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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 10 mai 1995 - Vol. 34 N° 44

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Présence du maire de Québec, M. Jean-Paul L'Allier, et de maires de banlieue

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Si vous voulez vous assoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Nous allons reprendre nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer le menu.

M. Boisclair: M. le Président, permettez-moi de vous souhaiter une bonne journée...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pareillement!

M. Boisclair: ...et, pour commencer cette journée, je vous prierais d'appeler l'article 26 de notre feuilleton.


Projet de loi 63


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 26 du feuilleton, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie propose l'adoption du projet de loi 63, Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec.

M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, vous disposez d'un temps de parole de 60 minutes pour votre intervention. M. le ministre.


M. Daniel Paillé

M. Paillé: M. le Président, encore une fois, vous êtes trop généreux. Et on en a si souvent parlé, si longtemps parlé que l'on devrait se restreindre. Donc, je vais me restreindre dans le temps. J'aimerais donc, en qualité de ministre responsable du projet de loi, rappeler aux membres de cette Assemblée quelques-uns des principes conducteurs à l'adoption du projet de loi créant la Société Innovatech du sud du Québec.

Tout d'abord, on a déjà reconnu – et je pense que le premier ministre l'a fait – les mérites du député d'Outremont, mon prédécesseur, quant au concept initial de la Société Innovatech du Grand Montréal. Évidemment, le concept de Grand Montréal était venu suite à de longues procédures ou suite à de longues discussions entre les partenaires technologiques de Montréal. Comme on s'est rendu compte qu'il y avait quatre universités dans la métropole – McGill, Montréal, Concordia, et l'Université du Québec – qu'il y avait une masse critique d'entreprises technologiques, on a décidé, donc, de mettre au bénéfice de Montréal, sans égard au découpage des régions administratives – donc, Montréal, Laval, un peu des Laurentides, un peu de Lanaudière, un peu de la Montérégie – donc, un peu un découpage particulier pour créer une Innovatech.

Ce succès de Montréal – on y a investi 300 000 000 $, il y en a un peu plus de la moitié maintenant d'engagé – a amené les gens de Québec à dire: Mais, nous aussi, on a ce genre de problématique et on aimerait bien provoquer la formation d'une deuxième Innovatech, celle de Québec–Chaudière-Appalaches.

Alors, la première est née d'une impulsion gouvernementale de mettre à Montréal une société de capital de risque en matière de technologie, et la deuxième est venue d'une impulsion de la région en disant: Et nous aussi, pourquoi pas? Chaudière-Appalaches–Québec a été découpée en fonction des régions administratives, et donc c'était un peu mieux. Le gouvernement précédent avait amélioré un peu les choses, et a donc créé, il y a à peu près un an, un peu plus d'un an, une Société Innovatech Québec–Chaudière-Appalaches avec un capital de 60 000 000 $. Évidemment, lorsqu'on est arrivé en campagne électorale, lorsque l'on a regardé ça, même mes collègues, en fait mes nouveaux collègues, mais ceux qui étaient dans l'opposition à l'époque, avaient souligné qu'un certain nombre de régions étaient exclues et que le découpage faisait en sorte qu'il n'y avait quand même pas beaucoup d'unité.

Alors, donc, ce que l'on a fait, c'est que, premièrement, on s'est engagé, au cours de la campagne électorale, à créer une troisième Société Innovatech appelée «sud du Québec», pour faire en sorte que les gens de la région des Cantons de l'Est puissent, eux aussi, avoir accès au capital de risque en matière technologique. Alors, donc, ce premier élément du projet de loi crée de toutes pièces la Société Innovatech du sud du Québec.

Il y avait donc un beau modèle, mais il y avait aussi de nombreuses attentes. Venant d'un comté qui n'était pas dans un site Innovatech – il y en a plusieurs ici qui n'étaient pas dans un site Innovatech – n'avoir créé que l'Innovatech sud aurait encore perpétué cette espèce d'iniquité que l'ancien gouvernement avait créée de toutes pièces et fait en sorte que, quand on est dans des grands centres, on a une Société Innovatech, et, quand on est dans les régions, bien, on est oublié, comme ça. L'ancien gouvernement avait cette tendance fâcheuse à oublier que, hors Montréal, Québec et Sherbrooke, point de salut.

Alors, donc, nous, on a dit: D'accord, le modèle est bon, mais il faut l'améliorer, et c'est ce que nous faisons. Donc, on redécoupe le territoire québéçois et on fait en sorte que chaque ville, chaque village, chaque personne qui a une techno-idée puisse avoir accès, au Québec, à du capital de risque en matière technologique. Donc, nous créons une troisième société et, en plus, nous redécoupons le Québec en trois pour faire en sorte que, partout au Québec, on puisse avoir accès à une Innovatech.

Après cette intervention, je proposerai, M. le Président, un amendement qui n'a pas été vu en deuxième lecture, et qui permet de ne pas oublier 57 % ou 56 % du territoire québécois, puisqu'on avait divisé les Innovatech en fonction des MRC, mais, grâce aux lumières éclairées du député d'Ungava, on s'est rendu compte qu'un certain nombre de municipalités ou de territoires n'étaient pas couverts, et particulièrement la très grande majorité de son comté. Donc, je vous annonce tout de suite que nous aurons à modifier l'annexe A à l'article 56 pour modifier le territoire d'Innovatech Montréal, pour faire en sorte que les gens d'Ungava puissent, eux aussi, avoir accès au capital de risque, puisque ces gens-là, même s'ils sont éloignés des grands centres, ont des techno-idées, j'en suis certain.

Donc, on aura trois Innovatech. On a subdivisé le territoire en trois. Dans chacun de ces territoires, il y a un centre universitaire, il y a aussi un volume satisfaisant de sociétés, d'idées, pour faire en sorte que l'on puisse progresser et faire appel au capital de risque. Alors, donc, à Montréal et autour, ce sera 300 000 000 $; Québec et autour, 60 000 000 $; et, pour ce qui est du sud du Québec, 40 000 000 $. Nous avons donc à partir d'aujourd'hui 400 000 000 $ en capital de risque technologique pour favoriser le développement du Québec.

(10 h 10)

Bien sûr, un tel instrument suscite l'envie et fait en sorte qu'un certain nombre de régions aimeraient bien avoir aussi leur Innovatech. Comme je l'ai dit à plus d'une fois, j'aurais bien aimé faire plusieurs Innovatech. On aurait bien aimé avoir pour les gens, par exemple, où je suis allé lundi dernier, de la région de l'Outaouais, qui disaient: Nous aussi, on aimerait bien avoir une Innovatech... Je sais que les gens de Rouyn-Noranda, de l'Abitibi, aimeraient bien, eux aussi, avoir leur Innovatech. Un des députés du Saguenay aime bien me dire: Oui, mais l'autre bord de la talle d'épinettes, il y a aussi des techno-idées, dans le coin du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Mais, évidemment, on l'a vu hier soir, l'héritage lourd que nous a laissé l'ancien gouvernement par rapport aux crédits budgétaires fait en sorte que, pour l'instant, nous devons nous limiter à la création de cette troisième Innovatech. Cependant, j'ai indiqué au président et aux présidents du conseil des deux Innovatech actuelles, et à ceux qui seront choisis dans Innovatech du sud du Québec, qu'ils auront les mêmes instructions d'être ouverts aux idées qui viennent des autres régions et de faire en sorte – et ça, c'est un défi que je lance à toutes les régions au Québec – d'envahir de leurs idées les Innovatech. Ce que j'aimerais, c'est que les gens de Montréal ou les gens de Québec ou les gens de Sherbrooke puissent nous dire: S'il vous plaît, créez une Innovatech pour tel type de région. Il y a tellement d'idées dans ce coin-là qu'ils méritent une Innovatech pour eux. Donc, toutes les régions du Québec seront couvertes. Il faudra envahir de vos demandes les conseils des Innovatech. Mais je suis certain que, pour l'instant – 400 000 000 $ en équités, en prêts, en débentures, parfois en subventions, en toutes sortes de véhicules financiers – on en a suffisamment pour couvrir le territoire du Québec en matière de technologie.

Nous avons eu un certain nombre d'amendements en deuxième lecture – je n'y reviendrai pas – ou entre la deuxième et la troisième en commission parlementaire. On en a traité lorsque l'on a pris connaissance du rapport qui faisait en sorte que l'on a un peu précisé la vocation des Innovatech en matière d'incubateurs, par exemple, de souscrire dans un incubateur, et aussi pour satisfaire un certain nombre de remarques que le Vérificateur général – notre Vérificateur à nous – nous a indiqué lors de sa vérification des comptes, particulièrement d'Innovatech Montréal. Donc, on en profite aussi pour corriger cela.

Alors, M. le Président, j'aimerais saluer, tout comme mon prédécesseur l'avait fait, la très bonne collaboration des gens de l'opposition dans cette étude. Évidemment, ils sont là avec un rôle. Ils ont à s'opposer officiellement au gouvernement. C'est un rôle que certains de mes collègues, de ce côté-ci de la Chambre, connaissent bien, ont fait avec brio. Maintenant, c'est à votre tour de pouvoir vous opposer. Et, là-dessus, nous vous souhaitons longue vie dans l'opposition pour faire en sorte que vous allez pouvoir regarder nos projets, sans doute être jaloux de leur créativité et de faire en sorte que le Québec puisse s'améliorer et de pouvoir améliorer nos projets de loi.

J'aimerais aussi saluer la perspicacité d'un certain nombre ou de la majorité de nos collègues qui ont participé ici, du côté du gouvernement, des députés ministériels qui, de leurs lumières, nous ont apporté un éclairage particulier sur les régions au Québec.

Donc, M. le Président, avant de terminer, j'aimerais tout simplement proposer, avec évidemment l'habituelle collaboration légendaire de l'opposition, que nous puissions siéger en commission plénière, de façon très courte, pour que l'on puisse adopter un amendement à l'annexe A de l'article 56. En fait, c'est l'article 56 du projet de loi 63, qui traite spécifiquement de l'annexe A de la Société Innovatech du Grand Montréal, qui délimite son territoire, afin que l'on puisse ajouter sept territoires particuliers, qui sont: la municipalité de Baie James, les villes de Chapais, Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon, Matagami, les villages cris et l'Administration régionale Kativik, puisque, évidemment, on reconnaît là que ce ne sont pas des MRC, mais on veut quand même que toutes les régions du Québec, tous les îlots du Québec puissent être desservis par une Innovatech.

Alors, je dépose donc la proposition d'aller en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je pense que mon collègue veut plutôt nous indiquer qu'il souhaite que nous procédions aux écritures, ce qui serait sans doute plus simple.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement pour que nous procédions aux écritures? Consentement.

Est-ce que la motion de M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, proposant que l'Assemblée se constitue, à partir de maintenant, en commission plénière, est adoptée? Adopté.


Commission plénière


Étude de l'amendement proposé par le ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): En commission plénière. M. le ministre, je vous prierais donc de transmettre, si ce n'est déjà fait, l'amendement en question. J'aimerais qu'on puisse me le remettre.

M. Paillé: M. le Président, ça a été indiqué. Je reconnais la longue expérience de mon jeune collègue. Donc, je ne voulais pas devancer, mais, effectivement, j'ai déposé le projet pour faire en sorte que l'article 56, l'annexe A, soit amendé par les trois... les six villes que j'ai mentionnées. Sept!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous aurons quelques minutes ou quelques secondes, j'espère – non pas quelques minutes – à attendre, on est allé faire une copie de l'amendement. Il me fera plaisir de le lire et de le mettre aux voix.

Si M. le ministre avait encore...

Très bien, on me remet l'amendement. Alors, je vais mettre l'amendement aux voix. L'amendement de M. le ministre est à l'article 56.

M. Williams: Je m'excuse, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui. Je m'excuse, M. le Président, une question de clarification. Quand l'opposition va-t-elle avoir une chance de faire une intervention sur cet amendement? Vous êtes en train d'appeler le vote? Je cherche une clarification, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, quand nous procédons aux écritures, c'est la procédure que nous avons adoptée par consentement, ça implique qu'il n'y a pas de débat sur l'amendement, à ce moment-là. Sinon, il aurait fallu se constituer en commission plénière, selon la forme habituelle réglementaire. Alors, il y aura, c'est évident, un débat par la suite, et là vous pourrez toujours faire des commentaires. Le débat va se poursuivre sur l'ensemble du projet de loi, à la suite de l'adoption de l'amendement.


Mise aux voix

Alors, je soumets aux voix l'amendement, qui se lit comme suit:

Article 56. L'annexe A est amendée par l'addition des territoires suivants:

«Municipalité de Baie-James, ville de Chapais, ville de Chibougamau, ville de Lebel-sur-Quévillon, ville de Matagami, villages cris; Administration régionale Kativik.»

Cet amendement est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous revenons à l'Assemblée. Oui, M. le leader adjoint.

M. Boisclair: Je voudrais simplement vous remercier d'avoir procédé comme je l'avais annoncé, en fonction de notre règlement. Je vous remercie de me confirmer que j'avais raison.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, avec le consentement de la salle, nous avions raison. Est-ce que le rapport de la commission plénière est adopté?

Des voix: Adopté.


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Maintenant, nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du projet de loi. Il y a d'autres interventions. M. le député de Nelligan, je crois que votre tour est venu. M. le député, vous avez jusqu'à 60 minutes. Si vous tenez à les prendre, c'est votre choix. Je vous cède la parole.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup. M. le Président, effectivement, je ne prendrai pas les 60 minutes. Le ministre a déjà dit que vous êtes trop généreux. Je pense que nous avons eu une chance, pendant la commission parlementaire, de discuter ce projet de loi. Je voudrais faire quelques commentaires sur le projet de loi 63, Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec, mais, avant de commencer, je voudrais juste dire au ministre que, si vous continuez, ou si votre parti continue de déposer des budgets comme hier soir, vous allez avoir l'expérience dans l'opposition assez bientôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

(10 h 20)

M. Williams: Nous sommes ravis de la création d'une nouvelle Société Innovatech, celle de la Société Innovatech du sud du Québec. Ils ont eu effectivement une collaboration avec l'opposition. L'opposition a commencé le projet. Ils ont eu un large consensus dans la communauté. Innovatech, c'est un projet que nous avons travaillé pendant des années, et votre gouvernement, le ministre a utilisé un modèle qui était déjà utilisé, celui du Grand Montréal et Québec. Avec ça, effectivement, je pense que nous avons un bon modèle.

Et on veut s'assurer que tout le Québec est couvert par les Innovatech, parce que, comme le ministre l'a dit, on veut s'assurer qu'il y a un accès au capital de risque et on veut assurer la compétitivité et la croissance économique du Québec. Et les 40 000 000 $ qui sont protégés pour cette Société, ça va être de l'argent très utile pour ceux et celles qui ont des idées créatives, qui veulent s'assurer qu'il y ait une augmentation des technologies au Québec.

Il n'y a pas de débat de fond sur le projet, et nous sommes heureux qu'enfin nous soyons à la dernière étape de ce projet de loi. Pendant la campagne électorale, les candidats et candidates ont dit que c'était un projet urgent. Ça a pris presque huit mois pour être ici, mais enfin nous sommes à la dernière, dernière étape. J'ai vu que peut-être bientôt, peut-être dans les jours qui suivent, le premier C.A. va être connu, et j'espère qu'on pourra mettre cette Société en place.

Pendant l'étude article par article, l'opposition a proposé plusieurs amendements, particulièrement d'assurer qu'il y ait une représentation de l'Outaouais et de l'Abitibi-Témiscamingue. Nous avons utilisé ces deux exemples, mais le principe de nos interventions, c'était d'assurer qu'il y ait une bonne représentation dans les conseils d'administration de chaque Société Innovatech. C'était important parce que le projet de loi 63 ne touche pas juste Innovatech du sud du Québec, mais il y a un grand ajout de plusieurs MRC à celles du Grand Montréal et Québec. Et nous avons voulu assurer qu'il y ait les bonnes représentations à chaque conseil d'administration.

Le ministre, et le parti au pouvoir, a décidé que ce n'était pas son intention de mettre dans la loi qu'il y ait une obligation légale d'avoir des représentations de chaque territoire, mais il a dit clairement qu'il va faire tout son possible pour assurer qu'il y ait une représentation adéquate de chaque territoire. Particulièrement avec un ajout à l'annexe A, aujourd'hui, le territoire va être encore plus vaste. On sait qu'on ne peut pas avoir une représentation de chaque MRC, mais on veut s'assurer qu'il y ait une accessibilité de chaque grand territoire de chaque Société Innovatech.

Nous avons voulu assurer cette représentation parce que, comme dans l'exemple de l'Outaouais, le ministre a mentionné que le territoire de l'Outaouais pense qu'il remplit tous les critères d'avoir leur propre Innovatech, mais le gouvernement a décidé de ne pas donner. Avec le compromis que nous avons voulu proposer, c'est d'assurer qu'il y ait une bonne représentation et un accès à cet argent.

Pendant l'étude article par article, le gouvernement a proposé 14 amendements et un amendement de grande importance qui a fait en sorte d'avoir trois MRC – la MRC de la Haute-Yamaska et les MRC d'Acton et de Brome-Missisquoi – d'avoir une double accessibilité, une sur la Société Innovatech du sud et l'autre sur celle du Grand Montréal. Pour moi, nous sommes en train de créer deux classes de MRC. Il me semble que cette modification, et j'ai parlé avec le ministre sur ça pendant les études, c'était suite à une chicane entre les délégués régionaux de l'Estrie et de la Montérégie. Nonobstant la logique de ce projet de loi qui est bel et bien établie sur les deux autres Innovatech, ils ont trouvé un compromis politique. Nous allons étudier l'impact de ce compromis et nous allons nous assurer qu'effectivement tout le monde va être traité également.

Mais aujourd'hui, M. le Président, il y a un autre amendement que nous avons supporté, introduire à l'annexe A de la Société Innovatech du Grand Montréal, sept – et j'ai corrigé le ministre – nouveaux territoires situés dans le Nord du Québec.

Le ministre a manifestement mal fait ses devoirs en préparation de ce projet de loi. Ils ont eu 14 amendements, maintenant le quinzième. Permettez-moi de citer un court extrait d'un échange que nous avons eu en commission parlementaire, le 5 avril dernier. C'est moi qui parle: «M. le Président, est-ce que le ministre peut garantir maintenant, selon son discours, effectivement que nous allons avoir tous les territoires du Québec inclus dans toutes nos listes maintenant?» M. Paillé, le ministre, a répondu: «Effectivement, je pense que l'on a toutes les municipalités régionales de comté. Si vous en trouvez une, je serai en devoir de me poser des questions.» J'ai demandé: «Est-ce que tous les territoires?» Le ministre a décidé de répondre MRC.

On peut jouer sur les mots, mais vous savez l'intention de ma question. Est-ce que le grand Québec est bel et bien couvert? Vous avez dit: Oui.

Une voix: C'est une erreur.

M. Williams: Une erreur, et j'accepte. Je voudrais peut-être... Je voudrais juste mentionner ça parce qu'il me semble que peut-être que le ministre a consacré trop de temps à la promotion de son option de séparation du Québec et pas assez de temps dans son ministère parce qu'ils ont eu une chance d'étudier tous les dossiers. Et je voudrais, dans cette Chambre, féliciter le député d'Ungava parce que, sans son devoir, le ministre était en train de faire une erreur grave, d'oublier votre comté ou une bonne partie de votre comté. Je ne fais pas un débat sur les MRC ou nos villages ou villes. Nous allons... Votre discours a été d'assurer que tout le Québec est bel et bien couvert.

Avec ça, je voudrais dire que cet amendement est assez important et, sans le travail du député d'Ungava, peut-être que nous aurions eu besoin de revenir, dans une prochaine session, pour corriger ce problème. Effectivement, nous avons fait la prévention d'un problème.

Je voudrais juste mentionner, encore une fois, je pense, avec les 14 amendements, avec un projet de loi 63 qui a le titre de Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec, le projet de loi est en train de changer deux autres sociétés assez importantes. Et j'espère qu'on pourra revenir dans cette Chambre et continuer de travailler à améliorer les deux autres Sociétés Innovatech.

Je voudrais juste terminer, M. le Président, et dire qu'effectivement l'opposition a collaboré avec le gouvernement sur ce projet de loi afin de faciliter l'avancement de ce projet de loi. Ce n'est pas nous qui avons retardé l'avancement. J'espère que nous allons avoir cette société en place le plus tôt possible. Mes commentaires aujourd'hui, c'était juste d'utiliser la dernière étape pour faire un court bilan des discussions et dire que je pense que c'est unanime en cette Chambre qu'on veut avoir cette Société Innovatech en place le plus tôt possible.

Je vais terminer mes remarques, M. le Président, et encore féciliter tous ceux et celles qui ont travaillé sur ce dossier: les personnes d'affaires, les personnes de la communauté, les députés sur les deux côtés, parce que, je pense, nous avons mis la partisanerie à côté afin d'assurer qu'il va y avoir un projet le plus tôt possible.

(10 h 30)

Avec ça, c'est la fin de mes remarques, M. le Président, et, comme je l'ai dit au ministre, sur les nominations qui s'en viennent dans les autres conseils d'administration, d'Innovatech du Grand Montréal et de Québec – nous allons avoir plusieurs nominations pendant les prochains quelques mois – j'ai dit au ministre que je vais regarder ça comme il faut, et je suis convaincu que le ministre va respecter sa parole et il va s'assurer qu'il va avoir de bonnes représentations dans tous les conseils d'administration de chaque Société Innovatech et que chaque sous-région va avoir une bonne représentation. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Sherbrooke. Vous avez un temps de parole de 10 minutes. Mme la députée.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Ça me fait grand plaisir, à mon tour, de me joindre au ministre de l'Industrie et du Commerce pour terminer, finalement, cette belle entreprise qu'est la création d'une Société Innovatech du sud du Québec.

Le député de Nelligan a cru bon mettre l'accent sur un certain nombre de choses qui lui apparaissent être des difficultés de parcours. Si vous le permettez, M. le Président, moi, je préférerais mettre l'accent sur ce qui manifeste une très belle réussite, et particulièrement, dans un premier temps, au chapitre de la concertation entre un certain nombre de partenaires qui ont permis à ce projet de voir le jour.

Il faut se rappeler qu'un projet comme la création de la Société Innovatech du sud du Québec est un projet qui, dans la région de l'Estrie, est dans l'air depuis fort longtemps et qui a demandé la concertation à la fois entre le milieu économique – qui, on le sait, et on peut le comprendre fort bien, a besoin de trouver de nouveaux capitaux pour des entreprises de haute technologie – le milieu, donc, économique, le milieu scientifique – qui est le milieu dans lequel les idées germent, les idées se développent, qui a besoin de s'assurer qu'il y ait des débouchés pour ses idées – et le milieu politique, que nous représentons, et qui veut, comme chacun le sait également, le meilleur bien de sa région et des différentes municipalités qui la composent. Il y a eu, donc, et je pense que c'est remarquable, un effort de concertation entre les partenaires à ces trois niveaux politique, économique et scientifique. Il y a eu également concertation entre les régions. On a bien indiqué que la Société Innovatech du sud du Québec crée une troisième Société Innovatech, mais qu'il y en a deux autres qui agrandissent leur territoire jusqu'à l'Ungava depuis tout à l'heure – et j'en suis fort heureuse moi-même – ce qui permet donc de couvrir l'ensemble du territoire du Québec. C'est vrai qu'il a fallu, à l'occasion, ajuster les questions de territoire. Je tiens à dire, toutefois, comme on l'a souligné au moment de la commission parlementaire, que les ajustements qui ont été faits entre les territoires de la Montérégie et les territoires de l'Estrie ont été faits dans un esprit de saine complicité entre ces deux régions. Je pense qu'on arrive à une solution qui, comme on souhaite le faire de notre côté, du côté gouvernemental, dans beaucoup de dossiers, au lieu de trancher les choses au couteau, est capable d'accepter une certaine souplesse, une perspective plus souple, ce qui fait que trois MRC pourront, effectivement, faire appel soit à la Société Innovatech du Grand Montréal ou à la Société Innovatech du sud du Québec. Ça ne me pose pas de problème. Au contraire, pour moi, ça démontre notre ouverture d'esprit, et je pense qu'on peut marquer, donc, la concertation entre les régions qui permet à ce projet de voir le jour.

Concertation, également, entre les partis politiques. Je crois que c'est un bel exemple, et je souhaite qu'on puisse le répéter maintes fois, un bel exemple de continuité entre des gouvernements qui, par ailleurs, ont des points de vue fort différents, on le sait très bien, ne serait-ce que quand on voit les réactions à partir du budget qui a été déposé hier soir, on voit très bien qu'on a des couleurs différentes, qu'on a des réactions différentes, mais nous avons su, du côté du gouvernement du Parti québécois, prendre le relais de ce projet, de ce beau projet, de créer une Société Innovatech du sud du Québec. Nous avons su le mener à terme, le prendre dans l'état où il était et, finalement, le mener à terme. Je pense que la population de l'Estrie, dont je suis députée, en fait, dont le comté de Sherbrooke est partie prenante, est au coeur, je crois que cette population sera heureuse de savoir que nous avons été capables de mener à terme quelque chose et d'assurer la continuité, nonobstant nos différences marquées au plan politique, c'est bien certain.

J'aimerais souligner, peut-être, que ce projet de Société Innovatech, qui est bel et bien créée à partir du moment où cette troisième lecture sera terminée, permet au Québec d'entrer véritablement dans la modernité économique. C'est ça que nous avons à faire ces années-ci. Nous savons que notre région en Estrie dispose d'un certain nombre de qualités, de ressources, d'atouts de toute nature, et nous avons besoin, pour entrer véritablement dans la modernité au plan économique, pour être capables de bien nous situer en compétition avec d'autres entreprises qui sont des entreprises en matière de technologies de pointe, nous avions besoin d'un capital de risque additionnel à ce qui est actuellement disponible, et il était fort important que le gouvernement accepte, donc, d'investir 40 000 000 $ pour permettre d'utiliser ce capital à bon escient.

Je pense que nous pouvons dire et nous pouvons garantir aux gens que nous avons les reins solides, en Estrie. Nous avons, chez nous, des gens, dans le fond, qui représentent toutes les qualifications nécessaires pour que cet argent, qui est l'argent public, soit bien investi. Nous avons des entrepreneurs, nous avons des administrateurs, nous avons des scientifiques, des hommes et des femmes dans ces trois domaines, qui vont s'assurer, d'une part, qu'on ait des idées – il faut bien évidemment avoir des idées pour commencer – d'autre part, qu'on ait les qualifications pour administrer les projets et qu'on ait également des entrepreneurs qui vont de leur côté investir en complémentarité avec le capital qui est fourni par le gouvernement.

Nous avons donc dans notre région des gens qui ont de l'intuition, c'est ce qui permet d'avoir des idées, des gens qui ont de l'envergure, qui sont capables de penser non pas uniquement immédiatement dans le cadre des limites qui leur sont imposées par un territoire ou par certaines technologies, des gens qui ont de l'envergure, des gens qui vont être capables, à cause de leur ténacité, de voir grand. Et je pense que ce dont nous avons le plus besoin actuellement au Québec, c'est justement de se permettre de voir grand. Au moment où nous nous questionnons de façon absolument, je le souhaite, définitive sur notre avenir politique, nous avons besoin en même temps de nous rassurer sur nos compétences, sur nos capacités, sur ce génie québécois qui s'est développé au fur et à mesure des années et qui saura s'exprimer à nouveau à travers cette Société Innovatech du sud du Québec.

On faisait référence tout à l'heure à l'importance de rajouter un certain nombre de MRC, dans le territoire du comté d'Ungava, et ça me faisait penser, en entendant ça, que j'ai eu la chance, avec un certain nombre de personnes de ma région, d'aller dans ce comté, d'aller visiter les installations de La Grande à la Baie James, samedi dernier. Et j'ai été fascinée, comme probablement toutes les personnes qui vont là pour la première fois de leur vie, par l'expression du génie québécois. Et c'est pour ça qu'il vaut la peine qu'un gouvernement investisse cette fois-ci 40 000 000 $ pour créer une nouvelle Société Innovatech du sud du Québec, parce que nous avons du génie au Québec. Quand on nous en donne les moyens, nous sommes capables d'aller au bout de nos idées, et je pense que nous faisons alors l'envie d'autres sociétés qui viennent s'inspirer de nos réussites. Nous avons des histoires de réussites derrière nous qui nous donnent confiance, et nous aurons, je crois, à travers ce nouveau capital de risque, de nouvelles histoires de réussites devant nous.

Je suis donc certaine que nous commencerons bientôt à voir les fruits, dans la région de l'Estrie, de ce nouveau capital de risque. Je connais des entrepreneurs, je connais des administrateurs et des scientifiques qui attendent avec impatience que ces 40 000 000 $ soient bel et bien mis au jeu. Et je sais que cet investissement collectif portera des fruits très bientôt.

Il ne me reste plus qu'à souhaiter bon démarrage à la Société Innovatech du sud du Québec et à remercier tous les partenaires de la région de l'Estrie qui ont été très vigoureux dans la défense des intérêts de ce projet, qui ont été capables de concertation, là encore au-delà des couleurs politiques et au-delà des territoires respectifs. Je pense donc que nous pouvons être fiers de cette réussite. Je remercie mes collègues et je remercie le ministre de l'Industrie et du Commerce d'avoir mis l'énergie qu'il a mise et qu'il a déployée pour que ce projet soit mené à terme. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Sherbrooke. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Johnson. Vous avez un temps de 10 minutes. M. le député.


M. Claude Boucher

M. Boucher: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, c'est un grand jour pour les gens de l'Estrie et c'est un grand jour pour un certain nombre de personnes dans ma région – dont le groupe du GATE – qui ont été à l'origine de ce projet-là. Si on fait un peu l'historique de ce dossier-là – ma collègue, Marie, en a parlé, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie aussi – vous savez qu'il était en attente sous les libéraux avant l'élection du 12 septembre 1994. Il a été évoqué ici en Chambre du fait que M. Parizeau avait dû faire une promesse ferme avant l'élection du 12 pour que le projet puisse se réaliser, puisque les libéraux semblaient le retarder.

(10 h 40)

Effectivement, le Parti libéral était divisé sur le projet et on a su que le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie du temps était peu ouvert à l'idée d'une Société Innovatech du sud du Québec, tandis que sa collègue, la vice-première ministre et présidente du Conseil du trésor, le souhaitait ardemment. Finalement, ce ne sont pas les libéraux qui ont réussi à créer cette société-là, mais le Parti québécois au gouvernement, et soyez assurés qu'avec tous les collègues, j'en suis très fier. C'est une magnifique réalisation pour les gens du territoire concerné, dans la région qu'on appelle sud du Québec et qui comprend 12 MRC, dont cinq MRC à l'extérieur de la région administrative de l'Estrie. Toutes ces personnes-là sont extrêmement fières de ce qui se passe aujourd'hui, et sachez que les médias de notre région, que je salue et qui nous ont drôlement supportés dans cette démarche-là, sont aux aguets aujourd'hui et attendent d'en faire toute une nouvelle. Et il y en a une.

Le cheminement du dossier n'a pas été très facile, on le sait, mais nous avons d'autant plus de mérite d'avoir réussi qu'il a été difficile. Effectivement, il y avait des intérêts importants qui étaient en jeu. Nous avons dû nous concerter avec une Montérégie qui cherche à se donner une identité, et de façon très légitime, d'ailleurs, et que je respecte comme démarche, nous avons dû nous concerter et faire un certain nombre de compromis, qu'a évoqués ma collègue, compromis qui ont fini par nous amener à adopter un projet, et je dirais, un projet à l'unanimité, parce que j'imagine que l'opposition va voter pour le projet, comme ils l'ont fait en commission parlementaire.

La Société Innovatech du sud du Québec est le résultat d'une mobilisation assez exceptionnelle. On l'a évoqué tout à l'heure, les gens en politique de tous les partis – libéraux, péquistes – les scientifiques, les gens de l'Université de Sherbrooke, les industriels de la région élargie, l'ancienne région des Cantons-de-l'Est, ont travaillé très fort pour que cette société soit mise sur pied, et c'est grâce à la ténacité des gens de ma région, à leur volonté d'arriver au bout du processus et à un appui ferme de notre gouvernement, et notamment du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, que je salue, et qui a été très tenace, qui n'a jamais lâché, grâce auquel je dois dire qu'aujourd'hui nous pouvons obtenir cette société.

Les impacts en région sont énormes, 40 000 000 $ sur une période de cinq ans, à raison de 8 000 000 $ par année. Ce n'est pas rien quand on pense que les emplois créés en haute technologie sont extrêmement rémunérateurs et sont porteurs d'emplois secondaires importants.

Il y a plusieurs projets en attente dans la région de l'Estrie. Il y en a dans mon comté, il y en a à peu près dans tous les comtés, dans toutes les MRC, des projets importants, et qui n'attendent que la nomination du conseil d'administration, du directeur général, et la mise en place de sociétés pour prendre forme.

Je remercie, en passant, le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, qui va mettre à notre disposition une ressource pour voir à l'implantation de la société. Nous allons... Le ministre de l'Industrie va présenter bientôt au Conseil des ministres une liste de membres du conseil d'administration, qui devra être approuvée par le Conseil des ministres. Cette liste-là sera le résultat aussi d'une concertation entre le milieu de la région sud du Québec et le ministre Daniel Paillé.

Ce sera un conseil d'administration, n'en doutez pas, qui sera très bien équilibré et qui sera très représentatif de tous les secteurs d'activité, de tous les milieux aussi de notre région, un conseil d'administration qui sera sans doute le meilleur au Québec – je n'en doute pas, n'en déplaise aux autres sociétés – un conseil d'administration qui verra à sélectionner un directeur général et qui fera de cette société-là une société performante qui sera, d'abord et avant tout, au service des gens du milieu.

