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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 30 novembre 1994 - Vol. 34 N° 2

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Table des matières

Affaires du jour

Nomination des leader, leaders adjoints, whip et whips adjoints du gouvernement

Nomination du président du caucus du Parti québécois

Nomination des leader, leader adjoint, whip et whip adjoint de l'opposition

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quinze minutes)


Affaires du jour


Affaires prioritaires

Le Président: Si vous voulez bien vous asseoir.

Nous sommes aux affaires du jour. L'Assemblée procédera ce matin aux affaires prioritaires, soit au débat sur le discours d'ouverture.

À la suite d'une réunion avec les leaders et avant de donner la parole à M. le chef de l'opposition officielle, je désire informer l'Assemblée de la répartition du temps de parole pour l'ensemble de ce débat sur le discours d'ouverture. Soixante minutes sont accordées au chef de l'opposition pour sa réplique. Vingt minutes sont allouées au député indépendant. Les deux groupes parlementaires se partageront également le reste du temps consacré à ce débat. Dans ce cadre, les prochaines interventions sont limitées, après, bien sûr, l'intervention de M. le chef de l'opposition, à une durée maximale de 20 minutes chacune. Alors, M. le chef de l'opposition.


Débat sur le discours d'ouverture


M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le président et nombreux collègues, nous nous retrouvons maintenant, 11 semaines après le scrutin, pour inaugurer une nouvelle session et une nouvelle Législature. Les défis qui attendent le nouveau gouvernement, nous le savons tous, sont exigeants: créer de l'emploi, réduire les dépenses publiques, limiter le fardeau fiscal et mieux soutenir les enfants, pour ne nommer que ceux-là. Avant de réagir au message inaugural que nous a livré hier le chef du gouvernement, permettez-moi donc pour l'instant de jeter un coup d'oeil sur le passé récent et de faire quelques remarques sur cette nouvelle Législature.

Pour le Parti libéral du Québec et pour l'ensemble des Québécois, l'élection du 12 septembre a marqué la fin d'une époque. Cela m'est évident en regardant les visages de mes collègues aujourd'hui et en n'y retrouvant pas ceux si familiers de Robert Bourassa, Gérard D. Levesque, Gérald Godin, Claude Ryan, Lise Bacon, Marc-Yvan Côté, Michel Pagé, Yvon Picotte. Je veux saluer ces grands Québécois ainsi que tous les députés des deux côtés de cette Chambre qui ont su servir la population du Québec pendant 15, 20, 25, 35 ans, sans jamais compter leurs heures ni leurs efforts. Certains de ces départs ont eu lieu durant l'année précédant l'élection. Le Parti libéral du Québec a amorcé durant cette période un renouvellement considérable; il est passé très près, et plus près, en fait, que bien d'autres gouvernements de deuxième mandat de convaincre la population de lui accorder de nouveau sa confiance. Je saisis donc l'occasion pour remercier toutes les Québécoises et tous les Québécois qui ont opté pour des candidats libéraux lors du dernier scrutin. Je veux aussi dire à tous ceux qui n'ont pas voté pour nous que nous avons compris le message et que nous acceptons le verdict. Nous avons débuté au sein de nos structures un grand effort de renouvellement de notre programme politique et de notre équipe. Ce travail se poursuit, se poursuivra sans relâche au cours des prochains mois et des prochaines années et, à la prochaine élection, nous serons en mesure d'offrir à la population un projet libéral et une équipe profondément renouvelée. Comme chef du Parti libéral, c'est un engagement que je prends envers mes concitoyens et concitoyennes, et qui est déjà en marche.

C'est donc une nouvelle Assemblée qui se réunit en cette enceinte depuis hier. Je voudrais d'abord féliciter tous les élus pour leur victoire. Je salue également, et je crois que tous se joindront à moi là-dessus, tous les candidats et les candidates défaits. La plupart des élus des deux côtés de la Chambre ont déjà connu la défaite à un moment donné de leur engagement politique, et nous pouvons donc tous comprendre ce que ça signifie au plan personnel.

(10 h 20)

La présente Assemblée compte également 23 femmes. Je les félicite toutes, et en particulier les nouvelles venues, pour leur engagement à servir les intérêts du Québec. Bien que le nombre soit toujours, évidemment, insuffisant, les interventions de nos collègues féminines rehausseront cette Assemblée, j'en suis sûr, comme d'habitude. Notre Assemblée compte aussi plusieurs membres qui, avant de choisir de servir le Québec, ont choisi d'y faire leur vie. Je parle, bien sûr, des Québécois nés à l'étranger et qui ont immigré ici. Incidemment, je veux souligner l'élection de la première députée de foi musulmane, Mme la députée de La Pinière. Même si je sais qu'elle ne se définit pas par sa religion, son élection représente néanmoins un jalon de plus sur la route qui nous mène à une Assemblée vraiment représentative du pluralisme de la société québécoise.

Il y a quelques mois, analystes et sondeurs prévoyaient un balayage péquiste à l'est du boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Or, il s'avère que la circonscription la plus à l'est du Québec, les Îles-de-la-Madeleine, est représentée par un député libéral, le whip de notre formation politique.

L'opposition officielle représente maintenant 47 circonscriptions sur 125. C'est la plus forte opposition officielle depuis une trentaine d'années; 16 000 voix sur 3 900 000, soit moins de un demi de un pour cent du vote populaire, séparent les scores du PQ et du Parti libéral du Québec. Ces résultats et toute la confiance des électeurs qu'ils reflètent nous motivent à assumer notre mandat d'opposition avec d'autant plus de sérieux et de détermination.

J'en profite d'ailleurs pour réitérer la volonté de l'opposition officielle de collaborer avec le gouvernement sur tous les dossiers qui améliorent le bien-être des Québécois, notamment ceux qui favoriseront la création d'emplois.

Les résultats du scrutin nous rappellent aussi que nos électeurs sont aussi diversifiés que l'est le Québec lui-même. D'abord, il faut noter que le Parti libéral est profondément enraciné dans les circonscriptions entièrement francophones, comme le Bas-Saint-Laurent ou en Beauce, par exemple. Des candidats libéraux ont été élus aux quatre coins du Québec, dans les régions périphériques comme dans les régions centrales, dans les villes comme dans les campagnes et, dans plusieurs comtés, certains de nos candidats ont été battus par quelques dizaines ou centaines de voix seulement.

À l'évidence, le Parti libéral du Québec demeure la seule formation politique à représenter des Québécois de toutes origines, membres de la majorité francophone comme de la minorité anglophone. Le Parti libéral du Québec demeure donc le parti de l'inclusion, celui qui continuera d'accueillir des Québécois de toutes conditions et de toutes origines, celui qui ne veut se passer d'aucun d'entre eux pour réaliser son projet politique. S'il y a une coalition arc-en-ciel au Québec, c'est de ce côté-ci de la Chambre qu'elle se trouve.

Nous en sommes donc au début d'une nouvelle Législature. Le système le veut ainsi, notre part de sièges à l'Assemblée ne reflète pas la proportion du vote populaire que nous avons obtenue. Cette prime au vainqueur confère plus de stabilité au gouvernement, et nous ne croyons pas que cela doive changer. Le nouveau gouvernement est donc légitime, il n'y a aucun doute là-dessus, bien qu'il n'en soit pas nécessairement ainsi de tous ses gestes.

Par ailleurs, le nouveau gouvernement n'a pas obtenu la majorité des voix de la population, contrairement aux deux gouvernements qui l'ont précédé. De ce fait, son souci de préserver sa légitimité devra être d'autant plus manifeste.

Le Parti québécois s'est fait élire sur deux grandes prétentions. D'une part, il a promis à la population une autre façon de gouverner. C'est aujourd'hui son principal mandat. Ce slogan réfère, selon ses termes, à un gouvernement intègre qui bouge sur l'emploi et gère de façon responsable les finances publiques. Cette expression simple aura permis au chef du PQ de décrire, en une courte phrase, l'ensemble des alternatives à tout ce qu'il dénonçait. Peu importe le problème, sa complexité, les coûts des solutions envisagées, l'autre façon de gouverner allait tout régler. C'est ce que nous allons voir bientôt.

D'autre part, le Parti québécois a aussi véhiculé son projet de séparation dans un nouvel emballage, «l'enclenchisme». Nous avons argumenté pendant l'élection que cet «enclenchisme» amènerait le gouvernement à poser des gestes en appui à la séparation, mais avant le référendum, donc, de façon illégitime. Nous avons notamment dénoncé le fait que «l'enclenchisme» prévoyait alors une déclaration solennelle de cette Assemblée affirmant la volonté du peuple québécois de se séparer du reste du Canada ainsi que l'engagement des ressources de l'État dans des démarches préparatoires, non pas au référendum, mais à la séparation elle-même. Ces arguments ont forcé le Parti québécois à rassurer les électeurs sur sa démarche. Les ténors de l'autre côté ont alors banalisé la signification de «l'enclenchisme» et ont plaidé, la main sur le coeur, que le processus serait transparent, démocratique, et qu'on ne brûlerait pas les étapes. Eh bien, nous examinerons aussi ce qu'ils feront de cet engagement.

Ces deux grands axes du programme péquiste conditionnent, par le fait même, le travail de l'opposition ainsi que mes commentaires sur le discours inaugural. Dans un premier temps, j'assumerai donc ce rôle de critique de la gestion gouvernementale, et dans un deuxième temps, c'est comme chef des forces fédéralistes au Québec que je m'exprimerai.

Examinons d'abord le comportement de ce gouvernement. Au cours de la campagne électorale, le Parti québécois a fait de nombreuses promesses. Il a créé des attentes et suscité des espoirs. Après le vote, la décision du nouveau gouvernement de retarder l'ouverture de la session de plus de cinq semaines sous prétexte qu'il avait plein de projets à mettre en marche laissait croire qu'il allait bouger sur les dossiers les plus importants pour la population. L'attente s'est révélée vaine. Dans ce discours d'ouverture, nous retrouvons quantité de projets qui étaient passablement avancés lorsque nous avons quitté le gouvernement. Qu'il s'agisse de la lutte à l'évasion fiscale, du plan pour la réduction de la paperasserie, du casino de l'Outaouais, du plan de réforme des tribunaux administratifs ou de la nouvelle approche de gestion financière, tous ces dossiers et bien d'autres étaient inclus dans les dossiers en marche que nous avons remis au nouveau gouvernement. Ce n'est pas ici qu'on a trouvé l'autre façon de gouverner. Pour faire neuf, le nouveau gouvernement est allé jusqu'à suspendre des initiatives que nous avions lancées, pour les réannoncer hier comme si c'était son idée. Le dossier de l'autoroute de l'information en est un exemple patent.

Je donnerai maintenant quelques exemples d'espoirs déçus à la suite de folles promesses. Mes collègues de l'opposition, porte-parole dans leurs dossiers respectifs, en développeront plusieurs autres au cours des prochains jours.

La première et la plus grande déception, c'est au chapitre de l'emploi que ce discours nous la livre. On se serait attendu, de la part d'un parti qui est allé jusqu'à promettre le plein emploi, au moins à une amorce de stratégie, à une vision de ce qu'il entend faire dans ce dossier. Or, il n'en est rien. Le premier ministre parle d'enclencher la marche vers l'emploi, mais visiblement il ne sait sur quel chemin s'engager. Le ministre de l'Industrie annonçait récemment l'abandon de la stratégie du gouvernement précédent, mais le nouveau gouvernement n'a pas d'alternative. On ne retrouve aucune trace de la politique de plein emploi que ce parti a tant galvaudée depuis des mois. Était-ce donc seulement un slogan pour consommation préélectorale? On en retrouve des morceaux épars, sans lien entre eux, et parfois même contradictoires.

Le premier ministre ne veut pas se faire un fardeau pour les entrepreneurs, mais il leur impose quand même une obligation additionnelle en matière de formation professionnelle, avec un cortège de contrôles. Il aurait pu adopter l'approche incitative, comme nous l'avions fait ou comme d'autres le font. Où sont les idées nouvelles pour favoriser la recherche et le développement? Où sont les gestes pour améliorer les relations de travail? Que fera le gouvernement pour simplifier la fiscalité des entreprises? Le premier ministre reste muet sur ces déterminants de l'emploi.

Mais, parmi toutes ces omissions, il y en a une pour laquelle je veux le féliciter: c'est d'avoir renoncé à la loi nationale sur l'emploi prévue dans son programme. La population lui en saura gré de lui en faire ainsi grâce.

(10 h 30)

Avant l'élection, le Parti québécois promettait d'accorder de nouvelles responsabilités aux élus municipaux. Maintenant qu'il est au pouvoir, il suspend 85 projets d'infrastructures municipales qui avaient pourtant été approuvés par le gouvernement et par les municipalités. Il signale ainsi au monde municipal qu'il n'a pas confiance en ses élus. Mais, en plus, par sa décision impétueuse, le ministre des Affaires municipales retarde indûment le démarrage des projets ainsi que la création des emplois qui leur sont associés. Il pénalise des chômeurs qui attendent qu'il se décide. Il tire maintenant le tapis de sous les pieds des municipalités qui se sont engagées dans ces projets.

La désignation de délégués régionaux et la nomination d'un ministre délégué à la Restructuration sont les deux innovations, au plan politique, du parti qui voulait gouverner autrement. Les délégués régionaux ont créé beaucoup d'attentes dans leur milieu, mais qu'ont-ils réalisé?

Le chef du PQ avait promis aux Abitibiens, des trémolos dans la voix, de régler leur problème de pénurie de médecins en un tournemain. Or, sitôt installé au pouvoir, son ministre de la Santé se rend compte que la pensée magique ne fonctionne pas. Et les Abitibiens attendent encore et défilent dans les rues.

Le chef du PQ promettait aux travailleurs de la MIL Davie de régler leur problème en 10 jours. Deux mois plus tard, c'est 300 familles de la Rive-Sud de Québec qui sont frappées par le chômage.

Les candidats du PQ avaient promis de bouger pour créer la commission de la capitale nationale sans délai. Une fois élus, ils créent un autre comité qui fera d'autres études.

En somme, tant l'examen des gestes du gouvernement depuis son accession au pouvoir que son discours inaugural révèlent le fossé qui sépare ce qu'il promet de ce qu'il fait.

En à peine deux mois de gouvernement, ce parti a déjà fait défaut sur certaines promesses qu'il avait faites à la population avant le scrutin. Et, depuis hier, il nous parle du respect de la parole donnée. Comprenons-nous bien. Nous ne critiquons pas de n'avoir pas réussi, en deux mois, à régler des dossiers que nous savons complexes, comme l'avenir de la MIL Davie ou la pénurie de médecins en région. Nous reprochons au gouvernement d'avoir fait des promesses irréalistes et d'avoir suscité de faux espoirs qu'il déçoit maintenant. Et on parle de restaurer le lien de confiance.

L'autre grande constante qui se dégage des premières semaines de ce gouvernement, et que j'ai signalée il y a quelque temps, est qu'il se comporte comme si le résultat du référendum lui était déjà acquis dans le sens qu'il souhaite. La logique de la séparation inspire ses gestes, colore ses déclarations. J'en fournirai ici quelques exemples.

M. le président, je vais prendre quelques instants pour expliquer clairement cette critique, pour mieux me faire comprendre. Examinons un exemple révélateur. Récemment, le nouveau et discret ministre des Finances a participé à une réunion fédérale-provinciale où s'est conclue une entente d'une année sur le traitement fiscal des dépenses en recherche et développement des entreprises québécoises. Une entente à plus long terme aurait été souhaitable afin de permettre à nos entreprises de mieux planifier leurs dépenses de recherche. Au sortir de la réunion, interrogé s'il n'aurait pas préféré un aménagement plus permanent, le ministre des Finances répond: Non, car, de toute façon, dans un an le Québec sera séparé et nous ne paierons plus d'impôt à Ottawa.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Le comportement du ministre est sensé seulement s'il est sûr que nous serons séparés. Il se comporte comme un partenaire qui a déjà décidé de sortir de l'entreprise. Plus question d'investir à long terme. Mais qu'est-ce qui lui permet – je le lui demande – de faire cette supposition? Qu'est-ce qui l'autorise à renoncer à défendre les intérêts des entreprises québécoises en posant l'hypothèse, pour le moins risquée, que le Québec sera un pays séparé dans un an? Jusqu'où osera-t-il pousser cette hypothèse? La planification triennale qu'il déposera au budget du printemps prochain contiendra-t-elle des prévisions budgétaires pour l'an un et l'an deux d'un Québec séparé? Des formulaires d'impôt uniques sont-ils déjà en préparation? Le gouvernement du Parti québécois nous impose aujourd'hui des conséquences à une décision que nous n'avons pas prise. C'est comme si un subtil renversement du fardeau de la preuve s'était effectué depuis l'élection. Le gouvernement dit aux Québécois: Eh bien, voilà, j'ai décidé de sortir; pour que je recommence à participer à la fédération, les Québécois doivent maintenant me prouver qu'ils veulent y rester. C'est donc ça, la logique de la séparation qui guide le gouvernement du PQ. C'est prendre des décisions importantes sur notre avenir collectif qui ne sont justifiables ou explicables que si on présume que les décisions des Québécois de se séparer sont déjà prises. La logique de la séparation, c'est de s'abstenir de participer à des discussions importantes sur les grandes réformes canadiennes car on se dit que, de toute façon, on n'en vivra pas les effets.

Or, ce gouvernement n'a pas le mandat d'enclencher la séparation en douce sans se faire autoriser au préalable par le processus démocratique. Le premier ministre avait d'ailleurs promis au lendemain du scrutin de s'occuper prioritairement d'emploi et d'économie, mais, depuis, il fait le contraire de ce qu'il a dit. Par exemple, le gouvernement péquiste refusait récemment de participer à la conférence canadienne des ministres de l'Environnement, alors que tous les pays du monde reconnaissent que les États doivent se coordonner, que la pollution n'a pas de frontière. Le gouvernement du PQ, lui, préfère faire bande à part de ses voisins géographiques.

Mais ce n'est pas tout, le Québec est la seule des grandes provinces canadiennes à n'avoir aucune difficulté à rencontrer les exigences de la Convention de Rio. Si ce gouvernement avait pour priorité de défendre les intérêts des Québécois, le ministre de l'Environnement se serait rendu à la Conférence pour encourager ses homologues à réduire leur pollution. Ce gouvernement aime mieux se complaire dans des chicanes de carré de sable; il décide de boycotter la Conférence. Il veut tellement créer la mésentente pour illustrer sa cause qu'il oublie la finalité du dossier; il préfère sacrifier au jeu de la chicane fédérale-provinciale.

Le premier ministre avait promis, le 14 septembre dernier, de ne pas boycotter les conférences fédérales-provinciales, mais, deux semaines plus tard, il avait déjà retourné sa veste. Dans une conférence de presse en anglais, il affirmait que son gouvernement n'était pas là pour faire fonctionner le système rondement étant donné qu'il voulait en sortir. Drôle de conception de son devoir d'être premier ministre du Québec.

Alors, c'est faux. Tant que les Québécois ne lui ont pas donné le mandat de sortir de la Fédération, il doit en suivre les règles du jeu, il doit servir la cause des intérêts du Québec même si cela dessert la cause séparatiste du PQ. Il n'a pas le droit de mettre des bâtons dans les roues du système au détriment de la population tant que celle-ci veut participer à ce système.

Dans le dossier du Collège militaire royal, le gouvernement met en péril la survie même de l'institution. En s'obstinant à conserver intégralement la vocation militaire du collège, il risque de tout perdre au détriment de la ville de Saint-Jean et des employés du collège, car l'entente conclue avec le gouvernement fédéral était raisonnable. D'abord, elle assurait que le Collège restait ouvert. Ensuite, et surtout, elle était financièrement avantageuse pour le Québec. Finalement, elle reconnaissait l'objectif de comprimer les dépenses militaires dans un contexte de démilitarisation à l'échelle continentale. Là encore, le Parti québécois n'hésite pas à nuire à des dizaines de milliers de gens de la région de Saint-Jean si cela sert la cause péquiste. Or, il n'a pas le mandat de bâtir une armée québécoise. Je le répète, il n'est pas encore séparé. Il devrait s'en rappeler ou s'en inspirer.

Et, finalement, le premier ministre s'est précipité pour se doter d'une résidence officielle. Le premier ministre doit être déçu, les premiers visiteurs ont été les mal logés du Québec plutôt que les chefs d'État qu'il croyait voir défiler dans ses salons. Ces manifestants lui ont rappelé que son devoir premier est envers ses concitoyens et, ensuite, envers son confort.

Par ailleurs, ce geste ne sera pas sans coût pour l'État, comme l'avait d'abord affirmé le premier ministre. Au contraire, il est maintenant établi que les contribuables en paieront une portion considérable. Et, quant à la levée de fonds de la Chambre de commerce de Québec, on doit regretter qu'elle fasse malheureusement concurrence à celle de Centraide qui, elle, aide les gens qui sont vraiment dans le besoin.

(10 h 40)

Depuis son accession au pouvoir, ce gouvernement s'est mis à muter, limoger, remplacer le personnel de la haute fonction publique et parapublique québécoise avec une précipitation sans précédent. Des gestionnaires expérimentés sont remerciés pour cause de non-observance de la doctrine. Le réseau des délégations du Québec à l'étranger a désormais pour mandat de promouvoir la marche vers la séparation plutôt que les exportations des entreprises québécoises. Cette chasse aux sorcières est sans précédent et elle se poursuit même maintenant au niveau des sous-ministres adjoints et vice-présidents d'organismes. Toute la machine de l'État se verra bientôt enrôlée dans les régiments du gouvernement. Qu'on me comprenne bien, il est normal qu'un nouveau gouvernement veuille placer des collaborateurs sûrs à certains postes stratégiques dans la haute fonction publique. Mais encore faut-il faire preuve de discernement et de jugement. Pas tous les postes ne requièrent des indépendantistes, tout de même! À moins qu'on ne voie tout qu'à travers la lorgnette partisane; à ce compte, deux tiers des Québécois n'ont absolument aucune chance d'accéder à des fonctions gouvernementales d'importance.

Lorsque le gouvernement ne se comporte pas comme s'il avait déjà gagné son référendum, il assujettit l'État québécois à sa stratégie référendaire. Le nouveau gouvernement estimait que le déficit réel pour 1994-1995 serait supérieur à celui qui était prévu au budget. Mais, au lieu de faire préparer un plan de compressions supplémentaires des dépenses, comme nous l'avons toujours fait alors que nous étions au gouvernement, le premier ministre s'est contenté de blâmer l'ancien gouvernement. Quelle insouciance et quelle légèreté, pour un parti qui a pourtant promis d'éliminer le déficit des opérations courantes en deux ans! Tout se passe comme si, pendant sa campagne préréférendaire, le gouvernement avait décidé d'assouplir le contrôle des dépenses pour ne pas mécontenter qui que ce soit. Le discours d'hier a poursuivi sur cette lancée. Le premier ministre a promis tout à tous, croyant peut-être qu'on peut encore acheter des votes en appelant ça de la bougeotte.

Le premier ministre parle de solidarité envers les jeunes, et je le suis sur cette voie. Mais la première expression de solidarité envers les jeunes n'est-elle pas de faire preuve de responsabilité fiscale pour ne pas leur refiler la facture des rêves du gouvernement? Le premier ministre m'a, hier, tendu la main. Aujourd'hui, je la saisis, non pas pour l'aider à réaliser son projet à lui, la séparation, mais pour réaliser un projet qui nous est cher à tous, de même qu'à la plupart des gens dans cette Chambre. Je parle, bien sûr, du contrôle des finances publiques. Le premier ministre veut éliminer le déficit des opérations courantes, moi aussi. Son programme politique en fait état, le nôtre aussi. Il fixe une échéance plus rapprochée que la nôtre. Je suis prêt à prendre la sienne. Je lui propose donc de faire adopter avant Noël, et en accélérant le processus parlementaire avec la collaboration de tous les membres de l'opposition, une loi semblable à celle des Américains qui contraindra le gouvernement à éliminer le déficit des opérations courantes d'ici 1996-1997, tel qu'il s'est lui-même engagé à le faire en campagne électorale.

L'objectif est simple, je veux fournir au premier ministre le prétexte dont il a besoin pour dire non. Je veux préserver la santé financière de l'État québécois au travers du débat référendaire qui amène ce gouvernement non pas seulement à faire dire oui aux autres, mais à dire oui à toutes les demandes, et même parfois à les susciter. Je veux protéger les Québécois pour l'après-reférendum, alors qu'il faudra payer la note des cadeaux d'aujourd'hui, comme on a payé en 1982 les cadeaux de 1979. Le premier ministre a parlé des jeunes hier, mais, malheureusement, ils seront mis à la dîme une seconde fois. Le premier ministre a promis, avec précipitation, durant la campagne électorale de scraper la loi qui a accordé aux jeunes travailleurs de la construction le droit d'entrer sur les petits chantiers résidentiels qui leur étaient auparavant fermés et interdits. Je plains ces jeunes travailleurs qui seront sacrifiés sur l'autel de la FTQ pour conserver l'appui politique de cette centrale.

Avec le retour aux affaires du Parti québécois, on assiste aussi au retour de l'État spectacle. Le premier ministre en a appelé hier à la solidarité de toute l'Assemblée pour repousser la réforme que le gouvernement fédéral veut, selon lui, imposer au financement de l'enseignement supérieur. Il a omis, commodément, de mentionner que dans le chapitre sur l'enseignement supérieur le projet indique clairement le droit de retrait que le Québec conserve, avec compensation financière, droit que nous exerçons déjà depuis près de 30 ans.

Plutôt qu'une mise en scène pour ameuter les étudiants et créer un nouvel épouvantail fédéral, le premier ministre aurait tout simplement pu indiquer son intention de se prévaloir de son droit de retrait et, ainsi, de conserver la formule de financement que Québec a choisie. Ce geste simple aurait été plus efficace que la grande mise en scène dont il nous a enivrés. C'est ce qu'il aurait fait s'il avait voulu vraiment protéger les étudiants. Mais, voilà, comme ils ne sont pour lui que des pions sur son échiquier référendaire, il préfère tabler sur un climat d'affrontement.

Dans le dossier de l'hydroélectricité, le premier ministre a réussi à faire l'unanimité des parties patronales et syndicales contre lui en annonçant le report de Grande-Baleine. Quelle précipitation! Quelle précipitation! Pourtant, s'il y avait un grand projet capable de relancer l'économie québécoise et de créer des emplois, c'était bien celui-là. Mais le gouvernement a préféré sacrifier le projet à sa stratégie référendaire, qui, dans ce cas, consiste à enlever aux autochtones un motif de leur opposition.

À l'évidence, en annonçant sa décision, le premier ministre aura aussi réussi à étonner ses ministres de l'énergie, des Ressources naturelles et de l'Environnement. Les ministres n'ont donc manifestement pas participé à quelque discussion que ce soit concernant leur ministère et leur responsabilité au tout premier chef. Cela illustre un inquiétant phénomène de concentration de pouvoir entre les mains du premier ministre et de son entourage non élu aux dépens des responsables officiels. C'est un phénomène dont les indices se multiplient et auquel les observateurs commencent à s'intéresser, tout comme les militants de son parti, d'ailleurs.

Dans toute cette question référendaire, le gouvernement péquiste se livre à un véritable détournement d'État au profit de son parti et de son option. Tous les dossiers gouvernementaux, même les plus anodins, deviennent les pions d'une stratégie référendaire. Fondamentalement, il y a un problème d'éthique.

Le premier ministre est un homme prêt à tout pour gagner, prêt à sacrifier les finances publiques pour ne pas mécontenter ses appuis, prêt à renoncer à Grande-Baleine plutôt que de négocier avec les Cris, prêt à sacrifier les jeunes travailleurs de la construction pour se ménager des appuis syndicaux qui ont laissé un bien mauvais souvenir de leur participation à la campagne électorale, prêt à sacrifier la protection de l'environnement pour pouvoir se chicaner avec Ottawa, prêt à sacrifier des fonctionnaires de carrière qui ne souscrivent pas à la doctrine. Le Québec va payer cher ce détournement d'État. Il n'y a qu'une seule façon d'arrêter, c'est de tenir un référendum rapidement et de tourner la page.

Au-delà de son programme de gouvernement, le premier ministre, hier, a abordé son projet de séparation. Je m'exprimerai donc maintenant sur ce projet comme porte-parole des forces fédéralistes au Québec. Je parlerai rapidement du processus et aborderai ensuite quelques-unes des raisons qui motivent notre orientation fondamentale en faveur du maintien du Québec dans la fédération canadienne.

Depuis l'assermentation du gouvernement, nous sommes entrés dans la campagne référendaire furtive. Nous entrerons, bientôt je l'espère, dans la campagne officielle, celle qui a non seulement un début, mais aussi une fin. Avant le vote, le chef du PQ promettait qu'il tiendrait un référendum de huit à 10 mois après l'élection, donc au plus tard en juillet 1995; il parle maintenant de 1995 jusqu'à la fin décembre. C'est déjà six mois d'incertitude de plus, six mois pendant lesquels les investisseurs vont attendre avant de commettre les fonds et de créer des emplois.

(10 h 50)

Le premier ministre se félicitait du caractère astucieux de sa démarche référendaire. Or, le référendum se veut et doit être un processus démocratique, et non astucieux. Pour qu'il soit pleinement démocratique et qu'on ne puisse questionner la légitimité de ses conclusions, le processus n'a donc pas besoin d'être astucieux. Il a besoin d'être simple, d'être compris de tous. Les règles du jeu doivent être claires et ne doivent pas changer en cours de route. L'information nécessaire à la prise de décision doit être accessible. Pour assurer l'équité de traitement de l'information, les deux camps en présence doivent avoir accès aux mêmes moyens pour communiquer leurs arguments. L'opération de consultation évoquée par le gouvernement peut rapidement devenir une campagne de propagande si sa mise en oeuvre n'est pas encadrée de façon paritaire par les tenants et les opposants de la séparation. En ce sens, toute modification ou ajout au processus déjà prévu à la Loi sur la consultation populaire ne devrait se faire sans le consentement de l'opposition, au risque d'entacher de façon sérieuse la légitimité de toute la démarche.

Vous me permettrez maintenant, M. le président, quelques remarques sur l'objet du prochain référendum, lorsqu'il arrivera. Premièrement, il faut noter que les Québécois sont déjà souverains, en ce sens qu'ils choisiront le statut politique du Québec en toute liberté. Pour le Parti libéral du Québec, les Québécois conservent en tout temps le droit et le pouvoir de déterminer démocratiquement le statut politique qui leur convient à l'intérieur du Québec. Nous sommes maîtres chez nous de décider de notre avenir. C'est un droit fondamental que je défendrai ici et partout, en toute circonstance. Le référendum porte donc sur la pertinence de la séparation du Québec d'avec le reste du Canada plutôt que sur la liberté des citoyens. C'est un acquis.

Deuxièmement, il ne s'agira pas de choisir entre le Québec et le Canada car, évidemment, le Québec sera toujours notre foyer national. Il s'agira plutôt de choisir si nous voulons continuer de participer à l'union économique et politique canadienne ou alors nous en séparer. Le choix ne porte donc pas sur notre appartenance au Québec, il porte sur notre participation au Canada.

Troisièmement, le référendum ne portera pas sur un ensemble d'options, mais bien sur l'une d'entre elles. En 1992, les Québécois se sont prononcés sur l'entente de Charlottetown, qui était une des formes de fédéralisme renouvelé. Ils auront maintenant l'occasion de se prononcer sur une autre option, soit la séparation d'avec le reste du Canada. C'est pourquoi nous disons que c'est le gouvernement qui aura le fardeau de la preuve, tout comme l'ancien gouvernement l'avait assumé en 1992. Qu'on se souvienne des convaincants plaidoyers du chef de l'opposition d'alors: On vote sur la proposition du gouvernement, pas sur les alternatives, on fera ça plus tard. Eh bien, nous y sommes. Ce sera donc au nouveau gouvernement de démontrer que la séparation représente la meilleure voie d'avenir pour le Québec. Il aura beaucoup d'explications à donner, et nous exigerons de vraies réponses, pas les faux-fuyants et les approximations auxquels il nous a habitués. Il lui incombera d'expliquer, par exemple, comment un État séparé créerait plus d'emplois, en quoi la renonciation aux avantages du fédéralisme fiscal améliorerait nos finances publiques. Il devra nous dire ce qu'il ferait de différent avec ses pouvoirs. Il devrait même nous expliquer en quoi la nomination d'ambassadeurs québécois dans les grandes capitales du monde créerait de l'emploi au-delà du cercle des amis du régime.

Même si l'occasion se représentera certainement au cours des prochains mois, je voudrais dès maintenant commencer à expliquer à mes concitoyens pourquoi nous pensons qu'il est dans notre intérêt de demeurer membres de l'union canadienne, de participer à ce pays qui existe déjà. J'aborderai cette question de trois façons. Considérons d'abord quelques-uns des avantages de notre participation à l'union canadienne. Premièrement, le fédéralisme, comme système de gouvernement, permet à ses parties de mettre en commun des fonctions étatiques qu'elles rempliraient sensiblement de la même façon si elles étaient indépendantes, d'où des économies importantes pour les contribuables. Par exemple, un Québec indépendant devrait faire fonctionner lui-même une défense nationale et un appareil diplomatique. Cela pourrait être utile s'il voulait se donner une politique étrangère vraiment différente de la politique canadienne, mais comme le Québec n'a jamais semblé contester les orientations de la politique canadienne, la séparation ne ferait que priver les Québécois des économies qui résultent de cette mise en commun de telles fonctions.

Deuxièmement, notre participation au Canada nous permet d'atteindre un poids économique et politique que nous n'aurions pas autrement. L'usage d'une même devise par une économie de quelque 700 000 000 000 $ confère à celle-ci, cette économie, un poids et une stabilité que n'aurait pas une devise assise sur une économie du quart de cette taille. De plus, ni un Québec séparé ni le reste du Canada sans le Québec ne feraient partie du groupe G 7, qui est un lieu de pouvoir privilégié. Certains considèrent que nous ne devons notre présence dans ce club sélect qu'à la bonté de nos voisins américains. Si tel était le cas, pourquoi et comment le Québec bénéficierait-il de cet appui?

Troisièmement, la participation du Québec à l'union canadienne permet aux citoyens de bénéficier de la diversité de l'économie canadienne et de sa capacité à corriger les inégalités qui prévalent inévitablement sur un territoire si vaste et si varié. Le régime fédéral canadien cherche à assurer l'égalité des chances des citoyens canadiens en matières économique et sociale. C'est pourquoi le gouvernement fédéral prélève des impôts auprès des membres les plus riches de la société canadienne pour les redistribuer aux membres moins favorisés sous forme de prestations directes ou de services publics. Cette redistribution s'effectue tant entre les individus qu'entre les régions. Ainsi, le Québec reçoit une fraction des transferts fédéraux aux provinces supérieure à la part des impôts payés par ses contribuables sur l'ensemble des impôts perçus par le fédéral.

