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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mardi 17 mai 1994 - Vol. 33 N° 23

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Table des matières

Présence de l'ambassadeur du royaume de Suède, M. Hakan Arvid Berggren, et de l'ambassadeur de la République de Bulgarie, M. Slav Vassélev Danev

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures sept minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur du royaume de Suède, M. Hakan Arvid Berggren, et de l'ambassadeur de la République de Bulgarie, M. Slav Vassélev Danev

J'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'ambassadeur du royaume de Suède, Son Excellence M. Hakan Arvid Berggren.

Également, j'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'ambassadeur de la République de Bulgarie, Son Excellence M. Slav Vassélev Danev.


Affaires courantes

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le ministre de l'Environnement.


Correspondance relative aux autorisations d'acquisition d'armes à feu

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Comme je m'y étais engagé à l'occasion de la période de questions de jeudi dernier, je dépose copie de correspondance relative aux autorisations d'acquisition d'armes à feu.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Maintenant, dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. Mme la députée de Chicoutimi.


Signifier à la direction d'Alcan le caractère inacceptable de toute réduction d'activités à l'usine Vaudreuil, au Saguenay–Lac-Saint-Jean

Mme Blackburn: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 4168 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que des efforts considérables ont été consentis par les travailleurs de l'usine Vaudreuil en vue de diminuer les coûts de production de l'alumine et en diversifier sa production;

«Considérant qu'il appartient également à la compagnie Alcan d'ajouter aux efforts de ses travailleurs et d'investir dans un broyeur à bauxite humide et/ou modernisation pour en accroître sa production;

«Considérant que les diminutions importantes d'emplois sont reliées à la modernisation des salles de cuves;

«Considérant que des ressources énergétiques importantes ont été laissées à la disposition de la compagnie Alcan après la nationalisation de l'électricité;

«Considérant que de nombreux emplois directs ou indirects – port, chemin de fer, etc. – sont reliés au transport des matières premières;

«Considérant que l'usine Vaudreuil ne fournit que 31 % du marché des alumines métallurgiques au Québec;»

L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, citoyennes et citoyens du Saguenay–Lac-Saint-Jean, prions l'Assemblée nationale du Québec de signifier à la direction de l'Alcan le caractère inacceptable de toute réduction d'activités à l'usine Vaudreuil.»

(14 h 10)

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, votre pétition est déposée.


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Acquisition de biens et de services par les dirigeants de la Société de l'assurance automobile du Québec en vue de l'application éventuelle du projet de loi 126

J'ai reçu, dans les délais prescrits, de M. le député de Lévis, une demande d'intervention concernant une atteinte aux droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres. Selon M. le député de Lévis, cette atteinte aurait pris la forme d'un outrage au Parlement qu'auraient commis les dirigeants de la Société de l'assurance automobile du Québec par l'acquisition de biens et de services d'une valeur de plusieurs milliers de dollars, en vue de l'application éventuelle du projet de loi 126, Loi modifiant le Code de la sécurité routière, projet de loi qui n'a pas encore été adopté par l'Assemblée – effectivement, c'est plusieurs millions de dollars, je m'excuse.

Puisque je suis à compléter l'étude de cette question, je prends l'affaire en délibéré et je rendrai une décision ultérieurement.

Je voudrais, maintenant, vous aviser que, après la période des questions et réponses orales, M. le ministre des Ressources naturelles répondra à une question posée le 11 mai dernier par M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette, concernant l'octroi des droits hydrauliques sur le site de Val-Jalbert, au Lac-Saint-Jean.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons maintenant procéder à la période de questions et réponses orales des députés. Je reconnais, en première question principale, M. le député de Labelle.


Objectif de redressement des finances publiques

M. Léonard: M. le Président, le quatrième objectif du budget présenté jeudi soir dernier s'énonce ainsi: Poursuivre le redressement des finances publiques.

M. le Président, avec votre permission, je voudrais déposer un tableau sur l'évolution du déficit, tiré des deux derniers Discours sur le budget – celui de jeudi dernier et celui de l'an dernier – qui démontre une accumulation du déficit, sur cinq ans, de 7 635 000 000 $. Une augmentation de ce déficit.


Document déposé

Le Président: Alors...

M. Léonard: M. le Président...

Le Président: ...il y a consentement au dépôt des documents? Consentement. Donc, le document est déposé. M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, comment le ministre des Finances peut-il prétendre poursuivre un tel objectif, alors que le plan de cinq ans qu'il a dévoilé jeudi soir prévoit des déficits qui totalisent 7 635 000 000 $ de plus que ceux prévus au plan de l'année dernière, pour les mêmes années 1993-1994 à 1997-1998?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai expliqué amplement que, l'an dernier, les revenus du gouvernement ont été de 1 000 000 000 $ moins élevés que prévu, à cause, principalement, du fait qu'on a dû rembourser 500 000 000 $ en 1993 pour des impôts payés en trop pour l'année 1992, alors que la récession battait son plein. Le gouvernement du Québec, donc, a eu des rentrées de fonds inférieures à ce que prévu.

Tout ça a fait en sorte que nous avons décalé de un an l'objectif de réduire le déficit à zéro. Mais, M. le Président, comme nous sommes maintenant en croissance économique et que les données que nous avons mises dans le budget sont jugées par tous les experts comme étant très conservatrices, très prudentes, sauf, bien sûr, le futur candidat dans Iberville, M. le Président, je suis convaincu que, ces données-là étant très conservatrices, le gouvernement du Québec n'aura pas de difficulté, dans les années à venir, à rencontrer ses objectifs de revenus et, donc, à atteindre les objectifs de réduction du déficit qui apparaissent dans le discours sur le budget.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Labelle. Alors, question complémentaire.

M. Léonard: M. le Président, le ministre des Finances se rend-il compte que chaque femme, chaque homme, chaque enfant se retrouvera avec un fardeau alourdi, ou une dette additionnelle, ou des coupures additionnelles de 1060 $ chacun au cours des prochaines années?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, le député de Labelle et le Parti québécois sont bien mal placés pour faire des leçons au gouvernement en matière de déficit. M. le Président, si on regarde les statistiques des années précédentes, on se rend compte que, sous l'administration du Parti québécois, de 1977 à 1985, le Parti québécois a réussi le tour de force de faire les sept plus gros déficits de l'histoire du Québec, sept des 10 plus gros déficits. Je corrige, M. le Président, sept des 10 plus gros déficits de l'histoire du Québec ont été réalisés par le Parti québécois sous ses neuf ans d'administration, si on les compare par rapport au PIB.

Et, M. le Président, d'autre part, c'est le chef de l'Opposition lui-même, le député de L'Assomption qui est devant nous, qui disait au mois de septembre dernier, et je le cite: «Ce n'est pas le temps de réduire les déficits.» Et, en plus de ça...

Des voix: Ah!

M. Bourbeau: ...M. le Président, il terminait en disant: «Vous voyez ça – je cite le chef de l'Opposition – le fédéral et le provincial, tous les deux ensemble en train de battre le déficit à mort – baisser le déficit! Ce n'est pas le moment. Ils auraient dû le faire il y a trois ans» – et on l'avait fait. Et il ajoute: «Il faudrait qu'ils le fassent dans deux ans.» Or, dans deux ans, M. le Président, c'est 1996, et nous, on commence en 1994, pas en 1996!

Le Président: En question principale, maintenant, M. le chef de l'Opposition.


Reconversion de l'industrie du matériel de défense

M. Parizeau: M. le Président, on connaît l'importance de l'industrie du matériel de défense au Québec. Il s'agit d'emplois très bien rémunérés et souvent liés à la haute technologie. En raison de la fin de la guerre froide et des difficultés budgétaires des gouvernements, les marchés pour nos entreprises sont en érosion constante. Depuis 1987, le Québec a perdu 10 000 emplois dans l'industrie du matériel de défense, 10 000 emplois!

Une étude récente, remise au gouvernement, établit que nous risquons de perdre, d'ici 1995, 40 % des emplois restants; au bas mot, plus de 10 000 autres emplois. Malgré les engagements pris en campagne électorale, malgré le livre rouge, le ministre fédéral de l'Industrie, M. Manley, a indiqué, le 5 mai dernier, et je le cite: «Je veux dire par là que le gouvernement n'a pas l'intention de subventionner la reconversion des industries de la défense en industries commerciales.»

Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer quelles démarches il a entreprises auprès du premier ministre Chrétien pour obtenir ce qu'il réclamait en novembre dernier – il n'y a pas si longtemps – au lendemain de l'annulation du contrat des hélicoptères, c'est-à-dire 300 000 000 $, dans un fonds destiné à l'innovation technologique et à la reconversion de l'industrie de la défense au Québec? Quelle réponse a-t-il obtenue?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Johnson: M. le Président, il est évident que tous les gouvernements doivent se soucier, dans le monde industrialisé occidental, de la baisse des dépenses militaires. Tous les gouvernements, tous nos partenaires économiques, qu'il s'agisse des États-Unis, des pays européens, sont en train de vivre les perturbations que la paix nous réserve, une espèce d'ironie de l'histoire qui fait en sorte que la paix ne comporte pas un dividende, mais qu'elle peut comporter des coûts qui perturbent les industries militaires traditionnelles.

Nous avons, comme gouvernement, comme politique d'appuyer les industries en émergence, de faire en sorte que, dans toutes les régions du Québec, il y ait création d'emplois, de faire en sorte que la modernisation des entreprises, le recyclage de la main-d'oeuvre, la formation de la main-d'oeuvre, l'innovation et l'organisation du travail soient appuyés afin de créer des emplois.

Il m'apparaît que, contrairement à nous, le gouvernement fédéral avait décidé de cibler les industries de la défense pour certains programmes. Je reconnais, avec le chef de l'Opposition – et je l'ai dit il y a quelques jours – qu'il n'apparaît pas que le gouvernement fédéral est en train de donner suite à cet engagement précis qu'il avait formulé. Et c'est à l'intérieur de cet engagement que nous avions formulé nos commentaires l'automne dernier. Si le gouvernement fédéral, en discussion avec mon collègue de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, est en voie d'envisager d'autres actions, on pourra voir. Mais, à partir de ce moment-ci, nous avons une politique de développement industriel, nous avons, avec le budget, créé davantage d'emplois, des milliers d'emplois que nous entendons créer avec le budget. Mais, s'il n'y a pas, comme tel, de réponse spécifique du gouvernement fédéral, c'est un dossier qui demeure à l'étude et qui fait l'objet spécifiquement, compte tenu du rapport que le chef de l'Opposition mentionnait tout à l'heure, de discussions précises entre notre collègue et le ministre fédéral homologue.

Le Président: Alors, pour une question complémentaire.

(14 h 20)

M. Parizeau: Le premier ministre est-il au courant que les fonds du Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense affectés au Québec sont passés de 168 000 000 $ en 1989 à 80 000 000 $ en 1993, c'est-à-dire la période où le Québec a perdu 10 000 emplois et où il est en train d'en perdre 10 000 autres? Considère-t-il qu'une diminution de 50 % des fonds fédéraux affectés au Québec est une bonne réponse à sa demande, à sa demande de 300 000 000 $?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Johnson: M. le Président, si nous avons eu, au Québec, une concentration d'activités dites militaires... Est-ce que le chef de l'Opposition est en train de nous dire qu'on doit subventionner davantage des industries qui tuent ou des industries de la paix? On va commencer par se comprendre. Quel est l'objectif que recherche le chef de l'Opposition? Nous recherchons personnellement, de ce côté-ci, des politiques de développement économique qui vont faire en sorte que des emplois vont être créés pour remplacer ceux que nous perdons en raison de ces perturbations de baisse des dépenses militaires. C'est inévitable, si nous avons la paix, que les dépenses militaires vont baisser. C'est inévitable.

À partir de ce moment-là, nous avons, comme gouvernement, la responsabilité de faire en sorte de soutenir, autant que nos ressources nous le permettent, la création d'emplois. C'est pour ça que le budget, c'est pour ça que nos interventions, c'est pour ça que les programmes que nous avons mis sur pied visent à créer des emplois. Qu'il s'agisse d'emplois militaires reconvertis, qu'il s'agisse de quelque sorte d'emplois dont il s'agit, nous avons comme priorité la création d'emplois. Et, à ce titre, nous avons également des discussions précises que mon collègue de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie mène avec son homologue. Et, dans la mesure où ça peut intéresser davantage, de façon plus pointue, le chef de l'Opposition, il pourrait adresser ses questions à mon collègue.

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Chacun en son temps, ça va venir. Et j'ai une dernière question pour le premier ministre. Est-ce qu'il faut comprendre que le premier ministre a renoncé aux 300 000 000 $ qu'il réclamait, il y a à peine six mois? Je lui rappelle que, dans ces 300 000 000 $, il y avait les contrats de la MIL Davie, par exemple. Est-ce que le premier ministre a renoncé à toute demande au gouvernement fédéral pour assurer la reconversion des industries de matériel de défense, comme MIL? Il a renoncé à ça? C'est ça qu'il nous dit aujourd'hui?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Johnson: M. le Président, si le chef de l'Opposition veut jouer sur les mots, on n'en sortira plus. S'il veut absolument que des fonds soient dirigés vers une entreprise qui est en train de se reconvertir, c'est une chose. Ce que nous entendons faire, c'est faire en sorte, avec tous nos moyens, que nous puissions créer des emplois, quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. Ça m'apparaît extrêmement important, à partir de ce moment-là, quel que soit l'effet des perturbations sur des entreprises, et il y en a constamment. Il y en a maintenant, en raison de la chute des dépenses militaires au Canada, chute réclamée à cor et à cri par le chef du Bloc québécois à Ottawa, M. Lucien Bouchard, qui demande de dépenser moins dans la défense au Canada. Un des effets... Eh bien, bravo! Bon, le chef de l'Opposition dit bravo. Mais ça, ça veut dire moins d'emplois. Qu'on se comprenne, qu'on se comprenne.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, en conclusion, M. le premier ministre.

M. Johnson: M. le Président, sur la base des défis de création d'emplois que tous les gouvernements ont maintenant à rencontrer, ce que nous avons déjà mentionné au gouvernement fédéral, et ça remonte à l'été dernier, l'automne dernier, lorsqu'il y a eu l'annulation du contrat des hélicoptères, c'est de faire en sorte que, dans les discussions que nous avons avec nos homologues fédéraux, lorsqu'il s'agit de développement économique régional, lorsqu'il s'agit d'appui à l'innovation, lorsqu'il s'agit d'implanter, quelque part au Canada, une entreprise ou de subventionner une entreprise, ça se fasse davantage, c'est notre rôle, au Québec, compte tenu de la création d'emplois qui est nécessaire. Ce sont des discussions que nous avons constamment, ce sont des discussions que nous avons couramment et ce sont des discussions que nous continuerons à avoir.

Le Président: En question principale, maintenant, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.


Aide aux industries qui dépendent de contrats militaires

Mme Harel: M. le Président, en dépit du fait que le premier ministre fait semblant d'ignorer que le Bloc québécois a toujours réclamé de consacrer une partie importante de la réduction des dépenses militaires à la création d'un fonds de conversion, en dépit de la promesse de la dernière campagne électorale contenue dans le livre rouge libéral...

Le Président: Oui, un instant, s'il vous plaît! M. le député, s'il vous plaît! O.K. À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, simplement rappeler à ma bonne amie, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, les dispositions de l'article...

Le Président: Un instant, un instant! Alors, MM. les députés, s'il vous plaît! Donc, alors, un instant, s'il vous plaît!

Alors, rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, à cet article qui stipule que les questions ne peuvent comporter ni expression d'opinion, ni argumentation. De même que le cinquième alinéa, M. le Président, qui stipule que les questions ne peuvent être formulées de manière à susciter un débat. Si elle s'en tient au règlement, je n'aurai plus besoin de me lever, M. le Président.

Le Président: Écoutez, je ne voudrais pas que les événements de la semaine dernière se reproduisent. J'en appelle à la collaboration... S'il vous plaît! Oui, oui, un instant! S'il vous plaît! Alors, des leaders peuvent poser des questions de règlement, ça leur revient, comme tout député peut le faire. Alors, je vous rappelle simplement les prescriptions des deux articles; ça s'appliquera autant en question qu'en réponse. Évitez, évidemment, de comporter des expressions d'opinion ou d'argumentation ou de susciter un débat. Alors, j'en appelle à la prudence des deux côtés. L'application plus rigoureuse des articles 77 comme 79 pour les réponses, et les préambules doivent être très brefs. Comme on l'a déjà mentionné, un préambule à une question, c'est une ou deux phrases, maximum.

Alors, votre question, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. le Président, en dépit, de plus, de la promesse de la dernière campagne électorale contenue dans le livre rouge libéral, le ministre Manley a répété à Ottawa, la semaine passée, que son gouvernement avait abandonné l'engagement d'aider à la reconversion et la diversification des industries militaires en perte de contrat, malgré les 10 000 emplois disparus depuis 1987 dans des entreprises connues, comme Expro, Héroux, Oerlikon, Paramax, Marconi, et des milliers d'autres menacées, comme à MIL Davie.

Le ministre a reçu, il y a plus d'un mois maintenant, un rapport que son ministère a aussi commandité, qui recommande sans délai la mise en place, au Québec, d'un centre québécois d'assistance et la création, sur cinq ans, d'un fonds de 50 000 000 $ pour la reconversion.

Le Président: Alors, votre question, s'il vous plaît.

Mme Harel: Fait-il siennes ces recommandations ou entend-il se résigner au refus d'Ottawa de respecter le sien?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je remercie la députée de Hochelaga-Maisonneuve de sa question. Et il me fait plaisir de déposer ce rapport, intitulé «Diversification de défense 2000. Les stratégies gouvernementales de support pour la diversification de l'industrie de la défense au Québec».


Document déposé

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document? Consentement. Le document est déposé.

Vous pouvez poursuivre, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, j'aimerais référer la députée de Hochelaga-Maisonneuve à la page 21 de ce rapport. On parle de stratégie de développement industriel du gouvernement du Québec, et on dit: «Avec l'approche des grappes industrielles, le Québec s'est doté d'une véritable stratégie de développement industriel au cours des dernières années. Cette stratégie fait appel à la mobilisation de tous les partenaires afin que le Québec se taille une place de choix dans l'économie internationale. La croissance de l'économie, des revenus et surtout des emplois, les trois conditions essentielles à l'épanouissement des sociétés modernes, représente un défi de taille qui exige des initiatives innovatrices, cohérentes et concertées.»

J'aimerais également rappeler à la députée de Hochelaga-Maisonneuve que, lors du Rendez-vous économique 1993, le gouvernement du Québec a également fait sienne la résolution no 31, qui se lisait comme suit – de la CSN: «Que le gouvernement fédéral offre un soutien financier adéquat pour la reconversion de l'ensemble des industries qui dépendent de contrats militaires. Ce soutien financier s'appliquerait pour le temps nécessaire à l'adaptation, à la conversion et à la diversification des industries d'approvisionnement militaire. De plus, la mise en opération des activités de reconversion et de diversification serait planifiée par des comités de reconversion formés par des représentants des entreprises, des syndicats et des communautés affectées et du gouvernement du Québec.»

Et finalement, M. le Président, j'aimerais corriger les propos de la députée de Hochelaga-Maisonneuve en ce qui concerne les déclarations du ministre de l'Industrie du gouvernement fédéral, M. Manley, et je cite maintenant M. Manley: «Les entreprises ayant besoin d'aide pour analyser les domaines de diversification avantageusement pourront recourir au Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense, dont les critères d'admissibilité...

Le Président: M. le ministre...

(14 h 30)

M. Tremblay (Outremont): ...seront élargis à cette fin. Il y aura peut-être un certain nombre de projets importants qui nécessiteront un financement spécial. Le gouvernement évaluera ces projets cas par cas et prendra les décisions nécessaires.» C'est exactement ce que le présent gouvernement fait.

Le Président: M. le ministre...

M. Tremblay (Outremont): Le présent gouvernement agit, et dans le dossier d'Expro...

Le Président: M. le ministre!

M. Tremblay (Outremont): ...que vous avez cité tout à l'heure, où étiez-vous pour protéger les 500 emplois de cette région qui est importante?

Le Président: M. le ministre! Bon! Alors, je vous ai demandé à plusieurs occasions de conclure votre réponse qui est manifestement beaucoup trop longue, comme réponse, mais on ouvre une porte avec une question qui était manifestement trop longue également. Alors, je prierais les deux côtés, tant en question qu'en réponse, d'être plus brefs, s'il vous plaît. Une seule question à la fois. Ça limite, évidemment, les interventions.

Complémentaire, Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, le ministre reconnaît-il qu'il a ciblé, le 12 avril dernier, ici même, dans cette Assemblée, des dossiers concrets qu'il nous a dit avoir transmis au gouvernement fédéral, Oerlikon, Canadair, Paramax, CAE électronique, Marconi, et pour lesquels il y a un mois maintenant il nous disait ceci: «Nous négocions présentement avec le gouvernement fédéral. Nous voulons connaître les montants qui seront disponibles, quand et pour quelles entreprises»? Est-ce que, M. le Président, le ministre peut nous dire où en sont rendues les discussions précises qu'il poursuit dans ces dossiers?

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, nous avons eu l'analyse des crédits du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie pendant 13 heures. La députée de Hochelaga-Maisonneuve aurait pu me poser toutes ces questions. Je n'ai pas le temps aujourd'hui de prendre dossier par dossier.

Par contre, prenons l'exemple de Bombarbier, vous l'avez cité tout à l'heure, Canadair. On a annoncé la modernisation de ce projet, 468 000 000 $ d'investissements pour créer des emplois permanents de qualité, avec une contribution du gouvernement du Québec de 12 000 000 $ et une contribution du gouvernement fédéral de 12 000 000 $. C'est la preuve, lorsqu'on y va dossier par dossier, avec une approche positive, qu'on peut trouver des solutions concrètes pour créer des emplois dans un secteur qui est important pour le Québec. C'est ça que ça veut dire, M. le Président, agir pour créer des emplois.

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.


Compressions budgétaires dans le secteur de l'éducation

M. Brassard: M. le Président, depuis 10 ans, le système d'éducation au Québec doit subir des compressions budgétaires successives qui dépassent largement le milliard de dollars. Cette année, on ajoute 25 000 000 $ supplémentaires aux 166 000 000 $ de coupures déjà annoncés. Comme 85 % du budget de l'éducation concerne la rémunération, toutes ces coupures portent alors sur ce 15 % qui reste. Les intervenants du milieu ont donc raison d'affirmer que la situation est tragique. Voici quelques effets de ces coupures, M. le Président: fermeture d'une quarantaine d'écoles, certaines étant la dernière de leur village; report des travaux d'entretien et de réparation du parc immobilier; réduction des services d'orthopédagogues, de psychologues et de conseillers d'orientation; réduction des achats de matériel didactique; diminution de l'achat de volumes des bibliothèques et réduction des activités parascolaires.

Le Président: M. le député, votre question.

M. Brassard: M. le Président, les compressions font très mal. Et ma question au ministre de l'Éducation: Comment le ministre de l'Éducation peut-il, devant ces faits et cette grave dégradation de la qualité de l'éducation au Québec, prétendre avec désinvolture qu'il s'agit de clichés et de plaintes injustifiées?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Chagnon: M. le Président, au départ, je voudrais mentionner au député que je n'ai pas qualifié, comme il l'a fait, de clichés et de plaintes injustifiées autre chose que l'affirmation tout à fait grotesque qui avait été faite, à l'effet que le gouvernement est en train de démanteler l'appareil public, ce qui est faux, carrément faux. Il faut se rappeler, M. le Président, que, dans le cas de l'éducation, l'éducation vient – et c'est tout à fait normal, puisque c'est une priorité gouvernementale – prendre 27 % du budget du gouvernement.

Vous aurez remarqué, M. le Président, que, au moment de la lecture du budget jeudi passé, on a annoncé une diminution des dépenses par rapport aux crédits. De 2,9 % d'augmentation de dépenses qu'on avait annoncée aux crédits, on l'a réduite à 1,7 %, ce qui signifie, dans les faits, une diminution de 500 000 000 $ de dépenses pour le gouvernement du Québec. Et, dans le cas de l'éducation, on a fait une réduction de 25 000 000 $, une compression de 25 000 000 $, ce qui est 5 % de l'ensemble des compressions qui seront faites.

M. le Président, j'estime que le gouvernement comprend que l'éducation est une priorité. Il a fait ce qu'il fallait pour que cela demeure.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, le ministre de l'Éducation peut-il reconnaître, devant les effets douloureux et évidents des compressions budgétaires en éducation, que le discours gouvernemental qui prétend que l'éducation, comme il vient de le dire, comme le premier ministre vient de le dire tantôt, est une priorité de société doit être assimilé à de la fausse représentation et à de la publicité mensongère?

Le Président: Évidemment, M. le député, dans la question que vous avez posée, vous suscitez un débat, vous le savez fort bien. Les derniers propos également que vous avez mentionnés ne sont pas admissibles au sens de notre règlement. Alors, je vous prierais de vous conformer au règlement. Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Chagnon: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean oublie quelques détails; je ne dirai pas qu'il souffre d'amnésie partielle, mais il oublie quelques détails. Il a oublié que, dans le budget annoncé jeudi dernier, les étudiants du Québec, les élèves dans le secteur de la formation professionnelle du niveau secondaire verront un élargissement du système de prêts et bourses, dont ils pourront profiter. Il y a 28 000 000 $ qui sont ajoutés dans les crédits du ministère là-dessus. Ça, c'est énorme, et c'est un bienfait, et tous les étudiants de la formation professionnelle vont pouvoir en profiter, car leur avenir en dépend.

Des voix: Bravo!

Mme Robillard: C'est 80 000 000 $.

M. Chagnon: Pour l'année.

Là-dessus, M. le Président, je pense que le député de Lac-Saint-Jean aurait mérite de réfléchir et de comparer ces chiffres.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Lotbinière.


Application des règles du GATT dans l'ALENA

M. Camden: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, afin qu'il m'explique les positions du Québec et du Canada concernant la préséance des règles du GATT sur celles de l'ALENA.

Je lisais, dans le quotidien Le Soleil de vendredi dernier, que les Américains prétendent le contraire, d'après les affirmations du député de Bertrand, qui parle d'avis juridiques. Ce n'est pas la compréhension que j'en avais, M. le Président, mais j'aimerais savoir où en est ce dossier qui préoccupe, de façon importante, le monde agricole dans son ensemble, quant à l'importance de la préséance de l'une ou l'autre entente.

Le Président: Alors, M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

M. Ciaccia: M. le Président, les affirmations du député de Bertrand, dans un communiqué qui a été repris par Le Soleil , sont une distorsion des faits. Le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles et le MAPAQ ont fait leurs analyses sur ce sujet, même avant que les fédéraux obtiennent leurs avis juridiques; les analyses de nos deux ministères, faites séparément, concordaient. L'opinion juridique du fédéral concordait aussi avec nos deux analyses. Il faut comprendre que l'entente du libre-échange qui avait été signée entre le Canada et les États-Unis faisait référence aux règles du GATT. Alors, au lieu d'avoir un régime dans l'entente de libre-échange pour l'agriculture, nous nous sommes soumis aux règles du GATT. Et cette disposition a été intégrée dans l'ALENA.

Alors, l'ALENA fait explicitement référence au fait que le GATT, en cette matière spécifique, s'applique. Dans le GATT, on a convenu de remplacer les contrôles à l'importation par des tarifs. On n'aurait jamais accepté la tarification du GATT s'il n'y avait pas eu cette clause spécifique dans l'ALENA. M. le Président, nous avons défendu et protégé les intérêts des agriculteurs du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui, M. le Président. Comment le ministre peut-il concilier les déclarations qu'il vient de faire en cette Chambre avec les affirmations qu'il me donnait lors des études des crédits, lorsque je lui ai posé exactement cette question et qu'il m'a répondu qu'il n'était pas en mesure de déposer les avis juridiques qui confirmaient ce qu'il vient de nous dire, sous prétexte qu'il ne les avait pas, que le gouvernement fédéral lui en avait simplement montré un résumé et que, par conséquent, il ne pouvait pas les déposer? Et je lui demanderais, s'il a les informations prévues, bien, qu'il...

Le Président: M. le député...

M. Beaulne: ...les dépose en cette Chambre.

(14 h 40)

Le Président: M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, ce n'est pas tout ce que je vous ai dit en commission parlementaire. Vous devez tout répété. Le député de Bertrand, M. le Président, essaie de créer l'impression que le gouvernement fédéral ne nous a pas protégés dans le GATT. Il fait référence à des avis juridiques, la même question qui a été posée au Parlement fédéral. Vous êtes les perroquets du Bloc québécois, et ils sont les vôtres.

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je suppose que l'article 79 s'applique en tout temps, mais, pour votre information, on aime mieux être des perroquets de la cohérence que des valets.

Le Président: J'invite le ministre, comme j'ai invité tantôt au moment de poser des questions pour l'Opposition, à éviter – s'il vous plaît! – toutes réponses qui sont de nature à susciter des débats. Et, également, vous savez fort bien que vous devez toujours vous adresser à la présidence et non pas à un député directement. Alors, complétez votre réponse rapidement, M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, on n'est ni valets ni deux de pique. M. le Président, le député de Bertrand, et je l'ai averti en commission parlementaire, sème la confusion parmi les agriculteurs. Vous jouez le jeu des Américains. C'est une position de négociation qu'ils ont prise. Ne semez pas cette confusion...

Le Président: M. le ministre.

M. Ciaccia: ...et ne jouez pas le jeu de ceux avec qui nous négocions. Je vous invite, M. le Président...

Le Président: Brièvement, une très brève conclusion, mais en vous adressant à la présidence, M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, j'invite le député de Bertrand à être un peu plus responsable.

Le Président: Pour une question principale maintenant, M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Oui. Le ministre l'aurait été plus s'il avait déposé ce qu'on a demandé. C'est ça, la responsabilité. S'il en avait, des avis, il les aurait déposés.

Le Président: Écoutez, là! Je vous reconnais en question principale. À ce moment-là, pas de commentaires sur la réponse précédente. S'il y a quelque chose, c'est une question complémentaire qui devrait s'appliquer à ce moment-ci. Alors, s'il vous plaît! Alors, question principale.


Impact du discours sur le budget dans les régions

M. Gendron: Les deux présidents des deux unions de municipalités du Québec considèrent que le ministre des Finances, lors de sa présentation de budget, n'avait strictement rien à offrir aux régions du Québec et que son budget ne favorisera pas la relance des régions et n'offre, et je les cite, aucun projet mobilisateur qui permettrait aux régions d'accompagner leurs projets. L'UMRCQ s'inquiète, de plus, des prévisions du taux de chômage dans le budget, qui demeureront très élevées – confirmé par le gouvernement – et le ministre n'a absolument rien prévu dans son budget pour réduire le chômage en région.

M. le Président, la question: Pourquoi le ministre des Finances est-il resté complètement insensible à la situation déplorable et grave de désintégration, dans bien des cas, et de détérioration économique en région dans son discours sur le budget, et pourquoi ne pas avoir prévu des mesures de relance concrètes, spécifiques pour certaines régions du Québec?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis retourné en arrière pour voir si jamais un gouvernement n'avait fait autant que le gouvernement présent et je n'ai trouvé aucun gouvernement dans l'histoire récente du Québec qui ait fait autant d'efforts pour créer des emplois que ce gouvernement-ci depuis les derniers six mois, M. le Président.

Nous avons annoncé un plan de création d'emplois qui va faire en sorte que le gouvernement va dépenser 1 000 000 000 $ sur trois ans, en novembre dernier. Nous avons signé un programme d'infrastructures où il va se dépenser 1 600 000 000 $ au cours des trois prochaines années, en plus du programme Virage Rénovation.

M. le Président, ces trois programmes-là seulement, comment pensez-vous qu'ils sont financés? Ils sont financés par les mesures qui étaient dans le budget de la semaine dernière. C'est là qu'est l'argent pour les financer pour la prochaine année, de sorte, M. le Président, qu'on peut affirmer aujourd'hui que le gouvernement du Québec va dépenser, au cours des trois prochaines années, pour la création d'emplois, partout au Québec et dans les régions, 1 600 000 000 $ de fonds propres du Québec sur des investissements totaux de 3 000 000 000 $. C'est du jamais vu, M. le Président, et certainement pas dans le temps du Parti québécois.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Gendron: Comment le ministre des Finances explique-t-il soit les problèmes de cécité du président de l'UMRCQ ou de l'UMQ: rien pour les municipalités, aucune mesure pour les régions et, à même votre propre budget, vous «jackez» – excusez l'expression – le chômage à 11 %? Est-ce que c'est parce que ça aura un bon effet, vos mesures?

