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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le jeudi 20 mai 1982 - Vol. 26 N° 60

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement. Vous pouvez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents. M. le député de Matapédia.

Pétition demandant l'aide

des gouvernements aux victimes de la MIUF

M. Marquis: M. le Président, conformément aux dispositions de notre règlement, qu'il me soit permis de déposer une pétition portant 840 signatures, en plus d'être appuyée par de nombreuses corporations municipales et autres organismes, présentée au nom de toutes les victimes de la mousse isolante d'urée formaldéhyde de la région 01. Cette pétition qu'on demande de déposer et à l'Assemblée nationale du Québec et à la Chambre des communes du Canada prie les deux gouvernements de prendre, selon leurs compétences respectives, la position urgente qu'exige l'état actuel du dossier et notamment de prendre les dispositions suivantes: 1. Déclarer la situation de la MIUF un sinistre national et débloquer les fonds d'indemnité. 2. Ordonner l'aide physique et matérielle de l'Armée canadienne. 3. Ordonner la création d'une commission d'enquête présidée par un magistrat. 4. Protéger la santé familiale en votant un plan d'évacuation obligatoire et de relogement temporaire sans aucuns frais, le cas échéant. 5. Voter la suspension du paiement des taxes municipales, le cas échéant. 6. Voter la suspension du paiement du prêt hypothécaire, le cas échéant. 7. Modifier la Loi sur l'aide juridique pour admettre toutes les victimes de la MIUF. 8. Ordonner sur-le-champ une étude épidémiologique. 9. Accorder toutes les ressources matérielles et financières aux victimes.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Pétition déposée. M. le député de Saint-Henri.

Pétition pour la confessionnalité des écoles

M. Hains: M. le Président, conformément à notre règlement, j'ai l'honneur de déposer une pétition signée par plus de 25 présidents d'associations au sujet de la confessionnalité dans nos écoles.

Cette pétition peut représenter de 25 000 à 30 000 signatures personnelles.

Voici la teneur de cette pétition: "Attendu que tout enfant a le droit de bénéficier d'un système d'éducation qui favorise le plein épanouissement de sa personnalité;

Attendu que les parents ont le droit de choisir les institutions qui, selon leurs convictions, assurent le mieux le respect des droits de leurs enfants;

Attendu que les personnes et les groupes ont le droit de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les exigences du bien commun étant sauves, de bénéficier des moyens administratifs et financiers nécessaires à la poursuite de leur idéal;

Attendu qu'il importe d'instituer, suivant ces principes, un ministère de l'Éducation dont les pouvoirs soient en relation avec les attributions reconnues à un Conseil supérieur de l'éducation, à ses comités catholique et protestant ainsi qu'à ses commissions, voici les demandes: 1) que l'on maintienne légalement l'école catholique pour les parents qui le demandent; 2) que l'on maintienne les commissions scolaires confessionnelles; 3) que des mécanismes de consultation appropriés assurent à des parents la possibilité de choisir le type d'école qui répond à leurs attentes; 4) que l'on maintienne le droit effectif des parents de choisir l'école privée. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Pétition déposée.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

M. Bertrand: M. le Président, je m'excuse...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: ... au niveau du dépôt de documents.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.

Documents relatifs au projet de loi no 65

M. Bertrand: Tel que je m'y suis engagé hier, il y a un certain nombre de documents que j'aimerais déposer pour le bénéfice des parlementaires qui participeront à la commission parlementaire qui a comme responsabilité d'étudier le projet de loi no 65 article par article. Je voudrais donc déposer un document qui fait état des comparaisons avec les législations étrangères, un autre document qui fait l'analyse des organismes visés par le projet de loi no 65, un autre document qui fait l'analyse des engagements ministériels et des orientations de l'Opposition sur le projet de loi, un autre document sur la définition des mots clefs contenus dans le projet de loi, un document sur la synthèse des principales dispositions de la loi et un document - j'aurais aimé que le député de Marguerite-Bourgeoys soit ici -relatif aux commentaires de la Commission des droits de la personne.

Après avoir pris des informations, effectivement, le 3 juillet 1981, j'avais écrit à la Commission des droits de la personne, à Mme Francine Fournier, présidente, pour lui demander si elle avait des commentaires à nous transmettre relativement au rapport de la commission Paré. Elle nous a répondu le 28 novembre et, effectivement, elle nous a transmis des commentaires. Le 3 décembre, je la remerciais de nous avoir transmis ces commentaires.

J'ajoute à cela que, malgré toutes ces précautions prises, j'ai écrit hier à Mme Fournier pour lui demander si, à la lecture du projet de loi no 65, elle avait d'autres commentaires à ajouter à ceux qu'elle nous avait déjà fait parvenir sur le rapport de la commission Paré. Je dépose aussi ce document, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Document déposé par le ministre des Communications.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés. M. le leader du gouvernement.

Rapports du greffier en loi sur des projets de loi privés

M. Bertrand: M. le Président, il y a un projet de loi inscrit au nom du député de Bourassa, le projet de loi no 202, Loi concernant la ville de Montréal-Est. Le greffier en loi adjoint de la Législature nous indique qu'il a examiné, suivant les règles de pratique, le projet de loi no 202, que le projet de loi est conforme à l'avis et que les avis ont été publiés, mais qu'il y a lieu de suspendre la règle de pratique puisque le projet de loi a été déposé au secrétariat des commissions après l'ouverture de la session. S'il y a consentement, M. le Président, pour déroger aux règles de pratique pour le dépôt de ce projet de loi...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Rapport déposé.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article g du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 68 Première lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor propose la première lecture du projet de loi no 68, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite. M. le ministre.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Il s'agit du projet de loi no 68. Ce projet de loi a principalement pour objet: de diminuer les dépenses budgétaires et les besoins financiers du gouvernement à l'égard des régimes de retraite des secteurs public et parapublic soit: le Régime de retraite des enseignants, le Régime de retraite des fonctionnaires et le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, les dispositions particulières prévues par la Loi concernant la protection à la retraite de certains enseignants. Également, il a pour but: de permettre, sans date limite, le transfert des participants de ces régimes au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics; de prévoir qu'un ministre désigné par le gouvernement soit responsable de l'application de ces lois. (14 h 10)

Tout en préservant les droits acquis des pensionnés et des participants de ces régimes, ce projet de loi prévoit, pour le service futur seulement, les modifications suivantes: le partage en parts égales entre employeurs et employés du coût des régimes; l'indexation des pensions sur l'excédent de 3% de l'indice des prix à la consommation au sens du Régime de rentes du Québec.

De plus, l'indexation des pensions, le 1er janvier qui suit la date de la mise à la retraite, s'effectuera proportionnellement au nombre de jours pour lesquels la pension a été versée au cours de l'année civile de la

mise à la retraite par rapport au nombre de jours de cette même année civile. Ces modifications s'appliqueront à compter du 1er juillet 1982, dans le cas du partage des coûts en parts égales entre employés et employeurs; à compter du 1er janvier 1983, dans le cas de l'indexation annuelle des pensions sur l'excédent de 3%, cette indexation ne s'appliquant toutefois qu'à la portion de pension acquise après le 30 juin 1982 et à compter du 1er janvier 1983 quant à l'indexation proportionnelle des pensions, mais pour les seules pensions qui sont devenues payables après le 30 juin 1982.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette première lecture est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article h inscrit au feuilleton d'aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture, M. le leader?

M. Bertrand: Oui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Bertrand: C'est cela. L'article h du feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président.

Projet de loi no 48 Première lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le ministre des Transports propose la première lecture du projet de loi 48, Loi favorisant la poursuite des objets de la Ligue de taxis de Montréal Inc. M. le ministre des Transports.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, ce projet de loi a pour but de favoriser la poursuite des objets de la Ligue de taxis de Montréal Inc. et précise les conditions selon lesquelles les propriétaires de taxis de l'agglomération de Montréal seront habilités à participer à la prochaine assemblée générale de la Ligue de taxis de Montréal Inc. et à soumettre leurs candidatures à titre de membres du conseil d'administration de la ligue lors de la prochaine élection. Il décrète l'obligation de la ligue de tenir une assemblée générale de ses membres le 26 septembre 1982 aux fins de leur soumettre pour adoption un texte refondu de ses règlements et de fixer le montant de la cotisation annuelle qui sera exigible de ses membres à compter de 1982. Ce projet de loi permet au ministre des Transports de nommer un vérificateur pour vérifier les comptes et les livres de la corporation au 31 décembre 1982 et d'établir une cotisation spéciale afin de réduire, le cas échéant, le déficit accumulé par la corporation au cours des années 1979, 1980 et 1981. Il impose aux détenteurs de permis de l'agglomération de Montréal l'obligation de payer à la corporation, en plus de la cotisation qui peut être établie par le ministre des Transports, un montant de 35 $ par permis et par année pour chacune des années 1979, 1980 et 1981 et prévoit à cet égard qu'un défaut de paiement pourra entraîner la révocation de permis de propriétaire de taxi. Enfin, ce projet de loi confie la surveillance de la prochaine assemblée générale des membres de cette corporation ainsi que de la prochaine élection de son conseil d'administration à un comité dont le mode de nomination est prévu au projet de loi. La date de l'élection sera postérieure à la tenue de l'assemblée générale.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette première lecture est-elle adoptée? M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: M. le Président, je voudrais poser une question au leader parlementaire concernant ce dépôt de projet de loi en première lecture. Le leader peut-il nous informer à quel moment il saisira la Chambre de l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, même s'il s'agit d'une question qui, normalement, serait posée en vertu de l'article 34, il me fait plaisir d'y répondre immédiatement puisqu'il y a eu dépôt en première lecture. Il se pourrait - il me semble que le ministre en a discuté avec le député de Jeanne-Mance -qu'on puisse disposer de ce projet de loi en deuxième lecture en 45 minutes ou une heure environ. À ce moment-là, peut-être jeudi soir de la semaine prochaine, une heure environ.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette première lecture est-elle adoptée? Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture, prochaine séance ou

séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article f).

Projet de loi no 202 Première lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le député de Bourassa propose la première lecture du projet de loi privé no 202, Loi concernant la ville de Montréal-Est. Cette première lecture est-elle adoptée? Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

Renvoi à la commission des affaires municipales

M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente des affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Questions orales des députés. M. le député de Laporte.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Augmentation des tarifs sur les autoroutes à péage

M. Bourbeau: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Le ministre des Transports a annoncé ce matin une augmentation des tarifs sur les autoroutes à péage du Québec, et ce à compter du 1er juillet prochain. Il appert que les tarifs passeront de 0,25 $ à 0,50 $ à chaque poste de péage à compter du 1er juillet prochain, à 0,60 $ à compter du 1er avril 1983, à 0,70 $ à compter du 1er avril 1984 et à 0,80 $ à chaque poste de péage à compter du 1er avril 1985.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Bourbeau: Aux heures de pointe, le tarif préférentiel sera porté de 0,10 $ à 0,35 $ jusqu'au 1er janvier 1983, date à laquelle il serait aboli. Le ministre ne trouve-t-il pas que le gouvernement a assez abusé des automobilistes depuis un an, notamment en augmentant la taxe sur l'essence d'au moins 110%, en augmentant les droits d'immatriculation de 60%, en augmentant l'assurance automobile d'au moins 12%, et qu'au lieu d'exploiter encore davantage cette vache à lait qu'est l'automobiliste, il serait grand temps que le gouvernement pense à couper dans les vraies dépenses folichonnes que sont les maisons du Québec à l'étranger, la propagande gouvernementale, les voyages des ministres en avion privé, les...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le député, en se basant sur ce qu'on a fait depuis quelque temps, veuillez poser la fin de la question, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: Je termine ma question dans laquelle je demandais au ministre si on ne devrait pas plutôt couper dans d'autres domaines qui font moins mal aux usagers comme, entre autres, les millions gaspillés dans Quebecair et les primes de séparation aux fonctionnaires.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Transports.

M. Clair: M. le Président, je suis heureux de voir que le député de Laporte est capable de répéter à peu près mot à mot les communiqués de presse qu'on a émis dans le cas de l'augmentation des péages sur les autoroutes. Essentiellement, je pense qu'il s'agit d'une décision qu'il était devenu important de prendre en ce qui concerne la majoration des péages sur les autoroutes. Le député dit que c'est une augmentation exagérée. Je voudrais simplement lui indiquer que ces tarifs n'avaient pas été révisés depuis 1958. Si on regarde la valeur réelle des péages depuis 1958...

Une voix: 1958?

M. Clair: ... la valeur réelle des péages, par exemple, de 0,10 $ aux heures de pointe, ce tarif préférentiel ne se justifie nullement sur le plan de l'étalement urbain, sur le plan d'une politique visant à favoriser le transport en commun.

Des voix: À l'ordre!

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je pense qu'on a essayé de donner à cette Assemblée un décorum. J'aimerais que le ministre puisse répondre à la question, s'il vous plaît. Cela s'applique aux deux côtés d'ailleurs. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, ce que j'étais en train d'expliquer, c'était, premièrement, que depuis 1958, il n'y a eu aucune augmentation de péage sur les

autoroutes au Québec; au contraire, il y a eu l'introduction d'un tarif préférentiel aux heures de pointe, ce qui va à l'encontre de la logique pour quelque politique que ce soit en vue de favoriser l'utilisation du transport en commun, notamment, de lutter contre l'étalement urbain. Cette question d'un tarif préférentiel aux heures de pointe n'a aucune logique.

Nous avons convenu de le conserver pour une certaine période jusqu'à ce que des mesures comme le covoiturage, comme l'intégration tarifaire au point de vue du transport en commun dans la région de Montréal aient lieu. Que valent les 0,10 $ de 1958, aujourd'hui, en 1982? Ces 0,10 $ valent aujourd'hui 0,03 $ par rapport à la valeur de l'argent de 1957; les 0,25 $ valent 0,07 $, les 0,50 $ valent 0,15 $. Si on avait indexé au coût de la vie les péages sur les autoroutes, au lieu de 0,10 $, le tarif serait de 0,34 $, ce qui est exactement ce que nous avons annoncé; au lieu de 0,25 $, il serait dès à présent à 0,84 $, ce tarif sur les autoroutes. Or, le député dit: En 1985, le tarif sera de 0,80 $. Ce que ça veut dire, c'est que même en 1985 l'augmentation des péages sur les autoroutes sera largement en retard par rapport à l'indice des prix à la consommation, par rapport à l'augmentation du coût de la vie.

Enfin, je voudrais ajouter qu'en ce qui concerne les comparaisons qu'on peut faire avec l'étranger... (14 h 20)

Une voix: C'est bon cela.

M. Clair: M. le Président, pour la...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! La question est posée au ministre des Transports et c'est à lui de répondre et non à d'autres de faire des commentaires. La façon de lui poser des questions, c'est d'obtenir la permission du président. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, j'indiquais que, si on fait des comparaisons avec l'étranger - cela peut être utile, à l'occasion, de faire un certain nombre de comparaisons avec l'étranger - pour la même distance comprise entre Sherbrooke et Montréal, actuellement, il en coûte 1,25 $ pour franchir la distance, et cela coûtera 2,50 $ dorénavant alors que sur l'autoroute à péage la moins chère aux États-Unis et à peu près la moins chère qu'on puisse trouver pour la même distance, il en coûterait plus de 4,50 $, et c'est le New York Thruway. Si on prend le Pennsylvania Turnpike, pour la même distance, par rapport à 2,50 $, il en coûterait plus de 31 $, M. le Président.

Quand on essaie de faire passer cette mesure comme étant déraisonnable, comme étant une ponction déraisonnable sur les automobilistes, je pense que le député est mal renseigné.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Est-ce que le ministre pourrait nous donner les pourcentages de comparaison avec le coût des autoroutes dans la région de Québec, par exemple? M. le Président, en ces temps de crise et de chômage sans précédent, le ministre ne trouve-t-il pas que l'augmentation projetée constitue une taxe régressive et cynique qui frappe autant les pauvres que les riches et les démunis que les bien nantis?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Transports.

M. Clair: M. le Président, non, je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une taxe indirecte ni régressive. Depuis 1960 - ce n'est pas d'hier - l'Office des autoroutes ne s'autofinance pas et doit recevoir des avances du ministre des Finances du Québec qui constituent, à toutes fins utiles - ne nous le cachons pas - une subvention déguisée. Je voudrais bien que les autoroutes à péage soient payées depuis longtemps, mais que voulez-vous? Contrairement à la croyance populaire, qui veut que ces autoroutes sont payées depuis longtemps, la dette accumulée de l'Office des autoroutes dépasse les 400 000 000 $. Cette année même, pour subventionner l'Office des autoroutes, le ministre des Finances devrait lui avancer 20 000 000 $ pour lui permettre de continuer à fonctionner.

M. le Président, je pense qu'à l'époque où on veut donner priorité au transport en commun, en suivant la logique du député, à savoir de favoriser les moins bien nantis, l'argent va être beaucoup mieux utilisé en subventionnant le transport en commun plutôt qu'en subventionnant un déficit à l'Office des autoroutes du Québec, M. le Président. Je pense que, de ce point de vue là, la logique est implacable. Il vaut beaucoup mieux favoriser le développement du transport en commun que de favoriser l'étalement urbain par des autoroutes à péage qui font partie de l'héritage autoroutier du Québec et je pense que la logique va beaucoup plus dans le sens de faire payer vraiment ce qu'il en coûte pour l'Office des autoroutes et d'utiliser au maximum les ressources de l'État pour subventionner le transport en commun.

C'est d'ailleurs pourquoi on a profité de cette occasion pour annoncer l'abolition des péages en ce qui concerne les taxis et les autobus à tous les postes de péage de l'Office des autoroutes.

En terminant, M. le Président...

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Clair: ... je veux indiquer au député exactement ce que j'ai dit en conférence de presse ce matin. Pour les personnes qui doivent utiliser l'automobile pour se rendre à leur travail - il y en a un certain nombre, je le reconnais, qui sont des usagers captifs, à toutes fins utiles, de l'utilisation de l'autoroute pour se rendre à leur travail - on a annoncé ce matin l'intention du gouvernement selon laquelle, dès qu'une réforme dans l'industrie du taxi sera mise de l'avant, ce qui devrait être le cas au cours des semaines très prochaines, nous avons l'intention de légaliser le covoiturage au Québec; non pas pour nuire à la rentabilité de l'industrie du taxi, mais, au contraire, pour permettre à l'industrie du taxi de pouvoir bénéficier du covoiturage et également pour permettre aux usagers captifs de l'autoroute à péage de pouvoir se regrouper pour les fins de voyages de leur domicile à leur travail. Ce qui fait que deux personnes qui voyageaient seules hier ou aujourd'hui, chacune dans son automobile privée, si elles se regroupent à deux ou trois pour voyager à leur travail, loin de subir une augmentation de tarif, elles connaîtront une diminution des coûts de péage sur les autoroutes parce que le covoiturage sera légalisé.

M. Bourbeau: Question additionnelle.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question additionnelle, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Une dernière question additionnelle au ministre. En ce qui concerne les travailleurs, ceux qui jouissent présentement d'un tarif préférentiel aux heures de pointe, le ministre ne trouve-t-il pas particulièrement odieux que ce soient ces derniers qui écopent du plus grand pourcentage d'augmentation, soit de 500%, et ce, en six mois? C'est-à-dire que le tarif passera de 0,10 $ qu'il est présentement à 0,50 $ le 1er janvier 1983 et ce, à un moment où les travailleurs voient leur pouvoir d'achat réduit comme jamais auparavant.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, le député de Laporte a été très intéressé au transport en commun. Je lui pose la question - je sais qu'il ne peut pas répondre, mais je la lui pose quand même - s'il serait logique qu'alors que le ticket d'autobus de la CTCUM pour la même période est passé de 0,15 $ à 0,75 $, pendant ce temps-là, l'Office des autoroutes accumulait déficit par-dessus déficit et était subventionné par le gouvernement du Québec directement? Il me semble que la logique en faveur du travailleur, c'est beaucoup plus pour les fins du déplacement domicile-travail, de favoriser le développement du transport en commun, le covoiturage, l'utilisation d'alternatives à l'automobile privée. Je pense que ça va beaucoup plus dans ce sens-là.

Enfin, en ce qui concerne le tarif préférentiel, nous avons hérité de cette situation. Si le député considère que c'est une situation logique, il est une des rares personnes à trouver qu'il est logique de maintenir un tarif préférentiel aux heures de pointe parce que cela a un effet de découragement à l'utilisation du transport en commun; dans la plupart des autres pays du monde, quand il y a tarif préférentiel, c'est justement en dehors des heures de pointe, afin de contribuer à étaler l'heure de pointe et permettre aux utilisateurs captifs de payer un peu moins cher. Le tarif préférentiel est maintenu pour une certaine période de temps.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je voudrais pouvoir terminer.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Clair: Le tarif préférentiel sera maintenu pour une période que j'ai indiquée tantôt, jusqu'à ce que l'intégration, la rationalisation tarifaire puisse avoir lieu dans la région de Montréal et qu'une alternative, qui s'appelle le covoiturage, soit légale et disponible au Québec comme ça l'est dans la plupart des pays du monde aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a plusieurs personnes debout. La période des questions, jusqu'à maintenant, a porté sur ce problème. J'accepterai une dernière question additionnelle de la part du député de Groulx et une autre de Mme la députée de Chomedey. J'ai cru comprendre aussi que le ministre des Affaires intergouvernementales aurait une intervention à faire. M. le député de Groulx.

M. Fallu: Si je comprends les intentions du ministre, c'est de donner la gratuité de péage aux taxis et aux autobus. Mais est-ce qu'il retiendra la suggestion que je lui ai faite il y a une quinzaine de jours de donner la gratuité et même une voie réservée au covoiturage?

Deuxième question. Nous vivons dans une région où nous sommes enclavés par des autoroutes à péage, contrairement à la rive sud, par exemple, ou une partie de la rive sud ou une partie de l'Est. Le ministre a-t-il

l'intention de tenir compte des impacts économiques, notamment pour le camionnage, sur la région de la rive nord?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Clair: La suggestion de mon collègue, le député de Groulx, dont il m'a fait part il y a déjà quelques semaines, à savoir qu'éventuellement on puisse en venir, aux postes de péage, à abolir ou à réduire substantiellement le péage pour les personnes qui voyagent à trois ou quatre dans le même véhicule, est une possibilité très intéressante. Maintenant, à cause de la configuration, de la constitution des postes de péage actuels, c'est le premier pas que nous faisons dans ce sens en assurant la gratuité aux taxis et aux autobus. De cette façon, nous pourrons voir jusqu'à quel point ce privilège d'utiliser sans péage les autoroutes à péage du Québec est contrôlable. Je suis loin d'être fermé à une hypothèse comme celle qu'évoque le député de Groulx, mon collègue. (14 h 30)

En ce qui concerne les impacts sur l'économie, effectivement, nous en tenons compte. Comme je l'ai indiqué, ces tarifs demeurent proportionnellement peu importants pour ce qui concerne la part qu'ils occupent dans les coûts de transport. On va en tenir compte au fur et à mesure que les événements se dérouleront en ce qui concerne les prochaines augmentations.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, au nom de la population de Laval, je dois me lever aujourd'hui et questionner le ministre. Je veux bien qu'il veuille freiner l'étalement urbain, mais quand même, qu'est-ce qu'il fera pour la population de Laval? Elle existe et elle devra payer un supplément au taux qui était déjà assez élevé pour elle car elle le paie chaque jour. Je veux bien qu'on force les gens au covoiturage, mais est-ce qu'on peut tous monter dans le même véhicule pour voyager ensemble? Le ministre doit quand même savoir qu'il y a d'autres façons de procéder afin d'empêcher cette population d'être surchargée quant au taux qu'elle doit payer.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, c'est justement pour tenir compte de la population de Laval, de la situation qui est décrite par la députée de Chomedey, que nous avons conservé pour un certain temps le privilège actuel de tarifs préférentiels aux heures de pointe. De toutes les hypothèses que nous avons étudiées en ce qui concerne la rationalisation tarifaire et l'intégration tarifaire dans la grande région de Montréal, c'est justement la région de l'île de Laval qui va connaître les avantages les plus importants, les plus substantiels. C'est justement afin de tenir compte de cette réalité que nous avons maintenu le privilège tarifaire aux heures de pointe jusqu'à ce que l'intégration et la rationalisation tarifaire dans la région de Montréal puissent avoir lieu.

M. le Président, je pense que les ponts sont nombreux pour faire la liaison entre Laval et l'île de Montréal et tous les ponts ne sont pas à péage. Il y en a un certain nombre. Encore une fois, ce n'est pas moi qui ai décidé de les construire, ces postes de péage et ces autoroutes. Je pense qu'aujourd'hui on devait tenir compte d'une réalité historique. Nous en avons tenu compte et, je pense, de la manière la plus rationnelle, la plus équitable possible dans les circonstances.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf et whip de l'Opposition, juste avant de vous accorder la parole, j'ai une demande de la part du ministre des Affaires intergouvernementales et je voudrais l'entendre.

M. Morin: M. le Président, permettez-moi de faire observer qu'il doit y avoir des collègues du même côté de la Chambre que le député de Laporte et sûrement aussi beaucoup d'hommes d'affaires qui auront été étonnés d'entendre mentionner les maisons du Québec de la façon dont le député de Laporte l'a fait. M. le Président, quoique la question n'ait pas porté directement là-dessus, le député de Laporte a mis en cause des maisons du Québec...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le ministre, je comprends, il y a des façons dont le règlement vous permet d'intervenir sur cette question. Je veux que vous la souleviez.

M. Morin: Question de privilège, M. le Président. Il y a tout de même des choses qu'on ne peut pas laisser passer. Si le député de Laporte est - à première vue, en tout cas, on doit présumer qu'il l'est - compétent dans le domaine des transports, il ne semble pas l'être dans celui du commerce extérieur. Je veux simplement dire, pour rectifier les faits, que les exportations du Québec ont connu une croissance assez exemplaire depuis quelques années justement grâce aux maisons du Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre. Question de règlement de la part du leader du

gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, sur une question de règlement. En vertu de l'article 34, paragraphe 3, "un député peut, avec la permission du président, s'expliquer sur un fait qui, bien que ne constituant pas une violation de privilège, le concerne en tant que député." Je pense que le ministre des Affaires intergouvernementales, qui a la responsabilité des maisons du Québec à l'étranger, est en droit de se servir de cet article pour rétablir des faits et je pense que plutôt que de gémir, de l'autre côté, on devrait permettre au ministre de rétablir les faits pour que la population sache exactement ce qu'il en est.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je pense qu'on étire présentement le règlement en plus d'étirer la période des questions. Je pense qu'on devrait revenir à l'esprit et à la lettre de notre règlement. Des questions sont posées, des réponses sont données. Maintenant, s'il y a un incident, à un moment donné, qui touche à la personne d'un député, qui touche à un fait personnel, d'accord. Cela ne veut pas dire qu'on va commencer à permettre à tout ministre qui n'est pas d'accord sur un préambule de se lever et de répondre. Je pense que ce serait un abus du Parlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Tout en comprenant peut-être - et j'en ai fait mention au moment où la question a été posée en demandant de revenir à des préambules un peu moins longs - le désir du ministre de faire certaines rectifications, je dois dire que je serais très large comme président si j'acceptais d'interpréter l'article 34 et ses alinéas et paragraphes comme étant un moyen de permettre à quelqu'un de diverger d'opinions sur une question donnée. Le député de Laporte a une opinion et le ministre des Affaires intergouvernementales a une opinion. Je pense que, compte tenu de cela et compte tenu du temps écoulé, nous allons revenir à la période des questions, et j'aimerais qu'on revienne à la deuxième question principale de la part de l'Opposition. M. le député de...?

M. Dauphin: Marquette.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Marquette.

Le placement étudiant

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais, en son absence, je l'adresserai à son adjoint parlementaire. Le 23 mars dernier, le ministre du Travail confirmait la rumeur que le programme de subventions pour l'incitation à l'emploi au niveau du secteur privé avait été aboli et remplacé par un autre programme qui a consisté en l'engagement de 195 étudiants qui vont se promener chez les employeurs du Québec pour les inciter moralement à engager des étudiants pour cet été. Étant donné que le nouveau programme remplacé, justement, par ces 195 étudiants, n'exige aucune condition des employeurs pour l'engagement des étudiants car, autrefois, sous l'ancien programme, on exigeait au moins 180 heures de travail à l'étudiant pour lui donner la subvention au courant de l'été; étant donné également que le bon d'emploi annoncé à cinq jours des élections partielles dans Louis-Hébert et Saint-Laurent n'aide aucunement les étudiants, puisque, pour être admissible au programme d'un bon d'emploi, il faut être à la recherche d'un emploi depuis six mois, c'est-à-dire, en pratique, être prestataire de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage, ma question est en deux volets: J'aimerais, premièrement, demander à l'adjoint parlementaire du ministre du Travail quelles sont les prévisions du ministère relativement au placement étudiant pour la création d'emplois cet été et, deuxièmement, si le chômage continue à s'aggraver de la façon qu'il s'aggrave présentement - ce qui est l'opinion également de tous les analystes du Québec - quels moyens va prendre l'adjoint parlementaire ou le ministre du Travail et s'il va réviser le fameux programme des 195 étudiants engagés.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail.

M. Dean: M. le Président, je remercie le député de Marquette de sa question. Les activités du service de placement étudiant n'ont commencé que depuis une semaine et, déjà, il y a 2270 demandes d'étudiants faites par des employeurs dans le secteur public, ce qui se compare presque avec les chiffres de l'année dernière à la même date. Dans le secteur privé, il y a eu 1379 demandes dans une semaine et les candidats qui ont déjà commencé à travailler en vertu du placement étudiant pour cet été sont au nombre de plus de 2000. Les prévisions déjà annoncées pour le placement étudiant, si je me rappelle bien - je n'ai pas les chiffres, mais je peux les fournir - sont d'environ 9000 emplois prévus pour cet été sans subventions en comparaison avec à peu près le même chiffre l'année dernière avec des subventions.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Question additionnelle, M. le Président. Étant donné le taux de chômage très élevé au Québec, comme tout le monde le sait, étant donné que l'on prévoit, malgré ce que nous a déclaré l'adjoint parlementaire du ministre du Travail, qu'il va y avoir peut-être 50 000 ou 75 000 étudiants qui ne travailleront pas cet été, j'aimerais demander à l'adjoint parlementaire, de concert avec le ministre de l'Éducation, s'il peut assurer cette Chambre ainsi que la population étudiante du Québec - car vous savez que si la grosse majorité des étudiants ne travaillent pas au courant de l'été, ils ne pourront pas poursuivre leurs études l'année subséquente -que l'enveloppe budgétaire des prêts et bourses pour l'an prochain sera révisée à la hausse pour combler effectivement le taux élevé de chômage qu'il va y avoir chez les étudiants cet été.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost et adjoint parlementaire. (14 h 40)

M. Dean: Évidemment, M. le Président, au moment où je parle, je ne peux pas assurer le député dans le sens qu'il me le demande. Une chose est certaine pour ce qui est du placement étudiant: comme on l'a annoncé en réponse à une question en Chambre, à savoir qu'il n'y aurait pas de subvention pour le placement d'étudiants cette année, les indications qu'on avait et les sondages qu'on avait faits auprès du monde patronal, démontraient que les employeurs qui cherchent effectivement des étudiants ne tenaient pas plus que cela à se faire payer pour embaucher des étudiants. C'est quelque chose qu'ils faisaient de toute façon. Ce qui se passe semble prouver les résultats de ces sondages. Nous avons des informations du monde patronal suivant lesquelles ce n'est pas la subvention qui fait en sorte que l'employeur va embaucher des étudiants pour les emplois d'été.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

Projet d'expansion des chantiers maritimes Davie

M. Lachance: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Elle concerne un important projet d'expansion des chantiers maritimes Davie Shipbuilding à Lauzon, comme vous le savez, qui sont la propriété de Dome Petroleum de Calgary. On parle d'un projet d'agrandissement nécessitant des déboursés de l'ordre de 193 000 000 $. Or, les journaux de ce matin nous apprennent une nouvelle alarmante, à savoir que la Dome Petroleum connaîtrait présentement de sérieuses difficultés au niveau de la liquidité, d'où l'inquiétude d'une bonne partie de la population de la rive sud de Québec qui met beaucoup d'espoir dans la réalisation prochaine du projet d'expansion des chantiers Davie. Ma question en deux volets est la suivante: Est-ce qu'il est exact que le gouvernement du Québec entend participer financièrement à ce projet qui aura un impact très bénéfique pour les travailleurs de la rive sud de Québec et, en particulier, pour les travailleurs de Bellechasse qui sont très affectés par le chômage qui sévit présentement? Si oui, j'aimerais savoir quel est l'état des pourparlers et quand on peut s'attendre à des résultats concrets à ce sujet.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, le problème d'agrandissement du chantier maritime de Davie à Lauzon et de construction de la cale sèche courte pour les superpétroliers éventuellement, c'est la priorité industrielle numéro un pour la région de Québec du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de même d'ailleurs que la priorité numéro un de la Chambre de commerce du Québec. C'est sûr que c'est un peu inquiétant les nouvelles qu'on voit ce matin concernant Dome Petroleum et les intérêts que cette entreprise a à payer, mais qu'est-ce que vous voulez? Autant les petites ou les moyennes entreprises sont attaquées par la politique aberrante du gouvernement fédéral de garder des taux élevés d'intérêt, autant Dome est vraiment touchée sérieusement par cette politique de taux élevés d'intérêt.

M. le Président, je ne suis pas le seul à le dire, puisqu'un député libéral fédéral dit lui aussi... Ils sont nombreux les fédéraux à se dire déçus de l'inertie du gouvernement fédéral devant la situation économique. Il faut cesser de répondre à la crise avec des cataplasmes, a déclaré un député libéral fédéral à Ottawa. Ce serait grand temps que ce gouvernement fédéral à Ottawa commence à faire des choses, d'autant plus que le même député libéral fédéral a dit: Si le premier ministre Trudeau a l'intention de demeurer à son poste une autre année, il devra démontrer plus d'intérêt qu'il n'en affiche actuellement devant les problèmes de l'économie. Cette mauvaise politique fédérale nuit aussi, bien sûr, à de grandes entreprises comme Dome Petroleum.

Ceci dit, le gouvernement du Québec a l'intention de participer et d'aider l'entreprise Davie à Lauzon, si on peut faire avancer le gouvernement fédéral de ce côté. Je rappelle que, dans la construction des cales sèches au Canada au cours des dernières années, une cale sèche en Colombie

britannique a eu 100% de subventions fédérales; une cale sèche à Vancouver a eu 72%; une autre à Halifax, 69%; une autre au Nouveau-Brunswick, 61%, et une autre à Terre-Neuve, 100%. Le gouvernement du Québec demande au gouvernement fédéral de contribuer dans le même pourcentage que celui auquel il a contribué ailleurs au Canada, soit en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick et même en Colombie britannique; à peu près le même pourcentage, aider à la construction...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Biron: ... de cales sèches sur le même pied que ce qu'on a fait ailleurs. On ne demande pas mieux au Québec. On veut la même chose que ce que le fédéral a fait ailleurs. Si le fédéral se décide à donner au moins ses 65% en moyenne, comme il a fait ailleurs, et non pas 100%, l'entreprise Dome et le gouvernement du Québec construiront rapidement cette cale sèche qui pourra donner du travail à plusieurs milliers de travailleurs sur la rive sud du Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse, question additionnelle.