Je terminerai, M. le Président, en remerciant les cinq personnes de ma région qui ont été, au fond, celles qui ont porté le dossier: M. Jean Shoiry, M. Louis Lagassé, M. Guy Fouquet, Mme Manon Laporte et M. Alain Caillé ont été les cinq personnes qui, dans ma région, depuis un certain nombre d'années, ont cru au projet et se sont battus pour le projet.

En ce qui me concerne, comme délégué régional, j'ai été porteur de ce dossier-là au niveau du gouvernement. J'ai travaillé très fort avec ma collègue, Marie Malavoy, pour que nous réussissions. Et grâce à l'appui, comme je le disais tout à l'heure, des libéraux et de tout le milieu, nous avons fini par obtenir ce que nous désirions.

Alors, encore une fois, donc, félicitations à toutes les personnes impliquées. Je terminerai en vous disant que l'Estrie, toute la région de l'Estrie et toute la région sud du Québec... et tout le Québec, finalement, qui est touché par la création, par l'élargissement... Le Québec est fier de son gouvernement et, moi, je peux vous dire que le gouvernement devrait être fier, très fier aussi de l'Estrie et de toute la région sud du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Johnson. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, M. le ministre, vous disposez d'un temps de parole de 20 minutes pour exercer votre droit de réplique. Je vous cède la parole.


M. Daniel Paillé (réplique)

M. Paillé: Encore une fois, votre générosité m'émeut, mais j'aimerais juste profiter de l'occasion, M. le Président, pour souligner que, effectivement, des 14 amendements, la très grande majorité venait des corrections pour le Code civil. Donc, c'était relativement technique. Ce n'est pas parce qu'on était mal préparé.

Deuxièmement, le député de Nelligan l'a très bien dit lors de sa question et, ensuite, de ma réponse. S'il a pris connaissance de ma réponse maintenant, ce n'est pas mon problème, mais j'ai dit que, oui, toutes les MRC étaient là. C'est vrai. Toutes les MRC étaient là. Mais, bon, effectivement, le député d'Ungava a très bien fait pour signaler que son territoire n'est pas en MRC, n'est pas constitué de MRC. Et c'est ce qu'il nous a fait plaisir de présenter. C'est pour ça que nous avons présenté cet amendement aujourd'hui.

D'autre part, que le député de Nelligan aussi ne s'inquiète pas. Mon agenda me permet à la fois de diriger le ministère et de m'occuper de notre option constitutionnelle parce que je suis certain que, si l'on avait 1 000 000 000 $ de crédits budgétaires au ministère de l'Industrie et du Commerce, c'est-à-dire les 517 000 000 $ que nous avons chez nous et les 450 000 000 $ que nous avons ailleurs, que l'on paie mais que d'autres gèrent, ça irait beaucoup mieux au Québec et en Industrie, Commerce, Science et Technologie.

M. le Président, en terminant, c'est pour moi une fierté de présenter ce projet de loi, d'avoir présenté ce projet de loi et, pour nous, c'est un autre engagement. Semaine après semaine, des engagements s'écoulent, se réalisent. De mon côté, on a fait le programme Démarrage d'entreprises qui va très bien. La SDI a maintenant un nouveau président-directeur général. Il me fera plaisir très bientôt de déposer ces nouveaux programmes. Le chantier maritime MIL Davie est reparti. Le plan d'affaires se fait dans chacune de ses étapes. Aujourd'hui, on a «Innovatech du sud» qui devient une réalité. Au cours des prochaines semaines, sinon la semaine prochaine, je proposerai au Conseil des ministres un projet pour nommer neuf administrateurs pour la Société Innovatech du sud du Québec pour faire en sorte que ces gens-là puissent engager, sur le champ ou le plus rapidement possible, un directeur général afin de faire en sorte que la Société Innovatech du sud puisse aller rejoindre les autres Sociétés Innovatech dans le développement du capital technologique au Québec.

M. le Président, merci aux députés qui ont pris la parole aujourd'hui. C'est avec leur appui et avec notre flexibilité légendaire, surtout la mienne, qu'on a fait en sorte que ce projet de loi, aujourd'hui, soit amélioré et soit devenu une réalité. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre.


Mise aux voix

Je vais mettre aux voix le projet de loi. Le projet de loi 63, Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec, est-il adopté? Adopté.

M. le leader du gouvernement... Il n'est pas présent. J'inviterais peut-être... J'inviterais Mme la ministre, vous pouvez agir. Peut-être appeler ce que vous avez à appeler.

Mme Blackburn: C'est l'article 25, M. le Président.


Projet de loi 60


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Merci. À l'article 25 du feuilleton, Mme la ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine propose l'adoption du projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires.

(10 h 50)

Mme la ministre, je vous cède la parole pour un temps de 60 minutes dont vous pouvez disposer.


Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, c'est une pièce législative majeure et nul doute, nul doute que la séance, de même que la session au cours de laquelle ce projet de loi sera adopté resteront longtemps dans la mémoire d'un certain nombre de personnes. C'est une pièce législative majeure, et nous avons, avec le projet de loi – si je puis utiliser l'expression – taillé dans le neuf. Il n'y avait pas de loi sur laquelle nous puissions vraiment nous appuyer pour construire le projet de loi 60. Nous avons dû travailler à partir des expériences étrangères, à partir des expériences canadiennes, dans les autres provinces canadiennes, et plus particulièrement celle des États-Unis.

Le projet de loi 60, c'est un projet de loi qui fait le choix des enfants du Québec, en facilitant le paiement des pensions alimentaires. Réduire la pauvreté que les enfants subissent est une responsabilité sociale. C'est ce que mon gouvernement a compris, et, au lieu de faire la sourde oreille pendant presque une décennie, comme le gouvernement précédent, nous avons agi avec célérité et, en moins de sept mois, nous dotons le Québec d'une loi qui évitera à nos enfants de commencer leur vie dans la pauvreté.

La Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires est le premier geste pour contrer la pauvreté des enfants de notre pays. Comme le disait Mme Claudette Tougas de La Presse , depuis des années, tous les sondages sont concordants. La grande majorité des Québécois, des Québécoises, considère qu'il est inadmissible que la moitié des parents débiteurs – c'est plus de la moitié, c'est 55 %, en fait – ne n'acquittent pas de leur devoir. Mais, au fil des années, malgré les promesses électorales et les bonnes intentions, aucun des gouvernements qui ont dirigé le Québec n'a eu le courage nécessaire pour mener à terme un tel projet de loi. Eh bien, une fois que nous aurons franchi cette étape, ce sera fait, M. le Président, le Québec sera doté d'une loi parmi les plus progressistes, avant-gardistes, je dirais, une loi respectueuse, efficace et équitable.

Rappelons brièvement la situation des enfants et des familles monoparentales. D'abord, une statistique qu'il est toujours un peu triste d'évoquer, 50 % des mariages, au Québec, se soldent par un divorce; 94 % des ordonnances alimentaires sont au bénéfice des enfants. Il y a, au Québec, 325 000 enfants qui vivent dans une famille à soutien unique. M. le Président, quand je pense à ces enfants, c'est toujours avec émotion. Je me dis: On n'a pas le droit, comme société, de rester indifférent à la situation que vivent ces enfants, après une séparation, une dissolution du couple. Et je ne peux pas m'empêcher, en même temps que je pense à ces 325 000 enfants, de me dire que mes petits-enfants... Je pense à mon petit-fils, Nicolas, ma petite-fille Jeanne-Camille, qui ont le bonheur de vivre dans une famille, dans un couple. Ce que je souhaiterais, si jamais ça arrivait, c'est qu'ils puissent échapper à une situation où ils sont utilisés comme objet de chantage pour recevoir la pension alimentaire. Et c'est dans cette perspective que, lorsque j'ai déposé le projet de loi 60, j'ai pensé à tous ces enfants. Parce qu'on met une tierce personne, parce que le ministère du Revenu interviendra pour et au nom de la créancière – parce que c'est majoritairement des créancières – on vient introduire une tierce personne, ce qui va éviter, ce qui va empêcher qu'on puisse utiliser les enfants comme objet de chantage pour faire verser la pension alimentaire.

Dans ces familles monoparentales, 70 % des enfants de moins de 18 ans sont pauvres. Alors, c'est 70 % de 325 000 enfants. Faites le compte, c'est assez effarant. Le taux de pauvreté des responsables de famille monoparentale est de 61,5 %. Les conséquences de la pauvreté sur la condition de vie de ces familles est catastrophique. Et, quand on parle de pauvreté, il faut qu'une société réalise les coûts sociaux de la pauvreté. Les coûts sociaux de la pauvreté. Quand on parle de pauvreté, c'est deux fois plus de maladies cardiovasculaires et, tenez-vous bien, deux fois plus de cancers. C'est un décrochage scolaire deux fois plus élevé dans les familles pauvres. Mais, si vous prenez les familles pauvres et les familles riches... vous avez cinq fois plus de chances, cinq fois plus de chances, de terminer vos études secondaires si vous êtes dans une famille plus fortunée. La pauvreté, c'est la marginalisation. La pauvreté, c'est l'exclusion. La pauvreté, c'est souvent aussi accompagné de la violence, c'est souvent accompagné de la délinquance, c'est souvent accompagné de la criminalité.

Nous devions agir, et nous l'avons fait, et nous estimons pouvoir retourner aux familles monoparentales du Québec plus de 72 000 000 $ en pensions alimentaires additionnelles. Les enfants recevront, quand le système sera en opération, dans une hypothèse extrêmement conservatrice, 72 000 000 $ de plus par année.

Nous le savons tous et toutes, le système de perception au Québec, perception des pensions alimentaires, basé sur le défaut de paiement a prouvé son inefficacité. Il a prouvé son inefficacité, mais il a également un travers qu'il fallait corriger. Il faut mettre fin à cette catégorisation des parents en bons et en mauvais payeurs. Vous dites à un enfant: Ton père, il n'est pas bon payeur, c'est un pas bon, il n'a pas d'estime pour toi. C'est comme ça que l'enfant le reçoit. Parce qu'on décide que le revenu, ou la justice à l'époque, n'interviendrait que dans ces cas. Et ça laisse chez l'enfant un sentiment d'une perte d'estime de lui-même. Il ne se sent pas aimé. Quand vous avez le même système pour tout le monde, que vous payez votre pension alimentaire de la même manière que vous payez vos impôts, de la même manière que vous payez votre hypothèque, de la même manière que vous payez vos obligations, vos traites sur la voiture, personne ne questionne ça, c'est une obligation. Alors, quand tout le monde sera dans le même système, on ne pourra plus classer les parents et, donc, par voie de conséquence, les enfants, dans une catégorie: Tu as un père qui est un pas bon payeur, puis un autre qui est bon payeur. Je pense que tout le monde va être dans le même système et ça va être bon aussi pour les enfants et par rapport à la perception qu'ils ont d'eux-mêmes, mais également à la perception qu'ils ont de la justice et de l'équité.

Il faut dire également qu'instaurer un tel système, c'est avoir aussi comme objectif qu'on va à la longue, à moyen, j'espère, court terme, changer les mentalités, arrêter de percevoir l'ordonnance alimentaire comme une punition, comme quelque chose dont vous pouvez vous exempter. Vous faites des enfants, mais vous n'en avez plus la responsabilité; vous pouvez, comme disait mon collègue des Finances, les sacrer là. Un système de perception automatique des pensions alimentaires va aussi avoir comme effet de responsabiliser les parents et, à ce moment-là, le parent qui paie et le parent qui reçoit, qui est gardien, ces deux parents pourront consacrer davantage de temps, avec plus de sérénité, à encadrer et à suivre le développement de l'enfant.

Alors, le système basé sur le défaut avait, selon nous, ses travers qu'il ne fallait plus maintenir et, également, ce qui était plus catastrophique, si on peut le dire, entraînait des délais dans le versement des pensions alimentaires. Tout ça comme si l'enfant, jour après jour, n'avait pas besoin de manger, comme si l'enfant pouvait sauter des repas, comme si l'enfant pouvait entrer à l'école en disant: Bon, mon père ne m'a pas envoyé la pension alimentaire – ou ma mère, si c'est la débitrice – puis je n'ai pas le moyen d'acheter mes cahiers et mes livres, je les achèterai quand ils auront décidé de me l'envoyer, mais je ne sais pas quand. Ce n'est pas comme ça que ça se fait, la vraie vie. Alors, je pensais qu'il fallait mettre fin à ça.

(11 heures)

Nous nous sommes inspirés des systèmes les plus performants. Nous avons examiné le système de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, qui utilisent déjà la retenue à la source comme moyen de perception. À ceux et celles qui pensent qu'on pénalise les entreprises québécoises plus que les entreprises de nos concurrents voisins, eh bien, je vous le dis, c'est le même traitement.

Ensuite, ajoutons, parce que ça a été soulevé à plusieurs occasions par la porte-parole de l'opposition, que cette charge additionnelle pour l'employeur est comparable à celle de toutes les saisies-arrêts. Parce que vous n'avez pas payé votre voiture ou parce qu'un commerçant ou un prêteur n'a pas réussi à faire rembourser son prêt, vous pouvez avoir une saisie-arrêt. C'est de la même nature, c'est-à-dire que c'est une ligne sur le rapport. Pourquoi faudrait-il avoir à l'endroit des enfants moins d'égards qu'à l'endroit de n'importe quel créancier? Ce n'est pas normal qu'une société même se pose ce genre de question.

Aux États-Unis, il y a une loi nationale qui a été adoptée en 1988 et qui oblige tous les États à utiliser la retenue à la source. Vous constatez qu'à la lumière de ce qui se passe autour de nous, tant aux États-Unis que dans d'autres provinces canadiennes, le Québec prenait du retard, lui qui était considéré comme une figure de proue dans le domaine social et, particulièrement, en matière de condition féminine.

Nous avons, pour aller observer des systèmes à l'extérieur, organisé une mission de députés. Les députées de Blainville, Chutes-de-la-Chaudière, Mille-Îles et le député de Gaspé ont donc mené au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Massachusetts et au Wisconsin une mission d'exploration afin de connaître les régimes, ce qui se faisait de mieux, où c'était le plus performant et comment on devait établir notre régime. Le rapport nous a permis de préciser les orientations qui ont permis au personnel du ministère de la Justice, du ministère du Revenu, du ministère de la Sécurité du revenu et du Secrétariat à la condition féminine de préparer le projet de loi que nous adopterons aujourd'hui ou demain probablement.

J'ai la prétention de dire que nous avons pris le meilleur des régimes étrangers pour l'adapter à la situation du Québec. Comme le disait l'éditorialiste Gilles Lesage: Québec est en voie de combler un grave retard. Le Québec était en retard; maintenant, il se dote de l'une des meilleures lois en la matière.

Nous avons voulu, M. le Président, une loi qui soit aussi respectueuse du Québec et de sa culture, de ses traditions. On a fait état de pratiques ou de dispositions dans la loi américaine de façon particulière, au Nouveau-Brunswick également, qui, dans les cas de non-paiement, allaient très loin. Est-ce qu'il faut, par exemple, suspendre le permis de conduire? Est-ce qu'il faut suspendre les licences professionnelles? Est-ce qu'il faut prévoir l'emprisonnement? Parce que, aux États-Unis et au Nouveau-Brunswick, la loi va aussi loin. J'ai dit non parce que j'estime qu'il y a peu de rapports entre le permis de conduire et le versement de sa pension alimentaire. J'avais de la difficulté à établir un rapport. Ensuite, parce que j'estime que, sous prétexte d'une loi sociale indispensable, certaines dispositions à l'endroit des débiteurs s'apparentent à quelque chose de très excessif comme moyen de recours, pour le moment à tout le moins. Et ça me laissait songeuse parce que je me dis: Enlever son permis de conduire à une personne au Québec, à moins de demeurer à Montréal, Québec ou pas très loin où il y a un bon service de transport en commun, c'est comme de couper les jambes à quelqu'un. Dans tout le Québec, le service de transport en commun, il n'y en a pas beaucoup, à part les deux grands centres.

Alors, le résultat, je trouvais que cette disposition me laissait songeuse parce qu'elle était excessive et elle s'apparente à des dispositions qui nous entraînent progressivement vers la droite, pour ne pas dire l'extrême droite. Sous de bons prétextes, on va chercher la pension alimentaire, on pose des gestes qui m'apparaissaient excessifs. Pour l'heure et le moment, nous n'avons pas voulu introduire dans le projet de loi de telles dispositions.

Rappelons les objectifs du régime de perception automatique des pensions alimentaires. Les objectifs généraux: réduire les délais et augmenter le taux de perception des pensions alimentaires, et ainsi réduire le taux de pauvreté des enfants et des femmes, notamment en améliorant la situation économique des familles monoparentales; implanter des mécanismes permettant aux enfants et aux femmes d'obtenir des pensions alimentaires auxquelles ils ont droit.

Et les objectifs particuliers – particuliers, mais qui ont une incidence extrêmement importante: responsabiliser les parents face à leurs obligations alimentaires; favoriser la stabilité, la régularité des paiements de pensions alimentaires; respecter l'autonomie des parties, notamment des débiteurs qui ont déjà des habitudes régulières de paiement; simplifier la démarche de la partie créancière et l'encourager à faire cette démarche; minimiser les risques de manipulation, de chantage, de violence, en réduisant les tensions entre ex-conjoints par la présence d'un intermédiaire dans tous les cas, et, finalement, tenir compte du contexte budgétaire actuel. Parce que, faut-il le rappeler, les débiteurs alimentaires qui ne paient pas leur pension alimentaire, c'est généralement, dans trop de cas, les autres citoyens qui paient pour eux et à leur place.

Les caractéristiques du régime. Le régime de pensions alimentaires sera administré par le ministère du Revenu du Québec, et ça, je dois dire, à la satisfaction presque totale de tous les groupes qui se sont présentés à la consultation, en commission parlementaire. On nous a fait valoir: Pourquoi pas à la Justice plutôt qu'au Revenu? Dans les autres provinces canadiennes, oui, c'est à la Justice parce qu'ils n'ont pas de ministère du Revenu. Mais, dans tous les États et les pays où ça fonctionne, c'est le Revenu, parce que c'est, dans tous les États, les ministères qui sont les mieux organisés, les mieux structurés, les mieux préparés pour faire des saisies de données, parce que tous les contribuables ont affaire avec le ministère du Revenu. Et c'est le ministère du Revenu qui a le plus de facilité, le plus d'expertise pour faire la perception, mais également pour retourner les sommes perçues. Si le ministère du Revenu est par ailleurs souvent perçu, non sans raison, faut-il le dire, comme étant chaussé, à l'occasion, de gros sabots et ne faisant pas toujours dans la dentelle, le ministère du Revenu est, par ailleurs, très respecté et très apprécié lorsqu'il s'agit de faire des versements.

Qu'il s'agisse de l'allocation logement, qu'il s'agisse de retour pour la TVQ, la TPS, le ministère du Revenu est particulièrement efficace. Alors, les groupes qui se sont présentés en commission parlementaire, à la presque totalité, estimaient que c'était vraiment le meilleur lieu et le meilleur endroit à qui confier la perception et le paiement des pensions alimentaires. Et, en fait, ce qu'on nous dit, dans les autres provinces canadiennes, c'est qu'on envie le Québec d'avoir un ministère du Revenu pour soutenir et appliquer cette loi.

Comment ça va fonctionner? Alors, dès qu'il y a ordonnance alimentaire, il y a dépôt, enregistrement et inscription automatique de toutes les ordonnances. Pour les travailleurs non salariés, il y a le dépôt d'une sûreté équivalente de trois mois de pension. Cette idée a été questionnée beaucoup, je dirais particulièrement par l'opposition parce qu'elle ne l'a pas été beaucoup par les intervenants et les organismes qui se sont présentés en commission parlementaire. L'opposition nous disait: Est-ce que le travailleur autonome, le petit entrepreneur aura les moyens de verser trois mois de pension alimentaire en sûreté?

(11 h 10)

D'abord, rappelons qu'il va y avoir beaucoup de souplesse quant aux pièces qui pourront être versées comme sûreté. Ça peut être des bons d'épargne, ça peut être une garantie par la banque, ça peut être une marge de crédit à la banque, ça peut être en argent, mais ça peut être par tous les moyens, toutes les pièces qui permettent rapidement d'aller chercher les sous s'il y a défaut de payer. Une marge de crédit à la banque, c'est suffisant. Alors, aujourd'hui, avec l'argent de plastique, avec les cartes de crédit, la plupart des gens, surtout s'ils sont en affaires, entrepreneurs ou travailleurs autonomes, ont une marge de crédit. Donc, pourquoi cette sûreté de trois mois que nous exigeons dans tous les cas où il n'y a pas de retenue à la source? Parce que s'il y a défaut de paiement, il faut que, rapidement, le ministre du Revenu soit en mesure de verser quand même la pension alimentaire. Et il y a trois mois au cours desquels il peut verser la pension alimentaire, et ces trois mois lui donnent le temps de ramener le débiteur, peut-être, à de meilleurs sentiments ou de vérifier s'il a toujours la capacité de payer. Mais, pendant ce temps-là, au moins, l'enfant n'est pas en train d'ouvrir un réfrigérateur vide.

Alors, pour les travailleurs non salariés, dépôt d'une sûreté équivalente à trois mois de pension. Pour les travailleurs salariés, perception automatique par retenue à la source. Cependant, le travailleur salarié qui voudrait payer directement, par ordonnance au ministre, peut le faire. Il peut le faire si, pour toutes sortes de raisons, il ne veut pas porter ça à l'attention de son employeur. Il préfère payer directement au ministre du Revenu? Il pourra le faire. C'est ça la souplesse qu'on a voulu introduire dans ce projet de loi.

Il pourra également y avoir exemption de la perception automatique si les deux parties en conviennent par écrit et qu'il y a constitution d'une sûreté équivalente à trois mois de pension alimentaire. Cependant, ce consentement doit être vérifié par le juge, pour savoir si le consentement a été donné de façon libre et sans pression. Dans tous les cas, sauf, évidemment, s'ils sont exemptés de la perception automatique des pensions alimentaires, c'est le ministre du Revenu qui reçoit la pension alimentaire et qui la reverse, qui la retourne à la créancière, à celle qui a la garde de l'enfant.

Par sa portée universelle, le régime que nous proposons aura le mérite de ne plus nécessiter d'innombrables points de service où on devait se présenter pour expliquer, cas par cas, les subtilités de la loi et de son dossier. Là-dessus, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne est revenue souvent. Probablement parce qu'elle est d'accord avec le projet de loi. Il fallait bien qu'elle trouve des petites choses, mais je vais essayer de lui expliquer, pour la vingtième fois, sûrement, que les 54 points de service, je pense, qu'il y avait, qui représentaient les palais de justice, qui donnaient un service sur tout le territoire du Québec, service qui était utile, pour ne pas dire indispensable, parce que la créancière ou le créancier devait personnellement faire les démarches dans les cas de défaut de paiement: ils devaient y aller, ils devaient se présenter, ils devaient rappeler, faire sortir l'ordonnance.

Ce n'est plus le cas. Ce n'est pas la créancière qui constate le défaut de paiement, c'est le ministre du Revenu. Ce n'est pas le créancier ou la créancière qui dit: Mon conjoint, le père ou la mère, n'a pas payé, le débiteur n'a pas versé. C'est le ministre du Revenu qui s'aperçoit que le chèque n'est pas rentré. Le créancier ou la créancière n'a pas à se présenter à un point de service. C'est ça. C'est ça la beauté de la chose, et c'est pourquoi on n'a pas besoin d'autant de points de service.

On en aura quand même en nombre suffisant, puisqu'il y a des bureaux du ministère du Revenu dans toutes les régions du Québec. Il y a des bureaux du ministère du Revenu dans toutes les régions du Québec; donc, ça nous semble tout à fait acceptable, ça répond aux besoins, et moi, qui suis une régionaliste – vous connaissez là-dessus la vigueur avec laquelle je défends les services en région – vous savez très bien que si ça avait eu comme effet de pénaliser le monde en région, j'aurais exigé qu'on maintienne des bureaux en région. C'est parce qu'on change la loi et on change les rapports entre débiteur et créancier. Et comme il y a une tierce personne qui a cette responsabilité, évidemment, ce n'est plus l'individu, je le rappelle, qui fait la démarche. J'espère qu'avec cette dernière explication on conviendra, finalement, que les points de service auxquels on faisait référence et qui étaient utiles avec la loi antérieure qui obligeait la créancière à faire les démarches... Avec la nouvelle loi, ce service devient beaucoup moins utile, pour ne pas dire inutile.

Comme vous le voyez, il s'agit d'un régime souple dans son application, parce qu'on a prévu la possibilité qu'il puisse y avoir des ententes. On a prévu également la possibilité pour le débiteur dont la pension est retenue à la source qu'il puisse verser directement par ordonnance au ministre du Revenu. C'est un régime efficace parce qu'il va permettre le versement des pensions alimentaires de façon régulière, parce qu'il va éviter les contacts qui entraînent du chantage, des pressions indues, et, à l'occasion, des menaces, faut-il le dire. Il va aussi sécuriser les enfants. Et c'est un régime qui est respectueux parce qu'il permet aux parties de s'entendre.

Alors, à la suite du dépôt du projet de loi, on a pu constater qu'il y avait à ce sujet un consensus social sans précédent. En effet, nous avons voulu, avant d'aller plus avant dans ce projet de loi, partir des grandes orientations du projet de loi, de ses grandes règles et de ses grands principes, vérifier l'état de l'opinion publique. Parce que c'est quand même une loi majeure. C'est une loi qui intervient dans un domaine où les Québécois et Québécoises sont plus sensibles. Nous avons donc pris les grands principes du projet de loi, perception automatique universelle, retenue à la source, constitution d'une sûreté, et nous avons mesuré l'état de l'opinion publique là-dessus. 82 % des personnes interrogées lors du sondage de SOM de mars 1995 se disaient en faveur d'un régime universel et automatique des pensions alimentaires, comparativement à 79,7 % en janvier. Donc, non seulement le projet de loi est-il bien accueilli, mais il vient renforcer cette opinion qu'il fallait procéder, puisqu'on gagne près de trois points de pourcentage dans la faveur populaire. Et au lendemain du dépôt du projet de loi, le Journal de Montréal titrait «Un tel système sortira les femmes et des milliers d'enfants de la pauvreté».

Et je dois le dire ici, et pour dire également que je me réjouis que l'opposition, tant lors du dépôt du projet de loi que lors du dépôt du rapport de la commission parlementaire, et sans doute aujourd'hui, nous a accordé son appui et sa collaboration. Je le rappelle, je le rappelle pour la troisième fois, mais je pense que la pédagogie, c'est l'art de répéter: lorsqu'il y a un projet de loi à caractère social, les parlementaires des deux côtés de la Chambre sont capables de faire abstraction des intérêts partisans pour voter et adopter une loi qui sert toute la population. Et c'est ce à quoi nous avons assisté. Je le rappelle, tant à l'occasion des travaux de la commission parlementaire, à l'occasion des audiences comme au moment de l'étude du projet de loi article par article, nous avons eu des débats sereins, des débats constructifs, et même si la loi était, somme toute, relativement bien faite, parce qu'on n'a pas dû procéder à des amendements de fond majeurs, nous avons pu tenir compte à la fois des recommandations et des suggestions qui nous étaient faites par les organismes, mais, à l'occasion, également, de propositions d'amendement qui nous ont été apportées par l'opposition.

(11 h 20)

Je le rappelle parce qu'un projet de loi qui réussit à passer toutes les étapes dans la sérénité, qui fait l'objet d'un examen sérieux, approfondi de l'opposition – de l'opposition, je le dis – c'est indispensable pour qu'on puisse doter le Québec de bons projets de loi. Et ça a été démontré par le passé, des projets de loi qui, parce qu'il y avait obstruction ou parce qu'on a adopté à la vapeur en fin de session certains projets de loi, plus souvent qu'autrement, ces projets de loi doivent revenir en Chambre pour fins de modification. Ce n'est pas gratuit, ce n'est pas banal, ce n'est pas juste un exercice futile, l'examen d'un projet de loi en commission parlementaire; ça sert à examiner, pour et au nom de nos commettants, comment les projets de loi répondront de façon efficace au besoin qui a été identifié et comment les projets de loi, lorsque mis en vigueur, pourront donner les résultats que nous attendons.

Nous avons reçu l'appui de l'opposition, comme de la très, très grande majorité des personnes qui se sont présentées en commission parlementaire, comme de tous les organismes que j'ai rencontrés depuis. Et je sais gré à toutes ces personnes, et au nom, je dirais, de tous les enfants du Québec. Rappelons que, lors de la commission parlementaire, c'était une commission parlementaire sur invitation, nous avons invité une quarantaine d'organismes; il y en a 28 qui se sont présentés et 24 ont accordé un appui non équivoque au projet de loi.

Certains éléments très pertinents ont été repris par plusieurs groupes, et nous en avons pris acte. D'abord, on nous a rappelé qu'il fallait permettre au débiteur de bénéficier d'une suspension de la retenue à la source même si la créancière est prestataire de la sécurité du revenu. Vous savez qu'actuellement, dans la loi de la sécurité du revenu, il y a une disposition qui prévoit que c'est une perception automatique auprès du débiteur, si la créancière est prestataire de la sécurité du revenu. Nous avions maintenu cette disposition dans la loi sur les pensions alimentaires, et on nous a fait remarquer, à raison, qu'il s'agissait là d'un préjugé qui se défendait mal. Alors, les débiteurs dont le parent gardien est à la sécurité du revenu seront soumis aux même règles que tous les autres débiteurs, c'est-à-dire que ça pourra être par retenue à la source ou par versements par ordonnance au ministre du Revenu.

On nous avait également demandé de mieux encadrer les délais accordés au débiteur alimentaire afin qu'il constitue une sûreté. Alors, dans cette perspective, nous nous sommes assurés de resserrer, dans le projet de loi – et, je pense, à la satisfaction des deux parties parce que l'amendement a été adopté à l'unanimité – cette disposition, de manière à ce qu'on puisse mieux déterminer les délais de constitution de la sûreté.

On nous avait également demandé de préciser les modalités entourant la vérification du consentement libre et éclairé des parties afin de se soustraire à la retenue à la source. Et, vous savez, ça a été l'objet de plusieurs inquiétudes: Comment allez-vous vous assurer que c'est fait dans les règles et que l'une ou l'autre des parties ne soit pas soumise à des pressions qui l'amènent à signer une autorisation pour se soustraire à l'application de la loi? Nous avons également mieux resserré les dispositions prévues à cet article.

Dans ce que j'appellerais les recommandations périphériques au projet de loi, plusieurs organismes ont fait part de leurs inquiétudes sur un certain nombre de choses. Ils ont dit: Bon, vous adoptez le projet de loi, ça prend un certain nombre de mois à développer le système informatique pour pouvoir implanter le projet de loi, le mettre en vigueur. Qui va s'assurer que ça se fait dans les règles, qui va s'assurer que, par exemple, on aura pris toutes les précautions pour éviter d'appliquer, pas textuellement mais systématiquement, les règles qui prévalent pour la perception des impôts à la perception de la pension alimentaire? Parce que je pense qu'il faut que ça soit fait de façon plus nuancée, il faut que ça soit fait avec plus de sensibilité, j'allais dire.

D'autres nous disaient: Est-ce que le système va être efficace, est-ce qu'il va laisser s'échapper des choses, est-ce qu'on va pouvoir mesurer son efficacité? Ils proposaient la création d'un comité, d'un conseil. Nous avons choisi de former un comité de suivi qui sera composé à la fois de gens de l'externe et des ministères concernés pour mesurer un certain nombre de choses, entre autres l'efficacité du projet de loi, de la loi une fois mise en vigueur. Il faut qu'on puisse savoir si ça donne les résultats, s'il ne faudra pas qu'on modifie à un moment donné, s'il faudra attendre cinq ans avant de la modifier. S'il s'avérait, pour toutes sortes de raisons que je ne peux pas voir pour le moment, parce qu'on pense avoir un bon projet de loi, mais s'il s'avérait qu'il y a des trous dans notre projet de loi, qu'il faut colmater rapidement, ou s'il est trop rigide à certains endroits et qu'on pourrait peut-être l'assouplir, il faut qu'on puisse avoir assez rapidement des avis là-dessus. Donc, j'ai accepté la recommandation des organismes qui se sont prononcés sur cette question, qui en ont fait la demande, et j'ai formé un comité de suivi; nous sommes à procéder.

Plusieurs organismes, pour ne pas dire la quasi totalité des organismes qui se sont présentés, nous ont dit: Ça va demander une bonne campagne d'information. Ça me donne l'occasion de parler des campagnes publicitaires. Vous savez, les campagnes d'information, ce n'est jamais payant. On pense à celle de la Sécurité du revenu. Une campagne d'information, une campagne de publicité, une campagne de sensibilisation, par définition, ça coûte de l'argent. C'est payant dans ses retombées.

Moi, je pense à des campagnes de publicité, M. le Président, que nous avons tous vues et qui nous ont fortement influencés, qui ont coûté des dizaines de millions: celle sur la sécurité sur les routes; celle sur «Attachez votre ceinture». Cette première campagne, «Attachez votre ceinture», avait fait l'objet de tollés au Québec. Les Québécois, par définition, disaient: C'est de l'atteinte à la liberté des individus, vous nous obligez à nous attacher. Il n'y a plus personne qui questionne la nécessité – plus personne... peu de personnes, d'ailleurs, les sondages le démontrent – de s'attacher en voiture. La publicité avait coûté de l'argent, bien sûr qu'elle a coûté de l'argent, sauf que ses retombées nous ont rapporté des dizaines, voire des centaines de millions, parce qu'elle a eu des effets bénéfiques.

