix
Leclerc, il arrive ceci: On remet le budget, la question la plus importante de
toute l'année du Parlement, à une date in extremis. On
présente pour la première fois dans l'histoire du Québec
deux budgets en une année. Pour la première fois dans l'histoire
du Québec, on arrive à des taux de chômage presque record,
400 000 chômeurs, dont 40% sont des jeunes sans emploi. Pour la
première fois dans l'histoire du Québec, on arrivera à des
déficits records de 4 000 000 00 $ bientôt. Pour la
première fois dans l'histoire du Québec, on perd des emplois
comme jamais avant. C'est ce dont il faudrait venir parler au lieu de perdre
notre temps avec ces petites motions factices de petite politique.
En fait, c'est assez ironique, même comique, pendant que nous, on
vient discuter de toute la question de la motion Duhaime, qui est d'un an en
retard, que, aujourd'hui même, dans le seul numéro de l'Argus, sur
deux pages, le vice-premier ministre et ministre des Affaires
intergouvernementales nous dise quelle chance il a eue, combien nos maisons du
Québec font pour les exportations.
Or, ce même jour, on annonce dans la Presse que l'Ontario
supplante le Québec comme principal fournisseur canadien de la France.
En 1979, nos exportations du Québec vers la France, un pays avec lequel
on partage la culture et la langue, excédaient celles de l'Ontario de 73
000 000 $. En 1980, c'est descendu à 30 000 000 $; en 1982, l'Ontario
nous a dépassés à un tel point qu'on vend pour 266 000 000
$ aux Français, tandis que l'Ontario leur vend maintenant pour 348 000
000 $.
C'est Statistique Québec qui le dit. Dans une année, 82
000 000 $ en plus; l'Ontario nous dépasse pendant qu'on fait des motions
ridicules. Dans une autre page, on lit que le Québec a perdu 100 000
emplois dans le secteur manufacturier depuis août 1981. À la page
d'à côté, 6000 PME du Québec sont menacées de
faillite d'ici un an. C'est sur cela qu'il faudrait venir se pencher et faire
des motions ici. C'est pourquoi il faudrait se demander ce qu'on fait justement
avec tout cet investissement qu'on perd à l'étranger, et
même en France, où on ne peut vendre autant que l'Ontario.
Depuis le gouvernement du Parti québécois, nos
exportations en France, à comparer à celles de l'Ontario, ont
diminué de façon draconienne, jusqu'à aujourd'hui, alors
qu'il y a un renversement en notre défaveur de 82 000 000 $ en un an.
C'est de cela qu'il faudrait venir discuter ici, au lieu de parler de motions.
Je crois que c'est cela que le député de Saint-Jacques, qui se
réjouissait d'avoir gagné l'élection, devrait dire au lieu
de dire: Vous n'aurez plus rien à faire.
Depuis ce temps, le peuple commence à réaliser qu'il a
fait une faute. Dans Louis-Hébert, les électeurs ont
réalisé ce qui arrivait, ils nous ont dit qu'ils n'étaient
pas
satisfaits de la situation, pas satisfaits du chômage, pas
satisfaits de la perte d'emplois, pas satisfaits des deux budgets de M.
Parizeau, pas satisfaits des taxes indirectes, pas satisfaits du fait qu'il
cherche encore à cacher des choses en repoussant le budget in extremis,
avec un déficit de 4 000 000 000 $ cette année. Les gens ne sont
pas satisfaits.
En fait, au lieu de venir faire des motions sur Hydro-Québec, on
devrait penser à ce que le gouvernement a fait depuis cinq ans sur les
questions économiques et fiscales. C'est le gouvernement de la
banqueroute fiscale, des déficits records, le gouvernement de la
banqueroute économique, le gouvernement de la banqueroute politique, le
gouvernement de la confrontation, le gouvernement de la banqueroute sociale,
qui a mis les allophones, les anglophones et les francophones en bagarre tous
les jours. C'est à cela qu'il faut penser. Il faudrait penser à
toute cette confrontation que ce gouvernement a provoquée au lieu de
faire de la coopération et de la concertation. C'est le gouvernement de
la diversion, plutôt que de la réalité. Il fait des petites
diversions avec des motions. Il a présenté six motions en un an
et demi pour nous faire oublier que le nombre de chômeurs augmente tous
les jours, que des emplois se perdent tous les jours, que même les
exportations diminuent en France, pendant qu'on reçoit le premier
ministre Mauroy à coup de drapeaux et de petites chansons à
l'aéroport "Mon cher Pierre, c'est bon de te voir, avec grand
amour."
Pendant ce temps, l'Ontario vend plus que nous à la France et y
dépasse nos exportations. C'est cela qu'on devrait essayer de faire,
faire peut-être moins de petits drapeaux, faire moins de gloriole
politique, faire moins de petites motions de diversion et s'occuper de
l'économie, parce que, sans économie, ce pays ne peut pas vivre,
que ce soit le Québec, que ce soit le Canada. On peut dire que c'est la
faute du fédéral, on peut dire que c'est la faute des taux
d'intérêt, mais, à un moment donné, les gens vont se
demander ce que le gouvernement du Québec fait pour leur redonner des
emplois, pour réduire le taux de chômage et pour redonner un coup
à l'économie.
C'est pourquoi nous allons nous abstenir, comme le député
de Gouin s'est abstenu, pour de bonnes raisons. On va s'abstenir avec
fierté dans cette affaire, parce que cette motion est une motion de
diversion qui n'arrange rien à toute l'affaire. Si elle devait se faire,
si elle était valable, elle aurait dû se faire en juin 1981, en
juillet 1981 ou en septembre 1981, pas en mai 1982. Nous sommes contre ce
projet de motions continuelles. Nous allons nous abstenir. S'il faut pour cela
être traités de ridicules, loufoques, Judas et tout le reste,
qu'on le soit, et on va l'être sans aucune question de timidité,
sans aucune crainte d'être embarrassés. Merci. (17 h 40)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du
gouvernement et député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, vous allez me permettre, au
départ, de faire au moins certaines remarques relativement au dernier
intervenant. Le dernier intervenant nous dit que depuis le dépôt
de cette loi fédérale sur l'énergie, personne n'a
réagi. Avec tout le respect que je dois au député de
Nelligan, ou bien il ne vit pas dans cette Chambre, ou bien il ne lit pas les
journaux, ou bien il ne s'informe pas. Au lieu de poser des questions stupides,
de gonfler des ballounes régulièrement, il serait peut-être
mieux de poser des questions concrètes et de regarder
l'échéancier.
C'est le 22 juin 1981 que l'avant-projet de loi sur la
sécurité énergétique a été
déposé à Ottawa. Dès le 25, après en avoir
pris connaissance d'une façon sérieuse, le premier ministre du
Québec prenait position ainsi que le ministre de l'Énergie et des
Ressources du Québec. Également, à plusieurs reprises, M.
Duhaime a tenu des conférences de presse, a échangé de la
correspondance avec Marc Lalonde tout au cours du mois de juillet. Depuis un
mois, le ministre de l'Énergie et des Ressources court après Marc
Lalonde pour avoir des rencontres et c'est remis de jour en jour, de semaine en
semaine. Ils devaient se rencontrer cette semaine, c'est encore remis. Ne dites
pas qu'on n'a pas essayé de faire des démarches pour tenter de
rencontrer les homologues fédéraux, loin de là, ils ne
veulent pas nous voir, ils ont pris partie, leur lit est fait, ils sont
décidés.
M. le Président, au-delà de tout ça, c'est
étonnant, ce qu'on a entendu dans cette Chambre. Le critique officiel de
l'Opposition, le député d'Outremont, nous dit: C'est quelque
chose qui n'est pas faisable, cette loi-là, arrêtons donc de nous
en faire. Ce cher député spécialisé devrait au
moins savoir qu'il existe une étude de faisabilité qui a
été faite par la compagnie Bechtel, qui parle exactement de trois
possibilités, de trois possibilités de corridor. Cela a
été fait pour le compte de la province de Terre-Neuve. Il me
semble qu'un spécialiste comme lui, un critique officiel, devrait au
moins savoir que la faisabilité est déjà établie
par une firme spécialisée.
Encore là, si ce n'était pas faisable, pourquoi le
fédéral déposerait-il le projet de loi no C-108? Si
c'était une chose qui ne se faisait pas, pourquoi le
fédéral aurait-il déposé à la Chambre des
communes un projet de loi qui vient interférer directement
sur l'intégrité de notre territoire? Le
député de Vimont disait tantôt: Serait-ce parce qu'on veut
payer une dette au premier ministre Peckford? Je pense que c'est justement
ça, c'est le résultat de la grande nuit, où chacun a eu
son suçon. Le suçon de M. Peckford, c'est le projet de loi no
C-108, ce projet de loi no C-108 qui va coûter des milliers et des
milliards de dollars aux Québécois. Si on se situe à
l'année 2041, il y a une perte possible de 30 000 000 000 $ pour les
Québécois si ce projet de loi était adopté et si on
le réalisait, on pourrait exproprier.
Au moment où on nous dit qu'on ne parle pas d'économie,
c'est justement un projet de loi qui risque de compromettre l'économie
du Québec. C'est le principal levier, le levier primordial de
l'économie du Québec, notre réseau
énergétique, et on dit qu'on ne parle pas d'économie.
Pourquoi a-ton cette motion? On sait très bien que la population du
Québec, que ce soient des libéraux, des unionistes ou des
péquistes, les électeurs du Québec, les citoyens du
Québec ne veulent pas qu'on empiète sur leur territoire.
Dites-vous cela, vous de l'Opposition.
Au moment où il y a un projet de loi déposé
à la Chambre des communes, je pense qu'il est normal qu'ici, à
l'Assemblée nationale du Québec, les représentants
élus du Québec, qui ont le devoir de faire savoir aux
représentants du fédéral leur position, disent: Non, on ne
veut pas que vous portiez atteinte à l'intégrité de notre
territoire. Normalement, ce serait un voeu de tout élu
québécois. Au moment même, M. le Président,
où on a un surplus, au moment même où notre réseau
pourrait nous porter profit, réseau qui a été
réalisé avec les compétences exclusives du Québec,
exclusivement avec l'argent des Québécois, sans être de
l'extérieur, un gouvernement qui se dit d'un palier supérieur
veut intervenir directement sur notre réseau qui comporte le levier
économique principal de notre coin de terre, de notre pays, et je vais
me permettre de le dire: notre pays, à part cela.
Je ne parlerai pas sur le fond parce que mes confrères l'ont
développé passablement, mais je ne comprends pas qu'en cette
Chambre, on puisse être d'accord, qui que ce soit, de quelque
côté que ce soit, de quelque circonscription électorale que
ce soit, avec un tel projet de loi à Ottawa. Il est temps que cette
Chambre fasse savoir au fédéral qu'on ne veut pas, et à
tout jamais, entendre parler d'une expropriation sur notre territoire sans
notre consentement, sans une négociation, sans qu'il y ait une solution
négociée. Je pense que l'Assemblée nationale se doit de
faire savoir aux fédéraux qu'on ne le prend pas. On ne peut pas
accepter, comme élus québécois, qu'on vienne porter
atteinte directement à notre législation, soit la Loi sur la
protection du territoire agricole et la Loi sur la qualité de
l'environnement.
On sait très bien que nos concitoyens peuvent, actuellement, se
regrouper, présenter des mémoires devant des commissions, faire
entendre leur point de vue et bloquer même des tracés
d'Hydro-Québec. Là, un palier de gouvernement complètement
de l'extérieur viendrait passer outre à toutes ces lois,
imposerait des corridors, pourrait complètement dévisager - vous
me permettrez l'expression - nos sites touristiques, se "fouterait" de nos
territoires agricoles, désorganiserait des régions
complètes. Cela n'est pas grave, c'est pour faire plaisir à
Terre-Neuve au détriment du Québec. Je ne crois pas qu'il y ait
un seul élu du Québec qui ait le droit seulement de
concéder ce fait. Il n'a même pas le droit de ne pas dire qu'il
n'est pas d'accord avec ce fait.
Pourtant, depuis le début des exposés, le premier
exposé du PLQ qui a été fait par le leader de l'Opposition
- PLQ, c'est Parti libéral du Québec, M. le Président - a
été pour dire: Non, on ne votera ni pour; on ne votera ni contre;
on va s'abstenir. Imaginez-vous! On va s'abstenir de voter pour un projet de
loi qui va empiéter sur l'intégrité du territoire
québécois. Pourquoi va-t-on s'abstenir? Parce qu'on n'est pas
d'accord avec ces péquistes. Ils doivent avoir un but non avoué.
Le but très avoué qu'on a, c'est qu'on ne veut pas que qui que ce
soit empiète chez nous et, si jamais on devait passer, on devrait le
faire avec notre permission et à certaines conditions qu'on posera.
C'est clair et net. On ne donne pas d'avance des coins de terre comme votre
chef l'a fait ce matin. Donner le Labrador et après ça on
discutera. Imaginez-vous si c'est brillant. Ne pas garder des outils de
négociation dans ses poches. Et ça veut gouverner le
Québec!
Je vous comprends cependant, messieurs de l'Opposition, et je suis un
peu en désaccord avec mon confrère de Lac-Saint-Jean
là-dessus. À force de parler avec eux et de les entendre parler,
je pense comprendre pourquoi ils sont obligés de s'abstenir. Ils sont
obligés de s'abstenir parce que certains sont contre, d'autres sont
pour. Leur chef parle pour, mais il dit: Ouais! II fait sa grimace en voulant
dire: Je ne suis pas capable de rallier mes ouailles. Je ne suis pas capable
d'en arriver à un consensus. Le seul consensus que je peux
dégager, s'il fallait qu'on doive voter là-dessus, ce serait 50%
pour et 50% contre. Donc, on est mieux de dire: On s'abstient, et ça va
faire plaisir à tout le monde.
Durant ce temps-là, par exemple, les intérêts des
Québécois et des Québécoises vont où? Le
voeu de l'Assemblée nationale
du Québec, des 122 élus... On cherche à diminuer le
Québec pour des intérêts internes de caucus. On ne veut
plus avoir le chef qu'on a là. Changez-le au plus sacrant pour donner
votre idée sur les problèmes québécois, mais
n'essayez pas cependant de camoufler votre désaccord par des positions
d'abstention.
L'abstention a deux synonymes sur un tel projet de loi: Ou bien c'est de
l'hypocrisie ou bien de la lâcheté. Et dans votre cas, je crois
que c'est les deux. L'hypocrisie en ce sens que vous êtes voués
à vos grands frères et que vous avez peur de leur
déplaire. La lâcheté parce qu'il y en a qui sont
carrément pour le projet de loi C-108 et qu'ils n'ont pas le courage de
se lever et de le dire. (17 h 50)
À mon sens, devant un tel projet de loi, tout
Québécois élu pour représenter les
Québécois doit d'abord se défendre ici dans notre propre
enceinte. On doit être capable de dire à l'ensemble du Canada: On
a un territoire et pour nous c'est sacré et personne ne va
empiéter sur notre territoire.
