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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 26 janvier 1995 - Vol. 34 N° 18

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Table des matières

Lettre du premier ministre demandant que l'Assemblée se réunisse d'urgence

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!


Lettre du premier ministre demandant que l'Assemblée se réunisse d'urgence

J'ai reçu de M. le premier ministre une lettre me demandant de prendre les dispositions pour que l'Assemblée se réunisse d'urgence en séance extraordinaire à compter de 10 heures, ce jeudi 26 janvier 1995, selon le calendrier et l'horaire qui seront déterminés par l'Assemblée, et ce, afin de poursuivre l'étude de divers projets de loi inscrits au feuilleton de l'Assemblée nationale du 21 décembre 1994 et, si nécessaire, afin de présenter un projet de loi visant à assurer la reprise des services de la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec et de procéder à son étude et adoption. Et je dépose cette lettre.


Affaires courantes

Nous en sommes aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Pas de présentation de projets de loi.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. À l'item présentation de projets de loi, nous remarquons au feuilleton, au niveau des préavis, qu'il n'y a rien d'indiqué. Vous nous avez indiqué que nous sommes en réunion d'urgence spéciale. Tout le monde sait qu'à Québec le transport en commun ne fonctionne pas depuis plus d'une centaine de jours. Est-ce qu'on peut, à ce moment-ci, M. le Président, dans le but d'assurer aux usagers du transport en commun à Québec la reprise du transport, offrir notre collaboration au leader du gouvernement et, dans le but de lui éviter l'odieux et la tâche toujours désagréable de suspendre les règles de l'Assemblée nationale, lui offrir notre collaboration pour qu'on s'entende dès maintenant sur la procédure à suivre au cours de la journée pour que la loi soit adoptée avant ce soir?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, à un ex-ministre du Travail, je voudrais répondre que la meilleure façon pour une opposition d'aider à dénouer le problème, c'est de donner toutes les chances à la négociation de réussir, et, à l'instant où on se parle...

(10 h 10)

Des voix: ...

M. Chevrette: Est-ce que je peux continuer, M. le Président?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.

M. Chevrette: Bien oui, M. le Président, et je les ai laissé parler le temps qu'ils ont parlé. Je dois vous dire que, ce midi, il y a un Conseil des ministres spécial et que les décisions ultimes se prennent ce midi, mais la convocation de l'Assemblée nationale est pour à la fois l'ensemble du menu législatif et, potentiellement, une loi spéciale qui, en temps et lieu, sera déposée en cette Chambre.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

Une voix: C'est quoi, cette affaire-là?

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je constate qu'on a été convoqués d'urgence, alors que les décisions ne sont pas prises, du côté gouvernemental.

Une voix: Ils auraient pu y penser!

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...il faudrait peut-être que le leader commence par écouter quand le président fait quelque chose. Je vais vous lire le bout de phrase qu'il aurait dû écouter avant de se lever: ...à compter de 10 heures, jeudi le 26, selon le calendrier et l'horaire qui seront déterminés par l'Assemblée, afin de poursuivre l'étude de divers projets de loi inscrits au feuilleton de l'Assemblée nationale du 21 décembre et, si nécessaire, afin de présenter un projet de loi visant à assurer la reprise des services à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec. La lettre est très explicite, il s'agit de l'écouter, l'entendre et la comprendre.

Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition officielle, brièvement.

M. Paradis: Oui. J'avais pris connaissance du texte que vient de lire le leader du gouvernement, M. le Président. On savait qu'il y avait une urgence pour le transport en commun à Québec. Quant aux autres projets de loi, est-ce que le leader peut nous indiquer quelle est l'urgence?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...je vais répondre à cette partie, même si, normalement, ce n'est pas l'étape pour le faire. Je pense avoir répété à peu près à 50 reprises, sinon plus, que, dorénavant, le calendrier de l'Assemblée nationale s'adapterait au menu et non le menu au calendrier.


Dépôt de documents


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale


Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale

Le Président: Alors, nous allons donc procéder à l'étape suivante, dépôt de documents. Je dépose les décisions 707 à 712 du Bureau de l'Assemblée nationale, de même que le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale daté du 26 janvier 1995.

Il n'y a pas de dépôt de...

M. Paradis: Dépôt de documents.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Vous me permettrez de déposer, vu que sa nomination relève de l'Assemblée nationale, une lettre que j'ai fait parvenir hier au Directeur général des élections, M. le Président, M. Pierre-F. Côté, lui demandant de confirmer ou de dénoncer les propos méprisants tenus par le ministre responsable de la Réforme électorale à l'endroit de 250 000 – un quart de million – Québécois et Québécoises membres des communautés culturelles qui, suivant les accusations du ministre responsable, auraient voté illégalement lors des dernières élections générales au Québec.

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Je dois d'abord requérir le consentement pour le dépôt du document. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...je dois vous dire que j'ai pris...

Des voix: ...

M. Chevrette: Non, non. Vous avez laissé commenter une demande de dépôt. Je suppose que je peux répondre à la demande.

Des voix: ...

M. Chevrette: Donc, si on ne peut pas commenter, si c'est à sens unique...

Le Président: S'il vous plaît!

Une voix: Pas de consentement.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: ...

Le Président: Il n'y a pas consentement. Donc, nous procédons...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous procédons à la prochaine étape.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Pas de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions, non plus, portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Nous en venons à la période des questions et des réponses orales, et, à ce stade-ci, je cède la parole, pour une question principale, à Mme la députée de Jean-Talon.


Questions et réponses orales


Loi spéciale concernant le conflit à la STCUQ

Mme Delisle: M. le Président, après presque 100 jours de grève dans le transport en commun dans la région de Québec, après une baisse de clientèle de l'ordre de 60 %, après les pertes de revenus majeures pour la STCUQ, dont la facture, on le sait, sera assumée par les contribuables de la région de Québec, sans compter les pertes de revenus importantes pour les commerçants et les commerçantes, des milliers de jeunes, de travailleurs et d'aînés attendent toujours le règlement du conflit. Ma question s'adresse à la ministre responsable de l'Emploi et de la Concertation. Le gouvernement nous a rappelés en catastrophe ce matin prétextant l'urgence de voter une loi spéciale. Où est la loi spéciale qui justifie notre retour à l'Assemblée et le retour au travail des chauffeurs de la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec?

Le Président: Mme la ministre de l'Emploi et de la Concertation.

Mme Harel: Alors, M. le Président, nous en sommes à 90 jours de grève aujourd'hui. Je le sais, je les compte une par une, à chaque journée, et je dois rappeler à Mme la députée de Jean-Talon que nous sommes convoqués également pour étudier un menu législatif, tel qu'il avait été prévu lors de notre ajournement en décembre dernier. Mais je veux immédiatement faire savoir à cette Assemblée et à la population de Québec que, la semaine prochaine, le service normal d'autobus reprendra pour tous les usagers de la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec. Est-ce que le service reprendra suite à une loi spéciale de retour au travail forcé ou grâce, in extremis, à une entente qui est toujours possible? Quoi qu'il en soit, M. le Président, les autobus rouleront à Québec normalement la semaine prochaine.

Des voix: Bravo!

Le Président: Pour une question additionnelle, Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Mme la ministre peut-elle profiter de la collaboration de l'opposition officielle pour adopter dès aujourd'hui une loi spéciale qui permettra le rétablissement du transport en commun dès ce soir? Pas la semaine prochaine, dès ce soir, tel que le demandent des milliers d'usagers et d'usagères?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je dois faire rapport au Conseil des ministres ce midi. À la question telle que posée par Mme la députée de Jean-Talon, je me demande ce qu'elle veut le plus: une loi spéciale ou que les autobus roulent normalement et que le service reprenne?

M. Chevrette: Une loi spéciale.

Mme Harel: M. le Président, je demanderais à Mme la députée de Jean-Talon d'être conséquente et de dire clairement à la population qu'il faut changer tout notre régime de négociation dans le secteur public et parapublic régi par le Conseil des services essentiels plutôt que d'essayer, comme elle le fait, de profiter du mécontentement des usagers.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en question principale.


Déclarations concernant l'exercice illégal du droit de vote par certains immigrants

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Considérant les propos tenus par le ministre responsable de la Réforme électorale, qui accuse les Québécois issus des communautés culturelles de voter sans avoir la citoyenneté canadienne, considérant ses déclarations à l'emporte-pièce, notamment au Soleil , le 18 janvier 1995, et je cite: «Ce n'est pas fou, théoriquement, d'avancer le nombre de 200 000 ou 300 000». Et celle qu'il a faite à Radio-Canada, le 25 janvier dernier, où il les soupçonne de voter illégalement, quelles preuves formelles, M. le Président – et j'insiste sur les preuves formelles – au-delà de la théorie, le ministre détient-il à l'appui de ses accusations?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais remercier très sincèrement Mme la députée de me poser la question. À plusieurs reprises, on m'a posé la question: Est-il exact qu'il y a 250 000 ou 300 000 immigrants qui pourraient voter et qui n'ont pas le statut de citoyen canadien, donc qui n'ont pas la qualité d'électeur? Et j'ai pris des informations et, des deux sources, autant canadienne que québécoise, on m'explique ceci: Entre 50 000 et 100 000 Québécois qui vivent ici depuis fort longtemps n'ont pas le statut de citoyenneté canadienne et pourraient voter, de par coutume, parce que connus. Deuxièmement...

Des voix: ...

M. Chevrette: Laissez-moi répondre!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Chevrette: Deuxièmement, il entre environ entre 40 000 et 60 000 immigrants par année, qui prennent de quatre à cinq ans... Le potentiel est là. On n'a jamais dit, je n'ai jamais soutenu, M. le Président, que ces gens-là votaient. J'ai dit: Potentiellement, voilà un nombre... qui pourraient voter, effectivement, si on n'a pas, pour ainsi dire, véritablement un contrôle.

(10 h 20)

Ceci dit, M. le Président, est-ce que je pourrais demander, d'abord, au leader de l'opposition: Comment peut-il s'acharner sur un cas précis qui est soulevé en cette Chambre puis être insulté du fait qu'on veuille faire respecter les lois?

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: À l'ordre! Mme la députée de La Pinière, en question complémentaire.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Pourquoi le ministre responsable de la Réforme électorale persiste-t-il à confondre un cas qui a été publiquement avoué avec des insinuations qui n'existent que dans la tête du ministre responsable de la Réforme électorale? Pourquoi le ministre persiste-t-il à distiller dans l'opinion publique des propos méprisants à l'égard des Québécois, ici, des communautés culturelles, allant même jusqu'à mettre en doute...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce méprisant, pour toute une collectivité et pour tout un peuple...

Le Président: M. le leader. Sur une question de règlement?

M. Chevrette: M. le Président, je n'accepterai pas qu'on prête des intentions. Le règlement est explicite. Et, d'ailleurs, je n'ai jamais méprisé quelque citoyen que ce soit qui a la qualité de voteur.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur la question de règlement.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président. En associant les 250 000 Québécois des communautés culturelles au cas de Marie Malavoy, il les insulte davantage.

Le Président: Alors, s'il vous plaît, j'en appelle à la collaboration de cette Chambre.

M. Chevrette: Sur la question de règlement.

Le Président: M. le leader, sur la question de règlement.

M. Chevrette: En s'acharnant contre Marie Malavoy en cette Chambre, mais de jamais dire en dehors de la Chambre ce qu'il a à dire, c'est un lâche, M. le Président!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît! Je pense que le mot «lâche», en cette Chambre, n'est certainement pas une expression qui est admissible et je souhaiterais que vous puissiez effectivement la retirer.

M. Chevrette: M. le Président, je vais retirer le mot «lâche» pour l'inviter à la bravoure.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît! Vous savez, Mme la députée de La Pinière, qu'il ne faut pas, quand même, prêter d'intention de cet ordre dans votre question. S'il vous plaît! Et je vous inviterais, s'il vous plaît, en terminant votre question, à reformuler la question pour enlever le mot «méprisant», s'il vous plaît.

M. Paradis: Sur la question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. J'entends répéter à l'extérieur de l'Assemblée nationale que Marie Malavoy a commis des manoeuvres électorales frauduleuses au sens de...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, nous en étions à la question de règlement suite à la question additionnelle posée par la députée de La Pinière, que j'inviterais à terminer sa question en reformulant, en enlevant le mot «méprisant», s'il vous plaît.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre responsable de la Réforme électorale ne peut-il pas reconnaître devant cette Chambre que le seul cas reconnu, documenté, de fraude électorale d'une immigrante qui a avoué sa faute, qui a voté et qui s'est fait élire sans en avoir la citoyenneté canadienne, le seul cas...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement.

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président. Vous allez demander, M. le Président, à la députée de retirer ses paroles. Le Directeur général des élections s'est même prononcé sur la légalité de l'élection, et, M. le Président, nous allons utiliser tous les articles de loi et de règlement contre cette allégation, si elle n'est pas retirée, et également contre les allégations du leader. Il y a des limites au charriage. Il y a des limites.

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Toutes les dispositions de notre règlement ne pourront remplacer la bonne foi et la collaboration des membres de cette Chambre. Alors, j'en appelle à votre collaboration. Je constate qu'au fil de sa question Mme la députée de La Pinière n'a pas encore nommé la personne. J'en appelle à la prudence, à votre prudence, Mme la députée de La Pinière. S'il vous plaît, reformulez votre question.

Mme Houda-Pepin: Bien. Alors, comme j'ai commencé à le dire, M. le Président, j'aurais dû dire qu'elle a voté répétitivement sans avoir la citoyenneté et que je prends sa parole comme quoi elle avait la citoyenneté canadienne quand elle s'est fait élire.

Le Président: Votre question.

Mme Houda-Pepin: Mais toujours est-il, M. le Président, que la question que j'adresse au ministre, c'est que le seul cas connu auquel il réfère, c'est celui de Mme Marie Malavoy, et c'est du côté du gouvernement du Parti québécois que la fraude a été commise. Pourquoi donc le ministre continue-t-il à distiller dans l'opinion publique des propos inacceptables, des propos insultants à l'égard des Québécois issus des communautés culturelles, allant même, M. le Président, à mettre en doute leur loyauté au Québec, leur respect des lois et leur droit à l'exercice de leur citoyenneté? Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, comment une formation politique peut-elle s'acharner sur un cas bien précis alors que ce que le présent gouvernement veut, c'est précisément le respect de nos lois? Et qui s'oppose au fait que seuls les électeurs ayant la qualité de vote puissent le faire par un système nouveau, moderne? Qui s'y oppose? L'opposition officielle, M. le Président, et ces gens-là parlent des deux côtés de la bouche en même temps. Ils n'ont aucune sincérité et ils ont des objectifs inavoués et cachés.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, pour une deuxième question additionnelle.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, à défaut de répondre formellement et adéquatement...

Des voix: Question!

Le Président: Votre question.

Mme Houda-Pepin: ...est-ce que le ministre responsable de la Réforme électorale peut arrêter ses insinuations gratuites, retirer ses propos et présenter ses excuses?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, vous savez que tous les Québécois qui ont leur citoyenneté canadienne sont aptes à voter de plein droit au Québec. La seule chose que vise le présent gouvernement, c'est de faire respecter cette législation et de prendre les moyens appropriés pour ce faire. Qu'est-ce qu'il y a de mal dans ça? Qui lutte contre ça? Qui réprimande ceux qui ne font pas ça? C'est l'opposition. Franchement, essayez de vous regarder dans une glace avant de poser de telles questions. Je n'ai pas honte du tout, comme ministre de la Réforme parlementaire, responsable de la Réforme parlementaire, je suis même heureux que l'ensemble des Québécois, très majoritairement, veuillent faire respecter le droit de vote pour ceux qui ont la qualité de voteur. Et tout citoyen, de quelque groupe ethnique qu'il soit, devrait être d'accord avec ça: dans un pays démocratique, seuls ceux qui ont la qualité d'électeur doivent s'exprimer démocratiquement.

(10 h 30)

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en question additionnelle?

M. Paradis: Additionnelle. Pourquoi, alors, le ministre responsable de la Réforme électorale répète-t-il jour après jour qu'il y aurait 250 000 personnes issues des communautés culturelles qui auraient voté illégalement à l'occasion de la dernière campagne électorale?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je reconnais bien l'insinuateur professionnel. Ce que je dis depuis deux ou trois semaines, M. le Président, c'est qu'on me répète qu'au Québec il y a de 250 à 300 citoyens québécois... 300 000, dis-je, qui n'ont pas cette qualité d'électeur. Je n'ai jamais dit qu'ils avaient voté, j'ai dit, M. le Président, que c'est un potentiel et qu'il nous faut nous donner les outils pour s'assurer que le vote soit légitime et réservé à ceux-là seuls qui ont la qualité d'électeur, c'est-à-dire qui sont citoyens canadiens.

M. Landry (Verchères): Tout à fait.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Pourquoi, s'il ne les accuse pas de frauder, les accuse-t-il d'être potentiellement des fraudeurs?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: ...quand on légifère dans une Assemblée, quand il y a des rapports qui nous parviennent du Directeur général des élections sur les difficultés de recensement, M. le Président, quand on nous dit, à la commission Lortie – une commission fédérale, vous devriez y croire – une commission fédérale qui nous dit que le recensement actuel est une chose dépassée, qu'il nous faut recourir aux moyens modernes, M. le Président, qui se conduit comme rétrograde? Qui ne veut pas l'évolution des moyens de contrôle des votes? Qui veut laisser le chaos actuel?

Rappelez-vous ce qui s'est passé à la Commission des écoles catholiques de Montréal aux dernières élections scolaires, rappelez-vous ce qui s'est passé dans certaines circonscriptions électorales, où des familles entières de députés ont voté! Vous ne pensez pas qu'il est temps qu'on mette de l'ordre dans notre système, qu'on l'améliore et qu'on fasse en sorte de se doter d'outils démocratiques corrects?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, pour une question additionnelle?

M. Paradis: Tout le monde est d'accord que ceux qui sont citoyens canadiens doivent voter...

Le Président: Votre question.

M. Paradis: ...mais pourquoi vous en prenez-vous à répétition, jour après jour, à 250 000 personnes issues des communautés culturelles quant à l'application de la Loi électorale? Y a-t-il deux catégories de citoyens au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, ce n'est pas des citoyens issus de communautés, c'est des citoyens qui ne sont pas reçus, ils n'ont pas encore la qualité de citoyen. Et je ne m'en prends pas à eux, je dis que je veux protéger le droit de ceux qui ont la citoyenneté au vote. Et qui a prononcé le premier le chiffre de 300 000? C'est Mme Frulla, la députée de Marguerite-Bourgeoys, et on a commenté, M. le Président, ces choses.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Si vous vous référez aux galées, à la transcription de nos débats, les premières paroles ont été prononcées par le député de Johnson, qui est le voisin de Marie Malavoy.

Une voix: Lui, il connaît ça!

Le Président: M. le leader.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais répondre à la question de la façon suivante: Qui, en cette Chambre, M. le Président, élu par des collectivités locales, dans chacun de nos comtés, qui peut être contre le principe suivant? Est-ce qu'on a le devoir ou non de défendre que seuls ceux qui ont la qualité d'électeurs doivent voter? Est-ce que c'est s'en prendre à d'autres, M. le Président? Absolument pas! Le Congrès juif canadien, section Québec, est venu nous dire, mardi après-midi, M. le Président, qu'il était entièrement d'accord avec le projet de loi, qu'il fallait le bonifier, et c'était un groupe ethnique qui s'est exprimé correctement.

Quels sont les objectifs cachés de cette opposition fébrile autour de cette loi? Voulez-vous bien me dire ce que vous pouvez avoir contre un projet de loi qui vise expressément à protéger le droit le plus fondamental, être citoyen canadien pour voter au Québec? Qu'est-ce qu'il y a de mieux que ça? Je me le demande, ce qu'ils cachent. Qu'ils nous le disent, on va peut-être les comprendre.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, pour une question additionnelle.

M. Ciaccia: M. le Président, n'est-il pas exact que le Congrès juif, tout en appuyant le principe du projet de loi, a affirmé qu'un des principes fondamentaux à maintenir dans le projet de loi, c'était la neutralité de la préparation de la liste électorale et la neutralité de la révision de la liste électorale, et qu'il voulait et insistait pour avoir un changement à la loi pour refléter les pratiques actuelles dans la Loi électorale qui assurent la neutralité de la préparation, de la révision? Votre projet de loi enlève cette neutralité et donne aux fonctionnaires le droit de préparer le projet de loi, et vous donne à vous le contrôle politique sur la liste électorale.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre responsable de la Réforme électorale.

M. Chevrette: M. le Président, je répondrai tout d'abord que le Directeur général des élections a été élu à l'unanimité de cette Chambre et reflète précisément la neutralité, parce qu'il exige le vote de cette Chambre à plus des deux tiers, et ça a été l'unanimité dans ce cas-là. Qu'est-ce qu'il y a de plus neutre qu'un citoyen qu'on a choisi, des deux côtés de la Chambre, pour rédiger la liste? Ça, M. le Président, qu'on ne vienne pas nous arriver avec la neutralité.

Et ceux, M. le Président, qui donnent de l'eau au moulin puis qui prétendent qu'on s'attaque à des individus alors qu'on veut protéger le droit des individus qui ont la citoyenneté, je vous réfère, M. le Président... Je crois que c'est au Devoir , samedi le 17 décembre: «Les libéraux craignent de perdre des milliers de votes. Le député Jean-Claude Gobé reconnaît qu'on puisse oublier qu'il faille la citoyenneté canadienne pour voter.»

«Un système qui peut nous paraître intimidant.» Le 17 décembre, encore une fois, Jean-Claude Gobé a précisé au Devoir qu'il ne voulait pas dire qu'il faille tolérer les personnes qui votent illégalement, etc.

M. le Président, arrêtez de reprocher à ce côté-ci, c'est vous autres qui manifestez vos craintes de perdre des votes. Vous avez créé vous-même l'ambiguïté. Nous, on est pour la protection du vote de ceux qui ont le droit de voter.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en question principale.


Compressions budgétaires dans le réseau hospitalier

M. Marsan: M. le Président, durant la dernière campagne électorale, le Parti québécois annonçait la création d'un groupe d'intervention spécial pour réviser les coupures dans le réseau hospitalier. Non seulement ce groupe n'a jamais été créé et cette révision n'a jamais été faite, mais le ministre de la Santé et des Services sociaux coupe 1 400 000 000 $ supplémentaires de services de santé et de services sociaux. Je cite à cet effet la conclusion de l'Association des hôpitaux de la région de Québec: «Les compressions annoncées pour les trois prochaines années sont d'une telle ampleur que même l'accroissement de la performance de chacun des établissements ne permettra pas de les réaliser sans impacts négatifs sur le niveau des services à la population.»

Ma question, M. le Président: Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux peut expliquer comment les centres hospitaliers pourront couper 118 000 000 $, à Québec seulement, sans toucher les services directs à la population, sans toucher les conventions collectives et sans toucher le mode de rémunération des médecins?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui. Alors, M. le Président, je pense que le député de Robert-Baldwin devrait continuer à documenter son dossier et prendre aussi en note les déclarations que des administrateurs et des cadres d'hôpitaux, lors d'un colloque hier ou avant-hier... ont aussi déclaré que, effectivement, au lieu de commencer à couper dans la qualité des services, il va falloir qu'on songe sérieusement à amorcer ce que j'explique et que j'ai discuté depuis trois mois avec tous les gestionnaires du réseau, qu'on va devoir amorcer une transformation réelle et sérieuse de la façon d'organiser notre réseau et qu'on va devoir prendre certains types de ressources. Entre autres, des lits d'hôpitaux de courte durée, que tout le monde sait qu'on a en trop dans certains endroits du Québec. Il va falloir prendre ces lits-là et les transformer en d'autres types de ressources, plus légères, à domicile, soins de courte durée, chirurgie d'un jour. Tout ça est très bien connu. Alors, d'entreprendre cette transformation va nous permettre, M. le Président, de maintenir et même d'améliorer la qualité des soins en utilisant nos ressources de façon plus rationnelle.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, pour une question additionnelle.

(10 h 40)

M. Marsan: M. le Président, j'ai la preuve écrite que le ministre de la Santé et des Services sociaux – oui, est-ce que le ministre pourrait recevoir la preuve écrite? est-ce que je peux la déposer? – prépare, en catimini, des coupures: 10 000 000 $ au CHUL, 13 000 000 $ à l'Enfant-Jésus, et 16 000 000 $ à Robert-Giffard. Est-ce qu'on peut déposer ce document-là? Et comment le ministre peut nous dire qu'il n'y aura pas de coupures dans les services à la population? C'est ça, la question.

Le Président: Est-ce qu'il y a, d'abord, consentement pour le dépôt du document?

Une voix: Oui.


Document déposé

Le Président: Consentement. M. le ministre.

M. Rochon: Alors, je pense que, quant au fond et à la substance, je prendrai avec plaisir connaissance de la preuve écrite, mais je dis tout de suite, et je redis tout de suite qu'il ne se prépare rien en catimini. Alors, quand j'aurai vu la preuve, je vous présenterai la contre-preuve.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, question additionnelle.

M. Marsan: Est-ce que le ministre pourrait avouer ce que les gens du réseau, et même les gens qui font partie du réseau, de l'autre côté de cette Assemblée, savent déjà, que des coupures d'une telle ampleur sont impossibles à réaliser sans toucher à l'accessibilité des services de santé et des services sociaux au Québec?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je réaffirme – et je vais essayer d'avoir des termes clairs pour qu'on comprenne – que, oui, il est possible qu'on fasse une transformation qu'on doit faire et que cette transformation va améliorer la qualité des services. Il faut dissocier la difficulté réelle de gérer la transformation à cause de la situation des finances publiques, c'est un fait, mais la transformation du réseau ne dépend pas, n'est pas causée par la situation financière; c'est une partie de l'environnement de gestion dont il va falloir tenir compte. Ça, c'est un fait, mais la transformation qui est nécessaire va permettre d'améliorer la qualité des services. Ça ne peut pas être plus clair, je pense.

Le Président: M. le député de LaFontaine, pour une question principale.


Construction d'un hôpital dans le nord-est de Montréal

M. Gobé: Merci, M. le Président. En 1994, les députés du Parti québécois de l'île de Montréal appuyaient la décision gouvernementale de construire un hôpital pour desservir les citoyens du nord-est, à Rivière-des-Prairies. Comment le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il aujourd'hui nous expliquer cette volte-face de son parti et de son gouvernement, maintenant, de changer le lieu de l'hôpital pour l'amener dans le comté du premier ministre Parizeau?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, tout ce que je me rappelle d'avoir vu, là, vraiment, comme décision, c'est une décision du gouvernement précédent de faire un hôpital dans cette partie, dans l'est ou le nord-est de la ville de Montréal. Cette question est présentement à l'étude, et, comme on a maintenant une approche différente – on l'a dit, qu'il y avait une autre façon, et l'autre façon...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre! M. le ministre... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, en terminant.

M. Rochon: L'autre façon, c'est de faire cette transformation de notre réseau, et nous voulons nous assurer que les services de santé qui vont être organisés et distribués pour cette population, dans cette partie de l'île de Montréal, le seront de la façon la plus efficace et pour le plus grand bien de la population, pas nécessairement en mettant en oeuvre des décisions qui ont été prises longtemps dans un contexte tout à fait différent quant à la technicité et la façon d'organiser le produit et les services.

Le Président: M. le député de LaFontaine, pour une question additionnelle.

M. Gobé: Est-il vrai, comme le soutient la déléguée régionale de Lanaudière, que le nouvel hôpital, l'hôpital Parizeau, sera financé par des coupures de budget...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, en terminant votre question.

M. Gobé: M. le Président, je faisais simplement référence à la promesse électorale du premier ministre d'amener un hôpital dans son comté.

Le Président: Question, s'il vous plaît.

M. Gobé: Je disais: Est-ce que cet hôpital sera financé, comme le déclarait la députée de Lanaudière et déléguée régionale, à même les budgets, les transferts de budget ou des fermetures d'hôpitaux faites à Montréal?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Je n'ai jamais dit qu'on va financer de un à un le développement de ressources, à quelque endroit que ce soit, par des ressources transportées d'une autre façon. Il y a toute une autre façon de faire. Il y a du...

Des voix: ...

M. Rochon: Il y a un redéploiement de ressources à faire, il y a des marges de manoeuvre à dégager dans les différentes régions et dans l'ensemble du Québec. C'est ce que nous allons faire pour redéployer les ressources là où la population s'est étalée au cours des dernières années.

Le Président: M. le député de LaFontaine, pour une deuxième question additionnelle.

M. Gobé: Le ministre est en train de nous annoncer qu'il dénie ce que la déléguée régionale de Lanaudière a dit dans les journaux la semaine dernière? Peut-il nous expliquer comment il va trouver le budget de financement du nouvel hôpital à Lachenaie?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Il faut comprendre qu'on en est à la phase du plan fonctionnel et technique, qui est une phase très normale dans le processus de décision et de développement de ce genre de ressources, et que ce développement du plan fonctionnel et technique est, justement, la prochaine période qui va nous permettre d'identifier exactement quel type de ressources il faut développer: quel type d'hôpital, combien, comment ça va être harmonisé avec les autres services autour et comment on va pouvoir mobiliser les ressources pour le faire. C'est ce qui va être fait dans les prochains mois, c'est ce qui a été annoncé. Je ne peux pas vous donner la conclusion avant qu'on ait fait l'étude.

M. Gobé: Est-ce qu'on doit comprendre, M. le Président, que l'annonce faite la semaine dernière d'un hôpital dans le comté du premier ministre était une promesse sans budget, sans étude, simplement dans le but de faire plaisir à des électeurs en vue du référendum?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de... À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président, sur une question de règlement. Je voudrais rectifier une fausseté. Ce n'est pas dans le comté... Non, non... Depuis le début que le député affirme des choses qui sont contraires, et en l'absence de M. Parizeau, j'ai le droit, comme leader, de lever une question de règlement et vous dire que ce n'est même pas dans son comté. Il erre complètement au niveau de la destination.

Le Président: S'il vous plaît! M. le député de LaFontaine. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: J'ai posé une question à M. le ministre, il n'a pas répondu.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Est-ce que je peux demander... Dans le brouhaha des discussions, j'ai perdu votre question. Voulez-vous la reposer, s'il vous plaît?

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Il faut reconnaître qu'il n'est pas facile, effectivement, de suivre toujours ce qui se passe, étant donné le nombre de personnes qui prennent la parole ou, enfin, qui disent des choses au moment où une personne, normalement, devrait être écoutée. Alors, j'en appelle à votre collaboration, des deux côtés de la Chambre. J'aimerais, M. le député de LaFontaine, que vous reformuliez brièvement votre question, s'il vous plaît.

M. Gobé: M. le Président, la raison pour laquelle je me suis assis, c'est que vous étiez debout. Et lorsque le président se lève, généralement on se tait et on arrête de faire du chahut. C'est ce que j'ai fait, je me suis assis.

Ma question, je vais la poser maintenant. Si les collègues du gouvernement arrêtaient de crier et de faire du bruit, le ministre aurait pu entendre la question.

(10 h 50)

Le Président: M. le député de LaFontaine, voulez-vous, s'il vous plaît, poser votre question.

M. Gobé: M. le Président, ma question au ministre était la suivante: Vu qu'il ne peut garantir l'origine des budgets, il peut nous dire si les budgets qu'ils vont faire pour faire administrer l'hôpital sont disponibles ou pas? Est-ce qu'on doit conclure que son annonce, la semaine dernière, d'un hôpital dans le comté voisin de celui de M. Parizeau...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: On parle de 50 m d'un bord ou de l'autre de la rue.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: Est-ce que cette promesse est une promesse électorale, basée sur aucun budget et simplement sur une vision politique dans le but de gagner des votes au référendum?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: La décision de développer des lits d'hôpitaux et des soins de courte durée dans cette partie du Québec a été décidée sur la base d'études techniques qui ont été faites. C'est une décision d'allocation de ressources. La décision étant prise – ça veut dire qu'on prend la responsabilité de mobiliser, au cours de la prochaine année et des deux prochaines années, quand on arrivera au temps de construire – les autres décisions vont suivre pour s'assurer qu'on aura l'argent et les ressources nécessaires pour le faire. Bon, il y a une première étape; là, on fait la deuxième étape.

Maintenant, M. le Président, je pense que si on est pour continuer à discuter de cette question-là, il faudra le faire autrement que sur une base de répartition des ressources entre les comtés, parce que ce n'est pas sur cette base-là que ça s'est décidé, mais sur une base d'où se trouve la population et selon ses besoins. Je peux comprendre que le député n'a jamais vu cette façon-là de faire dans les dernières années, parce que ça ne se faisait pas comme ça, mais c'est comme ça que ça se fait maintenant.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de LaFontaine, pour une question additionnelle?

M. Gobé: Tout d'abord, M. le Président, on se rend compte qu'en effet il confirme qu'il n'y a pas d'étude, ni de décisions qui ont été prises...

Des voix: Question.

Une voix: Le président est debout!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! M. le député de LaFontaine, je vous invite à poser votre question directement, sinon je passe à la prochaine question principale.

M. Gobé: Je pense, M. le Président, que c'est un dossier assez important pour les gens de l'est de Montréal qu'on puisse poser les questions nécessaires!

Des voix: Question.

Le Président: S'il vous plaît! M. le député de Laporte, en question principale. M. le député de Laporte, en question principale.


Nomination de M. Rodrigue Biron au conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre des Finances annonçait, la semaine dernière, la nomination de M. Rodrigue Biron au conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec, cet organisme qui administre le fonds de pension des travailleurs québécois.

Dans les notes biographiques de M. Biron, M. le Président, on dit qu'il est l'associé principal d'une importante firme québécoise spécialisée dans la vente, l'acquisition et la fusion d'entreprises. On sait que M. Biron est aussi un ex-ministre de l'Industrie et du Commerce du gouvernement péquiste, en 1981-1985, et les notes explicatives ou les notes biographiques, plutôt, ne disent pas, taisent plutôt le fait que M. Biron est un important collecteur de fonds du Parti québécois qui se spécialise surtout dans la collecte auprès des entreprises.

Ma question au ministre des Finances est la suivante: Compte tenu de la place importante qu'occupe la Caisse de dépôt dans le financement des entreprises québécoises, n'y a-t-il pas un grave danger à l'égard de la crédibilité de la Caisse de dépôt de voir un individu comme M. Rodrigue Biron utiliser son nouveau titre de membre du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec pour tenter de mieux rançonner les entreprises québécoises au profit de la caisse électorale du Parti québécois?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je veux faire appel à vous, je pense que la question est complètement irrecevable. D'abord, elle fait un procès d'intention à un individu, puis c'est odieux en cette Chambre, c'est inadmissible, c'est contraire au règlement. S'il a des faits à reprocher à M. Rodrigue Biron, qu'il se lève et qu'il le dise. Mais on n'a pas le droit, à une période de questions, de se servir de son immunité parlementaire pour faire des procès d'intention malicieux, vicieux, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, M. le Président. La question du député de Laporte est conforme à notre règlement. Si le leader du gouvernement ne fait pas confiance au ministre des Finances pour y répondre, c'est son problème!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Il n'y a aucune question, M. le Président, de confiance. En vertu de 77, le règlement est clair: ou bien on applique le règlement, mais, si on veut jouer à ça, mettons nos deux caisses sur la table, vous regarderez laquelle est la plus propre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! Écoutez, on pourrait avoir 56 versions du règlement pour essayer de l'améliorer. Si, au départ, il n'y a pas la collaboration des membres de cette Chambre, je pense que ça peut être très difficile pour nous tous ensemble d'avoir une période de questions et réponses correcte. Il faut reconnaître effectivement que la question était peut-être un peu chargée. Ceci étant dit, j'inviterais monsieur... Un instant! J'inviterais M. le ministre à répondre, s'il vous plaît, à la question.

M. Campeau: Merci, M. le Président. Je profite de l'occasion pour féliciter M. Guy Savard du travail qu'il a fait durant son séjour à la Caisse de dépôt. Le conseil d'administration a respecté les termes de son contrat, et on m'a informé de toutes les conditions de son départ. Quant à M. Rodrigue Biron, vous comprendrez, M. le Président, que c'est toute une acquisition pour la Caisse de dépôt.

Des voix: Bravo!

M. Campeau: M. Biron étant un entrepreneur compétent d'expérience, il va apporter à la Caisse de dépôt une grande crédibilité. M. Biron sait ce que c'est que la différence entre les profits et les pertes, et je pense qu'il pourra améliorer grandement la performance de la Caisse de dépôt quant à son rendement et aussi dans son double mandat d'appui au développement économique du Québec. Je vous remercie.

Le Président: M. le député de Laporte, pour une question additionnelle, en ayant à l'esprit les dispositions de notre règlement, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Quelles garanties le ministre a-t-il obtenues que M. Rodrigue Biron ne se servira pas de son nouveau titre de membre du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec pour tenter de manipuler les gens d'affaires...

Des voix: Ah! Ah!

M. Bourbeau: ...en vue de les convaincre de souscrire à la caisse du Parti québécois?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je regrette, mais, à la période de questions, et le règlement est clair, on n'a pas le droit, sans fait concret, d'insinuer, M. le Président, de faire des procès d'intention, d'essayer d'accuser quelqu'un de manipulation. Ce genre de geste et de propos, M. le Président, c'est de bas étage et on ne devrait pas tolérer ça en cette Chambre, et quel que soit le parlementaire. Vous devriez lui demander de retirer ses paroles, M. le Président, ou carrément de le déclarer hors d'ordre. Ça n'a pas de bon sens d'agir de même sous le couvercle de l'immunité parlementaire. C'est petit, petit, petit, petit.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. La question ne pouvait être plus précise: Quelles garanties le ministre a-t-il demandées? Il en a demandé ou il n'en a pas demandé? S'il n'en a pas demandé, on sait à quoi s'en tenir. S'il en a demandé, lesquelles? Qu'il les expose. Ce n'est pas compliqué.

Le Président: Alors, je rappelle aux membres de cette Chambre que la période des questions vise à obtenir des renseignements du gouvernement et non pas à poser des jugements. Et j'en appelle, encore une fois, à votre collaboration pour que les questions ne comportent pas d'éléments posant des jugements sur des personnes ou sur des faits. Alors, M. le ministre des Finances, en réponse.

M. Campeau: M. le Président, j'ai rencontré M. Biron personnellement et je suis convaincu qu'il fera un excellent travail. M. Biron a toujours été un homme qui a su bien mener ses affaires, et je suis convaincu qu'il fera un excellent administrateur à la Caisse de dépôt.

(11 heures)

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et de réponses orales.

Il n'y a pas de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en sommes aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Aux motions sans préavis, M. le Président, je pense qu'avec le consentement de l'opposition nous pourrions présenter deux motions sans préavis sans débat, puisqu'on s'était entendu, je pense avec Mme la députée de Jean-Talon et également avec le vice-premier ministre, pour deux motions sans débat qu'on pourrait reconnaître immédiatement avant de présenter la motion que je dois faire.

Le Président: Alors, s'il y a consentement, nous pourrions donc passer à ces deux motions. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Nous avons consenti sans débat, mais nous aurions souhaité intervenir sur la première, M. le Président, vous comprendrez pourquoi tantôt. Et, quant à la deuxième, nous déplorons le fait que le délégué régional de la région de Québec ne pourra s'exprimer. Il est un peu trop souvent bâillonné.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, si je voulais rendre la réciproque au leader de l'opposition, c'est pour sauver sa députée qui présente une motion que je ne veux pas de débat.

Le Président: Bon. Alors, je dois d'abord obtenir le consentement de cette Chambre. Est-ce qu'il a consentement? Sans débat? Alors, il y a consentement. M. le vice-premier ministre.


Féliciter le président de l'Assemblée de son élection à la présidence de l'AIPLF

M. Landry (Verchères): M. le Président, je propose que l'Assemblée nationale félicite le président, M. Roger Bertrand, député de Portneuf, pour son élection à la présidence de l'Association internationale des parlementaires de langue française.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a donc consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement.


Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée? La présidence vous en remercie chaleureusement. Mme la députée de Jean-Talon.


Souligner la nomination de Québec comme finaliste pour l'obtention des Jeux d'hiver de 2002

Mme Delisle: M. le Président, j'aimerais que cette Assemblée souligne la nomination de la ville de Québec comme finaliste pour l'obtention des Jeux d'hiver de 2002 et qu'elle félicite le président de même que son organisation pour le dynamisme qui les caractérise dans la démarche visant à la tenue des Jeux d'hiver à Québec en 2002.

Le Président: Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Alors, je comprends qu'il y a consentement.


Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Conformément aux articles 27 et 28 du règlement, nous sommes maintenant à l'étape d'entreprendre le débat restreint sur le motif de la convocation et, en conséquence, je demanderai au leader adjoint du gouvernement de vous présenter la motion en vertu des articles 182 et 183 de notre règlement.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.


Motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée afin de poursuivre l'étude de projets de loi inscrits au feuilleton du 21 décembre 1994 et, si nécessaire, de permettre l'étude d'un projet de loi visant à assurer la reprise des services à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. «Qu'en raison – comme ça a été mentionné – de l'urgence de la situation et en vue de poursuivre l'étude de projets de loi inscrits au feuilleton du 21 décembre 1994, et, si nécessaire, en vue de présenter une motion de suspension des règles de procédure pour permettre l'étude d'un projet de loi visant à assurer la reprise des services à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec; l'Assemblée puisse siéger à tous les jours à compter de 10 heures jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux, avec suspension de 13 heures à 15 heures et de 18 heures à 20 heures, sauf le lundi où elle peut siéger à compter de 14 heures jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux, avec suspension de 18 heures à 20 heures; l'Assemblée puisse procéder aux affaires courantes à 14 heures le lundi et à 10 heures les autres jours; il soit permis, dès l'adoption de la présente motion, de terminer l'étape des affaires courantes et de passer aux affaires du jour; les articles 20 à 22, 52, 107, 194 et 240 soient suspendus; sous réserve de ce qui précède, les dispositions du règlement de l'Assemblée particulières aux mois de juin et décembre soient appliquées; les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer pendant toute la durée des séances extraordinaires.»

Voilà la motion de suspension de certaines règles de procédure, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous conviendrez avec nous qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle de suspendre les règles de cette Chambre. Dans les circonstances et conformément à la coutume, je demanderais que nous suspendions nos travaux pour quelques minutes de façon à ce que nous puissions prendre connaissance de la motion et par la suite faire des représentations quant à sa recevabilité.

Le Président: Alors, conformément à votre demande, nous allons suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 35)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien vous asseoir. Suite à la présentation de la motion de suspension de certaines règles de procédure, nous serions prêts à passer au débat, à moins qu'il y ait une intervention, à ce moment-ci. M. le leader de l'opposition officielle.


Débat sur la recevabilité


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Quant à la recevabilité de la motion présentée par le leader adjoint du gouvernement, elle s'appuie, suivant ses prétentions, sur le libellé des articles 182 et 183 du règlement de l'Assemblée nationale. Brièvement, se rappeler ensemble les dispositions de ces deux articles, M. le Président: «Le leader du gouvernement ou un ministre peut proposer la suspension de toute règle de procédure prévue aux paragraphes 2 et 3 de l'article 179.