Alors, une campagne de sensibilisation, que ce soit à la Sécurité du revenu ou que ce soit pour mieux faire comprendre la portée, l'importance du projet de loi, ses modalités d'application, les règles qui régissent la perception des pensions alimentaires, les possibilités offertes au débiteur, soit de se soustraire ou encore de verser directement au ministère du Revenu, c'est une loi nouvelle, ça va demander une bonne campagne d'information et de sensibilisation, qui va coûter des sous, sans doute, elle aussi. Mais, cependant, nous avons la conviction que cette campagne va permettre de mieux administrer ce projet de loi, et va avoir des retombées heureuses, à la fois pour les créanciers, à la fois pour les débiteurs, et certainement pour les enfants.

Alors, le projet de loi, une fois adopté, ça demande quand même... On me dit – et je le déplore encore une fois – que ça prend une année pour développer les systèmes informatiques. Mais je vous dis tout de suite que le projet de loi adopté, le ministère du Revenu va pouvoir aller en appel d'offres pour développer les systèmes capables de traiter la loi et les ordonnances de pension alimentaire. Mais, déjà, il y a un comité qui a été formé et qui est en train d'élaborer tout ce qui est périphérique à ce projet de loi, pour savoir comment on va le gérer à l'intérieur, et ce comité est formé de fonctionnaires des trois ministères concernés: de la Justice, de la Sécurité du revenu et du Revenu.

Nous allons également travailler avec le ministre de la Justice à une grille de fixation. Là-dessus, les organismes ont été nombreux à nous faire valoir que, si c'était une bonne loi, elle ne corrigerait pas tout parce que toute la latitude est laissée, actuellement, aux juges, et sans grille de fixation, sans paramètres pour les guider dans la fixation des pensions alimentaires. Il y a des écarts quasiment du simple au double, quand ça n'est pas du triple. Pour des situations fort comparables, des revenus comparables, vous avez quelqu'un qui se voit imposer des pensions alimentaires très élevées, et d'autres des pensions alimentaires un peu dérisoires. Et, d'ailleurs, sur cette question d'une grille de fixation des pensions alimentaires, même si on ne s'entend pas toujours avec le fédéral, sur cette question, il y a un consensus; il y a un consensus, et le gouvernement fédéral est en train d'élaborer, avec les différentes provinces, ce qui pourrait être un modèle de fixation des pensions alimentaires à être présenté aux juges au moment où ils ont à établir des ordonnances.

(11 h 30)

Nous nous sommes également engagés à travailler à favoriser la médiation familiale. La médiation elle pourrait intervenir bien avant qu'on ne soit à l'étape de la séparation ou au moment de se présenter devant un juge pour un divorce, une séparation ou pour obtenir une ordonnance alimentaire. Moi, je suis de celles qui croient qu'il y a des choses à faire là-dedans. C'est coûteux, c'est dispendieux, on a une situation budgétaire qui ne nous facilite pas les choses. Mais, avec la ministre responsable de la famille, présidente du Conseil du trésor et responsable du Secrétariat à la famille, de même qu'avec le ministre de la Santé et des Services sociaux et la ministre de la Sécurité du revenu, nous avons formé un comité qui examine toute cette question, parce que, s'il y avait possibilité d'intervenir aux différentes étapes, et y compris à l'étape avant l'ordonnance alimentaire, nous pensons qu'il y aurait, je ne dis pas des drames, mais des situations conflictuelles qu'on pourrait peut-être régler plus tôt.

Une autre recommandation qui nous est venue, celle-là de quelques organismes, mais également qui a été ramenée à plusieurs reprises par la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, qui nous accuse, à l'occasion, de manquer de sensibilité à l'endroit des plus pauvres... Moi qui suis ministre de la Sécurité du revenu, particulièrement sensible à la pauvreté des enfants, je dois dire que je le prends plutôt... ça rentre de travers un peu quand j'entends ça, parce qu'elle dit: Vous n'avez pas prévu dans la loi de dispositions qui pourraient déduire entièrement les pensions alimentaires de la prestation de la sécurité du revenu. Je rappelle les règles de base là-dessus, parce que, sinon, on va toujours s'en aller là-dedans avec les mêmes arguments, ce qui ressemble un peu à un dialogue de sourds.

La première. Il s'agit en l'occurrence, si nous prenons la décision de ne pas soustraire une partie de la prestation alimentaire, de l'exempter de l'application de la loi de la sécurité du revenu, c'est-à-dire de permettre, par exemple, de lui laisser 20 $, 25 $ ou 50 $ – dans certains pays, c'est 15 $ – par mois, ce qui permettrait d'avoir un petit peu plus lorsque le débiteur paie sa pension alimentaire... Il s'agit d'une modification réglementaire, ça n'a rien à voir avec la loi – je vais le répéter aussi pour la nième fois – et cette modification réglementaire ne peut entrer en vigueur qu'en même temps que la loi va entrer en vigueur, c'est-à-dire dans un an. Alors, c'est ça, la réalité. Je dis: Moi, je suis sensible. Nous avons fait faire les évaluations. Nous avons examiné combien ça coûte si on laisse, par exemple, 25 $, si on enlève 40 $, 60 $. Toutes ces hypothèses-là ont été examinées. Évidemment, nous prendrons la décision quand nous serons rendus à l'adoption du budget, probablement, l'an prochain.

Alors, le gouvernement du Québec a voulu doter le Québec d'une loi qui conjugue les avantages d'une loi sociale aux avantages d'une loi fiscale, parce que, ça aussi, ça a fait l'objet de débats. S'agit-il d'une loi sociale ou d'une loi fiscale? Je dis: C'est une loi sociale qui se donne des moyens d'une loi fiscale. Ça ne faisait pas l'unanimité, mais c'était, à l'examen de ce qui se fait à l'étranger, ce qui était le plus efficace. Sinon on adoptait une loi pour adopter une loi, qui n'aurait pas eu de dents, qui n'aurait pas eu de moyens, qui n'aurait pas été efficace, et nous n'aurions pas pu atteindre l'objectif que nous nous étions fixé, que nous nous sommes fixé, c'est-à-dire réduire la pauvreté des enfants.

J'ouvre une parenthèse ici, parce que les hypothèses que nous avons examinées quant aux retombées de cette loi, évaluées à 72 900 000 $ d'argent qui va retomber dans les poches des enfants... Çette hypothèse, c'est la plus conservatrice. Nous l'avons établie sur la base de 10 % de résultats, 10 % de plus de pensions alimentaires qui seraient versées, alors qu'il est légitime... Et je pense que nous devrions, avec la loi que nous nous sommes donnée, largement dépasser ces 10 %, pour atteindre, je pense – c'est raisonnable de le penser – 20 %.

Alors, ce qu'il faut rappeler ici: avec cette loi, ce n'est pas 73 000 000 $ qu'on devrait pouvoir retourner dans les poches des enfants, sur la table des enfants, mais c'est probablement le double. Mais nous avons voulu être très conservateurs dans les évaluations pour différentes raisons. Je préfère entendre dire, dans deux ans: Vous avez largement dépassé vos objectifs, que me faire dire: Vous ne les avez pas atteints. Je préfère me faire dire: Les coûts estimés d'opération du système sont en deçà de ce qui avait été estimé, et les retombées, tant pour le ministère de la Sécurité du revenu que pour les femmes et les enfants, seront plus élevées, et c'est ce que je souhaite.

M. le Président, mon gouvernement a voulu aussi doter, je disais, le Québec d'une loi sociale, mais également répondre aux demandes répétées de nombreux groupes, non seulement aux plus persévérants d'entre eux – je pense à la Fédération des associations de familles monoparentales, à l'Assemblée des évêques, au Protecteur du citoyen, qui revenait de façon régulière avec cette proposition, au Conseil du statut de la femme – mais également au rapport de Camil Bouchard, «Un Québec fou de ses enfants». Nous avons, par cette loi, répondu aux attentes et aux requêtes exprimées depuis de très nombreuses années sur cette question.

Je voudrais le répéter: La trame de fond qui nous a animés tout au long des travaux entourant l'élaboration, la consultation, l'étude de la loi a été d'assurer un mieux-être aux enfants du Québec, qui sont notre avenir. Nous avons, comme société, le devoir d'assurer une stabilité économique aux enfants, afin de libérer un espace qui permettra aux deux parents de construire de nouveaux liens avec leurs enfants, dans un contexte relationnel respectueux.

Je suis fière de déposer ce projet de loi: particulièrement fière de le faire dans le climat de sérénité, j'allais dire, qui a accompagné toutes les étapes de ce projet de loi; particulièrement fière de répondre à une attente longtemps exprimée; particulièrement fière également de voir que nous avons pu le faire avec le consentement unanime des membres de cette Chambre.

Je voudrais remercier toutes ces personnes qui ont contribué aux différentes étapes qui nous mènent à l'adoption de ce projet de loi, plus particulièrement les fonctionnaires, les fonctionnaires de tous les ministères qui ont été associés à la préparation de ce projet de loi, les fonctionnaires du ministère de la Justice, les fonctionnaires du ministère de la Sécurité du revenu, du ministère du Revenu, du Secrétariat à la condition féminine, et, pour une partie de la recherche qui a été faite quant aux coûts d'opération du système, de la Régie des rentes du Québec. Ils ont fait preuve de disponibilité, ils ont fait preuve de professionnalisme, ils ont fait preuve de loyauté, ils ont fait preuve aussi d'ouverture, parce qu'ils arrivaient tous avec des idées.

Et je rencontrais hier un sous-ministre qui me disait: Finalement, vous savez, votre projet de loi, là, on est fiers. On est fiers de votre projet de loi. C'est un peu notre projet de loi. Ce n'était pas ce qu'ils nous disaient quand on a mis le premier projet sur la table. Parce que chacun arrivait avec son idée, chacun avait sa conception de la meilleure façon de le faire. Et c'est au fur et à mesure – non seulement ils ne contestaient pas, mais ils interrogeaient, ils questionnaient – de l'examen de la situation qui prévalait à l'étranger, mais également de la détermination qui était la nôtre de ne pas s'écarter d'un certain nombre de lignes, de paramètres à l'intérieur desquels j'avais voulu placer l'examen et la rédaction de ce projet de loi, ils l'ont accepté. Ils ont réussi à rédiger le projet de loi comme je souhaitais qu'il le soit.

(11 h 40)

Évidemment, on a modifié, on a bougé, on a tenu compte des situations, mais, pour les grands principes du projet de loi, ils ont travaillé à l'intérieur de ces principes. Ils ont travaillé à rédiger, article par article, de manière à ce que ça rende bien ce que nous souhaitions avoir comme projet de loi, mais également comme rendement au projet de loi et comme effet du projet de loi. Alors, aux fonctionnaires de ces ministères, je dis merci. Je le dis en cette Chambre parce que, trop de fois, faut-il le dire, on a le sarcasme, la raillerie un peu facile à l'endroit des fonctionnaires du gouvernement.

Je trouve toujours ça facile et malheureux, trop facile de s'en prendre à toute une catégorie d'individus – comme on le fait, d'ailleurs, pour les prestataires de la sécurité du revenu – sans aucune nuance. Sans aucune nuance. On le fait pour les prestataires de la sécurité du revenu; on le fait malheureusement pour nos fonctionnaires; on le fait malheureusement pour les politiciens, de plus en plus, à quelque niveau qu'ils soient. À quelque niveau qu'ils soient. Et je pense que c'est des attitudes qui sont démagogiques et qu'il faut dénoncer chaque fois que c'est possible. C'est pourquoi je veux le faire à cette occasion, pour rendre hommage aux fonctionnaires de même qu'à tous ceux et celles, dans les cabinets des différents ministres, impliqués dans la rédaction de ce projet de loi.

À mes collègues ministériels, députés qui ont travaillé aussi, qui ont suivi l'élaboration du projet de loi, qui ont participé à la mission, je voudrais aussi les en remercier.

Je suis donc fière, M. le Président, à titre de ministre responsable de la Condition féminine, de participer à une législation qui donne aux enfants, qui lègue aux enfants du Québec, aux femmes, aux hommes, une loi qui est un investissement pour l'avenir et un investissement pour le Québec. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu et de condition féminine, tout en vous rappelant, Mme la députée, qu'à titre de représentante de votre groupe parlementaire vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Comme le disait tantôt la ministre, nous arrivons aujourd'hui à l'étape la plus importante du projet de loi 60, le projet de loi qui facilite le paiement des pensions alimentaires, soit son adoption. Vous vous souviendrez, M. le Président, que, depuis le dépôt du projet de loi 60, le 2 février dernier, il y a plusieurs étapes qui ont été franchies par le projet de loi.

Tout d'abord, je rappelle, comme la ministre l'a fait tantôt: le principe du projet de loi 60 a été adopté à l'unanimité, par tous les députés de l'Assemblée nationale.

On a eu des consultations particulières. On a pu échanger avec à peu près une trentaine de regroupements, d'organismes qui représentent soit des associations de femmes, d'enfants, de familles, d'hommes, et aussi des associations qui s'occupent de médiation familiale, qui sont venus échanger avec nous en commission parlementaire, avec les membres de la commission des affaires sociales, et qui, suite à leurs interventions, à leurs inquiétudes, à leurs propositions, nous ont aidé à bonifier et à améliorer le projet de loi 60.

Il y a eu aussi, en commission parlementaire, l'étude détaillée, article par article, du projet de loi et, la semaine dernière, la prise en considération, pour se retrouver aujourd'hui à l'adoption du projet de loi.

Je vous rappelle aussi, M. le Président, que, tout au long du cheminement du projet de loi 60, de son élaboration jusqu'à l'adoption aujourd'hui, l'opposition a toujours offert son entière collaboration, de façon très constructive et ouverte, afin de bonifier et d'améliorer le projet de loi 60.

Nous avons aussi présenté plusieurs amendements lors de l'étude détaillée du projet de loi, dont plusieurs, quelques-uns, ont été adoptés; d'autres, qu'on aurait bien voulu qu'ils soient adoptés, ont été rejetés. Mais vous connaissez comment ça fonctionne en commission parlementaire, le poids du nombre fait la différence.

Nous nous réjouissons, nous, de l'opposition officielle – et, depuis le dépôt du projet de loi, je l'ai répété à plusieurs reprises – de l'objectif premier du projet de loi, qui est de régulariser, de stabiliser les versements de pensions alimentaires à certaines familles du Québec. Mais, aussi, il y a des points que je dois rappeler à la ministre. Elle en a parlé tantôt, de mes inquiétudes, et des appréhensions, des préoccupations de l'opposition officielle. C'est vrai que je les lui ai répétées à plusieurs reprises. Alors, il faut se poser la question: Qui des deux est la plus têtue, ou ne comprend pas, ou ne veut pas comprendre?

J'aimerais peut-être rappeler – peut-être pas de façon détaillée, M. le Président, parce que j'ai eu la chance, lors des consultations publiques et de l'adoption de principe, et, la semaine dernière, lors de la prise en considération, d'exprimer encore mes inquiétudes de façon plus détaillée – les points, pour nous, qui nous préoccupent encore.

Le fait que le nouveau système de perception des pensions alimentaires sera dorénavant sous la gestion du ministère du Revenu et non pas du ministère de la Justice. Il y a également que tous les débiteurs, finalement, qu'ils soient ou non en défaut, sont régis pas le projet de loi 60, à moins qu'ils ne soient exemptés par le tribunal. Il y a aussi la lourdeur bureaucratique qui nous inquiète, les engorgements que ça pourrait provoquer. Les lourdeurs, aussi, qui sont données aux employeurs dans ce projet de loi, quand on dit aussi que l'employeur devient solidairement responsable, avec l'employé, dans certaines situations. Il y a la réduction – la ministre en a parlé tantôt – des points de service actuellement: avec le ministère de la Justice, on retrouve 59 points de service dans les régions du Québec; avec le nouveau projet de loi 60, ces points de service sont diminués à 16.

J'aimerais aussi, M. le Président, rappeler à la ministre le grand silence du projet de loi en ce qui a trait à la médiation familiale. Suite à nos préoccupations, suite aux groupes qui sont venus en commission parlementaire, qui ont décrit l'importance de la médiation familiale à la ministre, la ministre nous a appris tantôt, et aussi durant l'étude détaillée, qu'il y a un comité qui sera formé avec deux autres de ses collègues pour, justement, regarder tout l'aspect de la médiation familiale.

Notre plus grande surprise, notre plus grande déception, est le fait que la ministre n'ait pas inclus – elle en a parlé tantôt – les femmes et les enfants les plus pauvres du Québec, ceux qui sont sur l'aide de dernier recours, dans le projet de loi. J'aimerais revenir sur ce point, M. le Président, parce que, lors de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales et suite à mes diverses interventions à cet égard, la ministre, lors de son droit de réplique, a repris ce point. J'aimerais peut-être la citer dans le Journal des débats de l'Assemblée nationale de la semaine dernière. À mes préoccupations, elle me répète, dans sa réplique: «Nous allons procéder...» Il s'agit, ici, d'une modification législative; ça, je l'avais bien compris, M. le Président. «Nous allons procéder, mais il s'agit d'une modification au règlement de la sécurité du revenu. Une modification réglementaire va nous permettre, quand la loi va entrer en vigueur – j'attire votre attention, «quand la loi va entrer en vigueur» – de soustraire une partie de la pension alimentaire à l'application de la loi.» Nous, ce qu'on avait suggéré à la ministre, c'était que le paiement de la pension alimentaire de l'ex-conjoint n'entraîne qu'une réduction partielle de la prestation d'aide de dernier recours plutôt qu'une réduction équivalant au montant global de la pension, tel que les gens le vivent actuellement.

Alors, ce qu'on dit à la ministre... Si vraiment, comme elle a déclaré la semaine dernière, elle dit qu'elle va faire une modification, mais seulement dans un an, quand la loi va entrer en vigueur, nous, on dit: Vu qu'il s'agit d'une modification législative et vu – elle l'a répété à plusieurs reprises dans son intervention, tantôt – qu'elle a dit qu'elle fait le projet de loi pour les enfants, pour aider les enfants les plus pauvres, moi, je lui dis: Si vraiment c'est pour aider les enfants les plus pauvres et qu'il s'agit ici d'une modification législative, pourquoi ne pas, justement, faire cette modification présentement, pour que les familles les plus pauvres du Québec, celles qui sont sur l'aide de dernier recours, les familles monoparentales, les enfants les plus pauvres du Québec, aujourd'hui, puissent obtenir ce petit montant qui...

Dans certaines situations, il faut comprendre, s'il s'agit d'enfants qui sont sur l'aide de dernier recours, la pension alimentaire du débiteur est sûrement... peut-être pas très élevée. Le petit montant qui pourrait être donné à ces familles-là pourrait peut-être faire une petite différence à la fin du mois. Alors, moi, je me dis: Si vraiment c'est la volonté de la ministre d'aider les enfants les plus pauvres du Québec, pourquoi ne pas faire cette modification législative dès aujourd'hui, pour que ça s'applique dès maintenant aux familles les plus pauvres du Québec?

J'espère, cependant, M. le Président, qu'il ne s'agit pas seulement d'une façon d'essayer de me clouer le bec. Parce que c'est vrai que je l'ai répété à plusieurs reprises, et que j'ai demandé à la ministre d'agir à cet effet-là, et que j'étais vraiment très surprise et très déçue qu'elle ait oublié les familles de l'aide de dernier recours. Alors, j'espère seulement que ce n'est pas un voeu pieux et qu'elle va vraiment avoir la volonté politique de le faire. Et je souhaite qu'elle puisse le faire dans les plus brefs délais, non pas attendre que la loi soit mise en vigueur.

Il y a un autre point aussi que la ministre a relevé, et elle a dit que j'ai été persistante, que je l'ai répété à plusieurs reprises, lors de nos échanges: les points de service. Il y a actuellement, comme je le disais tantôt, 59 points de service au Québec où les gens peuvent aller directement rencontrer une personne et échanger avec cette personne-là; avec le projet de loi, ça tombe à 16. Moi, je pense aux gens dans les régions, pas les gens qui sont dans les grands centres urbains, où il va y avoir des points de service dans les grands centres urbains, mais les gens dans les régions.

(11 h 50)

Je rappelle à la ministre que plusieurs groupes nous ont dit qu'ils étaient inquiets du fait qu'il y avait une diminution des points de service. Et je lui rappelle l'intervention de L'Intersyndicale des femmes lors de nos consultations en commission parlementaire. Ce regroupement nous disait: Le ministère de la Justice a instauré des services d'exécution en nommant, parmi le personnel de la Direction générale des greffes, des perceptrices ou des percepteurs dans plusieurs localités du Québec. L'accessibilité à ce service a sans contredit bénéficié aux femmes qui ont développé des contacts plus suivis avec le percepteur chargé de leur dossier. Nous considérons que l'existence d'un tel service régional doit être maintenue. Ce n'est pas seulement L'Intersyndicale des femmes, M. le Président, qui a fait cette intervention-là, il y a plusieurs groupes. De plus, dans ses propositions, dans ses recommandations à la ministre, on nous propose que les services régionaux de perception soient maintenus et rattachés au ministère du Revenu.

Il y a d'autres groupes, M. le Président, qui nous ont dit que, dans certaines régions du Québec, il faut absolument, il est essentiel, qu'on garde le plus de points de service, étant donné qu'il y a des personnes qui sont non fonctionnelles, qui sont analphabètes, qui ont besoin d'un contact direct avec une personne dans leur région, dans leur localité, dans leur municipalité.

Alors, je vois que la ministre n'a pas changé son fusil d'épaule à cet égard, qu'elle garde les 16 points, qu'elle diminue les 59 points de service à 16 points, elle l'a encore répété tantôt. Moi, j'ose seulement espérer, et permettez-moi d'en exprimer le voeu, que, si, lors de l'application du projet de loi 60, on se rend compte qu'il y a un manque à cet égard dans les régions, j'espère seulement que la ministre va s'engager à y remédier et va faire tout ce qu'il faut, justement, pour remettre ces points de service en vigueur.

M. le Président, j'aimerais vous rappeler, en terminant... remercier avant, peut-être, mes collègues, la députée de Chapleau ainsi que le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui m'ont offert, à titre de porte-parole de l'opposition, leur collaboration, leur aide et leurs suggestions quant à élaborer pour nous des amendements qui ont été présentés en commission parlementaire, et aussi au niveau du suivi en commission parlementaire, en consultations particulières; mes deux collègues, la députée de Chapleau et le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, je les remercie publiquement de leur aide, qui m'a été très, très précieuse.

Alors, en finissant, M. le Président, je rappelle avec beaucoup de plaisir que l'opposition officielle votera à l'unanimité en faveur de l'adoption du projet de loi 60 et qu'il s'agit pour nous d'un pas en avant quant à la régularité, à la stabilité de la perception des pensions alimentaires pour certaines familles du Québec, il va sans dire; quant à l'amélioration de leur situation financière et, en bout de piste, quant à l'amélioration de leur qualité de vie. J'aimerais rappeler que, pour nous du Parti libéral, il est important que la famille obtienne le plus possible au sein de la société québécoise et revête pour nous l'épanouissement de notre société.

Je me suis rendu compte hier que l'intervention que j'ai faite la semaine passée, la motion pour lutter contre la pauvreté, quand je demandais au ministre des Finances, justement, d'avoir des mesures concrètes et immédiates dans son budget pour aider la famille, pour lutter contre la pauvreté et créer des emplois... Je me suis rendu compte hier, en écoutant le ministre, que j'ai parlé à un mur, M. le Président, et que la famille, pour le ministre des Finances, n'a pas beaucoup d'importance, parce que, dans son budget, il n'y a absolument rien pour la famille québécoise, pour les familles québécoises, pour leur épanouissement, et je le regrette profondément. J'aurai la chance d'y revenir la semaine prochaine et de pouvoir parler aussi de la lutte à la pauvreté.

Vous vous souviendrez que, la semaine dernière, lors de l'intervention du ministre de l'Éducation sur ma motion sur la lutte à la pauvreté, tout ce que le ministre de l'Éducation a su faire pendant 20 minutes, c'est de faire rigoler ses députés ministériels avec des interventions ou des remarques sur des voyages, des poissons et des remarques un peu idiotes. Mais je pourrai y revenir, sur ça, M. le Président. Parce que, sur une motion sur la lutte à la pauvreté, j'ai regretté et j'ai été scandalisée de voir que le ministre de l'Éducation, ministre au sein du cabinet, n'ait rien de mieux à dire que de parler de voyages et de faire rigoler ses députés ministériels. Mais j'y reviendrai, sur la semaine dernière.

Et, pour finir sur une note un peu plus positive, je rappelle que, pour nous, nous sommes heureux...

Une voix: ...

Mme Loiselle: Qu'est-ce qui se passe, M. le Président?

M. Boisclair: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: La députée nous interpelle, elle veut savoir ce qui se passe. Elle ne peut se servir d'un langage injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit – 35.7° de notre règlement. Elle parle des remarques idiotes que mon collègue, ministre de l'Éducation, aurait tenues. Vous comprenez que ce n'est pas parlementaire. Je ne voudrais pas intervenir plus qu'il ne le faut pour souligner ce point de règlement. Je préférerais plutôt accorder mon attention à l'appui que la députée donne à l'initiative de la ministre. Mais, puisqu'elle m'interpelle, je lui réponds et, ce faisant, en utilisant mon droit de parole, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, je vous invite à continuer, tout en vous rappelant les dispositions de notre règlement: quand on qualifie les propos d'un parlementaire, de bien faire attention à la qualification qu'on leur donne.

Mme Loiselle: M. le Président, seulement rappeler que, si le leader adjoint avait été ici la semaine dernière, lors de l'intervention du ministre...

M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.

Mme Loiselle: ...il ne se serait pas levé. Il serait gêné de s'être levé aujourd'hui, parce qu'il n'était pas là.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: La députée sait très bien, et je vous demande de la rappeler à l'ordre, elle sait très bien qu'elle ne peut ni souligner la présence ni l'absence de gens...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Vous avez raison, M. le leader adjoint du gouvernement. Je dois vous donner raison. On ne peut faire mention de l'absence ou de la présence d'un député lors d'une quelconque étape de nos travaux. Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, je vous invite à continuer, tout en respectant les dispositions de notre règlement.

Mme Loiselle: Bien, seulement pour l'information du leader adjoint, M. le Président, il me fera plaisir de faire parvenir au leader adjoint les galées de l'intervention du ministre. Alors, il pourra être d'accord avec moi qu'aujourd'hui il aurait peut-être été gêné de se lever pour m'interrompre.

Mais, tout en terminant sur une note beaucoup plus positive, M. le Président, j'aimerais rappeler, une fois de plus, que l'opposition officielle se réjouit de voter à l'unanimité pour le projet de loi 60, ce projet de loi qui fera bénéficier les enfants, les familles du Québec, les femmes du Québec d'une amélioration à leur qualité de vie. Et c'est dans ce sens-là que nous allons voter oui pour l'adoption du projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je suis maintenant prêt à céder la parole à une autre intervenante, et je vais céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles, tout en vous rappelant, Mme la députée, que vous avez un droit de parole de 20 minutes.


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Merci, M. le Président. Je tenais à prendre la parole au moment de l'adoption du projet de loi 60, évidemment, parce qu'il met en place, comme l'a souligné la ministre responsable de la Condition féminine, une réforme majeure du système de perception des pensions alimentaires, réforme, évidemment, à laquelle je crois beaucoup.

Du temps où j'ai travaillé au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail et aussi comme présidente du Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois, j'ai appuyé sans réserve les démarches de la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec et de la Fédération des femmes du Québec, démarches entreprises depuis des années afin de convaincre les parlementaires des avantages liés à un système automatique de perception des pensions alimentaires. Aujourd'hui, il est fort réjouissant de voir enfin tous ces efforts porter fruit. Oui, les choses peuvent changer, et elles peuvent changer pour le mieux.

Le projet de loi 60 a pour objet de favoriser la stabilité et la régularité des paiements de pensions alimentaires aux enfants et aux familles. C'est une chose essentielle mais, malheureusement, inconnue pour une majorité de familles monoparentales sous les règles actuelles du percepteur.

M. le Président, grâce à la qualité du travail effectué lors de l'étude article par article en commission parlementaire, le projet de loi 60 a été bonifié à un tel point que l'objet de la loi 60, la stabilité et la régularité des versements de pensions alimentaires, s'en trouve renforcé. Je pense ici aux dispositions entourant la constitution d'une sûreté par les débiteurs alimentaires.

Lors des audiences particulières, plusieurs groupes ont exprimé des craintes par rapport à la sûreté. Quel serait le délai de constitution? Est-ce que les salariés pourraient demander au ministre une exemption de déposer la sûreté sous prétexte d'endettement excessif? C'étaient des questions tout à fait légitimes.

(12 heures)

Concernant les salariés et la sûreté, la ministre responsable de la Condition féminine a eu tôt fait de nous rassurer. Les salariés qui demandent à être exemptés de la retenue à la source ne peuvent se soustraire, par la suite, au dépôt d'une sûreté de trois mois. C'est maintenant très clairement exprimé à l'article 25 de la loi 60.

Sur les inquiétudes face au délai de constitution de la sûreté, nous aurions pu prévoir un long délai pour les débiteurs aux prises avec des problèmes financiers. Prévoir une période de six mois pour constituer une sûreté aurait été possible. Mais, là, on s'exposait à ce qu'après cinq mois et quelques jours aucune somme n'ait été consignée chez le ministre. Dans pareilles circonstances, un défaut de paiement aurait laissé la famille monoparentale sur le carreau. Eh oui, M. le Président, souvent une trop grande flexibilité peut rimer avec inefficacité. En matière alimentaire, l'expérience du percepteur nous prouve qu'il suffit souvent d'insuffler un peu de souplesse pour accommoder certains cas bien définis – j'entends ici les débiteurs travailleurs autonomes peu fortunés – pour s'apercevoir peu après que même les plus fortunés des débiteurs ont recours à ces échappatoires. Et alors, notre belle loi devient inefficace.

Le danger était réel et il fallait faire attention. Avec le nouvel article 25, les travailleurs autonomes doivent payer sans délai au ministre la sûreté. Mais, en même temps, on tient compte de la capacité de payer du débiteur qui travaille à la pige. Ceux gagnant des revenus modestes pourront constituer leur sûreté progressivement, à tous les 15 jours ou à tous les mois. Rédigé de cette façon, l'article 25 offre une certaine souplesse tout en évitant les abus.

C'est un exemple, M. le Président, du travail accompli en commission parlementaire. Je tiens à dire ici que les débats étaient d'une grande qualité. Je pense sincèrement que la tenue d'audiences particulières a aidé à rehausser le niveau des échanges. Pour la première fois depuis la création du percepteur des pensions alimentaires, au début des années quatre-vingt, les parlementaires ont écouté les groupes de femmes sur la question. C'est tout à l'honneur de la ministre responsable de la Condition féminine, et je la félicite aujourd'hui publiquement pour cette initiative des plus démocratiques.

Le travail en commission parlementaire a donc permis de dégonfler certains mythes qui avaient la vie dure même ici, à l'Assemblée nationale. J'ai lu les débats de la commission parlementaire chargée d'étudier la loi 131, en décembre 1993. La loi 131, M. le Président, modifiait légèrement les pouvoirs du percepteur des pensions alimentaires. Tout au long des travaux, le ministre de la Justice d'alors véhiculait, si ce n'est des faussetés, à tout le moins des demi-vérités. Par exemple, on lit, dans le Journal des débats du 2 décembre 1993, que seulement 8 % des ordonnances alimentaires posaient problème.

Curieusement, aujourd'hui, on sait que c'est une majorité: 55 % des pensions ne sont pas payées volontairement. Autre mythe que l'on retrouve, et celui-là a la vie tenace, c'est le mythe selon lequel les pensions ne sont pas payées à échéance parce que le débiteur ne peut justement pas les payer. Des études qui étaient disponibles en 1993 démontrent que près de 80 % des mauvais payeurs ont un emploi.

Autre absurdité, le ministre de la Justice en poste en 1993 se refusait à voir une différence entre une saisie judiciaire et une retenue à la source d'ordre administratif. La différence existe cependant: la saisie relève du Code de procédure civile, alors que la retenue à la source fiscale, par exemple, relève de la Loi sur les impôts. Mais oublions tout cela, la mauvaise foi des membres du gouvernement d'alors est maintenant chose du passé. Ils nous l'ont prouvé avec leur accord, leur soutien à cette loi.

Grâce aux travaux de la commission des affaires sociales auxquels a pleinement collaboré l'opposition, la population, les chercheurs et les législateurs qui nous succéderont disposent dorénavant d'information pertinente sur les pensions alimentaires. C'est gratifiant pour nous, parlementaires, et ça devrait prévenir la société de reculs éventuels.

En terminant, M. le Président, je rappelle les grandes lignes du projet de loi. L'intervention d'une tierce personne, en l'occurrence le ministre du Revenu, dans le paiement de la pension alimentaire est de loin le changement le plus important de tout le projet de loi. Bientôt, fini le temps où la mère devait s'absenter de son travail pour courir sa pension alimentaire au palais de justice. Finie la nécessité de porter plainte pour que le percepteur entre en fonction, d'où, je le rappelle, la nécessité de moins de points de service.