Examinons maintenant le projet séparatiste en fonction des préoccupations des Québécois. En premier lieu, il y a le critère de l'emploi. Sur ce point, il s'avère que la séparation détruirait des emplois, selon des économistes de diverses tendances. Pour être bref, je n'en citerai qu'un, qu'on ne peut jamais soupçonner d'affinités fédéralistes. Selon Pierre Fortin, l'emploi devra, comme l'économie en général, affronter quatre difficultés majeures, soit: l'effet d'incertitude sur les investissements des entreprises, les primes imposées aux emprunts du Québec, les perturbations sectorielles occasionnées par la hausse temporaire de l'immigration nette et les modifications aux arrangements commerciaux.

Plus précisément, il croit que l'indépendance engendrera une augmentation du taux de chômage entre zéro et 2 %. Quand on sait qu'un point de pourcentage équivaut à environ 30 000 emplois, on peut mieux mesurer le prix de la séparation. Mais, surtout, cette opinion contredit tout le discours à l'eau de rose du Parti québécois qui prétend, nous ignorons encore comment, que la séparation permettra de créer des emplois.

Deuxièmement, il faut considérer la période de transition vers la souveraineté. Elle serait un hiatus dans le développement du Québec. Sa durée est impossible à prévoir: Cinq ans? 10 ans? 20 ans? Qui prétend le savoir? Le climat d'émotivité qui prévaudrait au Canada anglais laisse supposer que les négociations reliées à la sécession seraient longues et ardues. On sait quand on entre dans le tunnel, on ne sait pas quand on en ressort. Voilà autant d'années que le Québec ne consacrerait pas aux vrais problèmes qui touchent les gens dans leur vie quotidienne.

Comme je le disais, nous attendons encore d'apprendre de la part des séparatistes quels sont les avantages de leur projet. Nous savons qu'ils veulent exercer tous les pouvoirs, lever toutes les taxes et conclure tous les traités, mais personne ne dit ce qu'ils feraient de différent. Personne n'est capable de dire concrètement comment tous ces nouveaux pouvoirs changeraient les conditions de base de la vie économique, sociale et culturelle du Québec en Amérique. Ils se bornent à des généralités, comme une véritable politique de plein-emploi et quantité d'autres slogans creux mille fois entendus.

Dans ces conditions, les séparatistes sont condamnés à faire le procès du Canada, incapables qu'ils sont de convaincre sur la base de leur propre option; et, même là, ils critiquent le processus d'amendements constitutionnels, incapables qu'ils sont de miner la substance même du régime fédéral. Et depuis quand doit-on juger un système en fonction de sa capacité à produire et générer des amendements constitutionnels? N'est-ce pas plutôt la qualité de vie qu'il procure aux citoyens qui importe?

(11 heures)

Les péquistes soutiennent que les échecs de Meech et de Charlottetown démontrent que le fédéralisme canadien est dans l'impasse. C'est faux. Meech et Charlottetown représentent l'échec de deux processus de réforme constitutionnelle, pas du fédéralisme en tant que tel, et encore moins l'échec du Canada. Au contraire, le fédéralisme canadien est en constante évolution, même si les textes constitutionnels restent inchangés. Le Québec a même acquis une autonomie additionnelle dans le cadre constitutionnel actuel. Par exemple, malgré l'échec de l'accord du lac Meech, le Québec a pris en charge des responsabilités additionnelles en matière d'immigration, en vertu de l'accord Gagnon-Tremblay–McDougall. Plus tôt, le Régime de rentes du Québec, la Caisse de dépôt, de même que le régime québécois d'aide financière aux étudiants ont tous fait l'objet d'ententes avec le fédéral. Tout en les regrettant, on ne peut donc pas assimiler l'échec des rondes constitutionnelles à l'échec du fédéralisme. Ce serait là faire fi de la capacité d'adaptation réelle du système, privilégier la théorie du fédéralisme à sa pratique, préférer les symboles à la réalité.

Les péquistes prétendent aussi que les visions respectives du pays qu'ont les Québécois et les autres Canadiens sont irréconciliables. C'est encore faux. Le Québec s'entend généralement avec ses partenaires. N'oublions pas que c'est l'agenda du Québec qui a monopolisé les élites canadiennes politiques depuis une douzaine d'années. Tout récemment, le Québec, le gouvernement fédéral et les autres provinces ont même conclu une entente pour libéraliser le commerce interprovincial, contribuant ainsi à renforcer l'union économique, malgré une impasse constitutionnelle.

Cela dit, nous n'irons pas prétendre, au cours de la campagne, que tout va bien dans le meilleur des mondes. Autant je vanterai les mérites de l'union canadienne, autant je n'en cacherai pas les faiblesses. Pour moi, la participation du Québec à l'union économique et politique canadienne lui est suffisamment avantageuse, que ce soit sur le plan économique, politique et même culturel, pour que nous n'ayons pas à avoir peur d'en faire un bilan honnête. La perfection n'est pas de ce monde, et nous n'avons pas à rougir de la réalité canadienne. Et puis, de toute façon, comme il n'y a pas de famille sans histoire, il n'y a pas de fédération sans négociation. Par exemple, qui eût cru, il y a quelques années, que le gouvernement de la Californie fasse grand cas, comme il le fait aujourd'hui, du respect des compétences législatives de son État par le gouvernement fédéral américain? La Californie menace-t-elle de se séparer des États-Unis pour autant? Bien sûr que non! Elle voit bien que les tiraillements entre les paliers de gouvernement ne sont que le lot quotidien des fédérations. C'est pourquoi il n'y a rien d'alarmant à ce que nous continuions de ressentir, comme avant l'élection, plusieurs motifs d'insatisfaction à l'égard du fédéralisme canadien. Ceux-ci – ces motifs – ne sont pas disparus par enchantement maintenant que nous formons l'opposition.

En premier lieu, il y a cette tendance qu'a le gouvernement fédéral d'agir dans des champs de compétence législative réservée aux provinces en dépit du partage défini dans la constitution. Aujourd'hui, rien ne justifie des refus persistants du gouvernement fédéral de se retirer de secteurs d'activité de compétence provinciale, surtout lorsque les contribuables pourraient y gagner au change. La situation financière du gouvernement fédéral est un facteur objectif qui obligera, à moyen terme, une évolution de ce contentieux dans le sens de nos aspirations.

Sur le plan proprement constitutionnel, nous continuons, entre autres, de réclamer, pour le Québec, une protection constitutionnelle des outils dont dispose son gouvernement pour protéger et promouvoir le fait français. Je pense, notamment, à la politique linguistique et à la politique d'immigration et d'intégration. Ces doléances sont réelles, et nous ne les tairons pas. D'ailleurs, le Parti libéral du Québec continuera à travailler à les réduire, de concert avec ses partenaires canadiens. Toutefois, elles ne nous frustrent pas au point où la séparation s'avérerait nécessaire. Il faut garder le sens du réel et de la mesure, tout de même! Faire la séparation à cause de doléances face au fédéralisme, ce serait s'amputer une jambe pour guérir une entorse.

Au référendum prochain, nous allons donc défendre le maintien de l'union économique et politique canadienne, notre appartenance au Canada, avec ses qualités et ses défauts, et sans renier les changements que nous avons déjà voulu y apporter. Nous n'allons pas défendre le statu quo constitutionnel. Je ne suis pas un partisan du statu quo, et je n'y suis pas résigné non plus. Si le gouvernement tient son référendum rapidement, pour le bien du Québec, je puis assurer les Québécois d'une chose: c'est qu'un rejet de l'indépendance, aussi massif soit-il, ne signifiera pas que les Québécois sont satisfaits du statu quo. Les Québécois pourront dire non à la séparation en sachant que les autres Canadiens ne pourront jamais s'appuyer sur ce vote pour refuser de considérer les propositions de réforme du Québec. Les autres Canadiens comprendront simplement que les Québécois continueront de vouloir un gouvernement fédéral moins centralisateur, plus respectueux de la diversité des provinces, moins coûteux, mais ils n'estiment toutefois pas nécessaire de s'en séparer pour autant. Le gouvernement du Québec, quelle que soit la formation politique au pouvoir, aura pour mandat de défendre les intérêts du Québec avec sérieux et détermination à l'intérieur du cadre fédéral. Il devra travailler avec ses partenaires canadiens pour renouveler la pratique du fédéralisme et, éventuellement, ajuster les textes constitutionnels.

If the Québec Government holds its referendum quickly, in the interest of Québec, I can assure my fellow Quebeckers of one thing: rejecting separation, as massively as it would, would not mean that Quebeckers are satisfied with the way things are precisely. Quebeckers can say no to separation knowing that other Canadians will not found their opposition to any reform on that particular vote. Other Canadians will only understand and should only understand that Quebeckers will continue to wish to live within a federal framework, but a Federal Government less inclined to centralisation, more respectful of the variety and diversity of Canada's regions and provinces, and certainly less expensive and more efficient. We would not wish to separate because of these problems. The Government of Québec, whichever party is in power, has as its mandate to defend Québec's interests with determination within the federal framework. It has to work with its Canadian partners to renew the practice of federalism and ultimately, ultimately adjust the constitutional framework.

En terminant, je voudrais m'adresser plus particulièrement à tous mes concitoyens qui ont déjà cru au fédéralisme à un moment ou à un autre mais qui, dépités par Meech et Charlottetown, sont peut-être maintenant tentés par la séparation. Je leur dis d'emblée que le Canada a ses faiblesses, bien sûr. Le pays est perfectible, comme tout et tous, et il ne peut être si terrible si, encore une fois, en 1994, l'ONU l'a placé dans les premiers rangs des pays en termes de qualité de vie. Ce n'est donc pas le goulag, pour reprendre le mot de René Lévesque. Alors, faut-il briser l'un des pays les plus enviés du monde parce qu'on est insatisfait d'un arrangement constitutionnel?

Si le Québec devait se séparer du Canada, il établirait un précédent. Jamais, dans l'histoire contemporaine, une société aussi épanouie et confiante que le Québec n'aura choisi la rupture. Je leur dis aussi que le courage, ce n'est pas de choisir par dépit une voie qu'on ne préfère pas, c'est de continuer à mettre de l'avant, avec patience et détermination, une vision du Canada en laquelle on croit. Ce n'est pas d'entonner de vieilles complaintes, c'est de trouver des moyens novateurs pour faire valoir nos points de vue. Ce n'est pas de se cantonner dans les solutions d'hier aux problèmes d'hier, c'est d'imaginer des solutions nouvelles à des problèmes contemporains. Le courage, ce n'est pas de claquer la porte, c'est de s'asseoir avec des gens qui ne partagent pas tous nos points de vue, mais qui veulent quand même faire des compromis.

(11 h 10)

Manifestement, ce gouvernement n'est pas celui du courage, c'est celui de l'aventure. Ce n'est pas celui de la bougeotte, c'est celui de l'agitation. Pour que les Québécois retrouvent un gouvernement qui leur ressemble davantage, il faut tourner la page vivement, qu'il tienne son référendum et qu'il redevienne un gouvernement normal, attaché au bien-être des Québécois.


Motion de censure

En conclusion, M. le Président, je présente la motion de censure suivante: «Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement du Parti québécois pour son absence totale de vision et de mesures concrètes quant à la création d'emplois, au développement économique, social et culturel du Québec, pour son manque de courage quant à la gestion des finances publiques et pour ses décisions constamment subordonnées à son obsession visant la séparation du Québec.»

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, je suis maintenant prêt à céder la parole, pour un maximum de 20 minutes, à un autre intervenant. M. le ministre et député de Verchères.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, sans faire perdre à cette Chambre de précieuses minutes qu'elle doit consacrer à ses travaux, je veux quand même sacrifier à cette sympathique tradition qui veut que, quand on se lève la première fois après une élection, on remercie ses électeurs et ses électrices, ce que je veux faire envers la population de Verchères, qui, dans toutes les villes, et tous les villages, et tous les bureaux de scrutin, m'a accordé sa confiance d'une façon majoritaire. Je les en remercie et je ferai de mon mieux, à cette deuxième venue à l'Assemblée nationale, pour les représenter à la façon dont un démocrate doit servir la démocratie dans cette Chambre.

Je veux aussi remercier le chef de l'opposition pour les quelques moments d'élévation qui se sont retrouvés dans son discours. J'ai, par ailleurs, remarqué que ce ne sont pas ceux qui ont été les plus applaudis par ses troupes. Il a déclenché l'approbation de ses collègues quand il a parlé de la résidence du premier ministre, mais ils sont restés cois et silencieux quand il a parlé du droit sacré du Québec à l'autodétermination. De ce côté-ci, nous applaudissons le chef de l'opposition pour cette constatation fondamentale, mais en plus nous applaudissons l'accession prochaine du Québec non seulement au droit de s'épanouir, mais de faire partie du concert des nations.

Le chef de l'opposition a également parlé, à bon droit je crois, de la fin d'une époque. Et ce n'est pas seulement parce que de grandes figures qui ont siégé dans cette Chambre n'y sont plus que nous sommes en face d'un changement profond. Le changement le plus profond qui vient à l'esprit, quand on regarde la constitution du nouveau Parlement, c'est que, pour la première fois dans l'histoire du Québec et peut-être depuis des temps immémoriaux, l'opposition officielle manque à son devoir sacré d'avoir une position constitutionnelle concernant le destin et l'avenir du Québec. C'est la fin d'une époque, effectivement. Depuis Honoré Mercier, chef du Parti libéral, qui était beaucoup plus proche de nous, d'ailleurs, vous le savez bien, que de votre chef et de vous-même... Depuis cette époque, tous les partis, qu'ils aient été au pouvoir ou dans l'opposition, se sont fait un devoir de proposer à leurs militants et à leurs militantes, et à la population, une alternative véritable soit à l'intérieur de la Fédération, ce qui fut le cas pendant très longtemps – Honoré Mercier a failli, d'ailleurs, mettre fin au contrat, à l'époque – ou, comme c'est le cas depuis que des partis souverainistes siègent dans cette Chambre, à l'extérieur de la Fédération. L'opposition officielle a toujours eu le courage et la lucidité de proposer une alternative.

Je souhaite vivement, pour le bien du Québec, même pour celui du Parti libéral, que le chef de l'opposition et ses collègues arrivent à une position commune en cette matière qui n'est pas négligeable.

Le parti qui gouverne aujourd'hui est né largement d'une scission à l'intérieur du Parti libéral sur cette discussion fondamentale. Le fait que le député de Rivière-du-Loup siège à l'endroit où il siège et dirige un parti découle d'un phénomène plus récent et est de la même nature. Alors, je demande à nos collègues d'en face de commencer à réfléchir dès maintenant pour savoir, quand cette nouvelle discussion va arriver dans votre parti, et je vous la souhaite dans les mois qui viennent, si vous resterez libéraux ou si vous ferez comme René Lévesque ou Mario Dumont ou bien d'autres et quitterez une formation qui n'a plus de vision sur l'avenir du Québec.

Donc, ce nouveau programme, nous l'attendons. Et c'est son absence qui fait que – les experts compteront – le chef de l'opposition a dit à peu près 30 fois le mot «séparation» dans son discours, méthode bien connue d'ailleurs des publicitaires et de ceux qui veulent, par leitmotiv, faire passer des idées qui ne peuvent pas être défendues par des arguments plus cohérents que de les stigmatiser en un mot. Je voudrais rappeler au chef de l'opposition qu'un petit ouvrage, qui n'a pas si mal vieilli et que j'ai eu le plaisir de relire récemment, avait pour titre, non pas «Égalité ou séparation», mais «Égalité ou indépendance». Je crois qu'un de ses illustres devanciers avait beaucoup mieux saisi l'équation québécoise et la saisirait mieux encore aujourd'hui que le contexte a changé.

Un des éléments aussi qui fait que nous sommes à la fin d'une époque, c'est qu'il y a dans cette Chambre 77 députés souverainistes de notre formation politique, qu'il y a une seconde formation politique qui a la souveraineté à son programme, mais qu'il y a aussi, et ce n'est jamais arrivé à cette hauteur, 53 députés, et il y en avait 54, qui, dans l'autre Assemblée où les Québécois et les Québécoises élisent des députés, sont aussi des souverainistes.

Donc, notre peuple a une possibilité de 200 élus démocratiques: 75 à Ottawa, 125 ici. Il y en a 130 qui représentent ce puissant courant de pensée qui s'appelle non pas la séparation du Québec, mais l'indépendance nationale. C'est un changement dont vous devez tenir compte.

Un autre moment d'élévation du discours du chef de l'opposition, c'est quand il a parlé du fait – et nous, de ce côté-ci de la Chambre, en toute honnêteté, nous l'envions d'avoir parmi ses élus plus de représentants des communautés culturelles que nous n'en avons. C'est réjouissant pour eux. Ce n'est réjouissant pour personne que cette concentration soit surtout de l'autre côté. Et c'est vrai que, pour des raisons historiques, il est plus difficile pour le Parti québécois de convaincre nos concitoyens et concitoyennes qui n'ont pas eu des ancêtres qui ont cultivé des terres à l'île d'Orléans ou qui ne sont pas ici depuis des siècles d'adhérer au projet national du Québec largement parce que ce projet national du Québec fut, à plusieurs reprises, déguisé d'une façon démagogique.

(11 h 20)

Le projet national du Québec n'est pas un projet ethnique. Le peuple québécois, il est délimité par la géographie, par l'histoire commune, par le désir de vivre ensemble. Et une des preuves que le Québec est exemplairement multiethnique depuis longtemps et qu'il l'est de plus en plus, c'est bien l'aventure familiale du chef de l'opposition. Il est le troisième de la famille d'un immigrant irlandais qui a fui la famine de son pays pour venir au Québec à occuper le poste de chef de l'opposition après avoir occupé celui de premier ministre, son père ayant été également les deux et son frère, Pierre Marc, de la même façon, ayant dirigé les destinées de notre propre parti. Le Québec multiethnique, ce n'est pas une invention contemporaine, c'est une tradition profonde. Et que cette tradition soit renforcée par un courant supplémentaire de gens venus à une époque plus contemporaine est une chose dont nous nous réjouissons profondément.

Nous nous engageons, comme formation politique, à continuer nos efforts pour expliquer à ces nouveaux compatriotes que l'aventure québécoise est une des belles aventures nationales contemporaines qui est encore à réaliser, et c'est à cela que nous voulons les convier. J'espère que, dans les rangs de l'opposition, ceux qui représentent les communautés culturelles participeront aussi très intensément au débat que vous devrez avoir sur votre option constitutionnelle et que certains d'entre eux – et nous les invitons à le faire – rejoignent les rangs des partis souverainistes à un niveau où à l'autre. Ce serait une bonne chose pour vous, comme ce serait une bonne chose pour nous et une bonne chose pour le Québec.

Le chef de l'opposition a martelé d'une façon simpliste le mot «séparation». Je crois qu'il a négligé de considérer les changements profonds qui sont survenus depuis la Deuxième Guerre mondiale, en particulier, dans les relations que les peuples peuvent avoir entre eux. Il n'y a plus de peuples séparés. Il n'y a plus véritablement, sauf très petites exceptions, de groupes humains qui cherchent à vivre en autarcie et qui n'ont pas des relations très étendues avec tous leurs voisins et toute la terre.

C'est l'Union européenne, évidemment, qui en a fait la preuve la plus éclatante, et pour de bonnes raisons. Les Européens avaient donné, en moins d'un siècle, de très mauvais exemples au reste de la planète par des affrontements violents, mesquins, basés sur le mercantilisme, basés sur le désir de nations qui voulaient dominer d'autres nations et qui ne voulaient pas prendre acte de ce fait fondamental de la vie humaine que la nation libre et indépendante est l'intermédiaire nécessaire entre l'individu et le reste de l'humanité. L'Europe a payé très cher pour ça, mais en a déduit une leçon aujourd'hui très précieuse et exemplaire. L'aventure européenne de la Deuxième Guerre mondiale, qui devient maintenant l'aventure mondiale, c'est celle que les espaces économiques que nous voulons tous préserver, les vastes espaces économiques, ont été totalement déconnectés des espaces nationaux. L'État du Luxembourg, qui a moins d'habitants que la ville de Laval, au Québec, a un marché qui est le même que celui de la puissante République d'Allemagne ou l'Italie ou la République française.

Cet exemple européen a fini par gagner toutes les parties de la terre. Je voyais le premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, qui allait se faire l'apôtre du libre-échange en Asie il y a quelques semaines – vous avez tous vu ça. J'ai été réjoui du fait que ce qu'il n'avait pas compris, quand on débattait du libre-échange avec les États-Unis d'Amérique, ici, il l'a compris pour de lointains pays d'Asie qui vont trouver dans ces pactes les mêmes avantages que nous avons trouvés nous-mêmes.

Donc, comme les pays européens, le Québec, avec le Canada, a réussi à s'inscrire – je signale que c'est surtout par son militantisme en faveur du concept – dans une zone de libre-échange qui, pour l'instant, représente un pouvoir d'achat encore supplémentaire à celui de l'Union européenne, malgré les croissances très rapides qui se font en Europe. Le marché du Québec, aujourd'hui, ce n'est pas le Canada, c'est l'Amérique du Nord d'une façon intégrée de plus en plus progressive. D'ici quelques années, le calendrier du premier accord bilatéral sera épuisé et il n'y aura plus de frontières entre le Québec et les États-Unis en termes douaniers et d'entraves aux échanges. Quelques années plus tard, ce sera la même chose pour le Mexique.

On aurait pu penser, du temps d'Honoré Mercier ou du temps de Louis Alexandre Taschereau, que le Québec ne pouvait pas accéder à l'indépendance dans le contexte des relations entre les peuples à l'époque. Indépendance nationale pour John A. Macdonald, premier premier ministre du Canada, ça voulait dire une frontière douanière lourde, imperméable et élevée entre l'Amérique britannique du Nord, dont la pointe Est de l'axe se trouvait à Londres, Londres-Halifax-Montréal-Toronto, et tout ce qui se développait à grande vitesse au Sud. Quand le Canada est né, en 1867, c'était l'occasion d'une fermeture de frontière. Il y avait eu un traité de libre-échange entre 1855 et 1865, auquel les Américains ont mis fin. Ça a d'ailleurs déclenché ici au Québec une tragédie invraisemblable, puisqu'un homme, une femme sur deux, quand la frontière s'est refermée, ont décidé de voter pour la prospérité avec leurs pieds, et le Québec a perdu la moitié de sa population à cette époque. C'est ça, le contexte qui a cultivé chez plusieurs esprits de bonne foi la notion que l'indépendance nationale voulait dire la séparation. Le Canada était séparé par John A. Macdonald des États-Unis d'Amérique et de sa prospérité. Ne pas voir, comme le chef de l'opposition, qu'il a coulé de l'eau sous tous les ponts de tous les cours d'eau de tous les continents depuis John A. Macdonald me semble être une analyse extrêmement superficielle.

Ce dont le gouvernement du Québec d'aujourd'hui, et les 53 bloquistes qui font l'opposition officielle à Ottawa, a pris acte, c'est de la modernité des nouveaux rapports entre les peuples, de la nécessité, comme contrepoids même à cette mondialisation, des indépendances nationales. Parce que, en même temps que toutes ces frontières économiques s'abolissaient, et je réitère que le Québec a été, gouvernement comme opposition à l'époque où c'était inversé, a été un militant de l'abolition de cette frontière... Sans le Québec, il n'y aurait pas eu l'accord bilatéral entre les États-Unis et le Canada. Le reste du Canada n'a pas voté suffisamment en faveur. Et peut-être que, sans l'accord bilatéral, il n'y aurait pas eu de trilatéral. Donc, notre population, là, est parfaitement prête à cela. Elle a eu une compréhension exemplaire et plus rapide que le reste du Canada sur cette question. Notre population a parfaitement compris que le mot «séparation» en termes de relations entre les peuples est devenu un mot absurde, mais que, par ailleurs, si nous laissons faire, comme entité nationale et culturelle, la globalisation des marchés, uniformiser les langues, les cultures et les modes de vie, ce ne sera pas un progrès pour l'espèce humaine. La position progressiste, aujourd'hui, c'est l'ouverture des frontières, mais la position progressiste qui est la nôtre et pour laquelle nous ferons tout pour qu'elle soit celle d'une majorité de Québécois et Québécoises sous peu, c'est l'indépendance nationale, la dignité nationale, le concert des nations dans l'harmonie avec ses voisins. J'aurais aimé que le chef de l'opposition nous communique quelques réflexions à ce sujet.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je suis prêt maintenant à céder la parole à un autre intervenant. Je reconnais la députée de Kamouraska-Témiscouata, et je vous cède la parole.

(11 h 30)


Mme France Dionne

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à l'occasion de ce discours inaugural, de prendre la parole dans cette Chambre. Premièrement, mes premiers mots, si vous le voulez, sont pour vous féliciter, M. le Président, de votre nomination à titre de vice-président de l'Assemblée nationale, et je suis convaincue que vous allez faire un excellent travail pour bien présider cette Assemblée. Bien sûr, M. le Président, quand on fait un premier discours dans une première session, il faut penser, premièrement, aux gens qui nous ont élus, et c'est mon devoir et mon plaisir aujourd'hui de profiter de l'occasion pour remercier du fond du coeur les électeurs et électrices du comté de Kamouraska-Témiscouata qui m'ont fait confiance pour un troisième mandat, pour bien les représenter à l'Assemblée nationale du Québec. Il est certain que c'est avec beaucoup de fierté et beaucoup d'émotion que je les représente. Je les représente parce que je crois en eux, je les aime et je veux m'assurer qu'ils soient bien représentés à l'Assemblée nationale et que les intérêts du comté de Kamouraska-Témiscouata ne soient pas oubliés dans tous les intérêts, d'après moi, plus égoïstes que le Parti québécois veut faire avancer dans notre société.

Bien sûr, après un cours d'histoire qu'on vient d'entendre du ministre des Affaires internationales et député de Verchères, mon propos va être beaucoup plus réaliste et concret par rapport au sien. Premièrement, j'aimerais rappeler à cette Chambre, M. le Président, quelques éléments du programme électoral qui va me guider tout au long de ces quatre prochaines années et qui va guider mes actions de représentation du comté à travers les différents projets qui vont être amenés à travers mes représentations au niveau du gouvernement.

Tout d'abord, comme vous le savez, M. le Président, l'emploi et la qualité de vie dans mon comté, c'est fort important. C'est important parce que Kamouraska-Témiscouata, pour ceux qui ne connaissent pas le comté, c'est le plus beau comté du Québec, bien sûr, et c'est aussi un comté qui est en région, qui est au Bas-Saint-Laurent, qui est fort bien situé puisqu'il est à l'entrée du Bas-Saint-Laurent et qu'il fait le lien avec le Nouveau-Brunswick et le Maine. Alors, c'est un comté qui a beaucoup de potentiel d'avenir. Dans le passé, avant notre arrivée au pouvoir en 1985, M. le Président, on avait un peu oublié le comté, puisque même le chef de l'opposition du temps, quand je suis arrivée en 1985, ne pouvait pas prononcer Kamouraska-Témiscouata un après l'autre, c'était très difficile. Alors, il faut dire qu'on l'avait comme oublié, dans le temps. Alors, on s'est repris, on a travaillé très fort, et on va continuer de le faire.

Dans mon programme électoral, il y a plusieurs éléments qui touchent, bien sûr, les secteurs d'activité qui sont importants pour le comté. Et j'aimerais vous rappeler, M. le Président, que, dans le comté, on a fait une planification stratégique de nos intérêts, de notre avenir, et c'est avec ça que je vais travailler, en concertation avec le milieu, avec la vision du milieu, avec les projets du milieu, que je vais faire mon travail de député à l'Assemblée nationale.

D'autre part, j'aimerais vous rappeler, ainsi qu'au gouvernement en place, qu'il y a un projet qui m'intéresse au plus haut point et qui intéresse aussi les députés de toute la région à partir de Québec, donc le député de Lévis, le député de Montmagny-L'Islet, le député de Rivière-du-Loup, c'est l'avènement du gazoduc dans notre région. Alors, comme vous le savez, M. le Président, grâce au programme d'infrastructures fédéral-provincial, on a pu bénéficier de la traversée du gazoduc du côté sud du fleuve, si on veut, et ça va être fait dans les prochains mois. Suite à ça, nous avons demandé que le gazoduc se prolonge jusque dans mon comté et, bien sûr, jusqu'au Nouveau-Brunswick. Nous avons l'appui des gens du Nouveau-Brunswick qui ont besoin, comme nous, de cette ressource énergétique alternative pour compétitionner, pour pouvoir recevoir des entreprises qui ont besoin d'énergie. Et, dans ce contexte, on en a besoin du gaz naturel, de ce gazoduc, comme les autres régions du Québec, M. le Président, il faut le dire, ont pu bénéficier de programmes pour avoir le gazoduc. Que je pense au Saguenay–Lac-Saint-Jean, à l'Abitibi, à l'Estrie, ces régions peuvent bénéficier, aujourd'hui, du gazoduc. Et pourquoi pas l'Est du Québec?

Comme vous le savez, M. le Président, dans l'Est du Québec, on a déjà les trois MRC les plus pauvres au Québec. Si on ne peut pas bénéficier de tous les outils de développement dont les autres régions bénéficient, qu'est-ce qu'on va faire? On ne pourra pas compétitionner.

D'ailleurs, M. le Président, je tiens à attirer votre attention sur le fait que, durant la campagne électorale, la candidate du Parti québécois a dénoncé ce projet et, par le fait même, a dénoncé le besoin du Nouveau-Brunswick pour un tel gazoduc et de toute la région pour un outil énergétique alternatif. Alors, M. le Président, malgré ça, je tiens à le dire devant cette Chambre et devant le délégué régional du Bas-Saint-Laurent, que le gaz naturel et le gazoduc, c'est un projet fort important pour notre région, non seulement pour le Bas-Saint-Laurent, mais aussi pour la Gaspésie. Alors, j'espère pouvoir compter sur son appui pour que ce projet se réalise rapidement.

D'autre part, M. le Président, j'ai été nommée par le chef de l'opposition comme porte-parole au niveau des forêts et, dans ce cadre, je vais suivre de très près tout ce qui va se passer, tant dans ma région qu'au niveau du Québec, au niveau forestier. Comme vous le savez, la forêt, c'est un élément fort important du développement des régions, et, dans ce sens, je vais suivre de très près ce que le gouvernement va faire et ce que le ministre des Ressources naturelles, en particulier, va faire pour défendre les intérêts des forestiers et s'assurer que ce secteur d'activité connaisse un essor qui est important, parce qu'on pense à plusieurs régions du Québec, on pense à plusieurs familles, à plusieurs travailleurs qui ont besoin que cette industrie soit prospère et que les producteurs privés connaissent des débouchés importants, non seulement au Québec, mais un peu partout à l'étranger.

Alors, dans ce sens, M. le Président, je tiens à vous assurer que je vais être vigilante, avec tous mes collègues qui viennent des régions et ceux qui viennent aussi des centres urbains et qui s'intéressent, on le sait, de plus en plus aux régions du Québec, puisque l'avenir passe par les régions, c'est bien clair. Ça l'était quand on était au pouvoir et ça l'est encore aujourd'hui.

M. le Président, quand j'ai écouté le discours du chef de l'opposition hier, je me suis dit: Que de mots! Que de mots! Je m'excuse, je viens de comprendre que j'ai fait un lapsus: que le premier ministre a fait hier.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dionne: Futur chef de l'opposition. Il ne sera pas premier ministre longtemps qu'on nous dit. Puisqu'ils veulent faire la séparation, donc ce ne sera pas un premier ministre; ce sera peut-être un roi ou un président, ce qu'il rêve d'être.

Je ne sais pas, M. le Président, si la population du Québec apprécie, comme les applaudissements que je viens d'avoir, mes dernières paroles, puisque la population du Québec ne demande pas de roi ni de président. La population du Québec demande un gouvernement qui peut servir vraiment, et les citoyens du Québec ont besoin d'un gouvernement sérieux, qui gouverne, qui pense à la population au lieu de penser à ses rêves de roi et de présidence.

Quand on écoute attentivement, et je l'ai relu, le discours du premier ministre d'aujourd'hui, on pense à l'autre façon de gouverner, mais on se dit: C'est quoi, exactement? Il a souligné différents aspects de ses intentions. Il a parlé de solidarité, il a parlé de clarté, il a parlé de responsabilités et de souveraineté. On a entendu d'ailleurs ces choses pendant le temps de la campagne électorale. Moi, j'ai beaucoup de misère à croire ce qu'on vient de me dire, M. le Président, parce que, quand on parle de solidarité... Il est certain que le premier ministre d'aujourd'hui a quitté son parti avant la fin du mandat. Est-ce qu'il a fait preuve de solidarité? Quel exemple il peut donner au Québec? Comment peut-il demander à la population du Québec d'être solidaire, de lui être solidaire quand il n'a pas pu l'être dans le passé? Quand on parle de solidarité et qu'on est dans mon comté, M. le Président, est-ce qu'on peut être solidaires avec nos voisins du Nouveau-Brunswick ou seulement solidaires avec les gens du Québec? Parce qu'ils font aussi partie de notre famille, ce sont des cousins, des amis, des relations commerciales. Mais ça, ce n'est pas important, M. le Président. Ce qui est seulement important, c'est la solidarité vue par le premier ministre d'aujourd'hui, qui est très restreinte.

Quand on parle de clarté, M. le Président, j'ai hâte d'entendre et de voir les chiffres qui disent quelles sont les dépenses qui ont été faites, le total des dépenses qui ont été faites depuis qu'ils sont au pouvoir maintenant. Il y a eu plusieurs annonces de toutes sortes. Mais ça coûte des sous ça, M. le Président! Alors, quand on parle de clarté et de transparence, j'espère qu'on va pouvoir connaître des chiffres rapidement.

Quand on parle de responsabilités, M. le Président, et que, pendant un discours inaugural, on oublie de parler du déficit, des dépenses qu'on doit payer... J'écoutais le premier ministre parler avec nostalgie de l'année 1976 quand René Lévesque est arrivé au pouvoir. Mais, M. le Président, il n'y avait pas de déficit à ce moment-là. On pouvait bien rêver, en 1976, on pouvait bien planifier un tas de choses, donner trop pour aller chercher après le référendum. Mais, aujourd'hui, on n'est pas dans le même cas. La responsabilité face à notre jeunesse, est-ce que c'est de les taxer plus tard quand eux vont avoir des salaires et qu'ils vont avoir des salaires minimums parce qu'on aura tout donné à l'État? C'est quoi, la responsabilité face aux enfants et aux petits-enfants, aux générations futures? C'est d'oublier le déficit dans un discours inaugural? De ne pas parler de finances publiques? Alors, M. le Président, je me pose différentes questions sur vraiment le sens des responsabilités du premier ministre d'aujourd'hui.

