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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le lundi 11 décembre 1995 - Vol. 34 N° 87

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Table des matières

Présence de la consule générale des États-Unis, Mme Eleanor Savage-Gildersleeve

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures six minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.


Présence de la consule générale des États-Unis, Mme Eleanor Savage-Gildersleeve

J'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes – à l'ordre, s'il vous plaît! – de Mme la consule générale des États-Unis d'Amérique, à Montréal, Mme Eleanor Savage-Gildersleeve.


Affaires courantes

Alors, nous allons aborder les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article g de notre feuilleton.


Projet de loi n° 255

Le Président: À l'article g du feuilleton, M. le député de Jonquière présente le projet de loi d'intérêt privé n° 255 – à l'ordre, s'il vous plaît! – Loi concernant la Municipalité de Saint-David-de-Falardeau. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

M. Chevrette: M. le Président, j'aurais une question d'information. Est-ce qu'il n'y a pas dépôt du rapport du directeur de la législation?

Le Président: Tout à fait. Alors, je m'excuse, M. le leader du gouvernement. J'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur ledit projet de loi, Loi concernant la Municipalité de Saint-David-de-Falardeau. Le directeur de la législation a constaté que les avis n'ont pas été publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. En conséquence, ce projet de loi ne pourra être présenté sans le consentement unanime de la Chambre. Est-ce qu'il y a consentement à la présentation de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, strictement sur une question d'information. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait informer cette Chambre s'il est du souhait du député de Jonquière de voir ce projet de loi adopté à cette session ou à la prochaine session?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader.

M. Chevrette: M. le Président, le député de Jonquière a sans doute... se ferait un plaisir de vous remercier si vous donniez votre consentement.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Je dépose ce rapport. Alors, nous reprenons. M. le député de Jonquière présente le projet de loi d'intérêt privé n° 255, Loi concernant la Municipalité de Saint-David-de-Falardeau. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, veuillez appeler l'article b de notre feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 247

Le Président: À l'article b du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 247, Loi concernant la Ville de Gatineau. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé, et je dépose ce rapport.


Mise aux voix

Alors, Mme la députée de Chapleau présente le projet de loi d'intérêt privé n° 247, Loi concernant la Ville de Gatineau. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

(14 h 10)

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: Je fais donc motion, M. le Président, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales, également, en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Veuillez appeler, s'il vous plaît, l'article d de notre feuilleton.


Projet de loi n° 231

Le Président: À l'article d du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 231, Loi concernant le Canton d'Orford. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé, et je dépose ce rapport.


Mise aux voix

Alors, M. le député d'Orford présente le projet de loi d'intérêt privé n° 231, Loi concernant le Canton d'Orford. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales, à qui on demande beaucoup de travail, en soit membre.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.


Dépôt de documents

Le Président: Adopté. Nous en sommes au dépôt de documents. M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais déposer les réponses aux questions 27 et 28 inscrites au feuilleton du 22 juin 1995 par le député de Robert-Baldwin.

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le ministre des Affaires internationales.


Rapport annuel de l'Office franco-québécois pour la jeunesse

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1994 de l'Office franco-québécois pour la jeunesse.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre de la Justice.


Rapport annuel du Fonds d'aide aux recours collectifs

M. Bégin: Alors, M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport annuel 1994-1995 du Fonds d'aide aux recours collectifs. Merci, M. le Président.

Le Président: Document déposé. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapports annuels de certaines régies régionales de la santé et des services sociaux

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je voudrais déposer le rapport annuel d'activité 1994-1995 des 15 régies régionales des régions suivantes: Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Mauricie–Bois-Francs, l'Estrie, Montréal-Centre, l'Outaouais, Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, le Nord-du-Québec, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Chaudière-Appalaches, Lanaudière, Laurentides et Montérégie.

Le Président: Ces documents sont déposés. Toujours au dépôt de documents, Mme la ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes.


Lettre du directeur général de l'administration du ministère du Conseil exécutif

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je voudrais déposer une lettre, en date du 7 décembre 1995, du directeur général de la Direction générale de l'administration du Conseil exécutif, confirmant mes propos de la semaine dernière, de jeudi dernier.

Le Président: Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Nous en sommes au dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 108

M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration, qui a siégé le 7 décembre 1995 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Richmond.