M. Lachance: Question additionnelle, M. le Président, je voudrais demander au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme s'il entend suggérer à son homologue fédéral que le gouvernement d'Ottawa contribue, comme il l'a fait pour l'obtention des contrats de Bombardier en ce qui concerne le métro de New York, avec un taux d'intérêt semblable; peut-être que ça pourrait améliorer les choses. Deuxièmement, j'aimerais demander au ministre s'il fait de la participation du gouvernement fédéral à ce projet une condition essentielle pour la participation du gouvernement du Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, d'abord, une condition essentielle pour pouvoir construire la cale sèche, c'est d'avoir la participation du gouvernement fédéral. C'est sûr que nous lui demandons de contribuer fortement, parce qu'il a contribué ailleurs, dans les autres régions du Canada. De plus, lorsqu'on voit qu'on peut baisser les taux d'intérêt à un taux raisonnable comme 9,7% pour Bombardier... Les entreprises du Québec sont capables de vivre convenablement. Tout ce qu'on demande, c'est qu'on finisse cette folie de taux d'intérêt élevés et on pourra finalement repartir à la fois des petites et moyennes entreprises, et même de grandes entreprises comme Dome.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. le Président, j'ai une question à poser à l'adjoint du ministre du Travail.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Louis.

Éviter une grève du transport en commun à Montréal

M. Blank: Au mois de janvier, nous avons adopté une loi pour le retour au travail des travailleurs du transport en commun à Montréal afin de redonner les services à la population durant le mauvais temps de l'hiver. À ce moment-là, dans mon discours de deuxième lecture, j'avais averti le gouvernement que c'était seulement un report de la date de la grève. Il y a même des syndicats qui ont dit que la grève de janvier avait été suscitée par le gouvernement afin qu'une courte grève soit déclenchée et que le gouvernement puisse jouer au grand héros en renvoyant ces gens au travail, la vraie grève devant avoir lieu au mois de mai, alors que le gouvernement tolérerait une grève d'au moins deux, trois ou quatre semaines, on ne le sait pas.

Maintenant, au moins un ou deux syndicats ont le droit légal de grève et, les trois syndicats impliqués ont donné avis qu'il y aurait une journée d'étude, le vendredi 28 mai prochain. On sait, avec l'expérience de ces syndicats et du côté patronal, que les journées d'étude, parfois, s'allongent en une grève de plusieurs jours ou de plusieurs semaines. Je demande au ministre, voyant le rapport qu'il a reçu de Me Jutras, ce qu'il entend faire pour éviter cette nouvelle grève qui crée une situation terrible pour les gens de Montréal, même en été.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail.

M. Dean: M. le Président, le droit de grève est acquis, comme tout le monde le sait, depuis le 11 mai par les trois syndicats de la CTCUM à la suite de la suspension du droit de grève légal par l'adoption de la loi 47 au mois de janvier. Les trois syndicats, avec toutes les possibilités de ressources humaines du ministère du Travail, poursuivent des négociations intensives dans le but d'arriver à une entente. Je comprends la bonne volonté du député qui dit: Le monde dit ça, le monde dit ça, mais je pense que l'objectif des travailleurs en question n'est pas de faire une grève à tout prix, mais d'arriver à négocier avec leur employeur une

convention collective qui sera acceptable, qui sera réglée, qui sera signée.

Le ministère déploie tous les efforts possibles pour favoriser ce processus de négociation. On peut noter au moins une chose qui semble indiquer une amélioration de la situation depuis le mois de janvier. Malgré que le droit de grève était acquis le 11, les syndicats en question, certainement par mandat exprès de l'assemblée générale, ont opté d'abord pour une grève de 24 heures qui, selon les informations que nous avons, aura lieu le 28 mai, vendredi de la semaine prochaine. Selon nos informations, liés par un mandat exprès d'une assemblée des membres, à savoir que ce serait une grève de 24 heures et pas plus. D'ici à ce temps, des négociations intensives se poursuivent. D'abord, on voudrait surtout faire appel à la partie patronale et aux trois parties syndicales dans ce dossier, afin qu'elles continuent à négocier dans le but d'en arriver à une entente négociée.

Malgré ce qui a pu se faire dans le passé, je réitère que le mandat de grève de 24 heures est une décision ferme d'une assemblée des membres du syndicat. Donc, je vois mal qu'un mandat précis et adopté par le syndicat en assemblée générale ait pu ne pas être respecté sans la tenue d'une autre assemblée et d'un autre vote. Selon toute vraisemblance, ce serait le cas ici.

Je dois dire que, surtout en ce moment et pendant que les services sont maintenus, les parties déploient tous les efforts possibles et sont de bonne foi pour en arriver à une entente négociée dans ce dossier.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, question additionnelle. C'est la réponse on ne peut plus classique d'un porte-parole du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu lorsqu'il y a imminence de grève et la même réponse a été fournie la dernière fois. Mais il y a une question que je voudrais poser, en l'absence du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, à son adjoint parlementaire. Mon collègue de Saint-Louis et d'autres collègues de ce côté l'ont soulevée, c'est la question des services essentiels liés à un conflit de travail dans le transport en commun.

Je voudrais poser la question précise suivante à l'adjoint parlementaire: est-ce qu'au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, il y a eu, depuis janvier, des gestes concrets posés par le ministère de manière à amener la partie patronale comme la partie syndicale à discuter, à s'entendre et à établir un protocole d'entente de fourniture des services essentiels en cas de grève dans le transport en commun dans la région de Montréal? Le transport en commun, cela veut dire nommément le transport, par exemple, pour les personnes handicapées d'abord et, deuxièmement, le transport pour les travailleurs, par exemple, concernant la fourniture des services de métro aux heures de pointe.

Je pose cette question, M. le Président, si vous me le permettez, parce qu'il a été abondamment question de cela de la part de nos collègues de ce côté-ci, du député de Sainte-Anne, en particulier, et d'autres collègues, lors du débat sur la loi du mois de janvier. Je veux savoir si le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a posé des gestes concrets.

Au moment où on se parle, alors que, comme l'a indiqué le député de Saint-Louis, on est peut-être à la veille d'une grève, est-ce qu'il y a eu des pourparlers sur la question des services essentiels spécifiquement et, s'il y a grève, est-ce que le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu s'est préoccupé de faire en sorte que la population de Montréal bénéficie au moins des services essentiels dans un conflit de travail dans le transport en commun?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Dean: M. le Président, bien sûr, les conciliateurs du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, comme partie de leur mandat dans ces négociations, ont fait des efforts pour aborder la discussion des services essentiels. Dans l'hypothèse qu'il n'y ait pas de grève avant le 28 mai, mais qu'il y ait une grève d'une durée de 24 heures seulement, il y a encore possibilité que les parties s'entendent pour maintenir des services essentiels.

Je peux souligner qu'en plus des efforts dont a parlé le député de Jean-Talon et ses collègues il y a eu aussi, avant même la grève du mois de janvier, les efforts faits par les députés montréalais du parti ministériel pour faire appel aux syndicats dans le sens de la fourniture d'un minimum des services essentiels à la population.

Je peux rassurer le député, cette Chambre et la population en insistant sur le fait que les négociations se poursuivent de façon intensive et que, pour le moment, il n'est question que d'une journée de grève sur mandat du syndicat, que la question des services essentiels devrait être poussée et sera poussée par les représentants du ministère comme cette question a été poussée à un aboutissement heureux dans le cas de la grève de Gaz métropolitain où,

depuis six ou sept semaines, les travailleurs sont en grève, tout en ayant une entente avec leur employeur en vue du maintien des services essentiels, qui, effectivement, ont été maintenus depuis le début de cette grève.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne, question principale.

Le toit du Stade olympique

M. Polak: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au vice-premier ministre, en l'absence du premier ministre, mais s'il ne se considère pas compétent ou pas à l'aise, je n'ai aucune objection à ce que ma question soit référée au président du Conseil du trésor, parce qu'il s'agit tout de même du dossier technique du toit du stade.

Comme préambule, rapidement, je dois dire qu'on a eu une commission parlementaire à la fin du mois d'octobre, il y a donc sept mois, où on a étudié de toute urgence les différentes options - il y en avait cinq - dont les coûts varient entre 50 000 000 $ et 87 500 000 $. À ce moment-là, aucun autre groupe n'a été entendu quoique, au moment de nos travaux, il y avait une autre alternative, c'est-à-dire celle d'un toit gonflé à l'hélium. On a eu récemment deux autres options analogues d'un toit gonflé qui ne coûterait qu'à peu près 7 000 000 $.

Des voix: Question! Question!

M. Polak: Tout de même, M. le Président, il s'agit d'une affaire technique et je n'aime pas me faire déranger par ces mots "question", "question"... parce que, vous autres, je vous renseigne...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député, vous nous rendriez service à nous et à vous-même, si vous posiez votre question.

M. Polak: Merci, M. le Président. La RIO, par l'entremise de M. Saulnier, a recommandé sa solution, c'est-à-dire un déboursé de 64 900 000 $. Récemment, nous avons tous lu dans les journaux le rapport d'un expert, M. Geiger, concernant la possibilité de l'effondrement de la structure sous le poids de la neige ou de la glace, si le chauffage venait à s'arrêter. Encore d'autres études.

Voici ma question. Vu la situation financière désastreuse du Québec, est-ce que le ministre est prêt à s'engager:

À ce que le gouvernement ne débourse pas ou ne donne pas l'autorisation de débourser des fonds publics qui pourraient varier entre 50 000 000 $ et 87 000 000 $?

Est-il prêt à considérer immédiatement la solution d'un toit gonflé ou, au moins, faire étudier cette solution, même si ledit toit doit être temporaire?

Il y a un deuxième volet à ma question. Est-ce qu'une telle solution ne donnerait pas en même temps la latitude au gouvernement de remettre la formule permanente, élégante et très coûteuse, à plus tard, quand on aura de l'argent? Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le vice-premier ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, quand je ne connais pas un dossier à fond, je préfère prendre avis de la question. Je ne veux pas, comme le député de Laporte tout à l'heure, parler à travers mon chapeau. Je prends donc avis de la question.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Fin de la période des questions. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation aurait un complément de réponse à donner à l'Assemblée. M. le ministre.

Suppression d'un silo dans le port de Montréal

M. Garon: M. le Président, c'est à la suite de la question du député de Huntingdon d'hier. Je remarque justement que les députés de Beauce-Sud et de Huntingdon ne sont pas là, mais le ministre est là pour attendre leurs questions qui ne viennent pas.

M. Pagé: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition sur une question de privilège.

M. Pagé: Très brièvement, au nom de mes collègues, je voudrais confirmer à cette Chambre que les porte-parole de la mission agricole sont dans le milieu pour rencontrer les agriculteurs et régler les problèmes que vous n'êtes pas capable de régler.

Des voix: C'est ça!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Garon: Cela me fait penser, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je ne voudrais pas vous interrompre, mais comme vous avez un complément de réponse, donnez-le s'il vous plaît.

M. Garon: Disons, M. le Président, que

ce que le député de Huntingdon a dit hier était faux puisque les agriculteurs ont rencontré quatre députés fédéraux le 30 mars pour faire des demandes au gouvernement fédéral et une de ces demandes concernait le maintien du silo 1 dans le port de Montréal ou la mise en place d'une solution de rechange de façon que l'alternative du silo 1 soit pour un autre silo, si le silo 1 était démoli à l'automne 1982 pour entreposer la récolte de 1982 et pour les années subséquentes. (15 heures)

Ensuite, plus précisément le 28 avril, il y a eu une rencontre à Montréal entre l'Office canadien des provendes, représenté par MM. Perreault, Charron et McAmulty et l'UPA, représentée par le président M. Jacques Proulx et par M. Jean-Claude Blanchet, et la Fédération des cultures commerciales, représentée par MM. Fradette et Dallaire, qui ont demandé que le silo 1 soit maintenu pour recevoir la récolte de 1982 et que, si le silo 1 doit être démoli, on réserve de la place pour les céréales québécoises dans les silos existants, le no 4, par exemple, pour créer de nouveaux espaces. Les producteurs ont indiqué qu'ils désirent conserver un débouché dans le port de Montréal à n'importe quel prix pour ne pas être dépendants uniquement du marché local, de la même façon qu'ils souhaitaient la création de centres régionaux pour ne pas dépendre uniquement du port de Montréal.

Concernant la quantité entreposée, au sujet du silo 1, sa capacité totale est de 112 000 tonnes. Les livraisons, en 1981, ont été d'environ 50 000 tonnes au silo 1; au silo 3, entre 20 000 et 25 000 tonnes supplémentaires.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Nous allons donc aux motions non annoncées. M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président, à défaut d'avoir pu poser une question additionnelle tout à l'heure au ministre des Transports, je ferai une très brève motion non annoncée qui, j'en suis convaincu, va recevoir l'appui du député de La Peltrie, du député de Maskinongé et de plusieurs de mes collègues.

Je fais motion pour que cette Assemblée demande au gouvernement du Québec, et plus particulièrement au ministre des Transports du Québec, d'affirmer expressément qu'il n'a pas l'intention d'ouvrir d'autres postes de péage sur le réseau d'autoroutes du Québec actuellement ouvert à la circulation ou encore sur toute autre autoroute en voie de parachèvement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Y a-t-il consentement?

Des voix: Non! Non!

Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a pas consentement. M. le député de Vachon.

Retrait du projet de loi no 188

M. Payne: Je voudrais me prévaloir de l'article 86 du règlement, M. le Président, pour faire une motion en vue de retirer du feuilleton le projet de loi no 188, Loi concernant un contrat d'approvisionnement à l'hôpital Charles-Le Moyne.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je crois comprendre qu'il y a consentement. Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais faire la motion suivante: Que cette Assemblée, rappelant au gouvernement la situation catastrophique que vit présentement l'industrie québécoise de la construction domiciliaire, le ministre de l'Habitation ne prévoyant pas plus de 25 000 mises en chantier en 1982, malgré le programme d'accès à la propriété mis en vigueur en décembre 1981 - ces 25 000 mises en chantier étant le plus bas niveau atteint depuis plus d'une vingtaine d'années, avant les années soixante...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, avec l'expérience que vous avez, vous savez que je dois vous rappeler à l'ordre, comme je l'ai fait la semaine dernière. La motion, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: C'est pour cela que je n'ai pas fait mon préambule plus long, M. le Président. Que cette Assemblée demande au gouvernement de mettre en place immédiatement un programme de relance de l'industrie de la construction domiciliaire comportant les éléments suivants: 1) un financement...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Ciaccia: ... hypothécaire comportant un taux d'intérêt réduit pour permettre l'accès...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Ciaccia: Que cette Assemblée demande au gouvernement du Québec...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Je l'ai déjà dit, malheureusement ou heureusement, selon ce qu'on en pense d'un

côté ou de l'autre, je me dois d'entendre la motion pour déterminer s'il y a consentement ou non. M. le député.

M. Ciaccia: Au cas où les membres du gouvernement n'auraient pas entendu le début de ma motion: Que cette Assemblée demande au gouvernement du Québec de mettre en place immédiatement un programme de relance de l'industrie de la construction domiciliaire comportant les éléments suivants: 1) un financement hypothécaire comportant un taux d'intérêt réduit pour permettre l'accès à la propriété aux personnes de revenu modeste et moyen; 2) un plafonnement de la valeur admissible des maisons; 3) une utilisation maximale des sommes disponibles auprès de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et non utilisées depuis plusieurs années, ces sommes inutilisées représentant, pour la seule année 1980, quelque 43 000 000 $ à des taux d'intérêt avantageux, ce qui pourrait servir de financement pour la construction de logements multifamiliaux, et 4) une révision en profondeur du système de taxation municipale donnant ainsi suite à la motion adoptée unanimement par cette Assemblée le 12 mai 1982, de façon à rendre moins injuste ledit système de taxation et à faire disparaître les effets négatifs dudit système qui, à l'heure actuelle, découragent et rendent plus difficile l'accession à la propriété résidentielle.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a consentement? M. le leader du gouvernement. Il n'y a pas de consentement. Nous passons à une question de règlement de la part du leader du gouvernement.

M. Bertrand: Sur une question de règlement, M. le Président. Je n'ai pas voulu interrompre le député de Mont-Royal dans la lecture de sa motion non annoncée. C'est une demande de directive que je vous adresse et je vous demande de nous faire savoir, lorsque vous le jugerez opportun, si cette façon de présenter une motion non annoncée est convenable ou pas en vertu de notre règlement. C'est tout ce que j'avais à dire. J'aimerais que vous nous informiez là-dessus, peut-être la semaine prochaine, pour que nous sachions à quoi nous en tenir.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition, sur la question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai jamais entendu une question posée d'une façon aussi globale que celle-là. Je ne voudrais pas être à votre place, M. le Président, pour porter jugement.

M. Ciaccia: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de vous accorder la question de privilège -s'il vous plaît! - je vais commencer par prendre celle que j'ai devant moi, cette question de règlement. Je vais la prendre en délibéré d'une façon ou d'une autre.

D'un autre côté, je tiens à faire remarquer aussi à cette Assemblée qu'il y a eu d'autres moments où des questions à savoir si la motion présentée était longue ou courte, quelque soit son contenu, ont été posées ici, ont fait l'objet de décisions, mais, d'une façon ou d'une autre, je prends en délibéré cette question. La semaine prochaine je vous donnerai une réponse sur ce qu'une motion non annoncée doit être, en faisant mention que j'ai souvent demandé, soit à cause de l'inexpérience, soit peut-être à cause de l'expérience de la personne, d'éviter les préambules à la motion telle qu'elle devrait normalement être présentée à cette Assemblée.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, pendant que vous êtes sur le sujet, vous me permettrez de vous demander que, dans votre délibéré, si vous considérez la longueur de la motion, vous puissiez peut-être en même temps considérer, en plus de la motion du député de Mont-Royal, celle de l'honorable ministre de l'Énergie et des Ressources qui a lui-même une motion au feuilleton. Nous avons rappelé à la présidence à un moment donné qu'elle nous semblait un peu longue. Comme elle est beaucoup plus longue que celle - il me semble du moins - du député de Mont-Royal, je pense bien qu'on ne peut pas avoir deux poids, deux mesures. D'autant, M. le Président, que je vous ferai remarquer, vous me le permettrez en terminant, que je ne crois pas qu'il y ait de différence fondamentale entre une motion annoncée et une motion non annoncée parce que, après tout, la seule différence entre les deux, c'est que l'une demande, exige le consentement unanime, tandis que l'autre, évidemment, étant donné qu'il y a avis, on peut en discuter aux moments opportuns.

Quant à une motion non annoncée ou une motion tout court, une motion de fond, les deux sont une motion de fond et doivent être considérées sur le même pied. Si celle de l'honorable député de Mont-Royal est un peu longue, il faudrait en même temps songer à celle que vient de nous présenter il y a quelques jours le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, je vais dire en public ce que j'ai eu l'occasion et l'honneur de vous dire en privé. C'est qu'en ce qui concerne la motion du député de Mont-Royal, le délibéré

sera fait et réponse sera rendue la semaine prochaine. En ce qui concerne l'autre motion, le droit que vous aviez de plaider sur la recevabilité est maintenant caduc puisque la réplique du chef de l'Opposition a déjà été faite. En conséquence, aucun délibéré ne sera fait sur ce sujet.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Vous me permettrez de vous dire que je ne voudrais pas que les paroles que j'ai prononcées puissent être interprétées par vous comme étant une demande de ramener une objection que j'ai volontairement laissé tomber pour les raisons que je vous ai également données en privé. Je voulais simplement demander à la présidence, dans son étude du cas de la motion du député de Mont-Royal, qu'elle tienne compte également qu'au feuilleton, même si nous ne nous y sommes pas opposés, il y a là un exemple concret d'une longueur qui nous paraît... disons, que si elle est normale, sûrement que celle du député de Mont-Royal est normale. (15 h 10)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement faire remarquer qu'il y a déjà eu une motion présentée par le gouvernement appuyée, si ma mémoire est bonne, par l'Opposition qui contenait 276 mots. Pardon, 326 mots. Celle présentée par le ministre de l'Énergie et des Ressources n'en contient que 276. Il y a, à mon avis, une différence substantielle entre une motion annoncée qui est inscrite au feuilleton et une motion non annoncée. Je pense que c'est là-dessus que vous allez délibérer.

Le Président: De toute façon, je considère le deuxième sujet comme étant clos. En ce qui concerne le premier sujet, c'est-à-dire la façon de présenter les motions non annoncées, j'ai déjà eu l'occasion de dire que nous avons vérifié dans d'autres Législatures comment on procédait. Les façons de procéder sont différentes d'une Assemblée à l'autre. Ce n'est pas facile de trancher. Quoi qu'il en soit, puisque la demande me vient pour la nième fois, je m'engage au cours des prochains jours à vous suggérer - et non pas à vous imposer - une façon de procéder que vous pourrez accepter ou rejeter.

M. le député de Chambly, sur une question de directive.

M. Tremblay: Oui, M. le Président. Me serait-il possible de vous demander dans la même lancée de nous informer, à une prochaine réunion, si la proposition du député de Mont-Royal serait recevable compte tenu de l'article 64 de notre règlement?

Le Président: Je prends le tout en délibéré, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Merci.

Le Président: Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, je demande le consentement de cette Chambre et je fais lecture de la motion suivante: "Que cette Assemblée souligne le deuxième anniversaire du référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec, à l'occasion duquel les Québécois et les Québécoises se sont prononcés majoritairement pour le Québec et pour le Canada, et demande au gouvernement du Québec qu'il accepte le résultat référendaire et cesse ses luttes stériles avec le gouvernement fédéral, pour que s'établisse enfin un climat favorable à la coopération et à la relance économique."

Le Président: Consentement? Une voix: Non au Canada.

Le Président: M. le leader du gouvernement, je vous accorde la parole, tout en vous disant que j'ai déjà remarqué qu'il y avait absence de consentement unanime.

M. Bertrand: Oui, simplement sur une question de règlement, M. le Président. Je pense que la motion aurait été acceptable, mais dans l'autre Parlement, parce que le gouvernement qui n'a pas respecté le résultat du référendum, c'est le gouvernement fédéral.

Des voix: Bravo!

Le Président: Enregistrement...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais simplement rappeler à la présidence que nous venons encore de voir un exemple du très peu de respect non seulement pour la présidence, mais pour l'institution qui s'appelle l'Assemblée nationale. Voici ce que je veux dire à ce sujet, M. le Président.

M. Bertrand: M. le Président, il y a

vraiment exagération. On veut faire un débat...

Le Président: Je demanderais, s'il vous plaît, aux deux leaders de collaborer. La présidence tient à dire que lorsqu'elle remarque qu'il y a défaut de consentement unanime - et c'est le seul devoir, en tout cas, qu'a la présidence, au stade des motions non annoncées - aucun autre commentaire ne peut être émis sur la motion, ni d'un côté, ni de l'autre.

M. Levesque (Bonaventure): Justement, vous avez deviné le point que je voulais souligner, M. le Président. On nous a refusé, de part et d'autre, le consentement et vous savez que vous avez toujours insisté pour qu'il n'y ait pas de commentaires sur l'acceptation ou le refus de discuter d'une motion. Or, je comprends qu'à un moment donné quelqu'un qui est peut-être sans expérience pourrait être porté à donner des explications, mais l'exemple que vient de nous donner présentement le leader parlementaire du gouvernement est inacceptable.

Le Président: Motions non annoncées. M. le député de Louis-Hébert.

Souhaits de bienvenue au championnat féminin de water-polo

M. Doyon; Merci, M. le Président. Je demande le consentement unanime de cette Chambre pour que cette Assemblée souhaite la bienvenue aux équipes participantes au championnat canadien senior féminin de water-polo qui aura lieu cette fin de semaine au PEPS de l'Université Laval et que cette Assemblée souhaite aussi la meilleure des chances à l'équipe de Sainte-Foy, qui s'est classée comme l'une des meilleures au Canada.

Des voix: Bravo!

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: S'il n'y a ni débat ni demande d'enregistrement des noms, M. le Président, il y aura accord. Il n'y a pas de débat et pas d'enregistrement? Très bien, on donne notre consentement.

Le Président: II y a consentement? Est-ce que la motion sera adoptée? Adopté.

M. le leader du gouvernement, sur les avis à la Chambre.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Mardi prochain...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader, excusez-moi. En vertu de l'article 34, Mme la députée de L'Acadie.

Recours à l'article 34

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander au leader du gouvernement quand il sera possible d'obtenir le dépôt de l'étude Landry touchant les ressources médicales en régions éloignées. Je pense que c'est au moins la nième fois que nous demandons le dépôt de ce rapport que le ministre des Affaires sociales s'était déjà engagé en commission parlementaire à nous donner, à la suite d'une révision de ce rapport. Ceci me semble encore important, parce que même si la loi 27 devait régler les problèmes de ressources médicales en régions éloignées au mois de décembre, nous sommes rendus au mois de juin, et le problème est toujours d'une aussi grande acuité. Nous apprécierions beaucoup que, finalement, on puisse déposer cette étude.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, après en avoir conversé avec le ministre des Affaires sociales lors de l'étude des crédits à la commission des affaires sociales, le ministre répondra aux questions de Mme la députée de L'Acadie...

Mme Lavoie-Roux: Vous nous disiez cela au mois de décembre!

M. Bertrand: ... relativement au rapport Landry.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, je voudrais demander au leader du gouvernement si c'est l'intention du gouvernement de déposer le texte du projet de loi sur les services essentiels en cas de grève dans les secteurs public et parapublic. Je signale simplement au leader que ce n'est pas la première fois qu'on fait pareille demande. Est-ce qu'on pourrait avoir autre chose aujourd'hui que la remarque que cela se fera prochainement, sous peu? Là où nous sommes rendus, c'est au débat du vendredi de la semaine dernière. On a eu un débat avec le ministre du Travail et il y était question de quelques jours. Il me reste à déterminer ce que le mot "quelques" peut vouloir signifier.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Le "quelques" veut dire

"certainement avant le 1er juin" parce que, au-delà de cette date, il est évident qu'on ne pourrait pas adopter le projet de loi avant la fin de nos travaux parlementaires.

Le Président: Merci.

M. le député d'Orford. En vertu de 34?

M. Vaillancourt (Orford): En vertu de 34, je remarque au feuilleton d'aujourd'hui que le projet de loi privé no 218, Loi concernant la succession d'Isidore H. Munz, y est encore inscrit alors qu'il a été adopté en deuxième lecture il y a un bon bout de temps.

M. Bertrand: Quel article?

M. Vaillancourt (Orford): À la page 6 du feuilleton d'aujourd'hui, numéro 16.

M. Bertrand: Le député dit que...

M. Vaillancourt (Orford): II a été étudié en commission des bills privés il y a un bon bout de temps et il est encore au feuilleton.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: S'il a été étudié en commission parlementaire, il y a aura un rapport qui sera fait ici à l'Assemblée nationale. Je crois qu'il n'y a pas de problème dans les circonstances.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ce que voulait indiquer, je pense bien, le député d'Orford, c'était qu'il trouvait qu'on le laissait pas mal longtemps en deuxième lecture. Pourquoi attendre aussi longtemps? Est-ce qu'on ne pourrait pas en disposer? C'est la question.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je comprends le leader de l'Opposition de vouloir expliquer au député d'Orford de quoi il est question. Lorsqu'on indique deuxième lecture pour les projets de loi privés, en fait, il n'y a pas de deuxième lecture qui se fait dans le vrai sens du terme à l'Assemblée nationale. Le projet de loi s'en va en commission parlementaire. Dans le cas de ces projets de loi privés, puisqu'on en parle, il y a la commission des affaires municipales où il y a beaucoup de projets de loi qui sont inscrits, à la commission des institutions financières, et à la commission de la justice aussi. Je peux indiquer que, dès que nous aurons terminé l'étude des crédits dans les commissions parlementaires, nous pourrons amener les projets de loi privés, entre autres pour ces trois grandes commissions où il y a plusieurs projets de loi privés qui sont inscrits. (15 h 20)

M. Vaillancourt (Orford): Ce que je veux dire, c'est que ce projet de loi a été étudié et le rapport n'a pas encore été produit devant l'Assemblée nationale. Le rapport est fait. Nous attendons la troisième lecture.

M. Bertrand: On fait une vérification. Le Président: D'accord.

M. Levesque (Bonaventure): Si je comprends bien...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ... la réponse du leader parlementaire du gouvernement au député d'Orford, c'est qu'étant donné que le rapport est maintenant adopté... Ce n'est peut-être pas ce que veut indiquer le leader du gouvernement, mais il s'agit d'un retard souligné par le député d'Orford que l'on pourrait corriger simplement avec un peu de bonne volonté de la part du gouvernement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, on n'a aucune objection à procéder immédiatement, s'il le faut.

M. Levesque (Bonaventure): Je suis bien prêt. Aux affaires du jour, en commençant, tout à l'heure.

M. Bertrand: Y a-t-il un débat là-dessus?

M. Levesque (Bonaventure): Non. M. Bertrand: Adopté?

M. Levesque (Bonaventure): II y en a quatre.

Le Président: Aux affaires du jour. M. Bertrand: Non, mais pour celui-là.

M. Levesque (Bonaventure): Pour celui-là, d'accord.

Le Président: Aux affaires du jour.

M. Levesque (Bonaventure): Aux affaires du jour, M. le Président?

M. Vaillancourt (Orford): Si c'est adopté, il n'y a pas de problème.

Le Président: Avis à la Chambre.

Avis à la Chambre

M. Bertrand: Les avis à la Chambre, M. le Président. Mardi prochain, le 25 mai, au salon rouge, commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, pour l'étude de ses crédits, de 10 heures à 12 h 30. À la salle 81-A, la commission des affaires municipales, pour l'étude article par article du projet de loi no 46.

Au niveau des motions, aujourd'hui même, de 15 h 30 à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, au salon rouge, la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme pour l'étude de ses crédits et, à la salle 81-A, la commission des affaires culturelles, pour l'étude de ses crédits.

Le Président: Est-ce que cette motion à double volet sera adoptée? Adopté. M. le leader de l'Opposition.

Demande de directive à la présidence La question avec débat M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais attirer votre attention sur le feuilleton, à la page 12, en appendice; il y a ce qu'on appelle un avis d'une question avec débat, en vertu de l'article 174a du règlement. Je n'ai pas l'intention, vous vous en doutez bien, d'entrer et de discuter le fond de cette motion ou de cet avis. Mais je voudrais faire une demande de directive à la présidence; je ne vous demande pas une réponse sur-le-champ si vous préférez attendre. Je trouve qu'il y a là une irrégularité qui touche aux droits et aux privilèges des membres de l'Opposition.

En effet, lorsque nous avons décidé, d'un commun accord, de substituer la séance du vendredi matin, c'est-à-dire la période des questions du vendredi matin, par une question avec débat, c'était entendu que la question avec débat était réservée aux membres de l'Opposition. Je ne fais pas grief au député ministériel qui veut discuter d'une question en particulier, mais ma demande de directive touche ceci: est-ce que la question avec débat n'est pas réservée aux députés de l'Opposition? J'insiste là-dessus parce que, autrement, si nous avions nos mercredis, ce serait la même chose parce que n'importe quel député ministériel pourrait demander d'être entendu le mercredi avec une autre motion d'un député ministériel; le vendredi, un autre député ministériel pourrait poser une question avec débat. Autrement dit, on aurait une sorte de caucus du Parti québécois qui se réunirait ici, à l'Assemblée nationale, pour jaser des problèmes qui sont normalement discutés en caucus de leur côté.

M. le Président, je crois qu'à ce moment-là, toutes nos règles, tous nos usages, toutes nos coutumes, on les envoie de côté. Il faudrait peut-être se réunir, à un moment donné, pour revoir le règlement de l'Assemblée nationale et peut-être changer les règles du jeu. Mais, si on veut maintenir les règles du jeu telles que nous les avons connues jusqu'à maintenant, je pense qu'on devrait biffer cet avis. Avec tout le respect que je dois à l'auteur, qui est le député d'Arthabaska, que je pourrais féliciter pour son intérêt pour une question ou l'autre, particulièrement les questions agricoles - il n'y a aucun problème de ce côté-là, je ne veux pas faire de partisanerie avec ça - je voudrais rappeler que c'est un sujet qui est venu sur le tapis ou une procédure qui a été adoptée à la suite d'un échange entre le ministre de l'Agriculture, qui se sentait coincé avec une motion de blâme, etc., qui pouvait lui être adressée. On comprend cela. Mais je laisse de côté ces considérants qui ne devraient même pas entrer en ligne de compte.

Je tiens simplement à rappeler à la présidence l'importance, pour la présidence, de répondre, dans les plus brefs délais, à cette demande de directive qui touche directement l'institution qui s'appelle l'Oppostion, est à ses moyens d'expression qui sont assez limités, soit le mercredi après-midi et le vendredi matin. Si on lui enlève cela, aussi bien donner tout au gouvernement et le laisser faire. Quand arriveront le mercredi après-midi et le vendredi matin, ce sera le caucus public, le caucus du Parti québécois. Le reste sera réservé au gouvernement. Notre rôle, évidemment, serait assez curieusement émasculé, c'est un gros mot, mais, en tout cas - réduit à un point tel, M. le Président, que je pense que nos droits et privilèges seraient durement affectés. Je compte donc sur la présidence pour ramener les choses où elles doivent être.

Une voix: C'est magnifique.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, dans le même sens que le leader de l'Opposition, je ne sais pas si je vais prendre ses dernières remarques quand il disait que leurs moyens étaient limités. Nous sommes d'accord ici pour reconnaître que leurs moyens sont

limités; nous l'avons constaté en particulier dans le débat sur les questions agricoles où il y a eu très peu de questions...

M. Levesque (Bonaventure): ... ce n'est pas un débat, M. le Président.

M. Bertrand: ... posées à mon collègue...

Une voix: Ils sont absents aujourd'hui. M. Bertrand: Oui, très peu de questions.

M. Levesque (Bonaventure): Si on veut faire un débat on va faire un débat.

M. Bertrand: M. le Président, la demande de directive, je l'appuie sur l'article 174a et je vous demande de nous interpréter le sens de cet article qui dit: "Un député..." Alors, je lis la question avec débat: "... du député d'Arthabaska". Je pense que c'est un député, M. le Président, élu par sa population...

Une voix: Bon député.

M. Bertrand: ... cultivateur, intéressé par les questions agricoles. Donc, le premier aspect de l'article est respecté: un député. "... peut inscrire au feuilleton - ça, c'est un feuilleton, M. le Président, et je pense que les gens l'auront reconnu; au feuilleton, le député a inscrit une question avec débat -un avis de question avec débat signifiant qu'il désire interroger un ministre - il est ici - qu'il désigne sur une affaire d'intérêt général qui relève de sa compétence administrative."

Au paragraphe 4 de l'article 174a, il est dit: "II ne peut y avoir plus d'une question avec débat par semaine. S'il y a plusieurs avis de question avec débat, le président peut déterminer l'ordre dans lequel ils seront appelés en tenant compte de l'ordre dans lequel les avis ont été donnés - donc, là, il y a un élément important: il va falloir tenir compte de l'ordre dans lequel les avis ont été donnés - de leur répartition entre les divers partis reconnus..." Pour les partis reconnus, M. le Président, je vous réfère à l'article 1 de notre règlement: "parti reconnu": un parti qui, aux dernières élections générales, a fait élire au moins onze députés..."

Une voix: C'est notre cas.

M. Bertrand: On en a fait élire 80. Il y en a encore 79. On a onze députés, M. le Président. Je dirais même qu'on a à peu près sept fois onze députés. Alors, si on se réfère à l'article 174a, paragraphes 1 et 4, il me semble que... D'autant que le député d'Arthabaska qui, hier, a vu ce qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, a constaté l'intérêt ou le désintérêt que certains marquaient pour la question agricole, veut interroger le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation parce qu'il est lui-même agriculteur et qu'il veut défendre les intérêts de la classe agricole. Il se prévaut du règlement, le lit à la lettre, l'applique à la lettre et veut tout simplement que son privilège de député et membre d'un parti reconnu soit respecté à l'Assemblée nationale.