D'autre part, on a parlé dans son discours de régions et des jeunes. Tiens! au niveau des jeunes, M. le Président, je vais revenir au sens des responsabilités du premier ministre. On a parlé de geler les frais de scolarité comme en 1976. Mais, M. le Président, est-ce qu'on garantit aux jeunes qui sont aux études présentement de la meilleure qualité d'enseignement tant au niveau secondaire, collégial et universitaire? Est-ce qu'on leur donne les meilleurs outils de développement ou on dit juste: Bon, écoutez, on va vous geler vos frais de scolarité; pour le reste, on verra?

(11 h 40)

Alors, c'est à peu près ce qu'on a entendu hier dans le discours du premier ministre. Pour les jeunes, ce n'est pas d'être responsable face aux jeunes. Alors, on ne donne pas de garanties aux jeunes et on dit: Ah! ça va vous coûter le même prix aujourd'hui que dans plusieurs années, mais sans parler de l'inflation, sans parler du coût de la vie.

M. le Président, quand on parle de régions, de décentralisation, ah ça, je trouve ça tellement beau! Parce que, premièrement, je pense qu'un des gestes qui a été posé par le premier ministre d'aujourd'hui, c'est de dire que les ministres sectoriels, au niveau des régions, sont tous vraiment des gens impuissants, incompétents. De nommer des délégués régionaux tout de suite comme ça en partant, c'est d'avouer au départ l'incompétence et l'impuissance des ministres sectoriels qui commencent leur travail. Moi, je pense que, de la part d'un premier ministre, ça aurait peut-être été de dire: Bon, donnons-leur la chance de prouver l'importance qu'ils accordent aux régions, qu'ils vont donner aux régions dans chacun de leurs secteurs d'activité. Mais non, M. le Président. Tout de suite on leur dit, et on le dit en grande pompe: Vous ne serez pas capables d'aider les régions dans vos secteurs d'activité, ça va vous prendre des chiens de garde. Ça va vous prendre des chiens de garde. Et, bien sûr, il y avait certains délégués qui aspiraient à aller au Conseil des ministres, qui n'ont pas pu le faire. Alors, à ce moment-là, on a dit...

Une voix: Prix de consolation.

Mme Dionne: ...comme prix de consolation, oui, on a dit: Vous serez des délégués régionaux et vous aurez la charge, la responsabilité, parce qu'on n'est pas sûrs de l'équipe, de représenter les régions et de les surveiller.

Quand on parle de décentralisation, M. le Président, il y a une autre chose qui me fait bien rire, c'est la nomination du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, pas sa nomination comme son annonce, pardon, de ce qu'on appelait le plan Paillé pour les entreprises qui veulent avoir 50 000 $ pour les aider à démarrer. 50 000 $, c'est une garantie de prêt à travers les institutions financières, les banques et les caisses populaires. Quand on pense à la décentralisation, il y a des choses qui sont illogiques. On a déjà, dans chacun des CRCD de toutes les régions du Québec, un fonds qui s'appelle le Fonds d'aide aux entreprises, où il y a des comités en région qui décident de l'argent, tout ça, où les dossiers sont présentés, où les plans d'affaires sont présentés. Alors, les gens décident là. Là, ce que l'entrepreneur devra faire – parce que, 50 000 $, c'est une aide, oui, une garantie de prêt, mais ce n'est pas suffisant pour partir un projet pour créer des emplois en région – l'entrepreneur, le promoteur devra aussi présenter un autre plan d'affaires dans une banque ou dans une caisse populaire, hein, puis il va avoir un autre décideur pour son projet.

Écoutez, M. le Président, quand on regarde ça, pourquoi n'aurions-nous pas pu, d'une part, prendre l'idée, s'il nous manquait un créneau pour aider les entreprises en démarrage, l'associer au Fonds d'aide aux entreprises dans chacune des régions du Québec, avoir des gens qui sont des bénévoles, et qui siègent là, et qui font de leur mieux, et qui sont là pour vraiment développer la région, et prendre une décision au lieu de faire prendre deux décisions, comme le programme Paillé le conçoit? Moi, je pense, M. le Président, que ce qu'on peut en conclure, c'est que, au lieu d'aider vraiment et de faciliter les choses, on a fait de la duplication.

D'autre part, comme le chef du gouvernement le disait hier, les banques et les caisses populaires ont de l'argent plein leurs coffres. Alors, ce qu'on a voulu faire, on a voulu sécuriser ces gens-là, alors s'occuper des institutions financières qui ont déjà de l'argent. On les sécurise pour qu'ils aillent dans le démarrage d'entreprises, et c'est tout ce qu'on fait. Alors, on ne fait pas plus, hein, et on ne fait pas plus en région dans la décentralisation avec le programme Paillé, même si, l'idée d'avoir un créneau pour le démarrage des entreprises, c'est intéressant. Vous voyez, la décentralisation, c'est deux poids, deux mesures pour le gouvernement actuel.

Un autre exemple que je pourrais vous donner au niveau de la décentralisation et qui est beaucoup d'actualité, à ce moment-ci, M. le Président, c'est tout le débat qui se fait maintenant dans le Bas-Saint-Laurent pour une usine de panneaux gaufrés, soit à Rivière-du-Loup. Vous avez vu ça dans les journaux. C'est fort important parce que c'est un investissement de 40 000 000 $. On parle de 100 emplois. Et, quand on regarde ça, on se dit: Si c'est vrai, la décentralisation, la décision d'affecter les bois aurait dû être prise en région, au Bas-Saint-Laurent. Mais non! M. le Président. Le ministre actuel des Ressources naturelles, avant que la région et que le Syndicat des producteurs de bois se décident, le ministre a dit: Il n'y a pas de bois; on le réserve pour Donohue Matane. On le réserve pour une grande entreprise, hein, une bien grande entreprise, et on oublie une entreprise qui vient de demander des bois, qui est une entreprise de la région avec des gens de la région, qui ne demande pas d'argent au gouvernement, qui ne demande pas de prêt ni de garantie de prêt pour ce projet, qui a déjà ses équipements en main et qui est prête à partir. Mais ça, on décide ça au gouvernement, pas dans la région, M. le Président.

Alors, ce qui veut dire encore qu'on parle de décentralisation... Le ministre des Affaires municipales se promène à travers le Québec pour parler de ça, puis comment ça va être beau, puis on ne décentralisera pas sans argent. Mais, à chaque fois qu'il y a une décision importante à prendre, que ce soit en démarrage d'entreprise ou que ce soit au niveau des ressources, c'est encore le gouvernement du Québec dans sa tour d'ivoire qui décide. Alors, c'est quoi, la décentralisation? C'est ce qu'on prêchait, nous, de faire, de demander aux gens de décider chez eux, au niveau de chacun des CRCD comme celui du Bas-Saint-Laurent. La décision n'a pas été prise dans la région. Elle a été prise à Québec, à partir d'un inventaire, selon des normes bien établies, inventaire fait il y a quelques années, puisque, là, maintenant, on dit: Il faudra prendre un peu plus de temps pour vérifier une fois de plus l'inventaire. Alors, ce n'est pas la région qui décide.

Alors, quand on parle de décentralisation, M. le Président, je pense que le gouvernement actuel, il est mal parti, très mal parti, parce que je ne pense pas qu'on puisse responsabiliser les gens des régions de cette façon, et les gens ont besoin, ont commencé à le faire pendant qu'on était au pouvoir, et je pense qu'ils sont capables de continuer à faire un excellent travail. Alors, M. le Président, pour ce qui est de la décentralisation en tant que telle, je vais suivre ça de près, parce que, en étant une députée de région, c'est fort important pour nous.

Je reviens à l'énoncé du ministre des Affaires internationales qui parlait d'ethnies et qui nous enviait d'avoir, au niveau du Parti libéral et de l'opposition officielle, plusieurs représentants des communautés culturelles, et, effectivement, il peut bien, là, nous envier, parce que, effectivement, les communautés culturelles se retrouvent très bien avec nous, et je pense que ça explique l'ouverture d'esprit du Parti libéral, que ce soit vers la mondialisation des marchés, que ce soit vers toutes les communautés qui sont à Montréal et aussi vers nos voisins qui sont au Nouveau-Brunswick, en Ontario ou aux États-Unis. Mais il y avait quand même un fait cocasse que je ne peux pas m'empêcher de relever, M. le Président, quand il parlait de la descendance du chef de l'opposition, des Johnson, et tout ca, et il faisait l'éloge, justement, qu'au niveau du Parti québécois ils ont eu un chef de l'opposition et un premier ministre du nom de Pierre Marc Johnson qui venait de cette grande famille. Mais il y a une chose qu'il a oublié de dire, et c'est une parenthèse peut-être qui est cocasse, mais ils l'ont mis dehors, M. le Président. Ils l'ont mis dehors. Alors, on peut comprendre l'inquiétude des communautés culturelles face au Parti québécois. On s'en souvient; on était ici, en cette Chambre, quand le chef de l'opposition du temps a fait son discours triste et quand il a franchi la porte pour la dernière fois. On était présent lors de ce discours, M. le Président. On s'en souvient. Alors, vous pouvez comprendre, oui, l'inquiétude de l'opposition.

Alors, je termine là-dessus, M. le Président, vous me faites signe. L'année 1995, malheureusement, au lieu d'être une année où on va penser à la qualité de vie et à l'emploi au Québec, on va se consulter à travers le Québec. On va mobiliser des gens pour leur faire oublier que le gouvernement n'est pas bon en matière d'économie et on va parler de l'avenir constitutionnel du Québec. Ça va être beau, M. le Président. Dans mon comté, là, on parle d'emploi. Il faut parler d'emploi, il faut travailler sur l'emploi, et ça, c'est à tous les jours, de façon constante. C'est la même chose au Bas-Saint-Laurent et c'est la même chose au niveau des forêts, M. le Président. Alors, je suis très déçue du discours du premier ministre et je suis très déçue de ce qu'on va être obligés de faire en 1995 avec le plan d'action qu'ils ont en main. Merci, M. le Président.

(11 h 50)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée. Maintenant, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Laval-des-Rapides et ministre de la Sécurité publique, la parole est à vous.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Bien, pour respecter la tradition, je remercierai d'abord les électeurs et les électrices de mon comté qui me permettent de revenir à l'Assemblée nationale dans une position différente que, je pense, ils ont souhaité dans leur majorité.

J'ai l'honneur de représenter un comté diversifié, assez typique de la population du Québec en général. On y trouve, et c'est peu connu, 16 % de membres, de représentants des communautés ethniques diverses qui forment le Québec. C'est un peu moins que les 18 % qu'on retrouve à l'échelle de la province. C'est un comté aussi où on trouve beaucoup d'initiatives. On y trouve les sièges sociaux de nouvelles entreprises dynamiques de Laval, on y trouve de grandes institutions d'enseignement, même si ça ne va pas jusqu'au niveau universitaire, quoique l'Université du Québec y ait amené quelques degrés, et particulièrement, justement, dans le domaine des affaires. Mais on y trouve aussi le Québec qui souffre, on y trouve des chômeurs, on y trouve, dans une proportion trop grande, des familles monoparentales. Et c'est un comté qui, j'ai remarqué, est ouvert, un comté qui voit son avenir à l'intérieur de la région de Laval d'abord, mais aussi dans le Québec et à l'intérieur de la région de Montréal, et qui est assez ouvert pour savoir que son avenir économique passe par la prospérité régionale. Pour cette partie de mon comté qui souffre le plus, je sais que nous avons un projet auquel je tiens beaucoup, que présenteront le ministre de la Justice et le ministre de la Sécurité du revenu, qui portera sur la collecte automatique des pensions alimentaires. C'est donc un honneur que de représenter un comté qui est aussi ouvert, quand on exerce des responsabilités ministérielles, qui est conscient que c'est en travaillant au bien pour tous que l'on travaille pour son propre bien.

L'on m'a confié aussi des responsabilités ministérielles dans un domaine particulier, celui de la police. Je dois dire que, depuis que j'ai des responsabilités gouvernementales, j'ai remarqué qu'au niveau de ceux qui sont les grands serviteurs de l'État et qu'on a trop injustement, dans les années passées, vilipendés il y a un désir de bouger, un plaisir de voir arriver un gouvernement qui croit en eux qui est absolument remarquable.

Ce qui frappe lorsque l'on entre dans un ministère aujourd'hui, au Québec, c'est combien le gouvernement antérieur a été influencé par celui qui l'a dirigé, je pense, pendant trop d'années et qui était un véritable éteignoir d'initiatives. C'est vrai, comme nous l'avait bien dit notre chef lorsqu'il nous a confié ces responsabilités: Cessez de faire des études, allez voir vos fonctionnaires, ils ont pour vous des tas de projets. Et c'est justement en cherchant ce qu'il y avait de mieux dans mon ministère que j'ai pu prendre des décisions aussi rapidement, décisions qui, je pense, ont été généralement bien reçues dans le public. Par exemple, lorsque je me suis rendu à Kanesatake, j'ai d'abord rencontré les policiers qui m'ont tenu un langage, au début, discret, habitués, n'est-ce pas, à ne pas critiquer les pouvoirs politiques, et ils sont, là-dessus, fidèles à ne pas critiquer les pouvoirs qui les ont précédés non plus, mais j'ai bien senti qu'ils attendaient le feu vert. Et, au fond, la décision fut facile. Une fois convaincu de l'intelligence de leur plan, de leur capacité d'intervenir avec finesse, avec progression, il suffisait de leur donner le feu vert et de les laisser agir.

Par la suite, les circonstances et les offres qu'on m'a faites m'ont permis de faire des nominations pour la police de l'an 2000. Il y en aura d'autres, d'ailleurs. Je ferai remarquer que j'ai trouvé, justement, dans les rangs même des gens qui étaient en place, une vision, des hommes d'une qualité exceptionnelle qui n'attendaient, au fond, encore là, que l'on laisse se dérouler le processus normal du changement à l'intérieur de ces grands organismes.

Je signalerai, entre autres, que le gouvernement, incapable de trouver un homme pour faire un changement normal à la tête de la Sûreté du Québec, avait préféré faire amender la loi pour garder le statu quo, alors que nous avons pu trouver, que nous sommes allés chercher un homme qui correspond justement aux nouveaux défis que représente la police de l'an 2000.

Et ces défis sont énormes quand on pense aux nouveaux crimes, aux organisations internationales du crime, au blanchiment d'argent, aux grandes fraudes, aux fraudes informatiques, quand on pense aussi aux exigences légales qui sont les exigences d'une société évoluée et civilisée qu'est devenu le Québec, quand on pense aux exigences du public qui attend de ses policiers, justement, qu'ils soient fermes, qu'ils soient les seuls à posséder le droit d'utiliser la force, mais qu'ils le fassent toujours avec modération, avec intelligence et en ne les traitant pas comme des bandits. Quand nous avons pris ces décisions, j'ai senti que c'étaient des décisions qui rencontraient le support de la majorité de la population, quelles que soient ses opinions politiques.

Bientôt, nous aurons à annoncer d'autres décisions – et la plus difficile – dans le domaine des prisons, hélas trop pleines au Québec, et aussi dans le domaine de la sécurité civile, un domaine qui, déjà, va bien.

Mais avant de terminer cette courte intervention sur le discours inaugural, je suis à la fois heureux et déçu du discours du chef de l'opposition. D'abord, je suis heureux d'une chose. Au moment où il a accédé à la tête du gouvernement, j'avais vraiment l'impression qu'il était prêt à se contenter du statu quo. Je suis heureux de constater qu'il ne s'en contente plus. Mais je réalise bien que, si, aujourd'hui, nos amis d'en face se sentent incapables de défendre le statu quo, c'est parce que le statu quo est indéfendable. Je suis toujours convaincu qu'eux comme nous poursuivons, au fond, un objectif commun: la survie et le développement d'une société originale en Amérique du Nord qui parlera français pendant encore plusieurs générations et qui non seulement le parlera, mais qui développera une forme originale de francophonie.

Je pense encore que ce qui nous sépare dans nos options politiques fondamentales, ce n'est pas tellement le fédéralisme, mais c'est la perception que nous avons de la capacité du reste du Canada à accepter les changements constitutionnels nécessaires pour que nous, qui serons, dans un avenir évidemment toujours prévisible, toujours la minorité, disposions des pouvoirs que nous avons toujours estimé nécessaires pour assurer ce développement, quels que soient les partis politiques auxquels nous ayons appartenu.

D'ailleurs, je présente, de ces temps-ci, aux militants que je rencontre un scénario pessimiste. Je leur dis – et ça me fait plaisir de le répéter en cette Chambre: Mettons que nous gagnions le référendum, que nous faisions l'indépendance, mais que nous perdions les élections qui suivent, que pensez-vous, M. le Président, serait l'attitude d'un premier ministre libéral d'un État du Québec indépendant? Est-ce que, véritablement, quelqu'un peut croire que ce moyen, cette souveraineté que le peuple se serait donnée, il la sacrifierait? Sans doute, je sais bien qu'il voudrait probablement peut-être plus de collaboration avec le reste du Canada, mais je suis certain qu'il voudrait toujours garder cette arme que le peuple a acquise, que le peuple lui a donnée et qui est la souveraineté.

(12 heures)

J'écoute son discours. Il nous dit un peu la même chose qu'on nous a dit il y a 15 ans: Un non au référendum n'est pas un oui au statu quo. Mais, depuis 15 ans, que s'est-il passé? Je pense que l'on doit être conscient que la seule façon d'avoir un Canada différent, c'est de passer par la souveraineté. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes au débat sur le discours d'ouverture prononcé par M. le premier ministre. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Chomedey, je vous cède la parole.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de dire merci, to say thank you, «efharisto», «obrigado» aux électeurs de Chomedey, à Laval, qui, M. le Président, sont très représentatifs du Québec, car, tout en étant composés d'une majorité de personnes de langue française, ils proviennent effectivement de très nombreuses communautés culturelles. C'est une richesse, M. le Président, une richesse qu'il faut reconnaître et, à mon sens, défendre.

La circonscription de Chomedey est située dans la ville, la région et l'île de Laval. C'est l'endroit où j'ai été élevé avec mes neuf frères et soeurs. Et c'est un endroit qui, encore une fois, par sa diversité culturelle et linguistique, est un exemple de ce que peut être le Québec moderne et ouvert que nous souhaitons tous encourager et soutenir.

M. le Président, dans son discours inaugural, l'honorable premier ministre a fait allusion à plusieurs sujets d'intérêt pour celles et ceux qui sont soucieux des questions touchant à l'administration de la justice, au respect des lois et des institutions. Il était notamment question de l'intention de présenter une législation garantissant la perception et le paiement des pensions alimentaires ordonnées par les tribunaux. Il y a là, M. le Président, une préoccupation commune, car, de ce côté de la Chambre, nous nous sommes également engagés à nous assurer que celles et ceux qui ne paient pas, conformément à une ordonnance d'un tribunal ou d'une entente, soient contraints de le faire, car les coûts sociaux, dans le cas contraire, sont trop importants.

Toutefois, nous mettons immédiatement en garde contre une tendance que nous avons trop souvent décelée de l'autre côté, qui est celle de viser toujours une intervention lourde, étatique, bureaucratique. Pourquoi, M. le Président, est-ce qu'on contraindrait celles et ceux qui paient depuis de très nombreuses années, sur une base régulière, leur pension alimentaire à passer par un système judiciarisé? Qu'en est-il lorsqu'ils sont des gens corrects qui ont toujours payé et respecté leurs obligations? Pourquoi est-ce qu'on ne reconnaît pas là leur droit à la vie privée? Pourquoi, M. le Président, des gens au service de la paie de leur entreprise devraient-ils être au courant du fait qu'ils versent une telle pension si, effectivement, ils n'ont jamais manqué à leurs obligations?

Voilà, M. le Président, une différence de perception, une différence de point de vue, une différence de manière de faire. Car notre manière de voir les choses, c'est de présumer la bonne foi et de faire en sorte que seulement celles et ceux qui se sont avérés de mauvais payeurs soient astreints à participer à un tel régime coercitif et obligatoire.

Another recent statement on behalf of the honourable premier had to do with his intention of insuring certain constitutional guaranties to the Québec English-speaking community. Mr. Speaker, we would like to remind the honourable premier that there already exist certain constitutional guarantees with regard to English language rights. Most notably, Section 133 of the Constitution Act of 1867 provides that the legislation from this chamber shall be prepared, studied, produced and adopted in both the French and English languages.

Mr. Speaker, it is often said that actions speak louder than words, and before paying too much heed to future promises of guarantees or vetoes in constitutional or other matters for the English-speaking community of Québec, my colleagues and I would simply like to remind the honourable premier that it is our intention to ensure that the legislative drafting, committee, amendment and adoption process respects the obligations that already exist for the English language's presence in our institutions.

This question of respect of institutions, cette question du respect des institutions et de la non-ingérence dans le fonctionnement de ces institutions – que ce soient les tribunaux, que ce soient les organismes décentralisés – sera pour nous, M. le Président, une préoccupation constante. Trop souvent, par le passé, nous avons eu des exemples de gouvernements qui, une fois au pouvoir, se rendaient peu compte de l'importance de bien respecter les institutions mises en place par les lois et les règlements. On nous parle, par exemple, du besoin primordial d'enlever un niveau de gouvernement qui serait de trop. M. le Président, de ce côté de la Chambre, nous avons l'intention de bien surveiller toute action qui aurait pour intérêt de miner l'importance et les responsabilités des institutions qui existent, par ailleurs, en vertu des lois et des règlements. Et je pense, là, notamment aux municipalités, aux structures régionales et aux commissions scolaires, parce qu'il s'agit là aussi d'établissements qui ont leur droit de cité, qui ont leur juridiction, leurs compétences.

Nous allons également suivre avec beaucoup d'intérêt les travaux en vue de la réforme du système des tribunaux administratifs au Québec, démarche déjà entreprise par la formation que je représente, lorsque nous étions au pouvoir; démarche importante car, encore une fois, dans notre société, l'existence de pouvoirs judiciaires et quasi judiciaires indépendants, libres de leurs actions, est une garantie des libertés de tous les citoyens et citoyennes. C'est ce respect, ce besoin primordial d'assurer qu'il n'y a pas d'ingérence politique dans les travaux des tribunaux et des tribunaux administratifs et quasi judiciaires qui va animer beaucoup de nos interventions, M. le Président. Car, pour ma part, j'ai trop souvent eu l'occasion, dans ma vie professionnelle, de voir que les forces externes peuvent exercer une influence parfois trop grande sur celles et ceux qui veulent appliquer des lois qui ont été adoptées en vue d'assurer la protection du public. Je n'ai jamais reculé devant ce défi par le passé et je n'ai pas l'intention de le faire maintenant.

(12 h 10)

Il est aussi un autre principe de notre droit et des principes fondamentaux qui nous gouvernent: ce que la loi interdit de faire directement, on devrait s'empêcher de tenter de le faire indirectement. Hier, M. le Président, on a entendu l'honorable premier ministre rappeler le souvenir de René Lévesque, qui avait présenté et fait adopter une législation qu'il considère – à mon sens, à juste titre – comme étant une des meilleures en Amérique du Nord, en ce qui concerne le financement des partis politiques. Le principe qui sous-tend cette législation, et dont on peut effectivement être si fier, c'est que les citoyens sont les seuls aptes à contribuer au financement de l'activité politique, évitant ainsi que des intérêts privés, mercantiles, corporatifs, puissent jouer un rôle trop important en influençant le processus décisionnel démocratique. Ce principe, M. le Président, s'applique qu'il s'agisse d'accepter directement des fonds ou qu'il s'agisse d'accepter un bien ou un service, tel le logement ou autre. C'est là, encore une fois, M. le Président, un principe que nous entendons soutenir et défendre avec vigueur dans cette Chambre.

Le député de Verchères, M. le Président, nous rappelait tout à l'heure le souvenir d'Honoré Mercier. Il nous rappelait également l'importance de l'immigration et des immigrants et de leurs descendants de plus récente date dans la vie politique, sociale et autre au Québec, de leur rôle important dans nos institutions. J'ai l'honneur d'être effectivement, à mon tour, descendant d'Irlandais qui sont venus ici lors de la famine des années 1800 et, par ailleurs, d'être descendant d'Honoré Mercier.

Les choses évoluent, M. le Président. Notre société est effectivement ouverte, résolument tournée vers l'avenir, un avenir qui peut être continuellement prospère pour l'ensemble de nos citoyens, un avenir qui n'est pas nécessairement petit, comme semble viser le député de Verchères lorsqu'il fait une comparaison avec le Luxembourg, comparaison que j'ai déjà entendue, M. le Président, venant de la part de la députée de Chambly, lorsque nous avons, devant un auditoire d'un autre pays, discuté des questions politiques d'ici. Elle aussi, la députée de Chambly, trouve que le Luxembourg constitue un modèle et un exemple intéressant. À mon sens, M. le Président, le fait de faire partie d'un pays qui est représenté à la table des plus grandes puissances économiques que sont les pays du G 7, d'avoir déjà tous les avantages et les bienfaits de l'Accord de libre-échange nord-américain, d'avoir accès, effectivement, au marché nord-américain, mais d'avoir des racines en Europe, sont des avantages qu'il ne faudrait jamais perdre, M. le Président.

L'ouverture du Québec vers l'avenir, sa confiance, ses composantes, justement, multiethniques et multiculturelles, ce sont des atouts. Lorsque je les compare, ces atouts, aux propos récents, déplorables, du délégué général du Québec à Paris concernant les communautés culturelles, je me rends compte, effectivement, M. le Président, qu'il y a un gouffre énorme qui sépare parfois les deux côtés de cette Chambre. Et, pourtant, en représentant mes électeurs de Chomedey, c'est mon intention de tenter de bâtir des ponts et non pas d'ériger des murs, de travailler à une meilleure compréhension mutuelle, dans le respect de la différence. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Merci, M. le député. Je suis maintenant prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Prévost et ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, je vous cède la parole.


M. Daniel Paillé

M. Paillé: Merci. M. le Président, je suis effectivement, d'abord et avant tout, le député souverainiste de Prévost. C'est l'un des comtés qui, au Québec, a préféré l'autre façon de gouverner à celle du député qui siégeait depuis 1985. On associe souvent les Laurentides au tourisme, à une évasion de la ville, à un petit coin de paradis ou à des châteaux en montagnes, mais la réalité est tout autre. À Saint-Jérôme, il y a une personne sur deux qui ne contribue pas. On pourrait être tenté, devant la gravité et l'ampleur du problème, de baisser les bras, d'espérer que les choses vont s'améliorer d'elles-mêmes et de dire que, de toute façon, on ne peut rien faire. La situation n'est effectivement pas réjouissante dans Prévost; elle n'est pas réjouissante, d'ailleurs, dans des comtés que mes collègues représentent. Curieusement, plutôt que de nous décourager, l'état de ces comtés et des régions du Québec nous a confirmés dans la certitude qu'il fallait renverser la vapeur, changer les choses. C'est le goût du Québec, le goût de provoquer les choses, le goût de bouger qui fait que l'autre façon de gouverner, c'est devenu un refus catégorique de courber l'échine, un manifeste contre le statu quo. Il y a des moments dans la vie d'un peuple, comme dans celle d'une communauté, où il faut retrousser ses manches et regarder l'avenir avec confiance malgré les obstacles, quels qu'ils soient. Regarder en arrière peut être enseignant, mais aussi fort décourageant. Il vaut mieux regarder en avant, savoir où on va.

Il y a 50 ans, lorsqu'une grange brûlait à Lafontaine ou à Bellefeuille, on ne se fiait pas instantanément aux autres, on ne se fiait pas au gouvernement, on ne se fiait pas aux gens d'en dehors. Les voisins, les amis, la parenté – et même les concurrents – se mettaient tous à l'ouvrage. Généralement, deux, trois jours après, on avait une nouvelle grange qui prenait la place de l'ancienne et on était fier, fier d'avoir accompli, contribué surtout au bonheur d'appartenir à quelque chose de plus grand. On appartenait à un groupe. C'est vrai pour ceux qui rebâtissaient une grange; ça peut devenir vrai pour ceux qui participent à sortir les gens de l'isolement – les sans-emploi, ceux qui vieillissent seuls, celles qui élèvent seules leurs enfants – parce qu'à l'image qu'on se faisait de reconstruire une grange imaginez ce qu'on peut faire quand on peut faire un pays! La capacité d'agir, c'est de convaincre les gens de notre capacité, c'est d'être convaincu, c'est de convaincre de notre volonté d'agir. C'est ça, la capacité d'agir.

Dans Prévost, on n'a pas attendu. On n'a pas attendu après le gouvernement, on n'a pas attendu de loi, on n'a pas attendu de règlement. Le 18 octobre, j'ai convié les gens de Prévost à une très grande corvée. Il y avait des sceptiques qui n'y croyaient pas, qui regardaient en arrière, puis qui disaient: Bof! ça ne s'est jamais fait, ça n'a jamais réussi, c'est impensable, c'est d'être rêveur, c'est une idée folle. On a entendu tout ça, sauf qu'on l'a fait. Le 19 novembre, dans Prévost, la corvée a eu lieu, tout simplement. Il y avait presque 450 personnes qui représentaient des gens de tous les milieux de ce comté-là, qui avaient envie de bouger, qui avaient la capacité de bouger parce qu'on en avait la volonté. On n'a pas discuté de concept, on n'a pas discuté de théorie: on a parlé de solutions, puis on a parlé de comment appliquer les solutions. C'est ça qu'on a fait. Ça a commencé par le comté. On a fait une corvée de ce comté-là.

Le 26 septembre, quand le premier ministre me confiait la volonté de mettre sur pied simplement et rapidement ce que les gens nous ont réclamé, eh bien, on l'a fait. C'est le 15 novembre que j'ai annoncé le programme Démarrage d'entreprises au Québec. La volonté d'agir était là, la capacité est là, maintenant. À partir de demain, 1er décembre, les Québécoises et les Québécois peuvent bouger, peuvent faire ce qu'ils veulent faire. Ils pourront convaincre leur banquier, ils pourront convaincre leur caissier – pas dans la région, pas à Québec, pas à Montréal; dans leur quartier, dans leur succursale – que leur idée est bonne, que, leur corvée à eux, elle va marcher. Puis ça marche. La volonté de se faire une place d'affaires au Québec, ce n'est pas un concept, c'est une réalité. Et, dès demain, les gens pourront le faire.

(12 h 20)

On dit que la confiance devrait venir de partout. Bien, la confiance de ce gouvernement, c'est envers les jeunes, c'est envers la créativité, c'est envers l'invention, c'est envers la jarnigoine de toutes les Québécoises et de tous les Québécois.

Dans le milieu des affaires, le mot «impossible» n'existe que dans la tête de ceux qui ne réussissent pas. Les autres ne savent pas que ce mot-là existe. Hier, le premier ministre me confiait le mandat d'harmoniser quelque 220 programmes d'aide à l'entreprise. Comme une corvée où on appelle tout le monde, la volonté collective du gouvernement est manifeste. On va le faire, on va se mettre ensemble et on va le faire. Tous, nous nous retrousserons les manches suivant un plan simple, simple, simple. Rien de compliqué, mais efficace.

Être en cette Assemblée, c'est, bien sûr, un honneur. On a souligné hier l'engagement démocratique des Québécoises et des Québécois. Plusieurs nous ont dit que le mandat était très lourd, plusieurs nous ont dit que les attentes étaient énormes; mais on en veut plus, on en veut beaucoup plus, parce qu'on a la volonté d'agir, parce qu'on a la volonté d'en prendre plus.

Mon engagement politique, c'est de participer à cette corvée du Québec, à cette volonté de se faire une place, de prendre la place, de prendre sa place. Moi, je suis convaincu que des choses peuvent être changées et doivent être changées, et ce, pour les gens de ma génération, pour les gens de la génération de mes parents, pour les gens de la génération de mes enfants. On doit le faire. Les corvées interpellent tout le monde. J'espère que cette corvée du Québec se fera de tous les points du Québec, que ce soit la Beauce ou Prévost. Pourquoi ne pas passer aussi par Outremont? Si les gens de Prévost ont cru à cette idée folle de la corvée, si les Québécoises et les Québécois ont maintenant la capacité d'affaires de réaliser leurs rêves, c'est parce que, voyez-vous, les rêves des uns et les idées folles des autres font travailler bien des gens dans ce pays, font travailler bien des gens dans notre pays. Et, moi, la volonté politique que j'ai – c'est pour ça que je suis ici, c'est pour ça que nous sommes tous ici – c'est de faire ce pays-là parce que j'y crois, parce que l'on a la volonté de le faire et parce que nous allons le faire, et je le ferai. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes au débat sur le discours d'ouverture prononcé par M. le premier ministre. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant et je reconnais le député de Verdun. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Suivant la tradition, mes premiers mots seront pour remercier les électeurs de Verdun qui m'ont réélu et qui ont confirmé le mandat que j'avais déjà eu. La circonscription de Verdun, avec ses nouvelles frontières, est un peu à l'image du Québec. Elle va avoir une minorité importante de langue anglaise – 25 % de sa population – elle va être en mesure, sur le même territoire, de regrouper et les gens les plus riches – ceux qui habitent à l'île des Soeurs – et les gens les plus pauvres; elle va être en mesure d'avoir un spectre de revenus et de situations sociales qui correspondent un peu à l'ensemble du spectre du Québec. M. le Président, je voudrais saluer ces électeurs et leur assurer que je défendrai leurs intérêts dans cette Chambre avec toute la conviction et la force dont je puis être capable.

Notre formation politique, M. le Président, malheureusement, et je dis «malheureusement», n'a pas été reportée au pouvoir. Nous nous devons d'en prendre acte, et nous en prenons acte, et nous allons fonctionner comme opposition et nous allons mesurer l'action du gouvernement.

Et je mesurerai l'action du gouvernement à deux critères. Le premier est certainement la possibilité de ce gouvernement de procurer à l'ensemble des Québécois et Québécoises l'emploi valorisant auquel ils ont droit – et je voudrais, à ce moment-là, pouvoir discuter de ce que le premier ministre nous a suggéré et qui, à mon sens, est relativement inquiétant. Et, deuxièmement, le deuxième critère sur lequel, je pense, nous devons juger ce gouvernement, c'est sa capacité d'atteindre, dans un délai raisonnable, l'équilibre des finances publiques. Et, sur ces deux points, M. le Président, je voudrais m'étendre un peu.