Étude détaillée du projet de loi 85

M. Vallières: Oui, M. le Président. Je désire déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, qui a siégé les 28, 29 et 30 novembre, 7 et 8 décembre 1995 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Toujours au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de la culture et député de Vachon.


Consultations particulières dans le cadre de l'examen des orientations, des activités et de la gestion de Radio-Québec

M. Payne: M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport de la commission de la culture, qui a procédé à des consultations particulières et tenu des audiences publiques les 28, 29 et 30 novembre 1995 et qui a siégé en séance de travail le 19 novembre, le 21 novembre, les 6, 7 et 8 décembre 1995, dans le cadre de l'examen des orientations, des activités et de la gestion de Radio-Québec. Le rapport, imaginez-vous, a été adopté à l'unanimité des membres et contient des recommandations.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le président de la commission de l'économie et du travail et député d'Outremont.


Consultations particulières sur le différend qui oppose la Ville de Montréal au Syndicat canadien de la fonction publique, local 301

M. Tremblay: Alors, M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail, qui a siégé le 5 décembre 1995 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le différend qui oppose la Ville de Montréal au Syndicat canadien de la fonction publique, local 301.

Le Président: Ce rapport est déposé. Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Nous en venons à la période de questions et de réponses orales. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour une question principale.


Retard dans le traitement des nouvelles ordonnances de paiement de pensions alimentaires

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mardi dernier, je faisais part à cette Chambre de mes inquiétudes et de celles de Mme Danielle-Maude Gosselin concernant la décision de la ministre de la Condition féminine de précipiter l'entrée en vigueur du nouveau système de perception des pensions alimentaires au 1er décembre 1995. Comme on le sait, le système informatique n'est pas prêt, les agents de recouvrement du ministère du Revenu n'ont reçu qu'une formation très sommaire et rapide et le ministre de la Justice refuse sa collaboration pour le transfert de son personnel qualifié en perception de pensions alimentaires au ministère du Revenu. On m'informe également que, pour la seule région de Montréal, plus de 100 nouvelles ordonnances et ordonnances de révision s'accumulent jour après jour depuis le 1er décembre, et ce, avec un délai de traitement de plus de six semaines, puisque les dossiers sont traités manuellement, actuellement, au ministère du Revenu.

Qu'est-ce que la ministre de la Condition féminine répond à ces milliers de femmes et d'enfants qui se verront privés de leur pension alimentaire pour la période des Fêtes à cause du cafouillage administratif créé par la précipitation de la ministre de la Condition féminine?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Blackburn: M. le Président, je suis particulièrement heureuse de la décision qu'on a prise de faire entrer dans le système toutes les nouvelles ordonnances à compter du 1er décembre dernier. C'est une loi qui était réclamée par tous les groupes qui se sont penchés sur cette question, qui a été adoptée ici à l'unanimité de la Chambre, et nous avions intérêt à la faire entrer en vigueur le plus rapidement possible.

Je rappelle que les nouvelles ordonnances qui sont traitées – je parle des nouvelles ordonnances – à partir du 1er décembre dernier, ça ne fait pas appel aux mêmes compétences de personnel que celles qui ont trait au défaut de paiement et qu'on retrouve à la Justice ou qu'on retrouve à la Sécurité du revenu. C'est une approche beaucoup plus d'aidant et de soutenant qu'on veut avoir avec les parents non gardiens que dans le cas de non-paiement. C'est pourquoi il nous apparaissait pratique et utile de commencer l'expérience par ce groupe de personnes plutôt que de vouloir mettre en même temps tout le monde dans la même machine. À présent, à partir de la mi-mai, lorsque toutes les ordonnances seront traitées par le ministère du Revenu, à ce moment-là il y aura un déplacement de personnel, et tout ça est déjà prévu.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, pour une question complémentaire.

Mme Loiselle: Oui. Étant donné, M. le Président, que la ministre n'a pas répondu à ma question, est-ce qu'elle peut au moins admettre dans cette Chambre que, présentement, à partir du 1er décembre, étant donné que le système informatique n'est pas prêt au ministère du Revenu, que toutes les ordonnances se font manuellement et que ça prend un minimum de six semaines pour recevoir leur pension alimentaire, et ça veut dire janvier, pour les gens, du 1er décembre?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Blackburn: M. le Président, je souhaiterais que ça se fasse dans les journées qui suivent, évidemment. Cependant, je voudrais juste rappeler à l'opposition qu'au moment où on se parle et à cause de leur système à eux ça prend de sept à neuf mois; il y en a 25 000 qui sont à la Justice, actuellement. C'est pour ça qu'on a changé le système.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, toujours en complémentaire.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que la ministre – parce qu'elle ne répond pas à mes questions...