Le Président: Alors, M. le ministre... Alors, M. le ministre des Finances. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, le budget prévoit une diminution graduelle du taux de chômage au cours des cinq prochaines années. Et ce gouvernement s'est engagé à aller encore plus loin et à réduire le taux de chômage jusqu'à 5 % d'ici cinq ans. M. le Président, dans le budget, on a les mesures pour financer le plan décentralisé de création d'emplois dans les régions, puisque le député s'inquiète des régions. Il y a 100 000 000 $ par année, M. le Président, qui vont être mis à la disposition des régions pour financer tous les projets que les régions voudront bien susciter.

M. le Président, jamais dans l'histoire du Québec un gouvernement n'a mis 100 000 000 $ par année pour des projets en région. Et je ne comprends pas le député, M. le Président, qui ose poser une telle question en Chambre. Il nous donne l'occasion inespérée de faire la promotion de cette mesure qui est inusitée dans l'histoire du Québec et qui va faire en sorte que le gouvernement va créer des milliers et des milliers d'emplois dans les régions du Québec. M. le Président, qui dit mieux?

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, pour une question complémentaire, M. le député de Bonaventure.

M. Landry: M. le Président, si la relance de l'emploi dans les régions revêt une si grande importance pour le gouvernement, comment le ministre des Finances explique-t-il que le programme PARTM, qui allouait 6 000 000 $ l'an dernier à la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, soit réduit à 2 000 000 $ en 1994-1995?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, il y a quand même, dans le budget, des mesures spécifiques pour la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine. D'ailleurs, c'est la seule région du Québec qui a un programme spécifique pour elle-même dans le budget du Québec. Et, M. le Président, les citoyens de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, comme tous les autres citoyens du Québec, auront l'avantage de voir, à partir du mois prochain, dans un mois et demi, des baisses d'impôt substantielles dans leur paie à chaque deux semaines ou à chaque semaine, selon qu'ils sont payés à toutes les deux semaines ou à chaque semaine, M. le Président. Et ça va également permettre de stimuler l'économie de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et, éventuellement, la création d'emplois.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je demande la collaboration et l'attention des collègues, s'il vous plaît! Mme la députée de Chicoutimi, en question principale.


Participation du président-directeur général de M3i au Comité d'évaluation des projets du Fonds de développement technologique

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le Fonds de développement technologique, sur recommandation du Comité d'évaluation des projets, comité sur lequel siège M. Gilsig, P.-D.G. de M3i, a accordé une aide financière de plus de 9 000 000 $ à cette dernière.

Alors, ma question au ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie: Le ministre trouve-t-il normal, acceptable que le président-directeur général de M3i, signataire d'une demande d'aide financière au Fonds de développement technologique, participe à l'évaluation de son projet et à sa recommandation pour fins de financement?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): Assez, c'est assez, M. le Président. Pendant le référendum, vous avez attaqué les Bombardier, vous avez attaqué les compagnies...

Le Président: Non, un instant! Non, un instant! Un instant! Un instant! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: L'article 79 s'applique à un ministre autant qu'à celui qui pose la question.

Le Président: Alors, j'invite le ministre à répondre à la question, s'il vous plaît, sans, évidemment, susciter de débat et en vous adressant à la présidence, s'il vous plaît.

(14 h 50)

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, 11 personnes indépendantes, et de façon bénévole, siègent au Comité d'évaluation des projets, dont M. Toby Gilsig. En 1989, à l'article 4 du code du centre d'évaluation des projets, c'est clairement dit: Le centre d'évaluation des projets convient que ses délibérations sont confidentielles et que ses membres devront s'abstenir de prendre part aux décisions concernant des dossiers où ils ou elles pourraient être en conflit d'intérêts. Le cas échéant, le retrait d'un dossier particulier doit être consigné dans un document écrit auquel le gouvernement pourra faire référence.

M. le Président, je dépose un affidavit du secrétaire du Fonds de développement technologique, M. Jean-Nil Pintal, qui dit, au point 13 de son affidavit: M. Toby Gilsig, le président de M3i, une des entreprises partenaires du projet IMAGE, qui a été annoncé, en 1992, par le premier ministre du Québec – donc, on recycle des nouvelles, M. le Président – est membre du Comité d'évaluation des projets du Fonds de développement technologique.

En contradiction avec ce qui a été mentionné par les médias, récemment, M. Toby Gilsig était absent lors de la rencontre du Comité d'évaluation des projets du 12 juin 1992. Cette rencontre est la seule où a été examiné le projet IMAGE, M. le Président.

Des voix: Bravo!


Document déposé

Le Président: Alors, À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document? Consentement. Le document est déposé.

Question principale. À l'ordre, s'il vous plaît! Question principale, M. le député de Duplessis.


Assujettissement du camionnage en vrac au décret de la construction

M. Perron: Merci, M. le Président. Les réponses des ministres des Transports et de l'Emploi aux questions sur l'assujettissement ou non des camionneurs en vrac au décret de la construction ne sont pas rassurantes pour ces derniers. Les deux ministres se renvoient la balle et ne manifestent aucune volonté de clarifier le régime juridique des camionneurs qui travaillent sur les chantiers de construction du Québec. Pendant que les deux ministres se promènent en limousine, les camionneurs voient leurs camions stationnés.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, je vous invite à vous conformer au règlement. S'il vous plaît, là! À l'ordre! Alors, reposez votre question directement. Situez brièvement votre question, une ou deux phrases, et posez votre question. Ça évite des réponses trop longues également. Alors, votre question, s'il vous plaît.

M. Perron: M. le Président, pendant que les deux ministres se lancent la balle, les camionneurs voient leurs camions stationnés dans les arrière-cours, reçoivent des réclamations, des avis de poursuite et doivent se défendre devant les tribunaux parce que le gouvernement n'a pas le courage de prendre les décisions dans ce dossier.

Ma question au ministre des Transports: Qu'est-ce que le ministre entend faire pour clarifier le régime juridique des camionneurs en vrac qui travaillent sur les chantiers de construction du Québec et que propose-t-il à ceux qui reçoivent des réclamations et des poursuites, actuellement?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Cherry: M. le Président, dans un premier temps, il y a quand même une partie de la question du député – il l'a dit lui-même dans son introduction – qui est présentement devant les tribunaux. Donc, il va comprendre que, cette partie-là, il m'est impossible d'en traiter. J'ai décidé, comme la majorité des gens, de respecter les règles de l'Assemblée nationale et de m'y soumettre.

Concernant la situation des travailleurs en vrac sur les chantiers de construction, quand il s'agit de chantiers à pied d'oeuvre, mon collègue a bien répondu. Les difficultés, par rapport aux «vraquistes»: il y a déjà une entente avec eux. J'ai rencontré, depuis les questions que vous m'avez posées en Chambre, M. Bélanger, concernant la situation des «vraquistes». On entretient avec eux des relations régulières et on a l'intention, M. le Président, de trouver une solution définitive à cette situation-là, mais toujours dans le respect de ne pas m'impliquer, comme ministre des Transports, dans la partie qui est présentement devant les tribunaux.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.


Inspection des centres d'accueil clandestins pour personnes âgées

M. Trudel: Oui, M. le Président. Le Tribunal des droits de la personne vient de condamner les méthodes d'exploitation barbares d'un centre d'accueil privé pour personnes âgées dans la ville de Lachine. Malgré les dispositions de la loi, qui permettent au gouvernement d'inspecter et d'intervenir en pareil cas, il semble bien que l'immobilisme et le laisser-faire condamnent des personnes âgées à être à la merci de personnes sans scrupule qui exploitent des foyers clandestins sans permis.

Ma question à la ministre de la Santé et des Services sociaux est bien simple: Va-t-elle enfin émettre des directives pour faire cesser ces pratiques, faire inspecter ces foyers? Et pourquoi accepte-t-elle que cette Résidence Santa Barbara, à Lachine, continue d'opérer malgré les dénonciations et les condamnations du Tribunal des droits de la personne?

Le Président: Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, comme vous le savez, la nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux confère des responsabilités très précises au niveau des régies régionales au regard des ressources sans permis: d'abord d'identifier ces ressources-là et, deuxièmement aussi, des responsabilités au niveau des centres locaux de services communautaires.

Quant au cas qui nous concerne présentement, M. le Président, c'est un jugement qui a été émis vendredi dernier, à ma connaissance, que nous sommes en train d'analyser présentement au ministère. Et, ce que j'en sais, M. le Président, c'est que le jugement dirait très clairement que les dispositions légales présentement prévues à la loi sont suffisantes pour avoir des actions très précises au regard des foyers sans permis, mais qu'il y aurait un problème au niveau de la mise en oeuvre ou de la mise en application des articles de la loi. Alors, soyez assuré, M. le Président, que je vais examiner ce dossier avec toute l'attention nécessaire et, si on doit émettre des directives précises aux professionnels du réseau, M. le Président, on le fera.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.


Réponses différées

Tel que mentionné précédemment, maintenant... Alors, je demande la collaboration et l'attention des collègues. Tel que mentionné précédemment, M. le ministre des Ressources naturelles répondra à une question posée le 11 mai 1994 par M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette concernant l'octroi des droits hydrauliques sur le site de Val-Jalbert, au Lac-Saint-Jean. Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.


Octroi des droits hydrauliques sur le site de Val-Jalbert, au Lac-Saint-Jean

M. Sirros: Merci, M. le Président. La semaine passée, le député de Joliette me posait la question suivante, à savoir si je pouvais déposer l'analyse qui a été faite pour octroyer à MCQ Hydro-Canada les droits hydrauliques sur l'exploitation plutôt qu'à la compagnie montagnaise qui était sa rivale.

M. le Président, j'aimerais peut-être commencer en disant que c'est faux, c'est faux d'affirmer que des droits hydrauliques ont été octroyés, ça n'a jamais été le cas, et c'est également faux d'affirmer que la compagnie montagnaise était la rivale de cette compagnie-ci au moment de la présentation de son projet.

J'aimerais donc déposer, M. le Président, une série de documents: d'abord, la lettre d'intention du promoteur du projet, datée du 27 juin 1990, adressée au ministère de l'Énergie et des Ressources du temps; l'étude de préfaisabilité qui l'accompagnait; une lettre d'intention du ministère à la compagnie en question; la politique en vigueur en septembre 1990 concernant l'octroi des droits hydrauliques, d'où sont tirées les conditions qu'on retrouve dans la lettre d'intention, et, finalement, M. le Président, la politique en vigueur aujourd'hui suite à quatre ans d'amélioration, si vous voulez.

Alors, j'aimerais déposer ces documents, M. le Président, en réponse à la question.


Documents déposés

Le Président: Très bien. Est-ce qu'il y a consentement au dépôt des documents? Consentement. Donc, les documents sont déposés. Tel que le prévoit le règlement, vous avez droit à une question complémentaire, M. leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que vous me permettez également de demander le consentement pour déposer le rapport des trois rencontres concernant le projet d'implantation des petites centrales hydroélectriques sur les rivières Ouiatchouan et Métabetchouan, dans lequel procès-verbal vous pouvez retrouver l'opinion de la SEPAQ concernant le projet de barrage tel que présenté par les Montagnais, et à la page 13 en particulier?


Document déposé

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document? Consentement. Alors, le document est déposé. Votre question, M. le leader.

M. Chevrette: Oui, ma question est la suivante, M. le Président, et ça fait justement rapport au dépôt que je viens de faire: Comment le ministre peut-il m'expliquer que la SEPAQ considérait le projet montagnais plus intéressant, tant au point de vue technique qu'environnemental, beaucoup plus intéressant que le projet présenté par Fernand Lalonde et Pierre Lajoie, mais que, malgré cela, c'est le projet des amis du régime qui a été retenu?

Le Président: Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.

(15 heures)

M. Sirros: M. le Président, encore une fois, je laisse le choix des mots au député. J'aimerais simplement rétablir les faits. La compagnie MCQ dépose à la SEPAQ un projet de harnachement d'une chute un an avant que ne se manifeste la compagnie montagnaise. La compagnie montagnaise est par la suite référée par la SEPAQ à la compagnie MCQ pour voir s'il y a lieu de s'entendre ensemble. La compagnie MCQ offre à la compagnie montagnaise une possibilité de partenariat. La compagnie montagnaise refuse, parce que ce n'est pas le même genre de projets, et se retire. Et c'est pour ça que j'ai dit, d'abord, que, au moment où la demande a été formulée, il n'y avait pas de rival, comme l'affirme le député.

Et, M. le Président, j'aimerais tout simplement dire que, aujourd'hui, cette même compagnie montagnaise fait une expérience-pilote avec un autre site qui lui appartient et qui est en voie d'être développé de façon très heureuse pour tout le monde.

Le Président: Alors, très bien.

Maintenant, il n'y a pas de votes reportés.


Motions sans préavis

Motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Modifier le nom des parrains de certains projets de loi

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le nom de M. Normand Cherry soit substitué à celui de M. Sam Elkas comme parrain du projet de loi 126, Loi modifiant le Code de la sécurité routière; que le nom de Mme Violette Trépanier soit substitué à celui de M. André Bourbeau comme parrain du projet de loi 128, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu; que le nom de M. Jacques Chagnon soit substitué à celui de M. Raymond Savoie comme parrain du projet de loi 140, Loi modifiant le Code des professions et d'autres lois professionnelles; que le nom de Mme Lucienne Robillard soit substitué à celui de M. Marc-Yvan Côté comme parrain du projet de loi 125, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que cette motion du leader du gouvernement est adoptée? Donc, adopté.

Maintenant, avis touchant les travaux des commissions.

Avant, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, une autre motion, M. le Président. Je propose que la commission de l'économie et du travail tienne ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994, les 24 et 25 mai 1994 à la salle du Conseil législatif, les 26 et 31 mai à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, ainsi que le 1er juin à la salle du Conseil législatif, conformément à l'horaire ci-après déposé. Et je joins l'horaire, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je voudrais retenir mon consentement, parce que j'aurais à discuter avec le leader, mais en lui garantissant qu'on pourra revenir d'ici 18 heures, ce soir, sur la même motion, parce que j'aurais deux... Il y a un problème avec deux mémoires, et puis je veux en discuter avec le leader.

Le Président: Alors, d'accord, il y a consentement de l'Assemblée. Nous allons revenir à cette question un peu plus tard, d'ici 18 heures. Ça va? Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons maintenant procéder aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. J'avise donc cette Assemblée que, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi 8, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et d'autres dispositions législatives.

Le Président: Alors, très bien.

Maintenant, renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, ceci met donc fin aux affaires courantes.


Affaires du jour

Nous allons maintenant procéder aux affaires du jour.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, si vous voulez m'indiquer l'article qui fera l'objet d'un débat.

M. Doyon: Oui, l'article 6, M. le Président.


Projet de loi 7


Adoption du principe

Le Président: À l'article 6, M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles propose maintenant la motion d'adoption du principe du projet de loi 7, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires internationales, la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et d'autres dispositions législatives.

Je cède donc la parole à M. le ministre.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Alors, M. le Président, le projet de loi 7, que nous étudions aujourd'hui, vient modifier la Loi sur le ministère des Affaires internationales. Il remplace le nom de ce ministère par celui de «ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles» et y intègre certaines dispositions de la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration relatives aux fonctions confiées au ministre. Ce projet de loi modifie également la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, qui devient la Loi sur l'immigration au Québec.

En ouvrant le débat sur ce projet de loi soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale, je voudrais souligner que ces dispositions visent à confirmer les mandats exercés en vertu des deux lois précédentes et à permettre de les exécuter avec une plus grande efficacité. De fait, ce projet de loi s'inscrit dans la ligne d'une démarche législative qui, depuis des décennies, a permis d'adapter le cadre de notre conduite des affaires internationales à l'environnement international et notre politique d'immigration en fonction de l'évolution de la société québécoise.

Le souci d'assumer tous les acquis valables de la continuité n'exclut pas, bien au contraire, la nécessité de s'adapter aux nouvelles exigences d'une réalité qui évolue très rapidement. C'est dans cette perspective que je voudrais évoquer les principaux aspects des mandats concernés par le projet de loi 7 et signaler certains résultats que leur exercice a permis d'atteindre au cours des dernières années. Cela me conduira, dans un deuxième temps, à évoquer les perspectives dans lesquelles nous comptons les assumer avec la mise en vigueur du projet de loi soumis à notre examen.

L'une des caractéristiques fondamentales de la fin du XXe siècle, c'est que toutes les sociétés doivent assurer leur développement dans un contexte d'interdépendance grandissant. Cette réalité comporte des exigences nouvelles pour tous les gouvernements. Pour une société comme le Québec, comment ne pas voir l'apport exceptionnel que peut fournir l'arrivée d'immigrants qui apportent une expertise et un dynamisme qui se conjuguent bien aux désirs de tous les Québécois de continuer à être à la pointe du progrès, tout en le faisant majoritairement en francais? C'est déjà dire que les mandats concernant les affaires internationales, l'immigration et les communautés culturelles comptent parmi les responsabilités très importantes que le gouvernement du Québec doit assumer pour exercer efficacement ses responsabilités dans le contexte actuel.

Permettez-moi d'expliciter les principaux aspects de ces mandats, en commençant par celui relatif aux affaires internationales. Dans le contexte d'interdépendance généralisée, le développement économique, social et culturel d'une société doit désormais être assuré en tenant compte des prises de position de la communauté internationale. Devant les exigences accrues de la concurrence, le gouvernement doit stimuler une croissance durable, dépasser le court terme dans le choix de ses priorités et renforcer la coopération avec ses interlocuteurs étrangers. Le gouvernement est déterminé à agir pour relever les défis d'un monde qui ne vit pas au rythme de nos débats internes.

Au plan politique, la fin de la guerre froide, la disparition de l'empire soviétique et les toutes récentes élections multiraciales en Afrique du Sud illustrent bien l'ampleur du tournant historique qui s'effectue actuellement dans le monde. Toute tentative de développement du commerce extérieur doit donc s'inspirer de réalités politiques nouvelles.

Les relations Nord-Sud sont elles aussi en redéfinition. D'abord, il n'est plus possible de diviser la planète en trois grands ensembles: les pays occidentaux, le camp socialiste et le tiers monde. Cette classification était essentiellement politique et, malheureusement, les pays éprouvant de graves difficultés intérieures étaient moins bien connus par l'opinion publique internationale qu'ils ne le sont aujourd'hui. Maintenant, on doit parler de pays industrialisés, de pays moins développés, de pays dont les économies sont en émergence. On se doit aussi de les considérer tous à égalité, comme des partenaires économiques et institutionnels, si bien que l'expression même de relations Nord-Sud qui sous-entendait une inégalité flagrante a vieilli extrêmement rapidement.

En Amérique latine, par exemple, l'évolution des régimes politiques s'est accompagnée d'un renforcement des structures démocratiques. Cette situation confère à ces gouvernements une stabilité et une légitimité qui facilitent l'établissement de rapports institutionnels durables et de relations allant dans le sens constructif d'échanges d'expertise et de technologie. On va au-delà des échanges traditionnels de biens et de services.

Désormais, l'ouverture au monde est donc indispensable. Elle conduit chaque société à situer et à déterminer ses politiques internes en tirant les enseignements de l'évolution du contexte international. Pour réussir dans ce nouveau contexte, il importe de dégager certains objectifs et de coordonner les efforts requis pour les atteindre.

C'est justement ce que nous faisions en décidant, par une loi adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en novembre 1988, de revoir l'organisation des activités internationales du Québec, jusque-là conduites par plusieurs ministères, et de confier au ministère des Affaires internationales qu'il créait la coordination de tous les volets de l'action du gouvernement du Québec à l'étranger.

(15 h 10)

La loi sur les affaires internationales, adoptée en 1988 et dont le projet de loi 7 que nous étudions aujourd'hui réédite les engagements pris par le gouvernement en 1988, a constitué une étape significative dans une série remarquable de gestes législatifs que les divers gouvernements du Québec ont posés pour se donner les moyens d'agir à l'étranger et d'y trouver certains instruments essentiels pour le développement du Québec.

La loi de 1988 a permis au ministère qu'elle a mis en place d'apporter une contribution très concrète au développement du Québec: d'abord, par l'élaboration d'une politique d'affaires internationales, que j'ai rendue publique en septembre 1991; ensuite, en assurant la cohérence et l'efficacité des activités internationales des divers intervenants québécois; enfin, en assurant l'adaptation des services et des moyens aux nouvelles exigences de l'action internationale.

La loi, adoptée en 1988, donnait mandat au ministre d'élaborer et de faire approuver une politique d'affaires internationales visant à contribuer au rayonnement du Québec à l'étranger, ainsi qu'à son développement économique et socioculturel. Reconnaissant la réalité de l'interdépendance et favorisant la libéralisation ordonnée des échanges internationaux, cette politique fixe des objectifs et définit des priorités.

Cette politique, fondée sur l'ouverture, nous l'avons appliquée dans notre participation aux travaux du GATT, qui ont conduit à l'accord récemment signé à Marrakech. Nous avons été très actifs pour appuyer la conduite de ces négociations qui comportaient des enjeux majeurs aussi bien pour nos entreprises manufacturières et agricoles que pour nos entreprises de services et pour nos industries culturelles. Nous avons fait valoir nos vues, qui ont été très largement prises en compte par les négociateurs canadiens. Nous pouvons être satisfaits des résultats obtenus. Par exemple, le système de gestion de l'offre en agriculture sera maintenu, mais les mesures de restriction des importations à la frontière seront remplacées par des tarifs douaniers assez élevés, pour préserver les acquis des producteurs impliqués dans les secteurs laitier, des oeufs et de la volaille. Compte tenu de ces tarifs élevés, des subventions autorisées et des engagements déjà remplis par le Canada, le Québec sera capable de préserver l'essentiel des quatre piliers de sa politique agricole que sont la gestion de l'offre, le financement agricole, l'assurance-revenu et l'assurance-récolte.

Au niveau des industries culturelles, les Européens se sont rendus aux arguments développés par le Canada, ce qui fait que la capacité d'intervention des pouvoirs publics est intacte à l'intérieur des frontières. Au niveau international, nos intérêts à l'exportation sont préservés, notamment en matière d'accords de coproduction et de distribution.

Les subventions agricoles et industrielles québécoises seront analysées de la même façon que les subventions fédérales, si de telles subventions étaient contestées par un autre pays. Ceci a été une grande victoire du Québec durant le dernier mois de la négociation.

La diminution des tarifs douaniers imposés aux exportations québécoises pour plusieurs produits importants de notre économie, tels l'aluminium, le bois, le cuivre et le zinc, aura un impact positif significatif, s'ajoutant aux réductions à zéro qui seront en vigueur pour les produits pharmaceutiques, la bière, certains spiritueux et les meubles, tous des produits où nos exportations sont déjà importantes. L'industrie textile du Québec gagne un répit de cinq ans, un peu moins pour son industrie du vêtement.

Dans les services, des bénéfices importants sont enregistrés dans les télécommunications, le génie-conseil, le secteur financier et les technologies de protection de l'environnement.

En ce qui concerne les brevets de l'industrie pharmaceutique, où 50 % de la capacité canadienne est au Québec, une meilleure protection va accroître la recherche et le développement et les emplois de grande qualité qui y sont associés pour nos jeunes scientifiques.

Par ailleurs, l'accord permet au gouvernement du Québec de maintenir l'essentiel de ses lois, règlements, pratiques et politiques gouvernementales. Enfin, l'accord limite les recours arbitraires auxquels nous avons déjà été soumis dans les conflits commerciaux. À titre d'exemple, la cause du magnésium ne pourrait plus être entendue par les nouvelles règles quant à la représentativité du plaignant.

Tous ces résultats n'auraient pu être atteints sans la vigilance démontrée par le gouvernement du Québec pour identifier les enjeux de la négociation de l'Uruguay Round et pour inclure nos positions dans les propositions canadiennes. Le Canada a su tirer profit de sa représentation au plus haut niveau des négociations – le Groupe des Quatre, le Groupe des Sept – avec ses associés internationaux pour défendre les intérêts des provinces, lesquelles, comme le Québec, n'auraient pu assurer seules l'atteinte de leurs objectifs parmi 115 pays signataires. C'est dans la même perspective que nous avons appuyé les négociations qui ont conduit à l'ALENA. Je pense que nous avons adopté une stratégie qui s'inscrit bien dans l'évolution actuelle des échanges internationaux en favorisant la constitution d'ensembles régionaux à l'intérieur desquels va se développer une collaboration accrue qui va permettre à ceux-ci d'être des acteurs majeurs dans la dynamique internationale.

Nous avons consacré, également, beaucoup d'efforts à la mise au point de la stratégie de défense des intérêts québécois au cours des enquêtes ouvertes par le Département du commerce américain. Vous avez, d'ailleurs, pu constater que le résultat de nos démarches a été largement positif pour les entreprises du Québec, celles opérant dans le bois d'oeuvre, la viande de porc, certains produits de l'acier et, bien sûr, le magnésium, et les contrats à partage de risques et de bénéfices signés avec Hydro-Québec.

On ne peut donc pas assurer une relance économique au Québec sans inclure une contribution significative de l'action internationale. C'est pourquoi, à côté des négociations liées à nos politiques commerciales, nous nous sommes aussi donné pour objectif, au cours des cinq prochaines années, d'augmenter de 11 000 000 000 $ la valeur des exportations de biens et de services. Cette augmentation annuelle moyenne de 6 % pourrait contribuer au maintien et à la création de dizaine de milliers d'emplois de qualité et de débouchés pour les jeunes.

C'est dans le but d'aider les entreprises à relever le défi de la concurrence mondiale et de créer les emplois de l'avenir que nous avons mis sur pied des mesures qui visent à la fois l'augmentation de la valeur des exportations et l'augmentation du nombre de nouveaux exportateurs. Elles s'adressent donc à la fois aux entreprises déjà actives sur les marchés étrangers et à celles qui ont le potentiel requis, mais qui ont besoin de soutien pour le développer. Ces mesures comportent de nouveaux programmes et l'amélioration de programmes existants.

Au nombre des nouveautés, on retrouve un programme d'aide visant la mise en place de plans stratégiques de développement des activités internationales. Il vise une augmentation de 10 % des ventes de 500 entreprises exportatrices.

Un nouveau programme destiné à favoriser la conclusion d'alliances stratégiques est également mis en place. Les alliances stratégiques sont l'un des moyens privilégiés permettant aux entreprises de s'adapter aux exigences de la mondialisation et d'avoir une action soutenue sur les marchés les plus importants.

Les mesures de relance prévoient, également, la bonification du Programme d'aide à la promotion des exportations. On augmente la contribution financière du ministère, dans certains cas, en plus d'assouplir le processus administratif et d'élargir le programme à plus de clientèles, à des associations d'affaires et à des maisons de commerce, notamment. Nous ouvrons également le programme aux industries culturelles parce que ces dernières doivent évoluer dans un contexte qui comporte, comme pour les autres entreprises, des exigences liées à des partenariats internationaux. Nous avons prévu un budget destiné à aider les entreprises québécoises à soumissionner sur des projets internationaux, principalement dans le secteur de l'environnement.

(15 h 20)

La création du Bureau de promotion des exportations contribuera à la croissance des exportations en se concentrant sur l'identification et la préparation de nouvelles entreprises exportatrices. Ce nouveau service travaillera en étroite collaboration avec les associations régionales et sectorielles pour atteindre son objectif de 200 nouveaux exportateurs par année.

Le deuxième élément de notre volet international du plan de relance concerne la prospection des investissements étrangers. Ces investissements jouent un rôle de plus en plus déterminant dans l'économie mondiale. Leur croissance est quatre fois plus rapide que celle du commerce international des marchandises. Ils sont devenus un important facteur de développement. Or, la demande de capitaux à travers le monde et la situation de l'épargne créent une situation extrêmement concurrentielle qui nous impose des efforts accrus pour obtenir notre part de ces investissements.

De toute évidence, quand on est capable de convaincre The Economist de tenir sa conférence sur les investisseurs étrangers de différents pays du monde au Québec et que le chef de l'Opposition officielle se permet de déclarer publiquement qu'il était futile, pour lui, de s'adresser aux participants, il admet explicitement que le discours de la séparation du Québec rend extrêmement difficile d'attirer des investissements étrangers au Québec. Et je cite le chef de l'Opposition, je le cite: «Vouloir convaincre ces investisseurs des bien-fondés de la souveraineté, c'était comme parler à un mur [...] ça fait 25 ans que ça dure.» Fin de la citation.

Alors, quand je vais moi-même en mission, mon objectif est de faire connaître le Québec et d'établir des relations personnelles avec mes interlocuteurs, parce que les relations humaines sont à la base de toutes les activités qui suivent nos rencontres. Je parle des valeurs, des traditions, des changements qui se sont produits depuis 30 ans, par exemple dans notre système d'éducation, dans nos institutions publiques de santé et d'assurances. J'invite mes interlocuteurs, surtout dans les pays qui sont eux-mêmes en pleine transition – en Europe centrale depuis la chute du mur de Berlin, en Amérique latine, au Viêt-nam, mais aussi en Afrique – afin qu'ils se familiarisent avec nos expériences pour en tirer des enseignements chez eux. On propose alors des ententes d'échanges institutionnels. J'explique que nous avons réalisé cette transition, la transition de notre économie, de nos institutions, à l'intérieur du système fédéral sans avoir eu besoin de chambarder nos institutions politiques pour y arriver.

Enfin, faire connaître le Québec veut aussi dire faire connaître notre savoir-faire et nos entreprises. Il est clair et net dans notre esprit que nos relations institutionnelles ouvrent des portes aux entreprises et que plusieurs d'entre elles les empruntent. Nous avons donc développé une approche globale des affaires internationales et, en cela, nous ajoutons une dimension québécoise à la réputation déjà établie du Canada. Le Canada a une réputation enviable dans le monde allant au-delà du nombre de ses habitants.

Certains Canadiens éminents ont marqué l'histoire de quelques pays. L'aide humanitaire et la contribution des Casques bleus à la résolution de conflits armés sont d'autres éléments de cette réputation, et le Québec y est associé de facto comme partenaire majeur de la Fédération canadienne. Et c'est à ce titre que nous avons été capables, au Québec, et pour les Québécois, de réaliser des gains substantiels auxquels je faisais allusion tantôt, en parlant des négociations du GATT et de celles de l'ALENA.

Quand je suis à Genève, par exemple, j'appartiens à une nation dont le commerce international totalise 356 000 000 000 $ et qui pèse plus lourd dans la balance que celui de bien d'autres pays, et les intérêts du Québec que je défends ont plus de chances d'être respectés que si je me présentais là avec un portefeuille de 63 000 000 000 $. Toute la présence, la réputation, l'historique du Canada sur le plan international nous bénéficient. Et c'est la même chose à Washington. Quand je vais défendre le dossier de la bière pour notre industrie québécoise, je fais partie d'un ensemble valant 264 000 000 000 $, le plus grand partenaire des États-Unis au monde, le Canada, au lieu de 39 000 000 000 $ si je me présentais seul.

Alors, l'un des traits marquants de nos relations internationales est l'importance des rapports que nous avons avec l'Amérique, en particulier avec les États-Unis, comme je viens de le démontrer. En 1993, près de 80 % de nos exportations de marchandises y ont été destinées et 45 % de nos importations en sont provenues, ce qui nous permet un excédent commercial qui compense pour les déficits que nous enregistrons avec les autres régions.

Le résultat obtenu dans notre commerce avec notre voisin du Sud confirme le bien-fondé de notre position sur le libre-échange. C'est dans cette perspective que nous avons donc porté une grande attention à ce marché pour tirer profit des nouvelles opportunités qu'offre l'ALENA. De même, le Mexique est un partenaire dont l'importance s'accroît. Plusieurs contrats substantiels y ont été signés, de nombreuses entreprises québécoises y ont développé des activités lucratives et prometteuses. Il est intéressant de noter qu'au cours de 1993 le Québec a augmenté de 22,5 % ses exportations vers le Mexique.

Nous avons, par ailleurs, tissé, au fil des ans, de multiples liens avec l'Europe. La mise en place de l'Union européenne exige des efforts supplémentaires pour développer des partenariats qui nous serviront de tremplin dans nos échanges avec ces pays. Nous avons été parmi les premiers à nouer des rapports avec les nouveaux pays d'Europe centrale, souvent suivant des formules originales, comme à Prague, à Bucarest, à Budapest et à Kiev. J'ai noté un intérêt très marqué dans ces pays pour certains aspects de l'expérience québécoise, liés, par exemple, aux formules coopératives, à l'articulation du rôle entre le gouvernement et l'entreprise privée ou encore au rôle d'institutions comme la Caisse de dépôt. Il y a là des possibilités de collaboration importantes et prometteuses.