Le premier ministre, dans son discours inaugural, a abordé la question de l'emploi. Il l'a abordée en faisant référence à la manière dont son gouvernement, vers 1982, avait été en mesure de profiter de la sortie de la récession et de faciliter le retour au travail. J'ai une profonde inquiétude à ce sujet-là, M. le Président. La crise économique que nous venons de traverser a des caractères structurels bien différents de la crise économique de 1982. Nous avons eu une modification en profondeur – comme l'ensemble, d'ailleurs, des pays industrialisés – de notre structure économique, et ne pas en prendre acte, ne pas comprendre que, lentement, on se dirige vers une économie de l'immatériel, c'est-à-dire où ce n'est pas le bien produit qui va avoir de l'importance, mais l'idée qui a permis de produire ce bien... Que ce soit au niveau du design industriel, par rapport aux biens de la couture, que ce soit au niveau de la production de logiciels, de la production de biens culturels, que ce soit la production de livres, les idées vont devenir beaucoup plus importantes dans les économies développées que le bien lui-même. Il est important d'en prendre acte et de savoir insister sur la formation, sur l'éducation, sur ces points-là, et je n'ai malheureusement pas vu grand-chose dans le discours inaugural du premier ministre.

Je prends acte de ce que l'orateur précédent, le député de Prévost, suggère, ce qu'on a appelé, dans le langage courant, «le plan Paillé». Il va rentrer à l'intérieur des mesures pour faciliter et soutenir l'entrepreneurship. Nous en prenons acte. Nous mesurerons les effets au fur et à mesure qu'on en verra. Je ne peux pas, a priori, commencer à dire que nous sommes contre. Tout effort qui va être fait pour soutenir l'entrepreneurship et faire en sorte qu'on puisse soutenir la créativité au Québec est quelque chose contre lequel on ne peut pas être, en principe. Nous restons quand même sur nos gardes et nous allons, pour notre part, être en mesure de voir ce que ça va réellement donner. Mais prenons-en acte quand même.

(12 h 30)

Je reste inquiet. Je reste inquiet, en termes de mesures de création d'emplois, par l'abandon du projet Grande-Baleine. Je reste extrêmement inquiet par le choix que ce gouvernement a fait de quitter la filière hydroélectrique et d'enlever à l'ensemble des Québécois et des Québécoises ce qui avait été économiquement un avantage comparatif extrêmement important – celui des surplus électriques – et, à court terme, qui aurait pu faciliter la création d'emplois en relançant ces grands projets hydroélectriques. J'en reste inquiet. Je regrette que le gouvernement n'ait pas voulu continuer dans ce sens-là.

Je reste inquiet aussi sur l'abandon du projet, l'annonce qui a été faite de l'abandon du projet de loi 142, qui avait permis l'entrée dans le marché de la construction de jeunes apprentis, qui, autrement, ne pouvaient pas aller travailler. Certes, il était nécessaire de s'occuper des avantages sociaux de ceux qui n'étaient plus couverts par le décret, mais j'attends de voir le projet de loi que vous allez déposer. Nous serons en mesure, le cas échéant, de voir si ça va se maintenir et agir réellement dans l'emploi, parce que c'est le seul critère qui va être à la mesure de juger ce gouvernement.

Deuxième point, M. le Président. J'ai entendu hier le discours inaugural du chef de l'opposition... du premier ministre. Je suis encore à... J'ai du mal à m'adapter, malheureusement. Ha, ha, ha! Ça va venir. Mais ça ne sera pas pour longtemps, hein. Je reste extrêmement inquiet parce que je n'ai pas vu, à l'intérieur du discours inaugural, la reprise de ce qui avait été un point important dans leur campagne électorale, cet engagement d'arriver à l'équilibre des finances publiques sur un échéancier de deux ans. Le chef de l'opposition l'a rappelé tout à l'heure, de notre côté, nous sommes prêts à revoter ce qui avait été la loi 197, pour ceux qui s'en rappellent, une loi qui obligerait, sur un échéancier de deux ou trois ans, le gouvernement à arriver à un équilibre du déficit d'opération.

Dans le discours inaugural, j'ai malheureusement été un peu inquiet de la remise en question de la loi 198 qui avait obligé la structure gouvernementale et la structure administrative à faire un exercice de réévaluation et de réorganisation des postes dans la fonction publique. Je voudrais souhaiter que le gouvernement maintienne cette ligne de saine gestion et de réduction des dépenses gouvernementales. De surcroît, le concept d'imputabilité qui faisait et qui fait que les gestionnaires, tant du secteur public – c'est-à-dire les sous-ministres – que du secteur parapublic – c'est-à-dire les dirigeants de grandes sociétés – soient responsables devant les élus, je souhaite fortement que vous n'abandonniez pas ce principe important pour l'ensemble des élus, particulièrement les élus qui ne siègent pas au comité exécutif, du pouvoir de surveillance que nous pouvons avoir par le principe d'imputabilité des fonctionnaires et des dirigeants des grandes sociétés d'État.

M. le Président, j'ai trouvé angélique l'appel du premier ministre pour équilibrer les finances publiques, angélique cet appel de dire aux gens: Ne consommez plus au noir, ne faites plus de contrebande. Je crois qu'il faudra plus que ça si on veut réellement lutter contre deux mesures, deux drames importants en question à l'heure actuelle, soit la contrebande et le travail au noir. Je partage ce point de vue comme étant un problème important, mais je ne crois pas que seulement des mesures angéliques soient en mesure de répondre et de résoudre cette question.

M. le Président, je voudrais aussi terminer mon intervention en prenant acte qu'on débute ici la campagne référendaire. J'ai, dans le discours inaugural, hier, trouvé malheureux que le référendum qui devait se trouver avoir lieu six à huit mois après l'élection, c'est-à-dire dans six mois, est peut-être reporté à un peu plus loin. Mais, enfin, soyons heureux, j'ai l'impression qu'il aura lieu en 1995. Bravo!

D'un autre côté – et on l'a rappelé ici – ce n'est pas la peur de l'inconnu qui va nous amener à avoir des doutes sur la souveraineté. Nous pensons réellement qu'il y a des avantages réels dans le fédéralisme canadien, et je souhaite que ce débat référendaire, ce début sur... Et je vais répondre, dans un instant, à l'intervention du député de Verchères. Ce n'est pas sur ce que je maintiens réellement être le débat sur la séparation du Québec, parce que l'avenir du Québec... où un Québec qui devient pleinement indépendant nécessite une séparation politique avec le reste du Canada.

Ce débat-là, je souhaite qu'on soit en mesure de le faire le plus ouvert possible. Mais, de grâce, de grâce, ne recommencez pas! Et je ne voudrais pas qu'on recommence une espèce de vaste entreprise de propagande, telle qu'a pu être la commission Bélanger-Campeau, où seuls, seuls les gens qui étaient dans un certain sens ont pu venir témoigner, ce qui ne semble pas correspondre à l'ensemble de la population ou au voeu de la population du Québec, si on en croit l'ensemble des sondages. Faisons en sorte que le débat soit le plus ouvert possible et que les différentes options puissent être mises sur la table.

Je reste convaincu que les coûts de transition vont avoir un effet extrêmement négatif sur l'emploi, sur le développement économique du Québec. Je reste convaincu que l'appartenance au grand ensemble économique canadien, sur lequel nous pouvons avoir une directe participation par la voie d'élus... Et j'en profiterai, ici, pour reprendre l'exemple du député de Verchères, lorsqu'il a comparé la situation avec la situation de l'union économique européenne. Lentement, l'union économique européenne est en train d'évoluer vers une situation où, déjà, nous, au Canada, nous sommes. Lentement, l'union économique européenne évolue vers une situation où ils ont pris conscience de ce qu'ils ont appelé le «déficit démocratique», où les décisions étaient prises par des exécutifs ou des fonctionnaires, et qu'il était nécessaire de créer et de donner plus de pouvoir au Parlement européen, où il était nécessaire d'arriver à une harmonisation des politiques économiques, où il était nécessaire, à moyen terme, en fonction des situations et déficits, d'arriver à une monnaie commune.

Nous avons déjà cela dans l'espace économique canadien. Pourquoi vouloir briser cela? Et la preuve va vous incomber. La preuve va vous incomber de nous dire et de nous démontrer qu'en allant ce que, moi, j'appelle en marche arrière, au sens contraire du sens de l'histoire... La preuve va vous incomber de dire que, si on allait dans ce sens d'arriver vers la séparation du Québec du reste du Canada, l'ensemble des Québécois et des Québécoises serait meilleur.

Je reste profondément convaincu que les Québécois et Québécoises, tout en restant tout à fait sensibles et attachés à la réalité du Québec, ont avantage, pour leur développement économique, de participer au grand ensemble canadien, premièrement. Et, deuxièmement, de pouvoir y participer en ayant des élus dans un Parlement qui est en mesure de contrôler les destinées de l'union économique.

(12 h 40)

M. le Président, je crois profondément... et on va faire ce débat-là. Je souhaite qu'on puisse le faire et je veux le faire avec chacun d'entre vous. Je crois qu'il y est de l'avantage de chacun des Québécois et des Québécoises de rester et de maintenir notre lien à l'intérieur du fédéralisme canadien. Ça ne veut pas dire, comme l'a rappelé le chef de l'opposition tout à l'heure, qu'il n'y a pas des problèmes. Il n'y a personne qui est conscient qu'il n'y a pas de problème à l'intérieur de la fédération canadienne. Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas capable d'évoluer lentement pour régler ces problèmes – comme nous avons réussi à le faire depuis 125 ans – ça ne veut pas dire qu'on n'est pas capable, à l'heure actuelle, à l'intérieur du Canada, de pouvoir assurer à chaque Québécois et Québécoise un mieux-être par rapport à ce que j'appellerais l'aventure séparatiste du Québec indépendant.

M. le Président, ce débat-là, ça fait à peu près deux ans que nous attendons pour le tenir. Ceux qui ont eu la chance de travailler en commission sur la loi 150, comme j'ai pu le faire, nous sommes prêts à le tenir. Nous sommes absolument convaincus du bien-fondé pour l'ensemble de chacun des Québécois et des Québécoises de maintenir et de rester à l'intérieur de la fédération canadienne. Et soyez assurés de ma profonde détermination pour réussir à le démontrer à l'ensemble de toute la population. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je reconnais le député de Lévis et ministre de l'Éducation et je vous cède la parole, M. le ministre.


M. Jean Garon

M. Garon: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole, M. le Président, et de remercier mes électeurs pour la cinquième fois de m'avoir renouvelé leur confiance. Je dois dire que j'offre mes sympathies à la députée de Jean-Talon parce qu'elle va connaître les plaisirs d'être seule dans l'opposition pour une grande région. Elle n'aura pas beaucoup de discussions avec son caucus, mais elle va voir ce que c'est que d'être seule. Elle le verra au sein du Parti libéral.

Qu'au cours des années, le comté de Lévis ait agi différemment, ça ne m'étonne pas. Pourquoi? Parce que, d'abord, le nom «Lévis», en soi, est un symbole de victoire. Ce n'est pas un symbole de défaite pour les Québécois. Lévis, c'est un symbole de victoire. Et je dirai, M. le Président, qu'un des premiers grands régionalistes ça a été Guillaume Couture qui a quitté Québec pour venir coloniser, si vous voulez, s'établir à Lévis. S'établir seul à Lévis, dans le temps, ce n'était pas évident parce que... Et commencer la régionalisation alors qu'il y avait quelques milliers de personnes seulement, même pas, quelques centaines de personnes à Québec. C'était le premier grand régionaliste, Guillaume Couture. Lévis a été fondée à peu près – fondée, le premier qui est arrivé à Lévis – en même temps que Montréal, dans la même décennie.

Mais ensuite il y a eu à Lévis, M. le Président, un grand libérateur sur le plan financier, Alphonse Desjardins. À l'époque où les libéraux et les conservateurs nous gardaient sous la férule des prêteurs de villages ou des trusts, un homme s'est levé, avec sa femme Dorimène, et les deux ensemble ont convaincu leurs concitoyens, sans se faire consacrer à l'extérieur, de fonder une caisse populaire en mettant des dix cents et en disant que, de cette façon-là, ceux qui avaient des dix cents les mettraient dans la caisse et ceux qui en manqueraient viendraient en emprunter. Il n'y a pas beaucoup de gens qui auraient pensé, en 1900, au moment de la fondation de la première caisse, qu'un jour plus de 50 % de l'épargne des Québécois appartiendrait aux Québécois avec un système pensé par des Québécois, en adaptant des formules allemandes qui étaient différentes parce que, à ce moment-là, il n'y avait pas de caisses d'épargne et de crédit. Il y avait des caisses d'épargne et il y avait des caisses de crédit. Et le génie de Desjardins, c'était de fusionner dans la même caisse les deux: l'épargne et le crédit. Et ça a été une grande libération pour les Québécois, la libération économique.

Il reste maintenant, sur le plan politique, à devenir en charge de nos affaires et j'ai été surpris d'entendre les députés qui parlent du multiculturalisme. Qu'est-ce que c'est que le multiculturalisme? Bien, la grand-mère de mon père est Allemande, ma mère est Irlandaise, ma femme est Américaine, est-ce qu'on va dire que je suis pure laine? Sauf que, comme c'est du côté de ma mère que c'étaient des Irlandais, est-ce que je suis moins Irlandais, est-ce que je suis moins Irlandais qu'un des orateurs qui vient de me précéder, de Chomedey, qui disait qu'il était Irlandais, mais, lui, il semble que c'était son père qui l'était? Je remarquerai que les vrais Irlandais se sont battus, après le départ de ces familles, pour l'indépendance de l'Irlande. Et c'est un premier ministre aveugle, mais qui voyait clair, qui a été le premier libérateur de l'Irlande et qui a fait l'indépendance de l'Irlande, M. De Valera. Ce qu'a dit le premier ministre hier, et c'est un discours qui était inspirant et motivateur, parce qu'il a dit la phrase, à mon avis... les deux phrases qui m'apparaissent les plus importantes en politique, quand il a dit: Dire ce que l'on pense et faire ce que l'on dit. J'ai tellement entendu des faux discours libéraux quand on votait la loi sur un référendum sur la souveraineté, où l'ensemble du Parti libéral mentait, M. le Président, à la population du Québec en votant une fausse loi, qu'ils n'ont jamais appliquée et qu'ils n'avaient jamais eu l'intention d'appliquer. M. le Président...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: J'imagine, M. le Président, parce que vous n'êtes pas un jeune parlementaire, vous connaissez évidemment les règles du parlementarisme, et on ne devrait pas, et je ne devrais pas avoir à me lever au moment où le député de Lévis intervient. Je lui rappellerai qu'il est tout juste, tout juste sur le bord, M. le Président, d'entorses très, très graves au règlement de l'Assemblée nationale lorsqu'il vient d'indiquer... Il y a eu des décisions rendues à l'effet que, qu'on parle d'un député ou de l'ensemble des députés, on ne peut pas imputer de motifs indignes au député ou à son groupe, et surtout pas alléguer qu'ils ont menti. Alors, je demanderais, M. le Président, je vous demanderais de rappeler le député de Lévis à l'ordre et qu'il retire ces propos-là.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Le leader adjoint de l'opposition officielle a quand même plus d'expérience que ça en Chambre. S'il a une infraction à signaler au règlement, qu'il le fasse s'il ne l'a pas fait. Le député de Lévis est tout à fait conforme dans ses propos au règlement, et je pense qu'il serait dans l'intérêt pour le débat qu'il puisse rapidement pouvoir continuer.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous inviterais, M. le député de Lévis, à continuer votre discours.

M. Garon: M. le Président, d'ailleurs, les libéraux devront nous expliquer pourquoi ils avaient fait voter une loi sur la souveraineté, pour faire un référendum, pendant des heures, discutée en cette Chambre, alors qu'ils n'ont pas appliqué la loi et qu'ils n'avaient pas l'intention de l'appliquer. Ils devront nous dire également pourquoi, au cours de toutes ces années, ils ont essayé, ont-ils dit, de faire marcher un fédéralisme qui n'a pas fonctionné. Le lac Meech, c'est à vous autres; ça n'a pas marché. Charlottetown, c'est à vous autres; ça n'a pas marché. Puis on va nous dire après ça, à un moment donné: Votez contre la souveraineté au prochain référendum puis, là, ça va marcher, le fédéralisme renouvelé? Ça fait 100 ans que vous essayez de le renouveler, ça n'a jamais marché. Et M. Johnson, ou le chef de l'opposition, va réussir à garantir ce qu'il n'a jamais été capable de faire pendant neuf ans? Le Parti libéral, qui avait 102 députés déjà en cette Chambre, va être capable de nous dire qu'aujourd'hui il est capable de garantir d'autres choses qu'il n'a jamais été capable de faire dans les années passées? M. le Président, c'est une série de tentatives, de tentatives. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas essayé. S'ils n'avaient pas essayé, on pourrait dire: Ils vont essayer. Mais ils ont essayé! Ils essayent depuis 125 ans, M. le Président. Mais c'est aussi dur de changer le fédéralisme canadien, c'est peut-être plus dur, que de se mordre le front avec les dents d'en haut, M. le Président, et ce qui n'est pas peu dire.

M. le Président, le premier ministre a proposé quelque chose d'extraordinaire: faire quelque chose, bouger. Dans la formation professionnelle, vous avez essayé autant comme autant de faire en sorte que ce soit au Québec qu'il y ait un guichet unique, que la maîtrise d'oeuvre soit ici. Avez-vous réussi? Avez-vous réussi ou bien si c'est parce que vous n'avez pas essayé assez? Dites-le. Vous nous direz: On a essayé trop mollement. Vous avez essayé trop mollement, les libéraux n'ont pas essayé assez fort, c'est pour ça que ça n'a pas marché, ou bien ils ont essayé au maximum, et ça n'a pas marché.

(12 h 50)

Alors, qu'est-ce qui n'a pas marché? Le système ne fonctionne pas, M. le Président. La volonté d'agir dont parle le premier ministre, il a dit qu'elle doit s'axer d'abord sur la solidarité. Et ça, c'est très important parce que le plus grand moteur des Québécois, c'est la solidarité. Desjardins, les caisses populaires, s'est bâti sur une valeur – pas 50, une, la solidarité. Quand des gens mettent ensemble des dix cents dans la cuisine de Dorimène – parce que Desjardins, il traduisait au Parlement, pendant que Dorimène recevait les dix cents – il fallait avoir la foi en la solidarité pour penser qu'avec ça on contrôlerait notre économie. Pourtant, c'est fait. C'est fait. Aujourd'hui, on peut contrôler notre économie parce qu'il y a des gens qui ont eu la foi, avec la solidarité, foi dans la solidarité. Et c'est pourquoi, quand le premier ministre a dit une phrase très importante: «L'État québécois des années quatre-vingt-dix doit savoir écouter, proposer, mobiliser, diriger, oui, et accompagner. Et le moyen qu'il doit utiliser pour faire bouger les choses, c'est la solidarité. Solidarité des individus, solidarité des entreprises, des écoles, des organisations syndicales et patronales, c'est la solidarité des élus de tous les niveaux.» C'est ça que nous voulons faire, faire en sorte de travailler ensemble, faire des consensus. Et un des plus grands consensus, deux des plus grands consensus que nous aurons à faire en 1995, consensus sur la souveraineté politique du Québec, consensus sur l'avenir de l'école, du collège, de l'université, l'avenir de l'éducation. Parce que, ça aussi, c'est l'avenir. L'éducation, est-ce qu'il y a quelque chose qui est plus l'avenir que l'éducation, que la formation de nos jeunes qui aujourd'hui quittent l'école parce qu'ils sont découragés? On a eu le grand pape de l'éducation, M. Ryan, il n'a rien vu, lui. Il n'a même pas été question de décrochage. Ça décrochait, ça sortait des écoles. Du haut de sa tour, il ne voyait rien. Mais, aujourd'hui, on voit les niveaux de décrochage, à quel point ils sont élevés. Il faut changer ça. Et on va changer ça de quelle façon? En arrimant l'entreprise et l'école et avec le fonds de 1 % pour la formation des jeunes, avec des modèles qui fonctionnent, en formant dans la machinerie des entreprises. Et l'entreprise qui va être habile, dans son 1 %, elle va prévoir un montant d'argent pour quelqu'un de l'entreprise qui va surveiller pour que personne ne brise la machine. Mais, au lieu de surveiller la machine, elle va surveiller ceux qui sont les meilleurs et, à la fin de leur cours, elle va les engager. Les gens vont se rendre compte rapidement qu'en travaillant dans les usines, en ayant la formation théorique dans l'école, la formation pratique dans l'usine, on a un emploi au bout. L'intérêt de l'entreprise, ça va être, justement, de permettre aux jeunes d'entrer dans les usines, de se former en usine et d'engager les meilleurs. Et les jeunes, le sachant, feront en sorte d'être les meilleurs pour être engagés, parce qu'ils essaieront tous d'être les meilleurs. Qu'est-ce qu'il va arriver? Ils seront tous meilleurs. C'est ça qu'il faut faire. Il n'est pas normal qu'autant de jeunes quittent l'école en disant: Qu'est-ce que ça donne? C'est aussi bien d'aller vendre un hamburger chez McDo. Pensez-vous qu'on va bâtir un avenir uniquement par des gens qui disent: Je quitte l'école parce que je regarde d'autres qui ont étudié et ils ne se trouvent pas d'emploi? Au contraire. Il faut que l'école devienne un centre d'activité pour nos jeunes, centre d'activité de formation, mais une école où les gens se sentent bien. Ce n'est pas pour rien, quand le premier ministre a promis qu'on ouvrirait Batiscan. J'ai été nommé le lundi et, le vendredi, j'étais rendu à Batiscan. Et l'école est ouverte, à Batiscan. Et elle est ouverte à Saint-Jean-Eudes. Et Lefebvre va avoir une formule originale, encore là, qui a été négociée par les gens localement, qu'on finalise actuellement, pour faire des modèles d'écoles qui correspondent aux besoins des familles d'aujourd'hui, qui correspondent aux besoins des jeunes d'aujourd'hui qui ont des situations beaucoup plus difficiles que ce n'était le cas, il y a 30 ans ou 40 ans, où on était un peu dans la ouate, comparé aux enfants d'aujourd'hui.

M. le Président, comme on me dit que mon temps s'est écoulé, j'aurai sûrement l'occasion de revenir sur ces projets au cours de l'année qui vient. Rappelez-vous, M. le Président, que dans cette Chambre, on va avoir beaucoup d'heures pour parler de deuxgrands sujets: l'avenir politique du Québec par l'indépendance nationale de la souveraineté et l'avenir également de notre jeunesse par l'éducation, les réformes en éducation et les états généraux de l'éducation, qui doivent mobiliser l'ensemble de notre population.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Je suis prêt, maintenant, à reconnaître un nouvel intervenant...

M. Lefebvre: Un instant. On est à cinq minutes de la fin des travaux pour ce matin. Je suggère donc qu'on suspende jusqu'à 15 heures, étant donné que le prochain intervenant, de notre côté, parlera, évidemment, pour beaucoup plus que cinq minutes. Alors, je vous suggère, et j'imagine que j'ai le consentement de l'autre côté, de suspendre jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure et vu le consentement des parties, je suspends donc les travaux de cette Assemblée jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 3)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Si vous voulez bien vous asseoir.


Nomination des leader, leaders adjoints, whip et whips adjoints du gouvernement

À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de procéder aux affaires courantes, je vous avise que j'ai reçu de M. le premier ministre des lettres m'informant des nominations suivantes: au poste de leader du gouvernement, M. Guy Chevrette, député de Joliette; au poste de leader adjoint du gouvernement, M. François Gendron, député d'Abitibi-Ouest, et M. André Boisclair, député de Gouin, agira également comme leader adjoint; au poste de whip en chef du gouvernement, M. Jean-Pierre Jolivet, député de Laviolette; aux postes de whip adjoint du gouvernement, Mme Cécile Vermette, députée de Marie-Victorin, et M. Normand Jutras, député de Drummond. Ces nominations sont effectives à compter du 26 septembre 1994.


Nomination du président du caucus du Parti québécois

J'ai également reçu de M. le premier ministre une lettre m'informant de la nomination suivante: au poste de président du caucus du Parti québécois, M. Rosaire Bertrand, député de Charlevoix, et cette nomination est effective à compter du 25 octobre 1994. Et je dépose ces lettres.


Nomination des leader, leader adjoint, whip et whip adjoint de l'opposition

Je vous avise que j'ai reçu également de M. le chef de l'opposition officielle des lettres m'informant des nominations suivantes: au poste de leader de l'opposition officielle, M. Pierre Paradis, député de Brome-Missisquoi; au poste de leader adjoint de l'opposition officielle, M. Roger Lefebvre, député de Frontenac; au poste de whip en chef de l'opposition officielle, M. Georges Farrah, député des Îles-de-la-Madeleine. Ces nominations sont effectives à compter du 27 septembre 1994.

Et j'ai également reçu de M. le chef de l'opposition officielle une lettre m'informant de la nomination suivante: au poste de whip adjoint de l'opposition officielle, M. Michel Bissonnet, député de Jeanne-Mance, et cette nomination est effective à compter du 29 novembre 1994. Et je dépose également ces lettres.


Affaires courantes

Alors, à l'étape des affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Au titre de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, l'article b.


Projet de loi 39

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi 39, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, ce projet de loi permet à une personne qui a été candidate à la fois au poste de maire d'une ville de 100 000 habitants ou plus et, conjointement avec son colistier, à un poste de conseiller de cette ville, et qui a été proclamé élue à ce dernier poste, de renoncer à exercer la fonction de conseiller plutôt que de l'accepter en prêtant serment.

Le projet de loi prévoit que la personne doit agir dans un délai de 30 jours après la proclamation de son élection.

En cas de renonciation ou dans le cas où le candidat décède alors qu'il était encore en droit de renoncer à occuper le poste de conseiller, le président d'élection doit proclamer élu à ce poste le colistier avec qui le candidat s'y est présenté.


Mise aux voix

Le Président: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: L'article c, M. le Président.


Projet de loi 38

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le ministre du Revenu présente le projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. M. le ministre du Revenu.


M. Jean Campeau

M. Campeau: M. le Président, j'ai le plaisir de présenter à l'Assemblée le projet de loi 44, intitulé Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et la Loi sur le ministère du Revenu.

Ce projet de loi vise à transférer au ministère du Revenu les fonctions de prélèvement de la cotisation des employeurs au financement de la Commission des normes du travail. Il modifie la Loi sur les normes du travail, notamment de façon à y intégrer un chapitre spécifique reprenant l'ensemble des dispositions concernant le prélèvement de la cotisation actuellement prévu dans cette loi et dans le règlement sur le prélèvement autorisé par la Loi sur les normes du travail, mis à part le taux de cotisation qui pourra continuer à être déterminé par un règlement de la Commission des normes du travail.

Il prévoit également que les dispositions de ce chapitre constituent une loi dont l'administration relève du ministre du Revenu, de façon à rendre les dispositions d'application et d'exécution des lois fiscales, prévues dans la loi du ministère du Revenu, applicables à la perception de la cotisation.

Les modifications à la Loi sur le ministère du Revenu visent principalement à faire certains ajustements corollaires à l'introduction d'un chapitre fiscal dans la Loi sur les normes du travail, tout en prévoyant que les peines les plus lourdes qui sont applicables en matière fiscale ne s'appliqueront pas pour ces cotisations.

Voilà donc, M. le Président, un aperçu du contenu du projet de loi 44 que j'ai l'honneur de soumettre à cette Assemblée.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, il y a méprise sur le numéro de la législation, puisque c'est la loi 39 que le ministre doit déposer.

Une voix: ...

(15 h 10)

M. Chevrette: Effectivement. Non, non!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! O.K. Alors, article c. M. le ministre du Revenu.

M. Campeau: M. le Président, de fait, c'est le projet de la loi 38.

Le Président: M. le ministre.

M. Campeau: Oui. Alors, ce projet de loi modifie diverses lois afin de donner suite principalement au discours sur le budget du ministre des Finances... C'est ça?

Une voix: C'est ça.

M. Campeau: Bravo! ...du 12 mai 1994, à ses déclarations ministérielles du 24 novembre 1992 et du 30 novembre 1993 ainsi qu'aux bulletins d'information 91-1, 93-1, 93-2, 93-3, 93-5, 93-7, 94-1 et 94-4 émis par le ministère des Finances respectivement le 27 mars 1991, le 23 avril 1993, le 28 juin 1993, le 20 août 1993, le 25 novembre 1993, le 16 décembre 1993, le 31 janvier 1994 et le 4 novembre 1994.

De manière accessoire, il modifie la législation fiscale du Québec afin de l'harmoniser avec celle du Canada. À cet effet, il donne suite à certaines mesures d'harmonisation prévues dans le discours sur le budget du ministre des Finances du 20 mai 1993 ainsi que dans les bulletins d'information 92-12 et 94-3 émis par le ministère des Finances respectivement le 23 décembre 1992 et le 31 mars 1994.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre. Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Article 1, M. le Président.


Projet de loi 222

Le Président: À l'article 1 du feuilleton... J'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 222, Loi modifiant la charte de la Ville de Laval. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Et je dépose ce rapport.


Mise aux voix

M. le député de Vimont présente le projet de loi d'intérêt privé 222, Loi modifiant la charte de la Ville de Laval. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Alors, c'est adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.

Le Président: Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Dépôt de documents

Au titre des dépôts de documents, M. le leader du gouvernement et ministre des Affaires municipales.


Rapports annuels de la Régie de la sécurité dans les sports du Québec et du ministère des Affaires municipales

M. Chevrette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 de la Régie de la sécurité dans les sports du Québec. J'ai également l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 du ministère des Affaires municipales.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.

Toujours au titre... À l'ordre, s'il vous plaît! Toujours à l'étape du dépôt de documents, Mme la ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine.


Rapports annuels du ministère de la Sécurité du revenu et du Conseil du statut de la femme

Mme Blackburn: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 du ministère de la Sécurité du revenu. J'ai également l'honneur de déposer le rapport annuel 1993-1994 du Conseil du statut de la femme.

Le Président: Alors, ces documents sont donc déposés.


Rapports du Directeur général des élections sur la mise en application de l'article 490 de la Loi électorale

Je dépose deux rapports du Directeur général des élections sur la mise en application de l'article 490 de la Loi électorale: le premier rapport concerne les élections générales du 12 septembre 1994; le second est relatif à une nouvelle élection, pour cause d'égalité des voix, qui s'est tenue le 24 octobre 1994 dans la circonscription électorale de Saint-Jean.


Rapports annuels du Directeur général des élections et de la Commission de la représentation électorale

Je dépose, conformément à l'article 542 de la Loi électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, le rapport annuel du Directeur général des élections pour la période du 1er avril 1993 au 31 mars 1994. Toutefois, les activités reliées à l'application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités sont rapportées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1993.

Je dépose également, conformément à l'article 542 de la Loi électorale et à l'article 886 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, le rapport annuel de la Commission de la représentation électorale pour la période du 1er avril 1993 au 31 mars 1994. Toutefois, les activités reliées à l'application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités sont rapportées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1993.


Rapport des vérificateurs et état des dépenses et des crédits autorisés au Vérificateur général

Je dépose, conformément aux dispositions de l'article 70 de la Loi sur le Vérificateur général, le rapport des vérificateurs qui ont procédé à la vérification des dépenses et des crédits autorisés au Vérificateur général du Québec pour l'exercice financier terminé le 31 mars 1994.


Lettre de démission de M. Gilles-R. Tremblay comme membre de la Commission de la fonction publique

Je dépose la lettre de démission de M. Gilles-R. Tremblay comme membre de la Commission de la fonction publique à compter du 24 octobre 1994.


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale et liste des documents dont la loi prescrit le dépôt à l'Assemblée

Je dépose les décisions 692, 694, 696, 701 et 702 du Bureau de l'Assemblée nationale.

Je dépose également la liste des documents dont la loi prescrit le dépôt à l'Assemblée.


Nouveau diagramme de l'Assemblée

Et je dépose, enfin, le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale daté du 29 novembre 1994.

Alors, il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Et, nous entamons la période des questions et réponses orales. M. le chef de l'opposition.


Mesures visant à contrer le déficit

M. Johnson: Oui. M. le Président, hier, le premier ministre, dans son discours inaugural, nous a tendu la main afin que nous allions avec lui vers l'objectif que représente son projet politique de séparation du Québec du reste du Canada. On peut soupçonner qu'il connaissait d'avance notre réponse; de toute façon, je la lui ai donnée.

Ce matin, j'ai, à mon tour, demandé au premier ministre ou offert au premier ministre que nous fassions ensemble marche vers un objectif qui, dans ce cas, a été formulé expressément et par lui et par moi, et qui tient à l'élimination du déficit des opérations courantes, donc à arrêter d'emprunter pour payer l'épicerie. Je demande cet après-midi au premier ministre s'il accepte cette offre de collaboration de l'opposition, et, en conséquence, il pourra déposer et nous pourrions adopter avant Noël un projet de loi qui vise à éliminer le déficit dans les finances publiques, à arrêter d'emprunter pour payer l'épicerie et, donc, à se soucier des contribuables et des jeunes Québécois.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, ce serait tellement simple si on pouvait éliminer un déficit en légiférant.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 20)

M. Parizeau: Cinq ans ont passé, pendant lesquels le déficit du gouvernement a triplé. Pourquoi ils n'ont pas passé une législation pour l'empêcher de monter? Cet espoir qu'on peut régler un déficit par la législation vient, M. le Président, des États-Unis, comme le disait le chef de l'opposition ce matin. C'est la loi Gramm-Rudman. Et la loi Gramm-Rudman n'a pas marché dès le départ. Elle fixait des objectifs de déficit, et puis des mécanismes de coupures, et ça a déraillé dès que c'est parti.

Je veux revenir ici sur l'offre du chef de l'opposition, parce qu'elle met au moins le doigt sur quelque chose. Ce n'est pas tellement dans le contrôle des dépenses – comment dire – depuis au moins un an qu'on trouve des problèmes à l'heure actuelle. On va arriver à tenir, nous, en dépit des dépassements, à peu près le contrôle des dépenses tel que l'avait prévu l'opposition quand elle était au pouvoir. C'est du côté du revenu que ça ne marche pas. Les revenus ont été extraordinairement sous-évalués.

Est-ce que vous pensez que c'est une loi d'équilibre budgétaire qui va faire en sorte qu'on aille arrêter la contrebande de l'alcool? Non, c'est le travail de la police et du ministère du Revenu, pas une loi. Qu'est-ce qui va faire en sorte qu'on corrige l'extraordinaire erreur qui a été faite dans les projections de la TVQ sur les services? Énorme comme erreur! Ce n'est pas une loi qui va corriger l'erreur. Nous avons d'énormes problèmes sur la perception des revenus, et le contrôle du travail au noir, le contrôle de la contrebande, l'inspection correcte des livres, ce n'est pas une loi qui va faire ça, c'est la volonté politique de le faire aboutir.

