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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 20 mars 1985 - Vol. 28 N° 39

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures une minute)

Le Président: À l'ordre! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez prendre vos places.

Présentation du haut-commissaire de l'Inde

Vous me permettrez de présenter aux quelques collègues matinaux qui sont ici ce matin le haut-commissaire de l'Inde, Son Excellence M. Kalarickal Pranchu Fabian, qui est dans la tribune ce matin.

Reprise du débat sur la motion du premier ministre

Ce sur quoi nous poursuivons le débat aux affaires du jour sur la motion du premier ministre: "Que cette Assemblée reconnaisse l'existence au Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, micmaque, mohawk, montagnaise, naskapie et inuit; "Reconnaisse leurs droits ancestraux existants et les droits inscrits dans les conventions de la Baie James et du Nord québécois et du Nord-Est québécois; "Considère que ces conventions, de même que toute autre convention ou entente future de même nature, ont valeur de traités; "Souscrive à la démarche que le gouvernement a engagée avec les autochtones afin de mieux reconnaître et préciser leurs droits, cette démarche s'appuyant à la fois sur la légitimité historique et sur l'importance pour la société québécoise d'établir avec les autochtones des rapports harmonieux fondés sur le respect des droits et la confiance mutuelle; "Presse le gouvernement de poursuivre les négociations avec les nations autochtones en se fondant, sans s'y limiter, sur les quinze principes qu'il a approuvés le 9 février 1983 en réponse aux propositions qui lui ont été transmises le 30 novembre 1982 et à conclure avec les nations qui le désirent ou l'une ou l'autre des bandes qui les constituent des ententes leur assurant l'exercice: "a) du droit à l'autonomie au sein du Québec; "b) du droit à leur culture, leur langue, leurs traditions; "c) du droit de posséder et de contrôler des terres; "d) du droit de chasser, pêcher, piéger, récolter et participer à la gestion des ressources fauniques; "e) du droit de participer au développement économique du Québec et d'en bénéficier, "de façon à leur permettre de se développer en tant que nations distinctes ayant leur identité propre et exerçant leurs droits au sein du Québec. "Déclare que les droits des autochtones s'appliquent également aux hommes et aux femmes; "Affirme sa volonté de protéger dans ses lois fondamentales les droits inscrits dans les ententes conclues avec les nations autochtones du Québec; et "Convienne que soit établi un forum parlementaire permanent permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins".

Je cède la parole au député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: Merci, M. le Président. Effectivement, cette motion s'adresse aux droits des autochtones. Je crois que s'il y a une déclaration, une proposition, une motion à cette session, qui doit être considérée en premier lieu ce doit sûrement être la motion qui touche les autochtones.

Au moment même où le peuple québécois tient à mettre en évidence sa propre spécificité dans toutes ses dimensions, je pense qu'il est opportun que le gouvernement du Québec perçoive et reconnaisse qu'un pareil projet ne peut avoir de sens que si on arrive à tenir rigoureusement compte de la spécificité de nos peuples autochtones. À mon avis, une telle spécificité exige que le gouvernement du Québec s'engage à régler le très lourd contentieux politique autochtone dans la justice, la dignité et le respect de ces droits collectifs.

Je vous ferai part, d'abord, de quelques données pour vous permettre de voir le portrait de la population autochtone québécoise. Près de 35% des Indiens du Québec habitent les régions urbanisées du sud comme les Hurons, les Mohawks, les Abénaquis et les Micmacs, tandis qu'à peu près 65% se retrouvent dans les zones plus nordiques et moins urbanisées, par exemple, les Attikameks, les Montagnais, les Cris et les Algonquins. Ces huit groupes représentent deux grandes familles linguistiques au Québec. Tous ces gens sont regroupés dans une quarantaine de communautés dont la plupart ont le statut juridique de bandes occupant des réserves. Ils sont répartis un peu partout sur le territoire québécois. Les Inuit, quant à eux, habitent les quatorze

villages, comme on le sait, entre la baie d'Ungava et la baie d'Hudson sur la côte arctique du Québec et ils regroupent des villages comme Povungnituk, Ivujivik, Saglouc, Ikaluit, Koartak, Quaqtac. Ce sont les Inuit d'à peu près quatorze villages regroupant un nombre d'environ 1400 personnes dans les petits villages.

Le contentieux autochtone existe depuis fort longtemps. Plusieurs des droits de cette population étaient d'ailleurs énoncés dans une clause que la France elle-même avait insérée dans l'Acte de capitulation de Montréal, clause reprise en 1763 dans une proclamation du roi d'Angleterre, des droits d'ailleurs qui étaient reconduits en 1912 au moment où le Québec a fait l'acquisition d'un certain nombre de terres de Rupert.

Il est à noter, cependant, dans le contexte de cette motion que la motion s'adresse à la reconnaissance que le Québec doit aux autochtones - c'est important - la reconnaissance des nations autochtones, la reconnaissance de leurs droits ancestraux, la reconnaissance des droits à leur culture, leur autonomie au sein du Québec. Mais, à mon avis, la reconnaissance appelle le respect et, le respect, cela ne se légifère pas.

La motion du premier ministre portant sur la reconnaissance des droits des autochtones repose, selon mon analyse, sur trois principes. Premièrement, une mise en garde que le gouvernement se donne lui-même, c'est-à-dire qu'on rejette implicitement au moins toute tentative de définir l'avenir des autochtones à leur place. Il revient donc d'abord à ces communautés de décider de leur développement. Pour quelqu'un, comme d'autres, qui a passé beaucoup de temps avec les communautés du Nord, particulièrement les Inuit mais aussi avec les bandes du Sud, je pense que si on apprend quelque chose, Dieu sait qu'on apprend tout le temps de leur culture, de leurs traditions, de leur système démocratique, tout gouvernement devrait rejeter toute tentative de définir leur politique à leur place.

Il y a un deuxième principe que j'ai vu, M. le Président, et c'est celui-ci: Que les autochtones, sous prétexte que l'on respecte leur autonomie, ont droit à un appui formel, positif et actif de l'État québécois dans la poursuite de leurs mêmes objectifs. Voilà les deux principes.

Le troisième principe que j'ai déniché dans cette motion de ce matin est le suivant: En vue de concilier ces trois principes, je crois que les autochtones doivent garder la responsabilité d'inventer les institutions qui leur conviennent. Il n'y a rien de pis si en reconnaissant certains droits, le droit à la culture, le droit de s'exprimer, le droit à leurs institutions, si on voulait par la suite inventer et même imposer les institutions qu'ils voudraient, eux, créer, inventer et façonner selon leurs propres priorités. À cet égard, je pense que le gouvernement du Québec, sans se péter les bretelles, peut dire au moins qu'on a fait pas mal d'efforts pour, justement, faire en sorte que nos lois, nos directives, nos règlements, émanant de l'Exécutif et de l'administration publique, soient flexibles. Souvent, trop souvent, les lois du Sud, celles du Blanc, s'accommodent mal aux moeurs des autochtones. (10 h 10)

Je peux vous donner deux exemples. Sans entrer dans les détails, on avait quelque chose qui était assez épineux dans les villages de Povungnituk, Saglouc et Ivujivik, il y a quatre ans, concernant une question d'école. Bref, ces trois villages ne voulaient pas respecter le mandat confié par la loi du Sud pour cette partie du nouveau Québec. Ils ne respectaient donc pas la responsabilité de la Commission scolaire du nouveau Québec. Je me souviens des discussions longues et difficules qu'on a eues avec les responsables. Finalement, le gouvernement du Québec a signé un accord avec les villages qui étaient devenus les villages dissidents et qui avaient d'ailleurs leurs propres revendications face à la convention de la Baie James. Il y avait une entente de signée. Jusqu'à ce moment-ci, cela va bien, c'est la souplesse que le législateur, je pense, a apportée dans la mise en application de sa propre loi.

On a vu dernièrement la même chose -on s'en souvient également - c'était avec la communauté mohawk, la bande mohawk à la réserve de Caughnawaga. La question de la construction d'un hôpital et la gestion du même hôpital par les autochtones s'est avérée un net et un franc succès. J'ai rencontré Andrew Delisle au colloque international qu'on a eu, la semaine dernière, au Château Frontenac, sur les droits des minorités. On avait reçu, d'ailleurs, la visite de Peres de Cuellar, secrétaire général des Nations Unies qui pouvait parler du problème des minorités dans le monde, les minorités visibles. Il y avait également une partie de la conférence qui était adressée aux autochtones. Lorsque j'ai parlé à Andrew Delisle, il a dit: Chez nous, les questions de l'hôpital, cela fonctionne très bien. Un exemple de souplesse de la part du législateur face aux priorités des autochtones.

On ne rendrait pas justice à la vérité si on ne signifiait pas au moins d'une manière modeste, ne serait-ce que pour les fins de la comparaison, que la motion d'aujourd'hui a une portée particulière, et dans son application, elle va beaucoup plus loin que des dispositions semblables dans d'autres Législatures provinciales au Canada. Pour ma part, de telles garanties devraient normalement trouver leur place dans une constitution du Québec. J'appuie

formellement la motion, mais je pense que beaucoup de préoccupations enregistrées par l'Opposition et de notre côté, à savoir de quelle manière on peut renforcer les droits, devraient trouver une solution raisonnable, juste et équitable dans une constitution québécoise. Je reviendrai là-dessus un peu plus tard.

Il a aussi été question plus tôt dans le débat d'enchâsser de tels droits dans la constitution du Canada, mais, à cet égard, j'aurais deux préoccupations; cela touche les préoccupations soulignées hier par le député de Mont-Royal. Mes préoccupations sont les suivantes. D'abord, comment le gouvernement du Québec pourrait-il transférer - n'importe quel gouvernement du Québec - ses propres compétences en matière d'éducation, de culture, de santé et de communications au gouvernement fédéral, peu importe le gouvernement? Et ma deuxième préoccupation est la suivante, non moins réaliste et pragmatique: De quelle manière le sort des autochtones pourrait-il être amélioré si une province, devançant déjà les provinces partenaires dans la reconnaissance des droits des autochtones, décide de ne rien enchâsser dans une constitution propre à elle, avant même l'enchâssement dans la constitution du Canada? Ce serait un geste répugnant. Ce serait une manière de retarder la reconnaissance des droits des autochtones et je ne peux pas appuyer la proposition qui a été faite par l'Opposition. Non, je pense qu'un progrès se fait par un chemin plus rapide et moins hasardeux si l'Assemblée nationale du Québec adopte une politique claire, précise, progressiste, et cela, dans les plus brefs délais par cette Assemblée, et de façon unanime.

I should like to express a few words to our native communities who do not speak French, because the thrust and the purpose of this motion, Mr. Speaker, cannot be underestimated. And, as I was saying before, there is very little that can be found in Provincial Legislatures throughout Canada that can be comparable to the kind of declaration which we are voting today. Because it is a start and it is a bold start.

It says: "The Assembly recognizes the existence of the Abenaqui, Algonquin, Attikamek, Cri, Huron, Micmac, Mohawk, Montagnais, Naskapi and, of course, the Inuit nations". Recognition is a word, at least in English and as much in French, which goes a long way. You cannot recognize somebody or you cannot recognize an institution without certain responsibilities being accrued... to the person who is making the recognition. If I recognize you as the Speaker, it is because you have a certain function, a delegated function and that recognition has certain obligations on me and on my colleagues. That is the whole philosophy of the notion of recognition.

Secondly, we recognize existing ancestral rights and rights drawn up, for example, in the James Bay Agreement. Because, very often in the past, rights, even though the were supposedly existing, (the ancestral rights in particular) were very much questioned under the philosophy that the conqueror took away all rights.

Thirdly, this Legislature, the National Assembly, considers these agreements and future conventions, which we may draw up, as having the value of a treaty. That, I think, is a sacred word to the native peoples. To put your signature to something means to give your honor and a treaty is something which goes far beyond a symbolic reference to recognition.

The Legislature supports also the steps the Government is taking to better recognize and clarify their rights. This, obviously, is based on the historical legitimacy and on the importance for Québec society to have harmonious ties with its native peoples, based of their respect, on the respect for their rights and on a certain mutual confidence. I think, with respect to the number of meetings that we have had with the native peoples over the last seven or eight years, with summits, mini-summits, whether it was in Fort Chimo, whether it was in Povungnituk or Saglouc, whether it was in Poste-de-la-Baleine or whether it was in Québec city, I think that we can say that we have made progress. I refer to a discussion I had sometime ago with Billy Diamond and similarly with Andrew Delisle, this kind of progress, this kind of climate takes time, takes understanding. That is the spirit of that part of the motion today. This Legislature supports these steps of the Government, steps that have been taken already to better recognize and clarify their rights as they have been worked out in the meetings. This step is based not only on the historical legitimacy of their claims, but also on the importance of Québec society to have harmonious ties its Native peoples.

I think that this is some thing which we have neglected in the past. Very often, prejudice and the prejudice that has resulted from prejudice - here, we are talking about the Native peoples when they come to live in the South, or work temporarily in the South - are based on ignorance. How much more we can do as a Government and the institution responsible for carrying out this policy to in fact reduce that kind of prejudice to better integrate and welcome Native peoples into the mainstream of Québec life in the degree in which they would choose themselves. (10 h 20)

And so further, to press the Government - this is the last part of the proposal - to pursue its negotiations with

Native peoples on the basis of the 15 principles which they themselves drew up on the 9th of February 1983 with a view, obviously, to drawing up new agreements... I do not think that the Government can easily ignore the proposition which was put to them on the 9th of February 1983. We have a first reply to that, from the Government of Québec, the National Assembly, Members of the National Assembly, this morning. But that has to be followed up in a very practical way. I think that our Legislature, the National Assembly, has the vocation, the role and the mission to remember to the Government, to recall to the Government what are those 15 principles and to what extent they can be followed through.

But to give a very practical example today - here, I conclude, Mr. Speaker - we already allude right to the very beginning -this is a step forward, I think, and I hope that other provinces throughout Canada are listening - the right to autonomy in Québec, the right to culture, language and traditions. We know, for example, the efforts which have been made by SAGMAI and Government institutions to translate material into Native languages, to allow justice to be made accessible in Native tongues and to have a cultural and socio-cultural framework whereby the language and the culture can be respected. There is no one culture which is precisely and exactly like another.

Thirdly, the right to possess but, no less important, the right to dispose of their lands, the right to hunt, to fish and to trap, the right to take part in the economic development of Québec and benefit from it, in order that the native groups may develop their own distinct and recognized nations in Québec.

In addition, this contentious issue, which has suffered so much at the hands of a federal policy which is outdated, inapplicable and downright prejudicial to women's interest in Canada and in Québec, the National Assembly, if this is voted, declares that native rights apply to men and women.

Finally, the National Assembly affirms that it has the will to respect the rights of Natives and to respect the treaties. The National Assembly agrees more over in a final disposition of this motion, to set up a permanent parliamentary forum where Native people can make known their rights, their needs and their aspirations.

I think that that is one of the most important recommendation out of this motion, precisely that the native people can find here, in the National Assembly, a reflection, as well as a respect, for their own aspirations, for their own needs, because if Québec is anything of value to itself, it is a value to the people of the outside world by its own collectivity. That includes not francophone, not anglophone, but primarily the founders, the first inhabitants of this land which go back many thousand of years long before the francophone or the anglophone.

This is our heritage which we are proud and hopefully the motion before the floor this morning, Mr. Speaker, will be a modest gestuse to all that recognition of the grand inheritance that we have received, as Quebeckers, from our own Native peoples. Je vous remercie.

Une voix: Très bien!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Charlesbourg.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté: M. le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole ce matin sur la motion déposée par le premier ministre et à propos de laquelle le député de Mont-Royal a fait part des intentions du Parti libéral de voter contre pour certaines raisons que je vais tenter de vous expliquer dans les quelques minutes qui sont mises à ma disposition.

Pour une bonne compréhension du dossier, il s'agit de faire un rappel de certains événements qui se sont produits principalement depuis novembre 1982. Souvenons-nous que le 30 novembre 1982 les autochtones faisaient parvenir au premier ministre une lettre dans laquelle ils revendiquaient quinze points.

Le 10 février 1983, quelque quatre mois plus tard, le premier ministre répondait sur certains points de la lettre du mois de novembre des autochtones, ce qu'on peut appeler une réponse restrictive quant à la portée des revendications des autochtones.

En mars 1983 - tout cela se tassait, c'était important de créer de l'animation, il y avait une conférence constitutionnelle sur les droits des autochtones qui se tenait à Ottawa. Il faut se rappeler que M. Trudeau était encore, à l'époque, premier ministre du Canada. M. Lévesque a fait un choix personnel. Frustré de ce qui s'était produit en 1981, aux lendemains de l'élection, M. Lévesque a décidé de participer aux conférences constitutionnelles, mais à titre d'observateur. Il est donc allé à la conférence, à titre d'observateur, n'utilisant pas son droit de parole alors que les autochtones avaient dit au premier ministre, à l'époque: Soyez pleinement conscient qu'en étant observateur, vous ne défendez pas les droits des autochtones du Québec. C'est exactement ce qui s'est passé.

Le 1er novembre 1983, les autochtones font des contre-propositions au premier ministre, en réponse à sa lettre du 10 février. Le 24 novembre 1983, en commission

parlementaire, ici même à l'Assemblée, le premier ministre s'engage à déposer devant l'Assemblée nationale une résolution - c'était il y a deux ans - et le premier ministre espère même aller plus loin que ce qui a été discuté en commission. On verra tantôt les conséquences de tout cela.

Décembre 1983, préparation d'une résolution qui ne sera d'ailleurs jamais déposée devant l'Assemblée. Cette résolution allait beaucoup plus loin que celle qui est devant l'Assemblée actuellement. Ce qu'il faut cependant dire, c'est que les autochtones, même si cela allait plus loin, n'étaient pas satisfaits de cette résolution.

Décembre 1984, le premier ministre dépose la résolution qui est devant cette Assemblée, sans aucune espèce de consultation des personnes visées qui auront à vivre avec cette résolution.

Janvier 1985, télégrammes, lettres des autochtones qui se sentent lésés - aucune consultation - et qui n'acceptent pas du tout le libellé et le texte de la motion déposée par le premier ministre. Nous sommes aujourd'hui en mars où le temps presse d'adopter une résolution, parce que en avril se tiendra à Ottawa une nouvelle conférence constitutionnelle sur les droits des autochtones et il faut que le premier ministre aille là-bas - maintenant que les beaux risques sont à l'ordre du jour -défendre les droits des autochtones. Cela prend donc une résolution de l'Assemblée, sans nécessairement avoir reçu l'appui et l'accord des autochtones, des personnes directement visées par la résolution.

Je voudrais, à ce moment-ci, puisque le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et député du Lac-Saint-Jean est venu hier soir nous lire un texte certainement préparé par un de ses fonctionnaires qui s'occupent du dossier, un texte avec lequel, d'ailleurs, il ne semblait pas du tout à l'aise. Le texte était en deux temps: il parlait d'hier et de demain. Hier, le ministre se félicitait que son gouvernement ait réussi à signer des ententes quant à l'exploitation de certaines rivières à saumon, quant au prélèvement de la ressource avec les autochtones dans différentes rivières de la Gaspésie et de la Côte-Nord. Le ministre, tout pompeux, disait: C'est une première, on a réussi à s'entendre. Hier matin, lors de l'étude des engagements financiers, il disait: On espère avoir des ententes à plus longue portée, de trois ou cinq ans même, pour éviter les répétitions des affrontements du passé. Ce que le ministre a oublié de nous dire, c'est que ces ententes ont été forcées par des manifestations des autochtones. Ce que le ministre a oublié de nous dire, c'est que l'un de ses prédécesseurs à la tête du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, l'ex-député de Saguenay, avait, lui, pris la méthode forte pour régler les problèmes au niveau de Restigouche. De quelle manière avait-il qualifié les autochtones à l'époque? C'est un langage qui lui appartient et l'histoire le jugera quant à sa pensée sur les droits des autochtones. Le ministre n'en a pas parlé hier. (10 h 30)

Deuxièmement, comme réalisation extraordinaire, le ministre nous disait: À l'intérieur de la résolution il y a reconnaissance de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, droit confirmé officiellement par la motion. Comme si c'était extraordinaire! Il a oublié de dire que cette convention a été signée sous un gouvernement libéral grâce aux bons offices du député de Mont-Royal qui a négocié avec les autochtones et qui s'y connatt grandement dans ce domaine et qu'une loi adoptée par l'Assemblée nationale reconnaît tous ces droits déjà. Ce n'est pas une motion de dernière minute du premier ministre qui va ajouter au poids de cette loi.

Ayant parlé d'hier, c'était cela le bilan au niveau des autochtones. Il dit: Maintenant, envisageons l'avenir. Qu'est-ce qu'on peut offrir? Actuellement, on est en négociation ou on amorce des négociations dans le but de concéder des territoires additionnels pour les autochtones. On a pensé à deux moyens: des concessions réservées uniquement à l'utilisation d'autochtones et des pourvoiries et des sociétés de gestion qui seraient administrées et gérées par des autochtones mais auxquelles tous les Québécois ou les étrangers auraient accès en y payant un droit et administrées par les autochtones.

Le ministre est venu nous dire cela, hier soir, dans un discours parce qu'il en a été question au ministère hier. On a même défini deux territoires potentiels que la communauté huronne de la région de Québec qui revendique depuis de nombreuses années un territoire à elle pourrrait avoir. On a parlé d'un territoire aux alentours de La Malbaie et on a parlé d'un territoire près du Triton.

Le ministre aurait pu aller aussi loin que cela et dire que c'est très avancé, qu'on progresse, qu'on a même déterminé des territoires et qu'on se dirige vers cela. Il n'en a pas parlé. Il a parlé des grands principes. Après cela, c'est fini. Le ministre est revenu, comme lui seul est capable de le faire, à son théâtre: Des mots, bonne prononciation, des mots, des mots, sans aucune espèce de substance.

Mais pour être capable de juger si le ministre, dans le peu qu'il a avancé, est sérieux, si on peut comme d'autres prendre sa parole, il faut aller vérifier dans le passé ce qui s'est fait au ministère. Prenons un exemple où les autochtones sont directement impliqués: les caribous. On se souviendra de la tragédie des caribous: 10 000 caribous noyés dans la rivière Caniapiscau. Quelle a

été l'attitude du ministère? Le ministre actuel n'était pas là à l'époque; c'était son prédécesseur mais il doit assumer les responsabilités de son prédécesseur.

Dans un document rendu public par l'Opposition libérale qui a fait une analyse très sérieuse du dossier, on a conclu à une incompétence crasse du ministère tant dans la conservation de la faune que dans l'administration de la Loi sur la conservation de la faune. Il y a des questions qui se posent et qui se sont posées. M. le Président, je ne veux pas les reprendre toutes mais il y a des constatations très sérieuses.

Souvenez-vous à l'époque, en plus d'avoir noyé les caribous, pour tenter de noyer le poisson, pour que la responsabilité ne revienne pas sur le ministère, il y a un brillant en communications du MLCP qui avait décidé qu'il y avait une étude sur la commercialisation du caribou et on l'a sortie en même temps pour mettre le focus sur la commercialisation, possibilité de création d'emplois dans le Nord et d'exploitation du troupeau de caribous à des fins commerciales. On a dévié du débat et on a dit parfait, oublions cela.

On n'en a plus entendu parler sauf hier, aux engagements financiers du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, où le ministre est venu nous dire: Oui, c'est prévu pour une exploitation en 1987, mais entre-temps on doit compléter les études quant au sexe des animaux, quant à la proportion des petits par rapport aux mâles, par rapport aux adultes. Toute une série d'études qui sont encore à être données par le ministère de façon à éclairer le dossier. C'est ce que le ministre est venu nous dire hier. Il aurait pu nous dire: Je ne connais pas le dossier - cela aurait été bien plus honnête - et je reconnais que le ministère n'a pas fait son travail dans le cas des caribous et nuit ainsi finalement à tous les droits des autochtones.

Ce qui est étonnant, M. le Président, c'est que le ministère a été avisé, et c'est sur ce point que je veux insister. Le 25 septembre 1984, les autochtones - c'est quelques jours avant la tragédie - ont avisé le ministère qu'il se préparait une catastrophe parce que le niveau de l'eau de la Caniapiscau était très élevé, même le double du niveau habituel. Qu'est-ce qu'on a eu comme réaction du ministère? Rien! La catastrophe se produit. La réponse du ministère: C'est une hécatombe, bien sûr, mais c'est un phénomène de la nature, c'est la nature qui est responsable de cela. Lorsque j'ai interrogé le ministre hier sur le rapport interne du ministère dont un biologiste a laissé couler une partie en disant que c'était effectivement une catastrophe naturelle, ils l'ont remis au SAGMAI. Mais on n'est même pas sûr qu'on va le rendre public parce que peut-être que cela irait à l'encontre de la SEBJ et peut-être que cela irait à l'encontre du SAGMAI aussi en termes de rapport. Donc, dans un cas comme celui-là, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche est sous la tutelle du SAGMAI. Quand le ministre vient nous ronronner des intentions, comme il l'a fait hier, cela ne fait pas sérieux. C'est comme un gars qui vient faire du théâtre et dire des mots, et il est un spécialiste dans ce domaine au ministère.

On a donc l'expérience des caribous. Elle est là, l'expérience. Très bientôt, la vérité sortira quant à la responsabilité du ministère.

M. le Président, il arrive quelquefois qu'on trouve des documents. Pour savoir jusqu'à quel point le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a à sa tête un homme qui prend ses responsabilités, qui s'impose au cabinet, j'ai mis la main sur un rapport du ministère concernant les négociations avec le Conseil Attikamek-Montagnais. Très intéressant! Vous me permettrez de vous en lire un petit bout, cela va vous dire très nettement où se situe le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche dans toutes les négociations. Ce qui veut dire que M. Gourdeau, du SAGMAI, peut dire au ministre, député de Lac-Saint-Jean: Tu n'as pas beaucoup d'expérience, petit garçon, tasse-toi donc un peu! Laisse-nous aller et on t'apprendra ce qu'on va décider. Il est dit textuellement dans le rapport, à la page 7: "Le Québec n'a pas encore défini clairement sa politique de négociation, mais il a clarifié plusieurs points en réponse à une demande expresse faite par le CAM." On fait référence aux quinze points que les autochtones ont revendiqués auprès du premier ministre. C'est là que cela devient intéressant: "Des comités de travail ont été formés: un comité d'orientation, un comité de stratégie. Plusieurs réunions ont eu lieu; 12 à ce jour du comité de stratégie où le MLCP est présent. Malheureusement, le MLCP n'est pas représenté au comité d'orientation." D'une certaine façon, voici ce qu'on dit au député de Lac-Saint-Jean, ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche: Vous pouvez assister aux réunions du comité de stratégie pour vous informer un peu où on s'en va, mais sur le plan de l'orientation, ne vous mettez pas le nez là-dedans, vous n'avez pas affaire à cela! C'est clair, c'est écrit dans leur propre document. Quand le ministre vient ronronner ici en nous disant qu'il va défendre les droits des autochtones, je pense qu'il ne faut pas un faiblard pour défendre les droits des autochtones, mais quelqu'un qui a de la poigne. Quand on considère avec quelle facilité le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a pataugé dans toutes les responsabilités du ministère concernant l'habitat faunique, cela laisse

présager des jours très sombres quant au respect de ce gouvernement des droits des autochtones.

M. le Président, comme il ne me reste que cinq minutes, je voudrais aborder la dernière partie qui est celle de l'intervention personnelle du premier ministre. Mon collègue de Mont-Royal, dans son discours sur la motion, a relevé trois lacunes importantes, trois raisons essentielles qu'il faudrait corriger pour que le Parti libéral vote pour la motion et qu'elle soit conforme au moins à un minimum d'aspirations des autochtones. C'est que le gouvernement, malgré les contre-propositions des autochtones, s'en tient très énergiquement aux positions du premier ministre du 10 février 1983. Je voudrais, à ce moment-ci, ne vous citer qu'un seul exemple de l'intransigeance du premier ministre et voir ce que cela donne en termes concrets. La revendication 14. Qu'est-ce que demandent les autochtones? Ce n'est pas bien compliqué. Je suis convaincu que le député de Mille-Îles peut comprendre cela, même l'adjoint parlementaire du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le député de Limoilou. Revendication 14: "Que tout amendement constitutionnel concernant directement les peuples aborigènes soit soumis à leur consentement". C'est un minimum. C'est leur avenir à eux. C'est la demande des autochtones. (10 h 40)

Voici ce que répond le premier ministre: "S'il légifère sur des sujets qui concernent les droits fondamentaux reconnus par les nations autochtones, le Québec s'engage à les consulter par le truchement de mécanismes déterminés avec elles." Dans l'exercice, dans la pratique aujourd'hui, on a une motion qui les concerne. Qu'est-ce qu'on reçoit depuis le mois de janvier? On reçoit des télégrammes, des lettres des autochtones qui disent: On n'a pas été consultés et on ne veut rien savoir de cette résolution parce qu'elle ne correspond pas à nos revendications. Premier point. Le deuxième: Le gouvernement du Québec s'engage formellement à participer aux conférences constitutionnelles. C'est drôle. Du temps où il était séparatiste, du temps où il était indépendantiste, avant le virage, dans la résolution dont on a parlé qui devait être déposée et qui ne l'a jamais été, ce dernier "souscrit à l'engagement solennel pris par le premier ministre que le Québec participe ainsi qu'il l'a fait jusqu'à ce jour à toutes les conférences constitutionnelles qui intéressent directement les autochtones et auxquelles les autochtones désirent qu'il participe." Maintenant qu'ils sont devenus fédéralistes pour le beau risque, on regarde la résolution du premier ministre. Ah! cette partie a été éliminée. Qu'est-ce qui se passe? Donnez-nous des explications. Cela presse, parce que vous êtes dans le trou.

Pierre-Marc Johnson est allé à la dernière conférence constitutionnelle à titre d'observateur, lui, en bon fédéraliste. Lui qui a donné le coup de barre pour le bon virage fédéraliste est allé à une conférence récente. Il dit: Je ne parle pas. Probablement parce qu'il n'avait rien à dire ou parce que, finalement, le beau risque n'en vaut pas la peine. Il va falloir qu'il finisse par montrer ses couleurs. Et, troisième lacune, c'est que les droits des autochtones ne doivent en aucun cas être soumis aux aléas d'un gouvernement provincial ou d'un gouvernement fédéral. L'exigence, c'est que ces droits soient enchâssés dans la constitution et c'est ce que le Québec devrait aller revendiquer à Ottawa.

Deuxièmement, les faits. Le premier ministre, à une commission parlementaire du 23 novembre 1983, disait très clairement, et je le cite: "C'est évident que quant à nous, au moins, sûrement, c'est un strict minimum en ce qui concerne la substance des engagements qui avaient été pris à Ottawa par le gouvernement fédéral. Forcément, on espère aussi pouvoir ajouter des choses qui vont plus loin.", alors qu'actuellement, c'est un recul. Et il disait le lendemain, en conclusion: "On va continuer à participer -j'espère utilement - aux conférences fédérales-provinciales et offrir par ce mécanisme l'occasion - parce que je pense que cela a été utile la dernière fois, au mois de mars 1983 - aux porte-parole des autochtones du Québec qui désirent le faire, de venir avec nous pour s'exprimer librement." Pensez-vous que les autochtones vont y aller, après toute cette ribambelle de promesses qui n'ont pas été tenues?

M. le Président, en conclusion, le premier ministre joue le jeu que son gouvernement a toujours joué. Il veut créer l'illusion qu'il fait quelque chose, mais lorsqu'on analyse la résolution sur le fond, en termes de substance, il n'y a absolument rien là. La résolution est un recul très net par rapport aux engagements pris par le premier ministre au moment de la commission parlementaire. Aujourd'hui, le premier ministre nous demande de le croire. Aujourd'hui, le premier ministre dit: Appuyez notre résolution de façon qu'on puisse aller de manière unanime a Ottawa revendiquer les droits des autochtones. M. le premier ministre, le passé est garant de l'avenir et en ce qui vous concerne, vous et votre gouvernement, vous avez renié l'article 1 de votre programme. Vous avez manqué à votre parole, même à votre signature quant aux conventions collectives signées avec les secteurs public et parapublic. Vous avez manqué à votre parole vis-à-vis des policiers de la Sûreté du Québec...

Une voix: C'est cela.

M. Côté: ...et aujourd'hui, vous voudriez que l'Opposition officielle croie en votre démarche qui n'est même pas un minimum dans la résolution? Nous disons, M. le premier ministre: L'Opposition a déjà joué une fois avec vous. Elle vous a déjà cru une fois. C'est fini. C'est fini dans tous les cas et c'est fini dans ces cas-là. Par le geste que vous avez posé avec votre résolution, vous ne rendez pas service aux autochtones et vous ne défendez pas les droits des autochtones. Le Parti libéral appuiera des motions qui ont de la substance et qui sont appuyées par des personnes qui veulent véritablement défendre les intérêts des autochtones.