«La motion doit indiquer le motif de la suspension et, s'il y a lieu, la règle qui s'appliquera.

«Elle fait l'objet d'un débat restreint et ne peut être amendée ni scindée.

«183. La motion ne requiert pas de préavis – c'est le cas – si le motif invoqué est l'urgence.»

M. le Président, on se retrouve donc devant un gouvernement qui, bien qu'il ait promis une autre façon de gouverner, qu'il ait promis...

Une voix: ...

M. Paradis: Quant à la recevabilité.

Bien qu'il ait promis une autre façon de gouverner, qu'il ait promis de respecter le règlement de l'Assemblée nationale, qu'il se soit engagé à ne pas suspendre les règles de cette Assemblée nationale, le gouvernement nous dit: Aujourd'hui, je convoque les parlementaires parce qu'il y a urgence, je demande à l'Assemblée nationale de siéger et je suspends les règles de fonctionnement qui sont prévues au règlement de l'Assemblée nationale.

Il s'agit, M. le Président, d'une motion très grave, au sens de notre règlement, mais qui est permise...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: ...mais qui est permise si...

Une voix: ...

M. Paradis: M. le Président, est-ce que vous pouvez demander aux gens de l'autre côté d'avoir le sérieux nécessaire, compte tenu du sérieux de la question qui est discutée devant cette Assemblée?

Le Président: S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, vous avez la parole.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Nous sommes donc en face d'un gouvernement qui nous avait promis de respecter le règlement et qui ne tient pas cette promesse. Le gouvernement, ce matin, nous a dit que le projet de loi sur lequel, tout le monde s'entend, il y a urgence, le projet de loi pour rétablir le transport en commun dans la région de Québec, qui est paralysé depuis une centaine de jours, n'est pas prêt.

M. Chevrette: M. le Président...

M. Paradis: Si ce projet de loi...

M. Chevrette: ...je m'excuse auprès du leader, question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais m'excuser, mais on va s'entendre sur une chose, et je voudrais vous demander une directive: Est-ce qu'on plaide la recevabilité ou pas, ou si on fait un débat sur les intentions d'un gouvernement? À ce moment-ci, à ce que je sache, M. le Président, le devoir de l'Assemblée, c'est d'entendre des arguments juridiques sur la recevabilité ou pas de la motion qui est là. Je l'ai laissé aller pendant trois ou quatres minutes, M. le Président, et je vous demande, s'il vous plaît, d'exiger qu'on s'en tienne à la recevabilité, à des arguments de recevabilité. Pas de faire le procès d'un gouvernement, on se le fera tantôt, soyez sans crainte, et on se parlera, M. le Président, et on fera les comparaisons qui s'imposent. Mais je voudrais qu'on s'en tienne au règlement et à la recevabilité, à des arguments de recevabilité. S'il n'y en a pas, il n'y en a pas, et vous trancherez.

Le Président: Alors, nous en sommes effectivement à l'étape des représentations sur la recevabilité même de la motion, et il me semblerait important qu'effectivement on expose éventuellement les faits pouvant permettre à la présidence de juger de cette recevabilité.

M. Paradis: Comme vous l'avez dit, M. le Président, il est important qu'à ce stade-ci, pour que vous puissiez vous prononcer sur la recevabilité de la motion présentée par le gouvernement, on expose les faits. C'est le gouvernement qui a dit qu'il y avait urgence, c'est le premier ministre qui vous a expédié une missive, dont vous avez fait lecture à l'ouverture de nos travaux ce matin, et qui a dit: Il y a urgence à ce que l'Assemblée nationale siège.

M. le Président, nous convenons, de ce côté-ci de la Chambre, qu'en ce qui a trait à l'adoption d'une loi spéciale pour rétablir le transport en commun à Québec il y ait urgence et, quant à ce motif, nous n'avons que les représentations suivantes à vous faire. Il est évident, suite aux admissions du gouvernement en Chambre ce matin, que le gouvernement, qui a tenu un Conseil des ministres hier, n'a pas pris de décision quant à la présentation ou la non-présentation d'une loi spéciale.

Mme la ministre responsable nous a dit que ce Conseil des ministres se tiendra plus tard aujourd'hui. Comment peut-on prétendre, M. le Président, qu'il y ait urgence si la décision gouvernementale n'est pas prise quant à la présentation ou la non-présentation d'une loi?

Quant aux autres éléments contenus dans la motion, M. le Président, parce que le leader a décidé d'utiliser une tactique, une astuce pour abuser de l'Assemblée nationale... Il était conscient que, si la loi était prête, nous consentirions, en ce qui concerne le transport en commun dans la région de Québec, à ne pas invoquer que l'urgence n'était pas là. Il y a urgence; la députée de Jean-Talon l'a argumenté avant les fêtes, dans l'intersession, et nous l'avons argumenté encore ce matin.

(11 h 40)

Quant aux autres éléments, aux autres dispositions législatives contenues au feuilleton, est-ce qu'il y a urgence, M. le Président, quand le gouvernement a été élu le 12 septembre dernier et que ce n'est qu'à la fin novembre, début décembre que l'Assemblée nationale s'est réunie? Est-ce qu'il y a urgence quand le leader du gouvernement a tellement mal planifié ses travaux qu'il a mis ses collègues dans l'embarras?

M. Chevrette: Question de règlement.

Une voix: Voyons donc! Voyons donc!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Je vous ferai remarquer, M. le Président, pour une deuxième fois, et je ne détesterais pas qu'on applique le règlement... M. le Président, j'ai affaire à un juriste devant moi. Et, à ce stade-ci, quand on a à plaider sur la recevabilité, est-ce qu'on a le droit de faire des procès? Tantôt vous aurez une période de deux heures précisément pour entendre ce genre d'arguments, mais il y aura réponse. À ce stade-ci – je vous le demande pour une deuxième fois et j'ose espérer, M. le Président, que je serai compris – plaide-t-on, oui ou non, sur le fond? Si oui, je vais plaider le même temps et sur le fond, alors que vous nous demandez de voir si la motion, telle que libellée et telle que dictée par le leader adjoint du gouvernement, est ou pas recevable. Quant à la notion d'urgence, on la plaidera pendant deux heures. Je veux savoir si le libellé est bon ou s'il n'est pas bon.

Le Président: Alors, je comprends, à ce stade-ci, que l'argumentation du leader de l'opposition officielle est à l'effet que la motion ne serait pas recevable pour le motif qu'il n'y aurait pas d'urgence. Alors, j'entends ces arguments quant au caractère d'urgence ou pas et je verrai à rendre ma décision par la suite. Là-dessus, M. le leader de l'opposition officielle, je vous prierais de...

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous avez très bien compris, très bien saisi le sens des remarques. Nous avons donc disposé du premier élément, la loi sur le transport en commun de Québec. La loi n'est pas prête. En Chambre, ce matin, vous avez été un témoin privilégié des réponses de la ministre de l'Emploi et d'État à la Concertation. Le gouvernement n'a pas pris de décision quant à cette loi, et il invoque l'urgence pour faire siéger l'Assemblée nationale.

À tout le moins, je vous soumets, M. le Président, quant à cette loi, de façon à accommoder le gouvernement et à garantir la collaboration que j'ai offerte, dès ce matin, à mon bon ami le leader du gouvernement, que nous suspendions nos travaux jusqu'à ce que le gouvernement ait pris une décision. Et, lorsque le gouvernement aura pris une décision, s'il invoque l'urgence à ce moment-là, nous sommes tous à Québec, nous serons à la disposition du gouvernement pour qu'ensemble... Et même, j'ai offert à mon bon ami, le leader du gouvernement, de ne pas lui imposer le fardeau ou l'odieux de suspendre les règles, qu'on pourrait convenir ensemble d'une façon de procéder, de façon à ce que les usagers du transport en commun à Québec aient un service de transport en commun dès ce soir, M. le Président. Je sais que vous êtes de la région de Québec et que, vous, vous êtes conscient de l'urgence de rétablir le service. Maintenant, on ne peut pas le rétablir sans que le gouvernement décide s'il va y avoir une loi ou pas, et on est devant une situation où le gouvernement a déjà admis qu'il n'avait pris aucune décision dans ce dossier.

Quant aux autres éléments, parce que la motion touche également les autres projets de loi qui ont été inscrits au feuilleton, M. le Président, je vous rappelais que le gouvernement avait été élu le 12 septembre, que ce n'est – et ça, c'est la responsabilité de mon bon ami le leader du gouvernement – que le 29 novembre, pratiquement début décembre, qu'on a siégé en session intensive, en période de fin de session, que les travaux ont été à ce point mal planifiés qu'à peine une demi-douzaine de projets de loi ont pu être adoptés. Je sais qu'il y a des ministres de l'autre côté qui tenaient à l'adoption de leurs projets de loi, mais ces projets de loi ne faisaient pas l'objet d'un débat d'urgence. Ça n'a jamais été invoqué à l'époque par quelque ministre que ce soit, projet de loi par projet de loi, qu'il y avait urgence.

Le projet de loi adopté, celui sur lequel on avait convenu qu'il y avait urgence, auquel tenait le leader du gouvernement, c'est le projet de loi pour permettre à l'ancien maire de Montréal, Jean Doré, de ne pas siéger dans l'opposition; on nous avait expliqué qu'il y avait un motif d'urgence. Dans les autres, aucun des ministres n'a invoqué de motif d'urgence avant les fêtes. Le leader ne nous a saisis d'aucun motif d'urgence quant à la convocation de l'Assemblée sur les autres projets de loi.

Ce que le leader tente de faire, M. le Président, présentement, c'est d'utiliser le dossier du transport en commun de la région de Québec, de plaider une pseudo-urgence, ou une vraie urgence s'il y a un projet de loi de prêt, et de tenter, par une astuce, d'amener d'autres projets de loi sur lesquels ils n'ont jamais plaidé l'urgence en cette Assemblée nationale tout au long de la session du mois de décembre. M. le Président, je vous dirai que c'est habile mais qu'on n'a pas le droit d'utiliser l'institution qu'est l'Assemblée nationale du Québec d'une façon aussi pernicieuse, aussi astucieuse, M. le Président.

Je sais que mon bon ami de l'autre côté va vous soumettre de la jurisprudence de vos prédécesseurs qui ont déjà accommodé des gouvernements en disant: À partir du moment où le mot «urgence» est utilisé, est invoqué, la présidence n'a pas à juger si, sur le fond des choses, il y a véritablement urgence. Je sais que des décisions ont déjà été rendues dans ce sens-là, M. le Président.

Vous avez à ce moment-ci l'occasion, et je vous référerai au plaidoyer de mon bon ami le député de Joliette, qui était, à l'époque, leader de l'opposition, qui disait que ça n'avait pas de bon sens qu'un président ne regarde pas la situation, que ça n'avait pas de commune mesure qu'un président se ferme les yeux devant une situation de fait qui n'était pas soutenue par ce qu'on retrouve sur le terrain... Bien, je vous plaide exactement la même chose que mon bon ami le député de Joliette vous plaidait à l'époque et je vous demande, M. le Président, parce que vous êtes le seul qui pouvez défendre les droits, les prérogatives et les privilèges de l'Assemblée nationale... Il n'y a pas personne qui nous écoute qui va comprendre qu'à part que dans le dossier de la STCUQ, le transport en commun à Québec, il y a urgence. Puis on est prêts, on va être à votre disposition. Mais il n'y a pas personne qui va comprendre quels sont les autres pseudomotifs d'urgence dans les autres législations.

Si vous en venez à la conclusion, M. le Président, que la loi n'est pas prête, que la décision gouvernementale n'est pas prise en ce qui concerne le transport en commun dans la région de Québec, si, après l'analyse des faits, M. le Président, vous en venez à la conclusion que, dans les autres lois qui apparaissent à notre feuilleton, le calendrier régulier, les travaux réguliers de l'Assemblée nationale peuvent être respectés, que les commissions parlementaires peuvent siéger normalement – il y en avait quatre de prévues aujourd'hui, des commissions parlementaires qui siègent normalement – que les travaux se fassent normalement et qu'il n'y a pas urgence qui vous a été démontrée par mon bon ami le leader du gouvernement dans les autres dossiers, vous avez la possibilité – je vous le soumets bien respectueusement, M. le Président – d'exercer votre jugement.

Il y a des gens qui vont vous plaider le contraire. Ils vont vous dire: Vous n'êtes pas là pour exercer votre jugement. À partir du moment où le gouvernement a décidé qu'il y avait urgence, ce n'est pas important qu'il n'y en ait pas, d'urgence. On décide qu'il y a urgence, on décrète qu'il y a urgence, et l'Assemblée nationale est au service... est un outil servile pour le gouvernement du Québec. Ce n'est jamais de cette façon-là que j'ai vu l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président, et ce n'est pas la façon dont le député de Joliette voyait l'Assemblée nationale du Québec avant que les nombreuses responsabilités ministérielles et gouvernementales qui l'accablent lui soient confiées. Au moment où il avait du temps pour penser, réfléchir et argumenter sur le rôle de cette importante institution dans notre société, il tenait également les mêmes propos que je vous tiens présentement.

M. le Président, vous en êtes à vos tout débuts. Vous venez d'être élu, et l'Assemblée nationale, unanimement, vous en a félicité, vous êtes membre d'une importante organisation internationale de présidents d'Assemblée nationale. Vous pouvez profiter de cette occasion pour rappeler le gouvernement à la lettre et à l'esprit du règlement. S'il y a un projet de loi pour rétablir le transport en commun à Québec, il y a urgence, M. le Président, et la motion du leader du gouvernement, quant à cet aspect, est recevable.

Quant aux autres aspects, on a évoqué l'urgence, mais on n'a jamais tenté de la justifier. Est-ce qu'il y a urgence sur les lois d'impôt? Elles s'appliquent déjà, M. le Président. Est-ce qu'il y a urgence sur les autres lois? Les autres lois peuvent toutes vivre le régime parlementaire qu'on s'est donné démocratiquement, peuvent toutes subir les analyses parlementaires, M. le Président, auxquelles les projets de loi se doivent d'être soumis si on veut éviter de commettre des erreurs graves.

M. le Président, dans les circonstances, la motion présentée ne répond pas aux prescriptions impératives de l'article 183 du projet de loi, mais, encore une fois, dans le but de faciliter le travail de mon bon ami le leader du gouvernement, je vous demande de suspendre nos travaux. Nous allons demeurer à Québec, attendre que ce qu'ils n'ont pas eu le temps de considérer au Conseil des ministres d'hier parce que ce n'était pas assez important, le transport en commun dans la région de Québec, soit considéré à l'occasion du Conseil des ministres d'aujourd'hui et, si le gouvernement en vient à la conclusion, décide de présenter une loi spéciale, nous serons ici. Nous tenterons de collaborer en évitant, M. le Président, ce qui constitue toujours un affront parlementaire, en évitant à mon bon ami l'odieux, la responsabilité odieuse de suspendre notre règlement de façon à gouverner un petit peu en dictateur, M. le Président. Je sais que ce n'est pas ça qu'il veut faire. Je sais que ce n'est pas ça qu'il a voulu faire. Je sais qu'il a peut-être, lui, honnêtement... il s'attendait à ce que le Conseil des ministres décide hier, que le projet de loi soit prêt, mais il semble qu'il n'ait pas eu suffisamment de poids pour convaincre ses collègues de procéder de façon à respecter l'institution. Merci, M. le Président.

(11 h 50)

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur la même question de recevabilité.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, il faut bien avoir suspendu les règles, dans ce Parlement, pour faire passer 24 lois d'un seul coup, il faut bien avoir, M. le Président, suspendu les règles dans toutes les fins de session pour venir s'opposer, non pas à une suspension, mais à la continuité de nos travaux. Ce qu'on propose aujourd'hui, c'est une continuité de nos travaux, M. le Président, sous le même horaire de décembre ou de juin. Ce n'est pas une suspension de règles. Ils vont pouvoir s'amuser comme des petits fous à parler pour rien, comme ils font depuis l'intersession, comme ils ont fait à la fin de la session. Ils vont pouvoir s'amuser jusqu'à minuit, jusqu'à 3 heures du matin, s'ils veulent. On fera la partie la plus désagréable, pour ne pas que les citoyens le voient, après minuit. Mais c'est ça qu'ils vont faire. Ce n'est pas une suspension du droit de parole; c'est pour leur donner la parole qu'on le fait, M. le Président. On va les faire parler. C'est ça, fondamentalement.

Les articles 27 et 28, là, je vais vous en parler de la recevabilité, moi. J'ai plaidé combien de fois, c'est vrai, M. le Président, mais, à chaque fois, j'ai eu la réponse qu'ils devraient avoir tantôt. Il n'est pas du ressort de la présidence, avec tout le respect que j'ai pour la présidence, de trancher s'il y a urgence ou pas. Il y a précisément un débat de deux heures de prévu pour établir l'importance de la convocation. C'est au bout de deux heures que c'est l'Assemblée nationale qui va décider, comme les libéraux le faisaient à l'époque. C'est la façon qu'on va prendre, les règlements ne sont pas changés. Je préférerais, personnellement – et ça, je n'ai pas honte de le dire de mon siège, moi – que ce ne soit pas le mot «urgence» qui soit marqué; je préférerais que ce soit «urgence et importance».

Ce n'est pas vrai qu'on va continuer, M. le Président, à subordonner le menu législatif au bon vouloir d'un calendrier. Le calendrier, c'est un outil, ça, pour adopter des lois, M. le Président. Ce n'est pas une religion, ça, un calendrier. Si le calendrier ne correspond pas, qu'est-ce qu'on fait? On change le calendrier. C'est un outil, c'est un moyen. Ce n'est pas une fin, ça, un calendrier parlementaire. La fin, les objectifs, ce sont les lois pour les citoyens, voyons! On se lève dans cette Chambre et on fait grand état de la non-planification. Je vous donnerai des petites statistiques durant les deux heures, M. le Président, je vous parlerai d'urgence.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, je m'en excuse auprès de mon bon ami le leader du gouvernement, tout simplement pour rappeler au leader du gouvernement qu'il a invoqué, tantôt, que nous sommes au stade de la recevabilité. Je n'ai rien entendu sur l'urgence.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, quel comique! Vous comprendrez pourquoi je n'ai pas besoin d'ennemis, M. le Président. Comprenez-vous?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: M. le Président, je vais vous lire une lettre de Robert Bourassa, du 28 août 1990. Il écrivait à votre prédécesseur, Jean-Pierre Saintonge: «Conformément au règlement de l'Assemblée nationale, je vous demande de prendre les dispositions pour que l'Assemblée se réunisse d'urgence à compter de 11 heures le jeudi 30 août 1990, afin d'être saisie de mesures importantes à l'égard de dossiers d'intérêt majeur, à savoir la construction d'un tronçon de l'autoroute 30 entre la ville de Châteauguay et de Sainte-Catherine...»

M. le Président, c'était très important, ça. Et c'est important pour nous autres aussi, les vidéopokers où les Québécois perdent des dizaines de millions de dollars, c'est aussi urgent qu'un tronçon d'autoroute. M. le Président, la Loi sur les impôts de M. Campeau, du ministre des Finances, c'est important et ça mérite aussi qu'on s'y attarde, comme gouvernement. Eux qui veulent absolument réduire le déficit, comment peuvent-ils s'opposer à ce qu'on adopte des législations qui visent précisément à aller chercher des revenus pour éliminer des déficits? On ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en même temps, M. le Président.

Prenez la page 94 de toute la jurisprudence de l'Assemblée nationale en matière de décisions quant au fait d'invoquer l'urgence. Votre prédécesseur et tous vos prédécesseurs, à chaque fois, se sont levés, M. le Président, et ont dit très clairement: C'est à l'Assemblée de se prononcer. Si on veut modifier le règlement et enlever le mot «urgent» et dire «important», bien, on discutera sur l'importance, ça, c'est clair. Mais, pour l'instant, c'est encore le mot «urgent» qu'il y a là, et on doit le prendre comme il est là. Et, avec tout le respect que j'ai pour la présidence, c'est à l'Assemblée nationale de se prononcer au bout du débat de deux heures. Et la logique... Et je voudrais amener notre juriste, M. le Président, à bien réfléchir sur un petit cheminement normal. S'il est prévu, en vertu de nos lois et de nos règlements, qu'on doive faire un débat de deux heures sur l'urgence, sur les motifs de convocation, comment peut-il demander à la présidence, au préalable, de trancher, alors que nos règlements disent que c'est au bout de deux heures qu'on doit se brancher? Il me semble que, la logique, c'est ça. N'importe qui... Pas besoin d'être juriste pour ça. La logique même de la procédure parlementaire veut que ce soit ça. J'aurais cru que le brillant avocat de Brome-Missisquoi aurait compris ça, M. le Président, parce que c'est une logique qui découle du règlement. Le motif de l'urgence ne relève en rien de la présidence, M. le Président.

Et je pourrais vous donner des cas précis, par exemple. L'ancien gouvernement, le 9 septembre 1992, également le 28 août 1991 et le 30 août 1990, a invoqué à trois reprises, là... Ce n'est pas dans les années quarante, là. Au moment où le brillant juriste de Brome-Missisquoi occupait les banquettes du pouvoir, il utilisait exactement la même formule. Et il voulait avoir une convocation spéciale pour un tronçon de route, pour l'attribution, en commission parlementaire, de budgets puis de mandats. C'était très urgent, ça. C'était très important.

Nous, on a dit: On a un menu législatif. C'est urgent que, dorénavant, le Parlement se penche sur des projets de loi qu'attendent les citoyens du Québec, qui peuvent apporter des revenus au gouvernement du Québec, qui peuvent contribuer à alléger le fardeau fiscal des Québécois. C'est ça qui est l'urgence. Ce n'est pas l'urgence d'un calendrier stéréotypé ou standard. Venez-vous en Chambre le 14 mars, pas avant! Bien non!

Puis, je regarde. Il y a d'anciens militants syndicaux en cette Chambre. Là, on a fait grand état de la STCUQ, puis ils ont dit qu'on ne s'est pas branchés. Je m'excuse, M. le Président. Ça, c'est des faussetés que je veux rectifier. Le Conseil des ministres a pris, hier, la décision qu'il y ait une loi spéciale, la loi spéciale étant un mandat de rédaction qui a été donné à la ministre. C'est l'opportunité de la déposer, ça. Avec tout le respect que j'ai pour un leader, M. le Président, quand on fait des relations de travail... Et lui qui a été ex-ministre du Travail... C'est un ancien ministre du Travail. Entre vous et moi, qu'est-ce que vous préféreriez, comme Assemblée nationale? Que les parties signent un contrat collectif d'ici minuit, ce soir, ou bien montrer les dents, se montrer forts ce matin, une tentative de récupération, comme on a fait à la période de questions? Franchement, M. le Président!

Le Parlement, il est convoqué pour deux choses: terminer le menu législatif ou, en tout cas, le faire progresser et, également, si nécessaire, utiliser le Parlement pour bâtir une loi d'exception et assurer le transport en commun aux citoyens de Québec. C'est ça, l'objet de la convocation, M. le Président. Il n'y a pas de charriage dans ça, M. le Président. C'est encore bien moins grave, la convocation qu'on a faite, que tout ce que j'ai connu, parce qu'on ne suspend pas les règles, M. le Président. Je me rappelle qu'on a même suspendu les motions de faits personnels.

Le leader du gouvernement, qui est en face de nous, son gouvernement a suspendu les questions de faits personnels. On ne suspend pas de droits ici, là. On dit: C'est la procédure de fin de session, donc des heures même plus grandes pour que l'opposition s'exprime, en souhaitant, M. le Président, qu'ils s'exprimeront comme du monde – ça, c'est clair – en souhaitant qu'ils travailleront de façon constructive et non pas des «filibusters» qui ne tiennent pas debout, où un député, par exemple, se lève pour dire une chose qui est, par exemple, d'aller contre le recensement multiple. L'autre se lève pour dire qu'il faut un recensement multiple, etc. On a vu toutes sortes de conneries en commission parlementaire, M. le Président.

Donc, je vous dirai, M. le Président, au même titre que vous avez laissé le leader de l'opposition aller: l'urgence réside dans le fait que les citoyens s'attendent à des législations de qualité. Et, dorénavant, M. le Président, le Parlement va siéger chaque fois qu'il en aura besoin, de siéger. Ce n'est pas un calendrier qui va conditionner le menu législatif, c'est le menu législatif qui va conditionner le calendrier.

(12 heures)

Le Président: À ce stade-ci, la présidence a donné amplement de temps à chacun des deux représentants des formations politiques pour entendre leurs représentations sur la recevabilité même. Je vais donc prendre, à ce stade-ci, la question en délibéré.

Et, auparavant – un instant, s'il vous plaît – je vous rappelle que, conformément à la décision rendue le 3 septembre 1992 par mon prédécesseur, la séance se poursuit indépendamment des heures de suspension ou d'ajournement de l'Assemblée prévues au règlement. Et, dès que je serai prêt à rendre ma décision, je ferai appeler les députés. Alors, nous suspendons nos travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 12 h 19)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien regagner vos places. Si vous voulez bien vous asseoir.


Décision du président sur la recevabilité

Alors, nous en sommes à rendre la décision sur la recevabilité de la motion du leader adjoint du gouvernement, motion de suspension des règles de procédure.

La présidence indique qu'il n'y a, dans les interventions qu'elle a entendues sur la recevabilité de la motion du leader adjoint du gouvernement, aucun élément qui n'avait été auparavant soulevé dans des cas semblables. En conséquence, je rends ma décision en me référant à une décision antérieure qui répond à toutes les questions soulevées par les deux leaders. Il s'agit de la décision du vice-président Michel Bissonnet, en date du 16 juin 1993, dont je citerai un extrait.

«Le règlement enjoint au président de décider de la recevabilité d'une motion, à savoir si les conditions de forme sont remplies. En ce qui concerne l'urgence, conformément à l'article 183 du règlement, elle n'a qu'à être invoquée dans la motion. Le président n'a pas à aller au-delà de ce que lui dicte le règlement; il est lié par celui-ci.

«La question de savoir s'il y a urgence ou non est laissée à l'appréciation de l'Assemblée et non de la présidence. Cette appréciation sera exprimée lors du vote sur la motion.» Fin de la citation.

(12 h 20)

D'autres décisions antérieures de mes prédécesseurs vont dans le même sens. Je donne, à titre d'exemple, celle du président Pierre Lorrain, du 19 décembre 1988, dont je vous lirai l'extrait suivant: «Contrairement aux deux règlements précédents de notre Assemblée, la motion n'a pas à contenir d'exposé de motifs lorsque l'urgence est invoquée. Les articles 182 et 183 du règlement sont clairs sur ce point. Il existe, par ailleurs, plusieurs précédents à l'effet que le président n'a pas à décider de l'urgence.»

Je me permettrai de citer une troisième décision, encore une fois, d'un de mes prédécesseurs, le président Pierre Lorrain, du 18 juin 1987, et je cite: «Il suffit d'invoquer l'urgence et cette dernière n'a pas à être prouvée. Il en est autrement lors d'une demande de débat d'urgence où le président peut, en vertu de l'article 90 du règlement, déterminer s'il y a effectivement urgence. Le règlement ne confère cependant aucun pouvoir au président lui permettant de déterminer si l'urgence invoquée dans une motion de suspension des règles est réelle ou non. Seule l'Assemblée peut décider par un vote à la fin du débat restreint s'il y a urgence de suspendre certaines règles de procédure.»

Et, sans citer d'autres extraits, vous me permettrez simplement de vous référer à une autre décision antérieure, celle du 17 juin 1993, du président Jean-Pierre Saintonge, ainsi que du 17 décembre 1992, toujours par le président Saintonge, qui, toutes deux, vont exactement dans le même sens.

En conséquence, la motion de suspension des règles de procédure présentée par le leader adjoint du gouvernement est recevable. Et, là-dessus, vous me permettrez de suspendre quelques instants afin de permettre de réunir les leaders de façon à décider de la répartition du temps de parole. Je vous remercie. Alors, la séance est suspendue.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 11 h 26)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien regagner vos places. Si vous voulez bien vous asseoir.


Débat sur la motion

Alors, nous en sommes donc au débat restreint. Je vous rappelle qu'il s'agit donc d'un débat de 120 minutes. Et, conformément aux dispositions des articles 28 et 210 du règlement, il a été convenu d'allouer cinq minutes au député indépendant, chaque groupe parlementaire se répartissant 50 % et 50 % le temps résiduel. Alors, là-dessus, je serais prêt à entendre un premier intervenant.

M. Gendron: M. le Président...

Le Président: Je m'excuse. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, j'avais compris, de l'entente entre les leaders et le député de Rivière-du-Loup, que le temps était de 50-50 pour les deux formations politiques, cinq minutes pour le parti de l'Action démocratique, mais que le temps non utilisé n'accroissait pas celui des autres, là.

M. Gendron: Exact.

Le Président: C'est bien cela.

M. Paradis: O.K., ça va.

M. Gendron: C'est bien ce qui a été dit.

Le Président: Donc, M. le leader adjoint du gouvernement.


M. François Gendron

M. Gendron: Voilà, M. le Président, c'est pour ça que je m'apprêtais à commencer le fond du débat sur les deux heures qui sont allouées par le règlement, mais plus maintenant complètement, tel que prescrit par la présidence.

Essentiellement, chers amis, au nom du gouvernement, je voudrais indiquer que le premier ministre, M. Parizeau, conformément au règlement de l'Assemblée nationale, avait indiqué au leader du gouvernement de prendre les dispositions pour que l'Assemblée nationale se réunisse d'urgence, en séance extraordinaire, à compter de 10 heures le 26 janvier 1995 – nous y sommes – pour deux raisons principales. Et c'est important, M. le Président, de retourner essentiellement aux éléments de la lettre du premier ministre. Tel que le règlement le prescrit, c'est une prérogative qui lui appartient, et, comme vous venez de le sanctionner, le gouvernement a la pleine et entière responsabilité d'agir comme nous le faisons actuellement.

Pourquoi convoquer la Chambre d'urgence? Deux motifs. Le premier motif: poursuivre l'étude de projets de loi qui sont inscrits au feuilleton depuis le 21 décembre 1994. Et, comme vous le constaterez, pas pendant des heures mais avec quelques éléments de précision, combien il y a eu comportement de parlementaires... Et c'est leur droit, mais c'est aussi le nôtre de dire qu'un gouvernement ne peut pas s'ajuster à une seule réalité qui s'appelle celle de perdre complètement le temps de la Chambre pour un seul motif: faire semblant qu'ils sont encore au gouvernement et que, en conséquence, on ne peut pas avoir la maîtrise de la conduite d'un certain nombre de projets de loi que nous jugeons requis, utiles, pertinents à l'intérieur de la responsabilité qui nous a été confiée par l'électorat québécois. C'est ça, la démocratie.

Et, quand j'entendais le leader du gouvernement nous faire accroire qu'on suspendait les règles, que c'était une motion de suspension des règles dramatique, grave, terrible, il n'y a pas vraiment de règles de suspendues. Je donne deux exemples: suspendre l'article 107 qui empêche d'ajourner inutilement pour des insignifiances, il n'y a pas grande brimade à la démocratie, si on prétend qu'il y a urgence; suspendre l'article 240 qui est l'article traditionnel quand une opposition veut faire des motions dilatoires pour amuser le monde, la galerie ou peu importe, se chercher un per diem additionnel – je ne sais pas quels motifs les animent – suspendre cet article-là pour dire: Écoutez, nous, dans cinq ou six projets de loi que nous voulons, ce n'est pas vrai que vous allez faire des motions de report. Alors, des motions de report, il n'y en aura pas, là, pour la courte session, pour les quatre ou cinq projets de loi que nous voulons. C'est ça que la lettre du premier ministre dit.

(12 h 30)

Comme ça s'est fait à plusieurs reprises, nous, on ne veut pas faire perdre le temps de la Chambre, tout le temps, partout, comme l'opposition l'entend et comme on l'a vécu durant la période des fêtes, et on l'illustrera tantôt par des exemples précis. C'est ça le premier motif.

Le deuxième motif, oui, il y a un service public dans la région de Québec, qui n'a pas été dispensé dans les règles pour lesquelles il est prévu, depuis un fort moment, et le Conseil des ministres, mercredi dernier, s'est réuni, a apprécié et a convenu que le moment était venu de mettre toute la pression possible pour souhaiter non pas une loi spéciale, mais souhaiter un règlement entre les parties, parce que, nous, on donne beaucoup plus de mérite et de valeur à un règlement négocié qu'à une loi spéciale.

Et, au Conseil des ministres, contrairement – je ne qualifierai pas ce que j'ai entendu tantôt – aux aberrations puis aux prétentions du leader de l'opposition, oui, on en a parlé longuement, oui, on a pris les décisions qui s'imposent, puis probablement qu'on a pris les bonnes décisions, on verra tantôt. Là, je suis en mesure uniquement de plaider pourquoi on a convoqué la Chambre d'urgence. Mais, on était conscients que plus on pouvait, entre le moment où on doit déposer le projet de loi spécial sur un conflit quelconque, qui s'appelle l'opportunité – ça s'appelle l'opportunité du dépôt... On a dit: Si on pouvait, pendant ces quelques heures là, permettre qu'il y ait règlement, c'est notre choix, c'est notre préférence comme gouvernement responsable. C'est pour ça, au moment où on se parle, que mes collègues membres du Conseil des ministres sont toujours en réunion au Conseil des ministres pour apprécier l'opportunité du dépôt. Mais une chose qui est sûre, c'est qu'il faut que ça soit, dans la pire des hypothèses, la dernière fin de semaine que le transport en commun ne fonctionne pas. Il faut que ce soit la dernière fin de semaine que le transport en commun ne fonctionne pas. Ça, c'est dans la pire des hypothèses.

On a pris les dispositions, et ça, ça s'appelle l'autre motif de convocation dans la lettre du premier ministre qui dit très clairement – très clairement dans sa lettre – je le lis: «Présenter un projet de loi si requis, si nécessaire, visant à assurer la reprise des services à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec et de procéder à son étude et à son adoption.» Voilà très clairement le deuxième motif pour lequel la Chambre a été convoquée. Et l'article 27 du règlement de l'Assemblée nationale le permet, le prévoit, et, comme mon collègue tantôt le mentionnait, il est fondamental, M. le Président, que, pour le futur, les parlementaires conviennent que l'attitude de ce gouvernement-là, et, là, je pense qu'on l'a traduit dans la réalité de nos 100 premiers jours, l'autre façon de gouverner, ça voulait dire prendre des décisions, ça voulait dire assumer nos responsabilités, ça voulait dire, dorénavant, comme mon collègue l'a dit, que c'est le menu législatif qui va s'adapter au calendrier et non pas l'inverse, le calendrier au menu. Et, en conséquence, pour quatre, cinq, six projets de loi, le gouvernement a la prétention et la conviction qu'il y a lieu d'avoir ces projets de loi là dans les meilleurs délais, afin de réaliser des objectifs gouvernementaux qu'il est légitime d'avoir.

Dans ce sens-là, c'est un raisonnement qui a toujours été défendu, puis qui a toujours été reçu par la présidence. La preuve, M. le Président, vous avez dit: Cette motion est parfaitement recevable, et il est légitime que le gouvernement plaide la nécessité d'intervenir pour être en mesure de faire ce que je viens de vous indiquer. C'est un raisonnement, d'ailleurs, qui prévaut pour les motions de suspension des règles pour lesquelles la jurisprudence est très abondante.

Il est vrai que l'article 28 prévoit que les séances extraordinaires, s'il y en avait une... S'il y en avait une extraordinaire sur le projet de loi spécial, ce que je ne souhaite pas, parce qu'on pense que l'opportunité n'est pas encore complètement arrivée de déposer ce projet de loi là, mais, si jamais on devait le faire, il y a d'autres dispositions dans le règlement qui disent: Est-ce que ça signifie qu'on ne peut pas faire autre chose? La réponse est claire, ça a été tranché, ça a été arbitré, M. le Président, oui, on peut faire autre chose. Est-ce à dire que l'Assemblée nationale ne peut être saisie que d'une seule affaire? La réponse, clairement, pour l'ensemble des parlementaires et de celles et ceux qui nous écoutent, c'est non. La réponse, c'est non. Parce qu'à l'article 54 de la Loi d'interprétation, c'est écrit: «Le nombre singulier s'étend à plusieurs personnes ou à plusieurs choses de même espèce, chaque fois que le contexte se prête à une extension.» Donc, le règlement prévoit également, à l'article 181, que les dispositions d'interprétation s'appliquent au règlement, ce qui fait que le premier ministre avait raison dans sa lettre de convocation hors calendrier, hors des heures traditionnelles du temps imparti des débuts de session dite printanière et des débuts de session automnale... Le règlement prévoit que le premier ministre peut convoquer pour des motifs d'urgence, puis, dans l'urgence, il peut invoquer, ce que je ne souhaite pas, c'est-à-dire un projet spécial, ou un certain nombre de projets de loi pour lesquels le législateur, le gouvernement prétend que le moment est venu de passer à l'action.

Il n'y a pas d'attrape dans ce qu'on discute, il n'y a pas de piège, les choses sont claires, comme ça l'est depuis que le premier ministre dirige les choses de l'État. On donne les enjeux et on dit clairement ce qui nous anime. Or, ce qui nous anime, c'est quatre, cinq projets de loi. On en a besoin, puis on a assez perdu de temps inutilement sur des motifs futiles. Est-ce à dire, comme le disait mon collègue, qu'il n'y aura plus de temps de parole tel que le règlement le prescrit? Bien non, au contraire. Vous voulez parler? On va parler, du lundi au vendredi minuit. Ils veulent s'amuser, ces gens-là? On va leur donner l'occasion qu'ils s'amusent davantage, qu'ils continuent, des fois, dans certains cas, à plaider le ridicule de certaines situations. Puis, durant ce temps-là, la population est témoin que ces gens-là qui faisaient semblant de croire à des causes, quand c'est le temps de passer à l'action, ils aiment mieux revivre ce qu'ils ont vécu pendant neuf ans, l'inaction totale. La main droite ignore complètement ce que fait la main gauche. Ce n'est plus de même que ça va se passer, M. le Président.

Dans ce sens-là, sur certains projets de loi, quand on sait que l'article 1, pour des choses auxquelles ils disaient qu'ils croyaient... Je pourrais citer des exemples: 47 heures de débat sur certains projets de loi qu'on voulait avoir avant la fin de session, pas avancé d'un poil. On n'est pas avancés d'aucune façon, parce que ces gens-là sont toujours dans des mesures dilatoires, des mesures de diversion, à faire accroire que, là, le moment ferait que les choses auxquelles ils croyaient sur le plan des valeurs démocratiques, comme, entre autres, les modifications à la Loi sur la consultation populaire pour s'assurer que, dorénavant, seuls celles et ceux qui ont la légitimité d'exercer leur droit de vote puissent le faire – ça, il me semble que c'est un principe auquel n'importe quel démocrate devrait tenir... Mais non! Ils ont encore de la péroraison à faire, ils ont encore toutes sortes de clichés à servir, des choses qu'on a entendues 45 fois.

Et c'est tellement vrai que je me rappelle que, sept fois, avant les fêtes, à un moment donné, quelqu'un est allé lire le discours de l'autre, sept fois d'affilée. Bien, des folies de même, ils veulent en faire? On va leur donner l'occasion de les illustrer davantage, que la population sanctionne ce ridicule. Parce que le règlement permet cet abus. Moi, j'ai toujours dit: En politique, il y a une sanction publique des abus des politiciens, il y a une sanction publique, et je veux que la sanction publique joue sur les abus du système, sur les folies du système. Puis ce n'est pas pour rien qu'il y en a eu une, sanction publique, en septembre dernier. La population a dit: On vous a assez vus, on change parce qu'on est tannés de voir des faiseux qui ne prennent aucune décision.

Alors, la convocation de l'Assemblée nationale aujourd'hui, M. le Président, ce n'est pas compliqué, c'est: un projet de loi spécial si on en a de besoin, puis l'opportunité va se trancher dans les heures et les minutes qui vont suivre le débat d'urgence de deux heures, puis, si on n'en a pas besoin, tant mieux! Bravo! Parce que, nous, on aime bien mieux, je l'ai dit tantôt, un règlement par voie de négociations qu'un règlement imposé. C'est pas mal moins coûteux pour les contribuables, puis c'est pas mal plus sécurisant pour l'ensemble des parties en termes de profitabilité, au niveau du climat de travail futur, au niveau du service aux usagers, convaincu qu'il va se dispenser de bien meilleure qualité si on est capables d'arriver à un règlement négocié plutôt que par une loi spéciale.

Quant aux autres éléments de la convocation, je n'ai pas envie de faire le tour de chaque projet de loi, mais, le projet de loi 41, le projet de loi 45, le projet de loi 46, le projet de loi 53, le projet de loi 50 ainsi que le projet de loi 38, le gouvernement a le droit de dire: On veut les amener à l'étape finale. On pensait le faire avec une opposition responsable avant la période des fêtes. On n'a pas pu y arriver parce que l'opposition a décidé, par toutes sortes de mesures dilatoires, non pas de débattre du fond des choses, mais de s'assurer qu'elle ne nous permettrait pas l'adoption. En conséquence, nous, on veut l'adoption, et on va prendre les moyens pour y arriver.

(12 h 40)

Et le règlement prévoyait de faire ce qu'on fait aujourd'hui: convoquer la Chambre en session spéciale d'urgence pour procéder à un certain nombre de choses qui sont devenues prioritaires, mais à l'intérieur du calendrier, tel que prescrit. On ne raccourcira pas la période des 20 minutes sur les principes. On ne raccourcira pas la période de débats en commission parlementaire. On va tout simplement adopter le calendrier dans lequel nous étions en décembre, parce que c'est dans ce cadre-là qu'on n'a pas obtenu ce que nous souhaitions.

Et je n'ai pas d'autre motif, M. le Président, à invoquer. En conséquence, je connais la sagesse des parlementaires de l'Assemblée nationale, et, comme le règlement prévoit que c'est justement les parlementaires de l'Assemblée nationale qui statuent, après le débat de deux heures, est-ce que, oui ou non, on est favorable à la motion d'urgence – puis, si on est favorable, on vote pour, puis, si on n'est pas favorable, on vote contre – connaissant la sagesse des parlementaires, je suis convaincu qu'on va adopter, dans quelque temps, la motion d'urgence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Maintenant, je suis prêt à donner la parole au leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, brièvement, compte tenu de la décision rendue par la présidence, non pas par vous mais par celui qui vous précédait sur ce siège, il m'apparaît important, à ce moment-ci, de demander aux parlementaires, au moment où on leur demandera de se lever de leur siège et de voter, de se prononcer sur la motion et sur l'urgence de la motion qui a été soumise, au nom du premier ministre, par le leader adjoint du gouvernement.

Tout le monde connaît la situation que vivent les usagers du transport en commun dans la région de Québec, qu'il s'agisse des personnes âgées, des étudiants ou des travailleurs qui ont besoin de ce transport en commun. Tout le monde est d'accord pour modifier les agendas, les calendriers, même les règles de l'Assemblée nationale, pour faire en sorte que, de façon urgente, dès aujourd'hui, après 100 jours de grève, après 100 jours durant lesquels les usagers ont été privés de ce service, l'Assemblée nationale prenne les moyens pour que ces gens-là retrouvent leur service aujourd'hui, M. le Président.