Le Président: M. le chef de l'opposition, en question complémentaire.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que ça signifie que le premier ministre n'aurait jamais voté pour une loi qui contraint un gouvernement à éliminer les déficits? Est-ce que ça signifie, dans le fond, que le gouvernement n'a aucune volonté politique de se contraindre, de s'obliger à respecter les équilibres financiers?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Je me méfie surtout, M. le Président, je me méfie surtout de passer des lois qu'on n'a pas l'intention de respecter. Les lois de pensée magique, très peu pour nous. Les lois 150, là, dont on dit après: On n'a pas l'intention de les respecter, on a fait ça pour la frime, très peu pour nous. Des histoires comme ça, on ne mangera pas de ce pain-là. On va simplement travailler à faire en sorte que les impôts qui doivent rentrer rentrent, que la contrebande s'arrête, que le travail au noir soit contrôlé, que les inspections des livres des compagnies soient faites. Oui, on va s'engager à ça.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre n'est pas en train de nous dire, M. le Président, que, sachant, comme il doit le savoir, que le déficit est la résultante de la différence entre les revenus et les dépenses, tout ce qu'il regardera, c'est les revenus, et d'augmenter les revenus, et que d'aucune façon il n'entend se contraindre, à l'évidence, ni quelqu'un d'autre de ses collègues, à limiter les dépenses publiques? C'est ça qu'il est en train de nous dire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, M. le Président. On dit qu'il faut restreindre les dépenses. Singulièrement les dépenses courantes, pas les dépenses d'immobilisations. Pourquoi on ferait ça? On ne l'a pas caché pendant la campagne électorale. Les dépenses d'immobilisations, pourquoi voudriez-vous qu'on coupe ça? On ne coupe pas le travail. Mais c'est vrai qu'on a l'intention de faire ce qu'ils n'ont pas fait pendant si longtemps, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on augmente les revenus, que ceux qui doivent payer des impôts les paient et que le déficit cesse de grimper, cesse d'augmenter, cesse d'être au niveau où il est, simplement parce qu'on ne va pas ramasser les impôts que ceux qui les doivent devraient payer.

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition.


Processus d'accession du Québec à la souveraineté

M. Johnson: M. le Président, dans la poursuite de son projet politique, déjà, le premier ministre, depuis quelques semaines – avec un peu plus de précisions depuis quelques jours, et on aurait pensé, quand même, hier – a commencé à évoquer la mise sur pied ou la mise en marche d'un processus ou de mécanismes qui, d'une façon ou d'une autre, contribueraient, prétend-il, à éclairer les esprits de l'ensemble des Québécois sur les enjeux vers lesquels il veut nous amener.

Il a présenté – et je le rappelle – ce processus ou ces mécanismes comme étant astucieux. Le dictionnaire, quelquefois assez précisément, indique que l'astuce est assimilable à des gestes fins finauds, trompeurs, retords – enfin, je vous réfère au «Larousse», je vous réfère à «Littré», «Larousse», «Robert» ou quoi que ce soit, les sources habituelles – alors qu'il est éminemment souhaitable que le processus ou le mécanisme soit clair.

Mais, au-delà de la clarté de l'astuce, est-ce que le premier ministre, compte tenu de l'importance de ce sujet, de toute façon, la mise sur pied d'une commission ou quoi que ce soit qui aurait le mandat d'écouter les Québécois, semble-t-il dire, de façon assez universelle... Est-ce que cet enclenchement de ce processus, selon lui – comme je lui ai suggéré ce matin – compte tenu de son importance primordiale pour le Québec et des enjeux, ce mécanisme ne doit-il pas être paritaire, c'est-à-dire faire appel à l'ensemble des membres de cette Assemblée, je dirais de façon unanime et de consentement, non seulement dans sa définition, mais dans son fonctionnement?

Compte tenu de l'importance de l'enjeu, y a-t-il de la place pour tous les Québécois de façon égale et pour toutes les options de façon égale?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: J'ai annoncé hier soir que le processus dont parle le chef de l'opposition sera rendu public mardi. Bon. On peut faire des hypothèses aujourd'hui, mais pourquoi ne pas faire la chose simplement la plus correcte, c'est-à-dire attendre mardi. Puis, mardi, tout va être déposé en cette Chambre. Ensuite, qu'est-ce qui va se produire sur le plan de nos travaux ensemble? Eh bien, ils vont se développer selon les règles de la vie parlementaire. Je ne sais pas si le premier ministre... le chef... l'ex-premier ministre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Les habitudes! Ha, ha, ha!

Une voix: Ça ne vous en prend pas gros!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: Pendant un bout de temps, on m'a appelé le ministre des Finances au cours des dernières années. Excusez-moi!

Ce qui va se produire, simplement, c'est que – je ne sais pas si le chef de l'opposition appelle ça «paritaire» ou pas – on a des règles dans cette Assemblée qui font que les choses que nous avons à discuter, nous les discutons ensemble; puis, des fois, on vote ça à l'unanimité, puis, d'autres fois, on ne vote pas ça à l'unanimité. Bien sûr, moi, j'espère que, dans toutes les décisions qui vont découler de l'annonce que je vais faire mardi, on puisse être aussi souvent que possible unanimes, mais le chef de l'opposition ne peut pas me l'assurer, puis moi non plus.

Le Président: M. le chef de l'opposition, en complémentaire.

M. Johnson: Étant donné que le premier ministre se targue de dire ce qu'il pense et de faire ce qu'il dit, alors qu'il avait annoncé vendredi, pour les incrédules là-bas, que nous saurions hier ce qu'il en était de ce processus mais qu'on ne l'a pas su, est-ce que, à tout le moins, le premier ministre ne pourrait pas s'engager immédiatement, au-delà du fait que, oui, quelquefois, c'est unanime ici et, d'autres fois, ce ne l'est pas, mais qu'il n'en reste pas moins qu'il y a une majorité et une opposition... Est-ce que ce n'est pas évident que, compte tenu des enjeux, le premier ministre devrait donner l'engagement que, compte tenu de l'enjeu et de son caractère primordial pour l'avenir du Québec et des Québécois, les démarches sur le fonctionnement et la définition du processus devraient être paritaires? Il sait la différence entre «paritaire» et «unanime». Est-ce que ça sera paritaire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, qu'il attende donc à mardi, le chef de l'opposition, puis, sur cette base-là, quand il aura vu ce dont il s'agit, bon, bien, là, il pourra peut-être poser des questions quant aux procédures qu'on devrait, ensemble ou séparément, suivre. Mais attendons donc de voir les choses mardi. Ça sera tellement plus simple comme débat par la suite.

(15 h 30)

Le Président: Mme la députée de La Pinière.


Déclaration de M. Yves Michaud sur le multiculturalisme

Mme Houda-Pepin : M. le Président, M. Yves Michaud, chargé de mission à la délégation générale du Québec à Paris, a adressé au ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles un message accompagné d'un article publié par le magazine Le Point du 19 novembre dernier. Dans cet article, l'auteur, Guy Carcassone, s'insurge contre le fait que la France s'apprête à signer une convention-cadre préparée sous l'égide du Conseil de l'Europe et visant à protéger les droits des minorités. Dans son message, M. Michaud qualifie de «rafraîchissant» l'article du Point et suggère au ministre de faire disparaître le concept de communautés culturelles à cause du caractère revendicateur des minorités.

Est-ce que le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles – et je souligne «et des Communautés culturelles» – endosse les propos de son ami et chargé de mission à Paris, M. Yves Michaud?

Le Président: Alors, M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je reconnais que la question est remarquablement bien posée et qu'elle m'arrive sans surprise, et j'y réponds de la façon suivante. Les fonctionnaires de l'État ont comme devoir de renseigner les gouvernants et les dirigeants des ministères sur les courants d'opinion qu'ils décèlent ou les opinions qu'ils ont eux-mêmes, et les dirigeants reçoivent ces avis et en prennent et en laissent.

Dans le cas de l'avis que m'a envoyé le chargé de mission à Paris, j'en ai laissé beaucoup. D'abord, il a attiré mon attention sur le fait que les Français, comme d'autres, remettent très sérieusement en question le concept du multiculturalisme.

J'en laisse, d'abord parce que j'ai trouvé de meilleurs articles, ici, qui remettent en question, profondément et mieux que M. Carcassone, le concept du multiculturalisme. Je vous en énumère quelques-uns: Marcel Adam, La Presse ; à peu près dans les mêmes termes, samedi dernier, le jour même où M. Michaud – on dirait qu'il y a eu étrange transmission de la pensée – me parle de regard rafraîchissant, le Globe and Mail parle, pour le même sujet, de «refreshing outlook». On dirait qu'il y a eu transmission de la pensée. Le Globe and Mail parlait, évidemment, du livre de M. Bissoondath, «Selling Illusions», que je vous recommande aussi.

Je vous recommande également le recteur Corbo qui est votre ancien recteur comme le mien, n'est-ce pas? M. le Président, madame était de cette merveilleuse institution qu'est l'UQAM. Notre recteur a écrit, à mon avis, des propos définitifs sur la question, dans une plaquette qui s'appelle «Mon appartenance au Québec». Et je signale au député de Mon-Royal que c'est Corbo, b-o, et qu'il sait vraiment de quoi il parle. Il dit que le multiculturalisme, au mieux, conduit au ghetto. Alors, cette partie-là, on peut la négliger parce que la députée de Saint-François avait eu l'intelligence de ne pas tomber dans ce piège. Le Québec n'a pas, comme politique, le multiculturalisme. Le précédent gouvernement et le gouvernement actuel cherchent une intégration harmonieuse dans l'interculturalisme...

Le Président: En terminant, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): ...des hommes et des femmes qui viennent vivre parmi nous et que nous sommes si contents et contentes d'accueillir.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que les questions tout comme les réponses doivent s'adresser à la présidence. Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Question additionnelle, M. le Président. Comment le ministre peut-il refuser de condamner les propos de son ami et chargé de mission à Paris et, du même souffle, corroborer l'amalgame démagogique que ce dernier fait justement entre la politique québécoise des communautés culturelles qui représente un consensus social au Québec et celle du multiculturalisme du gouvernement fédéral qui a été rejetée par tous les gouvernements qui se sont succédé, au Québec, depuis 1971?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, jamais aucun gestionnaire efficace ne va condamner les propos qu'un de ses collaborateurs, pour le conseiller, lui adresse de façon confidentielle. La confidence fut éventée. Ce n'est pas grave, d'ailleurs, parce que ça nous donne l'occasion d'avoir ce débat. Cependant, je signale au député de Mont-Royal que... Je signale au Président, au sujet du député de Mont-Royal, qu'un de mes enfants me faisait remarquer, au sujet du député dont j'ai parlé, que, quand on reçoit une lettre qui ne nous est pas adressée, la politesse et la courtoisie veulent qu'on ne l'envoie pas à la Gazette mais à son véritable destinataire.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, Mme la députée, en question complémentaire.

Mme Houda-Pepin : Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le refus du ministre de condamner les propos de son ami, M. Michaud, n'est motivé que par la perspective du prochain référendum, comme en témoigne sa déclaration au Journal de Montréal du 29 octobre où le ministre a déclaré, et je cite, qu'«il n'est pas sain que la démocratie à Montréal soit à la totale merci des communautés ethniques».

Autrement dit, M. le Président, les communautés culturelles auraient-elles, aux yeux du ministre, un statut de minorité avec des droits garantis seulement si elles votaient massivement pour le PQ?

Des voix: Bravo!

Le Président: Vous me permettrez de suggérer qu'en deuxième complémentaire on fasse en sorte que les questions soient peut-être plus courtes. M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je vais essayer de le faire pour la réponse, M. le Président.

Le Président: Oui.

M. Landry (Verchères): M. le Président, la minorité anglophone du Québec, et c'est une des grandes fiertés, j'espère, des hommes et des femmes des deux côtés de cette Chambre, est la minorité la mieux traitée au monde. Et pourtant, elle a l'habitude de voter massivement contre notre formation politique, moins, quand même, 10 % d'entre eux. Comme ils sont à peu près 500 000, ce n'est pas un segment de vote négligeable. Et jamais leurs droits n'ont été en question. Nous avons été 10 ans au pouvoir et nous les avons plutôt augmentés que restreints, y compris leur réseau d'éducation et leur réseau de santé.

Ceci dit, cette minorité a un statut tout à fait particulier. Et vous avez parlé d'amalgame. Mais amalgamer les droits sacrés des anglophones du Québec au statut des communautés culturelles – et je vous fais remarquer que c'est nous qui avons mis sur pied le ministère des Communautés culturelles – ce n'est pas un procédé d'une élégance intellectuelle particulière.

Le Président: M. le leader de l'opposition, en question principale.


Citoyenneté de Mme Marie Malavoy

M. Paradis: Oui, M. le Président, question principale. Le premier ministre maintient-il devant cette Chambre que ni lui ni personne de son entourage n'a été informé avant samedi le 19 novembre 1994 de l'affaire Malavoy?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Samedi le 19? Non. Effectivement, je n'ai pas été informé, et, à ma connaissance, personne de mon entourage n'a été informé.

M. Sirros: Question principale.

Le Président: Oui, M. le député de Laurier-Dorion.


Report du projet Grande-Baleine

M. Sirros: Hier, M. le Président, le premier ministre a énuméré une série de gestes que son gouvernement avait posés jusqu'à date. Partout dans le discours, M. le Président, il disait: Nous avons pris, nous avons agi, nous avons fait. Quand est venu le temps de parler de Grande-Baleine, il a dit, et je cite: «Et j'ai pris une décision majeure: j'ai annoncé que mon gouvernement n'allait pas s'engager dans le projet Grande-Baleine.»

M. le Président, moi, j'aimerais savoir sur quoi le premier ministre s'est basé pour prendre cette décision tout seul, quels sont les avis, les rapports, les études qu'il a consultés.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, d'abord sur l'avis du député de Laurier-Dorion qui, il n'y a pas si longtemps, disait: Je n'exclus pas la possibilité de repousser les échéanciers mis de l'avant. Il voulait revoir, disait-il, le dossier le 15 janvier, en fonction des besoins énergétiques. Je veux, disait-il, que la demande me soit prouvée et démontrée.

La même année, c'est-à-dire cette année, Hydro-Québec repoussait la date de Grande-Baleine à 2008. L'année dernière, dans sa programmation, cette date-là était de 2002. C'est vrai, il n'est pas démontré qu'on a besoin de cette électricité.

(15 h 40)

D'autre part, on aura noté que les cinq groupes qui examinent les conséquences écologiques de Grande-Baleine sont arrivés, il y a quelques jours, à la conclusion que les études, qui ont coûté, sur 11 ans je pense, 256 000 000 $ plus les intérêts capitalisés depuis 1976 – si on capitalisait les intérêts depuis 1976, ça fait presque 500 000 000 $ – une bonne partie de ces études devait être recommencée. Eh bien, voilà pourquoi, m'appuyant sur tout ça, j'en ai conclus qu'on pouvait mettre Grande-Baleine sur la glace.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en question complémentaire.

M. Sirros: M. le Président, est-ce que le premier ministre s'est posé ou reposé sur des impressions qui se sont dégagées à partir de quelques faits pour arrêter le processus d'examen qui aurait pu lui fournir des informations pour prendre une décision éclairée? Quand on dit, M. le Président, que, quand l'État agit seul, il agit mal, est-ce qu'on ne peut pas dire la même chose du premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Quand tout a été étudié longuement, que ça a coûté très cher, que ça a été, pour une part, gaspillé, que les projections de la demande indiquent que le besoin n'est pas là, il y a deux attitudes possibles, M. le Président: pelleter en avant, jamais décider, laisser les frais continuer à s'accumuler ou bien dire: Ça suffit. Ce n'est pas mauvais, pour un gouvernement, de temps à autre, après des années à louvoyer, à étudier, à revenir sur ses pas, que quelqu'un, à un moment donné, tranche.

Le Président: Une deuxième complémentaire, M. le député.

M. Sirros: En additionnelle. Je veux bien qu'on tranche, M. le Président, mais en fonction des besoins énergétiques, non pas en fonction des besoins référendaires.

Concrètement, est-ce que le premier ministre peut affirmer de son siège qu'il a la conviction qu'Hydro-Québec ne changera pas ses prévisions, comme elle l'a déjà fait dans le passé, et qu'on ne se retrouvera pas en besoin d'énergie?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, jamais de mon siège je ne m'appuierais sur des projections d'Hydro-Québec. Ça fait trop longtemps que j'en vois. Bon. Cela...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Parizeau: Cela étant dit, M. le Président, il y a des moments où Hydro-Québec dispose de vraiment trop de capacité. C'est arrivé dans les années quatre-vingt; ça recommence maintenant. Et, bien qu'il y ait, dans les projections, des marges assez importantes de variations d'une année à l'autre, il reste que c'est prouvé qu'il va y avoir trop d'électricité pendant un grand bout de temps. C'est pour ça qu'Hydro-Québec s'est retirée de la cogénération et qu'à toutes fins pratiques il n'y en aura à peu près pas. C'est pour ça. Et elle est même forcée, à l'heure actuelle, de payer des dédits en se retirant de la cogénération – on se comprend bien. Puis, là, on propose qu'ils recommencent toute une série d'études à coup de dizaines de millions, alors que c'est clair qu'il y aura de l'électricité en quantité pour des années à venir.

Dans ces conditions, M. le Président, il faut que quelqu'un tranche, il faut que quelqu'un décide. C'est des fonds publics, ça...

Le Président: Brièvement, M. le premier ministre.

M. Parizeau: ...il ne faut pas dépenser ça n'importe comment. Il ne faut pas se dire simplement: En ne prenant pas de décision, ça coûtera quelques dizaines de millions de dollars de plus, mais, après tout, tout le monde s'en fout. Bien, moi, je ne m'en fous pas.

Le Président: Une dernière complémentaire, M. le député.

M. Sirros: Dois-je comprendre, M. le Président, qu'au moment où on se parle Hydro-Québec a reçu instruction d'aviser les comités environnementaux que tout le processus est arrêté et mis dans la poubelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Bien non, M. le Président! Il faut d'abord savoir où ils en sont, qu'est-ce qui reste à terminer. Je ne veux pas commencer... Non, mais, M. le Président, on parle du processus d'analyse environnementale, on ne parle pas du projet. Ces cinq comités-là, il y en a du gouvernement fédéral, il y en a d'un peu partout. Je veux savoir où ils en sont. Mais une chose est tout à fait claire, c'est qu'il n'est pas question d'engager, dans un avenir prévisible, des dépenses additionnelles de ce côté-là.

Le Président: Pour une dernière complémentaire.

M. Sirros: Je veux tout simplement savoir de la part du premier ministre, en complémentaire: S'il n'a pas arrêté le processus environnemental, c'est quoi, au juste, qu'il a arrêté? Parce que c'est la seule chose qui était engagée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Exactement. Alors, pourquoi ces protestations, M. le Président? Pourquoi ces protestations que ça va gêner l'emploi? L'emploi de qui? Là, ce que vient de dire le député est extrêmement révélateur de la langue de bois qui entoure cette question depuis si longtemps. Ah oui! C'est tout ce qu'il y avait d'engagé? Bon, bien, alors, pourquoi est-ce que tout le monde se plaint que j'aurais ainsi annulé des emplois? Mais, il n'y avait pas d'emplois pour la construction de prévus pour des années, on le sait bien.

Alors, qu'est-ce qu'on fait de raisonnable, c'est de dire: Écoutez, cette affaire-là, sur la glace. Maintenant, ceux qui sont en train de travailler sur des évaluations environnementales, faites-nous un état de ce qui reste à finir, de votre point de vue, dans l'immédiat. On ne va pas arrêter les rapports en plein milieu. Si ça peut se terminer assez rapidement, faisons-le, puis, sinon, bien, arrêtez tout.

Le Président: Alors, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.


Projet d'une usine de panneaux gaufrés à Rivière-du-Loup

Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de l'usine de panneaux gaufrés à Rivière-du-Loup ne verra vraisemblablement jamais le jour. Le groupe Deniso Lebel était pourtant disposé à investir 40 000 000 $ dans ce projet. Aucune aide gouvernementale ni contrat d'approvisionnement sur les terres publiques n'était requis. Toutefois, le ministre des Ressources naturelles refusait quand même d'octroyer le permis d'exploitation et privait ainsi le Bas-Saint-Laurent d'environ 100 emplois directs et 300 emplois indirects. Maintenant, c'est le Nouveau-Brunswick, avec le premier ministre McKenna en tête, qui fait tous les efforts pour attirer l'investissement dans sa province. Voilà l'autre façon de gouverner.

M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Ressources naturelles. Peut-il nous expliquer les raisons de ce refus et nous indiquer comment il entend préserver cet investissement au Québec?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais indiquer à la députée de Kamouraska-Témiscouata qu'au niveau des faits ce n'est pas tout à fait ça, le dossier. Je n'ai rien refusé à date. J'ai tout simplement indiqué que, nous, on aura l'honnêteté, dans l'autre façon de gouverner, de dire la vérité et de donner l'heure juste à des citoyens. Des tricheries électriques, il n'y en aura plus avec nous autres, et pas plus d'autres types de tricheries.

Alors, dans ce dossier-là, ce n'est pas compliqué. Dans ce dossier-là, ce n'est pas compliqué. C'est que, quand je regarde l'ensemble de l'unité de gestion, il y a une surcapacité de coupe de 133 500 m³. On ne peut pas avoir des discours sur le développement durable, s'assurer de la pérennité de la ressource, parce que c'est une ressource qui appartient à tous les Québécois, et se comporter comme un irresponsable dans l'allocation de la ressource.

Alors, ce que j'ai dit à ces gens-là qui, en passant, en présence du député de Rivière-du-Loup, ont été très corrects lorsqu'ils sont venus me rencontrer mardi matin, les représentants de la ville, Mme la mairesse, le préfet de la MRC, je leur ai donné l'heure juste et je leur ai dit que je n'ai absolument rien contre un investissement de panneaux gaufrés dans Rivière-du-Loup, mais encore faut-il qu'il y ait de la bouffe, encore faut-il qu'il y ait de la matière ligneuse à attribuer. Et, présentement, toutes les indications que j'ai, comme ministre des Ressources naturelles, ne m'indiquent pas que j'ai de la ressource pour alimenter cette usine de panneaux gaufrés.

(15 h 50)

Ils m'ont laissé voir que, eux, ils m'en trouveraient. Bien, bravo! Je leur ai dit: Écoutez, on va se mettre tout le monde au travail, avec des photos aériennes ou des photos spécialisées, peu importe, et on va essayer d'en trouver. Alors, là, on s'est donné 15 jours pour faire la conciliation de nos chiffres. Et il n'y a rien qui me ferait plus plaisir que de dire oui à un projet à Rivière-du-Loup si on a la matière ligneuse.

Quant à tout votre petit bout sur le Nouveau-Brunswick, informez-vous, voir, de l'état du dossier au Nouveau-Brunswick. Vous allez voir que les réponses que vous allez recevoir sont minces en étoile!

Le Président: Mme la députée, en question complémentaire.

Mme Dionne: Oui, M. le Président, en additionnelle. Le ministre se serait-il plutôt servi du projet de Deniso Lebel pour accélérer et favoriser la signature d'une entente d'approvisionnement entre le Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent et Donohue Matane, filiale du groupe Quebecor et ancien employeur du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, et peut-il, par souci de transparence, nous déposer copie de cette entente?

Le Président: M. le ministre.

M. Gendron: M. le Président, je dirais à Mme la députée que c'est très difficile de se servir d'information que vous nous apprenez aujourd'hui. Alors, moi, Quebecor et ex je ne sais pas quoi, ça ne m'intéressait pas dans ce dossier-là, donc ce n'est pas de même que j'ai regardé le dossier. Je vous ai indiqué tantôt qu'on prend des décisions responsables, dossier par dossier.

Le redémarrage de l'usine de Donohue Matane, nous, ça nous intéresse, parce que, gaspiller les fonds publics, moi, ça ne m'intéresse pas, et il y a 125 000 000 $ qui sont en jeu là-dedans. Le même monde, en passant, y incluant les gens de Rivière-du-Loup, m'ont dit que repartir Donohue Matane était vraiment plus intégrateur, compte tenu de l'ampleur, de la signification qu'aurait le redémarrage. Et ce qu'on a regardé, c'est est-ce que nous étions en mesure de soutenir un redémarrage crédible avec un montage financier qui a de l'allure pour Donohue Matane – et ça a l'air de bien aller, on va annoncer ça prochainement. Ça, c'est un dossier.

L'autre dossier, j'ai regardé s'il y avait de la matière ligneuse dans le peuplier – parce que, le panneau gaufré, on n'est pas dans le résineux, on est dans le feuillu – et je n'ai pas de matière ligneuse à attribuer. Vous me dites: Est-ce que j'aurais fait des tractations avec le Syndicat des producteurs de bois? Le Syndicat des producteurs de bois est grand garçon, c'est eux-mêmes qui signent leur entente, ce n'est pas le ministre des Ressources naturelles.

Le Président: Mme la députée.

Mme Dionne: Oui, M. le Président, en dernière additionnelle. Comme ça, le ministre, par souci de transparence, il va déposer l'entente qui a été signée? Et est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie est intervenu, au nom de son ancien employeur, auprès de son collègue des Ressources naturelles afin de faire ratifier rapidement cette entente?

Le Président: M. le ministre.

M. Gendron: Non.

Le Président: S'il vous plaît, à l'ordre! Alors, je reconnais maintenant, en question principale, M. le député de Rivière-du-Loup. Ou additionnelle?

M. Dumont: Additionnelle.

Le Président: Additionnelle.

M. Dumont: En additionnelle, au ministre des Ressources naturelles: Est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut nous assurer qu'il n'a pas utilisé une menace de permis d'usine qui ne serait pas donné au projet de Deniso Lebel pour forcer le Syndicat des producteurs de bois à négocier avec Donohue?

Le Président: M. le ministre.

M. Gendron: Non.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: En courte additionnelle, au ministre des Finances. Compte tenu qu'il est su que le ministère des Finances a été impliqué avec Donohue dans le projet, le ministre des Finances peut-il assurer les citoyens du Québec qu'aucun sou de taxes et d'impôts des contribuables québécois ne va être remis pour rouvrir Donohue, pour poursuivre dans les erreurs qui ont été faites dans le passé à Matane?

Le Président: M. le ministre. M. le ministre des Finances.

M. Campeau: Voilà!

M. Landry (Verchères): Il vous connaît bien.

M. Campeau: Vous savez que Donohue – DMI – est une propriété à 50 % de REXFOR, société d'État, et de Donohue. Alors, évidemment, ces deux compagnies-là, s'il s'agit de reprendre la compagnie, de remettre en marche DMI, eh bien, elles vont le faire ensemble. Peut-être auront-elles de l'argent à remettre toutes les deux. Elles en remettront à parts égales s'il y a de l'argent à remettre pour trouver un fonds de roulement.

Le Président: M. le député de Nelligan, en question principale.


Création d'un cégep francophone dans l'ouest de l'île de Montréal

M. Williams: Merci, M. le Président. Le 12 juillet dernier, le gouvernement annonçait la création d'un centre d'études francophone collégial dans l'ouest de l'île de Montréal, rattaché au cégep de Saint-Laurent, pour ouvrir en septembre 1995. À cet égard, cette décision avait reçu un accueil unanime de la part des citoyens francophones et, M. le Président, je tiens à le préciser aussi, des anglophones. We had a consensus in the West Island, et nous avons eu ça après une véritable consultation populaire de tous les intervenants.

Le financement de ce nouveau centre d'études était innovateur. Il incluait le secteur privé, la communauté, la ville de Pierrefonds et respectait nos exigences à l'égard des finances publiques. Tous les membres de cette Assemblée nationale savent clairement qu'un des jalons de la promotion de la langue française passe par la capacité de bénéficier de services éducatifs dans la langue maternelle. Pourtant, le nouveau gouvernement a annulé le projet.

M. le Président, le ministre de l'Éducation peut-il nous dire pourquoi il ne juge pas important que les étudiants francophones de l'ouest de l'île de Montréal puissent bénéficier de ressources éducatives de niveau collégial dans leur région, et ce, dès septembre 1995?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Garon: M. le Président, il est vrai que le Parti libéral, qui était au gouvernement, avait fait un engagement de former une antenne du cégep Saint-Laurent dans l'ouest de Montréal. Il y avait un autre parti, qui s'appelle le Parti québécois, qui avait pris l'engagement de former un nouveau cégep, un vrai cégep, pas une antenne. Alors, il est arrivé que le parti qui a gagné les élections, c'est celui qui promettait un nouveau cégep. Et ce que j'ai fait, j'ai mis la procédure en marche en écrivant au président du Conseil supérieur de l'éducation pour lui demander, comme c'est supposé se faire selon la loi, son avis concernant la création d'un nouveau cégep. Et, actuellement, on travaille plutôt sur la création d'un cégep de 1 000 à 1 200 places dans l'ouest de l'île de Montréal. Et on pense qu'il devrait être surtout localisé dans un secteur qui est plus francophone.

Le Président: M. le député, en question complémentaire.

M. Williams: Est-ce qu'il faut comprendre des propos du ministre qu'un débat sur les structures lui importe plus que les élèves francophones de secondaire V actuellement qui attendent des services d'enseignement collégial dans leur région, et ce, dès septembre 1995, pas dans trois, ou quatre, ou cinq ans?

Le Président: M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, le gouvernement libéral a eu neuf ans pour faire un cégep francophone dans l'ouest de Montréal. Pendant neuf ans, il n'a rien fait. Il a fait une promesse électorale au moment des élections. Là, actuellement, au début de son mandat, le gouvernement actuel entame le processus prévu par la loi pour la création d'un cégep. Pas une antenne, un cégep. Et le processus prévu par la loi prévoit qu'on doit demander l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, puis, après ça, il y a tout un processus qui est engagé. Et je dois vous dire une chose, que je veux procéder le plus rapidement possible avec l'accord de tous les gens qui sont dans le caucus du Parti québécois, qui actuellement forment un comité et un groupe de travail là-dessus.

Alors, l'intention du gouvernement, c'est qu'il y ait un cégep dans l'ouest de l'île de Montréal. Il y a eu des engagements. Je vois le ministre des Finances qui y a participé. Il y a le ministre des Affaires internationales. J'ai vu le Dr Laurin, le député de Bourget, et le député d'Anjou. Beaucoup de députés y ont participé. Et je vais vous dire une chose, je sens beaucoup plus de poussées dans le dos venant... moins de politique, mais je me sens beaucoup plus de poussées dans le dos de la part des députés du Parti québécois.

Le Président: M. le député de Nelligan, en deuxième complémentaire.

M. Williams: Voilà l'autre façon de gouverner: le goût de bouger.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan, en question complémentaire, s'il vous plaît.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Si le ministre ne prenait pas des décisions aussi désastreuses – nous avons vu ça – on aurait pu avoir notre cégep déjà.

(16 heures)

M. le Président, est-ce que le ministre peut déposer les documents pertinents démontrant les justifications pour le report et la lettre d'avis qu'il a fait parvenir au Conseil supérieur de l'éducation? Sinon, ne doit-on pas conclure des propos du ministre que la seule raison d'annulation du projet est le vote massif reçu par le Parti libéral dans l'ouest de l'île de Montréal?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, ça me fera plaisir de déposer la lettre que j'ai écrite au président du Conseil supérieur de l'éducation. Je l'ai écrite, le processus est en marche, donc il va y avoir une réponse, normalement, du Conseil, et avec un délai très court. J'ai demandé que ce ne soit pas pour la semaine des quatre jeudis, que ce soit dans un délai assez court concernant cette question-là.

J'ai rencontré, également, les gens des autres cégeps qui ont peur de perdre de la clientèle et je leur ai montré également qu'il y avait des prévisions d'objectifs au point de vue de l'enseignement collégial et qu'il y avait des objectifs considérables d'augmentation de la clientèle dans les collèges. Et j'ai demandé s'ils avaient confiance aux propres objectifs qui avaient été fixés par le Conseil supérieur de l'éducation, il y a déjà un certain nombre d'années.

Or, comme, moi, j'ai confiance, je calcule qu'on devrait avoir besoin de ces places-là et que les autres cégeps ne perdront pas de clientèle, parce qu'il va y avoir plus de personnes pour étudier au cégep, comme le prévoyait et comme le souhaite le Conseil supérieur de l'éducation.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.


Compressions budgétaires dans les ministères

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Dans une entrevue accordée à M. Gilles Boivin, journaliste au Soleil , au début novembre, la présidente du Conseil du trésor a annoncé que le gouvernement avait décidé de ramener de la moitié ses 500 000 000 $ de compressions dans les dépenses des ministères parce qu'il y a un dépassement prévu, à la synthèse des opérations financières, à la page 7 de cette synthèse, de 235 000 000 $.

Comment fait la ministre responsable du Conseil du trésor pour soustraire cette nouvelle dépense des compressions, alors qu'il faudrait tout simplement l'additionner?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Marois: Alors, je remercie le député de sa question. S'il veut avoir un portrait, on peut faire ensemble celui que j'ai trouvé lorsque j'ai été saisie des dossiers au Conseil du trésor. C'était un dépassement de l'ordre de 498 000 000 $, d'une part, de compressions qui n'avaient pas été faites ou de dépassements qui avaient été acceptés par l'ancien gouvernement, M. le Président.

Et ce que j'ai dit à ce moment-là, c'est que nous ramènerions ce 498 000 000 $... nous effacerions la moitié de ce déficit, parce que, effectivement, du côté des emprunts, il y avait eu à la hausse, à cause des taux d'intérêt et à cause des taux de change, une addition de 234 000 000 $ qui venaient compléter ces 498 000 000 $. Alors, ce que j'ai fait, M. le Président, c'est que, d'une façon responsable et autrement que l'autre gouvernement ne l'avait fait, j'ai sollicité l'appui de mes collègues, des sous-ministres, des responsables d'organismes, de telle sorte qu'ils assument avec moi leurs responsabilités et que nous compressions des dépenses, de telle sorte que nous rentrions dans l'objectif qui était fixé au discours du budget, M. le Président.

Une voix: Bravo Pauline!

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et réponses orales.

Nous passons aux motions sans préavis.

De même qu'aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, s'il n'y a pas de renseignements, nous passons... Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Peut-être, M. le Président, pour nos collègues de la Chambre, on pourrait peut-être en profiter pour les inviter, parce qu'il n'y aura pas d'avis au niveau des avis des commissions, pour demain matin... Est-ce qu'ils seront faits demain matin? Ils seront faits demain matin? Correct.