Je vais donc dans le sens de la demande du leader de l'Opposition pour que vous nous rendiez une décision qui nous permettrait vraiment de savoir si, oui ou non, le député d'Arthabaska est un député; si, oui ou non, il peut poser une question avec débat; si, oui ou non, il est membre d'un parti reconnu; si, oui ou non, il peut faire valoir ses intérêts comme député représentant la classe agricole et si, oui ou non, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation peut répondre à ses questions un vendredi matin.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ai-je besoin, à ce moment-ci, de vous rappeler...

Le Président: M. le leader de l'Opposition. (15 h 30)

M. Levesque (Bonaventure): ... que lorsqu'on parle d'un parti reconnu, c'est clair qu'à ce moment, il s'agit des partis de l'Opposition, et il y en avait plus d'un lorsque le règlement a été fait. Je peux rappeler à l'honorable leader parlementaire du gouvernement que j'étais moi-même présent lorsque chacune des dispositions de ce règlement a été fabriquée. Jamais, il ne nous est venu à l'idée, à l'esprit, encore une fois, qu'on puisse imaginer que les questions avec débat ou les mercredis pour la journée des députés, ça voulait dire... On sait que le mercredi, c'est la journée des députés, mais ça ne veut pas dire que c'est la journée des députés ministériels. La journée des ministériels, c'est toute la journée du mardi, le mercredi avant-midi, le jeudi après-midi, le jeudi soir. Ils ont l'initiative des choses et c'est tellement vrai que quand on arrive aux questions du mercredi et du vendredi matin, le leader parlementaire du gouvernement se lève chaque fois et dit: Ah! ça, ce n'est pas mon affaire. Je vais passer la parole au leader parlementaire de l'Opposition qui va nous indiquer quels sont les travaux qu'il suggère pour le mercredi après-midi ou le vendredi matin.

M. Baril (Arthabaska): Question de

privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Arthabaska sur une question de privilège.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): J'aimerais soulever une brève question de privilège puisque je suis concerné dans cette présentation de question avec débat. D'abord, je désire la soulever parce que si votre décision allait dans le sens que la question avec débat est réservée uniquement aux députés de l'Opposition mes privilèges, comme député de cette Assemblée, comme député élu démocratiquement par les électeurs d'Arthabaska, seraient grandement affectés.

J'écoutais l'argument du leader de l'Opposition, à savoir que cette question avec débat était réservée à l'Opposition. Je ne vois pas le mot "Opposition" dans le livre des règlements. Si cette période de question avec débat avait été établie pour être réservée aux députés de l'Opposition, on aurait dû inscrire le mot "Opposition".

J'écoute le député de Portneuf qui dit que je fais pitié. Il fait beaucoup plus pitié que moi en tournant sa petite patente en l'air... Il devrait m'écouter comme je l'écoute.

D'abord, M. le Président, j'ai inscrit cette question avec débat en me basant sur notre règlement...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Baril (Arthabaska): ... comme l'a décrit...

Une voix: Qu'il dépose ses preuves.

M. Baril (Arthabaska): ... notre leader. Je ne répéterai pas ce qu'il a dit en relisant les articles, mais, pour une fois, j'ai essayé d'être conforme au règlement.

Je tiens à vous signaler ces quelques points du règlement pour que, pendant votre période de réflexion, vous teniez compte de mes droits comme député, d'abord, et également comme agriculteur qui s'est toujours intéressé au monde agricole non seulement pour les choses du passé, mais pour planifier l'avenir en assurant un revenu décent aux agriculteurs et un approvisionnement certain aux consommateurs québécois.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous me permettrez simplement une précision.

Le Président: Très rapidement, M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Très rapidement, je ne veux pas prolonger le débat, mais, à la suite des propos du député d'Arthabaska dont je respecte l'opinion, il n'y a pas d'erreur, ainsi que l'intérêt, je voudrais simplement lui rappeler une chose. Premièrement, quant au règlement lui-même, nous sommes régis - et je le réfère à l'article 3 de notre règlement - également par les précédents établis à la suite de l'interprétation des lois et des règlements. Alors, ici, nous avons un usage constant et je ne crois pas qu'il y ait un doute à ce sujet.

Deuxièmement, je voudrais vous rappeler que, dans ces discussions du mercredi après-midi et du vendredi matin, rien n'empêche le député d'Arthabaska d'intervenir. Ce n'est pas ça, c'est l'initiative...

M. Pagé: C'est ça.

M. Levesque (Bonaventure): ... qui est laissée au parti de l'Opposition pour le mercredi après-midi et le vendredi matin. Pour le reste de la semaine, l'initiative est au gouvernement. Mais, dans les deux cas, tous les députés ont droit de parole.

M. Pagé: C'est ça.

M. Levesque (Bonaventure): Voilà, M. le Président.

M. Pagé: Très bien.

Le Président: Ma fin de semaine en sera une de réflexion. Tout en donnant une réponse la semaine prochaine au député de Mont-Royal, je donnerai également une réponse à cette question très pertinente qui vient d'être soulevée devant l'Assemblée nationale. Je prends donc le tout en délibéré, avec l'engagement de donner une réponse définitive au cours de la semaine prochaine.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Avant les affaires courantes, M. le Président, et pour suivre la bonne habitude qu'on a prise, je voudrais simplement donner un aperçu des travaux de la semaine prochaine. Mardi après-midi, deuxième lecture du projet de loi no 62 inscrit au nom du ministre de la Justice. Mardi soir, présentation du budget. Mercredi avant-midi, projet de loi no 62, inscrit au nom du ministre de la Justice. Mercredi après-midi, journée des députés. Je pense que celle-là, de toute façon, est coulée dans le ciment, c'est celle du député de Beauce-Sud, qui a droit à ses deux semaines. Jeudi après-midi, réplique du chef de l'Opposition. On continuera le débat sur le discours sur le budget. Jeudi soir, projet de loi sur la Ligue de taxis A-11; si on pouvait en disposer

assez rapidement, on reviendrait ensuite avec le projet de loi no 62. Ce sera peut-être dans l'ordre inverse, mais enfin, on verra. Cela va?

Au niveau des commissions parlementaires, en plus de celles qui sont déjà annoncées, entre autres, les engagements financiers, le jeudi 27 mai prochain, je voudrais indiquer qu'en dehors de celles qui étaient normalement prévues, il y en a une qui s'ajoute, la commission de l'Assemblée nationale, pour disposer de quelques questions qui ne devraient pas prendre beaucoup de notre temps, relativement à la nomination de certains membres siégeant à des commissions parlementaires. Cela se fera mercredi après-midi, après la période des affaires courantes. Toutes les autres commissions sont celles qui sont déjà annoncées depuis un certain temps pour l'étude des crédits.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Affaires du jour.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je vous inviterais, M. le Président, à appeler...

M. Levesque (Bonaventure): Si on me le permet, justement au moment où le leader parlementaire du gouvernement est en train d'appeler les affaires du jour, puis-je lui demander quel est le menu exact pour le reste de cette semaine? Si nous disposions de certains projets ou motions, est-ce que le vote serait remis à mardi?

Le Vice-Président (M. Rancourt); M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Comme je dois quitter dans quelques minutes - je devrais même être parti depuis à peu près dix minutes -pour aller à une conférence fédérale-provinciale sur les communications à Calgary, qui se tient demain, pour aller défendre le dossier de la télévision payante... En passant, je tiens à remercier l'Opposition de m'avoir fait savoir, par l'intermédiaire du député de Jeanne-Mance, que j'avais l'appui total et entier de tous les députés de l'Assemblée nationale pour défendre la juridiction du Québec en matière de télévision payante. Je serai là demain et je vous avouerai qu'effectivement je suis aussi sceptique que le député de Jean-Talon, puisqu'on a reçu un télégramme du ministre fédéral des Communications, M. Fox, nous disant: Venez faire un tour à Calgary, mais sachez d'avance qu'il ne sera pas question de parler de juridiction, la juridiction nous appartient. Comme vous pouvez le voir, le climat est bon pour la discussion, l'ouverture d'esprit.

J'irai tout de même défendre les intérêts du Québec, puisqu'il s'agit d'intérêts touchant nos compétences et nos juridictions, touchant aussi les intérêts économiques du Québec. Ceci étant dit, M. le Président, quelle était la question, déjà?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Ma question était celle-ci.

M. Pagé: Qu'il lise le feuilleton.

M. Levesque (Bonaventure): Quand on parle d'obsession dans le domaine constitutionnel, je pense qu'on en a eu un bel exemple. Je voulais simplement demander au ministre, avant de partir, s'il peut nous dire si le reste de la journée se fera sur la motion au nom du ministre de l'Énergie et des Ressources; si on en dispose, est-ce tout pour le menu de la journée? Est-ce que le vote pourra avoir lieu mardi? C'est la seule chose que je vous demandais.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Nous aurions normalement un débat aujourd'hui sur la motion du ministre de l'Énergie et des Ressources. Quant à nous, le débat ne se terminera pas aujourd'hui; donc, il n'y a pas de difficulté en ce qui a trait... S'il se terminait aujourd'hui, le vote ne serait appelé que la semaine prochaine, mais j'indique déjà que le débat ne se terminera pas aujourd'hui.

Le leader parlementaire adjoint et ministre du Revenu, le député de Sherbrooke, sera là. Si, par ailleurs, l'Opposition consentait à ce qu'on suspende l'étude de cette motion à 18 heures pour revenir, à 20 heures, avec le projet de loi no 37, et qu'on en dispose avant 22 heures, à ce moment-là, on pourrait appeler le vote mardi prochain. Mais, en tout état de cause, j'indique que, quant à nous, les travaux, pour aujourd'hui, porteront sur la motion inscrite au nom du ministre de l'Énergie.

M. Levesque (Bonaventure): Bon voyage! M. Bertrand: Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement, les affaires du jour. (15 h 40)

M. Bertrand: L'article 1 du feuilleton, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Reprise du débat sur la motion suivante du ministre de l'Énergie et des Ressources. "L'Assemblée nationale du Québec,

rappelant: - son autorité quant à l'intégrité du territoire québécois et ses attributions en matière de propriété et de droits civils..." suspension de la lecture? Comme il y a acquiescement pour dispenser de la lecture de la motion, je donnerai la parole au leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, avant qu'on amorce la discussion, est-ce qu'on n'est pas en train d'oublier le député d'Orford pour les deuxième et troisième lectures de son projet de loi? On pourrait disposer de cela dès maintenant, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

Projet de loi no 218 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt); M. le député d'Orford propose la deuxième lecture du projet de loi no 218. Est-ce que cette deuxième lecture est adoptée?

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député d'Orford propose la troisième lecture de ce même projet de loi no 218, Loi concernant la succession d'Isidore H. Munz. Est-ce que cette troisième lecture est adoptée? Adopté.

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Reprise du débat

sur la motion du gouvernement

s'opposant aux pouvoirs proposés

par le projet de loi fédéral C-108

Le Vice-Président (M. Rancourt): La parole est au leader adjoint du gouvernement, député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, quand on examine l'oeuvre accomplie par Hydro-Québec depuis 20 ans dans le domaine de l'électricité, on se doit, je pense que tout le monde en conviendra, de la qualifier de colossale et de grandiose. Les Québécois ont parfaitement raison d'être fiers de cette oeuvre gigantesque. Ils l'ont réalisée avec leur talent, avec leur compétence, avec leur expérience et leur argent. C'est le Québec seul, M. le Président, qui a investi des milliards de dollars pour faire surgir ces ouvrages monumentaux que sont entre autres Manic V et LG 2. Le fédéral n'a pas mis un seul sou dans tous ces travaux. Ce sont les Québécois tout seuls qui ont fait d'Hydro-Québec l'une des plus grandes entreprises du genre au monde.

Voilà que maintenant que nos immenses richesses hydroélectriques nous placent dans une situation avantageuse, constituent pour nous un atout économique d'une valeur inestimable, voilà que tout à coup le fédéral s'amène avec ses gros sabots dans nos plates-bandes. Voilà que le fédéral s'ingère dans nos juridictions, se moque de nos intérêts légitimes, menace l'intégrité de notre territoire et s'apprête à nier en pratique les pouvoirs et les responsabilités de l'Assemblée nationale. Quand on réunit M. le Président, un certain nombre de faits: le coup de force constitutionnel qui réduit les pouvoirs de cette Chambre, la réduction substantielle des transferts fiscaux, 500 000 000 $ en moins seulement cette année, et le projet de loi C-108 devant le Parlement fédéral, quand on réunit ensemble ces faits, tout observateur impartial ne peut que constater que nous sommes en face d'une vaste offensive, concertée, délibérée, planifiée, de la part du fédéral pour écraser le Québec sur tous les plans.

Revenons au projet de loi C-108, M. le Président, et rappelons-en la nature. Essentiellement, par ce projet, le fédéral entend doter l'Office national de l'énergie, qui est une de ses créatures, d'un nouveau pouvoir, je dis bien d'un nouveau pouvoir, le pouvoir d'exproprier, à la demande d'une province, un corridor dans une autre province pour permettre la construction de lignes de transmission d'électricité interprovinciales ou internationales, sans devoir obtenir l'autorisation, l'accord, la permission de la province concernée. En d'autres termes, n'étant pas suffisamment satisfaite d'avoir perpétré en 1927 le plus grand vol de territoire de notre histoire, celui du Labrador, Terre-Neuve veut désormais, en plus, annexer à son territoire un long corridor, une large bande de territoire québécois sans même notre consentement. Telle est la nature du projet de loi C-108 qui est devant la Chambre des communes.

Comment en est-on arrivé là? Comment en est-on arrivé au fédéral à cet empiètement, à cette ingérence, à cet accroissement injustifié des pouvoirs de l'Office national de l'énergie, à cette intrusion dans un secteur vital que nous avons développé seuls, à coups de milliards? Il nous faut remonter à 1969. Cette année-là, Hydro-Québec concluait et signait un contrat de 65 ans avec Churchill Falls Labrador Corporation, contrat par lequel Hydro-Québec achetait la production d'électricité de Churchill Falls, soit 5 200 000 kilowatts, et participait au

financement de la centrale. C'est le début de l'histoire, M. le Président.

Or, à partir de 1976, Terre-Neuve entreprend toute une série de gestes en vue de rouvrir le contrat de 1969 pour réviser à la hausse le prix de vente de l'électricité. En même temps et parallèlement, Terre-Neuve souhaite et prépare un projet visant à développer d'autres sites hydroélectriques de la rivière Churchill avec l'intention d'exporter cette énergie aux États-Unis. Pour ce faire - il suffit de jeter un coup d'oeil sur une carte pour le comprendre facilement - nous savons tous que la seule route logique, aussi bien géographiquement qu'économiquement, pour acheminer l'électricité vers soit la Nouvelle-Angleterre, soit l'État de New York, cette route logique passe nécessairement à travers le territoire du Québec, du nord au sud, créant un corridor dont - on l'a déjà mentionné - la superficie est l'équivalent du territoire de l'île de Montréal. C'est la seule route possible, M. le Président. Telle est la situation. Tel est le problème.

Quelles sont les solutions à un tel problème? Il y a une solution qui saute aux yeux de tout le monde. La solution consiste à négocier. C'est la solution préconisée par le gouvernement du Québec. Le chef de l'Opposition laissait entendre, mardi, que le gouvernement du Québec n'a pas voulu et ne veut pas négocier ce qui est, évidemment, faux. À plusieurs reprises et plusieurs fois même dans cette Chambre, par la voix du premier ministre, depuis quatre ans, le gouvernement du Québec a offert à Terre-Neuve d'amorcer, d'entreprendre des négociations globales sur l'ensemble du dossier, c'est-à-dire sur les projets de développement des autres sites de la rivière Churchill et sur les projets de développement des rivières de la Côte-Nord. Le Québec n'écarte même pas, dans le cadre de ces négociations globales, des pourparlers sur le contrat signé en 1969. C'est cela, la solution logique, normale, rationnelle et équitable. C'est la solution négociée. C'est la voie de la négociation. C'est la solution privilégiée par le gouvernement du Québec: s'asseoir autour d'une table, se parler, discuter et tâcher de s'entendre en tenant compte des intérêts légitimes des deux parties.

M. le Président, le chef du Parti libéral du Québec, lui aussi, veut négocier. Reconnaissons-le. Savez-vous comment, M. le Président? En adoptant une position carrément inadmissible. Je cite la position officielle du chef de l'Opposition en date d'aujourd'hui, le 20 mai: "Le Parti libéral du Québec considère que pour favoriser l'ouverture de négociation avec le gouvernement de Terre-Neuve, le gouvernement du Québec devrait - écoutez bien, M. le Président - reconnaître explicitement la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador."

Des voix: Oh!

(15 h 50)

M. Brassard: M. le Président, depuis Taschereau, qui était premier ministre au moment où le hold-up sur le Labrador a été commis, aucun premier ministre, aucun chef de parti du Québec n'avait osé reconnaître et cautionner le vol territorial de 1927. Jamais - vous pourrez examiner l'histoire de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis celui d'Alexandre Taschereau - aucun chef de parti, aucun premier ministre n'a osé cautionner le vol territorial de 1927.

M. le Président, ce que je viens de citer, c'est un événement historique. Pour la première fois, un chef de parti du Québec va aussi loin que de reconnaître explicitement la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador. Heureusement qu'il est chef de l'Opposition.

M. Ciaccia: Question de privilège!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, j'invoque mon privilège de député. Le document qu'a cité le député de Saint-Jean, il en a cité seulement une portion, qu'il cite donc toute la phrase, qu'il continue la phrase. C'est malhonnête, ce qu'il vient de faire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

M. Brassard: M. le Président, jamais, je le répète, un chef de parti au Québec n'est allé aussi loin que cela. C'est grave. Heureusement, je le disais, qu'il est chef de l'Opposition. Je pense que les Québécois, le 13 avril 1981, ont fait preuve de beaucoup de perspicacité, ont eu beaucoup de flair en laissant dans l'Opposition ce chef de parti.

La solution à ce problème, c'est la solution négociée. Or, Terre-Neuve refuse cette solution, rejette le dialogue avec Québec. Dès 1978, il y a quatre ans, Terre-Neuve quitte le comité interministériel Québec-Terre-Neuve chargé de considérer l'ensemble de la question du développement des ressources du Labrador et de la Côte-Nord. Autrement dit, Terre-Neuve, en 1978, a décidé de quitter la table de négociation. C'est cela, la réalité. Elle choisit plutôt, d'une part, d'aller devant les tribunaux pour faire casser le contrat de 1969, et, d'autre part, de manigancer avec Ottawa un coup de force visant à dépouiller le Québec par expropriation brutale d'un immense territoire pour permettre l'exportation de l'électricité labradorienne vers les États-Unis. Cette

association, cette alliance Ottawa-Terre-Neuve, prend d'abord la forme d'une société publique dont les actionnaires sont le gouvernement fédéral et celui de Terre-Neuve, Lower Churchill Development Corporation, pour mettre en valeur la Basse-Churchill. Ce faisant, soit dit en passant, le gouvernement fédéral cesse d'être neutre. Il prend parti, puisqu'il est actionnaire de cette société. Cette alliance Ottawa-Terre-Neuve prend aussi la forme d'un projet de loi, le projet de loi C-108, qui constitue une agression brutale contre notre territoire et une tentative inacceptable de mainmise fédérale sur le principal pilier de notre développement: l'hydroélectricité.

Devant cette agression et devant cette ingérence, devant cette légalisation du brigandage, quelle est l'attitude du Parti libéral du Québec? Elle est d'abord de tenter de minimiser l'importance de cette motion. Mardi dernier, le leader de l'Opposition disait en substance: Cessez donc de nous achaler avec des motions futiles. Vous faites perdre le temps de cette Chambre. À plusieurs reprises, il l'a dit. Je le cite même au texte, il va même jusqu'à dire: "Nous avons autre chose à faire que de venir niaiser ici, M. le Président." Et le leader de l'Opposition de rappeler un certain nombre de motions qui ont été débattues en cette Chambre, dont celle de décembre 1981, dans laquelle le premier ministre du Québec rappelle le droit du peuple québécois à disposer de lui-même, rappelle le droit historique du Québec à être partie prenante et à consentir à tout changement dans la constitution du Canada qui pourrait affecter les droits et les pouvoirs du Québec, motion dans laquelle on reconnaît que les deux peuples qui ont fondé le Canada sont foncièrement égaux et que le Québec forme à l'intérieur de l'ensemble fédéral canadien une société distincte. C'était cela, la motion de décembre 1981. Selon le leader de l'Opposition, c'était futile, inutile, achalant - il a même utilisé cette expression - une perte de temps. À propos, je vous le signale, les libéraux ont voté contre cette motion. Leur chef a parlé pour et ils ont voté contre.

En mars 1982, une autre motion demandant au fédéral de participer, cette fois-ci, au financement du fonds d'urgence, du fonds d'aide aux PME. Dans la crise économique que nous traversons, c'était là aussi, selon l'opinion de l'Opposition, une perte de temps, une motion insignifiante. Soit dit en passant, les libéraux ont également voté contre. Leur chef a parlé pour, si ma mémoire est bonne, et ils ont voté contre. En avril 1982, une motion dénonçant la teneur de la Loi sur les transferts fiscaux, qui nous fera perdre, seulement cette année, plus de 500 000 000 $. Cela aussi, c'est une perte de temps, selon l'Opposition. L'Assemblée nationale n'a pas à s'occuper de ces niaiseries. Ils ont aussi voté contre cette motion. Leur chef a parlé pour, et ils ont voté contre.

Se sont-ils maintenant rendu compte qu'en agissant ainsi, la population du Québec les considérait comme un triste ramassis de mercenaires sans honneur à la solde du fédéral, à la solde d'Ottawa? Ou se sont-ils aperçus qu'en agissant ainsi, ils contredisaient de façon flagrante les orientations du parti établies par leur chef au conseil général de septembre 1981? Cela vaut la peine de citer quelques passages de ce message du chef du Parti libéral. Il dit ceci, entre autres: "La perspective concrète et journalière de notre parti doit être la défense, la promotion et l'illustration des droits et des intérêts du Québec. Nous devons défendre à temps et à contretemps le territoire, les pouvoirs législatifs, les institutions, les valeurs propres, les intérêts du Québec."

Une voix: Ils ne sont pas d'accord.

M. Brassard: Plus loin, on lit ceci: "Si les initiatives du gouvernement fédéral acculent le Québec à une position de légitime défense de ses droits constitutionnels, la première loyauté du Parti libéral du Québec doit être envers le Québec, non à l'endroit du Parti libéral fédéral." Peut-être qu'ils se sont aperçus qu'en agissant ainsi et en votant contre les motions dont j'ai parlé, ils contredisaient les orientations de leur parti.

Toujours est-il que, face à la motion du ministre de l'Énergie et des Ressources, ils ont décidé de relever la tête, de redresser l'échine, de faire preuve de courage politique, de poser un geste héroïque d'indépendance à l'égard de la maison mère d'Ottawa, de secouer le joug du Parti libéral du Canada qui les écrase et les étouffe. De quelle façon? En votant pour la motion? En imitant le Parti libéral de Terre-Neuve, qui est l'Opposition officielle en cette province, qui appuie le gouvernement de Terre-Neuve dans sa lutte contre le gouvernement fédéral à propos des ressources au large des côtes? C'est même jour de deuil, à Terre-Neuve, à ce sujet. En imitant le Parti libéral de Terre-Neuve? Non, M. le Président, il ne faut quand même pas en demander trop. Non, en s'abstenant. Ils vont s'abstenir, ils s'abstiennent de voter. C'est héroïque, n'est-ce pas? Quel acte éclatant d'autonomie! Ils s'abstiennent.

Ils ont trouvé sans doute que Judas n'était pas un modèle à suivre et que trahir les intérêts du Québec n'était pas très populaire. Alors, ils ont décidé d'accomplir un progrès moral considérable en s'inspirant désormais de Ponce Pilate: ils s'en lavent les mains, ils vont s'en laver les mains. La

motion rappelle l'autorité du Québec quant à l'intégrité du territoire québécois et ses attributions en matière de propriété et de droits civils et en matière de gestion des terres publiques. Cela ne les regarde pas, ils s'en lavent les mains, ils s'abstiennent. La motion rappelle la compétence exclusive du Québec à l'égard des richesses naturelles, notamment l'exploitation et le transport de l'hydroélectricité sur son territoire. Cela n'a pas d'importance, ça ne les concerne pas, ils s'en lavent les mains, ils s'abstiennent. (16 heures)

La motion rappelle, M. le Président, et condamne l'ingérence du gouvernement fédéral susceptible de rendre inopérants plusieurs lois et règlements du Québec, notamment en ce qui concerne le réseau de transmission, l'échange et la vente d'hydroélectricité, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et des terres agricoles et la distribution du gaz naturel. Cela ne les intéresse pas. Ce n'est pas leur affaire. Ce n'est pas leur problème. Ils s'en lavent les mains. Ils s'abstiennent de voter, M. le Président.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que les libéraux ont une façon originale, inédite, inusitée, de défendre - je cite le message de leur chef - "... de défendre à temps et à contretemps le territoire, les pouvoirs législatifs, les institutions, les valeurs propres et les intérêts du Québec". Le territoire du Québec est menacé, M. le Président, ils s'abstiennent. Les pouvoirs du Québec sont menacés, ils s'abstiennent. Les institutions du Québec, en particulier Hydro-Québec, sont menacées, ils s'abstiennent. Les valeurs propres et les intérêts du Québec sont menacés, ils s'abstiennent.

M. le Président, j'ai presque envie de citer une petite chanson de Félix Leclerc qui les concerne directement. Je vous la cite et vous allez voir que cela les décrit très bien. Elle s'appelle Fatalité. Félix Leclerc dit: "Quand on l'a vue passer, qui s'en allait se noyer, la fille à Pit Goyer, on aurait pu bouger, mais on a laissé faire. Sur la neige, capot noir, on a dit, il faut croire que c'est un chien qui erre. Quand on l'a vu flamber, la villa des Gobeil, on a dit, c'est le soleil qui reflète dans la baie. On est rentré vite vite, on s'est barricadé sans attendre la suite de ce qui est arrivé. Quand on a vu le cousin fouiller dans nos tiroirs, voler notre butin, pis enjamber le trottoir, on l'a laissé passer, parce qu'on veut pas d'histoire. On lui a même crié s'y reviendrait pour souper." Une belle chanson qui les concerne, n'est-ce pas, parce qu'on ne veut pas d'histoire de l'autre côté. On n'en veut pas.

Il n'y a rien de bon pour le Québec, M. le Président, dans le projet de loi C-108, rien qui l'avantage, rien qui permette un règlement accéléré de ses litiges avec Terre-Neuve.

Devant cette réalité, les députés libéraux du Québec prennent la fuite en peureux et jouent à Ponce Pilate. Ce n'est pas un parti politique sérieux, responsable et cohérent. C'est un fragile assemblage de clans et de factions aux intérêts si divergents qu'il doit choisir l'abstention, une position ridicule et loufoque, pour ne pas éclater, pour ne pas se désagréger. M. le Président, c'est cela la vérité et c'est cela la réalité.

Quant à moi, ma position ne sera peut-être pas originale. Je conviens qu'elle sera banale, mais elle aura l'avantage d'être cohérente, logique et honorable. Je vais voter pour cette motion du ministre de l'Énergie et des Ressources.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir, cet après-midi, concernant le projet de loi C-108 qui est présentement au stade de la deuxième lecture à la Chambre des communes, à Ottawa, et pour lequel M. Duhaime, le ministre de l'Énergie et des Ressources, a proposé une motion.

J'écoutais le député de Lac-Saint-Jean nous rappeler que nous n'avons voté qu'une fois sur six avec le gouvernement. Je crois qu'il nous a rendu bien service parce que, malheureusement, plusieurs de nos militants nous reprochent d'avoir voté trop souvent avec lui. Je veux le remercier d'avoir souligné la chose. Il est vrai, M. le Président, que nous n'avons voté qu'une seule fois avec le gouvernement sur six motions depuis un an et demi; c'était une fois où il fallait défendre la constitution et les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec.

Je crois que l'action qu'il propose est une action toute verbeuse, le genre d'action dont nous sommes, malheureusement, les victimes au Québec. M. le Président, ce débat, que le député nous dit être un débat extrêmement important, n'a duré que mardi après-midi; il n'a pas continué en soirée et voici qu'il revient aujourd'hui. Voilà l'urgence de ce gouvernement! Voilà un débat si urgent qu'il a fallu attendre de mardi à jeudi pour pouvoir continuer la discussion que nous avons commencée mardi dernier.

M. le Président, nous avons annoncé notre intention de ne voter ni pour ni contre cette motion parce que nous ne voulons pas être dupes de procédés tout à fait farfelus que le gouvernement essaie d'utiliser pour tenter de cacher son inaction et son ignorance dans ce dossier.

Ce qui est encore plus grave, c'est que le gouvernement, depuis un an que ce projet de loi a été annoncé, n'a pris aucune action.

Quelle est la correspondance que le ministre de l'Énergie et des Ressources a eue avec le gouvernement fédéral? Quelles représentations a-t-il faites? Quelles études techniques, quelles études juridiques ont été faites pour démontrer justement les implications réelles de ce projet de loi?

J'ai demandé ici même, en cette Chambre, de déposer les études qui auraient été faites et, comme je n'ai reçu absolument rien, je dois conclure que le ministre n'a rien fait depuis un an pour tenter de cerner le problème et pour tenter de faire valoir les justes représentations du Québec dans ce domaine.

Pour notre part, nous reconnaissons la compétence constitutionnelle du gouvernement fédéral. Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral est responsable du commerce international et du commerce interprovincial. Nous reconnaissons également que, dans le domaine de l'énergie, quant aux politiques nationales, il a aussi un droit de regard et, dans le domaine du commerce interprovincial et international, la constitution lui donne un droit très strict de réglementer ce genre de commerce.

C'est donc dire que nous n'avons pas voulu cautionner le Parti québécois qui veut nous faire croire que le gouvernement fédéral n'a absolument rien à faire dans ce domaine. Je crois qu'il était de notre devoir de dénoncer ce gouvernement séparatiste qui cherche à réaliser la séparation avant même d'avoir obtenu l'appui de la population du Québec.

Ce qui est encore pire, c'est qu'il essaie également de nier au gouvernement fédéral un droit d'expropriation. Le député de Lac-Saint-Jean aurait pu souligner le fait que, depuis 1904, le gouvernement fédéral a le droit d'exproprier les lignes de chemins de fer au Québec. Il a également le pouvoir d'exproprier dans d'autres domaines, M. le Président. Et, très certainement, il a le droit de légiférer en ce qui concerne les exportations d'énergie vers les États-Unis. Mais le ministre n'ayant pas fait son travail, nous ne sommes pas pour cautionner ce gouvernement dans son inaction.

Bien sûr, il y a des sections du projet de loi C-108 qui touchent la protection de l'environnement et la protection des terres agricoles. Nous disons là-dessus que nous sommes d'accord avec le gouvernement pour qu'il fasse des représentations qui auraient dû être faites bien avant aujourd'hui.

Nous sommes également d'accord avec le mémoire qu'Hydro-Québec a présenté au comité permanent de la législation, cette semaine, et qui touche différents articles -je n'entrerai pas dans les détails - comme la révocation des licences, les modifications aux critères permettant l'émission de permis d'exportation et, surtout, le fait qu'Hydro-Québec, comme elle en témoignait à la suite de la présentation du projet de loi C-108, sera dans la situation suivante: s'il y a deux juridictions dans le domaine de la protection de l'environnement, ceci va retarder considérablement la construction des lignes de transport d'énergie, va coûter beaucoup plus cher et ne permettra pas à HydroQuébec de jouer pleinement son rôle.

Si nous n'avons pas voulu nous lier au gouvernement, c'est en fonction de ce que j'ai dit au début, à savoir que le gouvernement n'a pas joué son rôle et n'a pas fait les représentations qu'il aurait dû faire depuis un an. Cela ne veut pas dire que nous sommes totalement d'accord avec le projet de loi C-108 dans son entité, mais ce que nous avons voulu souligner, c'est que le vrai problème n'est pas là. Le vrai problème, c'est que l'inaction du gouvernement cache également une inaction du gouvernement dans le domaine des négociations avec Terre-Neuve.

Il faut souligner, concernant ce problème dit des chutes Churchill, qui dérive de la contestation que fait le gouvernement de Terre-Neuve face à l'entente de 65 ans pour alimenter le Québec en énergie électrique, que si le gouvernement du Québec n'a pas voulu innover et tenter de régler ce différend. Nous disons qu'il n'a pas joué le rôle qu'il aurait dû jouer. Encore là, le vrai problème est extrêmement sérieux et aura des conséquences très néfastes pour le Québec, si l'on continue dans la voie juridique dans laquelle nous nous sommes lancés. (16 h 10)

Si le projet de loi C-108 est adopté, est-ce que vraiment il permettra à Terre-Neuve de construire une ligne de transport d'énergie de Terre-Neuve jusqu'aux États-Unis? La réponse est bien claire, c'est non. C'est non, non pas pour des questions juridiques, mais pour des questions pratiques, pour des questions techniques. Je vais tenter de faire état de quelques-unes de ces raisons. Il faut bien comprendre que si Terre-Neuve devait gagner en Cour suprême le jugement qu'elle a déjà gagné en Cour d'appel de Terre-Neuve, ceci l'amènera à saisir les actifs de Churchill Falls Corporation et, automatiquement, ceci imposera au gouvernement de Terre-Neuve de refinancer complètement les dépenses qui ont été faites avant 1969 et qui totalisaient 800 000 000 $.

C'est donc dire que Terre-Neuve ou Churchill Falls Corporation, qui bénéficie présentement d'un financement de 800 000 000 $ à un taux d'intérêt de 7% à 8%, devra, si Terre-Neuve décide d'aller dans cette direction, refinancer le projet complètement, à des taux d'intérêt allant de 17% à 18%. C'est dire aussi que le gouvernement de Terre-Neuve devra s'engager dans une avenue extrêmement

chère, extrêmement difficile, extrêmement onéreuse sur le plan financier puisqu'il devra payer 10% de plus, à cause des taux d'intérêt élevés, sur des montants de l'ordre de 800 000 000 $.

Mais le plus onéreux pour Terre-Neuve serait de ne pas avoir de ressources financières pendant la durée de la construction de la ligne de transport d'énergie. Tous ceux qui s'intéressent à ce domaine savent que la durée de construction de la ligne de transport devrait être, au minimum, d'à peu près huit ans, dans le meilleur des mondes. S'il le fallait, comme je le crois bien, si le gouvernement du Québec voulait défendre l'environnement du Québec, il ferait en sorte que les lois du Québec soient respectées et que la Loi sur les terres agricoles soit également respectée. Il s'ensuivrait que la construction de la ligne de transport d'énergie pourrait prendre non pas huit ans ou dix ans, mais quelque douze ans.

Par ailleurs, le gouvernement de Terre-Neuve devra également financer cette ligne de transport d'énergie. Une estimation rapide veut que cette ligne de transport d'énergie coûte au minimum 1 500 000 000 $. C'est donc dire que s'il fallait que le gouvernement de Terre-Neuve nous coupe l'électricité, nous coupe l'approvisionnement en énergie électrique, d'une part, le gouvernement de Terre-Neuve n'aurait plus de revenus et, d'autre part, il aurait à financer, pendant une période de dix à douze ans, une dette de l'ordre de 2 300 000 000 $ à 2 500 000 000 $.

M. le Président, je vous le laisse à penser. Vous n'avez qu'à consulter les états financiers du gouvernement de Terre-Neuve, vous n'avez qu'à consulter les états financiers de la Newfoundland & Labrador Hydro pour constater, comme je l'ai fait, que le gouvernement de Terre-Neuve se trouve dans une situation impossible et qu'il ne pourra pas s'acheminer dans cette direction.