Le dossier de la perception est maintenant réglé. Il reste à revoir la fixation des pensions alimentaires et la défiscalisation de celles-ci. Malheureusement, pour les familles monoparentales, ces juridictions relèvent du fédéral. Malgré notre volonté de bouger, nous sommes, encore une fois, tributaires de la volonté du gouvernement d'Ottawa. Encore un domaine, et c'est évident, où le rapatriement des pouvoirs d'Ottawa ne pourrait qu'aider la population du Québec.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, nous avons rempli notre engagement envers les enfants des familles monoparentales, et je suis heureuse d'avoir participé au processus d'adoption de la loi 60. L'adoption de ce projet de loi donne son véritable sens à notre participation à la vie parlementaire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Mille-Îles. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi? Je vais céder la parole à Mme la députée de Chapleau, tout en vous rappelant que vous avez un droit de parole de 10 minutes. J'ai, tout à l'heure, involontairement induit en erreur la députée de Mille-Îles quand à son droit de parole. Au niveau de l'adoption d'un projet de loi, c'est 10 minutes, les temps de parole. Alors, je vous cède la parole, Mme la députée.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai participé à toutes les étapes préalables à l'adoption du projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Il s'agit là, pour moi, d'une première expérience qui a été très enrichissante. Tous ceux et celles qui ont participé à chacune de ces étapes, et plus particulièrement à l'analyse détaillée article par article du projet de loi et aux consultations particulières qui l'ont précédée, ont collaboré en apportant des points de vue constructifs et pertinents, ce qui a favorisé les échanges et permis l'occasion d'apporter certaines modifications au projet de loi.

Lors des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi 60, j'ai été particulièrement touchée et sensible aux préoccupations des différentes associations de femmes, de familles et d'enfants. En effet, ces dernières nous ont fait part de leurs réalités quotidiennes, qui sont beaucoup plus complexes et difficiles que les technicalités juridiques que nous avons traversées lors de l'analyse détaillée du projet de loi. Ces réalités éveillent en chacun de nous, et surtout comme parlementaires, l'importance d'intervenir pour assurer, particulièrement aux femmes et aux enfants, le droit de vivre dans la dignité en prenant des mesures qui leur permettent de mieux subvenir aux besoins familiaux.

Récemment, plusieurs parlementaires débattaient devant cette Chambre de l'importance de lutter contre la pauvreté. La pauvreté, M. le Président, est très présente malheureusement chez les femmes et les enfants qui sont impliqués dans des situations de séparation ou de divorce et qui se retrouvent incidemment dans des situations financières très, très précaires. À titre de députée, M. le Président, plusieurs citoyennes de mon comté m'ont fait part de leur vécu dans de telles situations. Aussi, M. le Président, je suis très heureuse que ce projet de loi puisse être adopté, et ce, à l'unanimité, en dépit de certains aspects que nous aurions voulu bonifier, tel que l'a souligné ma collègue la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu et de condition féminine.

(12 h 10)

Sans reprendre chacun de ces points, je tiens à manifester ma déception, particulièrement à l'égard des familles les plus défavorisées, des familles monoparentales de la sécurité du revenu. Il est difficile de concevoir que Mme la ministre responsable de la Sécurité du revenu ait décidé d'investir temps et argent pour faire une publicité sur la situation que vivent les personnes bénéficiaires de la sécurité du revenu, alors que, malheureusement, elle n'a pu investir temps et argent pour faire bénéficier les familles monoparentales sur la sécurité du revenu des retombées de ce projet de loi, qui auraient permis qu'elles puissent recevoir une partie de l'argent versé à titre de pension alimentaire par l'ex-conjoint.

Je suis également déçue, en dépit de toutes les justifications apportées par Mme la ministre, que l'application de ce projet de loi ait pour effet de réduire l'accessibilité aux services du percepteur des pensions alimentaires en région. Je viens ici un peu répéter ce que ma collègue, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, a mentionné tantôt.

M. le Président, je suis convaincue de l'importance de maintenir la possibilité pour un citoyen ou une citoyenne d'entrer en contact directement avec le service le plus près de son domicile pour toutes les questions afférentes aux pensions alimentaires. Cela sera d'autant plus important, M. le Président, que le système prévu au projet de loi est un tout nouveau système qui impliquera beaucoup de questionnement de la part de toutes les personnes impliquées, que ce soit l'employeur, le débiteur et, évidemment, les bénéficiaires qui sont majoritairement des femmes.

J'espère que Mme la ministre pourra réviser sa position et permettra un plus grand nombre de points de service accessibles qui favoriseront des échanges plus humains et certainement plus personnalisés que les échanges par téléphone. Toutefois, pour ce type d'échanges qui doivent également exister en plus de l'accès à des lieux physiques, Mme la ministre nous a informés que, lorsque les dossiers seront traités par téléphone, ce sera toujours la même personne qui traitera ce dossier.

Pour conclure, M. le Président, j'espère et je souhaite vivement que les délais d'entrée en vigueur de ce projet de loi, qui implique encore une année d'attente pour les femmes et les enfants qui veulent avoir du pain sur la table, pour reprendre l'expression que Mme la ministre a souvent mentionnée lors de l'étude du projet de loi, ne dépasseront pas ce délai que nous a indiqué Mme la ministre. J'espère également que l'entrée en vigueur, qui doit se faire progressivement, selon ce que nous indiquait, encore une fois, Mme la ministre, ne s'échelonnera pas sur plusieurs années avant que toutes les familles monoparentales bénéficiant d'un jugement de pension alimentaire puissent recevoir effectivement le montant de leur pension alimentaire en bénéficiant de l'application du projet de loi 60, soit de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires.

En terminant, M. le Président, j'espère sincèrement que les efforts que le gouvernement et que l'opposition officielle ont déployés pour adopter ce projet de loi permettront d'apporter l'aide financière réelle et concrète pour améliorer la situation quotidienne que vivent les femmes et les enfants qui se retrouvent dans des situations de rupture de couple. Soyez assuré, M. le Président, que je suivrai de très près tous les développements qui ont trait à ce projet de loi. Je vous remercie, et je tiens ici à témoigner et à féliciter Mme la ministre. J'ai beaucoup apprécié de travailler avec elle et ma collègue sur ce projet de loi, et je la remercie plus particulièrement pour la patience qu'elle a eue pour répondre à nos questions, et ses réponses étaient toujours très bien. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Chapleau. Je vais maintenant passer la parole à un autre intervenant. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je vous demanderais de suspendre pour quelques instants. On me dit que je devrais peut-être aller m'enquérir de discussions entre l'opposition et le gouvernement. Si vous pouviez, peut-être, suspendre 15 secondes, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 12 h 21)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Si vous voulez bien vous asseoir, nous allons reprendre nos travaux.

Donc, j'en étais à céder la parole à un nouvel intervenant à propos toujours de l'adoption du projet de loi 60. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce projet de loi? Alors, le projet de loi 60, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, est-il adopté? M. le leader adjoint du gouvernement.


Vote reporté

M. Boisclair: Oui. M. le Président, à ce moment-ci, je demanderais un vote enregistré et, aussi, je me prévaudrais des dispositions de l'article 223 pour reporter ce vote après la période des affaires courantes. Cependant, l'article 223, normalement, fait en sorte qu'il est reporté à la séance suivante, ce qui serait demain. C'est ce que nous pourrions faire pour ne pas prendre le temps de l'opposition qui présente une motion cet après-midi. Alors, au lieu de faire le vote aujourd'hui, on le ferait demain, en vertu de l'article 223.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vais donc demander un consentement afin de déroger à l'article 223 qui, lui, prévoit que le report d'un vote doit se faire à la prochaine période des affaires courantes, donc normalement cet après-midi. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'il y ait report du vote après la séance des affaires courantes de demain? Il y a consentement. Parfait. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. À ce moment-ci, M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 3 de notre feuilleton.


Projet de loi 74


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, à l'article 3 du feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur les services correctionnels. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique, tout en vous rappelant, M. le ministre, que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je ne les prendrai pas, M. le Président. Alors, M. le Président, le projet de loi 74 modifie les dispositions de la Loi sur les services correctionnels concernant la composition du comité responsable de formuler les recommandations en matière d'absence temporaire. L'article 4 de la Loi sur les services correctionnels énonce que le directeur général des services correctionnels du ministère de la Sécurité publique doit faciliter la réinsertion sociale des personnes contrevenantes qui sont sous sa responsabilité.

L'article 22.2 de la loi précitée prévoit que le directeur général peut, pour faciliter la réinsertion sociale d'un détenu, lui permettre de s'absenter temporairement de l'établissement de détention.

L'article 22.4, lui, prévoit également que le directeur général peut octroyer une absence temporaire pour des raisons humanitaires. Cette décision d'octroyer ou non une absence temporaire pour réinsertion sociale ou raison humanitaire à une personne incarcérée est prise après que le comité d'absence temporaire, formé de trois personnes, eut formulé une recommandation.

L'article 22.10 prévoit, en effet, que le comité d'absence temporaire étudie la demande d'absence temporaire de la personne incarcérée et transmet sa recommandation au directeur général qui prend la décision. Pour les raisons que j'exposerai plus loin, je propose que les membres de cette Assemblée modifient la Loi sur les services correctionnels de façon à réduire à deux le nombre de personnes formant le comité d'absence temporaire.

Avant de vous parler des modifications particulières souhaitées, j'aimerais vous dire quelques mots sur les programmes d'absence temporaire pour motif de réinsertion sociale ou humanitaire instaurés aux services correctionnels de mon ministère. Ces précisions m'apparaissent utiles pour situer dans leur contexte les amendements proposés.

La réinsertion sociale des contrevenants demeure un élément fondamental de la mission des services correctionnels. Plus une personne est réinsérée socialement, plus le risque qu'elle récidive diminue. En ce sens, les services correctionnels utilisent tous les outils permettant la progression de la personne incarcérée d'un milieu fermé, avec peu de liberté, vers un milieu ouvert, avec plus de liberté et un encadrement de moins en moins contraignant.

Présentement, les absences temporaires permettent ce cheminement graduel vers la liberté. Dès son admission en détention, la personne incarcérée est informée des différents programmes d'activité offerts à l'interne et à l'externe afin de l'appuyer dans sa démarche de réinsertion sociale. Afin de la supporter dans ses efforts, la personne incarcérée à plus de six mois d'emprisonnement se voit assigner un agent des services correctionnels.

Rappelons que le rôle du surveillant en établissement de détention s'est largement modifié au cours des dernières années. À sa fonction de gardien s'est ajouté le rôle d'intervenant de première ligne. Il doit établir une relation d'aide avec la personne incarcérée, effectuer une grille évaluative de la dynamique délinquante et élaborer, en collaboration avec la personne incarcérée, un plan de séjour ou d'intervention. C'est à ce moment que les programmes de réinsertion sociale et humanitaire sont préparés.

Afin de supporter l'agent des services correctionnels dans son suivi auprès des personnes incarcérées, des intervenants spécialisés comme des criminologues, ou des psychologues, ou des psychoéducateurs le conseillent et l'aident à travailler d'une façon plus efficace. Ces intervenants peuvent également intervenir directement auprès de la personne incarcérée.

Au moment opportun, soit le sixième de la sentence pour l'absence temporaire pour réinsertion sociale et le tiers de la sentence pour l'absence temporaire pour raison humanitaire, la personne incarcérée complète une demande d'absence temporaire qu'elle remet à l'agent des services correctionnels. Ce dernier complète alors une recommandation où il fait état du cheminement de la personne incarcérée depuis son incarcération et où il présente le projet de sortie. Cette recommandation est, par la suite, acheminée au comité d'absence temporaire.

Voici maintenant les modifications législatives que nous souhaitons pour passer de trois à quatre sur ce comité, maintenant qu'on a bien compris, en fait, que cette décision est prise après qu'on a eu l'occasion d'évaluer la personne incarcérée.

À l'heure actuelle, les articles 22.6 et 22.10 de la Loi sur les services correctionnels se lisent comme suit. D'abord, 22.6:

«Dans les cas prévus par les articles 22.2 ou 22.4, le directeur général rend sa décision sur recommandation d'un comité d'absence temporaire lequel doit être institué dans chaque établissement de détention.

«Ce comité est formé de trois personnes désignées par l'administrateur de l'établissement de détention, conformément aux règlements.»

L'article 22.10, lui, se lit ainsi: «Dans le plus bref délai suivant la réception de la demande, le comité en fait l'examen et les consultations nécessaires et transmet au directeur général sa recommandation et le dossier dont le contenu est déterminé par règlement.»

Compte tenu du support offert à la personne incarcérée et de la préparation effectuée avant de saisir le comité d'absence temporaire d'une demande d'absence temporaire et compte tenu du contexte de restrictions budgétaires, nous pourrions faire une économie d'environ 170 000 $. Je propose de réduire à deux le nombre de personnes formant le comité d'absence temporaire.

En cas d'opinion différente des membres du comité, un nouveau comité formé de trois personnes réexaminerait la demande d'absence temporaire et ferait part de sa recommandation au directeur général.

Cette solution assure une meilleure gestion des ressources humaines affectées au comité d'absence temporaire des établissements de détention, et cela sans porter atteinte au processus décisionnel actuel et aux droits des détenus.

S'il y a unanimité dans la recommandation, et la pratique établie permet d'évaluer qu'il en est ainsi dans la majorité des cas, cette solution assouplit et accélère le processus de traitement des demandes d'absence temporaire. Elle diminue également les coûts reliés au fonctionnement des comités d'absence temporaire. Elle a également pour avantage de préserver, s'il n'y a pas unanimité dans la recommandation du comité formé de deux personnes, la pratique actuelle de transmettre au directeur général une recommandation faite à la majorité des trois personnes composant le nouveau comité d'absence temporaire.

(12 h 30)

Alors, la première modification est donc à l'article 22.6. J'ai déjà lu le premier paragraphe et le deuxième. Je rappelle simplement le deuxième paragraphe, puisque c'est celui que nous voulons modifier. Ce comité, donc, qui entend la demande d'absence temporaire, on dit donc au deuxième paragraphe: «Ce comité est formé de trois personnes désignées par l'administrateur de l'établissement de détention, conformément aux règlements.» L'administrateur d'établissement de détention, pour ceux qui l'ignoreraient, ils le connaissent peut-être mieux comme le directeur de la prison, en fait. Donc, l'amendement est très simple, c'est que nous voudrions enlever le mot «trois» et le remplacer par le mot «deux», de toute façon parce que ça coûte moins cher.

Quant à l'article 22.10, qu'il est nécessaire d'amender également, qui concerne, lui, l'examen et puis les consultations que fait le comité, et la recommandation qu'il fait au directeur général, eh bien, il faut nécessairement lui ajouter une phrase, pour le cas où les deux personnes ne seraient pas d'accord. Il n'y a pas possibilité d'établir la majorité dans ce temps-là. Alors, nous ajouterions donc à l'article 22.10 actuel, que je vous ai lu tout à l'heure: «S'il n'y a pas unanimité, un nouveau comité formé de trois personnes réexamine la demande d'absence temporaire et transmet sa recommandation au directeur général.»

Selon ce que nous avons testé, cette situation devrait être exceptionnelle et donc permettre les économies que nous espérons en proposant que le comité passe de trois à deux.

Alors, cette modification a également pour avantage de préserver, s'il n'y a pas unanimité dans la recommandation du comité formé de deux personnes, la pratique actuelle de transmettre au directeur général une recommandation faite à la majorité de trois personnes, composant le nouveau comité d'absence temporaire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Frontenac et porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, tout en vous rappelant, M. le député, qu'en tant que représentant de votre groupe parlementaire, vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci. Alors, comme vous venez de l'indiquer, M. le Président, je suis porte-parole en matière de sécurité publique et j'ai l'intention, comme les règles prévues dans nos règlements me le permettent, de discuter de la proposition, de la suggestion de M. le ministre, mais d'aborder en même temps, ce qui aurait pu être fait, ce qui manque dans cette proposition qui est extrêmement modeste et simple à comprendre en soi. Et je voudrais, M. le Président, attirer l'attention de M. le ministre, des parlementaires et de ceux et celles qui nous écoutent sur l'occasion ratée par M. le ministre de proposer des modifications beaucoup plus substantielles à la Loi sur les services correctionnels, qui auraient permis au ministre de passer de la parole aux actes.

Depuis le 29 novembre, M. le ministre occupe une fonction extrêmement importante dans la société québécoise: il a à protéger le public. C'est ça, la responsabilité, essentiellement, du ministre de la Sécurité publique. Il nous a fait part, dans toutes sortes de circonstances, de plusieurs projets qu'il a à l'esprit, et voici qu'il aurait eu l'occasion de le soumettre à l'attention des parlementaires, ce qu'il ne fait pas par ce qu'il propose ce matin.

Je dis tout de suite, cependant, à M. le ministre et à ses collègues, que nous appuierons sa proposition. Sans être trop enthousiastes, nous allons cependant concourir à la proposition qu'il soumet à l'attention de l'Assemblée.

M. le Président, le ministre de la Sécurité publique a la responsabilité d'administrer les prisons au Québec, où on retrouve – c'est la juridiction du gouvernement du Québec – les hommes et femmes qui sont sentenciés à des peines de deux ans moins un jour. Le projet du ministre touche strictement et seulement les absences temporaires, comme il vient de nous l'expliquer. On sait, évidemment, M. le Président, que la Loi sur les services correctionnels, elle est très vaste. C'est une loi adoptée en 1969, qui encadre les conditions de détention. Ça touche les agents de probation, les pouvoirs des agents de probation, les programmes d'activité pour les détenus, les absences temporaires – et c'est strictement ce volet-là que le projet de loi 74 veut modifier – le pouvoir réglementaire du gouvernement, M. le Président, le pouvoir du directeur général et de l'administrateur d'un établissement d'émettre des directives. C'est tous ces éléments-là, M. le Président, et d'autres qu'on retrouve à l'intérieur de la Loi sur les services correctionnels, comme je viens de l'indiquer, qui a été adoptée ici, à l'Assemblée nationale, en 1969.

Il y a 24 centres de détention au Québec, dont je ne ferai pas évidemment, ce matin, l'énumération parce que ce serait évidemment trop long. J'en parle parce que M. le ministre a un projet à l'esprit qui a, à date, été discuté sur différentes tribunes, autant ici, à l'Assemblée nationale, qu'en commission parlementaire à l'occasion de l'étude des crédits du ministère de la Sécurité publique. M. le ministre a fait également des interventions publiques relativement claires à date sur l'intention du gouvernement et de son ministère de fermer un nombre approximatif – il semblerait que le chiffre qu'il a à l'esprit au moment où on se parle serait de huit – de huit centres de détention.

On sait, M. le Président, que la gestion des centres de détention commande des sommes astronomiques. On parle d'un budget dépassant les 220 000 000 $. Il y a 1 620 agents correctionnels qu'on retrouve à l'intérieur de toute cette activité, comme je l'indiquais tout à l'heure, qui vise à protéger le public et à veiller sur la clientèle qu'on veut bien diriger dans nos centres de détention, 1 620 agents correctionnels à l'intérieur d'effectifs, M. le Président, d'un nombre considérable, le personnel de soutien qui s'ajoute aux 1 620 agents correctionnels. Il y a 3 120 personnes qui travaillent à l'intérieur des centres de détention. C'est un minimum.

M. le ministre a promis – et je reviens, avec un peu plus de détails, à ce que je disais tout à l'heure – un virage important, partant de sa philosophie, que je respecte, qui est partagée par d'autres également, M. le Président, qu'il y a d'autres façons de punir les citoyens et citoyennes qui ont manqué à des lois, qu'elles soient de juridiction fédérale ou provinciale, et qui sont sentenciés par les tribunaux. Tout ça part de la philosophie de M. le ministre qui est de décriminaliser les conséquences et même, dans certains cas – et je prends à témoin des déclarations qui ont été faites par M. le ministre de la Justice – non seulement d'intervenir au niveau des sentences, mais d'intervenir également au niveau de la poursuite de l'évaluation du crime lui-même. Alors, c'est une philosophie que M. le ministre n'a pas, à date, explicitée beaucoup. On doit se contenter de certaines bribes d'informations ou de raisonnements qu'il a tenus sur la place publique. Mais tout ça pour arriver à la conclusion suivante, que le ministre et son gouvernement souhaiteraient – et ça rejoint ce que je disais tout à l'heure – la fermeture de certains centres de détention, ou remplacer ça par une punition, une sentence différente de celle que l'on connaît aujourd'hui, qui serait autre chose que de l'emprisonnement.

M. le ministre a déjà indiqué qu'il souhaitait procéder, à plus ou moins court terme, à l'élimination de 400 places à l'intérieur des centres de détention. Je lui rappelle ce que La Presse du 8 avril nous rapportait en ce sens. C'est, M. le Président, certains éléments qui m'amènent à inviter le ministre à faire connaître à la population du Québec et à ceux et celles qui sont directement concernés – je fais référence aux 3 000 et quelques centaines d'employés de la fonction publique qui sont directement concernés par ce bouleversement auquel le ministre songe... Alors, je voudrais, M. le Président, l'inviter à nous faire connaître dans les plus brefs délais ses intentions véritables.

(12 h 40)

Même son collègue, le député de Richelieu, qui lui posait des questions, à l'occasion de débats en commission parlementaire, relativement à son inquiétude légitime de voir une prison ou un centre de détention de son comté fermer éventuellement, on pense au centre de détention de Sorel, même son collègue n'a pas eu de réponse. Je comprends que le ministre, M. le Président, ne puisse pas, au moment où on se parle, répondre à des questions isolées, à des questions sur un cas précis. Ça, je le comprends. Sauf que je répète ce que je disais tout à l'heure, qu'il nous indique dans les plus brefs délais quelles sont ses intentions, ou encore, s'il ne reçoit pas l'appui de ses collègues du Conseil des ministres dans ses intentions de procéder à cette vaste réforme, bien, qu'il le dise. Qu'il le dise que son projet ne reçoit pas l'aval de son gouvernement, puis on comprendra, M. le Président, puis on verra à améliorer ce qui est présentement existant et en place.

À l'occasion de notre discussion en commission parlementaire pour adopter les crédits du ministre de la Sécurité publique, j'ai déjà indiqué à M. le ministre que, quant à moi, il aurait dû livrer une bataille plus serrée auprès de sa collègue, la présidente du Conseil du trésor, pour éviter de devoir compresser ses crédits de 8,3 %, alors que la moyenne de toutes les activités gouvernementales a subi une compression, sauf l'éducation, sauf la santé, de 6 %. Alors, j'ai reproché, avec toute la délicatesse voulue, à M. le ministre de ne pas avoir livré la bataille auprès de la présidente du Conseil du trésor, compte tenu des responsabilités qu'il a, comme je l'indiquais tout à l'heure – c'est ça, la sécurité publique, globalement – de protéger la société, de protéger le public, que ça devrait être, au même titre que la santé et l'éducation, une priorité du gouvernement.

Je n'ai pas, M. le Président, à insister sur ce que vit la société québécoise, comme toute la société nord-américaine. Quotidiennement, on est témoins de violence inacceptable, et, dans ce sens-là, la sécurité publique devrait être et aurait dû être considérée comme étant une priorité et éviter les compressions auxquelles a été soumis M. le ministre de la Sécurité publique. Je considère que la présidente du Conseil du trésor a eu le dessus sur le ministre de la Sécurité publique à ce niveau-là.

En même temps que le ministre nous dit qu'il songe à éliminer 400 places, il fait le constat suivant, et là-dessus je lui donne raison. Techniquement, le ministre de la Sécurité publique et la structure dont il est responsable est soumise ou ils sont soumis, le ministre et la structure, à la clientèle que les tribunaux lui réfèrent. Alors, comment concilier, M. le Président, le raisonnement qu'a déjà fait le ministre: Je n'ai pas le choix – et ça a été dit en commission parlementaire – je dois accueillir dans mes centres de détention les citoyens et citoyennes du Québec qui sont sentenciés à des peines d'emprisonnement de deux ans moins un jour – entre zéro à deux ans moins un jour – et, en même temps, vouloir éliminer huit centres de détention?

Et Dieu sait qu'il n'y a pas eu, sauf erreur, de baisse de sentences amenant dans nos centres de détention la clientèle. Que ce soit n'importe où au Québec, M. le Président, il n'y a pas eu de diminution. Donc, comment le ministre peut-il concilier son intention de diminuer de 400 places, c'est-à-dire plus ou moins huit centres de détention, et, en même temps, faire le constat qu'il y a une constante, à savoir que, bon an, mal an, c'est à peu près le même nombre de clients qui sont référés à l'ensemble des centres de détention?

Comment concilier tout ça avec, en même temps, M. le Président, rien d'autre pour compenser? Ni le ministre de la Justice ni lui-même n'ont, à date, expliqué comment on décriminaliserait, comment on arriverait à remplacer les sentences d'emprisonnement par d'autres peines, d'autres punitions équivalentes. Autrement dit, est-ce qu'on ne met pas la charrue avant les boeufs? Il faudrait, dans un premier temps, qu'on sache qu'est-ce qui suppléerait aux sentences d'emprisonnement et, après ça, éliminer le nombre de places équivalentes, proportionnelles à la nouvelle mécanique qu'on mettrait en place, que ce soient des travaux communautaires, que ce soient purement et simplement, M. le Président, des modifications au Code criminel qu'on aurait obtenues suite à des discussions avec le ministre de la Justice fédéral.

Mais, à partir du moment où, dans le code criminel, une sentence d'emprisonnement est prévue, comme peine minimale, le ministre de la Justice, comme le ministre de la Sécurité publique, est lié, compte tenu du fait que le juge n'a pas le choix. Comment concilier tout ça, M. le Président? Si on veut éliminer des places, il faut changer la mécanique. Il faut qu'il y ait moins de sentences d'emprisonnement. Comment allons-nous, M. le Président, nous comprendre dans toutes ces intentions légitimes qu'a le ministre? C'est un changement total de philosophie. C'est gros, c'est inquiétant, et, si on n'est pas prudent en manoeuvrant toutes ces notions-là, M. le Président, on risque de provoquer des réactions dangereuses. C'est explosif, comme dossier que doit manipuler M. le ministre avec la plus grande prudence, mais, en même temps... Et c'est ça, M. le Président, être imprudent, c'est de lancer sur la place publique des intentions de faire des raisonnements autour de questions aussi délicates et qu'il n'y ait rien de concret qui suive les intentions exprimées par M. le ministre.

Je vais conclure, M. le Président. Je vais prendre quelques minutes, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en introduction, pour indiquer à M. le ministre qu'on est d'accord sur son projet. Je comprends que l'objectif visé est de simplifier la mécanique des absences temporaires. Comité de trois, réduit à deux. Lorsqu'il y a impossibilité pour les deux membres de ce comité-là de s'entendre, on formera un comité ponctuel, un comité ad hoc. Alors, ce que recherche le ministre, c'est de simplifier la mécanique, de sauver des sous, et, là-dessus, je dois dire, M. le Président, que l'opposition souscrit à l'intention du ministre.

Mais, tout en lui disant qu'on est d'accord et qu'on l'appuiera, à nouveau, je réitère, M. le Président, les mises en garde que je fais à M. le ministre, je lui demande d'accélérer et, en même temps, d'être extrêmement prudent, de nous indiquer, d'indiquer à la population concernée, dans un premier temps, la population du Québec, qu'elle sache qu'elle sera toujours protégée, qu'elle sera toujours à l'abri, M. le Président, de ceux et celles qui sont condamnés. On doit prendre pour acquis que, s'ils ont été condamnés, c'est à juste titre. C'est l'indépendance des pouvoirs, c'est le système judiciaire.

Mais le ministre a la responsabilité, lui, d'administrer la conséquence des décisions de nos tribunaux, de nos cours criminelles. Qu'il nous dise, M. le Président, le plus tôt possible, quelles sont ses intentions réelles, factuelles. Dans tout ce qu'il nous a dit à date, ça a été de la philosophie avec laquelle, sur certains volets, je suis convaincu, on pourra, M. le Président, s'entendre, mais qu'on le fasse, et qu'on le fasse le plus tôt possible, M. le Président. Merci.

(12 h 50)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce projet de loi? Alors, je vais donc maintenant céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique pour son droit de réplique, tout en vous rappelant que vous avez un droit de réplique pour un temps maximal de 20 minutes, M. le ministre.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: Oui. J'espère terminer avant l'ajournement de 13 heures, M. le Président. Je constate avec bonheur que l'opposition est d'accord avec ce projet de loi qui n'est quand même pas le plus important que cette Législature aura à voter et dont la principale motivation est une motivation économique, pour sauver de l'argent, et, encore là, pas des sommes considérables.

Cependant, l'opposition, puisqu'elle est d'accord, m'invite à élargir le débat et aimerait que je présente un peu l'état de ma réflexion actuelle dans ce qu'elle qualifie de «changement radical de philosophie carcérale». Je suis bien prêt à relever non pas le défi, mais à donner l'état de mes réflexions actuelles avec tous les risques que peut représenter l'improvisation, mais l'improvisation alors que j'ai quand même beaucoup réfléchi depuis que je suis en fonction, et même beaucoup avant, puisque ma carrière m'a amené à pratiquer exclusivement en droit criminel depuis 1966, à ce mode de punition, à ce mode de dissuasion que constitue l'incarcération.

Je dirai tout de suite que je ne crois pas qu'il y ait un changement total de philosophie. C'est peut-être une exagération de langage qu'apporte l'improvisation. Au contraire, je crois que j'adopte là une philosophie qui a largement été majoritaire non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada, sur laquelle, cependant, je vois avec inquiétude se lever un vent contraire, particulièrement dans les provinces de l'Ouest, et particulièrement influencé par la tendance américaine.

Deuxièmement, j'ai constaté aussi que ce vent contraire, malgré la barrière de langue qui peut-être le retarde chez nous, avait une tendance à influencer les jeunes qui entrent dans cette carrière, comme je l'ai fait, moi, en 1966, comme jeune procureur de la couronne. Je crois qu'il est bon de rappeler que ce que nous poursuivons est non seulement une voie qui est plus économique, M. le Président, mais aussi une voie qui est bien meilleure sur le plan de la sécurité de la société.

Mais c'est avec raison que le représentant de l'opposition, M. le Président, le député de Frontenac, a signalé que nous sommes en présence d'un sujet qui est explosif. C'est justement la raison pour laquelle je n'ai pas voulu présenter à cette session-ci des projets de loi qui traduiraient le changement de philosophie. Je désire auparavant avoir quand même un débat public important, un débat public dans lequel tous les gens qui craindraient cette orientation, qu'encore une fois je crois que nous confirmons plutôt qu'un changement, mais cette orientation que nous confirmons, les gens qui ont des inquiétudes là-dessus pourraient les exprimer et on pourrait leur répondre.

Une chose est certaine, je veux qu'il y ait de la place en prison pour les gens qui doivent être incarcérés parce qu'ils sont dangereux, qui doivent être incarcérés parce que c'est la seule façon de les détourner d'une activité criminelle, qui doivent être incarcérés parce qu'il y a nécessité de rendre, quand cela s'applique, des sentences dissuasives pour décourager un comportement. Mais, justement, j'ai remarqué au cours des dernières années une utilisation plus grande de l'incarcération comme mesure punitive, alors que nous faisions des progrès sur la maîtrise de la délinquance, c'est-à-dire – et, là, j'étonnerai probablement beaucoup de monde, mais les statistiques le confirment – que la délinquance diminue alors que la demande de services correctionnels augmente.

Ce sont ces faits-là, évidemment, que je veux mettre d'abord devant les gens qui administrent ce système couramment et dont j'ai besoin de la collaboration pour exécuter le virage que j'entreprends. Au premier chef, ce sont les juges. Loin de moi la pensée d'influencer ou de chercher à influencer les juges dans les décisions particulières qu'ils doivent rendre, mais il est certain qu'un virage de cette ampleur dans les pays qui l'ont réussi – et il y en a eu à travers le monde, et, je le signale, avec des résultats non seulement remarquables sur les finances publiques de ces pays, mais aussi sur la sécurité, car, je le rappelle, l'escalade de la violence que représente l'utilisation systématique de l'incarcération aux États-Unis amène le genre, je pense, contribue au genre de société violente qu'ils ont... Ce n'est pas la seule raison. Il y a aussi la diffusion des armes à feu, il y a aussi les extrêmes de pauvreté que l'on endure et que nous n'endurons pas, mais certainement que l'escalade de la violence que constitue l'incarcération beaucoup plus grande aux États-Unis est responsable, à mon avis, du type de société violente qu'ont les États-Unis, beaucoup plus violente que les sociétés européennes, beaucoup plus violente que la nôtre.

Notre attitude, qui est de réserver l'incarcération uniquement pour les cas qui la justifient et dans la mesure où nous pouvons resocialiser des gens qui sont des délinquants, qui sont sur la voie de la délinquance, de façon à en faire des citoyens qui respecteront, à l'avenir, des lois, je pense, est la meilleure attitude.

Pour cela, je reconnaîtrai très humblement que je ne pars pas de rien. J'ai l'impression que la différence entre moi et les ministres qui m'ont précédé peut-être sur ce sujet – l'une étant probablement le fait que c'est peut-être la première fois qu'on a un ministre de la Sécurité publique qui a fait carrière dans le domaine du droit criminel et qui, par conséquent, est à l'aise en public avec ces notions – mais la différence, c'est que j'ai bien l'intention de diffuser très largement les initiatives qui ont été prises, et qui ont été prises avant moi.

Par exemple, les gens connaissent peu, savent peu que la majorité des détenus travaille, que la majorité des détenus travaille et reçoit un salaire, que la majorité des gens ne sait pas les transformations qui ont été apportées dans le système chez les agents correctionnels, que nous appelons justement des agents correctionnels, parce qu'ils ne méritent plus le titre de gardiens de prison. Ces agents correctionnels ont un rôle important pour suivre un détenu. Chaque détenu qui entre dans nos prisons se voit assigner un agent qui surveillera son développement. Et c'est pourquoi la mesure, quand elle arrive... Je vais vous dire franchement, à un moment donné, j'ai songé à enlever ce comité que nous voulons amender. Mais je n'ai pas voulu aller trop vite, parce que, justement, comme il y a un agent correctionnel qui suit le détenu, il peut éclairer, je pense, l'administrateur de la prison dans la décision qu'il a à prendre de lui donner une absence temporaire ou non.