Le Président: Oui, M. le leader, les avis seront faits demain matin. Ça va?


Affaires du jour

Alors, nous passons donc aux affaires du jour.


Affaires prioritaires


Reprise du débat sur le discours d'ouverture et sur la motion de censure

L'Assemblée procédera aux affaires prioritaires, soit à la reprise du débat sur le discours d'ouverture prononcé par M. le premier ministre le 29 novembre dernier et sur la motion de censure de M. le chef de l'opposition officielle.

Alors, je suis prêt maintenant à céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Évidemment, vous comprendrez...

Le Président: M. le député, un petit instant, s'il vous plaît. Alors, je prierais les membres de l'Assemblée de bien vouloir regagner leur siège ou de se déplacer vers leurs autres occupations. Alors, M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: C'est évidemment avec beaucoup d'émotion que je participe à ce débat en Chambre. Comme beaucoup de nouveaux élus, nous aspirons à représenter nos électeurs. Nous venons débattre de questions importantes, et, pour moi, c'est avec beaucoup de fierté que je suis ici, M. le Président, pour prendre part à ce débat sur le discours inaugural.

Dans un premier temps, j'aimerais pouvoir exprimer à l'égard des électeurs du comté de Châteauguay toute ma gratitude, et, à eux, je dis merci, thank you, «nyawv». J'entends bien représenter les électeurs de mon comté, et nous avons évidemment de grands défis à relever: défis en termes de transport, d'environnement, mais aussi défis – vous le savez sans doute – en termes de relations intercommunautaires. Et, déjà, je peux dire à cette Assemblée que le temps a fait son oeuvre et que nous nous acheminons vers une période où les relations entre les communautés, particulièrement dans le comté de Châteauguay, vont de mieux en mieux. On est loin d'avoir atteint tous nos objectifs, d'avoir une parfaite harmonie, mais, au moins, nous faisons des démarches pour atteindre une certaine harmonie.

M. le Président, par ailleurs, en intervenant dans ce débat sur le discours inaugural, j'aimerais tout au moins souligner que ce discours inaugural semble plutôt être une période de réchauffement. C'est plutôt un discours préinaugural. On nous avait annoncé une astuce. Il semble que l'astuce soit que le discours inaugural soit plutôt reporté à la semaine prochaine. Nous verrons bien ce qu'on nous annoncera.

Néanmoins, le premier ministre, hier, s'est permis, durant son allocution, de nous dire tous les accomplissements de son gouvernement depuis le 12 septembre. J'ai noté qu'il a omis de parler des chicanes à répétition, inventées de toutes pièces, qui semblent être le lot de ce gouvernement. J'ai noté aussi qu'il a omis de parler de la mise en péril de nos relations avec nos partenaires. Il a omis de parler de ce que certains commencent à appeler un véritable détournement de mandat. Il soumet son ordre du jour gouvernemental à son seul projet, à ce qui lui tient le plus à coeur: l'indépendance.

Et, déjà, on l'a noté, on pense, on parle de la création d'une armée, peut-être. On a aussi inventé un ministère présumé. On a, M. le Président, en cette Assemblée, maintenant, un ministre délégué à l'hypothétique restructuration. Et, parlant de ce ministre hypothétique, de ce ministère hypothétique, M. le Président, je note aussi que le premier ministre a omis de parler de la manière dont ce ministre hypothétique s'est acquitté de sa tâche tout récemment en déformant les chiffres, en dénaturant les études. Et je me rappelais que le premier ministre a dit, hier, que la clarté, c'est notre façon d'être; c'est ce qu'il a dit, hier, ce sont ses mots que je reprends. Eh bien, si la clarté, c'est aussi la façon d'être de son ministre hypothétique, je peux vous dire que, moi, je ne m'en vanterais pas.

Il a aussi omis de dire... Et on se serait attendu à ça, parce que, dernièrement, il nous a parlé un peu de sa perception, de sa vision, de sa compréhension de ce qu'est le programme de péréquation, et, M. le Président, je me serais attendu à ce qu'il nous annonce qu'il envisageait que le Québec se retire de ce programme de péréquation qui, pour lui, est presque une insulte. Or, ce programme de péréquation, M. le Président, est un élément extrêmement important du système dans lequel on est. Il s'agit d'un programme de répartition de la richesse, et c'est basé sur des valeurs: des valeurs d'entraide, d'équité, et aussi, M. le Président, des valeurs de solidarité.

(16 h 10)

On a beaucoup parlé, hier, dans ce discours inaugural, de valeurs à rechercher pour le Québec de demain. Ces valeurs-là, il y en a qui existent et, des solidarités, il y en a qui existent. Je comprends bien que, pour le gouvernement, ce qu'ils entendent, c'est de briser les solidarités qui existent déjà, mais il faudra s'interroger sur l'effet de cette brisure, sur les effets qui seront occasionnés chez les Québécois et les Québécoises.

Le premier ministre a parlé de l'essor du Québec, aussi, au cours des dernières années. Il a cité, à juste titre... il a rappelé l'expansion économique du Québec. Il a parlé de 70 % de l'économie qui étaient contrôlés par des Québécois. Il a parlé des domaines culturel, scientifique. Il a parlé de la place importante que le Québec occupe sur la scène internationale. Il aurait pu aller encore plus loin. C'est vrai que le Québec a fait des choses merveilleuses. On pourrait rappeler l'influence du Québec à l'égard de l'Accord de libre-échange, cet accord qui nous sert. Bien, c'est un peu beaucoup le Québec qui l'a poussé, qui a influencé l'agenda canadien de manière à ce que nous ayons les bénéfices de cet accord.

Oui, c'est vrai, le Québec a beaucoup évolué. Le Québec a connu un essor considérable, sauf, M. le Président, que j'ai l'impression que le premier ministre avait oublié tout simplement que le Québec a réussi tout cela étant dans le Canada. Alors, je me dis: Comment peut-on et en vertu de quoi, pour quelle raison on briserait un pays, on proclamerait les vertus de l'indépendance, alors qu'on constate, à sa face même, combien le Québec, que nous représentons tous, chacun dans nos comtés, les intérêts des gens que nous représentons... en vertu de quoi nous irions mettre ça en péril?

Parlant du Québec et de son état, de son poids, on pourrait aussi se rappeler les propos qu'un politologue reprenait dernièrement. Il s'agit de Stéphane Dion qui parlait du Québec et de son poids au sein du Canada. Il disait: Une autre façon courante de justifier plus de pouvoirs pour le Québec est d'évoquer le caractère prétendument centralisé de la Fédération canadienne. Or, dit-il, la vérité, c'est tout le contraire. Nous parlons du pays de l'OCDE le plus décentralisé avec la Suisse et même les provinces canadiennes sont bien plus puissantes que les cantons suisses. Si l'on prend l'indicateur habituel pour mesurer la décentralisation des pays, soit la répartition des revenus autonomes entre les paliers de gouvernement, M. le Président, on constate que le Canada est le seul pays où le gouvernement central contrôle moins de la moitié des prélèvements obligatoires des gouvernements. Comme l'on sait, par ailleurs, qu'au Québec on a un gouvernement provincial particulièrement centralisé, ce qui fait dire à Stéphane Dion que le Québec est le gouvernement régional le plus important de tous les pays de l'OCDE.

Donc, ce qu'on constate, c'est que, d'une part, le Québec a des pouvoirs, que le Québec, lorsqu'il utilise ces pouvoirs à bon escient, peut se développer. Les 30 dernières années le prouvent, c'est ce que le premier ministre disait hier, et on s'aperçoit en plus, lorsqu'on regarde les systèmes, les fédérations, que le Québec est dans une situation privilégiée. Alors, on se demande pourquoi faire l'indépendance. Est-ce qu'il faut faire, comme disait le ministre des Affaires internationales... Est-ce que c'est parce qu'on est dans une phase II de la rébellion de 1838? M. le Président, est-ce qu'on est en train de continuer, ici, la bataille des plaines d'Abraham? J'ai l'impression qu'on regarde un peu en arrière, là. Il faudrait peut-être se mettre à la page, un peu plus à jour. Je me dis: Il me semble que, dans le Québec d'aujourd'hui, celui qu'on prépare pour demain, pour les jeunes, il me semble qu'on devrait au moins constater que ce n'est pas une colonie, ici. Il n'y a pas de colonisateur. Alors, on s'en va où?

Je lisais aujourd'hui... On fait référence à un texte, à une chanson, en fait, qui a été commandée par une des conseillères du premier ministre et, dans ce texte, M. le Président, on dit, et je cite, en parlant de cet endroit que nous occupons: «Là où on a fait la guerre, la furie, la démence, là où tu me feras l'amour, la paix et l'indépendance». M. le Président, la guerre, la furie, la démence, ça, c'est chez nous, c'est ici. Il faudrait faire une libération nationale de cet État-là. Je pense qu'on s'est trompé de siècle quelque part. Il me semble qu'on est rendu dans une période où, au contraire, lorsqu'on regarde le développement des pays, lorsqu'on regarde l'importance dans le monde, on devrait commencer plutôt à accepter qu'on doit influencer tous les paliers qui existent, investir les pouvoirs, investir le pouvoir fédéral, participer à toutes les conférences fédérales-provinciales, interprovinciales, investir tous les forums où on peut influencer, comme le Québec l'a fait avec l'Accord de libre-échange. C'est vers ça qu'on doit aller plutôt que vers le repli sur soi.

M. le Président, le premier ministre a parlé d'un Québec indépendant qui ferait tout ce qu'il veut sans être bloqué. L'indépendance, pour le Parti québécois, c'est la possibilité de tout faire. Il n'y a personne qui va nous empêcher de ne rien faire. Et, pourtant, il nous parle d'une monnaie canadienne où on ne contrôlera pas de politique monétaire. On va faire du mimétisme en matière de politique de concurrence, de politique commerciale.

J'ai avec moi, M. le Président, un livre tout récent de Mes José Woehrling et Jacques-Yvan Morin qui ont produit un petit bouquin qui vient de sortir. Le premier ministre parlait, hier, de l'association avec le Canada que le Québec indépendant aurait. Là-dedans, dans ce petit bouquin, on parle des compétences concurrentes. Je vais juste vous en nommer un peu. Alors, dans un Québec indépendant, que les experts du Parti québécois sont en train de nous concocter, si tant est qu'il y a référendum positif et si tant est que le climat fait en sorte qu'on pourrait convenir d'une telle entente, eh bien, concernant la nationalité, la citoyenneté, les questions autochtones, la défense, l'armée, le droit pénal, la navigation, les finances, les banques et les législations qui vont avec, le service postal, les transports, les chemins de fer, l'énergie nucléaire, les brevets, les mesures d'urgence, et j'en passe, compétences concurrentes, le Québec indépendant ne prendrait pas des décisions seul, mais mieux que ça. Ce qu'on nous prévoit dans cette association-là, c'est qu'il y aura aussi des compétences exclusives à des institutions communes, donc à ce Parlement, peut-être, qui sera mis sur pied. Et, dans ces matières-là, on parle du maintien et du développement d'un marché commun: le contrôle des droits de douane, la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux, les règles de la concurrence économique, la politique monétaire, les pêcheries, et j'en passe.

M. le Président, ce que je veux noter, c'est que, même si on acceptait, en théorie, l'idée d'un Québec indépendant mais associé avec le Canada, on ne peut, tout au moins, pas prétendre que le Québec indépendant pourra tout faire tout seul. Il devra toujours agir en interdépendance. Il devra donc, si on suit les préceptes mêmes des experts du Parti québécois, puisque c'en sont... On en arrive à la conclusion qu'ils veulent débâtir le pays pour le rebâtir, pour faire la même chose.

Alors, la question qui se pose, M. le Président, c'est: Pourquoi recommencer? Pourquoi refaire tout ce processus, passer par ces étapes de transition, quand on sait les problèmes que ça peut nous causer? Les problèmes que ça peut nous causer, on les connaît, il y a eu des commissions transparentes où tout le monde pouvait venir, où même l'opposition, à l'époque, pouvait choisir les experts. J'ai hâte de voir si on permettra la même chose à l'opposition maintenant. Ces experts-là, qu'est-ce qu'ils venaient nous dire? Bien, ils venaient nous dire qu'il y aurait, dans un Québec indépendant, une hausse de chômage.

(16 h 20)

Le chef de l'opposition rappelait les propos de Pierre Fortin; on pourrait rappeler aussi les propos de John McCallum qui parlait d'une hausse de chômage possible de 5 % en cinq ans. On parle des impacts sur certains domaines, les producteurs laitiers, entre autres, qui risquent d'être fortement pénalisés. Et puis il faut aussi se rappeler, sans vouloir faire peur au monde – parce que c'est toujours à ça qu'on va nous ramener, on veut faire peur au monde, mais je fais juste référer les gens aux experts et à leurs écrits – qu'il y a des choses auxquelles il faut s'intéresser. Il faut s'intéresser aussi au climat qui prévaudra, M. le Président, au moment de cette étape vers l'indépendance. Et le climat dont on parle, qui a déjà été bien documenté... Louis Balthazar, qui n'est pas connu pour être un ardent fédéraliste, disait: Admettons tout de même que le Canada ne consentira pas de bonne grâce à la rupture, que l'expression de la volonté populaire québécoise engendrera de l'amertume, du dépit, de l'hostilité chez les Canadiens anglais. Imaginons même qu'on mette tout en oeuvre pour barrer la route au Québec. Tracasseries légales, recours aux tribunaux internationaux, menace de sanctions pourraient constituer autant de réparties à la déclaration de souveraineté, sans oublier l'utilisation des contestations de la part des autochtones.

M. le Président, ce que je veux souligner... Et il y en a d'autres. On pourrait citer plusieurs personnes qui ont témoigné sur cet aspect du climat qui va suivre l'indépendance. L'argumentation du gouvernement tient toujours à un point qui peut se résumer comme ceci: Ce qui prévaudra, c'est les intérêts rationnels réciproques. On sait maintenant, depuis le passage du premier ministre à Toronto, que, l'élément rationnel, il n'est pas si évident que ça. On le sait parce que plusieurs auteurs sont venus en témoigner devant la commission de la souveraineté, et on a constaté combien les gens étaient non réceptifs à une démarche qui est celle que veut entreprendre le gouvernement actuellement.

Et l'autre question, l'autre aspect de cet argument, c'est la réciproque. Et, lorsqu'on regarde comment pourrait fonctionner ou comment on pourrait mettre en branle cette association dans un Québec indépendant avec le reste du Canada, bien, là, on s'aperçoit que ça commence à être pas mal compliqué. Parce que la réciproque, c'est qui? C'est quoi? Qui est le Canada au lendemain de cette indépendance? Il faudra, dans un premier temps, qu'ils décident entre eux quels sont leurs intérêts réciproques avant de venir nous en parler, et puis, qui sait, peut-être aussi qu'ils devront procéder, eux avec nous, à une ratification. Et, là, on se retrouve avec des visites chez le dentiste autrement plus pénibles que celles dont parlait le premier ministre à Toronto.

Somme toute, M. le Président, lorsqu'on a à penser à l'indépendance du Québec, on se dit: Mais pourquoi? Qu'est-ce qu'on cherche en faisant cette indépendance du Québec? Quelle est la motivation qui pousse le gouvernement à vouloir faire cette étape-là? Et, finalement, on se pose la question: Mais il veut se venger? Il veut se venger de quelque chose? Pourquoi il voudrait tout débâtir pour rebâtir par la suite?

Alors, je vous soumets, M. le Président, que le discours inaugural a été un moment où on aurait pu nous dire ces raisons-là, nous les expliquer. Non, au contraire, on va essayer des astuces, des faux-fuyants et on va essayer de faire passer ça par en dessous. Moi, M. le Président, je pense que les Québécois méritent de la clarté. Pas celle du ministre hypothétique à la restructuration, de la clarté dans toutes choses et aussi, surtout, des raisons, des motivations profondes. Et je souhaite que le gouvernement, dans ses démarches, à compter d'aujourd'hui, cesse de s'inventer des chicanes, de s'inventer des ennemis pour créer un momentum, pour se donner une conjoncture favorable. Les Québécois et les Québécoises n'ont pas besoin de cette fiction, de cette invention. Nous avons des partenaires ici, au Canada, des alliés. On n'a pas besoin de courir à Paris pour aller se faire de nouvelles amitiés quand ici on crache sur les gens qui sont nos alliés. Il faut travailler avec eux, non pas les rejeter. C'est étrange, M. le Président, que nous soyons rendus à cette étape-là.

Et je termine, M. le Président, en réitérant ma question. Si l'indépendance doit nous ramener à un état de fait, de droit, où nous partageons avec une institution commune les pouvoirs que nous partageons déjà avec une institution commune, je me dis: Pourquoi rejeter nos partenaires? Pourquoi ne pas travailler à améliorer le système qui est en place et dont le premier ministre nous a rappelé, hier, les vertus en nous disant qu'en 30 ans le Québec était devenu une société extraordinaire? Oui, M. le Président, le Québec est une société extraordinaire, le Québec est une société capable, et tout ça au sein du Canada. Et c'est de cette façon-là qu'il va continuer d'être capable et extraordinaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. Je vais reconnaître maintenant M. le député d'Abitibi-Est. M. le député, vous avez la parole.


M. André Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, c'est avec une grande fierté que je m'adresse aujourd'hui, pour la première fois, à l'Assemblée nationale du Québec. J'aimerais vous féliciter pour votre élection à cette importante fonction de présidence. Je veux vous assurer, M. le Président, de mon entière collaboration pour redonner confiance à la population du Québec dans son gouvernement, dans ses élus, à travers ses institutions. Nous y parviendrons par notre sérieux, par notre transparence et par notre travail. Nous y parviendrons par nos actions sincères, par la solidarité qui se dégagera entre les hommes, les femmes de cette Assemblée.

M. le Président, ma fierté bien légitime d'être le nouveau député d'Abitibi-Est, j'aimerais la partager en remerciant les premiers responsables de cette fierté d'être un nouveau député, c'est-à-dire les électrices et les électeurs de mon comté. Je veux aujourd'hui, devant notre Assemblée nationale, leur témoigner toute ma gratitude et leur réitérer ma volonté de continuer à bien les servir.

M. le Président, le comté d'Abitibi-Est est la porte d'entrée d'une vaste région et de la plus jeune région du Québec, la région de l'Abitibi-Témiscamingue, et aussi la porte d'entrée de cette vaste région de la Baie-James et du Nord québécois. J'aimerais vous citer les noms fiers des villes et des communautés qui composent mon comté: Malartic, Senneterre, Cadillac, Dubuisson, Rivière-Héva, Sullivan, Vassan, Barraute, Val-Senneville, Belcourt et, enfin, une des plus belles villes du Québec, la ville de Val-d'Or. Toutes ces villes et ces communautés se retrouvent dans la MRC de Vallée-de-l'Or.

Ce nom exprime bien la fierté et la richesse de notre coin de pays. À travers le monde, on achète l'or en carats, en onces. Nous, dans notre Vallée-de-l'Or, on produit l'or annuellement à la tonne. Nous sommes tout aussi fiers de cet or vert issu de nos forêts qui place notre comté parmi les principaux producteurs de panneaux de construction et de bois d'oeuvre au Québec.

(16 h 30)

M. le Président, j'ai eu l'honneur hier d'assister au discours inaugural de la Trente-cinquième Législature du Québec. Notre premier ministre, M. Jacques Parizeau, a rappelé notre volonté d'agir rapidement pour remettre le Québec en marche. Notre volonté politique d'agir, notre volonté d'implanter l'autre façon de gouverner a déjà produit, en quelques semaines seulement, des résultats et surtout le goût de bouger. Cette nouvelle façon de gouverner, M. le Président, nous a permis, en quelques jours, de récupérer notre butin qui nous était dû par Ottawa pour le référendum de 1992: 34 000 000 $ qu'on a été chercher en quelques jours. Les libéraux avaient échoué après une année de quémandage. L'ancien gouvernement nous avait habitués à l'incertitude, aux hésitations, au tournage en rond.

Avec M. Parizeau, ça bouge. Il sait où il va, il donne confiance. C'est un homme d'action qui a su s'entourer d'une équipe de grand talent et qui a déjà mis le Québec en marche vers la création d'emplois et vers notre grand projet qui est la souveraineté. Au niveau des emplois, on n'a qu'à penser au programme d'aide à la création de nouvelles entreprises, qui – ça a déjà été mentionné – débutera demain. Ça, c'est vraiment une nouvelle façon de gouverner: pas de paperasse, pas d'attente gouvernementale. Si vous avez une bonne idée d'entreprise, vous allez à votre caisse populaire, à votre banque; c'est là que vous allez prendre la décision, c'est là que va se prendre la décision de l'entreprise et c'est là que le gouvernement va accepter de vous épauler. Pas de paperasse, pas de taponnage, c'est la nouvelle façon de gouverner le Québec.

Et c'est la même chose pour les étudiants: fin de la taxe à l'échec. L'ancien gouvernement voulait vous punir, les étudiants. Nous, notre façon de gouverner, c'est de vous faire confiance en vous disant d'aller de l'avant et de bâtir avec nous dans l'action pour le Québec.

M. le Président, démontrer notre volonté politique d'agir, c'est donner la vraie place à plus de la moitié de la population du Québec: les femmes. Notre nouvelle façon de gouverner, c'est en garantissant aux femmes du Québec, par une loi, l'équité salariale. C'est aussi permettre aux femmes monoparentales de vivre mieux, dans une plus grande dignité, en instaurant la perception automatique des pensions alimentaires. Cette mesure aura aussi l'effet de diminuer les discussions et la violence chez les femmes, violence impardonnable, violence qui fait trop de fois la honte de notre société.

M. le Président, la création d'un Secrétariat à l'action communautaire est notre façon de dire aux bénévoles de ne pas lâcher, de nouveaux fonds seront injectés. Le dévouement de centaines de milliers de bénévoles constitue la première richesse du Québec. À l'approche de Noël, ces bénévoles du Québec seront en évidence. Ils sauront trouver chez nous des collaborateurs.

Un gouvernement qui bouge, c'est aussi un gouvernement qui, en quelques semaines, a augmenté le nombre de médecins en région. C'est un gouvernement qui a aussi injecté, à travers le Québec, 6 500 000 $ dans les garderies. Notre nouvelle façon de gouverner, c'est de repartir la construction en retirant la loi 142, en facilitant l'achat d'une première maison, en repartant la rénovation. Notre nouvelle façon de gouverner, c'est en s'associant avec le monde municipal.

Notre nouvelle façon de gouverner, M. le Président, c'est en démontrant que le gouvernement du Parti québécois veut bouger et veut, par la souveraineté, aller chercher et se donner les outils dont le Québec a besoin pour se développer. Ces outils-là, principalement, sont nos impôts. Dans le moment, nous payons annuellement 28 000 000 000 $, 29 000 000 000 $ d'impôts à Ottawa. Ces impôts sont mal dépensés, sont mal utilisés. On en dépense des milliards contre notre volonté à chercher de l'huile dans l'océan Atlantique, qu'on ne verra probablement jamais, à bâtir des bateaux de guerre qui, j'espère, ne seront jamais utilisés.

M. le Président, en terminant, j'aimerais vous dire ma confiance qu'en descendant rencontrer les électeurs et les électrices du Québec, la population du Québec, dans un discours clair, honnête, nous ferons ensemble de ce Québec un pays pour le mieux-être de notre population. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député d'Abitibi-Est. Maintenant, je vais reconnaître Mme la députée de Vanier. Je vous cède la parole. Excusez-moi, je vais... Mme la députée de Vanier, vous allez attendre encore quelques minutes. Votre tour viendra, ça ne sera pas très long. Alors, je vais reconnaître d'abord M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Mme la députée de Vanier, soyez assurée que votre tour viendra et, dans les prochaines années, vous aurez certainement amplement le temps de vous adresser... en espérant qu'on ne prendra pas votre place comme ça.

Alors, mes premières paroles en cette Chambre, M. le Président, suite à cette troisième élection, sont surtout, au départ, pour remercier mes électeurs, les électeurs du comté de LaFontaine. Comme chacun le sait, le comté de LaFontaine est composé de Rivière-des-Prairies, un des plus beaux quartiers de la ville de Montréal, sur le bord de la rivière, et d'un petit bout du quartier de Pointe-aux-Trembles que je partage avec mon collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, qui est, lui aussi, en cette Chambre. C'est ce qui fait le comté de LaFontaine, ancien grand comté du bout de l'île de Montréal, mais qui a été subdivisé suite à des croissances démographiques assez importantes. Alors, je remercie les électeurs de cette troisième fois qu'ils me font confiance, d'autant plus que ma majorité, cette fois-ci, fut augmentée d'environ 3 000 votes, ce qui, quand chacun connaît le contexte dans lequel sont faites les élections, témoigne certainement d'une bonne reconnaissance ou d'un respect des électeurs.

Je tiens aussi à saluer, et à avoir une petite pensée pour eux, nos collègues qui nous ont quittés, certains parce qu'ils sont partis à d'autres occupations, d'autres parce que le sort électoral en a décidé ainsi, tout en saluant les nouveaux arrivés, de quelque parti qu'ils soient, en leur souhaitant bonne chance en cette Chambre, car, après neuf ans, je peux vous dire que ce n'est pas toujours facile d'accomplir la mission ou le mandat que nous nous fixions. Bien souvent, entre nos espoirs et la réalité, nous pouvons trouver un peu de différences. Mais n'empêche que ce mandat que nous avons est important et nécessaire pour la population. Les gens comptent sur nous, nous donnent leur confiance et, quelles que soient les circonstances, nous devons l'assumer au meilleur de notre intégrité et de nos idées, de nos énergies, pour le bien-être de l'ensemble du Québec.

Ceci étant dit, M. le Président, je parlerai maintenant du discours inaugural du premier ministre hier. Je dis que ce discours, M. le Président, a été clair. Il a démontré clairement, même s'il a reporté à mardi prochain son énoncé sur la souveraineté, que, pour son parti, sa priorité, c'était l'action entière pour accéder à la souveraineté, pour enclencher la séparation et, donc, l'indépendance pure et simple du Québec. En deux mots, M. le Président, aux yeux du Parti québécois, c'est le temps, on s'est enclenché, on enclenche, et la fin justifie les moyens. D'ailleurs, rien dans le discours inaugural du député de L'Assomption, premier ministre, ne laisse présager une idée claire de redresser le Québec. Ce n'est qu'une longue énumération de voeux pieux, de projets creux, de tape-à-l'oeil. Tout, cependant, laisse transpirer une réelle obnubilation et fascination presque mythique pour l'atteinte d'un seul et unique but, pas celui du développement du Québec ou de la reprise en main des finances publiques, mais celui, et seulement celui-là, de son indépendance.

(16 h 40)

Comment le premier ministre peut-il déclarer dans cette Chambre, comme il le faisait hier, qu'il ne peut pas être peu fier de la confiance que lui ont accordée les Québécois? Comment peut-il dire que ce vote reflétait la volonté de changement réel de la population alors qu'il ne représente même pas 50 %? En effet, tout le monde sait en cette Chambre que le gouvernement a eu 44,7 %, si mes chiffres sont exacts. Donc, c'est loin d'une majorité.

M. le Président, nous sommes devant un gouvernement qui, en deux mois, a poussé à une limite rarement vue la notion de démocratie et de sens commun. Celui qui s'est longuement étendu sur le concept de solidarité retrouvée, le premier ministre qui en a fait, comme il dit, son maître mot, s'est employé depuis qu'il est élu à diviser davantage la population. Celui qui fait de la responsabilisation et de la transparence ses grandes vertus s'est d'abord employé à faire plaisir à ses amis et a déjà accepté la démission d'une de ses ministres.

Le premier ministre vantait son bilan des dernières semaines – je l'écoutais hier – avec emphase et il semblait très heureux de démontrer sa valeur. Eh bien, arrêtons-nous justement sur ces deux mois et regardons un peu ce qui s'est passé dans cette période, avec une certaine ouverture d'esprit pour comprendre et donner la chance, comme on dit, au coureur, car, dans notre démocratie, il faut toujours reconnaître que la mise en place d'un gouvernement demande quelques ajustements. Or, le Parti québécois a tenu d'abord à récompenser les siens, ceux qui sont tombés au combat, les anciens candidats, les Réjean Thomas, les Diane Lavallée et autres Yves Michaud qui ont tous aujourd'hui des postes qui leur ont été accordés en guise de remerciement pour services rendus et leur contribution depuis de nombreuses années à la cause de la séparation.

Le premier ministre s'est aussi attardé à remettre des prix de consolation à ses députés, à ceux qu'il n'a pas pu faire ministres, et on en voit quelques-uns dans cette salle aujourd'hui. Les délégués régionaux, M. le Président, que font-ils? À quoi servent-ils? Ils ne le savent pas toujours eux-mêmes. D'ailleurs, j'aperçois en face de moi le député de Bourget, qui est délégué régional de la région de Montréal, à qui j'ai envoyé une lettre il y a deux mois et demi, et cette lettre me fut répondue par un attaché politique qui me conseillait de le rencontrer et, si mon dossier était pertinent, il verrait à en aviser son conseiller régional. C'est cela, la nouvelle façon de gouverner. Est-ce qu'un élu du peuple, un élu d'une circonscription électorale de l'est de Montréal qui envoie en toute bonne foi et tout bon esprit de collaboration une lettre à son délégué, parce que, tout compte fait, même s'il n'est pas dans mon gouvernement, il est le délégué de la région de l'est de Montréal et je suis un des représentants du peuple de la région de Montréal... Comment se fait-il qu'un attaché politique réponde: Venez me voir, puis, si c'est pertinent, votre dossier...

C'était pertinent, c'était le dossier de l'hôpital de Rivière-des-Prairies. C'est un dossier qui a fait consensus dans notre région, consensus au niveau de la ville de Montréal, qui a été défendu par le député de Pointe-aux-Trembles, mon collègue, qui a été défendu par le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, M. Trudel, sur lequel il y a eu une motion en Chambre de l'opposition qui était le Parti québécois à l'époque. Et un attaché politique va dire: Non, venez me voir avant, on discutera de ça, puis, si ça fait mon affaire, j'en parlerai au Dr Laurin. Je souhaite que le délégué régional de Montréal n'ait pas été mis au courant de cela et qu'il ne l'ait pas toléré, parce que je pense qu'il a certainement une vision plus grande de son rôle que de faire recevoir les députés par les attachés politiques pour faire un «screening», excusez-moi pour l'anglais, cher docteur, pour faire un tamisage avant sur les intentions et les besoins de la rencontre. Or, voilà, est-ce là une nouvelle façon de gouverner? Si c'est cela, j'en suis désolé et j'en suis déçu.

Le premier ministre s'est aussi attardé à remettre des prix à ses conseillers, mais est-il une voix forte de ces conseillers-là? Est-ce qu'ils ne font pas interférence avec les ministres régionaux, les ministres qui sont sectoriels? J'ai l'impression que c'est surtout ça, M. le Président, et il y a, là aussi, confusion. Et on pourrait parler des décisions qui font problème, mais la liste en est trop longue et, le temps pressant un peu, je vais passer à d'autres sujets.

Le premier ministre et son ministre des Affaires internationales ont limogé sans autre forme de procès des représentants du Québec à l'étranger. On les connaissait tous. La question n'a jamais été de savoir si ces gens-là étaient valables, puis faisaient efficacement leur travail. Ce qu'on leur a demandé, c'était: Croyez-vous à la cause? Croyez-vous à la séparation? Endossez-vous cette idée qui est notre politique? Voilà pourquoi on a remercié, pour un grand nombre d'entre eux, de très bons serviteurs de l'État, des gens loyaux, des gens qui étaient fidèles et qui, d'après moi, ne méritaient pas ce sort. C'est une autre façon de gouverner.

Le gouvernement est mené aussi par un souci de main dans la main. On travaille ensemble. Il s'est empressé de saborder l'entente raisonnable et conclue à la satisfaction de tous en ce qui concerne les activités du Collège militaire royal de Saint-Jean. M. le Président, pourquoi? Par goût de chamaillage et de la politicaillerie, il a sabordé un compromis intelligent, et je dis bien «un compromis intelligent», qu'avait su négocier avec bon sens le premier ministre d'alors, Daniel Johnson. Pourquoi? Est-ce une autre façon de gouverner? Je ne crois pas que ce soit là, M. le Président, quelque chose qui va faire avancer le dossier et la cause des gens de la région de Saint-Jean.

Je m'étonne aussi par rapport à la rapidité avec laquelle ce gouvernement, en particulier le premier ministre, est intervenu dans des dossiers d'une grande complexité. Comment, en quelques semaines, le premier ministre peut-il avoir fait le tour des tenants et aboutissants du dossier extraordinairement volumineux entourant le projet de développement électrique de Grande-Baleine? Comment reporter aux calendes grecques, sans plus réfléchir, un projet en plan depuis des années, créateur de dizaines de milliers d'emplois, un réel projet moteur qu'on ne peut abandonner, dans mon esprit, sans une longue et sérieuse révision de toute la politique énergétique du Québec? La seule explication qui me vient aux lèvres, M. le Président, pour justifier cette précipitation aveugle, c'est le but inavouable, ou peut-être avouable pour certains, d'acheter la paix avec les nations autochtones. Est-ce là une autre façon de gouverner dans l'intérêt général des Québécois?

Pourquoi, M. le Président, sans plus de circonspection, le gouvernement a décidé de reporter d'un an le projet de construction d'un toit au Stade olympique? Est-ce, par hasard, pour pouvoir donner un contrat ou un mandat à une firme d'ingénieurs dirigée par l'ancien candidat de Shefford et ami du Parti libéral, Roger Nicolet, qui a été battu à l'élection complémentaire? Pourtant, M. le Président, la solution choisie a été reconnue par un comité d'experts internationaux. Tout le monde s'est penché là-dessus. Alors, est-ce qu'on doit croire les experts internationaux ou l'ancien candidat défait, Nicolet? La question est posée, M. le Président. Combien de frais ça va encore amener pour le gouvernement? Combien de pertes d'emplois dans le retard des travaux? Est-ce qu'on veut favoriser un autre projet, une autre firme d'ingénieurs? Qu'on le dise. Mais est-ce, là encore, dans les deux premiers mois, une bonne façon de gouverner?

M. le Président, je le mentionnais précédemment, au nom des électeurs de LaFontaine et de tout l'est de Montréal, je m'inquiète aussi du silence et des rumeurs qui sont véhiculées autour du projet de construction de l'hôpital dans l'est de Montréal, un dossier qui a duré quatre ans, qui a fait consensus, qui est sorti des délibérations de la commission sur l'avenir de l'Hôtel-Dieu à Montréal, on s'en rappelle, un dossier auquel je crois profondément, auquel les gens de l'est de Montréal sont attachés. Ce n'est pas un dossier politique, un dossier de création d'un hôpital.