De plus, il faut bien constater que les Américains, qui cherchent à s'approvisionner en énergie électrique à bon marché, auront énormément de difficulté à accepter de s'engager dans cette voie en constatant, comme je l'ai fait, les difficultés de réalisation d'un tel projet. Ils auront de la difficulté à apposer leur signature au bas d'un contrat en bonne et due forme capable de leur donner, dans une période de dix ou douze ans, l'énergie électrique dont ils auront, à ce moment-là, un urgent besoin.

Il faut savoir que si les États du Nord-Est des États-Unis s'engageaient dans cette voie, ils auraient à mettre de côté d'autres formes de génération de l'électricité, croyant pouvoir compter sur l'énergie qui viendrait de Terre-Neuve, alors que Terre-Neuve serait dans une quasi-impossibilité de leur garantir la date de livraison de l'énergie et se trouverait, par ailleurs, dans la quasi-impossibilité de financer un projet comme celui-là.

C'est donc dire qu'il s'agit d'une fumisterie. On veut nous faire croire que le projet C-108 pourrait permettre à Terre-Neuve de construire une ligne de transport telle que celle-là. Je ne parle pas du côté juridique, je crois que nous devons faire des représentations au gouvernement fédéral sur l'aspect juridique du projet de loi, mais je dis qu'en pratique, la possibilité que Terre-Neuve puisse construire une ligne de transport comme celle-là, c'est de la fumisterie, cela n'existe pas, ce n'est pas une réalité du monde actuel. D'autant plus que si vous additionnez les intérêts durant la construction, les délais de construction, le coût de financement non seulement du refinancement de Churchill Falls, mais aussi le coût de financement des lignes de transport d'énergie, M. le Président, vous constaterez, si vous faites le calcul comme je l'ai fait, que le coût de l'énergie rendue aux frontières des États-Unis va être tellement élevé que les Américains n'y seront nullement intéressés. D'autant que l'Office national de l'énergie ne pourra permettre à Terre-Neuve d'exproprier cette énergie que pour une période de temps qui ne devrait pas durer plus de 20 ans, probablement, ou 25 ans, alors que, normalement, ces lignes de transport d'énergie doivent être amorties sur une période de 50 ou 60 ans.

C'est donc dire, M. le Président, que je ne veux pas contester que le projet de loi C-108 contient des aspects juridiques importants, mais je dis que la réalité économique pour le Québec n'est pas de ce côté. La réalité économique, les vrais faits sont que Terre-Neuve ne pourra jamais construire cette ligne de transport d'énergie. Les ingénieurs d'Hydro-Québec le savent. Les ingénieurs de Terre-Neuve le savent. Les chicanes de politiciens ne régleront absolument rien dans les faits. Les faits sont que nous allons présentement vers une contestation juridique et cette contestation juridique n'est pas dans le meilleur intérêt de Terre-Neuve et n'est pas dans le meilleur intérêt des Québécois.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons cherché d'autres voies. Nous avons cherché d'autres voies parce que nous avons tenté de voir ce que le ministre avait fait depuis un an pour tenter de régler ce litige. J'entendais le député de Lac-Saint-Jean dire: Bien oui, à plusieurs reprises, nous avons exprimé notre désir. Le premier ministre a exprimé le désir de négocier ce litige important. M. le Président, tous ceux qui ont à négocier des ententes comme celle-là, comme tous ceux qui ont été impliqués dans ces litiges, tous ceux qui ont

été impliqués dans le monde des affaires savent que, pour négocier, il ne s'agit pas de toujours répéter: On veut négocier. Il faut arriver avec des propositions qui vont faire que la partie adverse va venir s'asseoir à la table des négociations et que tous vont faire en sorte que finalement les négociations vont déboucher.

Depuis un an, depuis deux ans, M. le Président, depuis cinq ans, que dis-je, puisque le problème avec Terre-Neuve dure depuis 1976, depuis six ans, le gouvernement qui est au pouvoir n'a rien fait de bien positif, si ce n'est que de proposer qu'il y ait des conférences à certains moments. En 1978, il y a eu une possibilité de négociation qui a avorté. Depuis ce temps, on ne fait que répéter que le Québec veut négocier un "package deal" et M. Peckford répond que la seule possibilité de négociation pour le Québec, c'est d'admettre qu'il faudra ouvrir le contrat des chutes Churchill. Pour toutes ces raisons, nous avons cru que nous allions dans une direction qui va être très onéreuse, qui ne réglera pas le problème. La solution juridique, comme tous en ont eu l'expérience un jour ou l'autre, va nous amener dans une situation impossible et, s'il fallait que la Cour suprême du Canada donne raison à Terre-Neuve, la situation du Québec, à ce moment, au point de vue des négociations, va être bien pire que celle dans laquelle nous nous trouvons maintenant.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, il est vrai, ce matin, le chef de notre parti a donné une conférence de presse dans laquelle nous avons annoncé plusieurs aspects de notre politique à ce sujet. Nous avons fait état, comme je viens de le faire, du fait que nous croyons qu'il est à peu près impossible pour Terre-Neuve d'utiliser le projet de loi C-108 pour exporter aux États-Unis. Nous avons également dit ceci: "Le Parti libéral du Québec considère que les lignes de transport d'énergie électrique construites au Québec doivent être sous la responsabilité d'Hydro-Québec et du gouvernement québécois. Le PLQ considère que le transport de l'énergie électrique, en raison de l'ampleur des déploiements qu'il requiert et de ses implications très importantes pour l'aménagement du territoire, ne saurait être assimilé purement et simplement au transport d'autres formes d'énergie, tels le gaz et le prétrole."

M. le Président, je crois que notre prise de position là-dessus est très claire. Nous croyons que, pour la protection de l'aménagement du territoire; nous croyons que, pour la protection de l'environnement du Québec, il ne peut se faire que l'on assimile des lignes de transport d'énergie avec un gazoduc ou avec un pipeline qui se trouve dans le sol. Après deux ou trois ans, comme vous le savez, il est tout à fait possible pour ceux qui cultivent la terre de recommencer à utiliser leur terrain comme auparavant. Nous croyons que les lignes de transport d'énergie sont de tout autre nature. (16 h 20)

Pour en venir à l'autre proposition, nous avons dit, et je le répète, qu'une solution qui serait tranchée par un tribunal serait la plus mauvaise solution au différend qui nous oppose à Terre-Neuve. On peut bien se mettre la tête dans le sable, mais la Cour suprême va statuer sur ce problème. Nous avons dit qu'il faudrait que le gouvernement se remette à l'oeuvre, cherche de nouvelles idées, se mette à bouger et fasse de nouvelles propositions. Comme le gouvernement semble être complètement dépourvu d'idées, nous en avons trouvé une. Étant allé moi-même à Terre-Neuve, M. le Président, je me suis rendu compte jusqu'à quel point les frontières du Labrador sont un problème viscéral pour les Terre-Neuviens. Depuis 1927, et bien avant, pas un seul gouvernement du Québec n'a fait quelque chose à ce sujet. Les gouvernements du Québec ont tous fait de belles phrases, mais ils n'ont posé aucun geste juridique pour faire valoir les droits du Québec sur ce territoire. C'est la raison pour laquelle la commission Dorion, qui a remis son rapport en 1971, disait ceci, et je reprends ses termes: II faut mettre fin à l"'indéfinition" et à l'équivoque dans lesquelles nage l'affaire du Labrador depuis 40 ans.

M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous disons ceci: "Le PLQ considère que, pour favoriser l'ouverture des négociations avec le gouvernement de Terre-Neuve, le gouvernement du Québec devrait reconnaître explicitement la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador sous réserve de négociations politiques susceptibles de préciser à l'avantage des deux parties une définition des frontières du Labrador qui épouse mieux la réalité géographique et économique que ne le fait le tracé retenu par le Conseil privé en 1927."

M. le Président, nous croyons que, si le gouvernement tentait de chercher de nouvelles avenues, s'il arrêtait de se mettre la tête dans le sable et s'il cherchait véritablement à rouvrir le dossier, cette porte ouverte, et cette possibilité permettrait au gouvernement du Québec de s'asseoir à la table du gouvernement de Terre-Neuve pour négocier sur la base de ce dont il a fait état dans le passé, c'est-à-dire d'un "package deal" qui inclurait non seulement le contrat de Churchill Falls, mais également les rivières de la Côte-Nord. Cela nous permettrait, M. le Président, en collaboration avec Terre-Neuve, non seulement de développer les rivières de la Côte-Nord, mais également d'autres rivières du Labrador comme celle du Lower Churchill, c'est-à-dire les chutes en bas de Churchill Falls. Nous pourrions,

conjointement, assurer un développement économique, nous pourrions travailler à créer de l'emploi, nous pourrions lancer de nouveaux projets, exporter cette énergie aux États-Unis et assurer des emplois dont nous avons besoin, diminuer le chômage dont nous souffrons terriblement à l'heure actuelle et faire en sorte, M. le Président, que, finalement, deux provinces voisines qui sont faites pour s'entendre puissent collaborer dans le meilleur intérêt des Terre-Neuviens et des Québécois.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Transports et député de Drummond.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, depuis les cinq dernières années que j'ai l'honneur de représenter les électeurs du comté de Drummond à l'Assemblée nationale du Québec, je pense qu'avec le discours que vient de prononcer le député d'Outremont, je n'ai jamais entendu raisonnement aussi absurde, raisonnement aussi inacceptable dans la défense des intérêts du Québec sur le plan de son territoire, sur le plan politique et sur le plan de l'économie québécoise.

Je reprends à peu près ce que le député d'Outremont vient de dire. Le député d'Outremont vient de dire en substance: des pouvoirs nouveaux à l'Office national de l'énergie, ce n'est pas là la vraie question. La vraie question, nous dit-il, est celle du contrat de Churchill avec Terre-Neuve. Or, il affirme du même souffle que la possibilité, selon lui, de la construction d'un tel corridor est impossible techniquement et que cela ne saura se réaliser en aucune façon pour toutes sortes de raisons juridiques, techniques, financières, etc. Du même souffle, dans une déclaration qui a été faite ce matin par celui qui pourrait nous servir de premier ministre, s'il était de ce côté-ci de la Chambre, sur les conseils, probablement, du député d'Outremont, ce matin, qu'apprend-ton, M. le Président, alors que le député d'Outremont nous dit: II n'y a pas de problèmes, les nouveaux pouvoirs à l'Office national de l'énergie, ce n'est pas ce dont il est question, ce dont il est question, c'est bien plus du contrat de Churchill avec Hydro-Québec? Il fait du même souffle deux affirmations que jamais, à ma connaissance, aucun homme politique québécois n'a faites ici à l'Assemblée nationale du Québec. Il annonce qu'ils sont prêts de leur côté à renoncer officiellement et formellement aux droits du Québec sur le territoire labradorien et, en plus, il annonce qu'ils sont prêts à rouvrir le contrat. Comment peut-on justifier une telle logique?

M. le Président, le député d'Outremont, parce qu'il est allé faire un tour, semble-t-il, au Labrador ou à Terre-Neuve, revient et dit: Ce sont des bonnes gens, les gens de Terre-Neuve. On a un problème majeur avec eux, un conflit important qui porte substantiellement sur deux choses: la réouverture du dossier, du contrat de Churchill, et deuxièmement, sur la question de la juridiction du Québec ou de Terre-Neuve sur les terres du Labrador.

La position du député d'Outremont, face à des négociations difficiles, et celle du Parti libéral, c'est de dire: II y a un argument majeur que Terre-Neuve n'avait pas dans ses cartes, celui de la propriété des droits du Québec ou de Terre-Neuve sur le territoire labradorien. Le député d'Outremont propose de commencer la négociation en leur disant: Le Québec n'a jamais reconnu ces droits, on va commencer par les reconnaître. Le Québec a toujours refusé de rouvrir le contrat, on va commencer par admettre qu'on est prêts à rouvrir le contrat.

M. le Président, je ne comprends pas le raisonnement que fait le député d'Outremont. De tous les raisonnements qu'il m'a été donné d'entendre ici, à l'Assemblée nationale, sur une question politique, économique des droits et privilèges du Québec en matière de territoire, c'est le plus absurde, le plus loufoque que j'aie jamais entendu. Ces gens sont effectivement, comme le souligne mon collègue, des démissionnaires. Je ne veux pas m'attarder seulement à cela. L'histoire a déjà eu l'occasion de juger le parti d'en face et aura l'occasion de continuer à le faire.

Je voudrais m'attacher essentiellement aux conséquences économiques que risquent d'avoir les nouveaux pouvoirs qui sont accordés à l'Office national de l'énergie pour les Québécois. M. le Président, sans remonter aux origines d'Hydro-Québec, nous, les Québécois et les Québécoises, avons investi, dans le développement de nos capacités de production d'énergie hydraulique au Québec, au cours des vingt dernières années, nous avons investi, seuls, 16 000 000 000 $ en vingt ans, 16 000 000 000 $ investis seulement par les Québécoises et pour les Québécois. C'est un effort gigantesque que la collectivité québécoise a consenti au moment de la nationalisation de l'électricité et des développements en matière d'hydroélectricité qu'on a connus. Pourquoi a-t-on consenti cet effort gigantesque? Essentiellement, pour nous procurer trois avantages majeurs: Premièrement, pour le développement économique du Québec; au moment où on se parle, la capacité de produire de l'électricité abondante à des coûts peu élevés est devenue un atout majeur pour le développement économique du Québec. Deuxièmement, une autre raison pour laquelle nous avons consenti cet effort, c'était pour fournir aux Québécois et aux Québécoises de l'électricité aux tarifs les plus bas possible. Troisièmement, c'était pour développer un

des avantages substantiels que comporte la présence d'un réseau hydroélectrique de la puissance de celle dont dispose le Québec, soit de pouvoir vendre de l'énergie excédentaire. M. le Président, ce sont là les trois avantages majeurs que cela comporte: un incitatif au développement économique, la possibilité d'exporter, et des tarifs aussi avantageux que possible pour les abonnés.

M. le Président, l'Office national de l'énergie a, depuis plusieurs années, un certain nombre de pouvoirs en ce qui concerne les licences d'exportation d'électricité en dehors du territoire québécois. Depuis vingt ans, le Québec exporte de l'énergie en se conformant aux pouvoirs actuels de l'Office national de l'énergie. Il en exporte au Nouveau-Brunswick. Il en exporte aux États-Unis. Il en exporte en Ontario. Tout cela se fait actuellement dans le respect des lois en vigueur pour l'Office national de l'énergie.

M. le Président, nous n'avons pas d'objection à reconnaître une juridiction constitutionnelle jusqu'à un certain point, du gouvernement fédéral en matière énergétique. La meilleure preuve, c'est que dans la motion même du député de Saint-Maurice, le ministre de l'Énergie et des Ressources, nous l'avons dit, nous acceptons le maintien des pouvoirs actuels de l'Office national de l'énergie et du gouvernement fédéral quant aux conditions et modalités de délivrance de certificats pour un pipeline ou une ligne internationale de transmission d'électricité et quant au contrôle du transport du pétrole, du gaz naturel et la transmission de l'électricité. (16 h 30)

La position défendue par le gouvernement dans ce dossier n'est pas d'engendrer une nouvelle chicane fédérale-provinciale puisqu'on spécifie qu'on accepte la loi dans son état actuel, dont les amendements datent d'environ 1971. Ce n'est pas pour ça que la proposition contenue dans le projet de loi no C-108 est inacceptable. Quels sont ces nouveaux pouvoirs qu'on confie à l'Office national de l'énergie? Les plus importants, qui ont justement été dénoncés par Hydro-Québec, sont au nombre de trois. Le premier, l'Office national de l'énergie a déjà le pouvoir d'émettre des certificats pour l'exportation d'énergie électrique en dehors du Québec selon des critères déterminés, connus, inscrits dans la loi, qui ne font pas l'objet de discussions outre mesure. Ce qu'on veut faire, c'est ajouter une nouvelle dimension aux conditions qu'on pourrait attacher à l'émission d'un tel certificat pour permettre l'exportation.

Je cite: "En plus des conditions habituelles, l'Office national de l'énergie aurait le pouvoir de fixer des modalités et conditions qu'il estime nécessaires ou souhaitables dans l'intérêt public." Depuis quand quelqu'un, qui que ce soit, dans les diverses provinces au Canada, a le pouvoir de fixer des conditions de façon arbitraire qui ne sont nullement limitées à des permis de quelque nature qu'ils soient? Ce pouvoir serait donc un pouvoir discrétionnaire, arbitraire qui pourrait permettre à l'Office national de l'énergie de décréter, demain matin, qu'Hydro-Québec devra accepter d'avoir sur ses lignes du courant qui provient de Terre-Neuve parce que ça pourrait paraître dans l'intérêt public.

L'Office national de l'énergie pourrait imposer toute espèce de conditions sous les mots "les conditions qu'elle estime nécessaires ou souhaitables dans l'intérêt public". Pire encore, le projet de loi no C-108, tel qu'il est présentement déposé devant le Parlement du Canada, permettrait à l'Office national de l'énergie "de révoquer les permis, les certificats d'exportation pour commodité et nécessité publiques". Il s'agit là d'un pouvoir encore plus arbitraire, encore plus dangereux pour les éventuels exportateurs et également pour les éventuels acheteurs d'énergie outre-frontières du Québec.

Cette disposition, c'est un peu comme si la Commission des transports du Québec, la Régie des services publics, le CRTC, le Conseil de la radio-télévision canadienne, avaient le pouvoir, en tout temps, pour le simple caprice d'un organisme quasi judiciaire ou d'hommes politiques en mal de décisions, de révoquer un permis d'exportation présentement ou ultérieurement en faveur d'Hydro-Québec. Cette disposition du projet de loi est inacceptable. D'ailleurs, le président du conseil d'Hydro-Québec l'a dénoncée hier en indiquant à quel point cela pouvait rendre vulnérable la capacité d'exportation d'électricité du Québec vers l'extérieur.

Un troisième changement apporté par le projet de loi no C-108 aux pouvoirs de l'Office national de l'énergie, c'est la possibilité de fixer des normes environnementales distinctes des normes provinciales. Comment le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources du Canada peut-il essayer aujourd'hui d'introduire dans une loi la possibilité d'avoir des normes d'environnement distinctes de celles qui existent présentement quand on sait fort bien que celles du Québec n'ont jamais créé de problème et que tout ce qui pourrait advenir, c'est que cela retarde la réalisation du projet d'exportation d'électricité et complique la situation et la possibilité réelle de vendre de l'énergie excédentaire aux États-Unis.

M. le Président, voilà pour les pouvoirs juridiques nouveaux, exorbitants, arbitraires qui seraient ainsi confiés à l'Office national de l'énergie. Mais, en plus, M. le Président, quand on sait que l'Office national de

l'énergie pourrait voir ses décisions acceptées ou refusées par le gouvernement fédéral, on voit que non seulement il s'agit d'un pouvoir arbitraire entre les mains de l'Office national de l'énergie, mais également d'un pouvoir arbitraire entre les mains du gouvernement fédéral. Le député d'Outremont nous parlait tantôt du potentiel hydroélectrique de Lower Churchill, du Bas-Churchill. Est-ce qu'il aurait oublié que le gouvernement fédéral est actionnaire à 49% de Lower Corporation Development de Churchill? Drôle de situation. Le gouvernement fédéral se donne un pouvoir arbitraire de trancher, supposément dans l'intérêt national, et, en même temps, il est actionnaire à 49% pour développer Lower Churchill. Comment pensez-vous qu'un tel pouvoir discrétionnaire sera utilisé dans l'avenir si ce n'est au détriment évident du Québec, comme ce fut le cas, l'été dernier, pour le ministre fédéral des Transports qui dispose, avec son gouvernement, d'un pouvoir encore moins évident que celui dont on veut doter le ministre fédéral de l'Énergie, en matière de services ferroviaires? Vous savez ce qui s'est passé dans votre propre région alors que la Commission canadienne des transports avait obligé Via Rail à maintenir des services ferroviaires aux passagers dans plusieurs régions du Canada. Ce qui s'est produit, un bon matin: pouvoir arbitraire, discrétionnaire, quasi absolu du gouvernement fédéral, ils ont décidé simplement de couper les services dans certains cas et de les réduire dans d'autres. M. le Président, ce pouvoir pourrait avoir des conséquences économiques terribles.

Pour bien comprendre de quoi on parle quand on parle des exportations d'électricité, je voudrais vous donner deux ou trois chiffres. Comparons les profits nets d'Hydro-Québec à ses ventes d'énergie excédentaire. Faisons une petite comparaison. En 1976, les profits nets d'Hydro-Québec étaient de 310 000 000 $ et les ventes d'énergie excédentaire étaient de 35 000 000 $. Donc, l'équivalent d'environ 11% des profits nets d'Hydro-Québec. En 1981, les profits nets d'Hydro-Québec étaient de 558 000 000 $ et les ventes d'énergie excédentaire étaient de 314 000 000 $. Donc, l'équivalent de 56% des profits nets. En 1990, si on projette les rentrées du contrat de PASNY et, éventuellement, de NEEPOOL, soit les États de la Nouvelle-Angleterre, on en arriverait à des profits nets d'Hydro-Québec de 3 380 000 000 $ et à des ventes d'énergie excédentaire de 2 184 000 000 $. C'est donc dire, M. le Président, qu'en 1990, parce que les Québécois ont investi dans l'énergie électrique, parce que nous avons, massivement, investi, les ventes d'énergie excédentaire pourraient représenter l'équivalent de 65% des bénéfices d'Hydro-Québec.

M. le Président, si on fait le total des exportations d'énergie excédentaire par Hydro-Québec pour la période 1982 à 1990, c'est une somme de 13 317 000 000 $ dont il s'agit. 13 000 000 000 $ d'énergie excédentaire qui pourrait être vendue aux États-Unis.

Ce que les pouvoirs de l'Office national de l'énergie mettent en cause, c'est justement cela. Imaginez-vous, M. le Président, la position des éventuels acheteurs américains qui, par exemple, dans le contrat de PASNY, doivent, pour accueillir notre énergie hydroélectrique, consentir chez eux des investissements de l'ordre de 550 000 000 $. (16 h 40)

Imaginez-vous, M. le Président, dans quelle sorte d'état d'insécurité les place le projet de loi C-108 du gouvernement fédéral quand on sait qu'avec de tels pouvoirs exorbitants, arbitraires, en tout temps les conditions de marché conclues pourraient être modifiées unilatéralement par des décisions de l'Office national de l'énergie. Insécurité, donc, pour les acheteurs éventuels d'électricité québécoise.

Deuxièmement, risque de priver le Québec ou Hydro-Québec du contrôle de 13 000 000 000 $ de ventes d'énergie excédentaire au cours des huit prochaines années.

Troisièmement, et c'est là que c'est probablement le plus grave, pour avoir les tarifs d'électricité que nous avons présentement au Québec, Hydro-Québec tient compte du fait qu'elle vend de l'énergie excédentaire aux Américains, aux Ontariens, un petit peu au Nouveau-Brunswick. Si elle ne pouvait plus compter sur la vente d'énergie excédentaire comme elle le fait, qui s'en ressentirait? Essentiellement deux groupes de personnes. D'abord les abonnés d'Hydro-Québec, qui s'en apercevraient sur leur facture, parce que les 13 000 000 000 $ qui viendront dans les coffres d'Hydro-Québec de la vente d'énergie excédentaire, si on "insécurise" cette possibilité-là ou si on l'anéantit - Hydro-Québec a présumé qu'elle pouvait réaliser ces ventes - qui s'en ressentirait, si elle ne pouvait le faire? Au premier titre les abonnés d'Hydro-Québec, mais deuxièmement, également, le Québec a un atout majeur pour le développement économique à cause de ses bas taux industriels dans des cas comme Reynold's et Pechiney.

L'un des avantages comparatifs les plus considérables dont dispose le Québec pour son développement économique c'est justement de pouvoir avoir de l'énergie électrique abondante et moins dispendieuse que les concurrents du Québec. Ce que ces pouvoirs discrétionnaires, arbitraires et abusifs qu'on veut confier à l'Office national de l'énergie et au gouvernement du Canada

mettent en cause, c'est la possibilité pour les abonnés de continuer à avoir des tarifs intéressants par rapport à ce qu'il y a ailleurs dans le monde. Deuxièmement, la possibilité de conserver un avantage comparatif par rapport à la plupart des autres pays du monde. Et enfin, cela risque de compromettre également les investissements importants consentis au Québec.

Je termine en 30 secondes pour dire que je trouve particulièrement regrettable que le député d'Outremont et le chef de l'Opposition, aujourd'hui, 20 mai 1982, deux ans jour pour jour après la grande trahison dont le chef du Parti libéral et l'ensemble de son équipe ont été victimes encore plus que nous... Deux ans jour pour jour après ce référendum, on nous apprend que si l'Opposition était de ce côté-ci de la Chambre, elle serait prête à renoncer aux droits historiques du Québec sur le territoire labradorien et à signaler au gouvernement de Terre-Neuve qu'elle est prête à rouvrir le contrat de Churchill.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous étudions aujourd'hui une motion du ministre de l'Énergie et des Ressources et encore une fois, c'est une motion qui s'oppose au gouvernement fédéral, qui condamne l'ingérence dudit gouvernement, qui réclame des membres du Parlement fédéral... C'est encore le même refrain, la même cassette du Parti québécois. C'est encore une autre façon, une autre stratégie, une autre tactique que le gouvernement du Parti québécois utilise, pas pour résoudre le problème qui existe, parce qu'on sait qu'il existe un problème... Ce n'est pas avec cette motion qu'on va résoudre ce problème. Il utilise ce débat à l'Assemblée nationale pour poursuivre encore une fois ses objectifs politiques alors qu'il y a deux ans aujourd'hui la population lui a dit: Non, on n'en veut pas, de vos objectifs politiques, on ne veut pas de la séparation, on ne veut pas vous donner un mandat pour séparer le Québec du Canada.

M. le Président, il faut expliquer à la population le rôle de l'Assemblée nationale qui est de légiférer pour le bénéfice de la population du Québec. C'est son rôle. Qu'est-ce que le gouvernement vient faire? Ce n'est pas une loi qu'il nous présente, c'est une motion. Savez-vous quelles sont les conséquences d'une motion? Il n'y a pas de conséquences à une motion, c'est un moyen pour le gouvernement de faire de la propagande. Une loi, on peut l'adopter, l'amender, la changer, il y a des conséquences pour la population. Est-ce que la population sait que même si on vote unanimement, même si on fait n'importe quoi, il n'y a pas de conséquences à une motion. Alors, pourquoi présenter une motion encore aujourd'hui pour condamner le fédéral, pour s'opposer au fédéral? Pourquoi? Pour faire de la propagande politique.

Si le gouvernement voulait résoudre le problème, pourquoi aurait-il attendu à maintenant pour présenter cette motion? Il y a plus d'un an qu'il sait qu'il y a un avant-projet, le projet de loi C-108, du gouvernement fédéral. Il n'en a pas parlé ici, à l'Assemblée nationale. La deuxième lecture du projet de loi C-108 a eu lieu, au Parlement fédéral, et il ne nous a pas avertis avant l'adoption en deuxième lecture. Il n'est pas venu nous dire à l'Assemblée nationale: II y a un problème, faisons quelque chose pour essayer d'effectuer des changements au projet C-108. Non, sa stratégie était d'attendre que la deuxième lecture ait lieu au Parlement fédéral, le 27 avril, pour nous arriver avec une motion. Là, on joue à la vierge offensée. Regardez-nous, disent-ils. Il faut s'opposer au fédéral.

Ici, à l'Assemblée nationale, nous sommes des législateurs, des députés. C'est l'Exécutif, le gouvernement qui doit agir, c'est lui qui doit négocier; qu'a-t-il fait jusqu'à maintenant? Pourquoi attendre à aujourd'hui? C'est une tactique, une stratégie du Parti québécois.

Le 20 mai, il y a deux ans, la population a rendu un verdict. Le Parti québécois, les membres du gouvernement du Parti québécois ne l'ont pas accepté, ce verdict. C'est malheureux, ils n'ont pas accepté la décision de la population de faire partie intégrante du Canada et le fait qu'en plus d'être Québécois nous sommes aussi des Canadiens. S'ils l'avaient accepté, ils auraient agi différemment. Aujourd'hui, ils agiraient différemment.

Ils veulent qu'on vote avec eux. Ils disent: Donnez-nous votre vote, cela va nous donner de la force. On va aller négocier à Ottawa et on va démontrer au gouvernement de Terre-Neuve, au gouvernement fédéral que nous avons des droits et qu'on va faire prévaloir nos droits. J'ai déjà entendu cela ici. Le 2 octobre, ils ont dit la même chose. Ils ont voulu avoir le consentement unanime de cette Assemblée pour aller négocier à Ottawa. Qu'ont-ils fait? Je suis l'un de ceux qui ont dit: Si la motion présentée le 2 octobre l'avait été par un autre gouvernement, j'aurais voté pour, mais je n'ai pas confiance en vous, vous allez l'utiliser pourquoi? Pour arriver à vos objectifs séparatistes, non pas pour aller négocier. Malheureusement - et j'insiste -j'ai eu raison. C'est ce qu'il a fait, ce gouvernement, il a affaibli le Québec. On avait le droit de veto, le droit de veto avait

été offert et le premier ministre, avec sept autres provinces, a signé un document enlevant le droit de veto au Québec sur les changements constitutionnels.

On nous a affaiblis et, aujourd'hui, on a le front de venir nous demander de voter avec lui pour lui donner le droit d'aller négocier. Vous n'avez pas besoin de cela pour négocier. Si vous vouliez le faire de bonne foi, vous auriez pu le faire avant et vous pourriez continuer à le faire. S'il y a des lois que vous voulez voir adopter par l'Assemblée nationale, présentez-nous-les et vous allez voir que l'Opposition va jouer son rôle. On ne s'oppose pas toujours au gouvernement pour le simple plaisir de s'opposer, quand il y a quelque chose que nous savons dans l'intérêt de la population, quand une loi est de bonne foi et répond aux besoins du Québec, M. le Président, on n'est pas gêné de voter pour, comme on n'est pas gêné parfois de voter contre, ou d'apporter des amendements et des changements. (16 h 50)

Comme je l'ai dit tantôt, une loi a des conséquences. On peut la mettre en application. C'est ça le rôle de l'Assemblée nationale. Notre rôle, ce n'est pas d'avoir des discussions puériles et stériles ici pour les fins de propagande du Parti québécois. M. le Président, c'est une tactique de ce gouvernement que de provoquer toujours de la confrontation, de ne jamais accepter de coopération avec le fédéral. Moi, M. le Président, je n'accepte pas cela. Ce gouvernement veut sur le dos de la population en arriver à ses objectifs. Il ne se préoccupe pas du bien-être de la population. Si vraiment vous vouliez coopérer avec le fédéral, pourquoi? Je vais vous donner un exemple. Il y a une crise dans la construction domiciliaire. Il y a 44 000 000 $ qui dorment à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ils ne sont pas utilisés par le gouvernement du Québec. Pourquoi ne pas, par esprit de coopération, aller travailler avec le gouvernement fédéral, coopérer avec lui? Vous n'allez pas toujours vous entendre; naturellement, il va y avoir des divergences d'opinions à un moment donné sur certains sujets. Au moins, ce ne sera pas l'attitude négative que vous adoptez toujours.

Vous créez une atmosphère malsaine au Québec. Vous créez une atmosphère de confrontation. Vous faites de la propagande, c'est un lavage de cerveau que vous faites, sur les jeunes surtout, toujours contre le fédéral. Pourquoi? Je sais pourquoi. Vous n'êtes pas arrivés à vos objectifs le 20 mai 1980. Vous vous y prenez par de tels moyens pour toujours essayer d'aller démontrer au fédéral que ce n'est pas bon parce que si -merci, Dieu nous en garde - jamais il fallait que vous vous entendiez avec le fédéral, imaginez-vous ce qui arriverait aux objectifs du Parti québécois! On ne pourrait pas se séparer. Ce ne serait pas nécessaire de promouvoir la séparation, l'indépendance du Québec. On se serait entendu avec le fédéral. Imaginez-vous donc! Il y a une contradiction, M. le Président, et c'est pour cela qu'on va s'abstenir à propos de cette motion.

C'est une tactique de diversion, votre motion. Vous voulez cacher votre mauvaise administration avec tous ses déficits. Vous voulez faire oublier qu'il y a des taxes que vous avez imposées à la population. Quand j'entends la démagogie des soi-disant ministres de ce gouvernement, M. le Président, franchement, je ne sais plus quoi faire. On cite un document à tort et à travers et on accuse l'Opposition de dire qu'elle reconnaît explicitement la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador. Mais c'est absolument malhonnête. On oublie de citer les huit autres lignes, M. le Président, qui donnent les conditions auxquelles nous serions prêts à accepter une telle reconnaissance. Les conditions, M. le Président, ce sont des négociations politiques susceptibles de préciser à l'avantage des deux parties une définition de la frontière du Labrador.

C'est cela qui est en jeu. Certainement qu'on va reconnaître la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador, mais à des conditions précises. Vous faites de la démagogie là-dessus. Vous avez peur de vous mouiller dans ce dossier. On ne fait que suivre les recommandations de la commission Dorion. Ce n'était pas une commission instituée par l'Opposition. C'est en 1971, je crois, si je ne m'abuse, que cela avait été institué par le gouvernement de l'Union Nationale. Elle a fait des recommandations précises.

Aujourd'hui, vous avez le front de faire de la démagogie et de faire de la propagande. C'est un exemple parfait de propagande que vous faites dans ce dossier. On va s'abstenir. Certainement qu'on va s'abstenir. On ne veut pas jouer votre jeu. On ne veut pas jouer votre jeu, se laisser entraîner sur votre terrain, pour que vous puissiez vous en faire gloire et vous donner une crédibilité que vous n'avez pas. Vous n'avez pas cette crédibilité. Vous attaquez toujours, du matin au soir, du commencement à la fin de la semaine, du commencement du mois à la fin du mois, d'une année à l'autre, toujours contre le fédéral.

Le monde, M. le Président, commence à être tanné de ce genre de tactiques négatives et stériles, de ce continuel climat de confrontation, de conflit que vous créez. Vous attendez le moment propice. Ces gens ont présenté une motion aujourd'hui, parce que la deuxième lecture a eu lieu et que c'est le temps de la présenter. S'ils l'avaient présentée au mois de mars ou au mois d'avril, on aurait peut-être pu faire des changements à la loi C-108. Ce n'est pas ce

qu'ils veulent. Ils ne veulent pas ça. Ne vous faites pas d'illusions, M. le Président. Ils seraient les plus déçus si jamais il y avait les changements qu'ils veulent à la loi C-108, parce qu'ils ne pourraient pas critiquer le fédéral. Ils ne seraient pas capables. Il faudrait qu'ils admettent que c'est vrai que le fédéral fait certaines choses qu'on ne peut pas critiquer d'une façon démagogique comme ils le font maintenant.

Quand on entend le ministre des Transports parler des tarifs d'Hydro-Québec et des exportations, M. le Président, savez-vous à quoi cela me fait penser? Cela me fait penser à une tactique de propagande bien connue il y a plusieurs années qui disait - c'était même avant mon temps, j'étais tout petit garçon, mais je l'ai lue et j'en ai vu les conséquences - que, si on répète un mensonge assez souvent, la population va finir par le croire. C'est cela que fait le Parti québécois. Il répète tous les jours des mensonges complets pour les entrer dans la tête de la population. Quand je les entends parler des tarifs d'Hydro-Québec... Ce sont eux qui ont imposé des dividendes, qui sont allés chercher de l'argent à Hydro-Québec pour combler leurs déficits et, maintenant, ils ont le culot de dire que c'est l'Office national de l'énergie qui met en jeu, qui met en péril et qui bouleverse les revenus d'Hydro-Québec.