Des voix: Bravo!

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Je m'excuse auprès de ma collègue de L'Acadie. Pourriez-vous vérifier si les deux députés péquistes qui sont présents à l'Assemblée nationale ce matin, ajoutés à la douzaine de députés libéraux, constituent effectivement le quorum requis pour que cette Assemblée puisse siéger?

Une voix: Deux députés péquistes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, le leader de l'Opposition sait très bien qu'il y a actuellement une trentaine de députés à deux pas d'ici, qui sont au Conseil des ministres. Il sait très bien qu'il y a aussi des commissions parlementaires qui siègent. Je trouve son attitude un peu mesquine mais, comme c'est conforme au règlement, nous pouvons effectivement demander le quorum.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je fais faire le calcul nécessaire.

M. Gratton: Est-ce que madame...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Nous avons effectivement le quorum sans aucune difficulté. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Si j'ai choisi d'intervenir quelques minutes sur cette résolution présentée par le premier ministre, touchant les droits des autochtones du Québec, c'est que je veux vraiment m'associer aux propos de mes collègues qui dénoncent depuis hier la démarche gouvernementale à cet égard.

Évidemment, c'est peut-être la première fois que, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, mises à part les lois subséquentes à l'adoption de la Convention de la Baie James et qui découlaient de l'application de cette convention, le gouvernement, après huit ans et demi, vient devant nous pour présenter cette résolution. Je ne veux pas non plus passer sous silence que, de fait, il y a eu une commission parlementaire en décembre 1983, à laquelle j'ai participé et où les ministériels, le premier ministre en tête, semblaient souhaiter faire beaucoup pour les peuples autochtones. Aujourd'hui, je pense que c'est le suivi de cette commission parlementaire. Nous nous retrouvons devant une résolution qui, non seulement, ne tient pas compte ou, enfin, tient compte d'une façon très amoindrie des intentions exprimées par le premier ministre à ce moment-là, mais ce qui est encore plus sérieux, c'est qu'on vient, à un moment qui me paraît tout à fait inopportun, présenter à l'Assemblée nationale, pour obtenir son consentement, une résolution qui donnerait au gouvernement un mandat d'aller négocier à rabais des droits que les autochtones réclament depuis fort longtemps, lors de la prochaine réunion constitutionnelle portant sur les droits des autochtones, à Ottawa, en avril prochain. Ce sont des droits sur lesquels le premier ministre avait donné des indications, lors de la commission parlementaire, à savoir qu'il était prêt à y souscrire. Il s'est même engagé à aller plus loin que la démarche fédérale. Aujourd'hui, nous nous retrouvons devant une résolution fort chétive, il faut bien l'admettre.

Mon collègue de Mont-Royal a passablement explicité hier les droits dont il est fait mention dans la résolution du gouvernement. Je ne voudrais revenir que sur deux points, c'est-à-dire sur un qui n'y est pas et sur un autre qui s'y trouve. Le premier est le droit à l'autonomie au sein du Québec. Vous savez, concernant le droit à l'autonomie, qu'il faut se rappeler du régime Duplessis où on parlait aussi de l'autonomie. On n'a jamais su exactement ce que cela voulait dire, sauf qu'on se battait contre le gouvernement fédéral. (10 h 50)

II reste que ce que je pense que les autochtones désirent, c'est certainement une autonomie qui soit qualifiée. Il est fort étonnant qu'alors que le ministre Crosbie à Ottawa parle d'une autonomie politique qu'on pourrait accorder aux peuples autochtones, le gouvernement du Québec, pourtant spécialiste dans ces matières d'autonomie politique, d'autodétermination, etc. s'en tiennent à un terme aussi vague que l'autonomie. Comme

vous le savez, il y a l'autonomie des familles, il y a l'autonomie des individus, il y a l'autonomie des municipalités. Je me demande ce que ceci vient ajouter.

C'est un principe fondamental dans notre société que l'autonomie des individus soit respectée. D'ailleurs, je pense que les peuples autochtones, dans leur réponse au premier ministre du Québec, parlent de ce droit à l'autodétermination. Je cite une réponse à une contre-proposition que le gouvernement leur faisait à la suite des réclamations qu'ils avaient faites au gouvernement en octobre 1982: "Le droit à l'autodétermination des peuples autochtones devrait constituer un principe sous-jacent à notre dialogue avec le Québec de façon que nous, peuples autochtones, puissions mieux régir les questions qui nous touchent et qui touchent nos terres. Le droit à l'autodétermination va beaucoup plus loin que les droits à la culture, à la langue, aux coutumes traditionnelles ainsi qu'au développement de l'identité, droits auxquels le Québec se réfère. Il implique le pouvoir constitutionnellement protégé pour les peuples autochtones d'agir à l'égard d'eux-mêmes, de leurs terres et de leurs ressources, y compris le droit de déterminer la nature de leur relation avec les gouvernements fédéral et provinciaux."

Je pense qu'il n'est pas besoin d'ajouter beaucoup pour démontrer l'insuffisance du premier droit énuméré dans la résolution du premier ministre, c'est-à-dire le droit à l'autonomie au sein du Québec. Depuis, notre société, tant québécoise que canadienne, a beaucoup évolué dans le sens de cette reconnaissance du droit à l'autonomie politique pour les peuples autochtones et c'est presque incompréhensible qu'à ce moment-ci, le gouvernement revienne devant nous avec un droit aussi restrictif et je dirais sans portée réelle dans les faits.

Je voudrais, en deuxième lieu, parler d'un droit qui, lui, n'est pas exprimé dans la liste des droits que l'on retrouve dans la proposition. Je veux parler du droit des autochtones d'avoir leurs propres institutions, de pouvoir les gérer, de pouvoir décider de leurs orientations selon leurs besoins propres. Je fais particulièrement référence aux institutions dans le domaine social et dans le domaine de l'éducation.

M. le Président, vous savez qu'il est extrêmement important pour les autochtones d'être assurés d'avoir leurs propres institutions - que, dans le contexte économique où ils vivent, ils partagent d'une façon fort mitigée, il faut bien l'admettre, malheureusement, avec le reste du Québec -mais il faut aussi leur donner les ressources nécessaires pour que ces institutions fonctionnent. Et ceci n'est pas du luxe. Faut-il se rappeler en 1982 - ce gouvernement était déjà au pouvoir depuis certainement six ans à ce moment-là - des articles qui condamnaient l'attitude du gouvernement du Québec, particulièrement du ministère des Affaires sociales et du ministère de l'Environnement, concernant les conditions de vie, de santé et d'hygiène générale des communautés autochtones, particulièrement des communautés inuit du Grand-Nord où, à la suite de la convention de la Baie James, le gouvernement s'était engagé à justement servir et permettre à cette nation d'avoir ses institutions propres et faire en sorte, avec les ressources suffisantes, de les faire fonctionner d'une façon adéquate.

Pourtant, tout ce que l'on retrouve dans les communiqués du temps, dans les articles de journaux du temps et dans les études qui, à ce moment-là, ont été faites, par exemple, par certains anthropologues, par certains médecins - je me rappelle, entre autres, une étude d'un médecin du Montreal Children's Hospital - c'est le terme "le tiers monde au Québec", au plan de la santé, chez les communautés autochtones. Même avec cette assurance que lui donnaient les suites de la convention, ce qui était convenu dans les ententes de la convention de la Baie James, on se retrouvait devant une situation pitoyable et, je n'hésite pas à le dire, honteuse pour ceux qui avaient la responsabilité d'assumer cette qualité de services pourtant si fondamentaux et essentiels pour ces populations.

Aujourd'hui il n'est même pas fait mention de ces institutions, M. le Président. On est silencieux là-dessus. Que faut-il penser? Je voudrais citer ici encore une fois cette réplique que les peuples autochtones envoyaient au premier ministre du Québec à la fin de novembre 1983: "Le Québec doit reconnaître le droit constitutionnel des peuples autochtones à leurs propres institutions et ne pas soumettre ce droit à son appréciation des besoins des peuples autochtones." On sait fort bien - et ceci n'est pas particulier au gouvernement du Québec, je pense que c'est particulier à tous les gouvernements du Canada - combien, par exemple, dans le domaine de l'éducation, en dépit de ressources éducatives qu'on disait mettre à la disposition des peuples autochtones, on a fait fausse route, si bien que, malgré eux, les peuples autochtones ont été décimés au plan culturel, ont été intégrés à un rythme plus ou moins rapide, selon les communautés, aux populations blanches du Sud faisant fi de la tradition millénaire que ces peuples avaient au plan culturel.

Je pense que, quand ils indiquent de ne pas soumettre ce droit à son appréciation des besoins des peuples autochtones, on indique que si ce sont les autochtones eux-mêmes qui gèrent vraiment, décident des orientations et pensent leurs propres

institutions, on a beaucoup plus de chance que ce droit, auquel on fait référence dans la motion, à leur culture, leur langue et leur tradition, soit véritablement respecté. Mais encore faut-il s'assurer que ce droit s'incarne dans quelque chose, et il ne peut s'incarner que dans des institutions qui seront au service des communautés.

M. le Président, je voudrais ici revenir sur une couple d'arguments que mes collègues ont invoqués. Si j'y reviens c'est que je pense que c'est important. Il est extrêmement difficile de comprendre pourquoi, alors que les communautés elles-mêmes ont fait des représentations, pas plus tard que is jours derniers ou les semaines dernières, au sujet de cette motion qui est devant nous, elle serait adoptée - fort malheureusement, avec la majorité gouvernementale, elle sera probablement acceptée sans même qu'on les ait consultés, et ils s'élevaient contre ce fait.

Je sais que des fois le gouvernement ne s'embarrasse pas dans les fleurs du tapis quand il s'agit pour lui d'imposer quelque chose, mais je voudrais quand même qu'en cette occasion particulière il y ait une relation véritable entre les discours, les principes qu'on évoque et la pratique. Je pense qu'il n'y a pas un député dans cette Chambre qui oserait nier que les peuples autochtones au Canada et au Québec, dans le cas qui nous préoccupe, ont des droits qui sont bien antérieurs aux droits que nous présumons avoir. À cet égard, je dirais que dans les deux dernières décennies s'est développée, fort heureusement, une sensibilité des citoyens et de la population à l'égard des droits des peuples autochtones. Pour moi il apparaît inconcevable qu'à ce moment-ci nous adoptions une motion qui, d'abord, est en deçà des engagements que le premier ministre a pris, en deçà de ce que le gouvernement fédéral est prêt à faire adopter, puisqu'il a parlé, comme je le disais tout à l'heure, d'autonomie politique et que nous parlons strictement d'autonomie, et que nous adoptions ceci pendant que les principaux intéressés, à qui on accorde au moins dans nos discours un statut très particulier dans notre pays, sont oubliés. Cela me semble absolument inconcevable. Je pense que le premier ministre a dû être mal informé des réactions des peuples autochtones à l'égard de cette motion parce que je ne comprends pas qu'il puisse persister dans la démarche qu'il est en train de demander à l'Assemblée nationale. (11 heures)

M. le Président, il me semble aussi tout à fait injuste à l'endroit des peuples autochtones que, si nous acceptons cette résolution, nous allons affaiblir leur position à la table de négociation touchant les droits des autochtones qui se tiendra en avril prochain au Canada. Comment voulez-vous que le gouvernement fédéral, devant des représentations des autochtones du Québec, puisse agir avec une extrême prudence quand il aura devant lui une résolution émanant de l'Assemblée nationale du Québec qui est en deçà de ce que lui-même est prêt à offrir aux autochtones de crainte de soulever des conflits de juridictions?

Je demande au premier ministre - il est encore temps... J'ai entends des députés du côté ministériel dire: Enfin, ce n'est pas aussi loin qu'on voudrait aller, mais on pose un geste positif. À défaut de rien, c'est vrai que c'est un pas en avant et j'aurais mauvaise grâce à ne pas le reconnaître. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que cette résolution ne respecte pas les demandes, fait même fi de certains éléments contenus dans une résolution antérieure que le premier ministre n'a pas déposée en cette Chambre mais qu'il avait remise à certaines personnes, qu'elle est même en deçà de cette résolution. Je pense que, comme Parti libéral, qui... À cet égard, historiquement, on a été comme les autres. Parce que le Parti libéral au Québec existe depuis bien des années, nous n'avons pas toujours eu cette mentalité ouverte. Mais comme je le disais tout à l'heure, au cours des deux dernières décennies, il y a eu une évolution considérable. Je pense que le Parti libéral ne peut pas s'associer à une résolution qui ne reconnaît que d'une façon extrêmement timide les revendications des peuples autochtones et qui, plus est, les met dans une position de faiblesse à une table de négociation. À cela, M. le Président, nous disons: Non, merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, je veux associer ma voix à celles de mes collègues et, je pense bien, à celles de la totalité sinon de l'immense majorité des populations autochtones pour dire notre déception, au fond, face au texte de la résolution présentée par le premier ministre et voulant, semble-t-il, appuyer les revendications historiques légitimes des populations autochtones.

Je pense, comme ma collègue, la députée de L'Acadie, le signalait en terminant son intervention, qu'il y a eu très certainement dans l'évolution de nos sociétés en Amérique du Nord une très grave injustice commise à l'endroit des premiers occupants de notre territoire, c'est-à-dire les populations autochtones. Ce n'est, malheureusement, que dans une période relativement récente que les gouvernements, l'opinion publique, ont reconnu ce comportement injuste à l'endroit de nos

populations autochtones et que, dans divers milieux, des démarches, des initiatives ont été entreprises avec les populations concernées pour essayer de corriger les injustices et, surtout, pour reconnaître la plénitude des droits historiques de ces populations.

D'ailleurs, on n'a qu'à constater, en particulier dans les milieux de jeunes, dans les milieux collégiaux et universitaires, comment cette question de la protection des populations autochtones intéresse, préoccupe l'ensemble de la jeunesse canadienne et de la jeunesse québécoise. Les jeunes adoptent cette nouvelle échelle de valeurs et ils la partagent maintenant de plus en plus avec l'ensemble de nos concitoyens. Je pense bien que tout le monde restera frappé, par exemple, comme autre témoignage d'une évolution des mentalités... Pour ma part, je suis toujours frappé de voir l'intérêt et la préoccupation du chef de l'Église catholique, au cours de ses voyages, de reconnaître, d'appuyer et de sensibiliser l'ensemble de la communauté chrétienne aux droits historiques des populations autochtones. Je pense que le dernier séjour au Canada de Sa Sainteté le pape Jean-Paul II l'a illustré d'une façon absolument remarquable. Il l'a fait ici et il l'a fait également sur d'autres terrritoires.

C'est donc dire, M. le Président, que, lorsque l'on traite d'un sujet comme celui-là, il me semble que le minimum de décence, étant donné que maintenant il existe dans la population une reconnaissance des situations injustes qui ont existé, il me semble qu'on aurait été légitimement en droit de s'attendre de la part du premier ministre du Québec à beaucoup plus de rigueur, d'engagement dans la façon dont il a saisi l'Assemblée nationale de cette résolution.

Ce que mes collègues ont déploré lors du débat que nous venons d'avoir, comme d'ailleurs ce que les populations autochtones elles-mêmes ont déploré, il est inconcevable, mais vraiment inconcevable, que le premier ministre du Québec ait saisi, sur une question aussi importante, l'ensemble de l'Assemblée nationale, sans avoir même pris le temps de consulter les populations concernées qu'il nous dit par sa résolution vouloir appuyer.

Je m'explique très mal, mais vraiment très mal, l'attitude du premier ministre sur cette question et, je n'y vois finalement, à défaut de lui prêter quelque mauvaise intention, ce dont je me garderai, mais je lui vois simplement cette espèce d'improvisation fatiguée qui illustre depuis quatre, cinq, six mois les attitudes de ce gouvernement qui essaie littéralement, non seulement lorsqu'il s'agit des populations autochtones de ce dossier combien important, mais de tellement d'autres dossiers actuellement qui confrontent le gouvernement qui essaie de bâcler les questions.

M. le Président, je pense qu'en procédant de la sorte le premier ministre met l'Assemblée nationale dans un embarras réel parce que mon collègue, le député de Mont-Royal, qui est très au fait des questions des autochtones, tous mes collègues de ce côté et sans doute des collègues de l'autre côté auraient aimé et souhaité pouvoir, pour une fois, d'une façon solennelle et claire, engager l'Assemblée nationale du Québec derrière les revendications légitimes des populations autochtones vivant sur notre territoire. Or, par un défaut de consultation, par un jeu de double résolution, où, dans une première résolution, certaines choses sont mentionnées et, dans une deuxième résolution, ces mêmes choses n'existent plus.

Par le manque de consultation, une question se pose sur la crédibilité même -c'est ce que les populations autochtones, je pense, ont signifié par les télégrammes et la correspondance qu'ils nous ont adressés - et il y a une interrogation. Qu'est-ce qui se cache derrière ces incongruités, derrière ces contradictions, derrière ces demi-affirmations, ces demi-engagements qui sont faits par le premier ministre et par le gouvernement du Québec? Il y a là très certainement une inquiétude légitime et d'autant plus légitime que l'on sait très bien qu'à la conférence du mois d'avril, sur le plan constitutionnel au niveau canadien, sera discutée cette question de façon à enchâsser dans la constitution canadienne, c'est-à-dire au-dessus des velléités ou des prétentions du gouvernement canadien ou du gouvernement du Québec ou du gouvernement des provinces, les droits des populations autochtones.

Évoquant au début de mon intervention le changement de valeurs, cette nouvelle préoccupation que nos jeunes, l'église et la population ont face aux droits des populations autochtones, il me semble qu'il aurait été tellement plus constructif, tellement plus positif que le premier ministre ait pris le temps de consulter les populations autochtones concernées, de s'entendre sur un texte et de venir ici à l'Assemblée nationale. Et, d'une façon solennelle, formelle et décisive, l'Assemblée nationale aurait pu appuyer ce texte et le premier ministre du Québec et les populations autochtones auraient pu alors participer en toute clarté, en toute transparence à la conférence constitutionnelle canadienne sur les droits des autochtones. Je pense qu'il y aurait eu là un pas drôlement significatif dans la correction de l'injustice historique dont les populations autochtones ont été les victimes. (11 h 10)

C'est d'autant plus décevant, M. le Président, que le gouvernement du Québec en tant que tel a quand même eu un passé positif à l'égard des populations autochtones. L'entente de la Baie James, je sais qu'il y a

eu des difficultés d'application en cours de route, mais les droits que ce même gouvernement du Québec a reconnus dans le cadre de l'entente de la Baie James, on ne les retrouve même pas, lorsqu'il s'agit de reconnaître les droits de l'ensemble des populations autochtones. Il me semble que cette entente de 1974 aurait pu au moins inspirer d'une façon beaucoup plus significative et beaucoup plus complète le texte de la résolution que l'Assemblée nationale s'apprête à adopter par une majorité ministérielle que je qualifierai de servile dans la mesure où cette majorité ministérielle qui va adopter cette résolution va le faire non pas tellement contre finalement les réserves et la déception que lui manifestent les députés de l'Opposition, mais elle va adopter une résolution pour les populations autochtones, résolution qui sera contestée et dont les populations autochtones ne veulent même pas, étant donné sa nature et sa rédaction.

M. le Président, un autre aspect, on reconnaît le principe de l'autonomie. Mes collègues l'ont signalé et les populations autochtones l'ont dit, non pas qu'on soit contre l'autonomie, mais il n'y a pas eu dans l'intervention du premier ministre non plus que dans les interventions de nos collègues ministériels un quelconque effort de précision sur ce que l'on devait entendre dans le texte de la résolution par l'expression "autonomie".

Ma collègue, la députée de L'Acadie, mon collègue, le député de Mont-Royal, le député de Charlesbourg et d'autres de mes collègues sont intervenus. On dit: Est-ce qu'il y aura derrière cette expression l'octroi aux populations autochtones des mesures financières ou des ressources humaines, techniques et financières, dis-je, pour assumer la plénitude de cette autonomie que l'on dit reconnaître? Nulle part dans la résolution, il n'est fait mention de cet aspect tellement important. Je pense que, comme Québécois dans la fédération canadienne, cette expression d'autonomie, de respect des droits historiques d'une société comme le Québec, les gouvernements et le gouvernement actuel aussi parlent toujours non seulement de reconnaître ce droit, mais de reconnaître aussi les moyens nécessaires d'exercer ce droit. Il n'y a même pas - cela n'existe pas au niveau des moyens - une définition, une qualification de l'expression "autonomie", alors que, sauf erreur - mon collègue de Mont-Royal pourra me le préciser - le ministre fédéral de la Justice actuellement, M. Crosbie, a très bien précisé, dans une déclaration récente, que le gouvernement canadien était prêt à reconnaître l'autonomie politique aux populations autochtones. Peut-on obtenir de la part d'un quelconque porte-parole gouvernemental au moins une précision analogue à celle-là? S'agit-il d'une autonomie politique, d'un droit de gérer, d'administrer et de se doter, pour les populations autochtones, d'institutions dans le monde de l'éducation, de services de santé et de services sociaux ou de l'administration en général? Est-ce de cela dont on veut parler? Est-ce cette revendication qui est historique aux populations autochtones que l'on veut appuyer? Veut-on appuyer cette reven-Jication? Si c'est cela, qu'on le dise dans les interventions et qu'on le dise dans le texte même de la résolution. C'est ce que les populations autochtones nous ont demandé dans les télégrammes et la correspondance que nous avons reçus. Ne l'ayant pas dit, ne l'ayant pas précisé, les populations autochtones disent au gouvernement du Québec: Nous ne voulons pas de votre résolution. Elle nous est inutile, et tout ce que cette résolution fait, c'est qu'elle nous inquiète quant à la volonté réelle du gouvernement du Québec d'appuyer les revendications des populations autochtones.

Je pense que ma collègue de L'Acadie a énormément insisté là-dessus. Lorsqu'il s'agit des droits d'une communauté, que ce soit la communauté autochtone ou, à l'intérieur du Canada, que ce soit ceux d'autres communautés culturelles, au niveau du droit de se doter et de gérer ses institutions, il me semble que c'est là dans le coeur même du droit fondamental et de ce qui est essentiel à toute communauté qui est minoritaire dans une société quelconque. Pourquoi, alors que l'on revendique souvent cela pour nous ou, par exemple, au niveau canadien, dans le domaine de l'éducation, pour les Canadiens d'expression française en dehors du Québec? C'est le débat central. Il n'est question, finalement, que de cela, du droit de gérer et d'avoir les moyens de gérer les institutions, par exemple, dans le domaine de l'éducation et des services sociaux. On ne reconnaît même pas cela d'une façon explicite dans la motion du gouvernement. Nous demandons au premier ministre, au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et aux autres porte-parole gouvernementaux, comme les populations autochtones: Pourquoi ne le faites-vous pas dans le coeur même d'une motion? Enfin, on n'évoque même pas dans le texte de la motion les droits ou les rapports des communautés autochtones avec le gouvernement canadien en vertu de l'article 91, paragraphe 24. On a aussi demandé que ce soit clairement exprimé.

Pour ces raisons, M. le Président, et pour d'autres que mes collègues ont évoquées, je pense bien que c'est extrêmement difficile pour l'Opposition qui voudrait bien... Avec mon collègue, le député de Mont-Royal, qui est le porte-parole de notre formation politique en la matière, l'expertise qu'il a acquise, sa participation combien éminente et appréciée à la

négociation des ententes de la Baie James et l'intérêt qu'il a toujours manifesté depuis ce temps au dossier des populations autochtones, ce que nous demandons au gouvernement, finalement, c'est: Pourquoi n'avez-vous pas consulté les populations autochtones avant de rédiger votre motion? Pourquoi, maintenant que vous savez que, de toute manière, sur le texte que vous proposez à l'Assemblée nationale, vous n'avez pas l'appui des populations autochtones? Non seulement vous n'avez pas leur appui, mais les populations autochtones vous ont demandé de retirer cette motion parce qu'elle pourrait, dans un avenir immédiat, constituer une entrave à l'avancement et à la définition des droits des populations autochtones. Pourquoi persistez-vous à faire adopter par l'Assemblée nationale une motion dont les premiers bénéficiaires ne veulent pas? Mes collègues l'ont dit: Pourquoi le faites-vous? Pour des raisons probablement politiques, pour faire semblant que vous vous intéressez à un dossier. Il n'y a pas d'autre... Je vois le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui me dit non. Il n'y a pas d'autre raison que celle-là.

Les gens n'en veulent pas, de votre motion, de son texte. Ou bien c'est un refus stratégique du gouvernement du Québec de se commettre réellement en faveur des droits des populations autochtones, ou bien c'est simplement une manoeuvre politique pour feindre un intérêt quelconque pour les droits des populations autochtones. Si j'avais le choix entre les deux hypothèses, j'opterais peut-être pour celle où je dis que le gouvernement du Québec - en somme, c'est peut-être cela, la vraie raison - n'est pas prêt politiquement et financièrement à se commettre réellement et à appuyer réellement les prétentions des populations autochtones du Québec lors de la prochaine conférence constitutionnelle. C'est peut-être ce qui explique, finalement, la prudence, la réserve et, vraiment, le caractère totalement incomplet du texte de la motion que vous avez présentée. D'ailleurs, simplement pour illustrer cela, il y a eu deux motions, comme mes collègues l'ont signalé: il y a celle qui nous a été présentée en décembre 1984 et l'autre qui date de 1983. Il y a déjà une différence dans le texte des deux et cette différence n'est pas favorable à une augmentation des droits des autochtones; elle est plutôt pour une réduction des droits des autochtones.

C'est donc dire qu'on ne peut que conclure - je pense être assez honnête en disant cela; en tout cas, c'est l'interprétation que les populations autochtones ont faite -que le gouvernement du Québec est prêt à appuyer à rabais - malheureusement à rabais - les droits des autochtones puisque, dans une motion antérieure, il appuyait plus de droits, ce qui était encore incomplet, et que dans la motion qu'il nous présente, il y a encore moins d'appui. L'appui est moins significatif. La question fondamentale qu'on pose au gouvernement par le débat que nous avons mené sur cette question et par le vote négatif que nous donnerons au texte de cette motion, appuyés dans cette attitude par les populations autochtones elles-mêmes, ce que nous demandons au gouvernement, c'est pourquoi agissez-vous ainsi? Expliquez-vous. Est-ce que vous croyez vraiment aux droits des populations autochtones? Est-ce que vous êtes prêts, comme gouvernement du Québec, non seulement à donner un appui verbal, un appui par des mots, mais un appui qui traduise l'expression d'une volonté politique claire en faveur des droits des autochtones et surtout d'une volonté politique engagée, c'est-à-dire qu'on appuie les autochtones, qu'on y met les moyens et les ressources nécessaires pour corriger une injustice que tout le monde reconnaît à l'endroit des populations autochtones et reconnaître aussi, pour une fois de la part de votre gouvernement, au delà des mots, puisque, déjà dans l'entente de la Baie James, énormément de choses ont été faites, la légitimité des droits des populations autochtones du Québec, à l'intérieur du Canada. (11 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): En réplique au nom du gouvernement, M. le ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Pierre-Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): J'ai pris connaissance de l'intervention, que je qualifierai de regrettable, du député de Mont-Royal et qui restera sûrement dans nos débats une intervention remarquable par son caractère incomplet, les inexactitudes incroyables qu'elle comporte, l'incompréhension qu'elle manifeste et surtout la nouvelle attitude du Parti libéral en matière constitutionnelle. Incomplète et truffée d'inexactitudes. On nous a cité un télégramme envoyé par un individu, une personne, au nom, prétendait-il, de l'ensemble des nations autochtones. Il nous annonçait dans ce télégramme, non signé par les autres nations autochtones, que des lettres suivraient. Nous avons reçu sept lettres et ces sept lettres prétendaient s'opposer à cette résolution mais elles ne représentaient que 10% des populations autochtones, alors que nous savons que le reste des populations autochtones que nous mentionnons dans cette résolution, que ces peuples et ces nations, dans des échanges fructueux, constants, souvent complexes, avec le gouvernement du Québec depuis plusieurs années, appuient pour l'essentiel cette affirmation, par l'institution qu'est

l'Assemblée nationale québécoise, de leurs droits collectifs.

Deuxièmement, incomplète parce que cela travestit des engagements pris par le premier ministre du Québec qui, pourtant, en novembre 1983, disait que ce serait à l'intérieur des institutions québécoises que nous procéderions à cette reconnaissance des droits collectifs des nations autochtones et non pas dans le cadre du "Canada Bill", pour des raisons évidentes et des raisons que les nations autochtones comprennent. La position du gouvernement, sur cette question à l'égard du "Canada Bill", si elle est comprise par les nations autochtones, ne semble pas l'être par le Parti libéral du Québec.

Inexactitude incroyable quand le député de Mont-Royal nous dit que les nations autochtones réclamaient le droit de veto pour le Québec, alors qu'elles le réclamaient pour elles-mêmes. Incompréhension quant à l'évolution des droits et de l'exercice des droits réels des autochtones sur notre territoire. Depuis 20 ans, des services, des instruments ont été mis de plus en plus à la disposition des nations et des peuples autochtones du Québec. Incompréhension quant à la notion même des droits collectifs. Le député de Mont-Royal, je le sais, a une espèce de réaction allergique et épidermique à la notion même des droits collectifs.

Je vous citerai, à cet effet, Rivero, grand auteur sur les droits individuels et collectifs et Capotorti, qui sont des experts souvent cités aux Nations Unies sur ces questions fondamentales de l'évolution du droit des peuples et du droit des personnes.

Rivero nous dit: "L'homme est indissociable des groupes dont il tient sa vie, sa substance, sa culture. Reconnaître les droits des groupes, c'est affirmer que l'homme, pour être pleinement homme, a des besoins et il a besoin qu'il puisse remplir leurs fonctions à son service. Les droits des groupes ne sont pas autre chose que le droit de l'homme à recevoir des groupes les moyens nécessaires à son épanouissement."

Capotorti, se référant au pacte sur les droits politiques, nous dit que: "Seul l'exercice collectif des droits énoncés à l'article 27 peut garantir le respect du principe de l'égalité réelle et non seulement formelle des personnes appartenant aux groupes minoritaires. La mise en oeuvre de ces droits exige une intervention active et soutenue de la part des États." Si nous voyons le texte de cette motion, si nous le lisons simplement, nous nous rendons compte qu'au milieu de la page 7 de notre feuilleton, on retrouve le paragraphe suivant: L'Assemblée nationale du Québec... "presse le gouvernement de poursuivre les négociations avec les nations autochtones en se fondant, sans s'y limiter, sur les quinze principes qu'il a approuvés le 9 février 1983 en réponse aux propositions qui lui ont été transmises le 30 novembre 1982 et à conclure avec les nations qui le désirent ou l'une ou l'autre des bandes..." ou communautés, comme nous le dirons tout à l'heure dans la résolution "...qui les constituent des ententes leur assurant l'exercice... du droit à l'autonomie..." Quand le député de Mont-Royal nous parle des compagnies de chemin de fer et des gens qui peuvent se servir d'un permis de pêche, il ne parle pas de droits collectifs. Cette résolution parle résolument de droits collectifs des peuples autochtones.

Incompréhension aussi quant au sens de nos institutions, au sens de ce qu'est une résolution de l'Assemblée nationale où se retrouvent les élus de l'ensemble de la population québécoise. Une résolution de l'Assemblée nationale engage celles et ceux qui votent dans un sens pour longtemps et nous aurons à le rappeler tout à l'heure dans le cas du député de Mont-Royal. Elle engage aussi - une résolution de l'Assemblée nationale - le gouvernement. Nous sommes l'institution démocratique élue par le peuple québécois. Que cette institution démocratique élue presse un gouvernement de reconnaître les droits collectifs des peuples autochtones ne me paraît pas une chose banale.

Étonnante aussi cette approche en matière constitutionnelle: Peut-être que le député de Mont-Royal est devenu le nouveau critique du Parti libéral en matière constitutionnelle. Son attitude vise, présume, postule l'acceptation implicite très claire du "Canada Bill". Je ne devrais pas être surpris dans le cas du député de Mont-Royal, puisqu'il était l'un des neuf, de l'autre côté, qui, au mois d'octobre ou novembre 1981, s'opposaient avec quelques-uns de ses collègues à cette résolution à laquelle pourtant une majorité de députés libéraux avait concouru à l'égard de notre opposition au rapatriement unilatéral de la constitution. On vit avec ces votes et le Parti libéral devra vivre avec ces votes contre l'affirmation, à l'intérieur des institutions québécoises, des droits collectifs des peuples autochtones.