Est-il normal que des gens, dans l'est de Montréal, fassent 20 minutes en voiture pour aller se faire soigner et plus d'une heure en autobus? Parce que ce n'est pas tout le monde qui a des voitures. Il n'y a pas de métro dans l'est de Montréal. Le métro, il s'arrête à Place Versailles et à Henri-Bourassa. Pour tout ce qui est à l'est de ça, il n'y a pas de transport en commun autre que des autobus. Bien, pour se rendre dans un hôpital, chez nous, c'est une heure et, quand ça va bien, peut-être 45 minutes, mais vraiment on peut parler d'entre 45 minutes et une heure et c'est inadmissible qu'à notre époque on soit encore, dans une grande ville comme Montréal, à une distance aussi importante d'un centre hospitalier.

L'hôpital a été annoncé, le processus était en marche, le site avait été choisi. Alors, pourquoi retarder? Pourquoi encore ce délai? Est-ce, par hasard, parce que l'on voudrait, comme l'avait promis le chef de l'opposition, transporter l'hôpital de Rivière-des-Prairies dans le comté de L'Assomption? Est-ce ça, la nouvelle façon de gouverner? Mais je ne pense pas, M. le Président, que des considérations politiques comme des promesses électorales devraient entrer en considération lorsque la santé des gens est en cause. L'hôpital de l'est est le fruit d'une consultation qui a duré quatre années. Je ne vois pas pourquoi, si quelqu'un s'est engagé, dans un autre comté, à faire des promesses pour des hôpitaux, on devrait sacrifier celui des gens de l'est au détriment de l'autre.

M. le Président, on se rend compte que, lorsque le Parti québécois nous promettait une nouvelle façon de gouverner, il ne nous a pas menti. Mais quelle façon de gouverner! Il m'apparaît aussi important, M. le Président, dans le discours inaugural, de regarder ça dans un contexte un peu plus global. Vous remarquerez que toutes les interventions mentionnées, toutes les décisions prises, tous les gestes posés ont un but unique, un unique et seul but: calmer les gens dans des secteurs précis de l'électorat, sans égard aux considérations financières ou administratives, pour ultimement obtenir l'appui de ces groupes précis au référendum.

Des exemples, en voici: abolition de la loi 142 dans le secteur de la construction; révision des lois 102 et 198 sur le salaire et le nombre des employés de l'État; abolition de la surprime pour les étudiants qui accumulent trop d'échecs scolaires; imposition d'une taxe sur la masse salariale des entreprises. Nous nous étendrons en temps et lieu, M. le Président, sur la pertinence réelle de chacune de ces initiatives.

(16 h 50)

Ce que je vous demande de réaliser, c'est que toutes ces actions sont, en fait, des opérations de charme destinées à obtenir l'appui des fonctionnaires et autres groupes de pression de différentes natures en prévision du référendum. Le premier ministre avait parlé d'un discours astucieux. Le mot a été mal choisi. Ce discours est plutôt pernicieux. M. le Président. Il ne révèle aucune stratégie d'ensemble pour redresser le Québec. Il ne fait qu'illustrer avec une subtilité grossière les réels et seuls objectifs du parti au pouvoir: l'indépendance.

Comment prendre au sérieux une administration qui prétend vouloir faire le ménage dans les programmes gouvernementaux et qui ne trouve rien d'autre à faire que de lancer un nouveau programme d'aide au démarrage d'entreprises, qui ne se distingue à peu près en rien de ce qui existe actuellement? De quelle cohérence on fait preuve, M. le Président? Un gouvernement qui dit encourager l'embauche et qui, du même coup, promet d'imposer une taxe sur la masse salariale, qui croîtra à mesure qu'augmenteront les effectifs des entreprises. Je n'ai pu faire autrement, M. le Président, que de bondir en entendant le premier ministre clairement menacer les tenanciers de débits d'alcool, hôteliers et restaurateurs du Québec que leurs commerces feraient l'objet de visites et de descentes policières, car on laissait entendre qu'ils pouvaient être les grands promoteurs de la contrebande d'alcool au Québec.

Je dois dire que c'est là une drôle de façon, dans un discours aussi important que celui d'hier, qui se veut important, qui veut tracer aux Québécois la direction dans laquelle on doit aller, que de commencer à stigmatiser des groupes particuliers en laissant entendre que, d'ici Noël, ils sont mieux de faire attention parce qu'on va régler leur cas, au cas où ils seraient des gens qui ne seraient peut-être pas toujours dans l'honnêteté. Je ne pense pas que les restaurateurs et hôteliers du Québec, M. le Président, soient des gens comme ça. Il y a, dans toutes les sociétés, des gens qui contreviennent aux lois. Bien, je pense que l'État doit faire son travail, doit faire en sorte que ça ne se produise pas, mais faisons attention de ne pas procéder par amalgame. Ce n'est pas vrai qu'ils sont tous comme cela.

Alors, je trouve, là aussi, quelque chose d'un peu malheureux pour ces gens-là et, comme porte-parole officiel de l'opposition en matière de tourisme, il me fait plaisir, M. le Président, d'envoyer une lettre à l'Association des hôteliers et restaurateurs du Québec pour lui faire part de la position de l'opposition qui n'accepte pas cette position, cette déclaration du premier ministre.

M. le Président, on avait entendu aussi, il y a quelques jours, des propos semblables d'un autre ministre qui laissait entendre que nos policiers, peut-être, manquaient un peu d'instruction. Ma foi, c'est toute une question d'évaluation. Moi, je n'ai jamais pu voir, M. le Président, après 20 et quelques années de vie au Québec, que nos policiers étaient moins instruits ou moins bien polis que dans beaucoup de parties du monde. Même, au contraire, il y a beaucoup de policiers dans le monde qui pourraient prendre des leçons de courtoisie de nos policiers provinciaux et municipaux aussi, en particulier.

Alors, c'est le même genre de déclaration et je trouve qu'on commence à mettre les groupes les uns contre les autres. M. le Président, je pense qu'on s'embarque dans une mauvaise direction. Il y a toujours les bons, dans la dialectique de ce parti, et il y a les autres. Alors, les bons, c'est ceux qui pensent comme eux et les autres, c'est ceux qui ne sont pas comme eux. Depuis 1976, depuis 1974 qu'on les voit aller. Chaque fois, M. le Président, c'est toujours dans cette dialectique-là, et nous ne pouvons l'accepter, nous.

M. le Président, il me fait penser, ce gouvernement – un gouvernement, d'abord, qui n'a pas été élu avec une majorité d'électeurs – à un capitaine de bateau, à un capitaine de navire qui met le cap sous la tempête sans se soucier de la sécurité des passagers. Il dit: On y va! Ce n'est pas grave, ce qui arrivera, vous mettrez vos ceintures et, pour ceux qui sont malades, bien, on verra plus tard. Ce n'est pas comme ça qu'on gouverne un pays, M. le Président. Si on veut faire des croisières suicidaires, on peut en faire, si on veut faire brasser les passagers, oui, mais pas les citoyens d'un pays. On se doit de gouverner avec précaution et de faire en sorte de ne pas créer plus de problèmes dans notre société et, en découlant, à nos concitoyens que ce que la crise économique et la récession ont pu nous faire connaître depuis quatre ou cinq ans.

M. le Président, n'oublions pas que le premier ministre n'est pas un débutant en politique. Il a cru bon de nous prévenir – il sait ce qu'il dit – que toutes les décisions prises et à venir ne régleraient que peu de chose, qu'il doit avoir en main toute une série de pouvoirs pour que le Québec puisse accéder à de nouveaux sommets. Pour lui et sa troupe, seule la souveraineté peut permettre ça. Pourtant, le premier ministre lui-même, dans son introduction, se réjouissait de voir – hier, on l'écoutait – que 70 % de notre économie étaient contrôlés par des intérêts québécois. Il faisait des gorges chaudes devant les succès de Bombardier, SNC-Lavalin, Cascades ou Quebecor et se félicitait de la réussite des gens de chez nous qui vont porter aux quatre coins du monde la voix du Québec dans les domaines culturel et technologique. Ce ne sont pas mes paroles, M. le Président, ce sont les siennes, ce sont celles du premier ministre.

Un système fédéral qui a permis de telles choses, M. le Président, qui a permis d'accomplir tant de progrès et tant de percées internationales, tant de liberté, est-il assez mauvais pour nous, les Québécois, que la seule solution envisageable pour le réformer ou le faire évoluer est de tout jeter à terre et de faire la séparation? Ma réponse est non et la réponse est non pour l'ensemble des Québécois, et c'est ce qu'ils diront lors du prochain référendum, vu qu'ils vont le faire bientôt. Et c'est ce que nous attendons avec une certaine impatience.

Maintenant, M. le Président, ceux qui maintiendront le contraire devraient faire attention de ne pas vendre des illusions à leurs concitoyens. C'est très important, ça aussi, parce que, pour démotiver une société, il n'y a pas de meilleure chose que de vendre des illusions, des choses qui ne se réalisent pas, d'amener les gens à prendre des positions ou dans des directions qui amènent immanquablement ou l'échec ou une désillusion importante. Et ça, c'est très, très mortel pour un pays, pour son économie et sa cohésion interne.

M. le Président, le précédent gouvernement – je l'ai toujours supporté, d'ailleurs – avait pris des décisions quand même assez éclairées sur le développement économique et s'employait à favoriser le commerce interprovincial. Toute l'action était guidée par la volonté de créer des emplois; c'est ça que nous voulions faire. Contrôler les finances publiques, ça, c'est important. Les dernières statistiques sont encourageantes, mais elles sont le résultat de notre gouvernement. Je ne m'étendrai pas là-dessus, nous n'y sommes plus; je veux simplement le rappeler comme ça, au passage.

M. le Président, avez-vous entendu, hier, le premier ministre nous dire, dans son discours, une seule phrase destinée à rassurer les créanciers du gouvernement du Québec? Je termine dans une minute, M. le Président, et je vous remercie. Je ne l'ai pas entendu, M. le Président: aucune phrase pour nous parler de réduire le déficit; rien du tout. Question secondaire, aux yeux du premier ministre, les finances publiques? Certainement, M. le Président! Sa priorité, c'est de se donner un pays coûte que coûte.

Et, M. le Président, j'aimerais, en terminant, assurer la population du Québec et les Québécois, et les gens du comté de LaFontaine que, comme député de l'opposition, je vais faire en sorte de répondre à leur clairvoyance. Ils ont fait en sorte de ne pas mettre le Parti québécois majoritaire: 44 % des votes, ce n'est pas majoritaire. Ils nous ont mis une forte opposition. Ils avaient des doutes, certainement. Bien, M. le Président, ils ont le gouvernement à l'oeil, mais, nous, on va l'avoir aussi à l'oeil. Et soyez assuré que nous ferons notre travail pour le meilleur des intérêts de notre population. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de LaFontaine. Maintenant, je reconnais Mme la députée de Vanier. Mme la députée, je vous cède la parole.


Mme Diane Barbeau

Mme Barbeau: M. le Président, c'est avec beaucoup d'émotion que je prends, pour la première fois, la parole devant cette institution, cette grande institution démocratique qu'est l'Assemblée nationale du Québec, institution que je connais très bien pour y avoir travaillé pendant cinq ans comme attachée politique pour le député de Bertrand – qui est maintenant Marguerite-D'Youville – qui est maintenant un de mes collègues.

Prendre la parole au nom des électeurs et électrices de la circonscription de Vanier est, pour moi, un honneur, mais surtout une responsabilité lourde de sens. C'est donc avec engagement et conviction que je souhaite représenter mes commettants et travailler avec eux.

Je suis parfaitement consciente qu'on ne peut pas changer tout du jour au lendemain. Mais, avec de la volonté, il est possible de faire des grandes choses. Envers les gens du comté de Vanier, il m'importera de toujours leur donner l'heure juste et d'expliquer, comme je l'ai toujours fait, le sens de nos actions. Pour redonner confiance à la population, la politique doit cesser d'être entourée de mystère par ceux et celles qui la font. Face à l'administration publique, les citoyennes et citoyens sont souvent démunis. Se faire refuser son projet, obtenir un non comme réponse, c'est frustrant, mais ne pas comprendre pourquoi, ça l'est encore plus. J'entends me montrer à la hauteur et digne de la confiance que m'ont exprimée ceux et celles qui m'ont élue. À tous ces gens, un grand merci du fond du coeur.

Ne pas être une observatrice passive, mais une participante active, c'est en gros la mission que je me suis moi-même donnée en tant que députée de Vanier. Car cette volonté d'agir de notre gouvernement se doit d'être contagieuse dans nos régions, avec nos nouveaux délégués régionaux dans nos villes et, surtout, dans nos quartiers. Couper des rubans et remettre des chèques, c'est bien agréable et souvent fort apprécié, mais j'ai l'intention de faire plus que cela. J'ai le goût de prendre part à l'élaboration concrète des projets, de construire avec les citoyens et de les aider. Certains diront que je suis idéaliste. C'est vrai. Notre premier ministre ne nous a-t-il pas rappelé hier que l'idéalisme, c'est permis?

(17 heures)

Dans le même ordre d'idées, il nous faut rebâtir ces liens de confiance si essentiels qui tissent le tissu de la solidarité sociale. Avec tous les intervenants des milieux, tant syndicaux, patronaux, communautaires, coopératifs et bien d'autres, nous serons en mesure de trouver les solutions les mieux adaptées aux problèmes auxquels nous sommes si souvent confrontés.

Comme j'aime bien le répéter, c'est chacun et chacune d'entre nous qui connaissons mieux que quiconque les situations problématiques que nous vivons. En ce sens, les éléments et les pistes de solutions les mieux adaptés ne peuvent venir que de la population elle-même. L'État se doit d'être un guide, souvent un leader, mais les citoyens et citoyennes aussi sont des gens responsables et capables de prendre leurs propres affaires en main.

En tant que députée, c'est en ce sens que j'entends travailler: ne pas être celle qui connaît toutes les solutions et qui dicte les façons de faire, mais plutôt être celle qui écoute et qui sait rassembler. Le bureau de la députée, c'est un carrefour extraordinaire où circulent les informations et les individus de tous les secteurs d'activité. Il est impératif de profiter de cette situation afin de mettre les bonnes personnes en relation et de faire cheminer les bonnes idées.

Rapprocher la politique des gens, travailler de concert avec tous les intervenants locaux et faire avancer les priorités de nos communautés, c'est bâtir une véritable solidarité sociale à l'échelle locale et c'est se donner les moyens d'agir à l'échelle nationale. C'est surtout se donner les moyens de se prendre en main collectivement.

La circonscription que je représente auprès de cette Chambre connaît bien les difficultés sociales et économiques qui caractérisent une bonne part de ce Québec cassé en deux dont M. le premier ministre nous parle si souvent. Les nombreuses familles monoparentales que comptent certains quartiers du comté de Vanier sont aux prises avec les réalités inhérentes à leur condition souvent précaire. Dans la majorité des cas, ce sont des femmes qui sont chefs de famille, et la plupart à faibles revenus. Vous comprendrez, M. le Président, que dans ces circonstances je ne peux que me réjouir de la volonté d'agir rapidement exprimée dernièrement par la ministre de la Sécurité du revenu et responsable de la Condition féminine et par le premier ministre hier, dans le dossier de la perception automatique des pensions alimentaires. Il s'agit d'un dossier important qu'avait piloté de façon brillante la députée des Chutes-de-la-Chaudière lorsqu'elle était porte-parole de l'opposition en cette matière. Voilà un gouvernement qui ne se traîne pas les pieds. C'est cette réelle volonté d'agir que les Québécoises et les Québécois attendent de leur gouvernement.

En matière de politique familiale, il y a beaucoup à faire, ça se voit. En rencontrant les citoyens et citoyennes de mon comté, j'ai été à même de le constater. Ce qu'il y a de pire, c'est que de nombreuses familles ont perdu l'espoir. Souvent, elles se sont résignées à leur sort auquel les a confiné le précédent gouvernement qui semblait croire que ceux et celles qui vivent des situations difficiles sont les artisans de leur propre malheur et qu'ils n'ont qu'à se le reprocher à eux-mêmes. Pourtant, les enfants qui naissent ne choisissent ni leur région, ni leur famille, ni les salaires de leurs parents, pas plus que leurs parents ne choisissent leur situation économique. Enfin, ces familles peuvent compter sur un gouvernement qui comprend ces choses.

Des solutions, il y en a. Il suffit simplement que le gouvernement agisse et fasse preuve de volonté politique. Bouger vite et bien, c'est possible. La présidente du Conseil du trésor et ministre déléguée à l'Administration et à la Fonction publique nous l'a démontré dans un dossier qui touche un grand nombre de mes commettants et, encore une fois, plus particulièrement les femmes. L'équité salariale dans la fonction publique québécoise, il était plus que temps. C'est ce que veulent les gens de Vanier, c'est ce que veulent les Québécois et les Québécoises: un gouvernement qui peut bouger, mais surtout un gouvernement qui veut bouger.

Dans Vanier comme en bien d'autres endroits, la pauvreté existe et est visible. Pour ces hommes et pour ces femmes, la priorité va à l'emploi. La dignité d'un individu passe par sa capacité de prendre ses propres affaires en main. Pour un grand nombre de personnes, c'est ce que signifie un emploi: être en contrôle de ce qui nous arrive et être en mesure d'influencer le cours des événements. En fait, pour bon nombre de gens, un emploi, ça ne signifie pas les voyages, la grosse maison ou la voiture mais plutôt une façon d'exercer sa propre souveraineté personnelle, comme pour le Québec, d'être responsable de l'argent que l'on gagne et que l'on dépense. Ne plus être à la remorque de personne et pouvoir s'administrer soi-même, quoi de plus normal?

Des initiatives comme la sauvegarde du Carrefour jeunesse-emploi en Outaouais ou encore l'élimination du plafond au Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, voilà des actions qui démontrent non seulement que le nouveau gouvernement est capable d'agir vite et bien, mais que sa volonté d'agir en matière d'économie et d'emploi est bien réelle. Il n'a pas fallu attendre des mois avant que le ministre de l'Industrie et du Commerce n'annonce son programme d'aide aux nouvelles entreprises.

Pour la circonscription de Vanier, voilà qui est prometteur. Avec ses sept parcs et zones industrielles, ses grandes artères commerciales comme Pierre-Bertrand et Wilfrid-Hamel, avec ses grands centres commerciaux, la circonscription de Vanier est un véritable petit royaume de la PME. Dans cette perspective, l'action gouvernementale ne peut qu'être la bienvenue, surtout si elle est accompagnée par une simplification de la paperasse administrative sous laquelle croulent littéralement les PME et les TTE. Fini le laisser-faire. Place maintenant à la concertation et au travail d'équipe.

Le modèle économique québécois, qui mise à la fois sur l'esprit d'initiative de nos entrepreneurs, sur l'audace de l'action coopérative et sur la collaboration de l'État a fait ses preuves. Collectivement, nous nous sommes donné de formidables outils de prise en charge de nos propres affaires comme, par exemple, la Caisse de dépôt et placement, le Fonds de solidarité, les caisses Desjardins, et combien d'autres. Mais plus que tout la société québécoise moderne a donné naissance à l'esprit d'entreprise qui caractérise bon nombre de Québécoises et de Québécois.

Le gouvernement du Parti québécois, au cours des décennies précédentes, avait permis de renforcer ce goût pour notre prise en charge en exprimant une volonté politique de donner au Québec le contrôle de ses propres affaires. Nous savons désormais que nous ne sommes pas nés pour un petit pain, et la mémoire de René Lévesque nous rappelle que nous ne sommes pas un petit peuple, mais peut-être quelque chose comme un grand peuple. Il est légitime que nous ayons maintenant l'ambition d'aller au-delà de ce que nous a imposé depuis 125 ans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

La Fédération canadienne est depuis venue, bon an mal an, chercher au Québec des taxes qu'elle lui retourne sous forme d'assurance-chômage et non de soutien au développement économique. Cette énorme réserve fiscale sert à orienter et à manipuler des leviers importants de développement économique. Pour nos dirigeants à Ottawa, ces leviers servent essentiellement à alimenter une pseudo-richesse nationale qui s'appuie sur le rendement maximal de la machine industrielle de l'Ontario. Si c'est un Québec prospère que nous voulons, ce n'est pas d'assurance-chômage que nous avons besoin, ce sont des emplois. Et, ça, les citoyennes et les citoyens de ma circonscription l'ont compris.

En terminant, M. le Président, il m'importe de rappeler à cette Chambre combien je suis fière de faire partie de cette nouvelle équipe gouvernementale qui a décidé qu'au Québec l'immobilisme, c'est bien terminé, que le statu quo ne peut durer et que nous méritons un pays. Je suis fière d'appartenir à une équipe pour qui la volonté d'agir est une priorité. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie Mme la députée de Vanier. Je vais reconnaître maintenant M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, je vous cède la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. D'abord, vous me permettrez, évidemment, compte tenu que c'est là non seulement notre tradition, mais acte de bienséance, en premier lieu, lors d'une nouvelle Législature, d'une part, que de remercier ses électeurs... Je voudrais remercier donc, dis-je, les électeurs du comté de Westmount–Saint-Louis. Le comté de Westmount– Saint-Louis est un comté qui, à Montréal, a des caractéristiques assez particulières. Nous y retrouvons des gens de niveaux socio-économiques très élevés et ceux de niveaux économiques parmi les plus pauvres à Montréal, particulièrement dans le secteur de la Petite-Bourgogne.

M. le Président, je voudrais d'abord vous féliciter, en mon nom personnel et au nom de ma formation politique, puisque c'est la première fois, dans cette Législature, que vous venez vice-présider, donc présider nos travaux pendant cette session. Et, aussi, vous me permettrez de me poser quelques questions suite aux événements que nous avons connus depuis le 12 septembre dernier.

(17 h 10)

Nous avons devant nous un gouvernement qui prétend bouger, un gouvernement qui prétend bouger. Or, l'élection a eu lieu, M. le Président, le 12 septembre dernier, et il a fallu attendre une convocation pour cette Assemblée le 29 novembre. Souvenez-vous, pour ceux qui ont été élus, le 2 décembre 1985. Le 2 décembre 1985, il y avait eu élection. Eh bien, le 16 décembre, l'Assemblée était convoquée; le 18, un mini-budget était déposé et adopté. Toute la différence au monde entre deux façons de gouverner. Nous venons de vivre une grande période d'un gouvernement qui s'est hâté très lentement. Il bouge, mais il ne bouge pas vite, ce gouvernement.

On a entendu parler, hier, M. le Président, le premier ministre, qui nous a parlé des régions, de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l'emploi. S'il veut qu'on en parle, eh bien, parlons-en. Régions: grande région de Montréal, le gouvernement bouge, oui, il bouge, il recule. C'est une façon de bouger aussi, M. le Président.

Premier cas, qui touche la jeunesse de Montréal, la jeunesse du Québec, et aussi la formation professionnelle, sans compter l'emploi, on a annulé, urbi et orbi, la construction et l'agrandissement de l'École de technologie supérieure. La seule école de niveau universitaire qui oblige tous ceux de ses élèves qui veulent la fréquenter de posséder un diplôme de niveau collégial en enseignement professionnel. C'est ça, l'avenir. C'est ça que nous avons eu comme première réaction de ce gouvernement. On a annulé la mise sur pied de l'École de technologie supérieure.

Deuxième cas, le pavillon Arts IV de l'Université du Québec à Montréal, des investissements majeurs pour Montréal, des investissements qui auraient permis et qui devraient permettre la réunification de la famille des sciences à l'UQAM. Encore une fois, tabletté, annulé, sur la glace, on verra plus tard.

Troisième cas, un cégep francophone dans l'ouest de Montréal. On en a entendu parler durant la période des questions, des élèves francophones auraient pu aller dans un cégep francophone, dans l'ouest de Montréal, pour septembre 1995. Or, au moment où on se parle, ils ne peuvent même plus y songer, ils ne peuvent même plus y rêver.

Quatrième cas, l'hôpital dans l'est de Montréal. Déjà, dans l'est de Montréal, on cherche à recevoir des services supplémentaires et des services plus directs auprès de la clientèle qui recouvre, le député de LaFontaine en a déjà parlé, qui recouvre une grande partie des secteurs non seulement de l'est de Montréal, mais aussi de Laval et de Lanaudière. Encore une fois, on a scrapé, pour utiliser l'expression à la mode, ce projet qui aurait permis non seulement, non seulement, de favoriser un meilleur centre de services dans le domaine de la santé dans l'est de Montréal, mais aussi, imaginons-le, combien d'emplois de la construction ont été mis de côté par cette annonce, l'annonce du reniement de la mise sur pied de l'École de technologie supérieure, du pavillon Arts IV de l'UQAM, du cégep francophone de l'ouest et, finalement, du toit du Stade olympique. Tant pis pour la région, tant pis pour la jeunesse, tant pis pour la formation professionnelle et, surtout, tant pis pour l'emploi. C'est là la nouvelle façon de bouger, c'est là la nouvelle façon de gouverner, M. le Président.

Jeunesse, et aussi on en a parlé un peu, les communautés culturelles. Le vice-premier ministre en a soulevé quelques points, ce matin, dans son discours. Dans une des zones les plus défavorisées de Montréal, la Petite-Bourgogne, une population noire, une population jeune, une population pauvre, dans laquelle on retrouve au-delà de 2 000 HLM. Ces gens-là, depuis des années, réclament un centre sportif que le Programme d'infrastructure leur aurait permis de pouvoir rêver d'avoir. Qu'a-t-on fait avec? On l'a mis de côté. On l'a mis de côté. On vient dire aux gens du projet Georges-Vanier: Cancellez le projet. Allez, hop! Dans la rue, les jeunes. Dans la rue, les jeunes. Vous continuerez à avoir quelques déboires avec les policiers du poste 25. Le député de Mercier en sait quelque chose. Un gouvernement qui bouge, mais qui bouge en reculant. Les jeunes de la Petite-Bourgogne ont des modèles comme Tom Kane, joueur de football, des modèles comme Trevor Williams, membre de l'équipe canadienne de basketball. C'est autour d'eux que gravite une grande partie de la jeunesse de la Petite-Bourgogne. C'est qu'autour d'un équipement sportif de première qualité comme celui qu'on avait tenté de mettre sur pied on aurait pu éviter d'avoir des problèmes de délinquance pour des années et des années à venir. Non. On a préféré scraper le projet. Toute une partie de cette jeunesse noire, pauvre, nombreuse, dans un secteur important de Montréal, à qui on vient de dire: Non, vous autres, c'est dans la rue qu'on vous veut.

Dans le discours inaugural, M. le Président, on a aussi fait état de la volonté gouvernementale, à laquelle je souscris, à laquelle j'adhère, de mettre sur pied une liste électorale permanente. Comme le premier ministre le disait: Que seuls ceux qui ont un droit de vote votent. C'est une bonne idée. Cela empêchera – pour ceux qui s'en souviennent, ceux qui ont un peu de souvenirs – les expéditions punitives d'organisations péquistes qui tentaient et qui ont tenté de radier des noms par centaines dans les listes électorales de certains comtés montréalais sous le seul prétexte que les noms de famille n'étaient pas des Gagnon ou des Tremblay. Les membres des communautés culturelles, M. le Président, citoyens canadiens, s'en souviennent. Et c'est une des raisons pour lesquelles, comme le regrettait le vice-premier ministre un peu plus tôt aujourd'hui, ils sont portés à faire plus confiance à notre formation politique qu'à celle qui forme aujourd'hui le gouvernement.

Dans le domaine des finances publiques, M. le Président, le discours du trône ne nous a rien révélé. Le discours du trône aurait dû établir que c'était désormais la lutte à la fin, une lutte pour finir ce déficit des opérations courantes qui gruge non seulement notre budget mais l'avenir de toute la jeunesse au Québec. Tant pis pour elle! Les compressions comprimées, j'ai eu l'occasion d'en glisser un petit mot durant la période de questions, les compressions comprimées sont celles qu'on a vues et dont on a entendu parler au début du mois de novembre, quand la présidente du Conseil du trésor mentionnait qu'elle voulait, suite à la parution de la synthèse des opérations financières, faire en sorte de déduire les 235 000 000 $ de dépassement à l'égard du service de la dette directe et des intérêts sur le compte des régimes de retraite. Suite à l'évolution des taux d'intérêt et du cours du dollar canadien, dis-je, elle voulait déduire l'augmentation des dépenses de la péremption de crédits de 520 000 000 $ qui est déjà au budget. C'est donc dire: ou bien au Conseil du trésor on a modifié les conventions comptables, ce qui fait qu'aujourd'hui on soustrait ce qu'on devrait additionner, ou bien on est dans une erreur grossière qui nous amènera, M. le Président, à une augmentation substantielle du déficit d'opération.

D'ailleurs, les journaux ont été critiques ce matin à l'endroit du discours du trône en ce qui regarde cette volonté de mettre fin au déficit des opérations courantes. Le Soleil titre: «Parizeau fait le mort sur sa promesse d'amener le déficit d'épicerie à zéro.» Dommage. Dommage non seulement pour la population mais dommage aussi pour les jeunes, les jeunes qui auront à vivre en payant des taxes et des impôts et en recevant moins de services dans l'avenir. La population jugera bientôt un gouvernement qui n'a pas eu le courage de faire des compressions budgétaires, telles qu'elles étaient exprimées dans le dernier budget, quitte à augmenter le niveau de péremption de crédits s'il y a une augmentation des dépenses qui doit découler de l'estimé, qui était très difficile à faire, sur le cours du dollar canadien ou le niveau de service de la dette.

M. le Président, ce gouvernement court deux lièvres: ce gouvernement cherche à gouverner et à séparer le Québec du Canada. La population jugera bientôt qu'il ne fait bien ni l'un, ni l'autre. On a tous été témoins oculaires ou auditifs du discours du premier ministre à la Chambre de commerce de Montréal, où après avoir, avec raison, félicité les ténors de l'économie du Québec des projets comme ceux de Cascades, des projets comme ceux de SNC-Lavalin, des projets qui ont fait non seulement la fierté mais la richesse du Québec moderne, eh bien, toutes ces entreprises, M. le Président, se sont développées, se sont épanouies dans le cadre d'un régime politique que nous connaissons bien, qu'est celui du cadre fédéral canadien. La population ne sera pas dupe de ce qu'on veut bien lui faire croire.

(17 h 20)

Nous aurons, à partir de la semaine prochaine, la deuxième étape; le deuxième lièvre sortira du chapeau: comment sépare-t-on le Québec du Canada? Nous avons hâte de voir quelle est la recette, l'alchimie que nous préparent le premier ministre et son cabinet en ce domaine. Une chose est certaine, nous en aurons pour des années, peut-être. Je souhaite que ce soit le plus vite possible, en 1995, que nous puissions régler cette question pour voir ce gouvernement passer aux vraies affaires, voir ce gouvernement s'attaquer à la façon de gouverner. L'autre façon de gouverner est celle que la population du Québec attend encore.


Motion de censure

M. le Président, je terminerai en présentant la motion de censure suivante: «Que l'Assemblée nationale blâme le gouvernement du Parti québécois qui renie sa promesse électorale, soit d'éliminer le déficit des opérations courantes au cours des deux prochaines années.» Et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Westmount–Saint-Louis, je vous remercie. Maintenant, je vais reconnaître M. le député de Roberval. Alors, M. le député, je vous cède la parole.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'émotion que je prends la parole pour m'adresser à cette prestigieuse Assemblée pour la première fois comme député du comté de Roberval. Mes origines terriennes et agricoles font que je suis profondément enraciné et attaché à ce coin de pays et à la classe agricole qui a été ma première profession. Si je suis entré en politique, ce n'est pas avec l'intention d'en faire une carrière, mais c'est pour être un député disponible à ses citoyens, un défenseur énergique des intérêts de mes concitoyens et concitoyennes de toutes générations, de toutes professions, et de travailler avec mes collègues de cette prestigieuse Assemblée à administrer le Québec.

En cet instant précieux pour moi, mes premières pensées iront, vous vous en doutez, à mes électeurs et électrices du grand comté de Roberval. Qu'il me soit permis ici de les remercier solennellement de leur confiance sans équivoque. En tant que nouvel élu, je voudrais également souligner, d'une façon particulière, la qualité du support que tout le personnel de l'Assemblée nationale porte envers nous, les députés.

Je m'en voudrais également de ne pas souligner la qualité de l'équipe de députées féminines, ici, à l'Assemblée nationale. Cette équipe représente 52 % de la population, et ce, avec beaucoup de dignité et de classe. Ces dames ont su avec détermination mener de front leur vie familiale, leur carrière professionnelle et leur carrière politique. Je tiens également, dans le cadre de l'Année internationale de la famille, à témoigner devant cette Assemblée du rôle primordial que joue la femme au foyer dans notre société. Je leur dis merci et leur tends la main, afin de relever le défi de l'éducation de base de notre jeunesse québécoise qui est notre première ressource familiale. La famille, dans cette Année internationale de la famille, devrait prendre le cadre... on devrait prendre le cadre de la vie familiale comme principe structurant dans l'élaboration de nos politiques de développement et de création d'emplois. Comment voulez-vous que les parents puissent assumer pleinement leur rôle s'ils ne réussissent pas à gagner leur pain dans la dignité et le respect?

M. le Président, le Québec tout entier a reçu un message très clair, hier. Le message, c'est que le Québec a de nouveau un gouvernement très bien informé des vrais problèmes et motivé à agir comme jamais dans la transparence, la volonté et la solidarité. Québécois et Québécoises, comme le disait si bien M. le premier ministre, relevons la tête! Notre avenir reste à bâtir, et le triangle de l'avenir et de la confiance, c'est d'abord le citoyen, le gouvernement local, le gouvernement national pour une union durable, une vision humaniste, afin de conserver la liberté de décider du type de services et de gouvernement que l'on veut se donner, toujours en considérant nos moyens.

Voilà enfin une équipe gouvernementale qui a le goût de bouger plus que jamais. Depuis sa récente élection, notre gouvernement a déjà bougé dans plusieurs domaines stratégiques: relancer le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec; exiger également de ce Fonds de solidarité qu'il investisse également dans les régions; rouvrir les écoles primaires menacées par la fermeture; lancer un programme de démarrage d'entreprises. Dans mon comté, des projets qui attendaient déjà depuis cinq ans ont eu enfin consensus. Résultat: au-delà de 100 000 000 $ d'investissements d'ici deux ans par des entreprises privées sans aucune participation gouvernementale. Il est temps, je pense, que nos grandes entreprises, comme les petites, fassent certains consensus pour l'utilisation de nos richesses premières dans chacune de nos régions et de maximiser la transformation de ces mêmes richesses. Nous avons déjà, en 60 jours, solidement pris la barre et nous avons la ferme intention de garder le cap sur l'action.