Je vois le député de Berthier se lever dans son
comté, si jamais le corridor devait passer là, pour expliquer
avec beaucoup de verve à ses électeurs qu'il a cru bon de
s'abstenir à l'époque parce qu'il ne savait pas qu'il passerait
là, mais c'étaient les péquistes qui avaient
proposé ça. Voyons! Ce n'est pas une raison qui tient,
ça.
Dans le passé, autant Duplessis que Bourassa... Même que
Bourassa a été défendu par le vice-premier ministre
à la suite de la conférence de Victoria - le vice-premier
ministre pourrait vous parler de ça longtemps. Chaque fois que le
Québec a été menacé dans cette Chambre, il y a eu
une spontanéité. Tous les partis politiques se sont ligués
ensemble pour dire à Ottawa: Non, minute, c'est trop!
C'est arrivé dans le cas de Johnson, c'est arrivé dans le
cas de Lesage, c'est arrivé avec nous aussi quand on vous a
appuyés sur la câblodistribution. Un projet de loi voté
à l'unanimité. Je pourrais vous le sortir et vous le montrer.
Parce qu'on portait atteinte aux pouvoirs du Québec. Ce n'est pas
ça que vous faites. Là, vous vous retranchez. On s'abstient parce
qu'on va pouvoir tous se lever, donner l'image d'une équipe unanime. Une
équipe unanime, mais déchirée à l'intérieur,
qui n'a pas de leader naturel pour vous ramasser et dégager un consensus
majoritaire. On n'a plus d'Opposition, M. le Président. Des gens qui
renient leur propre devoir, des gens qui se retranchent derrière une
position de neutralité au moment où le Québec est en
danger sur son propre territoire, ce sont des peureux. Des gens qui fuient les
réalités, des gens qui craignent absolument de donner une image
de parti déchiré.
Ne vous en faites pas... on sait comment ça fonctionne. À
chaque caucus que vous avez, vous sortez de là avec un groupe qui se
tire sur la maison mère d'Ottawa et un autre groupe qui voudrait, tant
bien que mal, garder son chef qui dépérit à vue d'oeil.
Votre chef s'est prononcé hier pour sept points de la motion de M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources et puis il s'est rassis, bien
sûr, lié par le premier discours de son leader qui avait dit: On
va s'abstenir. Tout en la dénonçant avec beaucoup de vigueur - on
connaît sa force, du moins pour s'accrocher à son poste - avec
toute la vigueur qu'il a pu, il s'est levé pour dire qu'il était
d'accord avec la motion, mais qu'il était pris, bien sûr, pour
s'abstenir.
Même le député de Nelligan a failli faire un lapsus
à la fin de son exposé en disant: Nous allons voter contre...
Nous allons nous abstenir. Je ne sais pas comment ce sera transcrit dans le
journal des Débats. Peut-être qu'il essayait d'exprimer
sincèrement ce qu'il pensait.
M. de Belleval: Le député de Mont-Royal a dit qu'il
aimerait mieux voter contre.
M. Chevrette: Le député de Mont-Royal, ça a
été pareil. Il était au point où il fallait
quasiment tout donner plutôt que de se séparer, si on suivait ses
comparaisons. C'est à ce genre de discours qu'on assiste depuis le
début de ce débat. Je considère comme tout à fait
indécente l'attitude des libéraux provinciaux et je demande
à tous les Québécois qui les écoutent de bien
comprendre leur geste. Ce sont des gens qui aspirent au pouvoir. Imaginez-vous!
Cela veut gouverner le Québec et ça n'est même pas capable
de se brancher entre eux pour adopter une position face à la
défense des intérêts du Québec! C'est grave, cela.
Ce n'est pas seulement une question de chef, c'est une question
d'équipe. Ce n'est plus une Opposition qu'on a devant nous, c'est une
équipe désincarnée qui cherche des moyens de sauver la
face, une équipe désintégrée. J'en dirais plus,
parce qu'on m'en souffle de meilleures, mais ce ne serait peut-être pas
parlementaire, M. le Président.
Je vous dirai, en terminant - je sais que chaque fois qu'on
dépasse l'heure d'une minute, c'est 1000 $ l'heure que ça
coûte à cette Assemblée - que l'hypocrisie, la
lâcheté, la peur, la division interne font que dans cette Chambre
nous aurons un parti qui votera pour cette motion et nous aurons une Opposition
- dite officielle de par notre règlement - qui n'aura pas osé,
comme on dit en bon québécois, mettre ses pantalons et prendre
une décision dans l'intérêt du Québec.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, il est 17 h 57 ou 17 h 58.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Polak: Je voudrais tout de même que les
députés ministériels bénéficient de mon
discours intégralement, je demanderais donc la suspension, le
consentement, à 20 heures.
M. Fréchette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.
M. Fréchette: ... j'allais justement me lever à ce
propos. Je vous invite à constater qu'il est 18 heures ou bien, alors,
le député commence et il accepte de couper son intervention en
deux. Je pense qu'on pourrait constater qu'il est 18 heures et le
député reprendra à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion
d'ajournement est-elle adoptée? Nos travaux sont suspendus
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
(Reprise de la séance à 20 h 03)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Vous pouvez vous asseoir.
Un instant! Je dois d'abord annoncer que nous devons reprendre le
débat, mais avant, je vais demander au leader adjoint du gouvernement de
m'indiquer où on en est rendu.
M. Fréchette: M. le Président, on en est toujours
à l'article 1 des affaires du jour.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va. M. le
député de Louis-Hébert, vous avez...
M. Doyon: M. le Président, ce que je désire
soulever à ce moment-ci, c'est une question de privilège sur ce
que furent les dernières paroles ou à peu près les
dernières paroles du dernier intervenant du côté
ministériel, M. Chevrette, qui, juste avant que vous suspendiez le
débat...
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président.
M. Doyon: Un instant! C'est une question de privilège.
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant! M. le
député de Bourassa, je sais, mais, pour le moment, j'ai une
question de privilège devant moi de la part du député de
Louis-Hébert. Pour statuer s'il s'agit bien d'une question de
privilège, il faudrait d'abord que je l'entende. Allez, M. le
député de Bourassa, je vais vous entendre sur une question de
règlement.
M. Laplante: Oui, M. le Président. Le député
de Jean-Talon n'est pas encore familier avec les règlements de
l'Assemblée nationale. On ne nomme pas un député par son
nom de famille dans cette Assemblée, mais par le nom de son
comté.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
D'accord. M. le député de Louis-Hébert, je vous
rappelle simplement qu'on doit appeler la personne par son nom de comté.
En dépit de cela, M. le député, vous avez la parole.
M. Doyon: En m'excusant, je désire souligner au
député de Bourassa que je suis le député du
comté de Jean-Talon et non du...
Des voix: Ah! Ah!
M. Doyon: ... du comté de Louis-Hébert et non du
comté de Jean-Talon.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Doyon: Cela va éclaircir les choses. Sur la question de
privilège, M. le Président, ce que je veux souligner, c'est
qu'immédiatement avant que la Chambre ne suspende ses travaux, le
député de Joliette a tenu des propos qui - je vous le dis
respectueusement - ne sont pas parlementaires. Il a, alors que j'étais
ici et en désignant les membres de l'Opposition dont je fais partie,
affirmé que les membres de cette partie de la Chambre étaient des
hypocrites et des lâches, M. le Président. Je vois qu'il y en a
d'autres - je le déplore, M. le Président, et vous serez
appelé à statuer là-dessus - qui approuvent, de l'autre
côté de la Chambre...
M. Chevrette: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, encore une fois, question de règlement de la part
du whip du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais
répéter les paroles que j'ai dites et
vous jugerez si sa question de privilège était
justifiée. J'ai dit qu'un groupe d'individus qui composent une
équipe et qui décident de ne pas se prononcer sur un sujet aussi
important faisaient preuve de lâcheté. S'il dit que j'ai dit
qu'ils étaient des lâches, c'est parce qu'il a déduit qu'il
faisait partie de cette équipe qui n'osait pas se prononcer.
Une voix: C'est cela.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, s'il vous plaît!
M. le député de Louis-Hébert, sur votre question de
privilège.
M. Doyon: M. le Président, pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté sur ce qui s'est dit dans cette Chambre, j'ai pris la
peine d'aller chercher le texte des débats qui ont été
transcrits tout à l'heure. Je vous soumets ce qui a été
dit ici - je vais vous le lire textuellement, vous serez à même de
juger non d'après ce dont quelqu'un se souvient, mais d'après ce
qui a été dit - par le député de Joliette:
"L'abstention a deux synonymes sur un tel projet de loi: ou bien c'est de
l'hypocrisie ou bien de la lâcheté. Et dans votre cas, je crois
que ce sont les deux. L'hypocrisie en ce sens que vous êtes voués
à vos grands frères et que vous avez peur de leur
déplaire. La lâcheté parce qu'il y en a qui sont
carrément pour le projet C-108 et qu'ils n'ont pas le courage de se
lever et de le dire." Ce sont ces paroles, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement de la part du député de Joliette, whip du
gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, si vous venez d'entendre le
mot à mot de ce que j'ai dit, à partir du mot à mot de ce
que j'ai dit, il me semble que vous pouvez immédiatement statuer. Si le
député veut faire un contrepoids, il a un droit de parole en
cette Chambre. J'espère qu'il n'aura pas l'hypocrisie ni la
lâcheté de ne pas dire carrément ce qu'il pense du bill
C-108.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: Très brièvement, sur la question de
règlement. Je ne sais pas si c'est la lourdeur des travaux
parlementaires de la semaine auxquels nous avons été
conviés, les déclarations qui ont été
formulées par le whip en chef du gouvernement en certaines occasions, au
moment où son collègue, le ministre de l'Éducation,
formulait des questions, mais je crois qu'il serait opportun que la question de
privilège qui est soulevée, à juste titre, je pense, par
le député de Louis-Hébert, celui- ci puisse la terminer.
À deux reprises, le whip en chef du gouvernement a soulevé une
question de règlement au beau milieu de son intervention. C'est le droit
le plus strict qu'il a en vertu de notre règlement. Que le
député termine sa question de privilège, que le
député de Joliette juge s'il doit ou non atténuer les
propos qu'il a tenus - de toute façon, il sera jugé sur les
propos qu'il a tenus - et on pourra continuer ensuite les débats avec le
député de Sainte-Anne. Cela termine ma question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole
au député de Sainte-Anne, je dois faire remarquer au
député de Louis-Hébert que jusqu'à maintenant,
malgré ce qu'on a pu dire des interventions - qui étaient des
questions de règlement, donc prévues par le règlement - du
député de Joliette, les propos qu'il a tenus font partie de ce
qu'on peut appeler des divergences d'opinions sur ce que peut être une
personne. Vous avez le droit, selon le règlement, d'utiliser 20 minutes
pour répondre à ce qu'a pu dire le député de
Joliette et, en conséquence, avec tout ce que j'ai entendu
jusqu'à maintenant, je ne considère pas que c'est une question de
privilège.
M. Doyon: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je viens de dire, M. le
député, que ce n'est pas une question de privilège.
M. le député de Sainte-Anne.
M. Doyon: Je regrette, M. le Président. De nouveau sur une
question de privilège.
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition, question de règlement. (20 h 10)
M. Pagé: Pouvez-vous nous confirmer, par la
décision que vous venez de prendre, que les termes "lâche" et
"hypocrite" sont des termes parlementaires?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je n'ai en aucune
façon à déterminer si ces mots sont parlementaires ou non.
Je ne me référerai d'aucune façon au fait que l'ancien
règlement parlait de certains mots qui, aujourd'hui, ne sont pas
considérés comme étant antiparlementaires. Ce que je dis,
c'est que, jusqu'à maintenant, je considère qu'il peut y avoir
divergence d'opinions de part et d'autre et, en conséquence, le moyen de
rectifier ce qu'une personne croit avoir entendu d'une autre personne, c'est
d'utiliser son droit de parole.
M. le député de Sainte-Anne.
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président. Je m'excuse, mais il faut régler cette question.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition.
Des voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, et de façon très sereine, je vous ai
demandé, dans un premier temps, si les termes "hypocrite" et
"lâche" étaient parlementaires. Vous jugez et vous décidez
que la question ne se pose pas. Je vais donc vous demander, M. le
Président, si vous voulez signifier, par la décision que vous
venez de rendre, que la présidence n'a pas, de son fauteuil, proprio
motu à juger si un député utilise des termes
parlementaires ou non.
Vous semblez nous indiquer, par la décision que vous venez de
rendre - c'est ce que je trouve un peu inquiétant, mais vous pourrez me
corriger - qu'un qualificatif utilisé dans un discours devient une
question d'opinion et que l'autre député, le député
qui est en désaccord, n'aura qu'à suivre et à
répliquer. S'il faut interpréter dans ce sens votre
décision, ça veut donc dire, et je le regrette, qu'il suffit pour
les députés des deux côtés de s'en lancer tant
qu'ils en veulent.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur votre question de
règlement, M. le whip de l'Opposition, je dois vous dire que j'ai eu
l'occasion, en plusieurs circonstances dans cette Assemblée, d'entendre
des gens qui, de part et d'autre, pouvaient donner des qualificatifs à
des actes posés. Ce ne sont en aucune façon des mots
antiparlementaires. Je dois vous dire que j'ai eu l'occasion de vivre ce que je
suis en train de vivre non pas à titre de président, mais
à titre de député, et je pense que le député
de Louis-Hébert a soulevé une question que je ne juge pas
être une question de privilège et il aura l'occasion d'intervenir
dans ce débat au moment où il le jugera opportun. En
conséquence, je demande au député de Sainte-Anne de
commencer son intervention.
Une voix: On n'a pas le droit... M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. J'étais
prêt à 20 heures. Après cet intermezzo de procédure,
je suis devenu un peu nerveux, mais vous allez m'excuser si je fais des
erreurs.
Vous savez, M. le Président, que je communique avec les gens de
mon comté régulièrement et, aujourd'hui, ils m'ont
appelé et m'ont dit: Maximilien, sur quel projet de loi vas-tu parler
cette semaine? J'ai dit: II n'y a pas de projet de loi. -Comment? Tu ne parles
pas sur un projet de loi? On te paie un bon salaire. Parle donc! J'ai dit: Non,
ce n'est pas un projet de loi; c'est une motion. - La motion de quoi? J'ai dit:
C'est une motion du ministre. - Quel ministre? - Le ministre de
l'Énergie et des Ressources. - Qu'est-ce que cela veut dire une motion?