Au niveau de la constitution interne du Québec, il y aurait peut-être des choses intéressantes à faire pour reconnaître ces droits collectifs de nos frères peuples autochtones, mais c'est le Parti libéral, encore une fois, qui, au mois de juin dernier, à la commission de l'Assemblée nationale, s'opposait à ce qu'il y ait un mandat d'initiative de cette commission pour revoir l'ensemble des textes de la constitution interne du Québec, ce qui aurait été un forum remarquable pour que, de façon encore plus solennelle, le peuple québécois puisse reconnaître ces droits collectifs aux peuples autochtones.

La critique du représentant du Parti libéral sur ces questions procède d'une incapacité de reconnaître qu'on puisse faire

confiance au peuple québécois dans ses relations en termes de droits collectifs à l'égard des nations autochtones du Québec. Cette espèce d'attitude de mépris, cette espèce d'attitude complètement écrasée qui tient pour acquis qu'il n'y a que le gouvernement par les juges qui est bon et que les assemblées doivent se départir de leurs responsabilités, alors qu'elles sont élues démocratiquement, cette attitude qui, à toutes fins utiles, postule que, si ce n'est pas dans la constitution canadienne, ce n'est pas bon, cette attitude de dévalorisation des institutions québécoises ne m'étonne pas de la part du député de Mont-Royal et je regrette que le Parti libéral endosse implicitement, en en faisant son critique officiel sur des questions pareilles, sur des questions aussi importantes, une telle attitude qui méprise les institutions démocratiques du Québec. (11 h 30)

Le Parti libéral, qui ignore les peuples autochtones dans son nouveau programme, qui ne les fait pas progresser dans son "Maîtriser l'avenir", a une attitude légère à l'égard de cette question déphasée et malheureusement en votant contre cette résolution, en invoquant ce qui est le fait d'une minorité quand ils nous ont cité les réactions des peuples autochtones, ils briseront un consensus qui durait depuis 20 ans au Québec autour du progrès des peuples autochtones.

Ils marquent, à toutes fins utiles, par leur comportement, un recul à l'égard du progrès des peuples autochtones dans les institutions québécoises.

L'adoption de cette motion de reconnaissance des droits des autochtones et des nations et peuples autochtones du Québec se situe dans le prolongement d'une politique québécoise amorcée il y a déjà plus de 20 ans. Le premier ministre du Québec y a été associé à divers titres depuis 20 ans, ne serait-ce qu'au moment de la création de la Direction générale du Grand-Nord québécois au moment où il était responsable des richesses naturelles, ce qui a été la phase déterminante au niveau du progrès des services à l'égard des populations autochtones.

Cette motion vise d'abord et avant tout à concrétiser la reconnaissance de la présence autochtone au Québec puisque le Québec y reconnaît en tout premier lieu que les groupes autochtones constituent des nations ayant droit à l'autonomie, M. le Président, non pas des compagnies de chemin de fer qui peuvent passer quelque part, des municipalités qui prétendraient être autonomes ou des individus qui sont autonomes pour aller chercher un permis de pêche.

Cette reconnaissance en tant que nation autonome que le Québec lui-même ne s'est pas encore vu reconnaître dans un régime fédéral dans lequel il vit depuis 118 ans est considérée par le gouvernement québécois non seulement comme un prérequis nécessaire pour permettre à chacune de ces nations de négocier d'égal à égal mais encore et tout simplement comme une reconnaissance d'une réalité historique et politique.

La vision que les non-autochtones entretiennent de l'histoire des peuples autochtones varie grandement avec celle des autochtones eux-mêmes, c'est évident. Pour ces derniers, les découvreurs et les explorateurs à la mémoire desquels nous avons érigé des monuments ou émis des timbres commémoratifs, sont considérés comme des envahisseurs des territoires déjà bien connus des nations qui les habitaient.

Les peuples autochtones en effet savent que leur nation était, au moment du contact avec les Européens, déjà productive, cultivée, religieuse et intelligente. Plutôt que d'accepter la version autochtone de leur propre histoire et de leur culture, les non-autochtones ne retiennent que trop souvent hélas des stéréotypes dont ils contribuent à la perpétuation.

La loi fédérale sur les Indiens adoptée en 1876 et amendée la dernière fois il y a plus de 30 ans présente un paradoxe pour ces peuples. Si elle confirme le statut particulier des Indiens, elle a plus souvent qu'autrement été un outil de contrôle et de ghettoïsation. En délimitant les activités des communautés indiennes dans tous les secteurs, elle a imposé des contraintes aux Indiens quant à leurs droits et limité leur capacité de s'autogérer efficacement.

En outre, en faisant sourde à la diversité des nations indiennes, elle a traité les Indiens comme un groupe homogène, sans tenir compte des différences de langue, de culture et de ressources. Ce manque de compréhension, M. le Président, devait s'avérer, à toutes fins utiles, pendant toutes ces années, un instrument d'assimilation très efficace.

Nous devons nous rendre compte que la plupart des premières nations possèdent une forme de gouvernement complexe qui remonte loin dans l'histoire et qui a évolué au cours des siècles. Les valeurs spirituelles et démocratiques y dominaient souvent. À l'instar des Britanniques, les autochtones n'avaient pas généralement de constitution écrite mais menaient leurs affaires en se fondant sur la tradition modifiée par des innovations pragmatiques. Ces gouvernements permettaient aux Indiens de se gouverner dans la continuité en maintenant une identité collective forte et tous les moyens pour mener leurs propres affaires, régler leurs problèmes et déterminer eux-mêmes leur destinée.

Le gouvernement du Québec est convaincu depuis plusieurs années déjà de la

nécessité d'une prise en charge la plus complète possible de leurs propres affaires par les autochtones. Après avoir identifié le protectionnisme exagéré dont ils ont été les sujets, le Québec a reconnu l'existence des nations autochtones. Plusieurs moyens leur permettant une prise en charge graduelle de leurs droits et de leurs responsabilités ont été élaborés.

Le 9 février 1983, le gouvernement du Québec, en réponse point par point aux quinze principes invoqués par les autochtones du Québec, a concrétisé dans un nouveau cadre de discussion sa volonté de reconnaître l'existence des nations autochtones au Québec, leur droit à se gouverner et à disposer, dans le cadre des lois du Québec, de ressources suffisantes pour ce faire.

Cette motion est une étape additionnelle dans le cheminement du Québec à l'égard des autochtones et elle met en relief notre conviction que ces nations doivent disposer des pouvoirs requis pour régler leurs propres problèmes et orienter leur avenir afin que nos rapports soient harmonieux et fondés sur le respect des droits et sur la confiance mutuelle. De plus, elle consacre la politique du Québec en cette matière, orientée essentiellement sur la conclusion d'ententes avec les nations qui le souhaitent. Des ententes qui assureront, selon les modalités qui pourront varier d'une communauté ou d'un groupe à l'autre, l'exercice de leurs droits.

La reconnaissance des nations autochtones implique que les ententes conclues entre elles et le gouvernement du Québec ne peuvent être modifiées unilatéralement. Nous assurons ainsi aux premières nations avec lesquelles nous cohabitons sur le même territoire plus de garanties que le Québec lui-même n'en a jamais obtenu. Je pense ici, encore une fois, au "Canada Bill".

Il faut bien dire que le Québec est dans une situation particulière par rapport à la plupart des autres provinces. Sur le territoire du Québec, en effet, hormis la partie de territoire couvert par les conventions, aucun traité n'a été conclu avec les premiers habitants de ce pays et leurs descendants. Le Québec a amorcé, en 1981, une négociation avec les nations indiennes attikamek et montagnaise. L'automne dernier, il a conclu avec la nation mohawk une entente particulière sur la construction et la gestion de l'hôpital de Kahnawake. Il faudra poursuivre ces efforts afin de conclure des ententes avec l'ensemble des nations autochtones. Le gouvernement du Québec estime que cette approche permettra à chacune de ces nations de s'exprimer sur les questions qu'elles entendent négocier. L'approche proposée par le Québec donne donc toute la flexibilité nécessaire pour permettre aux peuples indiens de se développer en tant que nations distinctes ayant leur identité propre.

Les ententes conclues avec les nations autochtones viendront parfois modifier les lois actuelles du Québec afin de nous permettre de respecter plus fidèlement l'organisation sociale des autochtones. Cette approche a été retenue récemment dans la loi sur l'hôpital de Kahnawake, adoptée l'automne dernier, par notre Assemblée et sanctionnant l'entente intervenue entre le Québec et la nation mohawk, reconnaissant à celle-ci des pouvoirs particuliers quant à la construction et à la gestion de son propre hôpital, pouvoirs pourtant incompatibles avec les dispositions actuelles de la Loi sur la santé et les services sociaux.

Depuis quelques années, le gouvernement fédéral a aussi choisi de modifier son approche et d'accorder une importance accrue à la reconnaissance d'une identité propre à ces nations. Cette démarche devint particulièrement évidente lors du rapatriement de la constitution en 1982. La Loi constitutionnelle de 1982, en plus de prévoir quelques articles relativement à la reconnaissance des droits des autochtones, contient une mécanique par laquelle pourront être déterminés et définis les droits des peuples autochtones. Le premier ministre canadien s'engageait alors à convoquer une conférence constitutionnelle des premiers ministres, dans un délai d'un an de l'adoption de la loi, pour étudier avec les autochtones les questions qui touchaient leurs droits. Les 15 et 16 mars 1983 avait lieu cette conférence. Elle se termina par un accord entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux - à l'exception du Québec, pour des raisons manifestes, évidentes et partagées - et les quatre associations nationales autochtones, prévoyant la tenue de trois autres conférences constitutionnelles des premiers ministres sur les questions des droits des autochtones en 1984, 1985 et 1987.

La non-signature de cet accord constitutionnel par le Québec ne signifiait pas, comme chacun le sait, que nous sommes opposés aux bénéfices qu'en attendent les nations autochtones, bien au contraire. Le gouvernement du Québec, malgré son refus catégorique d'adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982 dans sa forme actuelle et malgré le maintien de ce refus -je crois que les nations autochtones respectent la clarté et la fermeté de cette position québécoise - a, néanmoins, accepté de participer à ces conférences, à la demande expresse des autochtones. Au cours de ce processus, le gouvernement du Québec a refusé de poser tout geste qui aurait pu impliquer une reconnaissance même implicite de la Loi constitutionnelle de 1982. Il n'a donc pas concouru à l'accord de 1983. Jusqu'à ce jour donc, sans s'opposer, le

Québec n'a été partie à aucun accord visant à amender une constitution que le Québec ne saurait reconnaître dans son état actuel. (11 h 40)

Cette participation du Québec cependant au processus portant sur des questions constitutionnelles autochtones a pourtant bénéficié aux autochtones du Québec. Ils ont pu s'adresser aux participants à partir du siège du Québec. Plus de la moitié de la délégation du Québec, à chacune de ces rencontres, était composée de représentants des autochtones choisis par eux. D'ailleurs, dès 1983, cette présence des autochtones au sein de la délégation du Québec aura permis aux Cris de la Baie James et aux Inuit du Québec de participer à la rédaction d'un amendement constitutionnel ayant pour effet d'inclure dans l'expression des droits issus des traités visés à l'article 35 de la loi constitutionnelle de 1982, les droits reconnus par la Convention de la Baie James et du Nord québécois et celle du Nord-Est québécois.

Cette même présence aura permis aussi aux femmes autochtones du Québec de participer activement aux efforts déployés par leurs consoeurs des associations nationales afin de convaincre les premiers ministres de la nécessité de mieux garantir l'égalité entre les hommes et les femmes autochtones. Elles ont particulièrement manifesté le désir de s'assurer, dans la perspective où certains droits collectifs seraient reconnus aux autochtones, que les droits ancestraux et les nouveaux droits inscrits dans la constitution soient également garantis aux deux sexes.

Enfin, la délégation du Québec a saisi toutes les occasions pertinentes de faire connaître aux participants la politique du Québec face aux autochtones. Notre conviction est qu'il importe de reconnaître d'abord les droits des nations autochtones et, par la suite, qu'il faut négocier avec elles afin d'en aménager l'exercice au sein de la société québécoise.

Cette démarche est maintenant bien connue des participants au forum constitutionnel canadien et, sans fausse prétention, M. le Président, elle sert d'inspiration aux travaux en cours sur le plan constitutionnel dans tout le Canada. Ottawa, l'Ontario, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick ont adopté des positions allant dans le même sens que l'approche québécoise. Même s'il est vrai que des réticences de certaines provinces risquent de retarder la constitutionalisation de cette approche, il n'en demeure pas moins qu'un consensus prend forme autour de la nécessité de négocier et de conclure des ententes avec les nations autochtones. Par conséquent la démarche québécoise et la motion qui est devant nous, qui en est un jalon absolument majeur, font figure sous certains aspects de modèles à appliquer.

Pour terminer, M. le Président, reconnaître les droits des autochtones et leur autonomie politique comme elle évoluera afin qu'ils puissent se développer selon leur identité propre, dans le respect de leur culture, de leur langue, de leurs coutumes et traditions, tout cela repose fondamentalement sur la reconnaissance du principe généreux de l'égalité des nations mais aussi sur le principe inaliénable de l'égalité des individus dans notre société comme est tout à fait en droit de le souhaiter toute personne humaine, homme ou femme, qui aspire à la dignité.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que la motion est adoptée?

M. Blouin: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Conformément à l'article 216 de notre règlement je suggère que nous reportions ce vote à la fin de la période des affaires courantes cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Vote reporté. M. le leader du gouvernement.

M. Blouin: Oui. M. le Président, après avoir parlé des droits des autochtones nous allons parler des droits de tous les citoyens et citoyennes du Québec. Je vous demande donc d'appeler l'article 5 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 20

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Reprise du débat sur l'adoption du principe de la loi 20, loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. L'ajournement du débat avait été demandé par le député de Sainte-Anne. Est-ce que... Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Oui, effectivement, M. le Président, mais il a été convenu que c'est Mme la députée de Dorion qui reprendrait ce débat ce matin.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la députée de Dorion.

Mme Huguette Lachapelle

Mme Lachapelle: M. le Président, je voudrais parler aujourd'hui pour appuyer mon collègue, le ministre de la Justice, et sa volonté de faire du projet de loi 20, portant sur le droit des personnes, des successions et

des biens, un élément majeur dans la réforme et la modernisation de notre Code civil. C'est un projet très vaste, très complexe, très technique qui couronne les mesures contenues dans les projets de loi 106, 107, 58 et qui complète la réforme entreprise par la loi 89 déjà adoptée sur les droits de la famille.

Je ne suis ni fiscaliste, ni notaire, ni comptable, mais je me souviens des multiples recommandations faites par une batterie d'organismes qualifiés, allant d'un regroupement de femmes aux chambres de commerce, en passant par toute la gamme des intérêts visés par cette réforme de notre Code civil.

Lors de la présentation du projet de loi 20, le ministre a rapidement rappelé les antécédents de cette réforme. Je me permettrai d'y revenir pour essayer de mesurer le chemin parcouru et de dégager quelques enseignements.

En 1955, on sentit le besoin de réviser le système de droit privé de façon à y intégrer les traditions encore actuelles et les valeurs présentes véhiculées par notre société moderne. Les experts ont noté que la persistance des lois françaises, malgré l'imposition d'un régime anglais, est due à l'attachement des citoyens à leurs coutumes et à leur langue.

Je ne peux m'empêcher, M. le Président, de faire un rapprochement avec aujourd'hui. Si nos ancêtres ont su maintenir une spécificité pour un Québec vraiment pas comme les autres, comment, aujourd'hui, n'aurions-nous pas la sagesse et le coeur de maintenir ce qui nous différencie? La loi 101 et nos affirmations d'une société distincte sont tout à fait dans l'esprit de ceux et celles qui ont sauvegardé nos lois françaises. Notre Code civil nous ressemble. Il parle de notre originalité et de notre désir de durer.

Notre Code civil, on a raison d'en être fiers, puisque la Cour suprême elle-même, celle qui est toujours censée pencher du même côté, a reconnu qu'il est en lui-même un système de droit complet qui peut vivre et se développer par lui-même. Donc, dans les années cinquante, on a senti le besoin d'une réforme, et c'était normal. Ceci nous mènera à une patiente révision qui aboutira aux propositions de 1977 qui ont elles-mêmes inspiré la législation sur le droit de la famille ainsi qu'un deuxième bloc législatif, les livres I, III, IV sur le droit des personnes, des successions, des biens que le projet de loi 20 englobe et qui est soumis à notre étude.

Voilà pour le rapide historique qui permet de mieux nous situer, mais, pour celui qui n'est pas juriste, ce qui est mon cas, en quoi le Code civil peut-il m'intéresser et en quoi puis-je me réjouir comme législatrice et comme citoyenne? En le regardant de plus près, j'ai compris que notre Code civil revêt une importance particulière dans notre société, en ce sens qu'il régit les rapports quotidiens entre personnes. Il régit nos biens. Il détermine nos droits. Il prescrit nos devoirs et obligations. On ne peut donc laisser ce projet aux seuls spécialistes. Chacun est concerné par ce projet de loi. Il nous accompagne dans tous nos gestes. D'ailleurs, le nombre de mémoires et la qualité des intervenants sur cette question prouvent à quel point le sujet est important. (11 h 50)

Le code exprime en grande partie la manière d'être, la culture de notre peuple. Mais la culture n'est pas une chose statique, immobile. La culture vit. La culture s'exprime. La culture vieillit et change. Si l'on veut que le Code civil soit un instrument juridique complet et fonctionnel qui réponde avant tout aux besoins de la population et de la communauté juridique, il doit évoluer, suivre le développement de la société québécoise. Il doit, en somme, s'ajuster à nos réalités de 1985. En 1866, la société québécoise était plus homogène. Elle n'était pas aussi ouverte et pluraliste qu'aujourd'hui. Les lois doivent correspondre à ces nouvelles mentalités. Au XXe siècle, il a fallu aussi se débarrasser du vieux Code Napoléon qui faisait de la femme un être sans droits, une sorte de handicapée sociale, condamnée à une perpétuelle domination. Napoléon était un grand conquérant, mais il avait peut-être trop tendance à considérer la femme comme une terre conquise. Depuis lors, heureusement, les femmes ont su conquérir leurs droits, droit de vote au fédéral en 1918 et au provincial, en 1940, droit d'administrer leurs biens en 1941, mais qui n'est devenu véritablement opérant qu'en 1964, société d'acquêts en 1969 et enfin, la loi 89 et le droit de la famille qui fut l'étape majeure de la progression juridique de la femme vers l'égalité. Alors, un code qui ne tiendrait pas compte de cette nouvelle dynamique sociale manquerait le bateau.

Si le XIXe siècle était patrimonial, c'est-à-dire tourné vers le père, le XXe siècle, lui, s'est orienté vers la reconnaissance de l'égalité et de l'autonomie des personnes, aussi bien dans le couple que dans les autres situations de la vie quotidienne. Les mêmes principes sur le droit de la famille: égalité des membres, liberté dans leurs relations, droits des enfants, se retrouvent dans le projet de loi 20. C'est normal puisqu'ils font partie de la même réforme qui était de proposer un contexte nouveau de la société québécoise.

La réforme du droit de la famille constituait le premier bloc de la réforme du Code civil et cela a été fait. Pourquoi avoir alors commencé par le livre II en 1981 et de ne proposer que les livres I, III et IV en 1985? Lors de l'étude de la loi 89, le

ministre de la Justice avait déjà répondu parce que là peut-être plus qu'ailleurs, le vieillissement et l'éparpillement des lois s'étaient fait sentir de façon aiguë. C'était devenu évident et nécessaire. Le droit de la famille est en tout conforme au changement. Le gouvernement a entrepris la réforme de ce qui est une suite nécessaire, le droit des personnes, le droit des successions, le droit des biens. Si les délais ont été longs et même si l'Opposition dit qu'il est trop tard, dans une réforme d'une telle ampleur, il faut faire place à une consultation aussi savante que variée, à une réflexion aussi sérieuse que possible, mais le droit ne se bâtit pas d'un trait de plume et les textes de loi ne doivent pas seulement représenter l'avis d'un expert, qu'il soit juriste ou fiscaliste. Ils doivent refléter l'état de la société, celle qui a été et celle qui doit changer, celle qui s'en vient et à laquelle on doit s'ajuster. Il doit y avoir de la place pour la discussion, la critique, les ajustements, ce que les experts appellent le droit transitoire entre le droit passé et le droit futur.

M. le Président, je ne voudrais pas aujourd'hui entreprendre une lecture systématique des quelque 1200 articles de la loi. Je voudrais seulement me réjouir de la cohérence de certaines dispositions quant à la société actuelle. Je me félicite d'abord que la réforme s'articule autour des principes de la Charte des droits et libertés de la personne. Cela me semble être un départ, une garantie supplémentaire. Je me souviens des principales inquiétudes des groupes entendus lors de la commission parlementaire. Si le projet de loi ne répond pas à toutes leurs inquiétudes, il en rassurera plus d'un.

Permettez-moi, sans aller dans les aspects trop techniques, d'en relever quelques-uns. Avec les progrès de la médecine et les expériences nécessaires, au nom de l'intégrité de la personne, la loi précise les conditions de soins de garde, d'interventions, aussi bien mineures que majeures. Elle règle les cas de prélèvements d'organes à certaines conditions. Voilà qui assure une protection dans ces questions si troublantes.

Dans le droit de succession, les principales réclamations seront satisfaites, je crois. D'abord, dans le cas d'acceptation d'une succession, le paiement des dettes du défunt ne peut pas dépasser l'actif de la succession. Cela me semble plus conforme à notre société. Le prêteur ou le créancier ne doit pas avoir plus de garantie à la mort que pendant la vie du débiteur.

De plus, le projet de loi 20 introduit des droits de survie pour la succession au conjoint. Si cette formule est mitigée entre la créance alimentaire et la réserve héréditaire, demandée, entre autres, par le Conseil du statut de la femme et le Réseau d'action et d'information pour les femmes, elle est de nature à assurer une meilleure protection au conjoint survivant. Auparavant, lorsqu'une personne décédait sans avoir fait un testament, la succession accordait le tiers de l'héritage au conjoint et les deux tiers aux descendants. Certains demandaient les deux tiers au conjoint. Le projet de loi accorde la moitié au conjoint et la moitié aux descendants. Ce principe semble plus juste, surtout à cause des liens affectifs privilégiés dans le couple. De plus, le conjoint survivant, en acceptant la succession, n'a plus à renoncer à son régime matrimonial pas plus qu'à une prestation compensatoire, le cas échéant. Encore une fois, ce principe réaffirme le principe de la stricte égalité des époux.

Permettez-moi de citer un dernier exemple, une autre preuve de la tentative du législateur d'ajuster son code à des réalités nouvelles. Je veux parler du désir légitime d'accéder à la propriété. Notre gouvernement, qui l'a encouragé et soutenu sous toutes ses formes, serait bien mal venu de légiférer dans le sens contraire. Dans le livre IV sur les biens, le législateur précise, à partir de recommandations qui lui ont été faites, les droits et le statut des copropriétaires dans une copropriété divise et établit un nouvel équilibre dans leurs rapports.

Quand on connatt les aspirations à la propriété, mais, en même temps, l'incapacité financière d'y accéder, la copropriété est souvent la meilleure solution. Encore là, voilà un exemple de la loi 20 qui correspond à la réalité de notre époque.

Je laisserai à d'autres le soin de discuter plus amplement d'autres articles. Je voudrais simplement exprimer un accord avec le rajeunissement de notre code qui va dans le sens d'un meilleur respect des personnes et d'une meilleure adaptation à notre société. La révolution des mentalités que la société québécoise a connue, depuis une vingtaine d'années, imposait cette réforme en profondeur. Je me réjouis de faire partie du gouvernement qui aura mené cette réforme à terme. Merci, M. le Président. (12 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. L'importance du sujet qui est devant l'Assemblée nationale aujourd'hui nous fait sentir jusqu'à quel point la fonction de législateur qui nous est impartie en tant que députés est une fonction exigeante, une fonction qui a des répercussions importantes sur ce que devient, sur ce qu'est la société du Québec. Nous sommes en train de toucher présentement, avec la réforme du Code civil,

au coeur même de nos traditions, de notre spécificité québécoise, de ce qui fait que nous sommes fiers d'être Québécois, que nous pouvons conserver un certain nombre de lois fondamentales qui, au cours des siècles maintenant, ont su nous protéger et permettre à notre société de se développer selon ses tendances profondes et selon les choix personnels qu'elle faisait.

C'est avec beaucoup de fierté que je voudrais dire quelques mots sur la réforme qui nous est proposée par le gouvernement. La tâche à laquelle les codificateurs se sont attaqués est immense, est énorme. Songeons un instant que les codificateurs du siècle dernier sont passés à l'histoire, sont devenus des géants; tout étudiant qui passe à l'une des facultés de droit du Québec apprend leurs noms, connaît leur date de naissance et sait qui sont ces personnes. Nous sommes actuellement en train de refaire une tâche qui avait été tellement bien faite qu'elle a su supporter l'usure des ans, qu'elle a su supporter le passage des hommes.

Le moment est venu cependant de refaire un examen de tout ce qui a été le fondement de nos lois civiles. Nous avons devant nous un projet de loi qui contient plus de 1200 articles qui portent sur le droit des personnes, le droit des successions, le droit des biens. Nous ne pourrons pas, quels que soient les efforts que nous voulions faire, porter un jugement final sur la valeur des dispositions législatives qui nous sont présentées puisqu'il est de la nature d'un code de regrouper sous un seul chapeau l'ensemble des dispositions législatives qui nous régissent au point de vue civil et qu'un code n'est un bon code que s'il sait résister à l'usure du temps, que s'il sait donner satisfaction dans cinq ans, dans dix ans, dans vingt-cing ans.

Tout ce que nous pouvons espérer, c'est que toutes les précautions nécessaires ont été prises, que toutes les études qu'exigeait une réforme semblable ont été faites. Je pense que le temps qui a été consacré par les codificateurs, par l'office, ce temps a été consacré à bon escient et permet d'espérer que nous aurons entre les mains un instrument qui permettra à notre société de s'épanouir, qui permettra à notre société d'être plus juste, qui permettra à notre société de donner ouverture à toutes les possibilités qui sont en elle.

En tant qu'avocat, l'application des lois est une préoccupation première. Il est sûr que dans une oeuvre de l'ampleur que celle qui nous est présentée, nous pourrions passer des heures et des heures... La preuve en est que dans les prochaines années les étudiants des facultés de droit passeront deux ou trois ans à assimiler ce qui est aujourd'hui devant l'Assemblée nationale. Les futurs avocats devant les cours de justice passeront des jours, des semaines et des mois à faire valoir leur interprétation de certains articles de loi ou groupes d'articles de loi, interrogeront des témoins et feront valoir leurs arguments devant des juges qui, eux aussi, dans le secret de leur cabinet, prendront en délibéré les représentations qui leur auront été faites par les juristes et rédigeront des jugements qui feront jurisprudence et ce à partir des Cours provinciale, supérieure, d'appel, suprême.

L'influence du Code civil va se faire sentir partout. Il est aussi remarquable que déjà de savants juristes ont commencé à se pencher et à écrire une amorce de doctrine sur ce que sera le nouveau Code civil. Tout cela nous amène à réaliser que ce n'est pas dans les quelques minutes qui nous sont imparties que nous pouvons faire le tour des questions soulevées par le Code civil.

Déjà le projet de loi 89 faisait, dans un préambule, un certain retour en arrière où on disait que: "Considérant qu'en 1955 - il y a déjà 30 ans, M. le Président - la Législature décidait de confier à un juriste la révision générale du Code civil du Bas-Canada; "Considérant qu'en 1960, la Législature décidait que le rapport de ce juriste servirait de base à la préparation d'un projet définitif d'un nouveau Code civil; - nous sommes 25 ans après. "Considérant que le rapport de ce juriste a été déposé à l'Assemblée nationale le 20 juin 1978; - donc, 18 ans après avoir reçu le mandat initial. "Considérant - c'est l'Assemblée nationale qui parle à ce moment-là - qu'il convient d'instituer un nouveau Code civil mais qu'il importe d'échelonner l'adoption de ses différentes parties en raison de l'ampleur des réformes proposées et des études qu'elle requiert..."

Ce court préambule nous permet de situer très brièvement dans un continuum historique les dispositions législatives qui nous sont proposées. Il y en a un grand nombre qui portent sur le droit des successions. Plusieurs de mes collègues ont eu l'occasion d'aborder différents aspects du droit des successions. C'est un droit difficile, c'est un droit technique mais c'est en même temps un droit extrêmement important, dans ce sens qu'il permet à notre société, il permet aux gens qui la composent de connaître d'une façon certaine les règles qui régiront la disposition de leurs biens après leur décès.

On sait que le décès, comme les taxes, sont deux choses auxquelles on n'échappe pas, surtout quand on connaît le niveau des taxes au Québec. Le droit des successions permet aux héritiers de pouvoir connaître les règles auxquelles ils seront soumis, et tout doit se passer dans l'ordre. Les dispositions qui nous sont proposées sont des dispositions qui visent cet objectif-là. Il est évidemment

trop tôt pour en faire une évaluation définitive. Cependant, je crois pouvoir dire que nous avons l'assurance que toutes les précautions nécessaires ont été prises pour éviter que nous nous trouvions dans des impasses ou dans des culs-de-sac légaux, juridiques ou législatifs. C'est ce qui importe et c'est pour ça que le travail que nous effectuons ici à l'Assemblée nationale est extrêmement important. Il nous appartient finalement en dernier ressort d'évaluer le travail des spécialistes. Bien sûr, on ne peut demander aux députés de l'Assemblée nationale d'être des spécialistes en droit fiscal, en droit des successions, en droit de la famille, du droit des biens, mais on peut exiger - et c'est ce à quoi on s'est engagé en prêtant serment ici à l'Assemblée nationale - de mettre toutes les connaissances dont on dispose et qu'on a pu acquérir au cours de notre vie, de façon que les projets de loi qui sont adoptés en cette Assemblée soient justes, conformes aux désirs de la population et adoptés démocratiquement.

Plus particulièrement, j'aimerais dire quelques mots sur ce qui concerne la copropriété divise d'un immeuble, ce qui porte communément le nom de condominium. Les principaux objectifs qui ont été poursuivis, d'après ce que je comprends de la présentation qui nous en a été faite par les commissaires, par la réforme en ce qui concerne les condominiums, d'apporter des correctifs à un certain nombre de problèmes affrontés dans le domaine et de proposer des mesures législatives qui tiennent compte de l'évolution et de la transformation de nos habitudes en ce qui concerne ce domaine de l'hébergement. Il y a donc eu des modifications proposées et on peut s'apercevoir qu'elles touchent particulièrement l'établissement lui-même de la copropriété, la déclaration de copropriété, le contrôle du syndicat par le promoteur ainsi que les droits et obligations de ce qu'il est convenu d'appeler le syndicat. (12 h 10)

L'établissement de la copropriété divise doit se faire par l'enregistrement d'une déclaration - tel que le prévoit l'article 1093 - en vertu de laquelle la propriété de l'immeuble est divisée en fractions, appartenant à une ou plusieurs personnes. C'est le texte de l'article 1093 et c'est là l'essence de la copropriété divise. Il faut également savoir qu'à la suite de cette déclaration, la collectivité des copropriétaires devient une personne morale qui a des responsabilités en ce qui concerne la conservation de l'immeuble, son entretien, son administration, sa destination future, etc.

Le projet de loi traite aussi assez longuement des fractions de la copropriété. L'article 1097, par exemple, établit que les parties des bâtiments et des terrains qui sont la propriété d'un copropriétaire unique, déterminé, sont exclusives à lui. Il en a toute l'utilité. C'est important pour bien saisir l'essence même de la copropriété divise. Dans un article subséquent, le projet de loi détermine ce que sont les parties communes, celles qui sont la responsabilité globale de l'ensemble des copropriétaires. On en donne une liste et la loi est assez précise là-dessus. Il est sûr qu'on ne peut, dans une semblable énumération, épuiser la totalité des possibilités de parties communes. Il est probable qu'il y aura des difficultés dans le sens qu'il est normal, dans la rédaction des lois, lorsqu'on procède à une énumération, qu'on risque par le fait même de ne pouvoir tout englober. C'est le risque qu'on prend. Le législateur a décidé de le prendre. Espérons qu'il n'y aura pas de difficultés qui s'ensuivront.

Il faut aussi souligner qu'aux fins d'imposition des taxes, chaque fraction, chaque unité divise de copropriété est une unité séparée, distincte. Le contenu de la déclaration est défini dans la loi. On y indique ce que l'acte doit comprendre et on précise aussi que cet acte doit contenir un règlement qui précise les pouvoirs et devoirs respectifs du conseil d'administration, du syndicat et de l'assemblée des copropriétaires. La loi prévoit aussi que la déclaration de copropriété ne peut imposer aucune restriction - et c'est important - aux droits des copropriétaires, sauf celles, évidemment, qui sont justifiées par la destination même de l'immeuble, par son caractère distinct ou par sa situation propre; c'est entendu. L'enregistrement de la déclaration doit être notarié; c'est aussi important.