C'est une interprétation complètement fausse, M. le Président. L'Office national de l'énergie a toujours donné des permis à Hydro-Québec pour l'exportation de l'énergie. Pour votre information, jusqu'à présent, les exportations de l'énergie excédentaire, c'est l'Office national de l'énergie qui les a approuvées et il va continuer de les approuver. M. le Président, qu'ils n'essaient pas de faire croire que le gouvernement fédéral fait cette loi pour essayer de venir chercher quelque chose au Québec, pour aller contre le Québec.

C'est absolument faux. Il faut seulement vous rappeler la politique énergétique dont on a discuté en cette Chambre avant et après le référendum. Les membres du gouvernement voulaient que cela atteigne le prix mondial. Ils critiquaient la politique énergétique du gouvernement fédéral en disant que le gouvernement fédéral obligeait l'Alberta à vendre son pétrole au Québec et dans tout le Canada à un prix canadien. Qui en a bénéficié? Ce n'est pas l'Alberta qui en a bénéficié, M. le Président. Ce sont tous les Canadiens, incluant les Québécois. On ne parle pas de cela. Mais non! Pour arriver à leurs fins, à leur objectif de séparation, ils prônaient, ils encourageaient le gouvernement fédéral à aller au prix mondial. Ce sont des milliards de dollars que nous avons épargnés à cette province, au Québec, grâce à la politique énergétique fédérale. On ne dit pas cela. On ne dit rien là-dessus. On fait oublier les positions prises par le Parti québécois. Si jamais on avait eu le malheur d'appliquer ces positions, on serait dans une situation encore plus désastreuse qu'on ne l'est aujourd'hui.

Vous voulez vous opposer, MM. les membres du Parti québécois? Opposez-vous donc aux coupures budgétaires brutales. Opposez-vous donc aux exodes des Québécois qui s'en vont en dehors du Québec, parce qu'ils ne peuvent pas vivre avec vos politiques fiscales, avec le chômage. Vous voulez condamner, M. le Président? Condamnez le chômage, spécialement parmi les jeunes. Vous voulez réclamer le développement économique? Réclamez qu'au lieu d'augmenter les taxes et d'obliger les industries à quitter le Québec, d'obliger les usines à fermer leurs portes, réclamez donc qu'il y ait des programmes, des lois à cette Assemblée pour promouvoir le développement économique. Au lieu d'augmenter vos dépenses pour les affaires gouvernementales de 18% et de laisser les augmentations dans l'industrie et le commerce à un niveau très minime cette année, réclamez donc plus d'argent dans vos budgets pour des fins commerciales et économiques plutôt que pour des fins de propagande gouvernementale. Si vous faites cela, M. le Président, je vais être le premier à l'appuyer. (17 heures)

M. le Président, c'est un gouvernement de conflits et de confrontations. C'est un gouvernement de lavage de cerveau. C'est le but de la motion d'aujourd'hui. On va laver le cerveau des Québécois, on va essayer de leur faire croire que le fédéral a toujours agi, agit et continuera d'agir contre nos intérêts. On va laver le cerveau des Québécois et, la prochaine fois, on va essayer de les convaincre dans un autre référendum, une autre élection de faire la séparation. C'est un gouvernement de lavage de cerveau des jeunes, de lavage de cerveau des travailleurs, de lavage de cerveau de tous ceux qui habitent au Québec pour une fin seulement, celle de faire la séparation du Québec. C'est le sens de cette motion.

Démasquons ce gouvernement:

N'essayons pas de faire son jeu et de commencer à discuter l'article 1, le paragraphe 3, la loi C-108, la politique énergétique, les certains pouvoirs qu'on va garder. Si vous voulez faire cela, je vous dis: Amenez-nous un projet de loi qu'on va discuter, qui va avoir des conséquences pour la population que vous, gouvernement, pourrez mettre en application. Ne nous amenez pas des motions de propagande, des motions de lavage de cerveau, des motions pour créer un conflit entre citoyens, un conflit entre le fédéral et le provincial, une confrontation entre les fédéralistes et ceux qui sont moins fédéralistes, une confrontation avec tous les différents secteurs de la

population. Voilà le but de la motion. Disons donc la vérité. Il va falloir que la population se réveille et qu'elle sache ce que ce gouvernement est en train de faire contre elle.

Nous sommes dans une situation assez désastreuse économiquement. On devrait être ici à discuter de lois et de politiques économiques, de mesures que nous devrions prendre pour secourir les chômeurs, tous ceux qui ont besoin de l'aide du gouvernement, de l'aide économique, des avantages qu'un gouvernement pourrait leur donner. On a besoin d'un gouvernement qui a différentes priorités. Voulez-vous changer vos priorités? Je vous le dis, changez-les. Oubliez l'affaire du séparatisme, que l'on va battre le fédéral, que ceux qui sont de ce côté sont des traîtres.

M. le Président, je ne descendrai même pas à ce niveau de langage. Qui sont les vrais traîtres? Je ne descendrai pas. Est-ce que ce sont ceux qui ont abandonné le droit de veto ou si ce sont ceux qui disent au gouvernement: Écoutez, prenez donc des mesures pour protéger le Québec et protéger la population? Prenez donc vos responsabilités; vous ne les prenez pas. Croyez-moi selon une bonne expression, on en a plein notre casque de ce qui se fait ici. On essaie des tactiques de diversion. L'histoire va vous juger, l'histoire va juger ce gouvernement. La population va le juger aussi parce qu'on commence à le démasquer.

M. le Président, ce n'est pas une motion qui peut mener à une conclusion pratique. C'est une motion seulement pour des fins de propagande. On aurait pu voter contre. Cela aurait pu être encore interprété d'une certaine façon, d'essayer de faire de la démagogie. Nous disons au gouvernement: Prenez vos responsabilités. Agissez dans l'intérêt des Québécois, mais n'oubliez pas la décision et le mandat qu'ils vous ont donné le 20 mai, il y a deux ans. Prenez vos responsabilités, mais quant à nous, nous ne voulons pas faire partie de votre système et de votre stratégie de propagande que vous essayez de nous imposer. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, le député de Mont-Royal vient de nous dire qu'il aurait peut-être appuyé le gouvernement si nous avions présenté cette motion avant l'adoption du projet de loi en deuxième lecture au Parlement d'Ottawa, parce que là, il y aurait eu possibilité de changer quelque chose. Il me semble que pour un parlementaire d'expérience comme lui, il devrait savoir qu'après l'adoption de la deuxième lecture d'un projet de loi, c'est là qu'on peut changer quelque chose, en commission parlementaire, alors qu'on fait l'étude article par article. Je ne comprends pas très bien son argument. J'ai l'impression que pour quelqu'un qui accuse le gouvernement de faire de la démagogie, il en fait peut-être beaucoup lui-même.

M. le Président, nous étudions actuellement une motion du ministre de l'Énergie et des Ressources qui a pour objet de s'opposer à l'élargissement des pouvoirs du gouvernement fédéral et de l'Office national de l'énergie, tel que proposé par le projet de loi C-108, qui condamne l'ingérence du gouvernement fédéral susceptible de rendre inopérants plusieurs lois et règlements du Québec et finalement qui réclame des membres du Parlement fédéral qu'ils apportent au projet de loi no C-108 les modifications appropriées.

Le député de Mont-Royal, tout à l'heure, se plaignait qu'on passait notre temps à dire que le gouvernement fédéral s'ingérait dans les affaires du Québec. Si on s'en plaint, c'est parce que le gouvernement fédéral s'ingère dans les affaires du Québec. Un des meilleurs exemples, c'est le projet de loi no C-108, qui a été présenté et qui est défendu par le ministre fédéral de l'Energie et des Ressources, Marc Lalonde. Ce projet de loi m'inquiète et m'indigne à plusieurs titres: d'abord, comme membre de l'Assemblée nationale dont le mandat est de défendre, de sauvegarder et de promouvoir les intérêts du Québec; ensuite, comme employé d'Hydro-Québec depuis 22 ans, parce que ce projet de loi constitue une menace de mainmise fédérale sur Hydro-Québec, rien de moins.

Cette entreprise est l'un de nos principaux leviers économiques. C'est une entreprise que nous avons bâtie seuls, sans l'aide de personne, surtout pas du fédéral, avec l'argent des Québécois et en ne comptant que sur le talent et l'énergie des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs et des administrateurs québécois. Enfin, ce projet de loi m'inquiète et m'indigne comme citoyen du Québec et consommateur d'électricité. Si le fédéral adopte ce projet de loi préparé et présenté par le ministre Lalonde, c'est une menace constante de hausse radicale des tarifs d'électricité au Québec qui pèsera sur l'ensemble des consommateurs, et ce malgré les efforts considérables que nous avons déployés pour nous doter d'un réseau électrique moderne, efficace et relativement peu coûteux.

Le projet de loi no C-108 octroie de nouveaux pouvoirs au gouvernement fédéral et à l'Office national de l'énergie, entre autres le pouvoir d'expropriation et de construction de lignes de transport sur le territoire d'une autre province, donc du Québec. Il accorde également le pouvoir de refuser d'accorder, de révoquer ou de

suspendre une licence d'exportation et de vente d'électricité dans tous les cas - je cite le texte du projet de loi - où "la nécessité publique le requiert". Il accorde également à l'ONE le pouvoir d'édicter ses propres normes en matière de protection de l'environnement et des terres agricoles, l'aménagement du territoire et même en matière de sécurité et de santé des travailleurs affectés à ces travaux.

Pour le Québec et, j'en suis sûr, pour la majorité des autres provinces également, ce projet de loi du ministre Lalonde pourrait avoir des conséquences économiques et environnementales tout simplement effarantes s'il était adopté. Par exemple, si Terre-Neuve décidait de vendre son énergie aux Américains, l'Office national de l'énergie pourrait très bien imposer un droit de passage et exproprier une partie du territoire du Québec, peu importe que ce soient des terres publiques ou des terres privées, ou encore autoriser Terre-Neuve ou une compagnie de cette province à exproprier une partie de notre territoire pour y construire des lignes de transport d'énergie, et ce en ignorant complètement nos lois sur la protection de l'environnement et les terres agricoles.

On pourrait même se retrouver dans la situation aberrante où Hydro-Québec serait soumise à nos lois de l'environnement, qui comportent des normes sévères en vue de la protection de cet environnement, lorsqu'elle demande des permis de construction pour ses propres lignes qui desservent les citoyens du Québec. Par ailleurs, Terre-Neuve ou une compagnie étrangère pourrait construire ses lignes n'importe où, n'importe comment, sans se soucier de l'environnement du Québec ou encore en ayant à répondre à des normes inférieures à celles que nous avons ici. Nous ne pourrions rien dire là-dessus.

Bref, comme le décrit l'éditorialiste Michel Roy, le Québec pourrait se retrouver dans la situation aberrante suivante: "L'énergie électrique que produit Terre-Neuve et qu'elle compte produire en plus grande quantité avec l'aide de capitaux fédéraux, par la construction d'un gigantesque barrage dans la basse rivière Churchill, serait acheminée vers le marché américain grâce à un ensemble de pylônes installés dans un couloir québécois exproprié par Ottawa." (17 h 10)

Pour comprendre ce que peut signifier le projet de loi C-108 de Marc Lalonde quant à l'environnement, M. le Président, essayons d'imaginer un peu la réaction d'un citoyen d'une ville dont le conseil municipal aurait décidé d'adopter un règlement qui permettrait à un voisin d'installer sa corde à linge dans sa cour sans avoir à lui demander la permission. C'est un peu cela que fait le projet de loi C-108 pour les lignes de transport d'énergie électrique. Alors, le voisin pourrait installer les poteaux dans son potager ou sa rocaille, laisser flotter son linge sur la corde toute la semaine et il n'aurait absolument rien à dire.

Le projet de loi C-108 va permettre de spolier le territoire du Québec, c'est évident. C'est déjà suffisamment grave comme conséquence, mais il y a pis dans ce projet de loi. En vertu des nouveaux pouvoirs que lui accorde ce projet de loi, l'Office national de l'énergie pourrait empêcher le Québec de signer des contrats de vente d'électricité très lucratifs avec les États-Unis, par exemple, et, en plus, nous forcer à modifier ou à résilier des contrats de vente que nous avons déjà signés avec nos voisins du sud, sous le simple prétexte que - je reprends ma citation - "la nécessité publique le requiert". Ce sont des termes vagues qui vont permettre n'importe quel arbitraire, M. le Président. Le texte du projet de loi C-108 aurait pu dire que la décision se prendrait selon l'humeur du moment des commissaires que cela n'aurait certainement pas été pire.

Mais est-ce que le ministre Lalonde réalise les conséquences qu'un tel texte aura sur nos relations commerciales avec les Américains qui constituent quand même, pour nous, les principaux marchés d'emprunt et d'exportation, non seulement pour l'électricité, mais pour plusieurs autres produits? Avec une réglementation comme celle-là, les Américains n'auraient jamais signé de contrat avec Bombardier pour l'achat de voitures pour le métro de New York. Jamais! Quand ils ont signé avec Bombardier, ils voulaient s'assurer d'avoir les 825 voitures dans un temps déterminé et ils n'auraient jamais signé ce contrat si le fédéral avait pu modifier le contrat par la suite, par une réglementation.

Ce que cela veut dire en clair, c'est que le fédéral pourra changer les conditions du contrat en cours d'exécution, comme il l'a déjà fait dans le domaine pétrolier, d'ailleurs, avec le résultat qu'il a perdu toute crédibilité auprès des Américains.

Il faut comprendre que, dans un domaine comme celui de l'aménagement de centrales hydroélectriques et de lignes de transport, on joue avec des investissements de capitaux considérables et que les décisions d'investir ne se prennent pas à la légère et sans garantie à long terme. Quand on signe des contrats qui impliquent des investissements de plusieurs milliards et des possibilités de ventes de dizaines de milliards réparties sur une décennie, on veut avoir des garanties que les termes du contrat vont être respectés jusqu'au bout. Les Peckford, M. le Président, ne vont pas loin dans ces ligues-là.

J'écoutais le ministre fédéral Marc Lalonde hier soir, à la télévision, expliquer pourquoi, selon lui, ce projet de loi devrait être adopté. Il disait, en substance, que son

objectif est d'assurer la sécurité énergétique du pays et qu'en somme il ne fait qu'appliquer aux lignes de transport d'électricité les règles qui seraient déjà appliquées pour la construction de pipelines, pour le transport du gaz ou du pétrole. Cet argument ne résiste pas très longtemps à l'analyse, M. le Président.

D'abord, aucune province du Canada, actuellement, ne souffre de pénurie d'électricité. Jusqu'à maintenant, le Québec et les autres provinces n'ont jamais eu besoin de l'intervention du fédéral pour s'entendre à l'amiable sur l'interconnexion de leurs réseaux de distribution électrique. Plusieurs ententes existent dans ce domaine, dont certaines depuis fort longtemps, avec l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, les États du Vermont et de New York, et même avec Terre-Neuve.

Quant à l'argument de la similitude avec les pipelines, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas très fort. Un pipeline, c'est enfoui sous terre et, une fois qu'il est construit, on peut restituer les terrains où il passe à leur vocation originale. Une ligne de transport d'électricité, c'est autre chose. Cela constitue un obstacle permanent et les terrains qu'elle traverse peuvent difficilement être utilisés à d'autres fins.

Ce qui est curieux dans l'attitude du ministre fédéral Marc Lalonde, c'est que si son objectif était réellement d'assurer la sécurité d'approvisionnement du pays en matière d'énergie électrique, c'est vers le Québec qu'il se serait tourné, puisque nous avons un potentiel hydroélectrique de 15 000 à 20 000 mégawatts qui pourrait être aménagé à des coûts de beaucoup inférieurs aux coûts d'aménagement du Bas-Churchill à Terre-Neuve que le ministre semble vouloir favoriser.

En fait, l'argumentation du ministre donne l'impression qu'il a d'autres raisons mais qu'il préfère ne pas en parler. Est-ce que ce serait, par exemple, qu'il a une dette envers M. Peckford pour son attitude à l'occasion du rapatriement de la constitution? Est-ce que ce serait que M. Lalonde, voulant s'approprier une partie des ressources de pétrole et de gaz du littoral terre-neuvien au nom du gouvernement fédéral, voudrait, en retour, donner une compensation à M. Peckford? Est-ce que ce serait que M. Lalonde veut favoriser la Lower Churchill Development Corporation dont le fédéral détient 49% du capital-actions? 11 y a investi 200 000 000 $ en utilisant, entre autres, une partie de nos taxes, et Terre-Neuve détient les autres 51%.

Si c'était ça, M. le Président - pour ma part, j'ai de bonnes raisons de croire que c'est ça - ça nous rappellerait un peu la situation qu'on a vécue à l'occasion du jugement du Conseil privé de Londres sur la frontière du Labrador où deux des trois juges avaient des intérêts économiques sur le développement des richesses naturelles du territoire qui était convoité à la fois par le Québec et par le Labrador. C'est ce jugement-là que les gens de l'Opposition voudraient que nous respections? Vraiment, ils sont descendus très bas.

Devant la menace que fait peser sur le Québec le projet de loi fédéral qui constitue, à mes yeux, une véritable tentative de hold-up légal contre le Québec, on aurait pu s'attendre, pour une fois, que l'Opposition mette de côté sa petite politique partisane stérile à laquelle elle nous a habitués depuis un an, et qu'elle se joigne à nous pour dénoncer cette nouvelle tentative d'ingérence fédérale dans les affaires du Québec. Mais non! L'Opposition continue de se défiler lorsque les intérêts du Québec sont menacés par le fédéral.

Cette fois-ci, les députés de l'Opposition ont trouvé une nouvelle astuce: ils vont s'abstenir. Oh! ils parlent en faveur des éléments de la motion, dans certains de leurs discours, mais ils vont s'abstenir lorsque viendra le temps de compter ceux et celles qui se tiennent debout. Le leader de l'Opposition et député de Bonaventure, qui nous avait pourtant habitués à plus de rigueur à l'occasion des débats dans cette Chambre, a même déclaré: "que ce sera une abstention - ça va venir - voulue, lucide, antisouverainiste et antipéquiste." Moi, M. le Président, je dis que ce sera également une abstention antiquébécoise parce qu'elle a pour résultat de miner la position du Québec dans cette affaire qui, compte tenu de l'attaque fédérale que nous subissons, devrait être sans faille. Mais, dans le fond, nous savons que c'est ça qu'une bonne partie de l'Opposition veut faire: livrer le Québec, pieds et poings liés, au fédéral, pour en finir une fois pour toutes avec cette drôle de race de monde qui a la prétention d'être assez grande et d'avoir assez de maturité pour mener ses affaires toute seule.

Quand on examine les impacts du projet de loi C-108 - et je ne comprends pas qu'une personne aussi informée que le député d'Outremont puisse qualifier ça de farfelu -on constate qu'il crée des conditions qui retardent une entente négociée entre Québec et Terre-Neuve. C'est pourtant la seule façon qui permettrait de régler ce contentieux, et c'est la seule façon qui va permettre de le régler, au bout de la ligne. (17 h 20)

On constate également que cela pourrait coûter 500 000 000 $ aux consommateurs québécois pour remplacer l'énergie de Churchill Falls par de nouveaux aménagements. On constate, finalement, que les contrats d'exportation d'Hydro-Québec à Hydro-Ontario et aux États-Unis, qui devraient nous rapporter quelque chose comme 16 000 000 000 $ en dix ans,

pourraient être annulés par l'Office national de l'énergie d'un coup sec en évoquant la commodité et la nécessité publiques. Est-ce que quelqu'un sait ce que veulent dire la commodité et la nécessité publiques? S'il y en a qui le savent, j'aimerais qu'ils me le disent, en particulier, des membres de l'Opposition.

Enfin, dans le contexte économique actuel, cela va provoquer - parce qu'Hydro-Québec n'ira pas bâtir des barrages pour vendre de l'énergie aux Américains alors que, deux ans plus tard, le fédéral pourrait dire: Non, cela ne fonctionne plus - une baisse importante du nombre d'emplois pour les travailleurs de la construction sur nos chantiers de construction. C'est cela, la conséquence du projet de loi C-108 du gouvernement fédéral. Et le député d'Outremont qualifiait cela de farfelu!

Le projet de loi C-108, que le ministre fédéral Marc Lalonde tente de faire passer à tout prix, est un projet de loi pernicieux et antiquébécois. Je le répète, il constitue une véritable tentative de hold-up sur la principale richesse énergétique du Québec. J'estime, pour ma part, que l'ingérence du fédéral dans les affaires du Québec a, depuis longtemps, dépassé les limites du tolérable. Il est grand temps que la population du Québec le fasse savoir au ministre Marc Lalonde et à ses acolytes du gouvernement fédéral et leurs cousins de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: En effet, peut-être qu'on aurait dû faire savoir au ministre Marc Lalonde les objections que nous avions au bill omnibus qu'il a présenté le 16 juin dernier. C'est, en fait, le 16 juin dernier que le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes. Qu'est-ce qu'on a attendu? Pourquoi le député de Vimont, par exemple, qui est un expert en la matière, et le ministre de l'Énergie et des Ressources, ont-ils attendu depuis le 16 juin 1981 jusqu'au 20 mai 1982 pour soumettre les arguments qu'ils nous soumettent aujourd'hui, presque un an après? Si ces arguments étaient si valables le 16 juin 1981, quand le projet de loi a été déposé, pourquoi n'a-t-on pas entendu en Chambre, depuis une année qu'on siège, tous ces arguments se refléter? Qu'est-ce qui a empêché le ministre de l'Énergie et des Ressources, pendant ces onze mois que nous avons passés depuis le dépôt de ce projet de loi omnibus, de se mettre en communication avec son homologue fédéral et de lui faire les objections que présente aujourd'hui le député de Vimont, que présente le ministre dans sa motion? Faut-il attendre onze mois pour faire valoir des objections qui étaient tout aussi valables au départ?

Le député de Vimont dit: On ne pouvait pas le faire avant la seconde lecture, c'est à ce moment-là qu'on étudie article par article. Peut-être devrait-il savoir qu'une fois la deuxième lecture enchaînée, on ne peut plus changer le principe même du projet de loi. S'il y avait tellement d'objections valables au départ, les objections qui sont valables aujourd'hui n'étaient-elles pas aussi valables le 16 juin dernier, quand ce projet de loi omnibus a été déposé? C'est la question fondamentale que nous avons essayé d'expliquer par notre refus symbolique d'appuyer cette motion qui est une façon tout à fait factice de faire ce que le député appelait de la petite politique partisane sur un sujet où le Québec aurait dû être beaucoup plus présent durant tous ces mois d'inaction alors que le ministre ou ses experts auraient pu très facilement rencontrer leurs homologues pour présenter les objections du Québec, d'Hydro-Québec et de toutes les parties intéressées dans ce dossier au Québec.

En effet, il y a sûrement beaucoup de ministres, depuis juin 1981, qui ont eu des occasions, soit le ministre de l'Énergie lui-même, le ministre des Communications, comme il le disait aujourd'hui, soit le ministre de l'Environnement qui nous a dit durant des commissions parlementaires qu'il avait rencontré son homologue, lors de conférences interprovinciales et fédérales, depuis presque un an de faire les objections qu'on essaie de faire aujourd'hui par une motion à retardement. Une motion qui ne se présente même pas avant la première lecture, mais après la première lecture et après la deuxième lecture. Et qu'est-ce que cette motion va venir faire maintenant? Le ministre des Transports, qui lui-même dans l'article disait avoir rencontré son homologue du ministère fédéral des Transports, récemment, nous raconte, par exemple, que ce projet de loi va faire perdre à Hydro-Québec quelque chose comme 13 000 000 000 $ en potentiel d'électricité d'exportation par le pouvoir qu'aura le gouvernement fédéral de révoquer les licences d'exportation.

Ce qu'il fallait faire dès le début, c'était demander au gouvernement fédéral de revoir toute cette question. Mais c'est étonnant de lire que dans le mémoire d'Hydro-Québec sur le projet C-108, les objections ne sont pas du tout de la même nature que le ministre des Transports voulait nous le faire croire. Hydro-Québec, elle, croit qu'elle a beaucoup de réserves, point de vue que nous partageons. Elle ne pense pas pour autant que le gouvernement fédéral va s'opposer d'une façon si draconienne, que le fédéral va stopper les exportations du Québec à l'étranger pour 13 000 000 000 $. C'est porter l'argument à son point le plus

ridicule. Enfin, je voudrais citer le mémoire d'Hydro-Québec: "Aussi nous soumettons respectueusement qu'il y aurait effectivement avantage à ce que les termes actuels du paragraphe 84.1 de la loi soient maintenus. Ils sont connus et ont été évalués par nos clients." C'est une position raisonnable exprimée d'une façon logique qui, je suis sûr, trouvera des interlocuteurs sympathiques, que nous aurions dû apporter devant les interlocuteurs fédéraux depuis, en effet, juin 1981.

Qu'est-ce qu'on a fait depuis juin 1981? A-t-on agi de quelque façon que ce soit? A-t-on rencontré les gens du fédéral? A-t-on négocié, a-t-on discuté? Le ministre a tous les pouvoirs de le faire. Il ne l'a pas fait. Aujourd'hui, il veut nous embarquer dans ce petit stratagème. Le ministre de l'Environnement disait hier que c'est une atteinte à l'environnement du Québec. Pourtant, il a eu lui aussi toute la chance durant ses rencontres fédérale-provinciales de discuter du sujet avec ses homologues, de faire le point sur l'environnement. Le ministre de l'Agriculture nous a dit qu'il avait rencontré son homologue du fédéral. Pourquoi n'a-t-il pas discuté avant aujourd'hui, avant hier de cette question fondamentale? On nous traite comme si le Québec s'était déjà séparé. C'est ironique que pour la question des pipelines, pour la question du gazoduc, pour la question des chemins de fer, on dise: Non, ce n'est pas la même chose. On peut les retirer. C'est beaucoup plus difficile qu'une ligne de pylônes hydroélectriques.

Qu'est-ce qui arrive des chemins de fer, des lignes de chemins de fer? Est-ce qu'on peut les retirer d'un jour à l'autre? À cela, on ne s'oppose pas quand c'est à notre avantage, pour nos intérêts spécifiques. Pour la question du gazoduc, on dit: Oui, c'est d'accord. Quand il s'agit de lignes hydroélectriques, on s'agite parce que là on veut faire de la politique émotionnelle. On veut émouvoir les esprits. On veut leur faire oublier tout ce qui se passe aujourd'hui au Québec. On veut faire de la petite politique, justement de la politique partisane dont parlait le député. On s'y oppose nous, on va s'abstenir. On dit que s'abstenir, c'est tellement ridicule et loufoque. On a parlé de Judas, de Ponce Pilate. On a fait chanter Félix Leclerc. Seulement, moi, je dirai aux deux députés qui ont parlé avec tellement de ridicule de l'abstention que peut-être ils devraient vérifier avec leurs collègues qui, l'autre jour, votaient - quelques-uns - contre la loi 46 avec beaucoup d'éclat, ce qu'ils ont fait ensuite. Quand ils sont arrivés en commission parlementaire, quand il s'est agi de gagner le même principe, qu'ont-ils fait? Ils se sont abstenus. Sur la question où ils pouvaient voter pour l'île de Montréal après avoir voté ici contre en deuxième lecture, qu'ont-ils fait? Ils se sont abstenus. (17 h 30)

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Joliette et whip du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, vous savez pertinemment - on ne peut pas laisser dire des faussetés dans cette Chambre -qu'après avoir adopté en deuxième lecture les principes, une commission parlementaire ne peut plus changer aucun principe. Le député de Nelligan devrait savoir cela.

M. Ciaccia: Sur la même question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la même question de règlement, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'étais présent en commission parlementaire. On n'avait pas mis en doute le principe, mais on avait voté sur le même article. Effectivement, les deux députés ministériels se sont abstenus sur un amendement qui avait été jugé recevable pour donner les pouvoirs à la ville de Montréal. Ces deux députés se sont abstenus. Le député de Nelligan a dit la vérité, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Rochefort: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Je suis directement concerné par cette question, parce que je suis l'un des deux députés ministériels dont parle le député de Mont-Royal. Je tiens à rappeler, M. le Président, que la proposition du député de Mont-Royal - qui n'était pas la sienne, qui était d'ailleurs celle du chef de l'Opposition - ne satisfaisait pas les intérêts vitaux de Montréal dans le débat de la communauté urbaine, mais parce qu'elle allait plus dans le sens de l'Opposition, tout en n'étant pas complètement satisfaisante pour l'Opposition, nous n'avons pas voulu voter contre, mais nous nous sommes abstenus. D'autre part, M. le Président, les députés péquistes de Montréal, eux, ont voté contre en Chambre et ils étaient tous présents en commission parlementaire, ce qui n'est le cas d'aucun député du Parti libéral dans ce dossier.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas laisser passer sans commentaires les accusations du député de Gouin.

M. Grégoire: M. le Président, je me demande si on a le droit, tant que la commission parlementaire n'a pas encore remis son rapport, de discuter des travaux de cette commission à l'Assemblée nationale. Je crois que c'est contre tous les règlements qui nous régissent ici.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai entendu les questions de règlement et de privilège. Maintenant, la parole est au député de Nelligan.

M. Lincoln: Oui, justement. Le député de Gouin a vraiment placé très bien l'argument que nous donnons tout le temps. Il a dit: On s'est abstenus parce que nous pensions que c'était contraire aux intérêts de Montréal, que la question n'était pas bien posée. C'est exactement la même raison pour laquelle nous nous abstenons ici nous-mêmes, parce que nous pensons que cette motion ne fait rien de positif dans le dossier. Elle évite toute la question des négociations. Elle amène un esprit de confrontation et d'émotivité là où il faudrait de la concertation. C'est pour la même raison. Je citais en exemple les deux députés qui ont dit que s'abstenir était ridicule et loufoque, qui ont parlé de Judas et de Ponce Pilate. Moi je dis: Dans le parti ministériel, quand ils s'abstiennent, est-ce ridicule et loufoque? Je suis content que le député de Gouin ait fait le point et dit que ce n'est pas du tout cela. Il s'abstenait pour une question de principe, parce qu'il pensait que c'était la chose raisonnable à faire. C'est ce que je veux dire. Nous nous abstenons parce que nous voulons montrer que cette motion ne sert en rien les intérêts du Québec, que cette motion est une motion de politique partisane, que si vraiment il y a avait eu un intérêt du côté du gouvernement d'aller négocier et d'aller se battre sur les questions de principe dont a parlé le député de Vimont, ils avaient, depuis le 16 juin 1981, le temps de le faire et ils ne l'ont pas fait. C'est exactement la raison pour laquelle nous nous abstenons symboliquement. C'est pour montrer que cette motion est factice.

C'est aussi pour montrer que pendant qu'on parle de ces petites motions factices, pour montrer que pendant qu'on cite Ponce Pilate et Judas, qu'on dit qu'il est ridicule et loufoque de s'abstenir et qu'on fait chanter Félix Leclerc, il arrive ceci: On remet le budget, la question la plus importante de toute l'année du Parlement, à une date in extremis. On présente pour la première fois dans l'histoire du Québec deux budgets en une année. Pour la première fois dans l'histoire du Québec, on arrive à des taux de chômage presque record, 400 000 chômeurs, dont 40% sont des jeunes sans emploi. Pour la première fois dans l'histoire du Québec, on arrivera à des déficits records de 4 000 000 00 $ bientôt. Pour la première fois dans l'histoire du Québec, on perd des emplois comme jamais avant. C'est ce dont il faudrait venir parler au lieu de perdre notre temps avec ces petites motions factices de petite politique.

En fait, c'est assez ironique, même comique, pendant que nous, on vient discuter de toute la question de la motion Duhaime, qui est d'un an en retard, que, aujourd'hui même, dans le seul numéro de l'Argus, sur deux pages, le vice-premier ministre et ministre des Affaires intergouvernementales nous dise quelle chance il a eue, combien nos maisons du Québec font pour les exportations.

Or, ce même jour, on annonce dans la Presse que l'Ontario supplante le Québec comme principal fournisseur canadien de la France. En 1979, nos exportations du Québec vers la France, un pays avec lequel on partage la culture et la langue, excédaient celles de l'Ontario de 73 000 000 $. En 1980, c'est descendu à 30 000 000 $; en 1982, l'Ontario nous a dépassés à un tel point qu'on vend pour 266 000 000 $ aux Français, tandis que l'Ontario leur vend maintenant pour 348 000 000 $.

C'est Statistique Québec qui le dit. Dans une année, 82 000 000 $ en plus; l'Ontario nous dépasse pendant qu'on fait des motions ridicules. Dans une autre page, on lit que le Québec a perdu 100 000 emplois dans le secteur manufacturier depuis août 1981. À la page d'à côté, 6000 PME du Québec sont menacées de faillite d'ici un an. C'est sur cela qu'il faudrait venir se pencher et faire des motions ici. C'est pourquoi il faudrait se demander ce qu'on fait justement avec tout cet investissement qu'on perd à l'étranger, et même en France, où on ne peut vendre autant que l'Ontario.

Depuis le gouvernement du Parti québécois, nos exportations en France, à comparer à celles de l'Ontario, ont diminué de façon draconienne, jusqu'à aujourd'hui, alors qu'il y a un renversement en notre défaveur de 82 000 000 $ en un an. C'est de cela qu'il faudrait venir discuter ici, au lieu de parler de motions. Je crois que c'est cela que le député de Saint-Jacques, qui se réjouissait d'avoir gagné l'élection, devrait dire au lieu de dire: Vous n'aurez plus rien à faire.

Depuis ce temps, le peuple commence à réaliser qu'il a fait une faute. Dans Louis-Hébert, les électeurs ont réalisé ce qui arrivait, ils nous ont dit qu'ils n'étaient pas

satisfaits de la situation, pas satisfaits du chômage, pas satisfaits de la perte d'emplois, pas satisfaits des deux budgets de M. Parizeau, pas satisfaits des taxes indirectes, pas satisfaits du fait qu'il cherche encore à cacher des choses en repoussant le budget in extremis, avec un déficit de 4 000 000 000 $ cette année. Les gens ne sont pas satisfaits.

En fait, au lieu de venir faire des motions sur Hydro-Québec, on devrait penser à ce que le gouvernement a fait depuis cinq ans sur les questions économiques et fiscales. C'est le gouvernement de la banqueroute fiscale, des déficits records, le gouvernement de la banqueroute économique, le gouvernement de la banqueroute politique, le gouvernement de la confrontation, le gouvernement de la banqueroute sociale, qui a mis les allophones, les anglophones et les francophones en bagarre tous les jours. C'est à cela qu'il faut penser. Il faudrait penser à toute cette confrontation que ce gouvernement a provoquée au lieu de faire de la coopération et de la concertation. C'est le gouvernement de la diversion, plutôt que de la réalité. Il fait des petites diversions avec des motions. Il a présenté six motions en un an et demi pour nous faire oublier que le nombre de chômeurs augmente tous les jours, que des emplois se perdent tous les jours, que même les exportations diminuent en France, pendant qu'on reçoit le premier ministre Mauroy à coup de drapeaux et de petites chansons à l'aéroport "Mon cher Pierre, c'est bon de te voir, avec grand amour."

Pendant ce temps, l'Ontario vend plus que nous à la France et y dépasse nos exportations. C'est cela qu'on devrait essayer de faire, faire peut-être moins de petits drapeaux, faire moins de gloriole politique, faire moins de petites motions de diversion et s'occuper de l'économie, parce que, sans économie, ce pays ne peut pas vivre, que ce soit le Québec, que ce soit le Canada. On peut dire que c'est la faute du fédéral, on peut dire que c'est la faute des taux d'intérêt, mais, à un moment donné, les gens vont se demander ce que le gouvernement du Québec fait pour leur redonner des emplois, pour réduire le taux de chômage et pour redonner un coup à l'économie.