Le problème que nous avons, c'est que le gouvernement n'est pas prêt. Le gouvernement, de l'aveu même de la ministre responsable de l'Emploi, n'a pas de projet de loi, pour le moment, à présenter à l'Assemblée nationale du Québec. Elle aurait reçu, suivant les dires de mon bon ami le leader du gouvernement, du Conseil des ministres l'instruction de préparer un projet de loi. De ce côté-ci, M. le Président, je le répète, nous sommes prêts à recevoir ce projet de loi. Qu'on nous en fournisse des copies. Je suis prêt à faire ce qu'on fait dans ces circonstances, M. le Président, je suis prêt à faire ce qu'on doit faire: m'asseoir avec le leader du gouvernement, faire en sorte qu'on ne suspende pas les règles – parce que c'est trop important, à l'Assemblée nationale – faire en sorte qu'ensemble on puisse convenir d'un agenda et faire en sorte que les usagers retrouvent le service aujourd'hui.

Quant au reste du menu législatif, M. le Président, il apparaît au feuilleton. Est-ce qu'il y a urgence, M. le Président? Parce que, le règlement, s'il est bâti comme il est bâti à l'Assemblée nationale, c'est pour protéger les citoyens. Combien de gouvernements, lorsqu'ils ont invoqué l'urgence, ont commis des erreurs parfois techniques, parfois de fond dans l'adoption de projets de loi à la vapeur, lorsqu'on ne donne pas le temps aux divers intervenants de venir s'exprimer, lorsqu'on ne donne pas le temps aux parlementaires d'utiliser les droits de parole qui sont prévus? Combien de gouvernements ont commis des erreurs? C'est pour ça, M. le Président, qu'on prévoit une façon normale de procéder et une façon exceptionnelle lorsque des usagers sont pris en otage, comme ça a été le cas dans la région de Québec. Oublions le dossier. Si jamais le gouvernement est prêt, s'il en a besoin, s'il fait preuve de planification plutôt que d'improvisation, à ce moment-là, il aura la collaboration de l'opposition officielle.

Quant aux autres projets de loi, quatre commissions parlementaires étaient supposées siéger aujourd'hui. Compte tenu que nous siégeons au salon bleu, on a dû en annuler une, M. le Président. On retarde, par des manoeuvres, par des astuces, la façon normale de procéder. On tente de vous faire croire, M. le Président, et on va vous demander tantôt de voter, là, les «backbenchers» péquistes, à l'effet que c'est très, très urgent, que ça ne peut pas suivre la procédure normale prévue à notre règlement d'adopter la Loi modifiant le Code de la sécurité routière, que ça ne peut pas attendre de procéder par les étapes normalement prévues au règlement de l'Assemblée nationale.

Si vous êtes de serviles «backbenchers», vous allez vous lever et vous allez dire: Oui, oui, oui, c'est extrêmement urgent, tout le monde m'a parlé de ça dans le temps des fêtes, dans mon comté. Si, tantôt, vous êtes appelés à exercer votre jugement et que vous choisissez, à la place de l'exercer, d'être de serviles «backbenchers» péquistes, vous allez dire: Il est extrêmement urgent, tout le monde m'a parlé de ça dans mon comté pendant la période des fêtes, qu'on adopte la Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international. L'ALENA, ce n'est pas signé, ça, par le Canada, les États-Unis et le Mexique, c'est urgent que, nous autres, on se prononce là-dessus, M. le Président.

Vous allez nous dire également que tous les autres projets de loi – une douzaine qui sont prévus – sont d'une urgence telle qu'on ne peut pas procéder normalement, qu'on ne peut pas donner aux citoyens qu'on représente comme députés à l'Assemblée nationale les garanties que le processus démocratique prévu va suivre son cours normal. Vous allez oublier que vous êtes des députés au service de vos électeurs et vous allez devenir des «backbenchers» au service du gouvernement. Et, quand un député commence à devenir un «backbencher» au service du gouvernement, c'est qu'il commence à trahir le mandat qu'il a reçu de ses électeurs.

M. le Président, ce gouvernement est passé, dans les quelque premiers 100 jours de son élection, maître en matière d'improvisation. Le premier ministre lui-même est déménagé dans une maison sans s'assurer qu'elle était financée. Est-ce qu'il y a un Québécois qui déménagerait dans une maison sans s'assurer que c'est payé, que c'est clair, qu'il y a des titres, etc.? Pas un seul. C'est le même individu qui nous dit de ne pas s'énerver, qu'il va nous faire un pays. Il déménage dans une maison sans savoir qui est propriétaire et comment c'est financé.

Aujourd'hui, son leader du gouvernement nous dit: Venez-vous-en, c'est urgent, il faut adopter une loi spéciale dans le cas du conflit. On arrive à l'Assemblée nationale, on est prêts, et la loi n'est pas prête. M. le Président, improvisation! On m'indique que la loi est prête, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Vous aurez tout le loisir tantôt... Excusez-moi, là. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Vous aurez le loisir d'intervenir, on en a encore pour une heure et demie à vous entendre. Alors, de grâce, soyez patients! Soyez patientes! Ayez le sens de l'humour aussi, un peu; un peu le sens de l'humour. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, je suis prêt, moi, à avoir le sens de l'humour quand c'est drôle, mais nous sommes dans une situation qui n'est pas tellement drôle. La ministre de l'Emploi, à la période de questions, ce matin, nous a dit que sa loi n'était pas prête. Lorsqu'on demande au gouvernement de la produire, ils nous disent: Elle est prête. Bien, si elle est prête, cette loi, qu'on la communique aux membres de l'Assemblée nationale, les membres de l'Assemblée nationale vont en prendre connaissance. Si c'est une bonne loi qui sert l'intérêt public et qui va dans le sens d'une reprise, dès aujourd'hui, du transport en commun dans la région, qui est respectueuse des parties, on n'aura même pas besoin de suspendre nos règles. On va pouvoir permettre au député de Joliette, mon bon ami le leader du gouvernement, de respecter sa parole, de procéder, suivant le règlement, sans suspendre les règles. C'est un engagement qu'il avait pris. On ne siégerait pas la nuit, on n'aurait pas de motion d'urgence, on ferait les choses... Mais, M. le Président, il est devenu – je ne sais pas s'il l'a appris de M. Parizeau, du premier ministre – lui aussi, maître dans l'improvisation quant à la conduite des travaux de cette Assemblée nationale.

M. le Président, ceci étant dit, si la loi est prête, à ce moment-là, qu'on la produise, qu'on la dépose à l'Assemblée nationale. Nous allons en prendre connaissance. Nous allons offrir notre collaboration. Quant aux autres projets de loi, que l'on procède correctement, normalement. C'est la décence, c'est le règlement, c'est l'équilibre de la société et c'est le respect des électeurs qui nous ont envoyés ici qui nous commandent cette attitude. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le leader de l'opposition, et je donne la parole à M. le leader du gouvernement.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi a été autorisé hier. Le Comité de législation a siégé hier, puis on a dit qu'on se brancherait ce midi sur l'opportunité de le déposer. M. le Président, le leader qui se lève puis qui fait la vierge offensée sait très bien, depuis environ 15 minutes, qu'il est possible qu'une entente de principe ait été signée entre les parties. Il l'a su en même temps que je l'ai su. Il se lève, puis il déchire sa chemise. Il sait la même chose que moi. Moi, je n'accepte pas ces faux-là! Quand on sait quelque chose... Je n'accepte pas ces faux...

(12 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...ces sépulcres blanchis, M. le Président. Et je ne sortirai ni le marteau ni la faucille, M. Charbonneau, soyez sans crainte. Je vais parler de ce que c'est que du syndicalisme, ce que c'est que des relations de travail. Le gouvernement qui a convoqué cette Chambre l'a convoquée pour finir son menu législatif. Et il l'a convoquée «si nécessaire» – lisez la lettre comme du monde – «si nécessaire» pour légiférer. Je suis surpris que le député de Bourassa ne se lève pas pour dire: Je suis très heureux qu'il y ait une entente de principe, moi, ancien leader syndical qui demandait au lieutenant-gouverneur ici d'annuler les lois qui se faisaient au Parlement. Laissez donc les parties s'entendre, laissez-les donc signer. Pour le climat social, c'est beaucoup mieux qu'il y ait une convention collective que l'imposition d'une législation. Je le vois avec le marteau puis la faucille!

Puis, M. le Président, aujourd'hui, cette même équipe veut avoir une loi d'exception. Vous ne l'aurez pas s'il y a une signature de convention, puis on va s'en réjouir de ce côté-ci de la Chambre, puis on va applaudir à part de ça, M. le Président.

Le Parlement doit être le dernier endroit, l'ultime endroit pour régler un conflit. Quand on peut le régler, selon la nature, selon des règles du travail, selon les règlements et les lois régissant les relations de travail, on doit tous s'en réjouir, tous. Pas essayer de faire voir que ça urge puis que ça prend ça. On a marqué: «si nécessaire». Et, quand ce n'est pas nécessaire, M. le Président, puis qu'il y a la conclusion d'un contrat collectif, c'est le contraire; le parlementarisme, les parlementaires doivent s'en réjouir, M. le Président, féliciter les groupes si ça peut être vrai. Puis je touche du bois pour que ce soit vrai à part de ça. Puis, si on devait retarder de cinq heures, de 10 heures, de 24 ou de 48 heures l'imposition d'une législation, M. le Président, c'est ça qui serait le rôle du Parlement. Et je suis surpris que, de ce côté-là de cette Chambre, il n'y en ait pas un qui se lève pour dire ça. Je suis surpris, M. le Président. Ça va de soi, ça, en matière de relations de travail, parce que les relations de travail, c'est des relations humaines. Puis, quand il y a une imposition forcée par le Parlement, ce n'est jamais facile, les retours au travail. Et je souhaite de tout coeur, personnellement, qu'il y ait une entente de principe et que le Parlement puisse s'en réjouir.

Mais c'est un des deux volets de la convocation de cette Chambre. La convocation, ce n'est pas caché. On a dit: Pour terminer l'étude de projets de loi. Oui, il y a des projets de loi qu'on va étudier, bien sûr! Les suites du budget Bourbeau, il faut bien les donner, les suites. C'est même de se donner des moyens d'intérêt. C'est tout à fait normal, M. le Président, qu'on puisse finaliser ces projets de loi là. Les vidéopokers, au lieu d'en parler comme ils ont fait, nous autres, on veut agir. Nous autres, on veut le régler, le problème. Pas parler, parler, parler et ne rien faire. Rappelez-vous les plans de relance économique à répétition, à perpète, comme on dit. Ils en faisaient, ils parlaient, puis il n'y avait pas un programme après. Des faiseux, des «parleux», des placoteux, des «méméreux». Mais ils ne faisaient rien par la suite. Ce n'est pas ça qu'on veut faire.

Le calendrier législatif va s'adapter au menu. Ce n'est pas vrai qu'on va conditionner le menu au calendrier. Qu'est-ce qui arrive quand on conditionne le menu au calendrier? On a une gang de faiseux qui parlent pendant 35 heures sans atteindre l'article 1, M. le Président; 15 heures en Chambre, une douzaine d'heures, 20 heures en commission, puis ils n'ont pas encore atteint l'article 1 d'un projet de loi. Et ça se contredit à la tonne. Le député de LaFontaine qui dit: Oui, ça prendrait une liste informatisée; je ne suis pas sûr que ça prend une liste informatisée parce qu'on pourrait peut-être perdre beaucoup d'électeurs, mais, si on n'en perd pas trop... en tout cas, il y a un danger qu'on en perde. L'autre se lève, la députée de Marguerite-Bourgeoys: Ça prend une liste informatisée. Le député de Mont-Royal, il dit: Non, il faut que ce soit «bipartisan». «Bipartisan», ça, ça veut dire que la partisanerie est dans la confection d'une liste, alors que c'est par le DGE qui, lui, n'est pas partisan, il est nommé par la Chambre, par l'Assemblée nationale. Neutralité, la neutralité pour rédiger.

La députée de Jean-Talon nous dit: C'est inconcevable qu'il y ait trois recensements dans la même année, scolaire, municipal, provincial; c'est les citoyens qui paient ça. Elle a compris le message qu'il y a une économie d'échelle. Qu'est-ce qu'on dit en commission parlementaire? Ah non! c'est un mauvais processus. Et il était proposé par Marc-Yvan Côté en 1992. Unanimité de cette Chambre, unanimité avant qu'arrivent certaines fraises nouvelles, là, certains visages neufs, là. C'était l'unanimité de cette Chambre pour donner un mandat de confectionner une liste électorale permanente, M. le Président.

On essaie de «focusser» ça, maintenant, sur le fait qu'on méprise les citoyens. Ce n'est pas vrai du tout. Les citoyens ont gagné cher leur régime démocratique, et, pour plusieurs citoyens, les nouveaux arrivants au Québec, ils savent comment on a un régime démocratique correct. La seule qualité de base qu'on exige, c'est qu'ils soient citoyens. Vous irez dans n'importe quel pays du monde, c'est ce qu'on exige, qu'ils soient citoyens du pays pour voter. C'est la seule exigence de base qu'on pose, M. le Président, et on ne veut pas. On dit que c'est de mépriser. C'est loin de mépriser les gens, ça. C'est loin de mépriser les gens. C'est de reconnaître le droit à part entière de participer à tout le régime démocratique du pays dès que tu as ton statut de citoyen. C'est tout à fait normal, ça. Et ceux qui jouent le jeu de ne pas arriver à cela devraient avoir la décence, M. le Président, de dire pourquoi, pourquoi ils font ça.

Pourquoi, M. le Président, essayer de faire valoir que le bipartisme et la «bipartisanerie» – parce qu'ils disent «bipartisan» en plus – pour le recensement, c'est la solution à tous les maux. Aïe! Voyons! On en a même un, un brillant, qui a même proposé que le recensement se fasse par ethnie. Ça, c'est beaucoup d'intégration à la vie québécoise et à tout le régime québécois, la démocratie québécoise. On a vu ça en commission parlementaire, en bas. Moi, j'ai trouvé ça épouvantable. On a le droit de se scandaliser dans cette Chambre quand un parlementaire va jusque-là. On a le droit de le dire, M. le Président, surtout quand on vient faire planer sur le dos de celui qui vous parle qu'on est méprisant. Au contraire, on est loin d'être méprisant quand on veut reconnaître tous les droits pleins et entiers à ceux qui ont obtenu leur statut de citoyen du pays. Les autres sont en attente et ils n'ont pas le droit de vote, c'est bien sûr, et c'est ça qu'on veut contrôler. C'est ça qu'on veut contrôler.

Donc, M. le Président, il n'y a pas de cachette ici. On veut que les vrais électeurs, les citoyens reconnus, qui ont le statut officiel, puissent voter correctement. Et venez assister – j'invite les citoyens de Québec pour ceux qui sont plus libres – venez assister aux débats en commission parlementaire. Venez écouter les brillants exposés de 20 minutes sur tout et sur rien, sur chaque mot quasiment dans une proposition. Venez voir ça! Venez! M. le Président, je les invite, nos concitoyens, à venir écouter. Ils vont découvrir les vrais objectifs de ceux qui s'objectent, qui sont rendus à 30 et quelques heures de placotage inutile, et pour ne pas dire plus, M. le Président. Je pourrais même en mettre, des qualificatifs, parce que, à écouter certains intervenants, ça mériterait d'autres qualificatifs, mais je ne veux surtout pas, dans le Parlement, y contribuer. Mais vous viendrez, M. le Président. Venez écouter ça, c'est trop intéressant. Vous allez découvrir les vrais visages de certains, vous allez comprendre pourquoi il y a du monde qui était heureux de les voir disparaître de certains secteurs.

Ceci dit, M. le Président, il y a d'autres législations aussi, d'autres législations qui impliquent de l'argent, les vidéopokers. Les libéraux ont parlé je ne sais pas combien de fois de cette loi-là, mais ils ne l'ont jamais mise en application. M. Ryan décrétait moratoire par-dessus moratoire. C'est des manques à gagner extraordinaires dans une année. Les mêmes individus, là, le front haut, sans rougir, sans blêmir, proposent de réduire le déficit par une loi, et ils n'ont même pas eu le courage politique, eux autres, de passer une législation pour le contrôler. Franchement, moi, je respecte les gens qui ont des opinions puis qui ont une cohérence avec leurs opinions, mais vous ne me ferez pas respecter des gens qui, ici, font un show, déchirent leur chemise, et font le contraire pour bloquer les lois en bas, proposent des législations pour faire telle chose ici, mais, rendus en bas, bloquent ces mêmes législations.

M. le Président, vous aurez remarqué que, à leur grande surprise, ils pensaient qu'on n'y donnerait pas suite et qu'on serait incohérents comme eux autres. Ils pensaient qu'on badinait, au mois de décembre, quand on leur a dit que, dorénavant, le calendrier s'adapterait au menu et non le menu au calendrier. C'est clair qu'on ne badinait pas. On va procéder à la législation, et tant mieux, on aura plus de temps s'il n'y a pas de loi d'exception, à part ça.

(13 heures)

On va continuer à travailler, M. le Président, travailler sur nos projets de loi, et on demandera aux parlementaires... et je voudrais leur donner la chance, et c'est pour ça... La seule restriction qu'il y a dans la convocation, M. le Président, c'est que c'est l'horaire de fin de session. Ils veulent parler. Ils parlent tous 20 minutes sur des riens. Bien, on leur offre plus de temps pour parler. Au lieu d'être l'horaire régulier, on leur offre l'horaire de fin de session, cinq jours par semaine, jusqu'à minuit en commission, puis ici, si ça leur en prend plus, ils placoteront. On s'arrangera pour faire parler les pires de nuit pour ne pas que nos citoyens voient ça, là – après minuit. Et je vous en indiquerais quelques-uns, M. le Président, si j'avais le choix des orateurs, à part de ça, de leur côté.

Ceci dit, ils pourront parler, ils vont pouvoir parler. Ils parlent de démocratie puis ils disent que la démocratie, c'est s'exprimer. Je croyais que c'était s'exprimer en ayant de l'allure un peu, mais il semble que, eux autres, c'est parler, la démocratie. Bien, on leur offre de parler avec l'horaire de fin de session. L'horaire de fin de session à part de ça, ça «peut-u» être mieux? Ils vont pouvoir parler cinq jours. Et à l'échéance, vendredi prochain – là, je m'adresse à mes collègues – pourquoi ne pas penser, si ce n'est pas assez rendu à vendredi prochain, se reprendre immédiatement après les commissions régionales? Pourquoi pas? Et, avec l'horaire de fin de session encore, leur permettre de parler. Ils veulent être démocrates. Ils veulent bloquer toutes les lois. Pour eux autres, la démocratie, c'est de bloquer tout. Ils ont tout bloqué ou à peu près. Ils ont pris je ne sais pas combien d'heures contre une loi de M. le ministre de la Justice, que tout le monde désire. Ils ont placoté en commission. C'était adopté et tout. Quand est arrivé le temps de le voter ici, ils ont dit: On ne le vote pas. On ne donne pas notre consentement. Les juges le désiraient, le Barreau le désirait, les avocats en général au Québec désiraient tout ça. Ils ont dit: On ne l'adopte pas.

Mais vous voyez la différence entre certains parlementaires qui ont un peu de jugement puis ceux d'eux autres qui n'en ont pas. La loi sur la construction, ça a pris à peu près 10 heures à démarrer. Mais, au moins, ça progresse présentement, au moins ça progresse. Mais, quand ils veulent bloquer quelque chose, ils ont leurs spécialistes. Et je demanderais aux citoyens... Je vous les identifierai, un jour, leurs trois, quatre spécialistes des «filibusters». Les intelligences, là, «no 7». Ils vont venir veiller dans les commissions parlementaires – 7, c'est la grosseur d'une veilleuse. Donc, en commission parlementaire, c'est les «no 7» qu'on a ordinairement là-dessus, du côté de l'opposition. Donc, quand on dit aux «backbenchers» du pouvoir... Les «backbenchers» du pouvoir ont beaucoup de mérite d'écouter les veilleuses, beaucoup...

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: Et je dois vous dire, M. le Président, que ces gens-là, parce qu'ils croient véritablement... Voulez-vous demander, M. le Président, à l'ancien de l'Office des professions de me laisser parler? Bon, c'est correct. Chomedey, excusez. Non, mais je voulais dire ceux qui... Le groupe de personnes réjouies de le voir quitter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Donc, M. le Président, je voudrais remercier mes collègues d'assister à ces commissions parlementaires et d'endurer cela. Mais je dois vous dire une chose, nos objectifs sont clairs, nous; on ne parle pas des deux côtés de la bouche en même temps. Nos objectifs sont très clairs, surtout les projets de loi. On a pris des engagements, puis on va les respecter. Et, pour nous, l'importance, présentement, c'est de passer à travers le menu législatif. Puis on va progresser dans le menu législatif dès cet après-midi. Après ce débat de deux heures sur l'importance de continuer le menu législatif, nous allons commencer l'étude de principe de projets de loi, dès aujourd'hui. Et, M. le Président, je pense que, conformément à nos règlements, tant et aussi longtemps qu'ils ne sont pas changés, on a le devoir et l'urgence d'agir au-delà d'un calendrier décidé par règlement. Au-delà de tout cela, on a le devoir de répondre à nos concitoyens le plus rapidement possible, aux attentes qu'ils ont des gouvernements dans le respect de leurs engagements.

Je connais des gouvernements qui sont passés ici, moi, qui ont promis des chartes sur l'environnement, et on n'a jamais eu l'ombrage d'une charte sur l'environnement. Je connais du monde qui s'est déchiré les chemises pour dire: La jeunesse sera la priorité des priorités. Puis on en est arrivé, M. le Président, à avoir le plus haut taux de chômage chez les jeunes, durant leur règne. Je connais des gouvernements, et surtout celui qui nous a précédés, se faire photographier à maintes reprises avec les personnes âgées, durant les campagnes électorales, pour, par la suite, les taxer dans le budget qui a suivi. Rappelez-vous. Je connais du monde qui parlait de médecine de guerre, puis ils ont été les seuls à imposer des tickets modérateurs sur la chimiothérapie. Ça, M. le Président, des gens de même, ça déprécie le Parlement et ça fait en sorte que les électeurs ne croient plus aux hommes et aux femmes politiques. De notre côté, on a pris des engagements en habitation; ils sont déjà réalisés. On a pris des engagements dans le domaine, en particulier...

Une voix: ...

M. Chevrette: M. le Président, on a pris des...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Vous aurez le temps d'intervenir tantôt et de prendre la parole. Alors, je vous inviterais à respecter le droit de parole de M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai laissé le leader s'exprimer sans dire un seul mot. Qu'il ait le même respect. Des gâchis à l'Environnement, c'est lui qui en a fait.

M. Paradis: M. le Président...

M. Chevrette: Ça en est un qui...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! J'inviterais les gens de la Chambre... quand le président est intervenu pour rappeler à l'ordre et a réussi à avoir l'ordre, ce n'est pas le temps d'intervenir puis vouloir jouer le rôle du président par la suite. Je vous inviterais à reprendre votre discours et à ne pas intervenir dans les règlements de cette Chambre, à ce moment-là. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je ferai des remarques ailleurs, à qui de droit, à qui de droit.

Des voix: Oh! Oh!

Une voix: Des menaces! Des menaces!

M. Chevrette: Ce n'est pas des menaces. Je suis d'accord sur une chose avec le leader de l'opposition, c'est que le traitement soit égal dans cette Chambre. Ça, je suis d'accord avec lui. De la part de tout le monde, qui que ce soit assis sur le banc, vous avez raison.

Donc, M. le Président, je continue mon discours...

Des voix: ...

M. Chevrette: Oui, j'ai toujours été pour le principe de l'égalité et le leader de l'opposition peut en témoigner là-dessus, il peut en témoigner. On doit se permettre le même genre de remarques vis-à-vis tout le monde, M. le Président.

Donc, je continue, M. le Président, en disant ceci. Nous avons convoqué légalement, ça a été reconnu par la présidence. Nous avons un menu législatif important que nous voulons faire progresser. Nous allons, bien sûr, subir les tactiques parlementaires, M. le Président, mais nous prendrons les moyens et, jusqu'à date, il n'y a pas eu un seul bâillon en cette Chambre. Loin d'avoir un bâillon, M. le Président, on propose un horaire plus large pour leur permettre de parler davantage, parce qu'on prend l'horaire de fin de session. Donc, ce n'est pas des bâillons qu'on a eus, comme on en nous a servi pendant huit, neuf ans. Moi, j'ai vu une proposition de bâillon de 24 lois d'un seul coup, ici, en cette Chambre, 24 lois. On n'a pas annoncé un bâillon; on n'a pas annoncé de suspension de règles, M. le Président, sauf celui de report de lois, parce qu'on veut les passer, nos lois. C'est le seul article. On leur offre plus de temps: au lieu de trois jours/semaine, on leur en offre cinq; au lieu de 22 heures, on leur offre jusqu'à minuit, et un peu plus s'ils le veulent...

Une voix: Lundi, 14 heures.

M. Chevrette: Oui, lundi, 14 heures, et ça, c'est à votre suggestion.

Une voix: Non, non, non, non, non.

M. Chevrette: Oui, oui. Donc, M. le Président, je peux vous dire une chose, ils ont plus de temps qu'en temps normal puis ils chialent. Comprenez-vous quelque chose? Comment pouvez-vous être pour le désir de s'exprimer puis nous reprocher de leur offrir l'opportunité de s'exprimer? Franchement, ils sont en train de plaider leur propre turpitude.

M. le Président, on va siéger tous les jours et on va faire en sorte que le menu législatif progresse, à la satisfaction de nos concitoyens à part ça. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le leader du gouvernement. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, est-ce que...

M. Chevrette: Pouvez-vous suspendre 30 secondes?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui...

M. Chevrette: Je vais faire une proposition au leader.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...si vous êtes d'accord. Nous allons suspendre 30 secondes.

(Suspension de la séance à 13 h 10)

(Reprise à 13 h 13)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre. Le débat restreint est terminé et je serais prêt maintenant à demander le vote sur cette motion. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Vote enregistré, M. le Président. Vote par appel nominal, M. le Président.

M. Chevrette: Donc, M. le Président, je voudrais...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote par appel nominal.

M. Chevrette: Oui...

M. Paradis: Qu'on appelle les députés!

M. Chevrette: ...mais je «peux-tu» vous demander quelque chose?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien, M. le leader du gouvernement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Bien, oui, mais...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je dois d'abord statuer sur...

M. Chevrette: Oui, mais, c'est justement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, là, je vous donne la parole.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Nous avons eu un consentement tous les deux, et il me semblait qu'on vous l'avait communiqué, à l'effet qu'il appellerait le vote nominal, que vous appelleriez les députés, mais qu'entre-temps il y avait un consentement de part et d'autre pour vous permettre, à vous, de faire un avis, et à moi d'en faire deux. Il me semble que c'était ça, à peu près, sur quoi on s'était entendus?

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est bien, on est rendus là. Nous avons suivi l'entente jusqu'à date. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, que l'on appelle les députés, et nous allons procéder aux avis. Alors, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Chevrette: Donc, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'à partir de 15 heures jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions poursuivra l'étude du projet de loi public suivant: le projet de loi 40, Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives.

Également, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'à partir de 15 heures jusqu'à 18 heures et de 20 à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude du projet de loi public suivant: le projet de loi 46, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et modifiant d'autres dispositions législatives.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous avise maintenant que la commission du budget et de l'administration se réunira aujourd'hui, le jeudi 26 janvier 1995, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de procéder à l'audition du Vérificateur général du Québec dans le cadre de l'examen de son rapport pour l'année financière terminée le 31 mars 1994.

Alors, nous allons, si vous voulez, suspendre les travaux pour quelques minutes, en attendant que tous les députés puissent être présents dans cette Chambre pour procéder au vote par appel nominal.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 13 h 25)


Mise aux voix de la motion d'urgence

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je mets donc aux voix la motion de M. le leader du gouvernement proposant: «Qu'en raison de l'urgence de la situation et en vue de poursuivre l'étude de projets de loi inscrits au feuilleton du 21 décembre 1994, et, si nécessaire, en vue de présenter une motion de suspension des règles de procédure pour permettre l'étude d'un projet de loi visant à assurer la reprise des services à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec; l'Assemblée puisse siéger à tous les jours à compter de 10 heures jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux, avec suspension de 13 heures à 15 heures et de 18 heures à 20 heures, sauf le lundi où elle peut siéger à compter de 14 heures jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux, avec suspension de 18 heures à 20 heures; l'Assemblée puisse procéder aux affaires courantes à 14 heures le lundi et 10 heures les autres jours; il soit permis, dès l'adoption de la présente motion, de terminer l'étape des affaires courantes et de passer aux affaires du jour; les articles 20 à 22, 52, 107, 194, 240, soient suspendus; sous réserve de ce qui précède, que les dispositions du règlement de l'Assemblée particulières aux mois de juin et décembre soient appliquées; les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer pendant toute la durée des séances extraordinaires.»

Alors, que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Landry (Verchères), M. Campeau (Crémazie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Rivard (Limoilou), M. Perron (Duplessis), M. Boucher (Johnson), M. Laurin (Bourget), M. Dufour (Jonquière), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Landry (Bonaventure), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Léonard (Labelle), M. Le Hir (Iberville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Filion (Montmorency), M. Baril (Berthier), M. Bertrand (Charlevoix), M. Cliche (Vimont), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Blais (Masson), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Paré (Lotbinière), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Champlain), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Brien (Rousseau), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Doyer (Matapédia), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Lazure (La Prairie), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Morin (Dubuc), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Pinard (Saint-Maurice), Mme Signori (Blainville), M. Simard (Richelieu), M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Tremblay (Outremont), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Bordeleau (Acadie), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Serait-il permis de solliciter le consentement des membres de cette Chambre pour que Mme la députée de La Pinière ainsi que M. le député de Sauvé, qui se joignent à nous, puissent enregistrer un vote contre?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement?

(13 h 30)

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement. Alors, Mme la députée et M. le député... Alors, est-ce que... Nous supposons que ce sont deux votes contre?

M. Paradis: Oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, monsieur...

Le Secrétaire: Pour:66

Contre:39

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie cette Chambre, et nous allons suspendre nos travaux.

Excusez, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je voudrais suspendre jusqu'à 15 heures, et, à 15 heures, il y a eu consentement pour une première loi qui a été indiquée au leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. M. le leader de...

M. Paradis: Consentement pour appeler une loi, non pas pour l'adopter.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, maintenant que nous avons un règlement, nous avons voté... Alors, je me référerai au règlement pour décider des ajournements et tout ça, là. Alors, nous suspendons les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 32)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Si vous voulez bien prendre place.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, nous allons reprendre nos travaux. Au moment d'ajourner nos travaux, nous en étions à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, peut-être une question d'information, M. le Président. Compte tenu qu'une des raisons principales, sinon la raison principale, pour laquelle le gouvernement a invoqué l'urgence de reconvoquer l'Assemblée nationale était de faire en sorte que les usagers du transport en commun de la région de Québec revoient le service reprendre, si possible aujourd'hui, du moins dans les plus brefs délais, il y a eu de l'information qui a circulé, à l'occasion de la suspension de nos débats, à l'effet qu'il y avait une entente entre les parties, ce qui est toujours le plus souhaitable dans les circonstances.

Est-ce qu'on pourrait avoir, de la part du leader du gouvernement, confirmation de cette entente?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...oui, je ne peux pas confirmer, malheureusement. J'ai les mêmes informations que le leader de l'opposition là-dessus, et, tant et aussi longtemps que les parties elles-mêmes ne donneront pas la confirmation, vous comprendrez qu'il serait imprudent, de la part de quelque politicien que ce soit, d'aller dire qu'il y a entente. On touche du bois, on espère que les rumeurs qui circulent seront confirmées.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, merci. Alors, je comprends que c'est terminé pour les renseignements sur les travaux de l'Assemblée?


Affaires du jour

Alors, nous passons donc aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, à ce moment-ci, je vous prierais d'appeler l'article 3 de notre feuilleton.


Projet de loi 51


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, à l'article 3 du feuilleton, M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles propose l'adoption du principe du projet de loi 51, Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international.

Alors, je suis prêt à céder la parole à M. le ministre des Affaires internationales et député de Verchères.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): C'est très gentil. M. le Président, ces applaudissements nourris sont l'illustration que la vie publique comporte certaines consolations, parfois. Et, l'une de celles que j'ai aujourd'hui ne vient pas, par ailleurs – au risque de le décevoir – de l'appui que me donne le leader de l'opposition officielle. Cette consolation vient du fait que, à la première occasion qu'il m'est donné de présenter une législation dans cette Assemblée depuis que j'y suis revenu, c'est pour continuer à parler à peu près des mêmes choses dont j'ai eu à parler à l'Université du Québec à Montréal, pendant les dix dernières années, ou dans les diverses universités étrangères où j'ai été parler à peu près des mêmes sujets, ou dans les centaines, voire les milliers de conférences que j'ai eu à prononcer sur le commerce international.

Évidemment, généralement, dans les salles de cours, les questions sont polies et jamais agressives, et les étudiants sont là pour apprendre. Dans notre Assemblée nationale, le jeu démocratique veut que l'opposition soit là plus pour critiquer, pour s'opposer, ce qui modifie évidemment la façon de présenter et de voir les choses.

Cependant, sur le fond de ce que je vais dire aujourd'hui... Le député de Mont-Royal est à son siège et il se rendra compte, sur le fond, que les grandes doctrines et les grandes réalités contemporaines qui sont évoquées autour et alentour de ce projet de loi ne nous divisent pas.

En effet, la population du Québec – que nous représentons, le gouvernement et l'opposition officielle – est sans aucun doute celle qui favorise le plus la fluidité des échanges économiques, et depuis le plus longtemps, de toutes les populations d'Amérique du Nord.

Le Québec, et je tenterai d'expliquer que c'est inscrit dans son histoire profonde, a toujours pensé que son destin était le commerce le plus libre possible avec le reste du continent. À telle enseigne d'ailleurs que, lorsqu'il y a eu, entre les colonies britanniques du Nord et les États-Unis d'Amérique, au siècle dernier, une zone de libre-échange, qui était une espèce de traité de réciprocité qui a duré 10 ans, c'est-à-dire environ de 1855 à 1865, le Québec en a tiré des avantages économiques spectaculaires.

Le port de Québec, le port de Montréal, qui – c'était plus vrai dans le temps qu'aujourd'hui à cause du tonnage des navires – est relié directement à New York... Il y a une voie maritime qui, aujourd'hui, sert surtout à la plaisance. Mais, à cette époque-là, il n'était pas question de plaisance, il était question de gros commerce entre Montréal et New York à travers le système Richelieu–lac Champlain–rivière Hudson et New York.

(15 h 10)

Donc, durant cette période où nous avons eu un commerce libre, suivant l'expression consacrée du temps, de réciprocité avec les États-Unis, nos économies des colonies d'Amérique britannique du Nord – mais singulièrement celle du Québec, donc du Bas-Canada – ont connu une période faste, avec le symétrique inverse que, quand la frontière s'est refermée en 1865, où le premier traité de libre-échange a été dénoncé par les États-Unis parce qu'il y avait une clause d'obsolescence et qu'elle était venue à terme, la nouvelle situation protectionniste, c'est-à-dire la remise en place des frontières entre le Québec et les États-Unis, a créé une crise économique d'une ampleur catastrophique. À telle enseigne qu'à partir de ce moment, c'est-à-dire à peu près en même temps que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la Confédération ou la Fédération – le mot «confédération» est un mot qui a été employé abusivement, et de bonne foi, par les Québécois qui pensaient que c'était une confédération – qui est née vers cette époque, marquée par le protectionnisme et la fermeture de la frontière, a déterminé un des événements catastrophiques de l'histoire du Québec.

Et je le rappelle parce qu'il a sûrement laissé des traces profondes dans la conscience populaire. Ce qui est arrivé à partir de la Confédération jusqu'en 1935, c'est-à-dire entre les deux guerres mondiales, c'est un exode de la moitié de la population du Québec: un homme, une femme, un enfant sur deux, une fois que la frontière se fut refermée aux échanges économiques, a décidé, comme on dit chez les vieux auteurs, de voter avec ses pieds et de quitter la terre du Québec pour aller rejoindre la prospérité où elle pensait qu'elle se trouvait – ce qui était, sur le plan strictement matériel, plutôt vrai. Et nous avons perdu la moitié de notre population aux États-Unis d'Amérique, dans les États de la Nouvelle-Angleterre en particulier. Dans l'État américain du New Hampshire, 40 % de la population est d'origine québécoise, et les transferts se sont faits dans les années dont je viens de parler.

Cela n'a pas été sans marquer un jeune Québécois qui, comme le leader parlementaire et moi-même d'ailleurs, était originaire de la région de Lanaudière. Il est né à Saint-Lin – qui s'appelle aujourd'hui ville des Laurentides – il a étudié dans un collège qui existe toujours, qui s'appelle le collège de l'Assomption, et il a connu cette réalité, pour lui contemporaine, de l'exode de la moitié de la population.

Qui était ce jeune homme? Ce jeune homme, il s'est d'ailleurs opposé avec force à la Confédération canadienne – il disait que cette loi était immorale – mais il a fini par se convertir, car il s'appelait Wilfrid Laurier. Wilfrid Laurier, premier ministre du Canada, d'origine québécoise, ayant vu, comme contemporain, le désastre qu'avait provoqué la fermeture des frontières et l'exode de la moitié de la population du Québec, a reproposé, à titre de premier ministre du Canada cette fois, en 1911, que la frontière s'ouvre de nouveau et que le Canada naissant – on est au début du présent siècle – dise adieu à la «national policy» du premier premier ministre du Canada, John A. Macdonald. «National policy» dont un des fondements était le protectionnisme, une barrière douanière élevée entre le Québec et les États-Unis, de façon à casser ce commerce nord-sud qui avait été si intéressant et si lucratif, pour le remplacer par un commerce est-ouest circonscrit par l'Empire britannique. C'était une stratégie qui se défendait, c'était un changement brutal, évidemment, néfaste pour le Québec à court terme, mais on pensait qu'on pouvait créer un axe est-ouest à partir de Londres, Halifax, Montréal, Toronto et éventuellement jusqu'à Vancouver – qui n'était pas encore partie de la Fédération à l'époque – et, à l'abri de la préférence impériale, construire une Amérique britannique du Nord économique qui devait défier la puissance américaine. D'ailleurs, Laurier avait dit: Le XXe siècle sera le siècle du Canada, dans ce contexte.

Donc, Laurier resoumet le projet libre-échangiste en 1911 et il a, évidemment, beaucoup de support au Québec: il est québécois. Il perd l'élection aux mains du Parti conservateur, qui est le parti de sir John A. Macdonald – et aussi, assez paradoxalement, de Brian Mulroney, qui, lui, va enfin signer un traité de libre-échange. Les conservateurs combattent Laurier de toutes leurs forces, font appel à un chantre de l'Empire britannique – puisqu'il s'agissait d'un espace impérial économique et politique – qui s'appelait Rudyard Kipling, un des plus grands auteurs en langue anglaise, qui s'est mêlé de la campagne pour dire aux Canadiens du temps qu'un tel traité de libre-échange leur ferait perdre leur âme. They will lose their soul, disait-il. Alors, c'est Laurier qui a perdu ses élections, et puis il n'y a pas eu de traité de libre-échange.

Mais, déjà, dans la population québécoise, dans la mentalité québécoise, le désir d'ouverture des frontières avait pris place et ne s'effacerait plus jamais. C'est pourquoi, quand la commission Macdonald, qui avait été mise sur pied par le dernier gouvernement de Pierre Trudeau... On sait que Macdonald était un ministre de Trudeau, que lui fut confiée la présidence d'une grande commission sur le destin économique de la Fédération canadienne. Macdonald a conclu qu'il fallait, entre autres opérations, pour redresser l'avenir économique canadien, signer un traité de libre-échange avec les États-Unis. Et c'est un des premiers documents qui se sont retrouvés sur la table de Brian Mulroney, nouvellement élu, et il a demandé à la population canadienne de l'approuver dans ce dessein de réouverture des frontières.

On sait ce qui est arrivé. Il est arrivé une chose qui défie le bon sens historique. Mulroney, héritier conservateur de Sir John A. Macdonald, lance la plus vigoureuse attaque contre la politique de Sir John A. Macdonald, la «national policy», comme on l'appelait, du protectionnisme.

Les libéraux de Laurier, dirigés à cet époque par John Turner, mais aussi approuvés par Jean Chrétien, l'actuel premier ministre du Canada, deviennent protectionnistes et combattent bec et ongles ce qui est une des doctrines fondamentales du Parti libéral du Canada: le libre-échange. D'ailleurs, il est curieux de voir que, ces jours-ci mêmes, Jean Chrétien, qui a combattu les conservateurs avec son parti, avec John Turner et tous les autres, prêche le libre-échange en Argentine. Il aurait pu le prêcher dans le comté de Saint-Maurice, à la campagne électorale où on a eu à décider de ça.

Donc, malgré l'opposition paradoxale et très partisane du Parti libéral, le gouvernement conservateur a eu le mandat de signer le traité avec l'administration américaine, le président Bush à l'époque. Pourquoi ce traité a-t-il pu être approuvé démocratiquement par le Parlement canadien et ensuite signé? Tout simplement parce que le Québec a voté massivement en faveur des conservateurs et leur a donné le mandat qu'il fallait pour signer ce traité.

On peut faire une brève parenthèse pour mettre en relief l'attitude ontarienne. L'Ontario s'est opposé au traité. Le premier ministre de l'Ontario d'aujourd'hui, M. Bob Rae, était et est encore un adversaire acharné de l'ouverture des frontières. Il s'est battu tant qu'il a pu contre le premier traité de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Et il s'est rebattu tant qu'il a pu contre l'ouverture des frontières avec le Mexique et l'ALENA.

Alors, on voit bien la différence fondamentale entre les mentalités profondes des pulsions politiques, politico-économiques profondes du Québec et de l'Ontario: un Québec traditionnellement et de façon très cohérente porté à l'ouverture des frontières; l'Ontario, porté au protectionnisme et au calcul qu'avec des douanes on sauve plus d'emplois qu'on en crée.

Il est évident, surtout après la conclusion de l'Uruguay Round, des accords de Marrakech et surtout après la construction de vastes espaces économiques en Asie – Asie du Sud-Est, mais Asie au complet – en Amérique latine – le Mercosur, qui regroupe le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay – que c'est la doctrine québécoise qui est en accord avec les grandes tendances mondiales. Ce n'est pas M. Bob Rae qui s'inscrit dans les grands courants contemporains qui ont amené la construction de l'Europe ou la signature de traités bilatéraux ou trilatéraux. C'est ce courant qui a prévalu, ici, dans notre Assemblée nationale, des deux côtés de la Chambre.