Je vais vous l'expliquer. Écoutez ce soir, à 20 heures.
J'espère qu'ils sont encore ici à 20 h 13. C'est une motion du
ministre pour critiquer le gouvernement fédéral d'essayer
d'empiéter dans le domaine provincial. Ils m'ont répondu: Pas
possible, encore une autre motion! vous avez déjà discuté
sur quatre motions! Mais j'ai dit: C'est cela le problème.
Vous savez, M. le Président, il y a deux problèmes avec
cette motion. II y a d'abord un problème de forme et un problème
de fond. Sur le problème de forme, je suis contre la motion à
100%. Sur le problème de fond, je suis pour, en principe, et - c'est
là où on arrive à la conclusion, M. le Président -
et je vais expliquer pourquoi on s'abstient.
Une voix: On le sait.
M. Polak: Voici d'abord le problème de la forme.
Une voix: Tu peux t'asseoir tout de suite, on le sait.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Polak: M. le Président, le problème de la forme,
la raison de cette motion. Je suis arrivé lundi soir à
Québec, à 23 heures. Je suis allé à mon bureau et
j'ai regardé le menu de la semaine. On le reçoit du bureau du
leader parlementaire. Qu'est-ce que je vois là-dessus? Le menu de la
semaine commence mardi et va jusqu'au jeudi soir. Deux choses, pour toute une
semaine, pour nous autres, les parlementaires. Il y avait d'abord la motion
dont on parle maintenant et il y avait encore quelques orateurs qui parlaient
sur le projet de loi sur l'accès à l'information. Je me suis
demandé: Où sont-ils les projets de loi sur le plan
économique? Où sont-ils les projets de loi pour créer des
emplois? Où sont-ils les projets de loi pour promouvoir l'habitation et
la construction de maisons? Cet après-midi, un de nos
députés l'a suggéré, parce qu'il n'y a pas de
projet de loi. Nous, on prend l'initiative. On dit:
Voici, on veut discuter, cet après-midi, d'une motion pour
promouvoir l'habitation et la construction de maisons et tout ce secteur. Cela
a été refusé. Où sont-ils les projets de loi sur le
droit de grève, sur les services essentiels? Rien, rien devant nous. Ce
qui se trouve devant nous, c'est une motion dont on parle aujourd'hui et qui
est encore une motion pour critiquer, comme on a dit déjà: Le
fédéral!
M. le Président, c'est ça le problème. Je rencontre
les députés ministériels et, sur le plan personnel,
ça va très bien. La majorité de ceux-ci sont très
raisonnables, ils sont "parlables", ils nous écoutent. C'est vrai que ce
ne sont pas des hommes d'affaires, ils ont beaucoup à apprendre à
ce point de vue là, mais, tout de même, ils sont gentils. Mais,
quand on parle sur le plan constitutionnel, dès que quelque chose touche
le plan constitutionnel, soudainement, il y a l'atmosphère du groupe, ce
que notre leader appelait "l'esprit de l'obsession".
Soudainement, ils deviennent mal guidés, complexés et,
pour tous ces gens qui sont pas mal raisonnables en soi, quelque chose arrive.
Ils voient rouge. Et moi, j'essaie d'argumenter, je dis: Minute! On peut
s'asseoir, on peut discuter du provincial et du fédéral, il y a
tout de même une solution à trouver. Ils ne veulent rien savoir.
Leur option, leur rêve, c'est ça et tous leurs agissements sont
guidés par ce principe.
Pour les Allemands déjà, au temps d'Hitler - je ne vous
compare pas du tout avec Hitler - le leitmotiv, le grand principe était:
On veut ça et pas autre chose.
M. le Président, il y a, dans cette motion devant nous, encore
sur le plan de la forme, un abus de l'institution parlementaire. Si le
gouvernement - ils sont ici 79 députés et les ministres voulaient
faire des suggestions, des négociations... Allez-y donc! On ne vous
empêche pas d'aller à Ottawa et même de dire: On va
rencontrer Ottawa à Montréal parce qu'on ne veut tout de
même pas faire le voyage là-bas, parce que cela peut être
interprété comme une concession totale. Faites le pas, allez
à Ottawa, allez à Montréal; on va se rencontrer, on peut
discuter. Rien de ça. On ne prend pas ses responsabilités de
gouverner et de dire: Voici la position du Québec. Non, au lieu de
ça, on préfère venir devant nous et on cherche
l'unanimité de l'Assemblée pour déclarer telle ou telle
chose. On refuse l'empiétement du fédéral sur le
territoire provincial et on veut avoir le support de l'Assemblée
nationale et de tout le monde, des députés ministériels et
des députés de l'Opposition.
La vraie raison de tout ça, la vraie raison de créer des
incendies, de chercher la guerre, c'est parce qu'il y a quelque chose à
cacher. Ce qu'il y a à cacher, c'est la misère sur le plan
économique, la faillite totale, la mauvaise administration à tous
les points de vue. Pour cacher ça, on cherche une guerre avec Ottawa.
Évidemment, la meilleure façon d'avoir une guerre, c'est d'avoir
l'Opposition avec eux. Ils pourraient dire: Nous sommes unanimes, messieurs et
mesdames de la population québécoise, travailleurs et
travailleuses, le temps de la vérité est arrivé, la guerre
est commencée! Mais la population a dit: On ne veut rien savoir de cela!
Aujourd'hui, des gens de Sainte-Anne m'ont téléphoné pour
me dire: Arrêtez donc, avec cette motion, parlez donc des
problèmes économiques, c'est ce qui nous intéresse,
beaucoup plus que les problèmes d'ordre constitutionnel.
Les députés ministériels ont été
déçus quand nous avons annoncé que nous arrêtions de
jouer leur jeu. On ne joue plus. On a décidé de s'abstenir parce
que nous sommes contre cette façon de procéder, contre l'abus de
l'institution parlementaire, contre le fait que vous refusez d'exercer le
pouvoir que vous avez comme gouvernement responsable. C'est pour cela qu'on
devra voter contre. Vous êtes très habiles, nous l'admettons. On
lit le texte de la motion et, sur beaucoup de points de vue, nous sommes
d'accord. Nous sommes aussi des Québécois, comme vous autres, il
n'y a pas de différence. Sur le fond, même, on serait porté
à voter pour, mais parce que vous jouez ce jeu, on a
décidé de s'abstenir, car si un côté serait
acceptable, l'autre ne l'est pas.
C'est une formule courageuse. Ne venez pas nous dire: Vous autres, vous
êtes mi-chair, mi-poisson. Je connais cela, savez-vous? Pour vous autres,
c'est facile, vous avez décidé de ne plus vivre dans le
système fédéral; fini, on veut réaliser notre
rêve du Québec souverain, séparé! C'est ce qu'on
veut. C'est facile, votre choix, mais la population veut autre chose, la
population veut vivre en harmonie, tous ensemble, en réglant nos
problèmes. De temps en temps, on perd, de temps en temps, on gagne, mais
on réussit à la fin. Elle refuse cela. C'est facile de rire de
nous autres, vous avez décidé. Votre option, ce n'est pas
vivable, ce n'est pas acceptable. Vous le savez, c'est pour cela que vous
essayez de nous avoir de votre côté dans cette affaire, pour avoir
le support de l'Opposition et démontrer à la population que le
problème est vraiment grave. (20 h 20)
M. le Président, je commence à être un peu
"tanné" de me faire dire - peut-être pas moi, mais les gens de
l'Opposition - que nous sommes des vendus, que nous ne sommes pas des bons
Québécois. C'est le ministre de l'Environnement qui l'a dit, il y
a quelques jours, j'étais là. Il a dit: Même dans cette
Chambre, on a des assimilés. Moi, je suis assimilé et j'en suis
fier. Je viens d'un pays qui s'appelle les Pays-Bas, la Hollande, et je suis
Québécois autant que vous autres. Je
paie les mêmes impôts, j'ai les mêmes droits et les
mêmes obligations que les Québécois. C'est un comté
composé de francophones à 75% qui m'a élu pour parler en
leur nom. Ne parlons pas des assimilés comme... J'étais ici quand
le ministre a parlé, je l'ai vu, je l'ai entendu, l'intonation
était là. Vous n'êtes pas pure laine. Il ne l'a pas dit, il
est trop intelligent pour ça, mais l'intonation était là
et je me suis levé sur une question de privilège juste au cas. Me
faire dire: Vous êtes le valet. De toute ma vie, je n'ai jamais
été le valet de personne, même pas de ma femme. M. le
Président, je ne suis pas non plus un esclave. Je ne suis pas non plus
le petit frère d'Ottawa. J'étais fier ici, à l'automne,
quand on a voté sur cette résolution, c'était une motion
qui avait du bon sens parce qu'à ce moment, c'était une question
de fond très sérieuse. J'ai voté pour votre
résolution parce que, pour moi, cela signifiait qu'on tordait le bras de
M. Trudeau pour négocier. On a réussi. Vous autres, vous avez
raté vos chances là-dedans.
Mais, cette motion d'aujourd'hui et les deux ou trois autres qu'on a
eues avant, ce n'est pas la même chose du tout. On cherche à
remplir notre menu. Il n'y a rien sur le menu. On arrive ici le mardi matin,
rien; on remplit cela encore une motion de critique, critique, critique. C'est
pour cette raison, M. le Président, que sur la forme, on n'accepte plus
ces jeux. Savez-vous, il y a une évolution tout de même. La
population sait très bien que ce n'est pas vous, les bons
Québécois, nous, les mauvais Québécois. Je me
rappelle très bien quand je faisais la campagne électorale pour
le député de Louis-Hébert, on voyait à un moment
donné un grand drapeau québécois, c'est aussi mon drapeau.
On a peut-être fait une erreur, comme parti, de se laisser voler un
symbole qui appartient à tout le monde. C'est fini, ce jour, ça
appartient à tout le monde. Je bataille pour ce drapeau comme vous
autres. La population le sait, elle commence à le comprendre.
Maintenant, M. le Président, pour ne pas être accusé
de faire encore un petit discours démagogique sur la forme, je vais
parler du fond. Sur le fond de la motion, il y a tout de même de bonnes
choses, correctes, qu'on peut appuyer et qu'on appuie. J'étais ici quand
le ministre de l'Énergie et des Ressources a parlé. Il
était raisonnable, calme. Il a pris la loi fédérale C-108,
il l'a analysée, j'ai retenu des éléments, j'ai pris des
notes religieusement, j'ai étudié la loi et je me suis dit:
Est-ce que, moi, je pourrais accepter ça? En principe, il y a beaucoup
de points qu'on accepte, pas seulement moi, mais notre députation. Il a
parlé, par exemple, du fait que le Québec veut négocier
avec Terre-Neuve. On veut au Québec ce qu'on appelle en anglais un
"package deal". On est prêt, nous de la province de Québec,
à regarder ce contrat de 1966 sans escalade, le rouvrir et
peut-être voir si les modalités doivent être
changées, à condition qu'en même temps Terre-Neuve fasse
une concession sur le développement du potentiel de la Haute-Churchill
et de la Basse-Churchill et des rivières de la Côte-Nord. M. le
Président, c'est la manière de penser. C'est la manière
d'approcher le problème en disant: Vous avez certaines exigences et nous
en avons. Nous pouvons nous mettre ensemble, on se rencontre et on en discute.
Vous avez quelque chose à gagner et nous aussi. On va faire un
consensus. C'est possible. On ne l'a jamais fait.
Le ministre a cité l'article 25 de la loi fédérale.
Il a raison sur le fond. Il a raison, parce que l'article 25 de cette loi
fédérale dit: L'office - c'est l'office fédéral -
peut, avec l'approbation du gouverneur général en conseil - cela
veut dire le gouvernement fédéral - révoquer ou suspendre
une licence à telle et telle conditions. C'est vrai. J'ai lu le
mémoire d'Hydro-Québec qui fait allusion à cet article en
disant qu'il y a un danger pour nous là-dedans. À un moment
donné, il peut suspendre une licence d'Hydro-Québec. On fait un
arrangement avec les gens de New York, par exemple, pour l'exportation
d'électricité pour de très grosses sommes, qui sont
importantes pour le Québec.
En vertu de cet article, théoriquement, l'office
fédéral pouvait intervenir. Vous avez raison. C'est vrai, ce que
M. Marc Lalonde, le ministre fédéral, a mentionné, et je
le cite: "Toute construction visée par cette loi dont on parle
aujourd'hui - devra préalablement avoir reçu les autorisations
provinciales requises." C'est beau. Le ministre avait raison quand il dit:
Qu'est-ce que cela veut dire? M. Lalonde a parlé en deuxième
lecture. Il a fait une promesse, un engagement, mais cela ne veut rien dire.
Cela ne se trouve pas dans la loi. On est d'accord là-dessus, pour que
cette loi soit amendée et que l'engagement de M. Lalonde soit inscrit
dans la loi pour justement protéger les intérêts
légitimes du Québec. Nous avons la même idée
à ce point de vue.
Il y a un autre problème que le ministre a soulevé,
l'article 39-2 de la loi fédérale, qui parle - c'est une loi
fédérale, d'Ottawa - d'une nouvelle réglementation que
l'office pourrait adopter et qui peut constituer un terrain propice à
des conflits entre le fédéral et le provincial. C'est
démontré. Le mémoire d'Hydro-Québec parle
très clairement. Quand Hydro-Québec dit: On parle de la
protection des biens et de l'environnement, de la sécurité du
public et des employés, et ce sont des domaines où la province de
Québec a déjà des lois et des règlements en place.
Qu'arrive-t-il si l'office fédéral vient avec une
réglementation, une loi qui empiète là-dessus? Il y a un
conflit.
II a raison. Il faut régler cela. Si M. Lalonde a dit: On va
respecter les lois et les règlements du Québec, on
préfère se protéger et le faire inscrire dans la loi, nous
sommes d'accord là-dessus. Nous ne sommes pas ici, M. le
Président, seulement pour critiquer. Quand il y a des points plausibles
là-dedans, on les accepte.
On se demande, M. le Président, pourquoi cette motion est devant
nous aujourd'hui. Le ministre de l'Énergie et des Ressources aurait pu
discuter avec son homologue fédéral. Il aurait pu y aller. Il ne
veut pas le rencontrer à Ottawa. Qu'il le rencontre donc à
Montréal. On ne négocie pas par des conférences de presse.