C'est pourquoi nous allons nous abstenir, comme le député de Gouin s'est abstenu, pour de bonnes raisons. On va s'abstenir avec fierté dans cette affaire, parce que cette motion est une motion de diversion qui n'arrange rien à toute l'affaire. Si elle devait se faire, si elle était valable, elle aurait dû se faire en juin 1981, en juillet 1981 ou en septembre 1981, pas en mai 1982. Nous sommes contre ce projet de motions continuelles. Nous allons nous abstenir. S'il faut pour cela être traités de ridicules, loufoques, Judas et tout le reste, qu'on le soit, et on va l'être sans aucune question de timidité, sans aucune crainte d'être embarrassés. Merci. (17 h 40)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du gouvernement et député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, vous allez me permettre, au départ, de faire au moins certaines remarques relativement au dernier intervenant. Le dernier intervenant nous dit que depuis le dépôt de cette loi fédérale sur l'énergie, personne n'a réagi. Avec tout le respect que je dois au député de Nelligan, ou bien il ne vit pas dans cette Chambre, ou bien il ne lit pas les journaux, ou bien il ne s'informe pas. Au lieu de poser des questions stupides, de gonfler des ballounes régulièrement, il serait peut-être mieux de poser des questions concrètes et de regarder l'échéancier.

C'est le 22 juin 1981 que l'avant-projet de loi sur la sécurité énergétique a été déposé à Ottawa. Dès le 25, après en avoir pris connaissance d'une façon sérieuse, le premier ministre du Québec prenait position ainsi que le ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec. Également, à plusieurs reprises, M. Duhaime a tenu des conférences de presse, a échangé de la correspondance avec Marc Lalonde tout au cours du mois de juillet. Depuis un mois, le ministre de l'Énergie et des Ressources court après Marc Lalonde pour avoir des rencontres et c'est remis de jour en jour, de semaine en semaine. Ils devaient se rencontrer cette semaine, c'est encore remis. Ne dites pas qu'on n'a pas essayé de faire des démarches pour tenter de rencontrer les homologues fédéraux, loin de là, ils ne veulent pas nous voir, ils ont pris partie, leur lit est fait, ils sont décidés.

M. le Président, au-delà de tout ça, c'est étonnant, ce qu'on a entendu dans cette Chambre. Le critique officiel de l'Opposition, le député d'Outremont, nous dit: C'est quelque chose qui n'est pas faisable, cette loi-là, arrêtons donc de nous en faire. Ce cher député spécialisé devrait au moins savoir qu'il existe une étude de faisabilité qui a été faite par la compagnie Bechtel, qui parle exactement de trois possibilités, de trois possibilités de corridor. Cela a été fait pour le compte de la province de Terre-Neuve. Il me semble qu'un spécialiste comme lui, un critique officiel, devrait au moins savoir que la faisabilité est déjà établie par une firme spécialisée.

Encore là, si ce n'était pas faisable, pourquoi le fédéral déposerait-il le projet de loi no C-108? Si c'était une chose qui ne se faisait pas, pourquoi le fédéral aurait-il déposé à la Chambre des communes un projet de loi qui vient interférer directement

sur l'intégrité de notre territoire? Le député de Vimont disait tantôt: Serait-ce parce qu'on veut payer une dette au premier ministre Peckford? Je pense que c'est justement ça, c'est le résultat de la grande nuit, où chacun a eu son suçon. Le suçon de M. Peckford, c'est le projet de loi no C-108, ce projet de loi no C-108 qui va coûter des milliers et des milliards de dollars aux Québécois. Si on se situe à l'année 2041, il y a une perte possible de 30 000 000 000 $ pour les Québécois si ce projet de loi était adopté et si on le réalisait, on pourrait exproprier.

Au moment où on nous dit qu'on ne parle pas d'économie, c'est justement un projet de loi qui risque de compromettre l'économie du Québec. C'est le principal levier, le levier primordial de l'économie du Québec, notre réseau énergétique, et on dit qu'on ne parle pas d'économie. Pourquoi a-ton cette motion? On sait très bien que la population du Québec, que ce soient des libéraux, des unionistes ou des péquistes, les électeurs du Québec, les citoyens du Québec ne veulent pas qu'on empiète sur leur territoire. Dites-vous cela, vous de l'Opposition.

Au moment où il y a un projet de loi déposé à la Chambre des communes, je pense qu'il est normal qu'ici, à l'Assemblée nationale du Québec, les représentants élus du Québec, qui ont le devoir de faire savoir aux représentants du fédéral leur position, disent: Non, on ne veut pas que vous portiez atteinte à l'intégrité de notre territoire. Normalement, ce serait un voeu de tout élu québécois. Au moment même, M. le Président, où on a un surplus, au moment même où notre réseau pourrait nous porter profit, réseau qui a été réalisé avec les compétences exclusives du Québec, exclusivement avec l'argent des Québécois, sans être de l'extérieur, un gouvernement qui se dit d'un palier supérieur veut intervenir directement sur notre réseau qui comporte le levier économique principal de notre coin de terre, de notre pays, et je vais me permettre de le dire: notre pays, à part cela.

Je ne parlerai pas sur le fond parce que mes confrères l'ont développé passablement, mais je ne comprends pas qu'en cette Chambre, on puisse être d'accord, qui que ce soit, de quelque côté que ce soit, de quelque circonscription électorale que ce soit, avec un tel projet de loi à Ottawa. Il est temps que cette Chambre fasse savoir au fédéral qu'on ne veut pas, et à tout jamais, entendre parler d'une expropriation sur notre territoire sans notre consentement, sans une négociation, sans qu'il y ait une solution négociée. Je pense que l'Assemblée nationale se doit de faire savoir aux fédéraux qu'on ne le prend pas. On ne peut pas accepter, comme élus québécois, qu'on vienne porter atteinte directement à notre législation, soit la Loi sur la protection du territoire agricole et la Loi sur la qualité de l'environnement.

On sait très bien que nos concitoyens peuvent, actuellement, se regrouper, présenter des mémoires devant des commissions, faire entendre leur point de vue et bloquer même des tracés d'Hydro-Québec. Là, un palier de gouvernement complètement de l'extérieur viendrait passer outre à toutes ces lois, imposerait des corridors, pourrait complètement dévisager - vous me permettrez l'expression - nos sites touristiques, se "fouterait" de nos territoires agricoles, désorganiserait des régions complètes. Cela n'est pas grave, c'est pour faire plaisir à Terre-Neuve au détriment du Québec. Je ne crois pas qu'il y ait un seul élu du Québec qui ait le droit seulement de concéder ce fait. Il n'a même pas le droit de ne pas dire qu'il n'est pas d'accord avec ce fait.

Pourtant, depuis le début des exposés, le premier exposé du PLQ qui a été fait par le leader de l'Opposition - PLQ, c'est Parti libéral du Québec, M. le Président - a été pour dire: Non, on ne votera ni pour; on ne votera ni contre; on va s'abstenir. Imaginez-vous! On va s'abstenir de voter pour un projet de loi qui va empiéter sur l'intégrité du territoire québécois. Pourquoi va-t-on s'abstenir? Parce qu'on n'est pas d'accord avec ces péquistes. Ils doivent avoir un but non avoué. Le but très avoué qu'on a, c'est qu'on ne veut pas que qui que ce soit empiète chez nous et, si jamais on devait passer, on devrait le faire avec notre permission et à certaines conditions qu'on posera. C'est clair et net. On ne donne pas d'avance des coins de terre comme votre chef l'a fait ce matin. Donner le Labrador et après ça on discutera. Imaginez-vous si c'est brillant. Ne pas garder des outils de négociation dans ses poches. Et ça veut gouverner le Québec!

Je vous comprends cependant, messieurs de l'Opposition, et je suis un peu en désaccord avec mon confrère de Lac-Saint-Jean là-dessus. À force de parler avec eux et de les entendre parler, je pense comprendre pourquoi ils sont obligés de s'abstenir. Ils sont obligés de s'abstenir parce que certains sont contre, d'autres sont pour. Leur chef parle pour, mais il dit: Ouais! II fait sa grimace en voulant dire: Je ne suis pas capable de rallier mes ouailles. Je ne suis pas capable d'en arriver à un consensus. Le seul consensus que je peux dégager, s'il fallait qu'on doive voter là-dessus, ce serait 50% pour et 50% contre. Donc, on est mieux de dire: On s'abstient, et ça va faire plaisir à tout le monde.

Durant ce temps-là, par exemple, les intérêts des Québécois et des Québécoises vont où? Le voeu de l'Assemblée nationale

du Québec, des 122 élus... On cherche à diminuer le Québec pour des intérêts internes de caucus. On ne veut plus avoir le chef qu'on a là. Changez-le au plus sacrant pour donner votre idée sur les problèmes québécois, mais n'essayez pas cependant de camoufler votre désaccord par des positions d'abstention.

L'abstention a deux synonymes sur un tel projet de loi: Ou bien c'est de l'hypocrisie ou bien de la lâcheté. Et dans votre cas, je crois que c'est les deux. L'hypocrisie en ce sens que vous êtes voués à vos grands frères et que vous avez peur de leur déplaire. La lâcheté parce qu'il y en a qui sont carrément pour le projet de loi C-108 et qu'ils n'ont pas le courage de se lever et de le dire. (17 h 50)

À mon sens, devant un tel projet de loi, tout Québécois élu pour représenter les Québécois doit d'abord se défendre ici dans notre propre enceinte. On doit être capable de dire à l'ensemble du Canada: On a un territoire et pour nous c'est sacré et personne ne va empiéter sur notre territoire.

Je vois le député de Berthier se lever dans son comté, si jamais le corridor devait passer là, pour expliquer avec beaucoup de verve à ses électeurs qu'il a cru bon de s'abstenir à l'époque parce qu'il ne savait pas qu'il passerait là, mais c'étaient les péquistes qui avaient proposé ça. Voyons! Ce n'est pas une raison qui tient, ça.

Dans le passé, autant Duplessis que Bourassa... Même que Bourassa a été défendu par le vice-premier ministre à la suite de la conférence de Victoria - le vice-premier ministre pourrait vous parler de ça longtemps. Chaque fois que le Québec a été menacé dans cette Chambre, il y a eu une spontanéité. Tous les partis politiques se sont ligués ensemble pour dire à Ottawa: Non, minute, c'est trop!

C'est arrivé dans le cas de Johnson, c'est arrivé dans le cas de Lesage, c'est arrivé avec nous aussi quand on vous a appuyés sur la câblodistribution. Un projet de loi voté à l'unanimité. Je pourrais vous le sortir et vous le montrer. Parce qu'on portait atteinte aux pouvoirs du Québec. Ce n'est pas ça que vous faites. Là, vous vous retranchez. On s'abstient parce qu'on va pouvoir tous se lever, donner l'image d'une équipe unanime. Une équipe unanime, mais déchirée à l'intérieur, qui n'a pas de leader naturel pour vous ramasser et dégager un consensus majoritaire. On n'a plus d'Opposition, M. le Président. Des gens qui renient leur propre devoir, des gens qui se retranchent derrière une position de neutralité au moment où le Québec est en danger sur son propre territoire, ce sont des peureux. Des gens qui fuient les réalités, des gens qui craignent absolument de donner une image de parti déchiré.

Ne vous en faites pas... on sait comment ça fonctionne. À chaque caucus que vous avez, vous sortez de là avec un groupe qui se tire sur la maison mère d'Ottawa et un autre groupe qui voudrait, tant bien que mal, garder son chef qui dépérit à vue d'oeil. Votre chef s'est prononcé hier pour sept points de la motion de M. le ministre de l'Énergie et des Ressources et puis il s'est rassis, bien sûr, lié par le premier discours de son leader qui avait dit: On va s'abstenir. Tout en la dénonçant avec beaucoup de vigueur - on connaît sa force, du moins pour s'accrocher à son poste - avec toute la vigueur qu'il a pu, il s'est levé pour dire qu'il était d'accord avec la motion, mais qu'il était pris, bien sûr, pour s'abstenir.

Même le député de Nelligan a failli faire un lapsus à la fin de son exposé en disant: Nous allons voter contre... Nous allons nous abstenir. Je ne sais pas comment ce sera transcrit dans le journal des Débats. Peut-être qu'il essayait d'exprimer sincèrement ce qu'il pensait.

M. de Belleval: Le député de Mont-Royal a dit qu'il aimerait mieux voter contre.

M. Chevrette: Le député de Mont-Royal, ça a été pareil. Il était au point où il fallait quasiment tout donner plutôt que de se séparer, si on suivait ses comparaisons. C'est à ce genre de discours qu'on assiste depuis le début de ce débat. Je considère comme tout à fait indécente l'attitude des libéraux provinciaux et je demande à tous les Québécois qui les écoutent de bien comprendre leur geste. Ce sont des gens qui aspirent au pouvoir. Imaginez-vous! Cela veut gouverner le Québec et ça n'est même pas capable de se brancher entre eux pour adopter une position face à la défense des intérêts du Québec! C'est grave, cela. Ce n'est pas seulement une question de chef, c'est une question d'équipe. Ce n'est plus une Opposition qu'on a devant nous, c'est une équipe désincarnée qui cherche des moyens de sauver la face, une équipe désintégrée. J'en dirais plus, parce qu'on m'en souffle de meilleures, mais ce ne serait peut-être pas parlementaire, M. le Président.

Je vous dirai, en terminant - je sais que chaque fois qu'on dépasse l'heure d'une minute, c'est 1000 $ l'heure que ça coûte à cette Assemblée - que l'hypocrisie, la lâcheté, la peur, la division interne font que dans cette Chambre nous aurons un parti qui votera pour cette motion et nous aurons une Opposition - dite officielle de par notre règlement - qui n'aura pas osé, comme on dit en bon québécois, mettre ses pantalons et prendre une décision dans l'intérêt du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, il est 17 h 57 ou 17 h 58.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Polak: Je voudrais tout de même que les députés ministériels bénéficient de mon discours intégralement, je demanderais donc la suspension, le consentement, à 20 heures.

M. Fréchette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.

M. Fréchette: ... j'allais justement me lever à ce propos. Je vous invite à constater qu'il est 18 heures ou bien, alors, le député commence et il accepte de couper son intervention en deux. Je pense qu'on pourrait constater qu'il est 18 heures et le député reprendra à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement est-elle adoptée? Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise de la séance à 20 h 03)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Vous pouvez vous asseoir.

Un instant! Je dois d'abord annoncer que nous devons reprendre le débat, mais avant, je vais demander au leader adjoint du gouvernement de m'indiquer où on en est rendu.

M. Fréchette: M. le Président, on en est toujours à l'article 1 des affaires du jour.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va. M. le député de Louis-Hébert, vous avez...

M. Doyon: M. le Président, ce que je désire soulever à ce moment-ci, c'est une question de privilège sur ce que furent les dernières paroles ou à peu près les dernières paroles du dernier intervenant du côté ministériel, M. Chevrette, qui, juste avant que vous suspendiez le débat...

M. Laplante: Question de règlement, M. le Président.

M. Doyon: Un instant! C'est une question de privilège.

M. Laplante: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant! M. le député de Bourassa, je sais, mais, pour le moment, j'ai une question de privilège devant moi de la part du député de Louis-Hébert. Pour statuer s'il s'agit bien d'une question de privilège, il faudrait d'abord que je l'entende. Allez, M. le député de Bourassa, je vais vous entendre sur une question de règlement.

M. Laplante: Oui, M. le Président. Le député de Jean-Talon n'est pas encore familier avec les règlements de l'Assemblée nationale. On ne nomme pas un député par son nom de famille dans cette Assemblée, mais par le nom de son comté.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

D'accord. M. le député de Louis-Hébert, je vous rappelle simplement qu'on doit appeler la personne par son nom de comté. En dépit de cela, M. le député, vous avez la parole.

M. Doyon: En m'excusant, je désire souligner au député de Bourassa que je suis le député du comté de Jean-Talon et non du...

Des voix: Ah! Ah!

M. Doyon: ... du comté de Louis-Hébert et non du comté de Jean-Talon.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Doyon: Cela va éclaircir les choses. Sur la question de privilège, M. le Président, ce que je veux souligner, c'est qu'immédiatement avant que la Chambre ne suspende ses travaux, le député de Joliette a tenu des propos qui - je vous le dis respectueusement - ne sont pas parlementaires. Il a, alors que j'étais ici et en désignant les membres de l'Opposition dont je fais partie, affirmé que les membres de cette partie de la Chambre étaient des hypocrites et des lâches, M. le Président. Je vois qu'il y en a d'autres - je le déplore, M. le Président, et vous serez appelé à statuer là-dessus - qui approuvent, de l'autre côté de la Chambre...

M. Chevrette: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, encore une fois, question de règlement de la part du whip du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais répéter les paroles que j'ai dites et

vous jugerez si sa question de privilège était justifiée. J'ai dit qu'un groupe d'individus qui composent une équipe et qui décident de ne pas se prononcer sur un sujet aussi important faisaient preuve de lâcheté. S'il dit que j'ai dit qu'ils étaient des lâches, c'est parce qu'il a déduit qu'il faisait partie de cette équipe qui n'osait pas se prononcer.

Une voix: C'est cela.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. le député de Louis-Hébert, sur votre question de privilège.

M. Doyon: M. le Président, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur ce qui s'est dit dans cette Chambre, j'ai pris la peine d'aller chercher le texte des débats qui ont été transcrits tout à l'heure. Je vous soumets ce qui a été dit ici - je vais vous le lire textuellement, vous serez à même de juger non d'après ce dont quelqu'un se souvient, mais d'après ce qui a été dit - par le député de Joliette: "L'abstention a deux synonymes sur un tel projet de loi: ou bien c'est de l'hypocrisie ou bien de la lâcheté. Et dans votre cas, je crois que ce sont les deux. L'hypocrisie en ce sens que vous êtes voués à vos grands frères et que vous avez peur de leur déplaire. La lâcheté parce qu'il y en a qui sont carrément pour le projet C-108 et qu'ils n'ont pas le courage de se lever et de le dire." Ce sont ces paroles, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du député de Joliette, whip du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, si vous venez d'entendre le mot à mot de ce que j'ai dit, à partir du mot à mot de ce que j'ai dit, il me semble que vous pouvez immédiatement statuer. Si le député veut faire un contrepoids, il a un droit de parole en cette Chambre. J'espère qu'il n'aura pas l'hypocrisie ni la lâcheté de ne pas dire carrément ce qu'il pense du bill C-108.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Très brièvement, sur la question de règlement. Je ne sais pas si c'est la lourdeur des travaux parlementaires de la semaine auxquels nous avons été conviés, les déclarations qui ont été formulées par le whip en chef du gouvernement en certaines occasions, au moment où son collègue, le ministre de l'Éducation, formulait des questions, mais je crois qu'il serait opportun que la question de privilège qui est soulevée, à juste titre, je pense, par le député de Louis-Hébert, celui- ci puisse la terminer. À deux reprises, le whip en chef du gouvernement a soulevé une question de règlement au beau milieu de son intervention. C'est le droit le plus strict qu'il a en vertu de notre règlement. Que le député termine sa question de privilège, que le député de Joliette juge s'il doit ou non atténuer les propos qu'il a tenus - de toute façon, il sera jugé sur les propos qu'il a tenus - et on pourra continuer ensuite les débats avec le député de Sainte-Anne. Cela termine ma question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole au député de Sainte-Anne, je dois faire remarquer au député de Louis-Hébert que jusqu'à maintenant, malgré ce qu'on a pu dire des interventions - qui étaient des questions de règlement, donc prévues par le règlement - du député de Joliette, les propos qu'il a tenus font partie de ce qu'on peut appeler des divergences d'opinions sur ce que peut être une personne. Vous avez le droit, selon le règlement, d'utiliser 20 minutes pour répondre à ce qu'a pu dire le député de Joliette et, en conséquence, avec tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, je ne considère pas que c'est une question de privilège.

M. Doyon: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je viens de dire, M. le député, que ce n'est pas une question de privilège.

M. le député de Sainte-Anne.

M. Doyon: Je regrette, M. le Président. De nouveau sur une question de privilège.

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition, question de règlement. (20 h 10)

M. Pagé: Pouvez-vous nous confirmer, par la décision que vous venez de prendre, que les termes "lâche" et "hypocrite" sont des termes parlementaires?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je n'ai en aucune façon à déterminer si ces mots sont parlementaires ou non. Je ne me référerai d'aucune façon au fait que l'ancien règlement parlait de certains mots qui, aujourd'hui, ne sont pas considérés comme étant antiparlementaires. Ce que je dis, c'est que, jusqu'à maintenant, je considère qu'il peut y avoir divergence d'opinions de part et d'autre et, en conséquence, le moyen de rectifier ce qu'une personne croit avoir entendu d'une autre personne, c'est d'utiliser son droit de parole.

M. le député de Sainte-Anne.

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président. Je m'excuse, mais il faut régler cette question.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, et de façon très sereine, je vous ai demandé, dans un premier temps, si les termes "hypocrite" et "lâche" étaient parlementaires. Vous jugez et vous décidez que la question ne se pose pas. Je vais donc vous demander, M. le Président, si vous voulez signifier, par la décision que vous venez de rendre, que la présidence n'a pas, de son fauteuil, proprio motu à juger si un député utilise des termes parlementaires ou non.

Vous semblez nous indiquer, par la décision que vous venez de rendre - c'est ce que je trouve un peu inquiétant, mais vous pourrez me corriger - qu'un qualificatif utilisé dans un discours devient une question d'opinion et que l'autre député, le député qui est en désaccord, n'aura qu'à suivre et à répliquer. S'il faut interpréter dans ce sens votre décision, ça veut donc dire, et je le regrette, qu'il suffit pour les députés des deux côtés de s'en lancer tant qu'ils en veulent.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur votre question de règlement, M. le whip de l'Opposition, je dois vous dire que j'ai eu l'occasion, en plusieurs circonstances dans cette Assemblée, d'entendre des gens qui, de part et d'autre, pouvaient donner des qualificatifs à des actes posés. Ce ne sont en aucune façon des mots antiparlementaires. Je dois vous dire que j'ai eu l'occasion de vivre ce que je suis en train de vivre non pas à titre de président, mais à titre de député, et je pense que le député de Louis-Hébert a soulevé une question que je ne juge pas être une question de privilège et il aura l'occasion d'intervenir dans ce débat au moment où il le jugera opportun. En conséquence, je demande au député de Sainte-Anne de commencer son intervention.

Une voix: On n'a pas le droit... M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. J'étais prêt à 20 heures. Après cet intermezzo de procédure, je suis devenu un peu nerveux, mais vous allez m'excuser si je fais des erreurs.

Vous savez, M. le Président, que je communique avec les gens de mon comté régulièrement et, aujourd'hui, ils m'ont appelé et m'ont dit: Maximilien, sur quel projet de loi vas-tu parler cette semaine? J'ai dit: II n'y a pas de projet de loi. -Comment? Tu ne parles pas sur un projet de loi? On te paie un bon salaire. Parle donc! J'ai dit: Non, ce n'est pas un projet de loi; c'est une motion. - La motion de quoi? J'ai dit: C'est une motion du ministre. - Quel ministre? - Le ministre de l'Énergie et des Ressources. - Qu'est-ce que cela veut dire une motion? Je vais vous l'expliquer. Écoutez ce soir, à 20 heures. J'espère qu'ils sont encore ici à 20 h 13. C'est une motion du ministre pour critiquer le gouvernement fédéral d'essayer d'empiéter dans le domaine provincial. Ils m'ont répondu: Pas possible, encore une autre motion! vous avez déjà discuté sur quatre motions! Mais j'ai dit: C'est cela le problème.

Vous savez, M. le Président, il y a deux problèmes avec cette motion. II y a d'abord un problème de forme et un problème de fond. Sur le problème de forme, je suis contre la motion à 100%. Sur le problème de fond, je suis pour, en principe, et - c'est là où on arrive à la conclusion, M. le Président - et je vais expliquer pourquoi on s'abstient.

Une voix: On le sait.

M. Polak: Voici d'abord le problème de la forme.

Une voix: Tu peux t'asseoir tout de suite, on le sait.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Polak: M. le Président, le problème de la forme, la raison de cette motion. Je suis arrivé lundi soir à Québec, à 23 heures. Je suis allé à mon bureau et j'ai regardé le menu de la semaine. On le reçoit du bureau du leader parlementaire. Qu'est-ce que je vois là-dessus? Le menu de la semaine commence mardi et va jusqu'au jeudi soir. Deux choses, pour toute une semaine, pour nous autres, les parlementaires. Il y avait d'abord la motion dont on parle maintenant et il y avait encore quelques orateurs qui parlaient sur le projet de loi sur l'accès à l'information. Je me suis demandé: Où sont-ils les projets de loi sur le plan économique? Où sont-ils les projets de loi pour créer des emplois? Où sont-ils les projets de loi pour promouvoir l'habitation et la construction de maisons? Cet après-midi, un de nos députés l'a suggéré, parce qu'il n'y a pas de projet de loi. Nous, on prend l'initiative. On dit:

Voici, on veut discuter, cet après-midi, d'une motion pour promouvoir l'habitation et la construction de maisons et tout ce secteur. Cela a été refusé. Où sont-ils les projets de loi sur le droit de grève, sur les services essentiels? Rien, rien devant nous. Ce qui se trouve devant nous, c'est une motion dont on parle aujourd'hui et qui est encore une motion pour critiquer, comme on a dit déjà: Le fédéral!

M. le Président, c'est ça le problème. Je rencontre les députés ministériels et, sur le plan personnel, ça va très bien. La majorité de ceux-ci sont très raisonnables, ils sont "parlables", ils nous écoutent. C'est vrai que ce ne sont pas des hommes d'affaires, ils ont beaucoup à apprendre à ce point de vue là, mais, tout de même, ils sont gentils. Mais, quand on parle sur le plan constitutionnel, dès que quelque chose touche le plan constitutionnel, soudainement, il y a l'atmosphère du groupe, ce que notre leader appelait "l'esprit de l'obsession".

Soudainement, ils deviennent mal guidés, complexés et, pour tous ces gens qui sont pas mal raisonnables en soi, quelque chose arrive. Ils voient rouge. Et moi, j'essaie d'argumenter, je dis: Minute! On peut s'asseoir, on peut discuter du provincial et du fédéral, il y a tout de même une solution à trouver. Ils ne veulent rien savoir. Leur option, leur rêve, c'est ça et tous leurs agissements sont guidés par ce principe.

Pour les Allemands déjà, au temps d'Hitler - je ne vous compare pas du tout avec Hitler - le leitmotiv, le grand principe était: On veut ça et pas autre chose.

M. le Président, il y a, dans cette motion devant nous, encore sur le plan de la forme, un abus de l'institution parlementaire. Si le gouvernement - ils sont ici 79 députés et les ministres voulaient faire des suggestions, des négociations... Allez-y donc! On ne vous empêche pas d'aller à Ottawa et même de dire: On va rencontrer Ottawa à Montréal parce qu'on ne veut tout de même pas faire le voyage là-bas, parce que cela peut être interprété comme une concession totale. Faites le pas, allez à Ottawa, allez à Montréal; on va se rencontrer, on peut discuter. Rien de ça. On ne prend pas ses responsabilités de gouverner et de dire: Voici la position du Québec. Non, au lieu de ça, on préfère venir devant nous et on cherche l'unanimité de l'Assemblée pour déclarer telle ou telle chose. On refuse l'empiétement du fédéral sur le territoire provincial et on veut avoir le support de l'Assemblée nationale et de tout le monde, des députés ministériels et des députés de l'Opposition.

La vraie raison de tout ça, la vraie raison de créer des incendies, de chercher la guerre, c'est parce qu'il y a quelque chose à cacher. Ce qu'il y a à cacher, c'est la misère sur le plan économique, la faillite totale, la mauvaise administration à tous les points de vue. Pour cacher ça, on cherche une guerre avec Ottawa. Évidemment, la meilleure façon d'avoir une guerre, c'est d'avoir l'Opposition avec eux. Ils pourraient dire: Nous sommes unanimes, messieurs et mesdames de la population québécoise, travailleurs et travailleuses, le temps de la vérité est arrivé, la guerre est commencée! Mais la population a dit: On ne veut rien savoir de cela! Aujourd'hui, des gens de Sainte-Anne m'ont téléphoné pour me dire: Arrêtez donc, avec cette motion, parlez donc des problèmes économiques, c'est ce qui nous intéresse, beaucoup plus que les problèmes d'ordre constitutionnel.

Les députés ministériels ont été déçus quand nous avons annoncé que nous arrêtions de jouer leur jeu. On ne joue plus. On a décidé de s'abstenir parce que nous sommes contre cette façon de procéder, contre l'abus de l'institution parlementaire, contre le fait que vous refusez d'exercer le pouvoir que vous avez comme gouvernement responsable. C'est pour cela qu'on devra voter contre. Vous êtes très habiles, nous l'admettons. On lit le texte de la motion et, sur beaucoup de points de vue, nous sommes d'accord. Nous sommes aussi des Québécois, comme vous autres, il n'y a pas de différence. Sur le fond, même, on serait porté à voter pour, mais parce que vous jouez ce jeu, on a décidé de s'abstenir, car si un côté serait acceptable, l'autre ne l'est pas.

C'est une formule courageuse. Ne venez pas nous dire: Vous autres, vous êtes mi-chair, mi-poisson. Je connais cela, savez-vous? Pour vous autres, c'est facile, vous avez décidé de ne plus vivre dans le système fédéral; fini, on veut réaliser notre rêve du Québec souverain, séparé! C'est ce qu'on veut. C'est facile, votre choix, mais la population veut autre chose, la population veut vivre en harmonie, tous ensemble, en réglant nos problèmes. De temps en temps, on perd, de temps en temps, on gagne, mais on réussit à la fin. Elle refuse cela. C'est facile de rire de nous autres, vous avez décidé. Votre option, ce n'est pas vivable, ce n'est pas acceptable. Vous le savez, c'est pour cela que vous essayez de nous avoir de votre côté dans cette affaire, pour avoir le support de l'Opposition et démontrer à la population que le problème est vraiment grave. (20 h 20)

M. le Président, je commence à être un peu "tanné" de me faire dire - peut-être pas moi, mais les gens de l'Opposition - que nous sommes des vendus, que nous ne sommes pas des bons Québécois. C'est le ministre de l'Environnement qui l'a dit, il y a quelques jours, j'étais là. Il a dit: Même dans cette Chambre, on a des assimilés. Moi, je suis assimilé et j'en suis fier. Je viens d'un pays qui s'appelle les Pays-Bas, la Hollande, et je suis Québécois autant que vous autres. Je

paie les mêmes impôts, j'ai les mêmes droits et les mêmes obligations que les Québécois. C'est un comté composé de francophones à 75% qui m'a élu pour parler en leur nom. Ne parlons pas des assimilés comme... J'étais ici quand le ministre a parlé, je l'ai vu, je l'ai entendu, l'intonation était là. Vous n'êtes pas pure laine. Il ne l'a pas dit, il est trop intelligent pour ça, mais l'intonation était là et je me suis levé sur une question de privilège juste au cas. Me faire dire: Vous êtes le valet. De toute ma vie, je n'ai jamais été le valet de personne, même pas de ma femme. M. le Président, je ne suis pas non plus un esclave. Je ne suis pas non plus le petit frère d'Ottawa. J'étais fier ici, à l'automne, quand on a voté sur cette résolution, c'était une motion qui avait du bon sens parce qu'à ce moment, c'était une question de fond très sérieuse. J'ai voté pour votre résolution parce que, pour moi, cela signifiait qu'on tordait le bras de M. Trudeau pour négocier. On a réussi. Vous autres, vous avez raté vos chances là-dedans.

Mais, cette motion d'aujourd'hui et les deux ou trois autres qu'on a eues avant, ce n'est pas la même chose du tout. On cherche à remplir notre menu. Il n'y a rien sur le menu. On arrive ici le mardi matin, rien; on remplit cela encore une motion de critique, critique, critique. C'est pour cette raison, M. le Président, que sur la forme, on n'accepte plus ces jeux. Savez-vous, il y a une évolution tout de même. La population sait très bien que ce n'est pas vous, les bons Québécois, nous, les mauvais Québécois. Je me rappelle très bien quand je faisais la campagne électorale pour le député de Louis-Hébert, on voyait à un moment donné un grand drapeau québécois, c'est aussi mon drapeau. On a peut-être fait une erreur, comme parti, de se laisser voler un symbole qui appartient à tout le monde. C'est fini, ce jour, ça appartient à tout le monde. Je bataille pour ce drapeau comme vous autres. La population le sait, elle commence à le comprendre.

Maintenant, M. le Président, pour ne pas être accusé de faire encore un petit discours démagogique sur la forme, je vais parler du fond. Sur le fond de la motion, il y a tout de même de bonnes choses, correctes, qu'on peut appuyer et qu'on appuie. J'étais ici quand le ministre de l'Énergie et des Ressources a parlé. Il était raisonnable, calme. Il a pris la loi fédérale C-108, il l'a analysée, j'ai retenu des éléments, j'ai pris des notes religieusement, j'ai étudié la loi et je me suis dit: Est-ce que, moi, je pourrais accepter ça? En principe, il y a beaucoup de points qu'on accepte, pas seulement moi, mais notre députation. Il a parlé, par exemple, du fait que le Québec veut négocier avec Terre-Neuve. On veut au Québec ce qu'on appelle en anglais un "package deal". On est prêt, nous de la province de Québec, à regarder ce contrat de 1966 sans escalade, le rouvrir et peut-être voir si les modalités doivent être changées, à condition qu'en même temps Terre-Neuve fasse une concession sur le développement du potentiel de la Haute-Churchill et de la Basse-Churchill et des rivières de la Côte-Nord. M. le Président, c'est la manière de penser. C'est la manière d'approcher le problème en disant: Vous avez certaines exigences et nous en avons. Nous pouvons nous mettre ensemble, on se rencontre et on en discute. Vous avez quelque chose à gagner et nous aussi. On va faire un consensus. C'est possible. On ne l'a jamais fait.

Le ministre a cité l'article 25 de la loi fédérale. Il a raison sur le fond. Il a raison, parce que l'article 25 de cette loi fédérale dit: L'office - c'est l'office fédéral - peut, avec l'approbation du gouverneur général en conseil - cela veut dire le gouvernement fédéral - révoquer ou suspendre une licence à telle et telle conditions. C'est vrai. J'ai lu le mémoire d'Hydro-Québec qui fait allusion à cet article en disant qu'il y a un danger pour nous là-dedans. À un moment donné, il peut suspendre une licence d'Hydro-Québec. On fait un arrangement avec les gens de New York, par exemple, pour l'exportation d'électricité pour de très grosses sommes, qui sont importantes pour le Québec.

En vertu de cet article, théoriquement, l'office fédéral pouvait intervenir. Vous avez raison. C'est vrai, ce que M. Marc Lalonde, le ministre fédéral, a mentionné, et je le cite: "Toute construction visée par cette loi dont on parle aujourd'hui - devra préalablement avoir reçu les autorisations provinciales requises." C'est beau. Le ministre avait raison quand il dit: Qu'est-ce que cela veut dire? M. Lalonde a parlé en deuxième lecture. Il a fait une promesse, un engagement, mais cela ne veut rien dire. Cela ne se trouve pas dans la loi. On est d'accord là-dessus, pour que cette loi soit amendée et que l'engagement de M. Lalonde soit inscrit dans la loi pour justement protéger les intérêts légitimes du Québec. Nous avons la même idée à ce point de vue.