Une autre chose que les gens savent peu, c'est que, dans le choix de nos agents, on a cherché, dans le passé, à avoir une certaine formation, et on prend des gens qui ont une formation en criminologie ou en travail social. Donc, on a déjà commencé à changer le type de prisons que nous avons. Mon intention, c'est effectivement d'aller, de continuer dans ce sens. Nous aurons certainement l'occasion d'en parler beaucoup plus, comme le souhaite l'opposition, plus tard. Pour le moment, je me contente de recevoir avec bonheur le fait que l'opposition appuiera ce projet de loi dont les conséquences sont seulement de 170 000 $ pour la prochaine année. Mais, comme me le dit souvent quelqu'un à la Sûreté du Québec, il n'y a pas de petites économies, il n'y a que des économies qui s'additionnent, et, dans le contexte budgétaire auquel nous sommes contraints, c'est quand même important. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi 74, Loi modifiant la Loi sur les services correctionnels, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission plénière

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je ferais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission plénière.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Commission plénière?

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, compte tenu de l'heure, je vais donc suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 1)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article c du feuilleton.


Projet de loi 94

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi 94, Loi sur la Commission de la capitale nationale. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, ce projet de loi institue la Commission de la capitale nationale. Ce projet de loi prévoit que la Commission est un mandataire du gouvernement et qu'elle a son siège dans la capitale nationale. Il prévoit, de plus, que les affaires de la Commission sont administrées par un conseil d'administration de 11 membres nommés par le gouvernement.

Ce projet de loi définit la mission de la Commission dans la capitale et ses environs et prévoit qu'elle est appelée à conseiller le gouvernement sur ses interventions sur son territoire. Il précise également les pouvoirs spécifiques que la Commission possède. Enfin, ce projet de loi prévoit les dispositions financières qui régissent la Commission et les rapports qu'elle doit produire.

C'est avec beaucoup de fierté, M. le Président, que nous réalisons cet engagement électoral.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre. À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, l'article b du feuilleton.


Projet de loi 98

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le leader adjoint du gouvernement, au nom de M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, présente le projet de loi 98, Loi sur les privilèges et immunités diplomatiques et consulaires. M. le leader adjoint du gouvernement, au nom de M. le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Ce projet de loi a pour objet d'assurer la mise en oeuvre des dispositions relatives aux privilèges et immunités diplomatiques et consulaires prévus par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et par la Convention de Vienne sur les relations consulaires. À cette fin, le projet de loi indique quelles sont les immunités et privilèges fiscaux accordés à l'égard des missions diplomatiques et consulaires. Il prévoit que de tels privilèges et immunités pourront aussi être accordés à l'égard d'organisations internationales.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le leader adjoint. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, qu'on appelle l'article e du feuilleton.


Projet de loi 93

Le Président: À l'article e du feuilleton, M. le ministre des Transports présente le projet de loi 93, Loi modifiant la Loi sur les transports. M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur les transports afin de préciser certaines dispositions réglementaires relatives au transport des écoliers. Il permet en outre au ministre des Transports d'autoriser, aux conditions qu'il détermine, l'ajout d'équipements de sécurité autres que ceux visés par règlement sur des véhicules affectés au transport des écoliers. Ce projet de loi prévoit, par ailleurs, que toute demande non contestée adressée à la Commission des transports du Québec peut être entendue par une personne désignée, conformément à la loi. Il prévoit de plus qu'un transporteur ne peut recevoir en paiement une rémunération non conforme au taux ou au tarif en vigueur pour un service donné ou aux normes de taux et de tarif décrétées par règlement.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Article f de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi 95

Le Président: À l'article f du feuilleton, M. le ministre de l'Éducation présente le projet de loi 95, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. M. le ministre de l'Éducation.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, ce projet de loi 95 fait obligation à tout établissement d'enseignement de niveau universitaire visé aux paragraphes 1 à 11 de l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire de joindre aux états financiers qu'il transmet annuellement au ministre de l'Éducation un état du traitement des membres de son personnel de direction.

Ce projet prévoit également que les états financiers incluant les états de traitement sont déposés devant l'Assemblée nationale et que la commission parlementaire compétente en la matière examine au moins une fois à tous les deux ans les états de chaque établissement et entende à cette fin ses dirigeants.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Article j de notre feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi 92

Le Président: À l'article j du feuilleton, M. le ministre de la Justice présente le projet de loi 92, Loi modifiant le Code de procédure pénale. M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi apporte diverses modifications au Code de procédure pénale. C'est ainsi qu'il introduit dans le Code la possibilité de dresser et de signer de façon électronique des documents, y compris des constats d'infraction, des rapports d'infraction et tout autre acte de procédure ou de reproduire sur support électronique des documents dressés sur support papier. De tels documents pourront notamment être produits en preuve, et le juge et les parties pourront agir sur la base de ceux-ci.

Le projet de loi permet également que le constat d'infraction puisse être signifié par courrier ordinaire. Le Code prévoira toutefois, pour que cette signification soit réputée complétée, que le défendeur devra alors avoir transmis un plaidoyer, la totalité ou partie du montant d'amende et de frais réclamés, ou une demande préliminaire.

Par ailleurs, en matière d'exécution des jugements, le projet de loi vient modifier les règles applicables lorsque le défendeur a été condamné pour une infraction relative au Code de la sécurité routière ou à un règlement relatif à la circulation ou au stationnement adopté par une municipalité. Il vient, en outre, actualiser les équivalences prévues à l'annexe du Code entre les montants des sommes dues et la durée des emprisonnements ou des travaux compensatoires.

Enfin, parmi les autres mesures proposées, le projet de loi vise à faciliter la signification d'un constat d'infraction au propriétaire ou locataire d'un véhicule de commerce ou d'un autobus ou à un transporteur. Il assouplit ou précise également certaines règles de procédure, notamment en matière d'assignation des témoins, de preuve, de demande préliminaire, de rectification de jugement et d'appel. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le ministre de la Justice. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: L'article 1 de notre feuilleton.

Le Président: À l'article l, je crois, du feuilleton?

M. Chevrette: Excusez, oui.

Le Président: J'ai reçu le rapport du directeur général de la législation sur le projet de loi 209, Loi concernant Société Gazoduc TQM. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Et je dépose ce rapport.


Projet de loi 209

Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière présente le projet de loi d'intérêt privé 209, Loi concernant Société Gazoduc TQM.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Chevrette: Oui, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail et pour que le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie en soit membre.

Le Président: Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Article m.

Le Président: À l'article m du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 224, Loi modifiant la Loi sur la charte de la Coopérative fédérée de Québec. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Et je dépose ce rapport.


Projet de loi 224

M. le député de Roberval présente le projet de loi d'intérêt privé 224, Loi modifiant la Loi sur la charte de la Coopérative fédérée de Québec.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Chevrette: Oui, je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail et pour que le ministre, également, de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie en soit membre.

Le Président: Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Article n du feuilleton, M. le Président.

(15 h 10)

Le Président: À l'article n du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 208, Loi concernant la Ville de Saint-Tite. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.


Projet de loi 208

M. le député de Laviolette présente le projet de loi d'intérêt privé 208, Loi concernant la Ville de Saint-Tite.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: Je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, article o du feuilleton.

Le Président: À l'article o du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 204, Loi concernant la Ville de Verdun. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Et je dépose ce rapport.


Projet de loi 204

M. le député de Verdun présente le projet de loi d'intérêt privé 204, Loi concernant la Ville de Verdun.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: Je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales, qui manque d'ouvrage, en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Article r; q avant; q, r, s, je vais vous en appeler trois autres.

Le Président: À l'article q du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 233, Loi concernant le Village et la Paroisse de Saint-Anselme. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.


Projet de loi 223

M. le député de Bellechasse présente le projet de loi d'intérêt privé 223, Loi concernant le Village et la Paroisse de Saint-Anselme.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Article r du feuilleton.

Le Président: À l'article r du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 240, Loi modifiant la Loi sur la Société mutuelle de réassurance du Québec. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.


Projet de loi 240

M. le député de Limoilou présente le projet de loi d'intérêt privé 240, Loi modifiant la Loi sur la Société mutuelle de réassurance du Québec.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Chevrette: Oui. Je fais donc motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration et pour que le ministre des Finances en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Article s du feuilleton, M. le Président.

Le Président: À l'article s du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 203, Loi concernant la Ville de La Baie. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.


Projet de loi 203

M. le député de Dubuc présente le projet de loi d'intérêt privé 203, Loi concernant la Ville de La Baie.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Présence du maire de Québec, M. Jean-Paul L'Allier, et de maires de banlieue

Je profite de la dernière occasion que j'ai pour souligner la présence, dans les galeries, du maire de Québec et des maires de banlieue.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Dépôt de documents

Nous en sommes au dépôt de documents. M. le leader du gouvernement.


Réponse à des questions inscrites au feuilleton

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de déposer les réponses aux questions 9 et 12 au feuilleton de ce jour, posées par le député de Verdun.

Je voudrais également, M. le Président... Je suis persuadé que j'ai une semaine de répit de la part du leader de l'opposition officielle. Je voudrais également répondre aux questions 13, 14 et 15 du député de Robert-Baldwin, M. le Président.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Nous sommes toujours au dépôt de documents. M. le ministre des Affaires municipales.


Rapport annuel de la Commission municipale du Québec

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel 1994-1995 de la Commission municipale du Québec.


Lettre adressée au président de la Fédération québécoise de hockey sur glace, M. René Marcil

Et également, M. le Président, j'avais promis aux membres de la commission parlementaire chargée d'étudier les crédits de mon ministère de déposer en cette Chambre une lettre que j'adresse au président de la Fédération québécoise de hockey sur glace, M. Marcil, lui demandant un moratoire quant au changement d'âge des jeunes hockeyeurs.

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le ministre des Finances.


Rapport annuel de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec

M. Campeau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1994 de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

Le Président: Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Nous en sommes au dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission des institutions et député de Richelieu.


Consultations particulières sur la justice administrative

M. Simard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions, qui a siégé les 15, 16, 17 et 23 mars et les 2, 3 et 4 mai 1995 afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur la justice administrative.

Le Président: Merci, M. le président de la commission des institutions. Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Nous en sommes à la période de questions et de réponses orales.

M. le député de Laporte, pour une question principale.


Cote de crédit du gouvernement

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le ministre des Finances nous a présenté hier un budget dans lequel le gouvernement augmente ses dépenses de 1 % par rapport à l'an dernier et où il impose de nouvelles taxes et des impôts aux entreprises et aux particuliers. Pensons, entre autres, à la nouvelle taxe sur les tabacs, sur l'essence en région, et à la hausse de 1 % de la taxe de vente du Québec, qui deviendra efficace... ou effective le 1er juin 1996.

En fait, les dépenses augmentent de 1 %, alors que, partout ailleurs au Canada, la moyenne, c'est une diminution de 0,5 %. Quant aux revenus, ils augmentent de 5,6 %, alors que les autres provinces canadiennes estiment que leurs revenus n'augmenteront que de 1 % en moyenne. Il est de notoriété publique que les agences de crédit, principalement Moody's et Standard & Poor's, avaient clairement indiqué que, pour maintenir sa cote de crédit, le Québec devait s'attaquer au déficit non pas en imposant de nouvelles taxes et impôts, mais en réduisant davantage les dépenses du gouvernement. Le ministre des Finances a fait tout le contraire. Il a haussé les impôts et les taxes et il a augmenté les dépenses du gouvernement de 1 % par rapport à l'an dernier.

Ma question au ministre des Finances est fort simple: Le ministre des Finances peut-il nous dire maintenant comment il pourra éviter une décote de la part des agences de crédit et quelles seraient les conséquences financières d'une baisse de la cote de crédit pour le gouvernement?

Le Président: M. le ministre des Finances.

(15 h 20)

M. Campeau: M. le Président, je remercie le député de Laporte de sa question, et, compte tenu de ma préoccupation pour les milieux financiers, j'ai cru bon, ce matin, de lire tous les journaux, évidemment. Si, parfois, il y a des journaux qui sont plaisants à lire, d'autres le sont moins. Mais, à l'occasion, il faut citer des gens qui ont le courage de dire ce qu'ils pensent.

Alors, vous me permettrez un extrait du journal La Presse , de Alain Dubuc: «Dans tout le vent de spéculations qui a précédé le dépôt du premier budget péquiste, on s'est souvent demandé si le ministre Campeau, à l'occasion de ce moment politique important pour le gouvernement Parizeau, présenterait un budget référendaire.» La réponse, selon M. Dubuc, c'est oui, pas selon moi. «Le budget qu'a dévoilé, hier après-midi, le ministre des Finances, Jean Campeau, est un budget référendaire. Mais pas dans le sens primaire du terme. Le ministre n'a pas multiplié les cadeaux et n'a pas dérapé, comme l'a fait, par exemple, son prédécesseur libéral, André Bourbeau, avec son infâme brouillon de l'an dernier.»

Des voix: Bravo!

M. Campeau: M. le Président, j'achève. «Malgré le débat constitutionnel qui pèse sur notre vie politique et économique, Jean Campeau a présenté un document honnête dans l'ensemble et fiscalement responsable.» Article de Alain Dubuc du journal La Presse .

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Campeau: M. le Président, pour revenir à la cote de crédit, mais c'était quand même un préambule nécessaire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: ...on tient toujours compte, dans nos équilibres financiers, de la cote de crédit du Québec. Quand on a une dette si importante et pour laquelle les libéraux ne nous ont pas tellement aidés en l'augmentant continuellement, il faut sûrement tenir compte de la cote de crédit. Nous espérons que ce budget nous permettra de conserver notre cote de crédit aussi bien avec Moody's qu'avec Standard & Poor's.

Le Président: M. le député de Laporte, pour une question complémentaire?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: Le ministre des Finances, qui a affirmé à TVA ce midi qu'une baisse de la cote du crédit du Québec entraînerait, disait-il, des coûts énormes pour le Québec – ce sont ses propres paroles – peut-il nous dire quels sont ces coûts énormes, dont il a parlé, à l'égard des contribuables québécois?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président, vous comprenez bien qu'hier soir, après le budget, je me suis informé des marchés à New York, parce que les marchés n'étaient pas encore fermés quand on a commencé notre budget, et aussi bien des marchés ce matin. Fait curieux, les écarts entre les gouvernements du Canada et le Québec se sont rétrécis ce matin. Ça veut dire qu'aujourd'hui on pense que le crédit du Québec est meilleur qu'hier, avant le budget.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo! Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'opposition officielle, pour une question principale?


Conséquences économiques d'un oui au référendum

M. Johnson: Oui, M. le Président. L'an dernier, celui qui est premier ministre aujourd'hui avait fait, à cette date-ci, 19 mai, un discours-fleuve en réponse au discours sur le budget, discours-fleuve qui s'est cantonné à parler de la souveraineté du Québec. À l'époque, le chef de l'opposition d'alors nous disait qu'il y aurait, cette année, le budget d'un gouvernement souverainiste et, en 1996, le budget d'un Québec souverain. Applaudissements! C'est ça, oui! Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson: Hier, le ministre des Finances a dit aux Québécois ce qui les attendait, comment il leur tapait sur la tête... ou leur taperait sur la tête si les Québécois votaient non au référendum. Les Québécois ne sont pas dupes. Les Québécois voient bien que le ministre des Finances tente de pousser les Québécois vers la souveraineté à coups de menaces fiscales, de taxes et de tout ce qu'on voudra.

Non, les Québécois, on les connaît. Je les connais. Les Québécois disent: Pousse, mais pousse égal, hein? Pousse, mais pousse égal!

Une voix: C'est ça. Pousse, mais n'embarque pas!

M. Johnson: Maintenant que le ministre des Finances – et ma question s'adresse à lui – a indiqué aux Québécois comment il les punirait si les Québécois votaient non, est-ce qu'il pourrait nous dire comment il nous récompenserait si les Québécois votaient oui?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Campeau: ...à ce que je sache, nous sommes encore dans le système fédéral. Mais, M. le Président, pas pour longtemps. Alors, M. le Président, ce budget respecte le cadre du système dans lequel nous sommes. Pour les trois années, il s'agissait d'établir exactement quel était le budget cette année, pour l'année 1995-1996. Nous avons fait un budget sérieux qui donne un déficit de 3 975 000 000 $, qui est un déficit coupé du tiers par rapport au déficit de l'année dernière. Et, compte tenu que, cette année, dans les transferts ou dans les impacts, nous n'étions touchés que par 93 000 000 $, qui est encore un montant important, en 1995-1996, nous n'avons pu l'absorber. Mais, dans les années qui suivent, dans les deux prochaines années, M. le Président, en 1996-1997, c'est 640 000 000 $ que le fédéral ne nous enverra pas comme, normalement, il nous envoyait, à même les 29 000 000 000 $ qu'on lui envoie chaque année. Je m'excuse, c'est 650 000 000 $ sur les 29 000 000 000 $ qu'on lui envoyait. Et, pour l'année qui suit, c'est 1 880 000 000 $ dont on va être privés.

À ce moment-là, il faut raisonner comme dans un système fédéraliste et prévoir ce qu'on va faire quand le fédéral va arrêter de nous envoyer cet argent-là, je veux bien le répéter, qu'il nous remet à même la somme de 29 000 000 000 $ qu'on lui envoie chaque année.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, pour une question complémentaire.

M. Johnson: Oui, oui, M. le Président. À part le fait que personne ne croit le ministre des Finances et ses 3 900 000 000 $, ça, c'est évident, on connaît... On le voit.

Le Président: S'il vous plaît!

M. Johnson: À part du fait qu'on connaît la fragilité technique, pour ne pas dire la crédibilité, carrément, du ministre des Finances dans cette matière-là... Absolument! Absolument! Absolument!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson: Absolument!

Le Président: Bon, s'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre! M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Et je dirais, à la décharge du ministre des Finances: Je vais peut-être admettre que c'est son collègue d'Iberville qui a fait les calculs.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: En vertu de nos règlements, M. le Président, les questions ne doivent susciter aucun débat, et c'est le 12 septembre que la crédibilité a été jugée, M. le chef de l'opposition.

Le Président: Tout juste pour vous inviter... Il y a beaucoup d'applaudissements, d'un côté comme de l'autre. J'aimerais qu'on garde davantage de temps pour les échanges. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Ma question à l'endroit du ministre des Finances était fort simple, fort simple: s'il est en mesure aujourd'hui de nous dire comment il va punir les Québécois s'ils votent non, si les Québécois, comme dit le premier ministre, étaient des nonos au point de voter non. C'est la théorie, la nouvelle théorie politique, là, du gouvernement: que les Québécois sont des nonos de pas être d'accord avec eux. Est-ce que le ministre des Finances ne pourrait pas faire l'effort de dire aux Québécois de quoi ça aurait l'air, le budget de l'an 1 d'un Québec souverain? Lui, s'il est capable de faire de la fiction, là, avec son budget de l'an prochain, je peux en faire une qui dirait ce qui arriverait en cas d'un oui.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président, selon moi, j'ai compris que la question portait sur la crédibilité. Bon, alors, si on parle de crédibilité, prenons les faits et le passé. On va regarder ça. L'ancien gouvernement avait l'habitude de se tromper dans ses prévisions. Au cours de ces quatre dernières années, il a sous-estimé le déficit de près de 1 000 000 000 $. Je comprends que nous n'avons pas eu toujours le même ministre des Finances, mais on a toujours eu le même président du Conseil du trésor.

Des voix: Ha, ha, ha!...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre des Finances.

M. Campeau: On va revenir seulement à l'ancien budget. Alors, Bourbeau... le député de Laporte, excusez-moi, s'était surpassé dans le dernier budget de l'ancien gouvernement. Il avait inscrit dans ses revenus des montants qui ne correspondaient, M. le Président, qu'à des intentions: il y en avait pour près de 650 000 000 $. Il n'avait rien fait. Des intentions; je ne sais pas quelle sorte d'intentions.

(15 h 30)

Nous autres, notre révision réaliste et prudente est basée sur une croissance économique, je le répète, de 3,3 %, alors que la moyenne prévue par le secteur privé est de 3,6 %. La croissance des revenus autonomes en 1995-1996: Québec prévoit 6,8 %; l'Ontario, 8,1 %; le fédéral, 6,6 %. Je vous répète mes chiffres: Québec, 6,8 %; Ontario, 8,1 %; fédéral, 6,6 %. La hausse des revenus autonomes, M. le Président, de 1 000 000 000 $, en raison de la croissance économique, est de 4,8 %. Ce qui correspond à la croissance du PIB nominal de 4,9 %.

Alors, M. le Président, ce sont des prévisions conservatrices.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, toujours en question complémentaire.

M. Johnson: Il n'y a toujours pas de réponse, M. le Président.

Est-ce que, après avoir dit aux Québécois comment il les punirait l'an prochain, si les Québécois, comme dit le premier ministre, sont assez nonos pour ne pas partager l'option du député de Crémazie et ministre des Finances, est-ce que le ministre des Finances ne pourrait pas nous dire, est-ce qu'il ne pourrait pas déposer ce que ça signifierait, un budget dans une souveraineté, comme il le disait aux actualités hier? Est-ce que le ministre des Finances n'est pas aujourd'hui en mesure d'indiquer aux Québécois, pour qu'ils puissent comparer, ce que ça serait, le budget de l'an 1 d'un Québec souverain? Êtes-vous capable de le faire ou pas?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président, il faut d'abord, évidemment, parler de dédoublements, de chevauchements, dans tout cet amalgame de choses. Et, là, ce qu'on a montré hier... On nous disait souvent que, si le Québec devient souverain, les impôts vont monter: c'est la grande peur pour nous faire peur. Là, ce qu'on est en train de démontrer, c'est que, si on reste dans le Canada, les impôts vont monter.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, pour une question principale.


Réduction du solde des opérations courantes

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Le ministre des Finances a déposé hier un budget prudent qui, malheureusement, annonce qu'il n'y aura pas de réduction majeure des dépenses avant l'an prochain. Même si le déficit est réduit du tiers, selon les prévisions optimistes du ministre, cela demeure nettement insuffisant, alors que les contribuables espéraient un véritable coup de barre dans l'administration des finances de l'État.

Si on peut se réjouir du fait qu'on épargne les contribuables dans ce budget, deux constats préoccupants demeurent: d'abord, on se réveillera avec, à la fin de l'année financière, au mieux, une dette totale de 80 000 000 000 $; deuxièmement, les Québécois sont toujours les plus taxés et les plus endettés des Canadiens. Considérons simplement un indicateur important, soit l'évolution de la dette en pourcentage du PIB, pour constater une explosion dramatique, particulièrement au cours des cinq dernières années, du niveau d'endettement. Je vais vous donner des chiffres: en 1970-1971, le ratio dette-PIB était de 11 %; en 1980-1981, il était de 20,3 %; en 1990-1991, il était de 30 %; et, en 1994-1995, il est de 44 %. Le gouvernement n'a pas le choix d'être plus précis dans ses coupures.

Ma question au ministre des Finances: Comme le niveau d'endettement réel est dramatique, puisqu'il s'approche des 50 % du PIB, le ministre des Finances a-t-il prévu de déposer un plan de redressement des finances publiques avec des objectifs plus précis, par secteur d'activité, afin de réduire le niveau d'endettement réel? Et, surtout, s'est-il fixé un objectif à atteindre, avant la fin de son mandat, au niveau du ratio dette-PIB pour le Québec?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: D'abord, il faut réaliser, M. le Président, que, cette année, quand on a gelé l'augmentation des dépenses courantes, c'est un effort de 1 300 000 000 $ qu'on a fait. Ma collègue, la présidente du Conseil du trésor, l'a souvent expliqué. Alors, c'est comme si on coupait de 1 300 000 000 $. Ce n'est pas rien, ça. À ceci, à ce montant-là, on a ajouté 71 000 000 $. Et, à ce montant-là, on dit que l'année prochaine et l'année suivante nous allons encore geler les dépenses et, chaque année, déduire d'un autre montant de 500 000 000 $. C'est, franchement, un effort remarquable.

Maintenant, ce qui était arrivé dans les autres provinces, ailleurs au pays, c'est que l'Ontario avait commencé en 1993 à réduire ses dépenses. Pendant que le gouvernement du Québec, sous la gouverne du Parti libéral, haussait les dépenses, en Ontario, on les baissait de 5 %. Alors, c'est pour ça qu'aujourd'hui ils sont en bien meilleure posture que nous. L'Alberta faisait la même chose.

Alors, je pense, M. le Président, que c'est un effort remarquable, cette année, de geler les dépenses, d'épargner 1 300 000 000 $ plus 71 000 000 $, et que, les autres années, ça va être encore mieux. Et je pense que le Québec, là-dessus, et le gouvernement peuvent être fiers de ce qu'ils ont fait.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, pour une question complémentaire.

M. Dumont: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre, après avoir déjà dilué son engagement d'éliminer le déficit des opérations courantes en deux ans, peut nous dire si, l'année prochaine, cet engagement-là... Comment les citoyens peuvent le croire, que c'est maintenant sur trois ans? Qu'est-ce qui nous dit que ça ne sera pas quatre ans ou cinq ans, en fonction d'événements nouveaux l'année prochaine? Jusqu'à quel point le délai, pour lui, est à nouveau élastique?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: L'autre jour, j'ai avisé le député de Rivière-du-Loup que, s'il voulait apprendre à compter, d'aller sur le bon côté. Deux ans, c'est deux ans, et c'est dans deux ans qu'on va le réduire. C'est ça qu'on annonce dans le budget.

Le Président: M. le député Rivière-du-Loup, toujours en complémentaire.

M. Dumont: Une dernière complémentaire, M. le Président. Compte tenu du peu de crédibilité de l'ensemble des ministres des Finances, compte tenu des événements passés, est-ce que le ministre des Finances, pour rassurer les marchés financiers, pour rassurer les contribuables québécois, est-ce que le ministre des Finances est prêt à mettre son siège en jeu sur la date qu'il a donnée lors du budget pour l'élimination du déficit des opérations courantes?

Le Président: M. le ministre des Finances. M. le ministre. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît! M. le député de Frontenac, s'il vous plaît! M. le ministre des Finances.

M. Campeau: Bien, ça me rappelle ceux qui avaient mis leur siège en jeu lors du dernier référendum, en 1980...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: ...et puis que c'était...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Campeau: ...des bons libéraux. Mais il y en a qui ont appris que, le Parti libéral, ce n'est pas si bon que ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Alors, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Campeau: ...je répète que le solde des opérations courantes va être à zéro dans l'année 1997-1998.

Le Président: M. le député de Laporte, pour une question complémentaire.

M. Bourbeau: Est-ce que le ministre des Finances pourrait nous expliquer par quelle astuce une promesse – une promesse – une promesse de réaliser l'équilibre des opérations courantes en deux ans est maintenant prévue, dans le budget, se faire sur trois exercices financiers – c'est dans votre budget – et permettre au ministre d'affirmer encore que c'est dans deux ans?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président, j'espère qu'on ne me demande pas de ramener le déficit des opérations courantes, à mes collègues et à moi, en comptant l'année qui vient de s'écouler, le 31 mars, où c'est le député de Laporte...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Campeau: ...qui avait fait le budget. Quand même! Qu'on ne nous demande pas de réaliser notre promesse avec un budget qui a été mal fait d'avance. On va faire notre budget à nous, et c'est là qu'on pourra réduire le solde des opérations courantes en deux ans, pas avec les chiffres des autres.

(15 h 40)

Le Président: M. le député de Laporte, pour une question principale.


Hausse du rendement de l'impôt sur le revenu des particuliers

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Au ministre des Finances, qui a choisi de détériorer le budget de l'an dernier pour mieux faire paraître celui de cette année... On a vu le truc...

Une voix: On connaît le truc.

M. Bourbeau: On connaît le truc. M. le Président, le gouvernement prétend que le rendement...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes en question principale, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le gouvernement prétend que le rendement de l'impôt sur le revenu des particuliers augmentera de plus de 1 000 000 000 $ cette année par rapport à l'an dernier, une hausse de 8,6 %. Or, tout le monde sait que les salaires n'ont pratiquement pas augmenté depuis un an, et, en conséquence, le rendement de cet impôt devrait demeurer pratiquement inchangé. Pour mémoire, M. le Président, je rappelle que le rendement de cet impôt, l'impôt sur le revenu des particuliers, avait reculé – négatif – de 3,4 % en 1992-1993, qu'il avait progressé d'à peine 2,9 % en 1993-1994 et qu'il a reculé de 0,3 % l'an dernier, toujours le même impôt.

Au ministre des Finances. Puisque les règles du jeu demeurent les mêmes, comment le ministre des Finances peut-il sérieusement escompter des revenus additionnels de 1 000 000 000 $ cette année d'un impôt qui a régressé de 35 000 000 $ l'an dernier?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: On revient, M. le Président, un peu à la même question que posait le chef de l'opposition tout à l'heure sur l'évaluation des chiffres sur lesquels nous nous étions basés pour prévoir nos revenus. Alors, nos revenus, les revenus autonomes, excluant les mesures, sont évalués à 3,6 %, alors que la croissance prévue du PIB nominal en 1995 est 4,9 %. Et je vous répète les chiffres de l'Ontario et du Canada, où la croissance des revenus autonomes était supérieure à celle du Québec.

Le Président: À l'ordre!

M. Campeau: La même question, je réponds la même réponse, sauf que c'est une question un peu détournée.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président: M. le député de Laporte, pour une question complémentaire.

M. Bourbeau: Oui, en demandant au ministre des Finances d'écouter la question et de faire une réponse sérieuse. Pourrait-il nous dire pourquoi le rendement sur le revenu de l'impôt des particuliers augmenterait de 8,6 % cette année, alors qu'avec des règles du jeu semblables il a régressé de 0,3 % l'an dernier? Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer ça?

Une voix: C'est ça, la question!

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président, je comprends que le député de Laporte ne comprend pas. Ça revient à ce que j'ai dit tout à l'heure, il y a des mesures qu'il avait promises l'année passée et qu'il n'a pas faites. Il ne le voit pas, l'impôt qu'il ne collecte pas, lui. Il ne le sait pas, où c'est. Je vais lui dire. Alors, on évalue une hausse de 4,1 % des revenus taxables en raison de la croissance économique, 640 000 000 $; et les mesures de vérification et de perception du ministère du Revenu, 226 000 000 $, dont 206 000 000 $ à l'impôt des particuliers. C'est de l'argent. Ce sont des montants que l'ancien gouvernement n'allait pas chercher. Mais c'est là qu'il se mélange.

Le Président: M. le député de Laporte, toujours en question complémentaire.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. M. le Président, ce miracle attendu du rendement de l'impôt des particuliers fait-il partie des astuces gouvernementales au nombre desquelles on retrouve aussi le trou de 200 000 000 $ à l'aide sociale? Autrement dit, en plus de la cachette de 200 000 000 $ dans les dépenses de l'aide sociale, combien de centaines de millions de dollars fictifs dans les prévisions de revenus du gouvernement?

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président, vous me permettrez de répondre, et je demanderai à ma collègue de compléter ma réponse par la suite pour être plus exact dans tous les détails qu'on demande sur les 200 000 000 $.

Alors, je reviens à notre ami de Laporte, qui dit, lui: Un bon budget, c'est un budget qui réduit les déficits, qui réduit les dépenses et qui réduit les impôts. Dans ce cas, l'ancien gouvernement n'a jamais eu de bon budget.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Bien, il faut situer le problème, M. le Président. Alors, sous l'ancien gouvernement...

M. Paradis: M. le Président...

Des voix: Ah!

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Strictement pour rappeler à l'honorable ministre des Finances que, s'il ne veut pas répondre aux questions du député de Laporte, il peut s'inspirer des dispositions de l'article 82 de notre règlement, qui prévoient, dans certains cas, qu'un ministre peut refuser de répondre. Mais qu'il ne prenne pas cette Chambre pour un cirque.

Des voix: Oh!

M. Parizeau: Voyons! Hé!

Le Président: À l'ordre! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, ce même règlement peut inspirer l'opposition: quand on est dans une maison de verre, on ne garroche pas de roches.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Brièvement, M. le ministre.

M. Campeau: Bien, M. le Président, brièvement, il y a quand même des limites. Ce gouvernement-là, au cours des...

Le Président: M. le ministre, vous avez raison, il y a des limites prévues pour les réponses.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît, j'en appelle à votre collaboration.

M. Campeau: J'en prends bonne note, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Alors, on parle de trou. Bien, on arrive, nous autres, et il y a un trou de 1 300 000 000 $. Alors, au cours des dernières années, ce gouvernement-là s'est trompé de 1 000 000 000 $ par année, puis il cherche des trous. Maintenant, s'il veut une réponse plus détaillée, si vous le permettez, je vais demander à ma collègue de compléter ma réponse.

Le Président: Bon. À ce moment-ci, nous avions déjà dépassé le temps imparti pour une réponse. Je crois comprendre que le député de Laporte avait une question complémentaire.

M. Bourbeau: M. le Président, une dernière question...

Le Président: En complémentaire, peut-être que Mme la ministre pourra revenir.

