Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures neuf minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plattl Un moment
de recueillement. Veuillez vous asseoir. Nous allons maintenant procéder
aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents. M. le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Rapport annuel de la Commission des normes du
travail
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président,
conformément à notre règlement, je dépose le
rapport annuel 1986-1987 de la Commission des normes du travail.
Le Président: M. le ministre, votre rapport est maintenant
déposé. M. le ministre des Affaires municipales.
Rapport annuel de la Société
d'aménagement de l'Outaouais
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1986-1987 de la Société
d'aménagement de l'Outaouais.
Le Président: Votre rapport est déposé, M.
le ministre.
J'ai également deux rapports à déposer à
cette Assemblée.
Rapport sur le régime de retraite des membres
de l'Assemblée nationale
J'ai l'honneur de déposer le rapport du comité
d'étude extraparlementaire sur le régime de retraite des membres
de l'Assemblée nationale. Ce premier document est
déposé.
Décision du Bureau de
l'Assemblée
Enfin, je dépose également une décision portant le
numéro 264 du Bureau de l'Assemblée nationale telle
qu'adoptée le 18 novembre 1987. Je dépose cette
décision.
Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?
Rapports de commissions. M. le vice-président de la commission de
l'aménagement et des équipements et député de
Drummond.
Vérification des engagements financiers
M. Saint-Roch: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé les 13, 27 et 29 octobre 1987
ainsi que les 12 et 19 novembre 1987 afin de procéder à la
vérification des engagements financiers relevant de sa
compétence.
Le Président: M. le député de Drummond,
votre document est déposé.
M. le président de la commission du budget et de l'administration
et député de Vanier.
Étude détaillée du projet de loi
213
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 26 novembre 1987 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
numéro 213, Loi concernant Gérard Parizeau Itée. Le projet
de loi a été adopté.
Le Président: M. le député, votre premier
rapport est déposé.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 241
M. Lemieux: M. le Président, j'ai aussi l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 26 novembre 1987 afin d'entendre les
intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi privé 241, Loi sur les machines
distributrices Richelieu inc. Le projet de loi a été
adopté.
Le Président: Vos deux rapports sont maintenant
déposés. Étant donné qu'il s'agit de projets de loi
d'intérêt privé, M. le leader de l'Opposition, ces deux
rapports sont-ils adoptés?
M. Gendron: Adopté.
Le Président: Adopté. Y a-t-il d'autres
dépôts de rapports de commissions?
Dépôt de pétitions.
Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur une question de fait personnel.
Nous allons maintenant procéder à la période
régulière des questions et réponses orales. Je vais
reconnaître en première principale M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
M. Chevrette: M. le Président, je peux attendre. Le
premier ministre sera-t-il à la période de questions?
M. Gratton: M. le Président, je crois qu'il est dans
l'antichambre.
Le Président: Alors, je vais reconnaître M. le
député de Mercier en...
M. Gratton: Le voici, M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
principale.
Le respect de la Charte de la langue française
au Québec
M. Chevrette: Merci, M. le Président. En fin de semaine,
je pense que tous les Québécois ont pu entendre leur premier
ministre lancer un appel à l'indulgence pour que soit bien
excusée l'inaction de son gouvernement quant à la sauvegarde du
français et également quant à l'application de la Charte
de la langue française. Le premier ministre est allé assez loin.
Il est allé jusqu'à prétendre qu'il n'est pas facile de
faire respecter une loi dans un secteur privé qui interdit aux
commerçants d'afficher dans la langue de leurs clients. Au surplus, le
premier ministre a indiqué qu'il refuse d'admettre que le
caractère français de la métropole soit menacé.
Pourtant, il lance un appel à l'indulgence.
Le premier ministre ne convient-il pas, M. le Président, que
seule une politique linguistique claire et précise et que seule
également une volonté politique ferme et sans équivoque
conduiraient au respect de la Charte de la langue française du
Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je remercie le chef de l'Opposition de me poser une
question ce matin et de me permettre de rectifier les faits. M. le
Président, j'ai simplement dit -si le chef de l'Opposition lit le texte
- que ce n'était pas une loi facile à appliquer. J'ai repris, ce
faisant, ce que l'ancien ministre responsable de l'application de la loi 101,
le député de Mercier, disait il y a deux ans quand il a
reçu le prix Déméritas parce que la loi 101 n'était
pas appliquée dans son comté.
M. Godin: Ah!
M. Bourassa: M. le Président, en novembre 1985, alors
qu'il était député en compagnie de son chef bien
aimé d'alors, l'ancien député d'Anjou, le
député de Mercier a effectivement reçu le prix
Déméritas. J'ai simplement repris certains propos dudit
député de Mercier comme quoi une loi qui restreint les
libertés individuelles dans le secteur privé n'est pas une loi
facile à appliquer.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Ma question s'adresse
à l'ex-député de Mercier et actuel premier ministre du
Québec. Ma question est simple: Le premier ministre ne convient-il pas
qu'une volonté politique claire, déterminée et
affichée sans équivoque, avec une politique linguistique
précise et claire, est le seul moyen d'obtenir le respect d'une loi au
Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, l'ex-député de
Mercier, qui est revenu il y a deux ans pour écarter du pouvoir le Parti
québécois une nouvelle fois, va répondre au chef de
l'Opposition que nous avons manifesté cette volonté, mais ce que
nous admettons - en répétant ce que le député de
Mercier disait - c'est que nous avons d'une certaine façon leurs valeurs
fondamentales qui s'affrontent: la survie de la collectivité francophone
- c'est une valeur fondamentale pour la société
québécoise, notre responsabilité en Amérique du
Nord - et le fait que la loi 101 se trouve à restreindre d'une certaine
façon la liberté des commerçants, dans certains cas,
d'afficher dans la langue de leurs clients.
Alors, ce que j'ai dit, c'est qu'il n'est pas étonnant que cette
loi, comme le disait le député de Mercier, soit difficile
à appliquer dans ce secteur. Également, quand il était
à Hong Kong, il disait que Montréal était une ville
bilingue. Il ne disait pas cela au Québec, mais à Hong Kong, il
affirmait que Montréal était une ville bilingue.
Une voix: ...
M. Bourassa: Non, mais il était au pouvoir à ce
moment-là, quand il l'a dit.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plattî
M. Bourassa: Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est
que la volonté politique existe. Elle est ferme. Les poursuites ont
été prises. Les chiffres ont été rectifiés
par la ministre responsable. On ne parle pas de 10 000 maintenant mais de 1200.
Donc, il faut rectifier les faits et les regarder tels qu'ils sont pour porter
un jugement meilleur que celui que porte, actuellement, le chef de
l'Opposition.
Le Président: M. le chef de l'Opposi-
tion, en additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, j'espère que le
premier ministre, qui lance des appels à l'indulgence, s'est basé
sur quelque chose. Cela doit être parce qu'il sent quelque chose. Quant
au caractère de la métropole, ma question est la suivante: Est-ce
que le premier ministre peut soutenir que le caractère français
de Montréal n'est pas menacé alors que ses propres avocats - je
le réfère à la page 59 du mémoire de ses avocats
devant la Cour suprême - plaident le contraire en disant qu'ultimement,
c'est la survie d'une collectivité qui est mise en cause? Est-ce que le
premier ministre maintient toujours que le caractère de la
métropole n'est pas menacé?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Nous posons les gestes pour préserver le
visage français de Montréal. La position du gouvernement, c'est
de faire du français la langue prioritaire sans interdire l'utilisation
des autres langues. C'est cela la position du Parti libéral. C'est cela
la position du gouvernement. Alors, je dis au chef de l'Opposition que nous
recherchons - c'est ce dont nous discutons depuis quelques mois - une formule
qui puisse concilier ces deux objectifs. C'est tout ce que j'ai dit. C'est une
interprétation qu'on a faite de mes propos et je respecte la
liberté d'information. Tout ce que j'ai dit, c'est que l'application
d'une telle loi n'était pas facile. On interprète cela comme un
appel à l'indulgence. On peut l'interpréter de différentes
façons. Mais c'est ce que j'ai dit. Alors, le chef de l'Opposition me
permet -et je l'en remercie encore une fois, je lui exprime toute ma gratitude
- de rétablir les faits, y compris certains propos tenus par certains de
ses collègues.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le premier
ministre ne convient pas qu'il serait urgent d'agir, parce qu'on risque de se
retrouver avec un jugement et un vide juridique au moment où la Chambre
ne siégera pas? Est-ce que le premier ministre peut prendre l'engagement
ce matin de présenter un projet de loi en y incluant la clause du
nonobstant pour qu'on ne se retrouve pas dans un vide juridique?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, nous avons
déjà répondu à cette question. Je crois que la
position du Parti libéral et du gouvernement est bien connue. On ne peut
certainement pas se retrouver devant un vide juridique étant
donné que notre position actuelle et les gestes qui sont posés
par la ministre responsable devraient rassurer l'Opposition à cet
égard. (10 h 20)
Le Président: M. le député de Mercier, en
principale.
Augmentation du nombre de films en langue
anglaise
M. Godin: M. le Président, en tant qu'inspirateur du
premier ministre et en tant que l'un de ses gourous linguistiques, ma question
s'adresse à la ministre des Affaires culturelles. Est-ce que la ministre
sait que le film anglais actuellement envahit tout le Québec, aussi bien
Québec que Montréal, et qu'on a plus de films anglais à
Québec que de films français. Qu'est-ce qu'elle compte faire pour
aider à la situation? À Québec seulement, je vois Nuts,
sans allusion, je vois Hiding Out, Planes, Trains and Automobiles, Full metal
jacket, Three Men and a Baby, sans allusion. Alors, est-ce que la ministre va
agir pour qu'on ait plus de films français au Québec que de films
anglais?
Le Président: Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: M. le Président, le député de
Mercier a l'air d'oublier qu'on doit vivre avec la loi qu'ils nous ont fait
adopter, qui s'appelle la loi 109. Celle qui vous parle a travaillé
à des amendements à cette loi qui seront présentés
et dont nous discuterons la semaine prochaine. Je dois rassurer, ce matin, le
député de Mercier qui veut faire tout un plat de cela. Qu'il
regarde la loi 109 que son parti nous a fait adopter et qu'il fasse les
corrections nécessaires s'il veut en proposer! Mais moi, j'en ai
déjà, M. le Président.
Le Président: M. le député de Mercier, en
additionnelle.
M. Godin: Je rappelle à la ministre qu'à
l'époque de la loi 109, où nous étions au pouvoir, Famous
Players s'appelait Cinémas unis et que, maintenant, c'est devenu Famous
Players. Donc...
Le Président: Votre...
M. Godin: ...est-ce que les amendements sont prêts? Quand
va-t-on les déposer? On va les adopter de bonne grâce.
Le Président: Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: Les amendements sont prêts, M. le
Président, et nous allons présenter les papillons en temps et
lieu.
Le Président: M. le député de Mercier, en
additionnelle.
M. Godin: Donc, je comprends que ce n'est pas une urgence pour
elle non plus.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Godin: Est-ce que le français au Québec est une
urgence pour elle, oui ou non? Le français dans le cinéma au
Québec est-il une urgence pour la ministre, oui ou non?
Le Président: Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: C'est la ministre elle-même qui a demandé
à la régie de travailler sur des amendements à la loi et
au règlement. Ce n'est pas l'Opposition qui l'a demandé, c'est la
ministre elle-même qui l'a demandé à la régie et ce
n'est pas la régie qui l'a proposé.
Des voix: Bravo! Bravol
Le Président: M. le député de Mercier...
M. Godin: M. le Président, une dernière.
Le Président: ...en additionnelle.
M. Godin: Troisième et dernière question: quand,
quand et quand?
Une voix: Bientôt:
Le Président: Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Bertrand, en principale.
Les reproches du Vérificateur
général à la RAMQ
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, le
Vérificateur général a déposé son rapport,
il y a quelques jours, et, pour la troisième année
consécutive, il dénonce le manque de contrôle à la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Je cite à la page
21, le Vérificateur général qui dit: "La régie
verse des sommes importantes sans avoir l'assurance de la conformité de
ces paiements avec la Loi sur l'assurance-maladie et son règlement." La
ministre peut-elle nous dire ce qu'elle entend faire à court terme pour
corriger cette situation?
Le Président: Mme la ministre responsable de la
Régie de l'assurance-maladie, vous avez la parole.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux dire au
député de Bertrand que nous avons évidemment reçu
les remarques du Vérificateur général et que nous avons
l'intention d'y accorder toute l'importance qu'elles requièrent.
Je voudrais néanmoins corriger certaines impressions qui ont pu
être créées. Si on parle des 3 000 000 $
d'assurance-responsabilité et également des 63 000 000 $ qui
seraient reliés à la question des actes qui auraient
été posés par du personnel paramédical et non par
les médecins eux-mêmes. Je pense qu'il s'agit d'une opinion
juridique, d'ailleurs, à laquelle le Vérificateur
général a fait allusion. Il dit qu'il s'agit d'une opinion
juridique. Il s'agit de revérifier, encore une fois. Il y a toujours eu
confusion quant à l'interprétation de la loi. Il y a des articles
qui semblent s'opposer et il peut y avoir une certaine marge
d'interprétation juridique là-dedans. Nous allons l'examiner pour
voir s'il y a moyen de rendre ceci plus clair.
Quant au contrôle des 300 000 000 $, le Vérificateur
général n'a pas dit qu'il n'y avait pas de contrôle, mais
que ce contrôle lui semblait insuffisant. Je ferais remarquer au
député de Bertrand que cette question remonte aux années
1982, 1983 et 1984, comme le signale d'ailleurs le Vérificateur
général dans son rapport, et qu'elle est reliée au fait
qu'à partir de 1977, on a décidé qu'il y aurait un seul
agent payeur, la Régie de l'assurance-maladie, alors qu'auparavant, les
établissements étaient eux-mêmes les agents payeurs pour
une série de rubriques qui sont énumérées dans le
rapport du Vérificateur général.
Le Président: En conclusion, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce que je veux dire au
député de Bertrand, c'est que ces questions ont été
reprises en 1986 par un comité tripartite composé du Conseil du
trésor, de mon ministère et de la Régie de
l'assurance-maladie. Elles ont fait l'objet de recommandations sur lesquelles
nous prendrons des décisions très prochainement.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): En additionnelle. Est-ce que Mme la
ministre est consciente que, depuis quatre ans, le nombre d'enquêteurs a
baissé de 20 % et que le nombre des poursuites internes par la
régie contre les professionnels de la santé a baissé de 68
%? En fonction de cela, qu'est-ce qu'elle entend faire à court terme
pour corriger cette situation?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne fais pas dire au
député de Bertrand qu'il s'agit d'un problème qui remonte
déjà à quatre ans. Évidemment, ceci est
relié, en partie, à certaines compressions budgétaires sur
le plan administratif qui ont été demandées à la
Régie de l'assurance-maladie et, en dépit de tout cela, il y
avait dix personnes qui s'occupaient de ces contrôles. Il y en a huit
maintenant. Est-ce qu'il y aurait possibilité de corriger? Je pense que
ceci sera examiné avec l'ensemble des recommandations que nous fait le
Vérificateur général.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): En additionnelle. Comment se fait-il que la
ministre n'ait pas le même empressement et le même réflexe
que le Conseil des ministres a eu dans le cas des bénéficiaires
de l'aide sociale?
Une voix: Les boubous macoutes.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que c'est une
affirmation tout à fait gratuite de la part du député de
Bertrand.
Une voix: De la démagogie.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme
la députée de Maisonneuve, en additionnelle.
Mme Harel: En additionnelle, M. le Président, à la
ministre de la Santé et des Services sociaux. Est-ce qu'il n'y a pas
effectivement plus d'empressement à sévir contre de jeunes
assistés sociaux, parmi les plus démunis, qu'à faire
piéger des médecins par des agents de la Sûreté du
Québec et les faire poursuivre par le ministre de la Justice? Est-ce
qu'il n'y a pas une nécessité sérieuse,
présentement, de mener des investigations à l'encontre des
professionnels qui "surfacturent"?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'ai pas à
porter de jugement sur des actes qui ne relèvent pas de ma
compétence. Tout ce que je peux dire à la députée
de Maisonneuve, c'est que nous allons examiner les recommandations du
Vérificateur général sur les différents
problèmes soulevés, dont certains remontent aux années
quatre-vingt, et apporter les correctifs qui pourraient s'imposer.
Le Président: En additionnelle, M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Au premier ministre. Une voix: Envoie
donc!
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre, qui peut superviser
ses ministres, peut nous assurer qu'en tant que premier citoyen du
Québec, il fera en sorte qu'il y ait une équité dans le
traitement des individus au Québec? Si on a démontré
autant d'empressement pour trouver les fraudeurs de l'aide sociale, va-t-on
également montrer de l'empressement vis-à-vis des hauts
salariés de l'État et des professionnels?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je crois que l'Opposition doit être consciente
de ce que le gouvernement a déjà fait dans le cas, par exemple,
de la loi 97 sur les directeurs généraux. Le gouvernement
n'hésite d'aucune façon, dans quelque secteur que ce soit,
à prendre les mesures conformes à l'intérêt
collectif. Dans le cas soulevé par la députée de
Maisonneuve, on connaît les appuis qu'a obtenus le gouvernement sur cette
question. Le petit préféré de la députée de
Maisonneuve - c'est une façon de parler dans les circonstances - et
possible candidat à la direction du Parti québécois, nous
a appuyé sur cette question.
Je dis que, quels que soient les secteurs, nous allons prendre les
mesures les plus pertinentes. Dans le cas des médecins, le ministre des
Finances examine déjà le rapport du Vérificateur
général. Je ne crois pas que le chef de l'Opposition, s'il se
réfère à des gestes, notamment à la loi 97, puisse
accuser le gouvernement de faire quelque discrimination que ce soit, bien au
contraire. (10 h 30)
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le premier
ministre attend toujours d'avoir deux ou trois scandales dans les journaux pour
agir d'une façon ponctuelle et spontanée, alors que, dans le
rapport du Vérificateur général de l'an dernier, on
retrouvait exactement les mêmes remarques en ce qui concerne le corps
médical et le traitement? Est-ce que le premier ministre n'entend pas
plutôt offrir aux citoyens du Québec une loi, non pas
exclusivement axée sur les cadres du secteur de la santé, mais
qu'il légifère en fonction de l'ensemble de l'administration
québécoise en matière de conflits
d'intérêts?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition arrive avec un autre
problème: la question des conflits d'intérêts. Pour les
médecins,
d'accord, mais dans l'ensemble de ceux qui font affaire avec le
gouvernement, ce que je dis, c'est que, dans le cas des directeurs
généraux - on se souvient des problèmes qu'avait le chef
de l'Opposition avec les directeurs généraux, je n'ai pas besoin
de répéter sa solution - on a agi. S'il faut agir dans d'autres
cas, on va le faire, mais il n'est pas question de favoriser une
catégorie particulière de citoyens.
Le Président: Je vais reconnaître en principale Mme
la députée de Johnson.
Retard dans l'application du PADEL
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Pour la
première fois depuis la mise sur pied du programme d'aide au
développement d'équipements de loisirs, PADEL, il accuse un
retard extrêmement négatif pour l'élaboration des projets
en matière de loisirs. J'ai questionné mes collègues,
à savoir s'ils avaient eu des réponses positives, et j'ai
constaté qu'à peine 10 % avaient reçu des réponses
de PADEL. Est-ce que le ministre pourrait nous dire à quoi sont dus ces
retards et s'il va corriger la situation très bientôt?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je suis d'accord avec
Mme la députée de Johnson que le programme PADEL au
ministère est un programme des plus normés, comme on le sait, et
que les nombreuses demandes qui sont acheminées à mon
ministère nécessitent un processus administratif assez lourd.
Compte tenu du fait que, cette année, nous avons réussi à
améliorer un tant soit peu ces procédures pour devancer nos
décisions, j'ai demandé à mes services administratifs
d'examiner la possibilité pour que, l'an prochain, nous puissions
être en mesure de faire connaître les réponses au programme
PADEL à la mi-juillet ou, au plus tard, au début d'août
pour permettre à ceux qui font une demande d'avoir une réponse
à leur satisfaction.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: C'est difficile à prendre. Il a dit qu'il
avait amélioré la situation. On est le 1er décembre.
Comment va-t-on faire pour faire des tennis, des terrains de balle, des
terrains de soccer le 1er décembre? Dites-moi celai
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Picotte: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Picotte: ...Mme la députée de Johnson, quand
elle prend cette attitude, ignore complètement ce qu'elle-même m'a
suggéré en discussion. Elle ignore que non seulement elle en a
demandé pour la part qui devait lui revenir, mais qu'elle en a obtenu de
façon additionnelle, à sa demande, d'ailleurs.
Le Président: S'il vous plaît!
M. Picotte: Je ne sais pas comment on va faire pour faire des
terrains de tennis à ce moment-ci, mais je sais très bien qu'elle
a fait suffisamment de demandes pour que ce qui est faisable à cette
période-ci soit fait, et c'est elle-même qui l'a
demandé.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: M. le Président... Une voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme
la députée de Johnson.
Mme Juneau: C'est la première fois que PADEL n'est pas
sorti le 1er décembre. Habituellement, ils disent que l'ancien
gouvernement faisait ceci, faisait cela.
Le Président: Votre question, madame.
Mme Juneau: Quand le Parti québécois était
au pouvoir, c'était toujours payé au mois de juillet.
Le Président: Votre question, madame.
Mme Juneau: Cela sortait au mois de juillet. Je veux savoir si le
ministre va corriger la situation. Cela n'a pas de bon sens.
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Picotte: M. le Président, Mme la députée
de Johnson aurait avantage â lire son courrier. Il y a déjà
quelques semaines que j'ai signé ces projets et que je lui ai
envoyé copie des projets. Alors, ou elle n'a pas lu son courrier, M. le
Président... Une chose est certaine, ces lettres sont signées
depuis déjà un certain temps et même trois semaines avant
la date de l'an passé. Je regrette, il y a sûrement une
communication que Mme la députée de Johnson a oublié
d'établir, mais elle était tellement consciente de ce qu'elle m'a
demandé, M. le Président,
que je suis certain qu'elle en a même avisé les
récipiendaires avant que j'aie eu le temps de le faire.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader de l'Opposition, en additionnelle.
M. Gendron: Je sais que, pour nous, ce sera difficile de prendre
au sérieux le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
parce qu'il l'est rarement, mais comment peut-il être, je dirais,
responsable envers sa responsabilité de ministre et prétendre ce
qu'il a prétendu tantôt comme ministre, donc répondant de
son actipn face à l'ensemble des citoyens du Québec, qu'il aurait
amélioré la formule alors que, vérification faite... En
tout cas, pour ce qui me concerne, onze projets PADEL avaient été
demandés dans le comté d'Abitibi-Ouest, il y en a eu un et,
effectivement, la réponse a été donnée la semaine
dernière pour un terrain de tennis, à Macamic. En plein mois de
décembre, vous savez bien que c'est impossible de le faire. Est-ce que
le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a répondu
à la commande du président du Conseil du trésor de
retarder le plus possible l'émission des programmes PADEL afin de
"périmer" les crédits requis?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Picotte: M. le Président, je n'ai répondu
à aucune commande du président du Conseil du trésor.
Peut-être que le député d'Abitibi-Ouest, qui a
déjà été président du Conseil du
trésor, passait les mêmes commandes à mes
prédécesseurs ou qu'il a été au Conseil du
trésor passer lea mêmes commandes. Chez nous, cela ne se passe pas
ainsi. Je pourrai déposer demain, en cette Chambre, les nombreuses
réponses que j'ai données à plusieurs programmes PADEL, M.
le Président. Compte tenu du fait qu'il y a eu, à mon
ministère, des demandes pour quelque 100 000 000 $ et que le programme
PADEL dispose d'à peu près 10 000 000 $ à 12 000 000 $,
vous comprendrez, sans doute, qu'il y a plus de projets de refusés que
d'acceptés. Mais cela n'est pas nouveau, cela existait, dans votre
temps, de la même façon. Je dois vous dire que, même dans
mon comté, quand j'étais dans l'Opposition, mes
prédécesseurs n'avaient même pas la gentillesse de
consulter celui qui vous parle, alors que ce n'est pas ce qui se passe
nécessairement au moment où l'on se parle.
Le Président: Je vais maintenant permettre une question
principale à la formation ministérielle. Je vais
reconnaître M. le député de Vimont. M. le
député, vous avez la parole.
La sélection des locataires des HLM
M. Théorêt: Merci, M. le Président. Nous
apprenions, la semaine dernière, qu'un projet de règlement
élaboré par la Société d'habitation du
Québec concernant la sélection des locataires des HLM avait
soulevé chez certains groupes des inquiétudes, chez les gens qui
sont normalement admissibles à ce type de logement et qui craignent
d'être pénalisés par la formule proposée. Nous
savons également que, pour répondre à ces
inquiétudes, le ministre des Affaires municipales et responsable de
l'Habitation a formé un comité de députés dont le
mandat consiste à revoir toute cette question. Ma question s'adresse
donc au ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation. Le
ministre peut-il nous dire quelle forme prendront, d'une part, ces
consultations et quel sera l'échéancier?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: M. le Président, la loi oblige la
Société d'habitation du Québec à faire en sorte
qu'un règlement uniforme existe à travers le Québec
concernant la sélection des locataires dans les HLM. Un tel
règlement est censé exister depuis 1979, mais il n'a jamais
été en vigueur encore. Un projet de règlement, qui avait
été élaboré par les associations des offices
municipaux du Québec après une expérience pilote qui a
duré deux ans, a circulé au cours des derniers mois et a fait
l'objet de commentaires de la part de certains groupes.
J'ai récemment décidé de demander à la
Société d'habitation du Québec de suspendre
l'élaboration de ce projet de règlement et j'ai annoncé la
formation d'un comité de députés, présidé
par le député de Sainte-Marie, dont le mandat est
d'élargir la consultation auprès des personnes et des groupes
intéressés.
J'espère que ce comité, qui fera rapport bientôt,
nous donnera un éclairage additionnel sur la question. Merci.
Le Président: Une question additionnelle? M. le
député de Vimont, en additionnelle.
M. Théorêt: Est-ce que le ministre peut nous dire
si, à la lumière des recommandations de ce dernier, le projet de
règlement pourra être modifié de façon substantielle
et s'il maintient toujours son...
Le Président: M. le ministre des Affaires...
M. Théorêt: ...objectif d'assurer l'accès le
plus équitable possible aux locataires des HLM?
Le Président: Je m'excuse, M. le député de
Vimont.
M. le ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: M. le Président, je peux assurer le
député que, si les consultations qui seront faites par le
comité peuvent permettre d'améliorer le projet de
règlement, d'atteindre une plus grande équité et une plus
grande justice - et c'est l'objectif que nous recherchons - nous
n'hésiterons en aucune façon à modifier le projet de
règlement.
Une voix: Très bien!
Le Président: Je vais reconnaître en additionnelle
M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. En additionnelle,
est-ce que le ministre est prêt à prendre à nouveau
l'engagement qu'il a déjà pris à . savoir qu'il y aurait
prépublication avant l'entrée en vigueur du nouveau
règlement, même s'il y a eu peut-être un comité
bidon, entre guillemets?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: Le député de Shefford aurait
intérêt à consulter la loi. Celle-ci dit qu'on doit aller
en prépublication lors d'un règlement. Je peux en faire une
obligation personnelle, puisque c'est l'obligation que m'impose la loi de
procéder par prépublication.
M. Gratton: Bon!
Le Président: M. le député de Shefford,
toujours en additionnelle? (10 h 40)
M. Paré: Oui, en additionnelle.
Le Président: En additionnelle.
M. Paré: Est-ce que le ministre convient que la loi 137 a
fait en sorte d'enlever cette obligation de prépublication pour tous les
programmes, tous les projets venant de la Société d'habitation du
Québec?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: Ce n'est que dans des cas d'extrême
nécessité où l'intérêt public commanderait
une action immédiate, par exemple dans des cas où des sommes
d'argent très considérables seraient en cause, que le
gouvernement pourrait déroger à la règle
générale.
Dans le cas d'un règlement comme celui sur la sélection
des locataires, qui est censé être en vigueur depuis 1979, mais
que l'ancien gouvernement n'a jamais eu le courage d'apporter devant le public,
il n'y a aucune espèce de raison de procéder rapidement. Nous
allons consulter, élargir les consultations et, quand celles-ci seront
terminées, nous prendrons nos décisions; mais, je le
répète, l'objectif est de faire en sorte que ce règlement
soit équitable et juste à l'endroit de tous les gens qui sont sur
les listes d'attente des HLM.
Une voix: Très bien!
Le Président: Je vais maintenant reconnaître une
principale.
M. le leader de l'Opposition, en principale.
Deux chèques de 250 $ au lieu
d'un seul de 500 $ pour le financement d'un parti
politique
M. Gendron: L'avant-dernière semaine, j'écrivais
une lettre au ministre du Revenu relativement au souper bénéfice
organisé par le Parti libéral du comté de Bellechasse,
à l'occasion duquel on demandait aux hommes d'affaires invités
une contribution supplémentaire de 500 $ qui leur permettrait d'avoir un
tête-à-tête avec certains ministres.
Dans la lettre que j'expédiais au ministre du Revenu, je vous
faisais particulièrement mention des incitations faites par les
organisateurs politiques libéraux auprès des hommes d'affaires
les enjoignant de faire deux chèques de 250 $ signés de mains
différentes permettant ainsi à deux personnes plutôt
qu'à une de bénéficier d'une déduction fiscale plus
élevée en vertu de la Loi régissant le financement des
partis politiques.
Ma question au ministre du Revenu est: Peut-il nous dire si, comme
ministre du Revenu, il trouve légales ces manoeuvres visant à
faire deux chèques différents permettant ainsi à deux
personnes plutôt qu'à une de bénéficier, à
même les fonds publics, d'une déduction de 125 $ plutôt
qu'une simple déduction de 140 $?
Le Président: Je vais permettre la question mais avant que
vous ne répondiez à la question, M. le ministre du Revenu, vous
n'avez pas à donner d'opinion juridique ici en cette Chambre. Vous
pouvez répondre à la question.
M. Séguin: Oui, M. le Président. J'aurais
peut-être préféré que mon collègue me pose
d'autres questions, comme celle relative au rapport du Vérificateur qui
a été rendu public jeudi dernier, mais je veux bien y
répondre, car je sais qu'il va vouloir y
revenir et moi aussi. Tout ce que je peux indiquer, c'est qu'il m'a
écrit et que je lui ai répondu. Peut-être qu'il a
maintenant déjà reçu la réponse. À sa
question, tout ce que je peux référer, c'est que c'est à
son collègue le député de Lac-Saint-Jean qui avait
posé la question que le premier ministre a donné les
éléments de la réponse qui a clarifié la
situation.
Personnellement, je n'ai aucune connaissance des faits qu'il rapporte.
Tout ce que je peux lui enjoindre de faire, c'est de faire connattre les faits
qu'il pense savoir pour nous permettre de vérifier s'il y a eu
irrégularité. Ma responsabilité comme titulaire au
ministère du Revenu, c'est que si on constatait qu'il y avait
effectivement irrégularité, on prendra les actions qui
s'imposent.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Gendron: Oui, M. le Président. Je veux bien croire que
le ministre du Revenu est, tout compte fait, assez nouveau, mais est-il
conscient, comme ministre du Revenu, qu'il y a des pouvoirs prévus dans
la loi sur le revenu, et en particulier l'article 38 de la Loi sur le
ministère du Revenu qui lui confère des pouvoirs d'enquête
et de vérification sur l'utilisation des fonds publics? A fortiori, pour
quelqu'un qui était présent au même
souper-bénéfice, c'est étonnant que vous n'ayez aucune
connaissance des faits.
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Séguin: M. le Président, tout ce qu'on pourrait
dire, c'est que mon collègue le député d'Abitibi-Ouest en
sait plus que moi. C'est à croire que lui-même était
là le même soir au même souper puisqu'il connatt des faits
que j'ignore et que la plupart de mes collègues ignorent, même
ceux qui étaient présents à ce souper. C'est probablement
un fait isolé. Je ne peux que l'enjoindre de nouveau, s'il connatt des
faits, à nous les faire connaître. Je l'enjoins d'ailleurs
à le faire puisqu'il m'a déjà écrit mais il a eu la
prudence, dans sa lettre, de ne faire connattre aucun fait. Est-ce parce qu'il
ne les connatt pas ou parce qu'il craint de les faire connattre?
M. le Président, je réitère que personnellement, je
n'ai aucune connaissance, ni avant ni pendant ni après ce fameux
incident de ce souper et que si lui ou son collègue qui a posé la
question antérieurement ont des faits à faire connattre, qu'ils
le fassent.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Je n'ai pas hâte de prendre connaissance de
votre réponse parce que si vous n'avez pas vu que dans ma lettre j'ai
évoqué des faits, je suis déjà inquiet de la
réponse dont je n'ai pas pris connaissance. Effectivement, dans ma
lettre, je vous faisais valoir les faits précis.
Des voix: La questionl La question!
M. Gendron: Oui. Ma question très précise...
Le Président: Oui.
M. Gendron: ...M. le ministre du Revenu, c'est que je voudrais
savoir, au-delà de la réponse que vous m'avez envoyée dans
votre lettre, à la suite de la lettre que je vous ai envoyée,
est-ce que oui ou non vous avez l'intention comme ministre du Revenu de vous
prévaloir des dispositions prévues à l'article 38 et
d'ordonner, à tout le moins, des vérifications
supplémentaires sur l'utilisation des fonds publics? Si vous
décidez de faire enquête, cela me fera plaisir de vous fournir des
faits, parce que nous en avons.
Le Président: M. le ministre du Revenu. M. Gratton:
Question de règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement, question de
règlement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. La question du
député est irrecevable dans la mesure où elle s'adresse
à la mauvaise personne. Le député d'Abitibi-Ouest sait
déjà que le Directeur général des élections,
qui est responsable de l'application de la Loi électorale, fait
présentement, sinon une enquête, du moins des vérifications
sur les allégations qui ont été portées à la
connaissance de l'Assemblée nationale. Il me semble que la question
posée au ministre du Revenu pourra être pertinente une fois que le
Directeur général des élections aura constaté qu'il
y a eu mauvaise utilisation ou mauvaise application de la loi. Nous n'en sommes
pas encore là. Je pense que le ministre du Revenu a très bien
répondu que si on a des cas précis, des allégations
précises à faire, il est prêt à faire les
vérifications qui s'imposent. Mais, dans les circonstances, il
n'appartient pas au ministre du Revenu de répondre à cette
question.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur la
même question de règlement.
M. Gendron: Oui, sur la question de règlement.
Le Président: Dernière intervention.
M. Gendron: M. le Président, vous êtes sans doute
conscient qu'il est évident que le leader du gouvernement ne l'a pas ce
matin - je veux bien croire qu'il est tôt ce matin pour commencer le
travail - mais la question s'adresse au ministre du Revenu en vertu de la Loi
sur le ministère du Revenu, parce que le ministère du Revenu est
touché dans le retour de 125 $ deux fois plutôt qu'une. C'est
peut-être la question la plus pertinente qui s'est posée ici, qui
n'a rien à voir avec le financement des partis politiques. Moi, je pose
ma question en vertu des pouvoirs du ministre du Revenu et, en
conséquence, je pense qu'elle est totalement recevable.
M. Gratton: Sur la même question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Si le député d'Abitibi-Ouest a un cas
précis, des noms, des personnes qui auraient mal appliqué la Loi
électorale, M. le Président, ça, je pense qu'il a
l'obligation de le faire connaître au ministre du Revenu, qui pourra agir
ensuite. Mais, si on n'a pas de cas, si on essaie de semer des doutes, il
n'appartient pas à quiconque ici à l'Assemblée nationale
d'y répondre avant que le Directeur général des
élections ait terminé ses vérifications.
Le Président: Dernière... M. Gendron: Oui,
dernière...
Le Président: Je vais vous permettre de répliquer
au dernier argument.
M. Gendron: Dernier argument, M. le Président.
Le Président: Toujours sur la même question de
règlement, je serai prêt à rendre ma décision
après.
M. Gendron: Selon la Loi sur le ministère du Revenu, le
ministre - je veux juste lire ce qui importe - du Revenu peut examiner les
biens, etc., et déterminer le montant de tout droit qui devrait
être payé, déduit, retenu ou perçu. Il me semble que
c'est exactement dans les pouvoirs généraux du ministre.
Le Président: C'est exactement l'article 75. Je vais
permettre la question. S'il n'y a pas de fait, M. le ministre va nous
répondre. Mais c'est de la compétence du ministre du Revenu. M.
le ministre, si vous voulez vous exécuter, vous avez la parole.
M. Séguin: M. le Président, je me permettrai
simplement de répondre ceci. Je pense que c'est assez simple. On n'a
même pas besoin d'alléguer l'article 38. La loi sur le
ministère, c'est une disposition que je pourrais bien sûr
alléguer, mais il y a la Loi sur les impôts du Québec
également qui donnerait au ministre toute latitude de faire
vérifier la déclaration fiscale qui serait produite par un
contribuable qui réclamerait des déductions, par exemple, pour
contribution politique. (10 h 50)
Alors, en temps et lieu, on pourra vérifier, quand le rapport
d'impôt sera produit par ces personnes, s'il y a eu
irrégularité. Je répète à mon
collègue que, personnellement, je n'ai aucune connaissance de ce qu'il
rapporte. Dans sa lettre, il n'a donné aucun indice sur
l'identité des contribuables ou sur les faits permettant de voir s'il y
a irrégularité. Il a dit, tantôt, qu'il n'avait pas pris
connaissance de ma réponse. Elle...
M. Gendron: Je ne l'ai pas eue.
M. Séguin: ...a été expédiée.
Alors, qu'il attende de prendre connaissance de la réponse que je lui ai
expédiée; elle est claire et simple. Je l'invite à
m'écrire de nouveau pour me faire connaître les détails
qu'il connaît et que je ne connais pas. À ce moment-là, on
pourra aviser, s'il y a lieu d'intervenir.
Le Président: Alors, je vais reconnaître M. le
député de Shefford, en principale.
Une voix: On va regarder le...
M. Paré: Oui, M. le Président. Est-ce que M. le
ministre...
Le Président: M. le député de Shefford, en
principale.
M. Paré: Merci, M. le Président. Une voix: ...
Le Président: Messieurs! M. le député de
Shefford, en principale.
M. Paré: Merci, M. le Président. Est-ce que le
ministre de la Justice est dans les environs, M. le Président? J'aurais
une question à lui poser.
Le Président: M. le leader du gouvernement, il y a une
question qui pourrait être posée à M. le ministre de la
Justice.
M. Gratton: M. le Président, je m'en excuse, je n'ai
été averti qu'après le début de la période
de questions, puisqu'on sait qu'on avertit toujours le bureau du leader de
l'Opposition des ministres qui sont absents.
C'est seulement après le début de la période de
questions que j'ai été averti que le ministre de la Justice donne
présentement une conférence de presse à
Montréal.
Le Président: Alors, je vais reconnaître Mme la
députée de Maisonneuve, en principale.
La mise en application du programme APPORT
Mme Harel: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Comment
le ministre entend-il maintenir son engagement et celui de son collègue
des Finances de mettre en application, pour le 1er janvier, le programme APPORT
destiné aux parents qui, à faible revenu, sont sur le
marché du travail?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Le Président:
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Mme la
députée de Maisonneuve de sa question. Elle a maintenant, cette
semaine, un peu plus de liberté pour s'occuper de ses dossiers, ayant
compilé son pointage de la semaine dernière.
Je lui indiquerai, un peu comme je l'ai fait au moment de l'étude
des engagements financiers du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, que nous avons, sur le plan de l'application
quotidienne, sinon mensuelle, du programme APPORT, auquel vous avez fait
référence, mis en place tous les systèmes informatiques,
programmes et autres, de façon à pouvoir être en mesure de
fonctionner et ce, à partir du moment où l'a {annoncé le
ministre des Finances, soit le 1er janvier de l'an prochain.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, si cela va bien pour moi, cela
semble moins bien aller pour la réforme du ministre. A-t-il l'intention
de déposer un projet de loi pour mettre en application ce programme qui
a été prévu pour le 1er janvier et qui est attendu?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je sais, M. le Président,
qu'on se retrouve en fin de période de questions. Je pense
déjà avoir répondu à cette question, il y a
quelques semaines, en votre absence, M. le Président, je vous le
souligne. La même question m'a été adressée. J'ai eu
l'occasion, à ce moment-là, de fournir la réponse
appropriée à Mme la députée et je la
réfère à cette réponse.
Le Président: Vous avez toujours la parole, Mme la
députée de Maisonneuve, en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, la réponse, nous
l'attendons encore. Est-ce que le ministre a l'intention de déposer, en
cette Chambre, avant la clôture de la présente session, un projet
de loi qui va nécessiter le consentement de l'Opposition? Alors, il
devrait plutôt être dans de bonnes dispositions pour obtenir de
nous ce consentement, mais il nous faut connaître ce projet de loi.
A-t-il l'intention de déposer un tel projet de loi? Quand va-t-il le
faire?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, comme
d'habitude, je veux bien collaborer avec l'Opposition. Mme la
députée de Maisonneuve, qui se souvient de certains
éléments de la réponse que je lui apportée, il y a
quelques semaines, vient d'invoquer un consentement qui pourrait
s'avérer nécessaire dans l'éventualité où le
mécanisme retenu serait le dépôt et l'adoption d'un projet
de loi.
Le Président: M. le député de Terrebonne, en
principale.
M. Blais: Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Terrebonne, en
principale.
L'avenir de Laval, Laurentides et
Lanaudière
M. Blais: II y a quelque trois ou quatre semaines, je posais une
question, au ministre responsable de l'OPDQ et des régions, sur la
division des régions. Cela fera deux ans, demain, que le Parti
libéral a pris le pouvoir et, durant la dernière campagne
électorale...
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je
voudrais entendre complètement la question de M. le député
de Terrebonne. M. le député de Terrebonne. Â l'ordre, s'il
vous plaît! Â l'ordre, s'il vous platt!
M. Blais: II leur reste donc deux ans; on se souviendra d'eux
aussi. Je demandais... Ils avaient promis durant la campagne électorale
et tous les députés de la région de
Laurentides-Lanaudière avaient promis une décision prompte et
vive pour le choix des régions. Cela fera deux ans demain et nous ne
savons pas encore si Laval, Laurentides et Lanaudière formeront une
seule région, deux régions ou trois régions. À
quand la réponse du ministre, s'il vous plaît?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Pas aujourd'hui, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Terrebonne, en
additionnelle.
M. Blais: M. le Président, le ministre en ayant une
réponse aussi succinte veut-il nous dire qu'il a remis sa
décision aux calendes grecques ou peut-on s'attendre à une
réponse selon la responsabilité que son premier ministre lui a
demandée de prendre au nom des citoyens de Laval, Laurentides et
Lanaudière?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
comme le sait fort pertinemment bien le député de Terrebonne, il
faut qu'il coule un peu d'eau sous les moulins. Dans ce sens, des
comités ministériels ont déjà approuvé la
démarche. Il reste à d'autres comités ministériels
à le faire. Aussitôt que ce sera fait, je le souhaite ardemment
d'ici à Noël, nous pourrons annoncer la décision.
Le Président: Je vais reconnaître maintenant, en
additionnelle?
M. Brassard: En principale.
Le Président: En principale, une dernière question
pour cette période de questions. Je vais reconnaître M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Permettre aux municipalités d'implanter des
incubateurs d'entreprises
M. Brassard: Une principale très courte, M. le
Président. On sait que plusieurs municipalités au Québec
ont l'intention de mettre en place des incubateurs d'entreprises. En
particulier, la ville d'Alma dans mon comté a un projet en ce sens.
Cependant, il y a des obstacles juridiques dans les lois municipales qui
empêchent actuellement les municipalités d'aller de l'avant dans
ce sens. Nous avions déjà posé la question au ministre des
Affaires municipales à savoir s'il était de son intention
d'amender le Code municipal afin de permettre aux municipalités d'aller
de l'avant dans la mise en place d'incubateurs d'entreprises. On nous indiquait
que cela pourrait se faire cet automne. Nous sommes arrivés au
début de décembre. Est-ce que le ministre est toujours
disposé à déposer avant l'ajournement de décembre
un projet de loi en ce sens afin de permettre aux villes et aux
municipalités d'aller de l'avant dans la mise en place d'incubateurs
d'entreprises?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Bourbeau: M. le Président, un projet de loi visant
à permettre aux municipalités de s'intéresser aux
incubateurs d'entreprises est présentement à l'étude dans
les comités interministériels. Il fait l'objet actuellement de
travaux au sein des différents comités. Je ne suis pas en mesure
de dire à ce moment si le document sera prêt à temps pour
être déposé dans les prochains jours pour adoption avant
Noël. Mon intention est certainement de permettre aux municipalités
d'avoir dans les meilleurs délais les pouvoirs de s'intéresser
à cette question.
Le Président: Cette dernière réponse met fin
à la période régulière de questions. Nous allons
procéder maintenant aux autres articles au feuilleton. Ce matin, il n'y
aura pas de vote reporté.
Motions sans préavis. Je vais reconnaître une
première motion sans préavis, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Félicitations à l'Association
québécoise de loisir pour personnes handicapées
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. Que cette
Assemblée félicite l'Association québécoise de
loisir pour personnes handicapées pour cette heureuse initiative qu'est
le Prix réseau AQLPH.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
débattre cette motion? M. le leader de l'Opposition. Il y a
consentement. Vous avez déposé copie de votre motion, M. le
ministre?
M. Picotte: Oui, M. le Président.
Le Président: Vous avez maintenant la parole. J'accorde la
parole à M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Remis déjà depuis trois ans aux municipalités, aux
organismes communautaires et clubs sociaux, ce prix souligne de façon
particulière et d'une manière des plus positives les efforts de
divers intervenants sociaux pour l'intégration des personnes
handicapées dans leurs activités quotidiennes.
C'est ainsi que, samedi dernier, sept municipalités du
Québec, trois organismes communautaires et un club social se sont vu
remettre de la part de l'AQLPH une marque de reconnaissance des plus
méritées. Ces municipalités sont la corporation municipale
de Maria, Trois-Pistoles, Fleurimont, Dorval, Anjou, Hull et Québec. (11
heures)
Le même honneur a été dévolu aux organismes
communautaires suivants: la table de concertation éducative et
culturelle de Drummondville, le Y des femmes, la Corporation pour le
développement de l'île Saint-Quentin à
Trois-Rivières, la Fédération québécoise de
ski et le Club optimiste de Sorel inc.
Au nom de l'AQLPH et de tous les Québécois et
Québécoises, félicitations à tous ces gens et
à ces municipalités. Puisse leur implication donner l'exemple
à toute la société québécoise! Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Sur la même motion, Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Au nom de ma
formation politique, je joins ma voix à celle du ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche pour vous dire à quel point nous sommes
heureux pour ces personnes à part égale que sont les personnes
handicapées.
Chaque année, dans ma région, il y a des
compétitions d'athlétisme pour les personnes handicapées.
J'y assiste toujours avec plaisir non seulement pour voir ce qui va se passer,
mais surtout pour voir la joie dans les yeux de ces personnes qui portent
à la fois, de temps en temps, le flambeau pour les jeux des personnes
handicapées - de temps en temps, elles participent personnellement soit
à des courses à relais ou à autre chose - de voir la joie
dans les yeux de ces personnes qui sont, finalement, des humains tout comme
nous, mais qui, malheureusement, n'ont pas les privilèges que nous
avons, de participer, dis-je, à ces jeux et avec fierté, de
pouvoir obtenir un prix pour leur catégorie.
Je suis fière aussi que le ministre souligne qu'on les a
honorés en fin de semaine dernière parce que, comme je vous le
disais tout à l'heure, ce sont des gens à part entière et
nous devons, tous et chacun, leur faire une place dans notre coeur et dans la
société. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président: Merci, Mme la députée.
Cette motion proposée par M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Pour une autre motion
sans préavis, M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Je sollicite, j'ose
l'espérer, l'appui du parti ministériel pour la motion qui se lit
comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec souhaite la
tenue d'élections libres en Haïti dans les meilleurs délais
et qu'elle demande au gouvernement canadien de suspendre toute aide
financière au gouvernement haïtien, c'est-à-dire le CNG, et
de maintenir les mesures d'aide humanitaire destinées directement au
peuple haïtien."
Une voix: Très bien! Bravo!
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour que nous
discutions de cette motion, M. le leader du gouvernement?
M. Gratton: M. le Président, contrairement à celle
du ministre, il n'y a pas consentement puisque nous n'avons pas pu nous
entendre sur le libellé de la motion. Nous offrons notre collaboration
à l'Opposition pour trouver un libellé auquel nous pourrions
souscrire et nous accepterions alors une telle motion sans préavis, M.
le Président.
M. Gendron: M. le Président.
Le Vice-Président: Très bien. Oui, M. le leader de
l'Opposition.
M. Gendron: Oui. Le règlement est très clair, on ne
peut pas expliquer les motifs. Alors, il n'y aura pas consentement de
l'Opposition pour s'entendre sur un texte; on sent très bien qu'ils ne
veulent pas contribuer sur le fond de la question soulevée par la motion
sans préavis. En conséquence, il n'y aura jamais d'entente sur
le...
Le Vice-Président: Un instant!
Une voix: Démagogue!
M. Gratton: Sur la question...
Le Vice-Président: Un instant! Une question de
règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je pèse bien mes mots,
mais j'ai l'impression que le leader de l'Opposition n'est pas lui-même
aujourd'hui parce que ce sont des propos quasi malhonnêtes qu'il tient
là.
J'ai bien expliqué, M. le Président, qu'on a tenté
d'en arriver à un texte de motion auquel nous aurions pu souscrire,
comme on le fait dans tous les cas où on a un consentement unanime
prédéterminé et que, dans ce cas-là, on n'a pas
réussi à le faire et donc, qu'on ne juge pas de nos intentions
sur le fond. Je dis simplement qu'on est toujours prêt à discuter
et à nous entendre sur un libellé qui nous serait acceptable.
Le Vice-Président: Très bien. À ce
moment-ci, je constate purement et simplement qu'il n'y a pas consentement;
donc, la motion n'est pas reçue et n'est pas débattue.
Une voix: ...
Le Vice-Président: II y a certains commentaires que je
préférerais ne pas entendre à l'Assemblée, s'il
vous plaît.
Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: M. le Président, j'avise l'Assemblée
qu'aujourd'hui, après les affaires courantes, jusqu'à 13 heures
et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la
commission de l'aménagement et des équipements poursuivra
l'étude détaillée du projet de loi 87, Loi modifiant la
Loi sur la Régie du logement et le Code civil.
M. le Président, je voudrais donner, en quelque sorte, un
préavis puisque nous procéderons en cours de séance
d'aujourd'hui à l'adoption du principe des projets de loi 73 et 76. Je
ne veux pas présumer de la décision de l'Assemblée
nationale, mais, si le principe de ces deux projets de loi était
adopté à une heure raisonnable, c'est-à-dire avant 20
heures ou quelque peu après 20 heures, il serait dans mon intention de
donner l'avis pour que la commission de l'aménagement et des
équipements siège immédiatement après l'adoption du
principe de ces projets de loi pour procéder à l'étude
détaillée, mais seulement si l'heure convient ou que le principe
de ces deux projets de loi est adopté.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Je trouve raisonnable l'indication que vient de
donner le leader du gouvernement. Si l'heure convient, on n'aura pas
d'objection à ce qu'il utilise un droit prescrit.
Le Vice-Président: Très bien. Toujours en ce qui
concerne les travaux des commissions, j'ai moi-même les avis suivants
à vous transmettre: Je vous avise que la commission de l'économie
et du travail se réunira aujourd'hui, le 1er décembre, de 11 h 30
à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, ainsi que de 20 heures
à 22 heures, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May,
afin de vérifier les engagements financiers du ministère de
l'Industrie et du Commerce.
Quant à elle, la commission du budget et de l'administration se
réunira aujourd'hui, le 1er décembre 1987, de 15 heures à
17 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, afin de vérifier
les engagements financiers du ministère des Approvisionnements et
Services.
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, est-ce qu'il y
a quelques questions? Il n'y a pas de question?
Avis de sanction de projets de loi
J'ai simplement un avis à vous transmettre. Veuillez prendre avis
qu'il y aura sanction de projets de loi aujourd'hui, à midi, au cabinet
du lieutenant-gouverneur.
Ceci met donc fin aux affaires courantes et, pour les affaires du jour,
je demanderais à M. le leader du gouvernement de m'indiquer l'article du
feuilleton que je devrais appeler.
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article 73 du feuilleton.
Projet de loi 239 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 73 du feuilleton.
Mme la députée de Dorion propose la motion d'adoption du principe
de projet de loi privé 239, Loi constituant la Fédération
des infirmières et infirmiers du Québec. Mme la
députée de Dorion, est-ce que vous avez une intervention?
Mme Trépanier: ...
Le Vice-Président: Non, pas d'intervention?
M. Gratton: M. le Président, si on me permettait, Mme la
députée de Dorion aurait un amendement à proposer dont
l'Opposition a été saisie et qui, je pense, recueille
l'assentiment général de l'Assemblée. Ce que je
proposerais, c'est que nous puissions en faire les écritures pour aller
en commission plénière auquel moment Mme la députée
pourra faire lecture de l'amendement et le déposer. Nous pourrions
ensuite procéder aux
autres étapes du projet de loi.
Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du
gouvernement. Simplement un détail technique. Nous pourrions adopter,
dès maintenant, le principe du projet de loi et, à la
troisième lecture, nous pourrions proposer l'amendement et faire les
écritures pour la troisième lecture. Est-ce que le principe du
projet de loi 239, Loi constituant la Fédération des
infirmières et infirmiers du Québec, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Mme la
députée de Dorion propose maintenant l'adoption du projet de loi
238, Loi constituant la Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec. Mme la députée de Dorion.
Mme Trépanier: M. le Président, je voudrais
déposer l'amendement suivant visant à clarifier l'article 3 du
projet de loi constituant la Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec. L'amendement se lirait comme suit: Que l'article 3
soit modifié en ajoutant à la fin la phrase suivante: Elle a son
siège social à Montréal.
Le Vice-Président: Très bien, Mme la
députée de Dorion. Je vais simplement vous demander de
déposer le texte de l'amendement proposé. (11 h 10)
Commission plénière
Très bien, nous allons donc faire les écritures. Nous
référons donc le tout à la commission
plénière. Est-ce que l'amendement est adopté en commission
plénière? Adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Est-ce que le rapport de la commission
plénière est adopté?
Une voix: Adopté.
Adoption
Le Vice-Président: Le rapport d'adoption de l'amendement
et du projet de loi tel que modifié est maintenant devant
l'Assemblée pour la troisième lecture. Est-ce que le projet de
loi 239, Loi constituant la Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec, est adopté?
M. Gendron: Un instant, M. le Président.
Le Vice-Président: Oui.
M. Gendron: Ce sera très court. En troisième
lecture, le proposeur a un droit de réplique. Nous sommes tout à
fait d'accord, sauf que je trouverais plus sage, du moins, en ce qui me
concerne, que nous sachions s'il s'agissait d'une omission, d'une erreur
technique ou d'un changement d'orientation pour apporter la modification
concernant le siège social. J'aimerais que la députée
profite de l'occasion pour nous donner la réponse. À la suite de
la réponse, vous devinez d'avance notre consentement.
Le Vice-Président: Très bien. Je vais céder
la parole à Mme la députée de Dorion qui, en
réplique, pourra donner la réponse à la question
posée. Très bien, Mme la députée de Dorion.
Mme Trépanier: M. le Président, ce sera très
bref. Je veux dire au leader de l'Opposition que ce projet de loi privé
vise à constituer la Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec. C'est le regroupement de trois
fédérations qui existaient auparavant, dont les sièges
sociaux étaient à différents endroits au Québec.
C'est une omission, effectivement. Pour être plus clair, il faut qu'il y
ait, dans la loi, un endroit spécifique pour le siège social de
cette nouvelle fédération. C'est le but de cet amendement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Très bien. Est-ce que le projet
de loi 239, Loi constituant la
Fédération des infirmières et infirmiers du
Québec, est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais maintenant
d'appeler l'article 74 du feuilleton.
Projet de loi 243 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 74 du feuilleton, M.
le député de Saint-Louis propose maintenant l'adoption du
principe du projet de loi d'intérêt privé 243, Loi
concernant l'Organisation internationale des commissions de valeurs. Est-ce que
le principe de ce projet de loi est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Si je comprends bien,
nous passons maintenant à l'étape de l'adoption du projet de
loi?
Une voix: Cela prend un consentement...
Adoption
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
procéder à l'adoption du projet de loi? Consentement. Est-ce que
le projet de loi 243, Loi concernant l'Organisation internationale des
commissions de valeurs est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, l'article 27 du feuilleton,
s'il, vous plaît.
Projet de loi 90 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 27 du feuilleton,
Mme la ministre des Affaires culturelles propose maintenant l'adoption du
principe du projet de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Je
cède la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles et
vice-première ministre.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, nous discutons aujourd'hui de
l'adoption du principe du projet de loi 90 sur le statut professionnel et les
conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du
cinéma. Il s'agit d'un projet majeur, tous en conviennent. De
façon à bien en saisir l'ampleur, permettez-moi de faire un
rappel des motifs qui ont milité en faveur de la préparation d'un
tel projet.
Je situerai d'abord le contexte historique et juridique dans lequel il
s'inscrit, et, notamment, celui de la commission parlementaire de mai 1986
où fut abordée la problématique d'ensemble du statut de
l'artiste.
Le projet de loi propose de résoudre un point majeur qui nous fut
soumis à cette occasion, soit la reconnaissance professionnelle des
artistes. Cependant, il me semble utile de mettre en lumière que, si
importante soit-elle, une seule loi ne pourra apporter toutes les
réponses, globalement et définitivement, aux problèmes
multiples de la reconnaissance sociale et économique des artistes dans
toutes les situations d'exercice de leur profession.
Il y a des mentalités à changer, des
préjugés à repousser, des programmes à
réviser. Il y a aussi place à de nombreuses améliorations
dans l'intervention de tous les ordres de gouvernement et des changements
à faire dans les rapports entre les intervenants culturels pour que les
obstacles qui affectent la situation socio-économique des artistes
soient éventuellement levés.
Comme la loi que je propose pour adoption à l'Assemblée
nationale est une première, une loi novatrice, un pas de géant
a-t-on dit, j'insisterai sur les considérations qui la justifient et les
principes qui en ont guidé la rédaction. Mais, d'abord, parlons
du contexte historique et juridique. Les demandes des artistes,
interprètes et créateurs de recevoir une reconnaissance juridique
de leur statut de travailleurs autonomes ont été exprimées
à plusieurs reprises. C'est en juillet 1984 qu'ils en saisissaient
officiellement le gouvernement d'alors et, parallèlement, ils
réclamaient une loi qui définisse un régime de
négociation des conditions de travail, régime adapté au
type de prestations de services qui leur est propre.
On se souviendra, en 1982, de la décision du Conseil canadien des
relations du travail de considérer comme employés les animateurs
et les commentateurs du réseau français de Radio-Canada. Il fut
démontré qu'en regard du Code canadien du travail, le statut de
pigiste et d'entrepreneur indépendant n'avait aucune assise
légale et que, par conséquent, toutes les ententes collectives
qui avaient pu être conclues reposaient sur la bonne foi des parties de
les signer et aussi de les respecter. Cette décision marquait le
début d'un long et difficile cheminement vers une solution
convenable.
À cette époque, Gratien Gélinas écrivait
dans La Presse et je le cite: "Rendons-nous à la limite de notre
indiscutable pouvoir de pression auprès du législateur. Les
autorités gouvernementales qui ont si souvent profité
gratuitement de notre notoriété en nous plaçant à
leur profit au rang des fiertés nationales ne sauraient refuser de
réfléchir sur la grave responsabilité historique et
politique qu'elles assumeraient en permettant que nous soyons humiliés
dans notre statut professionnel." C'était dans La Presse du 3
mars 1983.
En décembre 1983, le ministère des Affaires culturelles
d'alors accordait une subvention à l'Union des artistes pour
réaliser une étude détaillée sur le statut
socio-économique et juridique de l'artiste interprète. Cette
étude en quatre volets a donné lieu à la
préparation d'un mémoire sur la fiscalité et l'artiste,
mémoire déposé devant le sous-comité
fédéral sur l'imposition des créateurs et des
interprètes. Cette étude a en outre servi à la
préparation d'un projet de loi en matière de relations du travail
transmis au ministre en juillet 1984. Dans ce projet, l'Union des artistes
demandait que
aoit confirmé par une loi le statut réel de l'artiste
interprète pigiste et que les lois du travail soient adaptées
à la nature particulière des activités de ses membres.
Cette demande resta lettre morte de la part de l'ancien gouvernement.
Dès les premiers mois de mon entrée en fonction comme
titulaire du ministère des Affaires culturelles, j'ai pris connaissance
du dossier et j'ai multiplié les rencontres avec de nombreux
intervenants culturels au Québec et hors Québec pour saisir
toutes les dimensions de la problématique du statut de l'artiste. Ces
consultations m'ont convaincue de demander qu'une tribune officielle soit
donnée aux créateurs et interprètes pour qu'ils
présentent leurs préoccupations au gouvernement et que celui-ci y
soit sensibilisé. Dans mon esprit, les artistes et les créateurs
méritaient qu'enfin on leur fournisse un véhicule
privilégié pour dresser l'état de leur situation
socio-économique et pour susciter aussi la concertation entre tous les
intervenants intéressés.
La commission parlementaire de mai 1986 leur faisait une place au sein
de nos institutions parlementaires qu'ils n'avaient jamais été
appelés à occuper auparavant. Je cite le président de
l'Union des artistes qui déclarait aux membres de la commission: "C'est
la première fois dans l'histoire du Québec que les artistes,
auteurs, compositeurs et créateurs montent sur cette colline pour
défendre une cause qui, cette fois, leur appartient en propre, une cause
qui est la leur." En donnant la parole aux artistes et surtout en s'assurant
que celle-ci soit entendue par les représentants de la population
québécoise, nous voulions affirmer notre volonté de faire
avancer la prise de conscience de celle-ci quant à la place que les
artistes occupent dans notre vie de tous les jours comme dans notre univers
social et notre univers économique. (11 h 20)
La commission parlementaire a permis . d'entendre ce que les
intervenants culturels pensaient devoir être le rôle de
l'État et la direction qu'ils souhaitaient que le gouvernement prenne
pour asseoir ce rôle. Cette commission parlementaire a été
un instrument incomparable de sensibilisation du public et des
décideurs, un lieu propice à l'écoute d'une
réflexion d'ensemble sur la situation de l'artiste dans ses rapports
avec l'État, avec la société, avec ses pairs et avec
l'industrie de la culture. Il y fut naturellement question des
difficultés, des problèmes de relations du travail que vient
corriger le projet de loi à l'étude.
À la séance d'ouverture, j'indiquais que c'était
à cause de problèmes de cette nature soulevés par les
artistes que j'avais demandé la tenue de cette commission parlementaire.
Bien que délicate, la question des relations du travail dans le domaine
des arts devait être abordée pour la première fois par le
gouvernement et il me semblait à ce moment-là que la
difficulté du problème n'était pas une raison suffisante
pour ne pas l'examiner ensemble dans toutes ses composantes et sous tous ses
angles. L'exercice s'est avéré aussi utile que fructueux. La
suite des événements le prouve, M. le Président.
En commission parlementaire, il est apparu que des secteurs
d'activité artistique peu ou pas représentés par l'union
étaient aux prises avec les mêmes difficultés
évoquées par celle-ci. D'autres syndicats ou associations
professionnelles négociaient ou voulaient négocier des ententes
avec les producteurs et tous se retrouvaient devant le même vide
juridique. Sept organismes dont deux regroupements, la Conférence
canadienne des arts et la Conférence des associations de
créateurs et créatrices du Québec, ont d'ailleurs
livré un plaidoyer en faveur d'une reconnaissance juridique
indispensable à la négociation de conventions collectives.
Dans son mémoire, la Conférence canadienne des arts
demandait, et je cites "Que la commission reconnaisse la
nécessité d'une législation consacrant un statut juridique
spécifique de l'artiste et son droit d'association afin de lui permettre
de défendre et protéger ses droits vis-à-vis de ses
interlocuteurs." La conférence poursuivait ainsi: "Ces associations, une
fois reconnues, devraient avoir juridiction complète sur leur territoire
d'activité amenant ainsi les producteurs dans leur secteur à
négocier des grilles tarifaires et des conditions de travail pour les
artistes, qu'ils soient membres ou non de l'association." De son
côté, la Conférence des associations de créateurs et
créatrices du Québec affirmait que sa présence devant la
commission ne visait, tout compte fait, qu'un seul objectif. Je cite encore:
"Nous souhaitons - disait-elle - que le gouvernement du Québec
reconnaisse théoriquement et pratiquement un statut social, un statut
économique et juridique aux créatrices et créateurs qui
participent activement au développement de notre
société."
Par ailleurs, la Guilde des musiciens, la Société des
auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs, qu'on appelle
communément la SARDEC, l'Alliance of Canadian Cinema, Television and
Radio Artists et d'autres ont appuyé la proposition de l'Union des
artistes d'accorder la reconnaissance juridique des associations
professionnelles.
En scrutant attentivement les recommandations, il devenait de plus en
plus évident qu'il nous fallait sérier les problèmes
évoqués et, par conséquent, moduler nos réponses
selon les ordres de questions juridiques auxquelles ils se
référaient. En
premier plan, le respect des champs de compétence s'impose et,
pour cette raison, nous ne pouvons considérer agir par
législation dans les domaines couverts par les lois de la radio et de la
télédiffusion de juridiction fédérale. C'est pour
un motif analogue que nous ne pouvions que choisir une stratégie de
revendication face à la Loi sur le droit d'auteur. De même,
avons-nous dû transmettre à différents ministères du
gouvernement les questions qui s'adressaient à eux pour qu'ils examinent
avec nous les pistes de solutions les plus satisfaisantes possible. C'est ainsi
qu'une synthèse de recommandations fut transmise au ministère de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et au
ministère du Travail, de l'Enseignement supérieur et de
l'Éducation, de la Justice, des Finances, du Revenu, des Communications
et au Conseil du trésor.