Pour le gouvernement du Québec, la France occupe, en Europe, une place particulière. Je vous rappelle que l'on ne compte pas moins de 220 entreprises françaises implantées au Québec, dont 20 au cours de la dernière année, et 80 entreprises québécoises en France. Cette coopération s'étend également aux industries culturelles, aux expériences en matière d'emploi et de formation professionnelle ainsi qu'à la réflexion sur la linguistique et l'éducation. Depuis maintenant 25 ans, l'Office franco-québécois pour la jeunesse organise des échanges dans le cadre desquels de nombreux jeunes ont pu apprendre à connaître l'autre société. Ces échanges ont été réorientés récemment et axés sur l'insertion au marché du travail.

Le gouvernement a, par ailleurs, le souci de développer ses rapports avec les pays d'Asie. Dans la dynamique internationale actuelle, l'Asie occupe une place grandissante. C'est certainement l'un des pôles les plus dynamiques et les plus prometteurs. On ne peut avoir de politique internationale sans politique asiatique. Cette région présente des exigences particulières et elle requiert des ressources importantes et des efforts systématiques. C'est dans cette perspective que nous allons développer notre stratégie asiatique, en concertation avec les principaux leaders québécois et le gouvernement fédéral, afin de bénéficier des programmes déjà mis en place par celui-ci et de bénéficier de la réputation bien établie du Canada, en particulier en Chine.

(15 h 30)

Je répète et j'insiste, l'un des instruments de nos relations avec tous ces partenaires est l'ensemble des missions que nous menons à l'étranger. Ces missions demeurent un moyen privilégié de présenter le Québec aux décideurs étrangers et de développer des affaires avec nos partenaires étrangers. J'ai tenu à piloter personnellement certaines d'entre elles, notamment dans des pays où le lien d'affaires est en partie tributaire des liens intergouvernementaux, comme en Chine, en Amérique latine et en Afrique du Sud.

Un autre instrument important dont dispose le ministère, c'est son réseau de représentation à l'étranger. La configuration de ce réseau, l'étendue de ses mandats et ses moyens évoluent constamment. Nous avons donné une importance accrue au rôle de nos délégations dans la promotion des investissements étrangers et dans la promotion de la collaboration en matière de recherche et développement. Nous avons demandé à nos conseillers culturels d'accorder une importance plus grande aux échanges concernant les industries de la culture et des communications. Nous avons adapté nos activités de recrutement et de sélection d'immigrants en fonction de l'évolution de nos besoins et de la conjoncture internationale.

Le ministère a poursuivi l'échange de missions officielles régulières systématiques et planifiées, il a développé des réseaux de coopération et participé régulièrement aux activités des organisations internationales. Il a apporté son concours aux organismes qui travaillent pour attirer les bureaux de ces organisations, souvent avec succès, comme dans le cas du Secrétariat pour l'environnement de l'ALENA, qui s'établira à Montréal.

Plus personne aujourd'hui ne s'étonne de voir le gouvernement du Québec jouer un rôle aussi important dans les affaires internationales. C'est la même chose en matière d'immigration et d'intégration des immigrants. Dans ce dernier cas, le rôle du gouvernement s'est également développé avec une rapidité et une efficacité qui répondent bien aux nouvelles exigences de la situation du Québec et du contexte international.

Depuis 1968, année de création du ministère de l'Immigration du Québec, nos responsabilités se sont beaucoup accrues. Le gouvernement et la population du Québec ont pris conscience du rôle fondamental que jouent l'immigration et l'intégration des immigrants dans le développement démographique, culturel et économique du Québec. Depuis la signature de l'accord Gagnon-Tremblay en 1991, le Québec est consulté par le gouvernement fédéral aux fins de l'établissement des niveaux canadiens d'immigration. L'entente consacre aussi l'exclusivité de la sélection québécoise à l'égard des immigrants de la catégorie des indépendants. Elle accorde enfin au Québec la maîtrise d'oeuvre de l'intégration socio-économique, linguistique et culturelle des immigrants en retour d'un transfert de fonds du gouvernement central. Le gouvernement fédéral reste responsable des questions relatives à la santé et à la sécurité de même que de l'application de la convention de Genève sur les réfugiés.

Cet accord constitue, je me dois de le souligner, l'un des succès les plus importants des dernières années dans le domaine des relations fédérales-provinciales. C'est un modèle de dévolution administrative. Le fait que les pouvoirs de sélection et d'intégration soient assumés par la même instance favorise une plus grande maîtrise des phénomènes migratoires et une meilleure gestion de l'ensemble des dossiers.

Pour faire suite à cet accord, une première loi modifiant la loi constitutive du MCCI a été adoptée, en 1990, à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Cette première modification avait pour but de rendre opérationnel l'accord Gagnon-Tremblay–McDougall, qui entrait en vigueur le 1er avril de la même année. Un an plus tard, une seconde loi nous a permis certains ajustements encadrant la gestion courante de notre loi constitutive d'alors. Cette loi accordait des pouvoirs supplémentaires au ministre en ce qui touche la délivrance des certificats de sélection. Enfin, l'automne dernier, cette loi était encore modifiée pour principalement élargir le pouvoir du ministre d'imposer des conditions au droit d'établissement ou de pondérer les critères de sélection des immigrants pour permettre de mieux atteindre les objectifs poursuivis en matière de sélection des immigrants.

En procédant aujourd'hui à l'étude du projet de loi 7, l'Assemblée nationale s'assure de la concordance des anciennes lois constitutives des ministères en plus, bien sûr, de consacrer législativement la fusion de deux ministères prévue par un décret du Conseil des ministres.

Ce tour d'horizon, M. le Président, nous a permis de constater l'importance centrale des mandats que devra assumer le ministère mis en place par le projet de loi 7 soumis à notre attention. Les quelques résultats que j'ai évoqués témoignent déjà d'un bilan substantiel. Ce bilan très positif nous conduit à chercher les moyens de continuer à assumer ces mandats dans toute leur portée, tout en nous adaptant aux exigences de ressources rares et d'une efficacité accrue.

Je veux d'abord souligner que le présent projet de loi ne vise pas à réduire le mandat ou la capacité d'action du ministère mis en place. Bien au contraire, le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles intègre les mandats existants, les articule et va les assumer de façon encore plus efficace grâce aux synergies entraînées par la fusion. La création du ministère s'inscrit aussi dans le contexte du réalignement des dépenses gouvernementales. Cet effort de rationalisation des dépenses se reflète déjà dans la réorganisation du ministère, et, en particulier, des services communs du ministère. Les retombées financières de cette réorganisation administrative seront importantes et ont été estimées, de façon préliminaire, à environ 5 000 000 $, ou 100 postes de travail sur deux années financières.

Permettez-moi maintenant d'évoquer rapidement dans quelle perspective je compte diriger le ministère. L'expérience vécue depuis 1988 permet de conclure que le fait de confier à un seul ministère la responsabilité de la conduite des affaires internationales répond bien aux objectifs de cohérence, d'économie et d'efficacité qui étaient visés. Le projet de loi 7 soumis à notre examen maintient toutes les dispositions relatives au mandat confié au ministère et définit très bien le cadre de la collaboration requise pour en assurer l'exercice efficace. Nous maintenons le rôle du ministère dans la conduite des affaires internationales; nous maintenons sa responsabilité des activités à l'étranger du gouvernement, de ses ministères et organismes. Nous réaffirmons clairement la responsabilité d'ensemble dans la planification, l'organisation et la direction de l'action à l'étranger du gouvernement, de ses ministères et organismes, et dans la coordination, au Québec, de leurs activités d'affaires internationales. Nous confirmons le rôle du ministre dans la direction de la représentation du Québec à l'étranger.

Nous entendons poursuivre notre collaboration avec les différents ministères et organismes pour assurer la cohérence et l'efficacité de l'action des divers acteurs publics à l'étranger au service des objectifs et des priorités de développement économique et socioculturel du Québec. En effet, nos rapports avec les États-Unis, avec l'Europe, l'Asie, l'Amérique latine ou l'Afrique ne peuvent être épisodiques, ponctuels ou sans perspective d'ensemble. Il y va de notre développement industriel, de notre potentiel scientifique, de notre dynamisme culturel, comme de notre développement social, qui sont liés à notre capacité de nouer avec ces pays des alliances, d'assurer des collaborations soutenues et cohérentes, d'offrir des conditions d'échange où chacun trouve son avantage.

Il en va de même de la politique du Québec à l'égard de la francophonie multilatérale. L'alliance francophone n'est pas un caprice. Pour continuer à faire partie des sociétés les plus avancées, et pour le faire en français, aucun pays ne peut compter seulement sur ses propres ressources. Il faut une collaboration de tous les pays utilisant le français pour créer des réseaux qui vont renforcer le potentiel de création, de production et de distribution en français. Voilà pourquoi le Québec attache une si haute priorité au développement des institutions francophones multilatérales dont il est membre à part entière et à leur rôle axé sur les enjeux d'avenir spécifiques aux parlant français. L'importance des enjeux culturels liés à l'alliance francophone a incité le premier ministre à en confier la responsabilité à la titulaire du ministère de la Culture et des Communications. La communauté de nos points de vue et notre souci d'efficacité vont permettre à deux ministères de conjuguer leurs efforts pour mettre en oeuvre, avec vigueur et efficacité, la politique d'affaires internationales concernant la francophonie multilatérale.

(15 h 40)

Cela me conduit à réaffirmer la ferme intention du gouvernement de maintenir un réseau de délégations à l'étranger. Un tel réseau offre des services irremplaçables aux clientèles québécoises, une connaissance du territoire d'implantation, un accès aux décideurs et partenaires étrangers, des conseils et un soutien souvent indispensables à la réussite dans les démarches dans ces pays.

Comme je l'indiquais aux membres de cette Chambre lors de l'étude des crédits de notre ministère en matière d'immigration et de communautés culturelles, nous entendons procéder à une sélection des immigrants qui correspond aux besoins du Québec et à sa capacité d'accueil. Dans cette fusion, les services offerts aux immigrants, aux Québécois des communautés culturelles, demeurent. Nous continuons d'offrir à ceux qui choisissent le Québec des services d'intégration linguistique et économique de première qualité. Il est même permis de croire que la mise en commun de nos ressources et de nos connaissances en améliorera la qualité. Les Québécois des communautés culturelles trouvent également chez nous le même accueil que par le passé à des programmes les incitant à une plus grande participation à la vie collective.

Il m'importe également aujourd'hui de réaffirmer notre engagement à poursuivre les efforts amorcés pour assurer le développement de la collectivité francophone du Québec par l'immigration d'individus connaissant cette langue, mais qui, en plus, contribueront au développement économique du Québec et à son redressement démographique. L'article 18.4 de la loi étudiée aujourd'hui confirme spécifiquement cette mission, et je cite: Le ministre prend les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent, dès leur arrivée ou même avant qu'elles ne quittent leur pays d'origine, la connaissance de la langue française. Le ministre établit et maintient des services d'adaptation chargés de l'intégration harmonieuse des immigrants au sein de la société québécoise et plus particulièrement de la majorité francophone. Fin de la citation.

Nous estimons que l'approche proposée par le chef de l'Opposition et député de L'Assomption l'automne dernier visant l'abolition du MCCI, possiblement, et l'éclatement de ses responsabilités actuelles dans différents ministères n'est pas adéquate. Les Québécois des communautés culturelles ont besoin de services spécifiques pour que leurs conditions de vie particulières soient pleinement intégrées dans les préoccupations de tous. Dans ce contexte, l'existence de structures spécifiques qui s'intéressent directement aux attentes de ces groupes est souhaitable et nécessaire.

À titre d'exemple, M. le Président, il me suffira de mentionner certains domaines où le ministère a décidé de mettre l'accent au cours de l'année qui vient. Ainsi, un effort sera fait pour rejoindre tous les jeunes du secondaire, période importante pour la cristallisation des idées et des comportements. C'est à cette étape du développement des jeunes qu'il faut agir pour éviter le développement d'idéologies racistes ou discriminatoires. Un programme d'aide au renforcement des structures des communautés culturelles défavorisées sera également mis sur pied dans l'année qui vient. Nous avons en effet constaté que les membres de certaines communautés vivent des difficultés au niveau de l'organisation de leurs structures communautaires.

Enfin, l'offre de services en matière d'intégration linguistique, en plus d'être maintenue au même niveau que l'an dernier malgré les compressions budgétaires, sera diversifiée afin de rejoindre un plus grand nombre d'immigrants allophones. Le développement de programmes expérimentaux à temps partiel pour atteindre les immigrants en emploi et la possibilité d'un projet d'enseignement à distance seront sérieusement explorés.

M. le Président, le 11 janvier dernier, le premier ministre du Québec me faisait l'honneur de me confier la direction de ce nouveau ministère né de la fusion du ministère des Affaires internationales et du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Ce nouveau ministère a pour tâche de maintenir la nécessaire unité de l'action extérieure et intérieure du gouvernement du Québec. Bien plus qu'une question de réduction des dépenses et de rationalisation des activités gouvernementales, cette fusion se veut d'abord et avant tout le développement d'une vision intégrée et complémentaire, celle d'un Québec économiquement et culturellement fort, ouvert sur le monde et rayonnant à l'étranger. Tant pour nos politiques d'immigration et de sélection que pour nos actions commerciales à l'étranger, il importait de regrouper ces forces.

Notre nouveau ministère hérite de deux énoncés de politique: «Au Québec pour bâtir ensemble», publié en 1990, et «Le Québec et l'interdépendance: le monde pour horizon», rendu public en 1991. Ces énoncés continuent de définir nos grandes orientations. Chacun apporte une contribution particulière au développement du Québec dans le cas des affaires internationales en inscrivant le développement économique et socioculturel du Québec dans la dynamique internationale et en cherchant dans celle-ci les moyens de l'appuyer; dans le cas de l'immigration, par le recrutement, la sélection et l'intégration des immigrants. Il nous apparaît évident que la synergie créée par la fusion peut s'opérer sur certains points particuliers, notamment dans la gestion du réseau à l'étranger et dans les opérations de gestion courante.

Vous le savez, nos diverses représentations à l'étranger agissent, comme le veut la loi 42, sous l'autorité du délégué général ou du délégué. Vous savez également que, comme le veut l'article 32 de cette loi, toute personne, quel que soit son ministère d'origine, affectée à l'étranger pour y exercer des fonctions aux soins d'une délégation fait partie du personnel de notre ministère. Il n'est donc pas incongru de regrouper au Québec sous une même entité des activités qui sont, à l'étranger, gérées par un même ministère.

Les objectifs de redressement démographique, de développement économique et de perennité du fait français trouvent également dans ce nouveau ministère une terre fertile à leur accomplissement. L'avenir du français dépend non seulement du nombre de personnes qui parlent cette langue au Québec et dans le monde, mais aussi, et surtout, de notre capacité d'en faire une langue de création et de diffusion dans des secteurs stratégiques comme la science, la technologie, l'information, la communication et la culture, pour ne citer que ceux-là.

Le Québec a connu une évolution importante au cours des dernières années. Il se présente aujourd'hui comme une société majoritairement francophone, qui compte une importante communauté anglophone, des communautés culturelles nombreuses et dynamiques ainsi que plusieurs nations autochtones. Soucieux d'assurer le développement socioculturel de tous ses citoyens, le gouvernement considère que les Québécois des communautés culturelles représentent un actif important, sur lequel il faut compter pour construire une société dans laquelle tous se reconnaissent un rôle à jouer.

Voilà, M. le Président, pourquoi ce regroupement des deux ministères nous apparaît opportun. Permettant une plus grande efficacité de l'appareil gouvernemental par une meilleure coordination de nos actions, il facilitera ainsi l'atteinte de nos objectifs. J'ai voulu souligner que ces mandats font partie de responsabilités importantes qu'un gouvernement doit assumer pour apporter sa contribution au développement économique et socioculturel du Québec dans le contexte international actuel. Les résultats que j'ai évoqués permettent de le reconnaître. J'espère que nos débats sur la loi 7 permettront de mettre en évidence notre souci commun de doter le Québec de l'un des instruments très importants pour son développement.

M. le Président, nous proposons aux Québécoises et aux Québécois une vision d'avenir où tous ont un rôle à tenir et une contribution à apporter. Elle se nourrit d'une ambition, celle de trouver, par une plus grande ouverture sur le monde, les moyens de faire du Québec un acteur moderne, dynamique, à la pointe du progrès. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Je vous remercie, M. le ministre.

Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le député.


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, je me demande de quoi seraient faits nos travaux s'il n'y avait les projets de loi privés qui nous arrivent en cascade chaque jour et les projets de loi, dont le projet de loi 7, qui fusionnent certains ministères.

M. le Président, le député de Portneuf le disait la semaine dernière, le gouvernement ressemble un peu à un locataire qui quitterait un logement et qui, avant de le quitter, le peinturerait de toutes sortes de couleurs, à la charge que le locataire suivant trouve les couleurs à son goût. M. le Président, d'évidence, on n'est pas en face d'un nouveau gouvernement, mais d'un gouvernement qui se succède à lui-même, et le ministre ne nous propose pas, d'aucune façon, des justifications pour faire absorber le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration par le ministère des Affaires internationales.

(15 h 50)

On a vu dans le passé, M. le Président, des ministres être titulaires de plus d'un ministère. Ça ne veut pas dire que, lorsque l'actuel ministre de la Sécurité publique était responsable à la fois de la Charte de la langue française et de la Sûreté du Québec, on fusionnait l'Office de la langue française avec la Sûreté du Québec. Le ministre, dans ses tâches, devait voir à la gestion de plus d'une loi, puisqu'il était titulaire de plusieurs ministères.

Or, M. le Président, le projet de loi 7, à sa face même, est un amalgame contre-nature de réalités différentes. Et je ne sache pas que le gouvernement fédéral ait déjà envisagé de faire dépendre l'immigration du Secrétariat aux affaires extérieures, et, traditionnellement, quand il fallait faire un amalgame des questions relatives à l'immigration, on allait dans le sens des ressources humaines, par exemple, l'emploi avec l'immigration, mais non pas cet amalgame qui est très particulier, où on dit: Nous aurons désormais un ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Si on commence par le dernier membre du titre du ministère, M. le Président, ça devient quelque chose d'un peu inconcevable. Les communautés culturelles font partie intégrante de la société québécoise, et je trouve inconvenant qu'on dise: Les communautés culturelles, c'est essentiellement la responsabilité du ministère des Affaires internationales. Il y a au Québec des Québécois de toutes origines, et je trouve que de dire à une personne d'une communauté culturelle: Pour obtenir telle subvention ou pour régler tel problème, allez donc aux Affaires internationales, ça a un aspect proprement incongru.

J'ajoute, M. le Président, que les Affaires internationales, et le long discours que le ministre a lu va dans ce sens-là, s'occupe essentiellement d'échanges économiques. Et je ne m'attarderai pas sur le détail de tout ce que le ministre nous a dit faire dans le domaine des échanges économiques, mais lorsqu'il est question d'immigration et de nos communautés culturelles, on n'en est plus à l'international, on en est à la structuration interne de la société québécoise. Et, à cet égard, je trouve incongru l'ensemble du projet de loi, mais particulièrement inadmissible l'idée de dire que des Québécois issus des communautés culturelles vont dépendre essentiellement du ministère des Affaires internationales. Les diverses communautés qui embellissent et enrichissent le Québec ne sont pas des affaires internationales, M. le Président, elles font partie intégrante, avec les Québécois de toutes origines, du tissu social de la société québécoise.

Évidemment, M. le Président, un nouveau premier ministre désigné, pas élu par son parti ni élu comme premier ministre par la population,peut éprouver le besoin de réduire la taille de son gouvernement, ce n'est pas ici que je veux discuter de ce que ça manifeste, mais faut-il pour cela chambarder des structures gouvernementales qui vont survivre au gouvernement actuel? Dans le fond, je ne sais pas si les ministériels méditent parfois la chanson «Quelle importance, le temps qu'il nous reste?», mais je trouve que, avant de déménager, il serait adéquat qu'ils ne laissent pas au prochain gouvernement une structure complètement chambardée, qui permet par ailleurs à cette Chambre de donner l'impression que le gouvernement a de quoi à faire, puisqu'il déplace les questions, les responsabilités, les missions du gouvernement.

Or, je pense, M. le Président, que le titre adéquat de cette loi devrait être: L'absorption du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration par le ministère des Affaires internationales!

Évidemment, le ministre ne nous a pas appris que, dans la mission d'immigration, la mission gouvernementale en matière d'immigration, il y a des personnes qui se trouvent à l'étranger. Il rappelait lui-même qu'elles dépendent du délégué du Québec, lorsqu'il y en a un, dans le lieu où se fait leur travail. Il s'agit de quelques dizaines de personnes qui jouent un rôle clé, la sélection des candidates et des candidats à l'immigration au Québec, mais qui étaient déjà sous la responsabilité du ministère des Affaires internationales, qui étaient déjà dans la ligne d'autorité des délégués du Québec puisqu'il s'agissait de personnes qui se trouvaient à l'étranger. Donc, elles devaient, au plan administratif, dépendre de la structure du Québec à l'étranger.

Mais là on va plus loin: on fait absorber le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration par celui des Affaires internationales. Or, je pense qu'il y a une différence essentielle entre les échanges économiques et la venue de personnes qui viennent embellir et enrichir le Québec. C'est sûr que le premier ministre – puisque, apparemment, le personnel politique n'abonde plus; il y a eu beaucoup de départs – peut songer à confier à la même personne le soin de s'occuper de plusieurs ministères, mais faut-il pour autant faire disparaître le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, qui existe depuis à peine 26 ans, et le rendre comme un appendice, comme une annexe du ministère des Affaires internationales, lequel, je le répète, a d'abord comme fonction une fonction économique?

Les échanges de personnes, la venue de personnes, ça réfère à une politique de la population, ça réfère à des politiques de main-d'oeuvre, ça réfère à des mesures d'intégration, et je ne pense pas que ce soit bon pour personne de confondre la mission des Affaires internationales avec celle des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Un signe, peut-être, de cela, M. le Président, c'est que le ministre ne s'est pas étendu longtemps sur les raisons de la fusion. L'ancien ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration avait son siège social à Montréal, où s'établissent les quatre cinquièmes – sur l'île de Montréal – des nouveaux venus. Là, avec les Affaires internationales, on se retrouve dans une logique différente. Remarquez, je peux comprendre le ministre de ne pas être particulièrement exubérant d'avoir ajouté une mission à celle qu'il avait déjà, mais faut-il pour autant qu'un ministère vieux d'un quart de siècle se voie absorbé par un autre? Dans le fond, quand on essaie de tout faire en même temps, ce n'est pas du tout certain, ce n'est pas du tout acquis qu'on s'acquitte convenablement des diverses missions qu'on a.

Ce qui fonde l'action du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, c'est l'énoncé de politique de 1991. De mémoire, M. le Président, on parlait d'un énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration. Je ne sache pas que ça ait été un énoncé de politique en matière d'affaires internationales, d'immigration et d'intégration. Notre formation politique a donné son accord à cet énoncé de politique, qui, à notre avis, est un document qui établit comme il faut la politique d'accueil, la politique d'intégration, la politique de relations interculturelles qui est celle du Québec depuis longtemps.

D'ailleurs, un signe, une preuve que cette absorption des Communautés culturelles et de l'Immigration par les Affaires internationales a des conséquences, c'est que les personnes intéressées, par exemple, par la question du niveau d'immigration pour les trois prochaines années ne pourront pas se faire entendre du ministre. C'est même difficile de se faire lire par le ministre, même après qu'il eut mis une annonce dans les journaux pour demander aux organismes intéressés de lui faire parvenir des mémoires.

(16 heures)

M. le Président, le ministre n'a pas besoin d'avoir lu un mémoire pour le dénoncer; on a pu l'entendre plusieurs fois dans cette Chambre. Puis, après l'avoir lu, le mémoire, je parle de celui du Conseil scolaire de l'île, il n'est pas besoin qu'il y ait lu quelque chose pour qu'il sente des choses extravagantes.

Il y a eu une interpellation il y a peu de temps, où le ministre dénonçait des termes du mémoire du Conseil scolaire de l'île que l'Opposition a rendu public. Et, dans cette dénonciation, il reprenait intégralement des termes contenus dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration que sa prédécesseure avait soumis à l'examen public et à la consultation démocratique.

J'ajoute, M. le Président, que la prédécesseure du ministre avait jugé bon de consulter en commission parlementaire celles et ceux qui voulaient se faire entendre sur la question du niveau d'immigration pour 1992, 1993 et 1994. Cette année, M. le Président, on a droit à un exercice beaucoup moins large, beaucoup moins démocratique, où le ministre dit: J'ai lu ou pas lu les mémoires, mais, en mai, on publiera une synthèse, un résumé des mémoires et, en juin, on adoptera une politique.

Donc, M. le Président, le ministre, qui nous présente aujourd'hui un projet de loi pour fusionner deux ministères et, plus exactement, pour faire absorber le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration par celui des Affaires internationales, ne donne pas à la population l'occasion de se faire entendre, l'occasion de dire ce que nous verrions comme politique en matière de seuil d'immigration pour les prochaines années.

Bien plus, M. le Président, le ministre dénonce un mémoire qu'il n'a pas lu. Il dit avoir reçu à peu près 300 mémoires, mais il n'y en a qu'un qui soit public. Il avait annoncé qu'il le déposerait; il a fallu que l'Opposition officielle le dépose. Il en dénonce un qu'il n'avait d'abord pas lu, puis, après qu'il l'ait lu, ça ne s'est pas amélioré, M. le Président, il le dénonçait encore, notamment pour utiliser des termes qui sont dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration que le ministre est maintenant chargé d'appliquer, dont il est chargé d'appliquer les dispositions qui nous conviennent, à nous de l'Opposition officielle.

Je voudrais souligner au passage, M. le Président, que c'est le droit le plus absolu et le plus strict du ministre, en démocratie, d'être un fédéraliste pur et dur. Ça, c'est son droit le plus entier. Les Québécois ne sont pas tous du même avis sur cette question. Mais, depuis qu'il est responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles, on peut constater qu'il multiplie les outrances verbales à l'endroit de ceux qui ne pensent pas exactement comme lui. Il l'a fait à l'endroit du Conseil scolaire de l'île de Montréal, un organisme qui s'occupe des écoles de l'île de Montréal, qui coordonne huit commissions scolaires. Et qu'est-ce que le ministre a dit du mémoire? Je ne l'ai pas lu, mais il n'est pas bon. Et de multiplier ainsi les déclarations approximatives qui contiennent des procès d'intention, qui font dire au mémoire des choses qu'il n'a pas dites. Puis, c'est un peu fatal, M. le Président, quand on n'a pas lu un document puis qu'on l'explique, c'est sûr qu'on éprouve une certaine difficulté à être fidèle au document.

Et le ministre vogue de cette façon, et nous dit: Contrairement à mes deux prédécesseures, l'ancienne députée de Bourassa et l'actuelle présidente du Conseil du trésor, je n'ai pas besoin d'être éclairé. Les mémoires que j'ai, même quand je ne les ai pas lus, j'en tirerai les bonnes conclusions. Et, par ailleurs, M. le Président, le ministre ne veut même pas rendre publics tous les mémoires qu'il a reçus. Et, dans certaines interventions, il dit même que la consultation est publique vu qu'un avis a été publié dans les journaux pour demander des mémoires.

M. le Président, les mémoires, ceux que le ministre a lus, qu'il a en sa possession, ne nous parviendront pas, mais on aura un résumé des mémoires puis un énoncé de ce que le ministre entend faire, quelque part au mois de juin. M. le Président, la preuve que les communautés culturelles sont perdantes dans la législation qui est devant nous et qu'elles sont négligées par le gouvernement, c'est l'attitude du gouvernement, depuis plusieurs années, à l'endroit du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, que mon parti, lorsqu'il était au gouvernement, avait créé en 1984.

Le ministre nous a dit, dans une de ses interventions, qu'il recevra un avis du Conseil des communautés culturelles sur la question importante du niveau d'immigration. Est-ce qu'on pourra, M. le Président, questionner le Conseil sur l'avis qu'il a présenté au ministre? Non, le ministre va consulter le Conseil, s'il suit ses plans, en privé, tout comme il a fait une consultation privée qui n'a pas été suivie d'un débat en commission parlementaire. C'est tellement évident, M. le Président, qu'un député ministériel, le député de LaFontaine, a dit, à la commission parlementaire de la culture, lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, qu'il serait normal qu'on ait une telle consultation publique. C'est bien sûr, M. le Président, que lorsqu'un ministre reçoit des mémoires, d'abord, il devrait les lire – ce serait utile – mais qu'il n'est pas obligé d'en partager les conclusions. N'y aurait-il pas quelque chose de sain d'entendre les intéressés, de livrer ça à la libre discussion?

Je pense, M. le Président, que ce qui est devant nous est un exercice artificiel, où on met ensemble des missions distinctes, différentes, puis on fait absorber un ministère qui joue un rôle vital par un autre ministère, important lui aussi. Mais, M. le Président, je reviens à mon exemple: ce n'est pas parce que le ministre de la Sécurité publique s'occupait de la Charte de la langue française qu'on a fusionné la Sûreté du Québec avec l'Office de la langue française. On disait: Un ministre, c'est la volonté d'un premier ministre, élu ou pas, de lui donner plusieurs mandats. Mais, ce qui est devant nous, qui est une suite d'autres projets de loi qui font du temps, des projets de loi où le gouvernement dit: J'ai un projet; la preuve, c'est que je modifie les structures administratives et je fusionne des ministères. Je ne pense pas que ce projet de loi soit, dans son principe, bon. Je pense que, à l'égard des communautés culturelles, il signifie qu'on les associe, d'une certaine façon, aux affaires internationales. Ce n'est pas le cas! Il s'agit de Québécoises et de Québécois à part entière, qui font partie de notre société. Et il y a un adage qui dit: Qui trop embrasse mal étreint. Je pense que le gouvernement nous arrive avec une réorganisation ministérielle bâclée, où le fait d'avoir le même titulaire pour deux ministères doit entraîner des changements.

Et je termine avec l'exemple de mon collègue de Portneuf, que je trouve très approprié: Que dire d'un locataire qui quitte un appartement et qui, avant de le quitter, le peinture de toutes sortes de couleurs, en présumant que le locataire d'après aimera ses couleurs? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Merci, M. le député.

Je vais maintenant reconnaître un député de la formation ministérielle, M. le député de Viger. M. le député de Viger.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. M. le Président, le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles a déposé devant cette Assemblée le projet de loi 7 visant à consacrer la fusion entre le ministère des Affaires internationales et le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Malgré la complémentarité de leurs missions et la convergence de certains moyens mis en oeuvre pour réaliser leurs mandats respectifs, ces deux ministères occupaient jusqu'ici une place distincte dans l'appareil gouvernemental.

(16 h 10)

Le ministre a bien souligné comment cette fusion, loin de sacrifier les objectifs poursuivis par chacun des ministères préexistants, avait plutôt pour but de mettre à profit leurs richesses respectives et leurs meilleures expériences. Cette mise en commun vise à consolider l'action du gouvernement et à en augmenter l'efficacité et à en diminuer les coûts. Cette fusion est un exemple des effets positifs de l'opération de réalignement qui s'effectue depuis plusieurs mois déjà à l'échelle du gouvernement, comme quoi l'appareil de l'État est capable de faire plus avec des ressources plus rares.

L'une des choses qui me réjouit particulièrement dans la présentation du ministre, c'est son affirmation à l'effet que le nouveau ministère hérite de deux énoncés de politique déposés dans cette Chambre à un an d'intervalle: celui en matière d'immigration et d'intégration, intitulé «Au Québec pour bâtir ensemble», déposé en décembre 1990, et celui proposant les principales composantes d'une politique d'affaires internationales, sous le titre: «Le Québec et l'interdépendance: le monde pour horizon», adopté à la fin de 1991.

Je crois, M. le Président, que, pour bien apprécier le bien-fondé de la fusion proposée par le gouvernement, il faut d'abord prendre la mesure des objectifs que le Québec s'est donnés en adoptant les deux énoncés de politique que je viens d'évoquer. Je voudrais, quant à moi, profiter de cette occasion pour nous remettre en mémoire les principaux éléments contenus dans l'«Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration».

Si l'un des piliers sur lesquels repose la mission du nouveau ministère est représenté par l'«Énoncé de la politique en matière d'immigration et d'intégration», c'est d'abord parce que ce premier document rend compte des démarches du Québec pendant plus de 20 ans pour rappeler et affirmer sa juridiction en matière d'immigration et d'intégration. C'est ensuite parce que cet énoncé a permis de faire le point sur l'ensemble des efforts déployés par le Québec à travers les différentes ententes qu'il a conclues avec le gouvernement fédéral et c'est surtout parce que ce document, en plus de poser un diagnostic, traçait les voies de l'avenir en matière d'immigration et d'intégration.