Les droits et obligations des copropriétaires. Chaque copropriétaire - je le disais tout à l'heure et la loi revient là-dessus en parlant des droits des copropriétaires - dispose de sa fraction d'immeuble. Il en est le propriétaire de plein droit, il en a la pleine utilité et il peut s'en servir librement, sans demander de permission à quiconque. Ce copropriétaire a aussi des obligations en ce qui concerne les charges résultant de la cohabitation, de la copropriété de l'immeuble ainsi que de l'exploitation de cet immeuble. Le copropriétaire est sujet à certains recours en ce qui concerne la répartition des charges, au cas où il ne s'acquitterait pas des parties qui lui incombent relativement aux frais d'entretien de l'immeuble, en ce qui concerne ces parties communes.

La loi prévoit aussi que le conseil d'administration doit fixer, après consultation de l'assemblée des copropriétaires, la contribution à un fonds de prévoyance parce qu'on a voulu éviter que les copropriétaires ne se retrouvent dans une situation où ils ne puissent faire face à certaines exigences

imprévues ou imprévisibles en ce qui concerne certaines réparations, comme cela peut arriver dans n'importe quelle propriété. Pour ceux qui sont propriétaires, on sait qu'il y a certaines choses qui peuvent arriver et auxquelles on doit pouvoir faire face rapidement sous peine de détérioration importante de l'immeuble.

Il y a aussi tout un chapitre qui est consacré plus spécifiquement aux problèmes liés au contrôle de la copropriété par le promoteur, par les copropriétaires. Il est normal que ces intérêts, à un moment donné, soient en friction, en conflit les uns avec les autres. Dans certaines circonstances le problème a été extrêmement aigu où les copriétaires désiraient protéger l'espèce de vision qu'ils avaient de l'utilisation de ce qui était maintenant leur maison, leur domicile, et s'opposaient à ce que pouvait désirer faire le promoteur qui lui, très souvent, était majoritaire à l'assemblée des copropriétaires et désirait protéger ou maximiser son investissement. Il s'agissait de trouver une méthode qui puisse réduire ce conflit, qui puisse en tout cas à la longue faire en sorte que chacun y trouve son dû.

La solution qui a été abordée, qui a été acceptée et qui est proposée dans le projet de loi fait en sorte que le promoteur ne pourra jamais avoir plus de 60% de la copropriété divise d'un immeuble pour la première année, cette proportion diminuant automatiquement à 40% la deuxième et ensuite à 25%, de façon à éviter qu'il ne se retrouve d'une façon permanente dans une situation où il est jusqu'à un certain point en conflit d'intérêts, étant en même temps le promoteur, le constructeur, souvent le vendeur, l'administrateur et aussi le copropriétaire de la copropriété divise.

Le projet a aussi voulu limiter le nombre de voix dont peut disposer une seule personne autre que le promoteur ou le créancier hypothécaire, de façon à empêcher qu'un groupe restreint de personnes ne prenne le contrôle des destinées de toute la propriété et n'impose de cette façon ses volontés personnelles aux autres copropriétaires.

Le projet de loi propose également de limiter la période pendant laquelle le promoteur peut être l'administrateur de la copropriété en procédant à l'élection - la loi l'exige, la loi est formelle là-dessus - dans les 90 jours où le promoteur ne détient plus la majorité des voix, en procédant à l'élection, donc, du conseil d'administration. À cette occasion le promoteur devra ouvrir ses livres, le comptable devra mettre l'assemblée des copropriétaires au courant de la situation financière de l'immeuble qui leur appartient en copropriété divise. Tout pourra être vérifié sur place, c'est un droit strict qui appartient aux copropriétaires, dans les 90 jours.

La loi va plus loin que cela. Le comptable a l'obligation légale de dévoiler aux copropriétaires toute illégalité, toute irrégularité qu'il aurait pu constater. Il est important pour la sécurité des copropriétaires qu'on puisse savoir à quoi s'en tenir au moment où on prend la pleine responsabilité de l'immeuble.

M. le Président, je pourrais continuer pendant quelques minutes encore. Je vois que vous me faites signe. Je regrette de ne pas avoir le temps suffisant pour faire le tour de ce chapitre qui est extrêmement important. Je souhaite vivement que les dispositions qui nous sont proposées permettent finalement une véritable relance de l'industrie de la construction. (12 h 20)

Tout le monde doit y trouver son compte: les promoteurs et les acheteurs éventuels de copropriété divise. Il faut que le syndicat et la loi, heureusement, prévoient des dispositions qui sont de nature à faciliter les choses. Il faut que le Syndicat des copropriétaires puisse, grâce aux droits et obligations qui lui sont dévolus, s'organiser pour faire fonctionner d'une façon normale, comme si c'étaient des propriétés immobilières ordinaires, l'investissement important qu'est, pour les personnes qui y habitent, la copropriété divise. C'est ainsi -je le mentionnais tout à l'heure - que le syndicat a maintenant l'obligation de se constituer un fonds de réserve pour les réparations éventuelles majeures ou pour des fins de remplacement de biens communs ou d'éléments communs. C'est nécessaire, on le sait, parce qu'il deviendrait trop onéreux, au moment où la dépense serait nécessaire ou inévitable, d'imposer aux copropriétaires la totalité de la dépense à laquelle ils ont à faire face momentanément pour acquitter une bris quelconque ou une difficulté imprévue ou imprévisible.

Le syndicat a aussi l'obligation d'assurer l'immeuble, tant dans les parties communes que dans les parties exclusives, sauf pour ce qui est des améliorations apportées par un copropriétaire à sa fraction contre les risques ordinaires. Cela demeure la responsabilité du copropriétaire divis.

Enfin, le projet de loi accorde aussi des droits importants pour faire respecter efficacement la déclaration de copropriété que je mentionnais au début de mon allocution, notamment en permettant de demander la résiliation du bail d'une fraction, lorsque l'inexécution d'une obligation du locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l'immeuble.

Pour terminer, M. le Président, le projet de loi, malheureusement, est plus que discret en ce qui concerne la question de la sorte de multipropriété, ce qui s'appelle, en anglais, le "time-sharing". À cet égard, le

projet de loi oblige les promoteurs de tels projets à déclarer, dès le début, aux copropriétaires éventuels, clairement leurs intentions et les modalités de cette multipropriété qui s'appelle, en anglais, le "time-sharing". Mais il faut reconnaître la timidité du projet de loi dans ce domaine. Disons, à la décharge du législateur ou de la proposition gouvernementale, que cette forme de multipropriété n'est pas très répandue actuellement au Québec. Il y a des expériences qui se font; il y a des tentatives et des ajustements. Nous sommes en train, au Québec, de faire l'essai de ce qui est devenu ailleurs, par exemple, une façon ordinaire d'être propriétaire d'un immeuble en copropriété divise.

Il faut espérer que les personnes à qui le gouvernement avait confié le mandat de nous faire des propositions qui ont été traduites dans le projet de loi 20, continuent leur travail et qu'elles soient aux aguets dans le domaine de la multipropriété de façon que nous puissions avoir des propositions qui collent à la réalité, qui sont conformes aux intérêts des promoteurs et des futurs copropriétaires, de façon que ce soit un élément de plus dans ce que nous recherchons tous, en tout cas les gens de ce côté-ci de la Chambre, une véritable reprise économique qui doit évidemment, comme c'est normal et comme cela a toujours été le cas, passer par la reprise de la construction immobilière.

M. le Président, ce sont les quelques réflexions que je voulais faire en ce qui concerne le projet de loi 20. J'espère que les juristes, les étudiants en droit, les utilisateurs, les administrés, les justiciables y trouveront leur compte, que nous aurons fait oeuvre utile et que nous pourrons nous réjouir d'avoir donné une suite digne de ce qu'était le Code civil avec lequel nous avons vécu jusqu'à maintenant, grâce aux travaux auquels nous participons ici à l'Assemblée nationale.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Paul Champagne

M. Champagne: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de fierté que j'interviens pour commenter le projet de loi 20, projet de loi portant sur la réforme du Code civil du Québec du droit des personnes, des successions ou des biens. Je suis fier particulièrement parce que notre Code civil est basé sur le droit privé français. En effet, si nous faisons un peu d'histoire, nous avons été liés par ce qu'on appelait à cette époque la coutume de Paris jusqu'en 1866; et le droit privé québécois d'alors était lié aux lois civiles françaises. Le Bas-Canada a toujours été lié par ce Code civil français. Malgré la conquête, Sa Majesté britannique a jugé bon de garder ce même code de lois civiles françaises et nous l'avons encore devant nous. Cependant, nous avons depuis lors amendé certaines dispositions. Certaines institutions nouvelles ont été créées; entre autres, les bureaux d'enregistrement dans les années 1840. On a ajouté aussi l'abolition du régime seigneurial en 1854; et nous avons aussi établi l'origine du cadastre dans les années 1860. Je suis content de voir que le ministre de l'Énergie et des Ressources vient d'annoncer que l'application de la Loi du cadastre sera amendée pour être plus à la mode, être plus claire pour tout le monde. On s'aperçoit que, considérant la justesse de ces lois, considérant aussi la clarté de ces lois du temps, nous avons gardé pendant un siècle ce même code sans l'avoir changé. Mais, dès 1955, le gouvernement a jugé bon de faire quand même une révision. Le gouvernement d'alors a désigné quatre codificateurs qui ont fait un travail de consultation, un travail de recherche; et ils ont déposé en 1978 à l'Assemblée nationale leur travail de recherche et des recommandations. Ces recommandations ont abouti au dépôt du projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi 20 qui amende et qui adapte notre Code civil.

M. le Président, on doit se demander enfin ce qu'est un Code civil. Un Code civil, cela nous régit tous les jours. On est lié du matin au soir et du soir au matin par le Code civil parce que le Code civil, c'est le droit commun de tous. Ce sont les droits de tous et aussi les devoirs de tous. En effet, le Code civil régit toutes les diverses manifestations de la vie sociale. Le Code civil règle les rapports quotidiens entre les personnes. Le Code civil gouverne nos actions. Le Code civil régit nos biens. Le Code civil détermine le nombre de nos droits et le nombre de nos obligations. On s'aperçoit de l'importance de ce code et l'importance pour nous de voir à ce que les droits de la personne, à ce que le droit à l'égalité des individus soient sauvegardés. C'est tellement important pour notre gouvernement, le droit de la personne, que, depuis 1976, nous avons voté plusieurs lois très importantes sur le droit de la personne, sur le droit à l'égalité des individus. (12 h 30)

Je veux rappeler brièvement certaines lois qui ont été adoptées. Le droit de la personne était tellement important pour notre gouvernement que nous avons adopté la Loi sur la réforme du droit de la famille. La personne est importante et nous avons aussi adopté la Loi sur la protection de la jeunesse. La personne est très importante pour nous et nous avons adopté la Loi sur la protection du malade mental. Nous avons

aussi adopté la Loi sur la protection du consommateur. Nous avons adopté la Loi sur la protection des personnes et des biens en cas de sinistre.

Je suis fier d'une loi que nous avons adoptée malgré qu'à l'époque nous ayons connu beaucoup d'opposition: c'est la loi sur la protection de l'accidenté. En 1978, nous avons adopté le régime d'assurance automobile parce que, pour nous, le droit de la personne était très important et que le droit à l'égalité des individus était indispensable.

Nous avons aussi dans cette lignée le Code civil. Je me réjouis et je suis fier de voir que c'est nous qui allons y apporter certains amendements. Je veux simplement, pour donner une idée de ce qu'est le respect de la réputation et de la vie privée, souligner qu'au chapitre III, nous disons que toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Personne ne peut porter atteinte à la vie privée d'autrui sans être autorisé par la loi. On peut se demander quelles sont ces atteintes à la vie privée qui protègent les individus.

Vous avez certains droits qui sont, pour vous, des droits de protection. Vous n'avez pas le droit de pénétrer dans le logis d'une personne et d'y prendre quoi que ce soit. Cela semble évident mais on doit le mentionner dans le Code civil. On n'a pas le droit non plus d'intercepter ou d'utiliser volontairement une communication privée; l'écoute électronique et le reste, demeurent défendus. On n'a pas le droit de capter ou d'utiliser son image ou sa voix, lorsqu'on se trouve dans des lieux privés. On n'a pas le droit de surveiller la vie privée de quelqu'un par quelque moyen que ce soit. Je pense qu'il est très important d'avoir ces protections quotidiennes. Nous n'avons pas le droit d'utiliser le nom d'une autre personne, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public. Nous n'avons pas le droit d'utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels.

Nous voyons que le respect de la vie privée des gens est protégé par le Code civil. Le projet de loi 20, que nous avons devant nous, protège les droits des personnes, comme autrefois dans le Code civil français.

Je voudrais m'attarder d'une façon particulière au régime de protection du majeur. Je pense que, comme principe fondamental, nous devons dire que tout est établi dans l'intérêt de l'individu. Je pense que fondamentalement l'individu est très important. C'est le personnage au centre de toutes les préoccupations sociales. Comme gouvernement, comme société, on doit assurer la protection de la personne. On doit assurer l'administration de son patrimoine dans le régime de protection du majeur. On doit assurer aussi l'exercice de ses droits civils dans le cas où la personne est inapte à le faire.

Je vais traiter ici de l'incapacité de certaines personnes à voir à leur protection, à l'administration de leurs biens. Si une personne est incapable par elle-même d'administrer ses biens, notamment, si quelqu'un est trop malade ou si quelqu'un a une défaillance quelconque ou si quelqu'un, par un affaiblissement dû à l'âge, subit une altération de ses facultés mentales ou dans le cas d'une incapacité corporelle, ne peut exprimer sa volonté, à ce moment, nous devons comme société en prendre soin. Maintenant, cela se fait de quelle façon? Il s'agit de voir à ce qu'un curateur ou un tuteur et aussi un conseiller puissent assister ces personnes dans le besoin quand leur protection n'est pas assurée, quand l'administration de leur patrimoine n'est pas assurée parce qu'elles souffrent d'une incapacité mentale ou physique.

Maintenant, avant de parler du curateur, je voudrais souligner ici un élément nouveau dans notre code. Ce qui est très important ici, à l'article 286, c'est que nous ajoutons qu'un directeur d'établissement de santé, que ce soit d'un CLSC ou d'une institution hospitalière, ou encore un directeur générai de services sociaux pourra, lorsque la loi sera adoptée, prendre certaines décisions pour les personnes qui en sont incapables. Il prendra la place du curateur, du tuteur ou du conseiller momentanément, dans certaines circonstances. Nous veillons d'une certaine façon à ce que le régime de protection soit bien établi, que le degré d'incapacité soit bien établi et que la façon d'administrer les biens soit bien établie.

Je voudrais ici parler, entre autres, du curateur. Vous pouvez avoir un curateur public dans le cas où personne ne veut s'occuper d'un individu. Nous avons aussi la curatelle privée qui a été instituée afin qu'un conseil de famille désigne une personne qui va s'occuper d'administrer les biens, de protéger la personne dans le besoin. Vous avez à ce moment-là une curatelle privée. Vous avez aussi le tuteur qui, pour certains actes, doit aussi protéger l'individu simplement dans des cas particuliers.

On peut se demander maintenant comment l'ouverture d'un régime de protection doit s'établir, comment en arriver à dire que telle personne, tel individu a besoin d'un secours, a besoin d'être dirigé, a besoin d'être conseillé, a besoin d'être administré dans ce qu'il a, dans son patrimoine. La demande peut se faire par le majeur lui-même s'il en est conscient. Cette demande d'ouverture d'un régime de protection peut se faire aussi par le conjoint. Elle peut être faite par des proches parents ou des alliés, de même que par toute personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier.

On peut voir aussi quel moyen il faut prendre pour établir cette tutelle ou cette curatelle. Bien sûr, le tribunal doit prendre en considération beaucoup d'éléments, prendre avis des personnes qui ont traité cet individu. Il doit prendre conseil au point de vue de l'expertise et des preuves médicales, analyser son degré d'autonomie de même que son degré d'incapacité. Ce sont tous quand même des facteurs permettant d'établir un diagnostic très précis afin d'aider la personne, l'individu le plus possible.

On doit aussi donner au majeur la permission d'être entendu lui-même et voir au bien-fondé de la demande. Si un conjoint fait une demande pour que l'autre partie, l'autre conjoint soit sous tutelle ou sous curatelle, on doit montrer le bien-fondé d'une telle demande, on doit voir aussi à l'analyse de la nature du régime sur la personne qui est chargée de la représenter. Pour le tribunal, la durée de cette protection est de trois ans dans les cas de tutelle et de nomination d'un conseiller et de cinq ans dans le cas de curatelle. (12 h 40)

J'aimerais aborder ici la troisième section en parlant de la curatelle. Lorsque j'ai expliqué la curatelle tout à l'heure c'est l'incapacité majeure. Nous avons une curatelle, nous établissons une curatelle lorsqu'il y a une incapacité majeure et que celle-ci est totale et permanente. Dans le cas d'une tutelle, c'est l'incapacité peut-être partielle et temporaire.

Lorsque nous établissons qu'un conseiller doit aider à administrer les biens d'un individu, ce conseiller doit peut-être aider pour certains actes et cela se fait d'une façon très temporaire. C'est bien beau d'établir ce régime-là mais quand le régime de protection prend-il fin? Il cesse par l'effet d'un jugement ou par le décès du protégé. Je pense que ce sont tous des éléments très importants qui aident au bien-être collectif des individus qui sont plus ou moins aptes à se prendre en main.

Je voudrais aussi aborder un autre sujet, celui du mineur. Je regarde le chapitre premier de la majorité et de la minorité. Tout le monde sait que l'âge de la majorité est fixé à 18 ans. Cela veut dire en pratique que la personne jusqu'alors mineure devient capable d'exercer pleinement tous les droits civils.

Le mineur de quatorze ans, je vois ça à l'article 170, est réputé majeur pour tous les actes relatifs à son emploi. Cela veut dire que même si un jeune n'a que quinze ans il est responsable des actes du travail qu'il fait dans une entreprise. Qu'il exerce son art, qu'il exerce sa profession, qu'il ait 15 ans, 16 ans ou 17 ans, il est tenu responsable il est comme une personne majeure. C'est peut-être un détail assez important.

Lorsque le mineur va devant les tribunaux il doit être représenté en justice soit par son tuteur ou les personnes qui sont responsables de ses actes.

M. le Président, le régime pour les mineurs c'est à peu près la même chose que la protection du régime des majeurs mais le régime est plus adapté et la tutelle est établie dans l'intérêt du mineur, comme du majeur, d'ailleurs, mais pour le mineur; il y aussi la protection de la personne, l'administration de son patrimoine et l'exercice de ses droits civils. La tutelle pour un mineur peut être légale et aussi dative. Une tutelle légale résulte de la loi et la tutelle qu'on appelle dative est octroyée par soit le père et la mère, soit par le tribunal. C'est sûr que, pour accepter une tutelle, nous avons aussi le droit de refus. Nulle personne n'est tenue ou contrainte d'accepter une tutelle. À défaut d'avoir le consentement d'une personne, le directeur de la protection de la jeunesse doit voir à trouver une autre personne ou à faire en sorte que la société prenne soin d'elle. Quant à la tutelle des biens de ce mineur, c'est la Curatelle publique qui va prendre en charge ses biens et qui va les administrer et qui va l'aider dans la conduite de ses droits. Un peu plus loin, on parle de la tutelle légale d'une façon plus détaillée, de la tutelle dative, de l'administration et des dispositions générales de l'application de cette tutelle.

En terminant, pour nous, le Code civil est très important parce que nous sommes liés, tous et chacun. C'est comme si c'était un code d'éthique, un code de morale. On vit en société en étant protégés et aussi en protégeant les autres. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour nous du Parti québécois, nous du gouvernement, les multiples lois que nous avons adoptées concernant la famille, les accidentés, la protection de la jeunesse, les consommateurs, démontrent que notre gouvernement a cette préoccupation d'égalité des droits des individus. C'est pour cela que le projet de loi est devant nous pour témoigner de notre désir de continuer dans cette veine de respecter les droits des personnes. Nous acceptons, aujourd'hui, le principe du projet de loi 20. Ce projet de loi sera étudié en commission parlementaire afin d'en faire l'étude article par article. Et si on peut bonifier certains articles, Dieu merci! qu'on le fasse! Je pense que c'est très important de s'arrêter et de voir, article par article, en commission parlementaire, que la protection de tous les individus, de tous les Québécois et les Québécoises, que cette protection soit juste, qu'elle soit entière et équitable. Tous les Québécois et Québécoises, considérant le sérieux de notre Code civil, considérant le sérieux des droits d'égalité des individus, seront sûrement plus protégés, auront le goût de vivre au Québec et seront contents d'y

exercer tous leurs droits, tous leurs pouvoirs pour un État du Québec en devenir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, tel que nous nous sommes entendus entre les deux formations politiques présentes à cette Assemblée, nous allons maintenant proposer l'ajournement de ce débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Voilà et puisqu'il est presque 13 heures, nous n'aborderons pas d'autre sujet. Je vous demande donc également la suspension de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de suspension est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté? Adopté. Nos travaux sont donc suspendus jusqu'à 14 heures. 15 heures, je m'excuse, c'est mercredi.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle ni de présentation de projets de loi.

Lettre de démission de M. Jacques Perrin comme membre de la CFP

Au dépôt de documents, j'ai reçu la lettre suivante que je dépose: "M. le Président, en conformité avec l'article 108 de la Loi sur la fonction publique, sanctionnée le 22 décembre 1983, la présente constitue l'avis de ma démission en ma qualité de membre de la Commission de la fonction publique. L'Assemblée nationale m'a nommé à cette fonction le 19 décembre 1978 pour un mandat d'une durée de sept ans qui débutait le 15 février 1979. Cette nomination fut faite en conformité de l'article 19 de la Loi sur la fonction publique, sanctionnée le 23 juin 1978. Je demeure évidemment sensible à la confiance qu'on m'a faite en me nommant à la fonction que j'abandonne avec effet à compter d'aujourd'hui." C'est daté du 12 mars. "Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments distingués." C'est signé par M. Jacques Perrin.

Toujours au dépôt de documents, M. le ministre des Finances.

Rapport annuel de la Caisse de dépôt et placement

M. Duhaime: M. le Président, c'est avec plaisir que je voudrais déposer le dix-neuvième rapport annuel, c'est-à-dire au 31 décembre 1984, de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui, cette année, affiche des revenus nets des déposants de 1 964 000 000 $.

Le Président: Toujours au dépôt de documents et toujours M. le ministre des Finances.

Rapport annuel sur la tarification en assurance automobile

M. Duhaime: Je voudrais également déposer, M. le Président, le rapport sur la tarification en assurance automobile préparé par l'Inspecteur général des institutions financières pour l'année 1984.

Le Président: Je crois comprendre, M. le ministre, que vous avez encore un troisième document.

Une voix: Un troisième et un quatrième. Il y en a un à côté.

Le Président: Non? M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Rapport annuel de la Société de cartographie

M. Rodrigue: M. le Président, il me fait plaisir de déposer, en cette Chambre, le rapport annuel 1983-1984 de la Société de cartographie du Québec.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre des Finances.

États financiers de la Caisse de dépôt et placement

M. Duhaime: Je voudrais également déposer, M. le Président, les états financiers et les statistiques financières au rapport de gestion 1984 de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le Président: Rapport déposé.

Au dépôt de pétitions, M. le député de

Beauharnois.

Demandes de retrait du projet de loi 42 et de modifications à la loi actuelle

M. Lavigne: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2013 pétitionnaires du Comité d'appui des travailleurs accidentés de Valleyfield. Essentiellement, ils demandent le retrait du projet de loi 42, l'adoption immédiate des modifications à la loi actuelle, conformément à leurs revendications.

Des voix: Adopté.

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 725 pétitionnaires du Conseil central de la Côte-Nord Inc., (CSN), invoquant les faits suivants: ils ne sont pas d'accord avec l'abolition de la rente à vie et son remplacement par un montant forfaitaire ridicule; ils ne sont pas d'accord avec la disparition de l'évaluation de l'incapacité permanente basée sur la difficulté de se retrouver un travail rémunérateur à la suite d'une lésion permanente; ils ne sont pas d'accord avec les restrictions concernant le droit de retour à son emploi; ils ne sont pas d'accord concernant la sécurité du revenu qui n'est pas assurée jusqu'au moment de se retrouver un emploi; ils ne sont pas d'accord car le choix de son médecin et le respect de son diagnostic ne sont pas respectés; ils ne sont pas d'accord car le droit d'en appeler des décisions est limité; ils ne sont pas d'accord avec l'orientation de ce projet de loi, car la responsabilité des employeurs n'est pas reconnue et une partie des coûts de réadaption est transférée aux régimes d'assistance sociale, tels que l'aide sociale, l'assurance-chômage, la Régie des rentes du Québec, qui sont défrayés par l'ensemble de la population et concluant à ce que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de retirer le projet de loi 42 ou, à défaut, que l'Assemblée nationale rejette le projet de loi 42.

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 607 pétitionnaires du Conseil central de Trois-Rivières (CSN), invoquant les faits suivants: nous ne sommes pas d'accord avec l'abolition de la rente à vie et son remplacement par un montant forfaitaire ridicule; nous ne sommes pas d'accord avec la disparition de l'évaluation de l'incapacité permanente basée sur la difficulté de se retrouver un travail rémunérateur à la suite d'une lésion permanente; nous ne sommes pas d'accord avec les restrictions concernant le droit de retour à son emploi; nous ne sommes pas d'accord, car la sécurité du revenu n'est pas assurée jusqu'au moment de se retrouver un emploi; nous ne sommes pas d'accord car le choix de son médecin et le respect de son diagnostic ne sont pas respectés; nous ne sommes pas d'accord car le droit d'en appeler des décisions est limité; nous ne sommes pas d'accord avec l'orientation de ce projet de loi car la responsabilité des employeurs n'est pas reconnue et une partie des coûts de la réadaptation est transférée aux régimes d'assistance sociale, tels que l'aide sociale, l'assurance-chômage et la Régie des rentes du Québec, qui sont défrayés par l'ensemble de la population et concluant à ce que, M. le Président, l'Assemblée nationale demande au gouvernement de retirer le projet de loi 42 ou, à défaut, que l'Assemblée nationale rejette le projet de loi 42. Merci.

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 860 pétitionnaires du Comité ad hoc contre le projet de loi 42, secteur Verchères, Varennes et Boucherville. Les signataires soutiennent que le projet de loi élimine des acquis importants du système d'indemnisation des accidentés du travail et ils demandent le retrait du projet de loi 42 et son remplacement par des amendements à la loi actuelle qui iraient dans le sens de leurs revendications. Je certifie que cet extrait de la pétition est conforme à l'original et au règlement, M. le Président.

Le Président: Pétition déposée. Ceci nous mène à la période des questions. Je vous rappelle qu'il y aura, à l'issue de la période des questions, des votes qui ont été reportés. M. le député de Portneuf. .

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

L'évolution des traitements dans les secteurs public et parapublic

M. Pagé: Merci, M. le Président. À la suite du dépôt des crédits par le gouvernement hier, on retient que la rémunération des employés du gouvernement du Québec, c'est-à-dire les 350 000 employés des secteurs public et parapublic représente environ 50% des dépenses budgétaires. Donc, pour 1985-1986, ce sont 13 500 000 000 $ sur des dépenses prévues de

27 400 000 000 $. L'hypothèse de calcul la plus importante dans tout l'exercice des crédits, c'est celle relative à l'évolution de la masse salariale. Or, la convention collective actuelle des travailleurs des secteurs public et parapublic vient à échéance, comme on le sait, le 31 décembre prochain, de sorte que le gouvernement a dû préparer les crédits 1985-1986 à partir d'une hypothèse à l'égard de la rémunération pour les trois derniers mois de l'année financière, soit du 1er janvier 1986 au 31 mars 1986.

Or, M. le Président, on note en page 46 du cahier de renseignements supplémentaires que le gouvernement a mis 118 700 000 $ au fonds de suppléance du ministère des Finances pour faire face aux coûts supplémentaires des conventions collectives. Ce montant, qui représente 0,9% de la rémunération comporte déjà la provision pour neuf mois de rajustement à l'égard des professionnels de la santé, dans un premier temps, ainsi qu'une provision pour le rajustement du salaire des cadres, l'augmentation salariale des cadres qui a déjà été annoncée. Cela veut donc dire qu'en se référant à ce document - et j'en arrive à ma question - il ne reste pratiquement rien pour la nouvelle convention collective des travailleurs de l'État qui est prévue comme devant commencer le 1er janvier 1986. Ma question au président du Conseil du trésor est la suivante: Quelles sont vos hypothèses comme président du Conseil du trésor à l'aube ou à quelques jours du début de cette négociation, à l'égard de l'évolution de la masse salariale pour l'année 1986 chez les travailleurs de l'État et quelle somme avez-vous mise de côté à cette fin, à l'intérieur des 118 700 000 $ qui sont prévus au fonds de suppléance du ministère des Finances?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, c'est la tradition effectivement que l'année de négociation des conventions collectives en termes de rémunération a toujours entraîné que l'on mette au fonds de suppléance les provisions nécessaires pour faire face à des augmentations de traitement. Je vous souligne qu'en ce qui concerne ce fonds de suppléance de quelque 100 000 000 $, non seulement il y a là-dedans des provisions pour les employés syndiqués mais également pour les cadres et pour la réouverture de l'entente en ce qui concerne la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Je voudrais simplement rappeler au député de Portneuf qu'en ce qui concerne l'importance des sommes qui y sont allouées, on sait également que, généralement, il y a toujours un décalage dans le temps entre le moment où l'on convient d'une augmentation de salaire et le moment où elle est effectivement versée.

Quant à dire sur quoi sont assises ces provisions pour 1985-1986, je ne lui dévoilerai sans doute pas le détail des mandats de négociation qui seront donnés le moment venu pour les médecins omnipraticiens, pour les syndiqués et syndicables, de même que pour les cadres. Je lui dirai simplement que les chiffres qui sont là sont honnêtes et qu'ils sont basés sur la politique de rémunération du gouvernement du Québec qui consiste, en ce qui concerne l'ensemble des secteurs public et parapublic, en une comparabilité en termes d'évolution des rémunérations dans le secteur public à ce qui se fait dans le secteur privé.

Le Président: M. le député de Portneuf, en complémentaire.

M. Pagé: Le ministre aura beau nous répondre que c'est compatible, mais comment concilier votre langage d'hier, comme gouvernement, où vous disiez: "Nous manifestons de l'ouverture. Nous sommes prêts à réviser !e régime de négociation. Nous sommes prêts à négocier. Nous sommes de bonne foi", avec votre langage d'aujourd'hui et, par surcroît, avec votre langage qui est libellé ici où vous avez une provision de 118 000 000 $ seulement au fonds de suppléance, avec neuf mois pour les médecins omnipraticiens, avec l'entente des cadres? Comment concilier tout cela avec le fait qu'aujourd'hui vous confirmez, par les crédits déposés, un taux de croissance de 0% pour les travailleurs des secteurs public et parapublic, pour les trois premiers mois de 1986? Où est votre bonne foi?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: C'est inexact. Je ne vois pas comment le député de Portneuf peut en arriver à ces résultats. Je lui dis simplement qu'il confond deux choses. La réforme du régime de négociation est un dossier qui n'entraîne pas en soi des négociations hâtives sur le contenu des conventions collectives pour 1984-1985. J'ai déjà eu l'occasion, en décembre dernier, lors d'une déclaration ministérielle au nom du gouvernement, d'indiquer qu'il n'y aurait pas de réouverture sur les clauses salariales pour l'année 1984-1985.

Il restait une période de trois mois à "provisionner" pour l'année budgétaire 1985-1986, puisque les conventions collectives pour l'ensemble des secteurs public et parapublic se terminent le 31 décembre. Je vous indique que ces provisions sont établies sur la base de la politique de rémunération du gouvernement qui est toujours la même évolution comparable des rémunérations dans le secteur public à celles du secteur privé. Au delà de cela, il y a effectivement certaines

provisions qui ont été incluses à ce fonds de suppléance pour faire face à des négociations qui seront amorcées bientôt en ce qui concerne les médecins.