On négocie en appelant quelqu'un, en faisant des pressions et en disant:
Je veux vous rencontrer. Nous avons des positions à défendre et
à vous soumettre de la part du gouvernement du Québec. N'oublions
pas -vous pouvez rire de cela - que les députés
fédéraux libéraux viennent pour la plupart de la province
de Québec. Ce sont des Québécois aussi. Vous les
considérez comme des vendus. Moi, je suis le petit frère. Eux
autres, ce sont les grands frères ou je ne sais trop quoi. Vous avez des
catégories pour cela, mais ce sont des Québécois. J'ai
rencontré des députés fédéraux. Ils m'ont
montré des statistiques et, dans leur comté, ce sont des
péquistes au provincial qui ont élu un député
libéral au fédéral. J'ai vu les statistiques. Il y a
quelque chose. C'est le même votant, c'est le même
Québécois qui vote, mais le votant est très intelligent.
Il se dit: Sur le plan provincial, j'ai voté pour eux - peut-être
qu'ils vont changer la prochaine fois parce qu'ils réalisent maintenant
qu'ils ont fait une grave erreur. Sur le plan fédéral, j'ai
voté pour tel et tel député. Ils sont parfaitement en paix
avec cette solution. Donc, ne commençons pas à
considérer... Ce ne sont pas 73 ou 74 députés, ce ne sont
pas des gens qui ne représentent pas le Québec. Ils
représentent le Québec sur le plan fédéral, dans un
autre ordre d'idées.
M. le Président, quand j'ai entendu le ministre de
l'Énergie et des Ressources, M. Duhaime, parler sur ce projet, il
était très calme, il parlait de détails, il a
analysé la loi fédérale et je l'ai suivi, je l'ai bien
compris. Je me suis dit que cela avait du bon sens. Là, vient le
ministre de l'Environnement. C'est un tout autre discours. C'est un discours
enflammé. Il a parlé de la cicatrice inacceptable pour la
province de Québec. Quelle cicatrice! II a parlé d'une cicatrice
de 650 milles sur 300 pieds de largeur. J'ai pensé tout de suite aux
tranchées lors de la guerre entre la France et... Je me rappelle, dans
le temps, entre la France et l'Allemagne, qu'il y avait vraiment des
tranchées. Cela a laissé une cicatrice. Ne parlons pas de
cicatrices;
II a parlé de viol. C'est un ministre du gouvernement de la
province de Québec qui a parlé du viol. Le mot "viol", je ne
pense pas que ce soit parlementaire. On vit dans une époque où on
a besoin d'une administration calme, raisonnée, raisonnable,
responsable. Ne parlez pas du mot "viol". N'essayez pas d'inciter le monde
à créer cette prétendue guerre. Cet après-midi, un
autre député péquiste a parlé de l'expression
"agression brutale". Quand Mme Thatcher, en Angleterre, a employé
l'expression "agression brutale", elle a envoyé la flotte tout de suite
contre l'Argentine. Pensez-vous que c'est un moyen de régler nos
problèmes? (20 h 30)
M. le Président, vous me faites un signe. Juste une minute pour
rectifier une affaire qui a été soulevée par nos
péquistes qui sont très bons au point de vue des relations
publiques. On nous a dit: Votre équipe, le chef de l'Opposition a fait
une déclaration en conférence de presse ce matin. Il a dit: Nous,
le Parti libéral, sommes prêts à reconnaître la
juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador. C'est ce qu'il a dit. Il y en a
trois autres qui l'ont suivi et tout de suite on a sauté
là-dessus. Cela a fait la manchette. S'il vous plaît, soyez donc
honnêtes, lisez donc tout le texte du communiqué. Soyez
honnêtes et transparents devant la population, parce que le
communiqué dit - et je continue là-dessus pour terminer - "sujet
à des négociations politiques susceptibles de préciser une
définition de la frontière..." En d'autres termes, on a
suggéré un paquet d'idées. Terre-Neuve, vous voulez
changer cela, nous sommes prêts à faire des concessions, mais vous
devez en faire de votre côté aussi. On va arranger cela en paix,
pas devant les tribunaux, pas avec la motion de l'Assemblée nationale,
pas avec hystérie, pas avec des déclarations de guerre, mais
réglons cela en paix. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: M. le Président, je viens de laisser la
commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme où
on étudiait quelque chose de bien important dans le développement
industriel et commercial au Québec, la manière de sauver des
emplois et d'en créer d'autres. Étant donné l'importance
du sujet qu'on traite ici ce soir, j'ai jugé qu'il était bon que
j'en sorte et que je vienne ici donner mon opinion là-dessus pour parler
justement de l'importance et des dangers pour le développement
économique du Québec du projet de loi fédéral no
C-108, mieux connu sous le nom de "corridor Peckford-Lalonde".
Comme c'est un projet qui n'apporte rien au Québec, absolument
rien, mais qui, au contraire, ne fait que l'affaiblir, j'ai
décidé d'intervenir pour demander pour une fois l'appui de tous
les élus québécois, autant à Ottawa qu'à
Québec, soit l'unanimité pour arriver à sauver quelque
chose de bien important pour les Québécois, c'est-à-dire
Hydro-Québec et sa puissance de développement économique.
Je me rends compte d'une chose, c'est que je vais avoir beaucoup de
difficulté à convaincre mes amis, du moins mes amis d'en face,
peut-être pas parce que je n'aurai pas d'argument valable, mais parce
qu'ils n'y sont pas; il n'y a qu'un député libéral ici, ce
soir.
Les députés élus, les
libéraux-fédéraux à Ottawa autant que les
députés libéraux à Québec qui s'abstiennent
ou qui votent à Ottawa pour le projet de loi devront porter la
responsabilité des conséquences que ça implique. Si le
projet est adopté comme tel, non seulement c'est une perte de force dans
la négociation pour le Québec avec Terre-Neuve, mais c'est une
perte de revenus, une perte de pouvoir et une augmentation du chômage
à moyen terme. On nous reproche ici ce soir de nous occuper des affaires
des Québécois et de nous occuper d'un projet de loi qui est en
train d'être adopté à Ottawa. C'est notre devoir puisque
c'est un projet de loi qui s'attaque directement au Québec. Si on avait
fait l'unanimité dans d'autres circonstances, autant les élus
à Québec qu'à Ottawa, pour défendre les droits des
Québécois, peut-être que l'industrie de la chaussure ne
serait pas dans le marasme où elle se trouve présentement.
Que les gens d'en face me disent que ce n'est pas important! Je voudrais
bien qu'ils viennent dire ça aux travailleurs de mon comté...
non, je m'excuse, plus aux travailleurs de mon comté, mais aux
chômeurs de l'industrie de la chaussure, il y en a des milliers au
Québec. Qu'ils viennent leur dire ça, ils vont s'apercevoir que
la loi qui a été adoptée, la directive, la décision
qui a été prise à Ottawa concernant l'industrie de la
chaussure, c'est grave et ça nous affecte. À ce moment-là,
on aurait dû se tenir. Cela aurait dû être la même
chose au sujet des taxes.
Si, aujourd'hui, on a de la difficulté au niveau
économique, c'est reconnu par tout le monde, y compris les gens d'en
face, que c'est à cause des taux d'intérêt
élevés. Si tous les Québécois élus pour
travailler dans l'intérêt des Québécois, autant
à Québec qu'à Ottawa, s'étaient tenus,
peut-être qu'on ne serait pas dans la situation désastreuse dans
laquelle on se trouve présentement.
Si je veux intervenir justement sur cette motion contre le projet de loi
no C-108, c'est que c'est encore pire, les conséquences sont encore plus
désastreuses, et c'est là-dessus que je veux vous entretenir. Ce
que je trouve surtout étrange, c'est que le gouvernement
fédéral intervienne à ce moment précis où,
à cause de la crise énergétique, le Québec commence
enfin à profiter de ses investissements dans tous les chantiers
hydroélectriques. On a investi seuls, on a construit des chantiers
partout au Québec, qui nous ont coûté des milliards et qui
nous coûtent encore des milliards. On commence à en retirer des
profits. Maintenant que le pétrole est moins payant pour l'Alberta, que
des projets commencent à être abandonnés, on se rend compte
que c'est l'énergie hydroélectrique qui est payante et on attaque
là où les gens ont payé seuls pour le
développement. Pour être capable de comprendre l'importance
d'Hydro-Québec chez nous et les dangers du projet de loi C-108, je vais
vous faire un bref historique d'Hydro-Québec et parler de son importance
dans le développement économique des Québécois et
des Québécoises.
Qu'on se rappelle seulement - je vais faire l'historique très
rapidement - vers la fin des années cinquante quand on a
décidé de créer Hydro-Québec pour donner un levier
économique important aux Québécois. C'était vers la
fin des années cinquante. Au début des années soixante,
sous le gouvernement Jean Lesage, on nationalise et on se donne vraiment une
puissance. À partir de ce moment, la révolution tranquille, ce
fut Hydro-Québec. On a entrepris de très grands chantiers. On a
investi des centaines de millions à ce moment-là. On a bâti
Manic-Outardes et la Baie-James.
Vers la fin des années soixante, sous un autre gouvernement,
unioniste cette fois, on s'entend avec Terre-Neuve pour développer, pour
aménager les chutes Churchill. Mais ce qu'il ne faudrait pas oublier,
c'est que Churchill Falls n'existerait pas sans Hydro-Québec puisque
c'est nous, les Québécois, qui avons fourni la technologie,
assuré le financement, l'écoulement de la production. C'est nous
qui avons assumé tous les risques. Terre-Neuve s'est assise seulement
sur des entrées d'argent. On s'est uni à une compagnie
privée, Brinco, et on a pris tous les risques. Ils n'ont rien dit. Nous
autres, on a continué, avec un contrat négocié et une
entente, à utiliser l'énergie produite autant par Churchill Falls
que partout ailleurs au Québec. Mais ce qu'il ne faudrait pas oublier,
c'est que de 20% à 25% de notre consommation provient de Churchill
Falls. Je vais vous parler tantôt des conséquences si le projet
est adopté tel quel.
Avec l'augmentation des coûts, Terre-Neuve décide de
demander la réouverture des négociations, ce à quoi le
gouvernement du Québec ne s'oppose pas. Mais, dans toute
négociation, il est évident que les deux parties doivent trouver
profit, ce que Terre-Neuve ne veut pas. Ce qu'elle demande,
c'est qu'on lui donne plus d'argent, mais sans rien céder. Ce
n'est pas une négociation. S'apercevant que cela ne fonctionne pas, elle
demande l'intervention d'Ottawa. Ottawa est prêt à tout lui
donner. Ottawa, pourquoi? Comme je le disais tantôt, pour être
capable de négocier, avec Terre-Neuve, pour le pétrole dans
l'Atlantique, des échanges entre bons amis, Terre-Neuve et Ottawa.
Donc, Ottawa intervenant, arrivant là-dedans, Terre-Neuve dit: On
ne négocie plus; on attend qu'Ottawa vous force; on attend qu'Ottawa
exproprie votre territoire pour que nous puissions prendre vos marchés.
Donc, elle refuse de négocier alors que nous sommes toujours ouverts
à la négociation, sauf qu'elle ne le veut plus. Pourquoi ne le
veut-elle plus? Pourquoi Ottawa favorise-t-il Terre-Neuve? Il y a une autre
chose en plus de ce que j'ai dit. Il y a une autre très bonne raison, M.
le Président. C'est qu'il y a encore quelque chose à
aménager au Labrador. C'est le Bas-Churchill.
Ce que je voudrais vous rappeler, c'est que le gouvernement
fédéral tient à ce que les chutes du Bas-Churchill soient
aménagées et cela se comprend très bien, puisque le
gouvernement fédéral est propriétaire à 49% de
Lower Churchill Development Corporation et que Terre-Neuve en détient le
reste. Donc le gouvernement fédéral veut aussi venir faire des
profits sur l'électricité, venir en concurrence directe avec
Hydro-Québec, d'où cet empressement à adopter le projet de
loi C-108 non seulement pour favoriser Terre-Neuve, mais aussi pour commencer
à faire du profit aux dépens des Québécois. (20 h
40)
Comme je le disais tantôt, ce projet de loi C-108 n'apporte rien,
absolument rien au Québec, ça ne fait que nous affaiblir, ce qui
est tout à fait inacceptable, alors qu'il y a déjà des
dizaines d'années, on nous a arraché le Labrador sans notre
consentement, de façon unilatérale, sans qu'on le veuille, aucun
gouvernement ne l'a accepté depuis. On nous a vraiment volé du
territoire.
Tous les gouvernements, peu importe leur couleur politique, qui ont
passé à Québec ont refusé, sauf qu'aujourd'hui on a
commencé à sentir du côté du Parti libéral
fédéral, section Québec, ici, qu'on commençait
à accepter de céder des choses qui sont inacceptables, M. le
Président.
Mais on ne s'est pas contenté de nous voler le territoire. On
nous a demandé de l'aide pour le développement
hydroélectrique. On a accepté parce que les deux gouvernements
avaient des avantages au moment du gouvernement de M. Jean-Jacques Bertrand.
Donc, on est intervenu au profit des deux et ça allait très bien.
Maintenant on va plus loin, on veut encore nous prendre du territoire et nous
prendre notre énergie et nos clients à l'exportation et
ça, on ne pourra jamais l'accepter parce que le danger est réel
et il va toucher chacun des Québécois et je vais vous montrer
à quel point.
Si Terre-Neuve obtenait gain de cause et si les tarifs de
l'électricité produite à Churchill Falls étaient
les mêmes pour les Québécois que pour les Américains
- c'est exactement ce que veut Terre-Neuve, vendre au Québec le
même prix que l'on vend aux Américains - cela voudrait dire que la
note pour les Québécois - il ne faut pas oublier que 20% à
25% de notre consommation provient de Churchill Falls - passerait annuellement
de 116 000 000 $ à 650 000 000 $. Cela veut dire pour les
Québécois quelque chose comme 440 000 000 $ de plus annuellement
pour payer notre compte d'électricité tous les mois: 440 000 000
$. Vous êtes-vous imaginé ce que c'est, M. le Président?
C'est énorme comme trou.
Qu'est-ce que le projet de loi C-108 fait? Il vient chercher l'argent
des Québécois pour le donner à Terre-Neuve. C'est juste
ça, mais c'est beaucoup. Mais il y a pire, pour ce qui est maintenant
des revenus tirés de nos exportations d'électricité. Si le
contrat des chutes Churchill n'est pas maintenu tel que signé entre les
deux gouvernements présentement ou si un compromis négocié
et acceptable aux deux parties n'est pas trouvé, les contribuables
québécois risquent d'être lourdement
pénalisés et je vais vous expliquer comment. Dans les conditions
actuelles, les revenus probables découlant de la vente de nos surplus
devraient bondir de 504 000 000 $ qu'ils sont présentement cette
année à 3 000 000 000 $ en 1991. Cela fait partie des contrats
que M. Lévesque vient de signer dernièrement avec PASNY aux
États-Unis et avec les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de
l'Ontario.