Il y a un autre problème que le ministre a soulevé, l'article 39-2 de la loi fédérale, qui parle - c'est une loi fédérale, d'Ottawa - d'une nouvelle réglementation que l'office pourrait adopter et qui peut constituer un terrain propice à des conflits entre le fédéral et le provincial. C'est démontré. Le mémoire d'Hydro-Québec parle très clairement. Quand Hydro-Québec dit: On parle de la protection des biens et de l'environnement, de la sécurité du public et des employés, et ce sont des domaines où la province de Québec a déjà des lois et des règlements en place. Qu'arrive-t-il si l'office fédéral vient avec une réglementation, une loi qui empiète là-dessus? Il y a un conflit.

II a raison. Il faut régler cela. Si M. Lalonde a dit: On va respecter les lois et les règlements du Québec, on préfère se protéger et le faire inscrire dans la loi, nous sommes d'accord là-dessus. Nous ne sommes pas ici, M. le Président, seulement pour critiquer. Quand il y a des points plausibles là-dedans, on les accepte.

On se demande, M. le Président, pourquoi cette motion est devant nous aujourd'hui. Le ministre de l'Énergie et des Ressources aurait pu discuter avec son homologue fédéral. Il aurait pu y aller. Il ne veut pas le rencontrer à Ottawa. Qu'il le rencontre donc à Montréal. On ne négocie pas par des conférences de presse. On négocie en appelant quelqu'un, en faisant des pressions et en disant: Je veux vous rencontrer. Nous avons des positions à défendre et à vous soumettre de la part du gouvernement du Québec. N'oublions pas -vous pouvez rire de cela - que les députés fédéraux libéraux viennent pour la plupart de la province de Québec. Ce sont des Québécois aussi. Vous les considérez comme des vendus. Moi, je suis le petit frère. Eux autres, ce sont les grands frères ou je ne sais trop quoi. Vous avez des catégories pour cela, mais ce sont des Québécois. J'ai rencontré des députés fédéraux. Ils m'ont montré des statistiques et, dans leur comté, ce sont des péquistes au provincial qui ont élu un député libéral au fédéral. J'ai vu les statistiques. Il y a quelque chose. C'est le même votant, c'est le même Québécois qui vote, mais le votant est très intelligent. Il se dit: Sur le plan provincial, j'ai voté pour eux - peut-être qu'ils vont changer la prochaine fois parce qu'ils réalisent maintenant qu'ils ont fait une grave erreur. Sur le plan fédéral, j'ai voté pour tel et tel député. Ils sont parfaitement en paix avec cette solution. Donc, ne commençons pas à considérer... Ce ne sont pas 73 ou 74 députés, ce ne sont pas des gens qui ne représentent pas le Québec. Ils représentent le Québec sur le plan fédéral, dans un autre ordre d'idées.

M. le Président, quand j'ai entendu le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Duhaime, parler sur ce projet, il était très calme, il parlait de détails, il a analysé la loi fédérale et je l'ai suivi, je l'ai bien compris. Je me suis dit que cela avait du bon sens. Là, vient le ministre de l'Environnement. C'est un tout autre discours. C'est un discours enflammé. Il a parlé de la cicatrice inacceptable pour la province de Québec. Quelle cicatrice! II a parlé d'une cicatrice de 650 milles sur 300 pieds de largeur. J'ai pensé tout de suite aux tranchées lors de la guerre entre la France et... Je me rappelle, dans le temps, entre la France et l'Allemagne, qu'il y avait vraiment des tranchées. Cela a laissé une cicatrice. Ne parlons pas de cicatrices;

II a parlé de viol. C'est un ministre du gouvernement de la province de Québec qui a parlé du viol. Le mot "viol", je ne pense pas que ce soit parlementaire. On vit dans une époque où on a besoin d'une administration calme, raisonnée, raisonnable, responsable. Ne parlez pas du mot "viol". N'essayez pas d'inciter le monde à créer cette prétendue guerre. Cet après-midi, un autre député péquiste a parlé de l'expression "agression brutale". Quand Mme Thatcher, en Angleterre, a employé l'expression "agression brutale", elle a envoyé la flotte tout de suite contre l'Argentine. Pensez-vous que c'est un moyen de régler nos problèmes? (20 h 30)

M. le Président, vous me faites un signe. Juste une minute pour rectifier une affaire qui a été soulevée par nos péquistes qui sont très bons au point de vue des relations publiques. On nous a dit: Votre équipe, le chef de l'Opposition a fait une déclaration en conférence de presse ce matin. Il a dit: Nous, le Parti libéral, sommes prêts à reconnaître la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador. C'est ce qu'il a dit. Il y en a trois autres qui l'ont suivi et tout de suite on a sauté là-dessus. Cela a fait la manchette. S'il vous plaît, soyez donc honnêtes, lisez donc tout le texte du communiqué. Soyez honnêtes et transparents devant la population, parce que le communiqué dit - et je continue là-dessus pour terminer - "sujet à des négociations politiques susceptibles de préciser une définition de la frontière..." En d'autres termes, on a suggéré un paquet d'idées. Terre-Neuve, vous voulez changer cela, nous sommes prêts à faire des concessions, mais vous devez en faire de votre côté aussi. On va arranger cela en paix, pas devant les tribunaux, pas avec la motion de l'Assemblée nationale, pas avec hystérie, pas avec des déclarations de guerre, mais réglons cela en paix. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: M. le Président, je viens de laisser la commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme où on étudiait quelque chose de bien important dans le développement industriel et commercial au Québec, la manière de sauver des emplois et d'en créer d'autres. Étant donné l'importance du sujet qu'on traite ici ce soir, j'ai jugé qu'il était bon que j'en sorte et que je vienne ici donner mon opinion là-dessus pour parler justement de l'importance et des dangers pour le développement économique du Québec du projet de loi fédéral no C-108, mieux connu sous le nom de "corridor Peckford-Lalonde".

Comme c'est un projet qui n'apporte rien au Québec, absolument rien, mais qui, au contraire, ne fait que l'affaiblir, j'ai décidé d'intervenir pour demander pour une fois l'appui de tous les élus québécois, autant à Ottawa qu'à Québec, soit l'unanimité pour arriver à sauver quelque chose de bien important pour les Québécois, c'est-à-dire Hydro-Québec et sa puissance de développement économique. Je me rends compte d'une chose, c'est que je vais avoir beaucoup de difficulté à convaincre mes amis, du moins mes amis d'en face, peut-être pas parce que je n'aurai pas d'argument valable, mais parce qu'ils n'y sont pas; il n'y a qu'un député libéral ici, ce soir.

Les députés élus, les libéraux-fédéraux à Ottawa autant que les députés libéraux à Québec qui s'abstiennent ou qui votent à Ottawa pour le projet de loi devront porter la responsabilité des conséquences que ça implique. Si le projet est adopté comme tel, non seulement c'est une perte de force dans la négociation pour le Québec avec Terre-Neuve, mais c'est une perte de revenus, une perte de pouvoir et une augmentation du chômage à moyen terme. On nous reproche ici ce soir de nous occuper des affaires des Québécois et de nous occuper d'un projet de loi qui est en train d'être adopté à Ottawa. C'est notre devoir puisque c'est un projet de loi qui s'attaque directement au Québec. Si on avait fait l'unanimité dans d'autres circonstances, autant les élus à Québec qu'à Ottawa, pour défendre les droits des Québécois, peut-être que l'industrie de la chaussure ne serait pas dans le marasme où elle se trouve présentement.

Que les gens d'en face me disent que ce n'est pas important! Je voudrais bien qu'ils viennent dire ça aux travailleurs de mon comté... non, je m'excuse, plus aux travailleurs de mon comté, mais aux chômeurs de l'industrie de la chaussure, il y en a des milliers au Québec. Qu'ils viennent leur dire ça, ils vont s'apercevoir que la loi qui a été adoptée, la directive, la décision qui a été prise à Ottawa concernant l'industrie de la chaussure, c'est grave et ça nous affecte. À ce moment-là, on aurait dû se tenir. Cela aurait dû être la même chose au sujet des taxes.

Si, aujourd'hui, on a de la difficulté au niveau économique, c'est reconnu par tout le monde, y compris les gens d'en face, que c'est à cause des taux d'intérêt élevés. Si tous les Québécois élus pour travailler dans l'intérêt des Québécois, autant à Québec qu'à Ottawa, s'étaient tenus, peut-être qu'on ne serait pas dans la situation désastreuse dans laquelle on se trouve présentement.

Si je veux intervenir justement sur cette motion contre le projet de loi no C-108, c'est que c'est encore pire, les conséquences sont encore plus désastreuses, et c'est là-dessus que je veux vous entretenir. Ce que je trouve surtout étrange, c'est que le gouvernement fédéral intervienne à ce moment précis où, à cause de la crise énergétique, le Québec commence enfin à profiter de ses investissements dans tous les chantiers hydroélectriques. On a investi seuls, on a construit des chantiers partout au Québec, qui nous ont coûté des milliards et qui nous coûtent encore des milliards. On commence à en retirer des profits. Maintenant que le pétrole est moins payant pour l'Alberta, que des projets commencent à être abandonnés, on se rend compte que c'est l'énergie hydroélectrique qui est payante et on attaque là où les gens ont payé seuls pour le développement. Pour être capable de comprendre l'importance d'Hydro-Québec chez nous et les dangers du projet de loi C-108, je vais vous faire un bref historique d'Hydro-Québec et parler de son importance dans le développement économique des Québécois et des Québécoises.

Qu'on se rappelle seulement - je vais faire l'historique très rapidement - vers la fin des années cinquante quand on a décidé de créer Hydro-Québec pour donner un levier économique important aux Québécois. C'était vers la fin des années cinquante. Au début des années soixante, sous le gouvernement Jean Lesage, on nationalise et on se donne vraiment une puissance. À partir de ce moment, la révolution tranquille, ce fut Hydro-Québec. On a entrepris de très grands chantiers. On a investi des centaines de millions à ce moment-là. On a bâti Manic-Outardes et la Baie-James.

Vers la fin des années soixante, sous un autre gouvernement, unioniste cette fois, on s'entend avec Terre-Neuve pour développer, pour aménager les chutes Churchill. Mais ce qu'il ne faudrait pas oublier, c'est que Churchill Falls n'existerait pas sans Hydro-Québec puisque c'est nous, les Québécois, qui avons fourni la technologie, assuré le financement, l'écoulement de la production. C'est nous qui avons assumé tous les risques. Terre-Neuve s'est assise seulement sur des entrées d'argent. On s'est uni à une compagnie privée, Brinco, et on a pris tous les risques. Ils n'ont rien dit. Nous autres, on a continué, avec un contrat négocié et une entente, à utiliser l'énergie produite autant par Churchill Falls que partout ailleurs au Québec. Mais ce qu'il ne faudrait pas oublier, c'est que de 20% à 25% de notre consommation provient de Churchill Falls. Je vais vous parler tantôt des conséquences si le projet est adopté tel quel.

Avec l'augmentation des coûts, Terre-Neuve décide de demander la réouverture des négociations, ce à quoi le gouvernement du Québec ne s'oppose pas. Mais, dans toute négociation, il est évident que les deux parties doivent trouver profit, ce que Terre-Neuve ne veut pas. Ce qu'elle demande,

c'est qu'on lui donne plus d'argent, mais sans rien céder. Ce n'est pas une négociation. S'apercevant que cela ne fonctionne pas, elle demande l'intervention d'Ottawa. Ottawa est prêt à tout lui donner. Ottawa, pourquoi? Comme je le disais tantôt, pour être capable de négocier, avec Terre-Neuve, pour le pétrole dans l'Atlantique, des échanges entre bons amis, Terre-Neuve et Ottawa.

Donc, Ottawa intervenant, arrivant là-dedans, Terre-Neuve dit: On ne négocie plus; on attend qu'Ottawa vous force; on attend qu'Ottawa exproprie votre territoire pour que nous puissions prendre vos marchés. Donc, elle refuse de négocier alors que nous sommes toujours ouverts à la négociation, sauf qu'elle ne le veut plus. Pourquoi ne le veut-elle plus? Pourquoi Ottawa favorise-t-il Terre-Neuve? Il y a une autre chose en plus de ce que j'ai dit. Il y a une autre très bonne raison, M. le Président. C'est qu'il y a encore quelque chose à aménager au Labrador. C'est le Bas-Churchill.

Ce que je voudrais vous rappeler, c'est que le gouvernement fédéral tient à ce que les chutes du Bas-Churchill soient aménagées et cela se comprend très bien, puisque le gouvernement fédéral est propriétaire à 49% de Lower Churchill Development Corporation et que Terre-Neuve en détient le reste. Donc le gouvernement fédéral veut aussi venir faire des profits sur l'électricité, venir en concurrence directe avec Hydro-Québec, d'où cet empressement à adopter le projet de loi C-108 non seulement pour favoriser Terre-Neuve, mais aussi pour commencer à faire du profit aux dépens des Québécois. (20 h 40)

Comme je le disais tantôt, ce projet de loi C-108 n'apporte rien, absolument rien au Québec, ça ne fait que nous affaiblir, ce qui est tout à fait inacceptable, alors qu'il y a déjà des dizaines d'années, on nous a arraché le Labrador sans notre consentement, de façon unilatérale, sans qu'on le veuille, aucun gouvernement ne l'a accepté depuis. On nous a vraiment volé du territoire.

Tous les gouvernements, peu importe leur couleur politique, qui ont passé à Québec ont refusé, sauf qu'aujourd'hui on a commencé à sentir du côté du Parti libéral fédéral, section Québec, ici, qu'on commençait à accepter de céder des choses qui sont inacceptables, M. le Président.

Mais on ne s'est pas contenté de nous voler le territoire. On nous a demandé de l'aide pour le développement hydroélectrique. On a accepté parce que les deux gouvernements avaient des avantages au moment du gouvernement de M. Jean-Jacques Bertrand. Donc, on est intervenu au profit des deux et ça allait très bien. Maintenant on va plus loin, on veut encore nous prendre du territoire et nous prendre notre énergie et nos clients à l'exportation et ça, on ne pourra jamais l'accepter parce que le danger est réel et il va toucher chacun des Québécois et je vais vous montrer à quel point.

Si Terre-Neuve obtenait gain de cause et si les tarifs de l'électricité produite à Churchill Falls étaient les mêmes pour les Québécois que pour les Américains - c'est exactement ce que veut Terre-Neuve, vendre au Québec le même prix que l'on vend aux Américains - cela voudrait dire que la note pour les Québécois - il ne faut pas oublier que 20% à 25% de notre consommation provient de Churchill Falls - passerait annuellement de 116 000 000 $ à 650 000 000 $. Cela veut dire pour les Québécois quelque chose comme 440 000 000 $ de plus annuellement pour payer notre compte d'électricité tous les mois: 440 000 000 $. Vous êtes-vous imaginé ce que c'est, M. le Président? C'est énorme comme trou.

Qu'est-ce que le projet de loi C-108 fait? Il vient chercher l'argent des Québécois pour le donner à Terre-Neuve. C'est juste ça, mais c'est beaucoup. Mais il y a pire, pour ce qui est maintenant des revenus tirés de nos exportations d'électricité. Si le contrat des chutes Churchill n'est pas maintenu tel que signé entre les deux gouvernements présentement ou si un compromis négocié et acceptable aux deux parties n'est pas trouvé, les contribuables québécois risquent d'être lourdement pénalisés et je vais vous expliquer comment. Dans les conditions actuelles, les revenus probables découlant de la vente de nos surplus devraient bondir de 504 000 000 $ qu'ils sont présentement cette année à 3 000 000 000 $ en 1991. Cela fait partie des contrats que M. Lévesque vient de signer dernièrement avec PASNY aux États-Unis et avec les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario.

Au total, en dix ans, les ventes d'Hydro-Québec aux États américains devraient s'élever à quelque 16 000 000 000 $. Or, dans l'hypothèse où le Québec perdrait le contrôle à cause du projet de loi C-108 des chutes Churchill, le 1er janvier 1983, ces ventes ne totaliseraient plus que 3 200 000 000 $, c'est-à-dire une perte de revenu de 13 000 000 000 $ pour les Québécois pour les huit ou neuf prochaines années. Non seulement nos comptes d'électricité vont augmenter de façon astronomique, mais nous allons perdre des revenus de 13 000 000 000 $ pour pouvoir investir dans l'économie. Donc, quand on nous dit qu'on ne s'occupe pas d'économie, ce qu'on est en train de faire, c'est d'essayer de sauver le plus grand levier économique que les Québécois possèdent, c'est-à-dire Hydro-Québec.

On a annoncé, la semaine dernière, notre plan de développement économique pour les quatre prochaines années dans ce

qu'on appelle Bâtir le Québec, phase 2, Le virage technologique. À l'intérieur de ce document, on retrouve beaucoup de grands projets dont plusieurs touchent justement l'énergie. En matière d'énergie, le ministre d'État au Développement économique a rappelé qu'Hydro-Québec devrait augmenter, d'ici à 1985, sa puissance de 7300 mégawatts. Cela veut dire qu'on va devoir aménager d'autres rivières.

J'entendais le député de Portneuf demander ce qu'on allait faire avec le projet d'aménagement de son coin. Son projet, de plusieurs milliards, est compromis à cause de cela. Si on entre en concurrence avec Ottawa et Terre-Neuve sur les marchés internationaux et qu'on perd 13 000 000 000 $ en revenus, comment pourrons-nous nous permettre d'aménager d'autres rivières? Cela veut dire qu'une très grande partie du projet de développement économique du Québec, pour les quatre ou cinq prochaines années, est compromise. Plus que cela, parlons des projets déjà annoncés; je pense au projet Reynolds au Saguenay et au projet Pechiney au coeur du Québec. Comment avons-nous obtenu que ces compagnies viennent investir chez nous, qu'elles choisissent de venir s'établir ici, au Québec? À cause d'une seule chose, parce qu'on a de l'énergie en très grande quantité et à très bon marché, ce que très peu de coins du monde peuvent offrir. Nous avons un avantage unique, du moins unique en Amérique du Nord.

Si le projet de loi C-108 est adopté, cette garantie d'électricité en très grande quantité et à bon marché vient de tomber. Cela veut dire que ces grandes compagnies peuvent réviser leur décision. C'est aussi grave que cela. Rien ne sert d'aller au salon rouge, à la commission de l'industrie et du commerce, pour étudier les crédits et planifier de grands projets si les projets déjà annoncés ne peuvent être complétés à cause d'une décision qui sera prise à l'extérieur, contre nous. Ce projet leur donne le droit -et c'est ça qui est terrible - donne le droit à Terre-Neuve, à la suite d'un décret du gouvernement fédéral, d'exproprier des terres du Québec pour aller vendre son électricité ailleurs au Canada ou aux États-Unis sans le consentement du Québec. Cela voudrait dire qu'ils pourraient nous faire des corridors de Terre-Neuve en Ontario, de Terre-Neuve aux États-Unis sans notre consentement. Terre-Neuve n'a qu'à le demander à l'Office national de l'énergie, à obtenir l'approbation d'un gouvernement qui n'est pas le nôtre et elle passe sur notre territoire sans qu'on n'ait rien à dire. Elle prendra l'électricité qui nous appartient par contrat et ira la vendre directement aux États-Unis, nous faisant perdre le marché de 13 000 000 000 $ de profit sur les ventes pour les neuf prochaines années.

Donc, comment accepter de ne plus vendre, comme on le fait, notre potentiel énergétique? C'est exactement ce que le projet se propose de faire. On en parle dans Le virage technologique et je vais vous en lire un bout pour vous démontrer l'importance de l'énergie au Québec. "Le développement du secteur énergétique donnera lieu, au cours des prochaines années, à des investissements considérables qui auront des effets d'entraînement sur l'ensemble de l'économie. De plus, le Québec s'est donné une politique d'utilisation de l'électricité à des fins de développement industriel grâce à la disponibilité de grandes quantités d'énergie à des prix concurrentiels." (20 h 50)

C'est notre outil principal de développement et c'est l'outil que le gouvernement fédéral veut nous enlever pour le donner à Terre-Neuve. On ne peut pas accepter qu'après s'être fait voler une partie de territoire, qu'après avoir vu déchirer un contrat qu'on a signé de bonne foi, on regarde passer nos profits sur notre territoire; cela va résulter en une perte de revenus et créer davantage de chômage. M. le Président, c'est inacceptable. Donc, je demande - même s'ils ne sont pas ici j'espère qu'ils vont lire le journal des Débats - aux députés libéraux provinciaux qui sont ici, aux députés fédéraux qui sont élus à Ottawa de penser avant tout à l'intérêt des Québécois en se rappelant d'autres projets de loi qui ont été votés à Ottawa, un projet de loi sur l'implantation de Mirabel, par exemple, qui nous a fait perdre à peu près la moitié du transport aérien et qui menace maintenant de nous en faire perdre encore la moitié en transférant Dorval à Mirabel, de penser à l'augmentation des taux d'intérêt qui nous fait perdre des milliers de petites et moyennes entreprises chez nous et la chaussure. Je demande, pour une fois, à tous les élus québécois, autant à Ottawa qu'à Québec, de penser à une seule chose, à l'avenir des Québécois en votant à Québec pour la motion du ministre de l'Énergie et des Ressources et à Ottawa contre le projet C-108 qui, je le rappelle en terminant, M. le Président, n'apporte rien, mais absolument rien aux Québécois, mais ne fait que nous arracher des pouvoirs des revenus, des ressources et qui, assurément, s'il est adopté, augmentera encore une fois de façon inacceptable le chômage. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Gérald Godin

M. Godin: Merci, M. le Président. Je tiens à rappeler à ceux qui nous regardent, à

ceux qui nous écoutent, que c'est aujourd'hui le 20 mai 1982, donc qu'il y a deux ans, jour pour jour, j'allais dire minute pour minute, que dans le Québec les tenants du oui au référendum sur la souveraineté entrevoyaient déjà le pire tandis que les défenseurs du non, certains d'entre eux de bonne foi, se réjouissaient de ce qui venait de se passer. J'avais à l'époque, M. le Président, une chronique dans le Journal de Montréal. Ma dernière chronique datée du 21 mai 1980 commence ainsi, et j'aimerais la citer parce que ça me semble rétrospectivement porter des nouvelles qui se réalisent. "Ce non - le non que venaient de voter les Québécois, que venaient de choisir les Québécois - est-ce un début ou une fin? Tous les porte-parole du non ont annoncé et promis des changements. L'avenir dira si les changements seront faits, mais surtout l'avenir dira si les changements à venir seront à l'avantage du Québec." Mon collègue, le député de Sainte-Anne, il y a quelques instants, disait qu'il s'abstiendrait de voter sur la motion de mon collègue de l'Énergie et des Ressources parce que, disait-il, c'est la quatrième fois que le parti ministériel appelle l'unanimité de la Chambre.

Par conséquent, du fait que cela fait quatre fois, il devra s'abstenir. Pourquoi quatre fois, M. le Président? Parce qu'à quatre reprises depuis le référendum le fédéral a décidé de gruger, de ratatiner, de réduire les pouvoirs du Québec. Nous disions dans cette même campagne référendaire, il y a exactement deux ans, jour pour jour, dans une annonce, une publicité dans les journaux: Si on dit non merci, on n'aura rien merci. Non seulement on n'a rien, M. le Président, on a moins qu'on n'avait avant le référendum parce que les défenseurs du non ont tout simplement leurré les Québécois. Quand je vois nos amis d'en face hésiter, s'abstenir, dire qu'ils sont en principe d'accord avec nous, mais qu'ils sont contre la forme, qu'ils sont en principe en désaccord total avec le fédéral, mais parce que c'est nous le gouvernement légitimement, démocra- tiquement réélu par les Québécois... Le nouveau député de Louis-Hébert sait ce que ça veut dire, une victoire. Cela veut dire qu'on a l'aval de la population. Il le sait maintenant. Il n'était pas ici il y a quelques semaines. Maintenant, il sait ce que cela veut dire. Cela veut dire que le peuple du Québec a choisi que ce serait nous. Par conséquent, cette légitimité devrait amener l'Opposition à se joindre à nous une fois de plus, comme elle devrait le faire chaque fois que les intérêts du Québec sont menacés.

Aujourd'hui même, à Terre-Neuve, le drapeau est en berne. Les députés portent le deuil, parce que ce même gouvernement fédéral est en train de faire à Terre-Neuve, concernant ses champs de pétrole, le même coup qu'il fait au Québec, mais il y a une différence essentielle. À Terre-Neuve, au Parlement de Terre-Neuve, la Chambre est unanime à défendre les intérêts de Terre-Neuve, tandis qu'ici, à Québec, on s'abstient, on préfère être absent, on préfère ne pas s'en mêler, on préfère dire qu'on est contre en principe, mais qu'on ne votera pas. On préfère, par conséquent, le silence quand viendra le moment du vote. Je pense qu'il y a là un aveu qu'on s'est trompé peut-être en mai 1980, alors qu'on a fait confiance à des gens qui sont venus au Québec nous promettre des changements et mettre leur siège en jeu pour des changements qui soi-disant seraient bons pour le Québec, un aveu que les choses ne sont pas si claires aujourd'hui qu'elles pouvaient le sembler, il y a deux ans.

Le Québec, malgré tout, a un atout précieux et fondamental qu'il construit, morceau par morceau, depuis 1962, année de la création d'Hydro-Québec. Cet atout lui permet d'entrevoir l'avenir avec confiance, car nous savons très bien, M. le Président, que le pétrole de l'Ouest est un peu comme l'eau dans ce verre. Chaque fois qu'il passe une voiture dans les rues du Québec, un peu de pétrole de l'Ouest disparaît. Chaque fois que nous chauffons au mazout de l'Ouest, comme on dit, encore là, un peu de cette eau disparaît. Dans quelques années, M. le Président, les puits de pétrole de l'Ouest seront vidés, tandis qu'au Québec il y aura toujours - certains diront "malheureusement" - un hiver. Quand je vois mes voisins, mes collègues et mes compatriotes maudire l'hiver, maugréer contre la neige quand ils pellettent leur entrée de cour, quand leur voiture est prise dans la neige, je leur dis: Réjouissez-vous, car ce qui tombe, c'est du pétrole. Ce qui tombe sur nos têtes, c'est de l'or en barre.

C'est précisément cette richesse permanente et renouvelable à perpétuité qui est le principal atout du Québec pour l'avenir car tôt ou tard, en effet, le Québec, grâce à son eau, grâce à ses lacs et grâce à ses rivières, sera la région de l'Amérique du Nord la mieux dotée en énergie et, par conséquent, celle qui pourra le mieux répondre aux défis qui s'en viennent. Or, cette richesse, cet atout, je dirais l'atout le plus important du Québec, son atout géographique, que fait le fédéral avec cet atout? Il le met en danger. Ainsi, il prive le Québec d'un de ses avantages essentiels en se permettant d'adopter une loi qui autorisera, quand elle sera adoptée, l'Office national de l'énergie, le jour où il le jugera à propos, de faire passer sur le territoire du Québec les lignes électriques de n'importe quelle province qui voudrait passer sur le territoire du Québec sans la permission des Québécois.

Cette manoeuvre se fait avec la bénédiction silencieuse, muette et honteuse -

et j'aimerais savoir du député de Louis-Hébert si le mot "honteux" est un mot parlementaire - du Parti libéral, mais surtout de lui, un nouvel élu, qui est entré ici surtout avec l'appui des jeunes du comté de Louis-Hébert car ils sont majoritaires dans ce comté. Je me demande comment les jeunes de Louis-Hébert vont juger leur nouveau député quand ils vont se rendre compte qu'il va s'abstenir ou être absent le jour du vote qui va porter sur leur propre avenir, qui va porter sur leurs emplois dans l'avenir, qui va porter sur le développement futur du Québec, M. le Président. J'inciterais le nouveau député du Parti libéral dans Louis-Hébert - puisque c'est un nouveau, il est peut-être moins que ses collègues pris dans les filets des luttes internes du parti -à penser à l'avenir de ses nouveaux électeurs qui viennent de lui faire confiance et, par conséquent, à voter non pas avec le PQ, non pas avec les séparatistes, comme on nous appelle, mais de voter avec les intérêts du Québec, de voter avec ce qui compte pour l'avenir du Québec, car, s'il ne le fait pas, tôt ou tard, il sera jugé. On a vu ici des députés libéraux siéger huit mois seulement, passer dans les partielles comme une flèche et, huit mois après, être retournés chez eux, parce qu'il n'avait suffi que de huit mois pour qu'ils fassent la preuve à leurs électeurs qu'ils n'avaient pas la dignité nécessaire pour défendre les intérêts du Québec. (21 heures)

Par conséquent, M. le Président...

M. Doyon: C'est une question de privilège, M. le Président, j'ai mal compris.

M. Godin: Cela ne m'étonne pas de sa part, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert, sur une question de privilège?

M. Doyon: Oui. J'ai compris que le ministre venait de qualifier l'attitude qu'il prévoyait de ma part, sur le vote que nous étions pour prendre, comme étant un geste honteux. J'aimerais savoir si j'ai bien compris ou, si ce n'est pas ce qu'il a dit, j'aimerais le savoir.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert, c'est beaucoup plus une question que vous pourriez poser. C'est en vertu de l'article 100.

M. Godin: Si le député de Louis-Hébert veut me poser une question après mon intervention, libre à lui. Je répète que je craindrais que ses électeurs nouveaux, pour un nouveau député, effectivement, jugent le geste de l'Opposition comme étant un geste honteux dans la mesure où il va à l'encontre des intérêts du Québec.

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, je peux soulever une question de règlement en ce moment-ci, immédiatement, ou je peux attendre la fin de l'intervention du ministre. Mon propos se réfère à l'application du règlement par tous les députés de cette Chambre, de quelque côté qu'on soit. Ma question de règlement se réfère aussi à l'intervention du député de Joliette et à l'intervention du député de Louis-Hébert, tout à l'heure, et à l'interprétation qui a été donnée à notre règlement. Je suis prêt à ce que le ministre continue, mais je voudrais que vous preniez acte de mon intention de soulever une question de règlement concernant les privilèges des parlementaires. Si le président de l'Assemblée nationale croit opportun de venir occuper le fauteuil, je plaiderai à ce moment.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, je me rends compte...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: Sur la question de règlement que vient de soulever le whip en chef, le député de Portneuf, à moins que je ne lise mal l'article 40 de notre règlement, il me semble que, lorsque l'on veut soulever une question de règlement, on doive le faire dès lors que le règlement est en apparence violé. C'est pour cela que, quant à moi, j'insisterais pour que le député dispose dès maintenant de sa question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Pagé: Aucun problème, M. le Président. Je vais soulever la question de règlement immédiatement. C'était strictement par déférence à l'endroit du député de Mercier, pour lui laisser le soin de terminer son intervention, plutôt que de l'interrompre.

Je voudrais soulever ici l'application de l'article de notre règlement, c'est l'article 99 de notre règlement, au paragraphe 8, qui indique clairement qu'il est interdit à un député qui a la parole de se servir d'un langage violent ou blessant à l'endroit de qui

que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée.

On sait que, depuis environ 17 heures ce soir, et plus particulièrement depuis l'intervention qui a été faite par le député de Joliette, celui-ci a utilisé ce qu'on considère comme étant des termes blessants et des termes qui sont non parlementaires à l'endroit des députés de l'Opposition. Le député de Louis-Hébert, à juste titre, a soulevé une question de privilège pour s'assurer que les propos tenus par le député de Joliette, qui a utilisé le terme "hypocrite" et qui a utilisé le terme "lâche", étaient des termes antiparlementaires. Le président a interprété ces propos comme étant une question d'opinion.

M. Grégoire: M. le Président...

M. Pagé: Je suis sur une question de règlement.

M. Grégoire: Vous êtes en train de revenir sur...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement, M. le whip adjoint.

M. Pagé: M. le Président, je me réfère au règlement annoté de l'Assemblée nationale, ce qu'on appelle communément ici, dans notre langage, l'ancien règlement. L'ancien règlement, comme on le sait, doit être le guide de nos travaux parlementaires. Tout sujet qui n'est pas spécifiquement traité dans le règlement, ce règlement qui a été adopté, si ma mémoire est fidèle, en 1972 ou en 1973. Lorsqu'un sujet spécifique, un point aussi particulier que celui-là n'est pas traité, n'est pas réglé par l'application de notre règlement, on doit s'en remettre à l'ancien règlement. Or, cela a pris quelques minutes, évidemment, avant que l'ancien règlement me parvienne.

À l'article 285, alinéa 20, il est dit ceci: "II est irrégulier et non parlementaire d'utiliser les expressions suivantes. Les expressions suivantes ne sont pas parlementaires quand elles s'adressent à un député ou qualifiant sa conduite, ses actes ou ses discours." On retrouve, à l'article 285, section 2b, les termes "lâche", "poltron" et "lâcheté"; à la section e, "hypocrite", "sans scrupule", au même titre que "honteux", c'est la même chose. À l'article 285, alinéa 20, section 2a: "honte", "honteux", "vilain", "méprisable", "déshonorant", "odieux".

M. Fréchette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement, sur une question de...

M. Fréchette: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Une question de règlement a déjà été soulevée, je terminerai de l'entendre et je vous entendrai par la suite. Rapidement, s'il vous plaît.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je conclus en disant que, pour ce motif, comme je l'ai laissé voir tout à l'heure, je conviens que les paroles et les propos du député de Joliette... Je suis prêt à être bon joueur, à accepter que ses propos ont peut-être dépassé sa pensée, comme le propos tenu par le député de Mercier. Pour tous ces motifs, je voudrais que, selon le règlement, lequel s'inspire de l'ancien règlement, et surtout en tenant compte du fait qu'un minimum de décorum et de respect doit exister entre les parlementaires ici, tant le député de Joliette que le député de Mercier nous indiquent que leurs propos ont dépassé leur pensée, et ça va être réglé.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: M. le Président, ces choses sont dites en des termes très élégants, je n'en disconviens pas, sauf que je vous dis respectueusement que le député de Portneuf vous a soumis une argumentation qui a été la même que celle faite au cours de l'après-midi à celui qui vous précédait au fauteuil. Il plaide sur une chose qui est déjà jugée, il me semble, M. le Président, puisque exactement la même situation, le même objet qui nous occupe actuellement a été soulevé à celui qui occupait le siège cet après-midi, et il en a disposé de la façon que l'on sait. On peut se référer à la transcription des Débats et on va voir que le sujet sur lequel intervient le député de Portneuf est de la catégorie des choses que l'on pourrait appeler les choses jugées. C'est réglé parce que, encore une fois, c'était précisément sur le même point. L'intervention du ministre, qui a actuellement le droit de parole, est de la même nature que celle qui a été faite cet après-midi, et je réitère que c'est effectivement une chose jugée.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la même question de règlement?

M. Levesque (Bonaventure): Oui. Je crois qu'il est important, à ce moment-ci... Si on veut dire qu'il y a des choses qui ont été jugées, ce sont bien celles qui sont inscrites à notre règlement. On pourra dire ce qu'on voudra, mais, comme l'a si bien expliqué le député de Portneuf, le whip en

chef de l'Opposition...

M. Godin: Pour mettre un terme au débat, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre, sur une question de...

M. Godin: Pour mettre un terme au débat, je suis prêt à me rendre à la demande de mon collègue de Louis-Hébert et de retirer le mot "honteux" dont je constate que l'Opposition n'a aucune notion.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

M. Pagé: Vos paroles ont dépassé votre pensée.

M. Levesque (Bonaventure): Je veux immédiatement prendre note des bonnes intentions du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, mais je pense que ses derniers propos ont presque gâté ses bonnes intentions.

M. Pagé: Retirez vos paroles.

M. Levesque (Bonaventure): Je pense que, si on veut être de bon compte, j'accepterais que le ministre retire purement et simplement ses paroles.