Je lui indique également que se retrouvent là-dedans des provisions pour les cadres, enfin pour des employés qui ne sont pas syndiqués, et que que toutes ces provisions sont honnêtes et basées sur les politiques habituelles du gouvernement en termes de rémunération. Une chose que je dis clairement également au député de Portneuf, c'est que, s'il pense que je vais déposer ici, sur la table, les mandats de négociation avant même que les discussions soient engagées, je ne le ferai pas.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Question additionnelle. Devons-nous comprendre, à moins que l'exercice budgétaire, les renseignements supplémentaires et le dépôt des documents que vous avez faits hier ne soient pas sérieux, M. le président du Conseil du trésor, que la provision de 118 000 000 $ représente les sommes que devra affecter le gouvernement pour couvrir: 1) les médecins omnipraticiens; 2) les cadres; 3) l'ensemble des travailleurs des secteurs public et parapublic qui sont au nombre de 350 000 pour la période des trois premiers mois? Si vous me dites que non, que ce sera plus que cela, pourquoi ne l'avez-vous pas prévu dans votre document? Vous confirmeriez ainsi le caractère non sérieux du document qui a été déposé.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: Je ne peux que répéter ce que je viens de dire au député de Portneuf. Il y a, à l'intérieur du fonds de suppléance, des provisions suffisantes pour faire face à la situation sur la base des politiques de rémunération du gouvernement du Québec actuellement. Ces provisions sont honnêtes et je répète que je ne déposerai pas devant lui des mandats de négociation sur le plan salarial avec qui que ce soit ici, à l'Assemblée nationale, parce qu'il sait fort bien quel en serait le résultat.

Je lui indique également que s'il regarde un peu dans le passé, chaque fois qu'est survenue une année de négociation, jamais le Conseil du trésor n'a dévoilé, au moment du dépôt du livre des crédits, le détail du contenu des conventions envisagées au cours de la prochaine année. Je lui répète également que ces provisions sont basées sur les politiques habituelles de rémunération du gouvernement du Québec.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Dernière question additionnelle. Est-ce que l'enveloppe de 118 000 000 $ du fonds de suppléance à cette fin est définitive?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: Dans la mesure où on l'adopte, oui, elle est définitive. On verra s'il y a un budget supplémentaire et s'il y a...

Des voix: Ah!

M. Clair: Effectivement. Le Parlement est souverain, il adopte le livre des crédits qui est préparé et qui prévoit des provisions normales pour faire face à la situation. C'est sûr que si l'an prochain, à pareille date ou lors du budget supplémentaire, il y a des modifications à apporter à quelque point du budget de dépenses que ce soit, le Parlement est souverain et peut en disposer.

Le Président: Question principale, M. le député de Mont-Royal.

Les coûts des services de santé consécutifs aux accidents d'automobile

M. Ciaccia: M. le Président, hier, le président du Conseil du trésor annonçait que les coûts des services de santé consécutifs aux accidents routiers devront dorénavant être assumés par les assurés de la Régie de l'assurance automobile plutôt que par la Régie de l'assurance-maladie et les établissements du réseau des affaires sociales. Il évaluait alors à 40 000 000 $ les coûts découlant des accidents routiers. Nous avons des informations en provenance du Conseil du trésor, à savoir que la Régie de l'assurance automobile défraierait actuellement une partie des coûts. Est-ce exact? Est-ce que le ministre peut nous dire quels sont les coûts réels annuels? Est-ce que le montant de 40 000 000 $ est le montant total? Est-ce que c'est un montant de 80 000 000 $, comme le prétendent certains? Peut-il nous dire quel est le montant exact par année?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, les estimations les plus précises dont nous disposons présentement nous permettent de considérer qu'il s'agit d'une somme de 80 000 000 $ par année. Les 40 000 000 $ paraissant au livre des crédits - j'ai eu l'occasion, hier, de l'indiquer en réponse aux questions des journalistes - présument d'une entrée en vigueur à la mi-année, de cette pratique de la vérité des coûts en termes de

coûts de services de santé occasionnés par des accidents d'automobile. J'indique également au député de Mont-Royal que, somme toute, il s'agit d'appliquer à la Régie de l'assurance automobile du Québec exactement la même politique que celle qui est appliquée à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, où ce sont effectivement les cotisants au régime de santé et de sécurité du travail qui défraient les coûts de santé reliés à des accidents du travail. C'est le même régime qui s'implanterait à la mi-année au niveau de la Régie de l'assurance automobile du Québec.

M. Ciaccia: M. le Président, en complémentaire.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre des Transports. Est-ce que le ministre des Transports peut nous dire si les coûts supplémentaires prévus pourront être absorbés par la régie sans qu'il y ait augmentation des primes d'assurance automobile ni augmentation des frais d'immatriculation et d'émission de permis?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Tardif: M. le Président, non, je ne peux pas donner cette réponse au député de Mont-Royal pour la simple raison que les primes d'assurance sont calculées sur le volume et la gravité des accidents. Ceux-ci ont été en baisse continuelle depuis la création de la Régie de l'assurance automobile - j'entends le nombre d'accidents - et les primes sont demeurées à un niveau relativement stable. Les données préliminaires que nous avons pour l'année 1984 nous indiquent une légère augmentation du nombre des accidents qu'il faut déplorer et, à ce titre, il appartiendra à la régie, en se basant sur les données actuarielles, tant pour le volume actuel d'accidents que pour les coûts qui portent parfois sur de nombreuses années, d'établir les réserves nécessaires et de faire les recommandations au gouvernement. (15 h 20)

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, en complémentaire.

M. Ciaccia: Je voudrais savoir du ministre des Transports comment il peut expliquer sa réponse évasive et pourquoi le ministre ne dit pas clairement qu'il entend imposer une nouvelle taxe aux automobilistes comme il l'avait fait il y a deux ans, quand le ministre des Finances a récupéré 20 000 000 $ de la Régie de l'assurance automobile du Québec et que la régie a immédiatement augmenté ses tarifs. Alors, pourquoi le ministre, tout simplement et honnêtement, n'avoue-t-il pas qu'il s'agit encore une fois d'une nouvelle taxe déguisée?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Tardif: M. le Président, le député de Mont-Royal a sa façon habituelle de déformer les faits. Il y a un volume donné d'accidents. Ce volume donné d'accidents entraîne des coûts sociaux. La question est donc de savoir... J'aimerais que le député de Mont-Royal, qui a posé une question, mais ne semble pas intéressé par la réponse, écoute. Il s'agit de savoir si les coûts des accidents seront assumés par 6 000 000 de citoyens ou par les 4 000 000 d'automobilistes. Il me semble que poser la question, c'est y répondre. Il n'y a aucun coût nouveau dans le fait de faire assumer les coûts par ceux-là mêmes qui les entraînent.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, en complémentaire.

M. Ciaccia: Je pense que c'est le ministre qui ne comprend pas. Le président du Conseil du trésor vient de nous dire qu'il va y avoir un montant de 80 000 000 $ qui seront assumés par la régie de l'assurance. Alors, vous avez le chiffre. Est-ce que vous pouvez nous dire maintenant s'il va y avoir une augmentation, oui ou non, par la régie des permis d'immatriculation et des permis de licence?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Tardif: M. le Président, le député de Mont-Royal ne veut pas comprendre. Les 80 000 000 $ doivent être assumés pour couvrir les frais d'accidents. Est-ce que ce sera le contribuable faisant son rapport d'impôt qui assumera les coûts ou l'automobiliste? M. le Président, poser la question, c'est y répondre.

Le Président: Question principale... M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président: M. le député de Richmond.

La diminution des crédits consacrés à la construction de routes

M. Vallières: M. le Président, ma question s'adressera au ministre délégué au

Développement et à la Voirie des régions. À la lecture des crédits budgétaires déposés hier, nous pouvons constater une diminution du budget consacré à la construction du réseau routier dans toutes les catégories de routes, qu'il s'agisse des autoroutes, des routes principales, des routes régionales ou des routes à caractère local; une diminution de l'ordre de 15 000 000 $. Est-ce que le ministre pourrait indiquer à cette Chambre et aux contribuables dans les régions en particulier si cette diminution du budget est la conséquence directe du nouveau leadership qu'il exerce au sein de son ministère? Et comment entend-il répondre à cette diminution face aux besoins croissants qui sont exprimés par la population à la suite de cette négligence dont a fait preuve son gouvernement depuis 1976? Le budget était passé de 511 000 000 $ en 1976 à 393 000 000 $, selon les provisions qui ont été déposées hier.

Le Président: M. le ministre délégué au Développement et à la Voirie des régions.

M. Le May: L'intervention du député de Richmond m'inquiète beaucoup parce que je pense qu'il n'est pas au courant qu'on a quand même un budget actuellement de 832 000 000 $ consacré au système routier québécois. Étant donné, que notre système routier vieillit actuellement, nous avons pensé peut-être mettre un peu plus d'argent dans l'entretien et l'administration de notre réseau que dans les nouvelles initiatives. C'est ainsi que cette année, nous consacrerons, seulement pour l'entretien de notre réseau routier et son amélioration, 438 000 000 $. Je pense que pour les années difficiles que nous traversons, c'est un bel effort de la part du gouvernement.

Le Président: Une question complémentaire, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Le ministre aurait avantage à se promener dans les régions. Je demande au ministre s'il admet... Ma question est fort précise, M. le Président, elle porte sur le budget qui est réservé à la construction de routes. On aura l'occasion de parler d'entretien à un autre moment. Est-ce que le ministre reconnaît que le budget qui était de 511 000 000 $ en 1976 et maintenant de 393 000 000 $ en ce qui a trait au budget de construction de routes, représente une diminution catastrophique?

Le Président: M. le ministre délégué au Développement et à la Voirie des régions.

M. Le May: Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous construisons moins de routes parce que notre système routier est parfois détérioré dans certaines régions. On aime mieux entretenir ce qu'on a que d'avoir de nouvelles routes et ne pas entretenir ce qui nous appartient actuellement. On met plus d'argent dans l'entretien et on en met moins dans la construction. Pour ce qui est de visiter les régions, je l'ai fait, je pense, pas mal davantage que M. le député de Richmond.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Richmond.

M. Vallières: J'aimerais, pour faire allusion aux propos que vient de tenir le ministre, qu'il nous explique comment il se fait que dans les crédits qui ont été déposés hier, - il nous parle de l'augmentation des crédits au niveau de la conservation - on remarque une diminution du budget de 8 000 000 $ par rapport à l'an passé? Comment peut-il parler d'augmentation du budget au niveau de l'entretien? Faites vos classes, allez voir ce qui est contenu dans vos crédits.

Le Président: M. le ministre délégué au Développement et à la Voirie des régions.

M. Le May: Quand on parle d'augmentation pour l'entretien, on parle en termes de pourcentage. Actuellement, on a un budget de 832 000 000 $ et en termes de pourcentage on en consacre plus à l'entretien qu'à la construction. Je ne comprends pas que le député de Richmond ne soit pas capable de lire cela.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Est-ce que je pourrais demander au ministre de lire, à la page 63 des crédits qui ont été déposés hier, les renseignements supplémentaires à la rubrique "Conservation du réseau routier", il y a effectivement une diminution - il veut parler de pourcentage - de 1% sur l'an dernier. Pourrait-il nous dire s'il sait que le chapitre québécois de l'Association canadienne de la construction évalue qu'il y a plus de 2100 kilomètres de routes au Québec qui ne répondent pas aux normes d'acceptabilité du ministère des Transports, qu'il en coûterait 464 000 000 $ sur cinq ans, donc 93 000 000 $ par année, soit pour repaver ou reconstruire ces 2100 kilomètres de routes, et comment peut-il concilier qu'au lieu d'augmenter de 93 000 000 $...

Le Président: M. le député, dans la même question complémentaire, vous en êtes rendu à la troisième. J'ai indiqué, la semaine dernière, au député de Deux-Montagnes que trois questions dans une, c'est une bonne façon de faire en sorte qu'il n'y en ait pas d'autres complémentaires. Je

préférerais qu'on pose les questions une à une, sinon il est difficile de contrôler le temps de réponse lorsqu'il y a trois questions dans la même.

M. Gratton: M. le Président, soit que je m'exprime mal ou que vous entendiez mal, mais c'est toujours la même question. Bref, comment le ministre, qui est si fort en pourcentage, peut-il concilier que l'Association canadienne de la construction recommande qu'on dépense 93 000 000 $ de plus par année sur une période de cinq ans et qu'il diminue plutôt de 7 000 000 $ les sommes qui sont consacrées à la conservation du réseau routier?

Le Président: M. le ministre délégué au Développement et à la Voirie des régions.

M. Le May: M. le Président, d'abord, en 1976, lorsqu'on est arrivé au pouvoir, on a dû finir toutes les autoroutes chromées que le Parti libéral avait commencées avant, premièrement.

En plus, sur les budgets attribués avant 1976, 30% allaient au patronage. Cela explique...

Des voix: Bravo!

M. Le May: Actuellement, M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition. (15 h 30)

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président. Je rappelle le contenu de l'article 79. Si vous voulez faire un débat sur le patronage, on est prêt n'importe quand.

M. le Président, à l'article 79, on dit bien...

Des voix: ...

M. Gratton: Si vous voulez parler de l'assiette au beurre du premier ministre, on peut en parler n'importe quand.

Le Président: Allons! allons! allons! Allons! allons! allons! M. le leader de l'Opposition... Allons! S'il vous plaît! Du calme! M. le leader de l'Oppostion invoquait une question de règlement fondée sur l'article 79. En effet, il a tout à fait raison de souligner que l'article 79 dit ce qu'il dit, mais encore, je rappelle aux deux côtés de la Chambre qu'il ne doit y avoir aucune argumentation, autant dans les réponses que dans les questions.

M. Gratton: J'en conviens, M. le Président. Je n'ai pas posé de question sur le patronage, que je sache, mais si, pour le permettre au ministre, on doit en poser, on va parler de Luc Cyr. Voulez-vous en parler de Luc Cyr, par exemple?

Le Président: Chacun a pu faire ses remarques. Nous pouvons maintenant poursuivre sur le fond de la question, si tant est que M. le ministre a quelque chose à ajouter à la réponse qu'il avait donnée. Non? D'accord. Deux dernières questions complémentaires, M. le député de Berthier et, ensuite, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Houde: Merci, M. le Président. Le ministre est-il au courant de l'étude qui est faite par son propre ministère des Transports du Québec à savoir que les routes ne se maintiennent même pas au niveau zéro pour l'usure et l'entretien. Cela est fait par votre ministère depuis deux ans et l'an dernier, encore la même chose. Êtes-vous au courant de cela?

Le Président: M. le ministre délégué au Développement et à la Voirie des régions.

M. Le May: M. le Président, selon les normes établies par le ministère, nous devons, comme ministère responsable de la voirie, intervenir généralement et en moyenne tous les 12 ans sur le système routier pour l'entretenir. Actuellement, nous nous sommes aperçus, après étude, que nous intervenions environ tous les 14 ou 15 ans. Pour corriger cela, c'est exactement ce qu'on fait, on en met plus sur l'entretien et moins sur les nouvelles routes.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témisca-mingue): M. le Président, le ministre pourrait-il indiquer à cette Chambre et, tout particulièrement en ce qui concerne les citoyens et les citoyennes des grandes régions du Québec, si le ministre va continuer à appliquer en priorité la caractéristique fondamentale du Parti québécois c'est-à-dire de développer les infrastructures routières des grandes régions du Québec plutôt que de répondre à des dépenses éhontées sur des autoroutes qui nous ont coûté cher...

Des voix: Bravo!

Le Président: Une lecture attentive, M. le député, de l'article 79 vous convaincra sans doute que votre question était irrégulière. Question principale, M. le député de Bourassa.

Le prochain sommet sur l'industrie du vêtement

M. Laplante: On va parler d'emploi, M. le Président. On me dit que la semaine prochaine, il y aura un sommet sur l'industrie du vêtement à Montréal. Cette question s'adresse au ministre délégué à l'Emploi et à la Concertation. Je voudrais savoir qui sont les invités de ce sommet.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Laplante: Les discussions à l'ordre du jour de ce sommet porteront-elles sur les quotas et surtout, ce qui m'intéresse plus particulièrement, sera-t-il question, à ce sommet des décrets dans l'industrie du vêtement?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Emploi et à la Concertation pour ce qui est de la deuxième partie de la question, en effet, il n'y a pas de problème. La première partie ressemble davantage à une question au feuilleton, quant à savoir la liste des invités à un sommet. M. le ministre délégué à l'Emploi et à la Concertation.

M. Dean: M. le Président, effectivement les jeudi et vendredi soir de la semaine prochaine aura lieu à Montréal une deuxième phase... Est-ce que les emplois, ça vous intéresse le Parti libéral?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre...

M. Dean: ...la deuxième phase du sommet sur l'industrie du vêtement où seront regroupés les employeurs, les travailleurs de ce secteur et les représentants du nouveau centre de la productivité de l'industrie du vêtement qui est lui-même le résultat d'un sommet antérieur à la demande des partenaires ainsi que le centre de la mode. Seront également présents les représentants du gouvernement du Québec et, pour la première fois, un représentant du gouvernement fédéral...

Des voix: Ah!

M. Dean: ...à cause de l'importance de la question des importations et des quotas sur les emplois dans ce secteur industriel. La préoccupation primordiale des partenaires économiques de ce secteur industriel serait de sauvegarder les 55 000 emplois qui existent déjà, dont les emplois majoritairement occupés par des femmes et des représentantes des communautés culturelles et la possibilité réelle de créer d'ici à trois ans, dans ce secteur seulement, 15 000 nouveaux emplois.

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Dean: Évidemment, parmi les sujets de discussion, il y aura la continuation de la restructuration et de la relance de ce secteur, par l'introduction de nouvelles technologies, le développement des marchés d'exportation; et, effectivement, pour la première fois, les partenaires patronaux et syndicaux ont la volonté de revoir toute la question des décrets en vertu de la Loi des conventions collectives dans le sens de leur impact positif ou négatif sur le maintien et la création d'emplois dans ce secteur.

Le Président: Complémentaire? En complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Durant le sommet économique, est-ce que le ministre pourrait me dire ce qu'il y aura en fait de discussions pour tâcher de régler le problème de Wabasso à Trois-Rivières et à Shawinigan?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Emploi et à la Concertation.

M. Dean: M. le Président, que je sache, Wabasso fait partie du secteur industriel du textile et c'est un sommet sur le vêtement. Évidemment, il y a...

Des voix: Ha! Ha!

M. Dean: M. le Président, je ne veux aucunement que le parti d'en face interprète ma réponse comme minimisant la situation tragique vécue dans la région de la Mauricie par des fermetures d'entreprises, sauf que je trouve que ce serait un peu difficile de fabriquer des vêtements avec des taies d'oreiller et des draps.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Question additionnelle, M. le Président, à l'honorable ministre délégué à l'Emploi et à la Concertation. Compte tenu que son collègue des Finances, le député de la région, semble beaucoup plus préoccupé par la coupe Memorial que par la réouverture de Wabasso, qui, dans le gouvernement, s'occupe de la Wabasso? Qui s'en occupe? C'est vous?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Emploi et à la Concertation.

M. Dean: M. le Président, je pense que le ministre des Finances et le ministre de l'Industrie et du Commerce, de par leurs fonctions, sont impliqués avec les députés gouvernementaux de la région dans ce qui se fait, dans une tentative pour réorganiser et relancer ce secteur industriel. Cela ne fait

sûrement pas partie du sommet sur le vêtement au moment où on se parle.

Le Président: Question principale, M. le député de Sainte-Marie.

Les pourparlers entre le gouvernement

et la coalition des syndicats des

secteurs public et parapublic

M. Bisaillon: M. le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du trésor, coresponsable, avec le premier ministre, du dossier sur le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic.

Des voix: Ha! Ha!

Une voix: C'est beaucoup dire!

M. Bisaillon: On sait, M. le Président, qu'aujourd'hui, à travers le Québec, les travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic ont pris des moyens pour sensibiliser la population sur les actions gouvernementales et surtout sur l'avant-projet de loi que le président du Conseil du trésor a déposé en cette Chambre. Or, on sait aussi que, depuis quelque temps, on a été informé de rencontres entre le gouvernement et la coalition des syndicats des secteurs public et parapublic. Ma question au président du Conseil du trésor, s'il peut me répondre, est de savoir ce qu'ont donné les différentes rencontres avec les centrales syndicales. Est-ce que, à l'intérieur des rencontres que vous avez eues, vous avez pris connaissance de positions nouvelles de la part des centrales syndicales? Est-ce que, par exemple, vous pourriez nous parler de la position des centrales syndicales sur la question des services essentiels, selon le code d'éthique dans le domaine des affaires sociales. (15 h 40)

Le Président: M. le député.

M. Bisaillon: Est-ce que les positions avancées par les centrales syndicales peuvent nous laisser croire au moment où on se parle que l'avant-projet de loi déposé par le président du Conseil du trésor sera retiré? Est-ce qu'on peut penser aussi...

Le Président: M. le député...

M. Bisaillon: Je termine ma question...

Le Président: Oui, je veux bien croire que vous terminez mais vous êtes rendu à peu près au cinquième "est-ce que"? Chaque élément constitue autant de questions complémentaires. Je veux bien revenir à la question complémentaire, mais cela va faire une réponse pour chaque élément de question et il faut bien que j'accorde un temps de réponse. Cela risque de faire une réponse très longue.

M. Bisaillon: M. le Président, vous avez parfaitement raison. J'enlève les cinq "est-ce que" en demandant au ministre de nous faire le point sur la situation de ces cinq éléments.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: Effectivement, il y a eu, comme chacun le sait, trois rencontres entre des représentants du gouvernement et des représentants de la coalition en cause. Ce que je peux indiquer au député en termes d'événements à suivre à la suite de ces rencontres, c'est que le premier ministre a indiqué à la sortie même de cette rencontre, vendredi dernier, au nom du gouvernement, qu'il y aurait dépôt d'un projet de loi à l'Assemblée nationale au cours des prochaines semaines. J'ai eu l'occasion de faire le point avec les collègues intéressés à ces questions: le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Éducation et le ministre de l'Enseignement supérieur. Nous travaillons présentement à préparer un projet de loi. Le dossier sera officiellement transmis au Conseil des ministres vraisemblablement la semaine prochaine ou la semaine suivante.

Je n'ai pas l'intention de divulguer maintenant le contenu des discussions que nous avons eues au moment de ces rencontres. Je pense, d'après la question du député, qu'il voudrait que je parle de la position des centrales syndicales sur le code d'éthique en matière de services essentiels. Je pense que les porte-parole syndicaux sont de bien meilleurs porte-parole de leur position sur ces questions que le président du Conseil du trésor. Je pense qu'ils ont largement fait connaître, en particulier dans un document de plate-forme, de même que la CSN qui est venue en commission parlementaire, quels étaient leurs points de vue sur ces questions.

En peu de mots, le gouvernement a rencontré les centrales syndicales et les représentants de la coalition. Il a approfondi avec ces représentants la compréhension de leur position et des pas qu'ils étaient prêts à franchir sur certaines questions. J'avais déposé un avant-projet de loi en indiquant bien que cela représentait une double volonté du gouvernement, premièrement, de tenir compte de l'avis de tous nos partenaires en disant bien qu'il n'y avait pas de vérité absolue là-dessus mais que, par ailleurs, cela indiquait aussi une volonté très nette du gouvernement, à ce moment-là et qui ne s'est pas démentie jusqu'à maintenant - je ne pense pas qu'il le fasse - de modifier en profondeur le régime de négociation dans le

secteur public.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillorc Y aura-t-il consultation des centrales syndicales avant le dépôt du projet de loi? Le ministre retiendra-t-il les positions qui ont été avancées par les centrales syndicales?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: Oui. À la question de savoir si le gouvernement reverra les représentants de la coalition et non pas seulement les représentants des centrales syndicales, c'était dans les journaux de samedi matin où on avait déjà indiqué que nous les reverrions avant de déposer le projet de loi. Il est évident que nous souhaitions depuis des mois avoir l'occasion de recueillir le point de vue des représentants des employés des secteurs public et parapublic sur une réforme du régime de négociation. J'avais indiqué que nous souhaitions recevoir ce point de vue afin d'en tenir compte, comme nous tiendrons compte aussi du point de vue de l'ensemble des bénéficiaires des services publics, des associations patronales, des étudiants, des enseignants. Oui, certainement. Si on les a rencontrés, c'est parce qu'on a l'intention de tenir compte de ce qu'ils nous ont dit.

Le Président: Question principale, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Question complémentaire, M. le Président.

Le Président: Question complémentaire, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministre de l'Éducation est-il prêt à confirmer que des négociations parallèles ont eu lieu en même temps que le ministre affirmait qu'on ne négociait rien tant que le nouveau régime de négociation n'aura pas été défini? Peut-il confirmer que des négociations parallèles se seraient poursuivies avec les syndicats du domaine de l'éducation? Pourrait-il faire le point sur l'état de ces négociations et nous indiquer en particulier s'il entrevoit la possiblité d'un renouvellement de l'entente collective dans ce secteur, avant même l'expiration de la période des décrets?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Gendron: Je suis en mesure d'informer cette Chambre que nous n'avons pas mené de négociation parallèle. Mais comme on l'a fait à l'Éducation depuis au-delà d'un an et demi, on a essayé de maintenir des échanges constants, très étroits, avec la CEQ pour, en particulier, régler des problèmes réels au niveau du comité mixte. Vous êtes au courant qu'il y a à peu près une année, on avait créé le comité mixte pour essayer ensemble de trouver des solutions à des problèmes réels qui avaient été identifiés par le Conseil supérieur de l'éducation. On a poursuivi ces échanges et on a également fait ce qu'on appelle certaines explorations sur des sujets réguliers, mais, d'aucune façon, on n'a mené des négociations parallèles. Donc, je ne peux pas faire le point sur des séances de négociations qu'on n'a pas eues.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor m'indique qu'il aurait une courte information complémentaire à donner, s'il n'y a pas d'objection.

M. Clair: Oui, c'est simplement, M. le Président, pour corriger... Dans sa question, le député d'Argenteuil laisse entendre que j'aurais déclaré que nous refusions de mener toute discussion sur d'autres sujets parallèles à la réforme du régime de négociation. Je voudrais encore une fois le ramener à la déclaration ministérielle que j'ai faite en décembre dernier, aux alentours du 20 décembre, alors que j'avais bien indiqué que ce que nous refusions, c'était une réouverture globale et générale des négociations quant au contenu en parallèle à une réforme du régime, mais qu'on ne s'opposait aucunement à ce que le travail des comités mixtes, que nous avions nous-mêmes proposé de mettre sur pied, se continue.

Le Président: M. le député d'Argenteuil en complémentaire.

M. Ryan: Le ministre de l'Éducation est-il en mesure de confirmer que les entretiens, pour ne pas parler de négociations, pour ne pas blesser sa pudeur, auraient achoppé en bonne partie sur l'étendue de la période devant être couverte par la prochaine entente collective?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Gendron: Je vous remercie d'avoir des inquiétudes concernant ma pudeur. Je tiens à vous signaler, M. le député d'Argenteuil, pour être très sérieux, que dès que j'ai été nommé ministre de l'Éducation, j'ai indiqué que je ne voulais ménager aucun effort afin que nous ayons régulièrement et fréquemment des échanges sur les problèmes réels soulevés en éducation. Quant au problème particulier que vous soulignez, à

savoir que ces pourparlers - qu'on a fréquemment, de toute façon, sur des sujets qu'eux-mêmes veulent que nous discutions -auraient achoppé sur une question de durée de convention, je ne suis pas en mesure, à ce moment-ci, de donner une information précise à ce sujet.

Le Président: Question principale, M. le député de Saguenay.

Le rôle de REXFOR dans le dossier ITT de Port-Cartier

M. Maltais: Merci, M. le Président. Toujours dans le domaine de l'emploi, il s'agit ici des 2000 perdus à Port-Cartier. Hier, on s'est fait couper par le temps. Le ministre nous a confirmé que ITT allait démolir ses installations et il nous a dit aussi que peut-être il pourrait récupérer certaines machineries à l'intérieur de l'usine actuelle.

Le 3 octobre 1984, un arrêté en conseil demandait à REXFOR, avec un organisme du milieu, de faire des prévisions pour savoir s'il n'y avait pas possibilité de rouvrir ITT. Le Conseil du trésor à ce moment-là consentait 500 000 $ à REXFOR... 500 000 $, c'est écrit ici, M. le ministre, à moins que l'arrêté en conseil ne soit faux. Pouvez-vous nous dire exactement si l'argent a été dépensé et quel est le rapport que REXFOR vous a remis? Pourriez-vous aussi le déposer ici, à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Jolivet: Concernant le dossier de ITT, je dois dire que la société REXFOR est toujours dans le dossier. L'argent qui a été voté sert encore actuellement à des rencontres avec des investisseurs potentiels. J'ai parlé hier d'un groupe finlandais, d'un groupe norvégien et d'un groupe québécois. Donc, au moment où je vous parle, tout n'est pas perdu puisque le démantèlement partiel des équipements de ITT à Port-Cartier, échelonné sur 18 mois, permet à d'autres groupes qui veulent investir de venir nous rencontrer ou d'aller les rencontrer. Quand le maire Detroio dit que nous n'avons presque rien fait dans le dossier, je dois lui rappeler que le député de Duplessis, le ministre des Finances, le ministre de l'Énergie et des Ressources et moi-même avons rencontré des gens qui étaient prêts à investir. Ces gens ont rencontré un groupe à Ottawa auprès de M. Mulroney. Quand des gens demandent à l'ensemble des investisseurs de venir et qu'ils sont reçus par différents ministres, de quelque niveau que ce soit, on s'aperçoit qu'ils sont peut-être trop exigeants dans les demandes qu'ils font.

Quant à nous, nous sommes ouverts à trouver des solutions à l'ensemble de ce problème en vous disant que REXFOR continue à travailler sur le dossier. Des rencontres ont lieu avec d'autres investisseurs. Tout n'est pas perdu dans le dossier. Au contraire, il faut dire aux gens que nous avons bon espoir de trouver des solutions aux problèmes de ITT. (15 h 50)

Le Président: M. le député de Saguenay, en complémentaire.

M. Maltais: M. le Président, est-ce que, après sept ans de rencontres... Je comprends que le ministre a rencontré beaucoup de monde. Tout le monde se rencontre, tout le monde est heureux. Mais le ministre n'aurait-il pas un petit document à nous remettre, un petit rapport préliminaire de REXFOR contenant des solutions qui pourraient rassurer la population de Port-Cartier? Il s'agit de 2000 emplois, M. le ministre, et vous savez très bien que cette région ne peut se permettre de les perdre. Mais, d'espoir en espoir...

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Jolivet: Écoutez, d'espoir en espoir, quant à la conclusion, nous ne referons certainement pas, avec la relance de l'ensemble de ITT, l'erreur qui a été faite au lancement premier de ITT. C'est le gouvernement qui nous a précédés qui a fait en sorte qu'aujourd'hui, on a des problèmes. À partir de cela, nous avons décidé, il y a cinq ans, des actions dans le milieu. Nous avons aidé, par une entente fédérale-provinciale, à l'entretien des équipements; nous avons donné 200 000 $ au groupe SOREF; nous avons permis à des gens d'aller chercher des investisseurs à l'aide de REXFOR et nous sommes encore à travailler dans le dossier. Je n'ai pas d'autre rapport à faire que celui-là.

Le Président: Dernière question, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: En complémentaire, est-ce que le ministre peut nous confirmer ce que nous disait son collègue, le ministre du Commerce extérieur, à savoir que si cela traînait tellement en longueur, c'était dû au fait que REXFOR avait reçu seulement un mandat d'étude et que REXFOR avait reçu... Je cite M. Landry, le ministre du Commerce extérieur: "REXFOR n'a pour l'heure comme marge de manoeuvre qu'un mandat d'étude. Il ne s'agit pas d'un mandat en vue de faire la promotion du projet." Est-ce que le ministre est d'accord sur le fait qu'après avoir donné un mandat aux officiers du ministère, il a donné, ou son prédécesseur a donné un mandat trop limité à REXFOR et que c'est

l'une des raisons pour lesquelles le projet n'est pas plus avancé qu'il ne l'est maintenant?

Une voix: La vérité, la vérité!

M. Jolivet: M. le Président, je ne suis pas au courant des déclarations faites par mon collègue, mais je peux dire une chose, par exemple. Le groupe qui s'appelle REXFOR dans le dossier a le mandat d'aller faire de la recherche au niveau d'investisseurs potentiels. Des représentants de REXFOR sont allés dans les pays de la Scandinavie, en Finlande et en Norvège en particulier. Ils sont allés avec le groupe dont M. Saulnier a la responsabilité, avec SOREF. Quand on vient nous dire que REXFOR a un mandat limité, c'est faux.

Deuxièmement, ce qui me fait toujours rire...

Le Président: M. le ministre des Relations internationales, à quel sujet vous levez-vous?

M. Landry: Je me lève parce qu'on m'a mis en cause.

Le Président: Un instant, un instant. Votre collègue est en train de répondre à une question. Je suggère qu'on le laisse finir sa réponse. M. le ministre.

M. Jolivet: Ce qui me fait toujours rire, M. le Président, dans le dossier de REXFOR, c'est qu'à chaque fois que REXFOR arrive dans un dossier, les libéraux de l'autre côté sont contre.