L'une des forces de l'«Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration» repose justement sur la vision de l'immigration qu'il propose aux Québécoises et aux Québécois. L'immigration est présentée non pas comme un simple phénomène d'origine étrangère, mais comme un phénomène que le Québec peut apprivoiser, qu'il peut s'approprier, en quelque sorte, et mettre à profit pour son propre épanouissement. L'immigration: un levier grâce auquel le Québec peut intervenir dans son propre développement pour s'aider à contrer son déclin démographique, pour élargir sa prospérité économique, pour consolider son caractère francophone et pour garder face au monde une ouverture indispensable à sa croissance et à son dynamisme.

Les quatre défis fondamentaux auxquels doit faire face le Québec n'ont pas substantiellement changé, depuis trois ou quatre ans. L'importance et le rôle de l'immigration face à ce défi n'ont pas diminué, tout au contraire. Aujourd'hui comme hier, je suis toujours convaincu que la prospérité économique est le moteur d'une société ouverte et confiante en son avenir et que, dans le contexte des années que nous traversons, l'apport de l'immigration répond aux besoins d'une économie en restructuration.

Le gouvernement du Parti libéral a visé juste quand il a agi de sorte que l'immigration stimule l'économie par l'injection de capitaux neufs provenant des immigrants entrepreneurs et investisseurs. Il a encore raison de compter sur l'apport de l'immigration pour élargir le bassin des consommateurs et l'apport des ressources humaines qualifiées et motivées. Je crois toujours, aussi, que l'immigration doit contribuer à la pérennité du fait français dans la seule société majoritairement francophone en Amérique du Nord. En 1990, on estimait que les quelque 180 000 francophones arrivés au Québec depuis 20 ans représentaient environ 35 % du flot total d'immigration. On note actuellement, parmi les personnes arrivées au cours des années 1981 à 1991, qu'il y a près de deux fois plus de personnes de langue maternelle française qu'anglaise et que 70 % des nouveaux arrivants connaissent le français.

Ces données, ajoutées au fait que le taux de connaissance du français augmente dans la population immigrée, montrent que l'apport d'une sélection judicieuse, jointe à un effort d'intégration approprié, peut servir à consolider le caractère français du Québec. L'«Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration» soulignait avec raison une question particulièrement sensible, la question démographique. Il n'y a pas eu, que je sache, au cours des trois dernières années, des miracles ou des retournements qui aient rendu cette question désuète. Malgré les efforts déployés par le gouvernement, la courbe de croissance de la population du Québec ne s'est pas encore redressée, et la société québécoise est loin d'être à l'abri d'une décroissance et d'un vieillissement accélérés, qui pourraient avoir de fâcheux impacts sur la main-d'oeuvre, l'activité économique et le maintien des programmes sociaux. Il est donc toujours important que, dans la mesure où la capacité d'accueil le permet, le gouvernement du Québec maintienne sa décision de pratiquer une politique d'ouverture à l'immigration qui puisse aider le Québec à se redonner, à court et à moyen terme, une croissance et une vitalité nouvelles.

Le dernier des quatre défis dont parle l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration porte sur l'ouverture sur le monde. Il rappelle que, dans un contexte d'interdépendance et de mondialisation des phénomènes économiques, sociaux et même écologiques, l'ouverture est non seulement une condition de développement, mais qu'elle équivaut pratiquement à une condition de survie.

Les nombreux exemples de Québécois venus d'ailleurs qui ont contribué à enrichir la culture québécoise et ses institutions, à faire mieux connaître notre société à l'étranger ou, à l'inverse, à la sensibiliser à des réalités importantes mais souvent méconnues, témoignent de façon éloquente de l'apport de l'immigration au dynamisme socioculturel du Québec.

En regardant les quatre défis bien identifiés dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration auxquels doit faire face le Québec, je serais presque tenté de dire qu'un des défis les plus intégrateurs constitue l'ouverture du Québec sur le monde. En effet, il m'apparaît bien que c'est précisément l'état d'interdépendance radicale dans lequel se trouvent désormais toutes les sociétés qui force le Québec à prendre le monde pour horizon, s'il veut se donner une politique crédible en matière de relations et d'affaires internationales.

Pour devenir une force utile au développement du Québec, l'immigration doit être encadrée. Le succès du projet migratoire de chaque individu de même que le maintien de rapports harmonieux entre les Québécois de toute origine sont essentiels pour assurer une heureuse insertion des nouveaux arrivants dans leur société d'accueil.

L'atteinte des objectifs poursuivis par le gouvernement dépend en partie du degré d'intégration et de participation des immigrants et de leurs descendants à la société québécoise. Quand on consulte l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration et qu'on se souvient de surcroît que, avec cet énoncé, c'était la première fois qu'un gouvernement du Québec se dotait d'une politique globale en matière d'immigration et d'intégration, on comprend qu'il n'est pas de l'intérêt du Québec que le gouvernement abandonne une orientation qui a reçu un accueil si bienveillant de la part de l'ensemble de la société et qui vient tout juste de donner un nouvel essor à son action.

Cette orientation me paraît encore précieuse parce qu'elle est originale. En allant jusqu'à définir le modèle selon lequel le Québec entend intégrer ses immigrants, la politique gouvernementale a tracé une ligne qu'il serait prématuré d'abandonner à ce moment-ci. L'accord Gagnon-Tremblay–McDougall, signé au printemps, qui a suivi le dépôt de l'énoncé de politique, est venu donner au Québec la tranche de pouvoir qui lui manquait pour intervenir de façon efficace à la sélection des immigrants et dans leur intégration à la société québécoise.

Le gouvernement n'a donc aucun intérêt à s'écarter d'un énoncé de politique et d'un accord qui n'en sont encore qu'à produire leurs premiers fruits. La fusion ne menace donc en rien une action entreprise avec sérieux et sur une base solide.

(16 h 20)

Les orientations générales qui guident l'action gouvernementale en matière d'intégration n'ont pas changé depuis leur mise en place. Ce sont toujours le partage du français comme langue commune de la vie publique de la société québécoise; le droit et le devoir de tous les citoyens, quelle que soit leur origine, de participer et de contribuer pleinement à la vie économique, sociale, culturelle et politique du Québec, l'engagement à bâtir ensemble un Québec pluraliste où les citoyens de toutes cultures et de toutes origines pourront s'identifier et être reconnus comme des Québécois à part entière. Non seulement le gouvernement a-t-il pris la précaution de rappeler que l'immigration est un privilège accordé par la société d'accueil, mais il a pris les dispositions qu'il fallait pour faire connaître ses attentes aux immigrants afin que ces derniers sachent à quoi s'en tenir en choisissant le Québec et pour qu'ils se préparent et apprennent à partager ses valeurs.

En déposant son énoncé de politique, le gouvernement a exposé sans détour les défis et les enjeux relatifs à l'immigration et à l'intégration. Il a exprimé aussi sa volonté d'agir afin de bâtir, de concert avec les Québécois de toutes origines, un Québec résolument francophone, prospère et pluraliste. En plus d'être exprimé à travers des mesures concrètes favorisant une meilleure sélection à l'étranger, une intégration axée sur l'apprentissage de la langue française et de son usage, la politique du Québec favorise la pleine participation des communautés culturelles à la vie publique et politique.

Nous avons, M. le Président, fait des efforts particuliers pour accroître la proportion de l'immigration francophone, augmenter l'accessibilité et la qualité des services d'apprentissage du français destinés aux immigrants et aux Québécois des communautés culturelles ainsi que pour développer une utilisation accrue du français auprès de ces derniers. Tous ces efforts doivent se poursuivre pour consolider l'une des caractéristiques de notre société, son caractère français. Loin de nous distraire de ces objectifs, la fusion nous aidera à consolider les efforts déjà entrepris en matière de sélection à l'étranger.

Pour augmenter autant que possible notre part dans le recrutement d'immigrants francophones à même les bassins susceptibles de fournir des candidats qui peuvent s'intégrer à la société québécoise, il ne s'agit évidemment pas de sélectionner des francophones à tout prix, mais des francophones qui vont en même temps représenter un apport pour l'économie et qui présentent les meilleures chances d'établissement au Québec.

M. le Président, en terminant cette intervention, je voudrais reprendre une pensée déjà exprimée dans l'«Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration» à l'effet que le succès de toute politique et, je dirais aujourd'hui, de toute fusion réside dans les modalités de sa mise en oeuvre. En matière d'immigration et d'intégration, l'ampleur du défi se mesurerait à partir du nombre de secteurs de la vie sociale qui seraient touchés: l'appareil gouvernemental, les organismes non gouvernementaux et les partenaires socio-économiques du secteur privé et du monde municipal.

Cependant, malgré les agissements inhérents à la fusion, je suis persuadé que l'exercice se fera dans le plus grand respect des clientèles et du personnel impliqué. La fusion de ces deux ministères est le reflet du progrès et le signe du véritable dynamisme de l'administration du gouvernement libéral. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, je vous remercie, M. le député de Viger. Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. M. le député, 20 minutes à votre disposition.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie de me permettre d'intervenir sur ce projet de loi, projet de loi 7, comme vous l'avez si bien dit, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires internationales, la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et d'autres dispositions législatives. Et, parmi ces dispositions législatives, nous constaterons le transfert de la Francophonie au ministère de la Culture et des Communications. Je dis «ministère de la Culture et des Communications»; compte tenu du contexte actuel, c'est-à-dire le récent jugement de la Cour suprême, vous comprendrez, M. le Président, que je serais tenté de dire «le ministère de la Culture et de l'absence de Communications».

Avant d'aller au coeur du débat, M. le Président, vous me permettrez de souligner l'extraordinaire discours que vient de prononcer notre collègue, député de Viger. Quoique nous ne soyons pas de la même formation politique, j'ai pu me rendre compte, M. le Président, en écoutant très attentivement le député de Viger, qu'il était un parlementaire et un Québécois profondément attaché à l'énoncé de politique en matière d'immigration que la ministre précédente avait présenté en cette Chambre et que nous avons tous adopté, c'est-à-dire qu'il y avait eu unanimité.

Lorsque l'on se rappelle les lignes du discours du député de Viger, nous y voyons là, M. le Président, un avertissement sérieux au ministre des Affaires internationales et ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration de ne point remettre en question quelque élément que ce soit de cet énoncé de politique. J'espère que le ministre a bien compris l'avertissement que lui donne son propre parti politique. C'est, normalement, un avertissement qui a des conséquences beaucoup plus vastes qu'un avertissement de l'Opposition, puisque cela pourrait provoquer des dissensions profondes dans un parti qui, déjà, en marque beaucoup, M. le Président.

Si on revient au coeur du débat qui nous préoccupe, c'est-à-dire le transfert de la Francophonie au ministère de la Culture et des Communications, je vous dirai que cette réorganisation administrative et gouvernementale décrétée par le premier ministre désigné du Québec, M. Daniel Johnson, à l'occasion de la formation de son Conseil des ministres, le 11 janvier dernier, laisse songeuse l'Opposition officielle, dont je suis le porte-parole pour les relations internationales, quant au rôle que jouera le ministère sur cette scène internationale suite à ce chambardement de structures – chambardement de structures, M. le Président, principalement motivé par le départ de plusieurs ministres.

D'abord, nous nous interrogeons sur le fil conducteur de la fusion de l'Immigration et des Communautés culturelles avec le ministère des Affaires internationales. Quelle logique, M. le Président! Nous nous interrogeons spécifiquement sur le lien qu'il peut y avoir entre l'intégration des communautés culturelles en ce pays à la société québécoise et le mandat du ministère des Affaires internationales. Outre l'intégration du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles au ministère des Affaires internationales, il y a la décision – et c'est là que le bât blesse – d'abolir le poste de ministre délégué à la Francophonie, un choix gouvernemental qui nous apparaît réduire le rôle de la francophonie à celui d'un dossier parmi d'autres au ministère de la Culture et des Communications. Nous avions autrefois un ministre délégué à la Francophonie, ministre des Relations internationales, avec un dossier très ferme. Là, nous nous retrouvons avec une ministre responsable. M. le Président, quand je dis «ministre responsable», les gens disent: Oui, c'est une responsabilité. Mais vous savez autant que moi que, dans le langage gouvernemental comme celui de la diplomatie, les mots ont un sens et les mots ont une signification. Nous assistons aujourd'hui à un épisode qui m'apparaît très dangereux. Il faut être très prudent quant à l'usage des mots en termes de délégation de pouvoirs.

Cette décision d'enlever la francophonie du ministère nous semble inquiétante, puisqu'elle aura, à plus ou moins long terme, des effets sur la réduction du rôle du ministère et de son réseau, un réseau qui risque de devenir graduellement un simple bureau de placement en matière d'immigration, un agent de liaison pour l'établissement de partenariats d'affaires ou la recherche d'investisseurs.

(16 h 30)

Nous n'allons pas nier ici l'importance qu'a le volet commercial dans la politique extérieure du Québec. Loin de nous cette intention, non. Nous disons seulement qu'il est important que les efforts consentis à la promotion de ce volet ne se fassent pas au détriment des autres aspects, tout aussi importants, de la politique extérieure du Québec, comme celui de l'affirmation de sa spécificité culturelle. Le Québec est un pays francophone. Faire de la francophonie une responsabilité m'apparaît incohérent, m'apparaît extrêmement dangereux pour l'avenir.

Par ses comportements et ses décisions, le ministre des Affaires internationales nous a démontré antérieurement qu'il accordait plus d'importance au commerce extérieur qu'aux relations internationales. Cette préférence du ministre pour le volet commercial du ministère n'est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est que cette préférence soit exprimée au détriment des relations internationales, en ne jugeant pas utile de combler, autrement que d'une façon temporaire, le premier poste de notre diplomatie, celui de délégué général à Paris, puis en ne nommant pas des représentants à plein titre dans nos délégations à Tokyo, à Rome et à Atlanta.

C'est vrai, M. le Président, qu'«Affaires internationales» est un mot qui agace le ministre; déjà, au départ, il avait fait changer «Relations internationales» par «Affaires internationales». Son orthodoxie ultrafédéraliste le porte toujours à dire que seul Ottawa doit exprimer une opinion internationale; que le Québec, lui, ne doit pas s'occuper de politique internationale, des grands enjeux, mais doit se concentrer uniquement au champ limité au commerce – champ important, je vous le répète, je ne le nie pas, M. le Président. Mais, une vraie société, un vrai gouvernement – et, spécialement, un gouvernement qui veut faire autre chose du Québec qu'une petite province, qu'une succursale – a une vision tout à fait différente. Je vous le répète: L'orthodoxie ultrafédéraliste du ministre lui donne malheureusement des ornières lorsqu'il s'agit de parler des affaires internationales. Heureusement que son adjoint parlementaire, par contre, dans un autre sujet qui est celui de l'immigration, semble montrer une ouverture d'esprit et, surtout, une fermeté, une volonté qui, vraiment, est tout à son honneur.

Pris sous l'angle, exclusivement, des relations internationales, les changements apportés à ce ministère par l'«Opération réalignement», de même que l'orientation donnée au ministère par le ministre au cours des dernières années sont non seulement réducteurs de son rôle, mais ils témoignent d'une vision à courte vue, qui n'est pas inspirée par le long terme. Alors que le ministre parlait d'un Québec ouvert sur le monde – le Québec est au monde – eh bien, voilà que lui-même rapetisse son monde et que, au lieu de regarder le monde avec des lunettes d'approche, il semble les détourner de façon à pouvoir mieux s'en éloigner que de s'en rapprocher – si on me permet de donner cet exemple pour illustrer mon propos.

La déclaration récente du lieutenant-gouverneur, lors du discours inaugural du 17 mars dernier, reste très évocatrice quant à l'orientation que donne ce gouvernement à ce ministère. Et je citerai le lieutenant-gouverneur: «Le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles va accentuer l'orientation économique et commerciale des délégations et bureaux du Québec à l'étranger pour la recherche de marchés pour les produits et services québécois et projeter une image de terre d'accueil et de milieu stimulant au plan socio-économique pour l'immigration et les investisseurs.» Voilà la philosophie qui anime maintenant ce ministère – un ministère des relations extérieures, un ministère des Affaires internationales, puisque c'est là l'appellation réductrice que nous avons – eh bien, c'est de projeter une image de terre d'accueil, un milieu stimulant au plan socio-économique pour l'immigration et les investisseurs.

Est-ce que le ministre était en train de nous dire que sa prédécesseure, qui était ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration et qui est actuellement vice-première ministre – qui est quand même une promotion au sein d'un Conseil des ministres – n'arrivait pas, avec sa politique, n'arrivait pas, avec ses actions, à projeter l'image d'un Québec stimulant pour l'immigration et les investisseurs, puisque cela est un volet important de notre énoncé de politique en matière d'immigration. C'est une rebuffade qu'il fait subir à sa collègue qui, pourtant, quoique adversaire politique, ne méritait pas un tel affront.

Et, comme le soulignait à juste titre M. Jean-Marc Léger, ancien secrétaire général de l'Agence de coopération culturelle et technique, je devrais dire le premier secrétaire général de l'Agence de coopération culturelle et technique et ancien délégué général du Québec à Bruxelles, dans une lettre ouverte à La Presse , le 27 janvier dernier, et je me permettrai de la lire: «Il n'est qu'une façon sérieuse de donner des assises solides à la grande politique francophone qui nous est essentielle: l'inscrire au coeur de la politique internationale globale du Québec, l'y enraciner et lui donner la dimension ministérielle. Cela veut dire que la francophonie doit rester au sein du ministère des Affaires internationales».

«À l'heure où la communauté francophone internationale s'affirme et se développe, non seulement par la taille mais, ce qui est plus important et plus prometteur, par [...] l'accroissement de ses moyens et de son influence, il serait paradoxal que le gouvernement du Québec paraisse jouer la francophonie en mineur – quoique le ministre est un excellent pianiste, et je crois qu'il ne doit pas jouer la francophonie en mineur, M. le Président. Rattacher, poursuivait-il, les Affaires francophones au ministère de la Culture, c'est retomber dans d'anciennes et dangereuses équivoques, entretenir la confusion, affaiblir les positions et les prétentions du Québec. La francophonie n'est pas surtout, ni même d'abord, une dimension des affaires culturelles, un prolongement extérieur du ministère de la Culture: elle est scientifique, économique, technologique autant et plus, désormais, que culturelle. L'exemple de la France ne saurait être invoqué pour justifier la regrettable innovation du nouveau gouvernement québécois, tant les situations sont différentes historiquement, psychologiquement et politiquement.»

M. Toubon est ministre de la Culture et ministre de la Francophonie. Nous avons une ministre de la Culture, ministre de l'absence de Communications, compte tenu du jugement fédéral en matière de téléphonie, et ministre responsable de la Francophonie. La francophonie n'est plus un enjeu. La francophonie n'est plus politique. La francophonie n'est plus économique, alors que le ministre se targue d'économie. La ministre est un dossier à l'intérieur du ministère de la Culture.

Et quand je citais plus tôt les paroles de M. Jean-Marc Léger, il serait bon de relire le courrier parlementaire, que l'on voit apparaître très souvent dans un prestigieux quotidien québécois et qui dit: On entend, dans les couloirs, que rien ne va plus entre le ministre des Affaires internationales et la ministre de la Culture et des Communications au sujet du rôle que chacun doit jouer et des responsabilités que chacun détient sur les questions de la francophonie. Les prises de bec sont fréquentes entre les deux, à ce qu'on dit. Les décrets partageant les responsabilités entre ces deux ministres sont à la fois imprécis, trop précis, très clairs et souvent obscurs. Il faut le faire! Faut le faire! Faut le faire!

(16 h 40)

Déjà, ce dossier, alors que c'est un immense, un gigantesque et fort probablement le plus beau chantier qui nous a été donné à l'initiative du président Mitterrand, eh bien, voilà que, chez nous, ça devient plutôt un objet de contentieux entre deux ministres s'assoyant l'un à côté de l'autre au Conseil. Bel espoir de réussite pour le Québec au niveau de la francophonie, très bel espoir; sombre pronostic, par contre, sombre pronostic.

Je l'ai dit, on notera qu'à Paris le ministre de la Culture est ministre de la Francophonie, il n'est pas responsable des affaires francophones. Et l'importance du vocabulaire, je le répète, au niveau gouvernemental comme dans la diplomatie, revêt une importance énorme, mais surtout, il faut une fois encore rappeler que la France, pays souverain, est partie prenante de toutes les organisations internationales, participe à tous les forums mondiaux et dispose de multiples tribunes pour se faire entendre. On pourrait peut-être comprendre que, pour la France, ce dossier puisse être également un dossier remis à un ministre qui, déjà, en possède un autre, qui est celui de la Culture, qui, soit dit en passant, est quand même un très beau dossier, un très beau ministère.

Mais, le Québec, contrairement à la France, du moins au moment où nous nous parlons, puisque tout le monde sait que nous avons, nous, pour le Québec, de grandes ambitions, alors que les gens d'en face n'ont quotidiennement que des résignations et que des démissions, démissions constitutionnelles, résignations administratives, le Québec ne participe qu'à un seul forum international, ne dispose d'une voix propre et d'une place distincte qu'à un seul lieu, la communauté francophone et ses diverses instances.

Le réseau des délégations du Québec à l'étranger est un élément majeur dans l'affirmation de l'originalité du Québec, majoritairement francophone en Amérique du Nord. Pour le Québec, les délégations représentent beaucoup plus que des missions commerciales ou des salles d'exposition pour ses produits. Elles constituent des fenêtres sur le monde qui lui assurent non seulement une nécessaire visibilité chez les autres, mais aussi une saine protection contre l'isolement et la tentation du repli sur soi.

Et je concluerai, M. le Président, en disant que la politique actuelle du gouvernement dans les dossiers des relations internationales, et en particulier le dernier remaniement ministériel, a eu pour effet de détériorer considérablement la visibilité du Québec sur la scène internationale, visibilité particulièrement amochée ces derniers temps et mal défendue par le ministre, M. le Président, je le dis. En transférant le dossier de la francophonie au ministère de la Culture et de l'absence de Communications, le gouvernement se refuse d'assurer l'affirmation de la spécificité culturelle et historique du Québec, c'est-à-dire son caractère de société distincte.

Ce gouvernement, M. le Président, a déjà renié l'héritage de son ancien premier ministre, et cela est bien triste pour le Québec, mais je suis, M. le Président, en mesure de vous dire que nous rétablirons les choses, et, pour employer cette vieille expression suisse, nous remettrons l'église au centre du village lors de notre retour au gouvernement. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, de votre intervention. En vertu de votre droit de réplique, M. le ministre des Affaires internationales et...

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oh! Je m'excuse. Monsieur, je m'excuse, il y a un autre intervenant. Mme la députée de Saint-Henri et whip en chef adjointe du gouvernement.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. En entendant tantôt l'allocution du ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, j'ai été frappée par l'ampleur du mandat qui est confié à ce ministère. On a beau connaître relativement bien la dynamique des affaires internationales, il est toujours instructif de mesurer son importance ainsi que l'impact qu'elle a sur le développement du Québec. Certes, nous savions qu'il n'est désormais plus possible aujourd'hui de faire abstraction de la réalité internationale. Nous savions que cette réalité nous affecte quotidiennement dans à peu près tous les domaines d'activité. La mise en perspective qui vient de nous être présentée m'en convainc davantage.

Aussi, j'aimerais illustrer à ma façon l'importance de l'activité du gouvernement en matière d'affaires internationales, en mettant en évidence certains résultats particulièrement éloquents.

Si nous sommes habitués à mesurer l'importance des échanges internationaux en matière de commerce et d'investissements, nous en venons à constater à quel point les échanges internationaux en science et en technologie sont cruciaux pour le gouvernement et le développement de notre société. Même le secteur culturel – certains diront: surtout le secteur culturel – n'échappe pas à cette nécessité de s'inscrire dans cette dynamique internationale pour favoriser la diffusion de produits culturels répondant à une demande.

M. le Président, nous sommes entourés d'opportunités extraordinaires, d'occasions d'affaires inimaginables, mais ces opportunités vont de pair avec une concurrence beaucoup plus féroce, s'effectuant dans un contexte où l'État a moins de moyens pour aider les entreprises. Or, je suis particulièrement fière de constater que le gouvernement a su mesurer l'ampleur de ces changements et les occasions qu'ils offrent. Je suis particulièrement fière, d'autre part, de constater qu'il est possible de préparer la société québécoise à en tirer parti de manière optimale par la voie de la négociation et non pas par celle de dépenses supplémentaires.

Dans le domaine de l'économie, on ne saurait passer sous silence les succès remportés par le Québec dans les négociations du GATT, particulièrement en ce qui a trait aux subventions industrielles accordées par des entités sous-nationales, comme les provinces canadiennes, ou encore, dans les négociations de l'ALENA, dans le dossier de l'accès des vêtements québécois au marché américain ou dans celui de l'accord parallèle sur l'environnement.

Dans l'ALENA, M. le Président, le Québec et le Canada ont aussi réussi a conserver intacts les mécanismes de règlement des différends commerciaux. Ils permettent de dépolitiser l'examen des questions litigieuses et permettent aussi aux exportateurs canadiens d'affronter la concurrence sur les marchés américains et mexicains dans des conditions plus prévisibles et plus équitables.

Ce mécanisme constitue un pas important vers la reconnaissance du rôle des procédures juridiques internationales en cas de pratiques commerciales déloyales. Il signifie que l'on s'écarte de la notion selon laquelle les gouvernements peuvent appliquer leur politique commerciale nationale sans se soucier des intérêts de leurs partenaires commerciaux.

M. le Président, dans les litiges concernant plus particulièrement le Québec, le mécanisme de règlement des différends a permis d'assurer plusieurs victoires majeures pour le Québec, particulièrement dans l'affaire du bois d'oeuvre, qui pourrait obliger la douane américaine à rembourser quelque 100 000 000 $ aux exportateurs du bois d'oeuvre québécois.

J'aimerais par ailleurs souligner les mesures qu'a prises le gouvernement pour favoriser la promotion des exportations. Compte tenu du rôle moteur des exportations et des investissements dans le développement économique et de la nécessité de soutenir la concurrence accrue sur les marchés étrangers, le gouvernement a décidé d'appuyer les efforts des entreprises pour réussir à accroître la valeur des exportations du Québec, notamment celles des biens et services à haute valeur ajoutée sur les marchés des plus dynamiques. Lorsque l'on sait que les exportations internationales de biens et services représentent plus de 21 % du PIB et qu'un emploi manufacturier sur trois en dépend, on réalise toute l'importance qu'il faut attacher à les maintenir et à les accroître.

C'est pourquoi, M. le Président, il faut saluer les efforts du gouvernement pour ouvrir l'accès des réseaux de distribution américains aux manufacturiers québécois et ouvrir de nouveaux marchés en Amérique latine, en Europe et en Asie. Il y a un momentum au Canada et au Québec en faveur des exportations. À preuve, les excellents résultats du commerce international du Québec pour l'année 1993, soit une hausse de près de 20 % par rapport à 1992 et l'enregistrement d'un surplus commercial de 2 200 000 000 $.

M. le Président, l'emploi est au coeur des préoccupations du gouvernement et de la société québécoise. Une grande proportion des emplois de l'avenir seront assurés par les investissements que nous effectuons aujourd'hui et qui sont liés principalement au développement technologique. En fait, la construction de l'économie de demain va nécessiter, dans les années à venir, des investissements très substantiels.

(16 h 50)

Or, il faut réaliser que le monde entier a besoin de ces capitaux alors que l'épargne se fait rare. Les besoins sont immenses en Asie, en Europe centrale et orientale et en Amérique latine. C'est pourquoi, depuis 18 mois, nous avons voulu mettre en place une stratégie élaborée de promotion des investissements étrangers pour permettre aux Québécois de renforcer ces pôles de développement.

Par ailleurs, M. le Président, nous sommes déjà entrés dans une économie où la place des produits et services à haute valeur ajoutée ne cesse de s'accroître. Qui dit haute valeur ajoutée dit capacité d'intégrer les efforts d'innovation dans la production des biens et services. Cette capacité d'intégrer l'innovation repose elle-même sur les efforts de recherche et de développement. Les ressources requises aujourd'hui pour effectuer de la recherche et du développement dépassent les capacités individuelles de chaque pays. Désormais, tout travail de recherche et de développement doit prendre appui sur un effort international.

Pour illustrer l'importance grandissante de ces échanges internationaux en matière de recherche et de développement, il suffit de mentionner qu'on estime actuellement que les exportations canadiennes incorporant des technologies avancées ne couvrent que 46 % des importations de tels produits, comparativement à 129 % pour l'Allemagne, 88 % pour la Belgique, 83 % pour les États-Unis, 99 % pour la France, 100 % pour le Royaume-Uni et, M. le Président, 570 % pour le Japon. Ce dernier pays exporte donc 5,7 fois plus de technologies qu'il n'en importe, alors que, au Canada, on importe deux fois plus de technologies.

Ces chiffres permettent d'apprécier les efforts supplémentaires que nous devons consentir au renforcement des échanges avec nos partenaires étrangers pour développer des partenariats préconcurrentiels ouvrant, au Québec, des technologies et des savoir-faire qui seront essentiels au développement d'une économie à haute valeur ajoutée.

Ces chiffres permettent également de bien saisir l'importance du programme Actions concertées de soutien à la coopération scientifique internationale élaboré dans le cadre de la politique d'affaires internationales du gouvernement. Ce programme, rappelons-le, vise à stimuler la coopération scientifique et technologique internationale dans le but de renforcer le potentiel scientifique et technologique québécois dans les secteurs stratégiques que sont les biotechnologies, les technologies de l'information, les nouveaux matériaux, la recherche spatiale et l'environnement.

Dotée d'un budget de près 3 700 000 $ sur trois ans, cette action concertée, en appuyant des groupes de recherche québécois reconnus pour leur excellence, a pour objectif de développer des projets de coopération en soutenant des liens durables de coopération, l'insertion des chercheurs québécois dans les réseaux internationaux de recherche et l'accès de jeunes chercheurs à des laboratoires étrangers. Il vise également à favoriser l'émergence d'activités et de projets conjoints avec des partenaires dont l'avance scientifique est reconnue.

M. le Président, il faut souligner que ce programme permet également à nos étudiants du 2e et du 3e cycle de parfaire leur formation à l'étranger. De tels échanges, outre qu'ils amènent les étudiants québécois à se familiariser avec les savoir-faire étrangers, leur permettent à la fois de s'inscrire dans des réseaux étrangers et de préparer les projets conjoints de l'avenir. Il s'agit là d'un des meilleurs investissements que la société québécoise puisse faire dans l'avenir.

Cette dynamique internationale s'étend également aux échanges culturels, car le monde de la culture vit aussi à l'heure de la mondialisation. Je crois ici utile de rappeler que les échanges occupent une place centrale dans les affaires internationales. À cet égard, je me réjouis du fait que la politique d'affaires internationales a retenu la culture parmi ses quatre priorités.

En effet, la culture et la langue sont des éléments clés de l'identité de chaque société. Il est donc naturel qu'elles représentent une composante essentielle de l'action internationale du Québec. Le développement culturel, l'un des acquis les plus précieux des sociétés modernes, doit désormais être assuré dans un contexte international. En favorisant des échanges culturels avec des partenaires étrangers, l'action internationale contribue à stimuler et à renforcer le dynamisme des créateurs québécois. En même temps, elle facilite la diffusion et la distribution de leur production sur des marchés plus larges que le seul marché québécois, qui est à la fois restreint et largement ouvert aux productions étrangères.

La politique du gouvernement vise à créer des conditions propres à stimuler la création et à faire naître des productions ainsi que des produits d'une qualité et d'une originalité conformes aux exigences de la concurrence internationale. Les échanges internationaux peuvent contribuer à assurer ce dynamisme dans la mesure où, précisément, ils favorisent l'accès aux courants et réseaux les plus dynamiques en matière de création. Le véritable enjeu est toutefois de consolider et de développer des industries capables d'une production originale et d'une qualité qui, tout en contribuant à exprimer l'identité culturelle du Québec, soit susceptible d'être reconnue au niveau international. Cette approche, M. le Président, est d'autant plus d'actualité que le GATT a évalué à 300 000 000 000 $ par année, avec un taux de croissance annuel de 6,5 %, le marché mondial des produits culturels.

Soulignons enfin que, à l'ère du multimédia, les créateurs et nos entreprises culturelles se voient ouvrir des possibilités extraordinaires et des défis nouveaux. Nous ne doutons nullement que nos créateurs sauront tirer parti de ce genre d'occasion pour s'inscrire dans les grands réseaux culturels internationaux et contribuer au dynamisme de la culture et de l'économie québécoises.