(15 h 20)

D'ailleurs, le député de Mont-Royal, qui est un de mes prédécesseurs, se rappellera que, par l'intermédiaire de son premier ministre, dans le temps, M. Bourassa, il m'avait convoqué... M. Bourassa m'avait téléphoné à l'Université du Québec à Montréal pour me dire de venir témoigner devant la commission parlementaire, et ils avaient agi de même avec celui qui est le premier ministre du Québec aujourd'hui, le député de L'Assomption, M. Parizeau, qui est venu aussi défendre la même doctrine que défendait le gouvernement du temps, c'est-à-dire l'ouverture des frontières et la signature d'un accord, d'abord, bilatéral, et, par la suite, l'accord trilatéral que nous avons défendu encore une deuxième fois.

Certains ont fait leur travail dans cette Chambre. Moi, comme je l'ai rappelé, je n'étais pas député à l'époque. Alors, j'ai fait mon travail dans les universités, les conférences; j'ai parlé devant je ne sais plus combien de chambres de commerce et autres regroupements d'hommes d'affaires ou regroupements d'éducation populaire pour répandre les mêmes idées.

Il n'est donc pas surprenant que, aujourd'hui, le Québec soit la première province du Canada à prendre acte, dans sa législation, de l'accord bilatéral, de l'accord trilatéral. Et il n'est pas non plus exagéré de dire que, s'il n'y avait pas eu les voix massives de la population du Québec, éclairées sur ces questions, en faveur du gouvernement Mulroney, il n'y aurait pas eu de traité bilatéral. Et, s'il n'y avait pas eu de bilatéral, les chances sont à peu près nulles qu'il y eût eu un trilatéral.

Et vous voyez que ces réalités sont évoquées – pour notre plus grande fierté, d'ailleurs, et le député de Mont-Royal partage sans doute cette fierté – ces choses sont évoquées dans les journaux américains comme mexicains, que l'effort québécois a été déterminant pour la construction d'un espace économique nord-américain intégré et la recherche de la plus grande fluidité possible dans le commerce des biens, des services, des capitaux et, voire, jusqu'à un certain point, des personnes.

Donc, nous appelons l'Assemblée aujourd'hui à se prononcer sur ces accords internationaux. Ce n'est pas la première fois que cette Assemblée vote, puisqu'il y a eu, au niveau des commissions parlementaires, plusieurs commissions parlementaires sur ces questions. Je réitère celle à laquelle j'ai fait allusion, de l'accord bilatéral avec les États-Unis, mais aussi de l'accord trilatéral avec le Mexique, qui a fait l'objet d'une commission parlementaire.

Si nous venons à une période un peu plus contemporaine, c'est-à-dire il y a quelques mois, à l'occasion du discours d'ouverture de la Trente-cinquième Législature de notre Assemblée nationale, le premier ministre a insisté sur le fait, et je le cite, qu'il fallait redonner à cette Assemblée et à chacun de ses membres le pouvoir réel du législateur. Et c'est dans la même intervention qu'il a annoncé qu'il m'avait confié de préparer la législation que j'ai l'honneur de défendre dans son principe aujourd'hui. Alors, voici donc le projet de loi qui concerne la mise en oeuvre des accords de commerce international.

Certains pourraient se demander pourquoi cette Assemblée nationale se prononce sur la mise en oeuvre d'accords internationaux qui ne sont pas signés par l'Exécutif du Québec ni par l'Assemblée, bien entendu, puisque c'est l'Exécutif, dans notre système, qui a le pouvoir de signer des accords, des conventions et des traités. Un examen superficiel pourrait faire croire que c'est le gouvernement d'Ottawa qui s'occupe de ça et que l'Assemblée nationale du Québec ou de n'importe quelle législature provinciale n'a rien à voir dans ces questions. En général, ceux qui font ça font de la projection. Ils pensent qu'on a ici, au Canada, le même système qu'aux États-Unis. Mais, aux États-Unis, le gouvernement fédéral, appuyé sur une clause fédérale, est le maître absolu avec le Congrès, l'Exécutif et le Congrès particulièrement. Les traités doivent être soumis au Congrès, on le sait, on connaît les angoisses qu'il y a eu pour la ratification de l'accord bilatéral, de l'accord trilatéral, des négociations de l'Uruguay Round et de leur conclusion de Marrakech. Alors, souvent, à cause de l'interpénétration des canaux d'information, on a tendance à penser qu'au Canada c'est comme aux États-Unis, que c'est le gouvernement fédéral qui signe les traités et que personne n'a à se mêler de cela.

Ce n'est pas notre réalité institutionnelle et constitutionnelle. Et ce n'est pas d'hier, là, ce n'est pas le Parti québécois qui a inventé ces concepts ni les libéraux de la Révolution tranquille. La doctrine que je viens d'évoquer, qui découle de la nature de notre droit constitutionnel, a été consacrée par un arrêt du Conseil privé de Londres, incontesté, et qui fait autorité en cette matière depuis.

Je rappelle, surtout pour les plus jeunes de cette Assemblée, mais surtout dans la population, que le Conseil privé de Londres était le tribunal d'appel ultime. Le président, qui est jeune, sourit, mais je sais qu'il a fait la Faculté de droit et qu'on a dû lui enseigner ça de long en large, que le Conseil privé de Londres était le tribunal d'appel ultime pour les différends touchant la colonie canadienne et ces différends, en particulier, qui opposaient le pouvoir central aux provinces. Je rappelle aussi, brièvement, que le pouvoir du gouvernement du Canada et des provinces procède de l'autorité royale. Nous vivons dans une monarchie. Alors, l'expression consacrée par les juristes, qui est un peu étrange, c'est: «Sa Majesté, du chef du gouvernement du Canada», et «Sa Majesté, du chef du gouvernement du Québec», mais c'est toujours la même Majesté, et aucune n'est supérieure à l'autre.

C'est ce qui a fait dire, au Conseil privé de Londres, lors de l'affaire des conventions du travail, où le gouvernement central s'était lié par une convention internationale sur le travail, il s'est fait dire... Et, ça, ça vaut la peine d'être noté, là, pour bien dire que ce que je propose aujourd'hui n'est pas axé sur mes convictions souverainistes des rapports internationaux; je n'ai pas de démonstration à faire sur le fait que je crois que, si le Québec était souverain, tout ça serait bien plus facile, bien plus vaste, se serait fait bien avant et dans de bien meilleures conditions. Mais, même dans les conditions provinciales qui sont les nôtres, je rappelle que cet affrontement qui a été tranché par le Conseil privé de Londres n'opposait pas le Québec et le Canada. La référence, là, pour les chercheurs pointus, c'est: 1937, appeal cases 326, et c'est: Attorney General for Canada versus Attorney General for Ontario. Le président prend la référence, et il a raison, parce que c'est le coeur solide de l'action internationale du Québec.

Je crois que je vais me permettre de citer l'arrêt de cette auguste cour, étant donné l'importance qu'il a pour fonder la présente loi, mais aussi toute l'action internationale du Québec. Donc, le ministère qu'a dirigé le député de Mont-Royal était fondé sur ces concepts. Celui que j'ai l'honneur de diriger aujourd'hui, et qui est, en gros, le même, base également son action sur ces principes. On peut dire qu'une grande partie de la visite du chef du gouvernement, M. Parizeau, dans la capitale française, dans son aspect accords et conventions, et coopération internationale où le Québec se lie par sa signature avec la République française, découle aussi des concepts qui ont fondé – j'en reparlerai plus tard – la doctrine Gérin-Lajoie, qui est un avatar et un développement de cet arrêt du Conseil privé.

Alors, qu'ont dit les juges? Ils ont dit: «Il est essentiel d'avoir présente à l'esprit la distinction entre la formation et l'exécution des obligations qui découlent d'un traité. Dans les pays constituant l'Empire britannique – ce qui était notre cas – il y a une règle bien établie qui veut que la conclusion d'un traité soit un acte qui relève de l'Exécutif, tandis que l'exécution de ses obligations, si elle entraîne une modification aux lois du pays, exige l'intervention du pouvoir législatif.

(15 h 30)

«Contrairement à ce qui a lieu ailleurs, les stipulations d'un traité dûment ratifié n'ont pas, dans l'Empire, en vertu de ce traité même, force de loi. Si l'Exécutif national, le gouvernement du jour, décide d'assumer les obligations d'un traité qui entraîne des modifications aux lois existantes, il doit demander au Parlement son assentiment, toujours aléatoire aux modifications proposées.

«Mais, dans un État où la Législature ne possède pas d'autorité absolue, dans un État fédéral où l'autorité législative est circonscrite par un document constitutionnel ou est partagée entre différentes Législatures selon les catégories de sujets soumis au législateur, le problème est complexe. L'exécution des obligations imposées par un traité peut relever de plusieurs Législatures et reste problématique. Il appartient à l'Exécutif d'obtenir l'assentiment législatif non pas du seul Parlement envers lequel il peut se retrouver responsable, mais peut-être de plusieurs Parlements avec lesquels il n'a aucun rapport direct. La question n'est pas de savoir comment l'obligation a été formée, ce qui est du ressort de l'Exécutif, mais bien de savoir comment on l'exécutera, ce qui dépend de l'autorité de la Législature ou des Législatures compétentes.»

Je ne crois pas que les juges ont parlé d'une façon si complexe, mais peut-être que quelques commentaires sont nécessaires pour une meilleure compréhension. Ce qu'ils ont dit, les juges, ils ont dit que l'Exécutif, le gouverneur en conseil ou Sa Majesté en conseil, s'agissant de la Grande-Bretagne, peut parfaitement signer des traités. L'expression consacrée, le «Treaty Making Power», ça relève de l'Exécutif. Cependant, dès lors qu'il faut appliquer des engagements découlant de ce traité, le Conseil exécutif ne peut pas le faire sans que les législateurs, c'est-à-dire ceux et celles qui siègent dans cette Assemblée, ne modifient les lois pour rendre le traité applicable.

Alors, ça, c'est la première partie de la démonstration, et ça vaut pour un État unitaire comme la Grande-Bretagne comme ça vaut pour le Parlement du Canada par rapport à son Exécutif ou le Parlement du Québec par rapport au Conseil des ministres. C'est le cas le plus simple.

Je vais en donner quelques exemples. Disons que le gouvernement du Canada signe un traité international pour dire que le commerce des alcools est totalement libéralisé en Ontario, ou au Québec, ou en Colombie-Britannique, ou partout. Le gouvernement du Canada décide de libéraliser le commerce des alcools. Il ne peut pas mettre en application ce traité à moins que le Québec ne décide d'abolir sa Société des alcools ou que l'Ontario ne décide d'abolir son Ontario Liquor Board ou les autres provinces du Canada qui ont des organisations du genre. Or, qui peut abolir la Société des alcools? Est-ce que le Conseil des ministres, mercredi prochain, peut décider d'abolir la Société des alcools? Bien sûr que non! Seuls les hommes et les femmes siégeant dans cette Chambre peuvent modifier, à majorité, les lois du Québec, ce qui illustre que, même dans un État unitaire, mais de type de gestion britannique, l'Exécutif ne peut pas agir pour mettre en application les traités qu'il a signés sans que le pouvoir législatif et le législateur ne se prononcent.

Compliquons un peu le cas, maintenant, puisque nous sommes dans un système à plusieurs Législatures, à plusieurs niveaux de gouvernement. Ce que les Québécois ont appelé la Confédération et qui, en fait, est une fédération en voie de centralisation, du reste, ne change pas les principes que j'ai évoqués plus haut. Et le cas qui nous occupait, c'est que le gouvernement du Canada avait signé un traité international mais qui touchait directement la législation du travail. Or, de qui relève la législation du travail, d'après l'Acte de l'Amérique du Nord britannique? Des provinces, donc du Québec, donc de l'Ontario, dans ce cas-là, ce qui revient à dire – et je le dis sans aucun mépris – qu'ils peuvent signer ce qu'ils voudront, le dernier mot est ici. Les délégations canadiennes peuvent aller au GATT, peuvent aller à l'Organisation internationale du travail, dire oui, oui, mais, si l'Assemblée nationale du Québec et la Législature de l'Ontario disent non, c'est non.

Ce qui fait d'ailleurs que, dans plusieurs négociations internationales, nos partenaires étrangers ont fini par comprendre ce phénomène et ont toujours insisté, auprès des délégations du Canada, pour donner des assurances, au moins morales, que les provinces allaient respecter la signature, parce que les provinces n'étaient pas juridiquement reliées. C'est la raison pour laquelle je suis allé, durant la négociation du «Tokyo Round», en particulier à Genève, à quelques reprises, pour dire, au nom du gouvernement du Québec, aux négociateurs japonais, aux négociateurs européens: Si le Canada signe telles et telles provisions qui sont dans notre juridiction, nous ferons tous les efforts voulus, avec clairvoyance et bonne volonté, pour ne pas saboter la libre circulation des biens ou aboutir à des situations de concurrence déloyale.

Ce qui me donne l'occasion, aussi, de rappeler à certains... Et j'ai vu M. Dubuisson, dans La Presse , qui a fait un article – très bien fait, d'ailleurs – dont je partage à peu près toutes les analyses, mais M. Dubuisson est tombé dans cette erreur de confondre la réalité et l'aspect juridique des relations économiques internationales du Québec. Il est vrai que le Québec, n'ayant pas signé le GATT, ses institutions ne sont pas véritablement liées sur le plan juridique. Donc, la Société des alcools pourrait dire: Moi, je fais ce que je veux, parce que le gouvernement dont j'émane et l'Assemblée nationale qui m'a mise au monde ne sont pas liés par le GATT.

Mais la réalité des choses est différente. Ce que je viens de dire est vrai en droit; dans la brutalité du commerce international, ce que je viens de dire ne tient pas la route longtemps. Et je vous rappelle une situation dont je passe des détails, mais où la Société des alcools avait décidé, pendant un certain nombre d'années, de prendre une marge de profits différente sur les produits fabriqués au Québec comparés aux produits importés. Ça, ça viole un principe fondamental du GATT, qui est celui du traitement national et de la non-discrimination. C'est-à-dire que, si un produit entre légalement au Canada et qu'il a acquitté les droits, il doit être traité comme s'il était un produit canadien. La Société des alcools décide de discriminer entre les produits étrangers et les produits québécois. Juridiquement, comme je vous l'ai dit, ça peut se faire; en pratique, ça ne se fait pas longtemps.

Pourquoi ça ne se fait pas longtemps? D'abord, parce qu'on reçoit une lettre du secrétaire général du GATT qui dit: Vous ne respectez pas la clause du traitement national. Bon, on peut répondre par une lettre pour dire: Nous, on n'a pas signé le GATT, donc on n'est pas tenus de... Bon. On peut tenir longtemps des conversations juridiques polies avec le GATT, mais, un bon jour, il peut arriver une lettre de Washington qui dit tout simplement: On achète à peu près pour 20 fois plus de whisky fabriqué à Valleyfield puis à ville de LaSalle que vous n'achetez de vin de Californie et, si vous ne cessez pas votre discrimination sur les vins, on va vous appliquer des sanctions terribles sur le scotch, le gin et autres produits plus forts que vous fabriquez au Québec. Fin de la discussion, hein. On pourrait dire: On n'a pas signé le GATT, c'est ci, c'est ça. Est-ce qu'on va risquer de mettre 200, 300 personnes à pied par distillerie parce qu'on est victime de représailles américaines?

Donc, il faut bien se rendre compte, là, qu'entre la pratique brutale du commerce international et les engagements purement juridiques, il y a une marge qui justifie notre législation d'aujourd'hui.

D'autant plus que ce que j'ai raconté quant à cet arrêt du Conseil privé entre les deux guerres touchait un contexte qui n'a rien à voir avec le contexte d'aujourd'hui. En effet, entre les deux guerres, aucune des grandes organisations économiques internationales que nous connaissons aujourd'hui n'était encore née. Un embryon de droit international sociétal s'était forgé autour de la Société des Nations, autour de l'Organisation internationale du travail, mais n'existaient ni la Banque mondiale ni le Fonds monétaire international et, surtout, n'avait pas encore été signé l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui est une conséquence directe de la conférence de La Havane et qui, au cours de l'année 1948 et suivantes, a établi un grand corpus de droit économique international appelé l'Accord général.

Il m'est souvent arrivé de dire que, après les grands documents religieux que sont le Coran, la Bible et autres grands documents fondant les grandes religions, il n'y a pas beaucoup d'écrits qui aient influencé plus le destin de l'humanité que l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. C'est à cause de l'ouverture provoquée par cet Accord général en particulier que nous avons connu les 30 années glorieuses de développement international et de croissance économique soutenue, au fur et à mesure que s'effaçaient les frontières entre les pays, frontières sous forme de douanes, de barrières déguisées, de traitement déloyal et autres pratiques qui entravaient la libre circulation des biens, des services et des capitaux.

(15 h 40)

Dans ce nouveau contexte, par ailleurs – et l'Accord général, il ne s'appelle pas «général» pour rien – presque tous les aspects de notre vie économique, à partir de 1948 en particulier, et même si on remonte à la conférence de Bretton Woods de 1944, ont été touchés par ce grand souffle d'ouverture internationale, de règlement international, de constitution de règles de concurrence qui dépassaient la souveraineté des États et qui cherchaient à diminuer l'anarchie économique qui nous avait conduits – ce sont les thèses les plus généralement acceptées aujourd'hui – au premier conflit mondial et au deuxième. La Première Guerre mondiale, 1914-1918, qui a laissé 5 000 000 ou 6 000 000 de morts sur le terrain, et la Deuxième – progrès technologique, hélas, aidant – qui en a laissé des dizaines et des dizaines de millions, ont été, pour l'essentiel, des conséquences directes du mercantilisme, de l'égoïsme des nations et de l'incapacité des peuples à comprendre qu'un des meilleurs antidotes à la guerre et à la violence entre les nations était précisément le fait de commercer librement.

Quand les peuples ont compris que la prospérité des uns était fonction directe de la prospérité des autres à cause de la liberté des échanges, on a, au moins pour les peuples qui ont pratiqué ces doctrines, connu des périodes de paix d'une durée inégalée dans l'histoire humaine. En 1957, par exemple, en Europe, traité de Rome, six pays souverains et indépendants décident, dans un document exemplaire, d'ouvrir leurs frontières et, à toutes fins pratiques, de fusionner leur économie. Or, ce n'est pas par hasard que les six membres fondateurs de la Communauté économique européenne ont été dans les belligérants les plus éprouvés par les deux guerres mondiales. Et, évidemment, le coeur de ce traité de Rome est venu de la volonté fortement exprimée de l'Allemagne et de la France, deux puissances belligérantes à l'extrême, si je puis dire, qui ont décidé d'asseoir la paix sur la coopération et la fluidité des échanges.

Il n'est pas exagéré de dire, du reste, qu'en recherchant cet objectif de paix les Européens, fusionnant leurs économies nationales, avaient aussi constamment en tête le contrepoids nécessaire à la puissance américaine. Si l'Europe n'avait pas posé les gestes qu'elle a posés en 1957 et avant, par l'Euratom et le pool charbon et acier, et tout ce qui a conduit à la grande construction européenne, même les nations les plus puissantes d'Europe étaient condamnées, à plus ou moins brève échéance, à devenir des satellites économiques de la puissance américaine parce que, déjà à cette époque, il y avait 250 000 000 d'Américains regroupés dans un grand espace économique qui en avait fait déjà, à cette époque, la plus formidable puissance de l'histoire humaine. Donc, l'Europe s'est largement bâtie en contrepoids à la puissance économique américaine et, dans une certaine mesure, à la puissance militaire du bloc de l'Est et du bloc soviétique qui, pour ne pas avoir le même niveau de vie que les États-Unis, avaient quand même 1 000 divisions à aligner dans un conflit violent.

Curieux retour des choses – et c'est ce qui me ramène à notre législation d'aujourd'hui et à sa pertinence – l'Europe s'est bâtie en contrepoids à la puissance américaine, et un des arguments qui a fait que l'Amérique est en train de se construire aujourd'hui par le traité bilatéral, le trilatéral mais aussi l'unification que l'on voit des économies d'Amérique latine et, éventuellement, de la fusion des deux... L'Amérique se construit maintenant en contrepoids à l'Europe. Drôle de retour des choses. Tant que la puissance américaine a été inégalée et n'a pas été défiée, on n'a pas senti le besoin d'agrandir l'espace économique. On n'a pas senti qu'il était vital pour nous, si on voulait rester vraiment des concurrents de l'Europe, de suivre un peu la voie que les Européens avaient eux-mêmes empruntée.

D'ailleurs, il y a un ouvrage intéressant de Lester C. Thurow, qui s'appelle en anglais «Head to Head». Dans «Head to Head», au fond, on raconte un peu avec beaucoup plus de détails, d'une façon beaucoup plus savante et beaucoup mieux illustrée ce que je viens de dire là. Mais il y a un suspense. C'est «head to head», tête-à-tête, c'est-à-dire le Japon, l'Amérique et l'Europe. Qui va gagner la grande compétition mondiale? Or, l'éditeur français et traducteur de «Head to Head» a appelé son volume «La victoire de l'Europe». Alors, il n'y a plus de suspense, vous avez la conclusion de l'ouvrage. Et la conclusion de l'ouvrage, c'est, effectivement, que, à cause du regroupement provoqué par ce qui, au début, était la Communauté économique européenne mais qui est devenu aujourd'hui l'Union européenne, la victoire de l'Europe ne semble plus faire de doute, sauf si nous réussissons bien l'intégration continentale.

Or, une des pièces majeures de l'intégration continentale, c'est, bien sûr, ce qui se passe dans la partie la plus développée, la plus avancée des deux Amériques: l'Amérique du Nord. Et, en Amérique du Nord, bien, il y a deux pays très développés, dans les plus développés du monde, dans le peloton de tête, les États-Unis et le Canada, et il y a aussi un pays en voie de développement, dont la croissance est spectaculaire, dont les efforts sont très méritoires, mais qui a des petits problèmes – vous avez vu ce qui est arrivé au Mexique il y a quelques semaines – mais quand même un grand pays de 85 000 000 d'habitants, qui, maintenant, depuis l'ALENA, partage avec nous des règles de commerce communes, un désir commun de rendre les échanges plus fluides et de constituer un grand espace économique, non plus, comme il m'était arrivé de le dire à l'époque, de la rivière La Grande au Rio Grande... C'est rendu plus ambitieux que ça, là. On a dépassé le Rio Grande, on est rendu très bientôt au canal de Panama et très bientôt à la Terre de Feu, et ça va être du cercle polaire à la Terre de Feu. Ça me fait sourire en pensant qu'un éditorialiste très savant avait fait des gorges chaudes du fait que je pouvais prétendre qu'un espace économique pouvait s'étendre de la rivière La Grande au Rio Grande. Je suis obligé aujourd'hui de dire que je n'avais pas vu assez grand et que ce qu'il faut dire maintenant, c'est: du cercle polaire à la Terre de Feu.

Mais contentons-nous de l'ALENA et de la partie nord-américaine qui a été, comme vous le savez, négociée par l'administration Bush. C'est le président Bush qui a été le protagoniste de cet accord. Vous vous souvenez qu'il y a eu aussi un paradoxe aux États-Unis, puisqu'on a vu ici un gouvernement, un Parti libéral, qui traditionnellement était pour l'ouverture, combattre l'ouverture contre des conservateurs. Là, on a vu le président Bush, plutôt conservateur, mettre de l'avant le traité. Et, durant la campagne présidentielle américaine, vous vous souvenez que c'est un beaucoup plus à droite encore, un certain Perot, qui, lui, vraiment, faisant feu des quatre fers – vous vous souvenez du «big sucking sound» – a combattu l'ouverture des frontières. Les démocrates du président Clinton ont trouvé une position mitoyenne qui a fini par se révéler intelligente et extrêmement utile. Les démocrates ont dit: Libre-échange, oui, donc projet de Clinton, oui, pour l'essentiel, à condition qu'il y ait des accords parallèles. C'était vraiment intelligent comme réponse non seulement politique, mais organique aux attaques de Perot et autres réactionnaires sur ces questions.

(15 h 50)

Dès son entrée en fonction, le président Clinton a accepté l'Accord de libre-échange avec le Congrès réuni. C'était extrêmement dramatique, là. Jusqu'à la dernière minute on pensait que l'Accord serait battu par quelques voix, mais à cause de ce qu'on a appelé le «bandwagon effect», dès que le président a réussi à convaincre suffisamment de représentants, la bascule s'est faite de l'autre côté. C'est vers 18 heures, un soir, à peu près, et je me souviens que, ce soir-là, je donnais un cours à mes étudiants et mes étudiantes de l'UQAM et ça faisait des mois qu'on attendait le suspense: signera, signera pas. Le cours était commencé quand quelqu'un est venu me dire: Signé, il y aura un accord de libre-échange et deux accords parallèles qui s'appellent l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement – un sujet brûlant s'il en fut – et l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail. Ça se peut que j'emploie leur anagramme un peu barbare d'ANACE et d'ANACT quand j'en reparlerai dans la suite de ma présentation.

Ce n'est pas par hasard que deux facteurs aussi importants fassent l'objet des deux accords parallèles. L'environnement, aujourd'hui, est devenu une des façons peut-être les plus déloyales et les plus vicieuses de gauchir la concurrence. Et c'est facile à comprendre. Si un pays est dépourvu de règles environnementales ou ne les applique pas, il va profiter des coûts de production beaucoup plus bas puisqu'il n'aura pas eu à investir dans les dépoussiéreurs et puis les centrales de filtration d'eau et de protection de l'environnement sous toutes ses formes. Et on voit bien fonctionner les usines modernes aujourd'hui, même des industries réputées autrefois extrêmement polluantes, et il y en avait...

Il y en a dans ma circonscription. À Varennes, il y a un gros complexe pétrochimique. Bien, il y a 25 ou 30 ans, un complexe pétrochimique rendait la vie misérable, dans l'entourage, par poussière, par odeur et par toutes sortes de déversements. Aujourd'hui, un complexe pétrochimique moderne peut à toutes fins pratiques opérer à pleine capacité sans aucun déversement – en tout cas, c'est l'idéal – dans l'air, dans l'eau ou dans le milieu ambiant. Mais, pour arriver à cela, souvent, les investissements et les capacités de production coûtent deux fois plus cher. Alors, si un pays est dispensé de ces investissements parce que ses législations en environnement sont d'un seuil trop bas, ça change les coûts de revient, et la lutte environnementale peut devenir un des éléments majeurs de manque de loyauté dans les rapports commerciaux. C'est ce à quoi l'ANACE, l'Accord de coopération sur l'environnement, répond.

Le deuxième accord parallèle, c'est l'ANACT. C'est dans le domaine du travail, dans le domaine des conditions du travail. Alors, vous avez déjà remarqué, dans les deux cas, environnement et relations de travail, et plus dans le deuxième cas que dans le premier, qu'on est en pleine juridiction de cette Assemblée. Les législations du travail, bien, on a failli en avoir une d'urgence, là, aujourd'hui, que j'espère on n'aura pas, où, en fin de compte, on est dans le suspense, justement, parce que c'est de cette Assemblée que relèvent les législations du travail au Québec, de même que, comme le dira mon collègue de l'Environnement qui va aussi prendre la parole sur ce projet de loi, les questions d'environnement. Il y a certaines juridictions fédérales en environnement, mais nul ne nie qu'une grande partie de la juridiction environnementale réside ici.

Alors, comment le gouvernement du Canada peut-il être crédible en signant des traités ou des accords parallèles si nos interlocuteurs n'ont pas l'assurance que l'Assemblée nationale du Québec pense la même chose, va faire la même chose, va adapter ses législations et va se lier? L'accord de coopération sur l'environnement, en particulier, vise l'accroissement ou le maintien de la transparence dans l'élaboration et l'application des lois, la collaboration entre les gouvernements des pays et un développement plus soucieux de l'environnement dans une perspective de développement durable. L'accord de coopération sur le travail, lui, vise à promouvoir l'observation et l'application efficace de la législation du travail, particulièrement celle concernant la santé, la sécurité, le travail des enfants et le salaire minimum. On est en plein dans les juridictions de notre Assemblée nationale.

Ces deux accords parallèles portent donc essentiellement sur des matières de compétence québécoise à telle enseigne que les gouvernements fédéral et provinciaux ont négocié deux ententes intergouvernementales, concernant les deux accords parallèles, fondées sur la reconnaissance du partage des compétences et permettant, dans le cadre d'un partenariat et d'une volonté de coopération entre les ordres de gouvernement, d'assurer une pleine participation canadienne à ces accords et à la réalisation de leurs objectifs.

Mais, le Québec, je le redis, ne saurait s'y engager qu'à la condition que son droit interne soit compatible avec les dispositions des accords créant les obligations auxquelles il entend souscrire. Voilà pourquoi le présent projet de loi prévoit notamment la procédure par laquelle une décision d'un groupe spécial peut être rendue exécutoire à l'encontre du Québec pour le cas où il omettrait de façon systématique d'appliquer sa législation en matière de travail. En contrepartie et à certaines conditions, le Québec pourra se porter plaignant contre les États-Unis d'Amérique ou le Mexique en semblable situation.

Un dernier groupe d'accords de commerce international, que j'ai longuement évoqué aussi, comporte également des dispositions qui baliseront l'exercice législatif dans des domaines de compétence québécoise, soit les accords se rattachant à l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce. L'Organisation mondiale du commerce, là, c'est ce qui, après les accords de Marrakech, va désigner maintenant le GATT. On parlait d'Accord général, mais, là, maintenant, on a l'Organisation mondiale du commerce qui est le grand organisme de gestion de l'Accord général et de ses amendements.

Donc, le nouveau GATT comprend nombre de mesures qui sont dans le même cas que l'accord parallèle sur l'environnement ou le travail, c'est-à-dire tombe directement dans la juridiction de notre Assemblée nationale. Donc, assurer le plein respect des obligations internationales du Québec constitue l'un des buts essentiels de ce projet de loi. C'est pourquoi, à l'instar du Parlement fédéral qui adopte des lois de mise en oeuvre pour les matières relevant de sa compétence, le Québec fera de même en modifiant, là où cela est nécessaire, son droit interne. Ces législations ainsi combinées, l'ensemble canadien peut pleinement appliquer et jouir des bénéfices des accords visés.

Nous en avons eu une preuve additionnelle encore en décembre dernier, alors que les États-Unis ont annoncé qu'ils rembourseraient nos exportateurs de bois d'oeuvre des droits compensateurs indûment perçus. Le Québec a donc eu raison d'assumer directement son rôle de partie à ce différend et d'être représenté lui-même.

Un autre motif justifiant le présent projet de loi me permet de revenir sur l'intention du présent gouvernement de redonner à cette Assemblée et à chacun de ses membres le pouvoir réel du législateur. La pratique québécoise de mise en oeuvre des traités et des accords internationaux comportant des dispositions ressortissant à ses compétences a constitué, à ce jour, à ne saisir l'Assemblée nationale que lorsque les modifications législatives étaient nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux dispositions de l'entente du traité ou de l'accord concerné.

Dans le cas où les analyses de compatibilité législative concluaient à la conformité du droit interne, le pouvoir exécutif a, de façon générale, pris sur lui, sans en référer au pouvoir législatif, de s'engager, au nom du Québec, à respecter des instruments internationaux pourtant fort importants. Le gouvernement, par décret, s'est ainsi déclaré lié par les dispositions de plusieurs traités en matière de droit de la personne, tel le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la politique de la convention relative aux droits de l'enfant. Il adopta également – c'est le précédent gouvernement qui l'a fait, en 1988 – un décret à l'égard de l'Accord de libre-échange canado-américain et un autre, en 1994, relativement à l'ALENA.

Bien sûr, notre système parlementaire reconnaît au pouvoir exécutif la compétence de prendre des engagements de portée internationale. Cependant, comme je l'ai expliqué longuement, prendre des engagements est une chose, les faire appliquer en est une autre. Que le pouvoir exécutif exerce ses droits est une chose. Surtout que ces accords, maintenant, prennent une vie nouvelle après Marrakech et vont avoir tendance à avoir plus d'impact sur l'activité économique des divers pays, il est essentiel, de plus en plus, que le législateur et les Assemblées des divers pays, comme c'est la loi et la pratique aux États-Unis d'Amérique, se penchent sur les grands accords internationaux et sur la façon de les mettre en oeuvre.

Il est particulièrement intéressant de constater que notre Assemblée nationale est la première Législature au Canada à poser ce geste. L'Ontario a même annoncé qu'ils avaient l'intention d'être cohérents dans leur politique. L'Ontario a eu un comportement protectionniste tout au cours de la dernière décennie et l'Ontario va continuer à avoir cette attitude de fermeture par rapport aux traités internationaux.

Je suis très heureux, M. le Président, que l'Assemblée nationale du Québec, reflétant l'opinion profonde de la population québécoise – en respectant les dissidences, d'ailleurs, car il y en a; il n'y a jamais aucune unanimité dans aucune société – mais que l'Assemblée nationale du Québec, en respectant le désir, la tradition et l'instinct profond des Québécois de participer au concert économique international, donne son appui de principe au présent projet de loi.

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Mont-Royal, porte-parole de l'opposition en matière d'affaires internationales, tout en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le Président, le ministre des Affaires internationales nous a fait un bref rappel de certains éléments qui ont amené, nous ont amenés, ont amené le Canada, avec l'appui du Québec, à la signature de l'entente de libre-échange par le gouvernement du Parti conservateur. Il a fait référence, dès le début de la Confédération, aux efforts de Sir Wilfrid Laurier qui avait perdu une élection, suite à son appui pour un traité de libre-échange avec les États-Unis.

Ce dont le ministre a – peut-être pas délibérément – omis de nous informer ou d'informer cette Chambre – parce que c'est intéressant de voir tout l'historique de l'histoire du libre-échange au Canada – c'est qu'il y avait eu un traité de réciprocité que la Grande-Bretagne voulait signer avec les Américains en 1854. Et, quand Sir John A. Macdonald est devenu premier ministre, suite à la Confédération – et la Confédération avait été provoquée, comme vous le savez, par les événements de 1860 aux États-Unis, par une crainte d'annexion possible, de vouloir maintenir leur statut ici – Sir John A. Macdonald avait resoumis à Ulysses Grant ce traité, pour avoir un traité de réciprocité qui aurait été, en effet, un autre traité de libre-échange entre le Canada de cette époque et les États-Unis.

Mais il y a une pratique constitutionnelle qui existait à l'époque – je crois que c'est désuet, maintenant, dans les pratiques américaines – ce qu'on appelle – et peut-être que ça ne l'est pas – mais c'est la pratique qu'on appelle le «pocket veto». Quand une proposition était faite ou une entente était proposée au président, il la mettait dans sa poche, il ne la portait pas à l'attention du Congrès américain, et c'était un veto de l'entente possible.

Alors, Ulysses Grant, qui est devenu président après l'événement de 1860, devenu président des États-Unis, n'avait pas l'intention ou n'en voyait pas l'envergure, les possibilités, et il a exercé son «pocket veto». Et peut-être que c'est ça qui a amené Sir John A. Macdonald à instituer la «National Policy» parce qu'il a dit: Écoutez, les États-Unis ne veulent pas d'un traité de libre-échange avec nous, alors on va essayer de composer et de voir ce que nous pouvons faire entre nous, au Canada.

Un autre élément intéressant dans la défaite de Sir Wilfrid Laurier, c'est qu'il avait presque réussi à convaincre le Canada de l'époque des bénéfices d'une entente de libre-échange. Ce qui a provoqué vraiment la défaite de ce traité, c'est un membre du Congrès américain qui s'appelait Champ Beauregard; je pense qu'il était du Missouri ou de la Louisiane. Et, lui, il a fait des déclarations qui avaient été reprises et qui avaient été utilisées par ceux qui s'opposaient au traité, en disant: Ce traité est bon pour les États-Unis, nous devons l'appuyer, parce que nous allons voir le drapeau américain qui va flotter de l'Arctique aux frontières sud-américaines. Ça va devenir un grand pays des États-Unis d'Amérique. Alors, imaginez-vous, M. le Président, la réaction que de telles déclarations ont provoquée, imaginez-vous si les mêmes déclarations eussent été faites quand notre traité de libre-échange a été négocié. Je crois qu'il y aurait eu beaucoup de questions, peut-être moins d'intérêt et plus d'opposition.

Mais, ceci étant dit, nous, du Parti libéral du Québec, nous sommes favorables, évidemment, au libre-échange. Quand nous étions au gouvernement, non seulement nous l'avons appuyé, mais nous avons pris les démarches pour nous assurer, premièrement, que le traité de libre-échange soit signé avec les États-Unis. Et, deuxièmement, nous avons appuyé l'ALENA, avec les partenaires du Mexique. Et c'était à une époque où c'était très intéressant parce que, à un certain moment, il y avait une nouvelle élection aux États-Unis – le président Clinton s'est fait élire – et la perception était qu'il n'était pas tout à fait aussi favorable à l'entente du libre-échange que le président Bush. C'était une entente qui avait été négociée pas les républicains, alors il montrait une certaine réticence. Alors, l'Accord n'était pas ratifié.

Au Canada, il y avait une élection fédérale, alors il y avait moins d'attention qui était portée à l'Accord du libre-échange, dans la pratique, en termes de ratification. Les ministres et les députés du gouvernement fédéral étaient très occupés dans leur propre comté pour s'occuper de leur élection. C'était le ministre des Affaires internationales du Québec qui allait à Washington, qui allait à Mexico pour maintenir l'intérêt puis défendre ce traité et faire la promotion de ce traité qui était d'une importante capitale pour le Québec; non seulement pour le Québec, pour le Canada et pour toute l'Amérique du Nord. Alors, nous avons entrepris ces démarches pour appuyer le libre-échange, pour s'assurer puis pour essayer de convaincre tous les partenaires de l'importance du libre-échange, et, heureusement, l'ALENA a été ratifié.

Le ministre a fait référence aux accords parallèles; j'en parlerai tantôt. Nous avons été très actifs dans la négociation, dans la formulation de ces accords, parce qu'ils touchaient, et j'y reviendrai tantôt, des champs de juridiction fiefs du Québec, des provinces. Nous avons pris les mesures nécessaires pour nous assurer que nos compétences, nos juridictions étaient respectées.

Alors, nous sommes favorables au libre-échange, M. le Président. Nous croyons que l'entente qui a été négociée est très bénéfique pour l'ensemble du Canada et pour l'ensemble de l'économie de nos industries au Québec. Cependant, on nous convoque à une session extraordinaire d'urgence. Je ne vois pas vraiment l'urgence, aujourd'hui, de faire adopter ce projet de loi. On nous a convoqués pour venir au parlement, se rendre au parlement aujourd'hui, on a fait une motion d'urgence parce qu'il y avait des items urgents à discuter, et le premier sujet, le premier projet de loi qu'on apporte à notre attention, ce n'est pas quelque chose qui est vraiment urgent pour aujourd'hui, c'est le projet de loi qui est devant nous, Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international. Ces accords ont effet. Ils ont été ratifiés. Ils s'appliquent. Nos industries en bénéficient. Et ce n'est pas le projet de loi d'aujourd'hui qui change l'application et les effets de l'ALENA ou du GATT. Alors, il n'y a aucune urgence, aujourd'hui, à discuter de ce projet de loi. Même, et je vais vous en faire la démonstration, il peut y avoir certains problèmes en incluant tout ce qu'on a mis dans ce projet de loi, il peut y avoir certains dangers possibles.

(16 h 10)

Quel est le processus actuel? Comprenons. On nous présente un projet de loi pour dire: On veut appuyer les ententes internationales de coopération sur l'environnement, sur le travail, le libre-échange nord-américain, le GATT, et tout le reste. Quel est le processus? Je voudrais prendre quelques instants, M. le Président, pour vous décrire, premièrement, comment les ententes ont été négociées et, deuxièmement, les mesures que le Québec a prises pour adhérer à l'ALENA.

Il y a certains points qui ont été soulevés par le ministre en ce qui concerne les champs de juridiction du Québec, les champs de juridiction provinciale, qui sont valables. On a fait référence à la décision de 1937, et, effectivement, le gouvernement fédéral a certaines juridictions, dans notre Constitution, exclusives, nous en avons certaines exclusives et certaines juridictions sont partagées. Alors, les ententes, les accords doivent tenir compte de notre Constitution. Et je vais vous démontrer, M. le Président, non seulement comment nous avons respecté la Constitution canadienne, les droits constitutionnels, les intérêts du Québec, mais aussi comment nous nous y sommes pris pour nous assurer que d'autres pays... Dans le cas du GATT, et les Américains et le Mexique respectent notre Constitution, et, quand je dis «respectent notre constitution», respectent les droits du Québec. Je vais vous démontrer, je vais vous dire exactement comment ces ententes, brièvement, ont été négociées et ce que nous avons fait pour y adhérer et pour respecter les juridictions du Québec.

L'entente du GATT, M. le Président, est négociée entre sept pays, les sept pays les plus industrialisés. Ce n'est pas tous les 146 pays qui font partie du GATT, ou 142, qui sont à la table de négociation; ce sont les sept, dont le Canada. Dans les négociations, nous avons développé une procédure, une méthode de travail, où c'est vrai que c'est le Canada qui signe les ententes, comme le ministre l'a si bien dit, en termes d'ententes internationales. Et, quand on parle de la décision de 1937 du Conseil privé, il est clair... Et nous avons respecté les intérêts du Québec dans le sens que, s'il y a une juridiction exclusivement provinciale, le Canada pourrait signer une entente, mais il ne pourrait pas mettre en application cette entente. Les exemples de la Société des alcools sont exacts. Cependant, la plupart des items qui sont négociés ne sont pas de champ de juridiction exclusive provinciale. Le commerce interne, le commerce provincial est de notre juridiction; mais le commerce interprovincial et le commerce international, c'est le champ du gouvernement fédéral. Alors, il faut tenir compte aussi de cela, parce que, si on se limite seulement aux champs de juridiction que nous avons, on va être très limités dans les actions qu'on peut prendre.

L'ALENA, c'est trois pays qui ont négocié: le Canada, les États-Unis et le Mexique. Mais, avant que le Canada développe une position, que ça soit dans l'agriculture, que ça soit dans les vêtements, les textiles, que ça soit dans tous les sujets, il y a consultation, et nous développons, nous-mêmes, au Québec, les positions que nous voulons inclure dans les ententes internationales. Dans le cas précis de l'ALENA, nous avons demandé l'exclusion des industries culturelles, pour des raisons que tout le monde comprend. Nous avons demandé l'exclusion, et nous avons obtenu l'exclusion des sociétés d'État et le monopole d'État aux contrats publics, aux marchés publics. Ce qui veut dire que les sociétés d'État canadiennes, jusqu'à un certain montant – 12 000 000 000 $ – doivent faire compétition internationale. Dans notre cas, les sociétés d'État comme Hydro-Québec peuvent avoir leur politique d'achat à l'abri, si on peut dire, de la compétition internationale, ce qui nous permet de développer une politique industrielle.

Alors, nous avons développé plusieurs positions qui se sont retrouvées dans l'ALENA. C'est clair qu'aucune entente, aucun pays n'obtient tout ce qu'il veut, mais, les protections de base, les éléments essentiels, nous les avons obtenus dans l'ALENA.