Des voix: C'est faux. Une voix: C'est cela.

M. Jolivet: J'ai eu l'occasion d'entendre beaucoup de discours, ici en cette Chambre, dans lesquels les libéraux dénigraient la société REXFOR. Dans ce contexte, nous lui avons donné un mandat précis, c'est-à-dire d'aller chercher des investisseurs pour Port-Cartier.

Le Président: La période de questions est terminée.

Une voix: Un complément de réponse.

M. Landry: Je pense que j'ai une question de privilège.

Le Président: Ce n'est pas... Un rappel au règlement, M. le député de Saint-Louis.

M. Landry: Vous verrez après.

M. Blank: M. le Président, vous avez déjà statué que, sur une demande de question de privilège, le député doit se conformer à l'article 71, à savoir de vous en donner l'avis demain.

Le Président: Si quelqu'un veut soulever une question de privilège, il doit d'abord me préciser quel privilège il invoque.

M. Landry: C'est plutôt une question de fait personnel. L'Opposition en jugera, d'ailleurs.

Le Président: Pour une question de fait personnel, M. le ministre, ce sera à la prochaine période, avec un avis en bonne et due forme, selon le règlement.

M. Landry: J'insiste, M. le Président. Je trouve que la situation est odieuse et je demande au leader de l'Opposition d'écouter au moins ce que j'ai à vous dire.

Des voix: Non, non, non.

Le Président: II faut bien que vous vous leviez en vertu d'une disposition du règlement. Or ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Je ne peux donc vous céder la parole malgré tout le plaisir que... Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Peut-être pourrais-je faire une suggestion qui accommodera le ministre du Commerce extérieur. Étant donné que c'est son collègue qui l'a attaqué, peut-être pourrait-il en discuter...

Le Président: Ce serait un excellent canal pour la prochaine suggestion que vous avez à lui faire aussi. Nous allons maintenant mettre aux voix...

M. Landry: Je resoumets une question de privilège et je demande...

Le Président: En vertu de quel privilège, M. le ministre?

M. Landry: Je demande au député... Voici ce qui est arrivé. Je ne dis pas que l'Opposition... Laissez-moi l'expliquer. Le député de Portneuf rigole et il sait très bien...

Le Président: M. le ministre des Relations internationales, quand on se lève... M. le ministre. Je suis tout disposé à vous accorder une question de privilège, mais encore faut-il qu'en commençant la question de privilège vous me précisiez lequel des privilèges vous invoquez et non pas me décrire la situation.

M. Landry: M. le Président, ce que je veux vous dire et je ne mets pas en cause la

bonne foi de l'Opposition. Un membre de l'Opposition m'a attiré pour une question que j'ai cru urgente. Il m'a fait venir...

Mise aux voix de la motion du premier

ministre proposant que l'Assemblée reconnaisse les droits des autochtones

Le Président: Cela a dû permettre à tous nos collègues qui étaient à l'extérieur d'entrer, si bien que nous allons maintenant mettre aux voix... On me dit qu'il y a un amendement que M. le premier ministre souhaiterait apporter à sa propre motion pour remplacer le mot "bande" par "communauté" si je ne m'abuse.

M. Lévesque (Taillon): Oui. Je ne me souviens plus de l'endroit exact, M. le Président, mais là où se trouve "bande" cela devrait, à notre avis, s'il n'y a pas d'objection, parce que cela couvre tout plus complètement, "bande" ne s'applique pas partout. Alors ce serait plutôt "communauté", si vous voulez bien.

Le Président: S'il y a consentement au remplacement de ce terme nous pourrions procéder au vote sur la motion principale telle que modifiée en remplaçant le mot "bande" par "communauté". Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président: II y a consentement? Bien. Si bien que je mets maintenant aux voix la motion suivante de M. le premier ministre. "Que cette Assemblée reconnaisse l'existence au Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, micmaque, mohawk, montagnaise, naskapie et inuit; "Reconnaisse leurs droits ancestraux existants et les droits inscrits dans les conventions de la Baie James et du Nord québécois et du Nord-Est québécois; "Considère que ces conventions, de même que toute autre convention ou entente future de même nature, ont valeur de traités; "Souscrive à la démarche que le gouvernement a engagée avec les autochtones afin de mieux reconnaître et préciser leurs droits, cette démarche s'appuyant à la fois sur la légitimité historique et sur l'importance pour la société québécoise d'établir avec les autochtones des rapports harmonieux fondés sur le respect des droit et la confiance mutuelle; "Presse le gouvernement de poursuivre les négociations avec les nations autochtones en se fondant, sans s'y limiter, sur les quinze principes qu'il a approuvés le 9 février 1983 en réponse aux propositions qui lui ont été transmises le 30 novembre 1982 et à conclure avec les nations qui le désirent ou l'une ou l'autre des communautés qui les constituent des ententes leur assurant l'exercice: a) du droit à l'autonomie au sein du Québec; b) du droit à leur culture, leur langue, leurs traditions; c) du droit de posséder et de contrôler des terres; d) du droit de chasser, pêcher, piéger, récolter et participer à la gestion des ressources fauniques; e) du droit de participer au développement économique du Québec et d'en bénéficier, de façon à leur permettre de se développer en tant que nations distinctes ayant leur indentité propre et exerçant leurs droits au sein du Québec; "Déclare que les droits des autochtones s'appliquent également aux hommes et aux femmes; "Affirme sa volonté de protéger dans ses lois fondamentales les droits inscrits dans les ententes conclues avec les nations autochtones du Québec; et "Convienne que soit établi un forum parlementaire permanent permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins."

Que les députés qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever. (16 heures)

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bédard (Chicoutimi), Rancourt (Saint-François), Marcoux (Rimouski), Mme Marois (La Peltrie), MM. Clair (Drummond), Duhaime (Saint-Maurice), Johnson (Anjou), Landry (Laval-des-Rapides), Bérubé (Matane), Richard (Montmorency), Tardif (Crémazie), Jolivet (Laviolette), Godin (Mercier), Roche-fort (Gouin), Dean (Prévost), Léger (Lafontaine), Gendron (Abitibi-Ouest), Martel (Richelieu), Fallu (Groulx), Le May (Gaspé), Biron (Lotbinière), Garon (Lévis), Fréchette (Sherbrooke), Bertrand (Vanier), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Rodrigue (Vimont), Chevrette (Joliette), Brassard (Lac-Saint-Jean), Ouellette (Beauce-Nord), Brouillet (Chauveau), Leduc (Fabre), Bordeleau (Abitibi-Est), Gravel (Limoilou), Marquis (Matapédia), Gauthier (Roberval), Beaumier (Nicolet), Blouin (Rousseau), Lavigne (Beauharnois), Baril (Arthabaska), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Dussault (Châteauguay), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Charbonneau (Verchères), Perron (Duplessis), Beauséjour (Iberville), Le Blanc (Montmagny-L'Islet), La-plante (Bourassa), Champagne (Mille-Îles), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Blais (Terrebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Tremblay (Chambly), Lachance (Bellechasse), Paré (Shefford), Payne (Vachon), Lafrenière (Ungava), Mme Le Blanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), MM. Paquette (Rosemont)

Bisaillon (Sainte-Marie), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Boucher (Rivière-du-Loup), Grégoire (Frontenac).

Le Président: Que les députés qui s'opposent à la motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Gratton (Gatineau), O'Gallagher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Ciaccia (Mont-Royal)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Ryan (Argenteuil), Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chomedey), M. Marx (D'Arcy McGee)...

Des voix: Ah!

Le Président: Allons! allons!

Le Secrétaire adjoint: ...Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Middlemiss (Pontiac), Vallières (Richmond), Assad (Papineau), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Henri), Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Rocheleau (Hull), Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Côté (Charlesbourg), Pagé (Portneuf), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte), Lincoln (Nelligan), Cusano (Viau), Doyon (Louis-Hébert), Dubois (Huntingdon), Maciocia (Viger), Picotte (Maskinongé), Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier), Leduc (Saint-Laurent), Maltais (Saguenay), Mmes Bélanger (Mégantic-Compton), Saint-Amand (Jonquière), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys) Pratt (Marie-Victorin), Parent (Sauvé), Viau (Saint-Jacques).

Le Président: Attention!

Le Secrétaire: Pour: 66

Contre: 44

Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée.

Aux motions sans préavis, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

Hommage aux bénévoles de l'AQDM M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, j'aimerais demander l'unanimité de cette Chambre pour l'adoption d'une double motion dont je fais lecture: "Que cette Assemblée rende hommage aux efforts, à la persévérance des bénévoles de l'Association du Québec pour les déficients mentaux et que cette Assemblée formule le voeu que les personnes qui vivent avec un handicap mental soient de plus en plus dans notre société des citoyens et des citoyennes à part égale."

Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion d'une telle motion? Il semble que oui. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, dès que nos collègues qui ne sont pas intéressés par cette motion auront eu le loisir de quitter les lieux.

M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Fallu: M. le Président, c'est pour la septième année consécutive que l'Association du Québec pour les déficients mentaux organise cette Semaine de la déficience mentale. Je rappellerai que cette association groupe maintenant environ 10 000 membres, c'est-à-dire 10 000 bénévoles qui oeuvrent auprès des déficients mentaux, soit dans leur propre famille ou encore pour les assister dans les familles voisines.

Le slogan de l'année 1985 est: "Je suis capable, le savais-tu?" C'est-à-dire que c'est la personne elle-même qui s'adresse à l'ensemble de la société pour nous rappeler qu'une déficience chez un être humain n'est qu'une limitation partielle et qu'il reste, au-delà de cette déficience, énormément de capacité résiduaire qu'elle a le droit d'exercer au maximum. En conséquence, comme société, nous avons le devoir de lui permettre d'exercer cette capacité. C'est donc le sens de l'appel cette année. Je suis capable, nous dit la personne handicapée mentale, le savais-tu? Intègre-moi dans ta société.

Le temps est venu, M. le Président, de sortir, d'intégrer l'ensemble des personnes handicapées au Québec non seulement sur le plan social, mais également sur le plan économique. Notre société a fait, à cet égard, des pas extraordinaires. En résumé, au sommet À part égale, il y a maintenant trois semaines, nous pouvions dire, en répétant d'ailleurs ce que nous avions entendu: La société québécoise a fait des pas de géant. Il reste néanmoins très certainement, dans le domaine des personnes handicapées mentales, des pas de géant encore à réaliser.

M. le Président, c'est donc un hommage que je voudrais rendre en premier lieu aux bénévoles de l'Association du Québec pour les déficients mentaux. En second lieu, c'est une sollicitation que j'adresse à tous les citoyens et citoyennes du Québec de voir à l'intégration des personnes handicapées mentales dans nos milieux naturels. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln M. Lincoln: M. le Président, je voudrais

m'associer à la motion du ministre délégué aux Relations avec les citoyens pour marquer la semaine de la déficience mentale au Québec et au Canada. Je pense que les déficients mentaux sont les grands oubliés de notre société. En bien des sens, ils représentent la conscience de notre société. En effet, je pense qu'il y a un mouvement dans notre société aujourd'hui dans le sens qu'on voudrait faire tout à fait négation de tout ce qu'il y a de handicaps dans la société. Si on pouvait recommencer à neuf, on dirait: II ne nous faut plus de handicapés. Il ne nous faut plus de déficients mentaux. Il faudrait presque oublier qu'ils existent dans notre société. Si on pouvait recommencer à neuf, on voudrait que tout ce qu'il y a de déficiences, tout ce qu'il y a de handicaps physiques ou mentaux n'existent plus dans notre société. Pourtant, il faut se rappeler que la déficience mentale, comme les handicapés physiques, comme les aveugles, comme les sourds, comme tous les handicapés dans notre société, c'est un peu la conscience qui nous fait réaliser qu'il y a des gens qui sont plus démunis que nous, qu'il y a des gens qui ont besoin de nous, de tout l'apport de nos facultés pour les aider, eux qui sont les moins lotis dans la société, à mieux vivre, à trouver leur place au soleil.

Je pense que nous, au Québec - c'est vrai, ce que le ministre a dit - on a fait des pas de géant par rapport à la normalisation de la vie des déficients mentaux. En même temps, il reste tant à faire. Il reste tant à faire dans tellement de domaines. Il reste tant à faire pour aider les parents qui ont des enfants déficients mentaux pour que ces parents eux-mêmes puissent être plus aptes à garder dans le milieu familial ces mêmes déficients mentaux. Il reste tant à faire pour le transport des déficients mentaux, pour leur trouver du travail, du travail productif dans la société, pour leur éducation dans un milieu plus normal que des écoles spécialisées. Il y a tellement à faire que c'est un pas de géant qui est demandé, tant pour le gouvernement lui-même, mais réellement pour maximiser le bénévolat. Je pense qu'il faudrait mettre encore plus d'accent sur le bénévolat dans la société pour aider les organismes communautaires qui oeuvrent au sein de la société pour que les gens se prennent en main eux-mêmes. (16 h 10)

Je pense qu'aujourd'hui il faudra réaliser aussi que même les déficients mentaux ont fait un pas de géant. Ils peuvent participer eux-mêmes à leur évolution. Il faudra leur donner une place tout à fait spéciale dans notre société parce qu'ils représentent pour nous tous, avec leurs collègues qui ont une déficience quelconque, cette prise de conscience, ce rappel à la réalité qu'ils nous apportent tous de penser à ceux qui ont bien moins que nous et qui sont déficients d'une façon ou d'une autre, les grands démunis qui cherchent leur place à plein temps dans notre société québécoise et canadienne. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Vous me permettrez de me joindre à mon collègue et à l'Opposition pour appuyer cette motion pour ce groupe fort important de notre société qui constitue 3% de celle-ci. Donc, au moins 200 000 personnes au Québec sont touchées par ce handicap. Je voudrais souscrire d'une façon particulière aux objectifs de cette semaine qui vise, bien sûr, à faire connaître d'abord les faits suivants: que la personne handicapée par une déficience mentale possède un réel potentiel d'apprentissage et de développement. On en a actuellement des preuves concrètes qui sont démontrées dans les ateliers protégés, par exemple. Également, cela vise à faire connaître les besoins réels de ces personnes en général, les besoins coutumiers, habituels, leur droit de recevoir des services de qualité adaptés à leurs besoins généraux et spécifiques et également, le droit de pouvoir vivre de façon intégrée dans leur milieu familial, scolaire, résidentiel et même professionnel.

Donc, compte tenu de l'importance et des objectifs de cette semaine, je crois que l'Assemblée nationale tout entière doit appuyer cette motion qui vise à reconnaître le travail inlassable des organismes bénévoles.

M. Blouin: Très bien.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais m'associer à mes collègues qui ont déjà parlé pour appuyer cette motion qui veut reconnaître le travail des bénévoles dans le domaine de la déficience mentale.

J'aimerais simplement rappeler, parce que c'est un domaine où j'ai oeuvré pendant plusieurs années, il y a déjà un bon nombre d'années, que n'eussent été justement les efforts des bénévoles dans ce domaine, on serait peut-être encore à l'âge noir dans le domaine de la déficience mentale. Parmi ces bénévoles, ceux qui méritent le plus grand hommage sont les parents. Ce sont les parents qui se sont regroupés à une période donnée et qui ont lutté contre les préjugés énormes qui existaient. Je ne parle pas d'il y a 100 ans, je parle d'il y a à peu près 30

ans, alors qu'on était encore à l'époque où souvent, au Québec en tout cas, un enfant atteint de déficience mentale était un enfant relégué autant qu'on le pouvait dans quelque institution d'où très rarement il pouvait sortir.

C'est ce travail des parents qu'il faut souligner, qu'ils continuent inlassablement pour tenter d'abattre les barrières de préjugés qui existent à l'égard des personnes qui sont atteintes d'un handicap mental.

Comme le soulignait mon collègue de Nelligan, il reste, en dépit du chemin qui a été parcouru et que nous sommes heureux de reconnaître, beaucoup de chemin à parcourir. Il y a une catégorie de ces personnes atteintes d'un handicap mental que je voudrais porter à l'attention du nouveau ministre des Affaires sociales. C'est celle des déficients mentaux adultes. Je pense que, avec plus ou moins de succès mais quand même avec un succès certain, nous avons franchi l'étape de la scolarisation ou de l'entraînement ou de la formation spéciale qui est requise par ce type d'enfant jusqu'à l'âge de 21 ans maintenant. Mais trop souvent, à partir de l'âge de 21 ans, c'est la coupure parce que les CTA ou les CRA ou enfin les différents types d'ateliers protégés pour cette clientèle sont loin d'être suffisants. On sait fort bien que, pour un grand nombre de ces jeunes adultes qui pourraient profiter de ce type d'atelier, les ressources n'existent pas.

Le deuxième problème des adultes déficients mentaux est celui de leur avenir, si je puis dire, ou du sort qui leur est trop souvent réservé au moment de la disparition de leurs parents. Vous les retrouvez maintenant, parce qu'Us vivent beaucoup plus longtemps et que leur longévité se rapproche assez d'une façon générale de la moyenne de la longévité de nos concitoyens. Mais ils se retrouvent dans des institutions très souvent tout à fait inadaptées pour eux. Des parents qui ont passé leur vie à essayer de les rendre autonomes, de les rendre indépendants voient au moment de leur décès leurs enfants devenus adultes intégrés dans des institutions regroupant d'autres types de handicaps que celui dont est atteint celui qui souffre de déficience mentale ou de handicap mental. C'est très rapidement que tous les efforts qui ont été déployés, tous les progrès que ces individus ont pu réaliser - il y a chez eux un potentiel limité, mais un potentiel qui peut être développé - sont perdus et on assiste à une régression extrêmement rapide des progrès qui ont été accomplis.

Je ne veux pas m'attarder davantage, mais je pense qu'une attention particulière devrait être portée dans les efforts à venir, à la suite à donner aux efforts qui ont déjà été faits au niveau, comme je le disais tout à l'heure, d'une certaine scolarité, d'une certaine formation ou d'un certain entraînement pour que soient respectés jusqu'au bout leur potentiel de fonctionnement et leur capacité de s'adapter à notre société. Merci, M. le Président.

Le Président: La motion de M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, il y aurait les avis à la Chambre à donner.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: J'y arrivais, en effet, aux avis.

M. Bédard: Tout d'abord, aujourd'hui, jusqu'à 18 heures, à la salle 91...

Est-ce que le député de Portneuf a quelque chose de spécial à dire?

M. Pagé: Vous faites cela avec élégance...

M. Bédard: Toujours avec élégance, merci. À la salle 91, M. le Président, la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles; après les affaires courantes et jusqu'à 18 heures également, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra la consultation particulière sur le projet de loi 13, Loi sur les parcs nationaux.

Demain, jeudi, de 10 heures à 12 h 30, à la salle 81, la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes. À la salle 91, la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Demain également, de 10 heures à 12 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra la consultation particulière sur le projet de loi 13, Loi sur les parcs nationaux.

Ce sont, M. le Président, les avis que nous avons à donner pour aujourd'hui.

Le Président: J'en ai deux autres, quant à moi. De sa propre initiative, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission des affaires sociales tiendra une séance de

travail immédiatement après les affaires courantes.

Demain matin, la sous-commission sur la réforme parlementaire... Demain après-midi. On aura le temps d'y revenir.

Une voix: C'est le Bureau, demain matin.

Le Président: C'est le Bureau, demain matin, en effet, M. le député, vous avez tout à fait raison. Ce qui nous mène aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Deux-Montagnes.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. de Bellefeuille: Est-ce que le leader parlementaire du gouvernement pourrait nous dire quand il a l'intention d'appeler la motion inscrite en mon nom qui figure au no 27, à la page 8, de notre feuilleton et qui se lit comme suit: "Que l'Assemblée, par une motion du leader du gouvernement, confie à la commission permanente de la culture le mandat d'étudier la situation qui règne à Radio-Québec et d'inviter les personnes et les groupes intéressés par cette question à comparaître devant elle."

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Elle vient tout juste d'être inscrite et je ne suis pas en mesure présentement de donner des renseignements au député.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Si vous me le permettez, la motion a été inscrite en date du 28 novembre dernier.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Je pense que le député comprendra qu'une large place est faite pour appeler les motions présentées par l'Opposition. Quand nous verrons une possibilité, nous en aviserons le député.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Gilles Grégoire membre de la commission de l'économie et du travail

M. Grégoire: Aux avis. Selon ce que dit le règlement, un député indépendant a droit de choisir la commission de laquelle il veut être membre d'une façon permanente, avec droit de vote. Je siège depuis déjà trois mois d'une façon régulière à la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 42. J'aimerais choisir cette commission pour en devenir membre permanent et je demanderais le consentement de la Chambre. (16 h 20)

Le Président: Je n'ai pas d'objection à ce que l'on procède ainsi mais, normalement, il serait plus orthodoxe que vous...

Une voix: Pardon?

Le Président: II serait plus orthodoxe...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: Enfin, j'espère qu'on peut encore utiliser le terme! Il serait plus orthodoxe que vous m'adressiez une lettre pour que je la communique à la Commission de l'Assemblée nationale qui va siéger mardi prochain car c'est celle-ci qui est compétente pour déterminer la composition des commissions. À la suite de cela, la commission fait rapport à l'Assemblée qui adopte le rapport de la commission. Maintenant, si personne n'a d'objection, nous pouvons bien, en effet, régler le cas tout de suite à l'Assemblée même. Si tout le monde est d'accord pour que le député de Frontenac fasse partie de la commission de l'économie et du travail, cela réglerait le cas.

M. Bédard: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Que ce soit par un avis écrit ou autrement, peut-être qu'on pourrait régler la question tout de suite. En ce qui nous concerne, nous sommes d'accord pour que le député de Frontenac soit membre de la commission à laquelle il vient de faire référence.

Le Président: S'il y a consentement... Il y a consentement? Donc, M. le député, vous faites officiellement partie de la commission de l'économie et du travail.

Une voix: Bravo!

Reprise du débat sur la motion de l'Opposition proposant que l'Assemblée

déplore que le gouvernement défavorise

l'établissement d'un climat propice à l'investissement et à l'emploi

Le Président: Cela nous mène aux affaires du jour et à la reprise du débat ajourné le 13 mars par M. le député de Saint-Laurent sur la motion de M. le député de Vaudreuil-Soulanges, proposant "que l'Assemblée nationale déplore vivement que

le gouvernement du Parti québécois, par son refus d'alléger le fardeau fiscal des particuliers et celui des entreprises et d'implanter des mesures fiscales plus incitatrices, défavorise l'établissement d'un climat propice à l'investissement et à l'emploi."

Considérant qu'il reste moins de 90 minutes au débat, en divisant le temps entre les deux groupes parlementaires par périodes de 40 minutes chacune et un droit de réplique de 10 minutes en sus pour M. le député de Vaudreuil-Soulanges, cela devrait nous mener à 18 heures, étant donné qu'aucun député indépendant ne m'a signalé qu'il avait l'intention de prendre la parole cet après-midi. M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais M. le Président, mon collègue de Saint-Laurent n'utilisera pas son droit de parole et je vais prendre sa place.

Tout d'abord, j'aimerais remercier d'une façon non équivoque mon collègue de Vaudreuil-Soulanges de nous donner l'occasion de discuter en cette Chambre de points aussi importants que celui de la relance économique et, particulièrement, de celle des régions que je représente ici, soit du comté de Saguenay.

Les régions éloignées doivent faire face à des défis de 1985 qui sont extrêmement difficiles. Le ministre des Finances devrait prendre sans retard, immédiatement, des mesures pour permettre aux régions éloignées des grands centres d'effectuer cette remontée économique tellement nécessaire pour réduire d'une façon appréciable et tangible ce fléau qui répand la terreur parmi les régions et qu'on appelle le chômage.

Depuis 1981, la Côte-Nord en particulier a été affectée d'une façon dramatique. Lorsqu'on voit avec quelle désinvolture le gouvernement actuel a traité ce problème, nous pouvons nous demander si le reste du Québec ou si le gouvernement du Québec n'a pas décidé de se séparer de la Côte-Nord. Quand on regarde la fermeture de Schefferville, de Gagnon, de Rayonier, des Produits Forestiers, toute la panoplie d'usines fermées, d'usines qui ont fermé et qui ont réouvert puis, refermé, on se demande si le gouvernement du Québec n'a pas décidé d'abandonner la Côte-Nord et de la retourner à Terre-Neuve. Il faut se poser des questions. Depuis 100 ans qu'il réclame le Labrador pour le Québec, on est en train de se poser une question: Est-ce que le gouvernement du Québec ne veut pas nous retourner au Labrador?

Les gens des régions ne croient plus aux programmes folkloriques du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Déclic, stages en milieux d'emplois, travaux communautaires, pour ne pas dire travaux forcés dans certains cas, pour eux et pour nous, c'est de la foutaise, du travail à rabais, à la petite semaine de bohème d'étudiant, comme on l'appelait il y a un certain temps. Cela n'intéresse plus personne, ces choses-là. Les seuls qui prêchent cette belle grande aventure, ce sont les ténors péquistes. Malheureusement, ils prêchent dans le désert, dans un désert économique qu'ils ont grandement contribué à créer.

M. le Président, le premier syndrome ministériel auquel le gouvernement doit s'attaquer doit apporter une solution pratique et permanente dans les régions et particulièrement sur la Côte-Nord. D'abord et avant tout il faut faire un X sur la taxe ascenceur, c'est-à-dire la faire disparaître. C'est la première condition d'un véritable développement économique.

Non seulement le gouvernement persiste-t-il à la garder mais, pour prouver un petit peu l'énoncé que je faisais tout à l'heure, il a décidé encore une fois, dans son estimation des dépenses qu'il annonçait hier, de vraiment oublier la Côte-Nord. Le budget des dépenses 1985-1986, et je cite le communiqué de presse du ministre: "Les investissements publics, une présence gouvernementale plus importante sur tout le territoire du Québec." Mon dieu, le beau gros titre, que cela va bien! Je m'en vais à la région 09 qui est la Côte-Nord, qui regroupe également les comtés de Saguenay et de Duplessis, 450 milles de littoral, 450 milles de routes qui ont été depuis 1976 négligées d'une façon aberrante. La preuve: Les ponts s'écroulent. On ne les remplace pas et, ce qu'il y a de plus tragique, lorsqu'on voit le projet d'immobilisation sur la Côte-Nord alors qu'on est la région où il y a un plus grand système de réseaux routiers de 450 milles de Tadoussac à Havre-Saint-Pierre, M. le Président, on ne voit pas un sou pour le réseau routier dans les dépenses d'immobilisation. Pas un sou!

Le gouvernement du Québec a complètement oublié la Côte-Nord. Qu'il oublie le comté de Saguenay, cela fait longtemps qu'il l'a oublié et il peut l'oublier pour longtemps encore parce que jamais il ne reviendra dans le Parti québécois. Mais je ne comprends pas une chose: le député de Duplessis, le chouchou du premier ministre, à quoi a-t-il pensé d'accepter une pareille chose dans son caucus? Pas un sou pour son réseau routier, même pas les 3 000 000 $ pour remplacer son pont qui est tombé. Est-ce que ce sont des gens sérieux? Est-ce que c'est un député sérieux? À moins, M. le Président, qu'on garde en cachette pour les petits amis du régime quelques petits millions pour le patronage, dans lequel ce gouvernement a démontré depuis 1976 qu'il était le roi. Ce qu'on a vu dans le passé était de la petite bière à comparer à ce qu'on a présentement.

Non seulement cela, mais c'est aussi de l'hypocrisie, parce qu'on sait qu'on est à l'heure électorale. Et je vois déjà les ténors, certains ténors péquistes... Je suis sûr que ce n'est pas le premier ministre qui va venir à Baie-Comeau; la dernière fois les gens l'avaient tellement bien accueilli qu'il les avait traités de tous les noms possibles et imaginables; je suis sûr qu'il va venir annoncer 5 000 000 $ pour le réseau routier là, 3 000 000 $ pour ici, 3 000 000 $ là. Mais pourquoi ne pas avoir le courage de les dépenser immédiatement pour que la population puisse savoir à quoi s'en tenir?

Lorsqu'on parle de développement il est essentiel qu'un réseau routier soit adéquat. On ne demande pas une autoroute de Tadoussac à Blanc Sablon, avec des poteaux de téléphone tout le long comme dirait Gilles Vigneault. On demande une route passable. On demande que le gouvernement répartisse d'une façon équitable, à l'intérieur de cet immense territoire, une partie des taxes qui reviennent à l'ensemble de la population.

M. le Président, la taxe ascenseur sur l'essence est un impôt régressif auquel personne ne peut échapper en région. Les produits alimentaires sont majorés d'autant puisqu'ils coûtent plus cher à transporter. Donc la facture alimentaire d'un chef de famille y est beaucoup plus élevée que celle des régions près des grands centres. Le gouvernement maintient sa taxe inique au détriment des besoins essentiels tels que l'alimentation en région éloignée.

Tous les outils nécessaires au développement économique passent dans la taxe ascenseur: transport plus élevé, matériaux de construction plus cher, des effets néfastes dans le secteur de la construction qui avait été l'un des premiers à contribuer au développement de la Côte-Nord, cela se traduit par un chômage accru dans ce secteur, donc des pertes d'emplois. Pourtant notre activité économique ne peut pas se passer du secteur de la construction. (16 h 30)

Les PME, créatrices d'emplois indispensables, génératrices d'une économie saine et continue, sont pénalisées dans les deux sens, soit à l'importation des produits à manufacturer et à l'exportation des produits finis. Encore là, cela crée un ralentissement des petites et moyennes entreprises et cela crée automatiquement du chômage. Il y a donc moins d'emplois dans ce secteur. L'industrie lourde subit les mêmes soubresauts et ralentit ses opérations. Il y a donc du chômage.

L'industrie du camionnage qui était une industrie très florissante sur la Côte-Nord, à cause de cette taxe inique, y est devenue presque inexistante.

M. le Président, le premier geste concret qui doit être posé par le gouvernement, s'il veut, comme il le prétend, s'occuper d'économie, c'est d'abolir immédiatement la taxe ascenseur. Sans cela, il est inutile de penser qu'une région va pouvoir se prendre en main. En parlant de régions, je peux parler des régions aussi très éloignées, parce que la Côte-Nord est très éloignée, mais il y a la région du Lac-Saint-Jean aussi, celle de l'Outaouais, celle de l'Estrie, celle du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Je ne comprends pas que les députés de ces régions ne soient pas intervenus ici et davantage ceux du côté ministériels qui devraient être à l'écoute de leur ministre et faire comprendre ces choses à leur ministre. Que font-ils? Que fait le député de Duplessis, par exemple, présentement? A-t-il demandé au ministre de baisser, d'enlever la taxe ascenseur afin que les camionneurs soient capables de se payer des plaques pour leurs camions au mois d'avril? Est-il ici pour demander que l'alimentation soit diminuée du prix de la taxe ascenseur pour les contribuables de son comté?

M. le Président, je pense que les députés ministériels ont une tâche à remplir envers la population. Malheureusement, dans le moment, ils ne la remplissent pas. Lorsque le ministre des Finances, d'une façon hypocrite - je le dis en toute sincérité, M. le Président - néglige d'investir dans le réseau routier de la Côte-Nord, c'est tout à fait inacceptable. Non seulement il pénalise de sa taxe ascenseur et c'est nous autres qui en payons une plus grosse partie mais il n'est même pas capable d'en faire une redistribution juste et équitable pour les citoyens de la Côte-Nord en mettant une partie de cet argent sur le réseau routier.

Tant et aussi longtemps qu'on aura un gouvernement qui s'ajuste ainsi, je pense que la Côte-Nord aura raison de le mettre dehors à la prochaine élection. Je pense qu'un parti qui se tient debout, un parti qui tient au développement en région, comme le Parti libéral le fait et le propose, parle de l'abolition de la taxe ascenseur, et c'est cela qu'on va faire lorsque la prochaine élection sera déclenchée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. En fait, la motion du Parti libéral porte sur le refus du gouvernement actuel d'alléger le fardeau fiscal des particuliers, des entreprises et de cette façon de défavoriser l'établissement propice à l'investissement et à l'emploi.

C'est toujours la même rengaine avec le Parti libéral. On accuse toujours le gouvernement des mêmes maux qui, supposément, affligent les Québécois. Mais il

faut remercier le Parti libéral de nous donner l'occasion de rectifier les faits et de dire exactement aux Québécois et aux Québécoises ce qui se passe au Québec.

Je ne ferai pas de "phrasage", comme l'a fait le député de Saguenay qui m'a précédé. Je voudrais présenter un certain nombre de chiffres touchant le fardeau fiscal des Québécois, tirés d'une étude de l'économiste, M. Rodrigue Tremblay, pour le compte du ministre fédéral des Finances. C'est une étude récente qui démontre tout simplement ceci: Que, de 1970 à 1976, période bien connue de la part de nos amis d'en face, puisque c'était sous le règne d'un certain Robert Bourassa, c'est la période où la taxation des Québécois a atteint des proportions catastrophiques. Si on dit que le passé est garant de l'avenir, ce n'est pas rassurant pour le Québec, lorsqu'on examine le passé du parti de l'Opposition dont le slogan est "Maîtriser l'avenir".