Avant de revenir sur le propos central du projet de loi, permettez-moi
d'insister sur le fait que nous sommes conscients de ne régler qu'une
partie, bien qu'une partie importante, des problèmes reliés au
statut des artistes et des créateurs. Le travail est loin d'être
terminé. D'autres défis nous attendent. En priorité, nous
devrons examiner en détail la situation des artistes et des
créateurs en arts visuels, en littérature, en métiers
d'art qui ne sont pas touchés par le projet de loi. Dans la plupart des
cas chez ces artistes, les contrats sont davantage des contrats de vente ou des
contrats d'entreprise dans lesquels la problématique du droit d'auteur
est prépondérante. Aussi nous faut-il analyser ces
problèmes davantage en fonction du contexte juridique du droit
commercial et du droit d'auteur qu'en fonction du droit du travail.
Lors de l'élaboration du projet de loi, nous avons
rencontré plusieurs de ces artistes et créateurs qui ont convenu
avec nous de leur situation particulière et de la difficulté de
les inclure dans cette loi. Certains d'entre eux travaillent déjà
à nous soumettre des propositions les concernant, propositions qui
pourraient très bien faire l'objet d'un autre projet de loi au
printemps.
Dans un même ordre de priorités, avec mes collègues
des ministères du Revenu et des Finances, nous verrons à
dégager une solution acceptable et juste aux questions fiscales qui nous
ont été soumises. Parmi celles-ci, il est important de revoir ce
que dans le langage de la fiscalité on appelle les critères
d'expectative raisonnable de profits, autrement dit les règles
d'interprétation qui permettent au ministère du Revenu de
déterminer qui peut se prévaloir des dispositions fiscales pour
les travailleurs autonomes et notamment la déduction de certaines
dépenses encourues dans l'exercice de leur travail. Plusieurs autres
aspects de la fiscalité tenant compte des particularités des
activités artistiques devront faire l'objet de discussions avec le
ministère des Finances et aussi le ministère du Revenu.
Enfin, il nous faudra poursuivre sur plusieurs autres fronts les actions
que nous avaient dictées les quelque 45 organismes et individus qui
avaient déposé des mémoires à la commission
parlementaire.
M. le Président, le message était clair. Nous
étions conviés à passer à une action
énergique, à poser des gestes concrets qui appuient le discours
de la revalorisation du statut social, économique et juridique des
artistes. Dans une première étape et parallèlement
à l'étude d'une solution législative de problèmes
qui nous avait été exposée, j'ai présenté un
énoncé d'orientation au Conseil des ministres en décembre
dernier qui exposait les principes qui devaient sous-tendre l'intervention
gouvernementale, à savoir l'indépendance du milieu artistique par
rapport à l'État et, aussi, l'équité sociale et
économique envers les artistes. Conformément à cette
approche, le Conseil des ministres a adopté les trois axes de
développement que le ministère des Affaires culturelles entendait
privilégier, soit, premièrement, l'affermissement du
marché de l'art; deuxièmement, la consolidation des milieux
artistiques et, troisièmement, la promotion de l'excellence
disciplinaire.
Une somme de 1 400 000 $ a été dégagée pour
soutenir des mesures concrètes dans chacun de ces axes. J'en retiens une
en particulier puisqu'elle a un lien direct avec l'objet du projet de loi et
qu'elle vise elle aussi à consolider le milieu artistique. Nous avons
décidé, en effet, d'allouer 375 000 $ de crédits
supplémentaires aux associations professionnelles et regroupements
d'artistes pour leur permettre d'assurer une meilleure défense des
intérêts professionnels de leurs membres et leur offrir aussi des
services mieux organisés. Celles qui choisiront d'investir le champ
ouvert de la négociation d'entente ou encore d'élaborer des
contrats types sont mieux pourvues maintenant pour le faire. Une somme de 125
000 $ a aussi été réservée pour soutenir des
projets de perfectionnement en gestion des arts et en gestion de la
carrière.
Enfin, la somme assez remarquable de recommandations qui demandaient de
retoucher divers aspects des programmes a suscité une réflexion
sur l'organisation et aussi la gestion, mais surtout l'accessibilité de
ces programmes. À la suite de ces constats, le ministère s'est
engagé à réviser l'ensemble des programmes. Par ailleurs,
les budgets d'aide aux artistes et aux créateurs ont été
augmentés de 525 000 $.
Toujours dans cette perspective d'amélioration du statut de
l'artiste, nous avons multiplié les démarches auprès des
autres ministères visés par les recommandations de la commission
parlementaire et, avec le ministère de la Main-
d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, nous explorons les
avenues possibles de solutions aux problèmes de sécurité
sociale, de même qu'à ceux de la formation professionnelle et du
perfectionnement des artistes. (11 h 30)
Avec le ministère de la Justice, nous avons abordé la
question de recours devant la justice pour le respect des droits ou le
recouvrement des sommes dues en vertu de la loi sur les droits d'auteur.
Des démarches ont été faites auprès de la
commission de la santé et de la sécurité du travail pour
mettre en place des moyens visant la prévention des maladies ou
accidents particuliers aux métiers artistiques et pour chercher aussi,
dans l'ensemble, des mécanismes d'indemnisation qui sont
appropriés.
C'est en pensant à l'avenir à plus long terme que nous
avons conclu une entente avec le ministère de l'Éducation pour la
réalisation d'interventions auprès des jeunes en milieu scolaire
par des créateurs. La mise en place d'une telle mesure s'était
imposée à la suite des propos répétés par
plusieurs organismes considérant que le ministère se devait
d'avoir une action importante de sensibilisation des jeunes en arts et 250 000
$ serviront de soutien à des projets de cette nature.
Dans le domaine du droit d'auteur, le gouvernement du Québec sera
bientôt saisi d'un projet de politique de gestion et d'acquisition de
droits pour l'ensemble des ministères et organismes gouvernementaux.
Cette politique devrait permettre, d'une part, une saine gestion des droits du
gouvernement sur les oeuvres qu'il produit et, d'autre part, elle devrait
définir une ligne de conduite cohérente et aussi respectueuse des
droits d'auteur que le gouvernement acquiert.
Nous continuons donc à faire pression auprès du
gouvernement fédéral pour hâter la révision de la
loi sur les droits d'auteur conformément aux valeurs et aux principes
défendus par le gouvernement du Québec dans ce dossier depuis
l'apparition du livre blanc sur les droits d'auteur.
La position du Québec véhiculée officiellement
auprès des autorités fédérales compétentes
en cette matière vise la protection du droit absolu des créateurs
d'autoriser l'utilisation de leurs oeuvres et aussi d'en obtenir les
bénéfices et ce, dans tous les chapitres couverts par la loi
fédérale.
Cette position est appuyée sans réserve par les
regroupements de créateurs et les sociétés de perception
de droits. J'ai fait part de mes réactions aux amendements
proposés. J'ai encouragé la ministre des Communications
fédérale à faire connaître rapidement les
modifications qu'elle entendait soumettre dans la seconde étape du
processus de révision de la loi.
Sur le plan intergouvernemental, la ministre des Affaires culturelles
exerce un rôle de première importance. Pour une seconde
année, nous assumons la coprésidence du comité
intergouvernemental sur le statut de l'artiste dont j'ai appuyé la
création à la conférence des ministres chargés de
la culture tenue à Calgary en septembre 1986.
Je peux dire avec fierté que le Québec fait figure de chef
de file. La législation que nous proposons le met à l'avant-plan
sur la scène nord-américaine et probablement internationale.
À notre connaissance, aucun autre État n'a consenti à
confirmer par un texte de loi un régime particulier de relations du
travail pour les artistes. Encore une fois, le Québec innove par rapport
au reste du Canada.
En somme, tous ces chantiers ministériels,
interministériels, intergouvernementaux sont autant de lieux où
le ministère des Affaires culturelles tient un rôle de conscience,
de leader pour faire progresser la reconnaissance des artistes créateurs
et interprètes et l'affirmation aussi de leurs droits. C'est pour me
conseiller sur l'ensemble de ce plan de travail et ce, de manière
continue et suivie, que j'ai formé le groupe-conseil sur le statut de
l'artiste et du créateur. Je dois dire qu'il s'acquitte de son mandat
sans réserve, en toute liberté, et que, par la qualité
même des personnes qui le composent, à savoir Mmes Madeleine
Dansereau, Marie Laberge, Jeanne Renaud et MM. Louis Caron, Fernand Dansereau,
Luc Plamondon et Yves Trudeau, ces avis éclairent les décisions
que nous devons prendre.
Sa vigilance aussi nous rappelle à la tâche prioritaire,
à la suite de cet état, de nous pencher sur les conditions des
artistes et créateurs qui n'entrent pas dans le champ d'application du
présent projet de loi et dont je viens de parler.
Après l'étape de la commission parlementaire, celle de la
définition des objectifs que nous devions nous donner et de la mise en
route d'un ambitieux plan de travail, c'est maintenant le moment de consacrer,
dans un texte de loi, le statut professionnel des artistes de la scène,
du disque, du cinéma et le cadre de négociation de leurs
conditions d'engagement.
Les motifs qui m'ont incitée à proposer ce projet de loi
relèvent, au plan social et économique, de l'équité
fondamentale que l'État se doit d'avoir envers toutes les
catégories de citoyens. Je reprendrai ici les propos que je tenais
à l'ouverture de la commission parlementaire: "Les retombées du
travail créateur profitent à l'ensemble de la
société et il est donc équitable que les secteurs public
et privé apportent aussi leur contribution. "On ne saurait exploiter
quelque secteur que ce soit sans se préoccuper d'assurer le
bien-être et l'avenir des artistes qui sont à l'origine de
notre développement culturel. Il ne s'agit pas d'inventer des principes
de gestion particuliers à l'intention du monde des arts, mais d'y
appliquer en les adaptant au besoin les mêmes principes et modes de
gestion qui guident nos actions dans d'autres secteurs de la vie
économique. On ne saurait exploiter le talent des créateurs et
interprètes sans se soucier de leur accorder des droits et les moyens de
les faire respecter et sans développer un environnement propice à
l'exercice de leur discipline."
Le vide juridique que le projet de loi vient combler constituait
jusqu'à ce jour un cas d'exception pour les artistes en matière
de relations du travail. Les lois ouvrières reconnaissent, en effet,
pour les seuls salariés le droit d'association et le droit à la
négociation collective. Dans les secteurs visés par le projet de
loi, les artistes créateurs et interprètes oeuvrent très
souvent simultanément dans plusieurs domaines et pour différents
producteurs. Par exemple, un comédien pourra signer un contrat d'annonce
publicitaire, un autre pourra signer un contrat pour un râle dans un film
ou à la télévision tout en s'acquittant d'un engagement
dans une production théâtrale. D'une durée limitée
dans le temps, ces contrats variés avec des employeurs différents
permettent davantage à ces artistes d'être assimilés aux
travailleurs autonomes qu'à des salariés. De plus, la
liberté requise pour la pratique même d'un art accentue le
caractère autonome de la profession.
L'absence d'assise légale pour fonder un cadre de relations du
travail approprié au caractère spécifique du travail de
ces artistes a contribué à leur sentiment
d'insécurité. Incertains d'être en mesure de pouvoir
négocier des conditions décentes d'engagement, incertains de
pouvoir les faire respecter s'ils parvenaient à conclure des ententes,
ils étaient conscients de ne pas bénéficier des
mêmes avantages que d'autres groupes de citoyens. Par ailleurs, s'il est
évident qu'une solution doit être apportée au plan
juridique, il n'est pas moins clair que cette solution doit éviter une
intervention abusive de l'État. L'option retenue consiste
essentiellement à reconnaître le statut de travailleur autonome
pour les artistes des secteurs visés et aussi d'établir un
régime de négociation d'ententes collectives adapté
à ce statut.
En faisant cela, nous légalisons des pratiques existantes et leur
assurons un support juridique, tout en donnant la possibilité à
des associations professionnelles qui n'ont pas d'entente d'en conclure si
leurs membres le souhaitent. Les dispositions contenues dans le projet de loi
établissent le mécanisme par lequel les syndicats ou associations
professionnelles seront habilités à agir comme agents
négociateurs. Elles s'en tiennent à encadrer les règles du
jeu. Elles ont été conçues de manière à
préserver le dynamisme des milieux artistiques et aussi à rester
ouvertes à l'évolution sans avoir à réviser la loi.
Je ne crois pas que l'État ait la mission, la responsabilité
même de déterminer toutes les éventualités quant
à la portée de la loi, pas plus qu'il n'a à se substituer
au râle des artistes et créateurs en privilégiant par les
moyens dont il dispose tel mode d'expression, telle vision du monde, telle
idéologie.
Il ne faut pas confondre mission et statut de l'artiste. Je crois que
l'État a le devoir de faire en sorte que l'artiste et le créateur
soient traités avec équité par rapport aux autres
citoyens. Ce n'est là que reconnaître leur apport exceptionnel
à l'édification de la culture. En plus de satisfaire un principe
d'équité, le projet de loi doit veiller au respect de la
liberté d'association. Il faut voir à préserver ce
difficile équilibre entre, d'une part, la non-obligation pour un artiste
d'adhérer à un syndicat ou à une association
professionnelle et, d'autre part, le nécessaire respect des conditions
minimales d'engagement par le producteur lié par une entente collective.
(11 h 40)
Enfin, la volonté de légiférer dans un domaine
comme celui des arts ne doit pas assujettir, au sens strict du terme, la
création artistique. C'est de liberté d'expression,
d'individualité et d'originalité qu'il s'agit ici. La
liberté d'adhésion en est l'indispensable corollaire et, pour
cette raison fondamentale, la portée du projet de loi se devra
d'être limitée au champ des relations du travail.
Le projet de loi ne prétend donc pas régler de
manière définitive ni complète tout ce que recouvre la
réalité du statut de l'artiste, encore moins définir in
extenso et pour toutes les fins qui est artiste et qui ne l'est pas, qui est
créateur et qui ne l'est pas. Il aborde essentiellement deux ordres de
problèmes reliés à leur statut professionnel et à
leur rapport avec les producteurs dans le cadre de la négociation
d'ententes collectives de travail.
Si nous regardons les dispositions du projet de loi, le statut
professionnel relève des rapports individuels entre l'artiste et
l'État. Pour les fins du régime proposé, le projet
établit une présomption dans le sens que les créateurs et
interprètes pratiquant leur art sur scène, sur disque et au
cinéma agissent à leur propre compte s'ils ont des engagements de
plusieurs producteurs ou s'ils ont des contrats à durée
déterminée demandant des prestations distinctes du même
producteur. Cette qualification des liens contractuels soustrait, dans
l'ensemble, les artistes du régime des relations du travail
appliqué aux salariés.
L'association comme agent négociateur concerne aussi les rapports
entre les artistes et les producteurs. Bien que l'Union des artistes, la Guilde
des musiciens et la Société des auteurs, des recherchistes,
documentalistes et compositeurs aient pu déjà conclure des
ententes avec des producteurs pour le respect de conditions minimales
d'engagement, aucune loi n'oblige les parties à négocier et
n'encadre les négociations. La plupart des associations professionnelles
d'artistes et de créateurs dans les domaines visés par le projet
de loi ont revendiqué au gouvernement une reconnaissance officielle de
leur râle d'agent négociateur. Le projet de loi répond
à cette requête en attribuant ce rôle pour un ou plusieurs
secteurs de négociations si l'association rassemble la majorité
des artistes des secteurs concernés et si les règlements sont
conformes aux exigences prévues.
Pour valider le respect des conditions que je viens
d'énumérer, le projet de loi institue une commission de
reconnaissance des associations d'artistes. Et outre ce pouvoir de
reconnaissance, la commission aura pour fonctions, notamment, de définir
les secteurs de négociation d'ententes collectives en prenant en
considération la communauté d'intérêts des artistes
et l'historique des relations du travail dans les domaines d'activité en
cause, d'agir aussi comme médiateur à la demande d'une partie
à la négociation d'une entente collective et à la demande
des deux parties comme arbitre de différends. Elle aura aussi comme
fonction de donner son avis au ministre sur toute question relative à
l'application de la loi, incluant la mise en oeuvre des mesures propres
à favoriser la protection du statut professionnel de l'artiste en
harmonie avec le développement des entreprises de production.
Cette commission sera formée de trois membres nommés par
le gouvernement pour une période déterminée qui ne
dépasserait pas cinq ans. Seul le président exercera ses
fonctions à temps plein. Le projet prévoit qu'en plus du
vice-président et de la troisième personne formant la commission,
le gouvernement peut, pour une bonne expédition des affaires, nommer des
membres à titre temporaire. Les décisions rendues par cette
commission dans son champ de compétence sont finales et sans appel.
Lorsque la commission a reconnu une association dans un secteur,
celle-ci a le pouvoir, notamment, de préparer pour ses membres des
contrats types et de négocier avec un producteur ou une association de
producteurs une entente collective. Un producteur ou les artistes d'un secteur
peuvent demander à la commission de vérifier si l'association
déjà reconnue rassemble toujours la majorité des artistes
de ce secteur. Une telle demande ne peut toutefois être faite que dans
les six mois qui précèdent l'expiration d'une entente collective.
Si l'association n'a pas signé d'entente, la demande de
vérification ne pourra intervenir qu'un an après la date de
reconnaissance. Une association peut voir sa reconnaissance annulée si,
à la demande d'une partie intéressée, il est établi
que ses règlements ne sont plus conformes ou qu'elle ne les applique pas
adéquatement.
Le projet de loi prévoit que les producteurs individuels qui,
associés, ont l'obligation de reconnaître aux fins de la
négociation dans le secteur en cause comme seule représentante
des artistes qu'ils engagent l'association qui a obtenu la reconnaissance de la
commission. L'une ou l'autre des deux parties peut prendre l'initiative de la
négociation d'une entente collective en donnant un avis écrit
d'au moins dix jours à l'autre partie pour l'inviter à une
rencontre. Elle en avise ainsi la commission.
Les parties sont tenues d'entreprendre la négociation au moment
prévu dans l'avis et de les poursuivre avec diligence et aussi avec
bonne foi. À toute phase des négociations, l'une des deux parties
peut demander la médiation de la commission. La commission a donc le
pouvoir d'agir comme arbitre, à la demande des deux parties, et le
recours à des moyens de pression pour amener l'autre partie à
conclure une entente est prévu à compter du 60e jour de la date
de réception par la commission de l'avis entamant le processus.
Pendant la durée d'une entente ou d'une décision
arbitrale, il est cependant interdit de recourir à des moyens de
pression sous peine d'amende établie dans la loi. De plus, une
association liée par une entente avec un producteur ne peut, sous peine
de sanction, faire pression sur une personne pour empêcher un producteur
de présenter une oeuvre ou de la produire.
Le projet prévoit qu'une entente collective ou une
décision arbitrale ne peut s'étendre sur plus de trois ans.
Lorsque l'entente est en vigueur, elle lie le producteur et tous les artistes
du secteur. Si l'entente a été conclue avec une association de
producteurs, elle lie tout producteur associé au moment de la signature
même s'il cesse de faire partie de l'association. Ce lien s'étend
également à tout nouveau membre de l'association des producteurs
en cause.
Le projet comporte également des dispositions pénales
exposant les contrevenants à des amendes analogues à celles
prévues au Code du travail. Enfin, il assure la continuité
d'application des ententes collectives existantes au moment de l'entrée
en vigueur de la loi.
Ce projet de loi s'adresse donc à certaines catégories
d'artistes, interprètes et créateurs, ou plus
précisément à des artistes
dans certains rapports de travail. Il vise à régulariser
ces contextes et à clarifier le lien contractuel entre artistes et
producteurs en assurant l'autonomie nécessaire à l'exercice de la
profession.
Les principaux intéressés par ce projet de loi ont
été invités à venir faire part de leurs
commentaires à la commission parlementaire, et leurs propositions et
suggestions qui permettraient de clarifier certaines dispositions de ce projet,
d'en améliorer le contenu seront écoutées attentivement
et, par la suite, nous examinerons les amendements qui pourraient être
apportés, s'il y a lieu.
En adoptant ce projet de loi, l'Assemblée nationale prendra un
tournant définitif dans l'engagement de l'État face aux
créateurs, face à celles et ceux qui reflètent et
créent l'imaginaire d'une société et qui participent, au
premier chef, à son identité culturelle. Ils en sont, M. le
Président, le coeur. Ils ont besoin plus que tout autre secteur de
moyens de s'alimenter, de progresser un peu à l'abri des règles
du jeu qui prévalent sur le continent nord-américain dans le
champ culturel.
Le projet de loi sur le statut professionnel, les conditions
d'engagement des artistes des arts de la scène, du disque et du
cinéma s'inscrit dans cette même ligne de pensée qui a fait
que le gouvernement libéral du Québec a institué
voilà maintenant 25 ans le ministère des Affaires culturelles,
assurant ainsi une représentation des préoccupations des milieux
artistiques et littéraires au sein du Conseil des ministres.
Aujourd'hui, doté d'une reconnaissance de la
société québécoise en tant que
société distincte, le gouvernement libéral du
Québec propose d'affirmer encore davantage ce caractère distinct.
En innovant une fois de plus, il s'est mis, M. le Président, à
l'écoute de ceux et celles qui savent si bien le refléter et il
veut les appuyer de façon tangible. Je pense que ce projet de loi
à l'étude s'inspire de cette volonté. J'ose croire qu'il
sera adopté à l'unanimité par l'Assemblée
nationale, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
cède la parole à M. le député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, en tant que critique officiel
de mon parti aux affaires culturelles, je dois reconnaître que la
ministre a fait ses devoirs. Elle a d'abord convoqué les gens du milieu
en commission parlementaire; nous avons écoutés attentivement et
nous avons pu entendre, de leur part, le genre de statut qu'ils souhaitaient
avoir au Québec. (11 h 50)
On peut dire que le projet de loi 90 reconnaît aux artistes un
statut légal. C'est un première, peut-être même
mondiale, M. le Président, et on doit donc féliciter la ministre
pour son travail bien accompli, bien fait. On peut dire que les fondations de
la maison sont bien posées, bien établies. Maintenant, le
râle de l'Opposition n'est pas de lancer des fleurs au gouvernement, mais
bien de voir ce qui manque dans un bâtiment.
Je m'attarderai sur quatre points qui touchent la question du projet de
loi 90: premièrement, la fiscalité, deuxièmement, les
budgets des institutions culturelles, troisièmement, les artistes qui ne
sont pas dans le groupe d'élites qui gagnent 20 000 $ et plus au
Québec, par année, ceux qui sont les démunis du milieu,
dont le projet de loi ne tient aucun compte et, en terminant, je ferai des
suggestions à la ministre pour que, lors de l'étude article par
article en commission parlementaire, nous puissions trouver des solutions aux
problèmes que je vais soulever.
Je commencerai par la fiscalité. La ministre a convoqué
l'Union des artistes, il y a déjà un an et demi, et ce n'est
qu'il y a quelques semaines que le ministre du Revenu annonçait, avec sa
collègue des Affaires culturelles, qu'un comité serait mis sur
pied pour réviser la fiscalité propre aux artistes, au
Québec. Nous croyons que le travail aurait dû être fait et
cette mesure annoncée il y a déjà un an. Au moment
où la ministre demandait à un comité de légistes et
de fonctionnaires de son ministère une étude pour ce projet de
loi, il aurait fallu aussi que le ministère du Revenu se penche sur les
revendications que les artistes ont fait connaître lors de la commission
parlementaire et arrive, en même temps que le projet de loi, avec un
guide d'interprétation de la fiscalité québécoise
qui tienne compte du statut autonome des artistes québécois, qui
ne sont pas nécessairement membres d'un syndicat, mais qui ont des
ententes particulières avec leurs employeurs. Sur ce point, M. le
Président, nous estimons qu'il y a un retard inexplicable.
Il est sûr que le gouvernement du Québec attend, lui aussi,
le rapport Wilson sur la réforme fiscale, mais, comme la ministre le
disait tout à l'heure, le Québec est chef de file en ces
matières et il aurait pu indiquer au ministre fédéral, M.
Wilson, ses intentions face aux revendications de l'Union des artistes dans le
domaine de la fiscalité. Le Québec, là, serait donc, non
pas chef de file, mais à la remorque du fédéral et nous
croyons, vu l'expérience que le Québec a déjà
acquise en ces matières, vu la volonté ministérielle
très manifeste dans ce projet de loi, qu'il aurait dû être
le chef de
file et aurait dû dire une fois de plus au fédéral
ce qui est bon pour les artistes sur le plan fiscal. Autrement, les artistes
risquent d'être les victimes de l'ignorance du comité
fédéral, du rapport Wilson, de la réalité fiscale
du Québec en ce qui concerne les artistes.
Entre autres, dans le document déjà connu sur le rapport
Wilson, on nous dit que le bureau de l'écrivain ne sera plus
considéré déductible d'impôt, dans les
réformes proposées. Nous croyons que, pour un écrivain,
son bureau, l'endroit où sont ses livres, ses machines à
écrire ou ses ordinateurs, maintenant, doit être un endroit
déductible, car c'est là qu'il produit des oeuvres qui lui
donnent des revenus qui, eux, sont taxables.
En ces matières, je reproche au ministère et au
gouvernement de ne pas avoir été le chef de file, de ne pas avoir
été le phare qui éclaire la route que le
fédéral devra suivre. Nous craignons de nous retrouver avec des
décisions fédérales qui ne tiennent pas compte de la
réalité spécifique, et surtout qui ne soient pas en accord
avec le principe merveilleux que ce projet de loi met de l'avant au
Québec, au Canada et même dans le continent nord-américain
tout entier. Il aurait fallu que le ministre du Revenu et la ministre des
Affaires culturelles travaillent la main dans la main non pas il y a une
semaine, mais il y a un an, pour arriver avec des projets de réforme
fiscale qui tiennent compte de la réalité décrite par les
gens entendus lors de la commission parlementaire.
Je tiens aussi à souligner un problème très clair.
Si on regarde les revenus des membres de l'Union des artistes au Québec,
pour 1984, on découvre que 47 % des artistes membres de l'union gagnent
moins de 2000 $ par année, donc sont bénéficiaires de
l'aide sociale, et que 20 % gagnent de 2000 $ à 5000 $. Donc, 67 %
gagnent moins de 5000 $. On peut donc dire qu'ils sont sous le seuil de la
pauvreté. Il est sûr que la loi leur donne maintenant, quand ils
travaillent, des revenus dignes de ce nom, mais le problème est que
beaucoup d'entre eux et d'entre elles sont souvent sous le seuil de la
pauvreté plusieurs mois par année et il n'y a rien dans le projet
de loi ni dans la conception que le gouvernement actuel se fait du statut de
l'artiste qui leur permettra de survivre, comme le dirait La Fontaine,
jusqu'à l'an nouveau, c'est-à-dire jusqu'au prochain engagement
qu'ils auront.
Je pense qu'il y a là un trou majeur dans ce projet de loi et
dans la réflexion ministérielle et nous tâcherons, en
commission parlementaire, de trouver une solution à ce problème,
c'est-à-dire que les artistes aient accès aux caisses sociales
qui existent au pays, soit à l'assurance-chômage, soit au
régime de rentes ou à d'autres régimes pour permettre aux
artistes de ne pas crever de faim, de ne pas être au seuil de la
pauvreté durant les périodes où ils n'ont pas
d'engagement, ce qui est le cas pour plusieurs d'entre eux.
L'autre jour, le président de l'Union des artistes
lui-même, M. Turgeon, me disait que 80 % des artistes travaillent moins
d'un mois par année au Québec. Donc, ce sont eux les grands
oubliés de ce projet de loi et, je tiens à le souligner,
malgré que nous soyons d'accord avec le principe de la loi qui est
devant nous, nous croyons que ce projet de loi contient de grands trous et a
oublié des gens importants au Québec, soit
précisément la relève. Si de jeunes comédiens de
talent crèvent de faim pendant des mois en attendant des engagements
éventuels, il est à craindre que la relève ne soit plus
là dans quelques années, c'est-à-dire que la relève
s'épuise dans la misère et qu'elle prenne d'autres voies,
d'autres chemins pour ne pas crever de faim. On risque de perdre ainsi de
jeunes comédiens et comédiennes de talent qui auront
renoncé à leur métier malgré leur talent et leur
potentiel, faute de pouvoir y gagner leur vie honorablement et de
manière à mettre du pain sur leur table et du beurre sur leur
pain. Le grand trou de la loi, à mon avis, il est là et nous
devrons travailler ensemble, le gouvernement et l'Opposition, pour trouver une
solution à ce problème.
Je tiens également à souligner le fait qu'il y a des
réalités qui n'ont pas été couvertes par le projet
de loi. Je parlais des caisses sociales. Je pense que, dans le cas des danseurs
exposés à des accidents plus fréquents que tout autre
groupe d'artistes au Québec, il faut prévoir qu'ils soient
admissibles à la caisse de la CSST, la Commission de la santé et
de la sécurité du travail, parce qu'il y a des risques
d'accidents dans le domaine de la danse qu'aucun autre milieu artistique au
Québec ne subit. Nous devons donc penser à eux et faire les
amendements qui s'imposent dans le projet de loi 90 pour que ces groupes de
personnes aient accès aux caisses sociales qui leur permettent
d'échapper à la misère et surtout de continuer à
pratiquer leur art et à travailler pour que, précisément,
comme le disait la ministre, la culture québécoise dans la
société distincte soit encore plus forte, se manifeste encore
plus et montre encore plus que le Québec comme province croit à
la culture. C'est déjà en partie prouvé grâce
à des mesures comme celles-ci, mais je pense qu'il faut aller encore
plus loin et c'est ce que nous tenterons de faire dans les semaines qui
viennent.
D'autre part, comme nous l'a dit un des comédiens bien connus au
Québec: Pas d'argent, pas de statut. Ce que nous voulons dire par
là, c'est que la ministre a promis il y a déjà quelques
années que le 1 % du budget du Québec serait atteint, donc
une
augmentation de 35 000 000 $ du budget de son ministère d'ici
à la fin du mandat actuel, pour que les organismes culturels
subventionnés puissent honorer leurs engagements dans la pratique,
c'est-à-dire de verser aux comédiens, artistes et
créateurs les sommes qui leur permettront d'avoir un statut d'artiste
honorable et respectable. Donc, comme ils ont dit: Pas de budget, pas de
statut.
Il faut aussi que les budgets du ministère suivent le statut de
l'artiste tel qu'il apparaît dans le projet de loi et que les sommes
soient débloquées par le gouvernement et le ministère pour
que les organismes culturels puissent faire honneur à ce projet de loi.
En fin de compte, ce sont les théâtres, les troupes de danse et
les groupes culturels qui vont reconnaître le statut dans la pratique. Si
les budgets ne sont pas augmentés par l'État, ce sera un statut
vide de sens et surtout vide de reconnaissance financière et
économique de la part du gouvernement.
Donc, les quatre points sont les suivants. En ce qui concerne la
fiscalité, le comité a été créé trop
tard pour vraiment répondre aux besoins des artistes tels
qu'exprimés il y a déjà un an et demi.
Deuxièmement, le 1 % du budget du Québec consacré à
la culture doit suivre ce projet de loi pour qu'il y ait non seulement un
statut, mais un budget et un revenu, parce que pas de budget, pas de revenu,
pas de revenu, pas de statut. (12 heures)
Nous suggérons aussi à la ministre de se pencher avec son
équipe sur l'accès aux caisses sociales pour les artistes qui
sont, soit au chômage, comme c'est le cas dans bien des circonstances, et
également que les danseurs ou tout autre artiste exposé à
des accidents du travail, littéralement, puissent
bénéficier comme tout travailleur du Québec des caisses
sociales en cas d'accidents du travail.
Mme la Présidente, ce sont nos remarques pour l'instant et nous
travaillerons ensemble à améliorer le projet de loi 90. Merci
beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Mercier.
Mme la députée de Vachon.
Mme Christiane Pelchat
Mme Pelchat: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi 90
aujourd'hui à l'étude est certainement un des projets de loi les
plus importants de la présente session, mais aussi un des plus
importants projets de loi dans l'affirmation de notre spécificité
culturelle. Ce projet de loi est décisif parce qu'il reconnaît aux
artistes, créateurs et interprètes un statut professionnel. Il
s'agit d'une première au Québec, mais aussi d'une première
en Amérique du Nord. Il est aussi très significatif parce qu'il y
a longtemps que le milieu culturel attendait un tel projet de loi. Vous me
permettrez, à cette étape-ci, de faire la petite histoire qui
nous a menés à ce projet de loi.
Depuis plusieurs années, les porte-parole des associations
d'artistes font des représentations auprès du gouvernement du
Québec afin que ce dernier leur accorde un statut particulier. Ces
demandes ont surtout été faites par l'Union des artistes qui
représente à elle seule plus de 4000 membres, c'est-à-dire
4000 artistes. L'UDA a cristallisé ces demandes en 1982 lorsqu'elle
déposait à l'Assemblée nationale un projet de loi
privé. Malheureusement, ce projet de loi n'a pas été
retenu. Par la suite, en 1984, l'Union des artistes récidivait en
déposant, cette fois directement au ministre des Affaires culturelles de
l'époque, Clément Richard, un nouveau projet de loi. Finalement,
les élections de 1985 ont certainement réactivé le dossier
puisque, dès sa nomination, la ministre des Affaires culturelles, Lise
Bacon, convoquait une commission parlementaire afin de faire la lumière
sur cette question.
À l'issue de la commission parlementaire, la ministre me
mandatait, accompagnée de mes collègues, Jean Audet,
député de Beauce-Nord, et André Hamel,
député de Sherbrooke, pour faire le suivi des recommandations
faites à la commission. Nous avons pu travailler en compagnie des
fonctionnaires au débrouillage des recommandations et faire en sorte
d'acheminer les requêtes aux ministères concernés. Ainsi,
nous avons été associés de près à
l'élaboration du projet de loi 90.
En ce qui nous concerne, ce projet de loi est fidèle aux
représentations faites lors de la commission parlementaire sur le statut
de l'artiste, à tout le moins pour les artistes interprètes
évidemment. Les commentaires des artistes et de leurs
représentants sont assez révélateurs de la grande
satisfaction qu'engendre le contenu même de la loi.
Il est évident, Mme la Présidente, que la loi ne
prétend pas répondre à toutes les demandes, mais il s'agit
d'une base solide pour allouer aux artistes des outils nécessaires pour
mieux se défendre et protéger leurs droits.
Alors, qu'en est-il de ce projet de loi? Nous pouvons dégager
cinq grands principes directeurs dans ce projet de loi qui constituent des
changements majeurs pour notre société. Premièrement, la
modification principale est certainement la reconnaissance officielle dans un
texte de loi du statut professionnel de travailleur autonome.
Deuxièmement, un grand changement est la reconnaissance officielle des
associations d'artistes. Troisièmement, un autre change-
ment majeur est l'obligation pour les producteurs de reconnaître
les associations d'artistes en tant qu'agents négociateurs dûment
autorisés à négocier des conventions collectives.
Quatrièmement, les artistes auront une garantie que les conditions
minimales d'engagement négociées seront respectées et
elles ne pourront être modifiées au cours de la durée de
l'entente négociée. Cinquièmement, une autre contribution
du projet de loi 90 est la possibilité pour les artistes, pour les
associations et pour les producteurs d'avoir recours à des
mécanismes de médiation, voire même à l'arbitrage si
cela était nécessaire.
Mme la Présidente, le présent projet de loi vise à
établir un régime de négociation d'entente collective. Ce
régime proposé vise à permettre à une association
reconnue d'artistes de négocier avec un producteur ou une association de
producteurs, dans un secteur de négociation
prédéterminé, une entente collective liant les producteurs
et les artistes représentés par l'association.
Le projet de loi prévoit la création d'une commission de
reconnaissance des associations d'artistes qui sera chargée de voir
à l'application du régime de négociation.
Le projet de loi 90 est la résultante directe de la commission
parlementaire sur le statut de l'artiste qui a eu lieu au mois de mai 1986. On
se rappellera que cette commission a eu lieu à la suite d'une motion
présentée par la ministre des Affaires culturelles. Vous vous
souvenez tous qu'il s'agissait là d'une première qui invitait
tout le milieu des arts à s'adresser aux élus pour dresser un
tableau général de leur situation.
Évidemment, la commission parlementaire a abordé tous les
secteurs du milieu culturel, de la vie culturelle. Comme premier jalon, le
projet de loi 90 s'adresse aux artistes de la scène, du disque et du
cinéma, et, évidemment, de la vidéo. À l'issue de
cette commission, nous avons pu dégager deux objectifs implicites des
demandes qui touchent les artistes-interprètes. C'est en essayant de
concilier ces deux objectifs que nous nous sommes rendu compte qu'il fallait
aller au-delà des lois existantes, des cadres qui régissent notre
système de relations du travail actuel. C'est la raison pour laquelle le
projet de loi institue un nouveau régime de négociations
collectives et, aussi, une commission de reconnaissance qui relèveront
de la ministre des Affaires culturelles et non du ministre du Travail, comme
c'est le cas pour les autres régimes de négociation.
Concrètement, les artistes pourront, une fois le projet de loi
adopté, être reconnus à titre de travailleurs autonomes
à des fins fiscales. Le ministre du Revenu, M. Yves Séguin, s'est
d'ailleurs engagé à une révision de l'application de la
Loi sur les impôts qui permettrait aux artistes de réclamer
certaines dépenses au même titre que les travailleurs autonomes
plutôt que comme des employés salariés.
Le premier objectif visé par la demande des associations
d'artistes est atteint par cette reconnaissance. Cependant, la grande
difficulté engendrée par cette reconnaissance vient du fait qu'un
tel statut empêche habituellement cette catégorie de travailleurs
de bénéficier d'un régime de relations du travail
prévu au Code du travail. Cet encadrement des négociations
constitue le deuxième objectif intrinsèque aux demandes des
associations d'artistes. C'est parce qu'il n'y a aucune loi qui oblige les
parties à négocier que l'Union des artistes, la Guilde des
musiciens, la SARDEC ont demandé un statut particulier pour les
artistes. Aujourd'hui, les associations négocient avec les producteurs
des conditions d'engagement de gré à gré sans obligation
législative.
Que l'on se rappelle certaines négociations qui se sont
soldées par un jugement de la Cour supérieure entre l'Union des
artistes et l'ADISQ et on conviendra que c'est ce genre de situation que tous
souhaitent éviter en demandant d'instituer un tel cadre de
négociation.
Le projet de loi reconnaît aussi le droit des parties à
exercer des moyens de pression, mais assujettis à certaines conditions.
Actuellement, les associations d'artistes exercent une pression par boycottage
pour forcer les producteurs à négocier. Ce boycottage ne repose
que sur une solidarité constante de tous les membres des associations.
Au moment de l'adoption du projet de loi 90, le boycottage par tiers
interposé sera interdit et pendant la durée d'une entente
collective les parties ne peuvent, pour régler leurs différends,
utiliser les moyens de pression.
Toutes ces dispositions telles qu'exposées peuvent vous sembler
bien techniques, Mme la Présidente. Cependant, je crois utile de les
rappeler puisque, depuis le 12 novembre, date du dépût de ce
projet de loi, j'ai entendu plusieurs commentaires et interrogations qui
méritaient d'être éclairés. Je crois que là
où la ministre des Affaires culturelles marque des points, là
où elle fait figure de pionnière, c'est d'avoir réussi
à trouver une façon de concilier les deux objectifs, à
première vue inconciliables, c'est-à-dire la reconnaissance des
artistes comme travailleurs autonomes et la possibilité pour les
associations représentant ces travailleurs de pouvoir négocier
des ententes collectives. (12 h 10)
Mme la Présidente, au-delà des considérations
techniques, je crois qu'il serait bon de rappeler que ce projet de loi vise
à répondre à des problèmes que vivent des
milliers d'individus au Québec, ces créateurs
interprètes qui, quotidiennement, sont présents pour exprimer
l'imaginaire, notre culture et, tout simplement, nous divertir. Ce projet de
loi vise à allouer aux artistes des moyens pour s'assurer qu'ils
recevront, en retour de l'exercice de leur art, une rétribution minimale
et aussi qu'ils pourront se produire en étant à l'abri de
certains abus plus facilement utilisables sans normes et sans encadrement.
De telles garanties, pour les artistes, doivent être
perçues comme un minimum vital, comme la reconnaissance de leur
contribution culturelle, sociale mais aussi économique à notre
société. En effet, les industries culturelles
québécoises sont en constant développement. On peut parler
d'industries de pointe.
Les emplois du secteur culturel ont augmenté de 95 % entre 1971
et 1981. Les ventes au détail de l'industrie culturelle se sont
chiffrées à 616 000 000 $ en 1985. Ces chiffres sont fort
éloquents quand on les compare à d'autres secteurs comme celui du
meuble, des sports et même de celui de l'électricité.
Cependant, les revenus des premiers artisans, de ceux qui sont à la base
même de l'industrie sont très maigres, comme en faisait
état le collègue du comté de Mercier. Pour illustrer ce
paradoxe, l'UNESCO comparait la situation de l'artiste à celle d'une
pyramide inversée où l'artiste, tout en bas de l'édifice,
supporterait le poids de l'industrie en question tout en étant celui qui
en bénéficie financièrement le moins.
Lors de la commission parlementaire, les représentants ont
très bien exposé la situation des artistes. Les membres de la
commission ont très bien saisi l'importance d'agir. La ministre des
Affaires culturelles a aussi très bien saisi la problématique.
J'aimerais citer un passage de son discours lors de la fin de la commission
parlementaire. Alors: "Pour ma part, je comprends qu'il est peut-être
difficile d'assumer pleinement un rôle d'artiste ou de créateur en
1986. Toutes ces femmes et ces hommes qui consacrent le meilleur de leurs
énergies à la création artistique sont encore et toujours
sans statut social particulier, sans reconnaissance spécifique comme
citoyens ayant un rôle et une responsabilité particulière
dans notre société. Cette absence de reconnaissance sociale
engendre inévitablement un climat d'insécurité qui n'a
rien de très valorisant ou de très gratifiant. "Pourtant,
malgré ces conditions, les artistes et créateurs entendus en
commission nous ont réitéré leur grande passion pour leur
profession. Je les crois. Notre société ainsi que l'État
ont le devoir de reconnaître tant au niveau institutionnel que juridique
cette catégorie de citoyens."
Mme la Présidente, vous conviendrez avec moi que ce passage
témoigne abondamment de la conviction, dont faisait preuve la ministre
des Affaires culturelles, de mener à terme ce dossier. Hé bien!
C'est maintenant chose faite.
Pour avoir été associée de près à
l'élaboration de ce projet de loi, je peux vous dire que ce ne fut pas
une mince tâche. Je veux, à mon tour, rendre hommage à la
ministre des Affaires culturelles. N'eût été de son
extraordinaire volonté politique et de son ouverture d'esprit, je ne
suis pas certaine que nous serions ici en train de nous féliciter de ce
projet de loi.
Vous comprendrez que c'est avec joie que je me joindrai à mes
collègues ministériels pour voter en faveur de l'adoption de la
loi sur le statut de l'artiste. L'Opposition en fera de même, j'en suis
certaine.
En terminant, j'aimerais remercier et féliciter encore une fois
la ministre, le gouvernement, mais aussi toutes les personnes qui sont venues
en commission parlementaire, au mois de mai 1986, et celles qui viendront cette
semaine se faire entendre et plaider la cause des artistes. Je vous remercie,
Mme la Présidente.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Vachon. Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je pense
qu'il faudrait ne pas savoir lire ou ne pas comprendre pour être tout
à fait négatif avec ce que nous vivons, ce que nous sommes en
train de discuter aujourd'hui. Je lisais les journaux lorsque le projet de loi
90 a été déposé. On dit: "La ministre Bacon fait un
malheur." "Lise Bacon lance et compte." "Le statut de l'artiste, ça y
est. Bravo!" Finalement, beaucoup de choses positives. Et je pense qu'il faut
admettre que c'est vraiment un projet de loi qu'on attendait depuis fort
longtemps, et avec raison. Je ne peux faire autrement que de me réjouir,
Mme la ministre des Affaires culturelles, du dépôt de la loi 90
concernant le statut de l'artiste.
C'est un dossier fort complexe parce que, pendant plusieurs jours, le
monde artistique est venu ici s'exprimer lors d'une commission parlementaire,
et nous avons entendu de leur bouche ce qui se passait dans chacun de leurs
domaines respectifs. Nous avons travaillé, je pense, autant l'Opposition
que le parti au pouvoir, pour essayer de trouver une solution adéquate
pour bien situer l'artiste dans son monde et avoir une réponse ouverte
et positive à leurs demandes. Je lisais aussi une intervention de la
ministre le jeudi 29 mai 1986, à l'issu des
travaux parlementaires portant sur le statut de l'artiste. Elle disait:
"Ce pas, c'est celui de la concertation entre les décideurs quant
à la revalorisation du statut de l'artiste, celles et ceux qui en
bénéficieront par la suite." Je ne vous lirai qu'un autre
paragraphe. "Ce pas, c'est également une meilleure compréhension
des objets d'études sur lesquels les membres de la commission se sont
penchés. Ces objets d'études touchent, je me permets de vous le
rappeler succinctement, tant la formation et le perfectionnement que les droits
pécuniaires liés aux droits d'auteur, les dispositions fiscales
spécifiques, la sécurité sociale, bref, tout ce qui
concourt à la promotion et à la défense de la vie
professionnelle de l'artiste et du créateur."
Je trouve que ce paragraphe traduit ce que la ministre aurait
souhaité que le projet de loi puisse contenir. Je pense que
c'était aussi la traduction des attentes de tout ce monde artistique qui
était venu nous présenter ses mémoires. Je ne me
dédis pas. Je pense que le projet de loi 90 est vraiment un pas en
avant, significatif pour le monde artistique. C'est vrai. Et j'applaudis moi
aussi parce que je trouve cela vraiment un pas significatif. Par contre, je ne
peux faire comme la députée de Vachon, encenser la ministre
complètement parce qu'il y a des objets manquants dans ce projet de loi.
Je vois la ministre qui sourit. Elle comprend très bien ce que je veux
dire.
Il y a des choses que les artistes devront attendre avant d'avoir le fin
mot de l'histoire. On a dit du côté du volet de la
fiscalité, si je m'en remets aux réponses du ministre du Revenu,
ce matin, lors de la période de questions, j'ai été
très heureuse de comprendre qu'il y avait eu un comité de travail
de formé pour entourer le ministre et l'aider à trouver des
réponses pour le statut de l'artiste, parce que, ce matin, on se rendait
compte qu'il y avait des choses qui lui échappaient. Il y a eu un
comité de formé, dis-je, et j'en suis très fière
parce que ces gens vont probablement aider le ministre à se faire une
idée sur ce que pourrait être le volet fiscal du statut de
l'artiste. (12 h 20)
Ce comité sera représenté par l'Union des artistes,
par des membres des ministères du Revenu et des Finances ainsi que des
Affaires culturelles. Ce comité a pour mandat de recommander des
modifications à la Loi sur l'impôt afin que celle-ci tienne compte
de façon satisfaisante du statut particulier de l'artiste dans notre
société. J'aimerais bien cela entendre le ministre du Revenu nous
dire ce qu'il entend, lui, par trouver des "mesures satisfaisantes"? Est-ce que
"satisfaisantes" pour lui, cela va l'être aussi pour le monde artistique?
J'ai bien hâte de voir de quoi le ministre du Revenu, avec le
comité, va accoucher et ce qu'il va entériner.
Il y a une chose qui me chicote, Mme la Présidente. Pourquoi
a-t-on attendu de mettre sur pied un comité de recommandation au
ministre du Revenu après le dépôt du projet de loi? Est-ce
que cela va prendre encore un an et demi avant qu'on accouche de suggestions
valables qui rencontrent les besoins des artistes? Est-ce qu'on va attendre
à la veille des prochaines élections pour mettre sur la table
tous les volets qui pourraient inciter davantage les gens à voter du
côté du Parti libéral? Est-ce que c'est cela qu'on attend?
Pourquoi n'a-ton pas pensé, lors de la commission parlementaire, puisque
la ministre le disait dans son intervention, à mettre sur pied, en
même temps que les gens qui travaillaient à la préparation
du projet de loi 90, ce fameux comité qui aurait recommandé au
ministre du Revenu certains volets qui pourraient être ce que les
artistes attendent?
J'ai hâte, en tout cas, de voir ce qui va advenir des
recommandations du comité. Il me semble que cela aurait
été plus honnête de dire: On attend que le gouvernement
fédéral fasse le premier pas et, après cela, le
comité va réagir. Cela aurait peut-être été
plus honnête. On sait très bien que vous êtes en train de
regarder ce qui va se faire du côté du fédéral,
pour, après cela, revenir ici et voir ce qu'on pourrait faire de
différent ou encore la petite note qui pourrait être vraiment du
gouvernement provincial.
Je voulais aussi vous parler du volet sécurité sociale
dont le projet de loi ne fait pas mention ou si peu et qu'on n'est pas encore
en mesure de nous dire ce que comprendra le volet sécurité
sociale. Je voudrais bien savoir quelles sont les négociations
entreprises par la ministre avec le gouvernement fédéral
concernant la participation des artistes à l'assurance-chômage.
J'aimerais aussi qu'on me dise ce qu'il en est du dossier du régime de
retraite des artistes à la Régie des rentes du Québec.
Est-ce que la ministre ou ses collègues pourraient nous donner des
réponses? J'aimerais aussi qu'on me dise quels sont les résultats
des interventions de la ministre auprès de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Est-ce que la ministre
a rencontré... Est-ce qu'il y a eu un autre comité de
formé, soit pour rencontrer le fédéral concernant
l'assurance-chômage, pour le Régime de rentes ou la Commission de
la santé et de la sécurité du travail? Est-ce que,
aujourd'hui, pendant qu'on discute de ce projet de loi, on est en mesure de
nous informer sur ces volets qui sont des volets de la sécurité
sociale de nos artistes? Est-ce que la ministre pourrait, dans son droit de
réplique, nous informer? Où en sont rendues les discussions sur
ces trois volets?
Est-ce que, dans le projet de loi 90, Mme la ministre des Affaires
culturelles, il y a un volet à la formation? Vous nous en avez
parlé dans votre intervention du 29 mai 1986. Est-ce que, dans le projet
de loi 90, il y a un volet à la formation? L'enseignement des arts et le
principe de formation continuent de faire l'objet de commentaires de la part de
divers intervenants. Est-ce que la ministre pourrait faire le point sur ce
volet? C'est un volet important quant au statut de l'artiste. J'aimerais bien
cela et je vais être tout oreilles pour entendre la réplique de la
ministre pour savoir si vraiment elle a scruté cela davantage pour
pouvoir à la fois nous offrir des réponses non seulement à
nous, parlementaires, mais à l'ensemble du monde des artistes.
Il y a plusieurs commentaires et un certain nombre de questions sur le
projet de loi 90 qui pourraient conduire à des amendements. Finalement,
rien n'est prévu, dans le cas où aucune association d'artistes
n'obtiendrait l'appui de la majorité des artistes d'un secteur
donné, nécessaire à sa reconnaissance comme association
habilitée à négocier les conditions de travail dans un
secteur de négociation. Que va-t-il se passer à ce
moment-là, Mme la ministre? Êtes-vous en mesure de nous donner une
réponse?
Je suis inquiète pour les artistes de nos régions. Je suis
inquiète parce que je ne suis pas assurée, Mme la ministre, que
nos artistes régionaux auront le même traitement que ceux de
Montréal ou de Québec. Je vis dans une région qui
s'appelle l'Estrie et où il y a plusieurs théâtres,
plusieurs artistes, plusieurs créateurs et plusieurs comédiens.
Je voudrais savoir si les gens de chez nous auront le même traitement que
les gens des grandes villes. Je pourrais parler de tous les
théâtres que j'ai en région: le théâtre de la
Dame de coeur, le théâtre de l'Hexagone; à
l'université, le théâtre du Sang-neuf de Sherbrooke; un
nouveau théâtre au sujet duquel j'ai écrit à la
ministre la semaine dernière et qui vient de voir le jour, le
théâtre de l'Accès de Sherbrooke. Je voudrais savoir si les
créateurs de ma région, la région de l'Estrie, seront
aussi inclus et protégés par le projet de loi 90. J'ai bien
hâte d'entendre la ministre pour me rassurer entièrement sur la
façon dont elle va traiter les artistes, les créateurs des
différentes régions du Québec, par rapport à ceux
des grands centres urbains.
Les artistes des grands centres urbains, je pense, ont peut-être
plus de facilités que ceux dans les régions. Lors de la
tournée des députés de ma formation politique, je me suis
rendue à Gaspé et on me disait là que, pour avoir des
artistes, c'était tellement dispendieux de faire venir une troupe de
théâtre ou un artiste, cela coûtait dans les 10 000 $
à 12 000 $ et qu'ils ne pouvaient pas se payer une troupe d'artistes,
pour un soir, ou un artiste ou un créateur. Ils ne pouvaient pas payer
pour ce besoin culturel que la population de ces centres éloignés
peut avoir. La ministre va-t-elle prévoir dans son projet de loi 90 ou
ajouter certains règlements qui pourraient aider les centres
éloignés à faire venir des artistes chez eux, même
s'ils demeurent loin? Je pense que ces gens-là ont droit aussi à
ce volet culturel très important pour l'évolution de chacun des
êtres humains.
Si la ministre pouvait faire suite à son engagement qui
était de donner 1 % du budget de l'État québécois
au monde artistique, je pense qu'à ce moment-là, on
réglerait beaucoup de problèmes; les gens qui demeurent en
région pourraient eux aussi recevoir chez eux des artistes qui
pourraient répondre à la demande.
Mme la Présidente, je suis persuadée que les gens de ma
formation politique et moi-même, bien entendu, nous ne pourrons voter
contre ce projet de loi, étant donné que c'est vraiment un pas en
avant. Mais je pense que nous avons besoin d'un éclairage
supplémentaire concernant les volets que j'ai mentionnés plus
tôt. J'espère que la ministre prendra soin de bien définir,
pour les créateurs de ma région, pour les comédiens de ma
région, comme pour ceux des centres éloignés, toute la
possibilité pour eux d'être inclus dans le projet de loi 90 et
d'avoir eux aussi, même s'ils sont dans des régions
éloignées, la possibilité de participer à tout ce
qui pourrait être positif pour le monde culturel. Je vous remercie
beaucoup. Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Johnson. M. le député de Bourget.
M. Claude Trudel
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. C'est avec
évidemment beaucoup de fierté que je salue aujourd'hui le
dépôt du projet de loi 90 que vous me permettrez, j'en suis
assuré, d'appeler dorénavant le "projet de loi Bacon",
reconnaissant le statut professionnel de l'artiste. (12 h 30)
C'est un grand jour pour les artistes, mais c'est aussi un grand jour
pour tous les Québécois. C'est enfin un jour historique en
Amérique du Nord. Je salue donc les artisans de ce projet de loi, Mme la
ministre en tête, bien sûr, et tous les artistes qui l'ont
aidée à mettre en oeuvre ce que le Parti libéral avait si
fièrement inclus dans le programme de son premier mandat, à
savoir maîtriser notre avenir culturel en assurant la priorité aux
créateurs dans tous les domaines de l'activité culturelle.
Je suis fier d'avoir été, à titre de porte-parole
du PLQ durant la campagne
électorale de 1985, à l'origine de cet engagement de ma
formation politique, engagement qui faisait suite à une série de
rencontres au cours de l'été 1985 avec le président de
l'Union des artistes, M. Serge Turgeon. Je suis particulièrement
satisfait -je veux en féliciter chaleureusement Mme la ministre des
Affaires culturelles - de constater que le projet de loi 90 est le fruit d'une
concertation de tous les instants avec le milieu culturel, et
spécialement avec l'Union des artistes et ses représentants,
répondant ainsi au voeu maintes fois exprimé par son
président, tant à la Conférence canadienne des arts que
devant la commission parlementaire en 1986.
En effet, ce dernier déclarait: "Les artistes n'attendent
certainement pas de la société, de leurs gouvernements qu'on les
définisse, mais bien plutôt qu'on les reconnaisse." Et il
ajoutait: "On ne définira pas sans nous, ni au-delà, ni en
deçà de nous, ce que nous sommes."
À vrai dire, Mme la Présidente, ce projet de loi, qui
reconnaît le statut professionnel de l'artiste nous permet
d'accéder, en tant que collectivité, à un stade de
civilisation qui nous place au rang des grands pays de ce monde. J'ose
même affirmer que le Québec sera, dès l'adoption de cette
loi, parmi les leaders culturels du monde occidental car, il faut bien le dire,
peu de pays de l'Europe de l'Ouest reconnaissent à l'artiste un statut
comparable à celui des professionnels des disciplines libérales.
Devrais-je ajouter que, là-bas comme ici, les artistes sont des
marginaux qui ne sont ni juridiquement, ni législativement comparables
aux agriculteurs, aux pêcheurs et encore moins aux avocats, aux
médecins, aux ingénieurs et à bien d'autres.
Je souligne cependant que l'Irlande et la Hollande sont les deux
têtes de file dans ce domaine, à l'exception, bien sûr, des
pays de l'Est comme la Chine qui, idéologiquement, ont reconnu depuis
déjà longtemps que le travailleur culturel fait partie de la
masse oeuvrante de la société. La Hollande a
développé plusieurs modèles de revenu garanti applicables
à ses artistes et à ses compositeurs, alors que l'Irlande exempte
ses artistes de tous les impôts sur le revenu qu'elle relève, de
quoi faire rêver, vous l'admettrez, non seulement nos artistes, mais ceux
du reste du monde.
Enfin, certains pays d'Afrique accordent à leurs artistes le
statut d'ambassadeur de la culture et accompagnent ce statut des avantages
fiscaux dont jouissent normalement leurs diplomates. Cependant, de ce
côté-ci de l'Atlantique, le gouvernement du Québec est le
premier gouvernement à reconnaître le caractère distinct de
ses artistes. Le gouvernement du Québec est le premier gouvernement
à démarginaliser un groupe important de citoyens qui sont parmi
les plus nécessaires à l'évolution de notre
société sur tous les plans.
Je serais même tenté de dire que le gouvernement du
Québec est le premier gouvernement d'Amérique à
reconnaître que la vie d'une société est directement
liée à la création artistique. N'est-ce pas le Conseil
régional de la culture des Laurentides qui disait, l'an dernier, en
commission parlementaire: "C'est à l'estime que porte un peuple à
ses artistes qu'on peut juger du degré de sa maturité. Les
artistes sont la conscience d'un peuple. À la fois sages et voyants, ils
et elles nous guident vers une meilleure connaissance de nous-mêmes et de
la société."
Les artistes sont les héraults de notre histoire, ils en sont
l'âme. Je répète, c'est à la manière dont une
société agit envers ses artistes que l'on peut se faire une
idée précise de son estime pour les valeurs de liberté
nécessaires à sa croissance, que l'on peut évaluer son
respect des valeurs de création qui marquent les différentes
étapes de cette croissance.
Mme la Présidente, il est d'une importance capitale que notre
société reconnaisse, par le biais d'une loi, le principe que les
artistes peuvent, comme tous les autres citoyens, exister professionnellement
et, par voie de conséquence, s'exprimer librement sans faire l'objet
d'une censure. Il est également capital que nos artistes puissent
s'associer librement pour négocier collectivement.
Notre société doit fournir aux groupes reconnus de
professionnels les moyens nécessaires qui leur permettent d'avoir un
niveau de vie satisfaisant tout comme un milieu de travail normal et
sécuritaire. Pourquoi nos artistes devraient-ils passer toute leur vie
à payer chèrement le choix qu'ils ont fait d'assurer à
leurs semblables une meilleure qualité de vie? Le projet de loi Bacon
vient précisément répondre à cette question en
reconnaissant à nos artistes le statut de travailleur autonome avec,
bien sûr, toutes les conséquences fiscales et autres qu'un tel
statut entraîne, en mettant aussi en place un régime de
négociation collective régissant les rapports entre les artistes
et les producteurs.
Mme la Présidente, vous le savez, l'artiste est présent
partout. Il est plus que nécessaire que nous le reconnaissions tous en
lui donnant les outils pour qu'il puisse poursuivre son travail de
créateur. Le gouvernement libéral du Québec
reconnaît la contribution de l'artiste à la société,
contribution qui se manifeste tant dans le domaine social qu'économique
et industriel. Vous le savez, le travail de l'artiste génère des
retombées économiques dont l'importance n'est plus à
démontrer. Les industries du disque, de l'édition, du spectacle
et les organismes de production artistique sont de
puissants générateurs d'emplois. Plus de 75 % des montants
investis servent à payer des salaires permettant ainsi à
l'État de récupérer en impôts une somme plus
importante que celle qu'il investit. L'investissement culturel et artistique
est profitable tant sur le plan économique que social. Le projet de loi
Bacon vient "complémenter" ces investissements en assurant à
l'artiste la possibilité de jouir de conditions salariales et de
conditions de travail plus raisonnables que celles qu'il a connues
jusqu'à maintenant.
Je vous rappelle, Mme la Présidente, qu'au Canada, en 1986, les
artistes syndiqués ont pu s'assurer d'un revenu moyen de 23 300 $
après 15 ou 20 ans dans la profession. Les non-syndiqués n'ont
touché, pour leur part, que des revenus moyens de l'ordre de 9500 $ et
encore, sous forme de revenus de diverses sources, donc, dans la très
grande majorité des cas, provenant de l'exercice de plus d'un
métier.
Le projet de loi Bacon permettra, je le souhaite ardemment, de corriger
cette situation dans un avenir rapproché. Cela est d'autant plus
important que le nombre d'artistes professionnels est en croissance constante.
D'après les plus récentes statistiques, la main-d'oeuvre
artistique se développe deux fois plus rapidement que la moyenne
canadienne. Voilà qui témoigne de façon éloquente
de la force économique de l'activité culturelle. Ne nous leurrons
cependant pas. L'absence de travail guette nos artistes à tout moment.
Quelques bonnes années peuvent être suivies de nombreuses
années de vaches maigres. Dans le cadre actuel des lois canadiennes et
québécoises, les revenus gagnés ne peuvent pas être
étalés sur une période plus longue que celle au cours de
laquelle l'artiste se les a procurés, ce qui signifie, entre autres, que
ce dernier devra investir une part importante de son revenu pour assurer sa
subsistance pendant les années de léthargie bien involontaire,
puisque l'assurance-chômage n'existe pas pour la plupart d'entre eux.
Comment peut-on penser à un tel investissement avec un revenu
dépassant rarement, voire exceptionnellement, 35 000 $ ou 40 000 $ et
ce, pour les plus chanceux? Et que dire de ceux et celles dont les revenus
n'atteignent pas le seuil de pauvreté? Est-ce à dire que 15
à 20 ans de frais de scolarité ont été investis
pour rien? Est-ce à dire que l'artiste doit nécessairement
accepter de vivoter sous prétexte que, voyez-vous, la
créativité s'épanouit dans la pauvreté? Je ne crois
pas que notre société puisse continuer indéfiniment
à accepter que ses artistes soient traités comme des citoyens de
seconde zone. Il est de notre devoir de faire valoir l'importance de la
création artistique et de donner à ce groupe de citoyens les
moyens d'assurer le développement continu de leur
créativité par le biais des négociations collectives et
par le respect de la propriété intellectuelle de l'oeuvre
artistique. Car ce produit est mis au service de la collectivité. (12 h
40)
II est donc normal que l'artiste soit rétribué pour
l'usage qu'on fait de son oeuvre. Il est également normal que l'artiste
ait droit, comme la plupart de ses concitoyens, à une compensation
à la suite d'accidents du travail. Au cours de l'année 1985, plus
de 40 % des danseurs et chorégraphes canadiens ont eu à subir les
conséquences d'un arrêt de travail dû à un accident
du travail. 17 % des artistes en arts visuels, 16 % des musiciens et 14 % des
comédiens ont subi le même sort.
Enfin, je vous le rappelle, Mme la Présidente, une infime partie
de nos créateurs peuvent vivre de leur travail de créateur. Chez
nous, il est malheureusement encore impensable de développer à
temps plein sa capacité de créateur. Plus de 70 % des auteurs
canadiens doivent trouver un travail complémentaire alors que 40 % des
artistes de la scène admettent avoir un deuxième emploi. 60 % des
artistes en arts visuels doivent faire autre chose pour joindre les deux bouts.
37 % des artistes canadiens de la scène vivent sous le seuil de la
pauvreté. Un artiste en arts visuels sur deux et près de 70 % des
auteurs ne réussissent pas à cumuler des revenus décents.
Plusieurs de nos artistes, surtout ceux qui oeuvrent en peinture, en sculpture,
en sérigraphie et autres arts visuels, investissent plus dans la
réalisation de leur art qu'ils n'en retirent. Et que penser des jeunes
danseurs et des jeunes chorégraphes?
Mme la Présidente, il est impossible de reconnaître le
rôle essentiel de l'art dans la vie et le développement d'une
société sans, par voie de conséquence logique,
protéger par une loi adéquate les droits professionnels et la
liberté d'expression et de création des artistes. L'UNESCO, dans
ses recommandations adoptées à Belgrade le 27 octobre 1980,
recommande à tous les États membres d'assurer également
aux artistes -et je cite - "la liberté et le droit de constituer les
organisations syndicales et professionnelles de leur choix et de faire en sorte
que les organisations représentant les artistes aient la
possibilité de participer à l'élaboration des politiques
culturelles, des politiques d'emploi, y compris la formation professionnelle
des artistes, ainsi qu'à la détermination de leurs conditions de
travail."
Dans les pays occidentaux, ce principe n'est pas encore accepté
par l'ensemble des citoyens. En Amérique du Nord, le Québec ouvre
la route, montre la voie, et ce n'est qu'un début vers d'autres
considérations qui amèneront notre société à
reconnaître que l'art reflète, conserve et enrichit
l'identité
culturelle et le patrimoine spirituel de notre société,
que l'art constitue un moyen d'expression et de communication universelle et
qu'il peut être considéré comme un dénominateur
commun des différents peuples qui habitent notre planète.
Mme la Présidente, à tous les échelons de la
planification gouvernementale, il est urgent d'adopter un projet de loi comme
celui que Mme la ministre des Affaires culturelles vient de déposer et
de le compléter par une série d'autres lois protégeant
l'existence même de l'oeuvre d'art - je parle évidemment ici des
droits d'auteur - en assurant sa propriété intellectuelle. Notre
gouvernement doit également assurer l'éducation artistique de
tous les Québécois tout autant que la formation professionnelle
de ses artistes.