Je m'en voudrais, enfin, de ne pas souligner les nouveaux enjeux qui se profilent dans le domaine de l'environnement. Il y a là des défis importants et attrayants pour l'industrie québécoise, et ce, pour une raison bien simple: On estime également à 300 000 000 000 $ le marché mondial annuel de l'environnement. Or, contrairement à d'autres domaines dans lesquels certains pays ont acquis une domination presque totale, aucun pays n'a acquis jusqu'à présent de position dominante en matière de technologie de l'environnement. Il y a là, M. le Président, un créneau à occuper. Le Québec a déjà une expertise en matière d'environnement qu'il faudra traduire en produits et services exportables sur les marchés internationaux.

M. le Président, il serait possible de poursuivre longtemps sur les efforts entrepris par le gouvernement actuel pour permettre au Québec de relever le défi de la mondialisation et de l'internationalisation qui se mettent en place à une vitesse vertigineuse, mais je m'arrête ici, en rappelant simplement que cette démarche à cadence rapide vers une mondialisation de l'activité économique, technologique et culturelle est riche d'occasions absolument extraordinaires pour la société québécoise. Elle représente également des défis que nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer. C'est pourquoi je propose d'appuyer la volonté du gouvernement de les relever en se donnant une loi qui nous permettra de mieux faire face aux enjeux de la mondialisation et de l'internationalisation.

En terminant, M. le Président, j'aimerais rappeler que le projet de loi 7 dont il est question ici s'inscrit dans la volonté de la population du Québec et du gouvernement de gérer les fonds publics en fonction de la capacité de payer des contribuables québécois. L'économie nous amène à non seulement rationaliser nos ressources, mais à mieux identifier les objectifs à atteindre et les clientèles à desservir pour obtenir le maximum d'efficacité.

La fusion du ministère des Affaires internationales et du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration est un exemple des effets positifs de l'opération de réalignement qui s'effectue depuis plusieurs mois à l'échelle du gouvernement, un appareil de l'État capable de faire plus à moindre coût au bénéfice de tous les citoyens et citoyennes du Québec.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Saint-Henri. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 7, et je cède la parole au ministre des Affaires internationales pour son droit de réplique. M. le ministre, la parole est à vous.


M. John Ciaccia (réplique)

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le Président, il y a un vieil adage qui dit: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Et je pense que le député de Pointe-aux-Trembles et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques connaissent bien cet adage.

(17 heures)

Je voudrais relever quelques propos, quelques distorsions qui ont été faites par les deux députés. Premièrement, le député de Pointe-aux-Trembles parle de l'absorption des communautés culturelles par le ministère des Affaires internationales. Il aurait bien pu parler de l'absorption du ministère des Affaires internationales par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, ça aurait été aussi faux. Il n'est pas question d'une absorption, il l'a répété et répété maintes fois. C'est une fusion où chaque mandat de chacun des ministères précédents est maintenu, mais où il y a la possibilité de faire des synergies, parce que le ministère des Affaires internationales n'est pas strictement ou seulement un ministère à mission économique. Et le ministère, l'ancien ministère, le présent ministère, avant l'adoption de la loi 7, de l'Immigration et des Communautés culturelles n'est pas un ministère qui a strictement une mission sociale. Les deux ont des missions sociales et économiques. Par exemple, M. le Président, dans le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, il y a tout le Programme des investisseurs immigrants. Dans le ministère des Affaires internationales, il y a le Bureau des investissements étrangers.

Alors, la fusion, et pas l'absorption, va permettre une meilleure efficacité, des meilleurs efforts de la part du ministère pour accomplir ses objectifs. Le ministère des Affaires internationales a des objectifs sociaux, des objectifs culturels, des objectifs de rayonnement du Québec à l'international qui ne sont pas strictement des objectifs économiques. Ça va au-delà de seulement l'économie. Et, quand le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques dit que nous voulons faire seulement de l'économique, ça, c'est une vieille cassette du Parti québécois depuis quatre ans, parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent pas trouver des critiques sur le fond de ce que nous faisons, que ceux qui viennent avec nous en mission, non seulement les gens d'affaires... Parce que, pour moi, une mission économique, ce n'est pas strictement, seulement, des gens d'affaires, ce sont des institutions québécoises, les universités, le domaine culturel, le rayonnement, la connaissance du Québec. C'est ça, vraiment, ce que nous faisons au ministère des Affaires internationales.

Et le rayonnement et les affaires internationales, M. le Président, passent par des relations internationales. Quand je vais en Afrique du Sud pour appuyer le processus démocratique pour lequel les Sud-Africains ont fait leurs élections multiraciales, quand je vais en Amérique latine pour appuyer les changements économiques, les changements démocratiques, les changements institutionnels qui se produisent en Amérique latine, je le fais avec la connaissance et l'expérience du Québec, et je donne un appui à ces pays. Quand on a été la première province canadienne à être au Vietnam, à être en Europe centrale, en Europe de l'Est, au tout début, quand le mur de Berlin est tombé, c'était pourquoi? C'était pour appuyer ces pays dans tous les changements démocratiques et économiques par lesquels ils passaient. Et ceci, ça a été le rôle du ministère.

Alors, il y a un rôle international, de relations internationales, institutionnelles qui fait le rayonnement du Québec. Et c'est pour ça que je dis: Nous ajoutons une dimension québécoise à la réputation canadienne. C'est clair, M. le Président, que, pour le Parti québécois, les relations internationales, pour eux, c'est faire la promotion de l'indépendance du Québec. Ah! ça, je ne le fais pas. Ça, je suis coupable de ne pas faire la promotion de l'indépendance du Québec à l'international. Mais de faire des relations de connaissances, des relations personnelles, des relations institutionnelles, des relations culturelles, ça fait partie de notre mandat, de mon mandat tel que je le vois, et ça fait partie de toutes nos activités depuis que je suis titulaire de ce ministère.

En ce qui concerne certains propos du député de Pointe-aux-Trembles, vous savez, il a montré tellement de préoccupation pour les communautés culturelles, c'était vraiment touchant. Pour lui, les communautés culturelles ne devraient pas être obligées de s'adresser au ministère des Affaires internationales. Mais il a mal compris le projet de loi, il n'a pas écouté l'explication que je lui ai donnée: les communautés culturelles ne s'adresseront pas au ministère des Affaires internationales, elles vont s'adresser à leur ministère, le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles. C'est leur ministère, aussi, et il y a une certaine logique, parce que les communautés culturelles font partie de ma politique des Affaires internationales. Alors, ça permet, encore, une insertion, une collaboration plus prononcée et plus coordonnée de toutes les communautés culturelles au Québec.

Le souci que le député de Pointe-aux-Trembles démontre pour les communautés culturelles, qu'elles doivent avoir leur propre ministère, semble aller vraiment à l'encontre de son propre chef, qui, lui, M. le Président, veut abolir complètement le ministère des Communautés culturelles. C'est ce qu'il avait déclaré en 1993; ça avait paru dans La Presse et dans Le Soleil , que Parizeau et un Québec souverain: pas de ministère des Communautés culturelles.

Alors, il y a une certaine incohérence ou insincérité de la part du député de Pointe-aux-Trembles, de devoir démontrer aujourd'hui tellement de préoccupation, un souci pour les communautés culturelles. S'il est vraiment intéressé à l'avancement, à aider les communautés culturelles, il devrait appuyer notre projet de loi. Parce que, s'il avait écouté attentivement le discours que j'ai prononcé, j'ai mentionné que tous les programmes que nous avions, malgré la fusion, malgré les coupures budgétaires, les programmes pour les communautés culturelles, qui sont très importants pour eux, demeurent. Il y a une logique, il y a une efficacité, il y a une façon de faire les choses, qui seront encore mieux faites avec la fusion du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Il y a un autre aspect: sur certaines autres affirmations que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a faites. Il a parlé, il a dit: Bon, on va discuter des mesures législatives. Justement, il a commencé à critiquer le transfert de la francophonie au ministère de la Culture et des Communications; je regrette, mais il n'a pas compris le projet de loi, M. le Président. Il n'y a pas de mesures législatives; le rôle de la francophonie, la loi 42 ne le change pas. Le ministère des Affaires internationales est responsable de la politique des affaires internationales, qui comprend, M. le Président, la francophonie. Mais, auparavant, il y avait un ministre délégué aux Affaires internationales, qui était responsable de la Francophonie. Aujourd'hui, avec les coupures budgétaires, avec la réduction du rôle du gouvernement et du nombre de ministres, on n'a pas de ministre délégué aux Affaires internationales. Alors, la francophonie, la responsabilité de la francophonie est celle de la ministre de la Culture et des Communications, responsable de la Francophonie. Alors, avant, on avait le ministre délégué aux Affaires internationales, responsable de la Francophonie; aujourd'hui, nous avons la ministre de la Culture et des Communications, responsable de la Francophonie.

(17 h 10)

Alors, ça ne change pas grand-chose, ça n'amende pas la loi 42. Il n'y a pas de changement législatif ici, et je crois que, vraiment, on essaie de faire un grand plat avec cet aspect. Parce que, franchement, je crois qu'il n'y a pas de vraie critique valable qu'ils peuvent nous faire. On essaie de parler du réseau et on donne une description caricaturale du réseau des Affaires internationales.

M. le Président, le réseau des Affaires internationales s'occupe certainement des aspects économiques; écoutez, c'est important pour créer des emplois. On ne peut pas négliger l'importance de l'économie, l'importance des investissements étrangers, l'importance des exportations. Mais on ne se limite pas strictement à ces problèmes, à ces activités économiques: tout l'aspect institutionnel, nos universités, les missions que j'ai faites en Pologne, par exemple, avec les universités, pour faire des échanges avec les universités de la Pologne, le rayonnement du Québec. Quand on va en Amérique latine et qu'on explique tous les changements que le Québec a faits depuis la Révolution tranquille, les institutions que nous avons mises en place, les changements dans notre système d'éducation, notre Caisse de dépôt, les sociétés d'État que nous avons mises en place, toute la relation entre le gouvernement et les entreprises privées et tout l'appui que nous donnons aux changements économiques et politiques qui se produisent dans différentes parties du monde, ça aussi, M. le Président, fait partie du rôle, du mandat, des activités du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Il y a un autre aspect, peut-être, que le député de Pointe-aux-Trembles et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques n'ont pas vraiment compris, c'est toute la politique qui a été mise sur pied et qui existe en ce qui concerne l'immigration. Cette politique n'a pas changé. Quand j'entends les propos du député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, quand il parle de changements politiques, j'ai toujours l'impression qu'il essaie de donner une crédibilité à certains propos mensongers qui ont déjà été véhiculés en ce qui concerne cette politique. La politique n'a pas changé; elle demeure, elle est en place, elle est mise en application. La fusion des deux ministères ne change ni la politique des Affaires internationales ni la politique de l'Immigration. Et d'essayer de parler autrement, c'est vraiment induire la population en erreur et dire des choses qui ne sont pas basées sur la réalité.

M. le Président, je demanderais aux députés de l'Opposition de parler aux organismes qui sont affectés par la fusion et voir la réaction positive que nous avons eue. Qu'ils parlent aux gens qui sont préoccupés par l'immigration, des gens qui sont des communautés culturelles, qui ont reçu cette nouvelle et qui travaillent avec nous avec enthousiasme. Je les invite à aller parler à tous ceux qui sont venus avec moi en mission dans tous les différents pays du monde, qu'ils voient leurs réactions, non seulement les gens d'affaires, mais les universités, les institutions québécoises, les institutions culturelles, le milieu culturel. M. le Président, nous sommes fiers du travail que nous faisons pour donner le rayonnement du Québec dans le monde entier, et nous voyons, par notre présence dans tous les pays, la réaction de tous ces pays, la façon dont ils travaillent avec nous et les bénéfices que ça nous apporte.

M. le Président, le projet de loi va renforcer l'action du gouvernement du Québec dans les activités internationales; il va pouvoir mieux coordonner tous les aspects et le travail de l'Immigration, le travail des Communautés culturelles, tous les aspects que les deux ministères ont en commun, et chacun va maintenir son rôle, son mandat, son travail, que ce soit ici, au Québec, ou dans le domaine international. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Alors, le principe du projet de loi 7, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires internationales, la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Doyon: Oui, je voudrais maintenant, M. le Président, faire motion pour que le projet de loi 7 soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.


Avis de débats de fin de séance

Alors, je voudrais donner un avis à l'Assemblée. Nous avons reçu, la présidence a reçu une demande du député de Duplessis pour un débat de fin de séance avec M. le ministre des Transports sur une question concernant le camionnage en vrac. Donc, à la demande du député de Duplessis, il y aura débat de fin de séance entre le député de Duplessis et M. le ministre des Transports, à 22 heures.

Alors, nous poursuivons les affaires du jour.

M. le leader adjoint du gouvernement.


Motions sans préavis


Motion proposant que la commission de l'économie et du travail procède à une consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective, de février 1994

M. Doyon: Oui, M. le Président, j'aurais une autre motion à faire. Je propose que la commission de l'économie et du travail tienne ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective, de février 1994, les 24 et 25 mai 1994, à la salle du Conseil législatif; les 26 et 31 mai, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; ainsi que le 1er juin, à la salle du Conseil législatif, conformément à l'horaire ci-après déposé.

Je vous signale, M. le Président, qu'il y a eu entente avec l'Opposition pour que cette motion soit adoptée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement? Consentement.


Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée?

Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Doyon: Oui, je vous prierais maintenant, M. le Président, d'appeler l'article 14 de notre feuilleton.


Projet de loi 21


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 14. M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité.

Pardon? Oui?

M. le député de Jonquière, je vais vérifier.

Alors, qu'on appelle les députés.

(17 h 17 – 17 h 19)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité.

Je cède la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: M. le Président, le projet de loi 21, sur lequel les membres de l'Assemblée nationale auront à se prononcer, propose de modifier la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité.

Essentiellement, ce projet de loi prévoit qu'un permis d'agent d'investigation ou de sécurité peut être délivré pour une période d'un an ou pour une période plus courte prévue par règlement.

(17 h 20)

Comme nous le verrons plus tard, une telle modification répond à des besoins du milieu, dans la mesure où elle introduit une souplesse administrative qui permettra une meilleure gestion des ressources au sein des agences de sécurité ou d'investigation. Ainsi, la nouveauté proposée par ce projet de loi porte sur l'émission d'un permis d'agent d'investigation ou de sécurité pour une période plus courte prévue par règlement.

En outre, ce projet de loi propose de modifier les pouvoirs réglementaires du gouvernement afin que les frais exigibles pour la délivrance des permis d'agents d'investigation ou de sécurité puissent être établis en fonction de la période plus courte qu'un an prévue par ces mêmes règlements. Suivant les besoins témoignés par les représentants des agences d'investigation ou de sécurité, il appert que ces modifications s'avèrent aujourd'hui nécessaires afin, d'une part, de permettre au ministère de la Sécurité publique de récupérer les coûts relatifs à l'émission de tels permis et, d'autre part, de répondre aux exigences de ce champ d'activité. Avant de vous faire état des éléments constituant la problématique que se propose de résoudre le projet de loi 21, permettez-moi de vous brosser un bref tableau des divers aspects de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité.

En premier lieu, la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, dans sa forme actuelle, remonte à 1962. La Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, comme son nom l'indique, couvre le secteur de la sécurité privée et de l'investigation privée. La sécurité privée, au sens de cette loi, fait référence à toute personne qui, moyennant rémunération, agit comme détective, fait la recherche d'infractions, recueille ou fournit des renseignements sur le caractère ou la conduite d'autrui. Pour sa part, le secteur de la sécurité privée couvre principalement les services de gardiennage ou de surveillance. La Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité vise les agences qui offrent leurs services à contrat à des tiers. Toutefois, elle ne couvre pas la personne qui, directement et sans intermédiaire, c'est-à-dire comme employée, fournit ses services personnels comme investigateur, gardien ou surveillant. Elle ne s'applique pas non plus aux agences de renseignements qui fournissent à leurs seuls membres ou abonnés des informations sur la solvabilité des personnes.

La responsabilité du ministre de la Sécurité publique à l'égard de l'application de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité consiste principalement à délivrer à une personne qui en fait la demande soit un permis d'agence d'investigation ou de sécurité, soit un permis d'agent d'investigation et de sécurité, pourvu qu'après enquête le requérant démontre qu'il possède les qualités requises et remplit les conditions prescrites dans le règlement d'application de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité. L'émission des permis d'agents d'investigation et de sécurité est une activité déléguée aux membres de la Sûreté du Québec, qui s'assurent que tous les demandeurs, après enquête, possèdent les qualités requises par le règlement d'application de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité.

L'article 3 du règlement d'application ci-haut mentionné prévoit notamment qu'une personne qui sollicite un permis d'agent d'investigation ou de sécurité doit avoir les qualités suivantes: n'avoir jamais été déclarée coupable d'une infraction au Code criminel sur une poursuite intentée au moyen d'un acte d'accusation, ou encore ne jamais avoir été déclarée coupable d'une infraction au Code criminel punissable ou qui aurait pu l'être sur déclaration sommaire de culpabilité au cours des cinq ans précédant sa demande. En ce qui concerne l'infraction au Code criminel punissable sur déclaration et/ou qui aurait pu l'être sur déclaration sommaire de culpabilité, le délai de cinq ans peut être réduit jusqu'à concurrence de 12 mois, selon les circonstances et la gravité de l'infraction commise par le demandeur.

La loi et son règlement d'application ont pour objectif, lors de l'octroi d'un permis, de s'assurer qu'un demandeur est digne de la confiance du public, car ses services porteront sur des personnes et des biens, et le ministre de la Sécurité publique, en délivrant un tel permis, agit comme caution auprès de la population. De plus, la loi exige de toute société ou corporation qui sollicite un permis d'agence qu'elle désigne un représentant afin que ce dernier s'occupe activement des opérations de l'agence.

M. le Président, en plus de répondre aux critères exigés d'un agent d'investigation ou de sécurité, le représentant d'une agence doit être solvable et ne pas avoir fait faillite au cours des 10 ans précédant sa demande. Le ministre exerce une surveillance des permis qui sont émis en les suspendant ou en les révoquant lorsqu'une agence ou un agent commet une infraction à la présente loi ou au règlement, cesse d'avoir les qualités requises pour conserver son permis ou encore est déclaré coupable d'un acte criminel.

Le ministre de la Sécurité publique approuve également les uniformes ou insignes utilisés par une agence d'investigation ou de sécurité de même que les caractéristiques et les normes d'identification des véhicules utilisés par une telle agence. Dans un autre ordre d'idées, le coût annuel d'un permis d'agent d'investigation et de sécurité est passé de 5 $ en 1973 à 25 $ en 1993.

M. le Président, c'est à l'occasion de la prépublication à la Gazette officielle du Québec , en 1992, d'un projet de règlement visant à faire passer de 15 $ à 50 $ le coût d'un permis d'agent d'investigation ou de sécurité que des représentations ont été adressées au ministère de la Sécurité publique. L'augmentation proposée par le ministère avait pour objectif de lui permettre de récupérer les coûts relatifs à la gestion des permis d'agents d'investigation ou de sécurité. Dans ce contexte, M. le Président, non seulement le gouvernement du Québec a-t-il accepté de ne pas hausser le tarif des permis d'agents au niveau projeté et de tarifier pour un montant de 25 $, mais le ministère de la Sécurité publique a été également sensibilisé à l'importance de certains problèmes vécus par ce type d'entreprises. À ce sujet, ce que les organismes représentant des agents d'investigation ou de sécurité ont alors indiqué au ministère, c'est que le travail des agences de sécurité nécessite, dans certains cas, l'embauche d'employés sur une base occasionnelle et à temps partiel. En effet, M. le Président, ce type de corporation doit pouvoir répondre à des demandes pour des projets spéciaux, des événements limités dans le temps, ou encore, pour des contrats de fin de semaine, par exemple, des expositions et des salons.

Au-delà des besoins particuliers exprimés par ce milieu, on nous a également sensibilisés au fait que la fonction d'agent de sécurité pouvait représenter un emploi à temps partiel pour plusieurs personnes. Ce qui est non négligeable dans le contexte actuel de l'austérité budgétaire auquel sont confrontés les secteurs autant publics que privés.

M. le Président, le ministère de la Sécurité publique a donc procédé à l'analyse de la situation, et comme la loi dans sa forme actuelle ne lui permettait pas d'émettre des permis pour une période autre qu'annuelle, il a alors décidé de limiter à 25 $ l'augmentation des permis d'agents d'investigation ou de sécurité et de proposer, par le présent projet de loi, la délivrance de permis pour une période inférieure à une année. Cependant, M. le Président, le ministère de la Sécurité publique a toujours comme préoccupation de récupérer les coûts relatifs à la gestion des permis d'agents d'investigation ou de sécurité.

(17 h 30)

C'est pourquoi je propose à cette Chambre de modifier l'article 8 de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité afin de prévoir qu'un permis d'agent puisse être délivré pour une période plus courte qu'un an, laquelle période, M. le Président, sera déterminée par règlement, et d'ajuster en conséquence le pouvoir réglementaire du gouvernement de fixer les frais pour la délivrance d'un tel permis, eu égard à sa durée.

La modification proposée ne concerne aucunement l'émission des permis d'agences d'investigation ou de sécurité, mais uniquement celle des agents. En effet, le ministère émet annuellement tout près de 200 permis d'agence d'investigation ou de sécurité, lesquels expirent le 31 mars de chaque année. Étant donné le faible volume de ces permis et l'intérêt pour le ministère d'effectuer l'émission de ces quelque 200 permis une fois par année, les permis d'agence continueront d'être délivrés de cette façon.

M. le Président, les modifications proposées au projet de loi 21, tout en permettant au ministère de la Sécurité publique de récupérer les coûts de gestion des permis d'agents d'investigation ou de sécurité, introduisent un mécanisme flexible d'émission des permis adapté aux besoins des personnes oeuvrant dans le secteur de la sécurité au Québec.

Je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion pour vous rappeler que, au cours des derniers mois, plusieurs événements impliquant des personnes oeuvrant dans le secteur du transport des valeurs sont survenus au Québec. Les divers rapports qui ont été portés à la connaissance du ministère à la suite de ces événements révèlent certaines problématiques à l'égard de ce champ d'activité. Il a été notamment porté à la connaissance du ministère de la Sécurité publique que le secteur du transport de valeurs n'était pas complètement soumis à l'application de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité. Plusieurs questions portant sur la formation des personnes impliquées dans le transport de valeurs, le caractère sécuritaire des équipements mis à la disposition des agents, les normes entourant les circuits routiers utilisés et les accès aux diverses institutions bancaires ont été soulevées à cette occasion. En d'autres termes, nous devrons nous questionner aussi bien sur la sécurité des agents que sur celle du public en général.

La Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité n'ayant pas ou peu été modifiée depuis 1962, je vous annonce mon intention de former un comité chargé d'examiner les diverses problématiques qui ont été portées à ma connaissance au cours des derniers mois, et, plus particulièrement celles concernant le transport des valeurs. Le mandat de ce comité consistera à me proposer les modifications qui s'imposent à l'aube de ce tournant de siècle.

Par ailleurs, le récent accord de libéralisation des marchés publics entre le Québec et le Nouveau-Brunswick amènera également le gouvernement à modifier prochainement le règlement d'application de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité afin de respecter les orientations gouvernementales prévues dans l'accord de libéralisation. Une fois une telle modification adoptée, tout en pouvant bénéficier d'un plus grand éventail de services en ce domaine, les Québécois et les Québécoises jouiront d'une garantie additionnelle relativement à la qualité des services des agences du Nouveau-Brunswick qui agiront au Québec.

M. le Président, sans pour autant prétendre qu'il s'agit là d'une mesure proprement dite de déréglementation gouvernementale, l'élément essentiel contenu à ce projet de loi représente, de toute évidence, un effort important visant l'introduction d'un mécanisme administratif flexible qui permettra de répondre aux attentes du milieu. Je suis tenté de dire que le «just in time» est également une pratique s'appliquant dans le milieu de la sécurité et de l'investigation.

C'est donc avec plaisir que je soumets le projet de loi 21, ayant pour but de permettre au ministère de la Sécurité publique d'émettre un permis d'agent de sécurité pour une période inférieure à un an. En conséquence, j'espère que l'ensemble de mes collègues souscriront favorablement aux modifications comprises à ce projet de loi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je veux remercier M. le ministre de la Sécurité publique de son intervention. Nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 21, et je cède la parole à M. le vice-président de la commission de la culture.

M. Dufour: M. le Président, j'aimerais que, en vertu de nos règlements, vous constatiez s'il y a quorum ou pas.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, j'informe l'Assemblée qu'il n'y a pas de commission qui siège présentement et que le quorum est de 20. Alors, qu'on appelle les députés.

(17 h 35 – 17 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. L'Assemblée reprend ses travaux. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, et je cède la parole à M. le vice-président de la commission de la culture et député de Jonquière. M. le député.


M. Francis Dufour

M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Le projet de loi 21 modifie, dans un premier temps, l'article 8 de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité afin de prévoir qu'un permis d'agent d'investigation ou de sécurité puisse être délivré pour une période plus courte que le maximum prévu actuellement dans la loi. En effet, présentement, la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité indique que tout permis expire le 31 mars de chaque année, mais on ne prévoit pas d'expiration plus courte. Le projet de loi 21 le permettra dorénavant.

En second lieu, le projet de loi 21 modifie l'article 11 de la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité afin de prévoir que les frais exigibles pour la délivrance ou le renouvellement des permis d'agents d'investigation ou de sécurité puissent varier en fonction de la durée des permis, qui, en vertu de l'article 1 du projet de loi 21, pourra être inférieure à un an.

Donc, le projet de loi 21 comprend trois articles qui ne révolutionnent en rien la pratique d'agent d'investigation et de sécurité au Québec. L'Opposition officielle n'a pas l'intention de s'objecter à l'adoption du projet de loi 21. Toutefois, l'occasion nous est ainsi offerte d'aborder quelques dossiers relatifs au fonctionnement des agences d'investigation ou de sécurité.

Récemment, une troisième personne est morte lors d'attaque à main armée contre des agents préposés au transport de valeurs au Québec. Le premier événement s'est produit le 5 décembre 1992 à Montréal, alors qu'un voleur a été abattu par un agent au moment où il tentait une attaque contre le véhicule utilisé pour le transport. Le deuxième événement est survenu à Repentigny le 8 mars 1993, alors qu'un agent a été abattu par un voleur lors d'une attaque à l'intérieur d'un centre commercial. Le troisième événement s'est produit à Québec le 22 mars dernier, alors qu'un agent a été abattu par un voleur lors d'une attaque également à l'intérieur d'un centre commercial.

Dans le cas des deux premiers incidents, la coroner Anne-Marie David a enquêté et un rapport accompagné de recommandations a été remis au gouvernement le 9 novembre 1993. Le rapport de la coroner Anne-Marie David comprenait quatre recommandations: un, que la Sûreté du Québec exige un recyclage biannuel en maniement des armes à autorisation restreinte pour le permis de port d'arme à autorisation restreinte pour le travail; deux, que le ministère de la Sécurité publique modifie la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité pour inclure le transport de valeurs pour exiger une formation de base ainsi qu'une protection minimale; trois, que le ministère de la Sécurité publique, qui est chargé de l'application de cette loi, incite les agences de sécurité faisant le transport de valeurs à promouvoir l'homologation de dispositifs conformes aux lois canadiennes et québécoises qui rendront les billets de banque inutilisables, effectuer le transport de nuit lorsque le contexte le permet, promouvoir le transport de valeurs par accès direct aux commerces et banques lorsque le contexte le permet, promouvoir l'évaluation des risques et le réaménagement des lieux lorsque ce dernier s'avère nécessaire; quatre, que les médias, par le biais des bulletins d'information ou autres, sensibilisent le public au danger de s'attarder près des camions blindés.

Malheureusement, au moment du décès de l'agent Alain Labrie, le 22 mars dernier, dans un centre commercial de Québec, dans des circonstances similaires au second événement qui a fait l'objet de l'enquête du coroner, aucune de ces recommandations n'étaient en vigueur. Aujourd'hui, elles ne sont toujours pas appliquées, même si l'une d'entre elles implique des modifications à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, qui est justement l'objet du projet de loi 21.

La population peut donc légitimement se demander pourquoi, six mois après le dépôt du rapport de la coroner Anne-Marie David, le ministère de la Sécurité publique n'a pas encore terminé l'analyse des recommandations faites à la suite de deux décès liés au transport de valeurs.

Pourquoi le ministre de la Sécurité publique ne profite-t-il pas des changements qu'il apporte à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité pour élargir ses modifications au transport de valeurs ainsi qu'aux agences de sécurité qui font le transport de valeurs? C'est bien beau étudier des études, mais, à un moment donné, il faut agir.

Là, tout à l'heure, le ministre nous a annoncé qu'il mettrait sur pied un comité. Je n'ai jamais vu un gouvernement mettre sur pied autant de comités. Je ne sais pas combien il y a de comités qui ont été mis sur pied dans les dernières années, mais je peux vous dire que le nombre est important. Il me semble que, dans les cas où les coroners se sont prononcés, où on connaît les conséquences suffisamment graves, importantes dans lesquelles on évolue, le ministère, au lieu de mettre sur pied des comités pour étudier des études, il pourrait agir.

Je ne vois pas pourquoi, à l'intérieur du propre ministère de la Sécurité publique, on ne trouve pas suffisamment de ressources pour pouvoir se prononcer et donner les mesures de sécurité qu'on pourrait appliquer. Sans ça, on fait presque un constat que la Sûreté du Québec n'est pas à la hauteur; que l'école de Nicolet, où on forme des policiers, ils ne savent pas de quoi ils parlent; puis, en même temps, que tous les officiers qui sont à l'intérieur du ministère ne savent pas comment se comporter dans les cas de danger ou dans les cas qui nous préoccupent, d'autant plus que même des coroners se sont penchés sur les problèmes et ont suggéré des solutions.

Moi, je vous demande, honnêtement: Est-ce que c'est pour gagner du temps? On fait faire de l'occupationnel parce qu'on sait bien qu'actuellement on serait supposé être en pleine élection. On ne l'est pas. Donc, il faut occuper du monde, il faut les amuser quelque part. Moi, je vous dis: Ce n'est pas la bonne formule qu'on trouve, et on devrait... Au lieu de présenter des solutions à long terme, des solutions sur lesquelles on va se pencher, on pourrait, à mon point de vue, dans ces cas particuliers où il y a eu mort d'homme ou mort de personne, se prononcer plus rapidement.

On aurait pu – on aurait dû, surtout – profiter du projet de loi pour agir et le présenter avec des modifications intéressantes qui, en même temps, auraient répondu à des besoins et auraient augmenté la sécurité du transport d'argent ou, en même temps, auraient sécurisé soit les agents de sécurité, soit le public en général.

Un autre dossier ayant trait aux agences d'investigation ou de sécurité soulève quelques questions par les temps qui courent. Il s'agit du contrôle exercé par le ministère de la Sécurité publique sur ces agences. Outre la délivrance de permis, le ministère de la Sécurité publique semble peu se préoccuper de la formation des agents d'investigation ou de sécurité. On sait que ces derniers sont appelés à intervenir dans des situations difficiles, où leur vie et celle des autres peuvent être en danger. Or, plusieurs intervenants mettent en doute la formation fournie à ces agents concernant, par exemple, le maniement des armes. D'ailleurs, à ce chapitre, la loi est muette. En fait, la loi ne dit pas grand-chose au sujet des activités exercées par les agences d'investigation ou de sécurité ainsi que sur la formation que devraient recevoir les agents d'investigation ou de sécurité. À notre avis, il s'agit d'une lacune à laquelle le gouvernement devrait remédier.

La Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité insiste beaucoup sur les conditions à remplir pour obtenir un permis permettant d'opérer une agence, mais pas du tout sur la manière d'exercer cette profession, si ce n'est qu'un permis peut être révoqué pour quatre motifs bien précis, qui sont: avoir commis une infraction à la présente loi; avoir cessé d'exercer; avoir été déclaré coupable d'un acte criminel; s'être adonné à des occupations autres que celles qui sont permises par les règlements. Qu'en est-il de la compétence des agents d'investigation ou de sécurité, de leur préparation à répondre à des situations dangereuses, de leur entraînement, du maniement des armes à feu, et le reste? Pour bien des gens, ces questions demeurent sans réponse, et ces réponses...