M. Bourbeau: ...au ministre des Finances pour lui donner l'occasion de nous parler un peu de l'avenir plutôt que du passé: Est-ce que le ministre des Finances...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, aux Québécois qui s'inquiètent des prévisions budgétaires du ministre des Finances, pourrait-il dire pourquoi et comment les revenus du gouvernement du Québec devraient augmenter de 5,6 % cette année, alors que toutes les autres provinces canadiennes qui ont déposé des budgets prévoient une augmentation de revenus de 1 %? Pourquoi cinq fois plus de revenus au Québec? Pourquoi la croissance serait-elle plus grande au Québec qu'ailleurs? C'est ça, la vraie question.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: Je cherche l'exposé d'hier du député de Laporte, qui parlait du 1 %. En fait, sur ce chiffre-là, c'est la moyenne des provinces, c'est les revenus budgétaires de la moyenne des provinces. Et, dans cette moyenne-là, il y a des provinces beaucoup plus basses, mais l'Ontario est supérieure au Québec, et le Canada, dans sa prévision de revenus, était encore supérieur au Québec. Alors, il n'y a rien là, regardez les moyennes. Ne faites pas parler les chiffres, sachez les analyser.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme la députée... Pardon. À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Saint-François pour une question principale?


Mesures budgétaires et perspectives d'emploi

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Tous conviennent que la principale préoccupation des Québécoises et des Québécois, c'est l'emploi. D'ailleurs, on a vu hier des commentaires très négatifs de la part des groupes communautaires, du patronat ou encore des centrales syndicales pour les mesures d'emploi qu'on retrouve dans le budget – je devrais dire qu'on ne retrouve pas dans le budget. Le ministre des Finances, dans son budget d'hier, nous dit, et je cite: qu'«il y a des femmes et des hommes par centaines de milliers qui veulent participer, eux aussi, à l'effort collectif, mais qui sont sans emploi, sans espoir. C'est pour les gens que nous sommes ici – dit le ministre – c'est parce que nous ne pouvons tolérer les drames humains provoqués par le chômage.»

Ça, c'est le discours du ministre des Finances. Mais, dans les faits, qu'est-ce qu'on retrouve maintenant dans le budget? Diminution de l'emploi pour les prochaines années, augmentation du taux de chômage.

Ma question au ministre des Finances: Comment le ministre des Finances peut-il concilier son discours avec les perspectives économiques qu'on retrouve à l'Annexe D, page 15, c'est-à-dire de son budget, lesquelles démontrent une diminution de l'emploi et une augmentation du taux de chômage?

(15 h 50)

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: Je remercie, M. le Président, la députée de l'occasion qu'elle me donne de parler des mesures du budget en faveur de l'emploi. On a parlé de l'emploi, alors, je me permets de vous donner la liste des mesures du budget en faveur de l'emploi, d'une façon succincte. Les fonds régionaux qui ont été créés, c'est 100 000 000 $ par la FTQ dans la petite et moyenne entreprise; il y a de l'emploi forestier, on va créer 7 400 emplois; le Fonds de priorités gouvernementales en science et technologie: 50 000 000 $ sur cinq ans; le soutien aux transferts et diffusion de la technologie...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Campeau: ...l'intégration au marché du travail des personnes handicapées; la bonification du crédit d'impôt pour les stages; le Carrefour jeunesse-emploi; le Secrétariat à l'action communautaire; les projets jeunesse; la réduction de la taxe appliquée aux produits des microbrasseries; la création du fonds de la CSN; l'extension du réseau gazier à l'Est du Québec; l'amélioration de la gestion des fumiers; la réfection du patrimoine religieux; les infrastructures d'aqueduc et d'égout pour les petites municipalités, et je pourrais en ajouter beaucoup d'autres, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-François, pour une question complémentaire.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, même avec tout ça, on a une diminution de l'emploi. Est-ce que le ministre trouve ça acceptable, considère que c'est acceptable, une augmentation du taux de chômage pour d'ici l'année 1998 – et c'est mentionné, M. le Président, dans les prévisions de son discours sur le budget, annexe D, page 15 – alors, M. le Président, que son gouvernement prône une politique de plein- emploi?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Campeau: M. le Président, on doit vivre dans le milieu où on est.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, vous aurez l'occasion de revenir en question complémentaire, éventuellement. J'aimerais qu'on soit attentif à la réponse. M. le ministre des Finances.

M. Campeau: Les conséquences, bien sûr, on les a estimées quand le budget fédéral est sorti. On les a estimées à 36 000 pertes d'emplois, à ce moment-là. Il faut savoir que, quand un gouvernement réduit ses dépenses, ça a un impact direct sur ses revenus, ça a un impact direct sur l'emploi. Or, pour le Québec, l'année prochaine, c'est 1 000 000 000 $ de dépenses qui ne sont pas faites par le fédéral au Québec, alors qu'elles étaient faites avant, à même notre argent. L'année suivante, c'est 2 400 000 000 $. Ça ne peut pas faire autrement que d'affecter l'emploi, à la longue.

Le Président: Mme la députée de Saint-François, toujours en question complémentaire.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, comment le ministre peut-il nous dire que ça affecte les revenus alors qu'on vient de lui dire que la croissance des revenus qu'il prévoit dans son budget n'a aucun sens?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre des Finances. S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Campeau: On se trompe encore d'année, M. le Président. Je pense que votre question était pour la deuxième et la troisième année. Alors, je tiens à vous rappeler que, ce qu'on discutait tout à l'heure, c'était l'année 1995-1996. Je n'ai pas de médaille à vous donner, pour vous, en plus, après avoir été présidente du Conseil du trésor.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, pour une question principale?

M. Boulerice: Oui.

Le Président: En question principale ou complémentaire?

M. Boulerice: Oui, principale, M. le Président. M. le Président, le député de Laporte, toujours aussi fort en prévisions...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! O.K. Oui, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


Budget consacré à la sécurité du revenu

M. Boulerice: Alors, M. le Président, le député de Laporte, toujours aussi fort en prévisions, tantôt, a voulu laisser sous-entendre qu'il y aurait un écart de 200 000 000 $, au niveau du budget, quant à la sécurité du revenu. Comme, malheureusement, on n'a pas permis au ministre des Finances de répondre à cette question, est-ce que la ministre de la Sécurité du revenu pourrait nous dire ce qu'il en est exactement de cette allégation?

Le Président: Mme la ministre de la Sécurité du revenu.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier le député de Saint-Henri–Saint... Sainte-Marie–Saint-Jacques de sa question, parce que...

Le Président: S'il vous plaît! Mme la ministre.

Mme Blackburn: ...parce que vous aurez bien compris que, si le député de Laporte n'est pas revenu avec la question, c'est parce qu'il connaît pertinemment la réponse. Il ne s'est pas montré plus fort en prévisions par rapport à la sécurité du revenu qu'il ne l'a été par rapport au budget de l'an passé. En commission parlementaire, il a essayé de monter cet épouvantail, et les fonctionnaires, ensemble, nous avons complètement déboulonné son argumentation... et, avec les fonctionnaires, qu'il connaît et que, je crois, il respecte pour la qualité de leurs prévisions.

Et je vais vous expliquer à nouveau ce qu'il semble que l'ex-ministre de la Sécurité du revenu n'a pas compris. 54 000 000 $ de diminution des dépenses liées à des compressions amorcées l'an passé, et dont les effets se font sentir cette année. 78 000 000 $ de compressions additionnelles, que je peux vous énumérer encore une fois si ça peut vous faire plaisir: le programme AGIR, 22 400 000 $; travailleurs autonomes, 3 300 000 $; l'annulation des chèques, ...800 000 $; l'échange de renseignements avec la Sécurité publique, 3 500 000 $...

Le Président: En terminant, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: ...la rente d'invalidité, 17 400 000 $; la non-indexation, et ainsi de suite.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, depuis le début de la période de questions, vous aurez remarqué qu'on ne laisse pas répondre. Et je pense que ça n'a aucun sens, en vertu de l'article 32 de notre règlement, où on parle d'un certain décorum. De ce côté-ci, on essaie de faire des efforts; je demanderais qu'on fasse de même.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, très rapidement, M. le Président. Quand les réponses sont obtenues, l'application de l'article 32 est plus facile. Maintenant, je suis d'accord avec mon bon ami, le leader du gouvernement, qu'on devrait veiller plus attentivement à l'application de l'article 32.

Le Président: Alors, j'apprécie la collaboration des leaders des deux côtés de la Chambre. J'en appelle effectivement à votre discipline. En terminant, Mme la ministre.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président. M. le Président, je déplore l'attitude du député de Laporte, qui, pour des raisons partisanes, est en train d'entretenir l'impression qu'il y aurait des cachettes dans le budget, avec les conséquences qu'il connaît, quant à cette attitude d'entretenir la morosité dans la population et de travailler à vouloir... Dans le fond, est-ce qu'il est en train de courir après la décote?

Le Président: M. le député d'Outremont, pour une question principale.


Taxes applicables aux entreprises

M. Tremblay: Dans le discours sur le budget, le ministre des Finances disait ceci, M. le Président: Au-delà de la gestion de l'État, des batailles de juridiction, du jeu des équilibres financiers, au-delà des chiffres, il y a les personnes.

Et on dit parfois, M. le Président, que le diable se cache dans les détails. Au-delà de tous les programmes annoncés par le gouvernement, au-delà des programmes mentionnés par la ministre de la Sécurité du revenu, les résultats sont à l'annexe D, page 15. Le ministre des Finances parle uniquement des éléments Production, Éléments de la demande. Il pourrait parler du marché du travail. Comment peut-on accepter, au Québec, une diminution de l'emploi, de 76 000 emplois créés en 1994 à 66 000 en 1995, à 40 000 en 1996, jusqu'en 1998, et une augmentation du chômage à 11,7 %?

M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances: Comment le ministre des Finances, qui nous annonce dans son budget une diminution de l'emploi dans le secteur public et dans le secteur privé, a-t-il pu choisir la plus mauvaise des solutions: taxer le partenaire privilégié, les entreprises – taxe sur la masse salariale, taxe sur l'emploi et, bientôt, une nouvelle taxe de 1 % – ces entreprises qui vont être appelées à créer des emplois? Comment peut-il justifier ça? D'autant plus que, à l'annexe 5, il va y avoir une diminution de la croissance des bénéfices au cours des prochaines années, M. le Président.

(16 heures)

Le Président: M. le ministre des Finances. À l'ordre!

M. Campeau: Bien, je trouve que le député d'Outremont a raison, c'est honteux quand on voit les chiffres de chômage. Et j'apprécie, une fois de plus, qu'il ne s'entende pas trop avec son chef, parce que son chef disait: La diminution des transferts fédéraux – quand on parlait qu'ils occasionnent des pertes de 15 000 emplois – le chef de l'opposition disait: Des détails, des détails. Je suis content que le député d'Outremont soit d'avis contraire.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît. M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Encore une fois, je m'excuse auprès de l'honorable ministre des Finances, qui, depuis le début de la période de questions, ne fait que lire des bouts de papier qu'il reçoit plutôt que de répondre aux questions de l'opposition. S'il ne souhaite pas répondre, il pourrait invoquer le règlement de l'Assemblée nationale.

Une voix: Menteur!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, on serait peut-être mieux d'en recevoir, des bouts de papier, pour avoir des questions sensées.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Finances.

M. Campeau: On me demande quand, mais c'était après le budget fédéral. Alors, oui, c'est un bout de papier, mais ça s'adonne que c'est un extrait du budget. Vous parlerez de l'Annexe D au député d'Outremont, à la page 14.

Le Président: À l'ordre!

M. Campeau: Allez donc à la page 14, vous allez avoir votre réponse.

Le Président: Écoutez, là, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Vous connaissez très bien les dispositions du règlement. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de garder le silence. M. le ministre des Finances.

M. Campeau: On disait donc, M. le Président: «Cela devrait se traduire par la création de quelque 40 000 emplois annuellement durant cette période et un taux de chômage stable, compte tenu des nouveaux arrivants sur le marché du travail.» Mais, malheureusement, on va dire: Encore le fédéral! Mais est-ce qu'on peut cacher les faits? «N'eût été de l'impact négatif du budget fédéral sur l'économie, la création d'emplois aurait été beaucoup plus élevée au cours des trois prochaines années que ne le suggèrent les projections à moyen terme établies dans le cadre du présent budget, atteignant près de 55 000 par année, de 1996 à 1998.» Alors, j'invite le député d'Outremont à lire pas seulement la page 15, mais aussi la page 14.

Le Président: C'est la fin de la période de questions et de réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées.

Pas de votes reportés.

Pas de motions sans préavis non plus.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes aux avis touchant les travaux des commissions.

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux, de 16 heures à 18 heures, ainsi que demain, jeudi, le 11 mai, si nécessaire, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Également, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi 77, Loi modifiant la Loi sur les parcs, de 16 heures à 18 heures, ainsi que demain, le 11 mai, de 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.

Enfin, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur, de 16 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, dans un premier temps, je voudrais remercier le leader du gouvernement d'avoir déposé les réponses à des questions des collègues posées en cette Chambre et remercier les ministres de la Santé et de l'Éducation, qui sont des ministres fort occupés dans le gouvernement, d'avoir bien voulu répondre aux questions, comme le règlement l'indique.

Maintenant, je me dois de souligner que le ministre des Finances, à qui des questions...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, vous avez bien du courage, vous devez parler très fort pour vous faire entendre. Est-ce qu'il serait possible aux membres de cette Assemblée qui doivent vaquer à d'autres occupations et, notamment, à tenir des minicaucus de bien vouloir les tenir à l'extérieur? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Strictement pour rappeler que les ministres de la Santé et de l'Éducation, qui ont de gros ministères à diriger et sont des personnes fort occupées, ont daigné répondre aux questions, comme l'indique le règlement. Maintenant, le ministre des Finances, à qui on a adressé des questions par écrit, au feuilleton depuis plus de six mois, refuse de répondre par écrit, comme il refuse de répondre oralement lors de la période des questions. Est-ce que le leader adjoint du gouvernement peut le rappeler à l'ordre, s'il vous plaît?

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gendron: Si je le faisais, ce serait avec plaisir, pour le féliciter de ses excellentes réponses à la période de questions aujourd'hui. Ce n'est pas parce que vous n'avez pas aimé les réponses qu'il y a données qu'il n'a pas bien répondu. Alors, sur la question que vous posez concernant les questions au feuilleton, M. le leader de l'opposition, je rappelle ce que j'ai eu l'occasion de dire il y a deux semaines. Je suis prêt à faire une conférence de presse conjointe là-dessus pour parler de notre performance en six mois comparée à la vôtre en neuf ans. Mais ça n'explique pas tout. Vous souhaitez qu'on soit plus exigeants, M. le leader de l'opposition. On va l'être, comme leaders, et on va demander aux autres collègues que, effectivement, ils fassent diligence. Parce que, si c'est prescrit par notre règlement et prévu, c'est pour que l'opposition puisse avoir un meilleur matériel pour faire sa job. Et probablement qu'aujourd'hui ça aurait paru. Probablement que ça aurait paru, ces questions-là, et vous auriez pu faire une meilleure période des questions.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je comprends que le leader adjoint du gouvernement et député d'Abitibi-Ouest veuille aujourd'hui remercier le ministre des Finances pour les quelques deniers dont il a pu bénéficier, dans les régions minières, à l'occasion du budget. Mais ça n'excuse aucunement, M. le Président, le fait que, depuis plus de six mois, des questions sont inscrites au feuilleton au nom du ministre des Finances. C'est l'argent des contribuables québécois. La population est en droit de savoir, et le ministre des Finances n'a pas le droit de refuser de répondre.

Le Président: M. le leader adjoint. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gendron: M. le Président, ce que je retiens... Et je pense que, sincèrement, comme parlementaire d'expérience, je partage le point de vue du leader de l'opposition, pas en le «relativant» au ministre des Finances, je pense qu'il est fondamental que, si c'est prévu au feuilleton que des questions soient adressées par ce biais-là, il faut que l'application du règlement s'applique. Alors, je vais refaire un appel à l'ensemble des collègues ministériels pour que, dans les meilleurs délais, ils soient en mesure de fournir les réponses à l'opposition, tout en tenant compte, cependant, qu'il arrive qu'il y ait des types de questions qui requièrent beaucoup plus de recherches. Mais je vais encore lancer une invitation à tous de répondre à ce qui est prescrit par règlement, à une question au feuilleton pour l'opposition, dans les meilleurs délais.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée déplore le manque de vision à long terme du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie vis-à-vis le développement économique, scientifique et technologique du Québec

Le Président: Alors, s'il n'y a pas d'autres demandes de renseignements, nous allons passer aux affaires du jour, donc, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. M. le député d'Outremont présente la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale déplore le manque de vision à long terme du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie vis-à-vis du développement économique, scientifique et technologique du Québec, ainsi que son manque de confiance et de solidarité à l'endroit des possibilités des entrepreneurs québécois de contrôler leurs entreprises.»

Avant que le débat sur cette motion ne s'engage, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion. Mise à part la réplique de 10 minutes accordée à l'auteur de la motion, les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée à ce débat, et, dans ce cadre, les interventions ne sont pas limitées. Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant, M. le député d'Outremont.


M. Gérald Tremblay

M. Tremblay: Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président. Une grande dame disait: L'avenir appartient à celles et ceux qui croient en la beauté de leurs rêves. Les Québécoises et les Québécois se sont mobilisés derrière la beauté du rêve de Jean Lesage, «Maîtres chez nous». Pour la très grande majorité d'entre nous, les Québécois et les Québécoises situés dans toutes les régions du Québec, c'était important, cette mobilisation, qu'un leader politique dise: «Maîtres chez nous». C'est parce que, dans toutes les régions du Québec, des personnes vivaient des expériences particulières. Et, pour donner suite à ce souhait collectif, les libéraux ont créé la Caisse de dépôt et placement du Québec, la Société générale de financement, la Société de développement industriel, SOQUEM, SOQUIP, REXFOR, SOQUIA. Et d'autres formations politiques ont contribué à la création, notamment, du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Donc, les Québécois et les Québécoises ont mis en place des institutions financières qui sont devenues partie prenante des aspirations légitimes des Québécois et des Québécoises.

(16 h 10)

En 1962, M. le Président, j'avais presque 20 ans. Je travaillais pour une entreprise qui s'appelait Dun & Bradstreet. Je dois vous dire que travailler voulait dire réellement travailler; travailler à compter de 5 heures le matin jusqu'à 22 heures le soir dans un milieu où je devais rédiger en anglais des analyses financières que je faisais sur des entreprises. Cette entreprise d'envergure mondiale nous demandait de travailler en anglais. Je l'ai fait, M. le Président, parfois sept jours par semaine. Et ce qu'on m'a donné pour me permettre d'entrer un peu plus tôt le matin, c'était la clé du bureau. Ça, c'était la reconnaissance qu'on m'accordait pour les efforts importants que je faisais pour cette entreprise.

Et je me suis aperçu que, si je voulais assumer, au Québec, des responsabilités additionnelles, contribuer davantage au développement économique, social, éducatif, culturel du Québec, je devais retourner aux études. Lorsqu'on veut concurrencer avec les meilleurs sur la scène internationale, il faut avoir un bagage académique. Donc, quatre années d'études en droit, avec un objectif d'aller étudier aux États-Unis. Pourquoi c'était important? C'était important de connaître nos futurs compétiteurs. C'était important, pour des Québécois et des Québécoises, d'aller, notamment, dans mon cas, à Boston, à l'Université Harvard, même si j'avais certaines craintes, certaines appréhensions d'être obligé de travailler, d'être obligé d'être avec celles et ceux qu'on identifiait comme étant l'élite mondiale de demain. Et je reviens à la petite phrase que je vous ai citée au départ. Parce que, cette grande dame, c'était Eleanor Roosevelt. Et elle disait, et je le répète parce que c'est important: L'avenir appartient à celles et ceux qui croient en la beauté de leurs rêves. Pas de rêves, pas de réalisations, M. le Président.

Donc, après ces études à Boston, j'avais le choix d'accepter des offres importantes aux États-Unis. J'ai eu des offres importantes aux États-Unis. Par contre, je me suis dit: Non, j'ai fait le choix du Québec. Je reviens au Québec pour contribuer, avec les Québécoises et les Québécois, au développement économique du Québec. C'était important, c'était mon choix. Pourquoi? Parce que j'avais une confiance illimitée dans l'imagination, la créativité et les capacités des Québécois et des Québécoises.

J'ai toujours, M. le Président, cette confiance illimitée dans les capacités des Québécois et des Québécoises. Et c'est la raison pour laquelle c'était important qu'on essaie, en s'inspirant des expériences américaines, des expériences européennes, des expériences japonaises, de développer une vision d'ensemble du développement économique du Québec. C'était fondamental. Comment peut-on demander à un peuple de bâtir une économie d'avenir lorsqu'on n'a même pas une vision d'ensemble du développement économique du Québec, un modèle québécois pour réussir à notre façon? Et, lorsque j'ai entendu, en septembre 1994, le nouveau ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie dire: Mais, une stratégie industrielle, on ne peut pas faire ça – et je le cite, M. le Président – «overnight». Mais on avait déjà un début de stratégie industrielle; on avait déjà, collectivement, réussi à mobiliser toutes les forces vives du Québec derrière des réalisations. Nous avions été à l'écoute des Québécois et des Québécoises pendant 30 ans. Le moment n'est pas venu de réinventer encore de nouvelles formules; le moment est venu de bâtir sur les acquis de notre société.

Alors, c'est la raison pour laquelle je déplore, M. le Président, le manque de vision à long terme du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie en ce qui concerne le développement économique, scientifique et technologique du Québec. C'est vrai que le ministre continue non pas ce qu'il appelle les grappes industrielles du Québec, mais il continue les tables de concertation; il préside même ces tables de concertation. Mais, qui dit concertation dit confiance dans les partenaires économiques qui siègent à ces tables de concertation, mais dit, également, solidarité envers les personnes qui, depuis des décennies, consacrent leurs énergies au développement économique du Québec.

Au-delà du discours, M. le Président... Ça, c'est un beau discours que je viens de faire, mais, dans les réalisations concrètes, qu'est-ce que ça veut dire? Parce que c'est ça qui est important. Et c'est la deuxième partie de la motion. Est-ce que le ministre peut avoir – et c'est le discours du Parti québécois, c'est le discours du présent gouvernement – autant de confiance, autant de solidarité envers les entrepreneurs du Québec – ceux et celles qui, depuis 30 ans, bâtissent le Québec – qu'en des entreprises étrangères?

Lorsqu'il y a eu certains problèmes avec la firme Lavalin, j'aurais pu, comme ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, faire le tour du monde, trouver des partenaires, des firmes d'ingénierie-conseil d'envergure mondiale. Je ne l'ai pas fait, M. le Président. J'ai eu la grande opportunité d'avoir un cousin qui s'appelait Yves Bérubé, qui, lui, travaillait pour Lavalin, qui avait été membre du Parti québécois, qui était un ministre sous le Parti québécois, qui est venu me voir, puis il m'a dit: C'est impensable qu'une firme d'ingénierie-conseil ne soit pas contrôlée par des Québécois, pour les Québécois. Et c'est la raison pour laquelle on a fait l'association avec SNC. Ça n'a pas été facile, M. le Président, ça a été même très difficile. Deux cultures d'entreprise différentes, des ingénieurs qui se sont concurrencés pendant des décennies: essayer d'asseoir ces mêmes personnes autour de la table avec l'institution financière, la Banque Nationale, et être obligé de tenir un discours assez dirigiste, M. le Président, pour faire comprendre que l'avenir du Québec passait par, notamment, ce regroupement de la firme SNC-Lavalin.

Et, aujourd'hui, les partenaires travaillent ensemble, même si ça a été difficile de les rapprocher au début, pendant même une année. Aujourd'hui, les technologies des deux firmes d'ingénierie-conseil ont été mises ensemble; on a plus de synergie au Québec, on a plus d'emplois, on a plus de potentiel sur la scène internationale. Et je dois vous dire que c'est avec beaucoup de fierté, quand je vois aujourd'hui Bernard Lamarre, quand je vois aujourd'hui Guy Saint-Pierre, quand je vois aujourd'hui Jacques Lamarre, et quand je vois les autres dirigeants de cette firme internationale faire le tour du monde et ouvrir maintenant des bureaux, des bureaux partout au Canada, des bureaux en Amérique latine, en Europe, et bientôt des bureaux en Asie. Ça, c'est notre fierté, comme Québécois.

Et jamais, jamais... C'est mon engagement politique, M. le Président. Si je suis en politique, c'est pour défendre les intérêts supérieurs du Québec, et je vais continuer à défendre les intérêts supérieurs du Québec, mais pas à n'importe quel prix, M. le Président, pas à n'importe quel prix. La preuve: je vais vous donner des exemples concrets. On avait une usine dans l'est de Montréal – le député de Pointe-aux-Trembles la connaît très bien; le député de LaFontaine la connaît très bien également – on avait l'usine Kemtec, qui avait des problèmes financiers. À la suite des représentations des deux députés que j'ai mentionnés, du maire de Montréal-Est, M. Labrosse, ils ont convaincu que c'était impensable qu'au Québec on laisse partir des investissements de 250 000 000 $. À ce moment-là, encore une fois, on a donné la priorité à des Québécois et à des Québécoises, et, dans ce cas-là, on n'en a pas trouvé. On n'a pas trouvé de Québécois et de Québécoises qui avaient les ressources financières, les ressources matérielles, le réseau de distribution et l'expertise technique pour redémarrer Kemtec. Nous avons trouvé Coastal, une société américaine d'envergure nord-américaine et mondiale. On a fait une entente.

(16 h 20)

Le point que je veux faire, c'est que je n'en ai pas contre les entreprises étrangères. Par contre, avant de solliciter une entreprise étrangère, est-ce qu'on peut faire ce que j'ai fait, moi, ou ce que j'ai appris plus tôt, en 1962?

Je reviens à mon expérience de Dun & Bradstreet. Quand je montais la rue Saint-Laurent pour aller visiter les entreprises majoritairement contrôlées par la communauté juive, une communauté de solidarité, une communauté d'entraide, c'est là que j'ai appris. Puis on se posait des questions, puis on se disait ça il y a 30 ans: Comment se fait-il que les Juifs sont autant solidaires, que les Juifs s'entraident, que les Juifs se supportent mutuellement, que les Juifs, aujourd'hui, ont un lobby puissant qui peut influencer des décisions partout à travers le monde? Est-ce que c'est trop demander aux Québécois et aux Québécoises de partager certaines de ces valeurs d'entraide, de solidarité, de respect, de confiance, de discipline et de travail bien fait pour qu'un jour on puisse dire, nous aussi, comme Québécois et Québécoises: On contrôle maintenant des décisions importantes qui peuvent marquer notre avenir?

Hier, dans cette Chambre, le ministre a parlé de Sidbec. Je peux vous en parler, de Sidbec, parce que, Sidbec, je n'en ai pas dormi, de ce dossier-là, pendant des semaines et des semaines, pour ne pas dire des mois. Nous avions collectivement, comme Québécois et Québécoises, investi 1 800 000 000 $ pour réaliser le rêve de Jean Lesage, de «Maîtres chez nous», qui a été continué par toutes les formations politiques, d'au moins avoir une aciérie au Québec. On se disait: En Ontario, il y a des aciéries, donc, en Ontario, ils ont le secteur de l'automobile. On a voulu concurrencer, nous, et on a injecté 1 800 000 000 $. Finalement, au gouvernement, on s'est aperçu que nous n'étions possiblement pas les meilleurs gestionnaires d'une entreprise dans le secteur privé qui est appelée à concurrencer avec d'autres entreprises du secteur privé.

Qu'est-ce que j'ai fait, avec l'équipe dynamique du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, avec la SGF, avec la SDI, avec SOQUIP, avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, avec CAI Capital Corporation, avec Canam Manac, avec, également, Nova Steel? J'ai tenté par tous les moyens possibles de conserver au Québec la propriété de Sidbec-Dosco. Ça n'a pas été possible. C'est la raison pour laquelle nous avons vendu cette entreprise à une firme indonésienne, une firme indonésienne qui a conservé la même équipe de direction, une firme indonésienne qui investit dans l'avenir économique du Québec, une firme indonésienne qui crée des emplois permanents de qualité. Mais, avant de vendre à cette firme indonésienne, je me suis assuré qu'il n'y avait personne au Québec – personne au Québec – qui avait les ressources financières et qui avait également la capacité des réseaux de distribution pour bâtir Sidbec, pour permettre à cette entreprise de jouer son rôle. Donc, des exemples concrets, M. le Président.

J'arrive maintenant à la deuxième partie de la motion: le manque de confiance et de solidarité à l'endroit des possibilités des entrepreneurs québécois de contrôler leurs entreprises. Premier exemple: BioChem Pharma. En toute objectivité, je veux répéter l'allusion que le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie a faite hier et la discussion que j'ai eue avec Claude Blanchet, président du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Il semblerait – parce que, à ce moment-là, j'étais président de la Société de développement industriel du Québec, je ne faisais pas partie du gouvernement – qu'il y avait eu des discussions pour que l'institut Armand-Frappier vende ses actions possiblement à l'entreprise Connaught. Et c'est Louis Laberge... Et je fais juste vous répéter. Je n'ai pas été partie à ces discussions-là, mais, en toute honnêteté, je dois absolument répéter ce que Claude Blanchet a dit, et l'allusion que le ministre a faite tout à l'heure, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Il semblerait que c'est Louis Laberge qui a dit au gouvernement: C'est totalement inacceptable que la propriété de cette entreprise passe à des intérêts étrangers. Alors, bravo! Bravo! Louis Laberge.

Et, lorsque j'étais président de la Société de développement industriel du Québec, je trouvais ça également, M. le Président, totalement inacceptable. C'est la raison pour laquelle, contre la volonté de l'institut Armand-Frappier, qui avait un déficit important, déficit qu'ils entendaient combler par la vente des actions que l'institut Armand-Frappier détenait dans IAF BioChem, alors, à ce moment-là, pour des raisons patriotiques – et ce n'est pas mes mots, c'est les mots des membres du conseil d'administration – les membres du conseil d'administration de l'institut Armand-Frappier ont accepté, pour des considérations patriotiques, de transférer les actions de IAF de l'institut Armand-Frappier à deux institutions financières québécoises: le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et la Caisse de dépôt et placement du Québec. Et ces mêmes personnes ont exigé, M. le Président, pour être bien certaines que nous bâtirions au Québec une société de biotechnologie d'envergure mondiale...

C'est le rêve de tout un peuple, M. le Président. Quand on voit des multinationales dans le secteur pharmaceutique, on se dit: Comment ça se fait qu'on n'a pas de multinationale pharmaceutique au Québec? On a failli en bâtir une, avec Nordic, Marion Merrell Dow. On a vendu nos participations. On en avait possiblement une autre qui avait du potentiel, qui s'appelait Bio-Mega, et, à ce moment-là, la Société générale de financement considérait que Bio-Mega, c'était trop petit. Ce n'était pas assez, ce n'était pas comme ABI, la grosse aluminerie. Ce n'était pas comme Domtar. Ce n'était pas comme les chantiers maritimes. C'était trop petit. Ça valait uniquement 25 000 000 $. On a vendu cette société à des Allemands.

Alors, moi, je me disais, M. le Président: Comment se fait-il qu'on ne puisse pas consolider au Québec une entreprise, avec tous les efforts des Québécois et des Québécoises, pour qu'on ait une société de biotechnologie d'envergure mondiale? Et l'occasion s'est présentée avec l'institut Armand-Frappier, IAF BioChem. Et c'est la raison pour laquelle les partenaires ont accepté, M. le Président, de devenir propriétaires des actions que l'institut Armand-Frappier détenait dans BioChem, 35,5 % de ses actions.

Et ces partenaires ont signé l'entente suivante. Un paragraphe qui est important. Ce n'est pas long, un paragraphe, M. le Président. Je vous le lis parce que c'est très important: Nous vous confirmons – ses actionnaires étant Daniel Paillé, représentant, à ce moment-là, de la Caisse de dépôt et placement du Québec, et Claude Blanchet, du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec – que les signataires de la présente s'engagent à préserver la propriété québécoise des actions acquises. C'était ça, le but, M. le Président. Pourquoi? Parce qu'on se disait: la Caisse de dépôt et placement du Québec a des ressources financières importantes, plus de 40 000 000 000 $ d'actif.

Si la Caisse de dépôt est capable aujourd'hui, M. le Président, d'acheter un patrimoine immobilier en Caroline du Nord, est-ce qu'on est capable, M. le Président, de prendre des ressources financières puis d'investir dans une société de biotechnologie qui peut un jour faire l'envie des Québécois et des Québécoises? Mais, ces deux sociétés ont préféré garder leurs actions sans continuer à en acheter, avec la conséquence que leur participation a été diluée, et cette participation a été diluée, aujourd'hui, à 15,5 %.

(16 h 30)

Et la multinationale Glaxo, voyant une opportunité inespérée, avec des ressources financières dites presque illimitées, a décidé d'investir entre 500 000 000 $ et 600 000 000 $ pour prendre le contrôle de notre société, BioChem Pharma.

On avait même, M. le Président, à la demande du Fonds de solidarité et de la Caisse de dépôt, on avait même eu une entente, une convention entre actionnaires qui disait ceci. Je le lis, le paragraphe, M. le Président: Les actionnaires s'engagent à voter leurs actions respectives de BioChem, ou celles à l'égard desquelles ils peuvent exercer ou contrôler le droit de vote, de manière à assurer une certaine représentation des actionnaires au conseil d'administration de BioChem, qui se composera de 12 membres, dont six de la Caisse et du Fonds. Et la Caisse et le Fonds nommaient le président du conseil d'administration, qui avait un vote prépondérant.

Ça, M. le Président, ça s'appelle contrôler une entreprise. Ça, M. le Président, ça veut dire que, quand on a une décision pour créer des emplois, quand on a à prendre une décision pour ajouter de la valeur au produit de la recherche des Québécois et des Québécoises, on peut dire que, dorénavant, le produit de cette recherche sera manufacturé au Québec.