Au total, en dix ans, les ventes d'Hydro-Québec aux États
américains devraient s'élever à quelque 16 000 000 000 $.
Or, dans l'hypothèse où le Québec perdrait le
contrôle à cause du projet de loi C-108 des chutes Churchill, le
1er janvier 1983, ces ventes ne totaliseraient plus que 3 200 000 000 $,
c'est-à-dire une perte de revenu de 13 000 000 000 $ pour les
Québécois pour les huit ou neuf prochaines années. Non
seulement nos comptes d'électricité vont augmenter de
façon astronomique, mais nous allons perdre des revenus de 13 000 000
000 $ pour pouvoir investir dans l'économie. Donc, quand on nous dit
qu'on ne s'occupe pas d'économie, ce qu'on est en train de faire, c'est
d'essayer de sauver le plus grand levier économique que les
Québécois possèdent, c'est-à-dire
Hydro-Québec.
On a annoncé, la semaine dernière, notre plan de
développement économique pour les quatre prochaines années
dans ce
qu'on appelle Bâtir le Québec, phase 2, Le virage
technologique. À l'intérieur de ce document, on retrouve beaucoup
de grands projets dont plusieurs touchent justement l'énergie. En
matière d'énergie, le ministre d'État au
Développement économique a rappelé qu'Hydro-Québec
devrait augmenter, d'ici à 1985, sa puissance de 7300 mégawatts.
Cela veut dire qu'on va devoir aménager d'autres rivières.
J'entendais le député de Portneuf demander ce qu'on allait
faire avec le projet d'aménagement de son coin. Son projet, de plusieurs
milliards, est compromis à cause de cela. Si on entre en concurrence
avec Ottawa et Terre-Neuve sur les marchés internationaux et qu'on perd
13 000 000 000 $ en revenus, comment pourrons-nous nous permettre
d'aménager d'autres rivières? Cela veut dire qu'une très
grande partie du projet de développement économique du
Québec, pour les quatre ou cinq prochaines années, est
compromise. Plus que cela, parlons des projets déjà
annoncés; je pense au projet Reynolds au Saguenay et au projet Pechiney
au coeur du Québec. Comment avons-nous obtenu que ces compagnies
viennent investir chez nous, qu'elles choisissent de venir s'établir
ici, au Québec? À cause d'une seule chose, parce qu'on a de
l'énergie en très grande quantité et à très
bon marché, ce que très peu de coins du monde peuvent offrir.
Nous avons un avantage unique, du moins unique en Amérique du Nord.
Si le projet de loi C-108 est adopté, cette garantie
d'électricité en très grande quantité et à
bon marché vient de tomber. Cela veut dire que ces grandes compagnies
peuvent réviser leur décision. C'est aussi grave que cela. Rien
ne sert d'aller au salon rouge, à la commission de l'industrie et du
commerce, pour étudier les crédits et planifier de grands projets
si les projets déjà annoncés ne peuvent être
complétés à cause d'une décision qui sera prise
à l'extérieur, contre nous. Ce projet leur donne le droit -et
c'est ça qui est terrible - donne le droit à Terre-Neuve,
à la suite d'un décret du gouvernement fédéral,
d'exproprier des terres du Québec pour aller vendre son
électricité ailleurs au Canada ou aux États-Unis sans le
consentement du Québec. Cela voudrait dire qu'ils pourraient nous faire
des corridors de Terre-Neuve en Ontario, de Terre-Neuve aux États-Unis
sans notre consentement. Terre-Neuve n'a qu'à le demander à
l'Office national de l'énergie, à obtenir l'approbation d'un
gouvernement qui n'est pas le nôtre et elle passe sur notre territoire
sans qu'on n'ait rien à dire. Elle prendra l'électricité
qui nous appartient par contrat et ira la vendre directement aux
États-Unis, nous faisant perdre le marché de 13 000 000 000 $ de
profit sur les ventes pour les neuf prochaines années.
Donc, comment accepter de ne plus vendre, comme on le fait, notre
potentiel énergétique? C'est exactement ce que le projet se
propose de faire. On en parle dans Le virage technologique et je vais vous en
lire un bout pour vous démontrer l'importance de l'énergie au
Québec. "Le développement du secteur énergétique
donnera lieu, au cours des prochaines années, à des
investissements considérables qui auront des effets d'entraînement
sur l'ensemble de l'économie. De plus, le Québec s'est
donné une politique d'utilisation de l'électricité
à des fins de développement industriel grâce à la
disponibilité de grandes quantités d'énergie à des
prix concurrentiels." (20 h 50)
C'est notre outil principal de développement et c'est l'outil que
le gouvernement fédéral veut nous enlever pour le donner à
Terre-Neuve. On ne peut pas accepter qu'après s'être fait voler
une partie de territoire, qu'après avoir vu déchirer un contrat
qu'on a signé de bonne foi, on regarde passer nos profits sur notre
territoire; cela va résulter en une perte de revenus et créer
davantage de chômage. M. le Président, c'est inacceptable. Donc,
je demande - même s'ils ne sont pas ici j'espère qu'ils vont lire
le journal des Débats - aux députés libéraux
provinciaux qui sont ici, aux députés fédéraux qui
sont élus à Ottawa de penser avant tout à
l'intérêt des Québécois en se rappelant d'autres
projets de loi qui ont été votés à Ottawa, un
projet de loi sur l'implantation de Mirabel, par exemple, qui nous a fait
perdre à peu près la moitié du transport aérien et
qui menace maintenant de nous en faire perdre encore la moitié en
transférant Dorval à Mirabel, de penser à l'augmentation
des taux d'intérêt qui nous fait perdre des milliers de petites et
moyennes entreprises chez nous et la chaussure. Je demande, pour une fois,
à tous les élus québécois, autant à Ottawa
qu'à Québec, de penser à une seule chose, à
l'avenir des Québécois en votant à Québec pour la
motion du ministre de l'Énergie et des Ressources et à Ottawa
contre le projet C-108 qui, je le rappelle en terminant, M. le
Président, n'apporte rien, mais absolument rien aux
Québécois, mais ne fait que nous arracher des pouvoirs des
revenus, des ressources et qui, assurément, s'il est adopté,
augmentera encore une fois de façon inacceptable le chômage.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
M. Gérald Godin
M. Godin: Merci, M. le Président. Je tiens à
rappeler à ceux qui nous regardent, à
ceux qui nous écoutent, que c'est aujourd'hui le 20 mai 1982,
donc qu'il y a deux ans, jour pour jour, j'allais dire minute pour minute, que
dans le Québec les tenants du oui au référendum sur la
souveraineté entrevoyaient déjà le pire tandis que les
défenseurs du non, certains d'entre eux de bonne foi, se
réjouissaient de ce qui venait de se passer. J'avais à
l'époque, M. le Président, une chronique dans le Journal de
Montréal. Ma dernière chronique datée du 21 mai 1980
commence ainsi, et j'aimerais la citer parce que ça me semble
rétrospectivement porter des nouvelles qui se réalisent. "Ce non
- le non que venaient de voter les Québécois, que venaient de
choisir les Québécois - est-ce un début ou une fin? Tous
les porte-parole du non ont annoncé et promis des changements. L'avenir
dira si les changements seront faits, mais surtout l'avenir dira si les
changements à venir seront à l'avantage du Québec." Mon
collègue, le député de Sainte-Anne, il y a quelques
instants, disait qu'il s'abstiendrait de voter sur la motion de mon
collègue de l'Énergie et des Ressources parce que, disait-il,
c'est la quatrième fois que le parti ministériel appelle
l'unanimité de la Chambre.
Par conséquent, du fait que cela fait quatre fois, il devra
s'abstenir. Pourquoi quatre fois, M. le Président? Parce qu'à
quatre reprises depuis le référendum le fédéral a
décidé de gruger, de ratatiner, de réduire les pouvoirs du
Québec. Nous disions dans cette même campagne
référendaire, il y a exactement deux ans, jour pour jour, dans
une annonce, une publicité dans les journaux: Si on dit non merci, on
n'aura rien merci. Non seulement on n'a rien, M. le Président, on a
moins qu'on n'avait avant le référendum parce que les
défenseurs du non ont tout simplement leurré les
Québécois. Quand je vois nos amis d'en face hésiter,
s'abstenir, dire qu'ils sont en principe d'accord avec nous, mais qu'ils sont
contre la forme, qu'ils sont en principe en désaccord total avec le
fédéral, mais parce que c'est nous le gouvernement
légitimement, démocra- tiquement réélu par les
Québécois... Le nouveau député de
Louis-Hébert sait ce que ça veut dire, une victoire. Cela veut
dire qu'on a l'aval de la population. Il le sait maintenant. Il n'était
pas ici il y a quelques semaines. Maintenant, il sait ce que cela veut dire.
Cela veut dire que le peuple du Québec a choisi que ce serait nous. Par
conséquent, cette légitimité devrait amener l'Opposition
à se joindre à nous une fois de plus, comme elle devrait le faire
chaque fois que les intérêts du Québec sont
menacés.
Aujourd'hui même, à Terre-Neuve, le drapeau est en berne.
Les députés portent le deuil, parce que ce même
gouvernement fédéral est en train de faire à Terre-Neuve,
concernant ses champs de pétrole, le même coup qu'il fait au
Québec, mais il y a une différence essentielle. À
Terre-Neuve, au Parlement de Terre-Neuve, la Chambre est unanime à
défendre les intérêts de Terre-Neuve, tandis qu'ici,
à Québec, on s'abstient, on préfère être
absent, on préfère ne pas s'en mêler, on
préfère dire qu'on est contre en principe, mais qu'on ne votera
pas. On préfère, par conséquent, le silence quand viendra
le moment du vote. Je pense qu'il y a là un aveu qu'on s'est
trompé peut-être en mai 1980, alors qu'on a fait confiance
à des gens qui sont venus au Québec nous promettre des
changements et mettre leur siège en jeu pour des changements qui
soi-disant seraient bons pour le Québec, un aveu que les choses ne sont
pas si claires aujourd'hui qu'elles pouvaient le sembler, il y a deux ans.
Le Québec, malgré tout, a un atout précieux et
fondamental qu'il construit, morceau par morceau, depuis 1962, année de
la création d'Hydro-Québec. Cet atout lui permet d'entrevoir
l'avenir avec confiance, car nous savons très bien, M. le
Président, que le pétrole de l'Ouest est un peu comme l'eau dans
ce verre. Chaque fois qu'il passe une voiture dans les rues du Québec,
un peu de pétrole de l'Ouest disparaît. Chaque fois que nous
chauffons au mazout de l'Ouest, comme on dit, encore là, un peu de cette
eau disparaît. Dans quelques années, M. le Président, les
puits de pétrole de l'Ouest seront vidés, tandis qu'au
Québec il y aura toujours - certains diront "malheureusement" - un
hiver. Quand je vois mes voisins, mes collègues et mes compatriotes
maudire l'hiver, maugréer contre la neige quand ils pellettent leur
entrée de cour, quand leur voiture est prise dans la neige, je leur dis:
Réjouissez-vous, car ce qui tombe, c'est du pétrole. Ce qui tombe
sur nos têtes, c'est de l'or en barre.
C'est précisément cette richesse permanente et
renouvelable à perpétuité qui est le principal atout du
Québec pour l'avenir car tôt ou tard, en effet, le Québec,
grâce à son eau, grâce à ses lacs et grâce
à ses rivières, sera la région de l'Amérique du
Nord la mieux dotée en énergie et, par conséquent, celle
qui pourra le mieux répondre aux défis qui s'en viennent. Or,
cette richesse, cet atout, je dirais l'atout le plus important du
Québec, son atout géographique, que fait le fédéral
avec cet atout? Il le met en danger. Ainsi, il prive le Québec d'un de
ses avantages essentiels en se permettant d'adopter une loi qui autorisera,
quand elle sera adoptée, l'Office national de l'énergie, le jour
où il le jugera à propos, de faire passer sur le territoire du
Québec les lignes électriques de n'importe quelle province qui
voudrait passer sur le territoire du Québec sans la permission des
Québécois.
Cette manoeuvre se fait avec la bénédiction silencieuse,
muette et honteuse -
et j'aimerais savoir du député de Louis-Hébert si
le mot "honteux" est un mot parlementaire - du Parti libéral, mais
surtout de lui, un nouvel élu, qui est entré ici surtout avec
l'appui des jeunes du comté de Louis-Hébert car ils sont
majoritaires dans ce comté. Je me demande comment les jeunes de
Louis-Hébert vont juger leur nouveau député quand ils vont
se rendre compte qu'il va s'abstenir ou être absent le jour du vote qui
va porter sur leur propre avenir, qui va porter sur leurs emplois dans
l'avenir, qui va porter sur le développement futur du Québec, M.
le Président. J'inciterais le nouveau député du Parti
libéral dans Louis-Hébert - puisque c'est un nouveau, il est
peut-être moins que ses collègues pris dans les filets des luttes
internes du parti -à penser à l'avenir de ses nouveaux
électeurs qui viennent de lui faire confiance et, par conséquent,
à voter non pas avec le PQ, non pas avec les séparatistes, comme
on nous appelle, mais de voter avec les intérêts du Québec,
de voter avec ce qui compte pour l'avenir du Québec, car, s'il ne le
fait pas, tôt ou tard, il sera jugé. On a vu ici des
députés libéraux siéger huit mois seulement, passer
dans les partielles comme une flèche et, huit mois après,
être retournés chez eux, parce qu'il n'avait suffi que de huit
mois pour qu'ils fassent la preuve à leurs électeurs qu'ils
n'avaient pas la dignité nécessaire pour défendre les
intérêts du Québec. (21 heures)
Par conséquent, M. le Président...
M. Doyon: C'est une question de privilège, M. le
Président, j'ai mal compris.
M. Godin: Cela ne m'étonne pas de sa part, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert, sur une question de
privilège?
M. Doyon: Oui. J'ai compris que le ministre venait de qualifier
l'attitude qu'il prévoyait de ma part, sur le vote que nous
étions pour prendre, comme étant un geste honteux. J'aimerais
savoir si j'ai bien compris ou, si ce n'est pas ce qu'il a dit, j'aimerais le
savoir.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert, c'est beaucoup plus une question
que vous pourriez poser. C'est en vertu de l'article 100.
M. Godin: Si le député de Louis-Hébert veut
me poser une question après mon intervention, libre à lui. Je
répète que je craindrais que ses électeurs nouveaux, pour
un nouveau député, effectivement, jugent le geste de l'Opposition
comme étant un geste honteux dans la mesure où il va à
l'encontre des intérêts du Québec.