(17 h 50)

Moi, j'ai peut-être un semblant ou un commencement de réponse aux problèmes qui sont soulevés, parce que, lorsqu'on fait appel à des agences de sécurité publique, c'est parce qu'il y a des coûts moindres. La plupart des groupes, et même le gouvernement, lorsqu'ils recourent à des agences de sécurité publique, c'est pour diminuer les coûts de surveillance, les coûts de transport d'argent ou les coûts en général, parce que ces gens-là sont moins payés que des agents de la Sûreté du Québec ou de la police municipale. C'est ça, le problème. Mais si les exigences professionnelles augmentent, j'ai l'impression... C'est ça qui, à mon point de vue, fait qu'on ne parle jamais de formation pour ces gens-là. C'est que le gouvernement se cache en arrière pour ne pas avoir à payer ces gens-là un prix raisonnable. Et c'est ça, le vrai problème, parce que, remarquez, M. le Président, j'insiste là-dessus, quand on fait appel à des agences de sécurité, le gouvernement donne l'exemple, est un bon exemple de ce qui se passe. Quand on regarde dans les palais de justice, toutes les maisons ou les bâtisses qui appartiennent au gouvernement sont surveillées par des agents de sécurité et non pas par la Sûreté du Québec, parce que ça coûte moins cher. C'est vraiment le but, et on ne parle jamais de formation pour ces gens-là, parce que le gouvernement prend bien garde de ne pas augmenter la compétence, parce que, la compétence, ça se paie. C'est ça qui est vraiment, à mon point de vue, en arrière de tout ça.

Pour bien des gens, dis-je, les questions sont sans réponse. Nous profiterons donc de l'étude détaillée du projet de loi pour obtenir des réponses à ces questions ainsi qu'à celles que nous avons soulevées précédemment. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jonquière. Alors, en vertu de votre droit de réplique, M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Robert Middlemiss (réplique)

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Ça va être très court. Je voudrais juste rassurer le député de Jonquière, M. le Président, que nous avons agi aussi vite qu'on a pu le faire suite au dépôt du rapport de la coroner Anne-Marie David, M. le Président, et il ne servait à rien d'accélérer et de courir, de se hâter pour passer un projet de loi qui était bien important.

Les critiques qu'a adressées le député de Jonquière concernant le maniement des armes, l'entraînement de ces gens-là, ça, c'est bien important, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. Et c'est pour ça, M. le Président, que nous allons mettre sur pied un comité pour faire cette étude-là. Et, si le député de Jonquière, M. le Président, n'est pas au courant que, si on a réussi à régler le problème du transfert du réseau routier avec les municipalités au Québec, c'est parce qu'il y a un comité qui a travaillé et qui a pu analyser les problèmes et a pu répondre adéquatement aux gens concernés... Ça, M. le Président, c'est une chose.

Une autre chose: celui qui vous parle a eu l'occasion, en 1986, de présider un comité sur l'état du réseau routier au Québec. Et je dois vous dire, M. le Président, que, à cause de cette étude-là et du rapport, on a investi des millions de dollars sur le réseau routier au Québec, de l'argent qui a été bien dépensé. Donc, M. le Président, je n'ai aucune honte de dire que, pour moi, c'est plus important de mettre sur pied un comité qui va nous donner une solution, une vraie solution. Ce qui vaut la peine d'être fait, M. le Président, il faut que ce soit bien fait, et c'est pour ça qu'on a mis un comité sur pied.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que, M. le ministre de la Sécurité publique, vous acceptez que le député de Jonquière vous pose une question en vertu de l'article 213? Non. C'est non.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Doyon: Oui, maintenant, M. le Président, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.


Renvoi à la commission des institutions

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que la motion du leader adjoint du gouvernement est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Doyon: Oui, je voudrais maintenant aviser cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, votre avis est déposé. Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Mmes, MM. les députés, nous allons reprendre nos travaux. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le Président, j'aimerais, dans un premier temps, déposer l'horaire final des travaux de la commission de l'économie et du travail relativement à la consultation générale concernant les décrets de convention collective, afin d'éviter toute confusion qui aurait pu se produire quant aux horaires déposés cet après-midi. Je demanderais le consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce qu'il y a consentement de cette Chambre? Il y a consentement. Très bien, M. le ministre. Alors, M. le ministre, pour la poursuite de nos travaux.

M. Middlemiss: M. le Président, à l'article 11.


Projet de loi 17


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives. Alors, est-ce qu'il y a des interventions? À vous la parole, Mme la ministre.


Mme Lucienne Robillard

Mme Robillard: M. le Président, on se rappellera que, lors de l'adoption de la nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux, les anciennes dispositions demeuraient applicables dans le territoire du Conseil cri de la santé et des services sociaux et du Conseil régional Kativik de la santé et des services sociaux jusqu'à ce qu'une entente intervienne avec les représentants de ces territoires. Des négociations avec les Inuit nous ont permis d'en arriver à une entente leur permettant d'intégrer la réforme. À cet effet, le 13 décembre 1993, cette Assemblée sanctionnait le projet de loi 136, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, mieux connue sous le nom de loi 120. Le but principal de cette loi était de rendre la réforme applicable au Nunavik et de permettre à la Loi sur les services de santé et les services sociaux de correspondre aux attentes, besoins, et à la situation particulière du peuple inuit. Cette loi est maintenant connue sous le vocable du chapitre 58.

Aujourd'hui, le projet de loi 17, que je vous soumets pour adoption, s'inscrit dans la continuité de cette démarche, M. le Président. En effet, cette réforme ne peut s'implanter sur le territoire du Nunavik par la seule mise en vigueur de la loi adoptée en décembre dernier. Il faut, pour que cette transition s'effectue en souplesse, c'est-à-dire sans obstacle et sans rupture de services auprès de la population, prévoir certains aménagements au plan juridique. Le projet de loi 17, dont nous discutons le principe aujourd'hui, répond principalement à cette nécessité.

M. le Président, j'aimerais simplement faire ressortir les deux volets que comporte la loi 17: d'un côté, un premier volet qui concerne les différentes mesures transitoires nécessaires au passage de l'ancien au nouveau régime juridique introduit par la réforme et un second volet qui concerne les concordances qui doivent être apportées aux autres lois du corpus législatif.

Je reviens donc au premier volet, soit celui des mesures transitoires. Le projet de loi 17 introduit, par une disposition législative qui réfère à celles déjà adoptées par le projet de loi 15, une série de mesures destinées à effectuer avec efficacité tous les transferts de responsabilité qu'exige l'implantation du nouveau mode de fonctionnement. Ces mesures prévoient le régime juridique temporairement applicable au Nord pendant toute la période de transition. Cette dernière s'avère évidemment essentielle pour permettre l'organisation logistique du nouveau mode de fonctionnement.

Ces mesures transitoires auxquelles le projet de loi 17 réfère peuvent, finalement, être regroupées sous les trois thèmes qui suivent: premièrement, des mesures qui concernent les structures. Même si des dispositions particulières de la loi 136 assurent qu'il y aura continuité des activités des établissements et du conseil régional par la régie régionale, sans autre formalité, le jour de l'entrée en vigueur des dispositions de cette loi, encore faut-il que ces organismes assujettis à la nouvelle loi jouissent d'un délai raisonnable pour rendre leur structure conforme à cette nouvelle loi ou encore pour s'acquitter des obligations particulières qu'elle impose.

C'est pourquoi les nouveaux conseils d'administration des établissements et de la régie régionale entreront en fonction en lieu et place des conseils d'administration actuels. Tous ces nouveaux conseils exerceront alors, pendant un certain temps, un double rôle: administrer les affaires de l'établissement ou de l'organisme selon les fonctions et modalités prévues dans la loi actuelle et se préparer à administrer les affaires de l'établissement ou de l'organisme selon les nouvelles fonctions et modalités prévues dans la loi 120 et dans la loi 136.

Tout en contribuant à la mobilisation de tous les acteurs dans l'actualisation de la réforme, cette approche permettra aux nouveaux conseils d'administration de se préparer à administrer les changements prévus dans la loi nouvelle. Ainsi, des mesures transitoires sont proposées relativement à l'instauration d'une procédure d'examen des plaintes et à la nomination d'un cadre chargé de l'appliquer; à l'adoption d'un plan d'organisation, y compris des plans d'effectifs médicaux d'un établissement; à la mise sur pied de comités de bénéficiaires; à la transformation du Conseil consultatif du personnel clinique en Conseil des infirmières et infirmiers et en conseil multidisciplinaire; et, enfin, à l'adoption d'un code d'éthique et d'un plan d'action pour le développement du personnel d'un établissement.

(20 h 10)

La deuxième catégorie de mesures transitoires concerne le fonctionnement. Un ensemble de mesures sont requises pour faire en sorte que les règles applicables au fonctionnement des activités des divers acteurs impliqués survivent temporairement et que le passage du mode de fonctionnement actuel à celui introduit par la nouvelle loi se réalise harmonieusement. Ces mesures concernent, à titre d'exemple, les contrats de services pour professionnels; les règles relatives au financement des activités et aux ressources financières des établissements, de la régie régionale et des organismes communautaires; les dispositions relatives aux emprunts, aux permis d'exploitation et à l'administration provisoire des établissements.

Enfin, M. le Président, des mesures spéciales aussi sont prévues à titre de mesures transitoires. Ces mesures, qu'on qualifie de spéciales, se distinguent davantage des autres dispositions transitoires en raison des aménagements particuliers qu'elles apportent. Une première mesure concerne, notamment, la procédure d'examen des plaintes des usagers. En attendant que la procédure nouvelle puisse être utilisée, il est nécessaire, entre autres choses, d'habiliter la régie régionale à entendre et recevoir les plaintes des usagers de la même manière que le Conseil régional le fait actuellement et de maintenir la compétence de la Commission des affaires sociales à cet égard. Il est également nécessaire de prévoir que les plaintes portant sur des établissements de la région continuent d'être examinées par la régie régionale qui succède au Conseil régional Kativik.

Finalement, M. le Président, le projet de loi 17 vise à corriger le texte anglais d'une de ses dispositions et à apporter des précisions ou des corrections utiles ou nécessaires à son application, soit celui des concordances législatives. Cette partie du projet de loi touche et vise uniquement à changer l'appellation de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris et inuit qui deviendra la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris. En effet, avec l'entrée des Inuit dans la réforme, le champ d'application de cette dernière loi sera considérablement rétréci puisqu'elle ne s'appliquera plus généralement qu'aux autochtones cris qui résident dans le territoire du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James. Il faut donc modifier un bon nombre de lois pour qu'elles se réfèrent, à l'avenir, à cette nouvelle appellation.

Enfin, tout en reconnaissant le caractère spécifique de cette communauté autochtone du Grand-Nord québécois, ce projet de loi permettra à la population inuit de profiter du renouveau et des avantages de la réforme de la santé et des services sociaux, au même titre que l'ensemble de la population du Québec. Prenant en considération les besoins des gens qui résident dans le Nord québécois et l'importance de corriger les lacunes qui découlent, bien souvent, de la vaste étendue du territoire, j'invite donc, M. le Président, tous les parlementaires à adopter le principe de ce projet de loi 17 qui concrétisera la réforme au Nunavik. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle, le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. M. le député, vous avez un temps à votre disposition de 20 minutes.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président, de me reconnaître ce droit de parole à l'occasion de la présentation de ce projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives. Effectivement, M. le Président, je veux, d'abord, indiquer que nous avions, de ce côté-ci, donné notre appui au projet de loi, à la loi 136, maintenant, qui visait... M. le Président, je pense que vous avez une intervention supplémentaire.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. l'orateur. Je m'excuse, mais je vous ai induit en erreur, bien involontairement. Vous avez un temps de parole d'une heure. Alors, vous avez tout ce temps à votre disposition.

M. Trudel: M. le Président, je n'avais pas relevé votre impair, puisque je n'avais pas l'intention d'utiliser l'heure au complet. Mais, si vous insistez particulièrement pour que je puisse utiliser l'heure... Mais, vous savez, les engagements vis-à-vis de nos vis-à-vis nous amènent parfois à faire des interventions plus courtes, d'autant plus, M. le Président, qu'il s'agit ici – en vous remerciant de cette précision sur le droit de parole, à cette étape-ci de l'adoption du projet de loi – d'autant plus, comme je le disais, M. le Président, que nous avions appuyé, de ce côté-ci, le projet de loi, qui est devenu la loi 136, qui porte le numéro 54 maintenant dans les Lois refondues du Québec, visant, en quelque sorte, à porter l'application de la réforme de la santé et des services sociaux, qui a été abordée en 1991, jusque sur le territoire du Nunavik, c'est-à-dire pour le territoire où réside la communauté inuit, dans le Nord du Québec, en particulier, sur les abords de la baie d'Ungava.

M. le Président, en pratique, le projet de loi 17 est un ensemble de technicalités. Pour le commun des mortels, je dirais que c'est parfois d'un ennui mortel de lire de telles dispositions puisque, vraiment, de prime abord, pour employer un terme qui est sans préjudice pour nos professionnels de la magistrature ou du droit, ça ressemble à des avocasseries, mais qui, M. le Président, sont très importantes si on veut, finalement, que l'organisation des services de santé et des services sociaux puisse s'articuler également sur le territoire du Nord du Québec pour la communauté inuit. Et c'est dans ce sens-là que le projet de loi 17 – et je le dis tout de suite, M. le Président – auquel nous allons apporter notre concours... Nous allons appuyer ce projet de loi pour faire en sorte que sur ce territoire puisse naître, en quelque sorte et de façon très concrète, la dix-septième régie régionale de la santé et des services sociaux pour cette communauté aux caractéristiques si particulières, sur un territoire si particulier, avec des dimensions qui exigent que nous devions caractériser la façon d'être d'un certain nombre d'institutions dans le domaine de la santé et des services sociaux à l'intérieur d'un projet de loi.

Alors, le texte peut paraître, de prime abord, un peu pointilleux, un peu détaillé, un peu ennuyeux, devrais-je dire, M. le Président; cependant, c'est un ensemble de précisions qui nous amènent à dire que, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, bien, on pourra aussi, dans cette partie du Québec, faire en sorte que la nouvelle organisation des services de santé et des services sociaux puisse se vivre sur cette partie du territoire québécois.

Et c'est dans ce contexte-là que nous aurons, quand même, M. le Président, un bon nombre de questions à poser, précisément sur l'organisation des services de santé et des services sociaux dans le Nord du Québec pour la communauté esquimaude que l'on connaît maintenant sous la désignation de la communauté inuit. M. le Président, ce n'est pas, compte tenu de la proportion de ces Québécois et de ces Québécoises... Parce qu'il faut le rappeler, les résidents et les résidentes de cette partie de notre territoire sont des Québécois et des Québécoises de la communauté inuit, des premières nations, et ce n'est pas à tous les jours que nous sont données des occasions de poser des questions, de faire en sorte de mettre à jour un certain nombre de problèmes ou de situations qui sont vécues, dans cette partie du territoire, par la partie de la population qui vit sur ce territoire-là, avec des caractéristiques tellement spéciales qu'il nous faut avoir une attention particulière pour répondre aussi avec des caractéristiques qui sont non moins particulières aux demandes de services, aux besoins de cette population du Québec.

Nous aurons un bon nombre de questions, M. le Président, parce que, en matière d'organisation des services de santé et des services sociaux, il faut toujours se souvenir que ce système doit d'abord être centré sur la personne elle-même. Lorsqu'on a présenté, ici, une réforme de la santé et des services sociaux axée sur le citoyen, une organisation des services de santé et des services sociaux axée sur la personne, ça veut dire qu'il y a un ensemble de caractéristiques: justement, des personnes – hommes et femmes – qui vivent sur ce territoire, qui demandent une attention bien particulière, bien spéciale, compte tenu de la langue, compte tenu des distances géographiques, compte tenu des us et coutumes, compte tenu de l'histoire, compte tenu des caractéristiques des établissements et des institutions, compte tenu également, bien sûr, de l'ensemble des caractéristiques ethnoculturelles qui sont impliquées. Il nous faut apporter une attention particulière, toute déterminante pour l'organisation des services de santé et des services sociaux dans cette partie du Québec.

(20 h 20)

M. le Président, ce sont des Québécois et des Québécoises. Il faut leur permettre de vivre et d'avoir des réponses à leurs besoins en matière de services de santé et de services sociaux, selon leurs caractéristiques particulières. Ces Québécois et ces Québécoises ne sont pas soumis à d'autres règles qu'aux règles générales en matière d'organisation des services de santé et des services sociaux, mais avec un bon nombre d'adaptations que nous devons réaliser et que nous devons mettre en marche si nous voulons répondre de façon adéquate aux besoins de la population.

Alors, voilà pourquoi, M. le Président, nous allons poser un très grand nombre de questions sur la situation des services de santé et des services sociaux pour le peuple inuit, dans le Nord du Québec, à l'occasion des prochaines étapes de l'adoption de ce projet de loi, parce que je pense bien que le gouvernement voudra adopter ce projet de loi avant l'ajournement de la prochaine session et, surtout, avant le prochain rendez-vous électoral qui, lui, ne saurait tarder. Il serait de bon aloi que nous puissions compléter ce travail pour permettre à la communauté inuit de vivre des services de santé et des services sociaux, et je dirais, malheureusement aussi, pour être capable de recevoir sa part de compressions qui seront imposées à toutes les régies régionales en matière d'organisation et de financement des services de santé et des services sociaux au cours des prochains jours ou des prochains mois. Ce sont des dimensions que nous aborderons également, M. le Président, en commission parlementaire, à l'étape de l'étude article par article de ce projet de loi.

D'ores et déjà, je conclus en disant, M. le Président, que nous allons apporter notre concours, notre soutien pour l'adoption de ce projet de loi avant l'ajournement de la session. Nous allons voter pour l'adoption, à cette étape-ci, du projet de loi 17. Merci.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Merci, M. le député. Mme la ministre, est-ce que vous prenez un temps de réplique? Non? Très bien. Alors, Mme la ministre.

Mme Robillard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que ce...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Tremblay): Non. Un moment, s'il vous plaît, Mme la ministre. Alors, étant donné qu'il n'y a pas d'autre intervenant, je dois vous indiquer: Le principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Il est adopté. Alors, Mme la ministre.


Renvoi à la commission des affaires sociales

Mme Robillard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Très bien. Alors, Mme la ministre.

Mme Robillard: M. le Président, pourriez-vous appeler l'article 34 du feuilleton, s'il vous plaît?


Projet de loi 125


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, Mme la ministre. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi 125, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, Mme la ministre, à vous la parole.


Mme Lucienne Robillard

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui devant l'Assemblée à l'occasion de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

M. le Président, ce projet de loi permet à la Régie de l'assurance-maladie d'assumer le coût de certains services et biens prévus au programme des aides matérielles qui étaient antérieurement sous la responsabilité de l'Office des personnes handicapées du Québec. De plus, M. le Président, ce projet de loi introduit des dispositions qui permettent la récupération, dans certains cas, des aides techniques dont le coût d'achat est assumé par la Régie et permet du même coup à la Régie de l'assurance-maladie de les réattribuer. Cet aspect législatif permet de diminuer les coûts, tout en maintenant la couverture du programme en tant que tel. Toujours au chapitre des aides techniques, le projet de loi apporte une modification visant à étendre le pouvoir de la Régie de procéder par appels d'offres au programme d'aides techniques. De plus, des modifications sont apportées afin de permettre à la Régie de prévoir les conditions de paiement des services et des biens, ainsi que les conditions de facturation par les dispensateurs de ces services dans le cadre du programme d'aides techniques.

M. le Président, ce projet de loi avait aussi comme objectif de donner suite à une mesure annoncée dans le Discours sur le budget de mai 1993 concernant la couverture des services optométriques. Elle permet, à cet effet, aux personnes âgées de 60 à 64 ans, qui reçoivent l'allocation au conjoint en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et qui détiennent un carnet de réclamation émis par le ministre de la Sécurité du revenu de continuer de bénéficier de la couverture des services optométriques comme c'était le cas avant le 26 mai 1993.

Un autre volet du projet de loi, M. le Président, c'est qu'il permet, à ce moment-là, à la Régie d'exempter de la photographie et de la signature du bénéficiaire sur la carte d'assurance-maladie les personnes qui habitent des régions éloignées ou non desservies par un réseau routier. Par ce projet de loi, la ministre de la Santé et des Services sociaux aura le pouvoir de dresser la liste des endroits où cette exemption est applicable. D'autres mesures sont également introduites au niveau de la communication de renseignements. À titre d'exemple, je mentionnerai la transmission de renseignements par la Régie de l'assurance-maladie du Québec au Conseil consultatif de pharmacologie ou aux régies régionales, ce qui permettra d'assurer un meilleur suivi et un meilleur contrôle de l'ensemble du régime.

Dans le même ordre d'idées, M. le Président, le projet de loi modifie la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin que les documents transmis à la Régie au moyen d'un support magnétique ou d'une liaison électronique puissent être considérés comme authentiques et faire preuve au même titre que les originaux. Cette modification législative est essentielle pour la réalisation d'un projet de jumelage entre la Régie de l'assurance-maladie du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec. En effet, ce projet prévoit le jumelage des opérations de la prise de photo et de la signature lors du renouvellement de la carte d'assurance-maladie et du permis de conduire. Cette nouvelle procédure permettra, sur réception de l'avis de renouvellement de sa carte d'assurance-maladie, à une personne détentrice d'un permis de conduire de se présenter dans un point de services de la Société de l'assurance automobile du Québec pour se faire authentifier et y faire prendre sa photo en vue de renouveler à la fois sa carte d'assurance-maladie et son permis de conduire. Les personnes qui n'ont pas de permis de conduire continueront de procéder comme elles le font présentement, c'est-à-dire de se présenter dans un point d'authentification de la Régie. Voilà, M. le Président, un exemple de collaboration et de simplification des procédures gouvernementales.

Finalement, M. le Président, ce projet de loi introduit aussi une nouvelle disposition dans la Loi sur l'assurance-maladie du Québec, qui prévoit un délai de prescription de deux ans pour les poursuites pour une infraction à une disposition de la Loi sur l'assurance-maladie ou d'un de ses règlements en tant que tel.

M. le Président, nous avons étudié cette loi, comme vous le savez, en commission parlementaire, une étude article par article, et nous avons bonifié ce projet de loi. M. le Président, je voudrais attirer votre attention sur deux changements apportés en commission parlementaire, deux changements importants. D'abord, le projet de loi, à l'article 15, dans le paragraphe 8°, permettait à la Régie d'établir un montant des frais exigibles pour l'administration de la présente loi et de déterminer les personnes de qui ces frais pouvaient être exigés. Dans le projet de loi original donc, M. le Président, le pouvoir de la Régie était très vaste pour décider d'imputer des frais à certaines personnes qui bénéficiaient des services de la Régie. Ce que nous avons fait, M. le Président, au niveau de la commission parlementaire, nous avons déposé un amendement pour vraiment bien encadrer dans quel cadre, de fait, la Régie pouvait fixer des frais d'administration à un bénéficiaire. Et c'est très clair, maintenant, d'après l'amendement que nous avons apporté, M. le Président; au moment où on se parle, actuellement – et c'est en vigueur – des frais peuvent être exigés d'un bénéficiaire lors du remplacement de la carte de l'assurance-maladie avant son délai d'expiration.

(20 h 30)

Mais, au cours de la commission parlementaire sur l'étude détaillée, nous avons déposé un amendement qui permet d'ajouter à ce qui est déjà prévu le renouvellement de l'inscription d'un bénéficiaire qui est réputé résider au Québec. Ces personnes sont des étrangers qui séjournent temporairement au Québec pour y travailler ou pour étudier. La carte d'assurance-maladie qui leur est livrée est valide pour la durée prévue au séjour. Nous avons, à ce moment-là, à la commission parlementaire, proposé aussi un amendement qui prévoit que la Régie puisse exiger aussi des frais lors du renouvellement de l'inscription des personnes visées à des ententes de réciprocité conclues par le ministre, en vertu de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Et, toujours en ce qui concerne les frais exigibles, un autre amendement est proposé afin d'ajouter à l'article 72 de la loi un paragraphe qui permettra de fixer le montant des frais que la Régie pourra exiger d'un professionnel de la santé qui lui soumet ses demandes de paiement sous forme de papier. Il est clair, M. le Président, que la Régie privilégie la facturation informatisée pour la facturation qui est envoyée par nos médecins, les professionnels de la santé, car elle se doit d'adopter un virage technologique afin d'assurer une administration beaucoup plus efficiente.

M. le Président, il y a aussi eu, lors de cette étude détaillée du projet de loi, une autre modification qui a été apportée et qui est fort importante au niveau de l'article 15, qui est une modification qui permet de mettre en oeuvre un plan d'action pour le dépistage du cancer du sein. M. le Président, vous vous rappellerez que le gouvernement, l'automne dernier, avait démontré son intention d'implanter un programme qui permettrait de dépister le cancer du sein. Ce programme sera accessible aux femmes de groupes d'âge déterminés par règlement du gouvernement, et des lieux de dispensation des services seront désignés par le ministre. La détermination de groupes d'âge permettra d'offrir ce service aux femmes de tranches d'âge pour lesquelles la mammographie de dépistage est reconnue efficace par la communauté scientifique.

J'attire votre attention, ici, M. le Président, sur le fait que la mammographie de diagnostic, pour les femmes présentant des signes ou des symptômes de pathologie mammaire, est et demeure un service assuré, en toute circonstance, sur prescription médicale. La désignation des lieux d'exercice permettra, par ailleurs, d'assurer un contrôle rigoureux de la qualité et de rationaliser l'utilisation des ressources. Donc, M. le Président, cet amendement qui a été apporté en commission parlementaire va permettre au gouvernement d'avoir les pouvoirs requis pour mettre en oeuvre tout ce programme de dépistage au niveau du cancer du sein.

M. le Président, lors de l'étude détaillée du projet de loi 125, des amendements, comme vous le voyez, ont été introduits afin d'apporter certains assouplissements et d'améliorer le projet de loi. Je veux rappeler également que l'ensemble des 26 articles contenus dans le projet de loi ont été amplement discutés au cours de la commission parlementaire et ont reçu, à plus de 80 %, l'accord unanime des membres de la commission des affaires sociales. Ce projet de loi, de même que ses amendements, va permettre à toutes celles et à tous ceux qui sont impliqués directement ou indirectement dans la gestion des soins de santé au Québec d'assurer un meilleur service à notre population. Il s'agit d'une loi importante, M. le Président, et nous espérons qu'aujourd'hui, suite à cette prise en considération du rapport de la commission parlementaire, nous pourrons sous peu adopter la loi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, merci, Mme la ministre, de votre propos. Je vais maintenant reconnaître le critique officiel de l'Opposition en cette matière, M. le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue. M. le député, vous avez une heure à votre disposition.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Cette fois-ci encore, j'ai une heure à ma disposition, mais je n'ai peut-être pas, non plus, l'intention de l'utiliser complètement, même si, sur ce projet de loi, à cette étape-ci de la prise en considération du rapport de la commission parlementaire des affaires sociales qui s'est penchée et qui a étudié article par article ce projet de loi, il y aurait et il y a beaucoup plus à dire sur la traduction de la volonté gouvernementale que nous retrouvons dans ce projet de loi.

M. le Président, ce projet de loi avait été initié en décembre 1993 par le prédécesseur de Mme la ministre, M. le député de Charlesbourg, à l'époque, et visait donc à donner suite à un certain nombre, je dois le dire, de tristes engagements du gouvernement au moment du budget du regretté député de Bonaventure, M. le ministre des Finances en 1993. M. le Président, donc, une année plus tard, la nouvelle ministre de la Santé et des Services sociaux doit malheureusement compléter le travail qui lui a été légué par son prédécesseur et par les dispositions annoncées par le ministre des Finances au mois de mai 1993 visant, finalement, à réduire la couverture de services en matière de santé et de services sociaux pour transférer tout simplement dans la poche des utilisateurs, des usagers un certain nombre de services que ces utilisateurs devront défrayer s'ils veulent continuer à en jouir et avoir une réponse à leurs besoins.

Bien sûr, M. le Président, le projet de loi se présente d'abord avec de belles intentions d'articuler le transfert de programmes de soutien de services qui étaient et qui sont encore à ce jour dispensés par l'Office des personnes handicapées du Québec à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Nous espérons toujours, parce que nous sommes dans le domaine de l'espoir, que ce transfert – et nous le souhaitons vivement – d'un certain nombre de programmes au niveau de l'aide matérielle aux personnes handicapées pourra davantage être performant, répondre plus rapidement et, surtout, je dirais, répondre aux besoins des personnes handicapées dès le moment où la Régie de l'assurance-maladie du Québec sera dotée des budgets nécessaires pour répondre, surtout pour diminuer les listes d'attente qui sont tout à fait inadmissibles, intolérables, à un niveau intolérable pour les personnes handicapées au niveau de l'aide matérielle.

Tout le monde le sait, dans chacun de nos comtés, nous avons tous eu, un jour ou l'autre, de par les lundis ou de par les vendredis à nos bureaux de comté, des personnes handicapées qui sont venues nous rencontrer et qui nous ont fait état des délais insoutenables dont elles étaient victimes pour obtenir l'aide nécessaire au niveau de leur vie, au niveau de leurs besoins, parce qu'on était tout simplement en manque de ressources pour répondre à ces besoins au niveau de l'Office des personnes handicapées du Québec.

Nous espérons que ce transfert de programmes à la Régie de l'assurance-maladie du Québec nous permettra d'améliorer sensiblement la situation et de répondre beaucoup plus adéquatement à la situation, de façon que ceux et celles qui vivent déjà dans notre société avec un certain nombre de difficultés et avec un ou plusieurs handicaps pourront mener une vie la plus normale possible, s'intégrer dans les circuits de la vie sociale, de la vie productive le plus normalement possible aussi, M. le Président, et faire en sorte que ces personnes puissent jouir d'un niveau de bien-être auquel tous les Québécois et les Québécoises ont le droit d'aspirer, bien qu'elles aient des conditions physiques ou intellectuelles différentes par rapport à d'autres catégories de Québécois ou de Québécoises.

M. le Président, il faut surtout se rappeler que ce projet de loi, nous l'avons étudié en commission parlementaire où, effectivement, Mme la ministre et le gouvernement ont accepté un bon nombre de modifications, à la fois suggérées par l'Opposition ou suggérées par l'équipe ministérielle. Cela nous a permis de bonifier le projet de loi et nous a permis aussi d'éviter un certain nombre d'écueils. Par exemple – Mme la ministre ne l'a pas souligné, et c'est fort compréhensible dans les circonstances – le projet de loi, d'une façon, dirait-elle sûrement, peu connue, prévoyait l'imposition de frais pour le renouvellement de la carte d'assurance-maladie pour les personnes qui sont sans statut ou qui sont réfugiées au Québec et qui sont dans l'attente d'un statut officiel au Québec. Imaginez, on voulait leur imposer des frais pour le renouvellement de leur carte d'assurance-maladie, quand ces personnes sont déjà dans une situation extrêmement précaire. Ça a été corrigé, ce ne sera pas le cas. On a réussi aussi à sauver cela dans un esprit de collaboration.

M. le Président, donc, ce projet de loi nous rappelle qu'il complète les coupures qu'il articule au plan législatif et il nous rappelle douloureusement aussi un certain nombre de coupures qui ont été imposées par le gouvernement, à l'occasion du budget Levesque du mois de mai 1993, en désassurant une autre partie des services d'examen de la vue chez les optométristes pour les personnes de 41 à 65 ans et en faisant une toute petite parenthèse à l'intérieur du projet de loi 125 pour permettre à une petite catégorie de personnes – entre 60 et 64 ans – de continuer à bénéficier du financement public, par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, de ce service, mais pour laisser la très grande majorité de ces personnes obligées de piger dans leurs poches pour payer ce service qui est dorénavant désassuré.

(20 h 40)

Soyons-en tous conscients, cette désassurance de l'examen de la vue ne baisse en aucune façon, évidemment, les dépenses de santé au Québec. On fait tout simplement un transfert. Nous n'avons pas diminué à cet égard la perception ou le pourcentage de perception d'argent sur la masse salariale, chez les employeurs, pour payer les services, pour contribuer au Fonds des services de santé du Québec parce qu'on a désassuré un certain nombre de services. Non, ce qui arrive, en pratique, c'est que les Québécois et les Québécoises paient, à tout le moins, le même niveau de taxes ou que les employeurs font exactement le même niveau de contribution pour nos services de santé et nos services sociaux. Dans ce sens-là, comme tous les députés ici, ils doivent débourser de leurs poches pour les examens, leurs examens de la vue. Et, pour les personnes entre 41 et 65 ans, M. le Président, eh bien, ça représente en taxation, en fait, parce que c'est de l'argent supplémentaire qu'il faut débourser pour les fins de services obligatoires, puisque c'est relié à la santé, un autre 18 000 000 $ qui a été ponctionné dans les poches de ces personnes.

Cela nous rappelle aussi que tous les services dentaires pour les enfants de 10 ans et plus ont été désassurés, M. le Président, et que, à cet égard-là, c'est un bon nombre de millions, en cette année de la famille, qu'on est allé encore piger dans les poches des familles québécoises dans l'obligation qu'elles ont maintenant de débourser, pour leur enfant d'au-dessus de 10 ans pour les examens et surtout les traitements dentaires. Et Dieu sait que, à cet âge-là, c'est extrêmement dispendieux, onéreux et que, lorsqu'on veut s'assurer non seulement de la bonne santé buccale, de la bonne santé dentaire des enfants, mais également de prévenir un certain nombre de troubles pour le restant de leur vie, eh bien, ces interventions chez le spécialiste, chez le dentiste sont nécessaires, mais imposent un fardeau supplémentaire aux familles québécoises.