Le ministre parlait de l'entente, de l'accord parallèle sur l'environnement. Ça, ça a été très intéressant, la façon dont cette entente a été négociée. Originalement, il y avait eu une entente de principe entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, qui prévoyait des représailles économiques contre le pays dont la compagnie, la société ne respectait pas les lois de l'environnement. Et on s'en allait dans cette direction. Alors, moi, à titre de ministre des Affaires internationales du Québec, et pour protéger non seulement les industries québécoises, mais aussi la juridiction de l'environnement que le Québec avait, je me suis prononcé contre l'accord parallèle de l'environnement. Et j'ai insisté sur deux choses.

Premièrement, je ne voulais pas de représailles économiques contre nos industries pour une raison très, très simple et importante: on doit respecter les juridictions provinciales. Alors, je ne voulais pas qu'une société québécoise soit assujettie à des représailles économiques ou que nous soyons assujettis à des représailles économiques parce que quelqu'un, dans une autre province, ne respectait pas les droits de l'environnement de la province.

Alors, nous sommes arrivés à une formule qui est très équitable, qui respecte les juridictions partagées, mais qui respecte les juridictions du Québec dans l'environnement: c'est l'accord actuel, où il y a des mesures de représailles contre le Mexique, des représailles économiques, si une compagnie au Mexique ne respecte pas l'environnement, aux États-Unis aussi. Mais, pour le Canada, ce sont des amendes, et les amendes seront contre la province, ou contre la société de la province qui n'a pas respecté l'environnement. Alors, on protège complètement les sociétés québécoises et, aussi important, on protège la juridiction du Québec.

L'accord parallèle de l'environnement de l'ALENA est respectueux de la Constitution canadienne, respectueux de la décision du Conseil privé de 1937 et respectueux de notre champ de compétence de juridiction dans l'environnement. Et nous avons même réussi à obtenir, à Montréal, le Secrétariat de la Commission sur l'environnement. C'est très important, parce que c'est le Québec... Vraiment, les arguments qu'on faisait valoir, c'était: Écoutez, nous avons été ceux qui étaient les plus actifs, les plus grands promoteurs, au Canada, de l'Accord de libre-échange, de l'ALENA. En plus du fait que Montréal est une métropole qui est cosmopolite, c'est nous qui avons fait cet appui, et je crois que c'est une reconnaissance, non seulement des compétences que nous avons dans ce domaine, mais aussi de tous les efforts que nous avons faits pour appuyer l'ALENA.

(16 h 20)

Et le fait que le Secrétariat soit à Montréal, ce n'est pas juste les décisions sur l'environnement qui sont prises à Montréal, mais toute l'expertise environnementale, la technologie, tous les bureaux, les ingénieurs, les techniciens. Alors, Montréal, le Québec va être le centre de cette technologie, de cette expertise pour l'Amérique du Nord.

Un autre aspect pour montrer comment le processus se fait. Nous développons des positions. Le Canada, dans le cas du GATT, qui est un du Groupe des Sept, négocie, et on reste constamment en contact, en communication pour nous assurer que les positions que nous avons développées soient respectées.

L'adhésion. Comment avons-nous procédé pour que le Québec accepte les termes, les conditions de l'ALENA et les termes du GATT? M. le Président, dans le cas de l'entente du libre-échange avec les Américains, on l'a fait par décret. Et on avait besoin de modifier une loi, la Loi sur les mines. On n'avait pas besoin de faire d'autres modifications. C'est ça que nous avons fait, nous avons adopté un décret, nous avons avisé le gouvernement fédéral: Nous acceptons les termes du libre-échange et nous allons modifier la Loi sur les mines pour nous conformer à l'entente.

Dans le cas de l'ALENA, nous avons fait la même chose, M. le Président. Nous avons adopté un décret au mois de juillet où nous avons dit: Attendu que certains aspects de cet Accord relèvent de la compétence constitutionnelle du Québec, et nous avons avisé le gouvernement fédéral que nous acceptions l'ALENA. Mais nous avons mis certaines réserves internes: on ne peut pas accepter l'ALENA conditionnellement, avec les États-Unis ou avec le Mexique. Mais, dans le développement de nos positions, on a indiqué au gouvernement fédéral la nécessité de mesures d'adaptation pour la main-d'oeuvre et les industries qui pourraient être affectées par l'ALENA – autant par l'ALENA que par les résultats de l'Uruguay Round – et nous avons aussi demandé et spécifié la nécessité d'une entente fédérale-provinciale qui formaliserait la participation des provinces à la gestion des ententes commerciales internationales ainsi qu'au mécanisme de règlement des différends qui en découlent.

Alors, ce n'est pas vraiment une acceptation conditionnelle. Juridiquement, on l'a accepté. Cependant, on a indiqué au gouvernement fédéral: Voici ce dont nous avons besoin. Il y a certaines juridictions qui appartiennent au Québec. Et je dois dire que la plupart, M. le Président, des juridictions dans les ententes internationales ne sont pas des juridictions exclusivement provinciales. On en a mentionné quelques-unes, oui: la Société des alcools, évidemment, et il doit y en avoir quelques autres. Mais, généralement, le commerce international n'est pas de juridiction exclusivement provinciale ou de juridiction provinciale.

La crainte. Je vais évoquer d'autres raisons pour lesquelles ce projet de loi, si je peux dire le mot, est inutile. Ça, c'est le mot à utiliser. Mais la crainte, c'est que, voici, on accepte l'ALENA et on donne au gouvernement fédéral certaines conditions internes. En adoptant le projet de loi, le gouvernement pourrait bien dire: Bien, écoutez, si vous acceptez le projet de loi, on n'a plus besoin de cette lettre, on n'a plus besoin de ces conditions. Je ne dis pas que c'est un bon argument, parce qu'on a nos priorités, mais ça ouvre la porte à ça. Et ça pourrait être fait. Alors, pourquoi ouvrir cette porte et dire: Le gouvernement fédéral n'a plus besoin de respecter certaines conditions?

Et je dois vous dire que, par exemple, dans la gestion des ententes commerciales, même si on ne l'a pas par écrit, les mécanismes existent, où nous sommes impliqués directement. Je vais vous donner des exemples, M. le Président. Par l'entremise de cette entente, par l'entremise du rôle du gouvernement du Québec, du ministère et du ministre des Affaires internationales, nous sommes intervenus directement avec Washington. Quand je dis «directement», c'est avec la participation de l'ambassadeur canadien, mais c'est nous qui avons mené les discussions, c'est nous qui avons finalisé les ententes, c'est nous qui avons obtenu les conditions qui répondaient à nos industries dans le cas du magnésium, dans les discussions au sujet de la bière, parce qu'il y avait des problèmes sociaux et des problèmes économiques. Alors, moi-même, M. le Président, je me suis rendu à Washington et j'ai négocié, pour les industries québécoises et pour les politiques sociales du Québec, les conditions sur lesquelles le Canada pourrait signer une entente sur la bière, la vente de bière des États-Unis au Canada et au Québec.

Alors, ça, c'est ce qui existe, et ça fonctionne bien. Dans le cas du bois d'oeuvre, on s'est joint aux autres provinces canadiennes. Nous avions nos représentants, nos avocats, et le résultat, c'est que nous avons gagné la cause du bois d'oeuvre. Le gouvernement américain doit remettre des centaines de millions de dollars aux producteurs de bois du Canada, 500 000 000 $ aux producteurs de bois du Canada et, je pense, 175 000 000 $ ou 200 000 000 $ au Québec. Ceci pour vous dire, M. le Président, que, soit dans la négociation des ententes soit dans la mise en oeuvre des ententes, nous avons réussi à protéger, dans la mesure du possible, et très, très avantageusement, les industries québécoises, non seulement dans les conditions de l'entente, mais aussi dans les litiges commerciaux avec les États-Unis.

Alors, M. le Président, le système actuel fonctionne. Nous n'avons pas eu besoin de passer des projets de loi. Non. Parce que, si vous adoptez un projet de loi qui dit qu'on appuie l'Accord de libre-échange nord-américain, ça change quoi, ça? On ne deviendra pas signataire de l'ALENA, on ne deviendra pas signataire du GATT; ça ne changera rien dans l'entente qui a été négociée pour l'environnement. Il y a juste une petite condition additionnelle que je discuterai, sur la question de l'environnement. Ça ne changera pas les litiges commerciaux, notre participation et le succès que nous avons obtenu dans les litiges commerciaux.

Alors, on pourrait bien se demander, M. le Président, pourquoi, quel est le but, quel est l'objectif de ce projet de loi? Pourquoi nous amener ici, en urgence, pour faire adopter un projet de loi qui n'ajoute absolument rien à l'ALENA, qui ne change pas l'adhésion du Québec à l'ALENA, qui ne change rien, même, dans les droits que le ministre a appelé «théoriques», qui ne change rien dans la décision de 1937 qui est intégralement respectée dans la pratique avec les décrets, avec la façon dont nous procédons? Alors, c'est une question qu'on peut bien se demander.

(16 h 30)

Peut-être, M. le Président, que derrière cet exercice-ci il y aurait aussi d'autres motifs un peu plus électoraux, un peu plus des motifs de spectacle, un peu pour donner l'impression à la population que le Québec, aujourd'hui, appuie les ententes internationales et que, quand le Québec deviendra indépendant, s'il devient indépendant, d'après le Parti québécois, nous allons accéder à ces ententes parce que, regardez, il y a une loi. Nous avons adopté l'ALENA, et, d'après les théories du gouvernement du Québec présentement, il va y avoir succession d'États. Il y a un danger à faire ça, parce que ce n'est pas exact, ça donne de fausses impressions, ça ne donne pas la réalité, la réalité des ententes, la réalité de ce qui va se produire s'il y a un Québec indépendant.

La théorie de succession d'États, c'est qu'un État qui succède à un autre assume les ententes internationales. C'est une théorie qui existe, que certains juristes ont mise de l'avant. Mais il faut regarder la théorie et la pratique. Quand on regarde la pratique et même, si je retourne en arrière un peu, la théorie, on respecte les ententes, mais il faut respecter toutes les conditions de l'entente. Et, dans l'ALENA, les conditions spécifient que chaque pays doit approuver un autre pays qui va adhérer à l'entente.

Mais, en dehors des théories et des situations juridiques, je crois que l'ambassadeur des États-Unis a été assez clair. Il a été clair maintenant, et le Department of State a été très clair au mois de septembre dernier, quand le premier ministre avait évoqué cette même éventualité durant la campagne électorale. Il avait dit: J'ai eu des assurances des États-Unis que nous allons être admis à l'entente du libre-échange, nous serons acceptés dans les conditions actuelles. Le Department of State a émis un communiqué niant cette affirmation et disant qu'il y a des problèmes légaux, que c'est quelque chose qui n'est pas acquis. Ça a été répété dans une conférence de presse que l'ambassadeur des États-Unis au Canada a donnée. Il a été très clair qu'il n'y a aucune assurance. Il n'y a aucune assurance.

Pourquoi est-il important, M. le Président, de maintenir les conditions actuelles de l'ALENA? Vous savez, en 1989, on avait un déficit commercial, au Québec, de 3 000 000 000 $. En 1993, on avait un surplus commercial de 3 000 000 000 $. Alors, on a fait un changement de 6 000 000 000 $, ceci tout en augmentant nos importations. Ça, ce sont des chiffres que je dirais très, très significatifs. Presque 80 % du commerce que nous faisons à l'extérieur va aux États-Unis. La moitié de notre commerce hors du Québec va dans le reste du Canada, l'autre moitié va dans le reste du monde. C'est important de savoir ça, que 22 000 000 de Canadiens achètent plus de nous que le reste de la planète. Mais, sur l'autre moitié qui va dans le reste du monde, presque 80 % vont aux États-Unis. Nous avons présentement un surplus commercial avec les Américains, surplus commercial de 12 000 000 000 $ par année. C'est très significatif. Ça veut dire qu'on vend plus aux États-Unis qu'on n'achète. C'est important, quand le dollar canadien a des fluctuations, d'avoir ce surplus. Pourquoi?

Et je crois que de faire croire à la population qu'on va être acceptés automatiquement dans l'ALENA avec des conditions de même, c'est de faire de fausses représentations à la population. Soyons réalistes. Soyons honnêtes. Soyons honnêtes, M. le Président. Je crois que même le ministre l'a admis, finalement, au mois de décembre: Oui, il va falloir renégocier certaines choses. Quand on a parlé des quotas de vêtements – on a 25 % de la population canadienne puis on utilise les quotas canadiens – on exclut les sociétés d'État, les monopoles d'État de l'application, parce que seulement les signataires de l'entente – Canada, Mexique, États-Unis – seulement leurs sociétés d'État, jusqu'à un certain niveau, doivent ouvrir leurs marchés. Ce sont des avantages considérables. Il faut y réfléchir puis il faut être honnête avec la population. Il faut être honnête et dire: Écoutez, voici la situation. On a pu négocier. Et pourquoi on a pu négocier? Parce qu'on avait le Canada, l'ensemble du Canada, qui est le partenaire qui fait le plus d'affaires avec les États-Unis, plus que n'importe quel autre pays au monde. Ça nous donne une force.

Voulez-vous un autre exemple, M. le Président, de la force que ça nous donne? On parle du GATT, et le ministre dit qu'il s'est rendu à Tokyo pour appuyer, pour dire aux autres pays que, oui, le Québec, malgré qu'on ne soit pas signataire, on veut appuyer les conditions qui seront négociées dans le GATT. C'est très bien et ça montre que nous avons besoin du commerce international, parce que le commerce international, sa croissance est trois fois plus que la croissance du commerce interne. Alors, ça veut dire que, si nous voulons vraiment créer de la richesse, on ne peut pas le faire seulement avec la croissance du produit intérieur brut. On a besoin de trois fois la croissance du commerce international pour bénéficier, et nos sociétés québécoises en bénéficient et en tirent avantage.

Le ministre est allé à Tokyo pour affirmer que le Québec voulait accepter les conditions du GATT. M. le Président, malheureusement, j'ai été obligé d'aller à Genève parce que les conditions du GATT ne répondaient pas aux attentes et aux conditions qui existaient au Québec. Le GATT avait fait des propositions, dans le rapport Dunkel, de négocier ça, les sept pays. Ce n'était pas final, mais il y avait une clause où les gouvernements provinciaux et le gouvernement du Québec ne pouvaient pas subventionner, dans certains cas, à moins d'être ouverts à des mesures de représailles.

M. le Président, je me suis rendu au GATT. Pourquoi ai-je été en position de le faire? Parce que j'avais l'appui du Canada, et le Canada est un du Groupe des Sept. J'ai rencontré les négociateurs de l'Union européenne, j'ai rencontré le négociateur en chef des États-Unis, le négociateur du Japon et d'autres pays, et la position que j'ai prise, c'est exactement celle, un peu, de la décision de 1937, du Conseil privé. J'ai dit: Une entente internationale ne doit pas modifier la constitution d'un pays. Et, en ayant une condition, dans le GATT, qui empêche un gouvernement comme le gouvernement du Québec de remplir ses obligations, ses responsabilités qu'il a le droit de faire dans la Constitution, vous vous ingérez dans notre Constitution, et vous devez modifier cette clause. Vous devez nous permettre d'avoir les mêmes subventions que le gouvernement fédéral peut avoir dans nos champs d'activité. Et c'est ça, l'origine, M. le Président, quand j'ai rencontré le secrétaire général du GATT, Peter Sutherland, de la «Canada Clause». Et on a pu réussir, comme représentants d'une province canadienne, à faire modifier une clause très importante dans le GATT. C'est clair, l'origine de la clause: ça avait été demandé par la France, dans les pays européens... Parce que la Bavière – c'étaient les Länders – alors, ils donnaient des subventions, les Länders allemands, et ils avaient demandé que cette clause-là fasse partie du GATT puisque la France, c'était un pays unitaire, pas un pays fédéral, que seulement le gouvernement de Paris pouvait donner les subventions, seulement le gouvernement de Bonn, et pas tous les Länders. Ça, c'étaient les conditions de négociation. Mais ça ne faisait pas notre affaire. C'était une ingérence dans notre Constitution. Ça a été amendé.

(16 h 40)

M. le Président, il y a des avantages énormes aux ententes actuelles. Vous n'avez qu'à regarder les chiffres d'exportation, les investissements, pour vous rendre compte que nous bénéficions... Dans l'industrie du vêtement, ils étaient en difficulté. Ils ont pu tripler leurs exportations, puis je crois que ça a sauvé cette industrie, l'entente du libre-échange et l'ALENA.

Alors, il faut comprendre aussi les Américains. Les Américains, c'est des gens d'affaires, des «tough bargainers». Et, quand vous allez pour renégocier une entente où nous avons un surplus commercial de 12 000 000 000 $, les chances d'avoir les mêmes conditions, je pense, sont risquées.

Il faut être très prudent, et je suis persuadé que la raison pour laquelle nous sommes ici pour discuter ce projet de loi, c'est pour que le gouvernement puisse dire: Nous avons adopté l'ALENA, et qu'il puisse dire à la population du Québec: Regardez, le Québec a adopté l'ALENA, le Québec a adopté le GATT. Si nous gagnons le référendum, nous allons faire partie de l'ALENA parce que, regardez, la loi le dit. Ça, M. le Président, ce n'est pas honnête. Ce n'est pas honnête. On n'a pas besoin de ce projet de loi pour avoir l'adhésion à l'ALENA. On n'a pas besoin de ce projet de loi pour protéger les compétences de juridiction que la Constitution nous donne. On n'a pas besoin de ce projet de loi pour respecter la décision de 1937 du Conseil privé.

Nous l'avons fait, tout cela, par d'autres moyens aussi juridiquement valables et peut-être encore plus efficaces, en termes de notre volonté de respecter la volonté des industries de travailler ensemble avec le gouvernement fédéral pour nous assurer que les conditions du GATT et les conditions de l'ALENA répondent à nos attentes, à nos besoins, parce que c'est clair – on n'a pas besoin de faire un grand dessin – que, quand c'est un pays comme le Canada qui fait partie du Groupe des Sept, quand on négocie comme Canadiens, comme faisant partie du Canada... Et le message qu'on véhicule, c'est qu'on ajoute, on donne une dimension québécoise à la réputation canadienne. C'est ça qui explique les conditions favorables qui existent dans l'ALENA. C'est pour ça que le gouvernement du Parti québécois, certainement, est favorable à l'ALENA. Mais il faut être favorable à l'ALENA dans les conditions qui existent maintenant, pas dans des renégociations qui pourraient faire tort à nos industries, qui pourraient...

Premièrement, les quotas canadiens, ce n'est pas le Québec indépendant qui peut prendre les quotas canadiens. Il faut renégocier. Et qu'est-ce que ça veut dire, «quota»? Parce que j'entendais le premier ministre, dans une réponse, puis je ne sais pas s'il comprenait les conséquences de ce qu'il disait, il disait: On veut abolir ça, on n'a pas besoin de quotas. Savez-vous ce que ça veut dire, «quota», M. le Président? Ça veut dire que, jusqu'à un certain niveau, notre marchandise peut entrer aux États-Unis sans douane. Au-dessus de ces quotas, de ces niveaux-là, il faut payer une douane. Puis, s'il faut payer une douane, on devient moins compétitifs sur le marché américain. C'est simple de même. Et c'est dans notre intérêt d'avoir des quotas les plus hauts possible, de favoriser notre industrie, et je crois que les négociations...

M. Landry (Verchères): Avec l'indépendance...

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai respecté le droit de parole du ministre. Avec l'indépendance, vous allez renégocier les quotas. Avec l'indépendance, vous allez mettre les sociétés d'État sur les marchés publics. Avec l'indépendance, Hydro-Québec ne pourra pas avoir sa politique industrielle d'achats pour favoriser les sociétés québécoises. Vous ne pourriez pas le faire parce que les sociétés canadiennes fédérales ne peuvent pas le faire, les sociétés mexicaines ne peuvent pas le faire, les sociétés fédérales des États-Unis ne peuvent pas le faire. Alors, soyons donc sérieux. Soyons donc sérieux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! C'est un débat qui se fait dans la succession des prises de parole. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à attendre votre tour pour intervenir dans le débat. Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président, de vouloir protéger mon droit de parole. M. le Président, par cette loi, le gouvernement tente de laisser entendre à la population que le Québec pourrait accéder aux accords internationaux de façon automatique, sous prétexte qu'il se déclare lié par ces accords via la loi 51. Rien n'est plus faux, car il faudra négocier nos entrées.

Ce n'est pas seulement les experts... Oublions les opinions des experts, parce qu'il peut y avoir certains experts qui disent: Oui, l'adhésion existe, mais on n'en voit pas beaucoup qui le disent. Il y en a deux qui disent: Écoutez, pour telle ou telle raison... Écoutons l'ambassadeur des États-Unis. C'est lui qui achète 80 % de nos exportations puis, si lui nous dit: Non, il n'y aura pas d'accession automatique, ce n'est pas le projet de loi qui va vous la donner...

Ce serait quoi, la posture des Américains dans une telle négociation? Et il y en a beaucoup qui ont signalé l'importance... Par exemple, les achats gouvernementaux. Les États-Unis vont chercher à avoir un accès totalement non discriminatoire à tout achat gouvernemental au Québec, que ce soient des ministères ou, avant tout, d'Hydro-Québec. Ils ne peuvent pas le faire maintenant. L'ALENA ne permet pas de le faire.

Le régime de protection pour l'industrie agroalimentaire. Savez-vous, M. le Président, on a inséré dans l'ALENA – à ce moment-là, le GATT n'était pas finalisé – que le régime, au Québec, était exclu de l'ALENA; ça protège les agriculteurs. Et, maintenant, dans le GATT, les tarifs sont assez élevés pour protéger encore les agriculteurs. Alors, ça, c'est une protection, en plus de mentionner que les quotas de lait canadiens, 50 % sont au Québec, avec 26 % de la population.

Les subventions industrielles. Savez-vous les problèmes qu'on a avec les Américains sur les subventions industrielles? Ils vont voir ça comme un objectif, qu'une entente va engager le Québec à laisser tomber toute subvention. Les services financiers, il y a des exclusions dans l'ALENA, et nous les avons indiquées par un décret que nous avons envoyé à Ottawa, les exclusions que nous voulions dans ces services, toute la stratégie industrielle.

Et, M. le Président, les Américain auront une liste incroyable d'irritants spécifiques qu'ils vont vouloir régler dans une telle renégociation. Et ceci, ce sont les représentants, ce n'est pas moi, qui le disent. Je cite. Ceux qui ont fait des représentations à la commission qui a eu lieu au Québec, la commission parlementaire, disaient... Je pourrais même maintenant écouter Carla Hills dire que «everything is on the table». Puis Carla Hills, c'était la représentante du commerce sous le président Bush, et maintenant ce sont les Républicains qui contrôlent le Congrès américain, M. le Président.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, il y a seulement un élément que je voudrais juste signaler en ce qui concerne l'entente sur l'environnement. Il faut une modification. Pour l'environnement, il le faut parce que, quand on a négocié la question des jugements de pénalités... Alors, la Commission a le droit de dire: Bon, il n'y a pas eu un respect des droits de l'environnement. Et c'était très important d'avoir ces clauses. Il n'y a pas eu de respect des droits de l'environnement. On va fixer une amende de x millions ou x dollars. Une fois que ce jugement de la Commission... Cette décision de la Commission, comment la rendre exécutoire? Alors, il faut la rendre exécutoire. Ça veut dire que chaque province doit prévoir, soit dans le changement de sa loi sur la magistrature, qu'un jugement, une décision du Secrétariat de la Commission a effet de loi, est exécutoire, pas dans ces mots-là, mais les effets.

(16 h 50)

Mais on n'a pas besoin, M. le Président, de faire toute une loi sur toutes les ententes pour arriver à cette conclusion-là, parce que, quand on a fait l'entente du libre-échange, on devait modifier la Loi sur les mines. On n'a pas essayé de faire un éclat spectaculaire en adoptant le projet de loi. On n'avait pas d'arrière-pensée. On a fait le décret puis on a amendé la loi. C'est ça qui devrait se faire, ici. On l'a fait, le décret, vous n'avez même pas besoin de le faire. Le gouvernement du Parti québécois n'a pas besoin, même, d'adopter un décret. Il est fait. La seule chose que vous avez besoin de faire: amender la loi de la magistrature pour rendre exécutoires les décisions du Secrétariat de la Commission sur l'environnement.

M. le Président, cette loi est totalement inutile et donne de fausses représentations, une fausse image d'expectative à la population. C'est malheureux. Si j'ai des convictions, que je crois en quelque chose, je n'ai pas besoin de leurrer la population, je n'ai pas besoin de lui faire croire. Je vais lui dire: Voici, je veux faire tel et tel gestes, je veux que le Québec soit indépendant. Voici les conséquences. Voici ce que nous allons en faire. Ça, je peux respecter ça. Mais, quand on essaie, M. le Président, de dire: On va faire l'État spectacle, on va adopter une loi qui dit qu'on fait partie de l'organisation du commerce mondial, on fait partie de l'ALENA, et tout le reste, quand ça n'a aucun effet, rien... Même si le gouvernement du Parti libéral n'avait pas fait le décret, bien, on pourrait dire que l'entente est aux limbes pour le Québec, mais elle ne l'est pas. Demandez à tous ceux qui font les missions économiques au Mexique, tous ceux qui exportent, tous ceux qui tirent avantage des ententes, des conditions de l'ALENA. L'ALENA s'applique. On s'est assuré qu'elle s'appliquait. On s'est assuré qu'on maintenait nos juridictions, qu'on respectait nos juridictions. On est allé plus loin: on a demandé certaines compensations, certains programmes, certaines mesures, certaines façons, certains mécanismes pour nous assurer que nous serions en mesure de protéger nos industries. On le fait, on l'a fait et on pourrait continuer à le faire.

Le projet de loi, M. le Président, est inutile et donne de fausses représentations à la population quant à ses effets. Nous sommes d'accord avec le libre-échange. Nous voulons le libre-échange. On n'a pas besoin de le dire. C'est nous, c'est le gouvernement du Parti libéral qui a été responsable, qui était là, qui faisait la promotion du libre-échange, qui prenait les positions pour le Québec, qui disait au Canada: Voici les conditions qu'il nous faut dans ces ententes. Puis, une fois que ça a été adopté, accepté, c'est nous qui sommes allés à Washington défendre les intérêts des industries québécoises. On n'avait pas ça. On n'avait pas besoin de ça. On avait besoin de la volonté, de vouloir représenter nos entreprises. On avait besoin de réaliser l'importance, que, maintenant que cette entente est signée, nous devons la maintenir et non seulement la peine de la mettre en application et veiller à son respect.

M. le Président, c'est malheureux qu'on soit obligé de rappeler au gouvernement les dangers de sa démarche avec l'ALENA, avec le GATT. Un pays indépendant ne pourrait pas négocier le GATT. Le GATT est négocié par le Groupe des Sept. Nous faisons partie de ça. C'est pour ça que nous avons obtenu des conditions. Même l'exclusion des industries culturelles, c'est le Canada qui l'a proposée et l'a fait adopter.

Alors, M. le Président, je crois que la population doit être en mesure de réaliser les dangers, les objectifs du gouvernement, et pas en théorie, pas les dangers en théorie, les dangers immédiats: ce que nous avons, ce que nous avons négocié, le bénéfice que nos industries ont. Et, M. le Président, ce n'est pas en nous convoquant à l'Assemblée nationale d'urgence pour discuter une loi inutile qu'on va faire avancer les intérêts du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Mont-Royal. Je donne la parole, maintenant, à M. le député de Marguerite-D'Youville et délégué régional de la Montérégie.


M. François Beaulne

M. Beaulne: M. le Président, au-delà des récits des pèlerinages de l'ex-ministre des Affaires internationales, à Genève et un peu partout, pour faire valoir les intérêts du Québec, vous me permettrez, au-delà de ces récits, de relever une phrase dans toute son intervention, qui, je crois, caractérise ce qu'il voulait nous dire: Ce projet de loi est un projet de loi inutile. Il l'a répété à plusieurs reprises, ce qui me surprend. Ça me surprend énormément, parce que, lorsqu'il occupait la place de l'actuel ministre des Affaires internationales et que j'occupais sa place comme porte-parole de l'opposition en matière d'affaires internationales et de commerce extérieur, j'ai eu longuement l'occasion, en commission et en Chambre, d'échanger avec lui sur ces questions. Sa position ne m'étonne aucunement.

Je rappellerai à cette Chambre – et, d'ailleurs, au public qui nous écoute, pour les fins d'enregistrement du débat – que cette question de l'affirmation des responsabilités du Québec n'est pas récente et que ce n'est pas à l'occasion d'un débat d'urgence que le gouvernement introduit ce principe dans notre législation. Comme l'a fait remarquer le ministre des Affaires internationales, nous établissons un précédent, en ce qui concerne l'ALENA et le GATT, en étant la première province qui légifère, effectivement, pour la mise en oeuvre de ces accords de commerce international et pour l'harmonisation de notre législation.

Je me rappelle, lorsque nous avions discuté de l'ALENA avec le ministre des Affaires internationales d'alors, maintenant porte-parole de l'opposition en matière de commerce extérieur et d'affaires internationales, lorsque je lui avais posé la question, à savoir si le gouvernement libéral de l'époque entendait légiférer dans le sens où nous le faisons aujourd'hui pour confirmer les prérogatives du Québec et ainsi affirmer nos juridictions dans les domaines que nous confère la Constitution actuelle, il m'avait répondu que non, que c'était tout à fait inutile et que le gouvernement de l'époque n'y voyait absolument aucun intérêt.

J'irais même plus loin que ça – et je suis même prêt à lui rappeler les transcriptions si la mémoire lui fait défaut – lorsque nous avions discuté de la création des divers comités permanents émanant de l'ALENA et des autres accords de commerce international, j'avais alors posé la question, à savoir si le gouvernement du Québec s'assurerait auprès du gouvernement fédéral que les Québécois soient représentés au sein de ces comités permanents, au niveau des fonctionnaires de ces agences internationales et de ces comités permanents. Le ministre de l'époque, le député de Mont-Royal, avait répondu qu'il n'avait aucunement l'intention d'en faire la demande auprès du gouvernement fédéral, sous prétexte que ça placerait le gouvernement du Québec dans une situation de conflit d'intérêts. Vous conviendrez, M. le Président, que cette argumentation n'a ni queue ni tête et que, si ce n'est que d'abdiquer des responsabilités traditionnelles du gouvernement du Québec, on ne pouvait répondre plus éloquemment dans un contexte comme celui que dénonçait et que décrivait le ministre de l'époque.

(17 heures)

Je lui rappellerai également que, si, aujourd'hui, le gouvernement donne suite à une législation comme celle-là, c'est également pour répondre aux demandes et aux inquiétudes qui avaient été formulées lors de la commission spéciale sur le libre-échange et sur l'ALENA tenue par cette même Assemblée nationale et qui avait reçu les mémoires et les commentaires de plusieurs groupes. Plusieurs d'entre eux étaient venus nous demander que le gouvernement du Québec prenne ses responsabilités et fasse en sorte que, dans ces domaines de juridiction, il exerce une vigilance particulière quant à l'application de ces accords sur le territoire québécois.

Le porte-parole de l'opposition a fait allusion au textile. S'il y a un groupe qui était venu exposer des préoccupations quant à l'application de l'ALENA et des accords du GATT, c'était bien celui dans le domaine du textile. Alors, quand j'entends le porte-parole de l'opposition faire allusion aux gens du secteur du textile, je m'étonne de ses propos. Ce qui m'étonne également dans la réplique qu'a donnée le porte-parole de l'opposition, c'est que, comme avocat et comme juriste, il connaît très bien l'importance des écrits et de la jurisprudence. C'est dans ce sens également que le gouvernement, aujourd'hui, présente ce projet de loi.

Je ne partage pas les affirmations qu'il a faites à l'effet que le gouvernement fédéral possède la juridiction exclusive en matière de commerce international. Les avis sont partagés à cet effet. Il existe des zones grises, et c'est en fonction de protéger les responsabilités du Québec et de faire valoir nos intérêts dans ces zones grises que nous introduisons aujourd'hui ce projet de loi.

Également, en introduisant ce projet, nous voulons lancer un message, un message particulièrement à nos amis des États-Unis et à nos autres amis du continent latino-américain qui croient à la libéralisation des échanges dans l'hémisphère. Le message que nous voulons lancer est bien simple: c'est que le gouvernement du Québec appuie entièrement les démarches visant à la libéralisation des échanges dans l'hémisphère américain, qu'il y croit et que, pour signifier son appui à ces démarches, il prend la peine d'être la première composante du fédéralisme canadien à légiférer en ce sens. Je pense que c'est beaucoup plus stimulant et que c'est un message beaucoup plus porteur d'avenir et beaucoup plus prometteur que les actions prises par le gouvernement de la province voisine, qui conteste devant les tribunaux la constitutionnalité même de l'ALENA.

Et, lorsque le ministre fait allusion aux commentaires et aux déclarations de l'ambassadeur des États-Unis, ce serait intéressant de savoir dans quel contexte l'ambassadeur américain a fait ces commentaires et si, lorsqu'il avance les opinions qu'il a avancées concernant l'accession du Québec à l'ALENA, il ne s'inquiète pas beaucoup plus d'avoir à renégocier avec des gens qui sont contre le libre-échange, comme les Ontariens, plutôt que d'entériner la participation d'un gouvernement comme le nôtre, qui a toujours soutenu de façon spontanée les accords de libre-échange.

Le ministre a également parlé de la question de l'adhésion automatique ou non du Québec. Il y a quelque chose qui me frappe dans l'argumentation qui est avancée par ceux qui prétendent que le Québec ne pourrait pas adhérer automatiquement à l'ALENA et qui invoquent la théorie ou le principe de la succession des États. Curieusement, et je porterai cet argument à l'attention de mes collègues de l'Assemblée nationale, lorsqu'il s'agit d'absorber les obligations du gouvernement canadien découlant de l'indépendance du Québec, nos vis-à-vis sont rapides à conclure que la succession d'États s'applique. Lorsqu'il s'agit, pour le gouvernement d'un Québec souverain, d'absorber une partie de la dette du gouvernement canadien, ah bien! là la théorie de succession d'États s'applique, mais elle s'applique à 100 milles à l'heure. Lorsqu'il s'agit, par contre, d'hériter des fardeaux et des obligations, ah! là le ton change. Lorsqu'il s'agit de bénéficier des retombées des accords comme celui du libre-échange, il semble qu'il y ait deux poids, deux mesures: Oui à la théorie de la succession d'États pour hériter du poids financier, des responsabilités et des fardeaux découlant des engagements du gouvernement fédéral pendant que nous faisons partie de la Fédération canadienne; non à la théorie de la succession des États lorsqu'il s'agit de bénéficier d'accords internationaux. Je pense que nos vis-à-vis devront mettre un peu d'ordre dans leurs pensées et un peu de cohérence, parce que de soutenir, d'affirmer et de continuer à affirmer que le Québec ne pourra pas bénéficier des accords qui lui sont favorables, mais qu'il assumera automatiquement les responsabilités des engagements du gouvernement fédéral en son nom, je pense que c'est friser la désinformation et même la démagogie.

J'aimerais également souligner que, lorsqu'on discute de l'application des traités internationaux concernant des juridictions provinciales, il a toujours été dans la tradition des gouvernements du Québec de faire en sorte d'affirmer les prépondérances du Québec en ces matières. Et j'inviterais le porte-parole de l'opposition à revenir en arrière, à retourner dans les documents officiels pour constater jusqu'à quel point les gouvernements antérieurs, que ce soit le gouvernement libéral de Jean Lesage, que ce soit le gouvernement antérieur du Parti québécois et même le gouvernement de M. Bourassa, à une certaine époque où le Québec a insisté pour que les accords internationaux qui touchaient à ses compétences, que ce soient les accords signés dans le contexte de l'UNESCO, que ce soient les accords signés dans le cadre de l'Organisation internationale du travail ou que ce soit en matière d'accords parallèles en environnement, comme l'a souligné le député de Mont-Royal, les – et je souligne «les» – gouvernements du Québec se sont toujours fait un point d'honneur d'insister pour affirmer la prépondérance du Québec et ses responsabilités dans l'application de ces traités sur son territoire.

Et j'irai plus loin. Le gouvernement fédéral, dépendant, évidemment, de qui était à sa tête, s'est fait occasionnellement, également, une sorte de devoir de demander l'avis des provinces, et en particulier du Québec, avant de signer des traités qui relevaient de sa juridiction. Ce fut notamment le cas en matière de législations du travail, en matière de législations touchant l'éducation et les affaires culturelles. Je trouve d'autant plus étonnant qu'aujourd'hui le porte-parole de l'opposition, compte tenu de la tradition qui existe au Québec et compte tenu des zones grises qui existent également quant à la juridiction exclusive du gouvernement fédéral, vienne nous dire que ce projet de loi est tout à fait inutile. Venant de la part du député de Mont-Royal, je conçois un peu qu'il se place dans une perspective fédéraliste de statu quo immuable, puisque, chaque fois que nous avons eu l'occasion d'échanger sur ces questions lorsqu'il avait la responsabilité du ministère des Affaires internationales, il a constamment renvoyé à ses amis du gouvernement fédéral la responsabilité de défendre, de représenter et de soutenir les intérêts du Québec.

Je ne disconviens pas que c'est son droit de le faire, et il a droit à ses opinions. Cela ne nous empêche pas, nous, comme gouvernement, de nous assurer, d'abord, que nous sommes dans le sillon des gouvernements antérieurs et que, deuxièmement, ce n'est pas parce que les autres provinces canadiennes ne jugent pas à propos de légiférer de la manière que nous le faisons que nous devons suivre leur exemple. À cet effet, je pense que, si le gouvernement n'était pas allé de l'avant en proposant le projet de loi que nous présente aujourd'hui le ministre des Affaires internationales, nous aurions manqué à nos responsabilités et que ce manque de responsabilités aurait été désavantageux, et je dirais même désastreux, pour l'avenir de nos industries québécoises et l'avenir de notre marge de manoeuvre en matière de commerce international et en matière de développement industriel et commercial à l'intérieur de nos frontières.

(17 h 10)

M. le Président, en conclusion – je ne veux pas m'attarder, puisque je pense que le ministre des Affaires internationales a très bien exposé les motifs qui nous amènent à présenter ce projet de loi – je terminerai simplement en disant que le gouvernement du Québec actuel, en déposant ce projet de loi, prend ses responsabilités et que, contrairement à l'immobilisme, à l'insouciance et à la négligence dont a fait preuve le gouvernement antérieur en matière de relations internationales et de commerce extérieur, nous avons l'intention non seulement de nous engager fermement dans la démarche libre-échangiste, mais de faire en sorte que cette démarche soit conforme aux intérêts du Québec, conforme à nos secteurs économiques et conforme au voeu de notre population. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de Marguerite-D'Youville. Et, avant de céder la parole, M. le député de Mont-Royal aurait une question de règlement.

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président. Le député de Marguerite-D'Youville m'a attribué des propos que je n'ai pas dits quand il m'a dit que je renvoyais toujours au gouvernement fédéral la responsabilité de défendre les intérêts du Québec. J'ai spécifiquement dit que, moi-même, je me suis rendu à Washington et à Genève pour défendre les intérêts du Québec. Alors, c'est faux, ce que le député de Marguerite-D'Youville vient d'affirmer.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous avez rectifié ce que vous croyez être votre droit. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Outremont. Vous avez 20 minutes, M. le député d'Outremont.


M. Gérald Tremblay

M. Tremblay: M. le Président, j'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du projet de loi 51, Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international, qui a été déposé à l'Assemblée nationale le 19 décembre 1994.

J'ai également pris connaissance, M. le Président, de l'avis du leader du gouvernement pour convoquer l'Assemblée, qui se lit de la façon suivante: «Réunion d'urgence de l'Assemblée, selon le calendrier et l'horaire qui seront déterminés par l'Assemblée, afin de poursuivre l'étude de divers projets de loi inscrits au feuilleton du 21 décembre 1994 – donc du projet de loi 51 – et, si nécessaire, afin de présenter un projet de loi visant à assurer la reprise des services à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec et de procéder à son étude et adoption.»

Alors, M. le Président, je veux juste dire que je ne comprends pas l'urgence du projet de loi 51. Je ne comprends pas, également, pourquoi le gouvernement sent le besoin de déposer ce projet de loi. J'ai écouté attentivement le député de Marguerite-D'Youville, qui semblait dire qu'il fallait un message clair à nos partenaires existants et à nos partenaires futurs. J'en conviens, M. le Président. Tous ces partenaires savent qu'il n'y aurait jamais eu de traité de libre-échange entre les États-Unis et le Canada, n'eût été du support indéfectible du Québec. Et, lorsque je parle du Québec, M. le Président, je parle de l'unanimité de l'Assemblée nationale.

Est-ce que nous avons besoin, M. le Président, de ce projet de loi? Brièvement, le premier attendu: on «souscrit aux principes et aux règles établis par l'Accord de libre-échange nord-américain, l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement, l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail et l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce».

La formule consacrée présentement pour un gouvernement d'adhérer à des ententes internationales, c'est par décret. Alors, le troisième attendu du décret no 985-94 du 6 juillet 1994 dit, M. le Président: «Attendu que le gouvernement du Québec est favorable à cet Accord qui contribuera à libéraliser les échanges commerciaux entre le Québec, les États-Unis et le Mexique», et un décret semblable a été utilisé dans le passé pour donner suite aux autres ententes. Donc, le premier paragraphe, c'est, en fait, un paragraphe qui vient uniquement répéter ce que le gouvernement a déjà dit de façon très claire, par un décret public – je le répète – le décret 985-94 du 6 juillet 1994.

Le deuxième attendu, M. le Président, se lit comme suit: «Attendu que l'ensemble de ces accords comportent certaines dispositions ressortissant à la compétence constitutionnelle du Québec et que le Québec est seul compétent pour assurer la mise en oeuvre de ces accords dans chacun des domaines de sa compétence». Alors, ces mêmes attendus disent de façon très claire, M. le Président: «Attendu que certains aspects de cet Accord relèvent de la compétence constitutionnelle du Québec, il est ordonné – notamment – que le gouvernement affirme que le Québec est seul compétent pour assurer la mise en oeuvre de cet Accord au Québec dans chacun des domaines de sa compétence, en particulier – et on ajoute, pour ce point particulier – en matière de vins et de spiritueux». Donc, j'en suis arrivé à la conclusion que le deuxième attendu ne fait que confirmer ce que le gouvernement a déjà confirmé par décret dans le passé.

En ce qui concerne l'article 1, M. le Président, c'est essentiellement des définitions qui disent de façon claire qu'est-ce que c'est, l'Accord de coopération sur l'environnement, l'Accord de coopération sur le travail, l'Accord de libre-échange nord-américain ainsi que l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce. Je pense qu'avec toute la publicité qui a entouré ces accords au cours des dernières années les personnes qui avaient à comprendre la définition l'ont très bien comprise. Donc, l'article 1 du projet de loi, c'est essentiellement une confirmation, si vous voulez, ou un contenu des définitions existantes, qui sont de notoriété publique.