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le whip de l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, je peux soulever une
question de règlement en ce moment-ci, immédiatement, ou je peux
attendre la fin de l'intervention du ministre. Mon propos se
réfère à l'application du règlement par tous les
députés de cette Chambre, de quelque côté qu'on
soit. Ma question de règlement se réfère aussi à
l'intervention du député de Joliette et à l'intervention
du député de Louis-Hébert, tout à l'heure, et
à l'interprétation qui a été donnée à
notre règlement. Je suis prêt à ce que le ministre
continue, mais je voudrais que vous preniez acte de mon intention de soulever
une question de règlement concernant les privilèges des
parlementaires. Si le président de l'Assemblée nationale croit
opportun de venir occuper le fauteuil, je plaiderai à ce moment.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, je me rends compte...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: Sur la question de règlement que
vient de soulever le whip en chef, le député de Portneuf,
à moins que je ne lise mal l'article 40 de notre règlement, il me
semble que, lorsque l'on veut soulever une question de règlement, on
doive le faire dès lors que le règlement est en apparence
violé. C'est pour cela que, quant à moi, j'insisterais pour que
le député dispose dès maintenant de sa question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Pagé: Aucun problème, M. le Président. Je
vais soulever la question de règlement immédiatement.
C'était strictement par déférence à l'endroit du
député de Mercier, pour lui laisser le soin de terminer son
intervention, plutôt que de l'interrompre.
Je voudrais soulever ici l'application de l'article de notre
règlement, c'est l'article 99 de notre règlement, au paragraphe
8, qui indique clairement qu'il est interdit à un député
qui a la parole de se servir d'un langage violent ou blessant à
l'endroit de qui
que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée.
On sait que, depuis environ 17 heures ce soir, et plus
particulièrement depuis l'intervention qui a été faite par
le député de Joliette, celui-ci a utilisé ce qu'on
considère comme étant des termes blessants et des termes qui sont
non parlementaires à l'endroit des députés de
l'Opposition. Le député de Louis-Hébert, à juste
titre, a soulevé une question de privilège pour s'assurer que les
propos tenus par le député de Joliette, qui a utilisé le
terme "hypocrite" et qui a utilisé le terme "lâche",
étaient des termes antiparlementaires. Le président a
interprété ces propos comme étant une question
d'opinion.
M. Grégoire: M. le Président...
M. Pagé: Je suis sur une question de règlement.
M. Grégoire: Vous êtes en train de revenir
sur...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de règlement, M. le whip adjoint.
M. Pagé: M. le Président, je me
réfère au règlement annoté de l'Assemblée
nationale, ce qu'on appelle communément ici, dans notre langage,
l'ancien règlement. L'ancien règlement, comme on le sait, doit
être le guide de nos travaux parlementaires. Tout sujet qui n'est pas
spécifiquement traité dans le règlement, ce
règlement qui a été adopté, si ma mémoire
est fidèle, en 1972 ou en 1973. Lorsqu'un sujet spécifique, un
point aussi particulier que celui-là n'est pas traité, n'est pas
réglé par l'application de notre règlement, on doit s'en
remettre à l'ancien règlement. Or, cela a pris quelques minutes,
évidemment, avant que l'ancien règlement me parvienne.
À l'article 285, alinéa 20, il est dit ceci: "II est
irrégulier et non parlementaire d'utiliser les expressions suivantes.
Les expressions suivantes ne sont pas parlementaires quand elles s'adressent
à un député ou qualifiant sa conduite, ses actes ou ses
discours." On retrouve, à l'article 285, section 2b, les termes
"lâche", "poltron" et "lâcheté"; à la section e,
"hypocrite", "sans scrupule", au même titre que "honteux", c'est la
même chose. À l'article 285, alinéa 20, section 2a:
"honte", "honteux", "vilain", "méprisable", "déshonorant",
"odieux".
M. Fréchette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement, sur une question
de...
M. Fréchette: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Une question de
règlement a déjà été soulevée, je
terminerai de l'entendre et je vous entendrai par la suite. Rapidement, s'il
vous plaît.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je conclus en
disant que, pour ce motif, comme je l'ai laissé voir tout à
l'heure, je conviens que les paroles et les propos du député de
Joliette... Je suis prêt à être bon joueur, à
accepter que ses propos ont peut-être dépassé sa
pensée, comme le propos tenu par le député de Mercier.
Pour tous ces motifs, je voudrais que, selon le règlement, lequel
s'inspire de l'ancien règlement, et surtout en tenant compte du fait
qu'un minimum de décorum et de respect doit exister entre les
parlementaires ici, tant le député de Joliette que le
député de Mercier nous indiquent que leurs propos ont
dépassé leur pensée, et ça va être
réglé.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: M. le Président, ces choses sont
dites en des termes très élégants, je n'en disconviens
pas, sauf que je vous dis respectueusement que le député de
Portneuf vous a soumis une argumentation qui a été la même
que celle faite au cours de l'après-midi à celui qui vous
précédait au fauteuil. Il plaide sur une chose qui est
déjà jugée, il me semble, M. le Président, puisque
exactement la même situation, le même objet qui nous occupe
actuellement a été soulevé à celui qui occupait le
siège cet après-midi, et il en a disposé de la
façon que l'on sait. On peut se référer à la
transcription des Débats et on va voir que le sujet sur lequel
intervient le député de Portneuf est de la catégorie des
choses que l'on pourrait appeler les choses jugées. C'est
réglé parce que, encore une fois, c'était
précisément sur le même point. L'intervention du ministre,
qui a actuellement le droit de parole, est de la même nature que celle
qui a été faite cet après-midi, et je
réitère que c'est effectivement une chose jugée.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la même
question de règlement?
M. Levesque (Bonaventure): Oui. Je crois qu'il est important,
à ce moment-ci... Si on veut dire qu'il y a des choses qui ont
été jugées, ce sont bien celles qui sont inscrites
à notre règlement. On pourra dire ce qu'on voudra, mais, comme
l'a si bien expliqué le député de Portneuf, le whip en
chef de l'Opposition...
M. Godin: Pour mettre un terme au débat, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre, sur une
question de...
M. Godin: Pour mettre un terme au débat, je suis
prêt à me rendre à la demande de mon collègue de
Louis-Hébert et de retirer le mot "honteux" dont je constate que
l'Opposition n'a aucune notion.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
M. Pagé: Vos paroles ont dépassé votre
pensée.
M. Levesque (Bonaventure): Je veux immédiatement prendre
note des bonnes intentions du ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, mais je pense que ses derniers propos ont presque
gâté ses bonnes intentions.
M. Pagé: Retirez vos paroles.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense que, si on veut être de
bon compte, j'accepterais que le ministre retire purement et simplement ses
paroles.
M. Godin: D'accord.
M. Pagé: Le député de Joliette.
M. Levesque (Bonaventure): Quant au député de
Joliette, on attendra qu'il revienne en Chambre.
M. Godin: D'accord, M. le Président. À la demande
du leader, qui est un homme très respectable, je retire mes paroles pour
tout ce qui touche la honte.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre, vous avez
la parole.
M. Godin: Merci, M. le Président. Pourriez-vous me dire
exactement le temps qu'il me reste? (21 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Un instant!
M. Godin: Avec tous ces débats...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons
vérifier, M. le ministre.
M. Godin: Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous avez commencé
à 20 h 52. Donc...
Une voix: Oui, mais il y a eu tout le temps des...
Le Vice-Président (M. Rancourt): ... vous avez
au-delà de cinq minutes. M. le ministre.
M. Godin: Merci, M. le Président. Alors, je prendrai ces
cinq minutes pour dire seulement deux choses. De ce côté-ci de la
Chambre, nous avons énormément hâte que le Parti
libéral vide ses querelles internes et que les gens importants dans ce
parti qui siègent ici soient prêts à bazarder leurs
principes pour leurs ambitions personnelles. Car ce qui se passe ces
semaines-ci et ces mois-ci au Canada, ce qui se passe ces mois-ci et ces
semaines-ci à Ottawa, c'est tellement grave pour l'avenir du
Québec - je ne parle pas de l'avenir de la constitution, mais de
l'avenir économique du Québec - que nous avons besoin plus que
jamais d'une Opposition qui soit unie, d'une Opposition qui soit forte, d'une
Opposition qui sait qui est son chef, d'une Opposition qui n'est pas
entourée de candidats à la chefferie qui n'attendent que le
premier tombe pour le remplacer. Nous avons besoin d'une Opposition ici qui
sait où sont les intérêts du Québec et non seulement
les intérêts des candidats à venir ou des candidats
à partir. Nous souhaitons, par conséquent, qu'ils balaient le pas
de leur porte le plus tôt possible pour qu'on sache un peu à quel
enseigne ils logent en ce qui touche les intérêts vitaux du
Québec.
Je terminerai en citant le même article que j'écrivais le
21 mai 1980. Deux ans après le référendum, j'y lis: "Et si
ces changements promis par les tenants du non ne sont pas conformes aux
aspirations des Québécois, il y a un grand nombre de non qui vont
devenir des oui pour l'avenir."
C'est ma seule consolation, M. le Président, et je m'adresse
à tous ceux qui nous écoutent qui ont voté non au
référendum. Je dis que nous payons, ces jours-ci, le prix de
leurs non. Cela va nous coûter cher et pour longtemps. J'aimerais qu'ils
y pensent pour leur avenir et pour celui de leurs enfants.
J'espère aussi que nos amis d'en face qui ont travaillé
pour le non au référendum, dont c'est le deuxième
anniversaire aujourd'hui, qui sont tellement mal pris et qui hésitent,
se rendent compte qu'ils ont livré le Québec pieds et poings
liés, comme disait un collègue cet après-midi, aux
volontés du fédéral de détruire le système
fédéral, de détruire l'équilibre relatif, mais
quand même mieux que ce que nous avons maintenant, qui existait entre les
provinces et le gouvernement central. J'espère que les
écailles leur tomberont des yeux et qu'ils se rendront compte
qu'en agissant comme ils l'ont fait, en incitant les Québécois
à voter comme ils ont voté, ils ont, en fait et
littéralement, mis le Québec à genoux.
On s'en rend compte de semaine en semaine, de mois en mois: attaque
contre la langue, attaque contre le système scolaire, attaque contre les
territoires, attaque contre les richesses naturelles du Québec. On se
rend compte jour après jour, semaine après semaine, qu'il faut
que, de plus en plus, tous les membres de cette Assemblée nationale
serrent les coudes au moment où les assauts contre les
intérêts vitaux du Québec se multiplient de la part de nos
grands frères, surtout les grands frères de nos amis d'en face,
du fédéral, qui se croient maintenant tout permis. Il serait
temps que les Québécois leur fassent savoir que rien ne leur est
permis qui va à l'encontre des intérêts du Québec,
M. le Président. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): J'aimerais intervenir, M. le
Président, dans ce débat parce que je ne voudrais surtout pas que
les électeurs de mon comté me reprochent de ne pas m'être
exprimé énergiquement contre un projet de loi qui pourrait
changer tout l'avenir économique du Québec, un projet de loi qui
pourrait changer tout l'aménagement de notre territoire, un projet de
loi qui pourrait changer, s'il était adopté tel quel, toutes nos
lois: nos lois sur la protection du territoire agricole, sur l'environnement,
sur l'aménagement du territoire, les règlements municipaux et
toute autre loi. C'est un projet de loi qui passerait complètement
pardessus la tête des Québécois en se foutant des droits
qu'un peuple a et qu'il tient à garder.
Le Parti libéral du Québec nous a avertis qu'il
s'abstiendrait de voter sur ce projet de loi parce qu'on dit que c'est une
motion partisane. Je ne comprends réellement pas. Si défendre
notre propriété est devenu partisan, je ne sais pas pourquoi nos
électeurs nous enverraient ici, en cette Chambre, puisqu'ils nous
envoient ici pour défendre leurs intérêts, leur
propriété. Si c'était partisan que de défendre ces
droits, nous n'aurions plus rien à faire ici.
Les libéraux du Québec - je dis bien les libéraux
du Québec parce qu'il en reste, pas les rouges, ni les
fédéralistes à outrance, mais les vrais libéraux -
ne doivent pas être tellement fiers aujourd'hui, ou ne le seront pas
demain lorsqu'ils prendront connaissance des journaux, des propos tenus par le
chef du Parti libéral, M. Ryan, en conférence de presse cet
après-midi. Il disait - je vais lire un paragraphe...
Une voix: Au complet.
M. Baril (Arthabaska): Certainement, je vais le lire au complet.
Il disait: "Le Parti libéral considère que, pour favoriser
l'ouverture des négociations avec le gouvernement de Terre-Neuve, le
gouvernement du Québec devrait reconnaître explicitement la
juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador, sujet à des
négociations politiques susceptibles de préciser à
l'avantage des deux parties une définition de la frontière du
Labrador."
Je ne comprends pas comment ils peuvent parler de négociations
et, avant de négocier, ils vont leur donner ce qu'ils ont à
offrir pour en arriver à un consensus, à une entente favorable
aux deux parties. Je ne comprends pas ça. C'est comme si je vous donnais
mon auto, M. le Président, et que je disais après ça: Pour
une bonne entente, on va négocier un prix. Je vous l'ai
déjà donnée. À quelle entente pourrait-on arriver,
pensez-vous, pour que cette négociation fasse l'affaire des deux? Je
vous l'ai déjà donnée. C'est l'argumentation que le Parti
libéral nous amène aujourd'hui.
C'est vrai que ça fait longtemps que la question du Labrador
traîne, il y a eu et il y a encore beaucoup de divergences d'opinions
là-dessus, mais il y a quand même une chose que les
Québécois ont toujours défendue - que ce soient des
libéraux, des unionistes, des créditistes, lorsqu'il y en avait
ici au Québec, le Parti québécois, depuis 1976 que nous
sommes au pouvoir et depuis 1970 lorsqu'on formait l'Opposition -c'est que le
Labrador était propriété québécoise.