S'agissant de la formation professionnelle, du nécessaire
enseignement des arts au Québec, on me permettra, si vous le voulez
bien, Mme la Présidente, de revenir aujourd'hui sur un projet de mandat
d'initiative que j'ai proposé à mes collègues de la
commission de la culture, à savoir une étude sur l'enseignement
des arts au Québec, tant celui offert par nos conservatoires de musique
et d'art dramatique que par certains de nos cégeps, tant la formation
professionnelle comme telle que l'enseignement général des arts
dans nos écoles publiques et privées. Voilà, il me semble,
une réflexion qui doit être mise à jour et je m'engage
aujourd'hui à la soumettre à nouveau à l'approbation de la
commission que j'ai l'honneur de diriger avec, je le souhaite vivement, l'appui
des membres de l'Opposition.
De tout temps, le regroupement des forces vives d'une profession a
mené les sociétés en général à
reconnaître l'existence même de cette profession et, par
conséquent, à négocier des conditions de travail mieux
adaptées aux conditions de vie. Chez nous, les musiciens sont ceux qui
jouissent des conditions de travail ainsi que d'un salaire qui sont le plus
près de ceux des autres corps de métier bien qu'il me faille
ajouter que ces salaires ne reflètent pas encore l'équilibre
souhaité avec les professions qui demandent une formation et des
habiletés semblables.
Les musiciens ont réalisé ces quelques gains en se
regroupant au sein d'un syndicat qui a négocié pour eux des bases
salariales qui, à l'époque, semblaient devoir étreindre
à jamais la profession toute entière.
Nous pouvons dire aujourd'hui que l'existence de ce syndicat qui a fait
jurer plus d'un employeur culturel québécois est à la
source même de la situation actuelle du musicien dans notre
société.
Le droit au regroupement et le droit à la négociation
profitent à tous, même à ceux qui, pour des raisons
objectives, ne peuvent être admis dans ces syndicats. Je pense à
ceux qui ne sont pas professionnels encore mais qui sont sur le point de le
devenir. Je pense à ceux et celles qui sont créateurs et qui s'y
adonnent à temps partiel. Je pense à ceux et celles qui
travaillent dans leur propre sous-sol et qui ne sont pas reconnus sur la place
publique. Je pense également à ceux qui profiteront du fait que
l'artiste pourra dorénavant espérer vivre de son art.
Peut-être suis-je un peu idéaliste, peut-être suis-je
un peu rêveur en disant qu'un jour ces artistes pourront espérer
entrer dans cette profession comme on devient médecin, avocat, dentiste,
administrateur ou électricien.
Mme la Présidente, bien que le droit à la
négociation collective et le droit au statut professionnel constituent
un pas important voire un pas de géant dans la bonne direction, ils ne
régleront pas tous les problèmes. L'octroi de ces droits marque
le début d'une maturité sociale qui activera certains changements
sociaux importants. Peut-être, et j'ose le croire, le ministère de
l'Éducation activera-t-il sa réforme de l'enseignement des arts
au primaire et au secondaire pour en faire un enseignement universel comme on
enseigne les mathématiques, la physique, la chimie et bien d'autres
matières qui sont reconnues comme faisant partie du bagage intellectuel
nécessaire à l'existence même de l'homme sage et
humaniste.
Tous les jeunes Québécois doivent entrer en contact direct
avec les disciplines artistiques au cours de leur enfance et de leur
adolescence. Tous les jeunes Québécois doivent faire de la
musique, du théâtre, de la danse, du dessin.
Mme la Présidente, vous m'indiquez que le temps s'écoule
rapidement. Je terminerai en vous disant que le temps viendra où les
parents seront fiers d'apprendre de leur enfant qu'il se destine à cette
profession. Le temps viendra où l'artiste sera présent à
l'école, présent à la ville, présent aux
différents ordres de gouvernement. Le temps viendra où nous
reconnaîtrons que l'enseignement de l'art ne doit pas être
dissocié de la pratique de l'art, que la gestion de l'art ne doit pas
être dissociée de la vie de l'artiste. Le temps viendra où
les collectivités réclameront la présence de l'artiste et
reconnaîtront l'innovation et la recherche de celui-ci comme un service
à ses concitoyens. Cette collectivité devra assurer les
conditions nécessaires à l'épanouissement de l'oeuvre de
l'artiste. Cette collectivité reconnaîtra l'importance de
l'artiste en lui accordant des conditions de vie qui encourageront la
continuation de son travail créateur.
Nous sommes privilégiés d'avoir au Québec une
colonie artistique aussi importante. Nous sommes privilégiés
d'avoir
chez nous une création artistique d'une telle qualité. Il
est normal et nécessaire de reconnaître légalement le
statut professionnel de l'artiste et de prévoir pour lui des jours
financièrement et socialement meilleurs.
Il est donc maintenant normal d'envisager de continuer notre action par
une série de compléments à ce premier pas et d'encourager
nos collègues responsables des autres ministères directement
impliqués à revoir avec nous les conditions de travail
réservées aux artistes. Enfin, nous pourrons aussi convaincre
toute la population du Québec que nous nous devons tous d'assurer le
développement de nos artistes. Il en va de notre survie.
Mme la Présidente, je reprends à mon compte ce que M.
Serge Turgeon disait en conclusion de son brillant exposé devant la
commission parlementaire que j'avais l'honneur de présider le 20 mai
1986, et je cite: "Sans nous aujourd'hui, disait-il en parlant des artistes,
demain ne sera pas, convaincus que nous sommes qu'une société
sans artiste est un monde sans âme."
Depuis le dépôt du projet de loi 90, Mme la
Présidente, je n'ai jamais été aussi fier d'être
libéral. Merci beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Bourget. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. J'aurais le
goût de réagir brièvement aux propos du
député de Bourget pour lui dire que, bien que sa vision du
développement de la culture au Québec me semble un peu idyllique,
je dois dire que j'ai le goût de la partager. Pour être
cohérent avec les propos, aurait-il encore fallu que ce gouvernement
puisse accorder les budgets nécessaires à son
développement. (12 h 50)
Cependant, je dois dire tout de suite que le projet de loi 90, qui
consacre le statut de certains artistes et non pas de tous les artistes - et je
pense en particulier aux arts visuels - est un pas dans la bonne direction.
Comme mes collègues, je me réjouis de la
présentation de ce projet de loi. Cependant, je suis en même temps
obligée de m'inquiéter de la portée et de la valeur de ce
projet de loi par rapport à quatre questions. Je vous les rappelle
brièvement. D'abord, la définition de l'artiste qui sera fournie
par le bulletin du ministère des Finances pour lui donner accès
à certaines déductions fiscales. La ministre nous dit: Ce n'est
pas notre intention de définir le statut de l'artiste, de définir
qui pourra être considéré comme admissible à ces
programmes de déductions fiscales. C'est un problème majeur sur
lequel je reviendrai.
La deuxième question que ce projet de loi laisse en suspens,
à mon avis, est: Est-ce que ce projet de loi pourra effectivement
favoriser l'émergence de la relève ou si, au contraire, il n'aura
pas comme effet de ralentir son développement pour ne pas dire
complètement l'annihiler?
Est-ce que cette loi viendra conforter, renforcer la vision
montréalaise du développement culturel ou si elle permettra
effectivement le développement des arts de la scène, de la
culture de façon générale dans toutes les régions
du Québec?
Dans l'hypothèse où ce projet de loi qui est envisageable
donne de meilleures conditions de travail aux différents professionnels
des arts, est-ce que nos producteurs ont les moyens pour effectivement remplir
les conditions qui pourront être faites ou accordées par le biais
d'une convention collective?
Je me permets de reprendre brièvement chacun de ces
éléments et j'espère qu'à l'occasion de la
commission parlementaire, on pourra apporter certaines modifications pour
assurer les bénéficiaires de cette mesure que ce projet de loi
aura la portée qu'on en attend. D'abord, dans le projet, il y a toute la
question de la reconnaissance d'une association d'artistes. C'est à
l'article 7 paragraphe 2 où l'on dit que ce sont les finissants
d'écoles professionnelles qui sont les personnes visées, les
stagiaires des compagnies de danse, ceux de l'Union des artistes. En fait, on
ne connaît pas vraiment les critères qui donneront accès
à cette association d'artistes quel que soit le secteur.
Est-ce que ceux qui sont formés sur le tas seront reconnus comme
étant en phase de formation? Est-ce que ceux qui seront dans les
écoles non subventionnées seront admissibles? Est-ce que ceux qui
sont dans les écoles non subventionnées, mais qui sont dans les
troupes de ballet, dans les troupes de théâtre amateur ou autres,
seront reconnus éventuellement pour faire partie d'associations
d'artistes? Par ailleurs, il y a toute la définition, également,
d'artiste ou d'artiste comme travailleur autonome. Artiste comme travailleur
autonome, ça donnera accès à des déductions
fiscales.
Le gouvernement aurait pu en même temps qu'il préparait son
projet de loi prévoir que le ministère des Finances
établisse un bulletin qui définisse le statut de l'artiste comme
travailleur autonome. Est-ce que sera considéré comme un
travailleur autonome le maître de ballet, celui qui fait les
répétitions? Qui pourra bénéficier des mesures
fiscales? On l'ignore totalement. Cela aurait été
intéressant si le gouvernement du Québec avait fait cette
démarche de définir l'artiste comme travailleur autonome. Il
aurait pu éventuellement influencer la définition qui en sera
donnée
prochainement, on le croit, par le gouvernement fédéral.
Il aurait pu donner le ton pour que les définitions du gouvernement
fédéral pour bénéficier des exemptions fiscales
conviennent parfaitement ou s'adaptent mieux à la situation des
travailleurs de la scène québécois.
La seconde question. Est-ce que cette loi favorisera l'émergence
de la relève? Rien ne l'indique vraiment, parce qu'on n'a pas en main
cette définition qui nous permet d'être assurés que ceux
qui sont en formation, que les jeunes travailleurs, les jeunes
diplômés qui n'ont pas d'expérience dans ces
différents secteurs, auront une reconnaissance qui leur donnera
accès et à l'association et à la négociation
éventuellement.
Par ailleurs, ce projet de loi est assez silencieux - je dirais qu'il me
laisse sceptique - quant à la possibilité de développer
les arts de la scène et les arts de façon générale
dans les régions. Cela ne se présente pas tout à fait dans
les régions de Chicoutimi, de Rimouski, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de
l'Abitibi comme cela se présente à Montréal. On n'a pas de
grands producteurs, ni de grands artistes et, souvent, ceux qu'on a sont fort
polyvalents et excellents dans différents secteurs d'activité.
Est-ce que le projet de loi pourra permettre, dans les régions, comme on
nous l'a rappelé, d'ailleurs, si justement en commission parlementaire,
d'éviter qu'on ait cette espèce de vision montréalaise du
développement des arts et permettre c'était l'invitation qui
était faite à la ministre d'alors - de prendre toutes les mesures
pour que le développement et le rayonnement de la vie artistique ne
comportent pas qu'une vision montréalaise, mais s'attachent plutôt
à une identité québécoise s'alimentant de toutes
les disciplines et de toutes les régions? Rien, dans le projet de loi,
ne me permet de penser que les dispositions, qui permettent la
négociation et la reconnaissance en association des artistes, n'auront
l'effet réel de favoriser le développement des arts dans les
régions.
Les producteurs - c'est probablement là que réside
l'essentiel du problème - qui sont-ils? Les producteurs au Québec
sont, généralement, encouragés par des subventions qui
leur viennent du ministère des Affaires culturelles, du Conseil des arts
du Canada et du ministère des Communications. Du moment que le
gouvernement n'a pas donné suite à l'engagement qu'il avait pris,
à savoir de consacrer 1 % du budget au développement de la
culture au Québec, même si on peut négocier le plus beau
des contrats pour les artistes qui ont à travailler avec certains
producteurs, même si ces contrats constituent des demandes plus que
raisonnables, est-ce que les producteurs québécois seront en
mesure de produire, alors qu'ils n'auront pas un soutien suffisant de la part
du gouvernement du Québec?
Ce projet de loi, avec lequel je suis d'accord, j'aimerais bien que la
ministre puisse y apporter quelques modifications, de manière à
nous assurer qu'il favorisera, premièrement, l'émergence de la
relève et, deuxièmemement, le développement des arts dans
les régions.
J'ai l'intention de participer à la commission parlementaire
pour, avec le gouvernement, travailler à améliorer ce projet de
loi. Il faudrait s'assurer que ce projet ne nous fasse pas oublier l'essentiel
qui est finalement les budgets. Je me permets de citer un article du
journaliste Jean-Jacques Samson, Le Soleil, 28 novembre 1987, qui
était intitulé: "La journée des bulletins des ministres
québécois". Parlant de la ministre des Affaires culturelles, Lise
Bacon: "la reconnaissance du statut de l'artiste fait oublier, comme par magie,
le désengagement de l'État par rapport à la culture."
J'espère que ce projet de loi n'aura pas comme effet de nous faire
oublier que, dans ce secteur comme dans tous les secteurs de l'activité
humaine, l'argent demeure le nerf de la guerre.
En conclusion, Mme la Présidente, j'ai l'intention, comme l'a
signalé le porte-parole officiel de l'Opposition, le
député de Mercier, d'appuyer ce projet de loi, mais j'ai
également l'intention de participer aux travaux de la commission
parlementaire pour travailler avec le gouvernement à la bonification et
à l'amélioration de ce projet de loi. Je vous remercie,
madame.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Chicoutimi. Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux
jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 4)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du
projet de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Je
suis prête à reconnaître le prochain intervenant, M. le
député de Beauce-Nord.
M. Jean Audet
M. Audet: Merci, Mme la Présidente. En mai 1986, les
artistes ont marché sur Québec pour une raison bien
particulière. À la suite de l'invitation de la ministre des
Affaires culturelles, Mme Bacon, ils venaient en commission parlementaire pour
se faire
entendre - une première au Québec - ils venaient faire
entendre leurs préoccupations, éclairer députés et
ministres sur les problèmes qu'ils ont à vivre en tant
qu'artistes et les éclairer aussi sur ce que sont vraiment le
rôle, la profession, l'engagement d'un artiste comme tel. C'était
la première fois au Québec que cela se produisait à
l'Assemblée nationale.
Les artistes étaient ici, et vous me permettrez de citer le
président de l'UDA qui mentionnait: "Nous sommes ici sans nos masques,
sans artifice et sans rien d'autre qu'une volonté ou un désir,
comme citoyens à part entière, de nous faire reconnaître
par cette société qui est la nôtre pour ce que nous
sommes." Ils seraient ici parce qu'on se souviendra que l'ancienne
administration avait créé beaucoup d'attentes chez les artistes.
À la suite de cette commission, on disait, dans certains articles, que
le PQ, à son époque, avait carrément manqué le
bateau. Après avoir subventionné la préparation d'un
projet de loi par l'UDA, demandé à M. Claude Charron un rapport
complémentaire qui fut positif, le ministre de l'époque, M.
Clément Richard, n'avait pas eu la volonté politique de passer
aux actes.
Et à la suite de cette commission, les artistes étaient
quand même sceptiques, parce que le dossier cheminait depuis bon nombre
d'années, face à la commission et à ce qui en
découlerait. Ce scepticisme n'était pas que du côté
des artistes. Qu'on regarde ce qu'écrivaient à l'époque
les chroniqueurs culturels. Les gens de l'Opposition, les critiques en la
matière, dont c'était un peu le dossier, se sentaient un peu mal
à l'aise de voir que notre gouvernement, le gouvernement libéral,
un gouvernement réputé pour son administration, son
économie, pouvait être sensible aux arts et aux artistes.
Je me souviens de certains propos de mes collègues d'en face lors
de la commission - quand je dis "d'en face", il faut bien s'entendre, je parle
toujours de l'Opposition - qui en plus d'être sceptiques, étaient
un peu jaloux, un peu envieux par rapport à ce qui se passait à
cette époque à l'Assemblée nationale. Quand je parle de
scepticisme, je fais référence, puisqu'on a beaucoup écrit
sur le statut de l'artiste, à un article de M. Jean-Jacques Samson dans
Le Soleil du samedi 27 mai où il concluait en disant: "Mme Bacon n'a
plus qu'à livrer les victuailles dans un état satisfaisant et
l'image de son gouvernement sera ennoblie." Voilà, c'est fait, Mme la
Présidente. Les sceptiques ont été confondus, puisque,
aujourd'hui, nous sommes ici à l'Assemblée nationale, un an et
quelques mois après, pour discuter du projet de loi 90 qui concerne le
statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la
scène, du disque et du cinéma.
Voilà qui est fait, mais je voudrais, puisque j'ai
été particulièrement impliqué dans ce dossier, vous
dire à ce stade-ci que ce ne fut pas un dossier facile. À la
suite de la commission, beaucoup d'attentes ont été
créées, un comité a été formé -
comité dont j'ai été très fier de faire partie
à la demande de la ministre - et j'ai été à
même de constater, si vous me permettez l'expression, dans quel bateau
nous étions embarqués, puisque, à cette époque,
c'était très difficile de parler de la cause du statut de
l'artiste comme les organismes en commission l'entendaient. Il a fallu faire
preuve d'initiative, il a fallu du côté de la ministre... Je lui
rends hommage pour son courage et sa détermination. Il en a fallu de la
détermination pour aller rencontrer collègues et ministres et les
convaincre des besoins des artistes, leur faire part de leurs attentes pour
qu'aujourd'hui nous puissions en arriver à un projet de loi bien
concret, le projet de loi 90.
Je veux aussi parler de créativité du côté de
la ministre. Je me rappelle, à titre de représentant du
comité, que nous avons consulté des gens, nous avons eu des
rencontres et combien de personnes nous ont dit que ce dossier était
impossible, combien de gens nous ont dit que nous ne pourrions pas livrer la
marchandise. Cette créativité, ce courage et cette
détermination que je viens de mentionner de la part de la ministre des
Affaires culturelles, Mme Bacon, je pense que c'est en grande partie
grâce à cela, grâce à elle, aujourd'hui, que les
artistes sont si fiers du projet de loi 90. (15 h 10)
Évidemment, mes collègues d'en face, les gens de
l'Opposition... On a entendu ce matin certains nous dire qu'ils étaient
heureux de ce projet de loi, que c'était une bonne chose, mais si vous
l'avez remarqué, Mme la Présidente, ce fut très bref.
Aucun d'eux n'a mentionné les grandes lignes du projet de loi, sauf mes
collègues du gouvernement qui l'ont fait. Mais, dans l'Opposition,
personne n'a eu la décence, dans un débat qu'on disait - on se
rappellera la commission parlementaire - non partisan, aucun n'a fait allusion
aux grandes lignes de ce projet de loi. On a tenté de détourner
le débat sur d'autres dossiers. Ils peuvent crier sur certains dossiers,
mais je dois dire que notre moyenne, après un an et demi, en ce qui
concerne le statut de l'artiste, c'est avantageusement comparable aux dix
années de l'ancienne administration, dossier qui était, je le
répète, semble-t-il, leur cause.
A la suite de cette commission, à la suite de tout le travail qui
a été fait depuis un an, on en arrivait, le 12 novembre dernier,
au dépôt du projet de loi. Je voudrais citer un article du
Journal de Québec, de Normand Girard, à la suite d'une
rencontre qu'il avait eue avec le président
de l'UDA, M. Turgeon: "Ils sont rares, vous savez, les gouvernements qui
ont osé donner à leurs artistes un cadre de relations du travail.
Ils sont rares les gouvernements qui ont fait de leurs artistes, qui sont des
citoyens à part, des citoyens à part entière. Enfin,
ça, c'est acquis et je pense que c'est une grande première non
seulement ici, non seulement pour tout le pays, pour tout le Québec,
mais c'est une grande première aussi dans une bonne partie du monde. "Ce
qui se passe aujourd'hui, pour moi, je pense que c'est l'aboutissement de 50
années d'une longue marche, de quête d'un statut. Et, aujourd'hui,
enfin, un gouvernement, c'est celui-là - c'est notre gouvernement - nous
dit que oui: vous nous avez démontré que les artistes ont des
droits comme les autres citoyens et cela mérite d'être
souligné." Ce n'est qu'un article que je cite parmi tant d'autres qui
ont eu tant d'éloges à l'égard de notre ministre des
Affaires culturelles.
Mme la Présidente, au lieu d'aller dans la redondance, je
conclurai simplement sur une pensée que je dédierai aux artistes,
mais particulièrement à la ministre, une petite pensée
qui, dans le contexte, s'inscrit très bien. Elle dit ceci: Notre travail
devient toujours un chef-d'oeuvre personnel - je vois le député
de Saint-Jacques qui rigole; j'espère qu'il est attentif, qu'il a les
oreilles grandes ouvertes - notre travail devient toujours un chef-d'oeuvre
personnel quand on y moule l'empreinte unique de notre
créativité.
Mme la ministre, mes plus sincères félicitations et vous
pouvez être assurée de tout mon appui. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Beauce-Nord.
M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, à entendre mon
affable collègue de Beauce-Sud ou Beauce-Nord, de Beauce, de toute
façon -une belle région qui un jour, sans doute, je
l'espère, sera représentée à l'Assemblée
nationale - je suis en train de me demander si on discute d'un projet de loi
pour ériger une statue à la ministre ou si on parle du statut de
l'artiste. Je suis bien prêt à reconnaître certaines choses
à Mme la ministre, je sais d'ailleurs que c'est la gentilhommerie
coutumière qui me caractérise, mais je trouve qu'il y a quand
même une certaine enflure de la part de mon collègue de
Beauce.
Quand on regarde ce projet de loi, au départ, il faut se dire
quelque chose. Si aujourd'hui il y a ça, c'est aux artistes d'abord et
avant tout qu'on le doit. Ce sont eux qui, dans la dignité, dans la
fermeté, dans le respect, ont posé des gestes en cascade,
mobilisant l'opinion publique. On voyait d'ailleurs dans les
théâtres cet été une pétition à
signer, que je signais et que je faisais signer d'ailleurs pour les appuyer.
C'est d'abord et avant tout grâce à leur ténacité et
à leur travail qu'on en est arrivé aujourd'hui à un projet
de loi qui vise essentiellement à reconnaître à l'artiste
un statut de travailleur autonome, de reconnaître à l'artiste un
droit à l'association légitime, d'établir un régime
de négociation, d'ententes collectives qui va permettre à une
association d'artistes de négocier en leur nom des conditions minimales
de travail dans un secteur d'activité qui leur est spécifique et
de créer également une commission de reconnaissance des
associations d'artistes.
L'article 4 consacre le statut de travailleur autonome de l'artiste
comme étant réputé pratiquer un art à son propre
compte.
Il y a bien des facettes de l'art. Je ne vous donnerai pas un cours sur
l'art, mais cela va très loin. Là, on parle des artistes de la
scène, du disque, du cinéma. Il va falloir également
penser à nos chorégraphes, nos danseurs, nos peintres, nos
sculpteurs, nos céramistes. C'est très vaste. Déjà,
ici, l'appellation est un peu limitative, dans un premier temps. J'ose
espérer qu'il y en aura un deuxième.
Quant au droit d'association, eh bien, il y aura la liberté de
négocier ses conditions de travail avec un producteur, mais il ne peut
conclure une condition moins avantageuse que celle prévue à cet
effet dans l'entente collective. Cela nous va aussi. Il y a le régime de
négociation d'ententes collectives qui sont les articles 7 à 37
qui prévoient justement que la Commission de reconnaissance des
associations d'artistes reconnaît pour chaque secteur de
négociation, c'est-à-dire ceux du cinéma, du disque et de
la scène, mais malheureusement pas ceux que j'ai
énumérés, qui ont été oubliés,
reconnaît donc pour chaque secteur de négociation qu'elle
définit une association qui représente la majorité des
artistes oeuvrant dans ce secteur.
Tout producteur ou toute association de producteurs doit alors
négocier avec cette association d'artistes reconnus, l'entente
collective fixant justement ces normes minimales de travail qui sont
applicables pour la durée de l'entente, soit une période de trois
ans. L'entente lie forcément à la fois les artistes et les
producteurs de ce secteur. Cette commission va être composée de
trois membres nommés par le gouvernement. Un président qui va
exercer ses fonctions à plein temps heureusement et une commission qui
aura justement le mandat de
décider de toute demande relative à la reconnaissance, de
statuer sur la conformité à la présente loi des
règlements, d'agir comme médiateur à la demande d'une
partie à la négociation d'une entente collective, d'arbitrer les
différends qui lui sont soumis conjointement par les parties, de donner
son avis au ministre sur une question relative, de définir les secteurs
de négociation pour lesquels une reconnaissance peut être
établie, en se rappelant que la décision de la commission est
finale et sans appel.
Il y a aussi diverses dispositions qui sont ajoutées comme les
mesures transitoires et rétroactives pour les ententes collectives qui
lient une association d'artistes et un producteur au moment de l'entrée
en vigueur de la loi, ce qui m'apparaît un article justifié. Le
projet de loi va prévoir des amendes allant jusqu'à 15 000 $ pour
des infractions commises à l'égard du respect des ententes
collectives. Cela aussi est un article dans la loi auquel je souscris et dont
d'ailleurs je me réjouis de l'écriture dans le texte. En
accordant à l'artiste le statut de travailleur autonome et en
déterminant les balises d'un régime de négociation entre
les associations d'artistes et les producteurs, le projet de loi constitue - je
pense qu'il faut le dire, il faut s'en réjouir... Jamais je n'oserais et
jamais nous n'oserions, nous de notre formation politique, qui avons toujours
accordé aux arts tellement d'importance dans nos budgets annuels, nous
permettre d'être mesquins et de ne pas dire que ce projet de loi
constitue un pas en avant, un pas significatif dans le dossier complexe du
statut de l'artiste. Pardon?
Une voix: Un pas de géant. (15 h 20)
M. Boulerice: Un pas significatif parce que, là, votre pas
de géant, c'est un peu poussé. Vous allez le voir, tantôt.
Il reste encore des cailloux en arrière. Ce régime de
négociation va permettre aux associations d'artistes d'obtenir justement
ces conditions minimales de travail avec les producteurs concernés des
secteurs précis. J'insiste toujours sur le mot "précis" parce
qu'il y a le cinéma, le disque, le théâtre. Mais, encore
là, il ne faudrait surtout pas oublier ceux que
j'énumérais tantôt: nos peintres, nos sculpteurs, nos
céramistes, nos danseurs, nos chorégraphes et tous ces gens.
Le projet de loi instaure en ce sens un cadre légal, qui fixe les
modalités de fonctionnement d'un régime de négociation
entre associations d'artistes et producteurs. Il vient, dans un sens,
officialiser une pratique de négociation qui était
déjà amorcée par certaines associations d'artistes, dont
justement l'Union des artistes, dont le siège, d'ailleurs, est dans la
circonscription de Saint-Jacques, permettez-moi de vous le rappeler, Mme la
ministre.
Le projet de loi donne suite de façon satisfaisante, selon les
commentaires - mais je pense que nous entendrons également d'autres
commentaires jeudi, en commission parlementaire - aux revendications
exprimées par les artistes lors des travaux de la commission
parlementaire de mai 1986 que je pilotais au nom de l'Opposition et auxquels je
n'ai cessé de m'intéresser au chapitre d'un volet important de la
problématique du statut de l'artiste: celui des relations du travail.
Oui, nous étions heureux de les accueillir comme nous étions
heureux de les revoir pour la commission. "Je me souviens". Je me permettrai de
regretter la décision du président de l'Assemblée
nationale de ne pas les avoir laissés entrer dans leur habit de travail
à l'Assemblée nationale alors que, moi, j'ai pu être ici
avec mon habit de travail.
Il y a les autres volets du statut de l'artiste, par contre.
Malheureusement, on n'en parle pas car, au-delà du volet des relations
du travail, il y a d'autres volets qui sont importants pour le statut de
l'artiste et sur lesquels le gouvernement ne s'est pas encore prononcé.
Il y a le volet de la fiscalité; c'est silencieux là-dessus. Il y
a le volet de la sécurité sociale; encore là, il n'y a
rien. Il y a le volet de la formation; encore là, il n'y a rien.
Quant au volet fiscal, lorsqu'il y a eu dépôt du projet de
loi que nous présente Mme la ministre des Affaires culturelles, le
ministre du Revenu, M. Séguin, annonçait la création d'un
comité de travail formé de représentants de l'Union des
artistes et des ministères du Revenu, des Finances et des Affaires
culturelles. Ce comité a pour mandat de recommander des modifications
à la Loi sur l'impôt afin que celle-ci tienne compte, de
façon satisfaisante, du statut particulier de l'artiste dans notre
société. Le volet fiscal est un volet qui est d'une importance
primordiale pour l'artiste, quand on connaît d'ailleurs cette courbe en
dents de scie que peuvent constituer les revenus de la plupart des gens du
milieu de la culture au Québec.
Les artistes ont formulé bon nombre de recommandations qui visent
à corriger leurs problèmes avec le fisc québécois.
Alors, la mise en oeuvre de mesures fiscales par le gouvernement va nous
permettre d'évaluer si l'État, particulièrement le
ministre du Revenu, donnera un sens au concept de travailleur autonome reconnu
à l'artiste tel qu'il est inscrit au projet de loi 90.
Pourquoi avoir attendu plus d'une année et demie après les
travaux de la commission parlementaire sur le statut de l'artiste pour mettre
sur pied un comité sur la fiscalité de l'artiste qui est
composé de représentants du ministère du Revenu et des
artistes? Pourquoi avoir encore attendu et créé un autre
comité? Pour faire une image, je
pourrais vous dire que lorsqu'on veut labourer, il n'est pas interdit
d'atteler deux boeufs après la charrue. Cela aurait pu être fait,
au lieu, encore là, de perdre du temps et d'arriver avec un projet de
loi global.
Pourquoi, Mme la Présidente... Est-ce que vous pourriez, s'il
vous plaît, demander aux députés du Parti libéral de
vouloir respecter mon droit de parole en cette Chambre? Je ne pense pas
être intervenu comme le fait M. le député de Bourget,
malheureusement. Je le croyais plus sérieux. Merci.
La Vice-Présidente: Je pense que vous pourriez
continuer.
M. Boulerice: Pourquoi n'a-t-on pas eu le courage de dire que le
gouvernement québécois attend le contenu de la réforme
fiscale du gouvernement fédéral avant d'agir dans ce dossier?
Vous aviez une chance de prouver que vous étiez de bons
négociateurs, ou bien vous aviez peut-être peur de montrer que le
fédéralisme coopératif de M. Bourassa n'est
peut-être pas aussi aisé et facile qu'il le laisse entendre pour
ce qui est du volet de la sécurité sociale, un bon nombre de
revendications des représentants des artistes, lors de la commission de
1986 qui a porté sur leur admissibilité à l'assurance
chômage, au régime des rentes du Québec, au régime
de santé et de sécurité du travail.
Je pense aux oubliés, aux parents pauvres ici au Québec.
Je discutais avec eux jeudi soir à Montréal, je pense aux gens de
la danse. Quand on sait qu'un accident de travail peut représenter pour
un jeune danseur, une jeune danseuse, l'inactivité durant plusieurs
mois, c'est un dossier drôlement urgent. Je suis entièrement
d'accord avec le statut de l'artiste. Jamais je ne dirai le contraire, sauf
qu'il doit y avoir plus que cela, et rapidement. C'est comme si on vous avait
donné une maison, mais on vous dit: attendez pour le chauffage, on verra
peut-être à l'éclairage; on attendra pour le reste,
l'ameublement et l'entretien.
C'est un peu le genre d'attitude que le gouvernement a dans ce dossier
qui me désappointe. J'aurais espéré un projet global. La
ministre peut peut-être nous dire l'état des négociations
qui sont entreprises par elle avec le gouvernement fédéral, qui
concerne la participation des artistes à l'assurance chômage.
Qu'est-ce qui en est du dossier du Régime de retraite des artistes
à la Régie des rentes du Québec? Quel est le
résultat des interventions de la ministre auprès de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, cette fameuse
CSST dont je vous donnais un exemple tantôt, dans le cas des gens de la
danse qui, malheureusement, ne sont pas couverts par le projet de loi
actuel?
Il y a le volet formation. L'enseignement des arts et le principe de
formation continue ont fait l'objet de commentaires de la part de divers
intervenants lors de cette commission de 1986. Est-ce que la ministre peut
faire le point sur ce volet important du statut de l'artiste au
Québec?
Je vais vous énoncer un certain nombre de commentaires sur le
projet de loi, Mme la Présidente, qui sont sans doute susceptibles de
nous conduire, en commission parlementaire, à proposer des amendements.
Rien n'est prévu dans le cas où une association d'artistes
n'obtiendrait pas l'appui de la majorité des artistes, d'un secteur
donné nécessaire à sa reconnaissance comme association
habilitée à négocier les conditions de travail dans un
secteur de négociation. Qu'est-ce qui va se passer à ce
moment-là? C'est la question. J'espère que jeudi la ministre sera
plus attentive.
À l'article 8, il subsiste une certaine ambiguïté,
à savoir si la possibilité pour une association d'établir
des conditions d'admissibilité s'applique pour être membre de
cette association, ou si ces critères permettront de déterminer
si un artiste peut oeuvrer ou non dans ce secteur des négociations.
Autre point d'interrogation.
À l'article 14, pourquoi n'a-t-on pas choisi d'appliquer la
formule Rand? Que se passe-t-il pour l'artiste oeuvrant dans un secteur de
négociation, sans être membre d'une association d'artistes, parce
que celui-ci bénéficiera de conditions de travail
négociées pour ce secteur, par l'association d'artistes
majoritaire? C'est moins clair là? Cela commence à être un
peu moins clair.
À l'article 31, il n'y a aucun mécanisme qui
préside aux modalités de déclenchement de l'exercice du
droit de grève par une association. Aucun! Il faut rappeler que le Code
du travail prévoit à cet effet un vote majoritaire des membres de
cette association par le biais d'un scrutin secret. Pourquoi n'y a-t-il pas de
détails en cette matière dans le projet de loi que nous
présente la ministre des Affaires culturelles? Pourquoi ne
retrouve-t-on, dans le projet de loi qui nous est soumis, aucun article qui
précise le financement des activités de la Commission de
reconnaissance des associations d'artistes, assumé par le
ministère des Affaires culturelles? (15 h 30)
Une autre question me vient à l'esprit. Est-ce que l'État
est lié par cette loi? Si un ministère décidait de devenir
producteur -cela est possible, Dieu sait que l'État engage des artistes,
soit pour la publicité gouvernementale, une manifestation, etc. - est-ce
que l'État, devenant producteur, est lui-même couvert? Est-ce que
l'État est obligé à sa propre loi? Je pense que c'est un
point également important à apporter.
Oui, c'est un pas. M. le député de Beauce, tantôt,
citait M. Samson. J'aurai plaisir à le citer, moi aussi. Dans Le
Soleil
du 28 novembre, à la page B-4, si jamais il voulait avoir la
référence, il disait: "Lise Bacon: La reconnaissance du statut de
l'artiste a fait oublier, comme par magie, le désengagement de
l'État par rapport à la culture." Oui, Mme la Présidente,
une loi sur le statut de l'artiste, sur le statut de tous les créateurs
au Québec, de préférence, avec un volet sur la
fiscalité rapidement, un volet sur la sécurité sociale
rapidement, un volet sur la formation, mais également des sous pour la
culture. Ce gouvernement, depuis son arrivée le 2 décembre 1985,
n'a fait que couper dans le ministère des Affaires culturelles. On a
beau lancer, de l'autre côté, que ce n'est pas vrai, les chiffres
sont là pour prouver le massacre des bibliothèques, le
sous-financement en régions, pas d'équipements culturels. C'est
bien beau de donner un statut à un artiste du
SaguenayLac-Saint-Jean, j'en suis heureux. Mais s'il n'a pas de salle
où il pourra se produire, à quoi cela sert-il de lui avoir
donné un statut?
Oui à un projet de loi comme le vôtre, à la
condition qu'on y apporte les volets, mais que l'on ne cesse pas de
réduire le budget de l'État accordé à la culture.
Un pour cent pour la culture, pour moi, c'est un minimum, non pas un maximum.
On va appuyer ce projet de loi, présenter les amendements qu'il faut,
insister pour que cela englobe l'ensemble des créateurs du
Québec, et on va continuer la bataille avec le milieu de la culture,
comme on l'a fait depuis le tout début, pour qu'on arrête de
saccager dans le budget de la culture, comme cela se fait depuis le 2
décembre 1985 avec des coupures qui nous font reculer très loin
au Québec, alors qu'on assiste à un véritable
désengagement de l'État.
Si M. Samson était crédible tantôt dans la bouche de
M. le député de Beauce-Nord, je pense qu'il est tout aussi
crédible quand il dit lui-même que "c'est un désengagement
de l'État qu'on pourrait peut-être faire oublier", mais comptez
sur nous, Mme la Présidente, pour le rappeler quotidiennement au
gouvernement libéral d'en face. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: M. le député de
Sherbrooke.
M. André J. Hamel
M. Hamel: Mme la Présidente, les premiers mots qui me
viennent spontanément à l'esprit concernant ce projet de loi sur
le statut de l'artiste, ce sont des paroles historiques: "Rendons à
César ce qui appartient à César". En effet, ici, nous
avons en particulier une personne à qui doit revenir le mérite
pour la tâche colossale accomplie afin de mener à terme ce projet
de loi tant attendu par nos artistes québécois. Je veux donc
rendre hommage et remercier Mme la ministre des Affaires culturelles et
députée de Chomedey, Mme Lise Bacon, qui, avec courage, contre
vents et marées, a mené à bon port cette pièce
législative majeure, qualifiée de geste historique par le
président de l'Union des artistes lui-même, M. Serge Turgeon.
J'ai eu le privilège de vivre de près les
différentes étapes de ce projet de loi et je puis
témoigner que, sans la détermination et la volonté
politique de Mme la ministre des Affaires culturelles, nous ne serions pas
encore arrivés à cette étape importante. Le gouvernement
libéral se caractérise actuellement par sa sobriété
et son efficacité. Nous parlons peu mais nous agissons. L'engagement
pris lors de la commission parlementaire sur le statut de l'artiste
était pour nous un engagement d'honneur et de grand respect pour nos
artistes. Notre gouvernement considère en effet comme très
important que nos artistes soient enfin officiellement reconnus par un texte
juridique et qu'ils touchent cette juste part à laquelle ils ont
légitimement droit.
J'ai été impressionné et heureux à la fois
de constater à quel point nos artistes avaient à coeur la
réussite de cette démarche vitale. Cette cause de la
reconnaissance d'un statut juridique, ils l'ont vécue avec courage et
détermination, mais aussi avec cette intensité du coeur dont ils
savent si bien exprimer les nuances subtiles.
En somme, ce projet de loi vise à reconnaître le statut
professionnel des créateurs et interprètes de la scène, du
disque et du cinéma, notamment aux fins de la négociation de
leurs conditions d'engagement. Ce projet de loi 90 reconnaît donc un
statut de travailleur autonome à tous les artistes visés qui
agissent à leur propre compte et il en précise les
modalités d'interprétation.
Par ce projet de loi, les associations professionnelles d'artistes
auront aussi cette reconnaissance aux fins de la négociation d'ententes
collectives avec les producteurs. De plus, ce projet de loi apporte les
précisions nécessaires concernant la procédure, les
conditions, les modalités et les effets de cette reconnaissance des
associations professionnelles d'artistes.
Ce projet de loi propose aussi un régime de négociation
collective et définit l'obligation, la procédure et les
modalités de négociation d'ententes collectives, y incluant les
règles de médiation, d'arbitrage et de respect des ententes.
En résumé, ce projet de loi apporte à nos artistes
la reconnaissance officielle dans un texte de loi de leur statut professionnel
de travailleurs autonomes, la reconnaissance de leurs associations
professionnelles, l'obligation faite aux producteurs de reconnaître ces
associations comme agents négociateurs, des garanties que les
conditions
minimales d'engagement négociées seront respectées,
les recours à des mécanismes de médiation au cours d'une
négociation et d'un arbitrage pour régler un
différend.
Il est bon de rappeler aussi que cet important projet de loi, tout en
répondant en grande partie aux attentes pressantes de l'Union des
artistes, concernera tout autant les membres de la Guilde des musiciens, de la
SARDEC et, éventuellement bien sûr, d'autres associations qui
souhaiteraient être reconnues et négocier leurs conditions
minimales d'engagement.
Concernant l'aspect complexe de la fiscalité, les pourparlers se
poursuivent afin que les ajustements appropriés soient
complétés le plus tôt possible.
D'autre part, il m'apparaît important de souligner ici deux
mesures budgétaires majeures concernant directement nos artistes.
Toujours afin de témoigner de sa volonté politique, la ministre
des Affaires culturelles a accordé un budget de 1 400 000 $,
spécifiquement au niveau du statut de l'artiste, principalement pour
renforcer les associations professionnelles d'artistes, augmenter les
programmes d'aide visant les créateurs et la mise en place d'une mesure
visant la sensibilisation des jeunes aux arts. (15 h 40)
Une deuxième mesure concrète et novatrice a
consisté à créer un fonds d'appui assuré d'une
enveloppe de 4 000 000 $. Cette nouvelle enveloppe destinée à
intéresser le secteur privé à participer au financement de
la culture a connu une réponse exceptionnelle et les demandes
reçues à ce jour totalisent plus de 10 000 000 $. C'est donc un
témoignage concret des besoins immenses des organismes artistiques, mais
aussi de leur dynamisme et du très grand intérêt de leurs
partenaires du secteur privé.
J'ai personnellement participé activement à ce nouveau
programme dans mon comté, celui de Sherbrooke, où nos partenaires
du secteur privé ont rapidement donné près de 100 000 $
dans divers projets culturels touchant la musique, le théâtre, le
patrimoine et la muséologie.
Le secteur privé, Mme la Présidente, rassuré par
l'excellence de la gestion du gouvernement libéral, participe activement
et avec générosité au secteur culturel afin d'aider nos
organismes culturels et surtout nos artistes qui donnent toujours le meilleur
d'eux-mêmes.
En conclusion, Mme la Présidente, je reviens à ce projet
de loi sur le statut de l'artiste pour rappeler que cette pièce
législative majeure est une première au Québec et au
Canada. Une première qui marque un tournant décisif dans les
rapports entre l'État et les artistes créateurs.
Je poursuis en citant Mme la ministre des Affaires culturelles: "Un
tournant décisif dans l'engagement de l'État face aux
créateurs, face à celles et à ceux qui reflètent et
créent l'imaginaire d'une société et pr-ticipent au
premier chef à son identité culturelle." Ce projet de loi visant
à reconnaître la place, le rôle de l'artiste et du
créateur dans la société, ne prétend pas
répondre à toutes les attentes, mais il constitue ce premier pas
essentiel à faire pour assurer aux artistes et aux interprètes
particulièrement, une reconnaissance voulue et par eux et par l'ensemble
de la population.
Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles d'avoir permis la
réalisation de ce projet de loi historique, vital à tous nos
excellents artistes qui sont le reflet de l'un de nos plus importants volets
culturels.
Bien entendu, Mme la Présidente, ce sera avec une satisfaction
certaine que je voterai pour ce projet de loi. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Sherbrooke.
M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci, Mme la Présidente. C'est bien sûr
un pas historique que l'on fait aujourd'hui par ce projet de loi 90 qui
s'intitule Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des
artistes de la scène, du disque et du cinéma.
Tous les gens qui ont pris la parole en cette Chambre reconnaissent la
valeur intrinsèque de ce projet de loi pour les artistes
concernés. Ce projet de loi a principalement pour objet de
reconnaître un statut professionnel aux artistes créateurs et
interprètes de la scène, du disque et du cinéma qui
pratiquent leur art à leur propre compte et d'établir un
régime de négociation d'ententes collectives.
Pour la partie des artistes qui sont touchés par ce projet de
loi, j'ai le coeur à la joie et j'ai le coeur au respect devant la
ministre qui nous le présente mais, Mme la Présidente, j'aimerais
être inventeur de proverbes, d'actions ou de paraboles frappantes parce
que je dirais: Depuis une dizaine de jours nous venons d'arriver avec trois
projets de loi qui répondent à trois hurlements qui nous venaient
de la population. Lorsque dans les rangs de certaines catégories on
entend des hurlements, un projet de loi nous arrive en Chambre. Ce projet de
loi est extraordinaire pour ceux qui sont touchés. Cependant, ça
ne touche qu'une partie des artistes. Ce n'est pas encore là un projet
global.
Il faudrait que les artistes soient touchés dans leur ensemble
dans ce projet de loi. Où sont les. sculpteurs? Où sont-ils?
Où sont les peintres, les céramistes, les artisans des bijoux, de
poteries? Où sont-ils? Ne
sont-ils pas des artistes à l'égal d'un chanteur?
Où sont-ils? Où sont-ils? Ils ne veulent pas de statut
particulier? Ils ne veulent pas être reconnus comme tels? C'est
impossible. C'est sûr que ces gens se sentent oubliés par ce
projet de loi.
Donc, ce projet de loi est pour reconnaître, et j'en suis
très heureux, les artistes de la scène en général
et de tous les produits dérivés. Donc, c'est un projet de loi qui
regarde une partie. On en a eu un il n'y a pas longtemps, les cadres dans les
hôpitaux, on les ciblait au lieu de prendre un projet global pour toucher
l'ensemble des cadres gouvernementaux. Il n'y a pas longtemps, on a eu, on a
été en commission parlementaire pour en discuter, un projet sur
les condos et les logements plutôt que d'avoir une politique globale qui
regarde la famille.
Quand un groupe maugrée, crie, hurle, grogne, on arrive avec un
cataplasme pour dire: Notre devoir est bien fait. Dans le monde culturel, Mme
la Présidente, j'y ai oeuvré pendant seize ans, et quand
j'étais dans ce monde, je hurlais aussi contre le gouvernement, et
souvent il était péquiste à l'époque.
Les artistes, cela hurle. On avait raison de hurler à
l'époque et on a encore raison de hurler aujourd'hui même si ce
sont les libéraux qui sont au pouvoir. Les péquistes au moins
avaient eu la décence de ne pas faire de promesses qu'ils
n'étaient pas capables de remplir. On a dit qu'en dedans de deux ans, on
serait à 1 % dans le budget et on ne le fait pas. Qu'est-ce qui manque
dans ce projet de loi? Il manque une vue d'ensemble de reconnaissance du monde
culturel au Québec. Pourquoi reconnaîtrions-nous un artiste
aujourd'hui comme un travailleur autonome quand rien dans notre politique
n'engendre une relève dans le domaine? Une politique de relève,
ce n'est pas facile. J'ai travaillé pendant seize ans à
créer de la relève, à prendre de jeunes artistes et en
fabriquer des stars et des vedettes. Je sais de quoi je parle. Des Charlebois,
Forestier, Séguin, Dubois, etc., cela a été formé
chez nous, par moi et mon équipe. Je sais de quoi je parle. Qu'est-ce
qu'on faisait à l'époque? On n'avait pas de soutien
gouvernemental pour fabriquer des vedettes et des stars au Québec. Des
gens qui avaient un talent fou, inouï, incontestable. Eh bien!
C'étaient des gens qui travaillaient avec leur coeur comme moi et mon
équipe de façon bénévole.
Mme la Présidente, vous ne croyez pas cela, vous. Je suis certain
que vous ne croyez pas les choses. Je vais vous le dire. Cela s'appelait Le
Patriote, cela s'appelle encore Le Patriote. J'en avais sept à un moment
donné. Avec des moyens de broche à foin, on a fabriqué des
artistes extraordinaires. On avait des loges grandes comme un bureau et avant
on prenait la peine, je prenais moi-même la peine de repasser les
culottes des gens. Est-ce assez fort? On n'est plus à cette
époque. Il n'y a rien aujourd'hui dans la politique. C'est pour cela
qu'il n'y a plus de relève dans la chanson. Il n'y en a plus beaucoup.
Il y a beaucoup de relève dans la scène sur le rire parce que,
quand ce sont des situations désespérantes comme les
gouvernements qu'on a, autant à Ottawa qu'ici, bien qu'est-ce que les
gens font? Ils disent: Au moins, plutôt que de pleurer, on va se mettre
à rire. Il y a beaucoup de relève dans le rire. J'en suis
très heureux. Il y en a des extraordinaires. Mais dans la chanson, il
n'y a pas de politique de chanson. On ne la voit pas venir par ce projet de
loi. Il n'y a pas de reconnaissance des milieux culturels en régions. On
ne voit pas cela. (15 h 50)
La levée du moratoire sur les immobilisations, j'espère
qu'elle va venir. Cela aiderait ie monde culturel. La remise à sa juste
valeur des répartitions aux bibliothèques, ça aussi forme
une relève culturelle. Permettre aux producteurs, lorsqu'ils engagent
des jeunes dans les spectacles, de jouir d'une exemption fiscale pour les prix
que ça coûte... Quand on présente Gilles Vigneault, Pauline
Julien ou Claude Dubois dans un spectacle, on n'a pas besoin de première
partie. Si on présente Rose Latrimouille, personne ne la connaît.
Mais si elle est pleine de talent, Rose Latrimouille, on la met là,
ça coûte un prix quand même.
Il n'y a rien là-dedans pour encourager les producteurs et ceux
qui font des grands spectacles, à engager des jeunes, de la
relève, pour qu'un jour ils deviennent des vedettes et des attraits.
C'est ça, faire oeuvre créatrice. Je me souviens, moi, en
1964-1965, qu'il n'y avait pas beaucoup de grosses vedettes
québécoises. On s'est battu pour avoir une reconnaissance. On a
fondé des boîtes à chanson dans tout le Québec. La
chanson a vu une belle éclosion. On a vu naître une kyrielle de
grandes vedettes. Mais en 1968-1969, quand je présentais Vigneault chez
moi ou Bécaud ou Aznavour, ou Barbara, et que je mettais en
première partie Louise Forestier, Marie-Claire et Richard Séguin,
à l'époque, ça n'attirait pas un chat. Est-ce que cela a
été productif pour l'ensemble de la population
québécoise? Certainement, parce que, aujourd'hui, ce sont des
trains eux-mêmes qui traînent d'autres qui viendront les remplacer
et les aider plus tard. On ne voit rien dans cette politique, on ne voit rien
là-dedans. Vu que j'ai passé une partie de ma vie, j'ai
passé seize ans de ma vie à aider la relève, quand je vois
cette négligence gouvernementale devant cette relève qui soupire
et qui aspire et qui désire, à vous regarder, j'ai l'impression
que vous
voulez qu'ils expirent.
Il n'y a que des promesses d'amener le budget à 1 %, mais c'est
toujours au même rythme qu'on fait les dépenses. On a peine
à indexer le total des dépenses culturelles. Mme la ministre, je
vous ai dit au début et je le répète, les artistes qui
sont concernés par ce projet de loi doivent être très
heureux, comme nous le sommes, comme vous devez l'être, pour ceux qui
sont concernés, mais les grands oubliés, qui sont aussi des
artistes, des vrais, des réels, des palpables, eux se sentent
brimés par ce projet de loi. Quand on fait un projet de loi, on se doit
de toucher l'ensemble du monde artistique et l'ensemble est composé
aussi d'une relève. Cette relève, je suis persuadé qu'elle
est aussi forte qu'elle l'était il y a cinq, six, sept, huit et quinze
ans, mais les moyens manquent peut-être pour qu'elle se manifeste au
public.
C'est un reproche et j'ai le droit et c'est même mon devoir, en
tant que membre de cette Opposition, d'en aviser les législateurs en
chef qui sont les gens à la gouverne dans cette Assemblée
nationale. Mais, madame, j'ai toujours été respectueux des gestes
nobles posés. C'est pour cela que je vous dis que les artistes qui sont
concernés par ce projet de loi vous méritent de grands
remerciements et doivent être reconnaissants parce que c'est unique. Il
n'y a pas beaucoup de législateurs qui se sont permis cela. C'est tout
à votre honneur et je me dois de vous le dire. Sur ce, Mme la
Présidente, je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne. M. le député d'Arthabaska.
M. Laurier Gardner
M. Gardner: Merci, Mme la Présidente. À l'occasion
d'un échange bilingue Québec-Ontario, j'ai été
agréablement surpris d'une idée émise par l'enseignant
franco-ontarien qui m'était jumelé. Il m'avait dit pendant une
fête à Windsor, rassemblant autant d'amis de Windsor que de
Détroit: "Heureusement, le Canada a le Québec. Si nous n'avions
pas le Québec, notre culture serait américaine". Cette courte
phrase montre clairement les difficultés auxquelles ont à faire
face les artistes canadiens-anglais face à l'avalanche venue des
États-Unis. Bien plus, cette affirmation démontre l'importance de
nos artistes québécois quant à la sauvegarde de la culture
canadienne.
Je veux vous faire part des réflexions auxquelles m'a
amené le projet de loi 90 quant à la nécessité des
artistes québécois face à la sauvegarde non seulement de
la culture canadienne, mais aussi de la culture québécoise. Avec
toute la sincérité dont je suis capable, qu'il me soit permis
d'apporter ma contribution, comme député d'Arthabaska, à
ce projet de loi qui doit aider tous les artistes québécois de la
scène, du disque et du cinéma où qu'ils soient au
Québec.
Mme la Présidente, le projet de loi 90 marque un tournant
décisif, irréversible dans les rapports entre l'État et
les artistes créateurs. Comme le disait si bien Mme la ministre des
Affaires culturelles, je cite: "Un tournant décisif face à celles
et ceux qui reflètent et créent l'imaginaire d'une
société et participent, au premier chef, à son
identité culturelle."
Le Québec possède une identité culturelle qui a
été façonnée par les artistes d'ici. Rappelez-vous
les bottes à chansons où l'on recevait, bien humblement, les
artistes venus de Montréal qui faisaient la promotion de leurs chansons
québécoises et, par le fait même, posaient les jalons d'une
culture typiquement québécoise. Alors qu'on était
emballé par les vedettes de la mère patrie, on percevait chez
certains artistes québécois un vent de professionnalisme, un
grand désir d'aller plus loin que le folklore de l'enfant martyr. C'est
grâce à ces artistes que nous avons, aujourd'hui, un orchestre
symphonique de réputation internationale, des films et vidéos qui
gagnent les premiers prix dans les festivals de grande renommée, des
troupes de ballet jazz qui font l'envie de bien des producteurs
étrangers, des disques d'or, des artistes que nous avons toujours
hâte de voir évoluer sur nos scènes comme à la
télévision.
Oui, nous aimons nos artistes et tout ce qu'ils nous offrent. La
population, chaque fois qu'il lui est donné de le faire, prouve son
affection à ceux et celles qui la font rire ou pleurer. Il n'est
qu'à penser aux nombreuses marques d'affection à l'occasion des
téléthons ou des concours de popularité. Comme il doit
être doux pour les artistes de se sentir aimés, comme il serait
donc plus intéressant pour eux que cela se répercute dans une vie
sans embarras financiers actuels ou futurs. Vous vous souvenez, à
l'occasion des séances de la commission permanente de la culture sur le
statut de l'artiste, j'avais affirmé que l'artiste ne pouvait vivre
décemment avec 10 000 $ de revenus annuels. J'avais ajouté que ce
n'est pas avec un tel montant qu'on peut préparer une bonne retraite,
d'où la nécessité pour l'artiste d'être reconnu
comme apportant une contribution exceptionnelle à la
société québécoise.
Cette société - Mme la Présidente, vous me
permettrez une petite digression -cette société, dis-je, a
profité de ses artistes; elle les a aimés, oui, mais les a
laissés mourir dans la pauvreté. Je suis toujours surpris que,
malgré tout, d'autres artistes prennent la relève, reprennent le
flambeau.
Ce projet de loi 90 reconnaît le statut professionnel de
l'artiste. À mon avis, c'est son plus grand mérite.
Désormais, les artistes
seront reconnus comme travailleurs autonomes face aux producteurs.
Désormais, ils pourront faire partie intégrante d'une association
reconnue. Désormais, ils pourront négocier eux-mêmes avec
un producteur en respectant le minimum de l'entente collective.
Voilà, en bref, ce que le projet de loi 90 affirme
officiellement. Nous aimions tellement nos artistes que nous ne voulions rien
de moins que ces trois prémisses. Oh, cela ne règle pas tous les
problèmes de l'art! Vous vous souvenez, j'avais posé, à la
commission permanente de la culture, le problème des artistes qui
évoluaient en régions. J'avais alors demandé la part
touchée par l'artiste dans ce que l'organisme donnait au producteur pour
qu'il vienne évoluer en régions. Je suis persuadé que
l'artiste, maintenant qu'il est reconnu comme travailleur à son propre
compte, par le projet de loi 90, pourra être
rémunéré à sa juste valeur. Vous m'en voyez ravi.
(16 heures)
II reste, toutefois, que les artistes vivant dans les régions
éprouvent souvent des difficultés à se faire accepter
comme professionnels. Vous comprenez que, comme député
d'Arthabaska à l'Assemblée nationale, j'en sois
préoccupé. Il reste aussi que ce projet de loi ne vise que les
artistes de la scène, du disque et du cinéma. On ne parle pas des
artistes peintres, de toutes ces personnes oeuvrant dans les métiers
d'art. Vous comprenez que j'en sois également préoccupé.
Il reste que ce projet de loi ne donne pas de protection fiscale. Vous
comprenez que je l'espère pour bientôt.
Non, Mme la Présidente, cela ne règle pas tous les
problèmes de l'art, mais c'est le début d'un temps nouveau. Pour
les artistes québécois, la terre est probablement à
l'année zéro. Je suis fier que notre gouvernement ait fait les
premiers pas. La commission parlementaire sur le statut de l'artiste
était une première. Jamais les artistes du Québec, de
quelque discipline que ce soit, n'avaient pu officiellement dire aux
élus ce qu'ils vivaient quotidiennement. Ils l'ont dit avec
sincérité, avec coeur. Ils ont espéré, avec autant
de sincérité et de coeur, un projet de loi qui leur donnerait
cette dignité d'homme et de femme qui est la leur. Aujourd'hui, le
projet de loi 90, présenté par Mme la ministre des Affaires
culturelles, est là pour être adopté. Autre première
qui marquera l'histoire de notre culture, l'histoire de notre
Québec.
Mme la Présidente, toute société qui ne
reconnaît pas ceux et celles qui la façonnent, toute
société qui ne reconnaît pas les professionnels de l'art,
est vouée à une fin tragique. Ce n'est certes pas cette fin que
nous vouions. Ce n'est certes pas cette fin que le gouvernement actuel a
désirée en présentant ce projet de loi 90. La culture
québécoise est là pour rester et ce nouveau départ
donné aux artistes apportera à notre culture le dynamisme
nécessaire pour qu'elle continue à s'améliorer, à
tendre à la perfection. J'ajouterai, Mme la Présidente,
qu'à l'instar des questions linguistiques, le statut de l'artiste
devrait dépasser la partisanerie politique. À l'instar des
questions linguistiques, le statut de l'artiste devrait être
accepté unanimement par cette Chambre.
Nous fêterons très prochainement les cinquante ans de
l'Union des artistes. Le temps n'est-il pas venu de reconnaître les
artistes québécois? Le temps n'est-il pas venu, pour
l'Assemblée nationale, de reconnaître unanimement leur travail? Si
les Ontariens se réjouissent que le Québec soit présent
afin d'éviter l'américanisation de leur culture, à plus
forte raison devons-nous sans cesse nous occuper de nos artistes afin de sauver
notre culture. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Arthabaska. M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: Mme la Présidente, je pense qu'on a en effet
l'occasion aujourd'hui, comme parlementaires, de s'exprimer sur un projet de
loi important, un projet de loi majeur qui, dans la courte histoire de
l'Assemblée nationale du Québec, s'inscrira sûrement comme
une démarche positive pour un groupe qui a toujours
représenté et véhiculé beaucoup d'aspects
intéressants pour la société québécoise, les
artistes québécois.
Le projet de loi 90 sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma est
un projet qui vise essentiellement à reconnaître à
l'artiste un statut de travailleur autonome. Je pense qu'on n'a pas besoin
d'expliciter longtemps combien ces gens étaient soucieux, conscients
qu'il serait plus facile pour eux d'évoluer dans la
société québécoise avec un statut de travailleur
autonome, statut longuement renvendiqué, sous diverses formes, traduit
dans un projet de loi qui reconnaît également à l'artiste
un droit d'association et établit un régime de négociation
d'ententes collectives permettant à une association d'artistes de
négocier en leur nom des conditions minimales de travail dans un secteur
d'activité spécifique.
Sur chacun des aspects, je pense que la ministre des Affaires
culturelles a eu l'occasion d'expliquer, puisque nous sommes à
l'étape de l'adoption du principe du projet de loi, les
différents éléments que contiendra le projet de loi pour
donner suite à une demande qui a été longuement
communiquée, exprimée par les différents
intéressés.
Je pense qu'il a été mentionné par plusieurs que
c'est un projet de loi qui, à prime abord, a semblé plaire au
monde artistique et qui ne devrait pas présenter de difficulté
quant au voeu de certains parlementaires pour que ce soit un projet de loi
adopté par l'ensemble des parlementaires, ce qu'on appelle
communément l'unanimité. Cependant, on ne peut pas parler d'un
projet de loi comme celui-là sans prendre quelques minutes pour
souligner certains aspects qui devront être, à tout le moins
clarifiés, à tout le moins précisés davantage. Et,
dans certains cas, il y aura même lieu d'envisager certains amendements
qui permettront d'offrir une meilleure sécurité au monde
artistique.
Cela doit être vrai puisque j'avais l'occasion, pas plus tard que
lundi, de rencontrer la directrice générale du Conseil de la
culture de l'Abitibi-Témiscamingue et des intervenants culturels qui
avaient la conviction qu'ils devaient attirer notre attention sur certains
aspects sur lesquels il y a lieu d'attirer l'attention de la ministre des
Affaires culturelles. Il y a beaucoup de points qui demeurent, comme je l'ai
mentionné tantôt, pour le moins imprécis, et c'est un peu
étonnant qu'on n'ait pas entendu, entre autres, le ministre du Revenu
s'exprimer un peu plus longuement sur le fameux projet de loi 90 pour
préciser certains aspects.
Je voudrais juste en illustrer quelques-uns, tout le volet de la
sécurité sociale, par exemple. Bon nombre de revendications des
représentants des artistes, lors de la commission sur le statut de
l'artiste, ont porté sur leur admissibilité à
l'assurance-chômage, au Régime de rentes du Québec, et au
régime de santé et de sécurité au travail. Ce sont
des questions plus importantes que l'aspect théorique du statut, et
là faire une espèce d'ode à la ministre ou au gouvernement
en leur disant: Enfin, on a le statut. Sauf que, dans le vécu concret
pour ces gens, on ne sait pas exactement comment cela peut se traduire et
jusqu'à quel point on aurait comblé les attentes de ces gens. Je
vais revenir sur des aspects très particuliers.
Quel est l'état des négociations entreprises par la
ministre avec le gouvernement fédéral concernant la participation
des artistes à l'assurance-chômage? Qu'en est-il du dossier du
régime de retraite des artistes à la Régie des rentes du
Québec? Quel est le résultat des interventions de la ministre
auprès de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail? Ce sont de petits exemples très
courts, très succincts, pour dire que, lorsqu'on doit adopter le
principe d'un projet de loi, il est également important de s'interroger
sur des aspects qui débordent uniquement un des éléments
majeurs, importants - je le reconnais - du projet de loi qui était une
reconnaissance juridique d'un statut. Cela a une signification, dans la vie
d'aujourd'hui, pour que des gens puissent fonctionner avec un statut.
Il y a également tout le volet de la formation qui n'est pas
tellement clair. Il y a tout le volet des régions du Québec, de
la couverture régionale et de la couverture de ce que j'appellerais les
gens qui n'ont pas cette caractéristique d'évoluer sur de grandes
scènes. Le projet de loi que nous étudions, le projet de loi 90,
ne concerne que les artistes de la scène, du disque et du cinéma.
Tout le volet des arts visuels est absent. (16 h 10)
Même si le projet de loi concerne les artistes de la scène,
du disque et du cinéma, encore faut-il que ces artistes aient l'occasion
de se produire davantage, d'aller se produire dans les régions du
Québec. Ce n'est sûrement pas avec les coupures auxquelles on
assiste dans le domaine culturel, un affaiblissement général de
l'ensemble des programmes subventionnés, qu'on peut avoir cette
sécurité que les artistes auront plus de possibilités de
s'exprimer parce qu'il y aura de plus en plus de spectacles, de plus en plus
d'animation culturelle dans les milieux, de plus en plus de vécu
culturel. Ce n'est pas ce que les intervenants de la région me
disaient.
Donc, il faudra des moyens financiers accrus pour les organismes qui
embauchent les artistes afin que la loi donne les résultats attendus.
Des crédits neufs devront être débloqués pour passer
de la théorie à la pratique. Des mesures fiscales
particulières sont encore à définir pour permettre aux
artistes de toutes les disciplines artistiques d'améliorer leurs
conditions de travail et leur niveau socio-économique. Les bourses de
soutien à la création sont encore imposables et cela limite
grandement leur efficacité comme aide ponctuelle à l'artiste.
Je pourrais donner des exemples d'artistes qui sont venus me rencontrer.
Si j'appliquais cela, en Abitibi-Témiscamingue, à
différents programmes culturels, en regardant, par exemple,
l'élément soutien aux artistes professionnels, je lis ici:
Subvention de 12 000 $ à Jacques Baril, Saint-Laurent-de-Gallichan, pour
l'utilisation de telle chose. La bourse relève d'un programme qu'on
appelle le soutien à la création et elle est imposée de la
moitié. Je suis donc obligé, dans un projet de loi comme
celui-là, d'atténuer l'espèce d'ode, l'espèce
d'hommage un peu artificiel qui dit: Enfin, voilà! c'est extraordinaire!
Le ciel est bleu, tout est beau, tout est bon. Ce n'est pas tout à fait
cela pour les artistes actuellement, parce qu'il y a encore trop
d'éléments non définis dans le projet de loi de la
ministre des Affaires culturelles qui ne permettent pas d'être aussi
élogieux qu'on souhaiterait l'être.