Une voix: Non.

Mme Loiselle: ...peut admettre que, présentement, au moment où on se parle, étant donné qu'elle a précipité le système qui devait commencer au mois de mai – puis elle l'a précipité en campagne référendaire – au 1er décembre, étant donné que le système informatique n'est pas prêt, le traitement des demandes prend un minimum de six semaines parce que, actuellement, c'est fait à la main au ministère du Revenu et que les gens n'ont pas été formés?

(14 h 20)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Blackburn: Ça prend beaucoup de patience. M. le Président, si la députée a décidé que ça prendrait six semaines alors que ça a juste débuté le 1er décembre, c'est qu'elle va probablement plus vite que le calendrier, première chose. La seconde, j'aimerais bien qu'elle vienne nous dire en Chambre, ici, que les femmes – majoritairement des femmes – ou le parent gardien qui a droit à une pension alimentaire dont l'ordonnance a débuté le 1er décembre viennent s'opposer à ce que ça soit entré en opération depuis le 1er décembre, à ce moment-là j'y verrai. Et je veux rappeler qu'actuellement il y en a 25 000 à la Justice, dû à l'incurie du précédent gouvernement, qui, elles, attendent de sept à neuf mois avant de voir le premier dollar.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, toujours en complémentaire.

Mme Loiselle: Oui. M. le Président, est-ce que, comme l'a dit la semaine dernière la ministre – elle nous a promis de rencontrer dans les plus brefs délais la présidente de la fonction publique, Mme Danielle-Maude Gosselin – elle a, oui ou non, rencontré Mme Maude Gosselin et également la ministre du Revenu pour, justement, régler toutes ces inquiétudes-là et admettre, dans cette Chambre, qu'actuellement, elle le sait, ça prend au minimum six semaines pour recevoir son chèque de pension alimentaire? Et la ministre le sait, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Blackburn: Je rencontre assez régulièrement la ministre du Revenu; je l'ai même rencontrée samedi, nous en avons également parlé – je n'ai pas besoin de prendre de rendez-vous. À présent, en ce qui a trait à la présidente, Mme Danielle-Maude Gosselin, c'est à l'agenda. Je peux toujours déposer mon agenda, mais je ne pense pas que ça soit nécessaire; je pense que c'est prévu quelque part cette semaine.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, toujours en complémentaire.

Mme Loiselle: Oui. Étant donné que je ne reçois pas de réponses à mes questions...

Le Président: Votre question.

Mme Loiselle: ...je vais m'adresser au ministre de la Justice, en complémentaire.

Le Président: Votre question.

Mme Loiselle: Est-ce que le ministre de la Justice, qui n'a pas encore rencontré et parlé avec sa collègue et qui n'a pas rencontré Mme Danielle-Maude Gosselin, réalise l'impact de son entêtement à ne pas transférer le personnel qualifié de son ministère à la perception des pensions alimentaires au ministère du Revenu? Et, s'il l'a réalisé depuis ma question de mardi dernier, M. le Président, est-ce qu'il peut nous dire quand il va les transférer, ces personnes-là?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, ce que j'ai constaté en entrant en fonction au ministère de la Justice, c'est que, si nous n'avions pas pris la décision de transférer le tout, ça serait seulement en 1997 que les femmes auraient pu être assurées d'avoir un système de perception des pensions alimentaires adéquat, parce que le système qui était en place, ou qu'on tentait de mettre en place, ne permettait pas d'atteindre les résultats escomptés. Nous avons prévu que ça entrerait en vigueur au mois de mai 1996. Nous avons voulu accélérer l'entrée en vigueur, ce qui facilite effectivement beaucoup les choses. Cependant, je ne pense pas que l'opposition veuille qu'on arrête de percevoir un certain nombre de pensions plus vite qu'on ne l'aurait fait autrement sous le prétexte qu'on n'est pas capable d'avoir toutes les pensions perçues au 1er décembre.

Deuxièmement, M. le Président, le 1er décembre, ça date de 11 jours. J'essaie de comprendre comment on peut être en retard de six semaines, alors qu'il y a 11 jours d'écoulés depuis la date où il devait entrer en vigueur.