À l'article 2, on dit: «Sont approuvés les accords suivants: l'Accord de libre-échange nord-américain; l'Accord de coopération sur l'environnement; l'Accord de coopération sur le travail; l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce.» M. le Président, le gouvernement, par le ministre responsable des Affaires internationales d'alors, le 16 septembre 1994, écrivait au ministre du Commerce international canadien, et je vous cite le premier paragraphe, M. le Président: «Il nous fait plaisir de vous informer que le gouvernement du Québec a adopté, le 6 juillet 1994, le décret – que je mentionnais tout à l'heure – stipulant qu'il se déclare favorable à l'Accord de libre-échange nord-américain conclu le 17 décembre 1992.» Donc, cet article 2, qui dit: «Sont approuvés les accords suivants», c'est une répétition, si vous voulez, M. le Président, de la lettre du ministre responsable en 1994 à son homologue canadien, qui vient essentiellement dire exactement, en 1994, ce que le gouvernement veut réitérer à l'article 2 du projet de loi.

L'article 3 et l'article 4 du projet de loi, M. le Président. Lorsqu'on parle de la liste des engagements et réserves du Québec qui doivent figurer sur les listes du Canada annexées à l'Accord de libre-échange, je vous réfère, M. le Président, à ce même décret 985-94 du 6 juillet 1994, et, en annexe, vous allez prendre connaissance des réserves, et je vous lis, M. le Président, des réserves notamment au niveau du secteur financier et des sous-secteurs, que ce soient des sous-secteurs des valeurs mobilières, des institutions financières, des fiducies et l'épargne. Alors, on réitère dans un projet de loi, M. le Président, essentiellement ce qui avait été identifié de façon très claire et publié dans la Gazette officielle du Québec , dans un décret, en ce qui concerne les articles 3 et 4.

En ce qui concerne l'article 5, M. le Président, où on propose au gouvernement «de prendre toute mesure qu'il estime nécessaire pour mettre en oeuvre celles prises par le Canada en vertu de l'article 2019 de l'Accord de libre-échange nord-américain», c'est des choses qui se font présentement par un groupe spécial, et, lorsque le Canada a des représentations à faire, par exemple à un État des États-Unis qui ne donnerait pas suite à un engagement, je pense que les dispositions actuelles permettent de façon assez précise et efficace de donner suite à la proposition qui est mentionnée dans l'article 5 du projet de loi.

(17 h 20)

L'article 6 vient, d'une certaine façon, dire que tout ce qui concerne les articles 2 et 5, ça ne peut pas faire l'objet de recours. Alors, on vient juste dire de façon très claire ce qui existe encore présentement.

L'article 7 identifie que le ministre ou son sous-ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles peut nommer des personnes qui seront susceptibles de représenter le gouvernement. Et, lorsqu'il le demandera à des personnes qui relèvent de l'autorité du ministre de l'Environnement et de la Faune et/ou de l'Emploi, il devra consulter ses collègues. Alors, je doute fort, pour bien connaître le ministre, qu'il ne consulterait pas ses collègues en ce qui concerne l'Environnement et/ou la Faune. Donc, je me dis: L'article 7, c'est un article qui vient dire ce qui existe présentement.

En ce qui concerne l'article 8, je pense que c'est le seul article qui doit être voté parce que ça rend exécutoires certaines mesures qui peuvent avoir été édictées par les différents conseils. Alors, dans ce sens-là, ce qu'on dit – et c'est très pertinent – c'est que, sur dépôt, «la détermination du groupe spécial a tous les effets d'un jugement final et sans appel de cette Cour à l'encontre du gouvernement du Québec».

L'article 9, M. le Président, c'est un article qui vient donner l'immunité à certaines personnes. Ça existe dans à peu près tous les projets de loi. Et, finalement, l'article 10 nomme le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles chargé de l'application de la présente loi. Et, finalement, une disposition – à l'article 11 – qui entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement.

Alors, je me dis: On convoque d'urgence le gouvernement, l'Assemblée nationale, pour adopter ce projet de loi, qui est le premier appelé par le leader, et je n'ai réellement pas, à la suite d'une lecture attentive de ce projet de loi, compris pourquoi on doit voter sur ce projet de loi.

On parle beaucoup des avantages de faire affaire avec nos partenaires internationaux. Je pense qu'on pourrait faire des démonstrations éloquentes, tant du côté du gouvernement que du côté de l'opposition: nous réalisons que c'est important pour le Québec d'élargir ses horizons et de signer des traités de libre-échange avec ses partenaires partout à travers le monde. Et on le voit, à date, les ententes qui ont été signées nous donnent accès, notamment, au marché mexicain. Même lorsqu'on a été appelés à négocier l'ALENA, il y a eu le maintien et les améliorations d'avantages importants, et le Canada demeure, notamment à cause de ces ententes, un bon endroit pour des investisseurs.

C'est vrai qu'il y a des avantages, mais il y a également des résultats très concrets. Alors, après cinq ans d'entente avec le libre-échange, il y a des victoires. Il y a certaines défaites, il y a des matchs nuls, mais, de façon concrète, je pense que toutes les statistiques démontrent de façon très claire qu'il y a eu une augmentation importante des exportations, notamment vers le marché américain.

Récemment, dans La Presse du mardi 3 janvier 1995, on confirmait encore une fois que, un an après la mise en vigueur de l'ALENA, le meilleur reste à venir. Mais on dit de façon très claire, dans cet article, que le reste reste à venir, évidemment, mais que c'est surtout au Québec que le véritable envol a pris toute son essence. Et on voit, selon toutes les statistiques qui sont mentionnées de façon très claire dans cet article, que le Québec a intérêt à maintenir des relations privilégiées avec ses partenaires canadiens et également ses partenaires américains et mexicains. On regarde un article du jeudi 26 janvier 1995, donc très d'actualité: Les exportations agroalimentaires du Québec ne cessent de croître.

Est-ce que la démarche gouvernementale pourrait – je dis bien «pourrait», M. le Président – causer certains problèmes? L'Accord de libre-échange nord-américain contient une clause d'accession prévoyant les conditions d'adhésion au traité commercial. C'est l'article 2204 du traité, qui stipule: «Tout pays – à l'article 1, M. le Président – ou groupe de pays pourra accéder au présent Accord, sous réserve des conditions convenues entre ce pays ou groupe de pays et la Commission et après approbation conformément aux procédures d'approbation applicables de chaque pays.

«2. Le présent Accord ne s'appliquera pas entre une partie et tout pays ou groupe de pays qui y accède si, à la date d'accession, l'un ou l'autre ne consent pas à son application.»

Alors, M. le Président, dans un article récent, publié dans La Presse de vendredi, le 29 juillet 1994, on dit également: «Ainsi, comme le souligne l'article 2204 de l'ALENA, l'adhésion d'un nouveau pays au traité commercial doit faire l'objet d'un projet de loi ratifié par les assemblées législatives des pays signataires. L'adhésion du Québec à l'ALENA devrait donc non seulement être approuvée par la Maison-Blanche, mais aussi par le Congrès américain. Si la Maison-Blanche n'obtenait pas la procédure dite de voie rapide, le Congrès américain aurait le loisir d'apporter des amendements au projet de loi. Compte tenu de sa réputation protectionniste, le Congrès pourrait exiger du Québec des conditions qui ne lui seraient pas favorables.» Fin de la citation, M. le Président, et, dans cette citation de l'article que je viens de vous mentionner, on citait le professeur Murray Smith, de l'Université Carleton.

Alors, la question n'est pas de savoir si, oui ou non, nous allons pouvoir adhérer à l'ALENA ou à d'autres traités internationaux; la question est de savoir à quelles conditions. Et je pense qu'une personne bien connue au Québec, le directeur des services internationaux de Samson, Bélair, Deloitte et Touche, Pierre Pettigrew, dit: «Toutefois, un Québec souverain perdrait tous les avantages que lui confère l'ALENA en vertu de son statut de province, même si sa candidature était acceptée ipso facto par ses partenaires commerciaux», souligne le directeur des services internationaux.

M. le Président, depuis qu'on... On en parle de plus en plus. Alors, dans un article paru dans le journal Les Affaires du 17 décembre 1994, Washington entend contester les futurs tarifs pour les producteurs laitiers et également les producteurs avicoles. On a discuté ou j'ai entendu certains collègues mentionner la déclaration de l'ambassadeur américain, M. James J. Blanchard, qui a dit de façon très claire qu'il pourrait y avoir certaines préoccupations.

Et ça fait juste confirmer la déclaration de M. Michael McCurrey, qui parlait au nom du gouvernement américain, lorsqu'on lui a posé la question suivante le 28 juillet 1994: What is the Administration's position on a separatist Québec... on Québec's membership in NAFTA? Et la réponse était la suivante, M. le Président, je cite: «We have given no assurances on NAFTA accession to any party. Many legal issues are involved. Any discussion of Québec in NAFTA accession at this point would be purely hypothetical. We repeat our long-standing position. We have long enjoyed an excellent relationship with a strong and united Canada. However, Canada's political future is for Canadians to decide.»

Et, récemment, lors de la Commission Bélanger-Campeau, M. Ivan Bernier a déposé un mémoire. Et, dans ce mémoire, il dit de façon très claire, et je cite: «Il ne saurait être question d'une succession de plein droit du Québec dans le cas de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Le Québec devra négocier son accession à ce dernier. Il devra, entre autres choses, préciser la nature et l'étendue de ses engagements dans divers domaines, comme dans celui des marchés publics, par exemple.» Puis le texte de l'Accord lui-même devra être modifié pour tenir compte de l'arrivée d'une troisième partie. Il n'est pas impossible que les États-Unis profitent de ces négociations pour chercher à obtenir des concessions supplémentaires du Québec et peut-être même du Canada. «En pratique, il y a fort à parier que les États-Unis exigeraient qu'Hydro-Québec se montre parmi les entités en question.»

(17 h 30)

«Ainsi, on se doute bien que les États-Unis voudront remettre en cause les systèmes de gestion de l'offre dans le domaine agricole, le pacte de l'automobile, dans la mesure où le reste du Canada, bénéficiant de garanties au plan de la production, ne serait plus en mesure de livrer le marché québécois ou encore l'article 2005 de l'Accord de libre-échange relatif à la culture. Toute réouverture de cette question – en parlant de l'ALENA – devrait presque, par la force des choses, impliquer à la fois le Québec et le reste du Canada. Les États-Unis, d'abord, ne seraient certainement pas enthousiastes à l'idée d'instaurer un traitement différencié sur cette question.»

Et la dernière partie de la citation de M. Bernier: «De fait, on a pu constater qu'une négociation en vue de permettre au Québec de devenir partie à l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis soulève des questions assez nombreuses et est susceptible d'entraîner des changements multiples au texte de l'Accord. À tel point qu'on peut se demander s'il n'y a pas risque que le Québec se retrouve, pendant une période de temps non négligeable, coupé de son accès au marché américain.» Et c'était la citation «La dimension juridique des relations commerciales d'un Québec souverain», la commission Bélanger-Campeau, volume III, septembre 1992.

Donc, il peut y avoir des problèmes. Le projet de loi qui nous est présenté vient essentiellement confirmer ce qui existe déjà par décret. Alors, quelle est l'utilité de ce projet de loi? J'aurais aimé qu'on me dise, du côté du gouvernement, comment on va régler toutes ces préoccupations qui sont légitimes pour les entreprises du Québec et également, de façon importante, comment nous allons consacrer toutes nos énergies à être les meilleurs dans une économie ouverte sur le monde. Ça, c'est de l'économie, M. le Président.

Le premier projet qui est appelé, c'est un projet qui concerne la mise en oeuvre des accords de commerce international. J'aurais pensé qu'on aurait pris le temps d'appeler un autre projet de loi pour s'assurer que le gouvernement, avec la complicité de l'opposition, mettrait en place toutes les mesures nécessaires, dans toutes les régions du Québec, pour nos entreprises, afin d'être les meilleurs et de concurrencer sur la scène internationale, plutôt que de nous proposer un projet de loi qui ne vient absolument rien apporter de nouveau à notre capacité de concurrencer sur la scène internationale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député d'Outremont. Y aurait-il d'autres interventions sur le projet de loi 51?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, comme il n'y a pas d'autres interventions, je vais céder la parole à M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles. Vous avez, M. le ministre, un droit de réplique de 20 minutes.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): Merci, M. le Président. Je veux m'en tenir au règlement et vraiment répliquer. Je ne veux pas ouvrir de nouveaux sujets. Je pense que, dans ce que le député de Mont-Royal a dit, de même que le député d'Outremont, il y a amplement matière à un bon débat et à une bonne réplique.

Je vais commencer par ce qui m'apparaît être une absurdité – je le dis en tout respect – que j'ai retrouvée autant dans les propos du député de Mont-Royal que dans ceux du député d'Outremont. Et quelle est cette absurdité? Je l'illustre en rappelant une fable de La Fontaine qui m'est venue à l'esprit pendant que je les écoutais parler. Vous connaissez peut-être cette fable du renard qui s'était fait couper la queue. Un accident est vite arrivé; il s'était fait couper la queue dans un piège. Il avait développé comme théorie d'enseigner aux autres renards de se la couper aussi, parce qu'il disait: Ça traîne dans la boue, c'est un poids supplémentaire, c'est salissant. Est-ce qu'il y a un seul renard qui s'est coupé la queue après avoir entendu un discours aussi absurde?

L'absurdité du discours du député de Mont-Royal et du député d'Outremont, c'est de prétendre qu'un pays qui est un pays serait mieux de devenir une province; ce serait mieux pour ses engagements internationaux. C'est ça que vous avez dit substantiellement. Vous dites que la province de Québec, suivant l'accent duplessiste qui a retenti dans cette Chambre pendant longtemps, est mieux comme province que si c'était un pays souverain. Ça n'a pas de bon sens! Ha, ha, ha! Bien oui! Le député de Mont-Royal a dit ça clairement, que le fait de ne plus être une province nous ferait perdre certains avantages. Dans ces conditions, si vous êtes sincère, dites à M. Chrétien de faire du Canada une province: il va avoir plus d'avantages, hein!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ah oui! Ah oui! C'est vrai.

M. Landry (Verchères): Allez dire à l'Italie ou à la France de renoncer à leur souveraineté, parce que c'est mieux. Ça n'a aucun sens!

Quand M. le député de Mont-Royal dit qu'il est allé à Washington et qu'il est allé à Genève, j'ai passé aussi par ces sentiers. C'est moi qui ai mis sur pied le ministère du Commerce extérieur du Québec et je sais très bien quelle est la différence d'être invité comme conseiller de l'ambassadeur du Canada et de son équipe, qui représentent un pays souverain au GATT, ou d'aller s'asseoir à la table du GATT. Il me semble que c'est l'évidence. C'est tellement l'évidence que les pays de la Communauté économique européenne, ils ont une représentation globale au GATT et ils y vont tous individuellement. Même une fois l'Acte unique européen voté et la libre circulation établie, jamais la France, un seul instant, n'a pensé de cesser d'appartenir à l'Accord général, ou l'Italie, ou même le Benelux.

Alors, M. le Président, je pense que les intervenants d'en face devraient au moins ne pas essayer de nous raconter d'histoires à dormir debout. Vous aimez que le Québec soit une province, vous avez le droit! Vous aimez le Canada tel qu'il est, c'est-à-dire le Québec égal au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, vous avez le droit! La doctrine constitutionnelle du Canada, c'est que toutes les provinces sont égales. C'est ça et, s'il y en a qui ne sont pas d'accord avec ça en face, j'espère que vous aurez le courage de le dire. Vous pouvez aimer ça, mais ne venez pas nous faire croire qu'en droit international une province est mieux placée qu'un pays. Parce que, si vous aviez raison, ça se serait su et il y a plusieurs pays qui se seraient abolis à votre appel.

Deuxième élément de réponse à des pans entiers des propos que nous avons entendus disant que ce projet de loi serait inutile; ça a été dit de diverses façons. Le député d'Outremont dit: On fait un arrêté en conseil, ça fait pareil! Je ne veux pas les provoquer, mais je veux leur soumettre que, selon moi, M. le Président, ils sont passéistes et qu'ils n'ont pas pris acte des changements survenus dans le monde depuis la Deuxième Guerre mondiale et depuis la conférence de Bretton Woods en particulier.

En effet, dans un système parlementaire britannique, on peut, par arrêté en conseil, adhérer à un traité; un système parlementaire britannique comme il y en a un à Ottawa, comme il y en a un à Québec, ici. Sauf que qu'est-ce qu'on a fini par faire à Ottawa, un endroit pour lequel vous avez beaucoup d'admiration et d'où vous viennent vos grandes consignes politiques? Bien, si vous écoutez Jean Chrétien pour sa politique constitutionnelle, faites donc comme lui pour l'adhésion aux traités et la ratification des traités. Ils ont la même Constitution que nous et ils font approuver par le Parlement du Canada l'adhésion aux traités internationaux et la mise en oeuvre.

Et ce qu'on fait ici, là, c'est exactement la même chose que nous avons négligé de faire dans le passé. Mais ce n'est pas parce qu'on a été passéistes et qu'on n'a pas été assez vites dans le passé qu'on doit maintenir la même négligence à jamais. Le monde a changé. Il y avait, lors de l'arrêt du Conseil privé de Londres de 1937 que j'ai cité, quelques conventions internationales en matière économique, mais c'était rarissime. On était à l'époque de l'anarchie et des souverainetés totales des pays. Les pays ont renoncé à des morceaux de leur souveraineté par traité, ce qui fait que ce qui était l'exception, aujourd'hui est devenu la règle.

Très peu d'aspects de notre vie quotidienne sont à l'abri de l'impact des législations économiques internationales. Le GATT a bouleversé nos vies. Le GATT a changé nos vies. Les grands traités continentaux, qui sont en voie d'élargissement, ont changé nos vies. Et ça voudrait dire que l'Assemblée nationale du Québec ne prendrait pas acte de cela? L'Assemblée nationale du Québec ferait comme si on était encore entre les deux guerres et ne se rendrait pas compte de l'impact de toute la législation internationale sur la vie des hommes et des femmes qui nous ont élus pour venir ici?

(17 h 40)

C'était peut-être moins utile entre les deux guerres, mais ne pas s'apercevoir qu'on est à l'aube de l'an 2000, c'est une autre affaire. La politique qui vous est proposée dans cette loi, c'est une politique de modernité et une politique de prise en charge. Et, s'il est vrai que souvent les lois retardent par rapport à la réalité, seules les sociétés rétrogrades ne font pas tous les efforts nécessaires pour ajuster leurs lois à la réalité contemporaine.

Je voudrais également relever une autre absurdité qui a été dite par le député de Mont-Royal et qui, celle-là, relève un peu, à la limite, de l'incident diplomatique. Je ne veux pas dire qu'il a fait autant de gaffes en une phrase que Benoît Bouchard est capable d'en faire en une demie, mais il a dit une chose assez grave, là. Benoît Bouchard, notre ambassadeur à Paris, a réussi à insulter le quatrième personnage de la République, le président de l'Assemblée nationale, le gouvernement au complet, en disant qu'il ne serait plus là dans six mois. Mais le député de Mont-Royal était sur une voie pour égaler ce genre de record, car il a dit, et je le cite: «Le GATT est négocié par le Groupe des sept.» Vous avez entendu ça, M. le Président: «Le GATT est négocié par le Groupe des sept.» Il y a 150 membres et plus au GATT. Ha, ha, ha! Alors, il y en a au moins 143 qui n'auraient pas beaucoup d'estime pour le député de Mont-Royal et sa vision du commerce international.

Une des premières règles du GATT, contrairement à ce qu'on trouve à la Banque mondiale, c'est: un pays, un vote. Et, dans ce qu'a dit le député de Mont-Royal, un pays comme le Brésil – 137 000 000 d'habitants – qui n'est pas membre du Groupe des sept, n'aurait pas d'influence au GATT? Qu'est-ce qu'il raconte? Les petits pays industrialisés exemplaires de l'Europe du Nord, qui ne font pas partie du Groupe des sept et qui sont plus riches que le Canada et que le Québec ne négocieraient pas le GATT? Il faut faire attention! Il faut faire attention à ce qu'on dit. Encore une fois, quand ce mot avait une consonance étrange et qu'il n'était compris que par les experts, on pouvait dire à peu près n'importe quoi. Mais, aujourd'hui, je pense que le député de Mont-Royal a fait retentir des propos dangereux auxquels il devrait réfléchir et, éventuellement, lors du débat article par article, il devrait les retirer.

Je voudrais également revenir sur ce qu'on a dit de l'accession du Québec aux différents traités et, en particulier, à l'Accord de libre-échange nord-américain. D'abord, pour utiliser un événement d'actualité, il y a la visite, dans notre ville de Québec, du consul des États-Unis d'Amérique qui est venu dire, en particulier, dans un texte remarquablement bien fait, que ce n'était pas aux États-Unis de décider ce qui allait se passer au Canada et au Québec et entre le Canada et le Québec. La ligne directrice ferme et tout à fait cohérente avec les traditions de démocratie du grand peuple américain qui vit au sud de nos frontières, c'est, sauf exception historique malheureuse et généralement très décriée dans tous les traités d'histoire et de sciences politiques, de ne pas se mêler des affaires des autres.

Et ça fait plusieurs fois, c'est devenu ce qu'ils appellent le mantra du State Department de réitérer, à la manière américaine, ce qui est l'équivalent de la «non-indifférence et non-ingérence». Les Américains ne sont pas indifférents au Canada, ils l'ont dit à plusieurs reprises, mais, à chaque fois qu'ils redisent leur non-indifférence au Canada, ils redisent leur non-ingérence dans les affaires intérieures. C'est ça, essentiellement, avec d'autres considérations très intéressantes pour le Québec, comme le fait que le Québec était à la pointe du combat pour les accords de libre-échange, que l'ambassadeur Blanchard est venu évoquer cette semaine dans notre capitale.

On lui a aussi demandé si le Québec pourrait, et dans quelles conditions, rejoindre l'Accord de libre-échange. L'ambassadeur a dit fermement, et je le cite en anglais, là, mais c'est facile à traduire: «It is pure speculation, pure speculation». Alors, je comprends qu'on peut faire la critique de la raison pure, il y a une base logique à ça, mais la critique de la spéculation pure, c'est une autre affaire. Si c'est «pure speculation» et qu'on dit que ça peut être long et compliqué, la spéculation, ça veut dire que ça peut être aussi très court et pas compliqué du tout.

Bref, moi, M. le Président, comme un très grand nombre de juristes, dont ceux du ministère des Affaires internationales, qui, d'ailleurs, ont rendu de loyaux services au député de Mont-Royal quand il occupait mes fonctions, je souscris à la thèse de la succession des États, qui a été, d'ailleurs, brillamment évoquée par le député de Marguerite-D'Youville. À chaque fois qu'on parle de la dette du Canada, on dit: Le Québec va succéder à sa quote-part de la dette, qui est fixée, suivant les experts de Bélanger-Campeau, entre 17 % et 25 %. Bien oui, mais, quand on succède, ce n'est pas nécessaire d'être docteur en droit pour savoir qu'on succède à l'actif et au passif. On ne peut pas dire: Je prends la succession, c'est-à-dire les immeubles, mais pas les hypothèques; et on ne peut pas dire, non plus: Je te charge des hypothèques, mais je ne te donne pas les immeubles.

Alors, si, comme je le crois, s'applique la thèse de la succession des États, il n'est pas convenable, ni dans la réalité pratique des choses, ni en droit international, de dire que le Québec est dans la situation du Chili quant à son adhésion. Or, le gouvernement américain a dit que, pour le Chili, l'horizon 1995, c'est-à-dire 12 mois, était envisagé pour l'intégration de ce pays à l'Accord de libre-échange qui deviendrait multilatéral. Alors, si on peut le faire en moins d'un an pour le Chili, comme on est à un peu plus d'un an de l'indépendance du Québec, c'est-à-dire qu'on a donc un délai plus long pour une chose moins compliquée.

Pourquoi est-ce que la chose est moins compliquée? Bien, parce que le Québec, c'est le huitième partenaire commercial des États-Unis; le Québec, à lui seul. Le Chili deviendrait au trentième ou quarantième rang. Le Chili, c'est un pays sympathique, qui croît rapidement, mais qui est encore un pays qui cherche son développement; tandis que le Québec, à lui seul, c'est la vingtième puissance économique du monde, c'est la onzième pour le produit par tête. Quel esprit rationnel et bien intentionné peut venir soutenir qu'il serait plus compliqué d'intégrer dans l'Accord de libre-échange un pays développé, à économie de marché, qui en fait déjà partie comme province du Canada et qui a une frontière commune avec quatre États américains, qu'un pays d'Amérique latine qui est en voie de développement, qui n'est pas partie de l'Accord et qui a des particularités tellement différentes que simplement les périodes d'adaptation rendent absurde toute comparaison avec le cas québécois? Encore une fois, moi, je respecte les fédéralistes, mais se faire militant que Santiago du Chili va être dans l'Accord de libre-échange, puis que Shawinigan n'y serait pas, ça n'a pas de bon sens. C'est perdre toute notion d'objectivité dans des combats qui, encore une fois, peuvent être respectables et sont respectés.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je crois que cette Assemblée doit voter cette législation dans son principe, d'abord, et pour les autres étapes de la procédure, par la suite, pour simplement dire à la population du Québec qui nous a élus, ici, que nous avons pris acte de la mondialisation des échanges, de la globalisation de l'économie. Nous avons pris acte que ce qui pouvait être relativement peu important entre les deux guerres est devenu une chose majeure aujourd'hui et ça serait de la négligence si les législateurs, hommes et femmes, qui siègent dans cette salle n'avaient rien à dire quand le Québec donne son accord pour la mise en pratique de lois découlant d'ententes internationales qui affectent directement la vie de notre électorat.

C'est pour cette raison que le gouvernement a présenté cette loi et que le parti gouvernemental l'appuiera de toutes ses forces, en demandant à l'opposition officielle – qui a encore quelque temps pour y réfléchir, puis il va y avoir la discussion article par article – de méditer à l'absurdité de certains des arguments qu'ils nous ont servis aujourd'hui et de méditer, au fond, à des choses qui pourraient les amener à voter pour ce projet.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi 51, Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté, sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Sur division. J'ai vous ai bien compris: sur division, M. le Président?


Renvoi à la commission des institutions

Alors, M. le Président, je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

(17 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, à ce moment-ci, compte tenu de l'heure et compte tenu des pouvoirs qui sont les vôtres selon l'article 44 du règlement, je vous demanderais de suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement pour que nous suspendions les travaux? Il y a consentement. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Mmes, MM. les députés, si vous voulez bien prendre place. Nous allons reprendre nos travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. M. le Président, à ce moment-ci de nos travaux, je vous prierais d'appeler l'article 14 de notre feuilleton.


Projet de loi 41


Adoption

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, à l'article 14 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales. En conséquence, je vais céder la parole à M. le ministre de la Justice, tout en lui rappelant qu'il possède un droit de parole de 60 minutes.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, le projet de loi 41, intitulé Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, est maintenant rendu à l'étape de l'adoption. Vous vous souviendrez que ce projet vise principalement à réduire les délais en Cour d'appel et en Cour supérieure. À cette fin, il propose d'abord de hausser de 15 000 $ à 30 000 $ le seuil minimal de la compétence pécuniaire de la Cour du Québec et, par voie de conséquence, celui de la Régie du logement. Également, par concordance, il prévoit porter à un montant équivalent la compétence des cours municipales à l'égard des biens appartenant à une municipalité et que celle-ci loue à un tiers.

La revalorisation de la compétence de la Cour du Québec, qui n'avait pas été révisée depuis une décennie, devrait permettre de réduire les délais d'audition à la Cour supérieure sans toutefois affecter ceux qui prévalent actuellement à la Cour du Québec.

Les autres modifications concernent principalement la juridiction de la Cour d'appel et la procédure devant cette Cour. Elles visent, pour la plupart, à réduire les délais d'audition à la Cour d'appel et à faciliter le traitement des pourvois devant cette Cour. À cet égard, le projet de loi propose en premier lieu de porter de 15 000 $ à 20 000 $ le seuil pécuniaire de l'appel de plein droit devant la Cour d'appel. Cette mesure, qui permettrait de réduire le nombre des appels de plein droit, accompagnée des autres mesures proposées au projet de loi, devrait avoir comme effet d'ensemble de réduire les délais d'appel.

Par ailleurs, le projet de loi contient des mesures visant à accélérer le déroulement de l'instance et à inciter les parties à mieux se préparer pour l'audition devant la Cour d'appel. À cet effet, il apporte des correctifs qui devraient accroître l'efficacité du traitement des dossiers en Cour d'appel. Le projet de loi prévoit à cette fin un mécanisme de rejet automatique de l'appel lorsque l'appelant ou l'intimé n'auront pas produit leur mémoire dans les délais prévus. Cette modification de la procédure de rejet administratif permettra d'établir un contrôle plus rigoureux du respect des délais de production des mémoires présentés à cette Cour.

Le projet de loi propose également de réduire de 30 jours à cinq jours francs le délai pour signifier et produire une requête pour permission d'appeler d'un jugement rendu à l'égard d'une requête en annulation d'une saisie avant jugement. Cette réduction du délai d'appel devrait permettre de disposer rapidement des droits du saisissant à l'égard des biens saisis et de diminuer la période pendant laquelle le saisi peut, dans certains cas, être injustement privé de ses biens en raison d'une saisie avant jugement.

(20 h 10)

Le projet de loi 41 contient également une autre mesure visant à améliorer et à accélérer le cheminement des dossiers à la Cour d'appel. Il s'agit d'une mesure qui devrait permettre à la Cour d'appel de rejeter sur vue du dossier une requête demandant le rejet de l'appel en raison de son caractère abusif ou dilatoire. Cette mesure pourrait être utilisée lorsque, à la lecture même du dossier, il ressortirait manifestement que la Cour ne pourrait rejeter le pourvoi sans une étude approfondie. Le rejet d'une telle requête par la Cour d'appel devrait permettre d'accélérer le cheminement du pourvoi sans pour autant affecter les droits des parties quant au fond du litige.

En matière d'exécution provisoire de jugement de première instance, le projet de loi propose d'élargir la discrétion du tribunal, d'ordonner l'exécution provisoire pour toute raison jugée suffisante. Cette mesure pourrait permettre d'éviter des appels inscrits uniquement pour retarder indûment l'exécution des jugements.

Finalement, le projet de loi propose d'accorder à la Cour d'appel ou à l'un de ses juges compétence pour suspendre l'exécution d'un jugement qu'elle a rendu lorsqu'une partie démontre son intention de présenter une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada. Il n'existe actuellement aucune disposition au Code de procédure civile attribuant spécifiquement à la Cour d'appel ou à l'un de ses juges compétence en cette matière. Le projet de loi vient donc combler ce vide tout en confirmant, par ailleurs, la volonté des autorités du Québec de régir la compétence et la procédure des tribunaux qui ont juridiction en matière civile et qui, comme la Cour d'appel, relèvent de sa compétence législative.

En terminant, M. le Président, je tiens à souligner que le projet de loi 41 a fait l'objet d'une large consultation auprès des intervenants concernés. Je remercie les membres de la commission des institutions pour leur participation lors de l'étude détaillée du projet de loi 41, dont les amendements apportés en commission ont permis d'en bonifier le contenu. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey, tout en vous rappelant, M. le député, qu'en tant que représentant de votre groupe parlementaire vous avez un droit de parole de 60 minutes. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Comme vient de le souligner le ministre de la Justice, le projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, Bill 41, An Act to amend the Code of Civil Procedure and the Act respecting municipal courts, vise à répondre à un besoin réel et, comme il l'a aussi mentionné, répond, à cet effet, à un large consensus qui s'était établi au sein de la communauté juridique et des tribunaux à Montréal et à Québec.

Il est effectivement vrai que, notamment au niveau de la Cour d'appel du Québec, on connaît des retards qui n'ont pas pour effet d'augmenter ou d'accroître le respect des gens pour cette institution importante, au contraire. C'est pour cela que, depuis le début des délibérations sur le projet de loi 41, M. le Président, nous avons tenté de bonifier la proposition du ministre de la Justice, notamment à l'égard de la proposition qu'a faite le Protecteur du citoyen d'être extrêmement prudents quant à la constitutionnalité de l'augmentation importante du seuil d'autorisation des causes qui peuvent être entendues à la Cour du Québec.

Au cours de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi 41, nous avons à plusieurs reprises demandé au ministre de la Justice de faire entendre le Protecteur du citoyen sur ce point et sur d'autres questions qu'il avait soulevées dans une lettre adressée à la commission étudiant le projet de loi. Quelles furent donc notre surprise et notre consternation, M. le Président, de voir qu'une intervention de cette nature par le Protecteur du citoyen, qui est, rappelons-le, en même temps un ancien sous-ministre de la Justice, n'a pas attiré un avis ou une réaction favorable de la part du ministre de la Justice.

Mais, à ce premier propos, M. le Président, que le ministre de la Justice soit prêt à prendre des chances, un risque calculé, on pourrait dire, c'est une chose. On sait qu'il n'a pas demandé un avis circonstancié là-dessus à ses officiers du ministère, mais, effectivement, la jurisprudence là-dessus est assez équivoque, et il pourrait toujours prétendre que la juridiction de la province, là-dessus, est suffisante. Et cette augmentation pourrait soutenir un questionnement éventuel devant les tribunaux.

Cependant, M. le Président, il y a un deuxième sujet à propos duquel le ministre fait preuve non pas d'une témérité calculée – on n'est plus en présence d'un risque dont il a soupesé le pour et le contre. Il est évident que le non-respect des dispositions impérieuses de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 est une faille à laquelle il ne saurait remédier. C'est important de comprendre la portée, l'effet de la décision du ministre de la Justice de procéder malgré le fait que les travaux en commission – et malgré nos demandes répétées – n'ont pas tenu compte de ces exigences de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Il est sûr, M. le Président, que si quelqu'un conteste ce projet de loi 41 une fois adopté, que cette question de la non-conformité va être soulevée, et il est constant, dans la jurisprudence qui applique cet article, que tout le processus d'adoption, y compris les travaux en comité, doit respecter ces prescriptions.

Ceci étant dit, M. le Président, ayant tenté à tant de reprises de faire entendre le Protecteur du citoyen, de faire entendre le Barreau pour que le Barreau puisse envoyer des représentants pour répondre aux questions légitimes soulevées en commission parlementaire, il n'est pas de notre intention, de ce côté de cette Chambre, d'être pris ou de se faire passer pour des empêcheurs de tourner en rond. J'ai eu l'occasion de signaler ce manquement à l'égard de l'article 133 à un des éminents membres du comité tripartite dont le ministre nous a si souvent parlé, et il s'est dit très préoccupé, tout comme nous l'étions, M. le Président.

Le ministre prend un risque calculé avec l'augmentation de 15 000 $ à 30 000 $, soit! Il est en train de soupeser les conséquences. Il est l'officier, le membre du Conseil des ministres. C'est lui qui représente auprès du lieutenant-gouverneur en conseil l'administration de la justice au Québec. C'est lui qui est chargé de veiller à l'application des lois selon les prescriptions adoptées par l'Assemblée nationale.

Quant au deuxième point, nous regrettons beaucoup qu'à aucun moment pendant la commission, mais pas plus à la fin, et ce, contrairement aux traditions des commissions parlementaires, il n'y ait eu de respect pour l'article 133.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, c'est le ministre responsable de l'application de la Loi sur le ministère de la Justice qui est devant nous. C'est lui qui prend sur lui-même le fardeau et la responsabilité d'une contestation éventuelle qui va produire les résultats que je viens de dire. S'il est prêt à procéder là-dessus, nous ne nous targuerons pas d'être ceux qui empêchent de tourner en rond, comme je le disais tantôt. On ne se fera pas dire qu'on est contre un large consensus pour améliorer une situation. Nous aussi, on veut réduire les délais devant les tribunaux, M. le Président. Comment s'y prendre, c'est là-dessus qu'on diffère.

Alors, aujourd'hui, on est pris avec un projet de loi. Alors, ou on recommence ou on donne notre accord. Notre décision, tout en mettant le ministre en garde contre sa démarche qui consiste à ne pas respecter les prescriptions obligatoires de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, nous, de ce côté de la Chambre, on va dire: Oui, allez-y avec votre projet de loi. On donne notre accord à son adoption, et c'est lui qui va être obligé de vivre avec les conséquences prévisibles. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Est-ce que le projet de loi 41, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Loi sur les cours municipales, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

(20 h 20)

M. Boisclair: M. le Président, tout en remerciant l'opposition pour sa contribution et pour son appui à cette initiative du ministre de la Justice, je vous prierais, à ce moment-ci, d'appeler l'article 13 de notre feuilleton.


Projet de loi 38


Adoption

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, à l'article 13 du feuilleton, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. Je vais donc céder la parole à M. le ministre du Revenu. Avant de vous céder la parole, M. le ministre, je vous rappelle que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes.


M. Jean Campeau

M. Campeau: M. le Président, j'ai le plaisir de soumettre à l'Assemblée nationale, pour adoption, le projet de loi 38 intitulé Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives.

Le projet de loi 38 a été présenté le 30 novembre 1994, et le principe en a été adopté le 7 décembre de la même année. La commission permanente du budget et de l'administration en a fait l'étude détaillée en date du 8 décembre 1994 et en a adopté les 365 articles. Des amendements ont été adoptés afin de modifier les articles 16 et 162. Le rapport a été déposé le 12 décembre 1994 et a été pris en considération le 16 décembre 1994.

Ce projet de loi, à l'instar de la plupart des projets de loi à caractère fiscal qui ont été présentés devant cette Assemblée au cours des dernières années, est volumineux et très technique. Il contient pas moins de 365 articles et modifie 18 lois, dont la Loi sur les impôts et la Loi sur la taxe de vente du Québec, afin de donner suite principalement au discours sur le budget du ministre des Finances du 12 mai 1994, à ses déclarations ministérielles du 24 novembre 1992 et du 30 novembre 1993, ainsi qu'aux bulletins d'information 91-1, 93-1, 93-2, 93-3, 93-5, 93-7, 94-1 et 94-4 émis par le ministère des Finances respectivement le 27 mars 1991, le 23 avril 1993, le 28 juin 1993, le 20 août 1993, le 25 novembre 1993, le 16 décembre 1993 et les 31 janvier et 4 novembre 1994.

La majorité des mesures du projet de loi sont de nature plus technique et donnent suite au dernier discours sur le budget. Par souci de clarté et de rigueur, je ne m'attarderai pas sur l'ensemble de ces mesures. Je traiterai seulement des aspects du projet de loi que je juge les plus pertinents, soit les mesures touchant la famille, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et certaines mesures administratives visant l'amélioration des relations avec la clientèle.

Vous me permettrez, M. le Président, de faire un bref rappel historique de ce qu'est la politique fiscale du Parti québécois à l'égard des familles. En janvier 1985, alors que le Parti québécois était au pouvoir, le ministre des Finances de l'époque, M. Yves Duhaime, déposait le livre blanc sur la fiscalité des particuliers. Ce fut, au cours de la dernière décennie, la plus vaste étude et la plus grande consultation menée à l'égard de la fiscalité des particuliers. Les problèmes d'équité fiscale des ménages avec enfants et des ménages participant au marché du travail étaient au centre de cette étude. Plusieurs mesures mises en place à l'époque ont permis aux familles – et leur permettent encore aujourd'hui – d'améliorer leur situation. Déjà, à cette époque, nous étions sensibles à la nécessité de la reconnaissance des conjoints de fait, à la situation des familles monoparentales, des familles à plusieurs enfants et à celle des personnes vivant seules.

Nous avons été les premiers à reconnaître la notion des besoins essentiels de base, laquelle est maintenant utilisée largement pour l'établissement des programmes et des mesures à caractère social. C'est aussi le gouvernement du Parti québécois qui a nivelé, en 1985, le niveau d'exemption personnelle de base et celui de personnes mariées, afin de reconnaître que le niveau des besoins essentiels d'un couple est le même, qu'il y ait un seul revenu ou qu'il y en ait deux. Instauré aussi une exemption majorée à l'égard d'un premier enfant; instauré une exemption additionnelle à l'égard des enfants qui étudient au niveau postsecondaire; créé une exemption spéciale pour les personnes vivant seules; mise en place d'un crédit à l'intention des familles monoparentales; introduit un crédit de taxe à la consommation; remodelé la déduction pour frais de garde, afin d'accorder un montant plus important à l'égard des enfants d'âge préscolaire. Cela illustre, M. le Président, l'importance que ce gouvernement accordait déjà, dans le milieu des années quatre-vingt, à la famille.

Depuis le milieu des années quatre-vingt, alors que le gouvernement libéral était en fonction, cette politique fiscale fondée sur une reconnaissance des besoins essentiels a été poursuivie. D'ailleurs, les politiques contenues au dernier budget, en autant que la famille est concernée, sont encore articulées autour de ces principes fondamentaux inscrits dans le livre blanc mis de l'avant par le gouvernement du Parti québécois. C'est pourquoi, M. le Président, c'est sans grande hésitation que j'ai recommandé, en commission parlementaire, des mesures du projet de loi 38 qui s'inscrivent dans la foulée de notre action vis-à-vis de la famille québécoise.

Le gouvernement du Parti québécois a également toujours été préoccupé par le développement de l'économie québécoise et par la croissance des entreprises québécoises. Le premier ministre actuel, M. Jacques Parizeau, alors qu'il était ministre des Finances, a initié plusieurs mesures fiscales importantes visant à faciliter la capitalisation des corporations.

En effet, dans le discours sur le budget qu'il prononçait devant cette Assemblée le 27 mai 1979, il introduisait le Régime d'épargne-actions, dont les retombées positives ont bénéficié largement à l'ensemble des Québécois et des Québécoises. De même, dans son discours du 22 mai 1984 prononcé devant cette même Assemblée à l'occasion du budget de l'année 1984-1985, il introduisait cette fois le Régime d'investissement coopératif. Enfin, le discours sur le budget prononcé le 23 avril 1985 par le ministre des Finances de l'époque, M. Yves Duhaime, prévoyait la création des sociétés de placements dans l'entreprise québécoise, qu'on appelle les SPEQ. L'objectif commun de ces mesures, en plus de procurer un financement permanent pour les entreprises québécoises, visait également à aplanir les difficultés liées au coût élevé du financement par fonds propres externes lors du premier appel à des fonds propres externes privés et lors du premier appel public à l'épargne.

C'est également le premier ministre actuel qui, le 10 juin 1983, en s'adressant à cette Assemblée, introduisait la mesure permettant à des particuliers qui deviennent propriétaires de certaines actions du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec de bénéficier d'un crédit d'impôt dans le calcul de leur impôt à payer pour une année d'imposition. C'est ainsi, M. le Président, que le projet de loi intitulé Loi constituant le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec était déposé en juin 1983 à l'Assemblée nationale du Québec. L'objet du projet de loi était de constituer un fonds d'investissement destiné principalement à accorder de l'aide financière aux entreprises québécoises dans le but de maintenir ou de créer des emplois, de stimuler l'économie, de contribuer à la formation des travailleurs et travailleuses du Québec et de favoriser leur participation au développement des entreprises. Les 10 dernières années ont prouvé que le gouvernement avait raison d'aller de l'avant avec un tel projet. En effet, on ne compte plus le nombre d'entreprises qui ont bénéficié du Fonds de solidarité, des milliers d'emplois ont été créés grâce à ce Fonds.