Toujours dans la même veine, il est également
impérieux, dès le prochain budget,
d'aller chercher des crédits neufs, récurrents, pas des
crédits sporadiques, temporaires, cela va dépendre de... La
ministre, une année, peut penser que, oui, elle donne un petit coup de
pouce dans tel secteur, mais elle n'a pas l'intention de systématiser ou
de rendre récurrents, permanents des programmes culturels qui
sécuriseraient le monde artistique. On ne peut pas demeurer silencieux
sur cette fameuse promesse de nos amis libéraux qui avaient un "mosus"
de beau discours durant la campagne électorale, disant: À tout le
moins, il faut viser, à l'intérieur de notre mandat, un objectif
de 1 % du budget global de l'État. Je ne sais pas si vous êtes au
courant, mais dans les papiers du ministère et dans les papiers de tous
ceux qui ont regardé cela on est loin du 1 % prévu, c'est
à peu près 0,66 %.
En conséquence, il serait important, dès maintenant, que
la ministre des Affaires culturelles soit consciente de faire dans sa revue de
programmes, comme c'est le temps à ce moment-ci, les
représentations requises pour s'assurer du soutien aux activités
culturelles, du soutien aux différents programmes culturels dans les
interventions dans les régions, que ce soit dans les arts visuels, les
arts graphiques, les activités de danse, de musique, de
bibliothèque. Il s'agit de s'assurer que ces activités soient
véritablement soutenues pour permettre que l'ensemble des artistes voie
l'avenir culturel global avec plus de confiance, plus de sécurité
et, en conséquence, qu'on soit plus en mesure de légitimer des
mesures fiscales appropriées qui tiendraient compte des
différentes lacunes qui demeurent dans le projet de loi.
Je donne un autre exemple: Quand la ministre récemment - il me
semble qu'on ne peut pas ne pas le souligner - s'adressait aux intervenants
pour leur communiquer la nouvelle approche concernant son fameux fonds d'appui
au financement avec une date limite qui, finalement, n'en était pas une,
avec des mots équivoques, une somme pouvant équivaloir à
celle obtenue du secteur privé. Dans d'autres documents, c'était:
Oui, on va "pairer" dollar pour dollar; ne soyez pas inquiets; faites les
efforts d'aller solliciter le secteur privé pour aller quérir des
sommes d'argent; moi, je m'engage à les "pairer" dollar pour dollar avec
la part du secteur privé.
Pourtant, dans les faits, ce n'est pas du tout ce qui est arrivé.
Récemment, la Conférence des conseils régionaux de la
culture écrivait à Mme la ministre pour lui dire: Entre les
belles paroles et même des écrits, il y a passablement
d'écart et nous sommes inquiets si c'est la voie pour les prochaines
années dans le domaine culturel, dans le domaine des arts. Dans le
projet de loi 90, quand on l'examine, c'est de certaines considérations
comme celles-là dont on doit s'inquiéter, parce que la loi sur le
statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la
scène, du disque et du cinéma reconnaît le statut de
professionnel au travailleur autonome, à l'artiste et aux associations
d'artistes.
La loi répond principalement aux attentes de l'Union des
artistes; j'en suis. J'ai eu l'occasion comme d'autres de prendre connaissance
des déclarations de M. Turgeon, le président de l'UDA, que je
respecte beaucoup. M. Turgeon s'est battu pour un dossier auquel il croyait, et
avec raison. Il est important de conférer un statut définitif
à ces gens-là, mais en dehors de l'Union des artistes, il y a
d'autres artistes, que je sache, il y a d'autres intervenants culturels qui ont
également des préoccupations et il est important d'avoir des
préoccupations pour ces gens-là.
La définition de l'artiste en tant que personne physique comporte
certaines ambiguïtés et inclut le créateur et
l'interprète dans les domaines visés par la loi. On peut se
demander - je pense que c'est opportun de le faire lors de l'adoption du
principe d'un projet de loi - qui est le créateur dans le domaine du
théâtre ou de la musique. Est-ce le dramaturge ou le compositeur?
Les artistes interprètes et créateurs ainsi que les domaines
visés concernent donc plusieurs associations qui devront répondre
aux besoins de leurs membres. On doit s'attendre à l'éclatement
de conflits entre les différentes associations; par exemple,
l'Association des danseurs professionnels versus l'Union des artistes. Ce n'est
pas toujours l'union parfaite. Ce n'est pas toujours l'harmonie par
excellence.
Il va de soi qu'une multitude d'associations auront à mieux se
définir. Les membres devront choisir l'association qui répond
adéquatement à leurs besoins. L'établissement des
conditions d'admissibilité fondées sur des exigences de
qualification professionnelle propres aux artistes sera-t-il conforme à
la pratique étendue de l'art? Je n'ai pas vu de précision
là-dessus dans le projet de loi 90. Pourtant, c'est une question
importante. Quelle sera la démarche de l'artiste pour se faire
reconnaître comme professionnel? Les règlements de régie
interne des associations seront-ils vraiment conformes à la loi quant au
mécanisme d'adhésion? Est-ce que l'association sera vraiment
représentative lorsque la loi entrera en vigueur?
Ces questions ont été soulevées par des gens
intéressés par ce que nous discutons. D'ailleurs, le
mémoire de la conférence présenté lors de la
commission parlementaire recommande que toutes les mesures devraient être
prises pour que le développement et le rayonnement de la vie artistique
ne comportent pas qu'une version montréalaise, mais s'attachent
plutôt à une identité
québécoise s'alimentant de toutes les disciplines et de
toutes les régions. Pensez-vous, Mme la Présidente, objectivement
et honnêtement, que le projet de loi 90 sur lequel nous faisons une
discussion aujourd'hui en Chambre comporte l'ensemble de la
sécurité ou toute la sécurité requise en regard des
aspects que je viens de souligner? (16 h 20)
La représentation des artistes en régions - il faut y
vivre dans les régions du Québec - est très
différente de celle des artistes de Montréal. Quelle est
l'incidence, heureuse ou non, pour les artistes dans les régions dans le
projet de loi 90? C'est sûr que le projet de loi 90 constitue un pas
important, majeur - on l'a dit, on va le répéter - et
l'Opposition va être d'accord avec le projet de loi 90 parce que, enfin,
c'est une bonne initiative. C'est un projet de loi qui donne suite à des
revendications constamment répétées, mais notre devoir et
notre responsabilité, c'est d'être critiques par rapport au projet
de loi 90 parce qu'il reste encore énormément
d'éléments non définis, imprécis, qui ne permettent
pas, je pense, d'avoir un lot d'éloges sans vivre un bout de temps avec
les règlements, les modalités concrètes d'application du
projet de loi 90.
Le gouvernement prévoit-il accorder un statut fiscal particulier
aux artistes? Vous êtes certaine, madame, que c'est une question majeure
et importante et j'ai voulu l'illustrer très sommairement. Si on n'a pas
cette préoccupation d'avoir un statut fiscal -et là je ne veux
pas parler de régime fiscal particulier mais avoir cette
préoccupation de fouiller et de creuser tout le volet de la
fiscalité pour les artistes - on risque de ne pas être
véritablement plus avancés qu'auparavant.
D'ailleurs, plusieurs faits démontrent que le ministère du
Revenu devrait reconnaître aux artistes leur juste part dans le domaine
de la culture. Cela a été largement démontré. Tout
le monde reconnaît... Il y a eu une multitude d'études. J'en ai
une ici sous la main, étude de certaines dimensions économiques
des activités à caractère culturel. J'ai l'étude
concernant le cas de l'Orchestre symphonique de Montréal, du
Musée des beaux-arts, mais on pourrait faire exactement aussi le
même type d'études pour des activités culturelles
d'envergure dans certaines régions du Québec.
Par exemple, j'aimerais disposer aujourd'hui de l'impact du Festival
international du cinéma à Rouyn-Noranda sur la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. On l'aura probablement à un moment
donné en termes d'impact, mais je suis convaincu que l'industrie
culturelle a toujours contribué énormément, en termes
d'apport de fonds publics dans le Fonds consolidé du Québec et,
en conséquence, le ministère du Revenu et le gouvernement du
Québec devraient être très soucieux d'essayer de retourner
le plus possible aux artistes qui contribuent beaucoup au développement
économique du Québec. Je suis convaincu que c'est dans ce
sens-là que la ministre des Affaires culturelles bâtira son
argumentation pour enfin, dès l'an prochain, je l'espère, avoir
à octroyer au moins 1 % du budget du Québec aux activités
culturelles.
Comme il ne me reste pas beaucoup de temps, je veux conclure sur le
projet de loi 90 en disant que nous sommes heureux que le gouvernement du
Québec ait pu donner suite à une demande longuement
exprimée du milieu artistique sur la nécessité d'avoir un
projet de loi qui consacre d'une façon beaucoup plus précise et
plus légale, si vous me permettez l'expression, le statut de
l'artiste.
Quant à nous, il sera intéressant de voir l'influence de
la loi et des modalités d'application sur les programmes et les
organismes subventionnés ainsi que sur les budgets accordés.
C'est dans ce sens-là qu'on pourra véritablement évaluer
et mesurer la volonté réelle de ce gouvernement d'avoir un souci
constant pour l'industrie culturelle, l'industrie du spectacle, l'industrie des
affaires culturelles dans l'ensemble du Québec et également cette
préoccupation d'avoir des retombées aussi pour les artistes des
régions du Québec. C'est dans ce sens-là que je voulais
apporter ma modeste contribution en soulignant quand même qu'il s'agit
pour nous d'un projet de loi significatif pour le monde artistique et que nous
sommes d'accord avec ce projet de loi.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Charles Messier
M. Messier: Mme la vice-première ministre, chers
collègues, je suis fort aise aujourd'hui de parler sur le projet de loi
90 ayant pour objet la Loi sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Ce
projet de loi reconnaît le statut professionnel des créateurs et
interprètes de la scène, du disque et du cinéma, notamment
aux fins de négociation de leurs conditions d'engagement.
Ce projet de loi reconnaît aussi un statut de travailleur autonome
à tous les artistes visés qui agissent à leur propre
compte et précise aussi les modalités d'interprétation. De
plus, ce projet de loi propose un mode de reconnaissance des associations
professionnelles d'artistes aux fins de négociation d'ententes
collectives avec les producteurs et précise la procédure, les
conditions, les modalités et les effets de
la reconnaissance de ces associations professionnelles d'artistes.
Nous proposons un régime de négociation collective et la
définition des obligations, de la procédure et des
modalités de négociation d'ententes collectives, tout en incluant
les règles de médiation, d'arbitrage et de respect des
ententes.
Tous ces nouveaux mécanismes, Mme la Présidente, comme le
mentionnait Mme la vice-première ministre ce matin, sont une
première, car, de l'avis même de M. Serge Turgeon,
président de l'Union des artistes, l'action gouvernementale est
historique. Il va sans dire que le projet de loi ne pourra pas régler
d'une manière définitive toutes les appréhensions du monde
artistique, mais, à tout le moins, on reconnaît une base minimale,
mais fort importante, base essentielle sans laquelle ces femmes et ces hommes
qui consacrent leur vie, le meilleur d'eux-mêmes à la vie
artistique ne pourraient négocier des ententes en vue de leur assurer
une certaine sécurité financière.
Force nous est de constater que, sans le dépôt du projet de
loi par Mme la vice-première ministre, rien de tout cela ne serait
possible car ce projet de loi sera une grande réalisation du
gouvernement libéral.
Au tout début de mon allocution, je disais que j'étais
fort aise de parler sur la reconnaissance du statut de l'artiste, car dans le
comté de Saint-Hyacinthe, on retrouve un des deux collèges
d'enseignement d'option théâtre. Saint-Hyacinthe représente
pour les producteurs une école de grand calibre. Déjà,
plusieurs étudiants et étudiantes de notre cégep
connaissent pertinemment des heures de gloire. J'aimerais parler de Mireille
Deyglun, Yves Jacques, Johanne Garneau, Sylvie Léonard et j'en
passe.
Plusieurs étudiants d'option théâtre travaillent de
façon régulière. Selon mes sources, en appelant à
l'option théâtre aujourd'hui même, plus de 80 % des
étudiants finissants de l'option théâtre de Saint-Hyacinthe
travaillent de façon active et gagnent leur vie décemment et
honorablement. Depuis l'ouverture du cégep, ce sont plus de 216
finissants qui oeuvrent de par le monde dans leur champ d'activité. Ils
travaillent à la télévision ou au théâtre.
Les cégepiens de Saint-Hyacinthe sont très bien cotés.
Je dois rendre un hommage particulier aux professeurs de notre
cégep qui sont Yvan Ponton, Jean Dalmain, Jacques Rossi, Jacques
Létourneau, Alain Fournier, Suzanne Marier. Ils ont tous la
caractéristique d'être professeurs, mais aussi d'être actifs
dans leur champ de spécialisation. Cela, c'est vraiment une
particularité propre au cégep de Saint-Hyacinthe.
Vous comprendrez donc que je suis fier d'avoir dans mon comté un
cégep aussi dynamique et performant que celui de Saint-Hyacinthe,
d'autant plus fier que, chaque année, j'ai le bonheur et la chance de
voir les quatre pièces que les étudiants font et qu'ils
présentent. Ils jouent du Molière, du Racine, du Tremblay. Ils
jouent admirablement bien leurs rôles. Cela vaut vraiment la peine
d'aller voir chaque semaine les pièces que les élèves
montent avec les producteurs, les professeurs du cégep de
Saint-Hyacinthe.
Ces futurs artistes, cette relève de la scène pourront
dorénavant travailler avec un statut qui leur est propre avec des
conditions d'emploi essentielles, avec une reconnaissance
d'équité et de justice à leur égard.
Mme la Présidente, cette brève allocution sur le projet de
loi 90 est inversement proportionnelle à l'importance que j'accorde aux
artistes de chez nous. C'est donc avec joie que je félicite Mme la
vice-première ministre de sa persévérance et son sens de
l'équité. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Hyacinthe. En réplique, Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: Merci, Mme la Présidente. On a entendu du
côté de l'Opposition aujourd'hui des discours qui étaient,
pour eux, assez difficiles à faire parce qu'ils ne voulaient
évidemment pas envoyer des fleurs au ministre. Cela ne se fait pas quand
on est dans l'Opposition. Ils ont sorti tous les dossiers possibles et
impossibles qui touchent à la culture. Je suis très heureuse de
l'intérêt que porte l'Opposition aux dossiers culturels puisqu'on
a débordé en fait dans l'ensemble des dossiers culturels au
Québec. (16 h 30)
Mais il y a quand même des questions. Je m'interroge, Mme la
Présidente, à savoir ce que l'ancien gouvernement avait fait de
ce fameux dossier qui était sur le bureau du ministre avant
l'élection de 1985. On n'avait jamais posé un geste pour faire
quoi que ce soit avec ce dossier, qui était prêt, qui avait
été préparé et qui était prêt. Rien de
fait par ce gouvernement qui a été là pendant neuf
ans.
On est allé jusqu'à parler du fonds d'appui. On s'est
promené, quant au 1 % de fonds d'appui, du dossier des arts visuels, en
fait, à la danse. On s'est promené dans tous les dossiers
culturels. Je dirai peut-être seulement un mot du fonds d'appui. Le fonds
d'appariement, lorsque l'ancien gouvernement était au pouvoir,
était d'environ 500 000 $ et il était remis au milieu culturel
suivant la discrétion et le bon gré du ministre. Peut-être
que c'est un signe de l'ancien gouvernement. Quant à nous, nous avons
remis 4 000 000 $ au milieu culturel. C'est vrai qu'on n'a pas pu donner 1 $
pour 1 $,
puisque nous avions au-delà de 12 000 000 de demandes et qu'avec
un budget de 4 000 000 $ il faut quand même donner un peu moins. Mais
nous avons voulu donner à l'ensemble des organismes culturels qui nous
en ont demandé. Donc, sans discrétion de la part du ministre, on
a donné à l'ensemble qui a visé, à ce
moment-là, non seulement ceux qui sont déjà
établis, mais aussi la relève.
Je pense qu'en ce qui a trait à l'équité, Mme la
Présidente, là-dessus non plus on n'a pas de leçon
à recevoir de l'Opposition. Il y a eu certaines questions qui ont
été soulevées par l'Opposition aujourd'hui. On nous a
même demandé pourquoi on a attendu si longtemps avant de former un
comité sur le statut fiscal des artistes avec le ministère du
Revenu. Nous avons été les premiers à offrir aux artistes
une commission parlementaire sur le statut de l'artiste. Dès mai 1986,
les 45 mémoires des individus ou des organismes qui étaient
déposés ont fait l'objet de synthèses transmises aux
différents ministères concernés, dont le Revenu, les
Finances et d'autres, et dès lors une étude sur les
différentes questions fiscales a été entreprise. Le
ministère des Affaires culturelles a travaillé avec les gens du
Revenu et des Finances à établir des critères de
professionnalisme des artistes et ce, en accord avec les associations
d'artistes et aussi avec les différents créateurs, les secteurs
qui étaient là. Le dernier comité de travail
annoncé dernièrement par mon collègue, le ministre du
Revenu, ajoute à cette démarche qui était
déjà entreprise depuis 1986. Ce n'est pas le premier
comité que nous formons, c'est tout simplement un ajout à ce qui
existe déjà.
On a parlé de la santé et la sécurité du
travail des danseurs. C'est un problème qui existe depuis bien longtemps
et peut-être que si l'ancien gouvernement avait voulu le régler -
il avait neuf ans pour le faire et ça n'a pas été fait par
eux... Mais, durant l'hiver 1985-1986, ce dossier a débloqué. La
CSST et le Regroupement des professionnels de la danse du Québec forment
un groupe de travail pour résoudre cette question. Je suis très
heureuse de dire que ce dossier chemine très bien et que j'attends le
rapport très bientôt.
Quant à la fiscalité fédérale, Mme la
Présidente, on n'attend pas la réforme pour travailler à
notre propre fiscalité québécoise. Le Québec est
présent dans ce dossier: d'abord, par le ministre des Finances du
Québec qui siège à ces comités; par l'entremise
aussi du comité intergouvernemental sur le statut de l'artiste et du
créateur, dont le Québec est coprésident, et par le canal
de discussions entre le ministère et les associations professionnelles
comme la Conférence canadienne des arts.
On a même parlé d'inquiétude quant aux artistes dans
les régions. La Loi sur le statut de l'artiste s'applique à
toutes les régions. D'ailleurs, les associations d'artistes reconnues
sont nationales et la loi prévoit même que les personnes non
membres d'associations bénéficient des conditions de travail
minimales négociées par celles-ci. Quand on adopte une loi en
cette Chambre, ce n'est pas pour une ville. Cette loi est adoptée pour
l'ensemble des régions du Québec et pour tous les artistes
québécois.
On nous demande: Qu'arrivera-t-il si aucun organisme ne reçoit de
reconnaissance? Je pense que, d'abord, c'est tout à fait
hypothétique dans les circonstances actuelles et, si une telle
éventualité survenait, il appartiendrait aux membres visés
de se rendre majoritaires en se regroupant. Le rôle de la commission de
reconnaissance favorisera d'ailleurs le regroupement des membres pour former
une association majoritaire en reconnaissant des secteurs de
négociation.
Il est faux de prétendre que rien n'a été fait
quant aux rentes par rapport à la sécurité sociale. Depuis
la commission parlementaire de 1986, là aussi, un groupe de travail
entre le ministère des Affaires culturellles et le ministère de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a été
formé. Des solutions ont été étudiées par la
Régie des rentes du Québec. Le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu prendra une
décision en temps et lieu. Au fédéral, en tant que
coprésident du comité intergouvernemental sur le statut de
l'artiste, le ministère des Affaires culturellles a eu la
possibilité de faire ses représentations.
On n'a pas l'impression que l'Opposition a écouté ce que
j'ai dit dans mon discours de deuxième lecture. Nous avions dit, ce
matin, qu'on ne pouvait considérer agir par des lois dans des domaines
couverts par les lois de la radio et de la télédiffusion, par
exemple, qui sont de juridiction fédérale; donc, ce n'est pas
à nous d'agir maintenant. C'est pour un motif analogue que nous ne
pouvons que choisir une stratégie de revendication-- face à la
Loi sur le droit d'auteur. Nous avions dit aussi que le travail n'est pas
terminé. Je pense que c'était la responsabilité du
ministre des Affaires culturelles par le projet de loi 90 de mettre des balises
et de les présenter aux autres ministères concernés qui
ont été sensibilisés depuis le mois de mai 1986 et qui ont
travaillé, de concert avec les fonctionnaires du ministère des
Affaires culturellles, à préparer des dossiers qui rendront
justice à nos artistes et à nos créateurs.
Il y a d'autres défis qui nous attendent et je suis
assurée d'avoir la collaboration de mes collègues à ce
sujet. En priorité, nous devrons examiner en détail la situation
des artistes et des créateurs en arts visuels, en
littérature, en métiers d'art. Ces gens-là ne sont
pas touchés par la loi. D'ailleurs, dans la plupart des cas, chez ces
artistes, les contrats sont davantage des contrats de vente ou des contrats
d'entreprise dans lesquels la problématique du droit d'auteur est
prépondérante. Aussi, nous faut-il analyser ces problèmes
davantage en fonction d'un contexte juridique du droit commercial ou du droit
d'auteur qu'en fonction du droit du travail. Lors de l'élaboration de ce
projet de loi, nous avons rencontré, à plusieurs reprises, ces
artistes, ces créateurs qui ont convenu avec nous qu'ils avaient une
situation particulière, qu'il y avait aussi une difficulté de les
inclure dans cette loi et ils sont d'accord avec nous. Certains d'entre eux
travaillent déjà avec nous pour soumettre des propositions qui
les concernent et qui pourraient très bien faire l'objet d'un projet de
loi au printemps, en fait à la prochaine session.
En posant le geste que nous avons posé au nom du gouvernement,
j'endosse la priorité fixée dès le début de mon
mandat comme titulaire du ministère des Affaires culturellles, à
savoir d'être au service des milieux culturels pour comprendre et
travailler avec eux à reconnaître le statut professionnel de
l'artiste.
Conformément aux intentions que j'exprimais en conclusion des
travaux de la commission parlementaire sur le statut de l'artiste en mai 1986,
nous avons préparé ce projet de loi pour que toutes ces femmes et
ces hommes qui consacrent le meilleur d'eux-mêmes à la vie
artistique et à l'enrichissement culturel du Québec puissent
bénéficier de la reconnaissance que notre société a
le devoir de leur accorder tant au niveau institutionnel qu'au niveau
légal.
Un grand pas vient d'être posé. Même si, comme je
l'ai toujours affirmé, une loi ne peut répondre seule de toutes
les dimensions du statut socio-économique et juridique de l'ensemble des
artistes et des créateurs, le projet de loi que nous proposons entend
clarifier des aspects importants du problème vécu par un bon
nombre d'entre eux. Le projet de loi ne prétend pas non plus
régler, de manière définitive, ni complète, tout ce
qui recouvre la réalité d'un statut d'artiste; le voudrait-il
qu'il faudrait craindre pour la liberté même dont ont besoin les
artistes pour être ce qu'ils sont.
Deux ordres de problèmes sont pris en considération pour
les interprètes et créateurs de la scène, du disque et du
cinéma. Le projet de loi confère donc aux créateurs, aux
interprètes pratiquant leur art sur scène, sur disque ou au
cinéma un statut de travailleur autonome. La plupart des associations
professionnelles d'artistes et de créateurs dans les domaines
visés par le projet de loi ont fait état des difficultés
qu'elles avaient à faire reconnaître leur rôle d'agent
négociateur et aussi elles ont revendiqué du gouvernement cette
reconnaissance officielle, laquelle est octroyée par le projet de loi
90. (16 h 40)
Ce projet de loi s'adresse donc à certaines catégories
d'artistes, interprètes et créateurs, ou plus
précisément, à des artistes, dans certains rapports de
travail. Il vise à régulariser ces contextes, à clarifier
le lien contractuel, entre artistes et producteurs, en assurant l'autonomie
nécessaire à l'exercice de la profession. Par son objet
même, il ne couvre pas les rapports contractuels entre les
créateurs et leurs divers partenaires pour la diffusion de leur
production, telles que les maisons d'édition, encore une fois, les
galeries notamment, pour les créateurs en art visuel et en
métiers d'art. Dans ces secteurs, les contrats entre créateurs et
diffuseurs - et je reviens encore là-dessus - n'interviennent que sur
l'oeuvre finie. Ils sont davantage de nature commerciale. Par
conséquent, ils sont en dehors des champs des relations du travail.
Dès l'adoption du présent projet de loi, nous entendons explorer,
apporter des solutions appropriées aux problèmes
spécifiques des créateurs dans ces domaines. Ces gens ont
d'ailleurs été rencontrés à cette fin.
Le projet dispose du statut du travailleur autonome eu égard au
Code du travail. Il sert aux fins d'établissement des rapports
collectifs de travail, et non pas à clarifier le statut fiscal de
l'artiste, ce qui est l'objet de lois fiscales. Comme il est
préférable d'avoir recours à la solution ponctuelle que
constitue la clarification ou l'amendement des lois fiscales pertinentes, j'ai
entrepris - comme je le disais tout à l'heure - des pourparlers avec les
ministres responsables, pour que les ajustements qui s'imposent soient
apportés dans une perspective d'équité et de justice.
Permettez-moi de conclure en disant que ce projet de loi, qui est une
première au Québec et au Canada, marque certainement un tournant,
un tournant décisif dans les rapports entre l'État et les
artistes et créateurs, un tournant décisif dans l'engagement de
l'État face aux créateurs, face à celles et ceux qui
reflètent et créent l'imaginaire d'une société. M.
le Président, j'ai pris bonne note des commentaires des
députés des deux côtés de la Chambre. Je dois
remercier mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, de
leur apport dans ce dossier. Ils ont vraiment cerné tous les domaines
qui sont couverts dans le dossier du projet de loi 90, tout en étant
certains que c'est un premier pas qu'on doit franchir, qui sera suivi par
d'autres.
Je suis heureuse de cet appui unanime que je reçois. Je dois dire
"notre" projet de loi est vraiment accepté par l'ensemble de la
députation. Nous entendrons en commission parlementaire un
certain nombre d'organismes qui représentent artistes, producteurs
particulièrement touchés par le projet de loi ou encore
susceptibles de l'être. D'autres organismes qui, faute de temps, n'ont pu
être entendus, nous ont fait parvenir leur mémoire ou ont
communiqué verbalement avec des représentants du ministère
pour exprimer leur position. Je tiens à leur dire que j'apprécie
leur intérêt pour le projet de loi. J'entends saisir la commission
de la culture des questions qui ont été soulevées dans ces
communications que nous avons eues avec eux. J'ai bon espoir, M. le
Président, avec le concours des deux côtés de la Chambre,
que nous pourrons offrir bientôt aux artistes et aux créateurs, le
statut qui leur revient. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Prédisent: Le débat étant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 90, Loi sur le
statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la
scène, du disque et du cinéma, présentée par Mme la
ministre des Affaires culturelles, est adoptée?
M. Gendron: Adopté.
M. Lefebvre: M. le Président. Je fais motion pour reporter
le vote à demain, après les affaires courantes.
Le Vice-Prédisent: Vous demandez donc un vote
enregistré?
M. Lefebvre: Oui.
Le Vice-Prédisent: Très bien. Vote
enregistré et vote reporté à demain à la
période des affaires courantes. L'article suivant du feuilleton, M. le
leader.
M. Lefebvre: Article 23, M. le Président.
Projet de loi 82
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Prédisent: À l'article 23 du feuilleton.
Nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du
principe du projet de loi 82, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité
municipale et la Loi concernant les droits sur les divertissements en
matière de taxes municipales, présentée par le ministre
des Affaires municipales. À l'ajournement du débat, la parole
était... M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Je désirerais vous informer de l'entente
intervenue avec l'Opposition, à savoir que le débat sur le projet
de loi 82, quant à la séance d'aujourd'hui, se limitera à
l'intervention du député de Gouin. Quant à la
réplique du ministre, on s'est entendu avec l'Opposition pour que cette
réplique soit reportée à plus tard et je vous demanderais
d'en faire un ordre la Chambre.
Le Vice-Prédisent: Très bien. M. le leader de
l'Opposition.
M. Gendron: Je suis d'accord, mais l'ordre ne sera pas tout
à fait cela. Autant que possible, on va continuer à se parler,
cela va bien. On ne doit pas en faire un ordre de la Chambre, parce que ce
n'est pas tout à fait cela.
M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse, on m'indique
qu'il y aurait eu un changement depuis les instructions qu'on m'avait
données. Je reviendrai tout à l'heure avec autre chose.
Le Vice-Président: Très bien. De toute
façon, à l'article 23, à ce moment-ci, je vais
reconnaître M. le député de Gouin comme seul intervenant
pour cet après-midi. Sur l'adoption du principe du projet de loi 82, je
cède la parole à M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président. Je
désire utiliser les 20 minutes qui me sont accordées pour prendre
la parole sur le projet de loi 82, qui est un projet de loi extrêmement
important pour les citoyens de la ville de Montréal. C'est
évident que ce projet de loi contient des dispositions importantes pour
les citoyens de l'ensemble du Québec, mais il contient des dispositions
particulièrement importantes qui méritent d'être
étudiées par cette Assemblée concernant les citoyens de la
ville de Montréal.
Je ferai un premier commentaire en indiquant que l'attitude qu'a eue le
ministre des Affaires municipales dans le dossier qui nous occupe aujourd'hui
illustre que ce ministre des Affaires municipales, comme beaucoup d'autres de
ses prédécesseurs, se sent visiblement mal à l'aise quand
vient le temps d'aborder une question qui concerne particulièrement les
intérêts des Montréalais et des Montréalaises. On a
le sentiment que les ministres des Affaires municipales sont agacés
à tout bout de champ quand vient le temps de se pencher sur une
situation précise propre à la dynamique municipale
montréalaise. On sait que les ministres des Affaires municipales - ils
l'ont prouvé par le passé et celui qui occupe le poste
actuelle-
ment l'illustre éloquemment - aiment bien faire des lois qui
s'appliquent partout en même temps, de la même façon et qui,
le moins souvent possible, reconnaissent qu'il y a des municipalités
différentes les unes des autres, pour essayer d'éviter, comme ils
le souhaitent régulièrement, de faire en sorte, disent-ils, qu'il
y ait différents régimes juridiques qui concernent les
différentes municipalités du Québec.
M. le Président, je pense qu'il s'agit là d'une erreur
importante puisque Montréal est la seule ville au Québec qui
comprend 1 000 000 d'habitants. Il faut savoir que, dans la seule ville de
Montréal, on retrouve un Québécois sur six et que la
présence d'une ville de cette importance crée une grande
agglomération urbaine qui fait en sorte qu'on y retrouve un
Québécois sur deux et qu'on ne peut imaginer que les
problèmes qu'on rencontre à Montréal sont des
problèmes similaires, identiques à ceux qu'on retrouve dans les
autres villes du Québec.
En conséquence, M. le Président, je pense qu'il faudrait
que les ministres des Affaires municipales et, puisqu'il faut s'adresser
à celui qui occupe les fonctions actuellement, que ce ministre des
Affaires municipales accepte de reconnaître que Montréal est
différente et que Montréal justifie, commande dans certains cas -
pas dans tous les cas - que le gouvernement ait une attitude ouverte de
disponibilité pour faire en sorte qu'il y ait des dispositions
particulières dans les différentes lois du Québec pour
permettre à Montréal de vivre comme une ville de 1 000 000
d'habitants, comme une métropole internationale.
En ce sens, M. le Président, je pense qu'il faut que le ministre
des Affaires municipales reconnaisse de plus en plus, et rapidement, chaque
fois que des problèmes propres à Montréal se
présentent, qu'ils sont propres à Montréal et qu'ils
peuvent amplement justifier des dispositions particulières dans
certaines lois pour faire en sorte que les Montréalais puissent, eux
aussi, avoir des lois conformes aux problèmes qu'ils vivent et aux
solutions qu'ils ont déjà élaborées tous ensemble
au sujet des problématiques municipales.
M. le Président, l'aspect qui m'intéresse
particulièrement dans le projet de loi 82 est celui concernant les taxes
municipales plus directement reliées au problème touchant
l'évaluation foncière, que nous connaissons à
Montréal depuis déjà deux ans. On dit souvent, pour les
téléspectateurs de Radio-Canada, qu'il y a une émission
à telle heure, et une heure plus tard dans les Maritimes. Vous me
permettrez de constater avec beaucoup de dépit que, dans le dossier qui
nous occupe, le ministre des Affaires municipales, c'est un an plus tard qu'il
a décidé d'agir et de présenter le projet de loi 82.
(16 h 50)
Je dis un an plus tard parce qu'il faut savoir que l'an dernier, donc
à la même époque, c'est-à-dire vers novembre ou
décembre 1986, les citoyens et les citoyennes de la ville de
Montréal, dans bon nombre de cas, se sont retrouvés en face de
comptes de taxes qui avaient augmenté de 20 %, 30 %, 40 %, 50 %. J'ai
même vu personnellement, dans ma circonscription électorale, des
citoyens qui m'arrivaient avec des comptes de taxes augmentés de 100 %,
compte tenu de l'augmentation faramineuse de l'évaluation
foncière de leur immeuble due, on le sait, à l'effervescence qu'a
connue le secteur immobilier dans la grande région de Montréal au
cours des dernières années. Cela a eu pour effet que des gens ont
dû payer - je fais allusion aux propriétaires comme aux locataires
- des sommes astronomiques de comptes de taxes municipales parce que leur
évaluation avait augmenté de façon très importante.
Cela a fait en sorte que nombre de propriétaires ont dû se serrer
la ceinture pour faire face à leurs obligations de propriétaires,
parce que, évidemment, il faut payer nos taxes lorsqu'on est
propriétaire d'une maison. Mais, aussi, ils ont dû reporter sur
les locataires, qui sont souvent des citoyens démunis, qui n'ont que le
strict minimum pour faire face à leurs obligations de citoyens, ils ont
dû reporter sur le dos de leurs locataires qui, je le
répète, sont souvent des citoyens largement démunis, les
augmentations de taxes municipales qu'ils avaient subies.
M. le Président, c'est un peu comme ce qu'on a vécu
à la Bourse cette année, soit une augmentation de la richesse
théorique, artificielle. On leur apprenait que leur maison tout à
coup, à partir de ce qu'on avait observé dans le fonctionnement
du marché dans le quartier environnant, avait vu sa valeur
s'accroître de 40 %, 50 %, 60 % sur le marché, sans que ces
gens-là se soient enrichis pour autant avec la valeur de leur maison,
sans que ces citoyens-là n'aient vu augmenter leurs revenus ou leur
salaire ou d'autres revenus d'autant. C'est un peu comme ce qu'on a connu dans
le domaine de la Bourse ces derniers mois, une augmentation de la richesse un
peu théorique, un peu artificielle et qui, en plus, avait comme
caractéristique que, dans le monde immobilier, cela ne baisse à
peu près jamais. Or, une fois l'augmentation rendue au niveau de
l'ampleur où c'était rendu, avec des augmentations de 20 %, 30 %,
40 % et même 100 % dans certains cas, l'augmentation, elle, ne
redescendrait pas dans les années qui suivraient.
Donc, cela a causé un émoi fort important et fort
justifié dans la ville de Montréal l'année
dernière. Le ministre des Affaires municipales, responsable de
l'encadrement législatif des municipalités du
Québec, responsable de la Loi sur la fiscalité municipale
du Québec, a laissé aller cette situation. Il nous a dit au
début: Écoutez, je vais y penser, on va étudier la
question. Finalement, on a vu qu'il essayait de poser des gestes pour gagner du
temps. Il s'est laissé tirer l'oreille mais, pendant ce temps-là,
pendant que le ministre tergiversait, hésitait, refusait de
reconnaître que Montréal vivait une situation particulière,
pendant qu'il refusait d'envisager des amendements législatifs à
la Loi sur la fiscalité municipale pour les Montréalais et les
Montréalaises, pendant tout ce temps, les Montréalais et les
Montréalaises payaient des comptes de taxes très
élevés, des comptes qui avaient connu des augmentations
substantielles et, je le répète, sans qu'eux, comme citoyens,
aient vu leurs revenus augmenter dans les mêmes proportions.
Finalement, on a assisté à tout un
chassé-croisé qui a amené le ministre des Affaires
municipales à déclarer que - je me rappelle que c'était
notamment en réponse à des questions du député de
Jonquière et d'autres députés de l'Opposition - si
Montréal ne veut pas que ses comptes de taxes soient de ce niveau, elle
n'a qu'à diminuer le quantum de taxes par 100 $ d'évaluation;
cela fera en sorte que les taxes seront moins élevées. Il est
même allé jusqu'à presque imputer la responsabilité
de ces augmentations de taxes faramineuses de la ville de Montréal aux
autorités nouvellement élues de la ville de Montréal en
novembre 1986.
Cela fait en sorte qu'on retrouve non pas une heure plus tard dans les
Maritimes, mais un an plus tard à Québec, sur le bureau du
ministre des Affaires municipales une loi, après que les
Montréalais eurent payé des sommes inimaginables l'an dernier,
qu'ils eurent dû se serrer la ceinture, faire des sacrifices et imposer
des charges additionnelles à leurs locataires qui sont des citoyens
démunis.
Voilà qu'un an après, le ministre des Affaires municipales
se réveille tout à coup et nous arrive, en fin de session, avec
le projet de loi 82, qui arrive drôlement à temps, parce qu'on
vient de connaître encore une fois de nouvelles augmentations de taxes
importantes à Montréal à cause, encore une fois, du
même phénomène qu'est l'augmentation de l'évaluation
foncière. Et, Dieu soit loué que ce projet de loi ait au moins
été déposé au moment où des autorités
de la ville de Montréal ont présenté leur récent
budget, parce que déjà elles ont escompté que
l'Assemblée nationale du Québec adopterait ce projet de loi et,
donc, elles s'en sont déjà prévalues, elles en ont
déjà tenu compte dans l'élaboration du budget et, donc, du
niveau d'imposition des propriétaires de la ville de
Montréal.
Effectivement, je pense que la mesure comprise dans le projet de loi qui
est une mesure de plafonnement de l'augmentation de l'évaluation
municipale et, par conséquent, des conséquences sur
l'augmentation des taxes municipales à payer pour les citoyens de la
ville de Montréal, est une bonne mesure. C'est d'ailleurs une mesure qui
avait été demandée dès l'an dernier et qui avait
été refusée à l'époque par le ministre des
Affaires municipales et qui, je le répète, avait
été demandée par les autorités de la ville de
Montréal.
Si, aujourd'hui, il s'agit là d'une mesure positive et que nous
saisirons, que nous utiliserons, dont nous profiterons, les Montréalais
et les Montréalaises, je dois dire que si le ministre avait
déposé le même projet de loi l'an dernier, des citoyens
auraient payé des milliers et des milliers de dollars en moins en taxes
municipales pour faire en sorte que l'on équilibre mieux la
répartition des charges municipales à Montréal et qu'on
respecte donc un peu plus le rythme de capacité de payer des
propriétaires de Montréal et de faire en sorte aussi que ce
ministre, qui se vante dans une salle ici en bas où on étudie un
projet de loi sur l'habitation, d'être le champion des locataires, ce
prétendu champion des locataires aurait pu l'an dernier, par ce projet
de loi, faire en sorte que bon nombre des locataires de la ville de
Montréal connaissent des augmentations de loyer moins importantes, parce
que les propriétaires auraient connu des augmentations de taxes moins
importantes à partir de dispositions comme celles qu'on retrouve
aujourd'hui dans son projet de loi.
Finalement, oui on aura payé un an de trop à cause du
ministre des Affaires municipales, à cause de son
irresponsabilité et de son incapacité de se retourner de bord et
de reconnaître que Montréal justifie des mesures
particulières qui, d'ailleurs, dois-je le rappeler, seront utilisables
par toutes les grandes municipalités du Québec. Mais au moins,
reconnaissons que cette année on réussira à ne pas vivre
ces situations aussi durement et aussi lourdement que l'année
dernière, parce qu'il y aura ce projet de loi qui sera, je le souhaite,
adopté par l'Assemblée nationale avant l'ajournement de nos
travaux.
Cela dit, si je dis oui, même si ce projet de loi est un an en
retard, il faut reconnaître que le ministre n'est pas allé au bout
de la dynamique. Il n'est pas allé au bout de la dynamique de cette
situation très problématique que vivent et que subissent les
Montréalais et les Montréalaises et qu'en ce sens il n'a pas
donné suite aux autres demandes des autorités de la ville de
Montréal et aux autres demandes faites à l'occasion sur un
certain nombre d'entre elles, même par les unions de
municipalités.
On attend toujours que le ministre des
Affaires municipales reconnaisse formellement dans la loi la
possibilité pour les autorités municipales du Québec, donc
particulièrement pour Montréal, de pouvoir donner des
crédits d'impût aux payeurs de taxes foncières de
Montréal.
On attend aussi que le ministre des Affaires municipales reconnaisse
enfin et j'espère, j'ose imaginer que le ministre n'attendra pas encore
un an pour se réveiller parce que pendant que nous payons à
Montréal, nous souhaitons que le ministre donne suite à la
demande de taux de taxe variable qui a été faite par les
autorités de la ville de Montréal pour faire en sorte que
là aussi elles puissent mieux équilibrer, mieux partager la
charge fiscale, la participation au budget de la ville de Montréal entre
le secteur résidentiel et les secteurs commercial, industriel et
institutionnel.
Il s'agit là de mesures absolument essentielles dont une
municipalité moderne, de la taille de Montréal a besoin pour
faire face à ses responsabilités en matière
budgétaire et aussi pour faire face à ses responsabilités
en matière de fiscalité municipale devant ses propres concitoyens
et concitoyennes.
Je veux aussi rappeler qu'il est quand même particulier,
spécial, pour ne pas dire choquant, que le plus grand
bénéficiaire du projet de loi déposé un an en
retard par le ministre des Affaires municipales, ça va avec les
gouvernements parce que par le plafonnement de la taxe municipale le
gouvernement du Québec sauf erreur, M. le Président - je le dis
de mémoire - va économiser cette année, pour le budget qui
a été déposé il y a quelques semaines par les
autorités de la ville de Montréal, 16 500 000 $ en taxes
municipales sur les immeubles gouvernementaux qui se trouvent dans la ville de
Montréal. Si le ministre était beau joueur, si le ministre
était équitable, si le ministre, en plus, tenait compte
qu'à cause de son retard, les Montréalais et les
Montréalaises ont payé trop de taxes municipales l'année
dernière, le ministre devrait au moins faire en sorte que cette mesure
de plafonnement ne profite pas au gouvernement du Québec pour un montant
de 16 500 000 $. De la même façon, j'aimerais entendre le ministre
des Affaires municipales nous dire quelles sont les représentations
qu'il a faites, depuis qu'il est ministre des Affaires municipales, pour
convaincre le gouvernement fédéral d'avoir une attitude de bon
citoyen, c'est-à-dire de faire en sorte que le gouvernement
fédéral paie ses taxes et pleinement, à 100 %, ses
impôts fonciers sur les immeubles dont il est propriétaire dans la
ville de Montréal. Il faut rappeler, M. le Président, que le
gouvernement fédéral refuse toujours de payer ses taxes aux
municipalités du Québec, donc aussi à Montréal.
J'ajoute que, oui, il est absolument essentiel aussi qu'on
procède enfin, dès maintenant et rapidement, pas de façon
expéditive, mais rapidement, à une réforme de la Loi sur
la fiscalité municipale. Cette loi est une bonne loi. Cette
réforme a été une bonne réforme. Elle a
été profitable à l'ensemble des citoyens du Québec.
Je pense qu'après sept ou huit ans d'existence, d'application, nous
devons tirer des conclusions des problèmes qu'a pu créer cette
loi à certains endroits, apporter les ajustements nécessaires
pour faire en sorte que cette Loi sur la fiscalité municipale demeure
une loi actualisée, une loi qui correspond à ce qu'est le
Québec aujourd'hui, en 1987, notamment dans les villes qui ont connu des
augmentations d'évaluation foncière de l'ampleur de celles qu'on
a connues, par exemple, à Montréal.
Mais, M. le Président, je refuse en même temps que le
ministre nous dise: Oui, oui, oui, je vais m'engager à une
réforme en profondeur de la Loi sur la fiscalité municipale,
qu'il nous mette cela sur le pilote automatique de comité en
comité pour faire en sorte qu'on se retrouve l'année prochaine et
qu'on n'ait pas avancé d'un seul pas. Je répète qu'il est
absolument urgent, et il ne serait pas trop tard, que le ministre modifie le
projet de loi 82 pour ajouter cet élément de plafonnement de la
taxe, qu'immédiatement il donne à la ville de Montréal et
aux autres municipalités du Québec qui voudraient s'en
prévaloir la possibilité de donner des crédits de taxes et
de faire en sorte qu'elles puissent aussi adopter des taux de taxation
variables selon les différents secteurs d'activité, soit
résidentiel, commercial, industriel ou autre.
M. le Président, je considère que nous assistons à
Montréal comme tout le monde à un débalancement qui n'est
pas normal ni souhaitable entre la charge fiscale municipale du secteur
résidentiel et la charge fiscale municipale des secteurs commercial,
industriel et institutionnel qui est profondément inéquitable
pour les contribuables de la région de Montréal. En ce
sens-là, je souhaite que le ministre modifie son projet de loi, qu'il
ajoute immédiatement le taux de taxes variable et le crédit
d'impôts fonciers comme pouvoirs additionnels aux municipalités,
dont Montréal, pour mieux assumer ses responsabilités par rapport
à l'évolution qu'a connue le monde de l'évaluation
foncière à Montréal.
Je conclus là-dessus, M. le Président. Je souhaite que le
ministre perde cette vilaine habitude d'être un an plus tard dans le
domaine municipal, particulièrement quand c'est Montréal qui
vient le rencontrer. Rappelons-nous que l'actuelle administration de
Montréal s'est engagée, au cours de sa campagne
électorale, à abolir la taxe d'eau pour le secteur
résidentiel. Chaque année, le
ministre fait en sorte qu'ils sont obligés de revenir faire un
pèlerinage pour demander une permission à M. le ministre pour
respecter leur propre promesse. Je pense qu'en 1987, il faut permettre aux
municipalités d'appliquer les décisions qui ont été
prises par leurs citoyens. Quand Montréal a pris comme engagement et a
reçu un mandat clair d'abolir la taxe d'eau, Montréal devrait
avoir ce droit reconnu dans sa charte tant et aussi longtemps que les
autorités voudront s'en prévaloir. De la même façon,
pour la surtaxe qui découle précisément de la
réforme sur la fiscalité municipale, je pense qu'ils ne devraient
pas être obligés à chaque année de venir faire un
pèlerinage devant le ministre des Affaires municipales.
Je conclus, M. le Président, en disant que le ministre doit au
plus sacrant perdre cette mauvaise habitude de refuser de reconnaître
à Montréal ces particularités, parce que Montréal,
oui, est différent à certains égards du reste du
Québec. (17 heures)
Deuxièmement, que le ministre devrait immédiatement
compléter son projet de loi qui, je le rappelle, arrive un an trop tard
pour faire en sorte que cela ne prenne pas une autre année pour qu'on
ajoute des dispositions qui permettent le crédit de taxes et le taux de
taxes variable.
Et que troisièmement, M. le Président, le ministre,
lorsque Montréal viendra en commission parlementaire la semaine
prochaine ou la semaine suivante pour faire adopter des modifications à
sa charte, qu'il reconnaisse enfin que Montréal aura
définitivement dans sa loi le pouvoir de ne pas imposer une taxe d'eau
dans le secteur résidentiel et de maintenir la surtaxe qui
découle de la réforme de la fiscalité municipale pour
faire en sorte, M. le Président, que les citoyens de Montréal ne
soient pas des citoyens aussi lourdement taxés qu'ils le sont au
municipal, comme ce fut le cas l'année dernière à cause de
l'incurie du ministre actuel. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Le prochain intervenant, toujours sur
le projet de loi 82, je cède maintenant la parole à M. le
député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir cet après-midi d'intervenir sur ce projet de loi 82 qui modifie
la Loi sur la fiscalité, puisque, d'une part, il est
présenté par le ministre des Affaires municipales, à la
suite de plusieurs demandes et plusieurs pressions du milieu.
Comme le mentionnait le député de Gouin, il y a quelques
minutes, c'est malheureux que les mesures qui sont présentées
aujourd'hui par le ministre en fin de session soient des mesures qui sont
appliquées à partir des pressions qui ont été
faites par le milieu.
Je devrais rappeler, M. le Président, que j'ai eu la chance de
côtoyer le ministre des Affaires municipales alors qu'il portait un autre
chapeau, celui de maire. Dès 1978, l'actuel ministre des Affaires
municipales était maire de Saint-Lambert alors que j'étais dans
une municipalité voisine son collègue maire de Boucherville. Et
je me souviens à cette époque que le ministre des Affaires
municipales criait tout haut et tout fort, à qui voulait l'entendre, des
injustices dans le monde municipal, des injustices en ce qui concerne la
fiscalité. Je m'aperçois aujourd'hui que c'est lui qui porte le
chapeau du ministre des Affaires municipales et de la façon dont il
s'est comporté sur ce dossier-là depuis la dernière
année, depuis les deux dernières années, c'est une
situation tout à fait inacceptable, et je m'explique: D'abord, le projet
de loi 82 apporte différentes mesures. Je m'attarderai
particulièrement dans le peu de temps qui m'est alloué, M. le
Président, à la mesure qui concerne le plafonnement et qui
regarde l'étalement sur trois ans pour les contribuables du
Québec ou de 300 municipalités du Québec, et plus
particulièrement les contribuables de Montréal, qui sont
touchés par les fortes hausses de l'évaluation.
C'est bien sûr que dans le projet de loi 82, il y a d'autres
mesures qui sont touchées particulièrement concernant la
clarification qui est faite à la situation des établissements du
mouvement coopératif quant à l'assujettissement d'une taxe
d'affaires.
Il y a aussi l'autre volet dans ce projet de loi qui touche une
disposition qui permet de calculer la taxe d'amusement sur le prix
d'entrée théorique dans un lieu d'amusement plutôt que sur
le prix réellement payé, et je pense que ce sont là des
correctifs ou des mesures qui sont dans le bon sens.
Le projet de loi permet aussi, sur un autre volet, dans le cas d'un
immeuble possédé en copropriété indivise, que le
compte de taxes soit expédié à un seul des
copropriétaires plutôt que l'envoyer à tout le monde.
Alors, voilà d'autres mesures qui sont prises à
l'intérieur du projet de loi. Mais l'essentiel de ce projet de loi est
en ce qui touche la question de l'étalement et la question du
plafonnement en ce qui concerne la fiscalité municipale et
l'évaluation.
On se souviendra qu'en début d'année 1987, le ministre des
Affaires municipales avait dit en cette Chambre et aussi en commission
parlementaire, lorsque mon collègue, le député de
Jonquière, avait porté à son attention qu'effectivement il
y avait des problèmes et des distorsions importantes qui se passaient
à Montréal, et que ces distorsions faisaient en sorte qu'il y
avait
des inéquités et qu'il fallait planifier d'agir dans les
plus brefs délais passibles... On se souviendra - pour ceux qui ne s'en
souviennent pas, cela me fait plaisir de le rappeler - que la position du
ministre des Affaires municipales, début de 1987, donc, il y a à
peine dix ou onze mois, était de dire: Écoutez, il n'y a pas de
problème majeur en ce qui regarde Montréal. S'il y a des
problèmes à Montréal au sujet de l'évaluation et de
la fiscalité, ils sont assez grands pour se débrouiller. Et,
disait-il, M. le Président, il y a quelque chose comme 26 000 000 $ de
surplus à Montréal; ils devraient être capables
d'équilibrer leur assiette fiscale. Je trouve cela peu responsable de la
part du ministre des Affaires municipales. Mais comment se fait-il
qu'aujourd'hui il se retourne à la suite de pressions, à la suite
de la commission parlementaire qui s'est tenue les 6 et 7 août,
où, à la suite d'un ensemble de pressions, il a
décidé d'agir, il a décidé de poser des gestes pour
corriger une situation.
Les gestes qui sont posés aujourd'hui pour apporter un correctif
dans le projet de loi 82 sont des gestes qui, pris en eux-mêmes, sont des
gestes qui vont dans le bon sens, c'est-à-dire qu'il fallait être
capable de faire quelque chose. Sauf qu'en posant ces gestes
séparément, le ministre des Affaires municipales vient
créer certaines injustices, mais, plus grave que cela, le ministre des
Affaires municipales n'allant pas dans l'ensemble de la problématique
qui existe dans les municipalités au sujet de l'évaluation va
créer d'autres problèmes. Je pense que les mesures que le
ministre des Affaires municipales apporte sont des mesures tout à fait
insuffisantes.
Si on regarde un peu l'analyse, et je cite ici le journal Le Soleil du
13 novembre dernier, donc d'il y a quelques semaines, où dans un
éditorial, une analyse, M. Vianney Duchesne dit ceci: "Les amendements
proposés à la Loi sur la fiscalité municipale par le
ministre André Bourbeau ajoutent l'injustice à la distorsion des
râles d'évaluation foncière. Le plafonnement de
l'évaluation et l'étalement de la hausse des taxes ne
régleront en rien les trous de l'impôt foncier actuel et
compliqueront la taxation municipale."
Voilà. Je pense que M. Duchesne, dans son analyse, résume
fort bien dans ce paragraphe ce que le ministre est en train de faire. Je ne
comprends pas comment un homme qui a son expérience... je ne dis pas si
le ministre des Affaires municipales était en poste depuis tout
récemment, s'il n'avait aucune expérience dans le monde
municipal, s'il ne comprenait pas vraiment la dynamique et la
problématique qui se situent à l'intérieur de ce qu'on a
quant à l'évaluation et aux distorsions, mais le ministre des
Affaires municipales a été, de 1978 à 1981, maire de
municipalité. Antérieurement à cela, le ministre avait
été conseiller municipal. Comment se fait-il qu'il arrive
aujourd'hui avec des solutions, j'appelle cela, et vous me passerez
l'expression, M. le Président, de "patchage"? Il y a un trou, on met une
cheville et on verra quand d'autres trous se présenteront.
Mais voilà qu'il y a plusieurs autres trous qui font que la loi
sur la fiscalité qui a été révisée en
profondeur... On s'en souviendra c'est dès 1979 que toute la loi sur la
fiscalité a été révisée à la suite de
longues discussions, de longs comités Québec-municipalités
sur la fiscalité, qui ont donné lieu à une refonte en
profondeur. On se souviendra que c'est le 1er janvier 1980 que cette
réforme est arrivée. On se souviendra qu'il s'agissait à
ce moment-là d'une réforme majeure et complète. Cette loi
visait à garantir l'autonomie des municipalités en leur
réservant une assiette fiscale suffisante pour permettre le financement
des décisions du conseil municipal sans le recours à l'assistance
financière de l'État.
La base qui sous-tendait cette réforme était en cinq
points. Je tiens à le rappeler parce que c'est là qu'il faut
revenir. D'abord, cette réforme municipale de 1980 à laquelle on
vient apporter quelques modifications aujourd'hui visait essentiellement
premièrement, l'autonomie municipale, deuxièmement,
l'équité fiscale, troisièmement, la neutralité
fiscale, quatrièmement, la responsabilité financière des
municipalités, et, cinquièmement, la simplicité
administrative et la transparence.
Quand on sait déjà la complexité qui se retrouve
à l'intérieur de la fiscalité municipale, lorsqu'on a
voulu faire cette refonte, M. le Président, on visait effectivement la
simplicité. (17 h 10)
Donc, les gestes posés aujourd'hui par le projet de loi 82, les
mesures apportées par le ministre aujourd'hui, en décembre 1987,
ne viennent pas simplifier, mais compliquer par les distorsions que ces
dernières vont apporter, parce qu'elles vont apporter des distorsions.
L'évaluation municipale pour le secteur résidentiel n'a pas le
même rythme de croisière actuellement. Prenons seulement la
dernière année, les douze derniers mois, le résidentiel
n'a pas évolué au même rythme qu'a évolué,
par exemple, l'industriel et le commercial. Ce qui fait qu'à toutes fins
utiles les augmentations ont été d'environ 35 %, 40 % pour le
résidentiel. Augmentations, dans beaucoup de cas, qui sont artificielles
à cause du marché, à cause du jeu de l'offre et de la
demande, faisant en sorte que, la demande étant tellement grande et
l'offre peu, les prix ont augmenté.
Encore là, c'est un peu s'illusionner que de penser maintenant
qu'une propriété qui
valait 100 000 $ à l'évaluation municipale en vaut
maintenant 140 000 $, pour prendre un exemple. Pendant ce temps, la même
augmentation n'allait pas se répercuter sur les secteurs industriel et
commercial, ce qui fait que lorsqu'on continue d'appliquer actuellement et, en
1988, lorsque les municipalités vont envoyer leurs comptes de taxes
pendant la période des fêtes ou au début de janvier 1988,
les municipalités vont envoyer un compte de taxes qui ne tiendra pas
compte de ces nouvelles disparités. Finalement, les gens qui sont avec
propriété résidentielle, vont assumer un plus grand
fardeau, toutes proportions gardées, par rapport à leurs
collègues ou aux autres citoyens qui ont des propriétés
soit commerciales ou industrielles.
Voilà que le ministre apporte des mesures pour aider, pour
temporiser, qui vont, je le dis et je le répète, certes dans le
bon sens pour permettre aux gens de souffler par rapport à ce qui se
passe, sauf que c'est une petite mesure qui ne règle pas, mais pas du
tout le problème, l'ampleur du problème. Il va y avoir davantage
de distorsion au cours des prochaines années parce que cette mesure
vient s'appliquer et vient aider les gens en 1988.
Un autre article qui était publié cette fois-ci le 19
septembre dernier, dans le journal Le Soleil, par M. Pierre Martel nous
fait part un peu de cette analyse et de cette problématique quant
à l'injustice que j'ai mentionnée précédemment. Il
l'intitulait: "Des injustices criantes à Québec". Pour corriger
les effets, disait-il, des hausses brusques des comptes de taxes municipales en
Î988, le ministre des Affaires municipales vient de proposer un
plafonnement de l'évaluation foncière. Mais en cherchant à
rétablir un juste équilibre sur l'île de Montréal -
puisque ça donne suite à des mesures et à des pressions
faites par Montréal - le ministre Bourbeau risque de perpétuer
une injustice à Québec. Là, on fait une analyse dans le
sens suivant. Le journaliste en question, Pierre Martel, nous dit: Le
plafonnement de l'évaluation foncière est une mesure susceptible
de freiner le phénomène des déplacements fiscaux à
Montréal. Elle est acceptable pour la métropole parce qu'elle ne
créera pas d'injustice. Mais, dans le cas de la ville de Québec -
pour prendre l'exemple d'une des deux grandes villes, Montréal et
Québec - la situation est tout autre. Si on applique le plafonnement de
l'évaluation foncière pour des fins de taxation aux contribuables
appelés à subir de trop fortes hausses d'évaluation, ce
qui sera le cas, on créera un autre type de déplacement fiscal.
Donc, on risquera de perpétuer une injustice.
On donne plusieurs exemples de ce qui se passe à Québec
par rapport à Montréal, ce qui démontre, à toutes
fins utiles, M. le Président, que la démarche entreprise par le
ministre est une démarche pour répondre à des pressions,
une démarche qui ne voit pas dans son ampleur, dans son entité le
problème. Je pense que c'est un manque flagrant de la part du ministre
d'agir de cette façon. Comment le ministre peut-il ignorer actuellement
l'ampleur de ce dossier et ne pas voir à y apporter non pas un
remède, mais des mesures correctives pour l'ensemble? Le
problème... Le ministre devra revenir devant cette Assemblée au
cours de la prochaine session ou au cours des sessions qui vont venir pour
apporter, certes, d'autres mesures.
Je pense, comme je le mentionnais tantôt, qu'après huit ans
d'application de la Loi sur la fiscalité municipale, depuis 1980, on
devrait la revoir et l'analyser pour apporter des correctifs dans son ensemble
afin que les contribuables québécois, qu'ils soient des
propriétaires du secteur résidentiel ou des secteurs commercial
ou industriel, ne soient pas pénalisés comme ils le sont
actuellement. Plus cela va, selon les conditions du marché, plus il y
aura distorsion. S'il n'y a pas de correctifs apportés comme il se
devrait, je pense que le ministre n'aura absolument rien réglé.
D'ailleurs, l'Union des municipalités du Québec, l'UMQ, et
l'UMRCQ, ces deux organismes ont fait des pressions auprès du ministre
des Affaires municipales au cours de la dernière année afin que,
justement, le ministre puisse arriver à régler ce problème
qui prend de plus en plus d'ampleur.
Qu'on pense strictement au crédit de taxes, au taux variable des
taxes, à la capacité de payer des contribuables, que ce soit dans
un secteur résidentiel ou autres, tout dans ce domaine est à
revoir en fonction de l'expérience vécue depuis huit ans. Je
pense que c'est un message qu'on se doit de passer au ministre.
En ce qui regarde le projet de loi 82, est-il trop tard? Je
réponds: non. Je pense que le ministre aura la chance, au cours des
prochains jours, d'apporter d'autres éléments pour rendre plus
complet son projet de loi 82. Si le ministre des Affaires municipales veut
apporter des correctifs sans créer d'injustice, je pense qu'il doit
apporter des mesures additionnelles et beaucoup plus globales à celles
qui sont apportées actuellement, de façon à rendre justice
aux citoyens, à leur donner la chance de ne pas avoir des mesures trop
lourdes sur les épaules. Lorsqu'on se retrouve avec une augmentation de
taxes, on sait qu'avec l'effet de plafonnement, on pourra la répartir
sur une période de trois ans et avec un maximum de 10 %. Ce qui va
arriver au bout de trois ans avec la réforme fiscale, ce qui va arriver
avec l'évaluation moyenne résidentielle par rapport au commercial
et à l'industriel. Voilà autant de questions qui sont
restées en suspens et
auxquelles on n'a pas de réponse.
Je compléterai en vous disant que je trouve un peu dommage la
façon de fonctionner de la part du ministre des Affaires municipales. Je
trouve cela tout à fait inacceptable parce que le ministre a certes les
ressources nécessaires autour de lui. Le ministre a certes une
compréhension du dossier puisqu'il l'a vécu de l'autre
côté, puisqu'il a été à la place des
élus municipaux, puisqu'il a toujours voulu avoir sa marge de manoeuvre
tout en étant capable de faire des mesures pour qu'un élu, un
maire, un conseil municipal puisse manoeuvrer avec les outils que le
gouvernement du Québec va lui donner. En gardant le principe de
l'autonomie, le ministre des Affaires municipales pourrait être capable,
s'il le désire, s'il a une volonté politique de régler ce
dossier, de s'asseoir et d'aller vers les recommandations que font les
organismes, les élus municipaux dans leur organisme respectif, soit
l'Union des municipalités du Québec et l'UMRCQ.
J'espère que le ministre des Affaires municipales va prendre en
considération ces différentes remarques qui se veulent les plus
positives possible, mais il n'est pas vrai qu'on va apporter des correctifs
comme on le fait actuellement, juste dans le but de calmer les gens, de les
faire taire ou sous le coup de pressions. Je pense que c'est agir à la
petite semaine et c'est agir de façon non conséquente.
Si le ministre des Affaires municipales veut vraiment enclencher une
réforme pour revoir les différentes implications, j'en suis. Si
le ministre des Affaires municipales veut adopter le projet de loi 82 tel qu'il
le fait actuellement et uniquement sur ces deux mesures en ce qui regarde
l'aspect du plafonnement et de l'étalement, je lui dis: Ce n'est pas
suffisant. Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens, mais vous ne
réglez en rien le problème, au contraire, vous allez l'amplifier
et vous devrez revenir devant cette Assemblée nationale pour refaire vos
devoirs. (17 h 20)
Je pense que l'ensemble des citoyens du Québec, l'ensemble des
Québécois et des Québécoises vont comprendre, au
cours de la prochaine année et des prochaines années, ce qui est
en train d'arriver par rapport à leurs factures de taxes qu'ils vont
recevoir, à leur capacité de payer, à la distortion qui
est en train de s'établir actuellement entre les propriétaires
résidentiels qui paient davantage par rapport aux conditions du
marché. Le contraire devrait peut-être se produire,
c'est-à-dire qu'on devrait peut-être s'assurer ou donner la
souplesse aux élus municipaux pour qu'ils puissent être capables
de répartir cette assiette fiscale et d'aller, toutes proportions
gardées, faire en sorte que ceux qui sont des propriétaires au
niveau industriel ou commercial soient capables d'assumer, eux aussi, leur
partie de responsabilité. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Contrairement aux renseignements que j'ai
donnés tout à l'heure, M. le ministre des Affaires municipales
procédera à sa réplique sur le projet de loi 82. Je vous
demanderais de suspendre quelques minutes, étant donné que M. le
ministre est en commission parlementaire, on est allé le chercher.
Le Vice-Président: Très bien. Il y a consentement
pour que nous suspendions nos travaux quelques minutes. Donc nous allons
suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
(Reprise à 17 h 37)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons donc poursuivre le débat sur la motion d'adoption du
principe du projet de loi 82, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité
municipale et la Loi concernant les droits sur les divertissements en
matière de taxes municipales. Nous en sommes rendus, pour clore ce
débat sur l'adoption du principe, à la réplique de M. le
ministre. Je vous cède la parole, M. le ministre des Affaires
municipales.
M. André Bourbeau (réplique)
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en arrivons
maintenant à la fin du débat sur l'étude du principe du
projet de loi 82 qui vise à donner aux municipalités du
Québec des outils additionnels pour tenter de venir en aide aux
contribuables qui seraient frappés par des hausses brusques de leur
compte de taxes à la suite de hausses importantes de l'évaluation
foncière.
On a dit et redit en cette Chambre, au cours des derniers jours, que le
phénomène de l'évaluation foncière, de
l'emballement des rôles d'évaluation, est un
phénomène, hélas, que nous connaissons de plus en plus,
surtout à la suite des poussées de spéculation
foncière que nous voyons un peu partout dans la société
québécoise. La spéculation foncière, il est
très difficile de l'enrayer, elle est un reflet du marché, et, si
les immeubles prennent beaucoup de valeur, c'est peut-être parce que
l'économie va bien au Québec.