La première décision qui a été prise par BioChem, son conseil d'administration contrôlé par la multinationale Glaxo, est la suivante: Nous allons créer 300 emplois, non pas au Québec, M. le Président, en Angleterre. Réaction de nos partenaires privilégiés? On ne peut pas tout avoir, M. le Président. On ne peut pas tout avoir! Mais, moi, je ne peux pas accepter ça. Mais, vulnérable maintenant, notre société, avec un potentiel d'envergure internationale, BioChem Pharma se protège contre une OPA hostile. Alors, aujourd'hui, on se réveille et on dit: Il faut se protéger parce que, possiblement, on n'aura pas les retombées des investissements des Québécois et des Québécoises.

Le ministre nous dit: On va recevoir, au cours des cinq prochaines années, 2 000 000 000 $ en redevances. Je dis au ministre: Bravo! Mais, des redevances, ce n'est pas nécessairement des emplois. Si on prend ces redevances-là, on fait de la recherche et du développement additionnel au Québec, alors qu'on sait très bien que le Québec est l'endroit le plus intéressant au monde pour faire de la recherche et du développement parce qu'il y a les crédits d'impôt les plus intéressants au monde. Et, quand c'est le temps de récolter les fruits de ces investissements des contribuables, M. le Président, on perd les emplois. Pour moi, c'est totalement inacceptable.

Alors, ce que je demande au ministre aujourd'hui: J'aimerais avoir un engagement écrit du conseil d'administration de BioChem à l'effet que ces redevances vont être investies au Québec. Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, c'est le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Lorsqu'il s'est levé en Chambre, il a dit: Nous allons recevoir 2 000 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Où ces sommes vont-elles être investies? Il a répondu à sa propre question: Au Québec. Tout ce que je lui demande, c'est un engagement écrit. S'il a raison... Un engagement écrit à l'effet que le conseil d'administration va investir les 2 000 000 000 $ au Québec, en recherche et développement en partie, j'en conviens, mais également dans des emplois permanents de qualité pour les Québécois et les Québécoises.

Deuxième exemple, M. le Président. Prévost Car. J'ai vécu Prévost Car, comme j'ai vécu le dossier Nova Bus. Des fois, lorsque je vois ce qui se passe au Québec, je me dis: On «est-u» bon uniquement pour ramasser les compagnies qui sont en faillite et les repartir? Et, quand ça commence à être intéressant, la compagnie, on la vend à des intérêts étrangers.

Prenons Nova Bus. Lorsque Nova Bus a dû cesser ses opérations pour les raisons qu'on connaît, ça a été difficile, M. le Président, de regrouper, dans un premier temps, les commissions de transport du Québec, qui avaient plus ou moins confiance dans la qualité des produits de Nova Bus, de regrouper le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, de regrouper la Société de développement industriel du Québec, de signer un contrat social à long terme avec la Fédération des travailleurs du Québec, de signer une entente internationale avec une firme hollandaise qui s'appelle United Bus. Parce que, le défi, ce n'était pas de continuer à faire des autobus classiques, conventionnels, le défi, c'était de fabriquer des autobus à plancher bas. Puis, on s'est dit: Au lieu de les acheter en Ontario, au lieu de les acheter aux États-Unis, on est peut-être mieux de créer les 600 emplois au Québec et de les acheter au Québec. Et on a trouvé des entrepreneurs québécois, Yvon Lafortune notamment, un ancien de Bombardier, qui, lui, s'est associé avec les sociétés que je vous ai mentionnées tout à l'heure, puis il a relevé le défi, avec la conséquence qu'aujourd'hui il y a 450 travailleurs à l'usine de Saint-Eustache. Plus que ça, il y a un carnet de commandes de 450 000 000 $ pour 1 200 autobus. Pas au Québec! Au Mexique, au New Jersey puis dans l'État de New York. Ça veut dire que, comme Québécois et Québécoises, on est possiblement capables de faire des choses, des choses importantes!

Mais ce que le ministre a oublié, c'est que, dans cette entente, parce que le gouvernement a contribué des millions de dollars pour favoriser la recherche et le développement et parce que, au Québec, on avait une solidarité et une complicité, puis on voulait deux compagnies complémentaires – Prévost Car, des autobus de ligne, Nova Bus, des autobus urbains – on s'est dit: Il ne faut pas se nuire, alors il faut avoir deux entreprises qui ne se compétitionneront pas. Alors, dans l'entente avec Nova Bus, il y a une clause de non-compétition qui dit que Nova Bus ne peut pas fabriquer des autobus de ligne. Elle existe toujours, cette clause-là. Et, à cause du succès de Nova Bus, Bombardier, notre petit Bombardier, a décidé de prendre une participation de 25 % et, d'ici 1998, il a des options pour contrôler l'entreprise à 100 %.

Bombardier est dans beaucoup de secteurs, notamment le matériel de transport terrestre. On a fait les wagons sous la Manche, le plus gros contrat au monde, notre petit Bombardier. On est devenu propriétaire de Short, en Irlande. On est devenu propriétaire de De Havilland. On est devenu propriétaire de Canadair. Et on est devenu propriétaire de BN, en Belgique. Et Laurent Beaudoin est sollicité partout à travers le monde pour faire des acquisitions d'entreprises.

La seule chose que je reproche au ministre, c'est: comment se fait-il qu'au-delà du discours de son gouvernement – la concertation, la solidarité, la complicité – on n'ait pas pris le téléphone et appelé Laurent Beaudoin pour dire: Laurent, ou M. Beaudoin, êtes-vous intéressé? On a préféré signer une entente d'exclusivité avec Prévost Car. Pourquoi? Je vais vous le dire. Parce que, depuis 1978, la Société de développement industriel détenait 37 % des actions. Prévost Car avait de sérieux problèmes financiers. On a mis 2 500 000 $, l'entreprise nous a remboursé jusqu'à 1 400 000 $, et nous avons par la suite converti en actions ordinaires. Donc, la SDI, avec un article 7, dans ce cas-là, a fait un bon coup, on va le reconnaître, parce que ce qui valait 1 500 000 $, maintenant on parle de 50 000 000 $, selon les chiffres du ministre, et, à ce moment-là, le ministre nous dit même: Ça va être un retour sur l'investissement de 17,2 %.

Alors, la SDI a donné un mandat à une firme, Coopers & Lybrand. On est allé en appel d'offres, la firme qui a été retenue, c'est Coopers & Lybrand. Cette firme-là a dit à la SDI: Là, on a fait des chiffres, on a fait des colonnes. Et là on a dit: Vous avez une participation minoritaire, vous n'aurez pas la prime de contrôle. Et les actionnaires se sont dit: Bien, si la SDI vend et va chercher un bon prix, peut-être que, moi, je veux vendre aussi pour aller chercher un bon prix; même s'il ne voulait pas vendre, André Normand. Sauf que, là, première décision importante de Volvo, je vous la dis, puis ce n'est pas moi qui vous la dis, M. le Président, mais il faut que je vous la cite, la première décision importante de Volvo.

(16 h 40)

Je cite le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie: M. André Normand l'a dit, il a tenté de garder une petite proportion des actions. Volvo en faisait une condition pour s'établir en Amérique du Nord, à Sainte-Claire de Dorchester, et ils ont acquis 100 % des actions, M. le Président. Première décision de Volvo, c'est non. Non, non, non, non. Nous autres, les petits Québécois, nous autres, on vous achète à 100 %, mais vous restez là. On a besoin de vous autres. Combien de temps? Je ne sais pas, moi, M. le Président, combien de temps. J'ai posé la question au ministre. Je lui en ai posé deux. Il est censé me répondre tout à l'heure. La première: Est-ce qu'il y a un engagement de Volvo à l'effet qu'ils vont rester au moins cinq ans? Et, deuxièmement, est-ce qu'il y a une clause de non-compétition, maintenant, pour Volvo? Est-ce qu'on a l'assurance que Volvo ne commencera pas à fabriquer des autobus urbains? Parce qu'il en fabrique, des autobus urbains.

Alors, le ministre nous dit: Non. Il dit: Ils ne veulent pas faire ça. Ils ne veulent pas faire ça. Alors, si c'est vrai qu'ils ne veulent pas faire ça, qu'ils le mettent par écrit, M. le Président, parce qu'on ne risquera pas, nous, comme Québécois et Québécoises, l'avenir de Nova Bus, 450 emplois, que cette entreprise ait des problèmes financiers parce que Volvo décide que ce n'est peut-être pas une mauvaise idée de commencer à concurrencer les autobus urbains et que le gouvernement aille en appel d'offres public, avec une entreprise au Québec. Alors, je me pose ces questions-là. J'ai le droit.

Je reproche au ministre de ne pas avoir appelé Laurent Beaudoin. Je reproche au ministre de ne pas avoir communiqué avec Yvan Lafortune pour lui donner au moins la possibilité. Le ministre a dit: Qui a 140 000 000 $? Je pense que Bombardier a 140 000 000 $. Honnêtement, M. le Président, et il a dit d'autres choses à l'émission Les affaires et la vie . Il a dit: Volvo, ce n'est pas n'importe qui. Et je vais vous donner la réaction, M. le Président, de mon épouse. Bien, si, Volvo, ce n'est pas n'importe qui, ça «veut-u» dire que, nous autres, c'est n'importe quoi? Tu sais, ça veut dire quoi?

M. le Président, moi, ça me fait, honnêtement, là, mal au coeur, et ça me touche profondément, parce que j'ai confiance au Québec. Puis, quand j'étais ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, je défendais les intérêts supérieurs du Québec. C'est ce que je fais aujourd'hui. Je n'en ai pas contre Volvo. Tant mieux! Tant mieux pour Volvo si on a été assez naïfs pour leur vendre sans les conditions que j'ai mentionnées tout à l'heure, si le gouvernement accepte de donner suite à la transaction. Mais je n'accepterai jamais qu'on n'ait pas au préalable demandé à des partenaires québécois de se porter acquéreurs de cette entreprise.

Et, M. le Président, si, nous, comme élus, nous ne sommes pas capables de donner l'exemple, quelle crédibilité allons-nous avoir pour convaincre d'autres entrepreneurs québécois de ne pas vendre leur entreprise? Parce que, ce qui se passe présentement au Québec, M. le Président, c'est que nos entrepreneurs québécois sont en train de vendre leur entreprise.

Dans la revue Commerce , vous vous rappelez, M. le Président, les patins Bauer, les patins Daoust, vous vous rappelez de ces patins-là. Bon. Une firme américaine a trouvé que c'était intéressant: Canstar. Notre entrepreneur québécois, 52 ans, un Italien d'origine, un Québécois, s'est dit: Moi, là, je vais travailler, travailler. À 52 ans, il a vendu sa compagnie. Il a fait une offre qu'on ne pouvait pas refuser. On ne peut rien faire, c'est dans le secteur privé. Le secteur privé, ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent. Mais si, nous, comme gouvernement, quand on a des leviers, avec la Caisse de dépôt, avec le Fonds de solidarité, la SGF, la SDI, on ne donne pas l'exemple d'au moins donner un droit de premier refus à des Québécois et des Québécoises, qu'on ne vienne pas reprocher à des entreprises du Québec de vendre leur entreprise.

Et si c'était uniquement Canstar! Qu'est-ce qu'on fait de Softimage, qu'on a eu des hésitations, nous, à financer, comme Québécois et Québécoises? Pas vieux, Daniel Langlois. Il a vendu à Microsoft. Puis on parle de l'autoroute de l'information. On parle, alors que Microsoft est en train d'acheter partout à travers le monde, M. le Président, les encyclopédies, tous les produits de la recherche et du développement dans tous les secteurs économiques pour les mettre sur l'autoroute de l'information et nous les transmettre par la suite.

On avait un entrepreneur... on l'a toujours, il a 250 emplois à Saint-Laurent. Parce qu'une chose qu'on ne nous enlèvera jamais, M. le Président, c'est notre créativité, notre imagination puis nos capacités. Mais est-ce qu'on ne pourrait pas aller un peu plus loin? Quand j'allais au Japon, savez-vous ce qu'on me disait, M. le Président? Vous autres, les Québécois et les Québécoises, on vous aime beaucoup parce que vous avez l'imagination, vous avez la créativité. On vient prendre vos idées, on les copie, on les adapte et on vous les revend.

Regardez dans votre maison, ce que vous avez, M. le Président. Regardez tous les produits à valeur ajoutée. Regardez le taux de chômage en Asie. Regardez le taux de chômage au Japon. Regardez notre taux de chômage!

Le ministre des Finances n'a même pas vu que, dans son budget, il prévoit un taux de chômage de 11,7 % en 1998. Une société qui se dit une société porteuse d'avenir, alors qu'on a un taux de chômage aussi important que ça! Après Softimage, Hymac, vendue à une compagnie suédoise; quand on passe sur l'autoroute, vous le voyez, l'entreprise qui est là, Laflamme, vendue à une entreprise américaine, notre entreprise de portes et fenêtres; BleuMont, en Estrie, vendue à des Américains. Je vais arrêter, M. le Président, parce qu'on va me faire dire qu'on n'a pas le contrôle, que c'est le privé qui vend. Bien oui! Mais quand, nous, comme gouvernement, on n'est même pas capable de leur démontrer hors de tout doute que nous sommes capables de contrôler notre avenir, on a raison de se poser de sérieuses questions.

Alors, M. le Président, c'est ça, pour moi, le Québec: c'est des Québécois et des Québécoises qui croient en leur avenir, qui ont répondu de façon positive au rêve de Jean Lesage: «Maîtres chez nous». C'était même dans le budget du ministre des Finances. Mais, au-delà du discours, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, parce qu'il n'a peut-être pas pu développer encore – comme il l'a dit, ça ne se fait pas, entre parenthèses, M. le Président, «overnight», une stratégie industrielle – a laissé partir des entreprises qui sont des fleurons du Québec.

Alors, ce que je souhaite profondément, c'est que le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, avec nos partenaires privilégiés, s'il ne peut pas corriger les erreurs du passé, s'assure que, à l'avenir, on ne commette pas les mêmes erreurs. On dit toujours, M. le Président, qu'on peut permettre à une personne de commettre une erreur, mais jamais deux fois la même erreur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Toujours sur la même motion, je vais céder la parole au ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.


M. Daniel Paillé

M. Paillé: Merci, M. le Président. C'est... je suis un peu surpris, en fait, de la... Ça avait bien commencé, le discours de mon bon ami, le député d'Outremont, quand il a parlé de ses rêves. Je me suis dis: Ça y est, il va traverser la Chambre, il va s'en venir dans notre grappe politique, il va le faire. J'étais certain de ça.

Une voix: ...

M. Paillé: M. le Président, on a laissé parler le député d'Outremont librement, poliment; j'espère qu'on me le permettra, de ce côté-ci de la Chambre. Et je fais appel à mon bon ami, le député d'Outremont, pour calmer ses troupes et leur donner un peu de décorum, puisque le président de l'Assemblée avait souligné hier, et avec raison, la qualité de nos débats. Et j'espère que ça va continuer comme ça encore plusieurs années, moi, ici, et lui, de l'autre côté.

M. le Président, les accusations fusent pas mal: manque de vision, manque de confiance, manque de crédibilité, mais on verra où sont les fondements de ces accusations-là. C'est vrai qu'on hérite parfois d'un passé lourd en impacts et en conséquences sur le développement économique. Je l'ai vu dans les crédits budgétaires, où, à un moment donné, je me suis dit: Coudon, est-ce qu'on est ici pour décider quelque chose ou simplement payer les factures du prédécesseur? Donc, il y a des choses, comme ça, qui évoluent dans le temps.

On s'est déjà rencontré; lui, à la SDI... D'ailleurs, j'ai été surpris, tantôt, quand il a dit: Je n'étais pas au gouvernement, j'étais à la SDI. Pourtant, quand il était au gouvernement, il s'occupait pas mal de la SDI, par rapport à l'article 7. Donc, quand il était au gouvernement, il considérait que, la SDI, c'était le gouvernement. Mais, aujourd'hui, il nous dit – et on verra tantôt pourquoi, puisque l'histoire ne peut pas se tromper – pourquoi est-ce qu'il dit aujourd'hui que, quand il était à la SDI, il n'était pas au gouvernement?

(16 h 50)

Notre action n'est pas seulement des paroles; nous, on passe à un certain nombre d'actes. Le député d'Outremont était reconnu pour dire le «do it»; c'était lui qui disait ça. On a eu un excellent discours, mais on va voir comment il a appliqué son discours. Ce que l'on refuse, de ce côté-ci de la Chambre, c'est de l'improvisation, l'improvisation qui caractérisait bon nombre de fois les actions du gouvernement du Parti libéral, que la population du Québec a eu la chance et le bonheur de remplacer le 12 septembre dernier.

Plutôt que de tataouiner, plutôt que d'attendre, plutôt que d'hésiter, plutôt que de faire comme lorsque l'ancien ministre, le député d'Outremont, a mis cinq mois pour la mise en vigueur de Reprise PME, en 1992, nous, en cinq mois, par le programme Démarrage d'entreprises, on en est rendu à près de 5 000 entreprises, 27 000 emplois potentiels, 460 000 000 $ d'investissements au Québec. Ça, c'est ce que j'ai appelé la confiance dans la compétence des Québécoises et des Québécois.

On a eu, en termes de stratégie de développement économique, hier... Je suis très heureux, d'ailleurs, que le député d'Outremont nous ait convoqués aujourd'hui pour sa motion, puisque ça va bien, ça suit la stratégie de développement économique du gouvernement, après le discours du budget. On a un certain nombre de gestes qui ont été faits. J'ai annoncé, avant de parler du budget, que la SDI, dont on parlait, dont le député d'Outremont a été le président-directeur général, membre, en fait, responsable au gouvernement libéral... Et je suis certain que le leader de l'opposition, quand il était ministre – il fut ministre, lui, pendant toute la durée de la deuxième vague libérale des temps modernes, de 1985 à 1994 – lui considérait probablement que la SDI, ça faisait partie du gouvernement.

Donc, la SDI a un nouveau président-directeur général, et nous allons très bientôt indiquer que la SDI aura un certain nombre de programmes, pour favoriser quoi? Les investissements dans le démarrage et l'expansion, l'augmentation et le soutien dans les activités de recherche et développement et, finalement, les activités d'exportation.

On connaît le bilan de la Société de développement industriel, on ne s'y allongera pas plus à fond. J'ai demandé à la firme de comptables Raymond, Chabot, Martin, Paré de me préparer une évaluation au marché de tous les placements de la Société de développement industriel, et on m'indique que son rapport final me sera déposé bientôt. Ça, c'est ce que l'on poursuit dans la SDI depuis décembre 1994.

Le député d'Outremont a parlé de ses grappes. Bien sûr qu'on parle de ses grappes, il est associé aux grappes, il en fait même les manchettes des journaux. Je ne suis pas passé à côté de cet article, «Le raisin tombe de sa grappe», de Michel David, la semaine dernière, dans Le Soleil , samedi, le 6 mai. J'y reviendrai, puisque M. David commente avec excellence le débat que l'on a eu la semaine dernière. J'y reviendrai.

Puis là on parle de tables de concertation. Bien sûr, ce que j'ai demandé aux tables de concertation – j'en parle, puisque le député nous indique dans sa motion que l'on manque de vision, de ce côté-ci – ce que j'ai demandé aux tables de concertation, qu'il me fait plaisir de présider, c'est de cibler davantage leur action, d'arriver à des résultats, de favoriser les PME qui sont des sous-traitants et d'aller en région, au Québec, puisque nous avons des produits d'importance, des produits de qualité.

J'ai demandé des résultats et j'ai demandé d'être rapidement «exécutif» pour mettre en place des plans d'affaires. Les tables de concertation, donc, continuent. Ça vient évidemment des grappes, c'est venu des sommets économiques que le gouvernement du Parti québécois, dans les années quatre-vingt, a mis en place.

On a vu hier, M. le Président, dans le budget, qu'il y avait un certain nombre de choses pour la recherche et le développement. Je déposerai très bientôt une vision nouvelle de la politique scientifique et technologique du Québec pour faire en sorte que la recherche-développement soit maximisée, que l'on puisse faire en sorte... Et le député l'a souligné, nous avons un avantage là-dessus, au Québec, et nous allons l'appuyer de la bonne façon.

Le ministre des Finances, hier, a parlé de la rationalisation de nos programmes d'aide d'entreprises. Le premier ministre m'avait confié ce mandat-là à l'ouverture de notre première session, en novembre, pour regarder dans ce fouillis des programmes, particulièrement à la PME, que nous a laissé le gouvernement du Parti libéral, dont faisait partie, dans les cinq dernières années, le député d'Outremont. J'ai répertorié, avec l'excellence des fonctionnaires du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, 125 mesures d'aide financière à l'entreprise; 125, où on gérait, en 1994-1995, la dernière année, à peu près 1 000 000 000 $ de toutes sortes. Donc, on utilisait 125 programmes – des programmes, des volets, des mesures, toutes sortes de véhicules – pour véhiculer, vers les PME, 1 000 000 000 $; 10 ministères, six organismes impliqués dans la gestion de ces mesures. C'est beaucoup trop. C'est ce genre de vision que l'ancien ministre avait, d'essayer de passer par 10 ministères, six organismes, 125 mesures pour transiter 1 000 000 000 $. Il y a moyen de faire beaucoup mieux.

M. le Président, on a parlé du Fonds de l'autoroute de l'information. Ma collègue, ici, à gauche, connaît bien le secteur puisqu'on l'a partagé pendant un certain temps. Et on a dit quoi? On a dit: En janvier, nous allons agir, nous allons utiliser les 50 000 000 $ annoncés par le précédent gouvernement et nous allons faire des placements importants, nous allons aider ceux qui veulent aller sur l'autoroute de l'information.

Mais quand le député d'Outremont disait: Il faut que le gouvernement montre l'exemple, il faut empêcher les sociétés québécoises de passer à l'étranger, et, quand on n'a pas le contrôle, il faut au moins faire l'exemple. On n'était même pas sur l'autoroute de l'information, là-dessus. Comment voulait-il... Beaux discours mais petits gestes. Il nous fait des grands discours comme quoi il faut montrer l'exemple, puis on n'était même pas sur l'autoroute de l'information. Donc, le gouvernement y est. L'ancien ministre sait très bien la qualité des informations que nous avons au ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, que nous avons au ministère du Tourisme, que nous avons un peu partout dans ce gouvernement. Maintenant, c'est accessible aux Québécoises et aux Québécois, mais partout dans le monde, aux gens qui sont sur l'autoroute de l'information. Bien sûr, il y en a qui disent: Ah! c'est facile, se brancher sur l'autoroute de l'information. C'est sûr. Plusieurs Québécoises, plusieurs Québécois sont branchés sur l'autoroute de l'information. Mais d'avoir une plate-forme, sur l'autoroute de l'information, pour que des gens aient accès à nous, ça, c'était une autre paire de manches. M. le Président, avec le Fonds de l'autoroute de l'information, de 50 000 000 $, on a déjà annoncé sept projets, qui atteignent 14 000 000 $, et d'autres projets vont être annoncés d'ici peu.

(17 heures)

M. le Président, dans le budget Campeau, le budget du gouvernement du Québec 1995-1996, il y a plusieurs mesures qui ont été annoncées, bien sûr, par le ministre des Finances, mais où certains disaient: Ça va vers l'entreprise, ça va vers la PME. Il y a des gestes de faits. M. le Président, on a annoncé que nous aurons trois mesures afin d'accroître les étapes pour la démarche d'un transfert technologique pour les PME. On a un programme de développement de technologies, on a un Fonds de priorités gouvernementales en science et technologie, et j'ai même vu, hier, le député d'Outremont, se croyant déjà de ce côté-ci de la Chambre, applaudir, applaudir. Il était le seul de son côté. Après, il a arrêté. Il a arrêté d'applaudir après, parce que je suppose qu'un petit papier qui est venu de son leader – il me fait signe que oui, effectivement – pour dire: Regarde, là, wo! N'oublie pas, tu es dans l'opposition. Tu n'as pas le droit d'être content. Il a applaudi au centre d'appel 1-800. Pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas fait quand vous étiez de ce côté-ci?

Le député d'Outremont, peut-être, n'était pas écouté. C'est vrai, il n'était pas écouté. Son gouvernement n'était pas solidaire de lui. Nous, ça a l'air, compte tenu des mesures que le gouvernement et le budget Campeau ont annoncées hier, ça a l'air que ce gouvernement-là, le ministre, le député de Crémazie, il a l'air d'être solidaire de son collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

Dans le capital de risque, qu'est-ce qu'on a fait? Un fonds CSN. La FTQ, 96 000 000 $ dans 16 régions. Innovatech, on en a parlé ce matin. On l'a adopté ce matin. La simplification, 1 400 000 $ de formulaires de moins pour l'entreprise. C'est haut, comme disait le ministre des Finances, comme deux fois la Place Ville-Marie, que le député d'Outremont voit très bien de son comté. L'harmonisation dont je parlais tantôt, le fait que certaines entreprises pourront faire une seule remise par année plutôt que de les emmerder une fois par mois comme le faisait le gouvernement précédent.

M. le Président, au niveau de la fiscalité, j'ai vu le député se retenir, hier, pour ne pas applaudir à la vision que l'on avait en termes de fiscalité. On a parlé du 1-800. On a parlé légèrement des microbrasseries. Ça se développe, les microbrasseries. On l'a vu tout de suite. On permet à ces entrepreneurs-là d'être concurrents, compétitifs, M. le Président. En science et technologie, je l'ai mentionné tantôt. Et, en plus, les entrepreneurs, les «PMEistes», les grands entrepreneurs dont le député d'Outremont parlait, sont fiers de l'équilibre des finances publiques que le député de Crémazie, ministre des Finances et du Revenu, a annoncé hier, au niveau de la stabilisation des dépenses, du contrôle du déficit.

M. le Président, tantôt, le député d'Outremont se demandait: Est-ce qu'il y a une politique industrielle? Depuis six mois, sept mois maintenant, j'indique partout au Québec que, ce qu'il faut développer au Québec, c'est les jeunes, le démarrage d'entreprises, les régions, dans un ensemble de PME. J'essaie de focaliser ça le plus possible, de faire en sorte que ce soit ça, comme il disait – je l'entends, des fois, et ça me rappelle, au moment où il siégeait au conseil de la Caisse de dépôt, alors que j'y étais – la priorité des priorités. Bon. J'essaie de focaliser là-dessus tout en n'oubliant pas les autres formes d'entreprises et les autres entrepreneurs au Québec.

M. le Président, sur la question du contrôle des entreprises par les entrepreneurs du Québec. Bien sûr, le député d'Outremont nous avait avertis, lors de l'étude des crédits budgétaires, qu'il voulait que l'on traite des choses sérieuses. Il ne voulait pas rentrer dans les détails. Il m'a dit: Arrêtez de me fournir une tonne de papier. Je veux qu'on discute d'une manière philosophique, quasiment, précise de la politique industrielle, de ce que fait le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

Aujourd'hui, je m'attendais à ce que, devant une motion comme ça, l'on puisse parler de ce genre de politique industrielle, essayer de voir de quelle façon on pourrait, ensemble... Et, comme je l'ai dit, ce serait plus facile s'il était de ce côté-ci, avec nous. On pourrait, ensemble, développer l'industrie, le commerce, la science et la technologie.

Mais, rapidement, et comme il l'a fait aux crédits, d'ailleurs, on est rentré dans les détails. Pour quelqu'un qui ne voulait pas s'en aller dans les détails, le raisin tomba de sa grappe, comme le dit le journaliste Michel David, du Soleil , puis on est rentré dans les détails. Alors, rentrons dans les détails.

M. le Président, le député a dit: Loin de moi l'idée de faire peur au monde! Mais j'ai l'impression qu'il tombe sans s'en rendre compte, peut-être – je l'espère – dans ce jeu d'essayer de faire peur au monde puis de dire: Ah! les étrangers, les étrangers! Là-dessus, on n'a pas de leçons à recevoir du Parti libéral à cet égard. Peut-être que ce parti, dirigé par le député d'Outremont, aurait été autre, mais ce n'est pas le cas.

On a parlé des sociétés qui passent sous d'autres contrôles. J'ai ici la liste informatique, un extrait des sociétés qui, pendant un certain temps, au moment où le député d'Outremont était ministre de l'Industrie et du Commerce, sont passées sous contrôle étranger. On ne va pas se questionner à savoir: Qu'a-t-il fait dans tel cas? A-t-il pris le téléphone de sa main gauche ou de sa main droite pour appeler son bon ami Untel, pour appeler un autre?

Il l'a dit très bien, que, dans le cas de Canstar, société que je connais bien puisqu'elle est bien établie dans le comté de Prévost, il y a eu une prise de contrôle. Bien oui, il y a eu une prise de contrôle. Cette société, à la bourse de Toronto, a vécu une OPA, une offre publique d'achat par une compagnie américaine, et les actionnaires ont décidé de vendre. Ça, c'est un principe fondamental dans la vie au Québec comme partout ailleurs: quand les actionnaires décident de vendre majoritairement, ils décident de vendre.

Dans le cas de l'OPA de Canstar, je suis sûr que cette OPA a été réussie, parce que plus de 90 % des actionnaires ont décidé de vendre. Il y a même une loi qui indique que, lorsque plus de 90 % des actionnaires décident de vendre, les autres doivent vendre. Et, ça, ça fait partie du jeu des affaires au Québec, au Canada et aux États-Unis. Plus d'une centaine d'entreprises québécoises, pendant le régime libéral, où l'ancien ministre était ministre, sont passées aux mains d'investisseurs étrangers. Plus d'une centaine. On se souvient du Groupe Commerce. Je suis sûr que le député d'Outremont le regrette avec ses larmes presque de crocodile, en disant: C'est incroyable! C'est épouvantable!

Le Groupe Commerce, ça s'est fait sous quel gouvernement? Consolidated-Bathurst, j'étais à la Caisse; j'étais à la Caisse. J'ai vu le député sursauter sur son siège. Mais ça s'est fait quand? Où était le député d'Outremont à ce moment-là? Où était-il? Encore au téléphone, peut-être.

L'État du Québec, le gouvernement ne peut pas se suppléer à tous les décideurs québécois – ça, c'est une des règles importantes – ni se suppléer aux règles du marché. Il faut être fiers de savoir et de voir qu'on est assez innovateurs pour faire des produits de classe mondiale, des produits vendus et achetés de par le monde. Si on peut en garder la propriété par un certain nombre de gestes, tant mieux! C'est ce que j'essaie de faire à chaque jour. Mais il y a des réalités ou des décisions qui sont prises qui sont, comme on dit, hors de notre contrôle.

(17 h 10)

Il a parlé de BioChem. BioChem, même si le député disait: Ah! je n'étais pas au gouvernement, BioChem a fait l'objet, à cause de notre débat de la semaine dernière, de plusieurs articles. Il y a un excellent article, et j'invite le député, sans doute qu'il l'a lu... Dans Le Devoir de la semaine dernière, on y précisait – Le Devoir des 6 et 7 mai 1995 – qu'un contrat a été signé avec Glaxo Canada il y a cinq ans. Où était le député d'Outremont? Qui était au gouvernement à cette époque-là? C'est le Parti libéral, M. le Président. On vient, cinq ans après, mettre à exécution une décision qui a eu lieu. Qui a pris le téléphone, à ce moment-là, pour appeler Glaxo, pour appeler Bellini, pour appeler BioChem? Qui était au téléphone, M. le Président? Semble-t-il qu'il n'y avait personne au téléphone, puisque ça se fait aujourd'hui, d'une décision d'il y a cinq ans.

M. Francesco Bellini, cité par Gérard Bérubé, dit: Le contrat a été signé il y a cinq ans, et les principales données de cette entente ont été rendues publiques à ce moment-là. Pourquoi revient-on là-dessus aujourd'hui? Mais, à ce moment-là, où était le député d'Outremont, M. le Président? Il était peut-être en transit entre la SDI et son siège de ministre. Il a pris la peine d'appuyer, d'entrer dans ce parti qui aurait fait ça, et il en est resté membre pendant cinq ans. Membre du gouvernement pendant cinq ans.

M. le Président, je continue. M. Bellini dit: Avant de nous entendre avec Glaxo, on a fait le tour du Canada, du Québec, à la recherche de partenaires. Personne n'a voulu prendre le risque, n'a voulu nous financer au départ. M. le Président, M. Bellini l'a même indiqué à Radio-Canada le 3 mai, à 12 h 26, à Michel Lacombe. Il m'a cité à Radio-Canada le samedi. Je cite Bellini, le 3 mai. M. Bellini dit, et c'est le verbatim: Ça fait maintenant cinq ans. C'était un contrat qui avait été fait avec Glaxo, et ce n'était pas fait avec d'autres sociétés pharmaceutiques. Et, dans ce temps-là, il n'y avait personne qui voulait mettre une cent dans le développement de ce produit-là. Il n'y avait pas le gouvernement du Québec. Francesco Bellini, le 3 mai, M. le Président, rappelle quoi? Des agissements non faits par un gouvernement du Parti libéral. Ou bien le député d'Outremont y était membre, ou bien il y adhérait. L'un ou l'autre.

M. le Président, on a parlé de BioChem Pharma. M. le député d'Outremont a indiqué qu'il y avait 300 emplois. Je ne vais pas contester ces 300 emplois, puisque je ne suis pas administrateur de BioChem, mais il y a une chose qui me trouble, M. le Président. M. Gérard Bérubé, le journaliste du Devoir , cite Francesco Bellini, et dit: M. Tremblay a ramené sur le tapis le fait que 3TC soit fabriqué en Angleterre, dans une usine qui embauchera 300 employés. Je ne sais pas où il prend le chiffre de 300 emplois. Francesco Bellini. Si ce n'est pas faire peur au monde que de semer des bobards pareils, M. le Président, je me demande ce que c'est.