(20 h 30)

D'autre part, le Fonds a permis à plusieurs centaines d'entreprises de subsister et de contribuer à leur développement dans un marché de plus en plus compétitif. Ce Fonds permet aux entreprises québécoises d'avoir accès à un capital de risque qu'elles ne pourraient autrement se procurer. Le gouvernement précédent, dans le discours du budget 1993-1994, décidait de limiter à un montant maximal annuel l'émission des actions de catégorie A du Fonds. Ce budget prévoyait que le Fonds ne pourrait émettre des actions ou des fractions d'actions de catégorie A pour une contrepartie totale excédant 75 000 000 $ au cours de la période commençant le 2 mars 1994 et se terminant le 1er mars 1995. Le 4 novembre dernier, notre gouvernement vous annonçait l'élimination du plafond de 100 000 000 $ qui s'applique à l'émission d'actions du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec pour l'année 1994. En effet, la croissance du Fonds, qui tient une place de plus en plus importante dans le financement des petites et moyennes entreprises et dans le soutien de l'emploi, était ralentie par l'imposition d'un plafond limitant l'émission de ces actions.

Cette mesure représente un coût de 36 000 000 $ pour l'exercice financier 1995-1996. Il ne s'agit pas d'une dépense inconsidérée, mais d'un investissement productif pour l'économie québécoise, puisque, à long terme, j'en suis convaincu, cette mesure générera des retombées suffisantes pour assurer sa rentabilité pour l'ensemble de l'économie. À cet égard, notons que la levée du plafond n'aura pas d'impact sur les équilibres financiers du gouvernement pour l'année en cours. Pour ce qui est des objectifs de déficit à l'égard de 1995-1996, ils seront établis lors du prochain discours sur le budget.

D'autre part, il est important de noter ici que le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec a pris l'engagement d'investir en région 18 % des montants qu'il recueille chaque année. Cela représente, dans un premier temps, environ 20 000 000 $ annuellement, et ce montant pourra atteindre plus de 100 000 000 $.

Par ailleurs, d'autres centrales syndicales ont fait des représentations afin de mettre sur pied des fonds de travailleurs jouissant de la même aide fiscale que le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Comme mentionné précédemment, le gouvernement a l'intention d'offrir à tous ceux et celles qui le désirent l'opportunité de mettre sur pied un fonds des travailleurs si elles sont disposées, ces entreprises, à oeuvrer dans un encadrement similaire.

Il y a, actuellement, un peu plus de 200 000 actionnaires au Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Il est intéressant de noter qu'au cours des deux dernières années d'imposition environ 100 000 contribuables ont réclamé un crédit d'impôt à cet égard. À titre d'exemple, 51 756 contribuables dont le revenu se situe entre 25 000 $ et 50 000 $ ont réclamé un crédit moyen de 231 $ en 1993. Nous sommes fiers de ces chiffres. C'est donc sans hésitation que notre gouvernement a aboli le plafond annuel d'émission du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, puisqu'il se veut un instrument important pour le développement de l'économie québécoise.

Le ministère du Revenu est sensible à tout ce qui touche ses relations avec sa clientèle. Dans la perspective d'une amélioration constante de cette facette de son mandat, le ministère introduit ou modifie certaines mesures administratives dans le but d'éliminer des irritants qui ont été identifiés. Une première mesure fera en sorte d'allonger à 45 jours suivant la réception d'un avis de cotisation le délai dont bénéficie un contribuable pour s'acquitter de sa dette. Une seconde mesure prévoit une nouvelle règle quant à la date des paiements acquittés par un contribuable auprès d'une institution financière.

Une nouvelle génération de communication entre les organisations prend place dans notre quotidien: celle des échanges électroniques. Ces derniers constituent déjà un mode de transmission adopté par plusieurs entreprises et apparaissent aujourd'hui comme un moyen privilégié d'augmenter la productivité entre partenaires d'affaires. Il s'agit d'une réalité qui illustre bien la nécessité pour le Québec de travailler à la mise en place de l'autoroute de l'information.

Le ministère du Revenu a déjà posé des gestes pour bénéficier des avantages offerts par les échanges électroniques et entend participer à la mise en oeuvre de nouveaux services qui seront offerts à la population québécoise. Ainsi, le ministère du Revenu du Québec a fait du développement des échanges électroniques une cible d'action prioritaire. Cette orientation a conduit le ministère du Revenu à se doter des moyens nécessaires à la réception par voie électronique des transactions de certaines de ses clientèles. Plusieurs réalisations sont déjà concrétisées et d'autres le seront dans un avenir très prochain.

Les échanges électroniques représentent un bénéfice tant pour les ministères du Revenu et des Finances que pour les entreprises et les contribuables. Dans les faits, les entreprises et les contribuables trouvent les avantages suivants: d'abord, diminution des risques d'erreur lors de la préparation des déclarations à produire; informatisation des processus de saisie des données; puis rapidité accrue de la réception et du traitement des données fiscales; élimination des documents physiques; confirmation par voie électronique de la réception des données fiscales transmises et de tout paiement associé. Le développement de ces échanges électroniques nécessite, M. le Président, les modifications législatives qui sont ici présentées.

En matière de taxe de vente, ce projet de loi vise à simplifier de façon substantielle l'administration de la taxe de vente du Québec – la TVQ – pour les entreprises, principalement par la mise en place d'un taux unique de taxation. Avant les modifications proposées dans le présent projet de loi, le régime de la taxe de vente du Québec prévoyait deux taux de taxation selon qu'il s'agissait de la fourniture de biens meubles corporels, auquel cas le taux applicable était de 8 %, ou de la fourniture de biens meubles incorporels, d'immeubles ou de services, auquel cas le taux d'imposition était de 4 %. Dorénavant, toutes les fournitures taxables dans le régime de la TVQ sont assujetties à un taux unique de 6,5 %. D'autres mesures touchant les taxes à la consommation sont également soumises.

En terminant, M. le Président, je tiens à remercier, à vous remercier vous-même, à remercier le député de Hull et ses collègues libéraux pour leur collaboration lors de l'étude de ce projet de loi. Nous aurions préféré que ces personnes aient autant à coeur que nous le développement économique des PME au Québec. Peut-être ont-elles mal compris nos explications sur ce sujet. Je tiens à remercier aussi de façon toute particulière les députés du gouvernement qui ont siégé au sein de la commission permanente du budget et de l'administration. Leur support et leur présence ont été des plus appréciés.

Je demande donc à cette Assemblée, M. le Président, de bien vouloir adopter le projet de loi 38.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull, porte-parole de l'opposition en matière de revenu, tout en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole.

(20 h 40)


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. Nous avons entendu, M. le Président, le ministre du Revenu nous faire part du projet de loi 38, soit la Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. M. le Président, le ministre du Revenu nous a indiqué que ce projet de loi fait suite au discours du budget prononcé le 12 mai 1994 par l'ex-ministre des Finances ainsi qu'à plusieurs autres déclarations que je ne voudrais pas répéter pour prendre trop de temps.

M. le Président, c'est vrai: toutes les orientations que l'on retrouve dans le projet de loi 38 déposé ce soir, exception faite du Fonds de solidarité, se retrouvent dans les orientations libérales. L'autre façon de gouverner – j'ai eu l'occasion de le mentionner au ministre du Revenu en commission parlementaire – c'est tout simplement de donner suite aux orientations libérales de l'ex-gouvernement. Jusque-là, ça va, M. le Président. Là où ça commence à se détériorer un peu, c'est lorsqu'il nous parle de sa politique fiscale, c'est-à-dire la politique fiscale du Parti québécois. Là, je commence à m'inquiéter. Tous et toutes se rappellent des années du gouvernement du Parti québécois, de 1976 à 1985, les déficits par-dessus déficits.

M. le Président, je ne pense pas que le gouvernement actuel puisse faire pire que dans ce temps-là – j'espère, M. le Président – en tout cas, pas avec le ministre du Revenu qu'on a là, et le ministre des Finances. Je pense que ça devrait fonctionner un petit peu mieux. Mais j'ai l'impression qu'il s'est laissé influencer par l'intérieur, M. le Président. Je lui demandais, en cette Chambre, lors d'un débat – si ma mémoire m'est fidèle, c'était une interpellation – s'il avait pris connaissance du rapport de l'économiste, M. Suret, de l'Université Laval, justement sur la création du Fonds de solidarité. Et le ministre du Revenu me répondait qu'il l'avait effleuré, qu'il avait regardé les titres. M. le Président, je me rends compte qu'il ne l'a pas encore lu et qu'il aurait dû le lire. C'est un rapport très important, une étude très crédible, et qui mentionne, M. le Président, que chaque dollar investi dans le Fonds de solidarité coûte aux contribuables québécois environ 3 $, aux payeurs de taxes, les payeurs d'impôt, là.

Présentement, le Fonds est plafonné et il est d'environ 100 000 $. Le projet de loi qui nous est présenté enlève ce plafond. Alors, il pourrait facilement atteindre, on prévoit à peu près 300 000 $. Et le ministre nous disait tantôt, M. le Président, que d'autres centrales syndicales ont manifesté le désir d'avoir un tel fonds. Et, moi, je me suis laissé dire, M. le Président, qu'à part les centrales syndicales il y aurait d'autres organismes intéressés à avoir un tel fonds. Si on pense que la FTQ peut faire un fonds et atteindre 300 000 000 $, on pourrait facilement comprendre que d'autres centrales syndicales pourraient également faire de même, et on pourrait se ramasser facilement avec des deux, trois, quatre fonds de 300 000 000 $ chacun. Ça fait quelque chose comme à peu près 1 000 000 000 $ de fonds, ça.

Et, si on se fie à l'étude que je mentionnais tantôt, qui dit que chaque dollar investi dans un fonds, tel le Fonds de solidarité de la FTQ, coûte au contribuable québécois 3 $, on vient de faire une dépense de quelques milliards de dollars, M. le Président. On parle d'à peu près 3 000 000 000 $. Bien, écoutez, si 1 $ investi là-dedans en coûte 3 $ au contribuable québécois et si les trois ou quatre fonds qui seraient autorisés montent à 1 000 000 000 $, on va se ramasser avec 3 000 000 000 $ de dépenses.

Je comprends quand le ministre du Revenu nous dit que le déplafonnement du Fonds de solidarité de la FTQ n'affecte en rien l'équilibre financier budgétaire pour l'année en cours. Bien non: elle se termine dans quelques mois, là, dans quelques semaines. Et je ne pense pas qu'il ait l'intention d'en donner d'autres avant que ça se finisse, l'année financière, vous savez bien. Mais, attendez au début de la prochaine année.

Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que j'aurais beaucoup aimé que ma formation politique appuie le projet de loi parce qu'il découle du discours du budget de notre ex-collègue, mais, parce qu'il a voulu inclure dans ce projet de loi – je lui ai demandé d'en faire une scission, il n'a pas voulu – parce qu'il a inclus dans ce projet de loi le Fonds de solidarité, c'est-à-dire son déplafonnement et l'ouverture sur d'autres fonds... Et ça va aller jusqu'où? Je ne le sais pas, M. le Président. Peut-être qu'il pourra en aviser cette Chambre. Mais, pour ces raisons, M. le Président, ma formation se verra dans l'obligation de voter contre ce projet de loi, et ce, dans l'intérêt des payeurs de taxes, de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Hull. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi?

Mise aux voix

Alors, est-ce que le projet de loi 38, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, est adopté? Adopté sur division? Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: J'aurais aimé, M. le Président, poursuivre sur la même lancée et remercier l'opposition de son appui. On prend note qu'ils ne sont pas d'accord, pourtant, avec un discours du budget présenté par le ministre. Mais, en attendant, M. le Président, à défaut de pouvoir remercier l'opposition pour sa collaboration, je vous prierais d'appeler l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi 54


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, à l'article 6 du feuilleton, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi 54, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles.

Y a-t-il des interventions sur ce projet de loi? Oui. Alors, je vais reconnaître M. le ministre de l'Agriculture. Et vous disposez d'un temps de parole de 60 minutes, M. le ministre.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Merci, M. le Président. Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter devant cette Assemblée propose diverses modifications à la Loi sur l'assurance-récolte et à la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles. Ces deux lois ont pour objet de garantir le revenu des productrices et producteurs agricoles et d'assurer la pérennité de nos entreprises agricoles au Québec.

D'une part, la Loi sur l'assurance-récolte protège, depuis 1967, les productrices et producteurs du Québec contre des pertes de rendement de leurs récoltes, causées par des éléments naturels incontrôlables. D'autre part, la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles garantit, depuis 1975, un revenu annuel net positif aux productrices et producteurs agricoles lorsque le prix d'une production assurée connaît une baisse sur le marché.

Ce projet de loi devrait permettre à la Régie des assurances agricoles du Québec, qui est l'organisme chargé de l'administration des programmes et des régimes d'assurance agricole adoptés conformément à ces deux lois, de poursuivre et d'améliorer la réalisation de son mandat, et ce, pour le mieux-être de l'industrie agricole. En effet, et comme vous serez à même de le constater, les amendements proposés traitent, d'abord, de nouvelles dispositions qui favoriseront l'application des protections d'assurance auprès des productrices et producteurs agricoles.

De plus, compte tenu de la complexité inhérente à l'administration des programmes d'assurance agricole, certains allégements administratifs sont rendus nécessaires afin d'assurer une saine gestion des programmes et régimes à un coût raisonnable, tout en conservant l'efficacité et la qualité des services offerts à la clientèle agricole. Enfin, certaines dispositions techniques sont annoncées dans le cadre de l'harmonisation des programmes et à des fins essentiellement administratives.

(20 h 50)

En ce qui a trait à l'assurance-récolte, le projet de loi vient d'abord introduire un pouvoir réglementaire qui habilite la Régie à déterminer les modalités de paiement des cotisations. De façon concrète, la Régie pourra offrir à sa clientèle la possibilité d'étaler le paiement des cotisations annuelles d'assurance. Il s'agit, en fait, d'une option devenue courante dans le domaine des assurances et qui permet à un assuré de planifier le paiement de ses cotisations pour en amortir le coût sur une plus longue période.

Le projet de loi vise également à permettre à la Régie d'ajuster le rendement réel d'une récolte en fonction de la variation de la qualité observée lors d'une expertise collective. Ainsi, l'indemnité à laquelle un producteur assuré pourra avoir droit pour une perte de rendement tiendra compte d'une baisse ou d'une augmentation de la qualité de la récolte dans la zone ou partie de zone expertisée.

De plus, le projet de loi vise à alléger certaines modalités relatives au traitement de l'information, en ce qu'il soustrait la Régie des obligations imposées par la loi actuelle quant à la publicité de certains renseignements concernant la cotisation et aussi les prix unitaires en assurance-récolte. Ainsi, les renseignements qui jusqu'à maintenant devaient faire l'objet d'une publication dans un journal agricole seront plutôt inscrits dans le certificat émis à l'intention de chacun des adhérents au programme d'assurance.

En ce qui regarde le volet de l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, le projet de loi introduit l'obligation, pour la Régie, d'émettre un certificat à chacun des adhérents des régimes qu'elle administre. En contrepartie, la remise d'une copie du régime à chacun des adhérents ne sera plus requise, les principaux renseignements leur étant communiqués à même le certificat.

Également, le projet de loi autorise la Régie à conclure des ententes avec les fédérations de producteurs dans le but de percevoir, à même les indemnités qu'elle verse à ses assurés, le montant des contributions exigibles en vertu des divers plans conjoints approuvés par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Rappelons à cet égard que la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles prévoit, à son article 1, qu'un produit visé par les régimes d'assurance-stabilisation est un produit agricole mis en marché suivant un plan conjoint ou tout autre plan prévu au régime, d'où l'importance de doter la Régie du pouvoir nécessaire au respect de son mandat et aussi à la volonté du milieu agricole.

Pour avoir, pendant quelques années, oeuvré dans ce milieu, c'est une revendication des organismes agricoles qui date déjà de plusieurs années. Il m'apparaît important, lorsqu'on parle d'amélioration des conditions de marché, qu'on puisse justement, par une mesure, somme toute, très simple d'application, faciliter ce regroupement-là et agréer à l'expression des organismes agricoles.

Finalement, le projet de loi modifie la date de dépôt du rapport annuel de la Régie afin d'en assurer la concordance avec la Loi sur l'administration financière. En conclusion, M. le Président, ce projet de loi s'inscrit dans une démarche visant l'amélioration des systèmes de protection de la production agricole au Québec et facilitera aussi l'accessibilité des protections offertes à la clientèle agricole. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford, porte-parole de l'opposition en matière de financement agricole. Je vous cède la parole, M. le député, en vous rappelant que vous disposez d'un temps de parole maximal de 60 minutes.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous adresser la parole aujourd'hui, à titre de l'un des porte-parole en matière agricole, concernant le projet de loi 54, intitulé Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles.

Ces deux lois, M. le Président, sont considérées comme très importantes pour les agriculteurs québécois. L'assurance-récolte est une protection unique pour l'agriculteur qui voit sa récolte affectée par les caprices de Dame Nature. En participant au système d'assurance collective administré par la Régie des assurances agricoles du Québec, le producteur se voit ainsi indemnisé.

Ce système de protection est important pour le Québec, M. le Président; vous comprendrez donc l'intérêt marqué, pour les agriculteurs québécois, à vouloir préserver ce système. À titre d'exemple pour démontrer l'importance de l'assurance-récolte, la Régie a souscrit 28 000 contrats d'assurance-récolte en 1993, pour une valeur de biens assurés totalisant 505 900 000 $. Les indemnités se sont élevées à 65 000 000 $. De plus, le gouvernement fédéral contribue de façon importante au régime d'assurance-récolte du Québec. En effet, en vertu de l'entente intergouvernementale à long terme, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec paient chacun 25 % des primes et 50 % des frais de gestion reliés au programme d'assurance-récolte.

La Loi sur l'assurance-stabilisation, quant à elle, a pour objectif de garantir un revenu annuel net positif aux producteurs. Les seuils de rendement, par culture ou production, sont déterminés par la Régie, qui compense l'adhérant en cas de revenus inférieurs à ce seuil. L'agriculteur se voit donc protégé contre les aléas des prix sur le marché et contre les préférences changeantes des consommateurs qui, par exemple, substituent certains produits de leur alimentation par d'autres. Le système québécois est axé sur la stabilisation par production, ce qui implique qu'un producteur pourrait être stabilisé plus d'une fois lorsque sa production est diversifiée et qu'il oeuvre dans plusieurs domaines agricoles, par exemple. Le gouvernement canadien propose une nouvelle approche de calcul en matière de stabilisation pour se conformer aux nouvelles règles du GATT. Cette approche est axée sur les revenus globaux de la ferme plutôt que sur la production.

L'assurance-stabilisation couvre 14 productions, dont le veau d'embouche, le porcelet, l'agneau, la pomme de terre et les céréales, pour n'en nommer que quelques-unes. Pour l'année financière 1993-1994, plus de 22 000 contrats ont été soumis, pour une valeur totale de production assurée représentant 1 900 000 000 $. Les paiements de compensation, pour leur part, se sont élevés à plus de 283 000 000 $.

Les modifications que le gouvernement compte apporter aux lois sur l'assurance-récolte et l'assurance-stabilisation sont toutefois mineures. Cependant, il y a quand même un questionnement face à ce projet de loi. Ces deux systèmes sont donc très importants et ils représentent deux piliers majeurs pour l'agriculture québécoise. Vous comprendrez, M. le Président, que c'est toujours avec intérêt que nous nous intéressons aux gestes du gouvernement quand il entend s'attaquer à ces deux programmes.

M. le Président, le présent projet de loi autorise la Régie des assurances agricoles du Québec à fixer, par règlement, les modalités de paiement des cotisations en matière d'assurance-récolte. Il est évident que, si la Régie peut procéder par règlement, elle pourra agir plus rapidement. Cela lui donne donc beaucoup plus de souplesse concernant la perception des cotisations. Cependant, M. le Président, je me demande si la Régie pourra agir sans avertissement et prendre des décisions sans en aviser au préalable les premiers concernés, soit les agriculteurs adhérents. Il est important, M. le Président, que les producteurs soient rassurés à ce sujet, car on ne peut imaginer un régime où les règles de paiement varient en fonction de l'humeur des dirigeants ou selon les caprices de certains groupes de pression. La Régie est un organisme gouvernemental, et je veux bien croire qu'il n'y aura pas de problèmes à ce niveau, mais il faut quand même s'en assurer. Nous devons empêcher que des abus soient commis sous prétexte qu'une plus grande souplesse est recherchée. En bout de piste, M. le Président, c'est le producteur qui bénéficie de ce programme d'assurance collective et c'est le premier qui sera insatisfait des procédures de perception des cotisations abusives que la Régie pourrait mettre en place.

Je me questionne aussi, M. le Président, sur la façon dont la Régie publicisera les nouvelles modalités de paiement des cotisations. Est-ce qu'elle pourra agir de façon unilatérale et changer les règles sans préavis? À mon point de vue, les agriculteurs devraient bénéficier d'une certaine période pour contester les nouvelles modalités avant leur application, si elles ne correspondent pas à la réalité, ou tout simplement pour s'ajuster en conséquence. Cela est important, M. le Président.

Le projet de loi 54 permettra aussi à la Régie d'inclure le facteur de qualité dans la détermination du rendement réel des récoltes assurées par le système collectif d'assurance. Cette façon de faire n'est sûrement pas nouvelle, car je suis convaincu que la Régie tient assurément compte de la qualité pour déterminer le rendement réel des récoltes. Le gouvernement vient, ici, seulement officialiser une pratique courante.

La qualité des récoltes, M. le Président, vient aussi affecter la catégorie du produit et, donc, indéniablement, son rendement sur le marché, les prix des denrées étant fixés en fonction de la qualité. Toutefois, il faut éviter qu'en officialisant cette procédure la Régie se serve de cet argument pour augmenter le rendement réel des récoltes et ainsi diminuer de façon déguisée les indemnités versées aux agriculteurs adhérents. Nous savons que des coupures s'en viennent au MAPAQ et que les agriculteurs en sont très inquiets. J'espère que le ministre n'utilisera pas ce genre de stratégie pour financer le manque à gagner de son ministère.

(21 heures)

En ce qui concerne la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, le point majeur consiste à permettre à la Régie de conclure des ententes avec des groupements d'adhérents pour le prélèvement des cotisations exigibles en vertu d'un plan conjoint approuvé par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Jusqu'ici, M. le Président, il n'y a pas trop de problèmes. Cependant, ces contributions seraient prélevées à même les compensations versées par la Régie des assurances agricoles.

Il est bien évident, M. le Président, que le ministre cherche à faire payer par ce moyen les mauvais payeurs qui bénéficient de plans conjoints. L'UPA doit sûrement être en faveur d'une telle mesure qui l'assure d'une entrée de fonds. Il est donc indéniable que cette mesure est importante pour le syndicat de l'UPA. Cependant, il faut regarder la situation très sérieusement et, encore une fois, agir en évitant que des abus ne soient commis.

Je me questionne aussi sur la façon dont la Régie procédera à la mise en place de cette mécanique de perception. Sera-t-il possible pour la Régie de retenir des cotisations dues depuis plusieurs années et ainsi de pénaliser grandement certains producteurs? La Régie pourra-t-elle agir de façon rétroactive pour ainsi régler des problèmes que l'UPA n'a pu régler? Le gouvernement vient ici, en accordant ce pouvoir à la Régie, donner un pouvoir important aux associations en ce qui a trait à la perception des cotisations de leurs membres.

Plusieurs agriculteurs, au Québec, se sentent mal représentés par les plans conjoints et procèdent souvent par leurs propres moyens. Ces derniers contestent les plans en ne payant pas leurs cotisations. Je ne veux pas juger du fait que leur raisonnement soit bon ou mauvais. Cependant, je me demande si le gouvernement peut forcer ces gens à payer leurs cotisations. Les cotisations concernant un plan conjoint sont souvent établies par les membres d'une association visée. Il arrive donc fréquemment qu'il y ait dissension au sein de ces membres. Actuellement, l'association doit convaincre les récalcitrants du bien-fondé du plan conjoint et ainsi les inciter à verser leurs contributions. Dans le cas où il y a non-paiement des cotisations par un membre, l'association doit se diriger vers les tribunaux pour les réclamer. Maintenant, on inverse le processus et on dit à l'agriculteur qu'il est tenu de payer et que, s'il veut contester, il doit, lui, se présenter devant les tribunaux. Cette façon de procéder, je l'espère, ne viendra pas diminuer l'interaction des associations auprès de certains de leurs membres, car il n'y aura plus d'effort à faire pour percevoir les cotisations relatives à un plan conjoint. Il faut éviter ce genre d'abus, M. le Président.

Je parlais, plus tôt, de la façon rétroactive de percevoir les cotisations impayées par certains producteurs. Dans plusieurs cas, le chèque de l'assurance-stabilisation est attendu avec grande impatience par des banquiers qui supportent les entreprises agricoles. À court terme, un tel geste pourrait être très nocif pour la santé financière de certains producteurs agricoles. Il faut être prudent, car il ne faut pas surestimer la patience des banquiers lorsque nous parlons de remboursement de prêts.

Par ailleurs, le projet de loi 54 ne donnera plus d'obligation à la Régie de remettre à l'assuré une copie certifiée du régime d'assurance-stabilisation. La Régie devra maintenant délivrer un certificat d'adhésion qui contiendra les éléments essentiels du contrat. Cependant, puisque huit régimes d'assurance couvrent les 14 productions qui existent présentement, je pense que la Régie devrait remettre une copie certifiée du régime impliqué lorsqu'un nouveau producteur en fait la demande. Cela permettrait de bien informer les producteurs agricoles sur les régimes en question. Cela pourrait peut-être éviter de mauvaises surprises à l'agriculteur.

De plus, M. le Président, le gouvernement s'apprête à faire une ponction d'environ 36 000 000 $ au chapitre de la stabilisation. Je crois que les agriculteurs doivent en être correctement informés. En nous indiquant, lors de l'étude des engagements financiers, le 18 janvier dernier, qu'une coupure d'une telle ampleur serait réalisée à ce niveau, nous pouvons nous attendre à ce que certains régimes de stabilisation soient touchés. Entre autres, il avait été question du porc et des céréales où les compensations versées en 1993 totalisaient respectivement 107 000 000 $ et 60 000 000 $. Les producteurs qui participent à ces régimes ont le droit d'être bien informés, M. le Président.

Le projet de loi 54 apporte quelques changements sur le plan de l'assurance-récolte et de l'assurance-stabilisation. Cependant, nous avons un questionnement concernant le peu d'articles touchés. J'ai abordé ici les principaux points de la modification proposée, et nous aurons la possibilité d'aller plus en profondeur en commission parlementaire, lors de l'étude article par article. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi? Alors, le principe du projet de loi 54...

M. Dion: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui. Je vais donc céder la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe – je m'en excuse, M. le député, je ne vous avais pas vu – tout en vous rappelant que vous avez un droit de parole, M. le député, de 20 minutes. À vous la parole.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président, de m'avoir reconnu. Je suis très sensible à votre attention à mon égard. Vous savez, on est ici, nous autres, les députés, et ce n'est pas pour travailler pour nous autres. On n'est pas venus ici pour nous. On n'est même pas venus ici pour nos collaborateurs, les fonctionnaires de la Régie des assurances agricoles. On est venus ici pour nos citoyens, les électeurs, ceux qui nous ont choisis pour venir ici travailler pour eux. C'est pour eux qu'on est ici et c'est pour ça qu'on a été élus. Ce qui se passe ce soir dans le domaine de l'agriculture, c'est très important.

Pour ma part, j'ai eu l'occasion de l'expérimenter sur le terrain parce que, il y a une dizaine d'années, j'ai eu l'occasion de travailler, et j'en suis fier, pour la Régie des assurances agricoles et de voir comment ça fonctionnait sur le terrain. J'ai eu l'occasion d'aller voir les producteurs agricoles, de leur expliquer les différents programmes d'assurance-récolte, d'assurance-stabilisation, d'échantillonner les récoltes dans le champ, et j'ai eu l'occasion aussi de travailler aux modèles de production, aux modèles de rentabilité. Et j'ai eu la chance, comme ça, de me rendre compte à quel point les programmes d'assurance-récolte sont très importants pour les agriculteurs, très importants pour la stabilité de la production agricole, de tout ce secteur de notre industrie et de notre économie.

Mais j'ai eu une autre chance, M. le Président: c'est celle de vivre les problèmes de la production agricole. J'appelle ça une chance parce que, même si c'est parfois douloureux, ça nous apprend des choses, ça nous permet de comprendre ce qui se passe sur le terrain avec les citoyens. À l'époque, j'étais producteur de miel. Je m'occupais de ces petits volatiles, hein...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: ...qui volent haut, mais qui produisent ce qu'il y a de plus merveilleux, de plus délicieux au monde: le miel. Vous savez, on parle du miel comme de la chose la plus savoureuse. Quand on veut parler de quelque chose qui est bon, on compare ça au miel. Alors, j'ai eu la chance d'être un de ces producteurs de miel. C'est-à-dire que c'est abusif de ma part de parler comme ça, je l'avoue, parce que ce n'était pas moi qui étais le producteur; c'étaient mes abeilles.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Tout ce que je faisais, c'est que j'allais chercher le miel qu'elles produisaient, mais, en bon père de famille, en veillant toujours à leur laisser tout ce dont elles avaient besoin pour survivre et se développer. Et, même plus, quand il leur en manquait, je leur en donnais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Aujourd'hui, on peut traiter ça avec un certain sourire, parce que ça fait longtemps, ça fait déjà une dizaine d'années. Mais, dans le temps, ce n'était pas si drôle. À l'époque, j'avais eu la chance de fonder la Fédération des producteurs de miel du Québec, fédération que j'ai administrée pendant plusieurs années à titre de président. Je me souviens de l'hiver 1980 – vous vous en souvenez aussi – c'était un hiver semblable à celui de cette année, mais encore pire, un hiver sans neige. Cette année, au moins, on en a eu. Elle a fondu. Là, l'eau a eu le temps de s'en aller. On espère bien qu'il va tomber un peu de neige pour protéger le sol avant que les gros gels ne s'enfoncent trop profondément dans le sol.

Vous savez, pour des gens qui prennent la route tous les jours, qu'il n'y ait pas trop de neige, c'est une bonne chose. Mais il faut penser à nos producteurs agricoles. C'est eux qui nous font vivre. Sans eux, on ne serait pas grand-chose. Alors, quand viendra la bonne bordée de neige qu'on attend, pensez à ça avant de pester contre la tempête.

Alors, je me souviens qu'en 1980, M. le Président, l'hiver avait été terrible: un hiver froid, mais sans neige. Le gel était descendu profondément dans le sol. Et, quand le printemps est venu, on a constaté que les champs de trèfle et les champs de luzerne – les luzernières – étaient gelés, étaient complètement dévastés. Les racines avaient été coupées par le gel et le dégel du sol, et il n'y avait presque plus de luzerne et presque plus de trèfle dans les champs.

(21 h 10)

Ce qui fait que, quand il n'y a pas de luzerne, quand il n'y a pas de trèfle, il n'y a pas de fleurs, les fleurs principales de notre production de miel au Québec. N'ayant pas de fleurs, il n'y a pas de nectar, il n'y a pas de miel, il n'y a pas d'argent, M. le Président. Cette année-là, on a produit moins de la moitié de ce qu'il fallait uniquement pour nourrir les abeilles pendant l'hiver suivant. C'est ce que je vous disais tout à l'heure, que, quand les abeilles n'avaient pas suffisamment de miel, il fallait leur en donner pour qu'elles puissent passer l'hiver. Alors, c'était terrible! Imaginez-vous! Vous passez une année sans aucun salaire, aucun revenu et, en plus, vous allez en prendre quelque part – comme disaient les vieux, dans le vieux gagné, quand il y en a – pour pouvoir survivre. C'est terrible, vous savez!

Et c'est pour pallier à des situations comme celle-là qu'on a un régime d'assurance-récolte, M. le Président. C'est très important. Bien sûr, l'assurance-récolte, l'assurance-stabilisation, ça n'enrichit pas nécessairement les producteurs; ils ne seront pas nécessairement riches avec l'assurance. Mais ça leur permet d'affronter les fléaux de la nature et de rester en production pour être capables de profiter, l'année suivante, des bonnes conditions de la température. C'est pour ça que c'est indispensable et c'est pour ça que les producteurs agricoles considèrent que les assurances sont parmi les piliers de la production agricole au Québec, les piliers de notre système de production agricole. C'est pour ça que c'est important de le protéger. Et la meilleure façon de protéger notre système de production, de protéger, donc, notre système d'assurance, c'est de s'assurer qu'ils répondent aux besoins, c'est-à-dire qu'ils correspondent vraiment à la réalité.

Et de quoi se plaignent-ils, les producteurs, quand on va les voir? Parce que, vous savez, j'ai la chance d'être le député de Saint-Hyacinthe, le coeur de la production agricole au Québec, les fondements mêmes de notre économie à Saint-Hyacinthe. Alors, je suis toujours en contact avec eux. Et de quoi se plaignent-ils quand ils ont affaire avec les programmes de type économique comme l'assurance-récolte? Souvent, ils vont se plaindre d'une certaine rigidité, d'un certain manque de souplesse dans les programmes, qui fait que ça ne s'adapte pas tout à fait à la réalité, que ça ne les protège pas comme ça pourrait les protéger et mieux, au même coût ou à moindre coût.

Alors, c'est pour ça qu'il faut adapter les programmes à la réalité, et c'est ce que vise notre ministre de l'Agriculture en proposant les modifications que l'on retrouve dans le projet de loi 54, M. le Président. Donc, la première chose qu'on retrouve et qui est très importante – on n'entrera pas dans les détails, ce soir, parce qu'il y aura la commission qui traitera ces choses-là – la plus importante, c'est qu'on introduit de la souplesse dans la façon d'administrer le programme d'assurance. Vous savez, des programmes gouvernementaux, souvent, on dit: C'est trop rigoureux, c'est trop encadré, c'est trop réglementé, ça prend trop de formulaires, trop de paperasse. Eh bien, c'est à ce problème-là que ce projet de loi s'attaque. Il simplifie la procédure et il simplifie aussi la rigueur des règlements de façon à ce qu'on puisse vraiment correspondre aux besoins de façon plus particulière.

Je voudrais mentionner, d'une façon précise, un exemple de ce que j'avance. L'article 7 du projet de loi vient apporter remède à l'ancien article 34 qui disait: «Lorsque la cotisation exigible est perçue suivant les articles 35 ou 36, le paiement de cette cotisation doit parvenir à la Régie au plus tard le 31 août de l'année d'assurance.» Le nouvel article dit: «La cotisation d'un producteur est payable à la Régie au temps et selon les modalités fixés par règlement de la Régie.» Premièrement, c'est plus simple, c'est moins compliqué, c'est moins alambiqué, et ça permet au programme d'assurance de s'ajuster aux réalités changeantes de la production et du marché.

Une autre chose que l'on trouve, qui est très importante, dans ce projet de loi, évidemment, qui sous-tend ce que je viens de dire, c'est le réalisme, c'est-à-dire l'adaptation du programme d'assurance-récolte à la réalité concrète que vivent les producteurs agricoles. Et j'en vois un signe à l'article 1, mais surtout à l'article 10, M. le Président. À l'article 10, on peut lire que «la Régie peut corriger, à la hausse ou à la baisse, le rendement réel de la zone» ou, en tout cas, le rendement réel échantillonné sur le terrain. Elle peut le corriger, à la hausse ou à la baisse, «par rapport à la qualité de base déterminée par règlement pour chaque catégorie de récoltes», donc en fonction de la variation de la qualité constatée sur le terrain.

De façon concrète, qu'est-ce que ça veut dire? Par exemple, on va échantillonner, dans le champ, un champ de maïs. On va aller chercher à des distances particulières, de façon arbitraire, pour être sûr qu'on ne choisit pas les bons «spots», comme on dit, les bons endroits où la récolte est meilleure. Donc, en se fiant sur un modèle informatique, on va chercher, à des endroits précis, des échantillons. Alors, il faut calculer le nombre d'épis de façon à reporter ça à la quantité d'épis à l'hectare. Mais il faut tenir compte aussi, si on veut vraiment rendre justice aux producteurs, du développement de l'épi. Si on a des épis une année où il y en beaucoup, mais qu'il y a des grains seulement sur la moitié de l'épi et que l'autre partie n'est pas développée, alors, si on ne tient compte que de la quantité des épis, évidemment, on passe à côté du bateau et on ne rend pas justice au producteur.

Il faut tenir compte aussi du mûrissement de l'épi. L'épi qui n'arrive pas à mûrir parce qu'il y a eu un été trop pluvieux, pas de soleil, dont les grains sont en lin, bien, il faut en tenir compte. Il faut en tenir compte aussi si tous les épis sont remplis de parasites parce qu'il y a eu une infestation cette année-là. Donc, si on veut rendre justice aux producteurs agricoles, il faut tenir compte de la qualité. Ce que ce projet de loi présente, donc, c'est des améliorations à la situation actuelle pour tenir compte de la qualité et de la quantité de la récole de façon à ce que le producteur soit justement compensé si un désastre vient à le toucher.

Alors, comme vous le voyez, M. le Président, les modifications qu'on voit à ce projet de loi tiennent compte de différentes choses, mais tiennent compte, en particulier, de l'expérience développée par les producteurs agricoles sur le terrain. Elles tiennent compte aussi de l'expertise des fonctionnaires qui administrent ce projet de loi de façon à rencontrer les besoins des producteurs. C'est donc, ce projet de loi là, le fruit de la concertation orchestrée par notre ministre de l'Agriculture avec les producteurs et les fonctionnaires de la Régie des assurances pour être sûr d'aller donner le meilleur rendement possible dans l'assurance-récolte, donner une assurance qui corresponde vraiment aux besoins des producteurs et qui leur permette vraiment de prospérer et de faire prospérer ce secteur de notre économie. C'est pour ça, M. le Président, que les producteurs de la région de Saint-Hyacinthe sont heureux de remercier notre ministre de l'Agriculture qui, en améliorant ce projet de loi, leur permettra de mieux faire dans notre économie et de mieux vivre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi? Alors, je reconnais M. le ministre de l'Agriculture pour son droit de réplique. Tout en vous rappelant que vous avez un droit de réplique maximal de 20 minutes, à vous la parole, M. le ministre.


M. Marcel Landry (réplique)

M. Landry (Bonaventure): Merci, M. le Président. Je ne pouvais laisser passer l'occasion de répondre à certains questionnements soulevés par notre collègue de Shefford. Ce projet de loi, dans le fond, il vise une simplification au niveau administratif. Les producteurs et productrices agricoles du Québec nous ont souventes fois exprimé la tâche fastidieuse de remplir une foule de paperasses, ce qui gruge leur temps au niveau de la pratique de la profession agricole.

(21 h 20)

Dans l'administration de nos régimes, on constate souvent une multiplication de formules, de paperasse, le besoin de référer à différentes publications, de tout surveiller en même temps. Nous, ce qu'on pense là-dedans, par une simplification au niveau de l'aspect bureaucratique, c'est de permettre à nos agents techniciens de pouvoir faire un travail d'information auprès des producteurs et productrices et de simplifier l'aspect purement bureaucratique.

On pense aussi qu'il y va d'une certaine forme d'efficacité. En libérant un peu notre personnel de ces aspects-là – ces gens qui travaillent avec nous, ce sont, quand même, des spécialistes du monde agricole – eh bien, il peut consacrer plus de temps auprès des entreprises, donc fournir un service-conseil. Et ça, d'ailleurs, c'était un des constats et un des souhaits, des consensus, je devrais dire, du Sommet de l'agriculture de 1992. Producteurs, gens du ministère, intervenants bioalimentaires, tous s'entendaient sur la nécessité de bien informer les gens, mais de simplifier les aspects de procédure et tout ça. Alors, on y gagne en efficacité. C'est une question de souplesse, aussi, au niveau de l'administration. Ça aussi, c'étaient des souhaits largement formulés.

C'est une adaptation, une modernisation, aussi, des procédures. Je le mentionnais tout à l'heure, on s'adapte, dans le fond, au contexte des assurances. Aujourd'hui, nos renouvellements, dans le fond, au niveau des assurances, sont beaucoup plus simples. On met l'information importante, les couvertures, les primes, les clauses, les franchises, etc., tous les renseignements dont on a besoin, et ces renseignements-là vont être nécessairement inclus au certificat.

On a soulevé le problème du délai, la possibilité de correction s'il y a des erreurs et tout ça. Eh bien, c'est formellement prévu, et on se donne un délai de 60 jours. Mais il vaut de part et d'autre. Si, d'une part, lors de la prise de données, le producteur, à la ferme, constate une erreur, il a du temps pour formuler ses commentaires auprès de la Régie. À l'inverse, si on constate certaines erreurs de la part de la Régie, on peut... On peut se communiquer de part et d'autre l'information. Donc, on se donne des temps de travail qui permettent, justement, d'éviter les erreurs.

On vise aussi, évidemment, un meilleur service aux entreprises. Mais, avec les chiffres que notre ami d'en face soulevait tout à l'heure, je crois que nos producteurs et productrices font confiance, effectivement, à leurs outils de protection. Et l'avantage qu'on a – on parlait du régime de l'assurance-récolte qui a déjà 28 ans au Québec – bien, c'est que, même dans les révisions dont on parle au niveau de la stabilisation des revenus, on convient de l'importance de maintenir de tels régimes d'assurance-récolte car ils permettent de nous prémunir contre des facteurs incontrôlables, des facteurs naturels contre lesquels on ne peut rien.

Un autre élément que le député de Shefford soulevait, la question de la qualité des récoltes. Si on regarde l'historique des dernières années, la prise en compte de la qualité aurait amélioré la protection. Malheureusement, on n'avait pas tout ce qu'il fallait pour en tenir pleinement compte, et il est important de protéger nos entreprises à ce niveau. Dans le fond, j'ai souvent participé à des discussions, en région périphérique comme en région centrale, et ce que les gens recherchent en agriculture, c'est d'avoir la juste compensation par rapport à des contraintes naturelles avec lesquelles ils doivent vivre. Donc, il ne s'agit pas de pénaliser les gens; il s'agit de leur donner la juste compensation. Et, n'ayez crainte, là-dessus, les gens du milieu agricole ont l'oeil à leurs affaires.

M. le député de Shefford soulevait la crainte que le ministre s'en serve pour financer le manque à gagner. N'ayez crainte, je ne veux surtout pas, par ce moyen, financer les 34 000 000 $ de coupures du budget Bourbeau du printemps 1994. On veut corriger des problèmes qui se posent à l'administration du régime et le rendre plus efficace. Et cet aspect-là m'apparaît essentiel aussi en termes de fonctionnement des entreprises. Quand on parle d'amoindrir la paperasse, je crois qu'on peut atteindre cet objectif-là en assurant convenablement nos entreprises.