Il n'y a pas que de mauvais côtés à l'augmentation
de l'évaluation foncière. Les gens qui accèdent à
la propriété et qui
voient leur immeuble prendre de la valeur ont le bénéfice,
à long terme, de pouvoir accumuler du capital. Cependant, à court
terme, ils doivent souvent subir des hausses de comptes de taxes qui sont
consécutives aux hausses d'évaluation. C'est là que,
souvent, le bât blesse. Nous avons choisi, en 1980, d'asseoir le
régime de la fiscalité municipale sur des bases solides, les
bases foncières.
Depuis toujours, au Québec, mais encore plus depuis la
réforme de 1980, les municipalités se financent en très
grande partie, jusqu'à 96 % de leur budget proviennent de sources
locales. La principale de ces sources, c'est la fiscalité
foncière, c'est le râle d'évaluation des immeubles
situés à l'intérieur de la municipalité. Tous les
propriétaires d'immeubles sont taxés, évalués sur
la même base, soit celle de la valeur marchande, de la valeur
réelle de l'immeuble. Cette évaluation est faite par des
évaluateurs, des professionnels de l'évaluation dont le mandat
leur est confié par la municipalité. La municipalité
retient les services d'évaluateurs professionnels et ces gens-là
déterminent pour chaque immeuble une évaluation qui est faite au
meilleur de leurs connaissances et de leurs capacités
professionnelles.
On peut employer plusieurs méthodes pour l'évaluation
foncière; cela dépend du type d'immeuble qu'on est en train
d'évaluer. La méthode la plus couramment utilisée pour des
maisons unifamiliales ou des résidences, c'est la méthode qui
consiste à comparer la valeur d'une propriété avec celle
qu'on obtient sur le marché de la vente des immeubles. Donc, lorsqu'un
individu voit son voisin vendre son immeuble tel prix, si son immeuble est
identique, il y a de bonnes chances que l'évaluateur accorde à
son immeuble la même valeur que celle accordée à l'immeuble
de son voisin.
Lorsqu'on parle d'immeubles de type industriel, il devient assez
difficile de procéder par la méthode de comparaison. Souvent, il
n'y a pas de ventes comparables. Là, on peut utiliser d'autres
méthodes, comme celle par laquelle on calcule le coût de
remplacement d'un immeuble en déduisant la dépréciation.
Il y a aussi la méthode du revenu, qui est utilisée dans les
conciergeries, où les immeubles s'évaluent non pas en fonction du
coût de remplacement, mais en fonction du montant qu'on peut recevoir si
on met l'immeuble en vente. Ces immeubles se vendent selon le revenu qu'ils
rapportent.
Toutes ces façons de procéder ont un même but:
trouver la valeur marchande ou la valeur réelle d'un immeuble. Le Bureau
de révision de l'évaluation foncière accepte n'importe
quelle de ces méthodes pourvu que le résultat convainque le
régisseur qu'on a atteint le but recherché, c'est-à-dire
trouver la valeur marchande, la valeur réelle de l'immeuble.
Dans notre système québécois, tous les immeubles
sont donc évalués selon cette méthode et la
municipalité qui prépare son budget possède justement un
rôle d'évaluation qui donne le montant total de
l'évaluation de tous les immeubles dans la municipalité.
Celle-ci, qui doit préparer son budget de dépenses,
répartit celui-ci sur l'ensemble des immeubles taxables et
détermine un taux de taxe qui est susceptible de produire, en
multipliant le taux de taxe par le râle d'évaluation, le budget
dont a besoin la municipalité.
Si la municipalité n'a pas procédé à une
mise à jour de son râle d'évaluation au cours des
dernières années, il est bien évident qu'en
déposant un nouveau rôle l'augmentation générale du
rôle va être importante. C'est le cas présentement dans la
municipalité de Hull, par exemple, qui n'a pas procédé
à la mise à jour du rôle depuis cinq ou six ans. On se
retrouve donc avec un rôle nouveau, dont l'augmentation moyenne est de 47
%. C'est très important comme hausse et, bien sûr, cela modifie
les évaluations de tout le monde. Je pense qu'il ne faut pas paniquer
avec une augmentation aussi importante, parce que la municipalité, bien
sûr, va réduire le taux de taxes dans une proportion analogue de
sorte qu'en principe, le compte de taxes individuel de chaque citoyen ne
devrait pas augmenter sensiblement.
Il y a un problème qui se pose, M. le Président, lorsqu'un
individu voit sa propriété à lui augmenter dans une
proportion qui excède de beaucoup la moyenne. Supposons qu'un individu,
à Montréal, voit l'évaluation de son immeuble augmenter de
60 % alors que la moyenne est de 23 %. Cela cause un sérieux
problème parce que cet individu verra son compte de taxes augmenter dans
une proportion beaucoup plus importante que ses concitoyens. C'est dans ce but
que nous avons présenté la mesure devant nous. Nous avons dit aux
municipalités: Si un cas semblable se présente, vous aurez des
outils pour éviter que certains contribuables ne. soient frappés
d'une façon trop dure par des hausses de taxes trop importantes.
Nous avons mis à la disposition des municipalités deux
outils. Le premier consiste à permettre à la municipalité,
si elle le désire - et ce n'est pas obligatoire, elle peut ne pas
utiliser cet outil - de plafonner l'évaluation foncière de ces
individus à un niveau qui doit se situer au-dessus, bien sûr, de
la moyenne normale, de la moyenne générale du rôle, et la
municipalité pourra déterminer à partir de quel niveau les
évaluations seront plafonnées pour les fins de calcul des comptes
de taxes. La municipalité devra respecter un seuil minimal qui est dans
la loi. Tous les propriétaires dont l'évaluation
personnelle se situerait au-dessus du niveau fixé par la
municipalité obtiendront un crédit, si je puis dire, ou ne seront
pas taxés pour l'excédent.
Évidemment, cette mesure comportera un coût pour la
municipalité puisque cette dernière renoncera à percevoir
une partie du compte de taxes. Pour la partie qui excède le seuil, il y
aura un coût pour la municipalité, une charge. Ce coût sera
réparti à l'ensemble des propriétaires. Il s'agit, en
fait, d'une police d'assurances. Ce n'est rien d'autre qu'une police
d'assurances mutuelle où tous les propriétaires paieront la
prime, une prime qui pourra être de 0,01 $, 0,02 $, 0,03 $ ou 0,04 $ les
100 $ d'évaluation, mais où les bénéfices seront
versés, les prestations dans le cas de cette assurance, aux
propriétaires qui auraient été les plus durement
frappés. La mesure profitera autant aux petits propriétaires
qu'aux riches, qu'aux gros propriétaires, parce que la mesure s'applique
d'une façon universelle à tous ceux qui auront eu des
augmentations d'évaluation supérieures à la moyenne. Ces
augmentations peuvent aussi bien frapper les petits propriétaires que
les gros.
La municipalité aura également un deuxième outil
qu'on appelle l'étalement du compte de taxes. Cela permettra à la
municipalité de permettre aux propriétaires qui auraient
été frappés par des hausses très importantes de
reporter ou d'étaler sur une période maximale de trois ans la
partie du compte de taxes qui excéderait, encore une fois, le seuil qui
aurait été établi. C'est donc une autre mesure mise
à la disposition des municipalités pour venir en aide aux
propriétaires qui auraient été durement
frappés.
Ces mesures, M. le Président, bien qu'elles ne soient pas
parfaites, vont permettre d'alléger le fardeau de ces
propriétaires qui auraient été le plus durement
frappés. Je pense que cela s'inscrit dans une démarche du
gouvernement visant à tenter de trouver des solutions aux
problèmes que les municipalités rencontrent dans la gestion de
leur budget et dans la perception de leurs comptes de taxes. Maintenant, est-ce
une bonne mesure? Est-ce qu'elle ne l'est pas? Les députés qui se
sont exprimés en cette Chambre, M. le Président, ne sont pas tous
de la même école. Les députés qui ont parlé
en faveur du projet de loi, donc ceux de la partie gouvernementale, ont
vanté les mérites de ces mesures, et nos amis d'en face n'y ont
vu que des problèmes.
Vous me permettrez, M. le Président, de vous faire la lecture
d'une courte lettre que je recevais le 23 novembre dernier de M. Michael
Fainstat, président du comité exécutif de la ville de
Montréal, qui disait ceci: "M. le ministre, il me fait plaisir de vous
transmettre le budget de la ville de
Montréal pour l'année 1988 et les documents qui
l'accompagnent. Le budget fait état des changements annoncés
à notre régime fiscal - bien sûr, la ville de
Montréal anticipait l'adoption du projet de loi 82 que nous avons devant
nous - lesquels témoignent des résultats des bons rapports de
collaboration entre votre ministère et notre administration municipale."
Voilà donc, M. le Président, le président du comité
exécutif de la ville de Montréal qui nous déclare que la
ville de Montréal se prévaut justement de la mesure de
plafonnement que nous avons annoncée et qui témoigne de la bonne
collaboration et de la satisfaction de la ville de Montréal à
l'endroit des mesures que nous annonçons.
Je pourrais vous faire lecture de toute une série de coupures de
journaux qui témoignent également de la satisfaction de ceux qui
auront à se servir de ce projet de loi. Je viens de parler de la ville
de Montréal, et les journaux en ont fait état. Ici, dans le
Journal de Québec, on dit que le gouvernement a donné de
la corde aux municipalités. Bien sûr, ce n'est pas une corde pour
se pendre, M. le Président, mais une corde pour permettre aux
contribuables de souffler un peu mieux. Il y a également le journal
La Presse: Québec permet aux municipalités de plafonner
les comptes de taxes, où on donne un résumé du projet de
loi. "Bourbeau donne suite à ses engagements". M. le Président,
c'était un engagement que nous avions pris l'été dernier
lors des assises Québec-municipalités, que nous verrions à
alléger le fardeau des contribuables. Dans Le Devoir:
"Allégement du fardeau fiscal municipal"; une autre coupure de
journal. Je pourrais continuer comme cela à faire la lecture de ces
documents, mais mon humilité naturelle me porte à ne pas
trop...
Des voix: Ah!
M. Bourbeau: Pour une fois, je fais l'unanimité dans la
salle, M. le Président.
Bref, je crois que les mesures que nous proposons vont permettre aux
contribuables d'assumer plus facilement les hausses de comptes de taxes qu'ils
pourraient recevoir au cours de la prochaine année ou dans les quelques
prochaines semaines. Je suis content de voir, en regardant la mine
réjouie de nos amis d'en face, que, finalement, après avoir fait
une bataille d'arrière-garde, ils semblent se rallier au principe du
projet de loi 82 que je vous demanderais de bien vouloir sanctionner dans les
meilleurs délais. Merci.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 82, Loi
modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et la Loi concernant les
droits sur les divertissements
en matière de taxes municipales, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi 82 à la commission de
l'aménagement et des équipements.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, avant de vous demander de
suspendre les travaux jusqu'à 20 heures, j'aurais un avis à
donner à la Chambre, s'il vous plaît:
Le Vice-Président: Nous vous écoutons.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette
Assemblée que ce soir, de 20 heures à 24 heures, à la
salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des
équipements procédera à l'étude
détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre
ci-après indiqué: le projet numéro 82, Loi modifiant la
Loi sur la fiscalité municipale et la Loi concernant les droits sur les
divertissements en matière de taxes municipales, et le projet de loi
numéro 87, Loi modifiant la Loi sur la Régie du logement et le
Code civil.
Le Vice-Président: Les avis sont donnés. Je
comprends, puisque nous approchons de 18 heures, que, de consentement à
ce moment-ci, nous allons suspendre nos travaux qui reprendront à 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
(Reprise à 20 h 8)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez vous asseoir.
Nous allons reprendre la séance. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je vous prierais
d'appeler l'article 17 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 73
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
La Vice-Présidente: À l'article 17 de notre
feuilleton, il s'agit de la reprise du débat concernant l'adoption du
projet de loi 73, Loi modifiant le Code de la sécurité
routière et la Loi sur l'assurance automobile. Je suis prête
à reconnaître le prochain intervenant. M. le député
de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon", Mme la Présidente, au cours de cette session, le
ministre des Transports présente deux projets de loi. Deux projets de
loi qui sont près l'un de l'autre: le projet de loi 73 qui modifie le
Code de la sécurité routière et la Loi sur l'assurance
automobile et un autre qui est le projet de loi 76, la Loi sur le camionnage.
Ce sont des projets de loi, au fond, qui sont interreliés d'une certaine
façon, tout en étant complètement différents; parce
qu'ils sont affectés, ils vont être affectés, ils vont
amener les Québécois à être touchés par la
déréglementation et le libre-échange.
Dans le contexte actuel, on comprend toute l'inquiétude qu'il
peut y avoir dans le milieu du transport où on apprend, depuis quelques
jours, que ceux qui ont négocié dans le secteur du
libre-échange ont, à toutes fins utiles, laissé tomber le
transport. Même le ministre fédéral, M. Crosbie,
l'admettait, que le transport maritime, le transport ferroviaire et le
camionnage, à toutes fins utiles, ont été laissés
pour compte par le gouvernement fédéral on ne sait trop pourquoi.
À tel point qu'aujourd'hui il y a une inquiétude qui grandit
chaque jour dans le domaine du transport parce que les gens qui sont dans
l'industrie du transport commencent à se rendre compte que les
négociateurs fédéraux qui, normalement, auraient dû
être conseillés par leurs correspondants dans chacune des
provinces -dans ce cas, par le ministre du Commerce extérieur du
Québec et le ministre des Transports du Québec - n'ont
apparemment rien négocié pour l'industrie du camionnage,
l'industrie ferroviaire et l'industrie maritime du Québec ou du
Canada.
On comprend qu'aujourd'hui les projets de loi, qui auraient pu
être bons dans un autre contexte, peuvent devenir mauvais parce que, dans
le cadre du libre-échange, leur application va être
complètement différente de ce qu'elle aurait été
dans un cadre autre que le libre-échange. C'est-à-dire
qu'aujourd'hui, il faut voir si on n'ouvre pas une porte de grange pour les
Américains
alors qu'eux n'ouvrent rien. Il faut voir si ces projets de loi n'auront
pas pour objet de donner des avantages considérables par un effet
indirect aux Américains alors qu'eux ne nous donneront rien.
J'ai eu l'occasion de parler cette semaine, par exemple, du transport
maritime. Aujourd'hui, tous les gens se rendent compte que les
Américains ne nous donnent rien, zéro. Le Jones Act, qui est la
mesure la plus protectionniste américaine, va demeurer en vigueur tel
quel, c'est-à-dire qu'un bateau ne pourra pas battre pavillon
américain s'il n'est pas construit aux États-Unis pour faire du
transport aux États-Unis, avec les États-Unis, tandis que nous,
semble-t-il, dans les négociations sur le libre-échange, on a
donné entièrement la possibilité aux Américains
d'acheter nos compagnies, d'acheter nos entreprises, de faire construire leurs
bateaux battant pavillon canadien aux États-Unis sans aucun
problème. On leur a donné le Canada et ils ne nous ont rien
donné.
Dans le domaine de l'industrie maritime, c'est ce qui commence à
se faire à tel point que les gens de l'industrie ont demandé
qu'il y ait un moratoire de 90 jours, parce qu'ils se rendent compte que les
négociateurs canadiens n'ont rien négocié en termes
d'avantages pour les Canadiens, alors qu'ils ont donné le Canada aux
États-Unis dans le domaine du transport maritime. Alors qu'ils vont
faire disparaître les droits de douanes de 25 % par rapport aux
États-Unis, les Américains maintiendront le Jones Act tel quel;
il sera alors obligatoire en vertu du Jones Act sur le transport maritime
d'avoir fait construire ou réparer son bateau aux États-Unis pour
faire du transport avec les Américains dans le domaine maritime.
On s'imagine à quel point l'inquiétude est en train de
gagner les différents milieux, puisque chaque fois qu'on ouvre un peu le
couvercle de la négociation sur le libre-échange, on se rend
compte qu'on s'est fait avoir, non pas que le libre-échange peut
être bon ou mauvais, quoiqu'il faut avoir... Vous savez, la concurrence
parfaite en économie, c'est quelque chose qui n'existe pas, qu'on met
là un peu comme modèle de référence, comme un
système parfait, mais qui n'existe pas. C'est pour cela qu'il faut
regarder ces questions-là avec un peu plus de circonspection.
Si on regarde l'objet du projet de loi 73 présenté par le
ministre, on propose une série de modifications au Code de la
sécurité routière, l'intégration des normes au Code
canadien de sécurité pour les transporteurs routiers, et personne
ne peut être contre cela, à condition que les normes soient
considérées comme valables, et d'autres dispositions visant
à corriger certaines erreurs dans les lois que le ministre a fait
adopter l'an dernier. On pourra dire au ministre qu'il y a des "effaces" au
bout des crayons pour effacer de temps en temps des choses qui, à
l'usage, révèlent qu'elles pourraient être modifiées
et mieux s'appliquer. Au contraire, j'aime bien mieux quelqu'un qui fait des
changements à des lois qu'il a fait adopter antérieurement que
quelqu'un qui se bat en disant: Tout ce que j'ai fait est parfait et je ne
change rien.
C'est pour cela que, par exemple, concernant l'équitation, alors
qu'on disait autrefois dans l'ancien projet de loi qu'il faudra faire du cheval
aux endroits où on aura posé des affiches pour faire du cheval,
aujourd'hui, ce sera l'inverse dans le projet de loi proposé où
il sera possible de faire du cheval aux endroits où cela ne sera pas
interdit. Évidemment, cela donne une latitude beaucoup plus grande et
cela coûtera sans doute beaucoup moins cher au ministère en
affiches, puisque, de la même façon que dans le domaine de
l'équitation, si le ministère devait faire une affiche chaque
fois que les chevreuils ou les orignaux peuvent passer, cela coûterait
cher d'affiches. Il se contente de mettre des affiches aux endroits où
il veut indiquer que, plus qu'ailleurs, les orignaux ou les chevreuils peuvent
passer et qu'il peut être dangereux pour un automobiliste qui doit s'en
occuper.
Ces multiples normes auront pour effet d'apporter une plus grande
sécurité et on aura l'occasion de revenir à la discussion
de ce propos.
Il y a un autre aspect aussi concernant les personnes handicapées
et nous aurons l'occasion d'y revenir aussi. Il s'agit d'une question
importante concernant les personnes handicapées et, l'an dernier, avec
la réforme du Code de la sécurité routière, une
ouverture avait été faite pour les vignettes qui seront
apposées par ceux qui conduisent les automobiles. La
réglementation sera en vigueur au début de décembre;
cependant, il y a tous les handicapés qui ne conduisent pas l'automobile
et qui sont peut-être encore plus handicapés que ceux qui
conduisent des automobiles. J'aurai l'occasion de parler un plus longuement
là-dessus.
Il y a également la modification à la Loi sur l'assurance
automobile où le montant minimal d'assurance obligatoire pour dommages
matériels passe de 50 000 $ à 1 000 000 $ et à 2 000 000 $
pour le transport des matières dangereuses. Or, on a vu, à la
suite de l'étude de l'avant-projet de loi en commission parlementaire en
septembre, que les demandes de l'Association du camionnage allaient dans ce
sens-là pour qu'il y ait une meilleure protection pour les camionneurs
et ceux qui peuvent encourir des dommages avec des camionneurs, et que cette
mesure est un peu acceptée unanimement. Au fond, le principal objet du
projet de loi, c'est l'intégration des normes au Code . canadien de
sécurité. Au fond, le ministre veut s'harmoniser avec le Code
canadien de la sécurité et adopter au Québec des
lois un peu semblables, principalement pour le camionnage local ou le transport
local et le transport intraprovincial, le fédéral ayant sa
juridiction, qui a été déterminée par la Cour
suprême, sur le transport international, interprovincial et
intraprovincial, lors d'un voyage qui part d'un secteur international ou d'un
point situé en dehors du pays ou encore en dehors de la province
où il arrive.
Cette loi va toucher beaucoup de monde, puisque cette partie du projet
de loi, l'intégration des normes québécoises au Code
canadien de sécurité vise les autobus et les véhicules de
commerce dont la masse nette est de plus de 3000 kilos. Elle touche 42 000
entreprises de tranport au Québec et environ 75 000 travailleurs. Elle a
pour but d'adapter nos lois québécoises aux normes du Code
canadien de sécurité pour les transporteurs routiers, pour en
arriver à des normes un peu semblables dans l'ensemble du Canada. En
principe, cela a l'air gentil, cela a l'air beau, mais il va falloir voir
comment tout cela va s'appliquer.
Sur le plan historique, Mme la Présidente, le 26 mars 1987, lors
d'une rencontre, les ministres responsables des transports et de la
sécurité routière ont conclu une entente quant à la
mise sur pied d'un Code canadien de la sécurité routière.
On sait à quel point la sécurité routière est
importante. Le ministre y croit. Et nous collaborons dans ce sens, parce que,
quand on parle de sécurité routière, on ne peut aller
contre le principe de la sécurité routière. On sait que le
domaine du camionnage est un secteur où des améliorations doivent
être apportées pour que les camions soient en bon état et
que les "minounes", ce qu'on appelle communément les "minounes" dans le
domaine des véhicules, ne puissent pas circuler sur les routes parce
qu'elles sont un danger pour les autres automobilistes et les piétons.
(20 h 20)
Dans son discours de deuxième lecture, le ministre disait: "Dans
cette vaste réforme de déréglementation, il nous
apparaît extrêmement important d'être prudents et de
conserver nos acquis sur le plan de la sécurité routière.
Non seulement, faut-il tenter de conserver nos acquis, mais encore faut-il
chercher à améliorer le bilan en matière de
sécurité routière. D'autant plus, j'imagine, que le
ministre sera intéressé à avoir un beau bilan pour
l'année 1988 qui est proclamée l'Année
québécoise de la sécurité routière.
Cependant, il faut faire attention. Il y a la loi 73 sur la
sécurité routière, mais, en même temps, il y a la
loi 76 que va déposer le ministre et dont on parlera plus tard, dans les
heures qui viennent, qui, elle, va dans le sens de la
déréglementation, laquelle a démontré un bilan
plutôt catastrophique aux États-Unis, en termes de
sécurité routière, parce que la
déréglementation, justement -le mot le dit - vise à
déréglementer et à créer une situation nouvelle
dans le domaine du transport routier où des gens peuvent plus facilement
devenir transporteurs routiers et occuper la place. Parce qu'il y a
déréglementation, les entreprises deviennent beaucoup plus
concurrentielles, les gens, qui sont moins payés, qui gagnent moins cher
pour faire du camionnage, doivent faire beaucoup plus d'heures pour gagner le
même montant d'argent ou encore, parce que la concurrence est plus forte,
entretiennent moins bien leur véhicule, et on a comme résultat
que, dans un cadre de déréglementation, le nombre d'accidents
augmente considérablement.
C'est la réalité, qu'est-ce que vous voulez! Quand
quelqu'un est obligé de travailler 90 ou 100 heures par semaine pour
gagner sa vie, il n'est pas en forme comme quelqu'un qui va travailler 40
heures. Quand vous avez travaillé un trop grand nombre d'heures sur un
camion, vous pouvez vous endormir, vous pouvez conduire avec un café,
quand ce n'est pas autre chose, pour vous garder réveillé, et ce
n'est pas bon en matière de sécurité.
C'est pour cela qu'on dit, d'un côté, le ministre
présente le projet de loi 73 sur la sécurité
routière, mais par ailleurs, avec la loi 76 qui va amener une
déréglementation, il va contribuer à faire en sorte que
les gens pourront entrer facilement dans le domaine du transport routier parce
que la concurrence sera plus vive et - on le constate aux États-Unis, on
en dira un mot tout à l'heure -qu'il y aura disparition d'entreprises et
une concurrence plus vive pour ceux qui vont faire du camionnage.
On constate, par exemple, que l'expérience américaine est
plutôt catastrophique puisqu'en Californie, depuis 1983, il y a eu une
augmentation de 22 % du nombre d'accidents impliquant des camions et qu'aux
États-Unis, en général, on estime entre 25 % et 30 %
l'augmentation du nombre d'accidents des transporteurs routiers. Seulement au
Québec, en 1986, le ministre des Transports déclarait en
conférence de presse, au moment de la présentation du projet de
loi, que 75 % des camions vérifiés par les inspecteurs de son
ministère s'étaient révélés en mauvaise
condition mécanique et la déréglementation n'est pas
encore mise en application. Je ne blâmerai pas le ministre, au contraire,
je vais l'appuyer à 100 % pour qu'on soit plus vigilant en
matière de sécurité routière au Québec.
Il y a des gens de mon comté qui ont eu à déplorer
des morts dans leur famille parce qu'un camion ne pouvait pas arrêter
n'ayant presque pas de freins. Quand le
ministre nous dit que 75 % des camions vérifiés par les
inspecteurs de son ministère s'étaient
révélés en mauvaise condition mécanique, cela veut
dire que c'est un nombre très élevé et que des mesures
plus sévères pour la sécurité routière dans
le domaine du transport par camion ou par autobus sont nécessaires. Il
est important que sur nos routes, surtout dans un domaine professionnel comme
le camionnage ou les autobus, on retrouve des véhicules dont l'entretien
mécanique correspond à des normes de sécurité. En
même temps que le ministre - et c'est là qu'il y a de
l'inquiétude dans le milieu - va imposer des normes plus
sévères en matière de sécurité
routière, il préconise la déréglementation dans ce
secteur, ce qui est une cause de moindre sécurité
routière, comme on l'a démontré aux État-Unis
où cette déréglementation est en vigueur depuis un certain
temps.
Par ce projet de loi, le ministre s'engage, comme il l'a dit
lui-même, avec ceux qu'il a lui-même appelés les "gypsies"
de la route, à mettre au pas les entreprises récalcitrantes face
aux nouvelles mesures qu'il préconise. Ces mesures plus
sévères se trouvent à deux niveaux: des obligations
additionnelles conjointes pour les conducteurs et les transporteurs. Là
encore, je pense que cette disposition est souhaitable à condition qu'on
surveille dans l'application que le transporteur ne se débarrasse pas de
ses obligations sur le camionneur ou le conducteur. Il serait facile, encore
là, pour l'entreprise, de se dégager sur son conducteur ou son
camionneur et c'est là l'inquiétude des camionneurs. À tel
point qu'une nouvelle association est en train de se former depuis le
début de 1987. J'ai eu l'occasion de rencontrer les membres de cette
association qui disent ne pas être contre des mesures de
sécurité routière plus élevées - c'est
l'Association des propriétaires de camions-remorques indépendants
du Québec inc. - mais qu'ils craignent l'application de ces dispositions
puisque la responsabilité étant conjointe au niveau du
transporteur, du camionneur et même de l'expéditeur pour certaines
parties, au fond, il serait facile d'exiger du camionneur des choses qu'il ne
pourra pas faire. Par exemple, si on dit à un camionneur dont on charge
le camion-remorque en fin d'après-midi: II faut que vous soyez à
Toronto demain matin à 8 heures ou à 9 heures... c'est
évident qu'il n'a pas d'autre choix que de conduire toute la nuit. On
aura beau faire des règles presque évangéliques, dans
l'application réelle, les exigences des transporteurs ou des
expéditeurs sont telles que le camionneur n'a pas le choix de travailler
encore là un grand nombre d'heures par semaine en essayant, dans
certains cas, de déjouer les inspecteurs ou ceux qui surveillent le
système pour pouvoir remplir ses obligations.
Vous savez que dans ce domaine-là, si vous parlez le moindrement
avec des camionneurs, il vous diront qu'il est facile pour ceux qui utilisent
leurs services, d'avoir des exigences qui iront dans le sens d'exiger d'eux
plusieurs heures de conduite pour réaliser les objectifs
désirés.
Donc, aux deux niveaux: obligation pour les conducteurs et les
transporteurs et le montant des amendes, en cas de non-respect de ces
obligations pouvant varier entre 5000 $ et 40 000 $, selon le nombre de
récidives.
Je suis persuadé que le ministre n'a pas une mauvaise intention
sauf que, dans le milieu, les gens s'inquiètent beaucoup. Encore ce
matin quelqu'un me disait: On n'a pas vu d'augmentation de budget prévue
pour un nombre d'inspecteurs accru, puisque si le ministre veut appliquer une
sécurité routière avec beaucoup plus de choses à
surveiller qu'auparavant, parce qu'il y aura le livre de bord à
surveiller, il y aura toutes sortes d'exigences qui sont contenues maintenant
dans le projet de loi qui ne sont pas mauvaises en soi. Mais s'il n'y a pas
d'application, cela pourrait être pire qu'avant. Pour qu'il y ait
application, il va falloir des gens qui inspectent, qui surveillent. C'est
pourquoi, Mme la Présidente, le ministre devra nous dire de quelle
façon il entend faire une application plus vigilante des normes de
sécurité routière. (20 h 30)
Au fond, il y a deux choses. Il y a les normes, de meilleures normes, on
est d'accord là-dessus. Mais une meilleure application des normes, si on
a des normes plus considérables, cela va prendre des personnes
additionnelles pour les appliquer. Si on a plus d'exigences en matière
de sécurité routière, d'autant plus qu'on s'est rendu
compte, après une enquête, qu'il y a trop de véhicules dont
l'entretien mécanique n'est pas suffisant ou encore trop de conducteurs
de camions qui conduisent trop d'heures d'affilée alors qu'ils
deviennent fatigués et qu'ils deviennent des dangers sur nos routes
parce qu'ils sont obligés de travailler trop d'heures à la suite,
dix, douze, quinze heures, pour gagner leur vie. À ce moment-là,
c'est évident que l'application de ces mesures va demander un personnel
additionnel.
Par exemple, je vais vous donner quelques éléments du
projet quant à l'intégration des normes au Code canadien de
sécurité. On parle, par exemple, dans le projet de loi du dossier
du conducteur. Un dossier unique et valable pour l'ensemble du Canada,
c'est-à-dire que le conducteur ne pourra pas commettre impunément
des fautes au Code de la sécurité routière ou à la
sécurité routière dans l'une ou l'autre province sans
que son dossier soit cumulatif. Tout cela est valable, mais à
condition que l'application qui en est faite soit possible. Si, en même
temps, le nombre des inspecteurs n'est pas suffisant, au fond, il y aura une
belle loi, mais il n'y aura pas d'application.
Le but du ministre est de cumuler des informations sur la situation du
conducteur, par exemple, sur les heures de conduite. Il ne pourra pas passer
huit heures à la suite au Québec et huit heures en Ontario, ce
qui ferait seize heures, impunément, parce que les heures vont
s'additionner et que la loi exigeant un maximum de huit heures de conduite, il
sera possible avec un dossier unique de faire en sorte de dire à
quelqu'un qui conduira plus de huit heures qu'il doit arrêter son camion
et se reposer. Mais vous comprenez que vous ne voyez pas dans le
rétroviseur ou dans le miroir que le conducteur du camion a conduit plus
de huit heures et qu'il y a bien des conducteurs qui peuvent être
amenés à conduire plus de huit heures parce qu'ils ont des
obligations, des exigences qui leur sont posées par leur patron ou
encore parce que, les montants d'argent qu'ils peuvent gagner étant trop
bas, ils doivent faire plusieurs heures pour gagner leur vie.
Dans un cadre de déréglementation où la
compétition va être plus féroce, on peut imaginer que les
conducteurs de camion vont avoir tendance à conduire plus d'heures
à la suite les unes des autres que moins d'heures, puisque, la
déréglementation amenant plus de petits transporteurs dans le
circuit, la concurrence va être plus féroce. À ce
moment-là, normalement, les gens devront faire plus d'heures. De plus,
le conducteur n'aura désormais qu'un seul permis de conduire valable
pour tout le Canada délivré par l'une ou l'autre des provinces.
Mais cela vaudra à condition que les provinces adoptent des dispositions
et que les provinces fassent cette uniformisation dans leurs lois.
On dit dans le dossier du transporteur: Permet l'échange
d'informations entre les provinces concernant les infractions commises par les
transporteurs, surtout pour les compagnies qui font affaires
régulièrement avec plusieurs provinces. Le dossier du
transporteur contient aussi un système de points d'inaptitude comme
celui qui prévaut actuellement pour le conducteur d'automobile,
évidemment, en étant plus large parce que celui qui fait du
camion conduit à la journée longue. Par ailleurs, encore
là, le gouvernement canadien s'est fait tordre un peu les bras pour
essayer d'uniformiser avec les États-Unis, mais l'uniformisation avec
les États-Unis n'est pas complète puisqu'il y a des pouvoirs
à l'échelle des États et des pouvoirs à
l'échelle fédérale. Actuellement, le ministre semble
être premier en Amérique du Nord à devancer tous les
autres, alors que ce système ne peut fonctionner que s'il fonctionne
ailleurs, dans les autres provinces du Canada ou aux États-Unis, que les
ententes non seulement aient été faites, mais appliquées,
que les lois aient été adoptées.
Or, les informations qu'on a à ce moment-ci, Mme la
Présidente, c'est que le Canada a agi le premier, le Québec suit
immédiatement, mais que les autres semblent moins pressés. Je me
rappelle, dans le cas du système métrique, que justement on avait
été les premiers à adopter des mesures. On s'est rendu
compte que les autres, qui avaient dit qu'ils fonctionneraient eux aussi, ne
l'ont pas fait, de telle sorte que le gouvernement conservateur qui est
maintenant au pouvoir à Ottawa avait même promis, dans la campagne
électorale de 1984, de faire fonctionner les deux systèmes de
front, le système métrique et le système anglais. Nous du
Québec, qui avions fait toutes les dépenses, tous les
ajustements, tous les changements nécessaires, nous étions rendus
au système métrique alors que les autres provinces du Canada,
pour l'immense majorité, étaient - ce ne sont pas toutes les
autres provinces du Canada - restées au système anglais, à
toutes fins utiles.
C'est beau les ententes, mais j'ai souvent vu l'Ontario acquiescer et ne
rien faire par la suite. Dans ce cas, je pense que le ministre doit s'assurer
que le code canadien ne s'applique pas seulement à l'échelle
fédérale, sans avoir les lois correspondantes à
l'échelle de chacune des provinces du Canada. Il doit aussi s'assurer
que le fédéral fasse son travail auprès des
États-Unis, pour que le code de sécurité américain,
les Américains ayant exigé au fond l'harmonisation avec le
système canadien, s'applique également dans leurs propres
États.
Mme la Présidente, il y a toutes sortes de responsabilités
conjointes qui sont prévues dans la loi entre à la fois les
transporteurs, les conducteurs, les expéditeurs, mais qui valent autant
à l'extérieur du Québec que dans le Québec, dans le
reste du Canada, et dans le cadre du libre-échange aussi par rapport aux
États-Unis, qui pourront-s'appliquer.
Aujourd'hui, on parle, par exemple, d'entretien mécanique des
véhicules, de réglementation concernant la sécurité
et l'arrimage des charges, des poids et des dimensions au niveau des charges et
des camions, du transport des matières dangeureuses, de normes relatives
aux heures de travail. Vous voyez qu'il s'agit d'un encadrement
considérable mais dont l'application devra être surveillée
et respectée non seulement au Québec mais pour l'ensemble du
Canada.
Contrôle des abus, oui, nous sommes d'accord. Il faut
reconnaître qu'il y a eu dans le passé des abus, notamment quant
aux
heures de travail exigées des camionneurs salariés ou
encore des camionneurs à leur propre compte, ou encore des camionneurs
qui prêtent, si on veut, leurs tracteurs ou leurs camions à une
entreprise dont ils marquent le nom sur la porte, même si le camion leur
appartient, pour faire du transport, abus dans les heures de travail et aussi
entretien mécanique déficient, et ce, tant pour le conducteur que
pour le transporteur.
Mais pourquoi autant d'abus? Quelles sont les véritables causes
du problème? Possiblement qu'un manque de surveillance et de
contrôle routier est la cause. À ce moment-là, il faut
remédier par une surveillance plus intense, mais aussi, on peut
très bien non seulement imaginer mais savoir que les conditions
économiques auxquelles sont confrontés les camionneurs sont une
cause très importante du fait que certains camions sont
négligés, parce que les propriétaires de ces camions ne
sont pas riches ou encore qu'ils font beaucoup d'heures pour gagner un montant
d'argent additionnel pour pouvoir faire vivre leur famille et gagner leur
vie.
Les conditions économiques difficiles. Pour arriver à
joindre les deux bouts, plusieurs doivent travailler dix, quinze et parfois
même vingt heures par jour pour arriver à un salaire raisonnable.
Combien de fois voit-on des "vans" ici et là le long de la route 20, par
exemple, dans les haltes routières, où les gens se sont
arrêtés pour dormir. Certains se sont arrêtés parce
qu'ils ont fait huit heures. Certains se sont arrêtés parce qu'ils
étaient épuisés et qu'ils ne pouvaient pas aller plus
loin. Et, Mme la Présidente, c'est évident que, quand quelqu'un a
trop conduit l'automobile, il peut devenir un conducteur dangereux. (20 h
40)
Les dépenses aussi, achats, assurances, essence, ne cessent
d'augmenter pour les camionneurs. Les assurances ont augmenté
considérablement ces dernières années pour les camionneurs
et tout s'enchaîne au fond. Si, par la déréglementation, il
y a plus d'accidents qu'auparavant, comme on l'a constaté, en Californie
où il y a eu une augmentation de 30 %, depuis la
déréglementation en 1983, les primes d'assurances vont augmenter.
Si les primes d'assurances augmentent, le camionneur va vouloir faire plus
d'heures pour pouvoir payer ses assurances qui seront plus
élevées. Si l'essence est plus cher - et on voit que le
gouvernement actuel a fait en sorte de fixer les taxes au niveau maximum -
là encore, cela coûte plus cher de frais de fonctionnement aux
camionneurs qui doivent faire des heures pour compenser. Pour bon nombre de
camionneurs, des revenus insuffisants coupures et, souvent, sur le plan de
l'entretien mécanique, qu'il s'agisse de pneus usés, de freins
inefficaces, etc.
Je voudrais être bien clair quand je dis au ministre qu'à
ce sujet, il devra être vigilant pour s'assurer aussi que les conditions
de travail des camionneurs ne soient pas excessives, surtout parce qu'une
entente sur le libre-échange s'en vient et qu'une entente sur le
libre-échange signifie que la concurrence deviendra le principal
critère d'évaluation des camionneurs. Celui qui sera plus
vigoureux, celui qui sera plus fort physiquement, celui qui fera le plus
d'heures, c'est lui qu'on voudra engager. Celui qu'on considérera plus
fragile et moins fort physiquement sera écarté. Quand on parle de
libre-échange et de déréglementation, cela veut dire que
les petits doivent s'écraser, qu'ils doivent disparaître du
système. Au bout, à la limite, déréglementation
veut dire la loi du Far West: celui qui tire le plus vite, c'est celui qui a
raison. Au Far West, autrefois, quand tout le monde avait son revolver à
la ceinture, celui qui dégainait et qui tirait le plus vite faisait la
loi, jusqu'à ce qu'un plus jeune qui a tiré plus vite vienne le
remplacer.
Quand on parle de libre-échange et de
déréglementation, cela veut dire que c'est le plus efficace qui
prend la place, mais le plus efficace dans un monde où les gens ne sont
pas égaux. Il y en a qui ont une bonne santé et d'autres qui
n'ont pas une bonne santé. Il y en a qui sont forts et d'autres qui ne
sont pas forts. Certains sont résistants et d'autres ne le sont pas,
mais on aura les mêmes exigences d'efficacité pour tous. Ce n'est
plus le système de société basée sur
l'humanité, ce n'est plus une société qui sera
basée sur la compassion; c'est un système de
société dans le libre-échange et la
déréglementation où les plus faibles ne sont plus
protégés. Qu'on soit bien conscient de ceux qui parlent du
libre-échange sans en connaître l'a b c. C'est facile de parler du
libre-échange quand on a sa permanence, quand ce sont les autres qui
vont perdre leur emploi; ceux qui gagnent leur vie dans des secteurs moins
efficaces, ce sont eux qui vont perdre leur emploi.
C'est facile d'en traiter allègrement quand vous êtes
professeur d'université avec une permanence totale ou encore
fonctionnaire au gouvernement avec une permanence totale. Sauf que ceux qui
perdront leur emploi et dont il faut tenir compte, ce sont ceux qui n'auront
pas de permanence totale. J'ai hâte de voir pendant combien de temps ces
gens voudront payer des taxes pour assurer la permanence totale à
d'autres catégories de travailleurs dans une société qui,
eux, auront la permanence, alors qu'ils sont dans le système de
concurrence le plus total, où seule l'efficacité sera juge de
leur travail. C'est ce qu'il faut savoir. C'est fondamentalement ce que cela
veut dire. Cela veut dire que, quand quelqu'un va
devenir trop vieux, malade, trop faible ou qu'il aura des
problèmes familiaux ou des problèmes personnels, sa compagnie lui
dira: Va-t'en, on peut en engager un autre plus jeune qui a la force pour faire
le travail. C'est ce que veut dire le libre-échange
également.
Il faut également être capable de se dire que la loi sera
celle de l'efficacité. Mais on a vu ce que l'efficacité
économique a donné dans le passé. On a vu aussi qu'on a
considéré qu'il fallait avoir des mesures sociales, des
règlements, pour encadrer le rythme d'une vie économique pour
qu'on vive dans une société civilisée et humaine,
où les gens ont le droit de vivre dans des conditions humaines. C'est
évident que, si l'on juge que les seules conditions sont celles des plus
efficaces, on se rendra rapidement compte que les gens ne sont pas tous
égaux, qu'ils ne sont pas tous nés avec la même
santé, avec la même force et avec la même vigueur.
Il y a des gens qui vont trouver cette société difficile.
Remarquez que ceux qui ont eu le témoignage le plus sage dans ce
cadre-là, ce sont les évêques du Canada qui ont dit: Quand
on veut faire un tel changement de société, il devrait y avoir un
vaste débat dans notre société pour être bien
conscients des changements que l'on veut apporter, parce que, dans une
société démocratique, les gens ont le droit de dire quel
genre de société ils veulent bâtir, dans quelle genre de
société ils veulent vivre, ou s'ils veulent avoir une
société dont la seule règle est celle de
l'efficacité économique.
Mme la Présidente, quand j'ai rencontré les
voituriers-remorqueurs indépendants, propriétaires de
voitures-remorques indépendants, ils m'ont dit: Dans un contexte
où les camionneurs sont confrontés à une vaste
concurrence, plusieurs d'entre eux doivent travailler à des tarifs
parfois ridicules, pour réussir à se trouver un contrat.
Conséquences: des revenus insuffisants, des coupures importantes dans
l'entretien, augmentation des heures de travail pour compenser les faibles
revenus.
Il ne faut pas croire que nous tentons de dire que la
sécurité n'est pas importante dans cette industrie, au contraire.
Nous croyons que la sécurité est importante, que les normes de
sécurité doivent être renforcées et qu'elles doivent
être appliquées avec encore plus de diligence. Nous sommes
d'accord là-dessus. Bien au contraire, nous croyons qu'il est important,
voire même essentiel, d'intervenir sur la question des heures de travail
et de l'entretien mécanique. Mais nous croyons, cependant, qu'il est
tout aussi important d'assurer aux camionneurs une situtation financière
respectable et décente, ainsi que de permettre à l'industrie
québécoise du camionnage de s'adapter aux nouvelles
réalités économiques, c'est-à-dire la
déréglementation et le libre-échange. Ce sont de nouvelles
conditions qui vont arriver à peu près ensemble, puisque le
nouveau Code de la sécurité routière
fédérale doit s'appliquer à partir du 1er janvier 1988 et
que le libre-échange devrait s'appliquer à partir du 1er janvier
1989, s'il est signé et si le gouvernement conservateur ne perd pas ses
élections là-dessus, ce qui n'est pas impossible non plus, parce
qu'on aura un véritable débat de société.
Conception d'une société. Un débat qui va être
fascinant, à condition qu'on puisse le faire.
Mme la Présidente, je trouve épouvantable, que, dans le
cadre du libre-échange, on soit rendu au 1er décembre -l'entente
doit être signée le 3 janvier - et que les 1000 pages ne soient
pas encore disponibles. Comme si le libre-échange était une
maladie honteuse dont il ne faut pas prendre connaissance. Normalement, dans
une société, il devrait y avoir un débat pour savoir si on
veut de cela.
Traditionnellement, les peuples nordiques, Mme la Présidente, ont
été beaucoup plus des peuples qui ont eu l'esprit communautaire,
qui ont voulu organiser des systèmes plus collectifs. Ce n'est pas
seulement l'initiative individuelle ou l'efficacité personnelle
individuelle qui a été le seul critère d'attribution des
revenus ou encore de la sécurité dans notre
société. Cela n'a pas été cela, au contraire. La
société à laquelle nous sommes arrivés, le genre de
sécurité sociale à laquelle nous sommes parvenus au
Québec et au Canada - il y a des choses qui sont différentes, car
nos façons de vivre sont différentes - ont été
bâtis au cours des années, dans un système où ce
n'était pas l'efficacité économique qui était le
seul critère. Le cadre sera différent. Cela veut dire que, dans
un cadre de déréglementation, donc de concurrence plus grande,
dans un cadre de libre-échange, encore de concurrence plus grande, non
seulement au Canada, mais en Amérique du Nord, les règles du jeu
vont être différentes. Beaucoup de gens se demandent si le respect
de l'application des nouvelles règles du jeu va être réel,
s'ils peuvent se fier au fait que le système sera respecté et
appliqué par tous, que le gouvernement mettra en place les dispositions
nécessaires pour que cela soit respecté et appliqué par
tous. (20 h 50)
Tout le système proposé par le ministre peut
paraître bien beau en théorie, mais en pratique qu'en sera-t-il?
À quoi bon se donner une loi si sévère si on ne se donne
pas les moyens de la faire respecter?
Quelle en sera l'application? C'est ce que se demandent, entre autres,
les camionneurs et les propriétaires d'entreprises de camionnage. C'est
beaucoup plus facile pour les propriétaires de respecter la loi si
les autres sont forcés de la respecter, que ce soit un
système d'application générale et non pas un
système de "pas vu, pas pris" et qu'on sache qu'on vit dans un
système où il y a de belles normes, mais que personne ne les
applique.
Quelles sont les solutions? Une police de la route? On sait que le
député de Louis-Hébert a préconisé cette
formule. J'aurais pensé qu'il serait peut-être allé
jusqu'à une police à cheval, lui qui a été un si
grand admirateur de Bolivar et de son cheval, à tel point qu'il en a
reçu une médaille. On ne sait pas si c'est le cavalier ou le
cheval qu'il admirait le plus. Est-ce que ce sera une police de la route, selon
la recommandation du député de Louis-Hébert - il semble,
par ailleurs, qu'il y ait beaucoup d'adversaires à cette formule - ou
une unité spéciale à l'intérieur de la
Sûreté du Québec?
La police de la route, elle existait déjà avant
d'être intégrée à la Sûreté du
Québec, lorsque le contrôle routier a été
placé sous le contrôle de la Sûreté du Québec
en mars 1984, alors que 175 inspecteurs des transports ont rejoint les rangs de
la Sûreté du Québec. Le rapport Doyon, comme je viens de le
dire, avait soulevé beaucoup de controverse chez les policiers
provinciaux et leurs représentants. On affirmait à ce
moment-là qu'il était plus urgent et important de consolider le
système actuel que de se tourner vers un nouveau corps policier. Le
ministre aura à trancher, on verra ce qu'il va dire du rapport de son
député de Louis-Hébert et des deux autres
députés qui ont travaillé avec lui à la
rédaction de ce rapport.
Camionnage et déréglementation. On sait que
l'expérience de la déréglementation, aux endroits
où cela s'est fait, a amené une augmentation du nombre de
transporteurs routiers, d'où l'importance d'un meilleur contrôle
routier parce que, comme les portes sont plus ouvertes pour obtenir le permis
de camionnage, il y a plus de gens qui font du transport, mais comme la masse
de transport n'est pas plus grande, les revenus peuvent être
diminués, et sont diminués pour un grand nombre d'entre eux. Il
est important d'avoir un meilleur contrôle routier, sinon on pourrait
craindre de se retrouver dans une véritable jungle où les
compagnies les mieux organisées réussiraient à s'en sortir
beaucoup mieux que les plus petites, et on créerait une plus grande
injustice. Je suppose bien que ce n'est pas ce que souhaite le ministre des
Transports.
Camionnage et libre-échange. Le ministre parle dans son projet de
loi de l'intégration des normes au Code canadien de
sécurité. Il peut même se permettre de nous rappeler que
les discussions amorcées pour la déréglementation l'ont
été à l'époque de l'ancien gouvernement et de son
prédécesseur, M. Guy Tardif, en février 1985.
Faut-il souligner qu'à cette époque on parlait très
peu de libre-échange et que c'est seulement un mois plus tard, le 17
mars 1985, au Grand Théâtre de Québec, que le
président des États-Unis et le premier ministre du Canada ont
annoncé officiellement que commenceraient des discussions en vue de
tenter d'en arriver à un cadre de libre-échange entre le Canada
et les États-Unis?
De plus, les règles du jeu ont été sensiblement
modifiées. On n'est plus dans le même cadre, celui d'une
déréglementation au Canada, tel qu'il était au moment des
discussions, alors qu'il y avait eu une entente de principe au début de
1985. Les conditions, les règles du jeu ont changé, et c'est
pourquoi le ministre ne peut pas se sentir lié par une entente qui va
s'appliquer dans un cadre de libre-échange. C'est pourquoi je dis au
ministre: La déréglementation seulement au Canada, entre les
provinces du Canada, c'est une chose, mais la déréglementation au
Canada et au Québec qui, ensuite, fonctionneront par rapport aux
Américains, dans un cadre nord-américain, cela veut dire deux
variables nouvelles, un cadre complètement nouveau de
déréglementation et de libre-échange.
Le ministre parle dans son projet de loi de l'intégration des
normes au Code canadien de sécurité. Dans un tel contexte, les
dispositions applicables au niveau canadien et celles discutées
aujourd'hui au niveau québécois permettront-elles de tenir compte
de cette nouvelle réalité? Le ministre a-t-il demandé des
études d'impact sur les conséquences du libre-échange dans
l'industrie du camionnage? Les règles du jeu seront-elles les
mêmes pour tous et quelles seront les conséquences au niveau de la
sécurité routière? Comme on le disait, comme les
règles du jeu dans le domaine du camionnage vont changer, on a
constaté qu'aux États-Unis, il y avait eu beaucoup plus
d'accidents et que la sécurité routière avait
diminué considérablement dans le cadre de la
déréglemenation.
Autre modification au code de sécurité - je voudrais
prendre les quinze minutes qui me restent et parler principalement du
stationnement des personnes handicapées. Il s'agit d'une question
importante couverte par le projet de loi 73 et qui ne nous semble pas bien
couverte. Les rencontres que nous avons eues avec les gens qui sont dans ce
secteur, qui sont les représentants des personnes handicapées
nous indiquent que ces personnes ne sont pas satisfaites du tout du
régime mis en place par le ministre dans ce projet de loi à tel
point que nous pensons que les normes de sécurité routière
devraient faire l'approbation, devrait faire l'objet d'une discussion plus
rapide, d'une étude en commission parlementaire, mais nous ne voudrions
pas être placés dans la situation de voter sur des normes de
sécurité routière
pour lesquelles nous sommes favorables et de voter sur les normes de
stationnement des personnes handicapées alors que nous trouvons
inacceptables les normes prévues dans le projet de loi. Elles sont
inacceptables parce qu'elles ne tiennent pas compte des besoins des personnes
handicapées.
L'article 11 du nouveau Code de la sécurité
routière accorde des vignettes permettant d'utiliser des espaces de
stationnement aux seules personnes handicapées propriétaires d'un
véhicule et titulaires d'un permis de conduire. En conséquence,
on exclut une forte majorité des personnes handicapées - 90 %,
dit-on dans la lettre que le ministre a reçue de la COPHAN, la
Confédération des organismes provinciaux des personnes
handicapées du Québec qui lui a dit: Si le système que
vous avez mis en place reste comme cela, 90 % des personnes handicapées
ne pourront pas en profiter et celles qui ne pourront pas en profiter sont
celles qui sont les plus handicapées, c'est-à-dire celles qui ne
peuvent pas conduire une automobile et qui seraient, à toutes fins
utiles, laissées pour compte.
Pour les personnes qui peuvent conduire, je pense que c'est bon qu'on
ait mis des dispositions dans le Code de la sécurité
routière avec une réglementation qui va entrer en vigueur pour
laquelle certains correctifs sont demandés et pourront être faits
dans un autre cadre que celui de l'Assemblée nationale puisque le
règlement n'est pas adopté par l'Assemblée nationale...
Mais pour les personnes handicapées qui ne peuvent conduire leur
automobile, le régime proposé n'a pas de sens. On peut
imaginer... Combien d'exemples m'a-t-on donnés lors de rencontres que
j'ai eues avec des personnes handicapées. Imaginez qu'un père de
famille qui a un enfant handicapé devra le laisser au centre commercial
sur le bord du trottoir pour aller stationner son automobile ou encore sortir
un ou des appareils qui sont utilisés...
Je vois le ministre qui proteste, mais ce sont les personnes
handicapées qui me l'ont dit, qui ont fourni de la documentation pour
indiquer que ce n'était pas correct. J'ai dit aux personnes que j'ai
rencontrées: Écrivez au ministre, il a le droit d'être au
courant de tout cela. Elles m'ont dit: On l'a fait et j'ai eu des copies de
lettres ou de télégrammes envoyés au ministre. Sauf que
les personnes handicapées nous disent: On ne sera pas traitées
correctement par le système proposé. (21 heures)
On peut imaginer que toutes celles qui ne peuvent pas conduire une
automobile sont dans une situation pire et que si elles ne peuvent avoir
accès parce que la personne handicapée n'est pas le conducteur de
l'automobile aux espaces qui sont les plus rapprochés des zones de
débarcadère, elles devront se chercher un stationnement comme
tout le monde, soit stationner loin de l'endroit où elles doivent
débarquer et s'organiser comme elles le peuvent dans la circulation,
à travers le terrain de stationnement pour venir jusqu'au magasin,
jusqu'à l'édifice public ou à l'édifice tout
simplement, ou encore, la personne handicapée être
abandonnée sur le coin du trottoir en attendant que le conducteur se
trouve un stationnement quelque part. Je ne vois pas comment le ministre peut
protester parce que je ne vois pas d'autre situation que celle-là qui
puisse se produire.
La population handicapée se divise en deux catégories:
ceux qui conduisent et ceux qui ne conduisent pas. Pour ceux qui conduisent, le
ministre a dit qu'il pourrait fournir une vignette. Ainsi, les parents
devraient maintenant laisser leurs enfants à la porte des
édifices publics pour aller stationner plus loin parce qu'ils n'ont pas
droit à la vignette.
Comment parler de qualité de la vie? Qu'en est-il de la
réintégration sociale dans un tel contexte? Dans le projet de loi
73, le ministre des Transports se décharge de sa responsabilité
et renvoie la balle aux municipalités du Québec, imaginez-vous!
en leur permettant d'émettre en fonction du nombre d'espaces
réservés des certificats amovibles. Or, les regroupements de
personnes handicapées demandent des certificats amovibles mais ils sont
contre le fait que ce soit les municipalités qui les émettent. On
dit: rattacher le certificat amovible - qu'ils demandent - à la personne
handicapée de façon à permettre au conducteur qui
l'accompagne d'utiliser ces espaces réservés. Cela veut dire que
le père de famille qui a un enfant handicapé pourra utiliser la
vignette et quelqu'un dans sa famille qui aura quelqu'un de handicapé
qui ne conduit pas l'automobile, si la vignette est rattachée à
la personne handicapée, pourra demander à quelqu'un de le
conduire qui pourra utiliser l'espace réservé. Il me semble que
c'est le bon sens.
Je n'ai pas inventé ça. Je peux vous lire le
télégramme que j'ai reçu et que le ministre a reçu
également de personnes qui ont demandé... M. Louis Pronovost,
président du comité de concertation pour personnes
handicapées de Trois-Rivières Métro: "Nous exigeons un
permis mobile, rattaché à la personne handicapée, uniforme
et reconnu partout au Québec et émis gratuitement par un
organisme central." Parce que ces gens ne veulent pas que ce soit selon des
normes municipales, qu'il y ait 1500 municipalités et 1500 normes
différentes avec l'émission par une municipalité qui n'est
pas organisée pour évaluer les personnes handicapées.
On voit le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu qui, depuis
combien de temps, essaie de déterminer qui est une personne apte
ou inapte au travail et là on va demander à chacune des
municipalités du Québec de déterminer qui est une personne
handicapée et qui n'est pas une personne handicapée? Le ministre
lui-même trouve que ce serait trop de travail pour la Régie de
l'assurance automobile du Québec. Pensez-vous que les
municipalités sont mieux organisées pour déterminer des
règlements, des normes pour donner des vignettes à des personnes
handicapées en déterminant si telle personne l'est ou telle
personne ne l'est pas qui ne peut pas conduire une automobile? Voyons donc! Mme
la Présidente, c'est évident.
J'ai un autre télégramme de Me Richard Champagne,
président provincial de l'Association de paralysie
cérébrale du Québec. Que dit M. Champagne? Le
télégramme était expédié à M. Jean
Garon, critique de l'Opposition en matière de transport: "Suite au
projet de loi 73 sur la délivrance par une municipalité d'un
certificat permettant à la personne handicapée de stationner son
véhicule dans un espace réservé à cette fin,
l'Association de paralysie cérébrale exige que ce permis soit
émis par un seul organisme, en l'occurrence la Régie de
l'assurance automobile du Québec et non pas laissé à la
discrétion des municipalités." Que ce permis soit uniforme. Un
handicapé ne pourra pas avoir un permis par ville. Si vous allez dans
différents endroits ça va vous prendre autant de permis qu'il y a
de villes? Voyons donc! ça n'a pas de bon sens. "Que ce permis soit
uniforme pour tous et reconnu à l'échelle provinciale, l'ensemble
du Québec." "Que ce permis soit émis gratuitement." "Les
personnes handicapées à travers le Québec comptent sur
votre appui pour que leurs droits soient reconnus uniformément." C'est
ça le bon sens. Pas les municipalités qui déterminent des
normes pour savoir qui est handicapé et qui ne l'est pas. Pas les
municipalités qui jugent qui est handicapé, après avoir
établi des normes pour ne pas qu'un handicapé se retrouve avec
autant de vignettes qu'il y a de municipalités dans lesquelles il va
aller ou encore fasse une demande de permis à autant d'endroits. Il a
déjà un problème en étant handicapé,
pourquoi aller créer le système juridique le pire au
Québec? Pourquoi la Régie de l'assurance automobile ou l'Office
des personnes handicapées du Québec qui sont des organismes qui
auraient un caractère provincial ou pour l'ensemble du territoire
québécois ne pourraient pas le faire? Comment parler de la
qualité de la vie? Dans le projet de loi 73, le ministre se
décharge de la responsabilité.
Le gouvernement force ainsi les personnes handicapées à se
débattre maintenant devant toutes ces municipalités pour obtenir
un droit tout à fait légitime. Les groupes de personnes
handicapées nous ont démontré leur inquiétude quant
à la volonté et à la capacité des
municipalités de s'occuper adéquatement de dossiers aussi
importants. S'il est compliqué pour le gouvernement de distinguer les
personnes aptes et inaptes au travail pour la réforme de l'aide sociale,
comment penser que les municipalités pourront évaluer
adéquatement les besoins des personnes handicapées qui feront une
demande de vignette amovible?
Où est la logique quand le gouvernement accorde certains montants
pour adapter et modifier les véhicules automobiles pour les personnes
handicapées lorsqu'on ne leur accorde aucun droit de se stationner dans
les endroits publics, quand le gouvernement va aider à modifier les
véhicules automobiles pour des hancidapés et qu'ils devront
ensuite faire une demande à une municipalité qui décidera
selon ses normes de donner ou non une vignette? Voyons donc! Ils seraient
dépendants du bon vouloir des municipalités pour obtenir la
vignette de stationnement. Les municipalités ne sont pas
organisées pour cela. Ne nous comptons pas d'histoires. Elles ne sont
pas organisées pour cela.
Les handicapés craignent aussi pour l'application de cette mesure
qui risque d'être plus ou moins uniforme: 1500 municipalités, 1500
normes, 1500 séries de normes différentes. Dans son discours de
deuxième lecture, le ministre affirmait qu'il avait déjà
fait le maximum pour les personnes handicapées en ce qui le concerne.
Nous disons non! Pas nécessairement par mauvaise foi, mais parce qu'il
n'avait pas le portrait de l'ensemble du dossier. Maintenant, je pense que le
ministre doit tenir compte du fait que les personnes handicapées au
Québec doivent être aidées, qu'elles ont besoin d'un
régime spécial qu'elles ont indiqué, soit une vignette
amovible qui pourrait être utilisée par le conducteur, celui qui
conduit la personne handicapée.
C'est juste le bon sens d'autant plus qu'il y a certaines provinces qui
le font déjà. La Saskatchewan le fait déjà;
l'Ontario se prépare à le faire. D'autres provinces le font
encore. Je ne veux pas référer à mes notes - je ne l'avais
pas noté ici - mais il y a d'autres provinces qui le font. L'Alberta, la
Saskatchewan. Et l'Ontario se prépare à le faire. Une vignette
amovible délivrée par un corps public. Pourquoi le Québec
n'aurait pas un système mieux pensé pour ces personnes? À
moins qu'on ne soit sous le système de libre-échange partout.
Je pense que, dans le cas des personnes handicapées, on devrait
adopter des mesures en conséquence, c'est-à-dire, selon les
demandes des groupes intéressés, la délivrance d'une
vignette amovible par la Régie de l'assurance automobile aux
personnes handicapées, qu'elles soient ou non détentrices
d'un permis de conduire. Objectif: un système uniforme dans l'ensemble
du Québec. Même les militants du Parti libéral ont
demandé à leur chef au dernier congrès de prendre un
virage social à l'égard des plus démunis de la
société. Je pense que cela serait à un des hommes les plus
pesants du gouvernement, le député de Charlesbourg, ministre des
Transports, de prendre le virage le premier pour que, pour les personnes
handicapées, les vignettes puissent être appliquées dans un
système qui va faire davantage l'affaire des gens qui le demandent, qui
sont des personnes qui doivent être aidées.
La Vice-Présidente: En conclusion, M. le
député.
M. Garon: Mme la Présidente, je conclus là-dessus
en espérant être entendu. Mais comme le ministre ne m'a pas
donné l'assurance qu'il m'avait entendu, peut-être qu'il faudrait
lui faire comprendre davantage. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis. Mme la dédputée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente.
Une voix: Mme la Présidente, l'alternance?
Mme Harel: Certainement, certainement.
La Vice-Présidente: M. le député de
Rousseau.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci, Mme la Présidente et Mme la
députée de Maisonneuve. Mme la Présidente, le critique de
l'Opposition du transport se demandait si notre ministre des Transports avait
été attentif, s'il avait entendu quelque chose. Il faudrait
d'abord préciser s'il y avait quelque chose à entendre. C'est le
premier phénomène.
Si nos auditeurs ont écouté son message depuis une heure
pour bien comprendre la loi 73, je pense qu'ils n'ont pas très bien
perçu ce qu'était la loi 73, ce qu'elle visait et de quoi elle se
composait. (21 h 10)
M. le critique de l'Opposition a parlé de libre-échange.
Il a peut-être manifesté sa déception d'être encore
une fois critique des transports et non critique des finances.
Mme la Présidente, moi, je suis très fier de prendre la
parole sur un projet concernant le transport parce qu'une autre fois le
gouvernement démontre bien son intention de prendre le contrôle de
nos routes en matière de sécurité. J'ai eu l'occasion, la
semaine dernière, en parlant sur le projet de loi 62, de
démontrer aussi qu'il y avait un intérêt particulier du
gouvernement libéral de protéger nos citoyens et, surtout,
d'améliorer son réseau routier.
Vous savez, Mme la Présidente, le projet de loi 73 et le projet
de loi 76, qui va être débattu plus tard, sont quand même
très importants parce qu'on parle de 42 000 entreprises, on parle de 75
000 emplois et on parle de 4 000 000 000 $ de dépenses d'exploitation.
Donc, ce sont des lois très importantes. C'est très important que
les utilisateurs comprennent bien le sens de ce projet de loi.
Bien entendu, nous allons vivre, au Québec comme au Canada, une
déréglementation du transport qui va amener toutes sortes
d'aménagements qui vont être tantôt difficiles, tantôt
faciles. Ce projet de loi 73 vise à harmoniser le plus possible le Code
de sécurité canadien avec celui du Québec. Je pense qu'il
est très important qu'on harmonise, qu'on tente le plus possible de
créer le moins d'écart.
Dans les quelques minutes qui me sont allouées, j'aimerais quand
même parler des principaux éléments que comporte le projet
de loi 73. Premier élément: le dossier du conducteur. Le but,
c'est d'uniformiser à l'intérieur du Canada pour que les gens
aient un seul permis. Vous savez que, malheureusement, il y avait beaucoup de
conducteurs délinquants qui pouvaient obtenir plusieurs permis pour
ainsi frauder la loi. Le permis commercial sera uniforme. Les normes
médicales, les examens de conduite, la formation des évaluateurs
seront communs. Voilà un actif positif du projet de loi 73: un dossier
commun du conducteur dans tout le Canada.
Deuxième volet important: le dossier du conducteur professionnel.
Bien entendu, nous connaissons tous les efforts que depuis deux ans le
gouvernement libéral met sur la sécurité routière,
sur les points d'inaptitude concernant la conduite; la même chose est
reportée concernant le transport. Il y a des points qui concernent la
gravité du délit. Il y a surtout des amendes qui vont être
beaucoup plus importantes - cela indique à quel point on porte une
attention aux délits - et qui vont aller - tantôt, le critique
l'indiquait - de 5000 $ à 40 000 $. Ce qui est surtout important, c'est
qu'à défaut du paiement on pourra saisir un ou plusieurs
véhicules. C'est très important, Mme la Présidente, pour
le respect.
Tantôt, le critique disait: Est-ce que ce sera appliqué?