En 1970, au moment où le Parti libéral a pris le pouvoir, M. le Président, l'écart fiscal entre le Québec et l'Ontario était de l'ordre de 6,5%. En 1976, au moment où il était temps que les Québécois et les Québécoises renvoient dans l'Opposition le gouvernement libéral de l'époque, l'écart entre l'Ontario et le Québec atteignait 30%. On est passé de 6% en 1970 à 30%, voilà ce que nous révèle l'étude d'un économiste pour le compte du ministre fédéral des Finances.

Aujourd'hui, on a le culot d'accuser le gouvernement de refuser de diminuer les impôts. Or, qu'en est-il, M. le Président? En 1976, l'écart entre le Québec et l'Ontario était de l'ordre de 30%. Aujourd'hui, en 1984, l'écart entre le Québec et l'Ontario est de l'ordre de 9%. On est passé d'un écart de 30% en 1976, au moment où le gouvernement a pris le pouvoir, à un écart de 9% en 1984. Voilà la vérité sur cette question du fardeau fiscal des Québécois.

Il faut continuer l'effort de réduction du fardeau fiscal. Nous en sommes très conscients. Mais qu'on ne vienne pas nous dire qu'il n'y a pas eu réduction de l'effort fiscal des Québécois.

Dans le cas du Parti libéral, M. le Président, encore une fois le passé n'est nullement garant de l'avenir. Ces gens-là ont hypothéqué l'avenir du Québec. Comment peuvent-ils prétendre aujourd'hui vouloir maîtriser l'avenir au Québec?

J'ai examiné, comme beaucoup de mes collègues, le programme politique du Parti libéral. Qu'est-ce qu'on promet, de l'autre côté, aux Québécois? On promet une réduction des taxes, une réduction des impôts, une diminution du déficit, mais une augmentation des ressources dans les domaines des services sociaux, de la santé, de l'éducation, de la recherche.

M. le Président, les Québécois et les Québécoises vont comprendre que c'est la quadrature du cercle. Comment peut-on à la fois vouloir tout réduire et, de l'autre côté, vouloir augmenter les ressources dans des domaines tels que la santé, l'éducation, la recherche, etc.? En fait, c'est tellement élémentaire ce que fait le Parti libéral d'en face que tout le monde au Québec est en train de comprendre l'espèce de discours magique que le Parti libéral sert actuellement aux Québécois.

J'ai pris connaissance, M. le Président, du journal des étudiants de l'Université de Montréal. Ils ont tout simplement conclu que le Parti libéral est effectivement en train de maîtriser l'avenir, mais l'avenir électoral. Ils ajoutent: "Le dernier congrès plénier du Parti libéral a tracé les grandes lignes de son programme politique. Électoralement, c'est sans faille. On donne à chacun ce qu'il désire, entre autres, on a voulu plaire aux jeunes. Vont-ils préférer le bien-être social à l'emploi?" C'est la question qu'on pose. En fait, les gens sont de moins en moins dupes du discours que nous sert le Parti libéral, surtout depuis son dernier congrès.

Comment réaliser ces promesses que nous font les gens de l'autre côté? Le programme est complètement muet à cet égard. En fait, voici ce qu'on nous dit: Faites confiance à notre chef Robert Bourassa, faites confiance à son équipe et Robert le magicien va tirer de son chapeau toutes les solutions miracles aux problèmes des Québécois.

Maîtriser l'avenir par la magie, voilà la promesse du Parti libéral. Ne rien dire qui soit compromettant. Laisser croire à la population qu'on a toutes les solutions aux maux de tête des Québécois. C'est la stratégie de l'aspirine et du valiurn. (16 h 40)

Je le dis, M. le Président, mais je vais citer, pour donner un autre témoignage, M. Gilles Lesage, dans le Devoir du 2 octobre 1984: "M. Bourassa, c'est bien connu, est un politicien roué, rusé, qui ne laisse rien au hasard et tente de surveiller en même temps tous les angles de la patinoire. S'il a appris une chose durant ces années d'exil volontaire, c'est de porter à un raffinement suprême l'art d'avoir l'air de se compromettre tout en laissant ouverte de multiples avenues sur quelque sujet que ce soit." Voilà, rapidement brossé, un portrait réel, véritable, du chef du Parti libéral du Québec.

Quant aux investissements, qu'en est-il de la vérité? Qu'en est-il de la vérité quant au climat économique qui doit être propice aux investissements? Les faits nous montrent, encore une fois, que les critiques du Parti libéral sont complètement faussées par leur vision partisane, par leur désir également d'aspirer au plus vite au pouvoir. Du côté des investissements, la réalité est celle-ci. Encore une fois, ce sont des chiffres que je

présente rapidement puisque le temps ne me permet pas d'aller dans les détails, mais quelques chiffres qui indiquent bien les priorités du gouvernement actuel. En 1984, il y a eu un accroissement record de tout près de 42% au chapitre des immobilisations manufacturières. Il s'agit d'une augmentation de 9,5% - en 1984 toujours - des immobilisations totales du secteur public et du secteur privé au Québec au regard d'une augmentation de 1,2% pour l'ensemble du Canada. Le Québec - ce n'est pas nous qui le disons, je pourrais citer les gens de la Banque de Montréal, de la Banque Canadienne; en fait, on le dit un peu partout dans des organismes reconnus pour leur neutralité - affiche une meilleure performance que l'Ontario et l'ensemble du Canada pour une troisième année consécutive. Encore mieux, la part du Québec dans l'ensemble des immobilisations manufacturières canadiennes est ainsi passée de 17,8% en 1981 à 31,4% en 1984. Il s'agit d'un sommet jamais atteint auparavant, même pas à l'époque des grands travaux de la baie James.

Pourquoi cette performance, M. le Président? Encore une fois, il faut aller rapidement, mais rappelons les effets de programmes importants tels que Corvée-habitation, programme d'accélération des investissements, programme de financement des entreprises, le programme tarifaire d'Hydro-Québec qui accorde un rabais temporaire à quelque 200 entreprises pour des investissements de 1 200 000 000 $, le recrutement d'immigrants investisseurs qui remporte un vif succès actuellement puisque, en 1984, des investisseurs étrangers sont venus investir au Québec plus de 249 000 000 $. C'est une augmentation de 87% par rapport à 1983. Ces quelques chiffres - et j'aurais pu continuer, mais, malheureusement, le temps m'en empêche -me permettent de conclure que le discours libéral ne s'appuie pas sur des chiffres, mais sur des paroles, que les promesses qu'ils font sont des promesses qui empruntent beaucoup plus à des solutions miracles, qui empruntent beaucoup plus à une certaine forme de magie. Et la magie, on sait ce que cela donne. Cela dépend beaucoup du magicien qui est en face de nous et jusqu'à maintenant, en politique, on n'a pas vu beaucoup de magiciens régler véritablement les problèmes des Québécois.

M. le Président, je termine en disant ceci: "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras". Aux promesses nébuleuses et gélatineuses du Parti libéral, j'oppose des réalisations qui démontrent que le gouvernement actuel mérite la confiance des Québécois pour continuer le travail commencé et ce, pour un troisième mandat. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: Je viens à peine d'écouter les propos du député de Fabre et je trouve absolument inconcevable que ce gouvernement, que les ministériels tiennent compte du fait... Il y a quand même une certaine appréciation parce que si on peut apprendre quelque chose à ces ministériels dans notre document Maîtriser l'avenir, je pense que ce sera déjà quelque chose. Je suis heureux que certains membres du côté ministériel aient rapporté certains éléments des engagements politiques de notre formation.

Il est difficile de faire comprendre à ce gouvernement, premièrement, ses bévues au cours des huit dernières années, cet essouflement que ce gouvernement connaît après ces huit dernières années, alors qu'il a tout simplement failli à la tâche de trouver aujourd'hui les moyens de relancer l'économie.

Je comprends qu'on puisse critiquer le document Maîtriser l'avenir, du Parti libéral, parce qu'on ne peut plus apprécier son propre document du côté ministériel. Vous avez encore dans votre document politique, comme premier article, la souveraineté du Québec, au Canada. Arrêtez de leurrer cette population alors que vous avez totalement abandonné cette idée de l'indépendance, pour des fins purement électoralistes. On se souvient de la mise en veilleuse de 1976, de 1981. C'est une autre mise en veilleuse et la population s'en souvient et s'en souviendra drôlement lors du prochain scrutin, la journée où le premier ministre aura le courage et la décence d'aller demander au peuple ce qu'il pense de son administration depuis 1981.

On pourrait simplement citer quelques cas où ce gouvernement pourrait récupérer des millions de dollars. Pourquoi ce gouvernement ne veut-il pas procéder à des changements aussi normaux? Si on prend l'exemple d'une recommandation que l'on retrouve dans le document du Parti libéral du Québec, c'est-à-dire l'élimination des droits successoraux et celle complémentaire de l'impôt sur les dons. Sur les droits de succession, au Québec, on perçoit à peu près 49 000 000 $ de revenus par année. Est-ce que le gouvernement s'est arrêté pour penser combien de millions de dollars on perdait par année en maintenant une politique semblable? Combien de gens, de hauts salariés, d'industriels, de créateurs d'emplois ont quitté le Québec à cause de politiques folichonnes de la sorte? La seule province au Canada qui maintient encore des droits de succession, c'est le Québec. C'est dépassé. On pense, en maintenant des politiques semblables, conserver au Québec ceux qui

sont pour nous des créateurs d'emplois, c'est-à-dire des jeunes industriels, des gens bien rémunérés, des gens qui ont accumulé une certaine fortune et qui voudraient la laisser à leurs enfants. Mais, encore aujourd'hui, lorsqu'il y a décès, le Québec procède à l'imposition des biens au delà de 100 000 $. (16 h 50)

On pourrait prendre un autre exemple, que je ne comprends absolument pas; c'est le maintien du règlement de placement dans la construction. Nous, du Parti libéral, avons dans notre programme politique, et encore ici, c'est écrit noir sur blanc: qu"'un gouvernement libéral entreprenne prioritairement l'étude de la déréglementation dans l'industrie de la construction." On lisait dans le journal, il y a à peine quelques semaines, qu'il se faisait au Québec plus de 335 000 000 $ de travail au noir; du travail au noir pour 335 000 000 $, des gens qui, dans la construction, n'ont plus leur carte de classification d'une part parce que l'économie n'a pas été profitable pour ces gens et pour l'ensemble du réseau de la construction. Au cours des années, les gens décrochaient et ne pouvaient plus avoir leur carte de classification. Dans bien des cas, si on voulait continuer à pourvoir aux besoins de la famille, on devait travailler. Il y a donc 335 000 000 $ qui se font au noir.

Ces gens ne paient pas d'impôt, ils ne paient pas de régime de rentes, ils ne paient pas d'assurance-maladie; en plus, ils ont toujours la crainte de se faire pincer, d'être traduits en cour et de payer une amende pour avoir travaillé. Et c'est le cas dans plusieurs des régions du Québec où on s'aperçoit aujourd'hui que ce sont des gens de l'extérieur qui viennent travailler en région éloignée où, malheureusement, la plupart ont perdu leur carte de classification.

Quand on touche cet élément important, la carte de classification, du règlement de placement dans la construction, on touche aussi aux jeunes. On a permis à ces jeunes d'étudier dans les universités, dans les cégeps, dans les polyvalentes. Entre autres, dans les polyvalentes, certains jeunes sortent avec des diplômes longs comme le bras; ils sont spécialisés dans certains secteurs de la construction et parce qu'ils sont diplômés, ils sont en attente pour avoir un job dans le domaine de la construction. On n'a pas pensé encore, c'est-à-dire ce gouvernement n'a pas pensé encore aujourd'hui d'abolir tout simplement ce règlement de placement et de le changer par des structures plus appropriées au contexte d'aujourd'hui.

On a modifié ce règlement au cours des années passées, depuis 1978, et le parrain était nul autre que le dauphin de ce gouvernement, Pierre-Marc Johnson. On traîne encore en longueur aujourd'hui l'application de ces correctifs.

Notre motion touche effectivement ce gouvernement parce que ce gouvernement ne fait rien de bien: les impôts qu'on est allé chercher, les taxes qu'on a appliquées entre autres sur l'essence. On a appliqué une surtaxe sur l'essence. Quand on veut aller chercher du tourisme, quand on veut inviter des touristes chez nous, au Québec, et qu'on leur charge à la pompe à peu près 0,08 $ le litre de plus, cela fait quoi aux visiteurs qui viennent au Québec? Cela ne les incite sûrement pas à revenir ou cela ne les incite pas à dire à leurs voisins ou à leurs amis d'aller visiter le Québec. Effectivement, le Québec est la province où cela coûte le plus cher pour vivre au Canada. Alors, on va se promener ailleurs.

On peut toucher d'autres éléments très importants. Dans la région chez nous, en plus de la carte de classification, en plus des droits successoraux, on pourrait parler tout simplement... J'examinais un peu hier les crédits du président du Conseil du trésor. Le réseau routier vient d'en prendre pour son rhume une autre fois. J'examine l'Outaouais québécois et, malheureusement, il n'est pas encore relié au reste du Québec par le Québec; il faut emprunter l'Ontario pour se rendre à Montréal, en 1985. Encore là, une façon de développer l'économie en région serait d'avoir un réseau routier sain, d'avoir un réseau routier qui puisse permettre la construction de nouvelles entreprises, la venue de nouveaux investisseurs. Mais non, on préfère nous laisser emprunter la voie de l'Ontario, la province voisine.

Pour toutes ces raisons... On est dans le Canada et on apprécie d'être dans le Canada. Mais nous, de l'Outaouais québécois, nous voulons nous développer aussi à l'intérieur de nos propres frontières. Nous voulons être en compétition avec le reste du Canada. Nous voulons procurer à nos concitoyens non seulement le plaisir d'emprunter les routes du Québec pour se rendre au Québec, mais aussi pour faire de l'argent, pour implanter des industries, pour activer la création d'emplois chez nous. On en sait quelque chose... Quand on a augmenté la taxe sur l'essence, le ministre du Commerce extérieur de l'époque avait souligné - cela avait paru dans un des journaux de l'Outaouais, le Droit - que c'était là qu'on allait reconnaître les vrais Québécois, ceux qui allaient accepter de payer l'augmentation occasionnée par la taxe sur l'essence. C'était une façon de venir nous dire que c'était plus économique d'acheter au Québec. Tandis que le ministre des Finances nous disait de nous serrer la ceinture, le ministre responsable de l'Outaouais, d'autre part, et cela a été sa dernière déclaration en Outaouais, parce que le premier ministre a décidé dans les jours qui ont suivi de le remplacer par Mme la ministre...

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. Rocheleau: Pour le bénéfice de notre collègue, le ministre du Commerce extérieur, je vais lui envoyer une copie de sa déclaration. Cela me fera plaisir de le faire dans les heures qui viennent.

Nous pourrions parler très longuement de notre motion qui, d'une part, blâme ce gouvernement, mais nous souhaiterions parler aussi de ce que nous proposons. Mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, y a déjà fait allusion. Il aura aussi dans son droit de réplique le loisir de corriger certaines affirmations gratuites que nos collègues ministériels ont lancées au cours des dernières heures.

En terminant, je tiens à souligner que nous, de l'Outaouais québécois, comprenons très bien les injustices faites aux citoyens et aux citoyennes du Québec, tenant compte du fait que nous demeurons dans une région frontalière et que nous voyons de l'autre côté les coûts, qui sont drôlement moins élevés qu'au Québec. C'est ce que nous voulons améliorer, nous du Parti libéral, dans le but que le Québec soit concurrentiel avec les autres provinces canadiennes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre du Revenu.

M. Maurice Martel

M. Martel: M. le Président, cette motion libérale nous permet de faire le bilan sur la situation de l'économie et de l'emploi au Québec et, également, de montrer l'incohérence en toutes matières, mais surtout en matière fiscale, du Parti libéral.

Le candidat libéral de Québec, M. Yves Séguin, veut abolir le ministère du Revenu...

Une voix: II veut devenir ministre.

M. Martel: ...tout en voulant en être le ministre. Il veut faire des politiques fiscales alors que le ministre des Finances ferait la perception. Est-ce que vous comprenez cette attitude, M. le critique financier du Parti libéral? Est-ce là une nouvelle façon chez vous de créer des emplois? Est-ce une nouvelle façon aussi de préserver cette sécurité fiscale acquise sous Duplessis en 1954 et conservée sous Lesage, sous Johnson, sous Bertrand, sous Bourassa et même sous Lévesque?

Une autre incohérence, celle-ci dans le domaine de la santé: le député de Brome-Missisquoi veut privatiser les hôpitaux. Évidemment, il s'est vite fait rabrouer par la députée de L'Acadie et même par son chef. Ce même chef invisible, quant à lui, veut créer une deuxième Baie James. M. le critique financier, vous n'êtes pas d'accord avec cette position de votre chef. Vous voulez qu'il y ait une signature de contrats de vente d'électricité avant de passer à cette phase. Nous aussi. C'est la logique. Il y a encore incohérence dans ce domaine. (17 heures)

Le député de Laporte, votre collègue, veut créer 500 000 jobs, mais dans 20 ans. Cela fait 25 000 par année. Voyons donc! Ce n'est pas assez. En 1983, au Parti québécois, nous en avons créé 57 000; en 1984, nous en avons créé 80 000. Justement, aujourd'hui, nous avons annoncé des crédits de 180 000 000 $ sur l'exercice financier de 1985-1986 précisément pour créer des jobs pour les jeunes Québécois et Québécoises. Vous voyez cela, M. le Président. Le Parti libéral de ce côté-ci de la Chambre avec un arbitrage perpétuel de la part du chef du parti qui a même de la misère à s'arbitrer lui-même ces temps-ci.

Cette motion de l'Opposition entre autres nous dit: Refus d'alléger le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises. La synthèse des opérations financières du deuxième trimestre en date du 30 septembre 1984 indique que l'impôt des particuliers a été réduit de 266 000 000 $ parce que les contribuables ont eu davantage recours aux déductions et aux exemptions prévues à la loi.

Il y a 3 800 000 contribuables au Québec qui on produit un rapport d'impôt en 1984. Sur cela 2 800 000 contribuables ont reçu un chèque équivalent à 1 100 000 000 $. Les revenus totaux déclarés par les Québécois sont de 60 000 000 000 $ pour 1984. Ceux qui ont présenté des déductions telles l'assurance-chômage, la Régie des rentes du Québec, ont obtenu 6 000 000 000 $ de déductions. Ceux qui ont présenté des exemptions, par exemple, comme personnes à charge, personnes invalides, transfert entre conjoints, cela représente une déduction de 23 000 000 000 $. Donc, sur 60 000 000 000 $ de revenus, 31 000 000 000 $ sont imposables en 1984, ce qui fait une entrée de 6 000 000 000 $ dans les coffres du Québec.

Le ministère du Revenu du Québec... Ce serait bon que le candidat Yves Séguin qui veut abolir le ministère du Revenu sache que Revenu Québec est différent de Revenu Ottawa car nous avons des programmes sociaux à caractères fiscaux dans le cadre de cette politique sociale-démocrate de notre gouvernement. Par exemple, en 1984, nous avons remboursé de l'impôt foncier à 815 000 contribuables pour un montant de 125 000 000 $. Nous avons également remboursé à 385 000 familles pour les allocations familiales aux enfants de moins de six ans une somme de 140 000 000 $. Le supplément de revenu au travail a été accepté pour 28 000 personnes et nous avons remis aux contribuables 25 000 000 $. Le

programme de Logirente des allocations de logement pour les personnes de 65 ans et plus, ces 19 000 personnes ont reçu un montant de 8 500 000 $.

De plus, M. le Président, il serait peut-être bon de rappeler que 32 000 contribuables du Québec ont eu droit à des déductions d'impôt de 308 000 000 $ à la suite des cotisations qu'ils ont versées aux différents partis politiques. Nous avons non seulement assaini ces caisses électorales occultes que nos amis d'en face connaissent bien mais nous permettons par cette mesure précisément de faire économiser 308 000 000 $ aux contribuables.

M. le Président, vous êtes au courant également que nous avons retourné 308 000 000 $ à 1 300 000 personnes qui ont payé soit des cotisations syndicales ou professionnelles et tout cela bien que le Québec ait été particulièrement atteint par cette crise économique de 1982 à la suite des politiques budgétaires des libéraux fédéraux. Le gouvernement du Québec a réussi à diminuer l'écart existant entre la fiscalité du Québec et la fiscalité ontarienne tant au niveau des particuliers que des entreprises. Sous les libéraux de Robert Bourassa de 1970 à 1976 l'écart était de 20,1% alors qu'aujourd'hui, sous un gouvernement péquiste, l'écart est maintenant de 9% entre les contribuables des deux provinces. Pour les entreprises la différence est passée de 4,8% en 1984 à 3% en 1985. Si on prend la moyenne des particuliers et des entreprises cet écart en 1977 qui était de 14,1% est maintenant rendu en 1984 à 7,8%. Cela veut dire, au point de vue pratique qu'une entreprise qui fait des profits de 200 000 $ au Québec est taxée à 5% et si cette même entreprise est en Ontario elle sera taxée à 10%.

De plus, M. le Président, je pense que lorsqu'on parle de fiscalité il faut tenir compte du coût de la vie. Le coût de la vie au Québec est inférieur à celui de l'Ontario. Tout le monde le sait. Les frais de scolarité au niveau universitaire sont supérieurs en Ontario à ce qu'ils sont au Québec. Le Québec consacre 600 $ par individu pour les services de santé et les services en éducation, ce qui permet d'avoir aux Québécois et aux Québécoises une quantité et une qualité de services supérieures à ce qui peut se donner en Ontario.

L'Opposition nous reproche, dans cette motion, l'absence de mesures fiscales incitatives. M. le Président, nous sommes la seule province au Canada à avoir un Régime d'épargne-actions, ce qui s'appelle un REA, où près de 109 000 contribuables ont obtenu, en 1984, près de 500 000 000 $ de déductions sur leur rapport d'impôt. C'est la seule province au Canada. C'est tellement vrai que M. Wilson, porte-parole du gouvernement en matière de fiscalité à

Ottawa, songe à établir ce programme au niveau du Canada.

De plus, comme mesure incitative, nous avons vu, en 1984, grâce au programme Corvée-habitation, près de 42 000 mises en chantier au Québec. Nous avons innové dans ces mesures incitatives, et nous sommes la seule province au Canada à avoir obtenu un tel succès par ces mesures.

La motion libérale dit encore qu'on défavorise l'établissement d'un climat propice à l'investissement et à l'emploi. Voyons ce qui se passe. Pourtant, c'est bien sous le gouvernement du Parti Québécois que les investissements privés et publics ont augmenté de 10% pour passer à 15 000 000 000 $ contre une hausse de seulement 1% dans l'ensemble du Canada, en 1984.

Prenons le secteur manufacturier. C'est au Québec que les investissements ont connu la plus forte progression dans l'ensemble du Canada. Nous avons obtenu 22,9% d'augmentation au Québec; 9,9% au Canada et 5,5% dans l'ensemble du Canada, en 1984.

Le ministère du Commerce extérieur n'a pas été créé par les libéraux, parce qu'il a été créé en 1982, alors que nous étions de ce côté-ci. Cela a procuré des sommes importantes qui ont été exportées en dehors du Québec, parce qu'il y a eu une augmentation, en 1984, de 16% de nos exportations vers les autres provinces du Canada, mais surtout vers les États-Unis. À ce moment-là, il y a eu près de 17 000 000 000 $ qui ont servi à l'exportation. Ce sont vraiment les marchés de l'avenir qui vont permettre de créer des jobs. Encore là, îe Québec est présent dans ces domaines.

De plus, M. le Président, 2 600 000 0000 $ ont été investis au Québec dans la relance de la forêt et des pâtes et papiers. Cela a permis à des industries comme il y en a une chez moi à Beloeil où il y avait une cinquantaine de travailleurs, au mois de juin, de passer à 600. Il y a 600 travailleurs dans cette industrie de Beloeil actuellement.

Prenons le secteur de l'énergie. Les programmes tarifaires d'Hydro-Québec ont permis l'implantation de Reynolds, à Baie-Comeau, de l'Alcan, à Laterrière, de Pechiney, à Bécancour. Ils ont permis également des investissements dans mon comté, pour l'année 1985-1986, de 250 000 000 $, par exemple, 150 000 000 à Fer et Titane pour agrandir l'entreprise, ce qui crée, dans l'immédiat, 1500 jobs pour l'agrandissement de cette usine Fer et Titane, qui va consolider ses 800 jobs à cette fonderie de Sorel et ce qui va permettre également la création de 200 nouveaux emplois. Ces programmes ont permis à 200 entreprises du Québec de faire des investissements de 1 200 000 000 $.

Qu'est-ce que l'on voit dans le programme libéral en matière de fiscalité? De l'incohérence complète. On parle de toutes sortes de coupures: la non indexation, 250 000 000 $; régler les problèmes d'urgence, 250 000 000 $; 200 000 000 $, pour la parité chez les jeunes, alors que le problème n'est pas là. Le problème, c'est de retourner les jeunes sur le marché du travail par des programmes précis comme ceux que nous avons, par exemple, le stage en milieu de travail, la poursuite des études, des travaux communautaires, le bon d'emploi pour les jeunes. Ce sont des mesures concrètes, en plus de ces 180 000 000 $ qui seront consacrés sur l'exercice financier 1985-1986, afin justement de permettre à ces jeunes de retourner sur le marché du travail. (17 h 10)

M. le Président, en dix mois, au-delà de 32 000 jeunes de 18 à 30 ans se sont prévalus de cette nouvelle innovation dans ces programmes de retour au travail de ces jeunes.

M. le Président, de quelle façon les libéraux vont-ils appliquer ces coupures, ce manque d'argent dans les coffres du Québec de 1 000 342 000 $? Vont-ils augmenter le déficit à 4 500 000 000 $? Parce qu'ils veulent, ces libéraux, maintenir les mêmes services à la population, vont-ils faire cela ou s'ils vont taxer les petits en éliminant, par exemple, les droits de succession qui vont favoriser les riches? C'est le genre de mesure qu'ils semblent vouloir préconiser.

M. le Président, tout à l'heure, le député de Hull nous montrait le programme du Parti libéral. Pour ceux qui n'ont pas vu ce programme, c'est un véritable jeu de cartes qu'on y trouve. Il y a, par exemple, une carte des entreprises, une carte du Canada, de la francophonie, une carte du nouveau style de gouvernement. Cependant, ce sont des cartes de jokers. Nous avons la carte maîtresse, celle qui permettra véritablement de créer des jobs chez les jeunes en stimulant justement la venue d'investissements chez nous, comme nous l'avons fait, et aussi en aidant les exportations et en améliorant notre productivité. Ce sont des mesures réalistes des politiques cohérentes qui vont permettre de répondre à ce besoin chez les jeunes en leur créant des milliers de jobs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur la motion présentée par mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, motion d'intérêt fiscal et économique. Pour ma part, je vais intervenir dans un domaine très particulier et je vais discuter de compagnies en agriculture, de commerces qui touchent l'agriculture et tout ce qui entoure la production agricole au Québec. Je vais faire ressortir certains points qui touchent la fiscalité de ces gens-là qui sont impliqués en agriculture.

M. le Président, il y a des aberrations sur le plan économique, tel que les péquistes nous le présentent. On dit qu'on veut développer l'agriculture du Québec, qu'on veut favoriser la relève agricole, mais on n'apporte pas les mesures fiscales, nécessaires, pour que cela se produise. Je vais dénoncer certaines prises de position du ministre des Finances aussi bien que du ministre du Revenu qui aurait pu nous parler certainement de sujets très importants qui affectent la plupart des Québécois, mais il a voulu parler du programme du Parti libéral. C'est tout ce qu'avait à nous offrir tout à l'heure le ministre du Revenu du Québec.

Une voix: Ils n'ont pas de programme, eux autres!

M. Dubois: M. le Président, la fiscalité en agriculture, c'est primordial et c'est important. Je vais vous indiquer tout de suite comment un agriculteur québécois est traité comparativement à un agriculteur ontarien. Je vais vous indiquer aussi qu'on est loin en arrière, ici au Québec, sur le plan fiscal si on veut une fois pour toutes favoriser un peu la production agricole.

D'une main, le ministère du Revenu enlève les aides financières que pourrait accorder le ministère de l'Agriculture. Je vais vous le prouver, M. le Président. Quand le ministre de l'Agriculture parle de programmes généreux, il ne parle jamais, par exemple, de la fiscalité qui s'applique à l'agriculteur non incorporé comme à l'agriculteur incorporé. L'aspect fiscal actuellement, tel qu'il se présente au Québec, est totalement contre-productif. Il est impossible actuellement, M. le Président, de développer des unités très rentables au Québec si on continue avec le genre de fiscalité qui s'applique pour nos agriculteurs. La fiscalité a apporté un endettement massif chez les producteurs agricoles. Actuellement, le ministre de l'Agriculture se pète les bretelles d'avoir augmenter l'auto-approvisionnement au Québec d'un certain pourcentage qui, selon lui, varierait d'environ 15%. Je dois vous dire, M. le Président, que ce pourcentage d'augmentation d'auto-approvisionnement correspond exactement à l'augmentation de l'endettement des fermes québécoises. M. le Président, si on met 1 000 000 000 $ de surplus en endettement sur les fermes, c'est bien sûr qu'on va produire plus. Les fermiers sont pris jusqu'au cou. Ils doivent produire de force puisqu'ils

ont des dettes à payer. C'est la façon dont le ministre s'est servi pour augmenter la production agricole au Québec, mais cela laisse les agriculteurs dans une situation désastreuse au plan économique et au plan fiscal.

M. le Président, il y a d'autres mesures improductives, telles que la taxe ascenseur sur l'essence, sur les pétroles. En effet, il y a une politique qui existe pour les fermiers à savoir qu'on leur retourne les taxes appliquées sur l'essence dont on se sert pour les tracteurs de ferme. Par contre, quand il s'agit de transfert de biens agricoles par camion sur les routes, il n'y a pas de ristourne de taxe. La taxe ascenseur qui a été appliquée par M. Parizeau, il y a quelques années, a des effets néfastes dans le monde agricole et para-agricole parce que tous les biens agricoles qu'on transporte sont sujets à cette taxe ascenseur.

Un autre élément. Les droits de succession devraient disparaître parce que c'est un des éléments - ce n'est pas le seul - négatifs et contre-productifs au Québec. Nous l'avons dit à plusieurs reprises et mes collègues l'ont indiqué, les droits de succession, cela doit tomber. Cela doit disparaître.

À la suite du degré d'endettement inquiétant des agriculteurs du Québec dont le capital est majoritairement composé de dettes - c'est là qu'est le problème et mon collègue de Vaudreuil-Soulanges l'a indiqué dernièrement - la taxe sur le capital qu'on applique sur les fermes aussi bien que sur toute autre forme de compagnie est contre-productive. Cette taxe a des effets néfastes et je vais vous donner tout à l'heure des chiffres comparatifs entre le Québec et l'Ontario pour une ferme incorporée, une compagnie agricole, comme on dit. En Ontario, sur une base de 20 ans, on paierait actuellement 1000 $ de taxes sur le capital, c'est-à-dire 50 $ par année pendant 20 ans. La taxe sur le capital en Ontario pour les fermes est strictement symbolique puisqu'elle ne dépasse jamais 50 $. Donc, pour une ferme dont le coût de fonds de terre serait, par exemple, de 400 000 $, l'agriculteur québécois incorporé paierait, sur 20 ans, 36 000 $ de taxes sur le capital, comparativement à 1000 $ en Ontario, ce qui fait 35 000 $ de différence sur 36 000 $. C'est dire qu'on paie 36 fois plus qu'en Ontario de la taxe sur le capital. C'est un élément contre-productif pour les agriculteurs du Québec.

En plus, un agriculteur au Québec qui achèterait un fonds de terre de 400 000 $ avec une dette assumée à l'achat de 200 000 $, par exemple, devrait débourser -un agriculteur du Québec, incorporé toujours - 279 900 $ pour acquitter sa dette de 200 000 $, comparativement à 236 300 $ pour le producteur ontarien, pour acquitter la même dette de 200 000 $, ce qui veut dire qu'un agriculteur du Québec qui achète une ferme de 400 000 $ avec une dette de 200 000 $, cela lui prend environ 44 000 $ de plus pour acquitter la même dette de 200 000 $. Quand on parle d'équilibre fiscal avec nos concurrents, il serait temps que le ministre de l'Agriculture se réveille, parle à son ministre des Finances et à son ministre du Revenu et essaie au moins d'obtenir un taux comparatif pour les agriculteurs du Québec. Il est bien évident que le ministre de l'Agriculture ne protège absolument pas les agriculteurs du Québec actuellement. C'est sûr que le ministre se pète les bretelles en disant: J'ai monté l'auto-approvisionnement. Mais: J'ai endetté massivement, par exemple, les Québécois du même pourcentage, il ne le dit pas. Il ne dit pas que les modalités fiscales au Québec ne se comparent pas à celles de l'Ontario, qu'elles sont beaucoup plus désavantageuses. Il ne dit jamais cela. Le ministre de l'Agriculture se contente de se peter les bretelles avec ses petits programmes qui font presque des agriculteurs des assistés sociaux sur la ferme actuellement.