Aujourd'hui, en l'espace d'environ une demi-heure, le chef du Parti
libéral est prêt à donner ou à concéder le
Labrador à Terre-Neuve. Le Parti libéral en face de nous agit
comme le gars qui ne sait jamais où se brancher. Il va avoir à
prendre position sur tel ou tel sujet et il va dire: Vous savez, je ne suis pas
pour, je ne suis pas contre non plus, mais je ne le sais pas. Je ne sais pas ce
qu'on va faire. C'est un gars qui n'est pas capable de se brancher. Le Parti
libéral, l'Opposition, les gens qui sont en face de nous, lorsqu'ils
étaient contre un projet de loi parce qu'ils n'étaient pas pour
et qu'ils n'étaient pas contre, et qu'ils ne savaient pas où se
brancher, trouvaient une formule. Ils reportaient l'étude de ce projet
de loi de trois mois et là, quand ça ne faisait plus après
trois mois, ils présentaient un sous-amendement et reportaient encore de
trois mois, et cela continuait encore jusqu'à six mois parce qu'on
n'était pas capable de se brancher. C'était difficile de voter
contre, parce que cela allait à l'encontre de l'intérêt
des Québécois, et on ne pouvait pas voter pour, parce que
cela allait à l'encontre de leurs principes ou à l'encontre du
grand chef de la maison mère d'Ottawa. Car, chez nos voisins d'en face,
on n'a jamais pu se brancher pour savoir si on était le Parti
libéral du Québec ou le Parti libéral du Canada. On
s'aperçoit de plus en plus qu'il ne reste rien du Parti libéral
du Québec; il n'existe plus. Il ne reste qu'un seul et unique parti, le
Parti libéral du Canada. On le voit de plus en plus à travers les
arguments amenés par les gens d'en face. (21 h 10)
Ils sont contre le projet et, chose curieuse, nous, les
ministériels, nous, du gouvernement, ne demandons pas le retrait de ce
projet de loi C-108, nous demandons que des amendements soient apportés
à ce projet de loi. Il serait intéressant de lire le
communiqué de presse que le chef de l'Opposition, M. Ryan, a émis
cet après-midi. Dans cela, il dénonce, exactement comme nous,
l'empiètement du gouvernement fédéral sur les droits qui
appartiennent présentement au Québec, par les pouvoirs qu'Ottawa
se donnerait. Donc, il écrit une chose dans les journaux, devant la
télévision et ici, à l'Assemblée nationale, ils
font exactement le contraire, ils s'abstiennent. Où est la logique de
cela? Je me le demande.
Tout à l'heure, je prenais quelques notes et la position du chef
du Parti libéral me faisait penser un peu à celle qu'il avait
prise lors de la dernière campagne électorale quant à la
taxe sur la machinerie agricole. Il s'engageait à abolir la taxe sur la
machinerie agricole, quand tout le monde sait qu'il n'y a pas de taxe sur la
machinerie agricole. La position du chef du Parti libéral et de
ses...
Une voix: Acolytes.
M. Baril (Arthabaska): ... acolytes... merci, j'aurais
employé un autre mot que celui-là, c'est celle de gens qui ne
savent pas se brancher. Un jour, ils disent une chose et, le lendemain, ils
disent autre chose.
J'aimerais quand même faire ressortir un point fondamental de ce
projet de loi. Si ce projet de loi était adopté tel quel à
Ottawa, il viendrait brimer les droits que ce gouvernement a donnés
à la classe agricole en protégeant leur territoire agricole.
Avant 1978, au ministère des Transports du Québec, on prenait une
règle, on la plaçait sur la carte et on traçait une route
ou une autoroute sans se soucier des dégâts qu'on pouvait faire,
sans penser aux terres arables ou agricoles qu'on pouvait diviser ou
séparer. On ne s'occupait pas de cela: Tassez-vous, c'est nous qui
passons! Combien d'acres de terre agricole au Québec ont
été perdues littéralement dans les années suivantes
et ont poussé en "branchailles"? Des agriculteurs ont été
disséminés dans les rangs; ils ne pouvaient plus cultiver leur
terre, parce qu'il y avait une fameuse route qui la séparait.
En 1978, le Parti québécois a voté une loi - c'est
évident que l'Opposition a voté contre - pour protéger les
terres agricoles afin qu'il n'y ait pas d'irrégularités ou de
vols non seulement dans le domaine de l'agriculture mais aux dépens de
la population en général, puisque le sol est nécessaire
pour se nourrir. On a adopté une loi pour empêcher que d'autres
décisions abusives ne se prennent comme l'établissement de
l'aéroport de Mirabel. On a fait une toute petite erreur, quand on a
exproprié les meilleurs sols du Québec, une petite erreur de 75
000 acres. Je n'ai pas fait le total, mais 75 000 acres, ce doit être
à peu près la superficie des paroisses de Princeville,
Plessisville et Victoriaville, chez nous. Les gens peuvent s'imaginer à
peu près ce qu'on a perdu de terre arable, du meilleur sol
québécois.
La Loi sur la protection du territoire agricole, comme je le disais,
empêche maintenant la prise de ces décisions sans planification
aucune, mais la loi C-108 permettrait à l'Office national de
l'énergie d'installer une ligne électrique. Elle passe où?
Personne ne le sait parce qu'on dit qu'on exproprie un corridor sur le
territoire québécois pour le transport de l'énergie de
Terre-Neuve aux États-Unis. Où ça peut passer? Vous pouvez
vous imaginer que ça peut passer à côté de votre
maison, ça peut passer au bout du champ, ça peut passer à
Montréal comme ça peut passer à Sept-Îles. Il n'y a
aucune définition. On ne sait pas où cela va passer. Je connais
les ennuis qu'un simple poteau d'électricité en plein milieu d'un
champ peut causer à un agriculteur. Là, on exproprierait un
corridor de 150 pieds de largeur environ. On pourrait, c'est évident,
passer à travers des maisons, à travers des villages, à
travers nos plus belles terres, à travers les érablières,
à travers toutes sortes de boisés, sans, bien entendu, se soucier
parce qu'on ne peut pas... Je ne veux pas non plus exagérer, mais il n'y
a rien qui nous assure que le gouvernement fédéral ou l'Office
national de l'énergie va se préoccuper de l'environnement ou de
la protection de notre territoire agricole.
C'est pour ça que nous demandons que la loi C-108... Encore une
fois, nous ne demandons pas un rejet de cette loi, mais nous proposons un
amendement à la loi qui dit: "Réclame des membres du Parlement
fédéral qu'ils apportent au projet de loi C-108 les modifications
suivantes." Entre autres, "le retrait de toute disposition ayant pour objet de
permettre, par voie d'expropriation de son territoire et sans le plein accord
du Québec..." Pour une fois, M. le Président, que nous sommes
prêts à négocier...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député d'Arthabaska. J'aimerais demander à ceux qui
sont debout, qui n'occupent pas leurs fauteuils, de bien vouloir s'asseoir pour
permettre justement au député d'Arthabaska de faire son
intervention en toute quiétude.
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Vous me
donnez une grosse chance. Nous disons, par cet amendement, au gouvernement
fédéral, avant d'établir un corridor sur notre territoire,
que nous voulons être entendus, que nous voulons discuter avec lui, que
nous voulons négocier avec lui. Ce qui me surprend davantage, c'est que
les députés d'en face, qui nous accusent de toujours agir d'une
façon antidémocratique, de ne jamais vouloir négocier ou
de mal négocier, pour une fois qu'on demande de négocier, qu'on
demande au gouvernement fédéral, avant d'adopter quelque chose
chez nous, qu'on puisse négocier, qu'on puisse s'entendre ensemble avant
de passer n'importe où et bousculer tout le monde, les gens d'en face
s'opposent à cette motion. Est-ce qu'ils ont eu une directive d'Ottawa,
est-ce qu'ils ont eu une directive de Terre-Neuve? On ne le sait pas. Tout ce
dont les Québécois et les Québécoises sont
conscients aujourd'hui, c'est que, de plus en plus, on ne peut plus se fier,
absolument pas, aux gens d'en face pour défendre les
intérêts des Québécois.
Je vais faire ici, puisque les gens d'en face ne veulent pas - ils nous
ont déjà dit qu'ils s'abstiendraient - je vais faire un appel aux
députés libéraux fédéraux. On n'a pas grand
choix. Ils sont 74 sur 75 qui nous représentent à Ottawa. Ils
représentent les Québécois à Ottawa. Je vais leur
faire un appel parce qu'il me semble qu'il doit leur rester encore au moins un
peu de bon sens, un peu de logique pour réaliser que ce que leur
gouvernement est en train d'adopter, c'est réellement de l'usurpation de
nos droits. Je ne peux pas comprendre que ces députés qui sont
à Ottawa puissent laisser leur gouvernement adopter une loi semblable
qui donnerait tous les pouvoirs possibles et imaginables à l'Office
national de l'énergie, sans aucun contrôle. C'est évident
que le ministre Lalonde dit: Fiez-vous à nous autres. Il n'y a rien qui
dit que ça va être aussi dur que ça dans la loi. Par
contre, il n'y a rien qui nous dit que ça ne sera pas aussi dur. Ce sera
l'Office national de l'énergie qui aura les pouvoirs, ce qui permettra
par la suite au gouvernement d'Ottawa de dire: Ce n'est pas nous qui avons fait
cela, c'est l'Office national de l'énergie. On ne le voulait pas, mais
c'est une société d'État, c'est un office. (21 h 30)
On sait qu'il y a des sociétés d'État ici au
Québec, des offices qui prennent parfois des décisions qui vont
un peu à l'encontre de la volonté du gouvernement. Donc, on
devrait être avertis. C'est pour cette raison que je fais encore une
demande - j'ai encore un peu d'espoir - aux députés
fédéraux d'Ottawa pour qu'ils fassent amender ce projet de loi
C-108 pour que les chances de négociation entre Québec et
Terre-Neuve puissent être au moins égales et qu'on ne vienne pas
briser des contrats déjà signés et empêcher
même toute discussion entre notre province, le Québec, et la
province voisine, Terre-Neuve.
Je termine là-dessus, M. le Président. Le but de mon
discours, de mon exposé était quand même de ne pas faire
ressortir des choses partisanes - encore une fois, je ne pense pas que ce soit
partisan - mais plutôt de sensibiliser au moins la population sur les
décisions que nos élus à Ottawa prennent sans consulter
l'ensemble des Canadiens. Je dis les Canadiens, mais, entre autres, c'est nous
qui sommes le plus concernés. Lorsque le gouvernement du Québec
adopte des lois avec autant d'implications, on fait la plupart du temps des
tournées de consultation pour connaître l'opinion des
Québécois. Pourquoi le gouvernement du Canada ne fait-il pas
actuellement, avant d'adopter cette loi, une tournée au Québec
pour prendre réellement le pouls des Québécois et des
Québécoises pour que l'ensemble de la population ait au moins la
chance - et que ce ne soit pas uniquement au niveau de cette Assemblée
-de s'élever et de s'exprimer contre l'empiétement que le
gouvernement fédéral est en train de faire sur notre propre
territoire?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Chauveau.
M. Raymond Brouillet
M. Brouillet: M. le Président, permettez-moi, pour le
bénéfice des auditeurs qui viennent de se joindre à nous,
de rappeler brièvement ce qui fait l'objet du présent
débat.
Nous savons presque tous que le gouvernement fédéral
s'apprête présentement à adopter un projet de loi qui,
vraiment, est inacceptable et tout à fait injuste pour le Québec.
Il s'agit dans ce projet de loi C-108 d'étendre considérablement
les pouvoirs de l'Office national de l'énergie du Canada. Il est
important, je pense, M. le Président, de voir et de bien comprendre en
quoi consiste cette extension des pouvoirs que le gouvernement
fédéral s'apprête à accorder à l'Office
national de l'énergie du Canada. À la suite de ce projet de loi,
s'il est adopté -et nous savons qu'il est sur le point de l'être -
l'Office national de l'énergie du Canada, qui est contrôlé
par le gouvernement fédéral, aura le pouvoir d'exproprier une
large partie
du territoire de notre province pour permettre à une autre
province, en l'occurrence la province de Terre-Neuve, de construire à
travers notre territoire une ligne de transmission de
l'électricité produite à Terre-Neuve pour la diriger vers
les marchés des autres provinces, en l'occurrence surtout l'Ontario et
aussi vers les marchés des États de la Nouvelle-Angleterre et de
l'ensemble des États-Unis. Tout cela, M. le Président, toute
cette opération d'expropriation et de construction d'une ligne de
transport d'électricité à travers nos territoires,
pourrait se faire sans l'accord, sans le consentement de la collectivité
québécoise et du gouvernement du Québec.
M. le Président, je pense qu'il est très important que la
population du Québec et tous les membres de cette Chambre soient
attentifs pour bien comprendre les enjeux de ce projet de loi et les
conséquences graves et néfastes qu'il aura pour toute la
collectivité québécoise. Ce projet de loi
fédéral, nous pouvons sûrement le qualifier d'un autre coup
de force porté par le pouvoir central d'Ottawa pour tâcher de
casser les reins de la collectivité québécoise, quant
à ses pouvoirs et à la maîtrise de son
développement.
Par ce projet de loi, le gouvernement fédéral permettra
à l'Office national de l'énergie d'enfreindre les droits de
propriété qu'a le Québec sur son territoire et
d'intervenir dans la gestion et, finalement, dans le contrôle de notre
première richesse naturelle, notre richesse qui est vraiment la base, le
pilier de notre économie, l'hydroélectricité.
M. le Président, j'aimerais attirer l'attention de cette Chambre
et de la population sur les conséquences néfastes de ce projet de
loi. Tout d'abord, nous savons tous que l'hydroélectricité
constitue pour le Québec le pilier principal de son développement
économique. C'est un fait reconnu par tout le monde. Elle constitue
l'instrument fondamental de cette promotion économique du Québec.
Pour bien illustrer comment l'hydroélectricité est vraiment un
pilier fondamental de notre développement économique, il suffit
de rappeler qu'au cours des dernières années les investissements
d'Hydro-Québec dans le développement économique de notre
province représentent 25% de tous les investissements que nous avons
faits au Québec. Nous voyons l'importance de ce secteur pour l'ensemble
de notre activité et de notre développement économique.
Nous savons tous que ce pouvoir hydroélectrique que nous
possédons a été construit par les Québécois,
par la compétence des Québécois. Nous savons tous aussi
que c'est à même l'argent et les économies des
Québécois que nous avons pu financer à part entière
tout ce pouvoir hydroélectrique dont nous jouissons aujourd'hui.
Cette situation de notre pouvoir hydroélectrique et de son
développement, au cours des dernières années, permet
actuellement de produire un surplus d'énergie électrique au
Québec. Nous pouvons satisfaire tous nos besoins et nous avons encore
une production qui excède nos besoins. Ceci permet donc au Québec
d'envisager d'exporter ses surplus d'électricité et ainsi
d'assurer au Québec une part de revenus considérables, sans
compter les surplus que nous pouvons engendrer aujourd'hui avec le potentiel
que nous avons mis en place. 11 y a aussi - nous le savons tous - des
possibilités considérables d'accroître notre production
d'électricité et ainsi d'ouvrir nos perspectives d'exportation
vers les marchés extérieurs, vers les marchés
étrangers.
M. le Président, il faut bien comprendre qu'aujourd'hui le temps
est venu pour le Québec, de même qu'actuellement, en Alberta, on
tire profit du pétrole pour assurer un revenu à la province en
exportant à l'extérieur de la province cette énergie, de
regarder aussi vers les marchés extérieurs et d'assurer, par ces
exportations, un revenu considérable pour tous les citoyens du
Québec.