Est-ce que ce sera facile d'appliquer la loi? On est en train de la faire. Il
ne s'agit pas de la défaire avant de la faire. Mais lorsqu'on indique
des sentences aussi sévères, je pense qu'on indique très
bien, le ministre des Transports indique très
bien son orientation.
Troisième volet: l'état mécanique des
véhicules. Où met-on la responsabilité du conducteur et
celle du transporteur? Les deux seront conjointement responsables. Je pense que
c'est peut-être le point positif dont le critique parlait tantôt et
c'est peut-être le seul moment où on a pu comprendre l'importance
du projet de loi 73. Il a failli nous dire que c'était une bonne loi. Il
a failli nous le dire. Mais c'est un bon projet de loi car l'état
mécanique, c'est très important que les gens qui roulent sur
notre territoire ne mettent pas en péril la vie des autres conducteurs
et, en particulier, dans le domaine du transport, surtout dans le transport
lourd. Le projet de loi 73 comporte un volet important qui parle de
l'état mécanique des véhicules et toutes les sanctions qui
s'y rattachent.
Un phénomène nouveau, un quatrième volet, concerne
la surcharge. Une responsabilité conjointe, une complicité entre
conducteur, transporteur, expéditeur. Tout ce dont on a entendu parler
tantôt, ce n'est pas de ce volet nouveau, mais c'est de la
difficulté probable. Qui va le faire, etc.? Ce qu'il faut indiquer,
d'abord, c'est l'intention première du gouvernement de dire que le
conducteur a une responsabilité, le transporteur et l'expéditeur
aussi.
Je pourrais citer plusieurs exemples, Mme la Présidente, parce
que je suis moi-même dans un comté où de nombreux
transporteurs se plaignaient du fait que c'était seulement les
conducteurs qui étaient pénalisés. Le ministre et le
gouvernement ont été à leur écoute. Je me souviens
d'un cas bien précis où le ministre était présent
dans mon comté et où il s'est assis avec des conducteurs et a
porté attention à ce que ceux-ci disaient sur la
réglementation. On le voit par le projet de loi 73.
Le cinquième volet, Mme la Présidente, les pouvoirs accrus
aux peseurs - on sait que dans le passé, les agents de la paix
étaient les seules personnes habilitées à donner des
billets d'infraction - pour renforcer la vérification. Ils se posaient
la question: Qui était pour appliquer toutes ces mesures-là? Il y
a d'autres comités qui travaillent. J'ai moi-même participé
à la réforme d'un des corps de police; on n'est pas rendu
à la conclusion mais c'est un autre volet. Les peseurs qui contribuent
à renforcer notre loi, ce sont des gens additionnels qui vont voir
à ce que notre loi soit bien respectée, une meilleure
efficacité, Mme la Présidente.
Comme sixième volet, on n'en a pas tellement entendu parler
tantôt, on a parlé de libre-échange. J'ai bien entendu le
critique de l'Opposition mousser dans sa philosophie sa future candidature. Il
nous a parlé un peu du volet d'une nouvelle société. Comme
sixième volet, on peut parler de la réciprocité
Québec-New York comme étant une entente qui peut favoriser une
meilleure surveillance, surtout une meilleure adaptation à nos
transporteurs qui vont travailler dans ces États-là ou l'inverse.
C'est là aussi un exemple tangible qu'on respecte de plus en plus nos
transporteurs. Bien entendu, on ne ferme pas la porte à d'autres
ententes.
Un septième volet dont le critique de l'Opposition n'a pas
parlé mais, moi, j'ai eu la visite de Québec à cheval.
Vous allez dire: Dans la loi 73, on parle de transporteurs, de camionneurs.
Malheureusement, dans la loi, il y avait un article qui pénalisait
peut-être les gens qui pratiquent ce sport-là. Là aussi, on
a été à l'écoute des gens. Les gens qui se
rendaient à mon bureau disaient: Cela n'a pas de bon sens d'interdire
qu'on puisse passer d'une route à une autre, d'un champ à un
autre, d'un tracé à un autre. M. le ministre a placé dans
la loi 73 pour ces gens qui font de l'équitation l'inverse de ce qu'on
disait. On disait qu'il fallait que les traverses soient indiquées.
Là, la loi 73 dit que ce sont les interdictions qui vont être
indiquées. Je suis convaincu... On lisait tantôt un
télégramme qui pouvait peut-être signaler la
déception des handicapés. Je peux vous montrer des
télégrammes qui disent la satisfaction des gens en ce qui
concerne l'équitation. Ils sont très heureux de voir qu'on a
été à leur écoute. Une minorité, vous allez
me dire, mais une loi améliorée, bonifiée. C'est ce dont
il n'a pas parlé tantôt, de dire que la loi 73 ait
améliorée, bonifiée le travail de ces
conducteurs-là.
Finalement, Mme la Présidente, comme autre volet, comme
huitième volet, on parlait des handicapés, on disait que
c'était effrayant ce qu'on faisait en ce qui a trait au stationnement
des handicapés, que c'était effrayant de laisser cela aux
municipalités. Je peux vous dire, Mme la Présidente, que j'ai eu
l'occasion de servir une ville à titre de maire pendant six ans et je
pense que c'est le rôle des municipalités de se donner des
services, entre autres, de se donner des espaces de stationnement. Ce sont
surtout les petites municipalités qui connaissent leurs
handicapés chez eux. Ce sont même les municipalités qui
financent les loisirs de ces mêmes handicapés qui sont
identifiés dans ces villes. Tantôt le critique demandait qui
était pour identifier les handicapés? Chez nous, il y avait une
population de 10 000, il y avait 26 handicapés et on connaissait ces 26
handicapés-là. Qu'on ne vienne pas me dire que ce sont des gens
pris au hasard, c'est faux. Les villes ont la compétence et la
responsabilité de définir qui sont les personnes
handicapées. Ils le font en dehors du stationnement, ils le font
à l'intérieur de leur loisir et de toute autre activité
propice à eux. Bien entendu, il y a peut-être certaines
modifications, la reconnaissance dans d'autres municipalités.
Peut-être qu'il
va falloir se pencher à nouveau là-dessus pour qu'il y ait
une reconnaissance plus attentive, plus complémentaire et plus complice
avec d'autres villes. Je pense que c'est la bonne décision. (21 h
20)
On vient de donner la possibilité aux gens qui ne sont pas
conducteurs; jadis, ce sont les conducteurs handicapés qui avaient un
permis. Là, on le donne à tous les gens qui ont, par malheur, un
handicap, mais qui ont aussi des activités et qui sont
transportés par l'un et par l'autre. Je considère cela, Mme la
Présidente, comme une amélioration, comme un pas vers une
solution élargie en donnant la possibilité aux villes de
légiférer et de bonifier les lois.
Il faudrait surtout réfléchir à une chose. Si nous
mandatons un organisme provincial pour émettre ce genre de permis, il y
a environ 6000 handicapés au Québec, est-ce que cela va prendre
une enquête médicale pour ces gens-là qui ne sont pas
identifiés à cet organisme? Je considère que notre
gouvernement a fait le bon choix. Bien entendu, il faut rester à notre
table de travail et continuer à inciter les villes à être
plus complémentaires et plus complices là-dessus.
Mme la Présidente, vous voyez que le projet de loi 73 vient dire
à nos camionneurs qu'on considère énormément cette
activité économique. Il vient aussi leur dire qu'il est là
pour encadrer et pour épauler leurs activités et surtout pour
légiférer de façon que la sécurité soit
accrue au Québec. On peut critiquer toutes sortes de choses, mais on ne
peut pas critiquer une loi qui améliore la situation des gens. On ne
peut surtout pas critiquer une loi qui vient sécuriser les autres
véhicules dont l'activité tourne autour de ces gens-là. Je
suis convaincu que les 42 000 entreprises qui font l'objet de cette loi 73 vont
l'applaudir.
Tantôt, on aura l'occasion de débattre la loi 76 qui
sous-entend une philosophie peut-être un petit peu différente. On
parle un peu plus du libre-échange et le projet de loi 73 vient donner
un cadre de gestion, un cadre administratif selon lequel il y aura moins de
délinquants sur nos routes du Québec. C'est très important
de le signaler. Les futurs jeunes conducteurs dans ce métier seront des
professionnels de la route, ceux qui feront transporter, les expéditeurs
et tout cela, auront un encadrement équitable avec d'autres compagnies.
La concurrence sera beaucoup plus facile, moins dure et moins sournoise, car
elle sera l'objet d'une loi.
À titre de conclusion, Mme la Présidente, vous savez que,
depuis deux ans, on améliore la sécurité routière
et les conditions. Vous savez que presque tout le monde - moi le premier,
jadis, à titre de maire -critique l'état pitoyable de nos routes,
et avec raison. Il n'y a pas eu beaucoup d'efforts, mais on ne reviendra pas
sur le passé. Mais quel effort a-t-on mis à les
protéger?
On disait tantôt que la responsabilité des gens qui
surveillaient le transport en 1984 est passée à la
Sûreté du Québec. J'ai eu l'occasion de rencontrer, la
semaine dernière, ces gens qu'on appelait jadis les bleus; ils me
disaient que, pendant un an, ils ont fait de la chaise et ils n'ont absolument
rien fait, en 1983, en 1984 et au début de 1985. Cela veut dire qu'il
n'y a pas eu de surveillance sur nos routes. On a consciemment détruit
notre système routier. Ce qu'on fait, c'est que l'on veut
améliorer la situation; on légifère de façon
à protéger les gens qui circuleront sur nos routes. Mme la
Présidente, je conclus en disant que c'est une autre bonne loi du
ministère des Transports du gouvernement libéral. Je vous ai
donné un peu les grandes lignes et je suis convaincu que même
l'Opposition sera d'accord avec le projet de loi 73. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Rousseau. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Vous comprendrez
qu'en vertu des nouvelles responsabilités qui m'incombent comme
porte-parole de l'Opposition en matière sociale, j'ai eu moins
l'occasion que l'année dernière de suivre attentivement les
projets de loi présentés en matière de transport. Il
demeure que ces projets de loi m'intéressent toujours autant. Le passage
que j'ai pu faire comme porte-parole de l'Opposition en matière de
transport m'a permis de constater combien importantes étaient, pour une
politique industrielle et une politique économique au Québec, les
interventions en matière de transport étaient importantes. Le
projet de loi 73 est un étage de plus, tout en moins en ce qui concerne
les dispositions qui modifient le Code de la sécurité
routière. C'est certainement un étage de plus à
l'édifice qui a été entrepris au début des
années 80 en matière de sécurité routière.
Il est évident que, dans ce domaine, il ne peut pas y avoir de projet de
gouvernement qui ne soit pas soutenu par des intervenants dans leur secteur. Il
n'y a pas de performance en matière de sécurité
routière, sans qu'on puisse l'attribuer à l'ensemble des
intervenants, que ce soit les départements de santé communautaire
au Québec, les CLSC, qui ont entrepris une grande campagne, à
l'échelle de tout le territoire, pour promouvoir la
sécurité et les comportements responsables en matière de
conduite automobile, que ce soit les milieux de l'éducation, que ce soit
le ministère des
Transports, le ministre lui-même, ses prédécesseurs
et la Régie de l'assurance automobile, sans oublier, évidemment,
et au premier chef, les Québécoises et les
Québécois qui, nous pouvons le constater avec bonheur, ont
amélioré sensiblement, au cours des dernières
années, leur conduite sur les routes du Québec.
Nous avions un bilan qui était, à bien des égards,
extrêmement tragique. Encore une fois, il n'y a de véritable
amélioration en ces domaines que, lorsqu'il y a une prise en charge,
comme celle à laquelle nous avons pu assister au Québec, comme
c'est le cas depuis quelques années. Nous avons donc devant nous un
projet de loi qui veut apporter des dispositions qui permettront une
sécurité accrue dans le transport routier, cette fois.
Je vous rappelle, Mme la Présidente, que, l'an dernier, nous
avions examiné plusieurs centaines de dispositions qui modifiaient le
Code de la sécurité routière, et, comme je le mentionnais,
c'est un volet, celui que nous examinons maintenant, qui concerne le transport
routier et qui est certainement indispensable à tout édifice qui
se veut complet en matière de sécurité routière.
D'autant plus que le transport routier met certainement en cause ou expose
à des risques plus grands, les conducteurs, compte tenu du nombre
d'heures de conduite par jour que les conducteurs professionnels sont
appelés à faire. C'est d'autant plus important que l'on est dans
un contexte - et mon collègue, le député de Lévis
l'a bien décrit - de déréglementation dans le domaine des
transports. Cette déréglementation est presque entreprise au
moment où elle va être réglementée. Cette
déréglementation, il faut le constater, aux États-Unis, a
eu des effets certainement maléfiques, quand on pense à
l'augmentation impressionnante du nombre d'accidents routiers. Selon les
observateurs impartiaux, l'accroissement des accidents qui a été
observé aux États-Unis, est directement lié à la
mutation qu'a engendrée la déréglementation. C'est
d'autant plus important de légiférer en matière d'usage du
réseau routier par les entreprises de transport.
Mme la Présidente, nous avions examiné, l'an dernier, la
nécessaire interrelation entre les expéditeurs, les transporteurs
et les conducteurs, en n'oubliant pas que, très souvent, les chauffeurs
routiers qui sont les travailleurs dans cette importante industrie sont
amenés, sollicités, pressés à ne pas respecter,
tant est vive et forte la compétition, et tant souvent sont absentes des
règles de sécurité de travail, les garanties d'emploi, qui
leur permettraient, à bon escient, devant les demandes pressantes qui
leur sont faites à ne pas respecter les dispositions qui sont en cause,
qui leur permettraient d'avoir des garanties d'emploi qui n'existent pas, de
refuser de commettre de telles infractions. (21 h 30)
C'est donc dire qu'il ne faut pas simplement, quand on a
véritablement comme objectif la sécurité routière
en matière de transport, simplement s'adresser aux personnes sur
lesquelles tout le fardeau repose. Il ne faut certainement pas faire reposer
sur les épaules des seuls conducteurs le respect des normes de
sécurité routière, non seulement aux seuls transporteurs,
compte tenu, au Québec, d'une situation qui est certainement unique en
Amérique du Nord où l'on retrouve, en matière de charges
indivises, des transporteurs qui ont un, deux ou trois camions. C'est un
très grand nombre de petits transporteurs et ceux-là sont
très souvent sujets à des pressions faites par des
expéditeurs pour accepter des charges qui enfreignent les
règlements. Comme, en ces matières, c'est une concurrence
féroce, une concurrence très vive, il fallait - nous avions
examiné ces possibilités lors de l'étude que nous en
faisions l'an passé en commission parlementaire - certainement examiner
la possibilité de rendre redevables du respect des dispositions de la
loi les expéditeurs eux-mêmes.
Je souhaite avoir l'occasion de prendre plus amplement connaissance du
projet de loi. Il semble qu'en matière de charges indivises les
expéditeurs soient également tenus au respect des normes. C'est
donc là extrêmement important également, puisque,
bientôt, nous aurons la possibilité de constater si l'application
pleine et entière est assurée par ces dispositions. Ce n'est
certainement pas suffisant. Mon collègue de Lévis l'a
rappelé, il faut aussi faire appliquer les dispositions que l'on adopte.
On a beau avoir le Code de la sécurité routière le plus
étanche qui puisse être et le mieux aménagé qui
soit, tout cela ne fait que dissocier si, dans les faits, on peut enfreindre
les dispositions de la loi sans être pénalisés. C'est donc
une application plus stricte à laquelle il faut inviter le
présent gouvernement.
Mme la Présidente, j'aimerais particulièrement, pendant le
temps qui m'est donné, intervenir quant aux dispositions qui concernent
les permis de stationnement pour les personnes handicapées. Je pense que
c'est là que le bât blesse, comme on le dit dans le bas de la
ville de Montréal, c'est là qu'il y a défaut dans ce
projet de loi. Les dispositions qui concernent les normes de
sécurité routière vont certainement amener l'Opposition
à une collaboration entière avec le gouvernement, mais, quant aux
dispositions qui concernent les stationnements pour personnes
handicapées, nous ne pourrons certainement pas souscrire aux
orientations, aux dispositions incluses dans le projet de loi. Nous ne le
pouvons pas, Mme la Présidente, parce que l'ensemble du milieu
des personnes handicapées, l'ensemble des organismes qui les
représentent est farouchement réfractaire au projet du ministre
d'en confier la distribution aux municipalités, de multiplier à
l'ensemble des municipalités du Québec la responsabilité
de l'émission des permis selon les critères propres à
chacune d'entre elles, pour des personnes handicapées qui se font
transporter.
Nombreuses ont été les organisations représentant
des personnes handicapées qui se sont véhémentement
soulevées publiquement contre les dispositions qu'on retrouve dans le
projet de loi. Pourquoi, Mme la Présidente? Pour la bonne raison que
cela va créer deux classes de personnes handicapées. Il y a une
disparité qui apparaîtrait, à partir du moment où
seraient mises en vigueur ces dispositions, entre les personnes qui se font
transporter et les personnes handicapées qui sont titulaires d'un permis
de conduire et qui, donc, sont conductrices de leur propre véhicule ou
d'un véhicule dont elles ont fréquemment l'usage et qui
pourraient bénéficier d'une vignette émise par la
Régie de l'assurance automobile du Québec, qu'elles colleraient
sur leur plaque d'immatriculation. Elles pourraient, à partir de
là, utiliser les stationnements réservés aux personnes
handicapées dans tout le Québec, avec la même vignette
apposée sur la plaque d'immatriculation.
Le traitement est tout à fait différent pour les personnes
handicapées qui, elles, se font transporter. Vous comprendrez que les
personnes handicapées qui conduisent elles-mêmes un
véhicule, selon les spécialistes, les études et l'ensemble
de tous les intervenants du milieu des personnes handicapées,
représentent à peine 10 %. Pour la plupart des personnes
concernées, on parle de 5 % à 10 % des personnes
handicapées qui conduisent elles-mêmes leur véhicule, qui
sont donc elles-mêmes titulaires d'un permis de conduire et qui
pourraient se voir délivrer une vignette qu'elles apposeraient sur leur
plaque.
Il semble, de toute évidence, selon toutes les informations que
j'ai pu recueillir, que près de 90 % des personnes handicapées se
font transporter par un parent, par un conjoint, par un ami, par quelqu'un du
voisinage, se font transporter... Il y a évidemment les enfants qui
comptent sur leurs parents, soit pour des activités de loisir ou pour
quelque activité qui nécessite un déplacement, mais il y a
aussi les personnes handicapées adultes qui ne sont pas en mesure, qui
n'ont pas la locomotion pour conduire elles-mêmes leur véhicule et
qui seraient l'immense majorité des personnes handicapées au
Québec.
C'est donc dire qu'on introduirait deux modes de stationnement. Pour des
personnes qui ont l'usage de tous leurs membres, cela peut paraître
secondaire. Par ailleurs, quand on y réfléchit et qu'on
considère que l'Office des personnes handicapées paie
actuellement au Québec jusqu'à 3500 $ pour adapter un
véhicule au transport d'une personne handicapée... Donc, l'Office
des personnes handicapées peut accorder une subvention jusqu'à
concurrence de 3500 $ pour permettre d'adapter un véhicule, quand on
pense que cet équipement ne peut être utilisé que dans un
espace de stationnement presque double, compte tenu des ascenseurs, parce que,
adapter un véhicule privé pour le transport de personnes
handicapées, cela veut dire également une sorte de "lift",
d'ascenseur qui prend à lui seul l'espace d'une auto pour effectuer les
manoeuvres. Donc, un stationnement régulier est totalement
inadéquat, totalement inefficace pour ce genre de transport des
personnes handicapées. Pourquoi donc introduire un mode
différent?
Les motifs invoqués dans l'ensemble des communiqués de
presse du ministère des Transports qui font état de ces nouvelles
dispositions que le ministre veut introduire dans un projet de loi sur la
sécurité du transport routier semblent être que
l'administration de la Régie de l'assurance automobile du Québec
n'est pas disposée à émettre des vignettes aux personnes
étant donné que l'administration de la régie se consacre
à l'émission de permis. Mais en lisant l'ensemble de ces
considérations publiées par le ministère des Transports,
je me suis demandé si le transport adapté, cela veut dire
adapté aux problèmes d'administration de la Régie de
l'assurance automobile du Québec ou si cela veut dire adapté aux
problèmes des personnes handicapées du Québec. Je ne pense
pas, très honnêtement, bien qu'on doive certainement dans
l'application prendre en considération les difficultés que peut
rencontrer la Régie de l'assurance automobile du Québec, que ces
difficultés doivent être prioritaires pour l'adaptation des
personnes handicapées aux difficultés de la Régie de
l'assurance automobile du Québec à délivrer de telles
vignettes amovibles ou mobiles plutôt que de convenir que la régie
doit s'ajuster en trouvant les moyens d'émettre des vignettes amovibles,
mobiles pour que les personnes handicapées qui se font transporter
n'aient pas d'une ville à l'autre, d'une municipalité à
l'autre...
Quand on pense que, sur le territoire de l'île de Montréal,
on compte 28 municipalités, on pourrait imaginer, sans que ce soit
exagéré, que chacune d'entre elles adopterait son propre
règlement différent d'une municipalité à l'autre.
On passerait de Saint-Léonard à Ville d'Anjou et selon qu'on soit
à Montréal-Nord ou à Baie-d'Urfé, peu importe sur
le territoire de l'île de Montréal, comme sur le territoire de la
Communauté urbaine de Québec, qu'on soit à
Sainte-Foy ou à Québec, on pourrait changer de
règlement. On pourrait donc changer également de capacité
d'offrir du stationnement. Ce n'est pas seulement le stationnement parce que,
finalement, ce qui met le stationnement en cause, c'est certainement la
capacité de déplacement de personnes qui sont déjà
handicapées par une infirmité. (21 h 40)
L'Opposition se fait l'écho à la fois de l'Association de
la paralysie cérébrale, du Comité de concertation pour
personnes handicapées de Trois-Rivières, d'Action handicap dans
l'Estrie, de la Confédération des organismes provinciaux de
personnes handicapées du Québec et de bien d'autres organisations
puisque celles-là en regroupent parfois des dizaines qui demandent au
ministre de réviser sa position. L'an dernier, je considère que
nous sommes allés beaucoup trop vite, trop rapidement dans l'adoption
des dispositions qu'on retrouve dans le Code de la sécurité
routière. Je pense que, cette année, on ne doit pas
procéder de la même façon.
Motion de scission
En conclusion, Mme la Présidente, j'aimerais faire la motion
suivante: "Que le projet de loi 73, Loi modifiant le Code de la
sécurité routière et la Loi sur l'assurance automobile,
soit scindé en deux projets de loi. Un premier projet intitulé
Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi
sur l'assurance automobile comprenant les articles 1 à 87 et les
articles 89 à 98, et un second projet de loi intitulé Loi
modifiant le Code de la sécurité routière concernant
l'émission des certificats aux personnes handicapées et
comprenant l'article 88."
Il s'agit là d'une motion de scission. Nous nous retrouvons face
à un projet de loi qui, très manifestement, concerne une
série de dispositions qui concernent le transport routier qui
reçoivent l'appui et la collaboration de l'Opposition; mais la
disposition qui concerne le transport pour les personnes handicapées
devrait certainement faire l'objet d'un projet de loi. Nous entendons motiver
cette motion de scission. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Maisonneuve. Vous avez déposé votre motion. Je vais donc
suspendre nos travaux pour quelques instants pour pouvoir décider de la
recevabilité de la motion de scission.
(Suspension de la séance à 21 h 43)
(Reprise à 22 h 6)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Avant de rendre ma décision, si vous désirez avoir un
droit de réplique, je suis prête à vous reconnaître
de part et d'autre là-dessus. Je suis prête à
reconnaître M. le leader de l'Opposition.
Plaidoyers sur la recevabilité M. François
Gendron
M. Gendron: Mme la Présidente, je ne veux pas un droit de
réplique, mais comme il est de pratique courante, je voudrais prendre
trois minutes pour justifier l'à-propos de la motion de scission qui a
été présentée par ma collègue, la
députée de Maisonneuve, pour scinder le projet de loi en deux tel
qu'il est d'ailleurs prescrit aux articles 236 à 242 de notre
règlement, puisque le projet de loi a comme principe principal
d'intégrer les normes du Code canadien de sécurité pour
les transporteurs routiers à la législation
québécoise et que tous les articles qu'on étudie, sauf
l'article 88, tous les autres articles parlent de ce que je viens de dire comme
principe d'intégrer les normes du Code canadien de
sécurité routière aux transporteurs routiers.
Et on arrive à l'article 88 qui dit: On va autoriser les
municipalités à délivrer un certificat à des
personnes handicapées de façon à faciliter l'accès
aux personnes handicapées à des édifices publics, à
des centres commerciaux ou tout autre immeuble ou site que les
handicapés fréquentent comme toute autre personne.
Je pense que c'est l'évidence même. On est obligé de
reconnaître que ce principe concernant la délivrance d'une
vignette aux handicapés n'a rien à voir avec l'ensemble des
autres éléments. Cet article ne constitue pas une modalité
d'application du principe d'intégration des normes canadiennes de
sécurité en transport routier, mais constitue un principe en soi,
un principe qui s'opérationnalise par une seule modalité. Cette
modalité est prévue à l'article 88.
Je ne veux pas être plus long, Mme la Présidente. Il me
semble que c'est on ne peut plus clair encore une fois. Je ne veux pas sortir
les articles 236 à 242, mais c'est l'endroit pour le faire. À
l'article 242 on dit: Lorsqu'on est au stade de l'adoption du principe d'un
projet de loi, il peut contenir une série de dispositions mais toujours
relatives au même principe. Ici, on arrive avec une disposition
concernant la délivrance d'une vignette qui n'a rien à voir. La
preuve c'est que, comme par hasard, les seules personnes qui se sont
opposées à ce projet de loi, en tout cas en ce qui nous concerne,
ce sont les handicapés, concernant justement ce que je viens de dire: La
vignette. Ils n'ont pas dit un mot du reste. Ils n'ont pas dit un mot de tous
les principes d'intégration
des normes au Code canadien concernant les règles des
transporteurs routiers.
En conséquence, Mme la Présidente, je pense que cette
motion était et est encore complètement recevable. C'est pourquoi
on a présenté la motion de scission du projet de loi.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader de l'Opposition.
M. le ministre des Transports, sur la recevabilité.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Sur la recevabilité,
Mme la Présidente. Ce n'est pas mon habitude de plaider dans ce genre de
chose, compte tenu de ma très faible connaissance de ce métier et
de ses règles. J'entendais le député d'Abitibi-Ouest dire
qu'il n'y avait qu'un seul article qui, à l'intérieur de ce
projet de loi, n'allait pas avec le reste, soit l'article 88 visant à
délivrer des vignettes mobiles pour les handicapés.
Or, il y a un autre article dans le projet de loi qui traite aussi des
chevaux. Donc, ce n'est pas le seul. Il y en a un autre aussi et le
député d'Abitibi-Ouest n'en a pas parlé dans son plaidoyer
sur la non-recevabilité. Cela m'étonne un peu que de plaider
à ce moment-ci sur la recevabilité de cet élément
puisqu'il y a trois principes à l'intérieur du code qui sont: des
chevaux, les handicapés et l'intégration des normes du code
canadien au Code de la sécurité routière. Le code est un
élément global qui vise toute une série de choses dont le
principe qui a été acquis par l'adoption de la loi 127 quant aux
vignettes de stationnement pour les handicapés. En ce sens, je pense que
si c'est bon pour les chevaux, c'est aussi bon, en ce qui a trait aux
principes, pour les vignettes mobiles des handicapés.
M. Gratton: ...phrase. La Vice-Présidente: ...
M. Michel Gratton
M. Gratton: Le ministre des Transports vient de démontrer
la situation à laquelle je faisais allusion la semaine dernière.
Effectivement, quand on a un projet de loi qui pourrait comporter 800 articles,
amendant 800 autres articles du Code de la route, par exemple, on pourrait
avoir 800 projets de loi. Il me semble qu'à la face même, Mme la
Présidente, j'aurais presque le goût de demander à Mme la
députée si elle a l'intention de modifier sa motion pour qu'on
scinde en trois projets de loi plutôt qu'en deux.
Décision de la Vice-Présidente
La Vice-Présidente: Je suis prête à rendre ma
décision. La motion de scission qui a été
présentée par Mme la députée de Maisonneuve est
irrecevable et je vais vous dire les motifs sur lesquels je me suis
appuyée pour rendre cette décision.
Premièrement, c'est que les deux projets qui résulteraient
de la scission concernent un même principe, à savoir celui du
pouvoir réglementaire qui est prévu à l'article 626 du
Code de la sécurité routière.
Deuxièmement, ces deux projets ne seraient pas
intrinsèquement cohérents puisque le premier comprendrait le
pouvoir habilitant alors que le second comprendrait l'un des objets
touchés par ce pouvoir habilitant. Là-dessus, je suis prête
à reconnaître la prochaine intervenante, Mme la
députée de Deux-Montagnes.
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Mme Yolande D. Legault
Mme Legault: Merci, Mme la Présidente. Si j'ai
décidé de vous parler du projet de loi modifiant le Code de la
sécurité routière et la Loi sur l'assurance automobile,
c'est parce que la protection des vies humaines me tient à coeur.
À mon avis, on n'insistera jamais assez sur l'aspect préventif.
Depuis quelques années, le Canada et plus particulièrement le
Québec détenaient les records de championnat en matière
d'accidents. La noirceur de ce bilan peut être attribuée à
plusieurs facteurs: manque de prudence chez les automobilistes et plus
particulièrement chez les conducteurs professionnels, usage abusif de
l'alcool ou de drogue au volant, mauvais état des routes et des
véhicules.
Je pourrais vous parler encore longtemps de cette triste liste.
Même si les dernières statistiques nous démontrent que le
Québec a connu une diminution de 24 % de ses victimes
décédées et de 8 % de ses blessés graves,
performances qui n'ont jamais été atteintes depuis 25 ans, il
reste encore de grands pas à franchir dans le sens d'une meilleure
sécurité routière au Québec.
Depuis deux ans, le ministre des Transports a procédé
à plusieurs interventions fermes et rigoureuses afin de corriger cette
situation, que ce soit par le biais, en 1986, de l'adoption du projet de loi
qui amendait le Code de la sécurité routière ou par
d'autres mesures que le projet de loi 73 que nous débattons aujourd'hui
en cette Chambre. Tous ces gestes prouvent que notre gouvernement veut
concrétiser cette volonté d'offrir à la population du
Québec des conditions maximales pour la sécurité sur les
routes.
Depuis la vague de déréglementation en Amérique du
Nord, certains groupes de
personnes ont manifesté de graves inquiétudes sur l'effet
de ces politiques. Plusieurs craignaient une remontée des accidents de
la route. À titre de conductrice d'un véhicule et plus
particulièrement comme députée qui effectue le va-et-vient
entre Saint-Eustache et Québec régulièrement, j'ai
constaté certaines appréhensions. Qui n'a jamais
été témoin d'un accident qui aurait pu être
évité par des mesures de comportement plus positif de la part des
automobilistes mais surtout des routiers qui, malheureusement, ne font pas
toujours preuve d'une très grande courtoisie? Peut-on mettre ces
comportements impétueux sur le compte de la fatigue ou du stress? Ce
stress serait-il le produit d'une société devenue plus inhumaine
et impersonnelle? Sans vouloir tomber dans l'analyse psychanalytique des
attitudes des conducteurs, je me contenterai de dire que ce n'est pas en
faisant des excès de vitesse que nous réussirons à fuir
une réalité quotidienne dure ou que nous essaierons de combler le
vide ou les frustrations de nos vies.
Ma thérapie étant terminée, je pense que le projet
de loi 73 veut faire le ménage en instituant des normes et des mesures
fermes et rigoureuses. Tout d'abord, en insérant la notion du fichier du
transporteur, ce projet de loi implique, contrairement au passé, tous
les maillons de la chaîne. Cette loi veut responsabiliser conjointement
tous les intervenants impliqués, soit l'expéditeur, le
transporteur et le conducteur.
Les infractions couvriront trois niveaux. Pour les véhicules, les
questions touchent l'immatriculation, la vérification mécanique,
les dimensions et surcharges ainsi que les matières dangeureuses.
En ce qui a trait au conducteur, il sera surveillé surtout en ce
qui concerne son permis de conduire ainsi que son nombre d'heures de
service.
Finalement, l'entreprise sera vérifiée en ce qui concerne
ses registres, sur le nombre d'heures de service de ses véhicules ainsi
que sur les assurances. Le nombre de points prélevés
dépendra du nombre de véhicules que l'entreprise possède
ainsi que de la gravité de l'infraction. Le seuil toléré
varie entre 50 et 100 points. Quant aux pénalités encourues,
elles s'échelonnent entre un minimum de 5000 $ et 40 000 $. Le cycle des
points d'inaptitude s'efface seulement après cinq ans et selon le nombre
de récidives, les amendes payées augmentent. Dorénavant,
les normes entre le fédéral et le provincial seront
uniformisées et ce afin d'éviter qu'un camionneur ou un
automobiliste se retrouve avec deux permis de conduire entre les mains.
Ce projet de loi ouvre également les portes à la situation
des personnes handicapées. À cet effet, la RAAQ délivrera
des vignettes aux personnes handicapées et les municipalités
réserveront des espaces de stationnement aux personnes
handicapées, et non plus aux véhicules, par
l'intermédiaire de certificats délivrés par les
municipalités.
Voilà des mesures qui concrétisent le virage social
débattu lors du conseil général et qui prônent une
plus grande justice sociale dans notre société moderne en
laissant plus de place aux personnes défavorisées. Pour sa part,
le gouvernement libéral a prouvé depuis plusieurs années
son attachement à des valeurs aussi fondamentales que la qualité
de la vie.
Qu'il s'agisse de politiques touchant la famille à faible revenu,
l'instauration de l'assurance-maladie ou l'implantation d'un régime
universel d'éducation, tous ces gestes témoignent bien des
efforts consacrés par le gouvernement libéral au volet social de
notre société. Il est bien entendu qu'il existera toujours ce
genre de personne pour nous reprocher de ne pas aller assez loin et assez vite
dans ce sens-là. Mais je demeure quand même confiante que nous
saurons, comme parti, trouver des solutions humaines et réalistes pour
régler différents problèmes sociaux, environnementaux ou
écologiques, valeurs qui sont, à mon avis, la voie de l'avenir,
car pour une société qui se prétend civilisée comme
la nôtre, celle-ci le démontre beaucoup plus par son
évolution humaine que par son développement technologique ou
uniquement matériel, pour ma part.
Cela fait seulement quinze ans, Mme la Présidente, que je
préconise la cause de l'agriculture organique et biologique ainsi que
les médecines alternatives. Une société
démocratique est une société, à mon avis, qui
laisse la liberté de choisir, entre autres choisir quel mode de
transport elle veut adopter. (22 h 20)
Dans le comté de Deux-Montagnes, plusieurs milliers de personnes
ont choisi le moyen de transport en commun et réclament la modernisation
du train de banlieue effectuant la navette entre Deux-Montagnes et
Montréal. Je ne peux qu'appuyer une telle requête si je veux
être cohérente avec moi-même, puisque cette solution
favorise un plus grand respect de l'environnement et ce, pour
différentes raisons.
Premièrement, il débloque les voies congestionnées
de nos routes. Deuxièmement, il diminue le taux de pollution et le train
évite au conducteur de se stresser deux fois par jour dans la
circulation. Ensuite, ce moyen de transport diminue les risques d'accidents et,
par conséquent, les coûts sociaux et économiques
reliés à ces accidents. De plus, une bonne planification de
transport doit pouvoir être axée sur la diversité. Vous
aurez sans doute compris que le transport en commun se combine aisément
avec le transport des particuliers.
Dernièrement, le ministre des Transports réglait un
dossier litigieux en ce qui a trait au financement du transport en commun de
l'île de Montréal. Dans la région que je représente,
le dossier du transport en commun revêt une certaine importance. Le
dossier du train de banlieue fait partie des préoccupations quotidiennes
de la population de Deux-Montagnes et le règlement de ce dossier
améliorera la qualité de vie tant sociale qu'économique de
notre région. C'est pourquoi, Mme la Présidente, j'ai
défendu ce dossier avec une attitude enflammée lors de la
récente commission parlementaire qui avait lieu à Montréal
en août dernier sur cette question. Tous les intervenants ont
déposé leur mémoire et il en ressort clairement que le
transport en commun s'avère une priorité et une solution qui
viendraient régler plusieurs problèmes de transport qui durent
sur les routes de Montréal. Ce dossier suscite tellement
d'intérêt chez les citoyens de mon comté que cela fait un
an que je ne cesse de recevoir chaque semaine des pétitions que je me
fais d'ailleurs un devoir d'acheminer au ministre afin de le sensibiliser
toujours plus profondément à l'importance de ce train pour nos
citoyens du comté de Deux-Montagnes.
Depuis plusieurs années, des contraintes ont fait en sorte que ce
dossier traîne, mais j'ai confiance que la volonté du
présent gouvernement saura régler cette question une fois pour
toutes et ce, pour le plus grand intérêt de la population.
Malgré tout, je dois reconnaître, en ce qui concerne les routes,
que le comté que je représente n'a pas à se plaindre
puisque nous sommes particulièrement privilégiés.
Entourés de plusieurs autoroutes comme la 13, la 15, la 640 et, un plus
loin, la 440, il n'en demeure pas moins que nous avons dû procéder
à plusieurs travaux afin d'accroître la sécurité
routière. Des réfections ont été accomplies dans
des endroits aussi névralgiques que l'intersection entre le boulevard
Léveillée et la 148, intersection jugée dangereuse par le
nombre d'accidents et d'accrochages, le chemin du Petit-chicot qui subira
prochainement une cure de rajeunissement, la confection d'un trottoir afin de
permettre aux piétons de circuler sans crainte de se faire heurter par
les automobilistes ainsi que la rénovation de nombreuses artères
locales dans les municipalités du comté.
De plus, afin de mieux répondre aux besoins de la population en
matière de transport, le rôle des maires m'apparaît
essentiel dans la définition des priorités du milieu.
Voilà une panoplie de mesures concrètes que j'ai entreprises afin
d'améliorer le réseau d'infrastructures routières et le
développement régional, car, en ce qui me concerne, le
développement régional n'est pas qu'un vague concept à
sortir des tiroirs en cas de besoin mais bien une réalité qui
doit se vivre tous les jours dans la prise de nos décisions et la
priorisation de nos dossiers.
Mme la Présidente, pour terminer, je tiens à vous dire que
j'appuie ce projet de loi principalement parce qu'il protège la vie
humaine en mettant l'accent sur la prévention et sur la protection.
À cet égard, un rapport récent du coroner concluait que
l'âge d'admissibilité pour l'obtention d'un permis de conduire
devait être haussé.
D'autres dispositions faisaient également l'objet de suggestions
dans le sens d'une plus grande restriction pour une catégorie de
conducteurs. Le réflexion est loin d'être terminée sur des
sujets aussi litigieux, mais reconnaissons d'emblée qu'il y a
matière à discussion, surtout quand on pense que d'ici à
25 ans, le pourcentage de jeunes au Québec, ne représentera plus
que 20 % de la population totale. Ces chiffres devraient suffire à nous
motiver, comme collectivité, à protéger ces 20 %. Nous
n'avons donc pas les moyens démographiques de perdre notre jeunesse dans
des accidents de la route trop souvent bêtes et banals.
Tous ces facteurs doivent nous rendre vigilants comme
législateurs, en ce qui concerne la protection des jeunes, mais aussi de
tous les conducteurs au Québec. Tous ces motifs révèlent
bien que notre parti, contrairement à ce que certaines personnes se
plaisent à prétendre, ne pensent pas uniquement en termes de
produit national brut, mais également en fonction du bonheur national
brut. En ce qui me concerne, je peux avouer bien humblement, Mme la
Présidente, que le virage social, je l'ai déjà
effectué depuis le 2 décembre 1985, puisque j'ai toujours
pensé, et cela sans déroger, que la politique ne se faisait pas
uniquement avec la tête et des diplômes, mais surtout avec son
coeur. Comme femme députée, mère de trois enfants, je suis
bien placée pour en parler, j'appuie donc ce projet de loi avec beaucoup
d'énergie et de sincérité. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Deux-Montagnes. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais
brièvement présenter quelques éléments de
réflexion touchant le projet de loi 73 qui est actuellement sur la
table. Tout en reconnaissant l'importance d'un tel projet de loi,
particulièrement en raison de l'importance quasi vitale que
représente le transort de marchandises par la route au Québec et
de l'importance que joue ce transport dans le développement
économique de toute la province, particulièrement des
régions, c'est un projet
de loi qui est d'une très grande importance.
Mais vous allez me permettre d'aborder plus particulièrement
toute la question qui touche les personnes handicapées. J'ai entendu
ici, ce soir dans cette Chambre, ce que j'appellerais deux
énormités. Tout à l'heure, j'écoutais le
député de Rousseau. Si les députés de l'Opposition
font état d'une grande insatisfaction de la part des personnes
handicapées touchant les vignettes qui pourront être
délivrées à ceux qui possèdent un permis de
conduire, j'ai, par ailleurs, entendu beaucoup d'éloges - des gens tout
à fait satisfaits - sur les conditions qui vont être faites
à ceux qui pratiquent l'équitation. Tout à l'heure, le
leader du gouvernement disait à peu près la même chose: Si
on accepte toutes les conditions qui touchent l'équitation, pourquoi ne
pas mettre aussi celles qui touchent les personnes handicapées?
Je parle d'équitation, c'est-à-dire de faire de
l'équitation sur la voie publique. Je trouve que ce n'est pas tout
à fait du même ordre. Comparer les gens qui sont heureux d'une
loi, de règlements touchant l'utilisation de la route pour faire de
l'équitation et ceux qui sont insatisfaits parce que incapables de se
trouver un stationnement alors qu'ils sont handicapés, je trouve que
cela finit par ressembler à des énormités.
J'aimerais quand même attirer l'attention du gouvernement sur les
difficultés d'application que va poser l'article 88 de la loi 73. Je
vaudrais vous lire cet article et essayer d'imaginer ce que va être
l'application de cet article. Je reprends l'article. Il se lit comme suit: "88.
L'article 626 de ce code est modifié par l'addition, après le
paragraphe 14°, du suiant: "La municipalité peut, par
règlement ou ordonnance, déterminer les conditions et les
modalités de délivrance d'un certificat à une personne
handicapée qui satisfait aux normes médicales," lesquelles normes
médicales sont établies par règlement du gouvernement.
Vous voyez la démarche. Pour obtenir une vignette, c'est la
municipalité qui délivre le permis. Cependant, pour
reconnaître le handicap et le droit à la vignette, il faut
satisfaire aux normes médicales établies par un règlement,
qui, lui, est établi par le gouvernement. (22 h 30)
Cela veut donc dire, d'une part, que la vignette attachée
exclusivement au conducteur de voiture pour handicapés vient servir 10 %
de la clientèle, alors que 90 % des personnes handicapées ne
peuvent pas conduire de véhicule automobile. Cela vient handicaper
lourdement toute la famille et c'est toute la question d'accès aux
services publics, aux édifices publics, c'est l'accès à
leurs loisirs, éventuellement, qui est ici brimé par un
règlement qui, à notre avis, n'a aucune raison d'être ainsi
exprimé. Mais pris à l'extrême - pas à
l'extrême, simplement à sa face même - cela veut donc dire
que celui qui est dans la grande Communauté urbaine de Québec,
incluant la rive sud, devra avoir autant de permis de stationnement qu'il y a
de municipalités. Cela veut donc dire que la personne qui a un
véhicule, qui conduit son véhicule, qui veut avoir une vignette,
devra en faire la demande à Charlesbourg, à Québec,
à Sainte-Foy, à Sillery, à Limoilou et à
Lévis, s'il veut traverser le pont.
Je pense qu'on n'a pas sérieusement réfléchi
à ce que pouvait vouloir dire un tel règlement, alors que les
personnes concernées sont déjà lourdement
handicapées et que cela pénalise grandement leur capacité
de participer aux activités régulières de la vie
quotidienne.
Mme la Présidente, ce règlement a fait l'objet de
nombreuses manifestations des gens que j'ai rencontrés à
l'occasion de la tournée des Grandes Oreilles - je pense plus
particulièrement à Matane - qui m'ont dit: Écoutez, ne
laissez pas passer ce règlement parce que, d'une part, il ne sert qu'une
minime partie de la population handicapée et il laisse pour compte tous
les autres. Ensuite, il les laisse également à la merci d'une
réglementation qui pourrait être extrêmement variable d'une
municipalité à une autre. Ce qui pourrait être reconnu, par
exemple, par la ville de Québec pourrait être tout à fait
refusé par Sillery ou Saite-Foy
Par ailleurs, est-ce que ce sera à la municipalité de
définir ce qu'est un handicap? Est-ce que la personne âgée
qui est percluse, qui a des rhumatismes, qui a peine à marcher sera
considérée comme une personne handicapée? Est-ce qu'on
pourra accepter que la réglementation ou l'accès aux
édifices publics ou la facilité d'avoir accès à ces
édifices publics soient variables d'une municipalité à une
autre? Qu'est-ce qui nous permet d'accepter que ces situations puissent
être aussi différentes dans un même arrondissement? Selon
que vous irez magasiner au centre commercial Place Laurier ou que vous irez
à Place Québec, qui sont dans deux villes différentes,
vous aurez des conditions de stationnement différentes et vous devrez
avoir deux vignettes.
Évidemment, cela laisse pour compte 90 % des personnes
handicapées. On sait que dans la plupart des cas, pour ne pas dire dans
la très grande majorité des cas, les personnes qui s'occupent des
personnes handicapées sont souvent des femmes qui n'ont pas toujours la
facilité ou la force nécessaire pour porter ces personnes, pour
les aider à se déplacer. Je pense que le ministre n'a pas
sérieusement réfléchi aux conditions, aux
disparités qui vont nécessairement se produire dans l'application
d'un tel règlement, et aux difficultés même d'application,
du moment où le règlement est
géré par une municipalité, que les conditions
d'accès sont déterminées selon des examens médicaux
établis par un règlement gouvernemental.
Cela pose une somme de difficultés et on risque, dans ce cas
comme dans beaucoup d'autres cas au Québec, de se retrouver avec des
piles de formulaires à remplir, des quantités de démarches
à faire, et on sait qui devra le faire, ce sont
généralement les parents, le père, la mère, les
frères, les soeurs ou la famille d'accueil qui devront faire ces
démarches pour les personnes handicapées qui, cela parle de soi,
n'ont pas toute la mobilité nécessaire pour faire leurs propres
démarches.
Est-ce qu'on est en train de nous dire qu'on va faciliter la vie aux
personnes handicapées en alourdissant indûment cette
démarche qui devrait faciliter leur accès aux services publics
et, de façon générale, aux activités courantes de
la vie quotidienne?
J'aimerais quand même, si j'ai encore quelques minutes, Mme la
Présidente, parler un peu du projet de loi. Ce projet de loi
prévoit un certain nombre de mesures qui visent à harmoniser la
situation au Québec avec le Code canadien de sécurité pour
les transporteurs routiers. Je pense ici à une mesure qui touche le
nombre d'heures de travail. On explique qu'une partie des accidents de la route
seraient causés par la grande fatigue des conducteurs qui ont des
journées de travail extrêmement longues; la fatigue aidant, le
manque de sécurité, ils s'endorment au volant et provoquent des
accidents. On ne s'est jamais vraiment demandé comment il se faisait que
ces personnes étaient obligées de travailler aussi longtemps pour
atteindre un niveau de revenus à peu près décent. La
réglementation, plus elle va être stricte... D'abord, il faut dire
que la déréglementation favorise une compétition tout
à fait féroce et qu'à plus ou moins court terme, on va
avoir de grands transporteurs qui auront les moyens de se payer toutes les
mesures contenues là-dedans, à la fois pour l'entretien des
équipements, pour les conditions de travail, les conditions salariales.
Plus on va resserrer la réglementation autour de ces questions, moins
les petits camionneurs, les petites entreprises auront les reins suffisamment
forts pour supporter la concurrence. On va voir ce qu'on a vu aux
États-Unis, soit une concentration du transport dans les mains de
quelques grands entrepreneurs et ce, au détriment des petits
entrepreneurs.
La situation économique actuelle de l'industrie du camionnage
explique peut-être également pourquoi on trouve des camions qui
sont en si mauvais état. On ne doit pas dire pour autant qu'il faut
empêcher, qu'il ne faut pas prendre de mesures pour la corriger, mais il
faut s'assurer que les mesures qu'on va prendre pour les corriger ne viendront
pas pénaliser les plus petits et les moins forts, ceux qui n'ont pas les
moyens ou les fonds nécessaires pour supporter longtemps et de
façon efficace la concurrence.
Ce projet de loi est volumineux, il touche différents aspects du
transport routier et il aurait été important... Malheureusement,
on va respecter la décision de la présidence, mais il aurait
été important qu'on puisse scinder ce projet de loi pour
étudier séparément les articles touchant les vignettes,
les dispositions relatives aux véhicules pour les personnes
handicapées. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Comme prochain intervenant dans ce
débat, je vais reconnaître Mme la députée de
Matane.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: Merci, M. le Président. Je voulais
intervenir sur le projet de loi 73, d'abord parce que c'est un projet de loi
important pour l'économie de toutes les régions du Québec,
c'est sûr, mais aussi pour vous parler des nouvelles dispositions qu'il
comprend et qui sont nécessaires à l'application des normes du
Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers. Ces
normes, d'ailleurs, ont été établies par toutes les
provinces pour s'assurer que la déréglementation du transport
routier prévue pour janvier 1988 n'ait pas d'impact négatif sur
la sécurité routière.
Le présent gouvernement a mis en place plusieurs mesures en vue
d'améliorer la sécurité des Québécois et
Québécoises sur l'ensemble du réseau routier, que ce soit
pour améliorer ce réseau dans tout le Québec - une loi a
été déposée pour aller chercher 200 000 000 $, si
vous vous souvenez bien, à la Régie de l'assurance automobile du
Québec pour améliorer précisément certains points
noirs bien identifiés dans chacune des régions - que ce soit pour
des couches d'usure d'asphalte dans chacune des régions, que ce soit
pour corriger des courbes jugées dangereuses, que ce soit pour corriger
cette côte de la mort, comme on l'appelle dans le comté de Matane,
où il y a eu énormément d'accidents de camionneurs qui
étaient peut-être fatigués de la route - cette côte
qui présentait un danger spécial est bien connue par les gens de
la région - que ce soit cette campagne de publicité sur le port
obligatoire de la ceinture de sécurité. Tout cela prouve que le
gouvernement vise avant tout à améliorer la
sécurité des Québécois et des
Québécoises. (22 h 40)
Le projet de loi 73 s'inscrit dans cette foulée du gouvernement
d'assurer une plus grande sécurité à tous sur nos routes.
Il y aura, par exemple, dans cette loi, l'obligation
de subir un test d'aptitudes pour l'obtention d'un permis de
camionnage.
En somme, par le biais du projet de loi 73, le gouvernement a voulu
faire le ménage sur les routes. Il a voulu, encore une fois,
répondre à cet objectif global d'améliorer la
qualité de la situation des transports routiers ainsi que de corriger
les carences et de diminuer les dangers qu'elle représente pour tous les
citoyens, en particulier pour les conducteurs, d'ailleurs. Plusieurs normes
sévères et rigoureuses seront appliquées et
insérées dans ce projet de loi comme le dossier du conducteur, du
transporteur et l'état mécanique.
Voyons ce que ça représente. Pour le dossier du
transporteur, les normes impliquent de nouvelles obligations et même des
sanctions pour les conducteurs professionnels et les transporteurs qui
utilisent des véhicules de commerce de plus de 3000 kilogrammes et des
autobus.
L'entreprise de transport, ce qui est nouveau, sera tenue responsable de
la sécurité routière pour ses conducteurs, ses
véhicules et les marchandises transportées. D'ailleurs, dans le
but de respecter ces normes, il y aura un dossier préparé sur les
transporteurs, c'est-à-dire qu'il y aura une information qui sera
uniformisée sur le respect de ces normes qui sera jointe au bilan
routier de l'entreprise de façon qu'on puisse établir une
espèce de profil du transporteur.
Il y aura un système de points d'inaptitude semblable à
celui qui existe actuellement pour l'ensemble des conducteurs. En vertu de ce
système de contrôle, les transporteurs qui contreviendront
à certaines dispositions du code se verront attribuer des points
d'inaptitude correspondant à la gravité de l'infraction commise.
Par exemple, M. l'inspecteur - Pardonl Les inspecteurs de la route seront
très occupés, vous pouvez m'en croire - M. le Président,
si, à l'intérieur d'un cycle de deux ans, le nombre de points
d'inaptitude devient égal ou supérieur au nombre maximum
établi selon la taille de la flotte, la régie imposera une
pénalité d'au moins 5000 $. Pour ce qui est de la flotte, suivant
la grosseur du camion - si je peux retrouver mon tableau ici - vous voyez que
c'est très compréhensible, très très clair, la
première offense... D'ailleurs, pour une flotte qui aura de 1 à
20 véhicules le palier fixé sera de 50 points. Pour une flotte de
21 à 50 véhicules, le palier sera de 75 points et, pour une
flotte de 51 véhicules et plus, le palier sera de 100 points.
Pour la première offense, s'il perd 50 points la
pénalité sera de 5000 $; pour la deuxième offense, s'il
perd 50 points, ce sera 10 000 $, et ainsi de suite pour la deuxième
récidive, la troisième récidive, jusqu'à un maximum
de 40 000 $.
En cas de défaut de paiement, la régie pourra saisir un ou
plusieurs véhicules du transporteur et même demander à un
juge de la Cour provinciale d'en ordonner la vente pour couvrir le coût
de la pénalité non acquittée. Voilà pour le dossier
du transporteur.
Pour le dossier du conducteur professionnel maintenant, l'obligation est
faite, est renforcée, de ne détenir qu'un seul permis de conduire
valide émis par l'une ou l'autre des provinces. Le conducteur et le
transporteur devront également respecter une norme touchant le nombre
d'heures de conduite, qui est un des problèmes les plus épineux
et qui deviendra plus aigu encore dans le contexte de
déréglementation du marché. Une autre norme prévoit
qu'un agent de la paix qui a des motifs de croire qu'un conducteur n'est pas en
état de conduire, trop fatigué ou autre raison, pourra lui
retirer son permis de conduire sur le champ pour une période
n'excédant pas 24 heures.
Quant à l'état mécanique du véhicule, les
normes visant les véhicules affectés au transport routier ont
pour objectif de s'assurer qu'ils font l'objet d'un cycle complet de suivis
quant à leur état mécanique, comme il est d'usage dans le
transport aérien. En aucun moment il ne sera permis de conduire un
véhicule qui représente un danger. Le conducteur et le
transporteur seront donc conjointement responsables de la qualité
mécanique des véhicules commerciaux qui, rappelons-le, sont
soumis à des conditions d'usure peu communes dû au
kilométrage qu'ils peuvent faire dans une année.
D'ailleurs, je lisais dans le journal de la Côte-Nord qu'on
appelle Plein Jour qu'il est arrivé un accident de la route, le
13 novembre dernier, près des Escoumins. C'est un conducteur qui avait
peut-être fait plusieurs heures, qui était fatigué. Selon
des renseignements obtenus au poste de la Sûreté du Québec
à Tadoussac, la charge du camion transportée par la compagnie se
serait déséquilibrée dans un détour avant que la
remorque quitte la plaque d'ancrage. Par la suite, la remorque aurait
emprunté la voie contraire pour frapper de plein fouet le premier
véhicule, et il y a eu un mort, M. le Président. À la
suite de cela, l'Association provinciale du camionnage faisait savoir à
la population les pertes occasionnées chaque année par les
camionneurs qui sont illégaux. À l'association, disait-on, on est
obligé de respecter des charges maximales. Les particuliers, eux, qui ne
relèvent d'aucune corporation ou association, transportent des charges
qui sont supérieures aux normes. C'est peut-être ce qui est
arrivé à ce camion.
En plus de causer des accidents, c'est à cause de cela que nos
routes sont brisées. Ce sont nous, les consommateurs, qui payons
pour cela, scandait M. Gagnon, président de l'association. Puis,
continuait-il, les gars ne dorment pas beaucoup. Quand ils dorment, c'est pour
attendre le moment où ferment les balances pour éviter de payer
l'amende. Et il continuait en disant: Qu'ils soient braconniers ou "gypsies",
comme les a appelés le ministre Côté, ces camionneurs
demeurent des dangers publics. Il fallait résoudre ce problème,
M. le Président.
Rappelons que le premier objectif que l'on visait par cette loi
c'était la sécurité sur les routes, laquelle pouvait
être mise en danger par la libéralisation des
déréglementations économiques. Le second objectif du
gouvernement consistait à s'assurer que chaque transporteur joue le jeu
de la concurrence de façon loyale et équitable envers les autres
transporteurs. D'ailleurs, au cours des dernières années, on a
constaté un relâchement à l'entretien des camions. M. le
Président, 75 % des véhicules montraient des problèmes
mécaniques. Cette enquête a été menée l'an
dernier.
Le projet de loi 73, qui amende le Code de la sécurité
routière, vise toutes les entreprises qui font du transport, tant
privé que public, de même que les services de transport en commun.
Environ 42 000 entreprises qui emploient quelque 75 000 personnes seront
touchées par cette loi.
Quant aux personnes handicapées, qui font aussi partie du projet
de loi 73, c'est un grand pas en avant que l'on fait car cette mesure permettra
de franchir un pas important pour favoriser le respect des espaces
réservés aux personnes handicapées. Depuis le 1er
décembre 1987, donc depuis aujourd'hui, la réglementation
étant arrêtée, des vignettes d'identification qui sont
délivrées par la Régie de l'assurance automobile
commencent à apparaître sur les plaques d'immatriculation des
véhicules conduits par des personnes handicapées, M. le
Président. Forcément, cette mesure ne s'applique qu'à une
proportion de personnes handicapées, soit celles qui ne peuvent compter
que sur leurs propres moyens pour se déplacer. Mais comme je le disais,
cette mesure est déjà un pas en avant pour favoriser le respect
des espaces réservés aux personnes handicapées, ce qui
n'avait jamais été fait dans le passé.
Vu la raison d'être de la Régie de l'assurance automobile,
qui va administrer cette mesure et à qui on a confié cette
mesure, il s'agit bien du maximum qui pouvait être fait à
l'intérieur du cadre de gestion de cet organisme. Par contre, il y a
plusieurs associations de personnes handicapées qui ont fait part
qu'elles souhaitaient que soit prise en compte la situation des personnes
handicapées qui, elles, étaient transportées et qui ne
conduisaient pas leur véhicule. (22 h 50)
C'est ainsi que les municipalités, qui ont pleine
compétence pour augmenter le nombre d'espaces de stationnement
réservés aux personnes handicapées, devraient avoir le
pouvoir de délivrer ces vignettes amovibles. En fonction de ce nombre,
des certificats amovibles rattachés à la personne
handicapée qui, elle, est transportée par d'autres, soit des
parents ou des amis. Tout ça, M. le Président, pour que le
conducteur du véhicule à bord duquel la personne
handicapée prend place puisse utiliser les espaces de stationnement
réservés de la même manière que le feront les
personnes handicapées qui conduisent leur propre véhicule. C'est
donc dans cette perspective que le projet de loi accorde aux
municipalités le pouvoir de délivrer des certificats qui seront
rattachés directement à la personne handicapée
elle-même. C'est vraiment un pas en avant.
Donc, le projet de loi 73 vise à assurer une
sécurité maximum à tous les Québécois et
Québécoises sur nos routes. Aussi en mettant en place un
système de points d'inaptitude qui permettra d'éliminer les
transporteurs accumulant sur deux ans trop de manquements aux règles de
sécurité, on s'assure de contraintes qui viseront à
assurer cette sécurité sur nos routes. C'est sûr qu'il y
aura une obligation de la part des transporteurs de vérifier plus
régulièrement l'état mécanique de l'ensemble de
leur flotte.
Ce sont les points saillants présentés par le ministre des
Transports du Québec qui visent à améliorer la
qualité de vie des Québécois et des
Québécoises sur nos routes, qui visent également à
préciser les règles de la concurrence du transport routier de
façon efficace et équitable. Je suis sûre que ce projet de
loi trouvera un appui dans l'Opposition parce qu'il vise justement à
cette sécurité pour nous tous. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Laviolette et leader adjoint de
l'Opposition.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Les remarques que je
vais faire auront pour but de clarifier certaines questions qui me restent
encore à l'esprit, comme des gens dans mon propre comté, dans ma
propre région en ont fait mention. Je dois dire au départ que je
suis heureux de la décision que le ministre a prise en ce qui concerne
l'équitation, de faire des modifications au Code de la
sécurité routière, modifications qui avait
été apportées par l'Assemblée nationale et par le
projet de loi déposé par le ministre au mois de décembre
1986. Effectivement, le ministre le sait et d'autres personnes ici en cette
Assemblée le savent
très bien, il y a dans ma région une activité
importante qui commence toujours le vendredi qui suit la fête du Travail
et qui se prolonge sur deux semaines. Cette activité importante,
touristique et économique à la fois, a lieu dans la
municipalité de Saint-Tite, dans le comté de Laviolette. Pour la
présenter correctement, pour bien l'identifier par rapport à
Saint-Tite-des-Caps, qui se trouve dans le comté de Charlevoix, je fais
mention que c'est Saint-Tite de Champlain, dans le comté qu'on appelle
communément le comté fédéral de Champlain; cette
municipalité se trouve dans ma circonscription, le comté de
Laviolette.
Ce Festival western, une activité importante qui dure deux
semaines, constitue un apport économique important. On considère
cette activité ainsi que le rodéo qui se déroule chaque
jour au cours de ces deux semaines, en particulier durant les fins de semaine,
comme étant l'activité équivalente à celle de
Calgary et on a souvent appelé cette activité comme étant
à l'est du Canada et au Québec, l'activité première
après le Stampede de Calgary. Or, il y a beaucoup "d'hommes à
chevaux" comme on les appelle, selon les activités qu'on a, les "quarter
horses" du Québec qui viennent même des États-Unis et de
partout ailleurs.
Il y a eu, à plusieurs occasions, des gens qui ont profité
de cette activité pour prendre des vacances à cette époque
et en même temps aussi venir à Saint-Tite et faire par le fait
même de la publicité. On en a vu partir de Québec vers
Saint-Tite. On en a vu d'ailleurs venir à Saint-Tite à cheval.
À ce moment-là, les restrictions apportées au mois de
décembre 1986 avaient pour effet de les empêcher
complètement de circuler sur les accotements de la route et de se rendre
au festival western qui, pour eux, est une forme de publicité
importante, qui ne coûte pas cher mais qui rapporte beaucoup. Dans ce
contexte dont on vient de parler, donc, l'utilisation de chemins publics pour
pratiquer l'équitation fut interdite, à moins, comme le
soulignait le ministre, qu'une signalisation appropriée ne le permette.
Donc, cet article avait soulevé beaucoup de commentaires, non pas sur le
fondement de l'article lui-même ou son application, mais parce que ceux
qui pratiquent ce sport sont aussi conscients des dangers inhérents
à l'utilisation des routes. Je pense que les gens en sont bien
conscients et, quand ils le font, c'est en s'assurant que la
sécurité routière et la sécurité des
véhicules automobiles ne seront vraiment pas perturbées. Alors,
permettre à ce moment-là aux municipalités de faire cela
autrement et de faire une forme de restriction à l'inverse de ce qu'on
dit, c'est-à-dire qu'à moins qu'il y ait une signalisation
contraire, on peut utiliser les chemins municipaux à ces fins, je pense
que nous ne pouvons faire autrement qu'être d'accord avec cela et il est
important de le signaler pour les besoins des gens de ma propre région
et pour ceux qui viennent au Festival western.
Une autre chose qui m'a intéressé de plus en plus
dernièrement, c'est la création, au Québec, de groupes de
véhicules tout terrain. On se rappelle toute la question des motoneiges
au Québec. Au départ, des gens venaient à tout vent,
entraient sur des terrains privés, allaient sur des routes, de sorte
qu'il a fallu faire des restrictions et, en même temps, peut-être
amener les gens à former des groupes régionaux, nationaux ou
locaux de moto-neigistes, ce qui a permis à l'utilisation de la
motoneige, au Québec, de devenir plus sécuritaire à la
fois pour ceux qui aiment ce sport, cette activité, et aussi pour les
gens qui sont sur la route.
Vous avez certainement, comme moi, M. le Président, connu,
à l'époque, des gens qui circulaient en motoneige un peu à
la va-comme-je-te-pousse sur le réseau routier, ce qui devenait
dangereux. Il a donc fallu imposer des restrictions pour empêcher les
gens d'y aller, mais en les incitant en même temps à fonder des
clubs et à former des groupes qui ont pris en charge la mise sur pied de
routes au Québec, donc de sentiers provinciaux, régionaux,
locaux, de sorte qu'on y a amené les motoneigistes et qu'on les a
habitués à plus de sécurité.
Or, le même phénomène se reproduit avec les
véhicules tout terrain, les trois roues et les quatre roues, qui
sillonnent de plus en plus les paysages québécois. Ces gens
peuvent maintenant utiliser, même l'hiver, avec la traction, les pneus
qu'ils ont, les sentiers québécois. Il est évident qu'ils
ne peuvent pas utiliser les mêmes sentiers que ceux qui font de la
motoneige à cause des dangers de défoncer leurs chemins. Il faut
donc qu'eux aussi aient des moyens de contrôler ces activités, de
les rendre le plus sécuritaires possible, tout en utilisant
peut-être les chemins publics. Par une des associations chez moi, par des
employés de son cabinet, je sais que le ministre a reçu de la
représentation par le véhicule tout terrain de Mékinac
inc. qui ne demande pas mieux que d'aider à la sécurité de
ceux qui utilisent ces véhicules tout terrain, tout en respectant aussi
le Code de la sécurité routière, mais en ayant
peut-être la possibilité d'utiliser des routes non
nécessairement utilisées l'hiver, dont une partie est
peut-être même complètement fermée à la
circulation parce que la municipalité n'en fait pas le
déblaiement. En conséquence, cette voie peut servir pour les
véhicules tout terrain.