C'est donc une drôle de façon, M. le Président, de souligner l'année internationale de la jeunesse par la poursuite, en quelque sorte, de cette mesure et l'absence de correction. Parce qu'il est toujours possible, dans un projet de loi... La preuve a été faite par la ministre; lorsqu'il y a des suggestions positives, des suggestions qui peuvent aider les familles québécoises, on y apporte toujours notre concours. Alors, on aurait très bien pu adopter d'autres mesures visant à redresser cette situation.

Tout comme nous aurions pu, M. le Président, faire des démarches supplémentaires pour annuler une autre triste mesure qui a été adoptée au budget de 1993 et à laquelle nous devons donner suite dans ce projet de loi. C'est l'imposition du 2 $ pour chaque prescription pour les personnes âgées qui ont droit au programme de remboursement des médicaments par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il nous a été donné récemment, M. le Président, de prendre connaissance de données assez renversantes quand même, puisque, pour une première année complète d'application de ce programme, eh bien, les personnes âgées, bien oui, les personnes de 65 ans et plus, là, encore une fois, le gouvernement est allé chercher 34 000 000 $ dans leurs poches. Eh oui, pour les personnes de 65 ans et plus, c'est 34 000 000 $ que ces personnes ont payés en cumulant les petits 2 $ à chacune des prescriptions qu'elles vont chercher chez leur pharmacien.

Et tout ca, M. le Président, de façon assez étonnante, ça a permis d'économiser ou de réduire la consommation. Il n'y a personne qui a employé le mot «abus» jusqu'à maintenant, dans toutes les analyses ou les études que j'ai pu observer. Eh bien, c'est 34 000 000 $ de la poche des personnes âgées pour compresser de 17 000 000 $ les dépenses de remboursement des médicaments pour les personnes âgées. Et uniquement, M. le Président, par comparaison, par des mesures d'éducation, des mesures d'administration, des mesures visant à donner davantage d'information aux personnes âgées, c'est de 23 000 000 $ qu'on a réussi à réduire la consommation des médicaments chez les personnes âgées, en particulier.

M. le Président, puisqu'on a fait la démonstration maintenant, puisqu'on a pu constater sur le terrain, dans la pratique, que les mesures dites de modération visant à diminuer la consommation sont peu efficaces, qu'il n'y avait pas d'abus chez les personnes âgées et que les mesures d'éducation font davantage de travail, appellent davantage de résultats que les mesures punitives, c'eût été une belle occasion de saisir, à travers le projet de loi qui est devant nous, ici, le projet de loi 125, l'occasion, donc, de retirer cette mesure qui est un peu inique pour nos personnes âgées. Puisqu'on s'est trompé de cible, puisqu'on s'est trompé de moyen, puisqu'on s'est trompé avec l'artillerie qu'on a employée pour vouloir corriger un mal qui n'existait pas, on aurait pu modifier cette situation et retourner à une situation beaucoup plus normale, mais on a refusé de le faire.

M. le Président, 80 % des modifications ont été adoptées avec la collaboration de l'Opposition. Il reste 20 % qui sont des mesures lourdes, qui sont des mesures avec lesquelles nous sommes complètement, mais complètement en désaccord. Et, M. le Président, même si on le fait dans une période de temps qui nous semble éloignée par rapport aux décisions qui nous ont été annoncées le 20 mai 1993 – je m'en souviens comme si c'était hier – ce n'est pas parce que le temps nous use un peu, M. le Président, que nous allons accorder notre appui à ce projet de loi. Nous l'avons longuement défendu en commission parlementaire, nous l'avons longuement défendu à l'occasion des premières étapes du processus législatif et, malheureusement, M. le Président, à cause des raisons que je viens d'évoquer, des mesures qui sont contenues dans ce projet de loi 125, nous ne pourrons pas, non plus, accorder notre support pour l'adoption unanime du rapport de la commission parlementaire des affaires sociales qui a étudié ce projet de loi. Et nous aurons l'occasion de revenir à la dernière étape de l'étude du projet de loi pour nos dernières remarques en ce qui concerne le projet de loi 125 qui vise à nous rappeler les mesures de coupures de services, surtout les coupures de services qui sont apportées en santé et services sociaux depuis le 20 mai 1993. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Merci, M. le député. Je vais amender mon propos du début. M. le député, vous n'aviez pas droit à une heure; vous aviez droit, malheureusement, à 30 minutes. Mais, comme vous avez pris seulement 10 minutes, alors, je pense qu'à ce moment-là ce n'est pas nécessaire de faire amende honorable. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Saint-Henri pour un propos de 20 minutes. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Comme le précisait Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux il y a quelques minutes, le projet de loi 125 modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec a déjà fait l'objet d'une adoption de principe à l'Assemblée nationale, le 10 décembre 1993. On s'en souviendra, ce projet de loi vise essentiellement trois objectifs. D'abord, il s'agit de donner suite à une mesure annoncée par notre gouvernement à l'occasion du discours du budget, le 20 mai 1993. Cette mesure concerne la couverture des services optométriques. En deuxième lieu, le projet de loi permettra la mise en place de mesures concrètes de rationalisation des dépenses de fonctionnement de la Régie et des programmes qu'elle administre. En troisième lieu, cette législation vise à ajuster l'administration du régime québécois d'assurance-maladie aux nouvelles réalités des années quatre-vingt-dix.

M. le Président, en regard des services optométriques, le ministre des Finances de l'époque avait annoncé différentes mesures. Entre autres, le ministre des Finances spécifiait que ce programme devrait dorénavant être réservé à ceux et celles qui en ont le plus besoin. On parle ici, M. le Président, des bénéficiaires de moins de 18 ans ou de plus de 65 ans. Les handicapés visuels et les prestataires de la sécurité du revenu continueront, quant à eux, de bénéficier de la couverture des services optométriques. Permettez-moi, M. le Président, une première observation. Le gouvernement actuel tient à protéger les clientèles les plus démunies. C'est pourquoi nous avons décidé qu'un projet de loi devait être déposé pour les personnes âgées de 60 à 64 ans qui reçoivent l'allocation au conjoint et qui détiennent un carnet de réclamation émis par le ministère de la Sécurité du revenu. Ces personnes continueront de bénéficier de la couverture des services optométriques.

Un deuxième volet de ce projet de loi vise les mesures de rationalisation des dépenses de fonctionnement de la Régie de l'assurance-maladie. Une des propositions principales vise les programmes des aides techniques administrés par la Régie. Le projet de loi permettra la récupération, dans certains cas, des aides techniques dont le coût d'achat est assumé par la Régie. Le but de cette mesure est de permettre, le cas échéant, la réattribution et la diminution, de manière concrète, des coûts de ces programmes sans affecter la couverture. À l'heure actuelle, la loi permet de récupérer les aides visuelles seulement.

(20 h 50)

Une autre mesure vise le pouvoir de la Régie de procéder par appels d'offres. Une modification permettra d'étendre ce pouvoir de la Régie à tous les programmes d'aides techniques. Cette mesure permettra d'obtenir les meilleurs prix en regard de la dispensation de ces aides. Actuellement, la loi limite ce pouvoir aux fauteuils roulants, ainsi qu'aux aides auditives.

M. le Président, le troisième volet important de ce projet de loi concerne l'administration du régime québécois de l'assurance-maladie. Une des propositions vise l'exemption de la photographie et de la signature du bénéficiaire sur la carte d'assurance-maladie. Le projet modifie la Loi sur l'assurance-maladie afin de permettre cette exemption à l'égard des bénéficiaires qui habitent des régions éloignées ou non desservies par un réseau routier. C'est une modification qui tient compte des difficultés reliées au déplacement qu'exige l'authentification, de même que de celles soulevées par l'exigence de la photographie sur la carte et la non-disponibilité de photographes dans certaines régions.

Une autre proposition vise la communication de renseignements par la Régie au Conseil consultatif de pharmacologie et le pouvoir d'enquête de la Régie. Dans l'exercice de ses fonctions, le Conseil ne peut que requérir du fabricant et des grossistes des renseignements concernant le prix de vente des médicaments qu'ils offrent en vente. Aucun autre pouvoir n'y est prévu concernant la surveillance et le contrôle par le Conseil du respect de l'engagement du fabricant, ainsi que des grossistes. Le projet de loi 125 fera en sorte que le Conseil consultatif de pharmacologie pourra intervenir concernant la mise en application du processus de sanction d'un fabricant ou d'un grossiste en médicaments qui ne respecte pas son engagement. À cette fin, le Conseil pourra obtenir de la Régie les informations et les renseignements que cette dernière a obtenus lors d'une enquête relative au respect du prix de vente. De plus, M. le Président, la Régie pourra communiquer ces renseignements au Conseil consultatif. Cette mesure vise donc à assurer un meilleur contrôle de la distribution et des prix des médicaments.

M. le Président, comme on le voit, la politique de santé et de bien-être du gouvernement a été conçue pour être un guide souple qui évolue en fonction du progrès réalisé. Elle tient compte, aussi, des résultats atteints, des nouveaux problèmes à résoudre et de l'avancement des connaissances. Le projet de loi 125 a été élaboré en suivant cette ligne directrice: d'abord, s'ajuster aux réalités nouvelles de la décennie des années quatre-vingt-dix. Cet objectif permet à tous et à chacun de s'y retrouver et, ainsi, de répondre plus efficacement aux besoins des Québécoises et des Québécois dans une meilleure gestion de notre système de santé.

Je vous rappelle, M. le Président, et ce, avec beaucoup de fierté, que le système québécois de santé est un des meilleurs au monde. Il faut donc continuer à l'administrer d'une façon saine. On doit s'assurer que l'ensemble des citoyennes et des citoyens québécois reçoive un service adéquat. Je vous remercie de votre attention.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Tremblay): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a un autre intervenant? Alors, Mme la ministre, est-ce que vous avez un temps de réplique? Non? Très bien.


Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la commission des affaires sociales portant sur le projet de loi 125, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Très bien. Mme la ministre.

Mme Trépanier: M. le Président, appelez l'article 13 du feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi 20


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, Mme la ministre de la Sécurité du revenu propose l'adoption du principe du projet de loi 20, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Alors, je suis prêt à entendre un premier intervenant. Mme la ministre.


Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: M. le Président, au cours des quatre dernières années, le gouvernement québécois a apporté de nombreux changements aux règles qui régissent le fonctionnement des régimes de retraite. Alors que certains pensaient que la «révolution tranquille» des régimes de retraite était terminée, l'expérience pratique des nouvelles règles a révélé certains problèmes d'application qui requièrent aujourd'hui des ajustements législatifs.

Certains de ces changements, M. le Président, sont liés aux normes de placement et aux investissements immobiliers. Ils sont devenus nécessaires par suite des événements qui ont bouleversé le domaine des régimes de retraite au cours des années 1992 et 1993. Ces ajustements permettront, entre autres, de mieux protéger les droits des participants et bénéficiaires de régimes de retraite. D'autres toucheront certaines dispositions techniques de la loi.

Les années 1992 et 1993 ont été des années difficiles, mais qui aurait pu croire que même un membre de la grande famille des compagnies d'assurances, traditionnellement réputé pour sa solidité et sa stabilité financière, serait en détresse? Je fais ici référence à la liquidation de la société mutuelle d'assurances Les Coopérants. La liquidation de cette compagnie a suscité des émotions fortes chez les travailleurs qui y avaient investi une partie du fruit de leurs efforts afin de se garantir une retraite en toute sécurité.

En effet, M. le Président, un jugement de première instance avait délesté de leurs droits les travailleurs des régimes de retraite dont la caisse était investie dans des contrats de gestion de dépôts en les considérant comme de simples créanciers ordinaires de la faillite. La Cour d'appel a heureusement conclu, au grand soulagement des participants dont le capital de retraite avait été investi de la sorte dans cette compagnie d'assurances, qu'à titre de détenteurs de contrats de gestion de dépôts ils étaient des créanciers privilégiés. La Cour suprême ayant refusé d'entendre l'appel des Coopérants, ce cas a été définitivement réglé à l'avantage des participants.

Malgré que cette aventure ait tourné à l'avantage des travailleurs, nous ne pouvons rester indifférents à cette histoire, qui pourrait être qualifiée de cauchemardesque, et nous devons intervenir afin qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais. Donc, pour éviter d'exposer les participants des régimes de retraite à de tels risques, nous devons revoir l'exception que la loi accorde pour les placements dans des contrats des dépôts garantis auprès d'un assureur.

La règle générale limite à 10 % la part de la valeur de la caisse d'un régime pouvant être placée dans un même bien ou confiée à une même entité de placement. Cette limite ne s'applique pas actuellement aux placements faits dans les dépôts garantis auprès d'un assureur. Pour les raisons dont j'ai fait état tout à l'heure, je recommande que dorénavant les placements de ce genre soient assujettis, selon le cas, à la règle du 10 % ou au montant de la couverture offerte par la Société d'indemnisation pour les assurances de personnes, dans la mesure où cette couverture excède le 10 %.

Je ne peux passer sous silence la faillite du régime de retraite de la Fédération nationale des travailleurs de l'industrie du vêtement. Contrairement au cas des Coopérants, cette fois-ci, l'histoire s'est tragiquement terminée pour des centaines de travailleurs. Leur caisse de retraite s'était retrouvée presque totalement investie dans l'immobilier. Des transactions moins appropriées à une caisse de retraite, une situation économique précaire, la dévaluation de la valeur marchande des immeubles, le rang des prêts hypothécaires, un manque évident de liquidités sont autant de facteurs qui ont conduit ce régime tout droit à la faillite. Une entreprise peut faire faillite, mais il est très rare que la caisse d'un régime soit à sec. C'est pourtant ce qu'en a conclu l'administrateur provisoire du régime, qui a déclaré la faillite de la caisse de retraite du régime.

Il est difficile d'accepter, M. le Président, qu'une telle chose ait pu se produire. Je m'en voudrais de décourager tout placement dans l'immobilier, mais on doit faire en sorte que ces placements puissent être mieux adaptés aux investissements des caisses de retraite. À cet effet, je recommande d'imposer par règlement une limite à la valeur de l'actif qu'une caisse de retraite peut investir sous forme de placements immobiliers ou grever d'hypothèques immobilières. Le projet de loi prévoit que la Régie des rentes du Québec pourra, en raison des circonstances qui entourent l'administration d'un régime, autoriser le dépassement de la limite fixée. On pourrait, par exemple, prendre en considération la sécurité de l'ensemble des placements de la caisse de retraite, l'expertise de ceux qui gèrent les placements, la performance passée de la caisse.

Les pouvoirs réglementaires attribués à la Régie pourront même permettre d'interdire tout placement dans des titres immobiliers et tout emprunt hypothécaire. Une telle interdiction, qui aurait pour objectif de limiter la responsabilité civile des caisses de retraite pour les dommages pouvant résulter de l'exercice du droit de propriété, n'empêcherait toutefois pas les comités de retraite d'investir dans des actions de sociétés dont la vocation exclusive est de placer en immobilier pour le compte d'une ou de plusieurs caisses de retraite. Ce type de sociétés par actions, dont les activités sont restreintes à l'acquisition, la location ou la gestion d'immeubles, est exonéré d'impôt et peut être entièrement contrôlé par des régimes de retraite en vertu des dispositions actuelles de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

(21 heures)

Par ailleurs, lorsque vous et moi investissons notre argent dans une entreprise ou un établissement financier, nous sommes naturellement intéressés à connaître et à suivre l'évolution de notre investissement. Nous voulons savoir d'une manière ou d'une autre si notre capital est en sécurité ou en péril. Il en est de même des participants à un régime de retraite pour ce qui est de leurs cotisations. Ils se nomment des représentants qui siègent au comité de retraite et qui gèrent les sommes accumulées dans leurs régimes. Il faut absolument, M. le Président, que les travailleurs soient informés au fur et à mesure de l'évolution de la situation financière de leur régime. De cette façon, ils pourront constater du même coup si leurs représentants font ou non leur travail. Je recommande donc de confier à l'organisme de surveillance le pouvoir de fixer les sujets qui devraient être inscrits à l'ordre du jour de l'assemblée annuelle des participants.

Comme nous sommes bien conscients que les membres des comités de retraite ne sont pas tous des experts financiers, le gouvernement mise sur la contribution active des professionnels engagés dans le domaine, notamment les comptables. Dans le but de s'assurer de la bonne santé financière des régimes de retraite, nous croyons qu'il est nécessaire d'étendre à tous les régimes l'obligation de faire vérifier l'actif net de la caisse de retraite par un spécialiste de l'extérieur, sauf dans les cas où l'organisme de surveillance déterminera qu'une telle vérification n'est pas nécessaire.

L'expérience a démontré que les membres des comités de retraite ne sont pas toujours aussi conscients de leurs responsabilités que la loi le voudrait. Il se fait un abus du pouvoir de délégation à des tiers. Ce n'est certes pas le but visé par la loi, M. le Président. Il ne faut pas bannir la délégation mais plutôt en corriger le tir afin que les membres des comités de retraite se sentent vraiment responsables de l'administration du régime. À cette fin, il conviendrait de leur appliquer le même régime de responsabilité qu'aux fiduciaires du bien d'autrui, responsabilité définie dans le nouveau Code civil du Québec qui est entré en vigueur le premier janvier dernier.

Certaines entreprises offrent à leurs employés des prestations en cas d'invalidité par l'entremise de leur régime de retraite. C'est louable, et il ne faut pas empêcher ces régimes de continuer à offrir cette protection, mais il n'est pas normal qu'ils continuent à verser des prestations d'invalidité lorsque le travailleur est de nouveau apte au travail. Agir de la sorte constitue un frein au retour au travail de l'employé et va à l'encontre du but fixé par ces prestations. Le projet de loi prévoit donc corriger cette situation.

D'autres entreprises, M. le Président, ont mis sur pied un programme de protection qui couvre la période active de l'employé en cas d'invalidité. Dans un tel programme, la cessation d'activité du travailleur pour cause d'invalidité n'est pas considérée comme une fin de participation au régime de retraite, soit que des cotisations sont portées au compte du travailleur, soit qu'il bénéficie d'une exonération de cotisation. La règle actuelle ne permet pas au régime de prévoir qu'un participant continue d'être considéré comme actif pendant une période supérieure à 24 mois après la fin de sa période de travail continu. Le projet de loi vient établir qu'une période d'invalidité pendant laquelle le participant accumule de nouveaux droits ne met pas fin à la période de travail continu. Il en résulte donc que la limite de 24 mois sera levée en pareil cas.

Par ailleurs, M. le Président, les mises à pied sont le lot, depuis quelques années, d'un grand nombre de travailleurs. Cette dure réalité n'épargne personne, et les travailleurs se retrouvent souvent dans une situation financière bien précaire. Plusieurs restent assez longtemps sur une liste de rappel en espérant que l'employeur recourra de nouveau à leurs services. Pour les fins du régime de retraite, la période de travail continu inclut le temps que le travailleur passe sur la liste de rappel. Ce n'est donc qu'à la fin de cette période que le participant est considéré comme ayant cessé de travailler et qu'il peut obtenir le règlement des droits qu'il a accumulés dans son régime de retraite. Selon le projet de loi, le travailleur mis à pied avec droit de rappel pourra, après au plus 24 mois, exiger l'acquittement de ses droits.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, vous savez que les régimes de retraite font partie du patrimoine familial. Cela veut donc dire qu'ils sont partageables en cas de séparation légale, de divorce ou de nullité du mariage. Il arrive que l'administrateur du régime, ennuyé par le travail supplémentaire que lui occasionnera le partage des droits entre le participant et son conjoint, exige des frais exorbitants pour la production du relevé de droits. Il m'apparaît donc important d'intervenir, pour éviter les abus, en limitant les frais exigés pour la production de ces relevés. Dans certains cas, la production des relevés de droits cause des maux de tête aux administrateurs, occasionne des frais au régime et ne renseigne pas mieux les participants sur leurs droits. C'est spécialement vrai lorsqu'un participant quitte son emploi quelques mois après que l'administrateur a produit le relevé annuel de chacun des participants. Le projet de loi prévoit qu'il ne devrait pas être tenu de produire un second relevé dans des cas comme celui-ci.

En ce qui concerne les participants inactifs, les administrateurs de régimes considèrent, à raison, que la production de relevés représente une charge inutile puisque les données ne changent pas d'une fois à l'autre. C'est pourquoi je recommande que ces relevés ne soient plus produits qu'aux cinq ans.

Dans les cas de terminaison de régimes, il sera difficile pour les administrateurs de conserver la trace d'anciens travailleurs pour leur remettre leur part de l'excédent d'actif. Ces travailleurs qui ont quitté le régime et auront droit à une part de l'excédent sont ceux touchés par une terminaison partielle survenue avant la terminaison totale du régime. On ne peut, en vertu des règles fiscales, obliger un employeur ou un comité de retraite à conserver les coordonnées des travailleurs pour plus de sept ans. En conséquence, il appartiendra aux travailleurs qui ont quitté depuis plus de sept ans le régime et qui croient avoir des droits dans l'excédent d'actif de les faire valoir au comité de retraite.

Il arrive que les travailleurs qui touchent une part de l'excédent d'actif de leur régime, après avoir attendu plusieurs années, aient du mal à accepter de la convertir en rente viagère. C'est pourquoi, M. le Président, nous modifions les règles actuelles et accordons une plus grande flexibilité au participant, en lui laissant déterminer le mode d'acquittement qui convient le mieux à sa situation.

La loi qui a levé le moratoire sur les excédents d'actif a introduit l'arbitrage comme moyen ultime de répartir l'excédent dans le cas où il n'y a pas d'entente entre employeur et employés. Selon la loi, dès que 30 % des participants ou bénéficiaires s'opposent à l'entente proposée par l'employeur, le recours à l'arbitrage est ouvert. Un délai additionnel devrait être accordé à l'employeur avant que ne soit ouvert le recours à l'arbitrage, pour lui permettre de corriger les irrégularités du projet d'entente.

Enfin, M. le Président, quelques modifications sont apportées pour corriger des erreurs terminologiques ou techniques. Ainsi en est-il de la correction apportée pour éviter que la valeur des droits payables dans le cas du décès d'un participant ne dépasse 100 % de la valeur de ces droits. Une autre modification concerne le déficit qui résulte de la reconnaissance des services passés au moment de l'adhésion d'un employeur à un régime interentreprises. Il pourra dorénavant être considéré comme un déficit initial au sens de la loi.

D'autres ajustements vont permettre de mieux établir les droits à la terminaison, d'alléger le processus de terminaison, d'élargir les cas d'ouverture à l'arbitrage et de mieux adapter les règles à l'expérience des régimes.

Ce projet de loi facilitera considérablement, M. le Président, l'application de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, tout en permettant de mieux protéger l'actif du régime et les droits des travailleurs qui y investissent une partie du fruit de leur labeur. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de l'Opposition officielle et critique en cette matière, M. le député de La Prairie. M. le député de La Prairie. Non?

M. Baril: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: En vertu du règlement, j'aimerais ça, M. le Président, que vous puissiez vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, je vais vérifier le quorum. Comme je constate, malheureusement, qu'il n'y a pas quorum, qu'on appelle les députés.

(21 h 10 – 21 h 13)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît, et vous asseoir. L'Assemblée nationale reprend ses travaux; nous avons le quorum. Alors, je vais reconnaître maintenant M. le député de La Prairie. M. le député.


M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, l'Opposition peut tout de suite vous dire que nous allons voter favorablement pour l'adoption du principe du projet de loi 20 parce que, essentiellement, le projet de loi 20 apporte un certain nombre d'améliorations aux régimes complémentaires de retraite. Cependant, je dois dire tout de suite aussi à la ministre qu'à l'étude article par article nous allons proposer des amendements importants de nature à bonifier ce projet de loi. Ce n'est pas du chantage mais, selon la réaction de la ministre, nous verrons, en dernière lecture, s'il y a lieu de voter pour ou contre.

Ces régimes complémentaires de retraite, au Québec, touchent environ 50 % des travailleurs et travailleuses du Québec. Au-delà de 5000 régimes complémentaires. Et, quand je dis 50 % des travailleurs et travailleuses, ça veut dire tout près de 1 500 000 personnes, d'où l'importance de ces régimes complémentaires et surtout l'importance que ces régimes soient bien protégés. Pour ceux et celles qui sont moins familiers avec ce domaine un peu aride des régimes de rentes, quand on dit régimes complémentaires de retraite, on parle des plans de pension de compagnies, comme on disait autrefois, les plans de pension des employeurs, des entreprises. Et Dieu sait que ces plans de pension sont généralement peu élevés. Ce n'est pas pour rien que, arrivées à l'âge de la retraite, à 65 ans, M. le Président, vous le savez, vous voyez souvent les personnes âgées dans votre comté, deux personnes âgées sur trois ont besoin de supplément pour avoir un revenu décent; à peine un tiers des personnes âgées ont des revenus personnels qui les assurent d'un train de vie décent.

Nous sommes, au Québec, contrairement, par exemple, aux soins de santé où, quelqu'un disait tantôt – et je pense qu'il y a unanimité des deux côtés de la Chambre – que nous avons un bon système de santé au Québec, nous avons un assez bon système d'éducation aussi, mais nous n'avons pas un bon système de régime de rentes, parce que le Régime de rentes du Québec, il est bon en soi, mais il n'a pas été bonifié pour la peine depuis qu'il existe – bientôt 30 ans, maintenant, qu'il existe, le Régime de rentes du Québec. Et le gouvernement actuel nous promet, depuis quelques années, le prédécesseur de la ministre actuelle promet un régime simplifié de rentes pour les travailleurs et les travailleuses des PME, des petites et moyennes entreprises. Bon. Nous attendons toujours ce projet de loi.

Mais, nous, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, nous préconisons une amélioration sensible, une bonification du Régime de rentes du Québec. Le Régime de rentes du Québec, c'est le bas de laine du Québec. Les employés comme les employeurs, en général, sont d'accord, non seulement pour augmenter d'une fraction de 1 % par année – ce qui est le cas depuis plusieurs années – mais aussi pour hausser la moyenne salariale qui est comptabilisée, dont on prend un pourcentage. Actuellement, le Régime ne prend que 25 % d'une moyenne de revenus, alors que, dans la plupart des pays d'Europe, le pourcentage n'est pas de 25 %, mais de 35 %, 40 %, 45 %, 50 %. Nous n'avons pas les moyens, au Québec, de négliger les régimes de rentes et de faire en sorte, à cause de cette négligence-là, que, arrivées à 65 ans, plusieurs personnes âgées sont obligées d'aller chercher des suppléments de revenu garanti à l'un ou l'autre des deux gouvernements.

M. le Président, ce projet de loi modeste, donc, apporte quelques améliorations, surtout aux comités de retraite. Il va aussi apporter une meilleure vérification comptable des régimes. Il va aussi apporter une réglementation quant aux matières qui devront être discutées à l'assemblée annuelle du comité de retraite de chaque entreprise, aussi bien qu'une réglementation sur les placements, particulièrement les investissements, les placements en immobilier. Et pourquoi cette dernière clause concernant les placements immobiliers? C'est dû, en grande partie, au fait qu'on a découvert, il y a environ un an, qu'au-delà de 1000 travailleurs et travailleuses du vêtement, affiliés à la CSD – la Centrale des syndicats démocratiques – ont perdu totalement leurs rentes de retraite par une mauvaise gestion du comité de retraite.

J'ai eu l'occasion, à l'époque, en avril 1993, de poser la question, ici, à la période de questions, au ministre responsable. Et il avait précisé que cette caisse de retraite était placée en administration provisoire. Si la ministre a des renseignements de fraîche date sur cette administration provisoire de la caisse de retraite des ouvriers du textile affiliés à la CSD, je pense que ça intéresserait tout le monde d'entendre ses remarques, tout à l'heure.

Et il est grand temps de rendre cette surveillance plus adéquate, plus serrée, M. le Président, parce que, si je regarde les journaux de l'époque, c'est-à-dire il y a environ un an, Le Devoir du 24 avril 1993, le titre est le suivant: «La Régie des rentes surveille... de loin», en rapport, toujours, avec la perte de la caisse de retraite. Il s'agissait, effectivement, du pécule, de la petite somme, de la petite retraite que ces ouvriers et ouvrières du textile avaient accumulée à travers les années. Et ils arrivent à la retraite: zéro, zéro sou! C'est évident qu'il faut qu'il y ait une meilleure surveillance de la part de la Régie des rentes.

(21 h 20)

Je reviens à l'article du Devoir . Je cite: «Chargée de la surveillance des caisses de retraite, la Régie des rentes du Québec a laissé la situation moisir pendant des années chez les travailleurs de l'industrie du vêtement syndiqués à la CSD. L'indifférence a coûté 4 500 000 $ à 1324 de ces petits salariés.»

La Régie des rentes peut absorber une partie du blâme, mais je pense que le ou la ministre responsable de la Régie doit aussi absorber une bonne partie du blâme, surtout qu'un fonctionnaire de la Régie des rentes, M. Yves Slater, directeur des régimes complémentaires de retraite, a évoqué, de son côté, le manque de personnel, qui fait que la Régie ne peut examiner la situation des caisses de retraite qui sont sous son aile. Et il dit: «Nous devons "prioriser" les dossiers de terminaison», c'est-à-dire qu'ils doivent concentrer leur travail sur les caisses de retraite qui ferment, peu importent les raisons.

Ce qui veut dire que la Régie des rentes fait très, très peu de surveillance, de prévention. C'est le haut fonctionnaire qui le dit lui-même: On doit «prioriser» ça, on n'a pas assez de personnel. Et je pense que la décision d'avoir suffisamment de personnel, c'est une décision politique, et le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Il s'agit, encore une fois, d'une quantité considérable de régimes, au-delà de 3000, qui tombent sous la loi de la Régie des rentes du Québec. Les autres 2000 tombent sous différentes lois, mais ces régimes, qui sont déjà peu généreux, au moins, que la Régie les surveille de façon adéquate, de manière à ce que le triste épisode des ouvriers du vêtement et des ouvrières du vêtement ne se répète plus.

La question des surplus dans les caisses de retraite. On a vu, dans L'actualité , encore récemment, que la caisse de retraite des employés de la Singer, à Saint-Jean, et la caisse de retraite des employés de Simonds à Granby, deux entreprises qui sont fermées, Singer Saint-Jean depuis 1986 et Simonds depuis 1988, on a vu, depuis ces années-là, que les ouvriers en question ont été privés, spoliés des surplus accumulés dans la caisse, qui ont été pris par les employeurs. Ils se sont sauvés avec les surplus, M. le Président, un vol pur et simple. Un vol pur et simple. Et les jugements de la Cour supérieure, dans les deux cas, ont dit bien clairement: Ces surplus appartiennent aux employés. Mais, malheureusement, les entreprises vont en appel, et c'est actuellement débattu en Cour d'appel. Espérons, M. le Président, que les ouvriers et les ouvrières auront gain de cause enfin.

Parce que, imaginez-vous, dans le cas de la Singer, par exemple, c'est une somme quand même de 15 000 000 $ qui est impliquée. Il y avait 600 employés d'impliqués dont 250, malheureusement, ne vivent plus. Il reste seulement 350 employés sur les 600, et sur ça, M. le Président, la moyenne d'âge est de 79 ans. Alors, est-ce que les employeurs vont continuer d'aller d'appel en appel jusqu'à la Cour suprême et attendre que les travailleurs et les travailleuses soient disparus un après l'autre? M. le Président, je pense que là aussi la Régie des rentes aussi bien que le pouvoir politique doivent faire en sorte que ces incidents-là ne se répètent plus. À Granby, la Simonds, ce n'est évidemment pas mieux. Il y a 105 employés et il s'agit d'un montant de 5 000 000 $. Et, dans le cas de la Singer, le juge de la Cour supérieure a dit: Non seulement ces surplus-là appartiennent aux employés, mais les congés de contribution, c'est-à-dire les années où les employeurs n'ont pas cotisé à la caisse, ces sommes-là seront comptabilisées et on versera cet argent aux employés.

M. le Président, il y a eu un moratoire, en 1988, sur la disposition, comment disposer, quoi faire avec les surplus, et, enfin, il y a eu une solution de trouvée, qui semble marcher assez bien, c'est-à-dire que l'employeur a la responsabilité de proposer un plan pour la répartition des surplus. Mais, si 30 % des employés ou plus s'opposent au plan, ils doivent aller en arbitrage. Et, si mes renseignements sont bons, je pense qu'aucun cas ne s'est rendu en arbitrage pour le moment, sur 20 ou 25 cas qui ont été réglés. La question des surplus, c'est intimement relié à la question des congés de contribution, des congés de cotisation. J'y ai fait allusion tantôt.