C'est dans cette perspective qu'Hydro-Québec vient de renouveler
son contrat de vente d'électricité à l'Ontario pour les
cinq prochaines années au coût de 200 000 000 $. C'est aussi dans
la même perspective que notre premier ministre vient de signer avec
l'État de New York un contrat qui assurera au Québec, à
partir de 1984, des revenus annuels de 400 000 000 $ en dollars constants, ce
qui fait un total de 5 000 000 000 $ au bout des treize ans que durera le
contrat. Si nous apprécions ces dollars en valeur courante, ça
représente un peu plus de 11 000 000 000 $ de revenus pour le
Québec durant les treize prochaines années uniquement à la
suite de ce contrat signé avec l'État de New York. (21 h 40)
Nous avons aussi à notre portée d'autres marchés
qui s'ouvrent. Il y a tous les autres États de la Nouvelle-Angleterre
avec lesquels le Québec a eu des rencontres pour essayer de
négocier la possibilité de vente d'électricité. Que
vient faire dans ce décor, dans cette perspective d'avenir pour le
développement du Québec, le coup de force d'Ottawa avec le projet
de loi qui sera bientôt adopté? En permettant à Terre-Neuve
d'exproprier une partie du territoire québécois et de construire
des lignes de transport jusqu'au marché américain, cela va
réduire considérablement les avantages comparatifs dont jouit le
Québec sur les marchés de l'électricité grâce
à sa position géographique, grâce à sa
proximité des États-Unis, où le besoin en
électricité est considérable.
M. le Président, après un décret venant de Londres
et passé il y a plusieurs années, qui a enlevé au
Québec une grande partie de son territoire, en l'occurrence le Labrador,
pour le donner à Terre-Neuve, nous assistons maintenant, par la
présente loi, à un geste d'Ottawa qui s'apprête à
autoriser Terre-Neuve, par l'entremise de l'Office national de
l'énergie, à agrandir son territoire d'un corridor de 500 pieds
de largeur et d'au-delà de 1000 kilomètres de longueur, à
travers nos terres, au risque de saccager la protection de notre environnement
et de nos terres agricoles. Ce corridor agrandira Terre-Neuve à
même notre territoire et ce corridor rendrait Terre-Neuve aux portes
mêmes du marché américain.
Ceci permettrait à Terre-Neuve, avec la complicité
d'Ottawa, de venir concurrencer le Québec sur les marchés
américains en ce qui concerne la vente de l'électricité.
Le résultat est inévitable: ce sera, pour le Québec, des
pertes considérables de revenus et ce sera le risque de voir freiner le
développement du potentiel hydroélectrique du Québec pour
les années à venir.
Devant une telle situation, je crois que nous sommes en droit de nous
demander - la population se le demande certainement -comment Ottawa peut
décider de porter ainsi un autre coup dur et un coup dur dirigé
directement et essentiellement sur le Québec. Je me risquerai d'avancer
quelques raisons en laissant à l'ensemble des membres de cette
Assemblée et à la population d'apprécier chacune de ces
raisons et de faire leur propre jugement.
Tout d'abord, la population doit se souvenir que, lors de la
dernière conférence constitutionnelle, à Ottawa, un des
premiers ministres provinciaux les plus réfractaires, les plus
récalcitrants à l'égard du geste d'Ottawa, geste qui
consistait à rapatrier unilatéralement la constitution,
c'était celui de Terre-Neuve. Nous savons que, dans la nuit du 5
novembre, ce premier ministre de Terre-Neuve qui, depuis longtemps, voulait
avoir ce droit de passage au Québec pour vendre
l'électricité du Labrador aux États-Unis, sa
résistance a fondu dans la nuit du 5 et c'est lui qui a
présenté le compromis qui s'est fait et qui s'est tramé
dans le dos du Québec, contre les droits du Québec. C'est
à ce premier ministre qu'aujourd'hui on vient offrir, sur un plateau
d'argent, un corridor au Québec. On vient lui offrir un prolongement du
territoire de sa province au détriment du territoire du Québec.
On peut se poser des questions sur ce genre de marchandage. Je te donne ton
corridor et tu me donnes ta signature pour rapatrier la constitution même
sans l'accord du Québec.
Nous devons aussi considérer que le gouvernement
fédéral n'a jamais trop caché son désir et son
intention de s'ingérer de plus en plus dans les domaines de
compétence provinciale et, en particulier, dans le domaine des richesses
naturelles et dans le domaine de l'énergie.
Une occasion en or s'offrait au gouvernement fédéral de
s'introduire directement dans l'exploitation des richesses naturelles d'une
province. Le gouvernement de Terre-Neuve et le gouvernement d'Ottawa se sont
entendus pour constituer une compagnie qui permettra d'exploiter les chutes du
Bas-Churchill au Labrador, donc en territoire terre-neuvien. C'est ce
même gouvernement fédéral qui a des intérêts
dans la production et l'exploitation de l'énergie électrique au
Labrador, donc à Terre-Neuve, qui vient de décider et de donner
à l'Office national de l'énergie la possibilité
d'exproprier un corridor au Québec pour exporter cette énergie
qui est, en partie, propriété et produite par des fonds du
fédéral qui sont, en partie, des fonds qui proviennent du
Québec. Tout ceci va permettre de rejoindre les marchés
américains sur le dos du Québec.
Ce geste du gouvernement fédéral se situe dans la
continuité de tous les gestes de ce gouvernement, surtout depuis le non
au référendum. Mes collègues en ont parlé
tantôt et je ne veux pas y revenir davantage. Je veux simplement
mentionner le fait qu'on assiste, depuis ce temps-là, à une
offensive organisée, voulue et systématique du pouvoir central
pour amenuiser, détruire et rapetisser de plus en plus les pouvoirs
provinciaux et ramener, à Ottawa, les pouvoirs quasi absolus d'un
État centralisateur et unitaire.
Je n'ai pas besoin de développer davantage ce point pour montrer
que le Québec ne peut pas accepter que ses pouvoirs soient amoindris de
cette façon et d'être à la merci du pouvoir central
d'Ottawa dont nous serons toujours comme une minorité par la force
même de la démographie.
M. le Président, comment expliquer aussi l'attitude de
l'Opposition libérale du Québec? Il y a beaucoup
d'hypothèses qui ont été avancées. Je peux
peut-être me risquer à avancer la mienne. Alors que le droit de
propriété du Québec est menacé sur son territoire,
alors que la gestion exclusive de notre richesse naturelle qu'est
l'hydroélectricité risque d'être menacée, les
députés libéraux du Québec vont s'abstenir de voter
pour une motion qui affirme les droits du Québec et qui a pour but de
revendiquer la protection, le respect et la sauvegarde de ces droits.
Il y a une raison à cette abstention qui a été
avancée par le leader de l'Opposition. Alors qu'il s'adressait aux
membres du parti au pouvoir, le leader de l'Opposition a dit ceci: "Nous allons
nous abstenir de jouer votre petit jeu." M. le Président, pour ne
pas
jouer le jeu du gouvernement du Québec, de la majorité des
députés de cette Chambre et de la majorité de la
population du Québec, pour ne pas jouer le jeu du peuple du
Québec, les députés de l'Opposition sont prêts
à jouer le jeu du gouvernement d'Ottawa, du gouvernement
fédéral, du gouvernement centralisateur, du gouvernement qui veut
spolier les droits du Québec. Entre jouer tel jeu plutôt que
l'autre jeu, je ne peux pas m'expliquer qu'on opte pour le jeu
fédéral dans les circonstances actuelles. (21 h 50)
On pourrait spéculer aussi beaucoup sur cet aveu de certains qui
reconnaissent que le coup du fédéral est peut-être un coup
bas -ils ne sont pas tout à fait d'accord avec la loi - mais
malgré tout on ne veut pas voter pour une motion qui dit que ce n'est
pas bien. Cette contradiction dans leur attitude manifeste la contradiction
à l'intérieur de leur propre parti. C'est évident. Cette
contradiction dans leur attitude en Chambre, quand il s'agit de motions qui
consistent à défendre les droits du Québec,
révèle à la population les contradictions internes et
explique aussi la contradiction dans laquelle le chef de l'Opposition se place
constamment.
Il y en a qui sont profédéralistes à tout prix,
d'autres qui sont quand même pour défendre les droits du
Québec dans ce parti, et devant cette contradiction on aime mieux
s'abstenir plutôt que de présenter franchement ses couleurs et de
prendre position selon ses convictions.
M. le Président, en terminant, je rappelle les droits du
Québec quant à l'intégrité de son territoire, je
rappelle la compétence exclusive du Québec à
l'égard de ses richesses naturelles et notamment en ce qui concerne
l'exploitation, le transport de l'hydroélectricité sur son
territoire de même que la vente de cette énergie. Je suis
convaincu que les Québécois n'accepteront jamais que ces droits
leur soient enlevés. Le territoire québécois appartient
aux Québécois, ils en sont les maîtres et ils entendent
l'aménager et le développer à leur façon. Il ne
peut servir à satisfaire les intérêts des autres au
détriment des intérêts de ses propres habitants.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: M. le Président, j'ai vu le
député de Roberval se lever; s'il veut intervenir
immédiatement, je n'ai vraiment pas d'objection.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président.
M. Pagé: M. le Président, je m'excuse,
brièvement, pour ne pas...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: Nous avions convenu, le leader adjoint du
gouvernement et moi, qu'après l'intervention de l'honorable
député de Chauveau nous ajournerions. Je ne voudrais pas que nous
soyons obligés d'interrompre l'intervention du député dans
quelques minutes parce que, comme on le sait, de nombreux députés
libéraux doivent se rendre dans leur foyer ce soir et on devra,
malheureusement, terminer à 22 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: M. le Président, j'ai l'assurance du
député de Roberval que cinq minutes lui suffiront pour exprimer
le fond de sa pensée. Nous pourrons ajourner à 22 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je serai très
bref puisque le temps nous presse et semble presser les gens de l'Opposition.
Effectivement, on est bien loin de la période où les Pères
de la Confédération avaient accepté de se réunir
pour se donner, dans l'intérêt de la communauté, des
pouvoirs en commun et faire ce qu'il est convenu d'appeler maintenant le
Canada. Cette Confédération, qui voulait qu'on ait des pouvoirs
en commun pour le bien de la collectivité, est en train de servir
à tout autre chose, à un tout autre but que le but initial.
On avait pensé donner des pouvoirs à un gouvernement
central, mais ce qu'on n'avait pas prévu, c'est qu'à un moment
donné, pour certains hommes politiques qui iraient faire leur bout de
chemin dans ce gouvernement fédéral, le mot "pouvoir" voudrait
dire une ingérence totale, une ingérence absolument
complète dans tous les domaines, dans tous les secteurs
d'activité. On a un exemple aujourd'hui, avec ce qui se passe à
Ottawa - on en a eu un récemment - d'un premier ministre
fédéral dont le but est de faire du gouvernement
fédéral un gouvernement omnipuissant, omniprésent, est en
train de violer littéralement nos droits les plus fondamentaux. Cet
après-midi, on nous accusait de l'autre côté de faire de la
propagande. Je vous dis et je demande aux citoyens du Québec si c'est
faire de la propagande que d'essayer de sauvegarder son bien, si c'est faire de
la propagande que
d'essayer tout naturellement de préserver des droits qui nous ont
toujours appartenu, si c'est faire de la propagande que de se défendre
contre des attaques aussi basses. Oui, je veux bien être alors le plus
grand propagandiste du Québec.
Certains de nos amis d'en face ont déclaré qu'ils
étaient d'accord sur le fond. Ils l'ont fait timidement, bien sûr,
parce que leurs intérêts divergents les mettent très
souvent en contradiction soit avec leur chef, soit entre eux autres. Mais ceux
qui ont eu le courage, ceux qui ont eu l'audace de dire que c'était
vrai, que ce qui se passe actuellement au fédéral, cela n'avait
pas de bon sens, ces gens, j'ai une parcelle d'admiration pour leur
courage.
Malheureusement, c'est tout le groupe qu'on aurait dû voir se
rallier derrière le gouvernement pour condamner ce vol, ce viol de notre
territoire québécois. C'est tout le groupe de l'Opposition qu'on
aurait dû voir se lever avec le gouvernement pour poser ce geste de
Québécois convaincus, de Québécois mandatés
par d'autres Québécois pour venir exercer un certain nombre de
pouvoirs, les pouvoirs qu'on a toujours eus et qu'on veut garder à
l'Assemblée nationale du Québec. Pour vous montrer, et les
citoyens vont le comprendre facilement, que ce projet de loi est tellement
condamnable, c'est à peu près tout le monde, à l'exception
du Parti libéral fédéral, qui trouve le moyen de le
condamner, tantôt sur un aspect, tantôt sur un autre aspect.
Fondamentalement, ce projet de loi ne rallie personne, même pas
les petits frères provinciaux, qui se sentent un peu mal pris dans cette
situation. Que les conservateurs à Ottawa, que le Nouveau parti
démocratique, que les libéraux provinciaux qui ont encore le
courage de dire quelque chose publiquement et que les membres de ce
gouvernement s'allient d'une certaine façon sur le fond de la question,
c'est là, je pense, pour nos citoyens, la plus belle preuve que ce
projet de loi est inacceptable. Cet après-midi, c'est le
député de Vimont qui avait un exemple tout à fait juste et
qui est susceptible de nous faire comprendre toute la dimension de ce geste
bas, quand il parlait de la corde à linge. Si un de nos voisins
décidait, si une municipalité décidait, au nom de
l'intérêt public, au nom de l'intérêt d'un voisin, de
faire passer une corde à linge au milieu de notre jardin, je ne sais pas
s'il y a beaucoup de citoyens au Québec qui accepteraient une situation
aussi aberrante que celle-là. Se lever pour condamner une attitude comme
celle-là et résister farouchement à un projet aussi bas,
je pense que ce sont les deux côtés de cette Chambre qui devraient
le faire.
M. le Président, je suggérerais, en terminant - puisque
vous me faites signe que mon temps achève déjà - à
l'ensemble des citoyens du Québec d'assaillir littéralement les
bureaux des députés fédéraux afin de leur faire
savoir notre mécontentement, afin qu'on leur dise qu'on ne veut pas d'un
projet de loi qui risque d'amputer le Québec, notre pays qui nous
appartient, d'une très grande partie de son territoire. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: M. le Président, je demande l'ajournement du
débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion
d'ajournement du débat est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: M. le Président, je pense que nous
avons fait une bonne semaine.
Une voix: ... moins fort...
M. Fréchette: Oui. De toute façon, je fais motion,
M. le Président, pour que nous ajournions nos travaux au mardi 25 mai,
à 14 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
ajournés à mardi, 14 heures.
(Fin de la séance à 22 heures)