Dans certaines circonstances, pour y accéder, il faut emprunter
des voies, je ne devrais pas dire primaires ou secondaires, mais plutât
tertiaires. Je sais que le ministre
a été sensibilisé. Je sais aussi, par les gens qui
ont fait des démarches auprès des gens de son cabinet, qu'ils ont
eu une oreille attentive. Tout ce que je fais ce soir, c'est de
réitérer en leur nom les possibilités, à
l'intérieur du Code de la sécurité routière,
peut-être pour prévoir les amendements qui s'imposent ou
prévoir la réglementation qui s'impose. Je pense que c'est
peut-être par les moyens de la réglementation qu'on pourra
régler certains problèmes à la pièce et non pas de
façon globale. (23 heures)
Une autre chose que les gens m'ont dite et je la répète
parce que, lorsque le ministre a prononcé son discours à
l'Assemblée nationale, c'était avant qu'on connaisse les rapports
où on impliquait... Le ministre a donné son opinion publiquement,
il faut le dire. Des gens me l'ont rappelé cette semaine sachant qu'on
discutait de ce projet de loi. Il me fait plaisir en leur nom d'en parler, tout
en disant que ce n'est peut-être pas mon opinion. Mon but ici n'est pas
de donner toujours mon opinion, mais de rapporter ce que les gens nous disent
et de demander au ministre de répéter dans son droit de
réplique les raisons qui font qu'une personne de 18 ans apte à
voter doit donc être aussi apte à conduire une automobile, ce qui
est logique dans la façon de présenter le sujet. Ce que les gens
nous disent, c'est: Oui, mais il y a des jeunes qui, à 18 ans,
même s'ils sont aptes à prendre ces décisions, puisqu'ils
sont aptes à prendre d'autres décisions, vont dans des
débits de boisson. Le soir, ils sortent et il y a des dangers. Les gens
nous disent: Mon auto était stationnée et elle a
été défoncée par quelqu'un et j'en suis aussi
responsable que l'autre, même si je n'ai fait rien d'autre qu'être
le spectateur de celui qui enfonce mon auto, ou encore des jeunes sortent de
certains débits de boisson à certaines heures et sont un peu
dangereux sur la route.
Le ministre a dit qu'il respectait le droit à 18 ans pour chacun.
Les gens disent, comme le disait la personne qui est habituée à
faire des enquêtes: Pourquoi ne pas mettre cela à 21 ans, aussi
bien pour le permis que pour les débits de boisson? Je l'ai dit au
ministre, ce n'est pas mon opinion, mais j'aimerais qu'il donne à ces
gens l'argumentation pour que je puisse leur dire: Écoutez, le ministre,
devant les faits, avec l'expérience qu'il a, a décidé de
ne point agir dans ce sens-là. D'ailleurs, les jeunes vont nous dire
qu'ils aimeraient que cela reste à l'âge de 16 ans, le droit,
après avoir suivi des cours de conduite, de conduire une automobile.
D'un autre côté, le ministre profite de la loi actuelle
pour faire un petit changement à la Régie de l'assurance
automobile du Québec. Le ministre augmente le minimum d'assurance. On
dit ceci: La Loi sur l'assurance automobile n'est modifiée que pour
réévaluer les montants d'assurance minimaux obligatoires pour les
dommages matériels requis des transporteurs et pour tenir compte des
risques importants inhérents au transport de matières
dangereuses. Donc, je vais aller au minimum obligatoire pour les dommages
matériels requis des transporteurs. Je dois dire ici que des gens m'ont
fait mention de certains problèmes qu'ils ont lorsqu'ils renouvellent
leur assurance personnelle pour dommages matériels.
On sait que la Régie de l'assurance automobile du Québec
est habilitée à traiter du niveau corporel, de la santé
des gens qui sont blessés lors d'un accident ou qui
décèdent lors d'un accident. Mais, il reste une chose, les gens
demandent si le ministre a un contrôle. Le ministre pourra certainement y
répondre dans sa réplique: A-t-il la capacité d'aller
vérifier si les compagnies d'assurances n'utilisent pas de façon
abusive leur pouvoir d'augmenter... Quels sont les pouvoirs du ministre de
faire une enquête sur l'augmentation, abusive pour certains, des
coûts d'assurances pour dommages matériels?
Je le dis en toute bonne foi, car, lors d'un appel reçu cette
semaine, on me disait: M. Jolivet, mon assurance est passée de 350 $
à 550 $, il y a quelque chose qui ne va pas. J'ai essayé de
magasiner, comme on dit, et je me suis rendu à une compagnie
d'assurances qui a dit, après m'avoir accepté, qu'elle
était désireuse de me retirer du circuit parce que j'étais
un trop gros risque pour elle, alors que les accidents que j'ai eus, je n'en
étais même pas responsable. Je me suis fait défoncer par
quelqu'un alors que j'étais à l'intérieur de ma maison;
quelqu'un a foncé sur mon auto. Une autre fois, une autre personne,
m'a-t-il dit, l'a coupé. Finalement, il n'était pas responsable,
mais selon le principe du paiement par chacune des compagnies d'assurances,
selon le "no-fault", il voit augmenter le coût de ses assurances et il
dit: Je n'étais même pas responsable. Il m'a posé la
question: Est-ce que le ministre a les pouvoirs de vérifier s'il n'y a
pas de façon abusive chez certaines compagnies d'assurances une
augmentation trop forte des coûts d'assurance pour les dommages
matériels?
Je terminerai, M. le Président, en faisant mention d'un autre
dossier que j'aurais aimé, comme mes collègues, voir faire
l'objet d'un autre projet de loi - c'est pour ça que nous avions
demandé de scinder le projet de loi - celui des vignettes pour les
personnes handicapées. D'abord, que l'on en donne pour la personne
handicapée capable de conduire son automobile, modifiée ou non.
Il faut bien le considérer, les gens conduisent des automobiles
modifiées dans bien des cas et sont capables de se transporter
eux-mêmes et même d'aller magasiner, d'aller où ils veulent
parce qu'ils ont certaines
capacités que d'autres n'ont pas. Ceux-là - la
députée qui m'a précédé faisait mention de
ces mêmes actions qui ont été prises - ont maintenant sur
leur plaque d'immatriculation une vignette leur permettant d'utiliser au
Québec les stationnements réservés aux personnes
handicapées. Ce que les gens demandent, c'est une vignette amovible pour
que la personne handicapée puisse l'installer dans le pare-brise de son
auto et s'assurer qu'elle ne soit pas l'objet d'une contravention.
Le ministre le sait très bien, on a eu de la pluie cette semaine,
ce qui n'empêche pas ces gens de sortir et d'aller magasiner comme tout
le monde. Ces personnes, parce qu'elles sont handicapées, étaient
transportées par d'autres. Ne pouvant pas avoir un stationnement proche
de l'entrée des centres commerciaux ou d'autres places, comme on l'a vu
dans certaines circonstances, l'auto s'arrête de façon
illégale sur le bord du trottoir, la personne est
débarquée et entre à l'intérieur du centre
commercial et, pendant ce temps-là, l'autre personne va placer l'auto
là où elle est capable de trouver un stationnement.
Pour en avoir parlé avec plusieurs, pour en avoir parlé
avec les policiers de Trois-Rivières, de Shawinigan, de
Grand-Mère, de Drummondville, je trouve que les gens des
municipalités ne sont pas entichés d'avoir, comme
municipalités, à déterminer si la personne a droit ou non,
comme le ministre le souhaiterait, d'avoir une vignette amovible. Je dois dire
que cela occasionne certains problèmes pour les municipalités.
J'ai même eu l'occasion de voir une personne, qui avait la vignette de
l'Office des personnes handicapées de Grand-Mère, aller
stationner au centre commercial Les Rivières de Trois-Rivières
et, parce qu'elle était dans un stationnement pour personnes
handicapées, recevoir une contravention. Elle était toute
surprise. Elle me disait: Je ne comprends pas, je vais à
Grand-Mère et à Shawinigan et je n'ai pas de problème. Je
vais même à Drummondville et je n'ai pas de problème.
Qu'est-ce qui s'est passé à Trois-Rivières? J'ai
vérifié auprès de la municipalité et on m'a dit:
Les stationnements sont réservés pour ceux de
Trois-Rivières, pour les personnes qui viennent nous voir ici à
Trois-Rivières et qui ont une vignette spéciale. Les personnes
handicapées m'ont dit: Ça n'a pas de bon sens. Si je vais
à Trois-Rivières, je devrai avoir une vignette de
Trois-Rivières; si je vais à Drummondville, je devrai avoir une
vignette de Drummondville et, si je vais à Montréal je devrai
avoir une vignette de Montréal. Ça n'a pas de bon sens. Pourquoi
ne pas donner une vignette amovible décernée par un seul
organisme à la personne qui conduit les personnes handicapées
incapables de conduire, mais devant être transportées?
L'Office des personnes handicapées m'avait donné la
même réponse à l'époque. On m'avait dit: Ce serait
plus normal. Les municipalités n'ont pas la capacité de
vérifier telle ou telle personne. Une personne de Grand-Mère qui
veut aller à Trois-Rivières doit aller, admettons, au poste de
police de Trois-Rivières pour demander une vignette. Comment les gens de
Trois-Rivières sont-ils capables de déterminer si la personne qui
vient de Grand-Mère est habilitée à l'avoir ou non? Sur
quels critères vont-ils se baser? Il va donc y avoir, d'une
municipalité à l'autre, des critères tellement
différents que des municipalités l'accorderont et d'autres pas.
Vous savez ce que ça occasionne pour les personnes d'avoir à
magasiner comme ça, à aller voir les gens pour avoir des
vignettes? (23 h 10)
Je pense, M. le Président, que le ministre serait bien
avisé de réviser sa position. Les personnes handicapées de
ma propre région, que j'ai eu l'occasion de consulter et qui m'ont
téléphoné, m'indiquent que le ministre serait bien
avisé de réviser sa position et d'accorder par un organisme
habilité à le faire, l'Office des personnes handicapées,
une vignette amovible, bonne partout au Québec, sur les stationnements
réservés aux personnes handicapées.
À ce moment, il répondrait à la demande expresse de
ces personnes. J'en connais plusieurs qui ont des difficultés et qui,
compte tenu de leur incapacité, se trouvent dépourvues le moment
venu d'aller dans chacune des municipalités pour obtenir cette vignette.
Parce que je dois dire que, pour la même auto, il va falloir en avoir
quatre ou cinq si on voyage dans une même région ou six ou sept si
on voyage dans tout le Québec. Cela n'a pas de bon sens, M. le
Président. Il me semble que le ministre, révisant la position du
mois de décembre 1986 sur cette question, devrait la réviser au
complet.
Pour les personnes handicapées, que cette vignette soit
placée sur leur plaque d'immatriculation, parfait; ce sont des personnes
aptes à conduire, capables de conduire. Mais les personnes incapables de
conduire qui sont aidées par d'autres devraient avoir une seule vignette
donnée par un seul organisme habilité à la donner,
l'Office des personnes handicapées. S'il est habilité à la
donner dans le cas d'une personne handicapée conduisant son automobile
pour qu'elle la fixe à sa plaque d'immatriculation, il devrait aussi
l'émettre à la personne, même si la régie nous dit
qu'elle n'est pas habilitée actuellement à transiger avec des
personnes; elle transige pour les plaques d'immatriculation.
Il reste que l'Office des personnes handicapées pourrait leur
faire une recommandation et donner, à ce moment-là,
à ces personnes handicapées une vignette amovible
permettant à des personnes de les transporter selon les besoins. Vous
savez, ce ne sont pas toujours les mêmes. Il y a des
bénévoles qui s'occupent de cela par le biais d'organismes de
bénévolat. Ces personnes sont actuellement incapables de le faire
comme elles le désireraient pour le bien-être des personnes
handicapées. Je vous remercie, M. le Président. C'étaient
les remarques que j'avais à faire à M. le ministre.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le ministre
des Transports pour l'exercice de son droit de réplique.
M. Marc-Yvan Côté
(réplique)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Que de temps pour, finalement, bien peu de choses! Dans un
premier temps, je me permettrai de répondre très
brièvement à certaines interrogations qui ne sont pas dans le
projet de loi, mais que le député de Laviolette a
soulevées concernant en particulier les véhicules tout terrain,
pour lesquels, effectivement, avant que nous arrivions, tout le monde se
lançait la balle, que ce soit à la Régie de l'assurance
automobile, que ce soit au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, que ce soit au ministère des Transports. Personne ne
voulait réglementer les véhicules tout terrain.
J'ai décidé que quelqu'un le ferait. Comme j'avais la
responsabilité à la fois de la Régie de l'assurance
automobile et des Transports, nous avons décidé d'intervenir. Et
il y a maintenant un règlement sur les véhicules tout terrain.
C'est un pas en avant dans la bonne direction sur le plan de la
sécurité routière.
On dit: Les jeunes et la boisson, 18 ans; ce devrait être 21 ans.
Je comprends la prudence avec laquelle le député de Laviolette le
fait étant issu d'un parti soi-disant de gauche, donc favorable à
tous ces courants de jeunesse qui ont fait en sorte que M. Lesage, pour la
première fois à' l'élection en 1966, avait donné le
droit de vote à 18 ans. On considérait à ce moment que la
majorité était à 18 ans.
Il faut faire attention. Il y a bien des gens qui
téléphonent et qui s'inquiètent du fait que des jeunes de
18 ans circulant sur les routes du Québec consomment supposément
de la boisson. D'abord, la première des choses, ils n'en consomment pas
plus que le monde ordinaire. Ils sont peut-être un peu plus sur les
routes que le monde ordinaire. Mais que ce soit un jeune, un moins jeune ou une
personne âgée, quelqu'un en boisson sur les routes, c'est
quelqu'un de dangereux. Mais est-ce qu'on doit nécessairement faire le
lien entre quelqu'un qui est responsable et quelqu'un qui a le droit de prendre
de la boisson et de conduire?
C'est un débat d'arrière-garde que de penser aujourd'hui
qu'on puisse faire marche arrière et dire aux jeunes, qui ont le droit
de conduire à 18 ans aujourd'hui sans signature des parents et à
16 et 17 ans avec signature des parents, qu'on va maintenant porter cela
à 21 ans. Comme cette proposition du coroner Héroux qui disait,
finalement, de les faire conduire le jour seulement, à 17 ans, et non le
soir. On va acheter des "flashlights" et des lumières pour être
capable de voir dans les voitures si effectivement ils ont 17, 16 ou 20
ans.
Vous l'avez probablement vécu comme député. Vous
avez été un peu plus jeune déjà. Vous n'aviez
peut-être pas nécessairement 21 ans. Vous avez fait comme moi et
comme bien d'autres, vous êtes allé dans les bars. Qu'avez-vous
fait? Vous vous êtes gonflé la poitrine et vous avez dit: J'ai 21
ans. Et on paraissait 21 ans. C'est purement théorique, ce débat,
et c'est davantage au niveau des consciences, au niveau de la moralité
qu'il faut intervenir et convaincre les gens qu'effectivement la boisson, c'est
le pire ennemi de la route. La plus belle preuve, c'est que 50 % des accidents
causés sur les routes sont des accidents causés par la
boisson.
On est intervenu dès le printemps 1986 pour régler cette
histoire une fois pour toutes et faire en sorte que les dents données au
Code de la sécurité routière permettent
définitivement de faire en sorte qu'on élimine sur les routes les
gens qui étaient dangereux sur le plan de la consommation de
boisson.
Le dernier, les augmentations de l'assurance automobile. Dieu m'en
garde, cela ne relève pas de moi. Cela relève davantage de
l'Inspecteur général des assurances qui, lui, a cette
responsabilité et devrait le faire.
Revenons au projet de loi 73 qui est l'objet de nos
préoccupations à ce moment-ci et qui amende le Code de la
sécurité routière pour faire en sorte qu'on puisse prendre
ce virage de la déréglementation en toute quiétude pour
les intervenants de tout le Québec, de tout le Canada, des
États-Unis qui circuleront au Québec. Dans le domaine de la
sécurité routière, où il n'y a pas double
juridiction, mais une seule qui appartient au gouvernement du Québec, on
veut mettre suffisamment de dents à l'intérieur du code pour
qu'il soit respecté des utilisateurs de la route sur toutes les routes
du Québec, que ce soit des véhicules de promenade, que ce soit
des camions, que ce soit des autobus, que ce soit des taxis. C'est ça le
principe fondamental du projet de loi 73.
Mais lorsqu'on nous fait une présentation comme l'a fait le
député de Lévis, M. le Président, en
commençant par le libre-échange, oh, c'est gros. Je me
demandais où il allait avec ça. Le libre-échange,
Code de l'a sécurité routière, cela a été
l'entrée en matière. Paf! II a dit: On va l'avoir avec ça;
d'abord, on en parle un peu partout. On est aussi bien d'accrocher la
sécurité routière à cela. Tant qu'à faire
peur au monde, allons-y à fond de train, allons-y avec nos gros pneus.
Le député de Lévis est spécialiste
là-dedans.
J'ai compris le motif qui guidait le député de
Lévis lorsque son fer de lance contre le projet de loi 73 était
le libre-échange parce qu'il a ajouté - pas parce qu'il est
contre, je parle de son intervention - Le libre-échange, il y a du monde
qui en parle, mais ceux qui le comprennent, c'est davantage les professeurs
d'université, mais ce n'est pas seulement les professeurs
d'université. J'ai compris: La course au leadership est
commencée. Parce que le professeur d'université Parizeau a
déjà commencé et est pour le libre-échange, alors,
on vient de se positionner: l'autre candidat, lui, va être contre. C'est
clair, on est entré dans la sphère. La course au leadership est
partie, donc, avec des thèmes très connus à ce moment-ci.
Mais la remarque était tellement à point, compte tenu de la
situation que vous vivez dans votre propre parti, que je ne pouvais la passer
sous silence.
Par la suite, très brièvement, très sommairement,
il est entré sur les bateaux. Jones Act. C'est un problème qui
reste, qui n'est pas réglé, qui n'a pas été
discuté, et on est en train de se faire avoir. On va y revenir. Le temps
nous permettra d'y revenir ultérieurement. Il y a trop de choses
précieuses à l'intérieur du projet de loi 73 pour le
laisser sur des discussions comme vous l'avez fait.
Par la suite, un point très important, il dit: C'est pour
corriger des erreurs. Oui, effectivement, c'est pour corriger des erreurs, dans
certains cas. Une première, qui était une erreur bien
involontaire, c'était celle de l'équitation. Heureusement, togt
le monde est d'accord, on corrige la situation à la grande satisfaction
des usagers. La deuxième erreur, supposément, était celle
des handicapés. Stationnement avec vignette mobile pour
handicapés. Je la laisse de côté parce que je vais la
garder pour le dessert. On va se parler et on va se dire la
vérité et il va arrêter de se faire de la démagogie
sur le dos des handicapés. Une fois pour toutes, à la fois par
ceux qui siègent de l'autre côté et par ceux qui dans le
champ ont d'autres ' objectifs que de protéger et de bien donner aux
handicapés ce dont ils ont besoin.
Oui, un Code de la sécurité routière plus
sévère avec l'avènement de la
déréglementation. Il faut bien la situer dans son
véritable cadre, la déréglementation. Elle est
québécoise, elle est canadienne et elle est presque
nord-américaine aussi.
(23 h 20)
Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui, il faut être en
mesure de comprendre ce qui s'est passé sur le plan du camionnage, alors
que nous avons littéralement, à la fin des années
soixante-dix, envahi le marché américain avec nos camions,
obtenant des permis. Les Américains ont voulu obtenir le contrepoids
chez nous. Ils nous ont servi, en 1980 et en 1982, des ultimatums pour faire en
sorte qu'on puisse ouvrir les portes au camionnage au Québec et au
Canada à ceux qui, des États-Unis, voulaient faire du transport
et ce, en échange d'avoir ce droit aux États-Unis.
Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, avec le Code de la
sécurité routière, on y introduit des mesures canadiennes?
Le code canadien de sécurité, qui est un bijou, qui est du jamais
vu... C'est qu'on a décidé, effectivement, sur le plan canadien,
d'aller dans la déréglementation et de tirer expérience de
la déréglementation américaine pour faire en sorte qu'on
n'ait pas les hécatombes au Québec qu'on a connues aux
États-Unis. Ce sont ces leçons qu'on a tirées de
l'expérience américaine et, dans ce sens-là, le projet de
loi 73, donc les amendements au Code de la sécurité
routière, vise à bien baliser l'exercice d'un métier qui
est celui de camionneur, en particulier au Québec.
Oui, le code est plus sévère parce que, justement, il
prévoit une déréglementation et une compétition
plus sévère sur les marchés du transport. On doit faire en
sorte qu'aujourd'hui, comme hommes d'État responsables, on puisse mettre
à l'intérieur du Code de la sécurité
routière tout ce qu'il nous faut pour protéger les utilisateurs
du réseau routier au Québec.
Le député de Lévis nous disait tantôt: C'est
théorique; on ne peut pas dire qu'effectivement, dans la pratique, c'est
comme le ministre peut le dire. C'est un projet de loi qui n'est pas si mal,
mais, dans la pratique, on ne sait pas trop ce que cela va donner. Il y a
peut-être des problèmes d'application. La garantie de demain,
c'est la garantie que nous avons donnée aujourd'hui et hier comme
responsables de l'application du Code de la sécurité
routière. Les chiffres parlent par eux-mêmes. Des premiers
amendements au Code de la sécurité routière, au printemps
1986, ont fait en sorte qu'on fasse le ménage, sur les routes du
Québec, parmi ceux qui conduisaient en état
d'ébriété. On a littéralement enlevé le
permis à tous ceux qui conduisaient en état
d'ébriété sans leur permettre pour autant d'obtenir un
permis temporaire avec des mesures beaucoup plus sévères. Un
premier ménagel
Un deuxième ménage! Quelque 800 articles en
décembre 1986 au Code de la sécurité routière pour
faire en sorte qu'on
ait un code des années d'aujourd'hui, pas d'hier. Qu'est-ce que
cela a eu comme conséquences sur les routes du Québec en 1986 par
rapport à 1985? C'est 24 % de moins d'accidents au Québec en 1986
qu'en 1985. Oui, au-delà de 385 personnes décédées
de moins sur les routes du Québec.
Plusieurs facteurs ont été déterminants. Le
député de Lévis a dit: La loi a été
adoptée en décembre, elle n'a pas eu d'effets. Vous n'avez rien
compris; une loi, c'est une loi, mais vous avez parlé d'application. Qui
fait l'application? C'est la volonté politique de faire le ménage
sur les routes du Québec, celle que vous n'avez jamais eue. Vous avez
laissé aller littéralement la sécurité
routière au Québec et, finalement, l'application des lois et
règlements, ce qui a fait en sorte qu'on s'est retrouvé dans une
situation bordélique. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a dit: Oui, on va
faire le ménage; oui, on s'est entendu avec les quatorze
ministères ou organismes concernés pour créer un
comité qui, sur la route, faisait le ménage. Vous avez
vous-même utilisé dans votre intervention des statistiques qui
faisaient état que 75 % des camions n'étaient pas en état
de fonctionner. C'est croire qu'on a fait un certain travail, qu'on l'a fait au
cours de l'année 1986 et, en particulier, en 1987.
Quant aux augmentations de budget, pour être capable de
l'appliquer, à la fois c'est une concertation très suivie,
très serrée avec la Commission des transports du Québec,
la Régie de l'assurance automobile du Québec et le
ministère des Transports. Lorsqu'on confie aux peseurs des pouvoirs
additionnels, des pouvoirs d'agent de la paix au sujet de la pesée des
camions au lieu de le faire par les gens de la Sûreté du
Québec - le peseur devient agent de la paix pour les fonctions de
pesée - c'est augmenter nos capacités et nos possibilités
sans nécessairement augmenter nos coûts; on appelle cela de
l'efficacité.
On a parlé de la police de la route, bien sûr, tout
à l'heure en disant: II y a eu l'intégration; il y en avait 175
qui étaient au ministère des Transports auparavant et il y en a
eu 175 qui ont été intégrés à la
Sûreté du Québec. Vous regarderez le résultat
aujourd'hui aussi. Dans ce sens-là, c'est pour cela qu'on revient avec
une nouvelle dynamique, avec la collaboration de la Sûreté du
Québec et des différents corps policiers municipaux du
Québec afin que cela puisse s'appliquer de manière très
efficace.
Je veux en arriver, parce que je sais que mon temps de réplique
est limité et je le regrette ardemment, au point qui a fait l'objet
d'interventions de tous les collègues du député de
Lévis qui sont intervenus en cette Chambre: les handicapés.
Avant décembre 1986, qu'existait-il comme possibilités
pour les handicapés en termes de stationnement dans tout le
Québec? Au ministère des Transports, à la Régie de
l'assurance automobile, y avait-il des mesures particulières pour
protéger les stationnements pour handicapés? Y avait-il cette
vignette souhaitée par les handicapés dans tout le Québec?
Non, ils ne l'avaient pas. Il n'y en avait pas et c'était encore un
débat théorique à l'Office des personnes
handicapées, à la Régie de l'assurance automobile.
Qu'ai-je fait? J'ai rencontré des personnes handicapées, celles
qui utilisent leur voiture. Je leur ai dit: Donnez-moi la solution à vos
problèmes. Ce qu'il y a dans le code, par la loi 127, et qui est en
vigueur aujourd'hui, le 1er décembre, avec le règlement, c'est un
texte écrit par les personnes handicapées elles-mêmes, mais
celles qui conduisent leur véhicule. Ce ne sont pas les
élucubrations du ministre des Transports, ni du président de la
Régie de l'assurance automobile. La vérité a, tout de
même, ses droits. Mais ce que j'ai compris, c'est que, pour vous, ce ne
sont que 10 % des personnes handicapées au Québec et que cela ne
vaut pas la peine qu'on s'en occupe parce qu'elles ont une voiture et qu'elles
circulent sur les routes. Allez les voir aujourd'hui! Allez leur demander si
elles sont contentes de ce qui s'est passé! Elles disent: Oui, c'est
très bien. C'est ce qu'on souhaitait. C'est ce qu'on voulait depuis
longtemps. Que s'est-il passé dans la loi 127? C'est cette
reconnaissance pour la première fois que les personnes
handicapées avaient un problème particulier. On le reconnaissait
en leur donnant une vignette mobile à coller sur la plaque et faite par
la régie puisqu'il y avait une possibilité de contrôle
médical quant au handicap de l'individu étant obligé
d'obtenir un permis de conduire.
Que propose-t-on aujourd'hui à l'intérieur du texte de
loi? Bien sûr, ce n'est pas parfait. La perfection, on l'a vu, n'est
certainement pas de l'autre c6té, parce que la population a jugé
qu'ils méritaient d'aller faire un tour sur les banquettes d'en face.
Que propose-t-on aujourd'hui? Mais, bon sang, regardez vos papiers! Vous n'avez
quand même pas coupé tous les liens avec -le passé? Ce
qu'il y a dans le projet de loi actuel, c'est la proposition de M. Tardif, qui
était ministre des Transports sous votre gouvernement. Êtes-vous
inconscients et avez-vous si peu confiance en l'histoire et en vos propres
données alors que vous étiez au gouvernement pour oublier cela?
C'est la proposition de M. Guy Tardif, ministre des Transports, sous votre
gouvernement, qui est là-dedans. Elle n'est pas suffisante? Pourquoi
l'était-elle, M. le député de Lévis, qui
étiez ministre à l'époque dans le cabinet? Pourquoi
l'avez-vous acceptée alors, puisqu'elle a dû franchir les
comités ministériels.
Une voix: II dormait.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce uniquement au
Québec que l'on fait cela? Non, cette proposition, telle qu'elle est
à l'intérieur du code, pour les personnes handicapées
conduisant leur véhicule, et la proposition à l'intérieur
du code pour les personnes handicapées qui sont conduites par d'autres
personnes, c'est en vigueur en Ontario. Est-ce qu'on manque de respect
vis-à-vis du pouvoir municipal? Est-ce que le pouvoir municipal du
Québec est moins capable que celui de l'Ontario? Je ne le crois pas.
Dans l'État de New York, c'est la même chose.
Je retiens, quand même, pour demain une proposition du
député de Lévis, reprise par le député de
Laviolette, indiquant que l'Office des personnes handicapées pourrait
être l'organisme qui donnerait les vignettes. C'est l'office qui ferait
donc ce travail. Je la retiens et vous l'aurez en amendement lorsqu'on
apportera d'autres amendements au Code de la sécurité
routière.
Je suis entièrement d'accord pour que ce soit l'Office des
personnes handicapées du Québec qui puisse émettre les
vignettes aux personnes handicapées. Je n'en ferai pas un plat parce que
je suis très heureux de tout cela. Cependant, prenez bien soin de
vérifier si l'Office des personnes handicapées est prêt
à le faire. On s'en reparlera demain.
Il est certain qu'on peut faire beaucoup de démagogie sur un
sujet aussi important que celui-là. Mais est-ce qu'en augmentant -la
question est posée globalement - le nombre de vignettes pour personnes
handicapées on augmente automatiquement le nombre de stationnements? Ce
n'est pas sûr. Je ne suis pas sûr, non plus, qu'en demandant
à la Régie de l'assurance automobile de donner des vignettes on
doive lui confier la responsabilité d'augmenter les stationnements
également. Les stationnements sont la responsabilité du pouvoir
municipal. (23 h 30)
On a voulu faire un lien entre le volume de vignettes données
pour les personnes handicapées par rapport aux stationnements. Si on en
donne 60 000 et qu'on reste avec le même nombre de stationnements, a-t-on
pour autant réglé le stationnement pour personnes
handicapées? Cela n'est pas à étages. C'est avoir les deux
pieds sur terre et savoir exactement ce qui se passe dans ce domaine.
Le problème, M. le Président, est plus fondamental que
cela. Le problème de stationnement pour les personnes handicapées
fait davantage appel à ceux qui ne le sont pas. Cela fait appel à
des mentalités, cela fait aussi appel à la conscience sociale de
chacun des individus qui, demain ou en fin de semaine, iront dans les endroits
publics, eux qui ont toute la mobilité possible, et stationneront
à la place des personnes handicapées. C'est davantage là
qu'est le problème. C'est une question de conscience sociale, c'est une
question d'éducation, le stationnement pour personnes
handicapées, et on ne règle pas le problème du
stationnement pour personnes handicapées en revendiquant une vignette
pour toutes les personnes handicapées. Si on prenait la
définition de personne handicapée de l'Office des personnes
handicapées, j'en vois quelques-uns à l'intérieur de cette
salle qui seraient des personnes handicapées parce qu'ils portent des
lunettes. Est-ce que pour autant on doit doit donner une vignette pour
être capable d'occuper une place de stationnement pour personnes
handicapées? Je pense que non et, sur ce plan, je pense qu'il y a du
ménage à faire.
M. le Président, je termine, parce que je sais que mon temps est
probablement écoulé, avec quelques remarques sur l'intervention
qu'a faite la députée de Chicoutimi en parlant
d'énormités puisqu'on avait assimilé l'équitation
aux personnes handicapées. Voyons donc! Voyons donc! Cela n'a pas de
maudit bon sens que de laisser aller de pareilles affaires, de pareilles
énormités! L'énormité, c'était son
intervention, M. le Président! Merci bien.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président: Sur une question de règlement,
M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Non, sur une question de directive, M. le
Président.
Le Vice-Président: Oui.
Demande de directive M. François
Gendron
M. Gendron: Très sérieusement, je voudrais attirer
toute votre attention. Il y a quelques minutes, la vice-présidence avait
à rendre une décision concernant une motion de scission. Pourquoi
je veux poser une question de directive? On a pu mettre la main sur les
écritures, on le verra un peu plus tard au procès-verbal, mais il
me semble que c'est le premier moment que j'ai de vous signaler que, uniquement
sur la compréhension des motifs évoqués par la
présidence pour refuser la motion de scission, sans revenir sur le fond,
il y a des erreurs de fait dans les écritures qu'on nous a
livrées. Je voudrais vous demander dès ce moment, en tant que
présidence au sens de la trinité, quand je serai en mesure,
auprès de la personne concernée qui a rendu une telle
décision absolument incohérente et incompréhensible sur le
plan des faits, d'exiger à tout le moins une rédaction plus
précise de la décision pour qu'on puisse éventuellement
faire une meilleure analyse et
tout simplement, M. le Président, comprendre les motifs sur
lesquels elle s'est appuyée pour refuser la motion de scission. Si je
suis en mesure de comprendre les motifs invoqués, peut-être que
j'aurai réponse à ma question de directive. Pour l'instant, il
n'est pas question de contester sa décision, mais je voudrais au moins
la comprendre et j'aimerais cela que vous m'indiquiez, dans un tel état
de fait, quelle est la procédure habilitante pour qu'on puisse, dans le
futur à tout le moins, ne jamais faire référence à
une telle décision.
Le Vice-Président: Vous me posez une question de
directive. Je comprends fort bien le pourquoi, d'après ce que vous
m'avez énoncé. Je vous dirai qu'effectivement j'ai entendu de mon
bureau, en suivant les débats, la motion de scission
présentée par Mme la députée de Maisonneuve. La
présidence s'est retirée - et je dis bien la présidence et
non pas la vice-présidente - et a examiné la question à
l'aide des articles du règlement, à l'aide des motifs qui ont
été invoqués par les deux côtés de la
Chambre. J'ai pu constater que, et de votre côté et du
côté du leader du gouvernement, il y a eu de l'argumentation de
faite là-dessus. Le ministre des Transports a également
argumenté sur la motion en question, cette motion de scission. La
vice-présidente s'est retirée pour prendre sa décision;
elle a donc consulté le règlement et les précédents
et possiblement les auteurs là-dessus, je ne sais trop, mais elle a
rendu une décision. L'article 41 de notre règlement est
très clair: "La décision du président ou de
l'Assemblée ne peut être discutée." Donc, vous me
mentionnez que ce n'est pas aux fins de discuter de la décision, j'en
suis fort aise parce qu'autrement je ne vous aurais pas laissé
argumenter.
Mais on dit, au premier alinéa de l'article 41, que le
président se prononce sur les rappels au règlement au moment
où il le juge opportun, en indiquant les motifs de sa décision.
On peut, d'une certaine façon, à mon point de vue, faire une
analogie entre un rappel au règlement et la question d'une motion de
scission présentée. C'est une question qui relève du
règlement. Donc, la présidence doit se prononcer en indiquant les
motifs de sa décision. Si les motifs ne sont pas assez clairs et ne vous
satisfont pas, je ne pense pas qu'on puisse demander à la
présidence de revenir ici et de réexpliquer sa question, en
aucune façon. Sa décision a été rendue, les motifs
ont été énoncés. Si vous ne comprenez pas les
motifs, vous pouvez tenter d'avoir des informations supplémentaires.
À mon point de vue, la meilleure façon de le faire serait de
rencontrer la personne qui a rendu la décision pour qu'elle puisse
tenter de vous aider, de vous éclairer sur les motifs de sa
décision.
Que sa décision puisse servir ultérieurement, c'est
là votre crainte, d'une certaine façon, selon votre point de vue.
La décision rendue ne vous appararaît pas la plus conforme au sens
du règlement. Une telle chose est possible. On peut se
référer aux jugements des tribunaux. Dans certains cas, il y a
des jugements qui sont rendus et les jugements ne sont pas
nécessairement les plus éclairés et les plus
éclairants. Parfois même, de certaines décisions sur un
même point, on obtient des jugements contradictoires ou qui semblent
contradictoires quand on les compare.
Au sens du droit parlementaire, qui est d'inspiration britannique, en ce
qui concerne les précédents, un précédent peut
s'appliquer pour orienter la discussion sur des motions futures qui seraient
présentées. Mais jamais, je pense, on ne peut retrouver en droit
des choses analogues en tout point. Sur une motion de scission
présentée dans le cadre d'un projet de loi, dire que cette motion
pourrait éventuellement fixer les règles du jeu pour toutes les
motions de scission qui seront présentées, je ne le penserais
pas. Cela peut être une indication à la présidence de
certains motifs qui ont été énoncés au soutien
d'une décision rendue. Mais, à mon point de vue, cela fait
jurisprudence en ce sens-là pour la situation telle qu'elle s'est
présentée. Elle peut être utile pour éclairer une
décision future. Donc, la crainte que vous avez ne m'apparatt pas
nécessairement fondée dans ce sens-là.
Quant à moi, sur votre question de directive, c'est la seule
chose que je peux vous mentionner. Je ne crois en aucune façon, au sens
de notre règlement, qu'on puisse demander à la présidence
de réexpliquer sa décision, de donner à nouveau des
motifs, d'éclairer davantage ses motifs, pas plus qu'un tribunal ou un
juge quand il rend une décision. Si les motifs ne sont pas suffisamment
compris, on va demander, à ce moment-là, d'expliquer davantage.
Ce qu'on fait dans un tel cas, on va en appel. Dans notre cas, il n'y a pas
d'appel possible. La décision est finale et sans appel.
Donc, je vous suggère simplement une rencontre, au cours des
prochains jours, avec la vice-présidente et peut-être qu'elle
pourra discuter du sujet avec vous et tentera de vous éclairer plus
à fond sur le sens de sa décision. Mais sa décision est
rendue et elle sera maintenue.
M. Gendron: M. le Président.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Très succinctement, je sais que sa
décision est rendue. Mais elle l'a rendue en Chambre à titre de
présidente de cette Assemblée. Alors, je peux difficilement
la voir en privé et dire: Explique-moi ta décision, parce
que ce n'est pas cela que je veux. Je voudrais juste revenir sur l'aspect
précis. Vous me dites qu'elle a sans doute rendu une décision en
s'appuyant sur le règlement. Je ne nie pas cela. Ce que je plaide, c'est
que les motifs qu'elle a lus en rendant sa décision sont faux par
rapport à la référence qu'elle évoque. Il y a une
erreur de fait.
Je n'ai pas pu en prendre connaissance. Je n'en croyais pas mes oreilles
quand je l'ai entendue. Mais quand j'ai eu le texte - je sais bien que c'est un
texte préliminaire - on l'a relu. On n'est pas capable, M. le
Président, par rapport à ce qu'elle devait trancher, de faire une
relation entre ce qu'elle devait trancher et les motifs qu'elle a
évoqués. Alors, je me dis que si les écritures qu'elle
nous a fournies et qui figurent au procès-verbal ne nous permettent pas
de comprendre. Je n'en suis pas sur le fait de revenir sur la décision,
mais il me semble que la présidence devrait, à tout le moins,
nous indiquer une voie pour qu'elle, la présidence, élargisse les
éléments de sa décision uniquement pour qu'on puisse
comprendre ce sur quoi elle aurait pu s'appuyer pour rendre une décision
comme elle en a rendu une, puisque ce qu'on lit, c'est erroné par
rapport aux faits. Il n'y a pas de référence exacte par rapport
à la motion de scission présentée.
Je suis convaincu, si vous me permettez de vous lire une phrase...
Le Vice-Président: Non. (23 h 40)
M. Gendron: Non? Si vous me l'autorisez, si vous me permettez de
lire une phrase, je suis convaincu que vous partageriez mon point de vue que
cela n'a pas de référence par rapport à ce qu'elle devait
arbitrer.
Le Vice-Président: Oui, mais de toute façon,
là-dessus, même si vous ne lisez qu'une phrase, ce que je vous
dis, c'est simplement que, dans n'importe quel jugement qui a été
rendu en vertu du règlement... Je peux rendre moi-même une
décision qui peut être douteuse pour certains, ou certains
pourraient penser que cette décision aurait pu être
différente. Je pense que c'est le cas. Notre règlement n'est pas
précis au point qu'on est comme un ordinateur. On appuie sur un bouton,
et c'est blanc ou noir. Ce n'est pas toujours blanc ou noir, c'est parfois
gris. On a à prendre des décisions, à rendre certaines
décisions eu égard au règlement, eu égard aux
précédents, eu égard à ce que la jurisprudence
parlementaire a pu nous apporter comme précédents.
À ce stade, cette décision, avec les arguments qu'on peut
apporter au soutien de la décision rendue, peut - je le comprends fort
bien - ne pas paraître claire à quelqu'un.
M. Gendron: Non. Ce n'est pas cela.
Le Vice-Président: Dans un deuxième temps, je
pourrais même vous dire qu'une décision pourrait être
rendue, comme dans le cas d'un tribunal, mais qu'elle pourrait être
mauvaise.
M. Gendron: Une décision hors du sujet.
Le Vice-Président: À votre point de vue, elle peut
être hors du sujet. Mais, si la décision est hors du sujet et
qu'elle ne correspond pas au fait, vous me direz que cette décision est
mauvaise. Mais, même si elle est mauvaise, elle est rendue et elle est
maintenue, à moins que ce soit un cas où l'on n'a pas juridiction
dans ce sens. La présidence a juridiction pour trancher les litiges.
Même si la présidence rendait une décision, à mon
point de vue, qui pourrait être jugée douteuse, douteuse dans le
sens qu'on pourrait être d'avis contraire... Peut-être qu'un autre
président pourrait rendre une décision totalement opposée
à celle qu'un président va rendre. Je pense que cela va de
soi.
Quand on interprète le règlement et la procédure
parlementaires, comme quand on interprète une loi, deux personnes
peuvent avoir une opinion différente là-dessus. C'est pourquoi,
s'il y avait un appel, on n'en finirait plus, comme dans le droit ordinaire. Si
on va en Cour supérieure et qu'on se retrouve en Cour d'appel, vous
pouvez avoir un jugement de la Cour d'appel qui va renverser celui de la Cour
supérieure et vous pouvez avoir un jugement de la Cour suprême qui
va également renverser le jugement de la Cour d'appel. La perception des
faits par les gens, en relation avec le sens et l'application pratique de notre
règlement, peut différer d'une personne à une autre.
Dans ce sens-là, il me paraît clair qu'une décision
peut vous sembler douteuse. C'est ce que je voulais dire tantôt. Elle
peut vous paraître incorrecte, j'en conviens fort bien, mais il n'y a pas
d'appel. Aucun appel n'est possible même si la décision vous
paraît douteuse, mauvaise, non conforme au règlement. La
décision est rendue, elle est maintenue, et il n'y a pas d'appel. C'est
manifestement ce que notre règlement prévoit. C'est pour
s'assurer que nos débats puissent se dérouler dans un rythme
convenant à une assemblée délibérante, à mon
point de vue. D'accord?
Cela dit, le débat étant terminé à cette
étape de l'étude du projet de loi, est-ce que le principe du
projet de loi 73, Loi modifiant le Code de la sécurité
routière et la Loi sur l'assurance automobile, est
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je voudrais faire motion
pour déférer le projet de loi à la commission de
l'aménagement et des équipements pour l'étude
détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Je vous prie d'appeler l'article 20 du feuilleton,
s'il vous plaît.
Projet de loi 76 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 20 du feuilleton, M.
le ministre des Transports propose maintenant la motion d'adoption du principe
du projet de loi 76, Loi sur le camionnage. Je cède la parole à
M. le ministre des Transports.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il
me fait plaisir de proposer l'adoption en deuxième lecture du projet de
loi sur le camionnage.
Ce projet de loi marque une étape importante pour l'industrie du
camionnage contre rémunération au Québec. Il constitue
l'aboutissement de longues discussions entre le gouvernement
fédéral, les provinces et l'industrie du camionnage. Il ouvre une
ère nouvelle axée sur la sécurité.
Ce projet de loi fait suite à de nombreuses consultations
auprès de l'Association du camionnage du Québec, de la
Régie de l'assurance automobile du Québec, de la Commission des
transports du Québec. Les grandes lignes ont été
présentées au comité national des transports de
l'Association des manufacturiers canadiens, à Halifax, le 21 octobre
1987, et à la Ligue canadienne de transport industriel, le 26 novembre
1987, à Montréal.
La réforme législative du camionnage a également
fait l'objet de multiples consultations effectuées par le Conseil
canadien des administrateurs en transport motorisé auprès de
nombreuses associations dont la Coalition des expéditeurs et des
manufacturiers canadiens qui regroupe quatorze associations.
Concrètement, ce projet de loi touche près de 6000
entreprises de camionnage public contre rémunération, à
majorité québécoise, employant 27 000 individus.
Pour mieux comprendre la portée de ce projet de loi, il
m'apparaît important en premier lieu de faire une rétrospective
des événements qui nous ont amenés à le
présenter. Ensuite, j'en résumerai les principales dispositions
pour vous permettre d'en saisir l'impact.
Depuis l'avènement du transport routier, la responsabilité
du contrôle économique de cette industrie revient aux provinces.
Au Québec, comme dans les autres provinces, un permis est requis pour
effectuer un camionnage contre rémunération. Ce permis a
été soumis jusqu'à présent aux critères de
nécessité publique. En d'autres mots, il revient à celui
qui veut effectuer du camionnage contre rémunération de prouver
la nécessité du service qu'il propose et de démontrer que
les entreprises en place ne sont pas en mesure de le donner de façon
convenable. À cette fin, le requérant doit faire la
démonstration de la nécessité du service par le
témoignage de clients qu'il se propose éventuellement de
desservir. Une telle demande est toujours susceptible de soulever des
oppositions de la part des transporteurs déjà en place. Dans
cette éventualité, une audience publique est automatiquement
convoquée. Dans ce cas, le requérant est obligé de faire
témoigner les expéditeurs qui appuient sa demande.
Ce système de contingentement de permis a débuté
dans les années trente et a été officiellement mis en
place, sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui, en 1951. Cette
réglementation visait principalement à assurer des services de
camionnage public dans toutes les régions du Québec et à
protéger les expéditeurs qui se plaignaient à
l'époque du comportement peu responsable des camionneurs, compte tenu du
manque de maturité de l'industrie. Au début des années
cinquante, la grève des chemins de fer a été un
événement marquant pour le développement de cette
industrie, non seulement au niveau local, mais à travers tout le
continent. La preuve était faite que le transport routier pouvait dans
bien des cas présenter une alternative aux ferroviaires. Par la suite,
le camionnage a fait sa marque puis s'est aguerri. Des améliorations
technologiques et le développement du réseau routier ont
contribué à son essor. C'est au cours de ces mêmes
années que la compétence des provinces a été remise
en question pour le camionnage. En effet, en 1954, le jugement Weiner, du
Conseil privé de Londres, reconnaissait la compétence du
gouvernement fédéral en matière de
camionnage extra-provincial. Cette compétence était
beaucoup plus importante que prévue. Ce jugement reconnaissait non
seulement la compétence du gouvernement central pour réglementer
les mouvements de camionnage qui traversent les frontières d'une
province, mais aussi pour réglementer toute l'entreprise qui effectue
ces mouvements extra-provinciaux, ce qui inclut donc des mouvements
intraprovinciaux. Que restait-il aux provinces? Bien peu: la compétence
de réglementer les entreprises de camionnage locales dont les
activités se limitaient à une seule province.
Le gouvernement central, premier surpris de l'ampleur des pouvoirs qui
lui étaient reconnus, à court d'expertise et de ressources pour
réglementer ce secteur d'activité, s'est empressé d'en
déléguer la responsabilité aux commissions de transport
provinciales par une loi de quelques pages, la Loi sur le transport par
véhicule à moteur. Cette loi spécifiait en bref qu'une
province réglementant le transport routier local pouvait
réglementer sur son territoire les entreprises de transport routier
extra-provinciales, autobus et camions, de la même manière et aux
mêmes conditions. En somme, par cette loi, le gouvernement
fédéral, tout en reconnaissant sa compétence, laissait
inchangées les règles du jeu qui avaient toujours prévalu
dans le camionnage. Ce sont ces règles du jeu, cette
délégation du gouvernement fédéral, qui seront
profondément modifiées le 1er janvier 1988, après presque
35 ans de délégation totale du gouvernement
fédéral.
Il faut bien comprendre cependant que cette reprise de pouvoir ne se
sera pas faite du jour au lendemain. Déjà, en 1967, en
sanctionnant la loi nationale des transports, le gouvernement
fédéral se donnait les pouvoirs de réglementer le
camionnage extraprovincial sur le même pied que le ferroviaire,
l'aérien ou le maritime. Il a cependant décidé une fois de
plus, probablement toujours par manque d'expertise et de ressources, mais
surtout par reconnaissance du râle majoritairement provincial de ce mode
de transport, de déléguer le contrôle économique aux
commissions de transport provinciales, selon les lois en vigueur dans les
provinces. (23 h 50)
La loi de délégation fédérale demeurait donc
inchangée, mais il y avait, à partir de 1967, une
épée de Damoclès au-dessus des têtes provinciales,
la partie III de la Loi nationale sur les transports de 1967 qui aurait permis
au fédéral de réglementer du jour au lendemain les
entreprises fédérales de camionnage par le biais de la Commission
canadienne des transports.
De la fin des années soixante jusqu'au début des
années quatre-vingt, le gouvernement fédéral a
tenté à quelques reprises de reprendre sa juridiction. Faute de
consensus de la part des provinces, ce projet est demeuré en veilleuse.
C'est principalement la déréglementation partielle du camionnage
aux États-Unis en 1980 qui a incité le gouvernement canadien
à intervenir. Â la suite de cette déréglementation,
les camionneurs américains ont fait des pressions pour que les provinces
canadiennes adoptent des règles similaires au modèle
américain.
À la suite d'un moratoire que les Américains ont
imposé aux transporteurs internationaux canadiens en août 1982
sous prétexte de discrimination à leur égard, le
gouvernement central s'est engagé à mettre la réforme en
place. La première manifestation officielle du désir d'assouplir
les règles du jeu au niveau extra-provincial remonte à la
réunion des ministres des Transports en mai 1984. Dix mois plus tard, le
27 février 1985, les provinces et le gouvernement fédéral
signaient une entente visant l'assouplissement de la réglementation
économique du camionnage extra-provincial. L'esprit de cette entente
voulait que ce soient les provinces qui effectuent la réforme de
façon concertée, alors que le gouvernement central aurait
laissé inchangée sa loi de délégation. C'est
d'ailleurs dans cette veine que le Québec modifiait les règles
concernant les tarifs, en octobre 1985.
Il n'y a pas, M. le Président, de document plus officiel que ce
document qui a fait l'objet d'une entente de tous les ministres des Transports
le 27 février 1985. C'est mon prédécesseur, le
député de Crémazie, M. Guy Tardif, qui l'avait
signée au nom du Québec, engageant irrémédiablement
dans la voie de la déréglementation la province de Québec
et cela, au nom du gouvernement du Québec. Cependant, les
événements qui suivirent ont modifié le scénario.
Le fédéral introduisit, le 26 juin 1986, le projet de loi C-127
qui devint par la suite la loi de 1987 sur le transport routier, soit la loi
C-19. Cette loi a donc été sanctionnée le 28 août
1987 et elle entrera en vigueur le 1er janvier 1988.
Parallèlement à cette démarche, le gouvernement
fédéral a également présenté le projet de
loi C-18 modifiant la Loi nationale sur les transports de 1967. Les
dispositions de ce projet de loi touchent tous les modes de transports, y
compris les entreprises de camionnage extra-provincial. En
réalité, le projet de loi C-18 affecte principalement le
transport ferroviaire et j'ai eu, à quelques reprises, l'occasion de
faire valoir les intérêts du Québec auprès de mon
homologue fédéral.
Bien que le projet de loi C-18 conserve toujours cette menace de
rapatriement par le fédéral en ce qui concerne l'administration
et le contrôle du camionnage extra-provincial, les changements
d'orientation seront effectués par la loi de 1987 sur les
transports routiers. Cette loi remplace la loi de
délégation de 1954. Elle permet au fédéral de
reprendre une bonne partie de sa compétence en matière de
camionnage et de définir les règles du jeu pour les mouvements
extra-provinciaux. Elle laisse cependant aux commissions de transports
provinciales - dans le cas du Québec, ce sera la Commission des
transports du Québec - l'administration de la loi et elle permet aux
provinces de réglementer les mouvements intraprovinciaux des entreprises
fédérales de la même manière que les entreprises
locales.
Toutes ces explications peuvent, à première vue,
apparaître complexes. Un petit exercice de vulgarisation nous fera mieux
comprendre la situation. Parmi les 1500 entreprises de camionnage de plus de
100 000 $ de revenus qui ont leur principale place d'affaires au Québec,
une sur trois effectue du camionnage extra-provincial et sera donc régie
par la loi fédérale qui entrera en vigueur le 1er janvier 1988.
Bien que minoritaires, ces entreprises génèrent au moins 60 % des
revenus des entreprises de camionnage québécoises.
En ce qui concerne les entreprises établies à
l'extérieur du Québec, dans d'autres provinces ou aux
États-Unis, lorsqu'elles effectueront du transport à destination
ou en provenance du Québec, elles seront, elles aussi, sous la
juridiction fédérale. Ces entreprises extra-provinciales, celles
du Québec comme celles des autres provinces, peuvent, par ailleurs,
effectuer du camionnage entre deux points au Québec. Dans ce cas, la loi
fédérale prévoit un permis spécifique qui peut
comporter les mêmes conditions et les mêmes restrictions qu'un
permis délivré à une entreprise locale selon la loi
provinciale.
La loi fédérale affectera donc la majorité des
activités des entreprises qui effectuent du camionnage au Québec.
Son objectif est très clair: en plus d'assouplir les règles du
jeu des entreprises fédérales, elle oblige chaque province
à traiter les entreprises de camionnage des provinces voisines sur le
même pied que ses propres entreprises, soit de la façon
prévue par le fédéral en ce qui concerne les mouvements
extra-provinciaux, soit de la façon prévue par chaque province
pour les mouvements intra-provinciaux.
En ce qui concerne les entreprises de camionnage américaines,
l'équité de traitement est également prévue dans la
loi fédérale. Ces entreprises pourront donc effectuer du
camionnage à destination ou en provenance du Québec au même
titre que les entreprises québécoises. En contrepartie, il faut
souligner que bon nombre d'entreprises canadiennes et québécoises
ont obtenu des permis aux États-Unis depuis 1980 pour faire du transport
inter-États.
Une disposition spécifique de la loi fédérale
permettrait, par ailleurs, aux provinces de réagir aux mesures
concurrentielles déloyales des Américains. Le cas
échéant, cette disposition a été ajoutée au
projet de loi fédéral, à la suite de la réunion des
ministres responsables des transports et de la sécurité
routière, le 26 mars 1987, à Ottawa. Â cette occasion,
j'avais fait part à mon homologue fédéral de certaines
mesures protectionnistes américaines, notamment celle consistant
à exiger un montant fixe de taxe sur les véhicules lourds des
camionneurs canadiens, effectuant beaucoup moins de millage aux
États-Unis que leurs concurrents américains.
Cette rétrospective démontre très bien, M. le
Président, l'importance des pouvoirs du gouvernement
fédéral en matière de camionnage et la faible marge de
manoeuvre des provinces pour réglementer ce secteur d'activité si
le gouvernement fédéral ne continuait pas de leur
déléguer une partie de sa compétence. Puisque le
gouvernement fédéral permet toujours aux provinces de
réglementer les activités intraprovinciales des entreprises
fédérales de la même manière que les entreprises
locales, il y a lieu d'expliquer en détails en quoi consistera la
réforme du camionnage au Québec et de quelle manière cette
réforme s'arrime au projet de loi fédéral.
Je vous résume donc les principales dispositions du projet de loi
sur le camionnage faisant, aujourd'hui même, l'objet de notre approbation
en deuxième lecture. Je tiens à vous préciser qu'il s'agit
d'une nouvelle loi spécifique au camionnage, ce qui nous permet de
mettre de l'avant des orientations propres au transport routier des
marchandises sans entrer en conflit avec les exigences actuelles des autres
secteurs de transport relevant de la Loi sur les transports et de la Loi sur le
transport par taxi.
L'exclusion du vrac. Je pense qu'il est important de consacrer quelques
instants à ce sujet. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le
projet de loi vise tout particulièrement les entreprises de camionnage
locales et, suivant la délégation fédérale, les
mouvements intraprovinciaux des entreprises fédérales. Par
ailleurs, je vous précise dès maintenant que ce projet de loi
exclut le camionnage en vrac qui continuera à relever de la Loi sur les
transports et du règlement sur le camionnage en vrac. Cette exclusion
m'est apparue nécessaire pour un certain nombre de raisons.
Premièrement, ce secteur présente une problématique
très différente du camionnage général étant
donné sa nature presque essentiellement locale. Qu'il suffise de
mentionner qu'un permis de transport en vrac donne à son titulaire le
droit de transporter certains produits dans une des dix régions du
Québec décrites au règlement sur le
camionnage en vrac. Ce permis est donc relativement plus limité
quant aux produits à transporter, aux véhicules utilisés
et aux territoires desservis.
De plus, le secteur du vrac, spécialisé en soi, n'est pas
prêt à vivre des assouplissements aussi importants que le secteur
du camionnage général. Comme vous le savez probablement, aucun
permis VR n'a été émis depuis dix ans, ce qui a
contribué à en diminuer le nombre. Cependant, l'offre
excède encore la demande, pour ce secteur d'activité qui
s'était développé pendant la période de
construction routière des années cinquante, (minuit)
J'ai tenu, au printemps dernier, une consultation dans ce secteur
d'activité. À la lumière de cette consultation, des
ajustements seront bientôt apportés à la
réglementation du camionnage en vrac. Cependant, nous avons pris soin de
prévoir des dispositions pour, éventuellement, assujettir au
projet de loi sur le camionnage tout élément qui pourrait
être exclu de la réglementation du camionnage en vrac.
Quelles seront les conditions d'entrée dans l'industrie? Pour en
revenir au contenu du projet de loi sur le camionnage, je vous signale que les
principales dispositions sont celles relatives aux conditions d'entrée
dans l'industrie du camionnage contre rémunération. En fait, deux
étapes sont prévues au projet de loi pour franchir
l'entrée de l'industrie du camionnage.
Premièrement, une étape obligatoire, communément
appelée test d'aptitude, qui sera suffisante en soi pour obtenir un
permis dans la mesure où il n'y a pas d'opposition. Deuxièmement,
étape additionnelle, le test d'intérêt public qui est
prévu dans le cas où il y aurait opposition. Les deux tests
prévus à l'entrée dans l'industrie sont à l'image
de la législation fédérale. Comme ils constituent la
pierre angulaire de la réforme de la législation et de la
réglementation du camionnage, il est bon de s'y attarder un peu.
Prenons un peu plus de temps sur le test d'aptitude. Plus
précisément, je veux vous dire que le test d'aptitude est le test
de base pour avoir accès à l'industrie du camionnage publique. Ce
test vise essentiellement à s'assurer de la connaissance des
transporteurs en regard des règles de sécurité, de leur
obligation en regard des assurances exigées et, finalement, du profil
des transporteurs décrivant leur comportement passé en
matière d'infractions. Ce test en est un objectif qui ne requiert pas en
soi l'expertise d'un commissaire, mais une simple décision normative de
la part des fonctionnaires de la commission. Pour ce faire, le projet de loi
permet à la Commission des transports du Québec de s'appuyer sur
l'expertise de la Régie de l'assurance automobile en ce qui concerne le
profil du requérant et la sensibilisation des transporteurs aux
règles de sécurité, comme cela se fait pour l'ensemble des
citoyens circulant sur les routes du Québec.
Une telle coordination entre la Commission des transports du
Québec et la Régie de l'assurance automobile a d'abord l'avantage
d'assujettir les entreprises de camionnage publiques aux mêmes
règles de sécurité que les entreprises de camionnage
privées. Cette coordination permet également d'informer, tant les
entreprises de camionnage extra-provinciales que locales, des règles de
sécurité et des conséquences de les transgresser. En bref,
ceci veut dire qu'il n'y aura pas de demi-mesures ou de compromis en ce qui
concerne la sécurité du camionnage au Québec.
Pour ce qui est du deuxième test, celui concernant
l'intérêt public, il s'agit, comme je l'ai mentionné, d'un
test qui sera déclenché uniquement lorsqu'il y aura opposition.
Suivant ce test, il reviendra maintenant à l'opposant de faire la preuve
que la délivrance d'un permis serait susceptible de nuire à
l'intérêt public. C'est ce qu'on appelle l'inversion du fardeau de
la preuve par rapport au système actuel qui exige que le
requérant prouve la nécessité des services qu'il se
propose d'offrir.
Le test d'intérêt public pourra conduire à des
audiences publiques seulement si la preuve fournie par l'opposant est reconnue
comme fondée par la commission. L'objectif d'une telle mesure est donc
de diminuer le nombre d'audiences publiques, principalement celles qui auraient
fait suite à des oppositions futiles des transporteurs
déjà dans le marché.
Lorsque la commission appréciera l'intérêt public
pour décider du bien-fondé d'une opposition, elle devra
privilégier les intérêts des usagers des services de
camionnage. Pour ce faire, elle devra tenir compte des facteurs
énoncés à même la loi, en plus de s'assurer de
l'application des textes relatifs aux politiques du gouvernement en
matière de camionnage. Pour apprécier l'intérêt
public, lorsque les critères auxquels j'ai fait référence
ne sont pas suffisants, la Commission des transports du Québec peut, de
façon complémentaire, exercer sa discrétion et
considérer d'autres éléments qu'elle estime propres
à l'intérêt public. Ces facteurs, permettant
d'évaluer si l'émission d'un permis serait susceptible de nuire
à l'intérêt public, s'appuient sur un ensemble de lignes
directrices sur lesquelles les provinces se sont mises d'accord il y a quelques
semaines.
M. le Président, j'attire votre attention sur une des
caractéristiques les plus importantes du test d'intérêt
public du présent projet de loi, sa permanence. Autrement dit, au
Québec, il faudra un amende-
ment législatif pour éliminer ce deuxième test
à l'entrée. Cela est très clair. Cette façon de
procéder est propre au Québec et, en ce sens, nous
démarque de l'initiative du gouvernement fédéral, puisque,
à l'échéance des cinq ans, au fédéral, le
test d'intérêt public disparaîtra, alors qu'au Québec
il faudra intervenir sur le plan législatif pour le faire
disparaître.
En effet, le gouvernement fédéral limite son test
d'intérêt public à une période transitoire de cinq
ans. À mon avis, préciser à l'avance la date
d'échéance de ce test peut laisser croire à certains
transporteurs que sa raison d'être n'est pas justifiée. Au
Québec, une évaluation devra être faite et un amendement
législatif proposé, avant de pouvoir abandonner à tout
jamais le test d'intérêt public.
Il y aura, par ailleurs, des secteurs d'activité pour lesquels
l'offre de services de camionnage doit être facilitée. Le projet
de loi énonce donc certaines exceptions quant à l'application du
principe général introduisant les deux tests à
l'entrée dans l'industrie du camionnage. En effet, il est prévu
que les permis temporaires, nécessités pour des cas d'urgence, de
même que les permis au voyage ne seront pas assujettis au test
d'intérêt public.
Dans le cas des permis temporaires, des situations d'urgence commandent
bien souvent d'émettre très rapidement ce genre d'autorisation
afin de remédier aux circonstances exceptionnelles. Nous n'avons
qu'à nous rappeler la grève des chemins de fer, au mois
d'août dernier, laquelle avait nécessité un décret
du gouvernement pour permettre l'émission de permis de camionnage
temporaires, afin d'assurer l'approvisionnement des usines de General Motors
dans la région de Boisbriand et d'empêcher la mise à pied
de 3000 travailleurs.
Le caractère prévisible de cette grève avait
soulevé des doutes quant à l'interprétation de la notion
d'urgence. Une telle situation ne devrait plus se reproduire. C'est pour cette
raison que le projet de loi remédie à ces problèmes
particuliers en n'assujettissant pas ce genre de permis aux deux tests,
à l'entrée dans l'industrie, exception faite des mesures de
sécurité.
En ce qui concerne le deuxième type de permis qui ne sera pas
soumis, lui non plus, au test d'intérêt public, il s'agit du
permis au voyage. Comme son nom l'indique, il n'est utilisé que pour des
circonstances occasionnelles, qui n'ont rien à voir avec le transport
régulier des marchandises, au sens où on l'entend
généralement.
Après vous avoir entretenus des dispositions du projet de loi
visant à simplifier et assouplir les conditions d'entrée dans
l'industrie du camionnage contre rémunération, j'aimerais
maintenant vous faire part des mesures spécifiques permettant, elles
aussi, de simplifier les règles concernant les permis et leur
classification. Actuellement, il existe une classification très complexe
des permis de camionnage. La diversité des restrictions d'un permis
à l'autre en rend le contrôle presque impossible. À
l'avenir, l'écriture des permis s'effectuera notamment sur la base des
municipalités régionales de comté et sur un nombre
réduit de catégories de produits, en vue d'en permettre
l'informatisation et la standardisation. L'objectif à atteindre est donc
l'uniformité.
Je dois vous préciser, M. le Président, que la nouvelle
structure des permis sera l'une des modifications majeures de cette
réglementation. Comme je l'ai déjà mentionné, les
permis de camionnage actuels sont fort complexes. La description d'un permis ne
se fera qu'à partir des quatre éléments suivants: 1°
la classe de permis; 2° le type ou la nature de marchandise
autorisée; 3° la clientèle visée et 4° les
territoires autorisés.
Cette nouvelle structure de permis comportera plusieurs avantages. En
premier lieu, elle tend à uniformiser les permis sur des bases
comparables entre chaque transporteur. Deuxièmement, elle a pour effet
de simplifier les permis en faisant correspondre les territoires aux
régions géographiques élargies et facilement identifiables
que sont les MRC. Finalement, la simplification des permis en rend le
contrôle beaucoup plus facile. (0 h 10)
J'attire votre attention sur le fait qu'actuellement le transfert de
permis est possible. La législation encadre les circonstances dans
lesquelles la Commission des transports doit les approuver. Cependant, avec les
nouveaux critères d'entrée, basés essentiellement sur
l'aptitude du transporteur, il ne pourra plus être question de transfert
de permis. En effet, le projet de loi prévoit expressément comme
principe sous-jacent au test d'aptitudes qu'un permis est incessible,
c'est-à-dire qu'il ne peut être transféré. Une telle
mesure est facilement compréhensible puisque l'aptitude d'offrir des
permis de camionnage sécuritaires ne se transfère pas d'une
personne à l'autre. Donc, étant donné que le fondement
d'un permis repose sur l'aptitude de celui qui le reçoit, tout nouvel
acquéreur d'une entreprise de camionnage déjà existante
devra demander un nouveau permis démontrant qu'il a, lui aussi, les
aptitudes nécessaires pour exploiter l'entreprise convoitée.