Permettez-moi, M. le Président, de rappeler quelques-uns des éléments les plus stimulants présentés hier par le premier ministre: établir un système de perception des pensions alimentaires pour soulager les familles monoparentales; rétablir les vraies priorités dans le système de taxation du Québec; traquer le travail au noir et la contrebande; réviser la fiscalité municipale en étroite collaboration avec les élus municipaux; proposer un nouveau système d'appui financier pour nos organismes communautaires complètement épuisés par le manque d'intérêt du gouvernement précédent – justement, M. le premier ministre est allé même jusqu'à proposer une certaine solution; il restera à mettre les chiffres et le pourcentage qu'on pourra aller chercher sur les profits nets pour être capables de permettre aux organismes communautaires d'avoir un support financier digne de leur action – construire des logements sociaux; établir, de toute urgence, un système d'éducation alternant formation théorique et formation en entreprise, et toujours, ça, en collégialité avec les PME; lancer l'opération de régionalisation des pouvoirs et des ressources, et ce, à même les structures existantes.

Ce gouvernement, M. le Président, parle de la vraie vie, il parle des vrais problèmes, a une inébranlable volonté d'agir dans l'intérêt des Québécois et des Québécoises. Le sentiment d'urgence maintes fois exprimé par la population est des plus présents dans le discours du premier ministre et totalement absent dans le discours du chef de l'opposition. Réalisme, clairvoyance, volonté, solidarité, voilà ce qui anime notre gouvernement. Voilà ce qui va enfin redonner l'espoir à tous les Québécois, cet espoir tellement nécessaire à la marche de notre peuple. Il s'exprime également avec force dans notre projet souverainiste. Je suis fier que M. le premier ministre ait réitéré son invitation aux Québécois et Québécoises pour le grand rendez-vous de l'histoire avec une question claire qui sera posée dès 1995. Inspiré par la volonté d'agir, M. le Président, du gouvernement du Québec, en retrouvant sa confiance en lui-même, le peuple du Québec choisira de vivre sa propre histoire et non plus celle des autres.

Pour ma part, mon action va être guidée par la promotion des dossiers chauds de mon comté avec mes partenaires régionaux: promouvoir l'autosuffisance en agriculture; développer l'industrie touristique quatre saisons; prolonger le gazoduc dans mon comté; maximiser les retombées de la forêt et de tous les résidus forestiers; développer nos structures scolaires afin de répondre à la demande de nos entreprises au niveau de la formation professionnelle; défendre fortement notre agriculture régionale; et développer l'entrepreneuriat parmi les jeunes entrepreneurs.

(17 h 30)

Quant au discours du chef de l'opposition, M. le Président, il continue la promotion de son industrie favorite, soit l'industrie de la peur, bâtie sur du sable mouvant, du statu quo et la série d'échecs constitutionnels que l'on connaît tous. Nous offrons mieux aux Québécois. Nous leur offrons un gouvernement qui leur fait confiance et qui demande leur confiance.

Pour conclure, permettez-moi, M. le Président, de vous exprimer toute l'énergie créatrice, toute l'inspiration que l'écoute du discours du très honorable premier ministre a eues sur nous tous comme sur tout le Québec. Relevons la tête, nous a-t-il dit, prenons-nous en main, reprenons courage, ayons du cran et de l'audace. C'est ça, le défi que les jeunes du Québec ont besoin d'entendre. C'est ça, ce message, ce langage qu'ils ont besoin d'entendre afin de leur redonner confiance en eux-mêmes. Le peuple du Québec peut et doit se tenir debout et adopter une attitude tournée vers l'action progressive, l'action constructive. Les temps actuels sont propices pour raviver notre espérance. Mais l'espérance n'est pas une attente passive, elle est plutôt une force tenace qui nous permet de relever la tête, de nous redresser avec détermination et audace devant les enjeux et les défis qui se présentent à nous. L'espérance, c'est avoir foi en notre avenir, c'est la vertu des hommes et des femmes d'action. C'est sans doute cette vertu qui est pratiquée par l'ensemble de mes collègues de cette Assemblée qui a comme première responsabilité d'assumer pleinement l'avenir du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Roberval. Je vais reconnaître, maintenant, M. le député de Shefford. M. le député, je vous cède la parole.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, comme le veut la tradition et comme le veut spécialement ce remerciement qui est d'usage à l'Assemblée nationale, remercier tous mes concitoyens du comté de Shefford, les remercier doublement parce que, vous savez, M. le Président, les citoyens de Shefford, en 1994, ont été gâtés par les campagnes électorales. «Gâtés» est un bien grand mot, mais, en fin de compte, on doit les remercier de cette sagesse qu'ils ont su conserver le 12 septembre, celle qu'ils avaient entreprise dès une première fois le 28 février dernier.

Ces gens-là, M. le Président, m'ont fait part de leurs aspirations depuis déjà le mois de janvier. Depuis le mois de janvier qu'on est dans une campagne électorale perpétuelle dans Shefford, et c'est pour ça que j'insiste sur ce fait-là. Ces gens m'ont fait part de leur aspiration profonde, de leur aspiration légitime, celle de donner un mandat non seulement à un représentant mais à un représentant qui parlerait en leur nom; un mandat qui pourrait, pour eux, donner un espoir en l'avenir. Et cet espoir en l'avenir, M. le Président, commençait par la création d'emplois.

Vous savez, j'ai ratissé le comté de Shefford depuis le mois de janvier dernier et encore durant l'été. J'ai rencontré peut-être une quarantaine de milliers de personnes, et ces gens-là m'ont parlé continuellement d'emplois. L'emploi, on le sait, c'est la base de la fierté d'un être humain, de la dignité. C'est sur l'emploi qu'on peut bâtir l'avenir. Ces gens-là m'ont demandé de parler en leur nom afin que nous, ici, en tant que représentants... Et spécialement faire le message au gouvernement du Québec que, premièrement, c'est cet espoir en l'avenir qu'on veut redonner ici aux citoyens. Donc, dans un premier temps, je remercie tous ces électeurs et je réitère mon engagement de travailler en ce sens-là pour eux.

Je profite de l'occasion aussi pour remercier ma famille immédiate. Vous savez que ce n'est pas toujours facile d'être en campagne électorale, et, à l'instar peut-être de mon collègue de Bonaventure, qui a connu la même situation politique que moi en 1994, je remercie ma famille, ma conjointe, qui a travaillé avec moi, mes enfants aussi. On sait que nous sommes dans l'Année internationale de la famille, et ma famille a été le plus grand support pour moi. Même mon fils de 14 ans s'est occupé activement de la campagne, et je le remercie ici publiquement. Je remercie aussi les collaborateurs qui ont su pendant neuf ou 10 mois continuer le travail qu'ils avaient entrepris au mois de janvier dernier. Sans eux, je ne serais pas ici. Je dois aussi remercier notre chef, à qui je voue une profonde admiration. Il a prouvé, depuis janvier déjà, lorsqu'il est devenu chef du Parti libéral et premier ministre à ce moment-là, qu'il est un travailleur infatigable, et spécialement quand il s'agit de travailler pour l'avenir de tous les Québécois et Québécoises.

Je disais tantôt que les citoyens nous ont donné un mandat, donné un mandat à chacun des députés, ici, qui les représentent – autant d'un côté que de l'autre de cette Chambre – de défendre leurs intérêts avec acharnement et intelligence. Ils nous ont donné, comme je disais tantôt, le mandat de parler en leur nom. Je disais tantôt, naturellement, que les gens nous ont parlé beaucoup d'emplois durant cette campagne électorale. Et ces gens-là, à l'instar du comté de Shefford, ils nous ont demandé, en fin de compte, de leur rendre justice et de demander au gouvernement du Québec d'agir dans une seule administration. Et c'est ici que nous allons agir dans ce but-là.

M. le Président, à l'instar des gens du comté de Shefford, vous savez que le comté de Shefford est un comté qui a été convoité autant par le gouvernement actuel que par l'opposition. Certains croyaient que ce comté-là était un comté acquis à la cause souverainiste ou à la cause séparatiste. Ces gens-là nous ont démontré, spécialement depuis deux élections, qu'ils sont surtout attachés aux intérêts de la création d'emplois et à l'avenir du Québec. Ce sont des gens organisés. Ils n'ont pas attendu que les gouvernements s'impliquent à leur place. Ils ont attendu que les gouvernements soient un compagnon pour eux. Et, d'ailleurs, dans mon comté, dans ma région, déjà 3 000 emplois ont été créés depuis le début de janvier, et ce, jusqu'à la dernière élection. Donc, ils voyaient, probablement et sûrement, dans l'élection d'un candidat libéral, la continuité de ce projet d'avenir qui était aussi le nôtre. Ils nous ont aussi donné le mandat de voir à la gestion de leur argent. Et c'est, en fin de compte, le mandat général qu'ils ont aussi donné au gouvernement actuel.

M. le Président, tout en parlant de ce mandat, je crois que le gouvernement actuel n'a pas tout à fait saisi l'ampleur du mandat qu'il a reçu le 12 septembre dernier. Il avait, premièrement, un mandat de bien gouverner, un mandat de gouverner, un mandat de bouger, comme il disait. Et les décisions qu'il a prises depuis le 12 septembre dernier ne sont pas tout à fait en regard des promesses qu'il nous avait faites. Déjà ce matin, notre chef a cité plusieurs exemples à ce point de vue là. On parle du projet Grande-Baleine, par exemple. On peut se questionner sur le projet Grande-Baleine. Est-il abandonné tout simplement parce qu'on pourrait peut-être avoir des problèmes ou des divergences de vues avec les autochtones lors des prochains mois? Serait-ce seulement une décision qui serait prise en vue d'un référendum prochain?

On a vu, depuis le 12 septembre, un tas de nominations des amis du régime afin de placer tous les pions possibles et disponibles pour réaliser ce référendum-là et avoir une portée dans toutes les sphères de notre société. On a aussi parlé tantôt d'un mandat. On parlait du mandat de la gestion des affaires publiques. Rien ne nous indique, depuis le 12 septembre dernier, que le gouvernement actuel a voulu donner une ampleur au savoir-faire dans la gestion des dépenses publiques. Et il semble que toutes ces dépenses-là soient faites dans le seul but, le seul et unique but de promouvoir un but qui est tout à fait autre qu'un budget équilibré, tel qu'en fait foi la motion de censure déposée par mon collègue, le député de Westmount–Saint-Louis, il y a quelques instants.

M. le Président, hier, j'ai été énormément déçu aussi par le discours inaugural. J'ai ici, dans les mains, le discours du premier ministre, et on voit, à plusieurs reprises, qu'il parle de reprise économique, et je cite: «Voulez-vous, on va faire pleuvoir la reprise économique?» De toute façon, quand on lit plus loin dans tout ce discours du premier ministre, on ne voit absolument pas les idées maîtresses de cette relance économique.

Il y a seulement des idées générales. Et on se dit, à la suite de ça, à la suite de décisions prises, à la suite de promesses qui ont été faites par le Parti québécois, que, si la relance économique des entreprises passe par une taxe sur la masse salariale, il semble que cette relance-là ne pourrait pas... La relance passe par les entreprises, et ces politiques-là ne pourraient pas satisfaire les entreprises québécoises, qui sont présentement à la sortie d'une récession.

(17 h 40)

On ne peut non plus passer sous silence le fait que certaines entreprises sont en difficulté. Donc, ces entreprises-là se doivent d'avoir un support gouvernemental. Peut-être devrait-on leur donner une certaine latitude sur le paiement, souvent, des impôts qui sont en retard pour certaines compagnies. On voit dans mon comté, par exemple, que plusieurs petites entreprises sont en difficulté, et elles ont besoin de latitude de la part des gouvernements.

Donc, en fin de compte, pour terminer, M. le Président, on parlait d'engrais, là, sur les entreprises. D'ailleurs, M. le premier ministre citait qu'il allait faire pleuvoir des engrais aussi sur nos entreprises. La façon dont je vois ça, les seuls engrais qui pourraient pleuvoir sur nos entreprises à la suite des décisions qui sont prises actuellement sont plutôt similaires aux engrais utilisés par nos agriculteurs après les labours du printemps. Et il semble que les politiques actuelles n'aient qu'une visée référendaire.

Donc, je demande au gouvernement actuel d'y aller de son référendum le plus rapidement possible, afin que l'on puisse vraiment réaliser le mandat que la population nous a donné, soit un besoin évident de se saisir immédiatement de la gestion des affaires de l'État et des relations qui pourraient en découler avec nos partenaires. C'est important d'avoir des relations stables, une politique économique stable et une relation avec nos partenaires économiques voisins qui, déjà, historiquement, a toujours été à l'avantage du Québec. Il est certain que nous allons demander plus de souplesse, mais l'histoire du Québec nous envoie tout simplement dans une direction où la stabilité économique du Québec passe par une cohérence avec nos voisins du Canada et du reste de l'Amérique du Nord. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Shefford, je vous remercie. Et je vais reconnaître M. le député de Berthier. M. le député, vous avez la parole.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, mes premiers mots seront naturellement pour ces gens de coeur, les gens de Berthier, qui m'ont fait confiance le 12 septembre dernier. De Saint-Michel-des-Saints en passant par Saint-Gabriel-de-Brandon, en passant, naturellement, par Lavaltrie, Lanoraie, Saint-Jean-de-Matha et Berthierville, eh bien, merci à ces gens! Merci à vous tous de m'avoir reconnu votre confiance. Vous savez, M. le Président, que je pars de loin. En 1985... J'ai connu depuis ce temps un parcours, un chemin bourré d'embûches, d'obstacles parsemés quelquefois de détresse et de souffrance même. Je remercie du fond du coeur les gens du comté de Berthier pour leur générosité, leur tolérance et, surtout, leur grande ouverture d'esprit.

Mes quatre dernières années passées à la tête du Pavillon du nouveau point de vue, un centre qui vient en aide aux alcooliques, toxicomanes, autant au niveau des adultes et des adolescents, m'ont permis de côtoyer à la fois la souffrance et la grande détresse humaine qui parcourent notre société à travers ce fléau qu'on connaît tous, le problème de l'alcoolisme et de la toxicomanie, qui touche malheureusement de plus en plus, en cette fin d'année, de familles au Québec, et principalement les jeunes.

J'ai de la peine à voir, comme député de Berthier, ce qui se passe depuis des années au Québec, autant dans mon comté, dans ma région – celle de Lanaudière – que dans tout le Québec. L'absence de volonté d'agir du précédent gouvernement a dégénéré en la pire dislocation et en l'effritement de nos solidarités – et ce, depuis la deuxième grande guerre – au Québec. La vision d'éteignoir, la vision de comptable, la vision frileuse du précédent gouvernement a laissé place, malheureusement, au Québec, à une société égoïste et purement individuelle, qui est en train, en fin de compte, de perdre toute notion de valeur. En fin de compte, chez nous, de plus en plus, année après année, l'entraide et la générosité ont foutu le camp. Bref, on assiste aujourd'hui au Québec, malheureusement, à une société où règne le slogan suivant: Aux plus forts la poche!

Les libéraux, en fin de compte, si on peut dire, M. le Président, ont été les champions du phénomène de l'exclusion. Plus de 1 000 000 de personnes, aujourd'hui, au Québec, à l'heure où on se parle – principalement des jeunes – sont touchées par le problème, par le fléau du chômage, de la misère, de la pauvreté, du décrochage scolaire ou du décrochage de la société tout court, confrontées à une société de plus en plus violente qui sombre, malheureusement, dans beaucoup plus de criminalité. Nous avons glissé, en fin de compte, depuis fort longtemps, comme société, dans le désespoir. Une société qui, en fin de compte, manque de plus en plus confiance en elle-même et en l'avenir. Résultat: beaucoup de souffrance, de détresse, de désespoir et de malheur aussi. On assiste, comme société, à des drames de toutes sortes. Mais le pire, c'est que les libéraux ont entretenu un système sans âme, devenu presque inhumain, un système qui est devenu incapable de répondre à l'essentiel. Et, ça, c'est grave.

Et je cite pour exemple... On voyait, depuis plusieurs années, des gens faire la file, dans certains pays de l'Est, pour essayer de manger trois fois par jour. Eh bien, cette misère humaine, ce n'est plus nécessairement la misère des pays de l'Est, ce n'est plus nécessairement, comme disait mon père, le problème des grandes villes. Cette misère, on ne la voit plus nécessairement qu'en Union soviétique ou à Montréal. Cette misère, elle a malheureusement gagné nos régions, nos campagnes, nos villages et nos quartiers. Et je cite en exemple, Saint-Gabriel-de-Brandon, où on a un organisme communautaire qui s'appelle Source de vie et qui sert à 69 familles, trois fois par jour, des repas à ceux et celles qui sont incapables, justement, de subvenir essentiellement à cette donnée la plus fondamentale de l'existence humaine, c'est-à-dire de manger trois fois par jour. Alors, sans l'aide de ces organismes communautaires à travers les dernières années, au Québec, il y a bien des gens aujourd'hui qui crèveraient de faim. Et, ça, c'est dramatique.

Alors, le cancer, celui de la pauvreté, celui de la misère humaine, celui des exclus, a atteint, depuis plusieurs années, nos villages, nos rangs, nos quartiers, nos amis, nos familles et nos foyers. Et notre premier ministre, mon premier ministre, M. Jacques Parizeau, député de L'Assomption, a été le seul chef de formation politique depuis 1989, justement, à parler fondamentalement et à mettre au coeur de son engagement politique le phénomène de l'exclusion, le phénomène du Québec cassé en deux, le phénomène de la pauvreté et de la misère humaine.

L'autre absurdité de l'autre façon de gouverner, c'est, naturellement, leur spécialité d'avoir plongé le Québec dans la «programmite» de toute sorte et dans la paperasse. Ils ont traité, depuis plusieurs années, les citoyens d'abord et avant tout comme des consommateurs plutôt que comme des citoyens à part entière au Québec. Ils ont développé la phobie de 1 000 programmes pour 1 000 problèmes, un système de fou, en sorte, qui vise non pas à inclure les citoyens, mais à les exclure et à les rendre davantage dépendants d'une foule de programmes, de mesures, en fin de compte, d'employabilité pour les jeunes qui ont poussé littéralement notre jeunesse, comme ce n'est pas possible depuis plusieurs années au Québec, au désespoir, à l'isolement, à l'alcoolisme, à la toxicomanie, au décrochage et même au suicide. C'est un système, en fin de compte, qu'ils ont entretenu et qui a encouragé l'assistance plutôt que parier sur la contribution des individus, sur le savoir-faire des jeunes. Et la volonté de notre premier ministre, avec le discours inaugural d'hier, c'est d'agir et d'inciter nos jeunes à s'instruire, à travailler, à se retrousser les manches, à se responsabiliser, à reprendre confiance en eux-mêmes et en l'avenir et à bâtir tous ensemble, avec tous les Québécois et toutes les Québécoises, un vrai projet porteur d'espoir et d'avenir pour nos jeunes, un pays complet et reconnu. Oui, on va enclencher, on a décidé d'enclencher l'espoir, l'avenir, la volonté d'agir et le déblocage extraordinaire que constitue ce plus grand projet politique national qu'on appelle la souveraineté pour les Québécois et les Québécoises.

Mais, pour ce faire, pour faire un pays, ce n'est pas nécessairement de bâtir un pays aussi mal administré que les autres, ce n'est pas d'être aussi mal pris que les autres. Faire un pays, ce n'est pas juste de rapatrier des pouvoirs d'Ottawa à Québec et de créer davantage d'injustice et d'inégalité pour donner davantage de pouvoir sur nos vies à des fonctionnaires. Faire un pays, ce n'est pas de gonfler davantage le nombre d'exclus et d'entretenir les droits et les privilèges des uns au détriment des autres. Faire un pays, ce n'est pas d'exclure les gens, mais c'est de les inclure dans un nouveau contrat social, leur donner la fierté et la dignité.

Et, comme l'a dit l'abbé Pierre, nous avons la responsabilité, en ces temps difficiles, au Québec, comme parlementaires, de servir d'abord et avant tout les plus souffrants de notre société. Faire un pays, c'est d'être d'abord plus responsable, c'est de bâtir ensemble une nouvelle solidarité, où les riches, où les plus forts auront le réflexe d'aider les plus faibles et les plus mal pris de notre société. Faire un pays, c'est de se relever nous-mêmes et décider nous-mêmes de ce que nous allons faire. Faire un pays, c'est faire appel à ce que nous sommes, nous, les Québécois: des pionniers, des bâtisseurs, des aventuriers, des défricheurs, des découvreurs et des volontaires. Faire un pays, en somme, à notre image et à notre ressemblance.

(17 h 50)

Mais, pour ce faire, pour faire un pays, notre parti, mais principalement notre gouvernement, doit être à la hauteur du rêve des centaines de milliers de Québécois et de Québécoises; être digne de ce que René Lévesque, notre chef fondateur, a toujours voulu; être à l'image de ce qu'il a continuellement recherché. Il faut plus que jamais être accueillants aux idées des autres, ouverts aux autres, chaleureux envers celui ou celle qui est devenu adhérent à notre cause hier soir. Nous devons mettre de l'avant plus que jamais ce qu'ont toujours prôné notre premier ministre et notre vice-premier ministre, ex-vice-président du parti, M. Landry, c'est: La patrie avant le parti.

Mais, pour gagner le pays, il faut que notre gouvernement redevienne, en fin de compte, et crée au Québec la plus grande coalition politique de toute l'histoire du Québec. Le temps est au rassemblement dans les moments les plus importants de notre histoire, et je tends la main ce soir, comme député de Berthier, aux libéraux de toute leur vie, aux déçus, aux conservateurs orphelins, aux allairistes, aux fédéralistes désabusés, car, comme société québécoise, nous n'avons plus rien à attendre du Canada de Jean Chrétien, de Clyde Wells, de Romanow et de McKenna, de Rae et des autres. Il est temps d'achever ce que René Lévesque a commencé et a essayé, en fin de compte, dans le passé, de nous faire comprendre en 1980: un pays à nous, un pays de fraternité, d'entraide, de générosité, de tolérance, de liberté et d'amour, qui sera un modèle de société pour le reste de la planète.

Et je dis ce soir à tous les grands-parents, à mes grands-parents, aux aînés de notre société, la chose suivante: Vous qui vous êtes battus, qui avez travaillé dur, trimé dur pour les générations qui vous ont suivis, donnez un cadeau, en 1995, à vos petits-enfants; donnez-leur un pays.

Je terminerai avec cette phrase, la plus belle de toute l'histoire de la civilisation humaine: Aimons-nous les uns les autres. Voilà la condition essentielle de notre réussite, de notre bonheur, et de notre avenir à tous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Berthier. Maintenant, avant de céder la parole au prochain orateur, le député de Borduas, j'aurais besoin du consentement de la Chambre pour lui permettre de terminer son intervention de 10 minutes.

M. Boisclair: M. le Président, comme nous l'avons fait cet avant-midi pour ajourner le débat plus tôt, est-ce que je pourrais demander au leader de l'opposition s'il consentirait à dépasser jusqu'à 18 h 5 pour que mon collègue de Borduas puisse s'exprimer?

M. Lefebvre: À 18 h 5? Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement. Alors, M. le député de Borduas, je vous cède la parole.


M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau (Borduas): Merci, M. le Président. Je reconnais la gentilhommerie du député de Frontenac, que je retrouve aujourd'hui à l'Assemblée nationale. M. le Président, il y a cinq ans et demi, je quittais cette enceinte. J'avais fait trois mandats comme député, ici, 13 ans, et, à ce moment-là, j'avais besoin de recul, de prendre l'air un peu et de voir d'autres choses. Je ne regrette pas de l'avoir fait, mais je me retrouve aujourd'hui, cinq ans et demi plus tard, ici, dans cette même enceinte, dans ce Parlement qui est un des plus vieux au monde, dans ce Parlement qui symbolise la démocratie comme elle est en santé à peu d'endroits dans le monde – et j'ai pu m'en rendre compte en allant ailleurs. Je suis de retour dans cette enceinte parce que les gens que j'ai représentés pendant 13 ans ont continué d'avoir une affection particulière pour moi et ont choisi à nouveau d'avoir confiance en moi et de me demander de les représenter ici. Et c'est grâce à eux et grâce aux gens de Beloeil, de Saint-Hilaire, d'Otterburn Park, de McMasterville, de Saint-Mathieu-de-Beloeil et de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville que je me retrouve ici député, a entreprendre mon quatrième mandat dans cette Chambre, à l'Assemblée nationale. Je suis assez fier de cette réussite, mais je suis surtout très content de la responsabilité que les gens de chez moi m'ont donnée.

Et, aujourd'hui, grâce à cet appui, je me retrouve ici pourquoi? Parce que, pour moi, la politique, M. le Président, est noble et importante. M. le Président, la finalité politique, le premier ministre nous l'a rappelé hier, c'est l'organisation du bien commun dans une société. Et ma collègue de Vanier l'a très bien dit tantôt: Ce n'est pas du mauvais idéalisme que de mettre ça en perspective. Et en particulier dans un message inaugural – qui est le premier message du gouvernement qui entreprend une nouvelle Législature, non seulement une nouvelle session, mais une nouvelle Législature, après neuf ans dans l'opposition – il est normal qu'un gouvernement et qu'un premier ministre donnent le ton. Et d'entendre le premier ministre dire que l'idéalisme, c'est une bonne chose, pour moi qui ai fait 13 ans dans cette enceinte, c'est important. C'est important parce que c'est à travers des idéaux et des rêves que les sociétés avancent, c'est à travers des idéaux et des rêves que l'humanité a progressé. S'il n'y avait pas eu d'idéaux un peu partout dans l'histoire de l'humanité, si des gens n'avaient pas été des porteurs de ces idéaux, de ces rêves-là, il n'y aurait pas le Parlement du Québec, avec tout ce que ça représente comme progrès dans l'humanité, de progrès par rapport à ce qui s'est passé et de progrès par rapport à ce qui se vit actuellement dans bien des endroits au monde.

Vu de l'extérieur, bien sûr, le Québec est une société bien nantie, c'est une société extraordinaire, mais, vu de l'intérieur, c'est une société malade, M. le Président. C'est une société qui est affectée de graves problèmes. C'est une société qui est au carrefour de choix fondamentaux et qui, à l'orée du XXe siècle, peut se retrouver très rapidement dans le tiers monde. On est dans une situation et dans un contexte très particuliers, où on se retrouve, comme société occidentale, parmi les plus endettées au monde. On se retrouve dans une société occidentale en concurrence avec d'autres sociétés avancées, une société qui, en regard, par exemple, de la formation professionnelle, est en retard par rapport à tous ses principaux concurrents. On se retrouve dans une société occidentale qui investit le moins dans la recherche et dans le développement. On se retrouve – et mon collègue de Berthier vient de le rappeler – dans une société cassée en deux. Près de 1 000 000 de personnes chez nous vivent sous le seuil de la pauvreté. On peut bien brandir les statistiques des Nations unies et du programme des Nations unies pour le développement pour nous rappeler, de temps à autre, qu'on est une société nantie, parmi les meilleures, et que le Canada figure au premier rang. La réalité, c'est qu'on souffre, ici, chez nous aussi et qu'on est surtout affectés de problèmes structurels, fondamentaux qui, si on n'y prend pas garde, vont faire en sorte qu'on va être complètement déclassés. Il y a des gens dans le tiers monde qui se grouillent, actuellement. Il y a des pays qui sont en difficulté, mais qui ont décidé de se prendre en main et qui vont bientôt nous déclasser complètement si, nous, on s'assoit sur nos lauriers, si, nous, on pense qu'on n'a pas de problème et si, nous, surtout, on n'accepte pas de relever les défis comme ils doivent être relevés. Et, pour faire ça, il faut avoir une certaine éthique, il faut avoir une certaine attitude à l'égard des défis qu'on doit relever.

Le premier ministre, hier, c'est ce qu'il a fait. Il y a des gens qui étaient surpris, aujourd'hui, de voir que, finalement, ce discours-là, c'était une liste d'épicerie. Mais, encore une fois, lorsqu'on débute une Législature, il faut que quelqu'un donne le ton, que quelqu'un donne la direction, que quelqu'un donne l'encadrement du travail qui va se faire au cours des années qui viennent. C'était au premier ministre que revenait cette tâche, et il l'a faite admirablement. Il nous a dit qu'on avait des idées. Il nous a rappelé à tous qu'on avait des idées et des projets. Il en a cité un certain nombre, et certains de mes collègues sont revenus sur ces idées, sur ces projets. C'étaient des engagements électoraux, bien sûr. C'est le jeu de la démocratie, en campagne électorale, de mettre des idées de l'avant et des projets de l'avant. On en a beaucoup et on a déjà commencé à les mettre de l'avant.

Il y a une autre chose dont on a parlé hier. On a parlé de la volonté, de la volonté et – le premier ministre n'en a pas parlé, mais, dans le fond, ça allait de soi – du leadership. Ce qui a manqué le plus au Québec ces dernières années, c'est le leadership, c'est-à-dire une direction. En particulier quand on est dans la tempête, en particulier quand une société vit une crise économique comme celle qu'on a connue ces dernières années, ce dont cette société a besoin, comme une famille a besoin, comme un navire a besoin, quand elle est dans la tempête, c'est d'une direction et de quelqu'un à la barre qui tient les commandes et qui donne la direction.

(18 heures)

Hier, ce qu'on a eu et ce que le Québec a eu, c'est un chef d'État qui donnait la direction et qui disait aux Québécois: Nous avons des idées, nous avons des projets, nous avons la volonté et nous savons où nous devons aller. Parce que le Québec n'a pas le choix d'aller dans cette direction. C'est ce qu'on a entendu hier. Aujourd'hui, on peut très bien essayer de railler ça et de diminuer la valeur de ce discours-là. Mais, au moment où il a été prononcé, et ce sera différent dans les années à venir, c'est ce qu'il fallait dire.

Le premier ministre a parlé de solidarité, il a parlé de coresponsabilité. Et on a un grave problème au Québec: le problème du manque de confiance que les citoyens ont envers la classe politique, envers les élus. De quelque formation qu'ils soient, d'ailleurs. Il y a un an, le Conseil du patronat publiait un sondage qui montrait qu'à peine 9 % des Québécois avaient confiance et respectaient les hommes et les femmes politiques au Québec. Et, quand on sait – il faut avoir sorti un peu du Québec pour le savoir – malgré ce diagnostic que les gens posent sur leurs élus, que cette Assemblée nationale, que ce Parlement et que cette classe politique est, malgré tout, si on la compare aux autres classes politiques à travers le monde, une de celles qui se comportent le mieux et qui sont les plus dignes de respect, il y a un grave problème qu'il va falloir corriger et relever. Et, ça, c'est le défi que nous avons.

Et c'est parce que je crois à l'importance de la politique, à sa valeur fondamentale et à l'importance pour une société comme la nôtre, pour son développement, pour son organisation, pour faire en sorte que les problèmes de tous les jours des gens se résolvent, parce que je crois qu'il faut que les gens aient confiance en leurs élus que je suis, entre autres, revenu en politique. Parce que je crois que les gens ont besoin d'individus qui les représentent et qui croient que la politique est une chose noble, qui ne croient pas que, finalement, faire de la politique, ça mérite le classement qu'on a dans des sondages, où, finalement, on se retrouve à peu près à se demander si après les bandits, finalement, il n'y a pas juste les femmes et les hommes politiques qui arrivent juste après. C'est anormal et c'est inacceptable et on ne peut pas continuer à supporter cela dans notre société, si on veut sortir le Québec de la situation dans laquelle il se retrouve et si, surtout, on veut passer le cap qui est celui qui se présente maintenant à l'horizon, et à l'horizon rapidement.

M. le Président, je suis revenu aussi pour une autre raison, parce qu'il y a des rêves inachevés qu'il faut terminer, parce que j'étais député avec M. Lévesque en 1976 et parce que, quand je me suis présenté en 1976, je voulais et je croyais qu'on ferait un pays, j'espérais qu'on fasse un pays et nous n'avons pas fait de pays. Nous avons progressé dans cette idée-là, mais nous n'avons pas réussi.

Et, M. le Président, nous sommes conviés à faire un pays au cours de l'année qui vient. J'étais surtout content d'entendre le premier ministre hier nous dire deux choses importantes, qui sont aussi des révolutions culturelles pour le Parti québécois. Il nous a dit fondamentalement qu'on va cesser de leur faire des discours, aux gens du Québec, puis qu'on va les écouter. On va faire en sorte qu'ils s'approprient le projet du pays parce que c'est le leur, parce qu'il n'y aura pas de pays si les Québécois ne décident pas de faire de ce projet leur projet et qu'il n'y a pas 56 façons pour qu'ils fassent de ce projet leur projet. Il va falloir qu'ils s'en emparent, qu'ils parlent à la fois de leurs désirs par rapport à l'avenir, mais qu'ils parlent également de leurs craintes. Et c'est la deuxième chose dont le premier ministre a parlé hier. Il nous a dit: C'est fini le temps où on va laisser croire aux gens qu'il n'y a pas de problème, c'est fini le temps où on va leur laisser entendre que c'est un petit changement. Il nous a dit hier, avec justesse, que c'était un changement fondamental, difficile, et comme tous les changements importants, pour des individus comme pour des collectivités, ça veut dire de l'anxiété, ça veut dire des craintes légitimes, et nous respectons ces craintes-là. Nous ne respecterons pas des campagnes de peur qui vont faire en sorte qu'on va alimenter et attiser la peur, mais nous allons répondre et permettre aux gens d'exprimer leurs peurs. Et c'est ce qu'on va faire au cours des mois qui viennent.

Contrairement à ce que le député de Châteauguay nous disait tantôt, il n'y aura pas d'astuces et de faux-fuyants, il n'y aura pas de motivations cachées. La motivation, M. le Président, et je termine sur ça, elle est simple. «Maîtres chez nous», de Jean Lesage, et «indépendance», c'est la même chose. La normalité, pour un individu comme pour une collectivité, c'est d'atteindre l'autonomie pleine et entière, et c'est ça qu'on va proposer aux Québécois, de s'assumer pleinement. Et je pense que, s'ils acceptent de se parler de leur désir d'être maîtres chez eux, ils vont se rendre compte que, finalement, au-delà de leur peur, leur capacité d'aller en avant et de réussir est beaucoup plus extraordinaire et beaucoup plus emballante que les craintes légitimes qu'ils peuvent avoir par rapport au projet du pays. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie le député de Borduas. Maintenant, étant donné l'heure...

M. Boisclair: M. le Président, je voudrais proposer l'ajournement à demain, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, étant donné l'heure, nous ajournons nos travaux à demain, jeudi, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 5)


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