J'ai donné la comparaison Québec-Ontario sur deux points particuliers et, M. le Président, nous parlons souvent de relève agricole. C'est un sujet dont on a discuté tout dernièrement, il y a quatre ou cinq jours, en commission parlementaire. La relève agricole au Québec, c'est très important. D'ailleurs, si nous voulons avoir des agriculteurs demain, il faut la favoriser. Il faut avoir des éléments pour la favoriser. (17 h 20)

Dans ce sens, la taxe sur le capital devient un des éléments majeurs qui empêchent le transfert des fermes parce qu'une compagnie incorporée peut mieux transférer une ferme qu'une compagnie non incorporée. Étant donné que très peu de fermes au Canada, seulement 4% des fermes canadiennes sont incorporées, cela veut dire que la moyenne ne doit pas être tellement différente au Québec mais je n'ai pas de données précises sur le Québec.

Ce qui arrive, c'est que les agriculteurs québécois aussi bien que canadiens ont actuellement une certaine réticence à transférer leur ferme étant donné que la ferme n'est pas incorporée. Ils ont des difficultés dans leur transfert, s'ils vendent tout d'un bloc ou s'ils ne vendent rien. Une fois incorporée, il serait plus facile de vendre progressivement des actions à son fils ou à ses fils pour les intégrer dans le commerce de la ferme, mais la taxe sur le capital est un des éléments qui empêchent les agriculteurs d'aller vers la formation d'une compagnie incorporée, parce que les neuf vingtièmes pour cent qu'on applique sur le capital représentent, dans certains cas pour les grosses fermes, 4000 $ à 5000 $

par année. C'est un élément important et il faut que le ministre des Finances pense à l'effet que cela cause au transfert des biens agricoles et à la relève agricole.

Il y a aussi une nécessité qu'il faut aborder immédiatement au Québec. Il s'agirait d'abolir l'impôt sur les dons pour les transferts de biens agricoles. Aussi longtemps que cela ne sera pas fait, cela cause des problèmes majeurs et seulement l'évaluation des biens à transférer est déjà un élément trop dispendieux. Cela ralentit le transfert des biens agricoles de père à fils. C'est un élément qui devrait disparaître. C'est une politique qui devrait être mise de l'avant. Cela fera bientôt neuf ans que ces gens sont en face et ils n'ont pas pensé à grand-chose depuis neuf ans, c'est évident.

Je pense qu'on peut suggérer d'abolir l'impôt sur les dons pour les transferts des biens agricoles. C'est une suggestion que je fais à titre personnel mais il me paraît important que nous nous penchions sur cette question primordiale.

Si on parlait maintenant du niveau des impôts payés par une entreprise agricole québécoise par rapport à une entreprise agricole ontarienne. Un agriculteur qui a réussi à faire un profit de 25 000 $ et qu'il veut le réinvestir dans sa ferme, un particulier non incorporé au Québec paierait 37% d'impôt. La compagnie agricole incorporée au Québec paierait 32% d'impôt, en comparaison avec la compagnie agricole de l'Ontario qui ne paierait que 15%. Vous voyez tout de suite la différence entre la situation d'un agriculteur québécois et d'un agriculteur ontarien sur le plan fiscal. Si on s'en tient strictement aux compagnies agricoles, la compagnie québécoise paie plus que le double en pourcentage d'impôt que la compagnie ontarienne agricole. C'est un autre élément qu'il faudrait songer à analyser à fond et à réduire, si on veut effectivement se comparer avec l'Ontario.

Quand je disais au début que l'on donne d'une main et qu'on retire de l'autre, c'est exactement ce qu'on fait. On donne des subventions d'une main, des aides sur les intérêts mais on les retire d'une autre main par le bras du fisc. C'est exactement ce qui arrive chez les agriculteurs.

Je vais terminer sur cette note. Je laisse quand même aux gens, qui sont près des agriculteurs, qui sont désireux de voir le progrès dans l'agriculture et qui sont désireux de voir le transfert des biens agricoles se faire d'une façon plus logique, le soin de penser à des formules nouvelles. J'indique au gouvernement qu'il n'a pas fait ses devoirs depuis huit ans. Il n'a pas pensé à la relève agricole au plan fiscal, au monde agricole et au développement de l'agriculture au Québec. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Commerce extérieur et des Relations internationales.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, la motion de l'Opposition, qui est radicalement fausse et va totalement à l'encontre de la réalité québécoise d'aujourd'hui, pourrait être vraie à une condition: c'est qu'elle ait été datée de l'époque où les libéraux gouvernaient le Québec.

Une voix: C'est cela. Voilà.

M. Landry: Cela décrirait parfaitement la période de Robert Bourassa, de 1970 à 1976: Que l'Assemblée nationale du temps déplore vivement que le gouvernement de Robert Bourassa, par son refus d'alléger le fardeau fiscal des particuliers et celui des entreprises et d'implanter des mesures fiscales plus incitatrices, défavorise l'investissement. Le député qui a proposé cette motion s'est fait historien sans le savoir. Je lui fais mes compliments au nom du gouvernement. Il vient de nous donner une excellente description pour la prochaine campagne électorale de ce que les Québécois doivent faire pour que nous ne revenions pas à une période si bien décrite par le député de Vaudreuil-Soulanges. Surtout parce que la motion est orientée autour de la fiscalité. Or, tous les indices, toutes les analyses, et non pas celles du gouvernement du Québec mais celles, en général, de Statistique Canada, celles, en général, du Conference Board of Canada, démontrent jusqu'à plus soif que ceux qui ont agrandi l'écart fiscal entre l'Ontario et le Québec particulièrement - qui est réel, cet écart - c'est précisément ceux qui aujourd'hui nous reprochent de ne pas l'avoir réduit.

Est-ce vrai qu'on l'a réduit ou si on ne l'a pas réduit? Regardons cela objectivement parce que la question se pose. Il était de 20%, le jour où on est arrivé au pouvoir, avec l'Ontario et, aujourd'hui, il est de 9%; réduction de 11%. Cependant, la motion du député pourrait être vraie aussi aujourd'hui pour une partie, à condition que l'on attribue le fait d'avoir créé un climat défavorable à l'"entrepreneurship" et à l'économie du Québec aux critiques stériles d'une opposition qui a pour rôle de critiquer le gouvernement, oui, c'est l'un des bienfaits de notre système, mais qui au cours des années s'est évertuée, par des déclarations intempestives et incompétentes, non pas à nuire au gouvernement, mais à nuire à l'économie du Québec.

Qu'ont fait les porte-parole de l'Opposition officielle, sinon d'aller colporter des faussetés dans tous les milieux et parfois à l'extérieur des frontières, aidés en cela par

ceux qui étaient à la maison mère, à Ottawa, le Parti libéral fort heureusement défait? Le climat des investissements, d'ailleurs, s'est amélioré automatiquement dès que des gens comme Serge Joyal n'ont pu, avec l'argent des contribuables, prendre les avions du gouvernement du Canada pour aller déblatérer sur l'économie du Québec, à New York en particulier.

Les efforts des libéraux d'ici et ceux d'Ottawa réunis, effectivement, ont peut-être eu un effet néfaste sur l'investissement au Québec mais, malgré leurs efforts et leurs erreurs, l'économie québécoise a fait preuve d'un tel dynamisme que toutes les années où le présent gouvernement a été au pouvoir, sauf deux - et on reparlera de ces deux-là -le taux de croissance de notre économie a été supérieur à celui de la moyenne nationale et de l'Ontario. Depuis 1976, le Québec, qui était à la traîne sur le plan économique, il n'y a pas à le cacher - toutes les analyses le démontraient et le démontrent dans une perspective historique -a commencé un vigoureux rattrapage. Pour les investissements en particulier, c'en est surprenant; les chiffres sont à peine croyables. Certaines années, dans l'investissement industriel, alors que le Québec fait 30, le Canada fait à peine 1, parfois 0 et parfois régresse.

S'il y a un signe de confiance des investisseurs dans l'économie, s'il y a un signe qui démontre que nos entreprises privées sont bien appuyées par le présent gouvernement, c'est bien leur décision d'investir, d'acheter de la machinerie, d'acheter des terrains, construire. Jamais, sous un gouvernement libéral, des chiffres de croissance des investissements aussi spectaculaires ne sont apparus à aucune des périodes; même pas sous M. Lesage qui, pourtant, avait autrement d'envergure que les libéraux d'aujourd'hui et ceux de Robert Bourassa, on n'avait jamais réussi à atteindre des chiffres d'investissement aussi élevés. Cela a eu aussi un effet sur un aspect bien plus dramatique de la situation économique qui est le chômage. Les investissements, ce sont des décisions d'entreprise et cela a un impact sur l'emploi à terme alors que l'indice du chômage, lui, frappe directement des hommes et des femmes dans leur vie de tous les jours.

Or, il est bien connu que, de tout temps, l'écart du chômage entre le Québec et le reste du Canada a toujours été positivement élevé au détriment du Québec. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, en particulier, en novembre 1976, nous avions un écart de 32%. Il y avait 32% de plus de chômeurs et de chômeuses au Québec que dans le reste du Canada. Aujourd'hui, cet écart est rendu autour de 28%. C'est le plus bas niveau de l'histoire statistique du Québec.

(17 h 30)

Le député de Vaudreuil-Soulanges qui aura un droit de réplique pour parler de sa motion pourra nous expliquer comment il se fait, alors qu'il prétend qu'on a un climat défavorable à l'investissement, que nos taux de croissance et d'investissement font des records et font honte à l'ensemble du Canada, de Halifax à Vancouver, et qu'en même temps, la différence du taux de chômage entre le Québec et le reste du Canada est à son plus bas de l'histoire? Là-dessus, j'espère que la population du Québec, non seulement les économistes, mais tout le monde va demander des explications et que le député de Vaudreuil-Soulanges va essayer de nous en donner. C'est beau d'essayer d'ameuter les populations. Le Parti libéral l'a fait et c'est en cela que, peut-être, il a empêché des investissements au Québec.

Ameuter les populations en parlant de la différence d'impôts, en particulier. L'impôt est une chose, mais ceux qui sont les amis et à peu près les seuls amis du Parti libéral, c'est-à-dire ceux qui ont des revenus supérieurs dans la société, ont peut-être, pour certains d'entre eux, des raisons de se plaindre - bien qu'il y en ait plusieurs qui ne se plaignent pas et qui disent: Je fais de l'argent, je paie des impôts et je suis heureux d'habiter au Québec à cause de son système de santé exceptionnel qui est gratuit et où il n'y a pas d"'overbilling", comme en Ontario. Je paie des impôts et je suis heureux que le Québec ait un système de sécurité pour les plus démunis plus développé que dans n'importe quelle province du Canada. Je paie des impôts, mais quand j'envoie mes enfants à l'université, c'est au Québec que les frais de scolarité sont les plus bas et ils sont plafonnés depuis qu'on est là. Cela peut être une réaction de personne riche qui a réussi et qui dit: Oui, je paie plus d'impôts au Québec que si j'étais en Ontario, mais cela me fait plaisir de le faire parce que le Québec est une société plus humaine, plus sociale, moins dure, plus égalitaire. En mentionnant cela, le Parti libéral ne fera pas honte au gouvernement mais à lui-même. C'est pourquoi toutes les populations occidentales ont compris que des partis libéraux ne devaient plus gouverner des sociétés modernes.

Des voix: Ha! Ha! Ha! Une voix: Bravo!

M. Landry: C'est une idéologie tellement dépassée qu'il n'y a plus un seul pays au monde qui se laisse gouverner par une idéologie aussi rétrograde, aussi paresseuse et aussi foncièrement antisociale et contradictoire.

Une voix: Vrai, vrai. Il n'en a plus

nulle part au Canada, en tout cas.

M. Landry: II n'y en a plus au Canada, mais il n'y en a plus en Angleterre non plus; il n'y en a plus en Australie; il n'y en a plus nulle part.

Une voix: C'est vrai, c'est fini. Bonjour!

Une voix: Et il n'y en aura plus d'autres.

M. Landry: Leur idéologie, au fond, ressemble un peu aux idéologies passéistes d'extrême-gauche. Être à l'extrême-gauche ou è l'extrême-droite, c'est néfaste pour les sociétés. C'est pour cela que, dans les systèmes démocratiques, quand les gens ont vraiment le choix, ils récusent les extrêmes.

Je reviens donc à ces écarts dont il fut question. J'ai parlé des riches. Maintenant, je vais parler non des pauvres mais des classes moyennes, c'est-à-dire l'essentiel en nombre des gens qui paient des taxes. Qui paie des taxes? Ce sont les gens des classes moyennes. Ceux qui n'ont pas d'argent n'en paient pas. Au Québec, ceux qui ont beaucoup d'argent paient beaucoup de taxes. Ceux des classes moyennes, c'est-à-dire-Oui, c'est vrai, je vous l'ai dit. Et il y a deux réactionnaires de droite au fond de la salle en face qui prouvent toute ma démonstration: ils rigolent pendant que je dis cela. Ce n'est pas drôle.

Une voix: C'est vrai. Ce sont des réactionnaires.

M. Landry: Parlons maintenant, encore une fois, des classes moyennes. Allons jusqu'à 30 000 $. L'essentiel des hommes et des femmes qui nous écoutent et qui sont des actifs font partie de cette catégorie de revenus: entre 18 000 $, 19 000 $ et 30 000 $. Ceux-là qui sont les plus nombreux et qui font marcher véritablement une économie ont été traités par le présent gouvernement d'une façon juste et loyale sur le plan fiscal et leur sort est meilleur que celui des contribuables ontariens de même niveau. Je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui n'a pas travaillé pour une infime minorité de la société mais qui a travaillé pour le plus grand nombre.

Une voix: Bravo!

M. Landry: Permettez-moi de revenir aux riches, parce que... Que personne dans mes propos ne voit un désintéressement du sort - le mot n'est peut-être pas très bien choisi - de ceux qui gagnent 100 000 $, 150 000 $, 250 000 $. Il y en a. À quoi ressemble leur sort si on le compare à celui des gens qui vivent dans d'autres villes canadiennes? Les libéraux se sont illustrés en parlant de fuite des cadres, de fuite des capitaux. Cela a été leur refrain pendant des années et des années. Le Conference Board du Canada nous donne des chiffres extrêmement intéressants. Quand on compare cinq villes du Canada pour l'impôt des particuliers, ce dont j'ai parlé auparavant, les autres impôts et dépenses - parce qu'il y a d'autres impôts et d'autres dépenses pour lesquels le Québec a une situation beaucoup plus favorable - quand cela coûte pour vivre à Ottawa 117 $, cela en coûte 100 $ à Montréal, tout pris en compte.

Alors un bon homme d'affaires, même s'il gagne 50 000 $ et plus parce que pour les 50 000 $ et plus, d'après le Conference Board, c'est 105 $ à Ottawa et 100 $ à Montréal pour chaque 100 $ dépensés... Cela a été tellement bien compris - je regrette que le député de Hull ait quitté cette Chambre - qu'au cours des dernières années un très grand nombre de citoyens de l'Ontario ont décidé de traverser la rivière d'ouest en est pour venir profiter de tout ce que j'ai dit il y a un instant, c'est-à-dire notre système de santé exceptionnel, notre système d'éducation qui coûte le moins cher du monde et le programme Corvée-habitation, de telle sorte que des Ontariens, la plupart francophones je dois dire mais plusieurs anglophones aussi, ont choisi cette bonne ville québécoise d'Aylmer et ont abandonné l'Ontario pour venir profiter de la social-démocratie qui règne au Québec parce que ce sont des gens qui savent compter.

À Toronto l'écart est plus grand. Je ne veux pas dire qu'il y a des gens qui ont déménagé de Toronto à Aylmer, mais cela aurait peut-être été une bonne idée aussi. Pendant que cela coûte 100 $, toutes dépenses comprises, à Montréal, c'est 121 $ à Toronto, 107 $ à Edmonton et 125 $ à Vancouver. C'est cela qui s'est passé dans l'économie québécoise au cours des dernières années. Une bonne croissance économique, un traitement juste et équitable des contribuables, surtout les plus nombreux de la société et ceux qui font véritablement fonctionner l'économie, mais tout cela est doublé d'un phénomène extrêmement intéressant dont l'Opposition ne parle jamais, parce que je suis sûr que cette chose ne la préoccupe pas mais nous, cela nous préoccupe, ici, de ce côté.

Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976, la revendication des nationalistes québécois, dont nous sommes, était depuis 75 ans que notre économie était dominée, dans l'exploitation en particulier des richesses naturelles, la forêt et les mines, bref une situation de pays du tiers monde. Des étrangers venaient et avec leur argent exploitaient nos richesses naturelles, prenaient des dividendes et des sommes énormes sortaient du Québec, étaient payées

à des actionnaires qu'on n'avait jamais ni vus ni connus, qui ne savaient pas où était Roberval, qui ne savaient pas où était Chicoutimi et qui empochaient le fric.

Mais cela a radicalement changé. Je dois dire aujourd'hui à cette Chambre -l'Opposition n'en parle jamais parce que ce n'est pas pour elle une préoccupation que le Québec soit dominé économiquement ou ne le soit pas - qu'autant dans les mines que dans la forêt ceux qui sont les principaux actionnaires et majoritairement les décideurs ce sont les Québécois et les Québécoises. En huit ans on a réussi à régler un problème lancinant qui obsédait le Québec depuis au moins 75 ans.

J'aimerais entendre le député de Vaudreuil-Soulanges nous parler du fait qu'en moins de huit ans les Québécois et les Québécoises, suivant des méthodes tout à fait acceptées et conventionnelles, ont réussi à prendre le contrôle de cette immense richesse qu'est la forêt québécoise et que la Caisse de dépôt et placement, avec nos fonds de retraite, a pu acquérir, en particulier avec la SGF, Domtar. C'est là une différence dans notre approche.

Nous allons entendre tout à l'heure des propos égoïstes, des propos pour les grands, des propos qui plaignent ceux qui sont déjà les plus favorisés dans notre société. Le gouvernement n'a pas que tenu des propos, il a travaillé pour les classes moyennes, il a travaillé pour l'économie du Québec, il a réduit l'écart du taux de chômage, et c'est ce qui fait qu'on peut parler d'une économie dynamique.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vaudreuil-Soulanges, votre droit de réplique. (17 h 40)

M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je ne cesse jamais de m'étonner du genre de propos...

Une voix: ...démagogiques.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... du ministre du Commerce extérieur. D'aucuns, les qualifieraient de démagogiques. Je les qualifie, quant à moi, de fantaisistes, dans la mesure où le ministre a voulu nous décrire la relance extraordinaire que connaît le Québec sous la gouverne du PQ, relance...

Des voix: Bravo!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...qui, sous des applaudissements nourris...

Une voix: Moqueurs.

Une voix: Ils ne comprennent rien.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...d'une part, sous des applaudissements moqueurs des péquistes eux-mêmes, cette relance qui aurait eu lieu sous les applaudissements nourris de dizaine de milliers de Québécois en chômage et bénéficiaires de l'aide sociale de plus que ce qu'il y avait il y a quelques années... La galerie ne rit pas, parce que la galerie, au Québec, assiste à une relance qu'on nous décrit de façon fort fantaisiste. Cette galerie est constituée d'un nombre croissant de jeunes Québécois qui veulent de l'emploi. C'est la réalité des choses et nous la décrivons. Nous sommes, comme tous les élus, extrêmement sensibles au problème no 1, l'économie du Québec, le développement économique, la croissance économique, des perspectives remplies d'espoir pour les jeunes. Notre discours n'en est pas un de destruction de l'économie du Québec, de vouloir nuire à la création d'emplois, mais, bien au contraire, de proposer des solutions, de suggérer des choix aux politiques suivies par le gouvernement du Parti québécois depuis maintenant neuf ans.

Qui va semer l'incertitude chez les investisseurs? Les libéraux? A quel moment? Ce n'était certainement pas un premier ministre libéral qui était devant l'Economic Club, à New York, en 1977, qui, tout bonnement comparait la situation politique du Québec déterminée par le PQ, grâce à son accession au pouvoir, à l'époque, à celle que les Américains - c'est ce qu'ils ont entendu - avaient vécue 200 ans plus tôt, dans une guerre civile. C'est ainsi que les Américains ont interprété les propos du premier ministre, M. René Lévesque, devant l'Economic Club.

Une voix: C'est cela.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le premier ministre a tenté de démontrer que c'était la réalisation de la souveraineté dont il parlait ouvertement devant des investisseurs nord-américains équivalant à la souveraineté qu'avaient acquise les Américains, les treize États américains pour se libérer du joug de l'empire britannique, mais le parallèle n'était pas celui-là. Ce que les Américains ont nettement compris, c'est qu'un parti politique, au Québec, désirait la séparation du Canada et non pas le rejet d'un empire colonialiste quelconque qui n'existe plus depuis belle lurette. Il y a longtemps que le soleil se couche sur beaucoup d'autres nations que celle de l'empire britannique. D'aller prétendre que c'est l'Opposition, dans son rôle de suggérer des choix et de relever les erreurs du

gouvernement, qui sème l'incertitude, c'est, le moins qu'on puisse dire, un peu fort.

Les inexactitudes du gouvernement sont nombreuses. Je n'en prends que quelques exemples dans l'ordre où elles se sont présentées. Parce qu'il s'agit de fiscalité, on a fait état, de l'autre côté, de mesures qui, soi-disant, auraient favorisé les Québécois depuis l'accession au pouvoir du Parti québécois. Qu'en est-il véritablement lorsqu'on regarde le portrait global? On nous suggère souvent un portrait global de l'autre côté - le ministre vient de le faire -notamment sur le coût de la vie dans les autres villes canadiennes. Regardons pour avoir une image complète, nous dit-on, quelles sont les différences de coûts de la vie au-delà des coûts d'impôt dans les différentes villes canadiennes. Intégrons le coût de la vie avec le coût de l'impôt, et voyons ce qui se passe. On nous cite à tour de bras à chaque fois des chiffres qui, après analyse, s'avèrent comprendre la portion de financement et de coût d'acquisition, si on veut, de biens immobiliers. Une maison coûte plus cher à Toronto, nous dit-on. Il est évident qu'une maison coûte plus cher à Toronto; c'est devenu, depuis huit ou neuf ans, un meilleur investissement que d'acheter une maison au Québec, à cause des perspectives économiques, des politiques qui sont en place dans ces régions. Confondre constamment dépenses et investissements, c'est une erreur de base.

Une voix: Ils font cela dans leur budget.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si on regarde les perspectives pendant huit ans, si on regarde ce qui s'est produit en termes de création d'emplois, de récupération des emplois perdus pendant la crise et qu'on voit le rythme supérieur, c'est déplorable pour nous, Québécois! Tant mieux pour les Ontariens! Mais si on regarde les rythmes de croissance, il est bien évident qu'ils se traduisent à un moment donné par des valeurs plus élevées pour des actifs comme un domicile, une maison, une résidence, que les gens achètent. Acheter une maison, ce n'est pas une dépense, c'est un investissement.

Deuxièmement, on nous a indiqué que, quant aux profits des sociétés, les profits sur les revenus des corporations étaient moins élevés au Québec. Tout le monde sait cela! Mais ce que tout le monde sait également, lorsqu'on regarde qui va investir et pour quelle raison, c'est que la charge qui pèse sur les entreprises créatrices d'emplois monte d'autant plus rapidement qu'elle crée des emplois et monte d'autant plus rapidement qu'elles font des investissements, qu'elles soient rentables ou non rentables. C'est le propre d'une petite entreprise qui vient d'être fondée, qui commence à engager des gens, qui commence à construire, qui achète de la machinerie, de ne pas être rentable les premières années. Cela fait partie de la nature des choses que ceux d'en face ne connaissent pas. À mesure que l'entreprise grandit, elle peut effectivement faire éventuellement des profits. Mais pourquoi la taxer alors qu'elle n'en fait pas, alors qu'elle est dans la phase la plus difficile, la plus sensible, la plus délicate, la phase de la fondation, de la croissance, de l'établissement et de l'implantation d'une nouvelle activité dans une de nos villes, un de nos villages, une de nos régions? Pourquoi la pénaliser par des charges fixes chaque fois qu'elle crée un emploi de plus, chaque fois que de la machinerie est achetée, chaque fois que des emprunts doivent être contractés pour financer le développement et la croissance d'une entreprise? C'est cela qu'on a dénoncé et le genre de charges fixes qui pèsent sur les entreprises au Québec ont été évaluées par d'autres que nous, par des gens qui sont des conseillers auprès du bureau du premier ministre qui indiquent, par exemple, que chaque pourcentage de taxe sur la masse salariale supérieur à une situation de base qui serait celle d'aujourd'hui, celle d'une autre province, peu importe, la taxe sur la masse salariale en pourcentage comparatif représente pour chaque point 10 000 emplois perdus, parce que l'entreprise est moins concurrentielle, parce que ses coûts de main-d'oeuvre sont plus élevés. Je n'en veux que comme exemple final, M. le Président, d'indiquer que lorsque des décisions d'investir sont en phase de réflexion, que les gens, les hommes et les femmes, les Québécois francophones, formés dans les affaires, qui font partie de la génération que je connais parce que j'y appartiens, qui ont contribué en français dans le secteur privé au Québec au développement de l'économie du Québec grâce à leurs efforts sans jamais sentir l'appui efficace, positif, voulu du gouvernement qui est en face de nous, pour avoir été témoin de cela, je sais pertinemment qu'ils se posent une série de questions, qu'il s'agisse d'approvisionnement en matières premières... Quels sont les coûts de livraison des matières premières lorsqu'on s'approvisionne? Les coûts sont affectés par la surtaxe sur l'essence. Est-ce que ces coûts vous permettent de demeurer concurrentiel? Un peu moins. C'est la réponse que la fiscalité du Québec dicte clairement. Au point de vue du transport, de la distribution et de la vente des produits, donc, le transport dans l'autre sens, même genre de question quant aux coûts de livraison, quant à la capacité de demeurer concurrentiel en vertu de ces coûts. Malheureusement, la fiscalité québécoise dicte une réponse qui est plutôt négative que positive. De la même façon,

est-ce que les taux de rémunération qui doivent être payés dans l'entreprise...

M. Blouin: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement. (17 h 50)

M. Blouin: Le député de Vaudreuil-Soulanges sait très bien qu'il n'a droit qu'à une réplique de dix minutes. J'ai très bien noté le moment où il a commencé à parler. Son droit de parole est épuisé et en conséquence, M. le Président, je vous demande d'appliquer l'article 97. Je vous signale que le député de Vaudreuil-Soulanges a utilisé exactement la même technique à l'égard du ministre qui a parlé avant lui et je vous demande donc d'appliquer l'article 97, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlements, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Question de règlement, M. le Président. Il est question très clairement d'un débat de 90 minutes où les enveloppes ont été partagées: 40 minutes à la portion ministérielle et 50 minutes - c'est bien évident - pour l'Opposition. Et nous ne sommes pas encore rendus à la fin du débat.

M. Blouin: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Sur cette question, M. le Président - et je vous demande d'appliquer le règlement tel qu'il doit être appliqué - je vous signale que le député de Vaudreuil-Soulanges a déjà, au début de ce débat la semaine dernière, utilisé son droit de parole. Il n'a pas le droit d'utiliser deux droits de parole dans un même débat. Tout ce qu'il a le droit de faire, c'est d'utiliser un droit de réplique de dix minutes. Je vous demande donc d'appliquer intégralement l'article 97, M. le Président. Nous devons malheureusement mettre fin au débat et je répète au député de Vaudreuil-Soulanges que je ne fais qu'avoir un comportement identique à celui qu'il a eu à l'égard du ministre du Commerce extérieur tout à l'heure.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît: Effectivement, le droit de réplique est de dix minutes, mais je veux dire, pour être honnête et juste envers tout le monde, que le Parti libéral, le parti de l'Opposition, n'a pas utilisé totalement son temps. Ce qui veut dire qu'il reste quatre minutes qui pourraient être utilisées. S'il vous plaît! Je m'excuse. Quand j'ai reconnu le député de Vaudreuil-Soulanges, je l'ai reconnu comme celui qui avait le droit de réplique. Vous utilisez votre droit de réplique. Évidemment, avec le temps qui passe, il vous en reste moins. Mais vous avez encore quelques minutes, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. En conclusion, ce dont il est question à ce moment-ci...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de règlement, M. le ministre du Commerce extérieur.

M. Landry: Le député m'avait coupé la parole assez vertement tout à l'heure en invoquant strictement le règlement. Mais je trouve que plus il parle, plus il fait la démonstration de notre cause. Alors, nous consentons généreusement à quatre minutes de plus.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Commerce extérieur, quand je vous ai interrompu dans votre discours, dans votre intervention, vous aviez utilisé le temps voulu. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Je remercie le leader adjoint du gouvernement de sa générosité à mon endroit de même que le ministre du Commerce extérieur pour sa grandeur d'âme et son absence totale, comme d'habitude, de mesquinerie.

Ce qui est le fondement même de cette motion repose sur des différences réelles ou perçues - c'est ce que le gouvernement n'a jamais compris - de traitement qu'un gouvernement accorde à l'endroit des gens qui font des investissements, qui créent des emplois et qui décident de s'implanter à un endroit ou à un autre, sur un territoire donné. La réalité existe entre les régions. C'est pour cela que mon collègue de la Côte-Nord a dénoncé la taxe sur l'essence comme étant particulièrement nuisible dans son cas. Même si cette taxe est la même dans tout le Québec, certaines régions sont plus durement affectées. Il y a des choix d'implantation qui se font par les industriels, par les créateurs d'emplois, en faveur d'une région plutôt qu'une autre, à cause de l'existence de cette taxe.

De la même façon à l'égard des impôts où le ministre a voulu saluer la générosité dont il fait lui-même preuve, prétend-il, à l'endroit des gens à revenu moyen de

18 000 $ ou 19 000 $, nous dit-il. Il se félicite sans même regarder que les statistiques fiscales démontrent qu'à partir de 15 000 $ pour un célibataire - c'est dans le livre blanc et je vous souhaite de le lire -75% des contribuables font des rapports d'impôt comme célibataires. Comme si vous l'ignoriez! Et oui, je vois que vous l'ignoriez!

La plupart des contribuables précisément sur lesquels un gouvernement compte pour le développement de la société sont plus lourdement taxés à partir du moment, au Québec, où ils ont comme niveau de salaire le salaire industriel moyen. C'est précisément ce que le livre blanc démontre; de là la résultante des politiques fiscales dont se vante le gouvernement. Il faut au moins savoir de quoi on se vante. Ce dont on se vante, de ce côté-ci, c'est d'avoir posé le même diagnostic que tous les autres partis politiques au Québec, au Canada, dans le monde industrialisé: la nécessité de changements profonds, d'adaptabilité à la concurrence internationale, donc, pour un gouvernement, de poser des gestes et de fixer des objectifs qui tiennent compte de ces nouveaux changements, de ces nouvelles réalités.

On ne voit rien du côté gouvernemental qui laisse même soupçonner un iota de compréhension de la façon dont les gens vont décider d'investir ici plutôt qu'ailleurs, de prendre de l'expansion ici plutôt qu'ailleurs, d'assurer la croissance, la recherche, le développement ici, au Québec, plutôt qu'ailleurs. Lorsque le gouvernement aura compris cela, il pourra voir tout de suite qu'une des raisons fondamentales pour lesquelles cela ne fonctionne pas aussi bien que cela pourrait fonctionner à cause de la qualité des Québécois, sinon de leur gouvernement actuel, c'est que les politiques fiscales, que pour des raisons idéologiques le gouvernement a retenues, sont nuisibles à l'économie du Québec. Ce ne sont pas les propos de l'Opposition qui sont nuisibles, c'est ce qu'il y a sur les rapports d'impôt que le PQ envoie aux contribuables depuis maintenant neuf ans.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): La motion du député de Vaudreuil-Soulanges est-elle adoptée?

Des voix: Vote!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, conformément à l'article 216, je demande que ce vote soit reporté à demain, à la fin de la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, le vote est reporté à demain. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Sur ce, M. le Président, je propose que nous ajournions nos travaux à demain après-midi, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont ajournés à demain, 14 heures.

(Fin de la séance à 17 h 58)

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