Cette mesure, M. le Président, est d'autant plus nécessaire que
le mot "aptitudes" est, pour nous, synomyme de sécurité.
Le projet de loi prévoit cependant quelques exceptions bien
précises quant au principe général de
non-transférabilité des
permis. Ainsi, la Commission des transports peut autoriser une personne
autre que le titulaire du permis à exploiter temporairement ce permis
lors d'un décès, d'une faillite, d'une liquidation pour permettre
de mener à terme les procédures en regard de chacune des
circonstances.
Après avoir considéré les conditions
d'entrée dans l'industrie, j'aimerais préciser qu'à
l'image de la loi fédérale, le projet de loi sur le camionnage
élimine tout contrôle tarifaire afin de laisser les entreprises
établir elles-mêmes leurs prix en fonction des conditions
spécifiques applicables à chaque mouvement de transport.
Permettez-moi, M. le Président, d'aborder maintenant un autre
volet du projet de loi sur le camionnage. Il s'agit du rôle et des
pouvoirs qu'aura à exercer la Commission des transports du Québec
en regard des nouvelles dispositions législatives que nous venons de
détailler. Par souci d'efficacité, le projet de loi
prévoit que la Commission des transports du Québec aura non
seulement la responsabilité de délivrer les permis aux
requérants qui se seront montrés aptes, mais aussi la
responsabilité de surveiller de façon constante le comportement
de ces mêmes détenteurs de permis afin de déterminer s'ils
demeurent aptes à exploiter leur activité d'une manière
sécuritaire.
En d'autres mots, je veux bien mettre en évidence le fait que le
projet de loi accorde à la Commission des transports du Québec
les moyens pour qu'elle puisse s'assurer, avec l'aide de la Régie de
l'assurance automobile, de l'aptitude constante des transporteurs en place
à agir de façon sécuritaire sur nos routes. L'observation
des règles de sécurité sera donc de rigueur pour tout
transporteur qui désire conserver son privilège de circuler sur
les routes du Québec. L'aptitude à opérer en toute
sécurité sera donc contrôlée non seulement par la
délivrance des permis, mais aussi et surtout par le suivi du
comportement des transporteurs.
Dans cette ligne de pensée, la nouvelle loi prévoit de
façon spéciale les manquements qui peuvent entraîner une
suspension ou une révocation pour en donner quelques exemples. La loi
prévoit qu'une personne ayant obtenu un permis à la suite de
fausses représentations ou qui ne possède plus les aptitudes
requises pour l'exploiter peut se voir retirer ou suspendre ce permis par la
Commission des transports du Québec.
Finalement, en ce qui concerne ces mesures disciplinaires, le projet de
loi prévoit une disposition spéciale permettant à la
Commission des transports du Québec de révoquer un permis
dès qu'elle aura été avisée par la Régie de
l'assurance automobile qu'un transporteur est sous l'effet d'une
pénalité non acquittée. Une fois de plus, il est à
remarquer qu'une telle coordination entre ces deux organismes permettra un
suivi continuel de l'aptitude des transporteurs à se conformer aux lois
et règlements et principalement aux règles de
sécurité.
Sur le plan organisationnel, la nouvelle Loi sur le camionnage va
modifier de façon très significative le travail
présentement accompli par les commissaires. En effet, sur la base des
décisions rendues en 1986-1987, la Commission des transports du
Québec n'aurait pas eu à rendre de décision dans 39 % des
cas impliquant du camionnage général, soit renouvellement,
transfert et taux, et, dans 21 % d'autres cas, entre autres, les produits
nommés dans cette dernière catégorie, une personne
désignée dans l'administration de la Commission des transports du
Québec aurait pu suppléer à un commissaire. Au total, 60 %
des dossiers de camionnage général seront soustraits du travail
des commissaires et ce dernier chiffre représente 40 % de toutes les
décisions prises à la Commission des transports du Québec
en 1986-1987, quel que soit le mode de transport. À ce moment-ci, nous
ne pouvons prévoir s'il y aura une baisse du nombre d'audiences
publiques dans le camionnage général. Cependant, la
réforme législative fédérale et celle du
Québec visent à en diminuer le nombre par le processus du
renversement du fardeau de la preuve et par la définition de
critères pour encadrer la notion d'intérêt public.
Le projet de loi va probablement amener du travail de soutien
administratif additionnel dans l'hypothèse d'une augmentation des
demandes de permis ou de demandes de modification de permis. Par contre,
concernant le camionnage général, comme on l'a vu plus haut, 39 %
des demandes formulées en 1986-1987 n'auraient pas eu à
être présentées dans le contexte du projet de loi actuel.
Tout compte fait, la charge de travail devrait être égale ou
moindre après la période de transition.
Pour ce qui est de la charge de travail des commissaires, nous ne
croyons pas que la tâche puisse diminuer de 40 % parce que les secteurs
de travail soustraits par le projet de loi ne sont pas proportionnels au temps
consacré au processus de décision par rapport aux autres cas,
telles les demandes de permis. Par ailleurs, en vertu du projet de loi 76, le
test d'aptitude n'implique pas l'obligation de retenir les services d'un
commissaire en raison du caractère objectif du processus de
décision.
Quant au travail nécessitant la présence d'un commissaire,
il sera de deux ordres: évaluation des motifs d'un opposant invoquant
l'intérêt public pour être entendu et la tenue des audiences
publiques. Le volume de travail des commissaires sera relié, entre
autres, à l'attitude qu'adopteront les transporteurs en place face
à la réforme.
Quant au contrôle, les moyens de contrôle pénal, tels
les pouvoirs d'inspection, de saisie et de perquisition, contenus dans la Loi
actuelle sur les transports sont renforcés dans le projet de loi sur le
camionnage. Bien entendu, les mesures d'intensification du contrôle
routier mises en place au cours de la dernière année se
poursuivront. L'harmonisation du Code de la sécurité
routière aux normes du code canadien de la sécurité
permettra de restreindre ou d'enlever le droit d'utiliser le réseau
routier aux transporteurs selon l'état de leur dossier.
Finalement, l'implantation d'un système informatisé
d'enregistrement obligatoire à la Régie de l'assurance automobile
du Québec contenant le cumul des infractions commises par les
entreprises de camionnage, leurs employés et leurs sous-traitants
permettra à la Commission des transports du Québec de
sévir dans les cas de récidive.
J'entendais tout à l'heure le député de
Lévis qui, dans le projet de loi 73, s'inquiétait des coûts
additionnels, des demandes de budget additionnel pour être capable
d'implanter et de bien contrôler ces deux projets de loi. Je suis heureux
de lui annoncer que le gouvernement fédéral, lors de notre
rencontre du 26 mars 1987, a accepté de payer la majeure partie des
coûts de l'implantation du système informatique nécessaire
à un bon contrôle de même qu'une large partie des
coûts d'opération au cours des cinq prochaines années.
Au chapitre des dispositions transitoires, des mesures
spécifiques assureront le maintien des permis actuels pour une
période de 18 mois après l'entrée en vigueur de la loi.
Ces mesures permettront aux transporteurs en place d'obtenir avant cette
échéance un permis selon les nouveaux principes mis de l'avant
dans le projet de loi.
Parmi les autres mesures transitoires, qu'il suffise de mentionner que
les demandes pendantes seront réputées avoir été
introduites en vertu du nouveau régime, qu'il y aura maintenant maintien
de l'autorisation actuelle consentie aux titulaires de permis de camionnage
d'effectuer le transport de bois oeuvré et d'exploiter les clauses de
camionnage en vrac contenues dans leur permis actuel, qu'un examen annuel par
la Commission des transports du Québec devra être effectué
en ce qui a trait à l'application de la loi pour les années 1988
à 1990 et rapports seront faits au ministre responsable.
Ces mesures transitoires font également état de plusieurs
modifications à la Loi sur les transports, notamment la suppression du
bulletin de la commission, la prise d'effet des décisions de la
commission et les délais d'appel, la diminution du quorum en audience
publique et en révision, la réduction du nombre de commissaires
de quatorze à neuf et l'ajustement en conséquence du quorum en
assemblée plénière de huit à cinq. Les pouvoirs
d'enquête et d'inspection de la Loi sur les transports ont
été étendus à tous les agents de la paix. (0 h
20)
Avant de mettre un terme à mon allocution, permettez-moi, M. le
Président, de prendre encore quelques instants pour vous résumer
les avantages qu'aura une telle réforme dans le secteur du camionnage.
La première question que l'on peut se poser à l'égard de
la réforme que nous venons d'amorcer est la suivante: Pourquoi ne pas
adopter des règles propres au Québec, sans se soucier de
l'initiative législative du gouvernement fédéral? Â
mon avis, M. le Président, et de l'avis de plusieurs personnes et
organismes concernés, ce serait faire preuve d'irresponsabilité
que d'ignorer le contexte nord-américain, dans lequel nous vivons.
Vous comprendrez qu'il n'est pas souhaitable d'imposer à la
majorité des transporteurs des règles différentes pour le
transport local ou intraprovincial et pour le transport extra-provincial,
surtout au moment où l'on parle de déréglementation. Une
telle situation serait un grand handicap pour notre industrie. Le projet de loi
vise, d'une part, à exercer nos compétences sur les entreprises
locales et sur les mouvements intraprovinciaux des entreprises
fédérales. D'autre part, il constitue une excellente occasion de
proposer une réglementation correspondant davantage aux besoins
pressants d'une économie concurrentielle.
Quant à la qualité des services de transport en
régions périphériques, en tant que ministre responsable du
Développement régional, je prendrai toutes les mesures
nécessaires pour qu'elle soit maintenue. Par ailleurs, il existe une
disposition dans le projet de loi, l'article 15.2° qui permettra d'ajouter
des balises additionnelles à la Commission des transports du
Québec, lorsqu'elle aura à apprécier la notion
d'intérêt public.
En terminant, j'insiste de nouveau sur les mesures de
sécurité additionnelles qui seront mises en place par le projet
de loi 73, en même temps que la réforme de la loi du camionnage.
Ces mesures donneront aux transporteurs les moyens de se comporter de
façon responsable sur les routes du Québec. Comme vous avez eu
l'occasion de le constater, en ce qui concerne les amendes prévues au
Code de la sécurité routière, les délinquants
seront très sévèrement punis, étrangers comme
québécois.
J'ai eu l'occasion depuis le dépOt de ce projet de loi, de
discuter avec certains individus qui, effectivement, gagnent leur vie avec le
camionnage. Certains d'entre eux m'ont dit: C'est une bonne loi. D'autres, plus
nombreux: C'est une très bonne loi comme le
Code de la sécurité routière. Nous l'attendions
depuis déjà fort longtemps. Les manufacturiers canadiens la
souhaitaient depuis déjà fort longtemps et, en particulier, ceux
du Québec, pour être capables d'être concurrentiels sur le
plan de l'expédition de leurs marchandises, compte tenu des coûts
de transport.
Certains entrepreneurs de transporteurs ont eu quelques
inquiétudes avec le nom "gypsy". Un "gypsy", pour être capable de
bien se comprendre, c'est quelqu'un qui fait du transport de marchandises, sans
permis. C'est quelqu'un qui ne respecte pas les règles. Tous ceux qui,
au Québec, pratiquent ce métier, qui respectent les règles
de permis, de sécurité routière, de poids et dimension,
n'ont rien à craindre de telles mesures. Ce sont davantage ceux qui,
dans le passé, ont abusé et veulent continuer d'abuser des
capacités portantes des routes au Québec, qui ont abusé de
véhicules, au point où la sécurité publique
était mise en danger. Ceux qui, demain, voudront se conformer à
ces nouvelles règles n'ont rien à craindre des deux projets de
loi.
Ceux qui, par contre, voudront continuer à circuler sur les
routes du Québec, avec des camions qui ne sont pas dans un bon
état sur le plan de la vérification mécanique, avec des
charges dépassant les limites de charge permises, et, je le
répète, sans permis, n'ont qu'à bien se tenir. Ce projet
de loi permettra, effectivement, une plus grande accessibilité au
marché, donc, à l'obtention de permis pour effectuer ce
métier.
Le temps est maintenant fini et terminé où pour obtenir
des permis de la Commission des transports, il fallait payer très cher.
C'est donc une accessibilité plus grande, mais la loi 76 vient baliser
l'exercice par des normes de sécurité routière qui sont
extrêmement importantes.
En terminant, ce que je veux dire, c'est que je me rendrai volontiers
à une demande que m'a exprimée le député de
Lévis qui a certaines inquiétudes et je crois que cela fait
partie du métier. Il voudrait que l'on puisse entendre, dans une
séance régulière de l'assemblée en commission
parlementaire, l'Association du camionnage du Québec avant même
d'entamer l'étude article par article du projet de loi, après
l'adoption du principe, de même que l'Association des camionneurs
indépendants qui regroupe, me dit-on, 175 camionneurs
indépendants dans tout le Québec sur une possibilité de
7500 véhicules au Québec.
C'est donc avec empressement et avec plaisir que nous pourrons
accueillir en commission parlementaire, avant même l'adoption article par
article, des gens qui sont certainement impliqués depuis le début
dans cette réforme de la déréglementation dans tout le
Canada. En particulier, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'Association du
camionnage du Québec à une dizaine de reprises depuis maintenant
deux ans et chaque fois de traiter du problème de cette
déréglementation avec tous les impacts appréhendés,
possibles, mais aussi avec les avantages qui en découlaient. Si le Code
de la sécurité routière est à nouveau revu avec les
normes que nous y avons ajoutées, c'est expressément à la
demande de l'Association du camionnage du Québec qui se disait qu'une
déréglementation doit être accompagnée de mesures de
sécurité pour faire en sorte qu'elle s'applique à
l'ensemble de tous les transporteurs au Québec, de telle sorte que celui
qui a les permis, qui respecte les dimensions et charges et qui respecte
l'état des véhicules ait un prix à payer. Et le "gypsy"
doit lui aussi répondre à ces normes de façon qu'il y ait
une certaine équité quant à la pratique de ce
métier et au respect des lois et règlements dans tout le
Québec.
C'est donc, M. le Président, un geste extrêmement important
que s'apprête à poser l'Assemblée nationale du
Québec. Il se fera dans le contexte canadien au moment où
effectivement l'Ontario, qui était la première province à
vouloir intervenir, a décidé, par son ministre des Transports, M.
Fulton, de toujours mettre en tête de liste le projet de loi sur la
déréglementation à l'ordre du jour de l'Assemblée
législative ontarienne. Et il n'est pas, cependant, le premier projet de
loi que le gouvernement voudrait voir adopter.
Dans ce cas et dans ces circonstances, il est clair que notre intention
est de faire en sorte que, le projet de loi adopté, il y ait des
articles qui seront en application sur promulgation pour faire en sorte que
nous ne soyons pas ceux qui serons les premiers et que nous fassions cette
démarche en même temps que l'Ontario, compte tenu de la
proximité des frontières et de nos marchés qui sont
très communs. Dans ce sens-là, c'est une mesure qui nous
permettra de rassurer ceux qui auraient une certaine inquiétude quant au
fait que le Québec pourrait déréglementer et l'Ontario
continuer d'être réglementé. Nous les assurons, à ce
moment-là, que nous agirons avec célérité et dans
le plus grand intérêt de l'industrie du camionnage au
Québec. Et aussi, il faut bien le dire, cette
déréglementation vise davantage et en tout premier lieu et au
premier chapitre les usagers du camionnage au Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
cède la parole à M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, j'ai écouté avec
attention le député de Charlesbourg,
ministre des Transports. Nous avions la possibilité de faire une
motion de report. Ce que nous aurions voulu, au fond, ce que nous aurions
préféré, c'était une motion de report à
trois mois. Mais sachant le nombre de députés que nous avons, le
ministre a accepté - ce n'est pas idéal, mais c'est mieux que
rien - qu'on entende deux associations qui sont dans le domaine du camionnage.
Idéalement, cela aurait été une motion de report à
trois mois, mais comme il ne voulait rien savoir d'une motion de report
à trois mois, on a dû s'accommoder d'une, formule de compromis qui
n'est pas idéale parce que... (0 h 30)
Je vais expliquer les raisons pour lesquelles nous pensons que ce projet
de loi aurait dû être retardé. Ce n'est pas parce que le
projet de loi est bon ou mauvais. Un projet de loi de cette nature-là,
sur le plan technique, n'est jamais intrinsèquement bon ou
intrinsèquement mauvais. Mais il arrive, à un moment donné
dans l'histoire, qu'on se demande: Est-ce qu'il correspond aux besoins de
l'heure? Il y a deux ans, on aurait peut-être dit que c'était le
bon temps. Mais, à ce moment-ci, nous sommes dans une situation
particulière qui nous indique que le ministre serait prudent s'il
attendait quelques mois, et voici pourquoi.
D'abord, dans sa présentation du communiqué, au moment du
dépôt, il a indiqué que "cette loi vise à s'ajuster
aux règles fédérales et au contexte nord-américain
qui en est un de déréglementation". Il ne faudrait pas trop
s'énerver sur le contexte américain de
déréglementation. On en reparlera quelque peu et on verra qu'il y
a un contexte de déréglementation, mais qu'il y a aussi un
contexte où on ne déréglemente pas et un contexte
où ceux qui ont déréglementé recommencent à
réglementer parce qu'ils se rendent compte qu'ils sont allés trop
loin, notamment la Californie qui est habituellement en avant des autres
à ce point de vue. Donc, le projet de loi ne s'inscrit pas dans un
contexte général de déréglementation.
Deuxièmement, le ministre a commandé des études sur
les impacts de la déréglementation économique au
Québec qu'il n'a pas encore reçues, qu'il n'a pas encore rendues
publiques ou qu'il n'a pas encore fait connaître, d'aucune façon.
Je reviendrai là-dessus parce que c'est un élément
important. Il me semble que, quand on commande des études dès le
mois de septembre 1986, qu'elles sont remises et remises constamment et qu'on
n'en est pas encore arrivé à des conclusions, semble-t-il, il
serait plus prudent d'attendre la publication des études avant de
fonctionner. Normalement, on étudie avant plutôt qu'après
avoir pris des décisions.
Troisièmement, on ne sait pas si les autres provinces vont
s'harmoniser avec la loi fédérale. Les autres provinces ont
indiqué qu'elles le feraient en février 1985. Le ministre a
montré une entente du 27 février 1985, mais ce qu'il n'a pas dit,
c'est que le contexte a tellement changé qu'actuellement on ne
connaît pas une seule province qui s'avance dans la
déréglementation. Je dois vous dire que, selon les informations
que j'ai, actuellement, les provinces qui devaient le faire ne bougent plus. On
me dit que la Colombie britannique, le Manitoba et la Saskatchewan ne bougent
plus dans la voie de la déréglementation. Il n'y a rien, aucun
projet de loi; rien n'arrive. L'Alberta n'a jamais fait de
réglementation au niveau intraprovincial. L'Ontario? On ne le sait pas.
Il y avait un avant-projet déposé avant les élections,
mais le gouvernement Peterson a gagné ses élections et un de ses
thèmes principaux était de combattre le libre-échange, ce
qu'il fait actuellement.
Et cette loi, la loi C-19, dans le cadre d'un libre-échange,
constitue une porte ouverte. J'aurai l'occasion de parler de ce qui s'est dit
au Parlement d'Ottawa depuis à peine quelques jours - depuis quinze
jours -dans ce cadre. Des parlementaires, des gens que vous connaissez bien,
comme André Ouellet, combattent ce projet de loi C-19
fédéral, disant que c'est une porte de grange qui va ouvrir notre
marché aux Américains, alors que les Américains ne nous
offfent pas grand-chose. Voyez-vous? Donc, actuellement, on a l'Ontario qui ne
bougerait pas et les Maritimes, comme d'habitude, attendent de voir ce que les
autres vont faire.
Cela veut dire que le ministre des Transports du Québec baisse la
tête et fonce comme un taureau d'Espagne. Comprenez-vous? Tête en
avant, direct sur la bûche. Je ne suis pas convaincu que ce qui est le
meilleur pour le Québec, c'est que nous soyons les cobayes dans cette
affaire et que nous nous présentions alors que les autres n'ont pas
encore bougé. Le ministre a indiqué ses intentions, il a
déposé un projet de loi le 12 novembre dernier. Il n'est pas
nécessaire de l'adopter tout de suite, il est déposé. Il
pourrait peut-être attendre que d'autres déposent le leur. Il y a
dix provinces au Canada. Nous sommes la seule province qui ayons
déposé un projet d'harmonisation avec le gouvernement
fédéral. Est-ce que cela veut dire que nous allons ouvrir le
Québec comme une passoire, alors que les autres n'auront pas
bougé?
Aux États-Unis, 43 États n'ont pas
déréglementé. On ne parlera pas d'Hawaii, ce serait
difficile d'y aller en camion. Mais 43 États n'ont pas
déréglementé; ce n'est pas la
déréglementation totale aux États-Unis. Il y a 43
États qui n'ont pas déréglementé. Il y a neuf
provinces canadiennes qui n'ont aucun dépôt de projet de loi
encore devant le Parlement. Pourquoi le Parlement du Québec serait-il en
avant de tout le monde?
Une quatrième raison, on ne connaît pas encore le projet
d'entente sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis
concernant le transport et particulièrement en matière de
camionnage. Mais, selon ce que les gens ont su jusqu'à maintenant, les
réactions ont toutes été négatives autant dans le
transport maritime que dans le camionnage.
J'aurai l'occasion de citer des déclarations récentes,
datant de quelques jours, de gens qui commencent à savoir ou à
apprendre ce qu'il y a dans le projet d'entente sur le libre-échange
qu'on est à négocier, avec les États-Unis, et qui y sont
défavorables parce qu'ils disent: On n'a rien protégé au
Canada et on a tout donné aux Américains, alors qu'en retour les
Américains ne nous donnent rien.
M. le Président, je ne fais pas de la théorie, je ne parle
ni pour ni contre le projet de loi, je dis qu'il a été
déposé. Le ministre a annoncé ses couleurs, mais il est
prématuré de l'adopter. À tel point, M. le
Président, que le ministre a déposé deux projets de loi
majeurs, le 12 novembre dernier. Cela fait 18 jours. Savez-vous qu'à
Ottawa le même projet de loi, l'équivalent, C-19, a
été déposé en mai 1986 et qu'il a été
adopté en août 1987? Ils se sont donné quinze mois, avec un
Parlement et un Sénat, pour adopter le projet de loi et il faudrait que
l'on passe à travers celui-ci dans l'espace de trois semaines, n'ayant
pas eu le temps d'avoir les représentations des gens, n'ayant pas eu le
temps d'étudier mot à mot le projet et de regarder ce qui va se
passer par rapport à ce qui se passe ailleurs. On nous demande d'adopter
à la vapeur un projet de loi qui touchera toute l'industrie du transport
par camion au Québec. M. le Président, on dit que c'est
prématuré. Pourquoi quinze mois à Ottawa?
On a dit: Le projet de loi sur la sécurité
routière, on est d'accord pour l'étudier immédiatement; on
le connaît davantage, on connaît mieux ses impacts. On avait une
restriction sur les vignettes pour les personnes handicapées. Le
ministre nous a engueulés, il nous a traités de tous les noms,
sauf qu'il a dit: Au fond, vous avez raison. Au lieu de faire émettre
les vignettes par les municipalités, il nous a dit qu'il pourrait les
faire émettre par l'Office des personnes handicapées du
Québec.
Alors, cela veut dire qu'on n'a pas rouspété pour rien,
parce que lui-même, lorsqu'il prend la parole, vient nous concéder
qu'on avait raison. Si on n'avait pas livré ce combat ce soir, cela
aurait sans doute été les 1500 municipalités qui auraient
été embarquées dans l'émission de permis pour les
personnes handicapées au Québec.
M. le Président, de la même façon, on va
présenter demain, un projet de loi qu'on a déposé le 12
novembre: plus de 400 articles sur les compagnies de fiducie et les
sociétés d'épargne. En moins de 18 jours, que vous ayez
consulté tout le monde, que vous ayez fait votre lit, que vous ayez fait
le débat, ce n'est pas sérieux. Quand vous étiez dans
l'Opposition, vous étiez les premiers à protester et à
dire: Cela n'a pas de bon sens de légiférer avec une telle
rapidité. Jamais on n'a légiféré avec une telle
rapidité dans le Parlement du Québec. Des projets de loi majeurs
sont escamotés et il n'y a pas d'étude. Je vais prendre chacun
des points que je viens de mentionner ici. On verra à quel point c'est
ridicule d'adopter d'une façon aussi irresponsable des projets de loi
qui toucheront des industries aussi importantes. Dans l'espace de 18 jours, il
faut que les gens soient prêts à voter des projets de loi qu'ils
ne sont pas prêts à voter et que l'opinion publique ne souhaite
pas voir adopter aussi rapidement.
M. le Président, je dirais aussi que l'Association du camionnage
est inquiète, on va le voir dans les propos que je vais tenir, parce que
le Québec serait la première province à adopter cette loi
d'harmonisation sans savoir ce que les autres provinces feront et alors que
l'on ne connaît pas encore ce qu'il va advenir du libre-échange.
Les gens sont inquiets. J'aurai l'occasion de citer des propos de ceux qui en
ont parlé. (0 h 40)
M. le Président, l'industrie du camionnage risque d'être
profondément touchée par le libre-échange. Ce n'est pas un
projet de loi neutre; c'est un projet de loi qui donne accès à
faire du camionnage au Québec. Le ministre m'avait offert de consulter
des fonctionnaires; je leur ai dit: Supposons que l'on se retrouve devant la
Baie James 2 ou la phase 2 de Baie James 1 et que c'est un Américain qui
soumissionne le plus bas pour la fourniture du ciment et de l'acier d'armature
pour les barrages, etc. Donc, matériel lourd à transporter sur
une longue distance. Il dit: Je n'ai pas besoin de camions, je suis
organisé. On est dans le cadre de la déréglementation de
la loi sur le camionnage. On est dans le cadre d'une entente sur le
libre-échange. Est-ce que ce sont les Américains qui vont
transporter tous ces matériaux vers la Baie James?
C'est évident qu'à ce moment-là tout ce qu'ils ont
à faire comme démonstration, c'est qu'ils sont capables de faire
le transport. Et, à ce moment-là, ce seront les Américains
qui auront le contrat pour aller vers la Baie James. Est-ce que vous pensez que
les gens sont au courant que les choses vont se passer de cette
façon?
Je l'ai demandé, j'aurai l'occasion de vous dire comment cela se
passe dans l'État de New York, en Pennsylvanie et dans différents
États américains. Nous n'avons pas, dans le cadre actuel, des
permis comme ça pour aller faire du camionnage dans ces
États, puisqu'il y a 43 États qui n'ont pas
déréglementé.
L'industrie du camionnage, M. le Président, risque d'être
profondément touchée par le libre-échange. Pas parce que
la loi du ministre est bonne ou pas bonne, c'est parce qu'elle s'inscrit dans
le temps. Elle s'inscrit à cette époque-ci, à cette
période-ci, où une entente sur le libre-échange peut
être signée par le Canada d'ici le 3 janvier 1988. À ce
moment-là, il pourra être nécessaire pour le ministre
d'ajuster les dispositions de son projet de loi. Pourquoi l'adopter avant de
connaître les dispositions sur le libre-échange? Pourquoi
l'adopter avant de savoir si d'autres provinces vont déposer des projets
de loi d'harmonisation avec la loi fédérale C-19? Ne
préféreront-elles pas tenir compte de l'accord sur le
libre-échange qui aura été négocié par le
Canada et voir et savoir si cette entente est équitable, si on donne la
même chose que l'on reçoit ou si on ne donne pas la même
chose que l'on reçoit?
Vous savez, je lisais dans les journaux hier, par exemple, qu'une
concurrence discriminatoire est faite par le Canadien National. C'est le
Canadien National, imaginez-vous, compagnie d'État
fédérale, qui donnerait des tarifs discriminatoires aux vendeurs
de bois ouvré de l'Ouest ou de la Colombie britannique pour vendre dans
les États de l'Alabama et de la Géorgie, dans cette région
des États-Unis, tarifs qu'elle ne donne pas aux producteurs de bois
ouvré du Québec. Résultat: dans l'espace des trois
dernières années, à toutes fins utiles, le Québec a
été sorti de ventes considérables qu'il faisait dans ces
États américains par le Canadien National qui donne des tarifs
préférentiels inférieurs au bois qui vient de l'Ouest du
Canada ou de la Colombie britannique.
M. le Président, il faut arrêter d'être naïfs.
Le Canadien National est un organisme fortement subventionné, à
coups de centaines de millions, par le gouvernement fédéral.
C'est un organisme qui maintient toutes les lignes des provinces de l'Ouest,
déficitaires ou non déficitaires, jusqu'à l'an 2Q00
garanti, alors qu'il est en train de faire disparaître toutes les lignes
du Québec et qu'il ne veut pas refaire celle du nord du Saint-Laurent,
alors qu'il laisse écroulé le pont de la rivière de La
Pérade. Toute la ligne Montréal-Québec par la rive nord
vient de disparaître parce que le Canadien National n'est pas
intéressé. Il n'y a pas assez de volume, dit-il. Il ne dit
même pas que c'est déficitaire. Il dit qu'il n'y a pas assez de
volume, alors qu'il a garanti de maintenir toutes les lignes secondaires dans
l'Ouest, même si elles sont déficitaires.
C'est le même Canadien National qui laisse rouiller le pont de
Québec qui était autrefois la fierté des
Québécois. Aujourd'hui, il est pour une bonne partie un tas de
rouille. Aujourd'hui, on regarde ce même Canadien National avec des
centaines de millions de subvention. Seulement le Nid-de-Corbeau, il s'agissait
il y a quelques années de 650 000 000 $ par année indexés.
Aujourd'hui, ça doit être 700 000 000 $ quelques, entre 700 000
000 $ et 800 000 000 $ qui sont versés au Canadien National pour
subventionner le transport de l'Ouest.
On reviendra là-dessus pour voir les garanties qu'on a prises
dans ce grand oecuménisme du libre-échange et pour voir si les
règles du jeu vont être égales pour tous. Il semble
qu'elles ne le sont pas dans les chemins de fer, non plus, parce que le
Canadien National subventionne les gens de l'Ouest pour leur transport et ce
n'est pas le cas pour les Québécois. Quel organisme nous fait
compétition au Québec? C'est le Canadien National. Il faut
arrêter d'être naïfs.
M. le Président, le critique de l'Opposition libérale
à Ottawa, M. André Ouellet, vous ne pouvez pas dire que c'est un
péquiste acharné. Ce n'est pas un homme qui se lève la
nuit pour nous dire qu'il nous aime, hein? Ce n'est pas un séparatiste.
Non, André Ouellet, député libéral à Ottawa,
craint pour l'avenir de l'industrie du camionnage à cause de la
déréglementation du camionnage interprovincial telle que
prévue dans la loi fédérale C-19 à laquelle veut
s'harmoniser le ministre des Transports du Québec. Pourtant, il me
semble qu'André Ouellet et le député de Charlesbourg, que
je ne peux pas nommer par son nom, doivent faire une belle paire dans une
veillée et doivent avoir certains atomes crochus. André Ouellet
dit: Méfiez-vous de cette loi-là. Il craint pour l'avenir de
l'industrie du camionnage au Canada avec une telle loi. Ainsi, dès
janvier 1988, disent les libéraux à Ottawa, les camionneurs
américains auront un accès total au marché canadien, alors
que 43 États américains encore fortement
réglementés ne permettront pas aux camionneurs canadiens de
bénéficier des mêmes avantages.
M. le Président, je dois vous dire que c'est, quand même,
quelque chose. Je lisais un document publié récemment sur le
libre-échange par l'Association du camionnage du Québec et
présenté à la commission de l'économie et du
travail sous le thème "L'impact du libre-échange dans l'industrie
du camionnage", le 15 septembre dernier. L'Association du camionnage du
Québec inc. dit: "D'abord, le libre-échange, c'est quoi? Est-ce
seulement l'élimination des tarifs douaniers ou aussi la liberté
de faire affaire avec le pays voisin, sans barrières, tout comme peuvent
le faire les résidents de ce pays?" Plus loin, qu'est-ce qu'elle dit?
"On sait depuis longtemps qu'il est très difficile, même quasi
impossible, d'obtenir des permis
de transport pour effectuer du transport à l'intérieur de
certains États américains, même avec du personnel
américain. Est-ce qu'avec le libre-échange et la
déréglementation on permettra aux Canadiens d'obtenir facilement
ces permis entre États, intra-États? L'État de la
Pennsylvanie impose aux camionneurs résidant à l'extérieur
de cet État une taxe spéciale par essieu pour pouvoir faire des
affaires dans cet État. Est-ce que cette taxe sera
négociée dans le libre-échange?" On vient d'apprendre que
rien n'a apparemment été négocié. "L'État de
New York impose une taxe d'affaires au prorata du millage parcouru à
tous les camionneurs qui font plus de deux cueillettes ou livraisons
annuellement dans cet État, y compris les millages de corridor et les
mouvements ayant des ports d'exportation comme origine ou destination. Si l'on
ajoute à cela le fait que la situation géographique de
l'État de New York en fait pratiquement la porte d'entrée des
États-Unis pour les Québécois, nous sommes
particulièrement intéressés à savoir si
l'application de cette taxe fera partie des négociations sur le
libre-échange."
Maintenant, revenons aux barrières canadiennes. Est-ce que nos
gouvernements sont prêts à réviser nos obligations sociales
et fiscales pour nous permettre d'être concurrentiels? On va demander aux
compagnies québécoises et canadiennes d'être
concurrentielles. Est-ce que les taxes seront aussi peu élevées
qu'elles le sont pour les Américains? On sait que les Américains
ont adopté une importante réforme fiscale l'an dernier. Quels
seront les effets de cette réforme sur le marché international du
transport? "Il appert, après une brève analyse de
différents fiscalistes, dit le porte-parole de l'Association du
camionnage du Québec, que les Canadiens paieront plus d'impôts que
les Américains." Voyez-vous? Là, on les énumère, je
ne les énumérerai pas. Il y a une longue liste de taxes que
doivent payer les sociétés de transport. Vous voyez, un autre, M.
le Président, qui dit: Dans le libre-échange, ne nous excitons
pas trop. Ce n'est pas aussi drôle que certains semblent le dire.
Concernant la déréglementation, que dit l'Association du
camionnage? M. Jean Guilbault, secrétaire de l'Association du camionnage
du Québec, dans une série de colloques organisés par
l'École nationale d'administration publique, dit: Les gens du camionnage
"savent que la déréglementation des permis ne réglera rien
parce que le vrai problème n'est pas là." Ce n'est pas moi qui
dis cela, c'est l'Association du camionnage du Québec.
Un peu plus loin, il ajoute: "Si on regarde ce qui se passe aux
États-Unis au sujet de la déréglementation, on
s'aperçoit qu'elle a amené une augmentation des accidents
routiers, un nombre accéléré de faillites, une
concentration de quelques grandes entreprises qui ont conquis de nouveaux
marchés par la discrimination, par les prix et autres. C'est encore de
la Californie, le premier État à se lancer dans la
déréglementation, que nous viennent les premières
initiatives tendant à une "reréglementation". (0 h 50)
Vous savez, M. le Président, il faut se poser un certain nombre
de questions. On dit ici "qu'en février 1987 la Commission des services
publics de l'État de Californie tenait des audiences à San
Francisco pour analyser les avantages et les désavantages de la
déréglementation." Ils ont déréglementé il y
a plusieurs années et ils ne sont pas encore sûrs. On dit: "Je
vous fais grâce des détails de ces conditions qui ont amené
cet État à exiger que, dorénavant, les taux
déposés soient tels qu'ils comprennent une marge
bénéficiaire raisonnable pour l'entreprise. De plus, tous les
tarifs minimums ont été obligatoirement majorés de 10 %.
Dans le domaine de l'aviation, dit-il, on assiste au même début de
revirement. People Express, la compagnie aux prix si populaires, ne vient plus
à Montréal. Menacée de faillite, elle essaie de rentrer
dans le rang. Le 15 octobre 1986, les journaux nous ont appris que trois des
plus importantes compagnies d'aviation américaines, United Airlines,
Delta et American Airlines, augmentaient leur prix et renonçaient
à jouer le jeu des escomptes."
Vous savez, M. le Président, l'ensemble - et là on a
l'exemple dans le domaine de l'aviation, je reviendrai là-dessus - du
chiffre d'affaires de toutes les compagnies de transport
québécoises monte à environ 1 300 000 000 $. Plus de dix
compagnies américaines font chacune plus que ce chiffre d'affaires
annuellement. Dix compagnies américaines font plus que le total des
revenus de l'industrie du camionnage au Québec. La plus grosse compagnie
américaine fait un chiffre d'affaires d'environ 6 000 000 000 $, presque
cinq fois plus, quatre fois et demie plus que toute l'industrie du camionnage
à elle seule. Et nous autres, on va dire aux compagnies
québécoises: Vous autres, vous êtes réparties en
plusieurs centaines d'entreprises, allez compétitionner cela.
M. le Président, je vous fais grâce de tous ces
témoignages puisqu'ils sont nombreux. Mais je voudrais dire que
déjà les entreprises canadiennes ont manifesté leurs
craintes et inquiétudes au gouvernement canadien. Ainsi, l'Association
canadienne de camionnage a même adressé une lettre au ministre
fédéral des Transports pour manifester son désaccord sur
le projet de loi C-19 et l'entente de principe datant de février 1985,
quand les provinces ont donné leur accord pour procéder à
une réforme importante dans le but de compléter celle du
gouvernement.
Au Québec, un porte-parole de l'Association du camionnage du
Québec, M. Louis Fahndrich ne sait trop quoi répondre et
affirmait la semaine dernière à La Presse, le 24 novembre 1987,
ce n'est pas vieux, ça: "Si vous me demandez ma position aujourd'hui, je
vous répondrai que je n'y comprends rien. Il y a là une
série de questions qui demeurent sans réponse et il est
évident que les Américains lorgnent avec envie du
côté du Canada." Les gens commencent à se poser des
questions. Le ministre des Transports pourra bien tenter de se dégager
de toute responsabilité en déclarant que l'entente de
février 1985 a été signée par son
prédécesseur, M. Guy Tardif, sous le gouvernement du Parti
québécois. Mais il faut admettre que cette entente a
été signée à une époque où on ne
parlait pratiquement pas de libre-échange, puisque le début des
négociations pour le libre-échange a été
annoncé en mars 1985, un mois plus tard.
C'est évident que la loi du ministre, ce n'est pas qu'elle soit
bonne ou mauvaise. Cette loi, qui aurait pu être bonne il y a deux ans,
peut être mauvaise aujourd'hui parce que le contexte a changé,
parce que les circonstances ont changé à cause de l'accord sur le
libre-échange qui va être rendu public incessamment. Les
données du problème sont aujourd'hui fort différentes. Les
règles du jeu ne sont plus du tout les mêmes et, si le ministre
des Transports ne veut pas le reconnaître, il y a sûrement
là un problème majeur.
Au chapitre des transports, l'accord sur le libre-échange entre
le Canada et les États-Unis est très peu explicite. Sous
réserve d'un examen juridique approprié par les parties, une
annexe semblable ferait partie de l'accord afin de clarifier l'application de
celui-ci aux lois et règlements futurs dans le secteur des transports.
Comment, alors, être si convaincu que le libre-échange n'affectera
pas l'industrie du camionnage si l'on ne connaît pas encore les termes de
l'accord sur cette question spécifique? Qu'adviendra-t-il des
entreprises québécoises face aux géants américains
qui n'attendent que le feu vert pour s'infiltrer sur le marché canadien
et surtout sur les principales lignes? Pas les lignes secondaires, pas les
lignes éloignées, mais les principales lignes. Combien pourraient
faire face à cette nouvelle concurrence sans contrainte et que dire des
emplois dans un secteur d'activité aussi important que celui du
transport?
Prenons encore quelques déclarations. Le 3 juillet 1987 dans La
Presse: "Encore sur la défensive, l'industrie du camionnage du
Québec craint fort le libre-échange, d'autant plus que la
réforme fiscale américaine donne beaucoup plus d'avantages aux
concurrents." Le bulletin de la Coalition québécoise d'opposition
au libre-échange déclare en octobre 1987: "Le camionnage
québécois ne peut simplement pas relever le défi de la
concurrence des géants américains dont Yellow Freight System et
Roadway Express dont les chiffres d'affaires respectifs dépassent en un
an l'ensemble des revenus au niveau de l'industrie. Advenant le
libre-échange, le pire est à craindre, car le transport par
camion est une activité intensive en main-d'oeuvre. Plus de 4000 emplois
pourraient disparaître dans l'industrie avec la mise en place du
libre-échange."
M. le Président, il est une heure du matin. Vous voyez qu'on est
en train, encore une fois, d'étudier des questions fondamentales pour le
développement économique du Québec à une heure du
matin. Alors qu'on se demande comment il se fait que le débat du Lac
Meech s'est fait la nuit, que le libre-échange se fait en
arrière, dans les coulisses, on étudie un projet de loi dans le
cadre de la déréglementation qui aura un impact sur le
libre-échange à une heure du matin. C'est vraiment quelque chose!
Alors, malgré toutes les promesses, les engagements, c'est une autre
fausseté qu'a véhiculée le Parti libéral qui nous
avait dit qu'il ne ferait pas d'étude de projets de loi la nuit.
Là, on est, à une heure du matin, en pleine étude d'un
projet qui a été déposé le 12 novembre 1987, un
projet de loi majeur.
Cette menace ne pèse pas seulement sur le camionnage, mais aussi
sur le transport maritime. La semaine dernière, les armateurs canadiens
demandaient que soient suspendues toutes les négociations avec les
Américains quant au transport général. Ils
réclament un moratoire d'au moins 90 jours. Le projet de loi favorise
tellement les Américains qu'il en devient inacceptable, a dit leur
représentant. Le Jones Act, vieille loi protectionniste entrée en
vigueur en 1920, a pour effet de restreindre le transport maritime aux
armateurs, équipages et navires authentiquement américains. Quand
les Américains nous disent qu'ils ont déréglementé,
le Jones Act est la loi la plus protectionniste que l'on puisse trouver aux
États-Unis. Par contre, au Canada, la propriété des
entreprises de cabotage n'est pas réglementée, les navires
peuvent effectivement être achetés à l'étranger.
Conséquences de la déréglementation. D'abord, la
déréglementation va favoriser la concentration des entreprises.
Déjà, plusieurs entreprises sont touchées par ce
phénomène, par exemple, l'acquisition de l'entreprise René
Bussières inc., par Day & Ross, du groupe McCain, au mois de juillet
dernier; l'intégration des compagnies Transport Brazeau et
Expéditex au groupe Cabano D'Anjou maintenant devenu Cabano
Expéditex au mois de juillet dernier; Clarke Transport qui a
acheté Beauce Express en septembre 1987. Outre le projet de
déréglementation, il
semble que la faible rentabilité du transport routier au
Québec soit responsable de ce mouvement de consolidation. Ainsi, une
étude de la banque Toronto Dominion souligne que l'on prévoit que
les résultats seront à peu près semblables à ceux
obtenus aux États-Unis. De cette industrie - il y a une multitude
d'entreprises dominées par quinze transporteurs - seuls quelques
transporteurs nationaux survivront à la guerre des prix féroce
qui suivra la déréglementation.
En ce qui concerne les emplois, l'intégration de Transport
Brazeau et Expéditex au groupe Cabano Expéditex a
entraîné la perte de quelque 500 emplois dont 300 au niveau
administratif et 200 dans les postes syndiqués. Un accord sur le
libre-échange ne risque-t-il pas d'accentuer le mouvement de
consolidation dont les répercussions pourraient être
désastreuses sur l'emploi? Si on regarde l'expérience
américaine, on se rend compte qu'une mission organisée aux
États-Unis en début d'année 1986 par le ministère
des Transports, en collaboration avec des représentants de l'Association
du camionnage du Québec, a permis d'apprendre des résultats fort
intéressants. Premièrement, selon le vice-président de la
compagnie Westcar Freight System d'Ottawa, la déréglementation
aide les grandes entreprises et nuit aux moyennes. La compagnie California
Trucking Association de San Francisco, on a appris que, depuis la
déréglementation, 500 transporteurs ont disparu. D'autres
études rapportent une augmentation importante du nombre de faillites.
Ainsi, deux ans après le début de la
déréglementation, 350 entreprises, regroupant 67 000 personnes,
pour un revenu annuel de 3 000 000 000 $, ont fait faillite. (1 heure)
Si on fait le parallèle avec l'industrie de l'aviation, on peut
constater à quel point la déréglementation dans le secteur
de l'aviation, aux États-Unis et au Canada, a amené un mouvement
de concentration. Les tarifs, qui ont baissé temporairement, sont en
train d'augmenter. Les baisses qui ont suivi immédiatement la
déréglementation n'ont pas duré. On a immédiatement
constaté une baisse du nombre d'emplois et la structure de l'industrie a
complètement changé, puisque, aujourd'hui, il y a une
concentration beaucoup plus grande des compagnies d'aviation aux
États-Unis. On remarque, au Canada, qu'un début de
déréglementation à provoqué immédiatement
des fusions. On peut voir qu'on s'achemine vers deux grandes compagnies au
Canada, c'est-à-dire Air Canada et Canadien International, avec,
à côté, des toutes petites compagnies, puisque les
compagnies ont été intégrées dans les deux grandes
entreprises.
Tout comme dans le cas du libre-échange, on peut se demander si
le gouvernement a procédé à des études
sérieuses sur les conséquences de la
déréglementation. Considérant l'importance du projet de
loi, le ministre a-t-il pris soin d'évaluer l'impact de son projet
concernant les emplois, la structure de l'industrie, les répercussions
sur l'économie québécoise?
En juin 1986, on se rappelera le dépôt du rapport Scowen,
qui préconisait la déréglementation totale du camionnage
en général, mais dans lequel l'analyse sur les effets de la
déréglementation se faisait plutôt discrète. Depuis,
deux études ont été demandées par le ministre des
Transports, mais on ne connaît toujours pas les résultats. La
première, confiée à la firme Soleco Consultants inc., de
Laval, se veut une recherche sur l'ampleur, la structure et le fonctionnement
du système de transport routier des marchandises au Québec. Cette
recherche doit notamment évaluer et prévoir les impacts de la
déréglementation économique au Québec. Elle devait
être terminée à la fin de mai 1987 et, retardés de
mois en mois, les résultats ne sont toujours pas connus en novembre
1987. Pourtant, il est bien indiqué au devis que la durée du
contrat sera de quatre mois, à partir de la date de son attribution. On
retrouve ce contrat aux engagements financiers de septembre 1986. Ce qui veut
dire, M. le Président, que quatorze mois après la date limite
l'étude n'est toujours pas là.
La seconde étude, portant sur le transport extra-provincial,
n'est toujours pas complétée non plus. Il est étonnant de
constater le dépôt et l'étude d'un projet de loi de cette
envergure sans connaître les résultats de ces deux études.
Le devis de la première recherche est pourtant fort explicite à
ce sujet: Le portrait de l'industrie du camionnage au Québec, son
importance, son fonctionnement sont peu connus globalement. Eh bien, c'est le
devis de l'étude de la première recherche, commandée mais
pas encore arrivée. D'autres études ponctuelles ont
été effectuées au fil des ans, pour répondre
à des besoins précis. Cependant, il n'existe pas de document qui
traite, de façon globale, de cette industrie au Québec.
Autre signe de l'incohérence de ce gouvernement, on décide
avant de connaître les résultats des études. L'objectif du
projet de loi en soi, M. le Président, est très simple. On dit:
définir "les nouvelles règles applicables aux services
rémunérés de camionnage, fournis au Québec, par les
entreprises de camionnage locales et extra-provinciales. Il vise à
harmoniser les dispositions législatives du Québec à
cellea du Parlement canadien, édictées par le projet de loi C-19,
adopté le 25 juin 1987, pour les entreprises extra-provinciales".
On indique qu'il y aura un test d'aptitude obligatoire pour l'obtention
d'un
permis de camionnage contre rémunération, dont le but sera
d'identifier le demandeur, d'assurer son aptitude à fournir des services
de camionnage et de décrire les services offerts. Deuxièmement,
il y aura un test d'intérêt public, avec inversion du fardeau de
la preuve, c'est-à-dire que, dans la nouvelle loi, c'est l'opposant qui
doit faire la preuve que le nouveau service proposé sera susceptible de
nuire à l'intérêt public, alors que, dans l'ancienne loi,
c'était le requérant qui devait prouver la
nécessité du service proposé.
Troisièmement, il prévoit une diminution des membres de la
commission qui passeront ainsi de quatorze à neuf membres. Le projet de
loi 76 ne vise que les entreprises de camionnage contre
rémunération public. Il exclut donc le camionnage en vrac et le
camionnage privé, notamment le camionnage privé des entreprises
comme Sears, Steinberg, Zellers, etc. Les entreprises québécoises
touchées par ce projet de loi affichent des dépenses
d'exploitation d'environ 1 600 000 000 $.
Alors, M. le Président, quand on regarde tout cela, quand on
regarde toutes ces dispositions, quand on regarde les recommandations du
rapport Scowen en juin 1986, qui recommandait que le gouvernement
déclare son intention de réaliser une
déréglementation totale du camionnage général en ce
qui concerne les tarifs et les permis, le projet de loi 76 ne va pas aussi loin
que le recommandait le rapport Scowen, mais soulève tout de même
certaines interrogations quant à l'avenir de cette industrie dans
l'économie québécoise, dans un contexte de
déréglementation et de libre-échange. C'est là la
question fondamentale, M. le Président. C'est pourquoi nous disons que
le projet de loi du ministre est prématuré. Nous souhaiterions
que le ministre dise: Nous allons attendre pour voir ce qui va se passer dans
les autres provinces. Nous allons attendre le projet d'entente sur le
libre-échange, et, à la lumière de ces
événements, là, on pourra déterminer ce qu'on fera,
et non pas décider d'avance. Il serait peut-être
intéressant, par exemple, d'étudier une clause de
réciprocité avec les États américains qui
accepteront de déréglementer au profit des camionneurs du
Québec. Cela pourrait être envisagé de la même
façon que le Canada aurait dû dire aux Américains que, par
rapport au Jones Act, celui-ci ne devrait pas s'appliquer au Canada puisque
notre marché sera totalement ouvert, semble-t-il, par l'entente de
libre-échange. Alors, ce qui est incompréhensible dans tout cela,
c'est que le ministre veut agir immédiatement alors qu'il n'a pas encore
toutes les données, qu'il n'a pas reçu ces études. S'il
les a reçues, il n'en a fait part à personne et il est
sûrement le seul à les avoir vues. Je pense qu'il ne les a pas
reçues.
Deuxièmement, il ne sait pas si les autres provinces vont
harmoniser puisqu'elles n'ont déposé aucun projet de loi. Il
pourrait facilement attendre que les autres le fassent, en disant au
gouvernement fédéral que ce n'est pas seulement au Québec
d'harmoniser, mais que toutes les provinces du Canada doivent le faire.
Troisièmement, il devrait attendre également que l'accord
sur le libre-échange soit rendu public et voir si, à ce
moment-là, il n'y a pas des clauses additionnelles qui devraient
être ajoutées à son projet de loi pour faire en sorte de
pallier, dans un domaine de sa juridiction, aux incohérences d'un projet
de libre-échange qui, semble-t-il, ouvrirait toutes grandes les portes
du Canada et, par conséquent, du Québec, sans aucune
contrepartie.
M. le Président, c'est pourquoi je dis que ce projet de loi est
prématuré et je souhaite que le ministre, maintenant qu'il a
accepté qu'il y ait certaines audiences de personnes qui pourraient
venir nous rencontrer, comme il l'a mentionné, notamment l'association
des camionneurs indépendants qui pourrait venir nous dire son point de
vue... Mais idéalement, je pense, M. le Président, que le
ministre devrait immédiatement... Je ne dis pas que son projet soit bon
ou mauvais, il faut savoir dans quel cadre il s'inscrit. Et le ministre ne sait
pas plus que nous dans quel cadre il va s'inscrire parce que les conditions que
je viens de mentionner ne sont pas remplies. Je vous remercie, M. le
Président. (1 h 10)
Le Vice-Président: Très bien, M. le
député de Lévis. Je vais maintenant reconnaître M.
le ministre des Transports pour l'exercice de son droit de réplique.
M. Marc-Yvan Côté
(réplique)
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention le
député de Lévis dans son discours de deuxième
lecture. Je pense qu'il a soulevé un certain nombre de points qui vont
mériter notre attention au moment de la commission parlementaire puisque
nous aurons effectivement un travail de bonification ou d'information à
transmettre aux gens qui seront en commission parlementaire, afin d'être
capable de connaître la portée et de savoir ce qui s'est fait.
J'ai entendu beaucoup de choses et il y en a une, dès à
présent, que je voudrais transmettre au député de
Lévis quant au fait que le Québec serait la seule province qui
s'harmoniserait avec le gouvernement fédéral.
Une voix: Voyons donc!
M. Côté (Charlesbourg): C'est faux, puisque la
semaine dernière M. Fulton,
ministre du Transport de l'Ontario, annonçait à
l'Association du camionnage de l'Ontario qu'il allait déposer à
la Législature de l'Ontario, dès les prochains jours, le projet
de loi provincial concernant l'harmonisation.
On a effectivement parlé d'autres provinces qui ne ralliaient pas
les rangs en mentionnant la Colombie britannique, la Saskatchewan et le
Manitoba. Une chose est certaine, c'est qu'on n'a pas grand-chose à voir
avec la Colombie britannique. Tout le monde sait pertinemment bien que, si l'on
a des choses à expédier en Colombie britannique, on va le faire
par train, on ne le fera pas par camion. Il me semble que c'est la logique
même. Nos mouvements de transport par camion avec la Colombie
britannique, on s'en reparlera plus tard.
Par contre, lorsque l'on met dans ce lot la Saskatchewan, il faut
être bien sûr des informations que l'on possède. La
Saskatchewan est là avant nous depuis un an, puisqu'elle a
renversé le fardeau de la preuve. Elle l'a déjà
inversé. C'est déjà fait depuis un an. Oui, en
Saskatchewan, c'est le cas, c'est la situation. Vous avez, par contre, raison
au moment où vous évoquez le Manitoba qui a toujours
été hostile à cette déréglementation pour
des conditions bien particulières, puisqu'au Manitoba il y a une forte
concentration d'entreprises de transport qui ont leur siège social au
Manitoba et que, dans toutes les discussions que nous avons eues comme ministre
des Transports, il y avait toujours cette défense de la part du ministre
du Manitoba qui ne voulait pas voir le Manitoba perdre des acquis.
Donc, je pense que, de la même manière qu'on pourrait dire
que Terre-Neuve n'emboîte pas le pas ou ne s'harmonise pas, cela n'a pas
beaucoup de conséquences. Le noyau ou le coeur, disons-le, c'est le
Nouveau-Brunswick. Cela peut être à la rigueur la
Nouvelle-Écosse, le Québec, l'Ontario, et c'est là le
coeur majeur de ce que nous pouvons faire comme intervention sur le plan du
transport. Bien sûr, le Manitoba fait exception, je le dis en toute bonne
foi. Dans ce sens-là, on verra ce qui va se produire, mais nous ne
serons pas les seuls. Il y a harmonisation des provinces voisines du
Québec et cela me paraît extrêmement important, compte tenu
aussi des effets de débordement en termes de transport.
Hier soir, à Montréal, je rencontrais les autorités
portuaires de Montréal qui nous transmettaient des données fort
intéressantes sur le tonnage, les containers qui débarquent au
port de Montréal et qui s'en vont dans le Middle West américain
et dans les provinces atlantiques, de même que dans la partie est des
États-Unis. Donc, un mouvement de trafic de camionnage tout à
fait important qui part de Montréal pour s'en aller vers les Etats-Unis,
l'autre partie occupant l'Ontario et le Québec en entier, ce qui fait un
tonnage tout à fait exceptionnel pour les camionneurs, donc des
incidences très importantes à ce niveau-là.
Le député de Lévis a dit: C'est un projet de loi
qui est prématuré. Je ne dis pas qu'il n'est pas bon, je ne dis
pas qu'il est mauvais, je ne me fais pas d'opinion. En tout cas, s'il avait
été mauvais, je suis pas mal convaincu que le
député se serait payé la traite comme il faut. De la
manière que je le connais, s'il était pas mal sûr de son
affaire que le projet de loi était mauvais, je pense qu'on y aurait
goûté parce que ce n'est pas lui qui ménage habituellement
le pouvoir. Cela fait quelques années que je le connais. Une chose
certaine, c'est que, lorsqu'il pense que ce n'est pas bon, il ne se gêne
pas pour rentrer dedans. Alors, le bélier d'Espagne n'a pas encore senti
le toréador de Lévis lui faire peur avec son grand mouchoir
rouge. Je n'ai pas senti cela dans l'appel du député de
Lévis. Ce que j'ai senti, c'est qu'il y avait effectivement certaines
inquiétudes, qu'il y avait un questionnement, qui doit être fait,
qui doit être posé, auquel on tentera d'apporter des
réponses à la commission parlementaire et qui, effectivement,
véhicule certaines inquiétudes de l'Association du camionnage du
Québec. Je les ai rencontrés dix fois. À un moment
donné, je leur ai dit: Écoutez, là! On va d'abord
savoir... Mot, quand je vais à Ottawa, on me dit: L'Assocation
canadienne des camionneurs est pour la déréglementation. Est-ce
que vous faites partie de l'association canadienne ou non? On a tenté
d'harmoniser nos affaires. Quand je suis allé à Toronto, en 1986,
on a tenté de faire toute une série de mesures. Il est clair
qu'à ce chapitre on a fait des choses avec l'Association du camionnage
du Québec pour tenter de bonifier et pour obtenir du gouvernement
fédéral... Mais il faut se rendre compte aujourd'hui que le
gouvernement fédéral a adopté sa loi, que nous y sommes
soumis et que le jugement de 1954 fait en sorte que c'est un pouvoir qui est
délégué; il faut continuer d'en parler. Bien sûr,
lorsqu'on chapeaute tout cela avec le libre-échange, on y donne une
dimension tout autre.
On reprochait au ministère de ne pas avoir entre les mains les
études commandées, qui devaient être livrées au
printemps 1987 et qui, à l'automne, ne le sont pas encore. Je pense que,
là, on a des problèmes, effectivement. Le devis faisait en sorte
qu'on devait nous livrer ces études, mais il y a des problèmes
assez importants qu'il n'est pas normalement souhaitable de dévoiler
ici. C'est un retard inacceptable de la livraison des résultats de la
part de la compagnie qui devait faire l'étude. Dans ce sens, il faut
bien faire attention. C'était davantage une bonne connaissance des
entreprises de camionnage au Québec.
Comment peut-on prendre cette décision de s'harmoniser au
fédéral, me dit-on, sans étude et sans connaître les
impacts? Faisons abstraction du libre-échange. Au moment du 25
février 1985, moment où mon prédécesseur a
signé, est allé à Vancouver et a dit: On fait la
déréglementation, est-ce qu'il avait les études d'impact
sur cette décision? Là, vous m'ajoutez le chapeau, en disant:
Bien, ce n'est qu'un mois plus tard qu'on a parlé du
libre-échange et cela donne toute une nouvelle dimension! Vous oubliez
une chose extrêmement importante, et très habilement, d'ailleurs.
À la réunion du 26 mars 1987, à Ottawa, en présence
des ministres des Transports des provinces et du ministre des Transports du
fédéral, on a exigé qu'à l'intérieur du
projet de loi C-19 il y ait une disposition pour être capable de faire
face aux Américains dans la mesure où il n'y a pas cette
réciprocité. C'est clair, c'est très clair à
l'intérieur du projet de loi. Et, dans mon texte, dans le texte du
discours que j'ai prononcé en deuxième lecture, j'en ai fait
mention. Il est clair que ce n'est pas dans la loi du Québec qu'il faut
introduire cette clause, mais davantage dans la loi du Canada. Elle est
là, elle est disponible dans la mesure où la
réciprocité souhaitée ne serait pas là.
Il y a un autre élément sur lequel je ne veux pas
m'étendre, compte tenu de l'heure mais je veux rappeler ceci au
député de Lévis. Il dit: On adopte des projets de loi
à la vapeur, à 1 heure du matin, qui ont été
déposés il n'y a pas tellement longtemps. Écoutez,
là! Finalement, le Parti libéral, du temps où il
était l'Opposition, criait contre ces procédures tout à
fait honteuses. Parfois, je pense que la mémoire vous fait
défaut. Je le dis en toute simplicité, j'ai eu comme attitude,
depuis que je suis ministre des Transports, d'ouvrir mes livres à
l'Opposition: Venez voir, questionnez mes fonctionnaires et posez des questions
sur l'ensemble des implications comme vous voulez. Et le député
de Lévis ne s'en est pas caché tout à l'heure, dans son
discours. Il a dit: Le ministre m'a invité, je suis allé
rencontrer les fonctionnaires et j'ai posé des questions. Je n'ai pas
connu cela du temps où j'étais dans l'Opposition. Vous ne m'avez
pas ouvert grand-chose. Les livres que j'ai ouverts, je les ai ouverts
moi-même. C'est l'esprit qui caractérise nos relations qui fait
qu'on doit donner le plus d'informations disponibles possible pour faire en
sorte qu'il y ait une bonne compréhension de ce dans quoi on s'embarque
et que ce soit un débat ouvert. Cela n'entache personne et cela
n'attache personne, en ce sens que chacun est libre, demain, de faire les
interventions qu'il veut, de défendre les idées qu'il veut, mais,
dans la mesure où cette ouverture est là, c'est pour bien
informer et mieux informer les gens qui ont à prendre des
décisions comme législateurs.
Ce n'est pas tout à fait à la vapeur, on va prendre le
temps de l'adopter. Le député de Lévis m'a demandé
si j'acceptais d'entendre des gens en commission parlementaire, lundi matin,
sur les effets. Oui! Ce n'est donc pas à la vapeur; c'est une ouverture
totale, et on va discuter. Je l'ai dit pour calmer les dernières
inquiétudes du député de Lévis, je l'ai dit
tantôt en deuxième lecture, il n'est pas question que nous
mettions en application la totalité de la loi tant et aussi longtemps
que le gouvernement de l'Ontario ne se sera pas commis. C'est ensemble qu'on
mettra en application les articles de loi qui nous concernent. Lorsque
l'Ontario sera prêt, on sera prêt. Il faut se rappeler qu'en
Ontario c'est un nouveau Parlement, un nouveau gouvernement qui commence une
session qui va se poursuivre et qui ne sera pas abrogée. Dans ce
sens-là, les travaux qui reprendraient, dans la mesure où ce
serait le cas, après les fêtes feraient en sorte que cette loi
soit adoptée, puisque c'est la volonté du gouvernement de
l'Ontario de l'adopter.
M. le Président, en terminant, nous aurons l'occasion d'en
reparler au cours de l'étude article par article puisque ce sera le
moment privilégié de le faire très ouvertement, sans
arrière-pensée, et nous pourrons alors informer le plus possible
l'ensemble des citoyens du Québec visés par cette loi. Il y a une
chose dont nous n'avons pas beaucoup parlé: il s'agit des manufacturiers
canadiens, desquels je n'ai pas entendu beaucoup de choses dans le discours du
député de Lévis - puisqu'ils sont, c'est, bien sûr,
des usagers visés par la déréglementation - pour permettre
aussi à nos manufacturiers d'expédier leurs produits sur les
marchés américains à des taux de transport concurrentiels.
Cela aussi créerait des emplois au Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Le débat étant clos,
est-ce que le principe du projet de loi 76, Loi sur le camionnage, est
adopté?
Une voix: Adopté sur division.
Le Vice-Président: Adopté sur division. M. le
leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour que le
projet de loi soit déféré à la commission de
l'aménagement et des équipements pour étude
détaillée.
Le Vice-Président: Est-ce que cette
motion de déférence est adoptée? Une voix:
Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Consultations particulières
M. Gratton: M. le Président, après consultation et
de consentement, je voudrais faire motion pour que la commission de
l'aménagement et des équipements procède à des
consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de
loi 76, Loi sur le camionnage, et ce, avant de procéder à
l'étude détaillée dudit projet de loi. Donc: Que ladite
commission tienne des auditions publiques le lundi 7 décembre 1987,
à la salle Louis-Joseph-Papineau, pour entendre les organismes suivants
et ce, selon l'horaire ci-après indiqué: de 11 h 30 à 12 h
30, l'Association du camionnage du Québec inc., et, de 12 h 30 à
13 h 30, l'Association des propriétaires indépendants de
camions-remorques et semi-remorques, que la durée de l'audition d'un
organisme soit de 60 minutes, réparties de la façon suivante: 20
minutes pour la durée de l'exposé et 40 minutes pour la
durée des discussions avec les membres de la commission, et que le
ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée
du mandat.
Le Vice-Président: D'accord. Je comprends qu'il y a
consentement pour la présentation de cette motion. M. le leader adjoint
de l'Opposition.
M. Jolivet: Une petite question. Comme le ministre des Transports
a parlé de l'Association des manufacturiers, serait-il
intéressé à l'inclure dans la rencontre de lundi?
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, la question devrait
s'adresser au leader du gouvernement qui a négocié avec
l'Opposition une entente que je ne saurais maintenant changer sans consulter
mon vis-à-vis, ce que je ne me permets même pas de penser à
faire.
Le Vice-Président: D'accord.
M. Jolivet: M. le Président, c'est simplement à la
suite de ce que disait le ministre, et je voulais lui être
agréable ce soir.
Le Vice-Président: Bon. Très bien. Il y a
consentement à la présentation de cette motion. Est-ce que...
M. Gratton: Ce n'est pas ce que le ministre a dit.
M. Côté (Charlesbourg): Avez-vous un chemin à
faire ouvrir, vous?
Des voix: Ha! Ha!
Le Vice-Président: Donc, il y a consentement à la
présentation de cette motion et je comprends que cette motion est
adoptée.
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je propose que nous
ajournions nos travaux à ce matin, 10 heures.
Le Vice-Président: Très bien. Cette motion est
adoptée et nos travaux sont donc ajournés à ce matin, 2
décembre, à 10 heures.
(Fin de la séance à 1 h 24)