Dans l'article «Le raisin tombe de sa grappe», M. David dit: «...M. Paillé a raison – il parle du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, manifestement – on ne parle pas ici d'une perte de 300 emplois. Et si Glaxo n'avait pas investi des centaines de millions en recherche, il n'y aurait jamais eu de médicament à fabriquer, que ce soit en Angleterre ou ailleurs, ni de redevances pour le Québec. D'ailleurs, quand la Caisse de dépôt a vendu des actions au profit de Glaxo – j'y reviendrai tantôt – c'est le Parti libéral qui formait le gouvernement, un gouvernement dont faisait partie Gérald Tremblay – sans doute voulait-il parler du député d'Outremont; on sait qu'il existe plusieurs Gérald Tremblay; mais il devait sans doute parler du député d'Outremont – Pourquoi ne pas être intervenu?» demande Michel David. Pourquoi? Il y a cinq ans. Pourquoi? C'est une question qu'on peut se poser.

M. le Président, Bio-Méga. On va parler de Bio- Méga. Mais, qui a vendu? Ça faisait partie de la politique du Parti libéral, du gouvernement du Parti libéral. Quand le député dit: Je ne peux accepter ça. Il a dit ça. On pourra voir dans le verbatim de cette Assemblée, il l'a accepté il y a cinq ans. Où est-ce qu'il était? demande Michel David. Où est-ce qu'il était? question que je me demande.

Il a parlé ensuite de Volvo. Volvo, le député en a longuement parlé, puis il m'a demandé: Pourquoi il n'a pas pris le téléphone pour parler à Laurent Beaudoin? Le député d'Outremont sait très bien que, dans le cas de Prévost, Prévost Car, et non le merveilleux comté de Prévost – ne pas confondre – on ne contrôlait pas l'entreprise. 37,5 %, c'est beaucoup, mais il reste que le député d'Outremont est très conscient du mandat de la Société de développement industriel. D'ailleurs, j'ai demandé aux autorités de la Société de développement industriel: Est-ce que votre ministre était au courant de la procédure? Réponse: Oui, il était au courant. Bon. Donc, il était au courant du cheminement de ce dossier-là, cheminement qui a fait en sorte que la Société de développement industriel ait voulu rouler ses actifs, ait mis en vente son placement.

Et là les dirigeants de l'entreprise, dirigeants de la société et propriétaires de leurs actions, autant M. André Normand que ses coactionnaires américains, se sont dit: Nous aussi, on va – passez-moi l'expression – embarquer dans l'autobus, puis on va voir si on peut vendre. Ils ont mandaté une firme pour vendre cette société et ils ont reçu des processus de désinvestissement. Une fois de temps en temps, le conseil d'administration était au courant. Il y avait un administrateur suggéré par la SDI qui était là-dessus. Il était au courant. Et ces gens-là, les actionnaires de la société, ont eux-mêmes choisi avec qui ils voulaient faire affaire. Ils ont mis un certain nombre d'exigences pour dire: Nous, on veut que l'entreprise puisse continuer. On veut continuer à diriger cette entreprise-là. Ça faisait partie des exigences des actionnaires vendeurs. Et ils ont, comme c'est leur droit, identifié des acheteurs stratégiques. Ensuite, ils ont identifié des acheteurs qui pouvaient être complémentaires et des acheteurs au niveau financier.

C'est leur décision, d'avoir identifié des acheteurs stratégiques. Ça n'appartient pas au ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie de court-circuiter ou d'aller même à l'encontre de la volonté des actionnaires privés puis d'aller offrir le bloc de 100 % des actions de Prévost Car à quelqu'un d'autre. Ça, c'est un respect important qu'il faut avoir, et nous l'avons, de ce côté-ci de la Chambre. Et je suis certain que le député d'Outremont, compte tenu de son historique, compte tenu de son expérience... Tantôt, il nous a parlé qu'il avait été formé à Harvard. Chanceux! Moi, je suis allé à l'UQ, je suis allé aux HEC. Lui, il est allé à Harvard. Parfait! Excellent! Là-dessus, il y a une chose: que l'on ait été formé à Montréal, à l'Université du Québec ou à Harvard, on sait que l'on doit respecter le libre choix des actionnaires de vendre à qui ils veulent.

(17 h 20)

Ces gens-là ont décidé d'accepter l'entente de confidentialité de Volvo et d'avoir une entente de principe avec Volvo. Le gouvernement a son mot à dire, effectivement, dans l'entente Canada-Québec. Le député d'Outremont, qui a une bonne mémoire ou de bons dossiers, se rappelle très bien Nova Bus. Volvo-Prévost, ou Prévost inc., Prévost Car, dans Bellechasse, profite de ce qu'on appelle l'entente Canada-Québec. On a des dispositions que l'on va exercer à titre de gouvernement pour faire en sorte que, sur les 5 000 000 $ qui sont engagés ou qui sont prévus, dont un certain montant est déjà versé, que l'on puisse exercer nos droits pour faire en sorte que Volvo ne puisse pas, du jour au lendemain, faire fermer l'entreprise. Vous savez, à ce prix-là – et, ça, je sais que le député d'Outremont a déjà joué dans ce film-là, lui aussi – quand une compagnie paie 140 000 000 $ dans un marché qui lui est totalement nouveau, pour ce qui est de Volvo, pour ce qui est des autocars, ce n'est sûrement pas pour le fermer. Est-ce que le député d'Outremont aurait préféré que Volvo débarque au Québec, ou en Ontario, ou ailleurs, et se mette à concurrencer Prévost Car pour le fermer? Il y a des choix stratégiques, dans la vie, qu'on doit prendre.

M. le Président, quand Volvo vient ici, ça permet aussi à Téléglobe d'aller ailleurs, ça permet aussi à Vidéotron d'aller ailleurs, ça permet à Cascades d'aller ailleurs – il a longuement cité Bombardier – ça permet à Bombardier d'aller ailleurs, de faire en Angleterre, en France, partout dans le monde... C'est ça, l'ouverture sur le monde.

Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce aurait préféré que la québécitude des actions de Prévost Car soit privilégiée? C'est évident, M. le Président. C'est sûr que l'on aurait souhaité que le contrôle d'une entreprise comme ça puisse être à tout jamais québécois. Mais est-ce qu'on va fermer nos frontières pour protéger nos ceintures fléchées? Je ne pense pas. M. le Président, on joue le jeu ou on ne le joue pas.

Des sociétés comme Prévost Car passent à Volvo. Et l'intention de Volvo, c'est de ne pas seulement faire 500 autobus comme il se fait présentement annuellement à Sainte-Claire de Dorchester, avec les moyens des actionnaires actuels, c'est d'arriver à 1 000 autobus d'ici peu de temps. Donc, augmenter l'emploi.

Alors, moi, je salue, oui, je salue. Je dis: Que Volvo vienne s'associer à Prévost Car pour mettre le pied, ou mettre la roue en Amérique et se développer à partir du Québec, eh bien, je ne peux que saluer ça! Quand j'ai dit que, Volvo, ce n'était pas n'importe qui, j'espère que le député d'Outremont fera un message personnel à son épouse pour lui dire que ça n'avait rien de péjoratif avec les sociétés québécoises, pour lesquelles j'ai une très grande admiration.

M. le Président, le député d'Outremont a aussi parlé de Sidbec. J'ai parlé de Sidbec; ça a été vendu à des étrangers. Il a parlé de Kemtec, qui a été vendue à des étrangers par Coastal. Mais, à ce moment-là, Sidbec, c'est lui qui contrôlait, c'est lui qui a donc choisi, puisqu'il était l'actionnaire majoritaire, de vendre à qui il voulait.

Kemtec – il a parlé de SNC-Lavalin – Kemtec-Lavalin devait vendre; on en convient. Est-ce qu'il avait vraiment le choix à qui il devait vendre? Sans doute, puisqu'il est l'actionnaire majoritaire, mais, quand même, il devait vendre. Dans le cas de Prévost Car, M. le Président, la SDI avait un bloc minoritaire, devait choisir de bouder ou de dire: Non, moi, je vends mon bloc minoritaire avec l'escompte du minoritaire, ou de faire partie de tous les actionnaires et de vendre avec la prime de contrôle, comme il se doit.

M. le Président, des droits de premier refus, l'ancien ministre a parlé: Ça serait donc utile d'avoir des droits de premier refus. Un droit de premier refus, M. le Président, ça ne se négocie pas au moment de la vente, ça se négocie au départ, au moment de l'achat. M. le Président, j'en ai signé, des droits de premier refus au nom de la Caisse ou au nom de l'entreprise privée; ça se fait toujours au départ. Et, donc, je reviens à l'idée du début: Dans le cas de BioChem, où était le député d'Outremont?

M. le Président, je terminerai en disant que la vision, de ce côté-ci, on l'a eue par le budget; la vision, de ce côté-ci, on l'a par la réorientation des crédits budgétaires du ministère de l'Industrie et du Commerce; la vision, de ce côté-ci, M. le Président, c'est de réaliser nos engagements. Moi, j'ai un certain nombre d'engagements à réaliser comme ministre du gouvernement issu du Parti québécois. On a pris des engagements, j'y ai fait écho ce matin, ça me fait plaisir de le refaire cet après-midi. On avait un programme de démarrage à faire; il marche. On avait une Innovatech sud à faire, et à faire en sorte aussi que toutes les régions du Québec, y inclus l'Ungava, puissent faire partie des inno-idées, des techno-idées, de pouvoir avoir accès à du capital de risque, on l'a fait. M. le Président, la MIL Davie, qui faisait aussi partie de nos engagements, on est en train de le faire. Donc, comme politique, comme vision, l'ancien ministre fait des discours, nous, on agit, nous, on fait des réalités.

M. le Président, c'est comme ça, peut-être, en faisant des réalités, que l'on va éviter les milliards de la SDI. On doit y revenir. On doit y revenir, M. le Président, puisque cet héritage-là, bien, il faisait partie du portefeuille qui était sur mon bureau quand je suis arrivé, qui était l'ancien bureau du député d'Outremont. M. le Président, on a éteint les feux, et on jette maintenant les fondations d'une vision du développement économique autour des jeunes, du démarrage d'entreprises, des régions, en privilégiant les PME et en faisant en sorte, M. le Président, qu'on puisse faire affaire au Québec comme partout ailleurs. Nous, on a une vision fondée sur la confiance, la confiance en la compétence des individus, et de faire en sorte que le gouvernement puisse aider les entreprises et les entrepreneurs à avoir confiance en eux.

Le député d'Outremont a commencé par un rêve. Permettez-moi de finir par un rêve. Nous, on a le rêve de bâtir un pays, M. le Président, on a une vision à long terme. Je l'ai amené à rêver, d'ailleurs, le député d'Outremont, au moment des crédits budgétaires. On a rêvé ensemble pendant un bout de temps, ensuite ses collègues l'ont ramené à l'ordre. Ils ont dit: Oups! J'ai demandé de rêver: 1 000 000 000 $ pour les crédits budgétaires du ministère de l'Industrie, du Commerce, est-ce qu'il aimerait ça? Il m'a dit oui tout de suite. On a vu, là, ce qu'on dit, ce que M. David dit: Enfin, on a presque retrouvé le Gérald Tremblay des temps anciens, tout exubérant. Tout de suite, il m'a dit oui, mais il a dit: On n'a pas les moyens. Mais, voyons donc, on les paye déjà, les 1 000 000 000 $ des crédits budgétaires en matière d'industries: 517 000 000 $ que ma collègue, la députée de Taillon et présidente du Conseil du trésor, a consenti à nous donner, parce qu'elle sait ce que c'est, elle, l'industrie. Donc, on a 517 000 000 $, nos crédits, nos décisions, nos priorités. Puis, pendant ce temps-là, il y en a 450 000 000 $ qui dorment quelque part à Ottawa, nos crédits, notre argent, dirigés par John Manley.

M. le Président, j'espère, en terminant le rêve de la vision à long terme du Québec, que le député d'Outremont va continuer son rêve, va venir avec nous. Je l'invite. Je l'invite. Hier, là, il avait l'air plus content du discours du budget, aussi content que nous. Je l'invite à traverser, à venir réaliser le rêve collectif que nous avons; 1 000 000 000 $ en technologie, en sciences, en commerce, en industrie, ce serait idéal. M. le Président, je l'invite à profiter de la demi-heure qui reste pour réfléchir. Mes collègues vont parler un peu, et vers 17 h 55, 17 h 50, à son moment de réplique, j'espère, M. le Président, qu'à sa réplique il vous demandera l'autorisation de siéger de ce côté-ci, de déménager son bureau et de venir de notre côté, puisque je pense sincèrement et en toute amitié qu'il se sentirait beaucoup plus à l'aise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un intervenant du côté de l'opposition. Il reste une enveloppe de quatre minutes à allouer pour l'opposition, et, comme le député indépendant nous a fait part qu'il ne voulait pas intervenir, à ce moment-là, nous allons répartir l'enveloppe de 10 minutes qui était allouée pour le député indépendant à parts égales. Donc, il reste neuf minutes à l'opposition. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Chomedey. À vous la parole, M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. À ce moment-ci, M. le Président, il serait peut-être opportun de rappeler les termes exacts de la motion que nous sommes en train de débattre. La motion est la suivante: «Que l'Assemblée nationale déplore le manque de vision à long terme du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie du Québec vis-à-vis du développement économique, scientifique et technologique du Québec, ainsi que son manque de confiance et de solidarité à l'endroit des possibilités des entrepreneurs québécois de contrôler leurs entreprises.»

(17 h 30)

M. le Président, le ministre vient de prononcer une des phrases les plus curieuses qu'il m'ait été donné d'entendre dans cette Chambre. Il vient de dire qu'il ne faudrait quand même pas fermer nos frontières pour protéger nos ceintures fléchées. M. le Président, c'est ce genre d'ironie, dans le discours du ministre, qui nous fait vraiment douter de sa capacité, justement, de comprendre le sérieux des enjeux dont nous sommes en train de discuter. Évidemment, M. le Président, dans un monde où les barrières tombent, dans un monde où on ne cherche pas à créer de nouvelles frontières, il est ironique d'entendre cela de la part d'un ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie qui fait partie d'une formation politique, M. le Président, qui, justement, cherche à créer de nouvelles barrières, cherche à ériger de nouvelles frontières, cherche à diviser, alors qu'on fait partie d'une union économique et politique canadienne qui a donné énormément de bienfaits à tous les Québécois. Donc, pour sa phrase mal choisie concernant les ceintures fléchées, nous ne pouvons qu'exprimer du regret, M. le Président, parce que ça démontre à quel point il ne prend pas au sérieux ses fonctions importantes dans cette société.

Lorsque l'on dit qu'il manque une vision à long terme, M. le Président, il est, à notre sens, essentiel de comprendre, par le biais d'exemples, pourquoi, à notre point de vue, la société québécoise profiterait d'une politique industrielle, d'une stratégie scientifique et technologique qui saurait tenir profit, justement, de nos richesses intellectuelles, des capacités de travail de nos scientifiques.

Et je vais, pour illustrer notre propos, vous donner un exemple et vous parler d'une personne. L'exemple, c'est l'institut Armand-Frappier, et, vous l'aurez bien compris, la personne, c'est son fondateur, Armand Frappier. Vous savez, M. le Président, cet institut existe depuis des générations. Il a été fondé bien avant que le ministre ou moi soyons nés. Ça a été établi sur le bord de la rivière des Prairies dans ce qui était à l'époque l'Ile-Jésus et qui est devenu, par la suite, la ville de Laval, et plus particulièrement, et j'en suis extrêmement fier, M. le Président, dans le comté dont je suis le représentant ici, à l'Assemblée nationale, le comté de Chomedey. Au cours des années, M. le Président, l'institut Armand-Frappier a développé une expertise et une compétence de calibre mondial dans le domaine scientifique et technologique et de la recherche, justement, en termes biomédicaux.

Le ministre a expliqué, et mon collègue, le député d'Outremont, a eu l'occasion d'en parler en détail, les événements qui ont donné lieu à la vente de certaines actions de l'institut Armand-Frappier à des intérêts privés. Vente qui, on l'espérait à l'époque, devait donner lieu à une sorte de «revie» de la part de l'institut Armand-Frappier. On parle notamment des actions dans BioChem, dont il a été largement question, mais aussi de celles d'une deuxième entreprise, M. le Président, dont on a beaucoup moins parlé, Biovac, qui travaillait dans le domaine des vaccins. Biovac, M. le Président, est une autre entreprise de pointe, justement, dans le domaine de la haute technologie biomédicale qui a été établie au Québec grâce à nos expertises. Et, parce que le gouvernement a eu une vision à long terme, on a été capables d'aller chercher des sommes assez importantes dans le but de s'assurer que cette masse critique de matière grise qui oeuvre à l'institut Armand-Frappier puisse continuer à générer à long terme des bienfaits pour l'ensemble de la population.

Alors, là, on comprend tout l'intérêt de la motion que nous sommes en train de débattre ici aujourd'hui, car le ministre a fait partie d'une série de décisions qui ont fait en sorte... Il a parlé tantôt de règles du marché, comment il faut laisser libre cours dans notre société à ces règles du marché, de ne pas s'ingérer dans les décisions. Quels sont les faits? Le ministre fait partie d'un gouvernement qui a pris 4 000 000 $ de l'argent des payeurs de taxes, pas pour créer un seul nouveau travail – il n'y a pas un job qui va être généré avec les 4 000 000 $ en question – il prend 4 000 000 $ de l'argent des payeurs de taxes pour déménager Biovac de Chomedey, Laval, à Québec.

Vous savez, M. le Président, pour survivre, l'institut Armand-Frappier donne en location ou a eu à vendre plusieurs terrains, mais c'était à bon escient, parce que, justement, à long terme, on cherchait à créer sur le territoire, sur ces vastes terrains contrôlés par l'institut Armand-Frappier, un parc scientifique et de haute technologie où, avec les ressources universitaires de l'institut, avec les chercheurs qui sont là à long terme, on pouvait créer une synergie avec les entreprises privées et profiter, donc, de l'expertise de nos universitaires et de notre milieu scientifique et en faire profiter, donc, les entreprises. Et, en retour, il y aurait suffisamment de fonds qui seraient générés pour maintenir en vie cette importante institution qu'est l'institut Armand-Frappier.

Au moment où on se parle, on est en train de prendre 4 000 000 $ de l'argent des contribuables pour déménager cet important élément de ce parc qui est Biovac, on va le déménager à Québec.

J'ai eu l'occasion la semaine dernière de visiter l'institut et plus particulièrement une nouvelle installation qui va être ouverte au cours de prochains jours et qui est une des installations de garde des animaux d'expérimentation et de recherche les plus perfectionnées dans le monde. Ça a coûté 15 000 000 $ pour bâtir cet établissement. C'est là justement pour compléter les expériences qui sont nécessaires lorsqu'on crée ou établit des vaccins. Est-ce qu'on va avoir des résultats d'expériences qui peuvent parfois être hautement dangereuses mis dans des camions Purolator pour voyager sur la route 20 entre Québec et Chomedey? Aussi, 800 000 $ de loyer vont être perdus annuellement à l'institut Armand-Frappier par ce déménagement de Biovac à Québec.

Quelle est la stratégie à long terme qui a mené le ministre et son gouvernement à saper les forces vives de l'institut Armand-Frappier et de son environnement, où il s'était créé, justement, cette masse critique de matière grise et de personnes et de scientifiques expérimentés, pour amener ce bout-là à Québec? Évidemment, on peut comprendre que la capitale a besoin aussi de s'enrichir des possibilités industrielles et autres, mais aux dépens d'un des fleurons de notre monde scientifique au Québec qu'est l'institut Armand-Frappier? C'est pour ça que nous disons, de ce côté de la Chambre, que le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, plutôt que de faire de l'esprit, plutôt que de faire de l'ironie à propos de l'industrie québécoise, devrait s'en préoccuper et apprendre et comprendre que ce dont nous avons besoin, ce n'est pas du cynisme d'un ministre, mais bien d'une stratégie pensée d'avance et à long terme.

Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pointe-aux-Trembles, tout en vous rappelant, M. le député, qu'il reste un temps de six minutes alloué à la formation ministérielle. À vous la parole, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

(17 h 40)


M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, dans le fond, il faudrait que nos collègues d'en face se réconcilient dans leurs discours. Moi, ça doit bien faire trois jours que je suis ici, où je n'entends pas parler de la mondialisation de l'économie, mais le fait est que l'économie se mondialise. Et, qu'il s'agisse de Volvo, dans le cas de Prévost Car, ou de Glaxo, dans le cas de BioChem, il y a des entreprises qui ont une taille mondiale qui sont intéressées à investir ici.

Et, à cet égard-là, on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche, dire: Les pays connaissent de moins en moins de frontières, de barrières, et dire en même temps: Bien, là, pas dans tel cas et pas dans tel autre. C'est bien sûr que, le ministre l'a exprimé, il est bien certain qu'on aurait préféré que BioChem Pharma reste entre des mains québécoises. Mais le fait est que le vaccin qui a été, le remède qui a été inventé et qui peut combattre le sida nécessite, pour être diffusé, une entreprise d'une très grande taille, ce qu'est Glaxo. Et, dans le fond, je pense que le député d'Outremont fournissait lui-même l'argument en disant, en parlant de Kemtec, que Coastal, une entreprise américaine, avait la taille, le marché et le réseau de distribution pour s'acquitter de la relance d'une entreprise qui avait fait faillite et qui a déjà appartenu à Lavalin.

Alors, dans le fond, l'intérêt québécois, c'est de voir, entre autres, à ce que BioChem Pharma reçoive des redevances considérables de Glaxo pour utiliser la technologie qui a été mise sur pied. Et, dans le cas de Volvo, par exemple, dans le cas de Prévost Car, le ministre le soulignait, l'intention et l'ambition de l'entreprise suédoise, c'est d'augmenter considérablement la production dans Bellechasse. Alors, à cet égard-là, le ministre avait raison de souligner aussi que l'indignation de l'opposition est un peu tardive. Connaught, ça ne faisait pas de problème pour le Parti libéral du Québec. Et la convention entre actionnaires, qui est intervenue il y a cinq ans, est intervenue sous un gouvernement libéral. Et, maintenant, on nous dit: Ah non, par exemple, il ne faut pas!

Je pense, moi, que c'est des bonnes décisions qui ont été prises et qu'il n'est pas très sérieux de parler d'une absence de vision du ministre qui est impliqué dans l'autoroute de l'information, qui est impliqué dans la simplification des 125 programmes qui s'adressent aux entreprises et qui veille au grain, avec la moitié d'État qu'on a. Il est bien sûr qu'on préférerait tous, de ce côté-ci de la Chambre en tout cas, un ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie qui aurait la taille que nos impôts justifieraient qu'il ait. Alors, à cet égard-là, on ne peut que souhaiter que, puisqu'on veut parler un peu achat chez nous, on commence par dépenser au Québec, par des décisions de notre Assemblée nationale et de notre gouvernement, tous les impôts perçus au Québec. À cet égard-là, il y aurait peut-être une réflexion à faire du côté de l'opposition officielle.

Le député d'Outremont citait le «Maîtres chez nous» de Jean Lesage. Et, moi, même si j'étais assez jeune à l'époque, je m'en rappelle. C'était même un slogan plus composite, plus long que ça: «Maintenant ou jamais, maîtres chez nous». Parfois, quand on entend son chef, on se demande si le maître, chez nous, le maître ne viendrait pas d'Ottawa et ne s'appellerait pas Jean Chrétien, auquel cas il y a comme quelque chose, vis-à-vis d'un grand premier ministre qui a été Jean Lesage. Entendons-nous bien, le père a écrit: «Égalité ou indépendance» et non pas Iniquité et dépendance. Et, Jean Lesage, son slogan, c'était: «Maintenant ou jamais, soyons maîtres chez nous» et non pas: Laissons les autres être maîtres chez nous. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Outremont pour son droit de réplique, tout en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole maximal de 10 minutes.


M. Gérald Tremblay (réplique)

M. Tremblay: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. J'ai écouté attentivement les propos du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie ainsi que ceux du député de Pointe-aux-Trembles, et la situation, également, les commentaires de mon collègue, le député de Chomedey, M. le Président.

Le ministre, à titre d'exemple, se sert du budget pour dire qu'il a de la vision et qu'il agit. Il nous dit, avec raison, M. le Président, qu'une priorité doit être donnée aux jeunes et qu'une priorité doit être donnée au démarrage d'entreprises. Nous en convenons tous.

Cette vision, par contre, est reflétée à l'Annexe D, page 15. Et, si vous aviez vu, M. le Président, le premier ministre, le ministre des Finances et d'autres ministres s'arracher le budget pour voir ce que contenait cette Annexe, j'ai eu l'impression que personne ne l'avait vue. Mais, ce que cette Annexe dit, c'est qu'avec la vision du gouvernement il y a une diminution de l'emploi au cours des cinq prochaines années, il va y avoir uniquement la création de 40 000 emplois par année, de 1996 à 1998, et que le taux de chômage, dont tous conviennent à l'unanimité qu'il est totalement inacceptable, demeure à 11,7 %.

Alors, ne vous demandez pas, M. le Président, pourquoi les partenaires traditionnels du gouvernement, notamment les centrales syndicales, qui ont vu cette Annexe et la détérioration importante de l'emploi dans la fonction publique et dans le privé, disent, de façon très claire, non à cette vision du gouvernement. Et, en ce qui concerne le secteur privé, le secteur privé dit: Non à cette vision du gouvernement, M. le Président.

Alors, la vision, la vision projetée du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, qu'il la regarde bien ce soir. Et, si c'est ça, les efforts du gouvernement pour créer des emplois au Québec, je lui souhaite bonne chance. Je lui souhaite bonne chance, parce qu'il y a des Québécois qui vont se poser, comme ils se posent présentement, de sérieuses questions.

Deuxièmement, je n'ai jamais vu autant de démagogie de la part d'un ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Prendre des textes, une centaine d'entreprises dont j'ai dû accepter la vente à des intérêts étrangers. Je le reconnais, c'est vrai, essentiellement parce que c'est des entreprises où nous n'avions aucun contrôle. Aucune société d'État n'était impliquée.

Par contre, M. le Président, je vais vous dire ce que j'ai fait dans beaucoup de cas. Dans beaucoup de cas, j'ai pris le téléphone et j'ai parlé aux dirigeants d'entreprises. Garant, 1895, des entrepreneurs québécois à Montmagny, les pelles d'hiver dont vous vous servez. J'ai tout fait pour conserver cette entreprise au Québec. Il y a même des médias et des journaux qui ont fait de la publicité pour que ça reste au Québec. C'est une entreprise britannique qui l'a achetée. Je l'ai signé.

Yogourt Delisle, fabriqué au Québec. Lorsque Danone s'est présenté pour acheter cette entreprise, avant qu'elle soit vendue, j'ai fait des démarches, M. le Président. Je me suis assuré que des Québécois et des Québécoises aient la chance. Et je pourrais prendre la liste des 100 entreprises et justifier la vente de toutes ces entreprises, d'autant plus que les ministères à vocation économique concernés ont tous donné des avis favorables.

Je reviens à BioChem. Il a raison, Francesco Bellini. Quels entrepreneurs extraordinaires qu'on a au Québec! Et, Francesco Bellini, lorsqu'il nous dit: BioChem Pharma justifie son entente avec Glaxo, je vais vous le dire, moi, ce qu'il a été obligé de faire, Francesco Bellini. Ce qu'il a été obligé de faire, c'est parce que la Caisse de dépôt a décidé de ne pas injecter des ressources financières additionnelles dans BioChem Pharma, parce que le Fonds de solidarité a décidé de ne pas mettre des ressources financières additionnelles, il a été obligé d'aller faire un partenariat avec d'autres entreprises.

La question que je posais tout à l'heure: Comment se fait-il que la Caisse de dépôt achète ou investit en Caroline du Nord ou dans des provinces américaines, et on n'est même pas capable de soutenir des entrepreneurs québécois, avec la qualité des entrepreneurs québécois qu'on a, notamment chez BioChem Pharma? C'est ça, la vérité, M. le Président. Parce que nos partenaires économiques n'ont pas accepté de continuer à injecter des ressources financières. Et c'est la raison pour laquelle Glaxo s'est servi; Glaxo a exercé son droit de résiliation, mettant ainsi fin à la convention d'actionnaires qui cimentait le contrôle de l'entreprise avec la Caisse de dépôt et avec le Fonds de solidarité. Prouvez le contraire, M. le ministre! Pas des beaux discours. Prouvez le contraire de ce que je viens d'affirmer! Ça n'a rien contre nos entrepreneurs du Québec. Francesco Bellini s'est ramassé dans une situation où on n'a pas voulu, nous, comme Québécois, avec nos grandes sociétés qui ont des actifs de 45 000 000 000 $, on n'a pas voulu suivre. On a préféré, M. le Président...

Oui, je le sais qu'il reste cinq minutes, et j'ai planifié mon temps, M. le Président. Je vous remercie beaucoup. Vous êtes très sympathique. Ça va me permettre de me calmer.

Une voix: C'est bon, c'est bon, c'est bon!

(17 h 50)

M. Tremblay: C'est ça, la tragédie, c'est qu'on a préféré – la Caisse de dépôt, le Fonds de solidarité – réaliser des profits à court terme, des centaines de millions. On a fait, avec BioChem Pharma, des centaines de millions. Mais ce n'est pas ça, l'objectif nécessaire de nos sociétés d'État! Nos sociétés d'État, c'est d'avoir une vision à long terme du développement économique du Québec, c'est d'investir à moyen et à long terme, c'est de s'assurer que le patrimoine québécois grossisse. Pas que le patrimoine québécois diminue!

La même chose pour Volvo. C'est faux, ce que le ministre dit. C'est la SDI qui voulait vendre. Et, la SDI, la première condition que les consultants ont dit: Si vous voulez maximiser le prix, vous ne devez pas vendre minoritaire, vous devez vendre avec tout le monde, parce que vous allez aller chercher un plus gros prix. Je comprends, moi, que Coopers & Lybrand veut avoir 140 000 000 $ du gouvernement du Québec. Bravo, Coopers & Lybrand! Bravo pour leur commission de vendre l'entreprise! Mais ça «veut-u» dire que c'est bon pour le Québec à court terme, à moyen terme et à long terme? «C'est-u» parce que la SDI a 50 000 000 $ qu'on est plus riche collectivement? Qu'est-ce qu'on va faire avec cet argent-là? On avait un fleuron. J'ai l'impression que, toutes les fois qu'on commence à avoir quelque chose de bon au Québec, quelque chose qui va nous créer des emplois, on le vend. On le vend et, après ça, on dit: On le vend à des étrangers. Pourquoi? Parce qu'on dit: L'ouverture sur le monde. S'il y en a un qui croit à l'ouverture sur le monde, c'est bien le député d'Outremont. Mais, par contre, il ne faut pas être les dindons de la farce, M. le Président. Allez aux États-Unis, «Buy America», pensez-vous que les Américains ne se parlent pas? Pensez-vous que les Japonais ne se parlent pas? Pensez-vous que les Européens ne se parlent pas entre eux? Puis, avant de vendre une compagnie à des étrangers, ne pensez-vous pas qu'ils ne s'offrent pas ça? C'est de la synergie. C'est de ça qu'on manque au Québec.

Nous autres, on semble être obnubilés par des étrangers. Est-ce qu'on veut démontrer qu'il y a des sociétés étrangères qui sont prêtes à investir au Québec ou est-ce qu'on veut protéger le patrimoine québécois? Quand j'entends le ministre dire: On veut fermer nos frontières pour protéger nos ceintures fléchées, c'est du cynisme, M. le Président, c'est le folklore québécois. Il se sert de cet exemple-là pour confirmer ce qu'on ne devrait jamais dire, au Québec. Au Québec, c'est plus que ça. Au Québec, c'est l'avenir d'une collectivité dont on parle, c'est l'avenir d'un peuple. Puis il est capable, le ministre, de nous dire sans rire qu'il a une très grande admiration pour les sociétés québécoises. Peut-être, mais pas assez de respect pour prendre le téléphone puis demander à Bombardier si elle est prête à acheter. Pas assez de respect pour ça.

Alors, M. le Président, je veux vous dire ceci en terminant. C'est vrai que j'ai commencé par un rêve. J'ai dit que l'avenir appartient à celles et ceux qui croient en la beauté de leurs rêves. Le ministre en a un, rêve, lui aussi. On peut être en accord, on peut être en désaccord. Je veux lui dire ceci: Si son gouvernement, et si le ministre continue, avec la même attitude, à vendre, à dilapider notre patrimoine québécois, souveraineté ou pas, M. le Président, la très grande majorité des membres de cette Assemblée risquent fort de déchanter de leur rêve de liberté, parce que le Québec va devenir une grosse filiale des entreprises étrangères, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Alors, je mets donc aux voix... S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, donc, je mets donc aux voix la motion présentée par le député d'Outremont, qui se lit ainsi: «Que l'Assemblée nationale déplore le manque de vision à long terme du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie vis-à-vis du développement économique, scientifique et technologique du Québec, ainsi que son manque de confiance et de solidarité à l'endroit des possibilités des entrepreneurs québécois de contrôler leurs entreprises.»

Est-ce que cette motion est adoptée?


Vote reporté

M. Gendron: Que le vote soit reporté à la séance de demain.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Donc, le vote nominal a été demandé. Le vote sera donc reporté à demain, après la période des affaires courantes.

Compte tenu de l'heure, je vais donc ajourner les travaux à demain après-midi, 14 heures.

(Fin de la séance à 17 h 55)