Je reviens à l'ensemble des régimes complémentaires de retraite. Il y a deux sortes de régimes, en gros. Il y a les régimes où il y a des cotisations déterminées; ou c'est seulement l'employeur qui verse un montant déterminé à chaque année, ou ce sont les deux parties qui versent des montants déterminés. Et ces régimes-là, à toutes fins pratiques, ça s'apparente à de l'épargne-retraite, et, normalement, ils n'accumulent pas d'excédent d'actifs. Mais les autres régimes, les autres régimes qui causent des problèmes, pour ainsi dire, ce sont les régimes qu'on appelle à prestation déterminée, c'est-à-dire que le régime doit prévoir qu'à la fin, quand arrive le moment de la retraite, l'employé reçoit un montant déterminé. Et, pour que le montant déterminé puisse être versé, il faut qu'il y ait une certaine accumulation de capital, une certaine capitalisation.

Quand on se reporte aux années soixante-dix, quand la plupart de ces régimes ont été établis, M. le Président, il y avait très peu d'inflation. Les taux d'intérêt n'étaient pas élevés, peu d'inflation. Mais, quand est arrivée la période des années quatre-vingt, des taux d'inflation qui ont monté, des taux d'intérêt qui sont montés jusqu'à 22 %, 23 % lors de la crise de 1981-1982, il est bien évident qu'avec le placement de ces montants d'argent des caisses de retraite d'entreprises les fonds ont grossi beaucoup plus rapidement que prévu, si bien que l'employeur se dit: Bien, je m'en vais vers un gros surplus. Je fais des calculs. J'avais promis de donner tant par année à mes employés, mettons, 5000 $, et, au train où ça s'en va, là, je pourrais leur donner 7000 $, 8000 $, 10 000 $. Wo! arrêtons ça. Arrêtons les cotisations. C'est ce que beaucoup, beaucoup d'employeurs ont fait.

Et, M. le Président, il y a un article qui en parlait encore récemment. Cet arrêt des cotisations, qu'on appelle congé de cotisations, alors, 20 % des régimes complémentaires, actuellement, utilisent cette procédure. C'est-à-dire qu'ils ont cessé de cotiser. Et rappelons-nous le jugement de la Cour supérieure qui dit, dans le cas de la Singer, à Saint-Jean: Non seulement vous avez privé l'employé de sa juste part des surplus mais vous l'avez privé aussi en ne contribuant pas. Par conséquent, lorsque ces employeurs... Depuis sept, huit ans que ça dure, ça, M. le Président, sur une haute échelle, 20 % des régimes, c'est une somme d'environ 160 000 000 $ ou 170 000 000 $ par année que les employeurs mettent dans leur poche, M. le Président. Et tout le monde dit: Ça n'a pas d'allure. Y compris le président de la Régie des rentes qui disait récemment... En tenant compte du cas Singer où le juge a stipulé que l'employeur n'avait pas le droit de suspendre le paiement de ses contributions et ordonnait que les surplus soient versés aux employés, M. Legault dit: Est-ce qu'on a le droit de fermer les yeux? Bon, il a répondu: Non, on n'a pas le droit de fermer les yeux.

(21 h 30)

Mais, ça, c'est tout récent. C'était samedi, le 7 mai 1994. Et ce n'est que récemment que le gouvernement vient de mettre sur pied un comité pour enfin s'occuper de cette question grave de régime injuste par lequel les employeurs privent la caisse de retraite des employés de la cotisation normale, 160 000 000 $ par année et sur sept, huit ans. Donc, c'est quelques milliards de dollars, M. le Président, qui ne sont pas mis de côté pour la retraite des employés et qui bénéficient seulement à l'employeur.

De la même façon que le gouvernement a enfin établi un moratoire, en 1988, sur les surplus, il nous semble, M. le Président, qu'il est temps que le gouvernement mette un moratoire sur les absences de cotisation, sur les congés de cotisation, les congés de contribution. Et ça, c'est vraiment le problème numéro un, actuellement. Actuellement, le projet de loi présenté par la ministre, il est bon, il apporte des modifications relativement mineures au système actuel et on va voter pour parce que ça améliore un peu, mais ça ne va pas au coeur du problème le plus grave. Autant en 1987, 1988, 1989, le problème le plus grave, c'était la disposition des surplus des caisses de retraite, autant aujourd'hui, le problème le plus grave, c'est le fait que les employeurs enlèvent 170 000 000 $ chaque année aux employés dans leur caisse de retraite en ne mettant pas la contribution qu'ils sont censés mettre dans la caisse.

La question de la surveillance, M. le Président, la surveillance des caisses de retraite. C'est bien évident que, si la Régie, parce qu'elle n'a pas suffisamment de personnel, se contente d'aller examiner les régimes complémentaires au moment de la terminaison, de la fermeture du régime, on n'aura jamais de politique qui va prévenir les mauvais coups, qui va prévenir les accidents de parcours, et ça, c'est très urgent. Et j'espère que la ministre va en prendre bonne note et qu'elle aura une réponse satisfaisante à apporter à ce problème qui est soulevé par un de ses hauts fonctionnaires. Ce n'est pas l'Opposition qui le dit, là, c'est M. Yves Slater qui dit ça, le directeur des régimes complémentaires de retraite à la Régie des rentes du Québec, qu'il n'y a pas suffisamment de personnel. S'il n'y en a pas suffisamment, l'enjeu est assez grave, assez important – la retraite de dizaines de milliers de Québécois et de Québécoises – qu'il vaudrait mieux remédier à ça le plus tôt possible.

M. le Président, je voudrais, en concluant ces remarques, répéter à la ministre que nous allons collaborer à l'étude du projet de loi, nous allons présenter des amendements qui sont de nature à l'améliorer, surtout pour éviter le jeu de l'autruche. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Il faut que la ministre regarde en face le problème des congés de cotisation. Elle va me répondre: Bien oui, mais il y a un comité d'établi qui doit faire rapport en juin. Bon, d'accord, mais en attendant que le comité fasse rapport – probablement que ce ne sera pas en juin, que ce sera plutôt à l'automne ou à l'hiver, on sait comment les comités fonctionnent habituellement – est-ce que la ministre ne pourrait pas... Nonobstant les conclusions du rapport, sans préjuger des conclusions du rapport, ça ne l'engage à rien de dire: Nous allons profiter du projet de loi 20 pour établir une fois pour toutes qu'il y a un moratoire sur les congés de cotisation. Et je pense qu'un tel geste ce serait de nature à rassurer les travailleurs et les travailleuses qui ont de très petits plans de pension complémentaires et qui ne sont jamais même assurés de toucher ces plans de pension complémentaires. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Je vous remercie, M. le député. Alors, il n'y a pas d'autre intervenant.


Mise aux voix

Est-ce que le principe du projet de loi 20, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Mme la ministre... M. le ministre.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Middlemiss: M. le Président, je fais motion pour que ledit projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Très bien. M. le ministre.

M. Middlemiss: Article 36, M. le Président.


Projet de loi 3


Adoption

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, M. le ministre de l'Emploi propose l'adoption du projet de loi 3, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Travail, la Loi sur le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et d'autres dispositions législatives.

Je suis prêt à reconnaître un premier intervenant, M. le ministre de l'Emploi.


M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Ça fait beaucoup de choses pour une intervention, pour une modification à une loi, pour créer un nouveau ministère, qui est le ministère de l'Emploi.

M. le Président, nous sommes maintenant à l'étape de l'adoption du projet de loi 3, dont l'objectif principal vise la création du ministère de l'Emploi et le regroupement de plusieurs mandats auparavant dévolus à différents ministères. Ce projet de loi permet le regroupement des dimensions relations du travail, développement de la main-d'oeuvre et conditions du travail, incluant les normes minimales de travail, la prévention et la réparation en matière de santé et de sécurité du travail sous une même autorité ministérielle. Il reconnaît l'interdépendance des diverses dimensions dans l'établissement d'un environnement propice au développement de l'emploi, particulièrement dans un contexte de mutation des environnements et de l'organisation des entreprises.

Il traduit la nécessité d'aborder, dans une perspective d'unité d'action et de cohérence, toutes les dimensions reliées au travail, sur le plan des connaissances, des orientations et de l'action. Il reconnaît à tous les partenaires du marché du travail une responsabilité dans la recherche de cette cohésion et dans l'établissement de règles qui ont comme impératif d'être incitatives à la création d'emplois et à la performance des entreprises tout autant qu'à la qualité de vie des travailleurs et travailleuses.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le ministre, s'il vous plaît, un moment! Mme la députée.

Mme Marois: M. le Président, est-ce que vous pourriez constater s'il y a quorum ou pas?

Le Vice-Président (M. Tremblay): Mme la députée, je vais vérifier ça pour vous. Je constate qu'il n'y a pas quorum. Alors, qu'on appelle les députés, s'il vous plaît!

(21 h 37 – 21 h 41)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes et MM. les députés, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Je constate que nous avons le quorum. Alors, je demanderais à M. le ministre de continuer son propos. M. le ministre.

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Donc, ce ne sera pas tellement long. Comme on a déjà fait la prise en considération du rapport de la commission, je n'ai pas à répéter le même discours pour développer la même argumentation. Donc, M. le Président, je sollicite aujourd'hui le consentement de cette assemblée pour l'adoption du projet de loi 3, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Travail, la Loi sur le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et d'autres dispositions législatives, afin de créer un nouveau ministère de l'Emploi. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle et critique en cette matière, M. le député de Laval-des-Rapides. M. le député.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, la modification du ministère du Travail en ministère de l'Emploi fait en sorte de fusionner tous les aspects de la formation de la main-d'oeuvre et du développement de l'emploi avec les droits des travailleurs, les relations du travail et les autres champs relatifs à la santé et sécurité du travail et les conditions de travail selon les décrets des conventions collectives. Il s'agit de rapatrier les volets main-d'oeuvre et formation professionnelle, autrefois reliés au ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Ce transfert concerne la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Il n'est pas inutile de faire un bref historique des raisons pour lesquelles ces fonctions avaient été divisées en deux en 1982. En effet, à cette époque, le gouvernement du Parti québécois procédait à la division des aspects inhérents aux relations du travail des aspects de la main-d'oeuvre, de la formation professionnelle et de la sécurité du revenu dans le but de redonner aux intervenants du monde du travail un interlocuteur gouvernemental unique consacré aux relations du travail. La déclaration du ministre délégué au Travail de l'époque, M. Raynald Fréchette, mentionnait que tous les observateurs de la scène politique, peut-être plus particulièrement ceux et celles qui sont les habituels intervenants du monde du travail, étaient arrivés à la conclusion que le cumul, sous l'autorité d'un seul ministère, d'une seule administration, des trois importantes responsabilités du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu constituait un fardeau trop lourd dans les circonstances. Compte tenu, donc, de la priorité de ces secteurs, il devenait urgent de rationaliser la tâche et de permettre aux intervenants du monde du travail d'entretenir un dialogue soutenu avec le gouvernement sur, d'une part, l'orientation des différentes politiques régissant les relations du travail.

Bien que la situation actuelle soit différente de celle de 1982, les réalités auxquelles la société québécoise est confrontée en termes de développement de l'emploi et de formation de la main-d'oeuvre nécessitent le travail d'un ministre de façon permanente et en tout temps. Nous avons pu constater, lors des négociations entre le ministre du Travail et le secteur de la construction l'automne dernier, qu'un ministre ayant eu à assumer d'autres responsabilités durant la même période n'aurait pu être efficace. Lorsqu'on pense que ces responsabilités consistent à développer l'emploi et la formation de la main-d'oeuvre, deux secteurs prioritaires pour le redressement économique du Québec et l'accroissement de sa compétitivité sur le plan international, nous ne pouvons accepter la combinaison en un seul ministère de l'ensemble des responsabilités que le gouvernement du Québec veut confier au ministre et au ministère de l'Emploi.

La situation de l'emploi et l'importance de la formation de la main-d'oeuvre représentent pour nous, de l'Opposition officielle, les priorités de l'heure, les priorités pour les années qui viennent. C'est pourquoi nous sommes d'avis que le ministère de l'Emploi doit restreindre son champ au développement de l'emploi et de la main-d'oeuvre. Les relations du travail, dans la même perspective qu'exprimée en 1982 par le ministre Raynald Fréchette, doivent disposer d'un interlocuteur gouvernemental unique auprès de l'ensemble des intervenants du monde du travail. La concertation établie actuellement dans divers milieux et aussi à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour le développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi mérite l'attention d'un ministre libéré des tracas relatifs aux relations du travail ou aux conflits de travail.

Un ministère de l'Emploi, pour le Parti québécois, dans le contexte économique actuel, devient le ministère le plus important du gouvernement. C'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi, qui ne vise qu'à regrouper un tout beaucoup trop immense pour que les priorités de l'heure, que sont l'emploi, la formation et l'adaptation de la main-d'oeuvre, se trouvent trop souvent reléguées au second rang des urgences du ministre et de son ministère. De plus, le litige sur le partage des compétences entre les gouvernements du Québec et d'Ottawa nécessitera aussi l'attention particulière du ministre, une attention qu'il ne pourra accorder à même les négociations internes, au Québec, relatives aux lois du travail, telles qu'apporter des modifications aux décrets de convention collective.

D'ailleurs, on pourrait penser que ce projet de loi aurait été logique si, effectivement, il s'était inscrit dans une politique cohérente de diminution du nombre de ministères. Mais on ne sauve pas de ministre, ici. Il s'agit de délester un ministre d'une partie de ses responsabilités pour les envoyer à un autre ministre. Cela donne peut-être une idée de la confiance que le premier ministre faisait dans le ministre qu'il déleste, mais cela alourdit beaucoup trop un ministère qui est déjà surchargé de problèmes urgents et qui n'a d'ailleurs pas eu le temps de les régler à la satisfaction, je dirais même, du gouvernement.

Qu'on pense à ce qui se passe actuellement à la Commission de la construction du Québec, à la Régie du bâtiment du Québec, où le programme de garantie des maisons neuves était censé venir, pour ainsi dire, compenser auprès des consommateurs ce que défaisait la déréglementation du secteur résidentiel de la construction. Cette déréglementation permet maintenant à n'importe qui, qu'il soit qualifié ou non, d'être engagé pour la construction de résidences. Le ministre nous disait: Par contre, les entrepreneurs seront obligés d'employer des gens qualifiés, puisqu'il y aura un programme de garantie des maisons neuves acceptable. Or, ce programme de garantie des maisons neuves acceptable n'arrivera qu'en 1995.

Alors, quand on n'est pas capable de diriger déjà les responsabilités qu'on a, je ne vois pas en quoi l'augmentation des responsabilités du ministre, qui n'est pas, comme je le rappelle, dans une politique cohérente de diminution du nombre de ministères, va aider beaucoup.

On laisse quand même l'aspect sécurité du revenu à un autre ministre, ce qui démontre, encore là, que ce n'est pas l'objet, que ce n'est pas la manifestation d'une politique cohérente pour le gouvernement. La création du nouveau ministère de l'Emploi laisse derrière lui tout le volet développement de l'employabilité et de l'intégration à l'emploi adressé aux prestataires de la sécurité du revenu. D'ailleurs, l'article 11 du projet confirme, dans les modifications à l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, que ce dernier conservera la responsabilité de «favoriser l'intégration ou la réintégration au marché du travail des personnes prestataires d'un programme de sécurité du revenu», autrement dit les gens qui sont sur le BS. Il pourra, bien sûr, y avoir des collaborations, mais la responsabilité demeure au ministère de la Sécurité du revenu.

À l'instar de ce qu'avait décidé le gouvernement lors de la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les personnes assistées sociales aptes au travail se retrouvent à l'extérieur de la stratégie gouvernementale, si tant est que le gouvernement ait une stratégie. En dehors de la stratégie, aussi, le développement de la formation et de l'adaptation de la main-d'oeuvre et de l'emploi du gouvernement. Ils sont considérés à part de la main-d'oeuvre québécoise.

Lors des consultations sur la création de la SQDM, Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, nombreux sont les intervenants qui ont réclamé du gouvernement que les personnes assistées sociales aptes au travail soient sous la responsabilité de la SQDM. Leur surprise est d'autant plus grande lorsque le gouvernement, de nouveau, laisse de côté les personnes assistées sociales, lorsqu'il, supposément, crée un super ministère de l'Emploi. L'exclusion des personnes assistées sociales aptes au travail touche directement 250 000 ménages, au moins, ce mois-ci. Ce nombre exclut les personnes non disponibles pour des raisons de santé. Cela démontre à quel point le gouvernement considère de façon différente les personnes assistées sociales lorsqu'il est question de la formation de la main-d'oeuvre et du développement de l'emploi.

(21 h 50)

On le voit donc, ces réformes ne s'inscrivent dans aucun plan cohérent, dans aucune politique. D'ailleurs, c'est un peu compréhensible. Leur défaut démontre l'improvisation d'un gouvernement qui ne sait encore trop combien de temps il va gouverner et qui ne cesse de reporter plus loin l'échéance électorale normale. On a peine à comprendre, à voir quelque cohérence que ce soit dans ce projet de loi. C'est donc pourquoi nous voterons contre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le député. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre pour un temps de réplique. M. le ministre.


M. Serge Marcil (réplique)

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Contrairement à ce que mon critique de l'Opposition vient de dire, c'est un projet de loi très cohérent. On rassemble autour d'une même autorité un ensemble de fonctions, plusieurs dimensions qui ont trait au développement de l'emploi, de la main-d'oeuvre et de la formation et huit organismes qui vont relever du même ministère afin de développer une approche intégrée des problèmes qui sont liés directement au marché de l'emploi.

Comme je n'ai pu finaliser ma présentation, je voudrais, M. le Président, déposer mon discours, la présentation du projet de loi 3, afin qu'il soit retenu pour le Journal des débats .


Document déposé

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du discours de M. le ministre?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Il y a consentement. Très bien.


Mise aux voix

Alors, maintenant, est-ce que le projet de loi 3, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Travail, la Loi sur le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Il est adopté sur division. Très bien. M. le ministre.

M. Middlemiss: L'article 37, M. le Président.


Projet de loi 5


Adoption

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, M. le ministre de l'Emploi propose l'adoption du projet de loi 5, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les édifices publics. Je suis prêt à reconnaître un premier intervenant, M. le ministre de l'Emploi.


M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Très brièvement, je voudrais tout simplement rappeler l'objectif de ce projet de loi. Comme je l'ai déjà indiqué, ce projet de loi est devenu nécessaire lorsque la Cour d'appel du Québec, le plus haut tribunal de la province, a rendu un jugement, le 23 décembre dernier, invalidant certaines dispositions du Règlement sur la sécurité dans les bains publics, règlement adopté en vertu de la Loi sur la sécurité dans les édifices publics.

Depuis ce jugement, la Régie du bâtiment ne peut plus exiger la présence de surveillants sauveteurs qualifiés dans les bains, les piscines et les plages publics. Le projet devant nous vise à permettre à la Régie du bâtiment du Québec de continuer d'exiger des mesures de surveillance de certaines installations accessibles au public, comme les piscines publiques, par exemple. Il permet, du même coup, d'assurer une assise légale à toutes les dispositions réglementaires adoptées en vertu de la Loi sur la sécurité dans les édifices publics en matière d'exploitation sécuritaire et de surveillance des édifices publics.

Comme il est urgent de procéder à l'adoption de ce projet de loi, je demande sans plus tarder, M. le Président, à cette Assemblée d'adopter le projet de loi 5, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les édifices publics. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Merci, M. le ministre. M. le critique de l'Opposition en cette matière, M. le député de Laval-des-Rapides.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Rapidement, M. le Président. Nous allons donner notre accord à l'adoption de ce projet de loi qui est d'ailleurs assez court, d'autant plus que j'estime qu'il a été amélioré grâce à l'ouverture d'esprit du ministre.

En lisant moi-même le jugement de la Cour d'appel auquel il répondait, j'ai constaté que, si la Cour d'appel était saisie d'un problème de surveillance de piscines, le raisonnement qu'elle faisait laissait voir, dans la Loi sur la sécurité dans les édifices publics, une lacune beaucoup plus grave, c'est-à-dire le fait qu'au fond cette loi ne permettait que de réglementer la construction sécuritaire des édifices publics et les dispositions visant à la protection contre les incendies. Mais cette loi n'était pas assez large, disait la Cour d'appel, pour permettre de réglementer tout ce que je pourrais appeler l'opération sécuritaire des édifices publics, et la surveillance des piscines est évidemment l'une de ces choses.

Si les piscines sont définies comme des édifices publics dans cette loi – on a voulu réglementer la façon sécuritaire d'opérer une piscine, c'est-à-dire d'y placer des sauveteurs, et des sauveteurs qualifiés – je pense qu'il fallait voir un peu plus loin que le problème dont la Cour d'appel était saisie à ce moment-là, pour réaliser qu'il y aurait bien d'autres lacunes dans l'avenir qui pourraient se présenter dans d'autres types de surveillance, non seulement dans d'autres types de surveillance des édifices publics, mais dans tout sujet que l'on pourrait réglementer, que ce soit la présence, par exemple, de caméras vidéo ou d'autres types, pour que les édifices publics soient opérés de façon sécuritaire.

Nous avons suggéré cet amendement, le ministre l'a approuvé. Ça fait maintenant partie du projet de loi, et c'est pourquoi nous voterons pour avec plaisir, afin que les règlements puissent être passés le plus rapidement possible pour permettre la surveillance des piscines cet été. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Tremblay): Je vous remercie, M. le député. Alors, le projet de loi 5, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les édifices publics, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Il est adopté. Très bien. M. le ministre... Alors, comme je me dois...

M. Marcil: Est-ce qu'on pourrait suspendre quelques minutes, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Nous allons suspendre quelques minutes.

M. Marcil: Il ne reste pas grand, grand minutes. Il en reste...

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, il nous reste trois minutes, parce que je me dois, à 22 heures, de tenir un débat de fin de séance. Alors, nous allons suspendre jusqu'à 22 heures. À 22 heures, nous allons reprendre nos travaux. Très bien.

(Suspension de la séance à 21 h 56)

(Reprise à 22 heures)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Débats de fin de séance

L'Assemblée reprend ses travaux. Nous devons tenir un débat de fin de séance. Alors, un débat de fin de séance a été demandé par M. le député de Duplessis au ministre des Transports concernant le camionnage en vrac.

Alors, pour la gouverne de ces travaux, dois-je vous rappeler l'article 310: Le député qui soulève le débat de fin de séance et le ministre qui lui répond ont chacun un temps de parole de cinq minutes. Le député a droit à une réplique de deux minutes. Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant, M. le député de Duplessis, pour cinq minutes. M. le député.


Assujettissement du camionnage en vrac au décret de la construction


M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. D'abord, pourquoi ai-je demandé un débat de fin de séance concernant les problèmes existant entre les camionneurs artisans en vrac et la loi des relations de travail dans l'industrie de la construction? C'est tout simplement parce que le gouvernement, depuis la semaine dernière, se refuse à répondre vraiment aux questions que nous lui posons en rapport avec ses actions qu'il devra entreprendre afin de régler le problème. Et le problème a commencé effectivement l'an dernier dans le comté de Duplessis dans un dossier où le ministère des Transports a donné un contrat à une firme de l'extérieur et où les travailleurs de la construction et où les propriétaires de camions... les camionneurs artisans viennent en conflit avec la loi en question en rapport avec un jugement qui a été rendu en février 1992, ce qu'on appelle le jugement Gold.

Alors, M. le Président, d'après les réponses qui nous ont été données par le ministre des Transports ainsi que par le ministre de l'Emploi, il est clair que les deux ministres en question, en particulier le ministre des Transports, se cachent en arrière de ce qu'on appelle le sub judice dans un problème qui existe actuellement. Il n'est pas obligé de parler des causes que nous avons actuellement face aux trois camionneurs en question, mais c'est l'ensemble du problème qui existe actuellement dans le comté de Duplessis, qui existe en rapport avec un contrat de construction routière qui a été donné par ce même gouvernement, à l'est de Havre Saint-Pierre, et qui est passible de nous arriver en pleine face dans le cadre du dossier SM 3.

Alors, M. le Président, c'est clair que le gouvernement, se cachant en arrière de ce sub judice, fait en sorte qu'avant qu'il prenne une décision il y ait une jurisprudence qui puisse exister face à des décisions de la cour et, d'autre part, c'est sa façon à lui de se faire une belle jambe en noyant le poisson. Et, ça, c'est clair, et c'est ce que me disent les camionneurs de mon comté, ce que me disent les camionneurs à qui je parle de la région de Québec.

M. le Président, je voudrais vous souligner en passant que le ministre, je ne pense pas qu'il ait vraiment compris le fond du problème, parce que le problème, il existe de deux façons. D'abord, il y a la question des camionneurs en vrac qui sont régis par son ministère avec le règlement 112 et il y a aussi la question de la construction qui, elle, est régie par le décret de la construction et par la loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. Donc, ça touche deux secteurs. Mais afin de régler les problèmes des camionneurs artisans qui vont être vécus au cours de l'année 1994, puis ça a commencé déjà à être vécu en 1993, il va falloir que le gouvernement se branche pour savoir exactement de quelle façon on va régler le problème de fond par rapport aux camionneurs artisans. Parce que ces gens-là, au moment où on se parle, sont dans l'obligation, s'ils travaillent sur un chantier dans un périmètre donné, un chantier où il y a de la construction de faite, où il y a du charroyage en vrac par les camionneurs artisans... c'est que ces gens-là doivent avoir leur carte de construction pour pouvoir travailler sur le chantier en question. Et il est clair aussi que ces camionneurs-là ont le droit de vivre comme tout le monde. Et il est clair aussi que ça va donner beaucoup plus de latitude aux entrepreneurs qui vont avoir des contrats de construction dans l'ensemble du territoire québécois si ces gens-là réussissent à avoir, dans le périmètre donné, l'exclusion de camionneurs en vrac. Et c'est la raison pour laquelle nous disons, de ce côté-ci, au ministre des Transports, que, premièrement, il étudie le dossier comme du monde et, deuxièmement, fasse en sorte de parler à son collègue de l'Emploi afin qu'il y ait une liaison entre les deux ministres pour régler ce problème de fond qui existe. Et c'est clair que, si le gouvernement continue avec l'attitude qu'il a actuellement, il n'y a rien qui va se faire pour régler le problème et, ce problème-là, il est parti dans le comté de Duplessis, il va s'étendre sur la Côte-Nord et il va s'étendre dans l'ensemble du territoire québécois, incluant la Baie James.

Alors, je demande au gouvernement quelles sont ses positions réelles en rapport avec ce dossier et je lui demande quelles sont les attitudes qu'il va prendre pour régler de façon formelle les problèmes qui existent entre les camionneurs artisans et la loi des relations de travail dans la construction. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Merci, M. le député. Je suis maintenant prêt à reconnaître M. le ministre des Transports. M. le ministre, pour cinq minutes.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. le Président, mon collègue de Duplessis a questionné en cette Assemblée cet après-midi, et il avait fait la même chose la semaine dernière, sur les camionneurs en vrac et sur les chantiers de construction. Tantôt, il décrivait la situation comme un périmètre. Je crois que, dans le langage, on parle plus des «à pied d'oeuvre» sur... Bon. Non, pour bien situer. O.K.

Alors, d'entrée de jeu, je tiens à lui rappeler, M. le Président, que le ministère des Transports considère, et ce, depuis longtemps, l'industrie en vrac comme une force économique propre avec ses lois et ses règlements. L'histoire récente de ce secteur d'activité économique en est d'ailleurs le reflet, M. le Président. Et, comme le député de Duplessis n'y a pas référé, je profite de l'occasion pour le rappeler. En effet, bien que l'industrie du camionnage ait été déréglementée en 1987, le cadre qui protégeait et protège toujours l'industrie en vrac a été conservé. Et vous en savez quelque chose, M. le Président, ça existe dans votre région également. C'est d'ailleurs suite à des demandes des représentants de l'industrie qu'ont été établies les régions et qu'ont été créés les postes et les sous-postes de courtage. C'est à leur demande.

Le ministère s'est aussi autodiscipliné en concédant la clause 75-25 – il n'y a pas référé, mais c'est important de le dire – laquelle oblige les contracteurs de grands travaux routiers à réserver une partie du transport des agrégats aux camionneurs artisans. 75-25.

C'est donc, M. le Président, dans cet esprit de concertation et avec le souci d'améliorer les conditions de l'industrie qu'en avril 1992 le ministère et ses partenaires en sont arrivés à apporter des améliorations tangibles à l'industrie du vrac en forêt, et ce, avec l'entente créant le contrat forestier. Il faut s'en rappeler.

Comme on peut le constater, M. le Président, le gouvernement libéral a, depuis 1985, favorisé l'amélioration des conditions des camionneurs spécialisés en vrac. Le meilleur exemple de ce que j'avance, c'est l'entente qui a été signée le 28 mars dernier entre le ministère et les quatre principaux organismes de l'industrie qui représentent 4200 travailleurs, M. le Président: l'Association nationale des camionneurs artisans inc., l'ANCAI; le Regroupement provincial des entrepreneurs en vrac, le RPEV; l'Association des transporteurs indépendants du Québec, M. le Président, et le Poste de courtage de la région 10, soit l'île de Montréal. Cette entente, obtenue après plus de huit mois de négociation et de conciliation entre les divers intervenants, répondait à l'une des plus importantes demandes des camionneurs artisans, soit la modification de la grille tarifaire. Peut-on demander, M. le Président, une table de concertation plus représentative? Les actions du ministère des Transports en concertation avec les différents intervenants de l'industrie du vrac ont apporté des solutions concrètes et adaptées à la réalité de ce secteur d'activité économique.

Il y a beaucoup de travail qui a été fait, mais il en reste, dans ces dernières années. Puis il est vrai qu'il en reste d'autres à réaliser, et certains sont abordés aujourd'hui. Je peux vous assurer que c'est avec vigueur et énergie que le ministère travaille de concert avec l'industrie. C'est avec eux autres que ça va se passer et c'est avec eux autres que ça va se régler. En ce sens, M. le Président, j'invite les membres de la table de concertation à poursuivre leur recherche de solution. Pour ma part, j'ai demandé aux autorités compétentes du ministère de me proposer des éléments de solution durables, M. le Président, et je répète, durables, qu'il me fera plaisir de communiquer à cette Chambre. Merci de votre attention, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis, il vous reste deux minutes pour un temps de réplique.


M. Denis Perron (réplique)

M. Perron: M. le Président, j'aimerais avoir plus de deux minutes pour répondre au ministre des Transports, parce que, en fait, il n'a rien donné comme solution à part son comité de travail qui étudie et qui va peut-être continuer à étudier pour les six prochains mois et peut-être jusqu'après les prochaines élections.

(22 h 10)

M. le Président, le ministre des Transports a parlé d'une force économique qui était le camionnage en vrac à travers le Québec. Mais qu'est-ce qu'il fait actuellement pour régler les problèmes qui sont vécus entre les camionneurs en vrac et la question des relations de travail dans l'industrie de la construction? Parce qu'on touche à une loi à ce moment-là. Et on sait que ce qu'il a dit en cette Chambre ce soir, ce qu'il vient de dire en cette Chambre, suite à l'exposé, à l'allocution que j'ai faite au début, il n'a répondu à aucune question que j'avais posée, d'une part, et, d'autre part, il a répété exactement ce qu'il répète depuis à peu près une semaine et demie ou deux semaines.

Et, M. le Président, lorsque le ministre me parle de l'entente du 26 mars dernier, il oublie de dire, lorsqu'il parle de force économique, que ce ne sont pas les camionneurs qui ont bénéficié des 6 % de réduction des tarifs horaires et des tarifs au kilométrage. Ce sont surtout les entrepreneurs qui en ont profité, et c'est clair, net et précis qu'à ce niveau-là c'est le gouvernement qui a gagné avec les entreprises et non pas les camionneurs artisans.

Je voudrais conclure, M. le Président, en posant des questions précises au ministre. Quand le ministre des Transports répondra-t-il à toutes les lettres qui ont été écrites et qui lui ont été transférées par l'Association nationale des camionneurs artisans? Quand le ministre va-t-il en arriver avec une solution potable pour les parties? Est-ce que le ministre discute vraiment avec le ministre de l'Emploi pour régler les problèmes que nous avons actuellement? Est-ce que son gouvernement va regarder l'article 19 de la loi des relations de travail dans l'industrie de la construction et voir ce qu'il va faire avec cet article? Est-ce qu'il va l'amender, oui ou non, ou est-ce qu'il va permettre aux camionneurs d'avoir du travail sur les chantiers de construction et d'autres chantiers à travers le Québec?

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le député.

Ceci met fin à nos travaux. Nous les ajournons maintenant au 18 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 12)