M. Godin: D'accord.

M. Pagé: Le député de Joliette.

M. Levesque (Bonaventure): Quant au député de Joliette, on attendra qu'il revienne en Chambre.

M. Godin: D'accord, M. le Président. À la demande du leader, qui est un homme très respectable, je retire mes paroles pour tout ce qui touche la honte.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Godin: Merci, M. le Président. Pourriez-vous me dire exactement le temps qu'il me reste? (21 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Un instant!

M. Godin: Avec tous ces débats...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons vérifier, M. le ministre.

M. Godin: Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous avez commencé à 20 h 52. Donc...

Une voix: Oui, mais il y a eu tout le temps des...

Le Vice-Président (M. Rancourt): ... vous avez au-delà de cinq minutes. M. le ministre.

M. Godin: Merci, M. le Président. Alors, je prendrai ces cinq minutes pour dire seulement deux choses. De ce côté-ci de la Chambre, nous avons énormément hâte que le Parti libéral vide ses querelles internes et que les gens importants dans ce parti qui siègent ici soient prêts à bazarder leurs principes pour leurs ambitions personnelles. Car ce qui se passe ces semaines-ci et ces mois-ci au Canada, ce qui se passe ces mois-ci et ces semaines-ci à Ottawa, c'est tellement grave pour l'avenir du Québec - je ne parle pas de l'avenir de la constitution, mais de l'avenir économique du Québec - que nous avons besoin plus que jamais d'une Opposition qui soit unie, d'une Opposition qui soit forte, d'une Opposition qui sait qui est son chef, d'une Opposition qui n'est pas entourée de candidats à la chefferie qui n'attendent que le premier tombe pour le remplacer. Nous avons besoin d'une Opposition ici qui sait où sont les intérêts du Québec et non seulement les intérêts des candidats à venir ou des candidats à partir. Nous souhaitons, par conséquent, qu'ils balaient le pas de leur porte le plus tôt possible pour qu'on sache un peu à quel enseigne ils logent en ce qui touche les intérêts vitaux du Québec.

Je terminerai en citant le même article que j'écrivais le 21 mai 1980. Deux ans après le référendum, j'y lis: "Et si ces changements promis par les tenants du non ne sont pas conformes aux aspirations des Québécois, il y a un grand nombre de non qui vont devenir des oui pour l'avenir."

C'est ma seule consolation, M. le Président, et je m'adresse à tous ceux qui nous écoutent qui ont voté non au référendum. Je dis que nous payons, ces jours-ci, le prix de leurs non. Cela va nous coûter cher et pour longtemps. J'aimerais qu'ils y pensent pour leur avenir et pour celui de leurs enfants.

J'espère aussi que nos amis d'en face qui ont travaillé pour le non au référendum, dont c'est le deuxième anniversaire aujourd'hui, qui sont tellement mal pris et qui hésitent, se rendent compte qu'ils ont livré le Québec pieds et poings liés, comme disait un collègue cet après-midi, aux volontés du fédéral de détruire le système fédéral, de détruire l'équilibre relatif, mais quand même mieux que ce que nous avons maintenant, qui existait entre les provinces et le gouvernement central. J'espère que les

écailles leur tomberont des yeux et qu'ils se rendront compte qu'en agissant comme ils l'ont fait, en incitant les Québécois à voter comme ils ont voté, ils ont, en fait et littéralement, mis le Québec à genoux.

On s'en rend compte de semaine en semaine, de mois en mois: attaque contre la langue, attaque contre le système scolaire, attaque contre les territoires, attaque contre les richesses naturelles du Québec. On se rend compte jour après jour, semaine après semaine, qu'il faut que, de plus en plus, tous les membres de cette Assemblée nationale serrent les coudes au moment où les assauts contre les intérêts vitaux du Québec se multiplient de la part de nos grands frères, surtout les grands frères de nos amis d'en face, du fédéral, qui se croient maintenant tout permis. Il serait temps que les Québécois leur fassent savoir que rien ne leur est permis qui va à l'encontre des intérêts du Québec, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): J'aimerais intervenir, M. le Président, dans ce débat parce que je ne voudrais surtout pas que les électeurs de mon comté me reprochent de ne pas m'être exprimé énergiquement contre un projet de loi qui pourrait changer tout l'avenir économique du Québec, un projet de loi qui pourrait changer tout l'aménagement de notre territoire, un projet de loi qui pourrait changer, s'il était adopté tel quel, toutes nos lois: nos lois sur la protection du territoire agricole, sur l'environnement, sur l'aménagement du territoire, les règlements municipaux et toute autre loi. C'est un projet de loi qui passerait complètement pardessus la tête des Québécois en se foutant des droits qu'un peuple a et qu'il tient à garder.

Le Parti libéral du Québec nous a avertis qu'il s'abstiendrait de voter sur ce projet de loi parce qu'on dit que c'est une motion partisane. Je ne comprends réellement pas. Si défendre notre propriété est devenu partisan, je ne sais pas pourquoi nos électeurs nous enverraient ici, en cette Chambre, puisqu'ils nous envoient ici pour défendre leurs intérêts, leur propriété. Si c'était partisan que de défendre ces droits, nous n'aurions plus rien à faire ici.

Les libéraux du Québec - je dis bien les libéraux du Québec parce qu'il en reste, pas les rouges, ni les fédéralistes à outrance, mais les vrais libéraux - ne doivent pas être tellement fiers aujourd'hui, ou ne le seront pas demain lorsqu'ils prendront connaissance des journaux, des propos tenus par le chef du Parti libéral, M. Ryan, en conférence de presse cet après-midi. Il disait - je vais lire un paragraphe...

Une voix: Au complet.

M. Baril (Arthabaska): Certainement, je vais le lire au complet. Il disait: "Le Parti libéral considère que, pour favoriser l'ouverture des négociations avec le gouvernement de Terre-Neuve, le gouvernement du Québec devrait reconnaître explicitement la juridiction de Terre-Neuve sur le Labrador, sujet à des négociations politiques susceptibles de préciser à l'avantage des deux parties une définition de la frontière du Labrador."

Je ne comprends pas comment ils peuvent parler de négociations et, avant de négocier, ils vont leur donner ce qu'ils ont à offrir pour en arriver à un consensus, à une entente favorable aux deux parties. Je ne comprends pas ça. C'est comme si je vous donnais mon auto, M. le Président, et que je disais après ça: Pour une bonne entente, on va négocier un prix. Je vous l'ai déjà donnée. À quelle entente pourrait-on arriver, pensez-vous, pour que cette négociation fasse l'affaire des deux? Je vous l'ai déjà donnée. C'est l'argumentation que le Parti libéral nous amène aujourd'hui.

C'est vrai que ça fait longtemps que la question du Labrador traîne, il y a eu et il y a encore beaucoup de divergences d'opinions là-dessus, mais il y a quand même une chose que les Québécois ont toujours défendue - que ce soient des libéraux, des unionistes, des créditistes, lorsqu'il y en avait ici au Québec, le Parti québécois, depuis 1976 que nous sommes au pouvoir et depuis 1970 lorsqu'on formait l'Opposition -c'est que le Labrador était propriété québécoise.

Aujourd'hui, en l'espace d'environ une demi-heure, le chef du Parti libéral est prêt à donner ou à concéder le Labrador à Terre-Neuve. Le Parti libéral en face de nous agit comme le gars qui ne sait jamais où se brancher. Il va avoir à prendre position sur tel ou tel sujet et il va dire: Vous savez, je ne suis pas pour, je ne suis pas contre non plus, mais je ne le sais pas. Je ne sais pas ce qu'on va faire. C'est un gars qui n'est pas capable de se brancher. Le Parti libéral, l'Opposition, les gens qui sont en face de nous, lorsqu'ils étaient contre un projet de loi parce qu'ils n'étaient pas pour et qu'ils n'étaient pas contre, et qu'ils ne savaient pas où se brancher, trouvaient une formule. Ils reportaient l'étude de ce projet de loi de trois mois et là, quand ça ne faisait plus après trois mois, ils présentaient un sous-amendement et reportaient encore de trois mois, et cela continuait encore jusqu'à six mois parce qu'on n'était pas capable de se brancher. C'était difficile de voter contre, parce que cela allait à l'encontre de l'intérêt

des Québécois, et on ne pouvait pas voter pour, parce que cela allait à l'encontre de leurs principes ou à l'encontre du grand chef de la maison mère d'Ottawa. Car, chez nos voisins d'en face, on n'a jamais pu se brancher pour savoir si on était le Parti libéral du Québec ou le Parti libéral du Canada. On s'aperçoit de plus en plus qu'il ne reste rien du Parti libéral du Québec; il n'existe plus. Il ne reste qu'un seul et unique parti, le Parti libéral du Canada. On le voit de plus en plus à travers les arguments amenés par les gens d'en face. (21 h 10)

Ils sont contre le projet et, chose curieuse, nous, les ministériels, nous, du gouvernement, ne demandons pas le retrait de ce projet de loi C-108, nous demandons que des amendements soient apportés à ce projet de loi. Il serait intéressant de lire le communiqué de presse que le chef de l'Opposition, M. Ryan, a émis cet après-midi. Dans cela, il dénonce, exactement comme nous, l'empiètement du gouvernement fédéral sur les droits qui appartiennent présentement au Québec, par les pouvoirs qu'Ottawa se donnerait. Donc, il écrit une chose dans les journaux, devant la télévision et ici, à l'Assemblée nationale, ils font exactement le contraire, ils s'abstiennent. Où est la logique de cela? Je me le demande.

Tout à l'heure, je prenais quelques notes et la position du chef du Parti libéral me faisait penser un peu à celle qu'il avait prise lors de la dernière campagne électorale quant à la taxe sur la machinerie agricole. Il s'engageait à abolir la taxe sur la machinerie agricole, quand tout le monde sait qu'il n'y a pas de taxe sur la machinerie agricole. La position du chef du Parti libéral et de ses...

Une voix: Acolytes.

M. Baril (Arthabaska): ... acolytes... merci, j'aurais employé un autre mot que celui-là, c'est celle de gens qui ne savent pas se brancher. Un jour, ils disent une chose et, le lendemain, ils disent autre chose.

J'aimerais quand même faire ressortir un point fondamental de ce projet de loi. Si ce projet de loi était adopté tel quel à Ottawa, il viendrait brimer les droits que ce gouvernement a donnés à la classe agricole en protégeant leur territoire agricole. Avant 1978, au ministère des Transports du Québec, on prenait une règle, on la plaçait sur la carte et on traçait une route ou une autoroute sans se soucier des dégâts qu'on pouvait faire, sans penser aux terres arables ou agricoles qu'on pouvait diviser ou séparer. On ne s'occupait pas de cela: Tassez-vous, c'est nous qui passons! Combien d'acres de terre agricole au Québec ont été perdues littéralement dans les années suivantes et ont poussé en "branchailles"? Des agriculteurs ont été disséminés dans les rangs; ils ne pouvaient plus cultiver leur terre, parce qu'il y avait une fameuse route qui la séparait.

En 1978, le Parti québécois a voté une loi - c'est évident que l'Opposition a voté contre - pour protéger les terres agricoles afin qu'il n'y ait pas d'irrégularités ou de vols non seulement dans le domaine de l'agriculture mais aux dépens de la population en général, puisque le sol est nécessaire pour se nourrir. On a adopté une loi pour empêcher que d'autres décisions abusives ne se prennent comme l'établissement de l'aéroport de Mirabel. On a fait une toute petite erreur, quand on a exproprié les meilleurs sols du Québec, une petite erreur de 75 000 acres. Je n'ai pas fait le total, mais 75 000 acres, ce doit être à peu près la superficie des paroisses de Princeville, Plessisville et Victoriaville, chez nous. Les gens peuvent s'imaginer à peu près ce qu'on a perdu de terre arable, du meilleur sol québécois.

La Loi sur la protection du territoire agricole, comme je le disais, empêche maintenant la prise de ces décisions sans planification aucune, mais la loi C-108 permettrait à l'Office national de l'énergie d'installer une ligne électrique. Elle passe où? Personne ne le sait parce qu'on dit qu'on exproprie un corridor sur le territoire québécois pour le transport de l'énergie de Terre-Neuve aux États-Unis. Où ça peut passer? Vous pouvez vous imaginer que ça peut passer à côté de votre maison, ça peut passer au bout du champ, ça peut passer à Montréal comme ça peut passer à Sept-Îles. Il n'y a aucune définition. On ne sait pas où cela va passer. Je connais les ennuis qu'un simple poteau d'électricité en plein milieu d'un champ peut causer à un agriculteur. Là, on exproprierait un corridor de 150 pieds de largeur environ. On pourrait, c'est évident, passer à travers des maisons, à travers des villages, à travers nos plus belles terres, à travers les érablières, à travers toutes sortes de boisés, sans, bien entendu, se soucier parce qu'on ne peut pas... Je ne veux pas non plus exagérer, mais il n'y a rien qui nous assure que le gouvernement fédéral ou l'Office national de l'énergie va se préoccuper de l'environnement ou de la protection de notre territoire agricole.

C'est pour ça que nous demandons que la loi C-108... Encore une fois, nous ne demandons pas un rejet de cette loi, mais nous proposons un amendement à la loi qui dit: "Réclame des membres du Parlement fédéral qu'ils apportent au projet de loi C-108 les modifications suivantes." Entre autres, "le retrait de toute disposition ayant pour objet de permettre, par voie d'expropriation de son territoire et sans le plein accord du Québec..." Pour une fois, M. le Président, que nous sommes prêts à négocier...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député d'Arthabaska. J'aimerais demander à ceux qui sont debout, qui n'occupent pas leurs fauteuils, de bien vouloir s'asseoir pour permettre justement au député d'Arthabaska de faire son intervention en toute quiétude.

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Vous me donnez une grosse chance. Nous disons, par cet amendement, au gouvernement fédéral, avant d'établir un corridor sur notre territoire, que nous voulons être entendus, que nous voulons discuter avec lui, que nous voulons négocier avec lui. Ce qui me surprend davantage, c'est que les députés d'en face, qui nous accusent de toujours agir d'une façon antidémocratique, de ne jamais vouloir négocier ou de mal négocier, pour une fois qu'on demande de négocier, qu'on demande au gouvernement fédéral, avant d'adopter quelque chose chez nous, qu'on puisse négocier, qu'on puisse s'entendre ensemble avant de passer n'importe où et bousculer tout le monde, les gens d'en face s'opposent à cette motion. Est-ce qu'ils ont eu une directive d'Ottawa, est-ce qu'ils ont eu une directive de Terre-Neuve? On ne le sait pas. Tout ce dont les Québécois et les Québécoises sont conscients aujourd'hui, c'est que, de plus en plus, on ne peut plus se fier, absolument pas, aux gens d'en face pour défendre les intérêts des Québécois.

Je vais faire ici, puisque les gens d'en face ne veulent pas - ils nous ont déjà dit qu'ils s'abstiendraient - je vais faire un appel aux députés libéraux fédéraux. On n'a pas grand choix. Ils sont 74 sur 75 qui nous représentent à Ottawa. Ils représentent les Québécois à Ottawa. Je vais leur faire un appel parce qu'il me semble qu'il doit leur rester encore au moins un peu de bon sens, un peu de logique pour réaliser que ce que leur gouvernement est en train d'adopter, c'est réellement de l'usurpation de nos droits. Je ne peux pas comprendre que ces députés qui sont à Ottawa puissent laisser leur gouvernement adopter une loi semblable qui donnerait tous les pouvoirs possibles et imaginables à l'Office national de l'énergie, sans aucun contrôle. C'est évident que le ministre Lalonde dit: Fiez-vous à nous autres. Il n'y a rien qui dit que ça va être aussi dur que ça dans la loi. Par contre, il n'y a rien qui nous dit que ça ne sera pas aussi dur. Ce sera l'Office national de l'énergie qui aura les pouvoirs, ce qui permettra par la suite au gouvernement d'Ottawa de dire: Ce n'est pas nous qui avons fait cela, c'est l'Office national de l'énergie. On ne le voulait pas, mais c'est une société d'État, c'est un office. (21 h 30)

On sait qu'il y a des sociétés d'État ici au Québec, des offices qui prennent parfois des décisions qui vont un peu à l'encontre de la volonté du gouvernement. Donc, on devrait être avertis. C'est pour cette raison que je fais encore une demande - j'ai encore un peu d'espoir - aux députés fédéraux d'Ottawa pour qu'ils fassent amender ce projet de loi C-108 pour que les chances de négociation entre Québec et Terre-Neuve puissent être au moins égales et qu'on ne vienne pas briser des contrats déjà signés et empêcher même toute discussion entre notre province, le Québec, et la province voisine, Terre-Neuve.

Je termine là-dessus, M. le Président. Le but de mon discours, de mon exposé était quand même de ne pas faire ressortir des choses partisanes - encore une fois, je ne pense pas que ce soit partisan - mais plutôt de sensibiliser au moins la population sur les décisions que nos élus à Ottawa prennent sans consulter l'ensemble des Canadiens. Je dis les Canadiens, mais, entre autres, c'est nous qui sommes le plus concernés. Lorsque le gouvernement du Québec adopte des lois avec autant d'implications, on fait la plupart du temps des tournées de consultation pour connaître l'opinion des Québécois. Pourquoi le gouvernement du Canada ne fait-il pas actuellement, avant d'adopter cette loi, une tournée au Québec pour prendre réellement le pouls des Québécois et des Québécoises pour que l'ensemble de la population ait au moins la chance - et que ce ne soit pas uniquement au niveau de cette Assemblée -de s'élever et de s'exprimer contre l'empiétement que le gouvernement fédéral est en train de faire sur notre propre territoire?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Chauveau.

M. Raymond Brouillet

M. Brouillet: M. le Président, permettez-moi, pour le bénéfice des auditeurs qui viennent de se joindre à nous, de rappeler brièvement ce qui fait l'objet du présent débat.

Nous savons presque tous que le gouvernement fédéral s'apprête présentement à adopter un projet de loi qui, vraiment, est inacceptable et tout à fait injuste pour le Québec. Il s'agit dans ce projet de loi C-108 d'étendre considérablement les pouvoirs de l'Office national de l'énergie du Canada. Il est important, je pense, M. le Président, de voir et de bien comprendre en quoi consiste cette extension des pouvoirs que le gouvernement fédéral s'apprête à accorder à l'Office national de l'énergie du Canada. À la suite de ce projet de loi, s'il est adopté -et nous savons qu'il est sur le point de l'être - l'Office national de l'énergie du Canada, qui est contrôlé par le gouvernement fédéral, aura le pouvoir d'exproprier une large partie

du territoire de notre province pour permettre à une autre province, en l'occurrence la province de Terre-Neuve, de construire à travers notre territoire une ligne de transmission de l'électricité produite à Terre-Neuve pour la diriger vers les marchés des autres provinces, en l'occurrence surtout l'Ontario et aussi vers les marchés des États de la Nouvelle-Angleterre et de l'ensemble des États-Unis. Tout cela, M. le Président, toute cette opération d'expropriation et de construction d'une ligne de transport d'électricité à travers nos territoires, pourrait se faire sans l'accord, sans le consentement de la collectivité québécoise et du gouvernement du Québec.

M. le Président, je pense qu'il est très important que la population du Québec et tous les membres de cette Chambre soient attentifs pour bien comprendre les enjeux de ce projet de loi et les conséquences graves et néfastes qu'il aura pour toute la collectivité québécoise. Ce projet de loi fédéral, nous pouvons sûrement le qualifier d'un autre coup de force porté par le pouvoir central d'Ottawa pour tâcher de casser les reins de la collectivité québécoise, quant à ses pouvoirs et à la maîtrise de son développement.

Par ce projet de loi, le gouvernement fédéral permettra à l'Office national de l'énergie d'enfreindre les droits de propriété qu'a le Québec sur son territoire et d'intervenir dans la gestion et, finalement, dans le contrôle de notre première richesse naturelle, notre richesse qui est vraiment la base, le pilier de notre économie, l'hydroélectricité.

M. le Président, j'aimerais attirer l'attention de cette Chambre et de la population sur les conséquences néfastes de ce projet de loi. Tout d'abord, nous savons tous que l'hydroélectricité constitue pour le Québec le pilier principal de son développement économique. C'est un fait reconnu par tout le monde. Elle constitue l'instrument fondamental de cette promotion économique du Québec. Pour bien illustrer comment l'hydroélectricité est vraiment un pilier fondamental de notre développement économique, il suffit de rappeler qu'au cours des dernières années les investissements d'Hydro-Québec dans le développement économique de notre province représentent 25% de tous les investissements que nous avons faits au Québec. Nous voyons l'importance de ce secteur pour l'ensemble de notre activité et de notre développement économique. Nous savons tous que ce pouvoir hydroélectrique que nous possédons a été construit par les Québécois, par la compétence des Québécois. Nous savons tous aussi que c'est à même l'argent et les économies des Québécois que nous avons pu financer à part entière tout ce pouvoir hydroélectrique dont nous jouissons aujourd'hui.

Cette situation de notre pouvoir hydroélectrique et de son développement, au cours des dernières années, permet actuellement de produire un surplus d'énergie électrique au Québec. Nous pouvons satisfaire tous nos besoins et nous avons encore une production qui excède nos besoins. Ceci permet donc au Québec d'envisager d'exporter ses surplus d'électricité et ainsi d'assurer au Québec une part de revenus considérables, sans compter les surplus que nous pouvons engendrer aujourd'hui avec le potentiel que nous avons mis en place. 11 y a aussi - nous le savons tous - des possibilités considérables d'accroître notre production d'électricité et ainsi d'ouvrir nos perspectives d'exportation vers les marchés extérieurs, vers les marchés étrangers.

M. le Président, il faut bien comprendre qu'aujourd'hui le temps est venu pour le Québec, de même qu'actuellement, en Alberta, on tire profit du pétrole pour assurer un revenu à la province en exportant à l'extérieur de la province cette énergie, de regarder aussi vers les marchés extérieurs et d'assurer, par ces exportations, un revenu considérable pour tous les citoyens du Québec.

C'est dans cette perspective qu'Hydro-Québec vient de renouveler son contrat de vente d'électricité à l'Ontario pour les cinq prochaines années au coût de 200 000 000 $. C'est aussi dans la même perspective que notre premier ministre vient de signer avec l'État de New York un contrat qui assurera au Québec, à partir de 1984, des revenus annuels de 400 000 000 $ en dollars constants, ce qui fait un total de 5 000 000 000 $ au bout des treize ans que durera le contrat. Si nous apprécions ces dollars en valeur courante, ça représente un peu plus de 11 000 000 000 $ de revenus pour le Québec durant les treize prochaines années uniquement à la suite de ce contrat signé avec l'État de New York. (21 h 40)

Nous avons aussi à notre portée d'autres marchés qui s'ouvrent. Il y a tous les autres États de la Nouvelle-Angleterre avec lesquels le Québec a eu des rencontres pour essayer de négocier la possibilité de vente d'électricité. Que vient faire dans ce décor, dans cette perspective d'avenir pour le développement du Québec, le coup de force d'Ottawa avec le projet de loi qui sera bientôt adopté? En permettant à Terre-Neuve d'exproprier une partie du territoire québécois et de construire des lignes de transport jusqu'au marché américain, cela va réduire considérablement les avantages comparatifs dont jouit le Québec sur les marchés de l'électricité grâce à sa position géographique, grâce à sa proximité des États-Unis, où le besoin en électricité est considérable.

M. le Président, après un décret venant de Londres et passé il y a plusieurs années, qui a enlevé au Québec une grande partie de son territoire, en l'occurrence le Labrador, pour le donner à Terre-Neuve, nous assistons maintenant, par la présente loi, à un geste d'Ottawa qui s'apprête à autoriser Terre-Neuve, par l'entremise de l'Office national de l'énergie, à agrandir son territoire d'un corridor de 500 pieds de largeur et d'au-delà de 1000 kilomètres de longueur, à travers nos terres, au risque de saccager la protection de notre environnement et de nos terres agricoles. Ce corridor agrandira Terre-Neuve à même notre territoire et ce corridor rendrait Terre-Neuve aux portes mêmes du marché américain.

Ceci permettrait à Terre-Neuve, avec la complicité d'Ottawa, de venir concurrencer le Québec sur les marchés américains en ce qui concerne la vente de l'électricité. Le résultat est inévitable: ce sera, pour le Québec, des pertes considérables de revenus et ce sera le risque de voir freiner le développement du potentiel hydroélectrique du Québec pour les années à venir.

Devant une telle situation, je crois que nous sommes en droit de nous demander - la population se le demande certainement -comment Ottawa peut décider de porter ainsi un autre coup dur et un coup dur dirigé directement et essentiellement sur le Québec. Je me risquerai d'avancer quelques raisons en laissant à l'ensemble des membres de cette Assemblée et à la population d'apprécier chacune de ces raisons et de faire leur propre jugement.

Tout d'abord, la population doit se souvenir que, lors de la dernière conférence constitutionnelle, à Ottawa, un des premiers ministres provinciaux les plus réfractaires, les plus récalcitrants à l'égard du geste d'Ottawa, geste qui consistait à rapatrier unilatéralement la constitution, c'était celui de Terre-Neuve. Nous savons que, dans la nuit du 5 novembre, ce premier ministre de Terre-Neuve qui, depuis longtemps, voulait avoir ce droit de passage au Québec pour vendre l'électricité du Labrador aux États-Unis, sa résistance a fondu dans la nuit du 5 et c'est lui qui a présenté le compromis qui s'est fait et qui s'est tramé dans le dos du Québec, contre les droits du Québec. C'est à ce premier ministre qu'aujourd'hui on vient offrir, sur un plateau d'argent, un corridor au Québec. On vient lui offrir un prolongement du territoire de sa province au détriment du territoire du Québec. On peut se poser des questions sur ce genre de marchandage. Je te donne ton corridor et tu me donnes ta signature pour rapatrier la constitution même sans l'accord du Québec.

Nous devons aussi considérer que le gouvernement fédéral n'a jamais trop caché son désir et son intention de s'ingérer de plus en plus dans les domaines de compétence provinciale et, en particulier, dans le domaine des richesses naturelles et dans le domaine de l'énergie.

Une occasion en or s'offrait au gouvernement fédéral de s'introduire directement dans l'exploitation des richesses naturelles d'une province. Le gouvernement de Terre-Neuve et le gouvernement d'Ottawa se sont entendus pour constituer une compagnie qui permettra d'exploiter les chutes du Bas-Churchill au Labrador, donc en territoire terre-neuvien. C'est ce même gouvernement fédéral qui a des intérêts dans la production et l'exploitation de l'énergie électrique au Labrador, donc à Terre-Neuve, qui vient de décider et de donner à l'Office national de l'énergie la possibilité d'exproprier un corridor au Québec pour exporter cette énergie qui est, en partie, propriété et produite par des fonds du fédéral qui sont, en partie, des fonds qui proviennent du Québec. Tout ceci va permettre de rejoindre les marchés américains sur le dos du Québec.

Ce geste du gouvernement fédéral se situe dans la continuité de tous les gestes de ce gouvernement, surtout depuis le non au référendum. Mes collègues en ont parlé tantôt et je ne veux pas y revenir davantage. Je veux simplement mentionner le fait qu'on assiste, depuis ce temps-là, à une offensive organisée, voulue et systématique du pouvoir central pour amenuiser, détruire et rapetisser de plus en plus les pouvoirs provinciaux et ramener, à Ottawa, les pouvoirs quasi absolus d'un État centralisateur et unitaire.

Je n'ai pas besoin de développer davantage ce point pour montrer que le Québec ne peut pas accepter que ses pouvoirs soient amoindris de cette façon et d'être à la merci du pouvoir central d'Ottawa dont nous serons toujours comme une minorité par la force même de la démographie.

M. le Président, comment expliquer aussi l'attitude de l'Opposition libérale du Québec? Il y a beaucoup d'hypothèses qui ont été avancées. Je peux peut-être me risquer à avancer la mienne. Alors que le droit de propriété du Québec est menacé sur son territoire, alors que la gestion exclusive de notre richesse naturelle qu'est l'hydroélectricité risque d'être menacée, les députés libéraux du Québec vont s'abstenir de voter pour une motion qui affirme les droits du Québec et qui a pour but de revendiquer la protection, le respect et la sauvegarde de ces droits.

Il y a une raison à cette abstention qui a été avancée par le leader de l'Opposition. Alors qu'il s'adressait aux membres du parti au pouvoir, le leader de l'Opposition a dit ceci: "Nous allons nous abstenir de jouer votre petit jeu." M. le Président, pour ne pas

jouer le jeu du gouvernement du Québec, de la majorité des députés de cette Chambre et de la majorité de la population du Québec, pour ne pas jouer le jeu du peuple du Québec, les députés de l'Opposition sont prêts à jouer le jeu du gouvernement d'Ottawa, du gouvernement fédéral, du gouvernement centralisateur, du gouvernement qui veut spolier les droits du Québec. Entre jouer tel jeu plutôt que l'autre jeu, je ne peux pas m'expliquer qu'on opte pour le jeu fédéral dans les circonstances actuelles. (21 h 50)

On pourrait spéculer aussi beaucoup sur cet aveu de certains qui reconnaissent que le coup du fédéral est peut-être un coup bas -ils ne sont pas tout à fait d'accord avec la loi - mais malgré tout on ne veut pas voter pour une motion qui dit que ce n'est pas bien. Cette contradiction dans leur attitude manifeste la contradiction à l'intérieur de leur propre parti. C'est évident. Cette contradiction dans leur attitude en Chambre, quand il s'agit de motions qui consistent à défendre les droits du Québec, révèle à la population les contradictions internes et explique aussi la contradiction dans laquelle le chef de l'Opposition se place constamment.

Il y en a qui sont profédéralistes à tout prix, d'autres qui sont quand même pour défendre les droits du Québec dans ce parti, et devant cette contradiction on aime mieux s'abstenir plutôt que de présenter franchement ses couleurs et de prendre position selon ses convictions.

M. le Président, en terminant, je rappelle les droits du Québec quant à l'intégrité de son territoire, je rappelle la compétence exclusive du Québec à l'égard de ses richesses naturelles et notamment en ce qui concerne l'exploitation, le transport de l'hydroélectricité sur son territoire de même que la vente de cette énergie. Je suis convaincu que les Québécois n'accepteront jamais que ces droits leur soient enlevés. Le territoire québécois appartient aux Québécois, ils en sont les maîtres et ils entendent l'aménager et le développer à leur façon. Il ne peut servir à satisfaire les intérêts des autres au détriment des intérêts de ses propres habitants.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: M. le Président, j'ai vu le député de Roberval se lever; s'il veut intervenir immédiatement, je n'ai vraiment pas d'objection.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président.

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse, brièvement, pour ne pas...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Nous avions convenu, le leader adjoint du gouvernement et moi, qu'après l'intervention de l'honorable député de Chauveau nous ajournerions. Je ne voudrais pas que nous soyons obligés d'interrompre l'intervention du député dans quelques minutes parce que, comme on le sait, de nombreux députés libéraux doivent se rendre dans leur foyer ce soir et on devra, malheureusement, terminer à 22 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: M. le Président, j'ai l'assurance du député de Roberval que cinq minutes lui suffiront pour exprimer le fond de sa pensée. Nous pourrons ajourner à 22 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je serai très bref puisque le temps nous presse et semble presser les gens de l'Opposition. Effectivement, on est bien loin de la période où les Pères de la Confédération avaient accepté de se réunir pour se donner, dans l'intérêt de la communauté, des pouvoirs en commun et faire ce qu'il est convenu d'appeler maintenant le Canada. Cette Confédération, qui voulait qu'on ait des pouvoirs en commun pour le bien de la collectivité, est en train de servir à tout autre chose, à un tout autre but que le but initial.

On avait pensé donner des pouvoirs à un gouvernement central, mais ce qu'on n'avait pas prévu, c'est qu'à un moment donné, pour certains hommes politiques qui iraient faire leur bout de chemin dans ce gouvernement fédéral, le mot "pouvoir" voudrait dire une ingérence totale, une ingérence absolument complète dans tous les domaines, dans tous les secteurs d'activité. On a un exemple aujourd'hui, avec ce qui se passe à Ottawa - on en a eu un récemment - d'un premier ministre fédéral dont le but est de faire du gouvernement fédéral un gouvernement omnipuissant, omniprésent, est en train de violer littéralement nos droits les plus fondamentaux. Cet après-midi, on nous accusait de l'autre côté de faire de la propagande. Je vous dis et je demande aux citoyens du Québec si c'est faire de la propagande que d'essayer de sauvegarder son bien, si c'est faire de la propagande que

d'essayer tout naturellement de préserver des droits qui nous ont toujours appartenu, si c'est faire de la propagande que de se défendre contre des attaques aussi basses. Oui, je veux bien être alors le plus grand propagandiste du Québec.

Certains de nos amis d'en face ont déclaré qu'ils étaient d'accord sur le fond. Ils l'ont fait timidement, bien sûr, parce que leurs intérêts divergents les mettent très souvent en contradiction soit avec leur chef, soit entre eux autres. Mais ceux qui ont eu le courage, ceux qui ont eu l'audace de dire que c'était vrai, que ce qui se passe actuellement au fédéral, cela n'avait pas de bon sens, ces gens, j'ai une parcelle d'admiration pour leur courage.

Malheureusement, c'est tout le groupe qu'on aurait dû voir se rallier derrière le gouvernement pour condamner ce vol, ce viol de notre territoire québécois. C'est tout le groupe de l'Opposition qu'on aurait dû voir se lever avec le gouvernement pour poser ce geste de Québécois convaincus, de Québécois mandatés par d'autres Québécois pour venir exercer un certain nombre de pouvoirs, les pouvoirs qu'on a toujours eus et qu'on veut garder à l'Assemblée nationale du Québec. Pour vous montrer, et les citoyens vont le comprendre facilement, que ce projet de loi est tellement condamnable, c'est à peu près tout le monde, à l'exception du Parti libéral fédéral, qui trouve le moyen de le condamner, tantôt sur un aspect, tantôt sur un autre aspect.

Fondamentalement, ce projet de loi ne rallie personne, même pas les petits frères provinciaux, qui se sentent un peu mal pris dans cette situation. Que les conservateurs à Ottawa, que le Nouveau parti démocratique, que les libéraux provinciaux qui ont encore le courage de dire quelque chose publiquement et que les membres de ce gouvernement s'allient d'une certaine façon sur le fond de la question, c'est là, je pense, pour nos citoyens, la plus belle preuve que ce projet de loi est inacceptable. Cet après-midi, c'est le député de Vimont qui avait un exemple tout à fait juste et qui est susceptible de nous faire comprendre toute la dimension de ce geste bas, quand il parlait de la corde à linge. Si un de nos voisins décidait, si une municipalité décidait, au nom de l'intérêt public, au nom de l'intérêt d'un voisin, de faire passer une corde à linge au milieu de notre jardin, je ne sais pas s'il y a beaucoup de citoyens au Québec qui accepteraient une situation aussi aberrante que celle-là. Se lever pour condamner une attitude comme celle-là et résister farouchement à un projet aussi bas, je pense que ce sont les deux côtés de cette Chambre qui devraient le faire.

M. le Président, je suggérerais, en terminant - puisque vous me faites signe que mon temps achève déjà - à l'ensemble des citoyens du Québec d'assaillir littéralement les bureaux des députés fédéraux afin de leur faire savoir notre mécontentement, afin qu'on leur dise qu'on ne veut pas d'un projet de loi qui risque d'amputer le Québec, notre pays qui nous appartient, d'une très grande partie de son territoire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: M. le Président, je pense que nous avons fait une bonne semaine.

Une voix: ... moins fort...

M. Fréchette: Oui. De toute façon, je fais motion, M. le Président, pour que nous ajournions nos travaux au mardi 25 mai, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont ajournés à mardi, 14 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

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