La question des prélèvements. On dit que la Régie peut conclure, avec les organismes administrant les plans conjoints, des ententes pour voir à la perception. Peut-être que certains groupes administrant des plans conjoints voudront se prévaloir de cette mesure-là, peut-être que d'autres ne le voudront pas. Ou ce pourrait être d'autres modèles, parce que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et marins prévoit d'autres modalités au niveau de la mise en marché ordonnée. On parle des centres de coordination et de développement qui pourraient, à certains égards, faire office de mode de regroupement.

Alors, on ne pénalise pas les gens. Voyez-vous, l'organisation agricole au Québec, depuis plus de 70 ans, s'est développée grâce à certains outils collectifs voulus par une très large majorité d'agriculteurs et d'agricultrices. Et ça leur a permis, justement, de bâtir au Québec une agriculture prospère, d'aller chercher le plus possible leur juste prix dans les marchés. Malheureusement, aucun système n'est parfait et il a fallu prévoir des modalités pour améliorer le revenu des entreprises. Alors, on s'est donné des régimes d'assurance-stabilisation. Alors, quand on dit qu'on risque de pénaliser les producteurs et productrices, au contraire, nous leur permettons de se donner une méthode simple de financement de leurs plans conjoints ou modes de regroupement de commercialisation selon leur bon vouloir. Et je pense que, ce faisant, tout en livrant le service d'assurance, on consolide des piliers de l'organisation agricole au Québec.

(21 h 30)

Et le Sommet de l'agriculture de 1992 insistait, d'ailleurs, largement sur la mise en marché ordonnée des produits au Québec, et il y avait là un consensus de tous les paliers du secteur bioalimentaire. Alors, il m'apparaît important qu'on permette, justement, aux modes de regroupement de pouvoir s'administrer et fonctionner de façon efficace aussi. Et, dans nos sociétés démocratiques, on a accepté ce qu'on appelle communément la formule Rand. Ça n'oblige pas la personne à adhérer comme individu, mais, lorsque la majorité des gens dans un secteur donné décide de se donner une formule de regroupement, une formule collective, eh bien, sans être obligé d'en être membre, on a à payer sa quote-part pour les services rendus, ce qui ne nie jamais à personne le droit de faire opposition. Et le critique d'en face, qui est homme de terre et homme de loi, devrait, selon moi, facilement comprendre que ces règles démocratiques, elles jouent aussi dans nos organismes.

M. le Président, on me dit que mon temps est écoulé. Alors, je conclurai là-dessus. C'est un projet important et qui simplifie le fonctionnement de nos régimes. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, le principe du projet de loi 54, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, nous prenons acte de cet appui et nous remercions le député de Shefford et l'opposition.


Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

À ce moment-ci, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, à ce moment-ci, nous pourrions parler d'Hydro-Québec, et je vous prierais d'appeler l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi 53


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, à l'article 5 du feuilleton, M. le ministre des Ressources naturelles propose l'adoption du principe du projet de loi 53, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec. Je vais donc reconnaître M. le ministre des Ressources naturelles, tout en vous rappelant, M. le ministre, que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole.


M. François Gendron

M. Gendron: Merci, M. le Président. Quelques jours avant la période des fêtes, j'avais l'occasion, comme ministre des Ressources, de déposer ici, en cette Chambre, un projet de loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec. Essentiellement, le projet de loi, dans ce qu'on appelle ses notes explicatives qui nous indiquaient le sens ou le principe de ce projet de loi, était pour abolir les fonctions actuelles de président du conseil et chef de la direction ainsi que la fonction de président et chef d'exploitation de cette société. Par ailleurs, il créait, le projet de loi, un nouveau poste de président du conseil d'administration nommé par le gouvernement ainsi qu'un poste de président-directeur général nommé par le conseil d'administration, mais avec l'approbation du Conseil des ministres.

L'objectif de ce projet de loi, M. le Président, c'est de vouloir donner à Hydro-Québec une structure qui lui permette de s'engager avec la meilleure des assurances dans cette nouvelle phase de son développement pour les années futures, parce que Hydro-Québec a toujours constitué un actif primordial pour la société québécoise, et nous voulons nous assurer que cela se continue pour l'avenir, mais pas nécessairement avec exactement la même responsabilité, eu égard à ce qu'il a été dans cette période de croissance de la demande hydroélectrique, où il fallait concevoir, pour être en mesure de répondre à cette demande grandissante dans l'époque postindustrielle, des mégaprojets, le harnachement de rivières et de cours d'eau, de nappes importantes, afin qu'Hydro-Québec soit en mesure de répondre à la demande.

Depuis 1944, donc il y a 50 ans, Hydro-Québec a su s'imposer et devenir une entreprise de tout premier ordre dont la renommée dépasse largement toutes nos frontières. Il n'y a pas une société d'État aujourd'hui qui occupe une place aussi importante dans la vie de chacun et chacune d'entre nous et qui joue un rôle aussi présent, aussi prépondérant dans la société québécoise et dans toutes les régions du Québec.

Cette importance apparaît immédiatement quand on constate la place tout à fait exceptionnelle de l'électricité chez nous. Et quand je dis «électricité», je devrais plutôt dire «l'hydroélectricité», puisque notre production électrique est à plus de 80 % hydraulique. Au Québec, on a recours à l'électricité pour combler près de 42 % de nos besoins en énergie. C'est sûr que ça donne une couleur particulière à notre bilan énergétique, parce qu'il n'y a pas beaucoup de pays dans le monde où l'hydroélectricité, une énergie propre, douce, renouvelable, où cette forme d'énergie occupe la première place. Parce que nous produisons près de la moitié de l'énergie dont nous avons besoin, nous nous assurons un degré important d'autonomie énergétique, et c'est important qu'il en soit ainsi. Nous avons donné, jusqu'à récemment, priorité à l'hydroélectricité. On a pu d'ailleurs, par cette primauté accordée à l'hydroélectricité, abaisser de façon significative nos émissions de gaz carbonique, nos émissions de SO2, nos émissions d'oxyde d'azote. Il s'agit là, à notre échelle, d'une contribution à l'assainissement de l'environnement dont nous ne sommes pas les seuls à bénéficier, parce que, tout le monde le sait, il n'y a pas de frontières dans l'atmosphère.

Enfin, parce que nous avons mis en valeur une de nos grandes ressources naturelles, nous avons eu accès à un développement économique dont tous les Québécois ont profité et profitent encore. Comme société, nous avons déjà profité d'avantages considérables parce que nous avons pu compter sur l'hydroélectricité et sur l'entreprise qui a toujours eu comme mission première, parce que c'est dans la loi d'Hydro, de nous alimenter en énergie électrique au meilleur coût possible.

Il y a d'autres choses dans la loi d'Hydro, mais une des responsabilités premières d'Hydro-Québec, c'est de tout mettre en oeuvre pour fournir les mégawatts requis au plus bas coût possible; c'est ça, le mandat d'Hydro-Québec, essentiellement. Au fil des ans, c'est évident qu'Hydro-Québec a joué d'autres dimensions, d'autres réalités, que ce soit en recherche, en développement, la dimension internationale et la dimension développement régional, une présence dans toutes les régions du Québec, une décentralisation. Elle n'est jamais ce qu'on devrait souhaiter, c'est légitime, c'est une grosse société d'État, mais Hydro-Québec a fait de nombreux efforts pour être présente sur tout le territoire québécois, pour avoir un rayonnement, et elle l'a fait également dans les lignes de distribution, dans tout le système, d'assurer une distribution de cette énergie-là.

Il est bon également de rappeler qu'Hydro-Québec et le secteur d'électricité ont un poids considérable sur l'économie du Québec. C'est important, le poids économique d'Hydro-Québec. À elle seule, l'industrie de l'électricité est responsable de plus de 93 % des investissements du secteur de l'énergie et, donc, plus de 10 % de l'ensemble des investissements dans toute l'économie du Québec. C'est Hydro qui est, et de loin, et de fort loin, la plus grosse entreprise de l'industrie québécoise de l'électricité. Hydro-Québec a investi, selon les dernières estimations, tout près de 3 500 000 000 $ uniquement en 1994, 3 500 000 000 $ d'investissements en 1994, et ça, malgré une baisse importante par rapport à l'année précédente. Et, je l'ai dit assez rapidement tantôt, c'est évident que ça a des incidences sur l'économie du Québec et c'est pour ça qu'il faut diversifier, c'est pour ça qu'il faut trouver de nouvelles vocations. On ne peut pas ne pas tenir compte de la réalité d'aujourd'hui qui fait qu'on doit diversifier nos sources d'énergie, qui fait également qu'on doit se poser des questions sérieuses. Est-ce que le moment n'est pas venu ou c'est plus avantageux pour la société québécoise de produire ce qu'on appelle communément, dans le jargon, des «négawatts» plutôt que des mégawatts? Et la notion de «négawatt» est toute la dimension de l'efficacité énergétique. Est-ce qu'il y a lieu d'y trouver une forme d'économie intéressante dans le renforcement et une meilleure performance au niveau des programmes d'efficacité énergétique? Il faut fouiller ces questions-là, et on aura l'occasion de le faire par un vaste débat sur l'énergie que je souhaite tenir au cours de l'année 1995 avec tous les partenaires de l'énergie pour que nous trouvions des réponses à ces questions-là.

(21 h 40)

C'est Hydro-Québec qui est, en 1993, parce que je parlais de la valeur et de l'ampleur des investissements... En 1993, à titre d'exemple, elle avait versé tout près de 1 500 000 000 $ en salaires bruts et consacré plus de 1 800 000 000 $, près de 2 000 000 000 $ à l'achat de biens et de services dans l'ensemble de la société québécoise. C'est donc l'une des entreprises québécoises les plus actives dans le domaine de la recherche et le développement.

Hydro-Québec consacre aussi beaucoup d'argent et d'énergie à la recherche tout autant dans le but d'améliorer ses performances dans la production, dans le transport et l'utilisation de l'électricité que pour explorer toutes sortes d'avenues nouvelles. De fait, par les budgets et les efforts qu'elle y consacre depuis de nombreuses années, Hydro-Québec est l'entreprise qui a le plus fait au Québec pour la découverte, la mise au point et l'utilisation de nouvelles technologies. C'est sans doute Hydro qui a le plus contribué à faire avancer la connaissance scientifique dans plusieurs domaines, dont, bien sûr, celui de l'environnement.

Tout ça pour vous dire qu'Hydro-Québec est un partenaire majeur dans le développement de la filière hydrogène également. Elle est le maître d'oeuvre du projet-pilote Euro-Québec Hydro-Hydrogène, qui a donné naissance récemment à l'autobus à l'hythane, où j'ai eu l'honneur de voir cette conclusion d'expérience heureuse de recherche dans le domaine de l'hythane, et c'est un autobus qui devra circuler bientôt dans les rues de Montréal, dans quelques semaines. Et il y a d'autres projets prévus liés à cette recherche énergétique variée.

Quand il est question d'énergie, M. le Président, Hydro-Québec répond presque toujours: Je suis là; nous sommes présents; ça nous intéresse. La société s'est engagée dans l'exploitation d'une autre énergie renouvelable, l'énergie éolienne, pour laquelle nous démontrons un fort potentiel, pour l'instant... spatial. Je vois mon collègue de Matane qui est intéressé par ces questions-là, et ce n'est pas du vent que je vous propose. Mais il est important, dans le monde d'aujourd'hui, par rapport aux économies d'énergie, d'une part, et les sources nouvelles d'énergie, d'autre part, de regarder, comme société qui vibre aux mêmes réalités que le reste du monde moderne, si on ne pourrait pas jouer une présence plus forte également dans le secteur éolien.

Elle exploite également avec doigté une centrale nucléaire parmi les plus performantes en Amérique du Nord. Hydro-Québec cherche et, parfois, trouve. À ce sujet, je me contenterai de rappeler qu'elle développe actuellement une voiture à moteur-roue électrique, une voiture à moteur-roue électrique promise à un très grand avenir. On a fait récemment la fierté de tous les Québécois à Anaheim, en Californie, où c'était le concept d'Hydro-Québec qui, vraiment, était l'intérêt international, mondial. Et c'est un objet de fierté pour tous les Québécois, toutes les Québécoises. Il s'agit, bien sûr, d'un projet immensément révolutionnaire qui a un impact considérable pour améliorer la qualité de l'air dans les grands centres urbains de toute l'Amérique du Nord. Et l'âme de cette découverte, M. Pierre Couture, est l'objet d'une très grande fierté de tous ces nombreux chercheurs québécois. Connaissant sa détermination, son courage et sa volonté de rester un des nôtres, il veut absolument rester avec nous autres, les Québécois, et parfaire, développer le concept jusqu'à sa pleine et entière réalisation, que nous souhaitons dans quelques années d'une façon... à l'échelle commerciale.

Hydro-Québec a, depuis le tout début de son existence, puissamment contribué à nous démontrer que nous pouvions faire de très grandes choses. Elle nous a fait prendre confiance en nous; elle nous a donné la mesure réelle de nos capacités entreprenantes. Ici comme ailleurs, le travail d'Hydro-Québec International, de Nouveler, les succès de nos ingénieurs partout dans le monde font la fierté de tous ces Québécois et ces Québécoises.

M. le Président, je pourrais m'étendre très longuement sur les réalisations dont nous sommes collectivement redevables aux hommes et aux femmes qui ont oeuvré au sein de cette société d'État. Il y a 50 ans, les Québécois n'étaient pas tellement présents et pas tellement nombreux dans des postes de commande, clés, au niveau du secteur de l'énergie. Ils ont pu, grâce à Hydro-Québec, développer un savoir-faire solide et une expertise exceptionnelle et, bien sûr, connaître des succès sans précédent. Grâce à notre potentiel hydroélectrique et à Hydro-Québec qui l'a mis en valeur, partout dans le monde entier les Québécois présentement sont reconnus pour leur compétence dans la gestion des grands projets, dans le transport de l'énergie sur de très longues distances, dans la modélisation et dans la gestion de réseaux complexes de transport et de distribution d'énergie. On leur reconnaît aussi un rôle de pionniers audacieux ayant accumulé, au cours des ans, de très nombreuses réussites. Pensons, par exemple, à la première ligne de transport de 735 kV et à celle, un peu plus tard, de 765 kV. Pensons à ces premiers très grands barrages à voûtes multiples, à la première traversée sous-fluviale à courant continu à 450 kV. Et on pourrait continuer la liste.

Hydro-Québec a été un facteur clé de notre affirmation économique en cherchant à s'acquitter le mieux possible de sa mission fondamentale, c'est-à-dire répondre aux besoins d'énergie électrique au meilleur coût et aux meilleurs conditions possibles. Elle a démontré que nous, Québécois et Québécoises, pouvions réaliser de très grandes ambitions et que nous pouvions être très fiers de ce que nous pouvons réaliser.

C'est à cause de tout cela que nous avons le devoir aujourd'hui, comme gouvernement, de nous assurer qu'Hydro-Québec doit continuer à jouer ce rôle de leader économique et social et pouvoir répondre au défi d'aujourd'hui, au défi de revoir un nouveau déploiement qui, d'après nous, nous oblige à apporter des modifications à la structure même de sa gestion de plus haut niveau.

M. le Président, nous croyons que l'entreprise dispose toujours d'une structure adaptée aux conditions qui prévalent. C'est la raison pour laquelle il est normal que le gouvernement modifie la composition du conseil d'administration et sa structure de gestion afin de tenir compte de l'évolution constante et rapide des méthodes de gestion des entreprises et du rôle, bien sûr, de plus en plus significatif d'Hydro-Québec dans l'activité diversifiée de l'ensemble de l'économie québécoise et de ses régions. Il est nécessaire de distinguer clairement dans la structure même de cette société le rôle de gestion des activités du rôle d'élaboration de participation d'Hydro-Québec à des créneaux que le gouvernement veut privilégier. Il nous apparaît maintenant que le moment est venu de procéder à de tels changements.

D'ailleurs, depuis 1989, M. le Président, la société d'État est dirigée à la fois par un président du conseil et chef de la direction ainsi que par un président et chef de l'exploitation. Une telle structure de direction, même si elle n'est pas unique, est quand même particulière, quand même spéciale. Elle ne permet pas notamment, cependant, d'après nous, d'identifier clairement et avec beaucoup de précision les tâches respectives des deux présidents. Et je l'ai même entendu. Il y a deux présidents à Hydro: il y a un président et chef de l'exploitation puis un président et chef de la direction. Et, pour ajouter également à la confusion, les deux présidents présentement sont choisis par le gouvernement, parmi les membres du conseil, donc nommés par le gouvernement.

Dans un contexte où l'énergie est en évolution constante, il importe que les lignes d'autorité soient clairement définies pour que la société d'État puisse s'adapter rapidement aux nouvelles règles du jeu et qu'elle continue d'être un acteur bénéfique au sein de la société québécoise.

C'est pourquoi, M. le Président, on propose, par le projet de loi dont on veut voir adopter le principe ce soir, d'abolir les deux postes de président et, bien sûr, de déposer une nouvelle proposition. Parce qu'on ne peut pas qu'abolir les postes, avec tout ce que je viens de dire d'Hydro-Québec. On veut qu'elle continue à relever les défis et, en conséquence, on pense que les changements qu'on propose s'appuient sur des modifications profondes, des mutations profondes de la société québécoise.

(21 h 50)

Nous sommes convaincus, M. le Président, que ce nouveau défi amène un renouvellement des moyens que nous devons mettre en place pour faire face à cette nouvelle réalité. Et, à défaut de s'ajuster à notre réalité actuelle, nous pourrions générer une confusion de mauvais aloi dans les rôles des deux présidents tels qu'ils sont conçus aujourd'hui. On constate d'ailleurs qu'il arrive que l'histoire se réécrive et que notre proposition présente certaines ressemblances avec des structures qui ont déjà existé. On n'invente pas les boutons à quatre trous. C'est une structure qui a déjà existé. Je le ferai en commission parlementaire, article par article, pour dire que, à certaines époques, ce que nous proposons aujourd'hui, nous l'avons déjà vécu. Et nous croyons que la logique du temps nous donne parfois raison, et, dans le présent cas, nous, ça nous fait plaisir de nous soumettre à cette logique du temps.

Tout d'abord, le premier changement qu'on propose, c'est que la société d'État soit dirigée par un président du conseil d'administration qui serait nommé par le gouvernement parmi les membres du conseil. Mais son mandat consisterait à définir la démarche qu'entend suivre Hydro-Québec pour inscrire sa contribution au développement de l'ensemble du Québec. Et on pense qu'il appartient à ce président du conseil de soumettre au gouvernement les politiques d'action et les éléments structurants de l'intervention de l'entreprise, c'est-à-dire les changements qui sont nécessaires et qui amèneront collectivement, sur tous les plans, l'ensemble des Québécois à profiter de changements aux niveaux social, environnemental et économique.

En termes plus clairs, j'ai l'habitude de dire: Le moment est venu, je pense, que l'actionnaire principal soit en mesure d'avoir voix au chapitre par la société d'État Hydro, et, ce lien entre l'actionnaire et le président du conseil, on veut qu'il soit continu. Et il est clair, à ce moment-là, que le président serait chargé, bien sûr, de présider les réunions du conseil d'administration, de voir au bon fonctionnement du conseil d'administration de la société d'État, mais, regardez bien, M. le Président et parlementaires de cette Chambre, il serait pleinement et uniquement responsable des relations de la société avec le gouvernement. Il serait, je répète, responsable des relations de la société avec le gouvernement. Bien sûr, il assumerait toute autre fonction que pourrait lui confier le conseil d'administration d'Hydro-Québec, mais, nous, comme gouvernement, on veut qu'il y ait une fonction principale, c'est donner suite à un certain nombre d'orientations que le gouvernement veut prendre, et, pour certaines de ces orientations-là, nous souhaitons qu'Hydro-Québec joue un rôle majeur.

Le deuxième changement que nous proposons, M. le Président, a trait à la création d'un poste de président-directeur général, comme ça existe dans la plupart des grandes corporations. Cette personne-là serait nommée par le conseil d'administration avec l'approbation du gouvernement. Ce président-directeur général ne serait pas issu du conseil d'administration, mais en ferait partie après sa nomination. Donc, c'est un rôle de gestion, un gestionnaire... c'est-à-dire, oui, un gestionnaire de la boîte, de l'interne, des fonctions internes.

Une entreprise de l'ampleur d'Hydro doit reposer non seulement sur une saine gestion, mais elle doit être aussi à l'avant-garde de toutes les écoles. Elle doit assurer une utilisation optimale des immenses ressources qui sont mises à sa disposition. Elle doit être l'exemple à suivre et une inspiration pour tous les Québécois et toutes les Québécoises. Ce président sera donc responsable de l'administration quotidienne de la direction de la société et, si le conseil d'administration décide de lui confier d'autres responsabilités, bien, libre à lui, et tout ça pour un mandat de cinq ans.

À notre avis, M. le Président, cette nouvelle structure présente des avantages majeurs. Il s'agit d'abord d'une structure familière, une structure commune, avec un président du conseil d'administration et un président-directeur général. La structure corporative d'Hydro s'apparente davantage à celle qu'ont adoptée, pour des raisons d'efficacité d'ailleurs, la majorité des grandes entreprises. Cela correspond d'ailleurs au modèle ontarien. Le modèle ontarien est exactement sur cette base-là, où la Loi sur la Société de l'électricité prévoit effectivement que le conseil d'administration d'Ontario Hydro est dirigé par le président du conseil d'administration qui est nommé par le lieutenant-gouverneur. Le conseil nomme, par ailleurs... le conseil d'administration d'Hydro Ontario nomme, par ailleurs, le président-directeur général qui, lui, est un employé de la société.

En utilisant des termes et une structure bien connus du monde des affaires et de la population en général, nous croyons qu'on élimine une certaine source et forme de confusion.

De plus, la structure met en évidence le rôle prépondérant du président du conseil d'administration par rapport à celui du président-directeur général. Et cette prépondérance est accentuée par le fait que le premier est nommé par le gouvernement alors que le deuxième est choisi par le conseil d'administration. On pense que les choses seront plus claires pour chacun des personnels oeuvrant à Hydro-Québec.

Avec la proposition que nous faisons, M. le Président, il y a, dans la ligne hiérarchique, le gouvernement en tant qu'actionnaire unique de la société d'État puis il y a le président et son conseil d'administration. Ça n'enlève rien, d'après nous, à l'autorité du président-directeur général sur l'entreprise dans la gestion quotidienne, au contraire; parce que le directeur général de la boîte, il a une fonction: suivi, administration, gestion, et il reçoit ses mandats du président du conseil d'administration d'Hydro. Mais il y a un lien direct entre l'actionnaire principal, qui est le gouvernement, et la nomination de cette personne qui préside aux destinées du conseil d'administration d'Hydro-Québec.

M. le Président, je suis persuadé que ce projet de loi va rendre la société d'État plus en mesure de relever efficacement et rapidement les nombreux défis qui se présentent et je suis convaincu que mes collègues de cette Assemblée vont concourir à l'adoption du principe de ce projet de loi. Et c'est pourquoi, M. le Président, j'en recommande son adoption. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre des Ressources naturelles.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion, porte-parole de l'opposition en matière de ressources naturelles, tout en vous rappelant que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole, M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Je vous avise tout de suite, M. le Président, que je ne prendrai pas 60 minutes pour répondre au ministre. M. le Président, on vient d'assister... Je commencerais en disant que je pense que l'énergie éolienne a de l'avenir. On a entendu beaucoup de vent, M. le Président, beaucoup de vent, parce que... Ha, ha, ha! Et juste du vent, je dirais. Le ministre a pris la moitié de son discours pour nous décrire et faire l'éloge d'Hydro-Québec. Il nous a dit l'importance d'Hydro-Québec au niveau de l'économie, combien c'est magnifique d'avoir de l'hydroélectricité, parce que ça nous a permis de réduire nos émissions de CO2 et de sulfate, etc., et donc d'être bénéfique à l'environnement. Il nous a dit qu'Hydro-Québec fait de la recherche, puis qu'on est fiers de ça. Il nous a dit que c'était une magnifique entreprise qui a suggéré des grands travaux et des lignes de transmission, qui a développé des expertises dans des secteurs de pointe, etc., M. le Président. Il nous a décrit toutes les activités d'Hydro-Québec. Il nous a dit: Voilà, nous avons une entreprise qui, non pas entend faire ces choses-là dans l'avenir, mais les fait déjà. Et, après ça, il a fait un saut sans assurer le lien avec sa prémisse, il a fait un saut pour justifier, à partir de ce qu'Hydro-Québec fait déjà très bien depuis bon nombre d'années, la nécessité de changer la structure de direction pour l'avenir.

Mais il ne nous a pas dit, par exemple, quels sont ces éléments d'avenir qui nécessitent ce changement de structure. Il ne nous a pas dit un mot, par exemple, sur toute... Et ça m'étonne, parce que s'il y a un dossier qui va avoir nécessairement un impact majeur au niveau de comment la distribution de l'énergie s'effectue et surtout de l'électricité sur le territoire dans les prochaines années, c'est certainement toute la question de la déréglementation du secteur, de la possibilité qu'auront probablement les gens d'aller chercher des producteurs en dehors des frontières du Québec en utilisant les lignes de transmission d'Hydro-Québec pour livrer, des fois même – et ça se fait déjà dans certains pays du monde – à des maisons spécifiques ou à des industries spécifiques. Il ne nous a pas dit un mot sur ça.

(22 heures)

Si on avait tellement besoin de changer et de chambarder la structure actuelle, j'aurais cru qu'au moins ça aurait été lié à des choses qui, véritablement, s'en viennent, en prévision de quelque chose qui est imminent, qui nécessite une prudence, une prévision. Mais non, le ministre nous a parlé de tout ce qu'Hydro-Québec fait, grâce, d'ailleurs, surtout à des gouvernements libéraux successifs, M. le Président. Très bien. Et, après ça, il nous dit: On doit donc changer la structure pour l'avenir. Et, pour ce faire, M. le Président, on retourne dans le passé. Presque de façon mot à mot ou identique, la structure que nous propose le ministre existait en 1978, exactement la même chose, instaurée par le même gouvernement d'époque.

En 1983, M. le Président, ce même gouvernement, après avoir instauré le système, dans le temps, qu'il réintroduit aujourd'hui, constate qu'il y a des problèmes et remodifie, modifie ce qu'il avait instauré en 1978. Comment? Bien, en enlevant, justement, la mention précise qui existait dans la loi, à l'époque, que le président du conseil d'administration était le seul qui avait le rôle et la responsabilité des liens avec le gouvernement, et en nommant, dans le temps, sur le conseil d'administration, le directeur général qui, jusque-là, n'était pas membre du conseil d'administration. Alors, après l'avoir essayé pendant cinq ans, ils constatent, en 1983, qu'il y a des problèmes qui sont survenus avec sa structure et ils l'ont modifiée.

En 1988, la modernité, finalement, est arrivée, puis on a créé cette structure-là qui n'est pas une structure bicéphale. Il est assez clair que le président et chef des opérations relève du président et chef de la direction, et ça correspond à ce qu'un grand, grand nombre de grandes entreprises font à travers l'Amérique du Nord. Aux États-Unis, par exemple, on a un «chief executive officer» et un «chief operating officer».

En tenant compte du fait que, d'une part, le ministre ne nous a pas indiqué véritablement quels sont les nouveaux défis qui obligent un changement de structure de cette nature-là – ce n'est certainement pas pour mieux développer, je ne sais pas, moi, le moteur électrique qu'on change la structure – j'arrive à la conclusion que le ministre poursuit d'une autre façon, d'une façon un peu plus indirecte, ce que d'autres secteurs de son gouvernement ont fait très directement depuis l'accession au pouvoir du Parti québécois. Je soupçonne fortement que ce soit une façon détournée d'avoir la tête du président chef de la direction d'Hydro-Québec. Je ne sais rien, s'il va rester ou non, s'il va sentir avoir la confiance du gouvernement quand le gouvernement lui dit: On ne veut rien savoir de toi au niveau des relations avec le gouvernement, et on va placer – placer – quelqu'un qui va être le seul responsable des liens avec le gouvernement. Je vous gage déjà, M. le Président, que celui qui sera nommé président du conseil d'administration et responsable des relations avec le gouvernement sera un ami du régime, quelqu'un, on va dire, avec lequel le gouvernement se sent à l'aise.

M. le Président, si, véritablement, le ministre ou le gouvernement sent le besoin d'avoir un lien pour passer, si j'ai bien compris, les messages au niveau des orientations de la société, il ne nous a certainement pas démontré pourquoi la structure actuelle ne permet pas de le faire, quand on sait que c'est le gouvernement qui nomme le président et chef de la direction, quand on sait que le gouvernement est le seul et unique actionnaire d'Hydro-Québec. Il faudra vivre dans un monde de fantaisie, Alice au pays des merveilles, pour ne pas croire aussi que le gouvernement, peu importe qui sera le gouvernement, parle avec le président et chef de la direction et lui indique clairement quelles sont les orientations et les préférences du gouvernement et, au moins, un président et chef de direction qui, de façon continue, permanente, quotidienne, est là pour veiller à l'orientation et la direction de l'entreprise, une entreprise extrêmement importante, comme l'a bien souligné le ministre... bien, il est au moins en position d'offrir au gouvernement une véritable image des conséquences, des embûches, des difficultés, des choses qui s'en viennent vis-à-vis ce qui pourrait être proposé par le gouvernement comme orientation. C'est-à-dire, si on maintient le système actuel, et on a des gens qu'on considère compétents, efficaces, professionnels qui sont là pour exercer les fonctions de président et chef de la direction au compte du seul et unique actionnaire, on devrait normalement conclure que c'est le système qui nous permettra le mieux d'avoir, comment pourrais-je dire, un point de vue, un échange entre le gouvernement vis-à-vis les orientations qu'il veut donner et l'entreprise qui permet, justement, au gouvernement de saisir non pas ce qu'il veut bien entendre... Parce que ce qu'on va créer ici, M. le Président, on va nommer quelqu'un qui va tout simplement être le porteur vis-à-vis Hydro-Québec du point de vue gouvernemental, c'est-à-dire, on va placer quelqu'un qui va exécuter ce qu'on demande, ce qu'on dit, puis qui va s'assurer que l'entreprise l'exécute, mais sans jamais nécessairement avoir le sens critique que quelqu'un qui est un peu plus indépendant pourrait avoir. Et ça, c'est un risque, un risque qui pourrait nous coûter cher au bout de la ligne si, effectivement, le résultat, c'est de faire la mainmise politique clairement par le gouvernement sur l'entreprise, en mettant sous tutelle ni plus ni moins le P.D.G., le directeur général, sous quelqu'un dont le seul mandat est non pas à temps plein, à moins qu'on crée un autre poste à temps plein, ce que je n'ai pas compris de la part du ministre, mais qui agit comme haut-parleur politique au nom du gouvernement vis-à-vis le directeur général. Et je dis que c'est une façon détournée de faire ce qu'on n'a pas pu faire... ce qu'on n'a pas voulu faire probablement directement, M. le Président. Si le résultat est celui qu'on peut imaginer au niveau des personnes qui sont en poste à l'heure actuelle, ou tout au moins le président et chef de la direction, ça aurait été une façon détournée de faire ce qui a été fait avec bon nombre de hauts fonctionnaires pour lesquels il n'y avait pas de raison, au niveau de leur compétence, de leur professionnalisme, de les changer, de les mettre de côté, et pour lesquels on a payé, des fois, des primes importantes.

Mais, M. le Président, vous comprendrez qu'on ne peut pas être d'accord avec ce genre de modification, parce qu'il n'y avait rien dans le discours du ministre qui nous a expliqué la vraie nécessité de le faire. Prenez la peine de relire un peu les galées, vous allez constater que, comme j'ai dit, il y avait beaucoup de vent, un bon avenir pour l'énergie éolienne. Une erreur aussi dans le discours du ministre. Je lui suggère de revérifier ce qu'il a affirmé comme exemple qu'il nous a donné vis-à-vis la structure d'Hydro-Ontario. Je ne crois pas que c'est exact. Je crois que la structure actuelle d'Hydro-Ontario est celle d'Hydro-Québec d'aujourd'hui. Donc, il est faux de nous dire qu'Hydro-Ontario, par exemple, a la structure que nous propose le ministre ici. Je lui demanderais de refaire ses vérifications et, si je n'ai pas raison, je m'excuserai. Mais je m'attends à ce que le ministre s'excuse aussi si c'est la version que je prétends qui a raison vis-à-vis la structure actuelle d'Hydro-Ontario.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, je ne prendrai pas les 60 minutes qui me sont allouées pour aller au-delà de ces critiques, si vous voulez, mais, véritablement, le gouvernement ne nous a pas expliqué pourquoi il veut tout simplement retourner en arrière et réessayer une formule qu'il a lui-même été obligé de modifier cinq ans plus tard, si ce n'est qu'il y a effectivement un agenda caché que le ministre pourrait, s'il le veut bien, nous expliquer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce projet de loi? Alors, M. le ministre des Ressources naturelles pour votre droit de réplique. Je vous cède la parole, M. le ministre.

(22 h 10)


M. François Gendron (réplique)

M. Gendron: Oui, M. le Président. Ma première phrase, ce serait sûrement pour un commentaire d'étonnement, parce que le commentaire du député de Laurier-Dorion, d'entrée de jeu, était qu'il y avait beaucoup d'avenir pour l'éolienne parce qu'il n'y avait que du vent dans les propos que j'aurais eus lors de la présentation. Et il a pris lui aussi un bon huit à 10 minutes pour louanger tous les aspects réels de mérite qu'on doit attribuer à Hydro-Québec quant à la recherche, quant au développement extraordinaire qu'Hydro-Québec a connu sur le plan des régions, sur le plan international. Et, dans mon livre à moi, cette performance qu'on doit souligner, qui fait qu'Hydro-Québec a une notoriété très large, ce n'est pas du vent, c'est une réalité. On le doit à tous ces hommes et ces femmes, ces dirigeants qui ont pris le mandat au sérieux de faire que nous puissions développer une très vaste expertise au niveau de l'énergie hydroélectrique ou de l'hydroélectricité, que ça soit dans le développement des barrages, que ça soit dans les lignes de transport à haute tension sur des grandes distances. Ça, à ma connaissance, ce n'est pas du vent. Bon, je ne vais pas plus loin sur cet aspect-là.

Deuxième aspect, de me dire qu'on n'a pas eu l'occasion d'indiquer pourquoi je pense qu'il y a lieu d'apporter des changements alors que je crois, à trois, quatre reprises, avoir indiqué très clairement qu'en 1994 la grande responsabilité première d'Hydro-Québec, à savoir de répondre à cette croissance progressive de la demande suite à ce qu'on appelle un développement industriel significatif majeur avant cette fameuse récession qui a coûté très cher au Québec... Mais, comme il y avait un gouvernement responsable à l'époque, en 1982, rapidement le Québec a pu sortir de cette récession et récupérer un certain nombre d'emplois. Mais, pas tard après, est arrivé ce que vous savez; est arrivé un gouvernement qui a pris neuf ans sans rien décider, à regarder passer les parades, la température et autres choses. Et là on est retombés, M. le Président, dans une récession sans précédent. Même si l'économie allait bien, on se faisait parler de quoi? Redressement des finances publiques, de coupures, de ralentissements puis d'urgence de choisir puis ainsi de suite. On n'a pas choisi grand-chose, puis vous savez le résultat. En 1993-1994, on se ramasse avec un déficit d'opération de 6 000 000 000 $ – il faut le faire – avec un gouvernement qui, pendant quelques années, nous a promis qu'il ferait quelque chose, puis il ne s'est rien passé.

Le virage, il me semble que c'est assez clair, M. le député. Le virage, il faut qu'Hydro-Québec joue un rôle différent de celui qu'il a connu jusqu'à date. Ce n'est pas compliqué. Il faut que, dorénavant, le conseil d'administration prenne des décisions qui sont liées aux priorités de ce gouvernement-là. En septembre dernier, il y a eu un changement de gouvernement, puis il y a eu un gouvernement qui a dit qu'il mettrait l'accent sur les régions du Québec, sur le plein emploi, sur la diversification de l'économie. Et il me semble qu'une société aussi d'envergure qu'Hydro-Québec, aussi présente dans toutes les régions du Québec, doit jouer un rôle d'accompagnateur, doit jouer un rôle de stimulation du développement économique, doit également, par le sommet sur l'énergie, questionner des façons de faire.

Et, quand je dis ça, ce n'est pas parce qu'aujourd'hui la décision du ministre des Ressources naturelles, elle est prise à l'effet que ça ne nous intéresserait pas, comme gouvernement, de garder un avantage comparatif qu'on a avec d'autres communautés ou d'autres sociétés au niveau de l'hydroélectricité. Mais si, comme société, je suis capable de faire la preuve, dans un vaste débat sur l'énergie, que, de sauver un mégawatt, ça coûte moins cher aux payeurs de taxes puis aux contribuables et c'est plus créateur d'emplois puis ça génère plus d'activités économiques que de produire un kilowatt par des mégaprojets, genre «L'énergie du Nord» à M. Bourassa, besoin ou pas, on en fait... Parce que là, écoutez, je n'avais pas le temps de tout développer, mais on aura le temps d'en parler si vous voulez en parler. Larmoyer en disant que, bon, là, ça va être dangereux par rapport à l'autonomie de la société d'État... «L'énergie du Nord» n'a pas été publié par Hydro-Québec; le volume «L'énergie du Nord», ça a été publié par le premier ministre du Québec, l'ex-premier ministre du Québec. Puis l'ex-premier ministre du Québec a annoncé ses grands mégaprojets, puis on lui en sait gré. Moi, en ce qui me concerne, on lui en sait gré. Mais là on est en 1994, on n'est pas en 1976 ou en 1978, puis se tromper de rivière, là. Donc, on ne peut pas continuer avec la même mentalité aujourd'hui où, besoin ou pas, on fait des mégaprojets, puis on harnache les rivières, puis on continue à tromper la population en disant qu'on va vendre à l'étranger des 10 000 MW, à l'étranger. Tous les mégawatts qu'ils avaient promis de vendre à l'étranger, le résultat est plutôt mince. Actuellement, on a 1 000 MW d'énergie ferme vendus à l'étranger. C'est loin des 15 000 MW anticipés. Mais ça, c'est une réalité, puis ça ne me surprend pas de voir dans quelle mentalité, l'autre côté, ils sont encore. Nous, on n'est plus dans cette réalité-là. On est obligés de tenir compte... Non, c'est parce que vous m'avez indiqué, M. le député de Laurier-Dorion, que vous n'avez saisi aucune indication pour laquelle le moment serait venu d'apporter des changements – oui, M. le Président – des changements au niveau de la direction d'Hydro. Moi, je pense avoir été assez clair. Le premier ministre actuel, M. Parizeau, premier ministre du Québec, souhaite, comme premier ministre, qu'Hydro-Québec joue un rôle majeur d'accompagnateur dans les grandes orientations qu'on veut prendre comme société. Il l'a dit clairement. Et il croit qu'on a de meilleures garanties que cette responsabilité soit mieux assumée par une modification à la structure de gestion d'Hydro-Québec. Il n'y a rien de caché. Le premier ministre, quand il a fait son discours inaugural... Il est public, le discours inaugural du premier ministre du Québec. Quand on est rentrés en Chambre, ici, puis qu'on a ouvert la Chambre, le premier ministre a dit très clairement qu'il voulait modifier la loi d'Hydro pour tel objectif, puis modifier la loi de la Caisse de dépôt et placement pour tel objectif. Et le député de Laurier laissait voir: Est-ce qu'il y a des choses qu'on veut cacher? Non. Nos enjeux sont très clairs, ils sont connus, et on aura l'occasion de l'expliquer en commission parlementaire, article par article. On va dire très bien de quoi il s'agit. Et c'est ce que j'ai voulu laisser voir tantôt sur l'adoption du principe. Il me semble que c'est une responsabilité du gouvernement d'assumer la gestion de l'État et, dans cette gestion, nous, on croit qu'il nous appartenait de faire ces modifications-là pour que, dans le futur, la société Hydro-Québec continue d'assumer des responsabilités majeures, très importantes, liées à la fourniture de l'énergie dont nous avons besoin. Et le débat sur l'énergie permettra de tirer des conclusions éventuellement et de développer une politique énergétique que nous voulons la plus largement débattue possible pour que tous les paramètres qu'on doit évaluer sur des aspects sociaux, économiques, environnementaux et autres soient pris en considération. Mais, après que le gouvernement aura décidé que c'est comme ça qu'on s'en va, que la société Hydro-Québec soit en mesure d'assumer le leadership qu'il lui appartient d'assumer dans son rôle que nous ne voulons pas transformer. Ce qu'on transforme, ce n'est pas le rôle de la société Hydro-Québec, c'est les responsabilités au niveau du président du conseil et du directeur général. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui. Est-ce que le ministre me permettrait une question en vertu de notre règlement? Je pense que c'est l'article 214. Je ne sais pas lequel exactement, mais il y en a un qui prévoit la possibilité de poser une question avec consentement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre, est-ce que vous acceptez qu'on vous pose une question en vertu de l'article...

M. Gendron: Je veux juste savoir, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bélanger): L'article 213.

M. Gendron: Oui, mais simplement, à ma connaissance, on peut le faire après le discours sur le principe. Est-ce qu'on peut le faire après la réplique?

Une voix: N'importe quand.

M. Gendron: N'importe quand? Pas de trouble, pas de problème.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le député de Laurier-Dorion, pour une brève question.

M. Sirros: Très brève, M. le Président. Si le ministre donne l'exemple du livre «L'énergie du Nord» comme une façon de donner des orientations à Hydro-Québec qu'ils ont exécutées, est-ce qu'il peut nous dire pourquoi cette façon de faire au niveau du maintien du président et chef de la direction actuel... Qu'est-ce qui empêcherait le nouveau gouvernement de donner des orientations différentes tout en gardant la structure actuelle?

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le ministre des Ressources naturelles, pour une brève réponse.

(22 h 20)

M. Gendron: Oui, très brève. Je l'ai indiqué tantôt, le premier ministre du Québec et son Conseil des ministres ont apprécié le projet de loi que nous avons déposé. Aujourd'hui, j'ai proposé le principe du projet de loi. Et, effectivement, le point de vue de ce gouvernement-là est que, pour ce qu'on veut qu'Hydro-Québec assume comme responsabilités, il nous apparaît plus important d'opérer le changement qu'on opère. Et ça a déjà existé, puis, je répète, il y a d'autres sociétés d'envergure qui ont ce type de fonctionnement: un président du conseil et un directeur général. C'est ce que nous faisons.

M. Jolivet: Bravo, bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre.


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi 53, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-il adopté?

M. Sirros: Sur division. Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Sur division?

M. Sirros: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je comprends que c'est adopté sur division?

Le Vice-Président (M. Bélanger): C'est ça.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Boisclair: Alors, M. le Président, à ce moment-ci, je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté.

M. Boisclair: Puisque déjà il se fait tard, M. le Président, je proposerais qu'on ajourne l'Assemblée à demain, vendredi 27 janvier, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Donc, les travaux de cette Chambre sont ajournés à demain matin, le 27 janvier, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 21)


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