Présence de l'ambassadeur de la République islamique de Mauritanie, M. Abdel Majid Kamil, et du consul général de la République d'Haïti, M. Jean-Baptiste Harvel

Le Président: Avant de passer à la prochaine question principale, j'ai le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'ambassadeur de la République islamique de Mauritanie, Son Excellence M. Abdel Majid Kamil.

Et, de plus, j'ai le grand plaisir de souligner la présence du consul général de la République d'Haïti à Montréal, M. Jean-Baptiste Harvel.


Questions et réponses orales (suite)

M. le député de Châteauguay, pour une question principale.


Rencontre du 1er juin 1995 entre le secrétaire général du Conseil exécutif et certains membres du Secrétariat à la restructuration

M. Fournier: Merci, M. le Président. Durant le week-end, les journaux nous ont rapporté, M. le Président, la version du premier ministre et de son chef de cabinet concernant la rencontre du 1er juin entre le sous-ministre du premier ministre et des directeurs du Secrétariat à la restructuration. La version du premier ministre est à l'effet que ce qui était en cause, à ce moment-là, c'était le climat au sein du ministère et non les conflits d'intérêts. Par ailleurs, son chef de cabinet déclarait, durant le week-end, et je cite: «Je suis formel qu'à ce moment-là M. Bernard n'a pas fait de rapport concernant M. Lafrance. Je n'ai appris son nom qu'en septembre.» Pourtant, le Vérificateur écrit, à propos de cette réunion avec Louis Bernard, et je cite: «Cette réunion visait à lui exposer des anomalies apparentes concernant l'octroi des contrats à des firmes privées, notamment la possibilité de conflit d'intérêts entre M. Claude Lafrance et certaines entreprises retenues par le Secrétariat.» En outre, les médias ont établi qu'à cette rencontre un dossier de huit pages fut fourni. Toutes les entreprises révélées par le Vérificateur y étaient incluses, et un participant à cette rencontre a déclaré que cela avait estomaqué le sous-ministre du premier ministre.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

M. Fournier: Ma question, M. le Président: Est-ce que le premier ministre maintient ses propos et ceux de son chef de cabinet à l'effet que le rôle de Claude Lafrance n'avait pas été soulevé lors de la réunion du 1er juin, alors que le Vérificateur l'écrit, lui, noir sur blanc? Qui dit vrai: le Vérificateur ou le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je suis très conscient que, depuis quelques jours, on cherche, un peu partout dans cette Chambre et ailleurs que dans cette Chambre, à établir une sorte de cour de justice informelle. Alors, voulez-vous, M. le Président, on va faire quelque chose de bien simple? Est-ce que j'aurais l'autorisation de déposer la lettre de M. Bernard, donnant – comment dire – sa version de la réunion qui a eu lieu; ensuite, la lettre du Vérificateur général, qui présente, lui – comment dire – sa version des documents qu'il a vus, qui lui ont été remis après cette réunion, depuis qu'il a commencé son enquête, et puis, finalement, une deuxième lettre de M. Bernard commentant ces choses? Ça date, là, du 6 décembre, 7 décembre, 8 décembre. On se rendra compte, si on veut simplement être de bon compte, que l'un présente la version d'une réunion qu'il a eue et que l'autre fait état d'un document qu'on lui a remis à la suite de cette réunion. Quand on veut bien lire ces trois lettres avec l'esprit un peu libre, on se rend compte assez facilement pourquoi ces deux personnes, toutes les deux de bonne foi, peuvent avoir une version différente du même événement.

Est-ce que j'ai l'autorisation de déposer ces lettres?

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, et le premier ministre pourrait peut-être en profiter pour déposer la note de huit pages à laquelle il a été fait allusion à l'occasion de cette rencontre.

Une voix: Oh!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, M. le Président...


Documents déposés

Le Président: Les documents sont déposés, M. le premier ministre.

M. Parizeau: ...je n'ai jamais vu cette note. Je sais très bien que, dans la cour qui se prépare ou qui s'organise à l'extérieur de cette Chambre, on en fait état, mais je dois dire que je n'ai jamais vu cette note-là. Je ne connaissais pas son existence jusqu'à ce qu'elle soit révélée.

Peut-être est-ce qu'on m'autoriserait, M. le Président, à remettre, d'autre part, une note que mon chef de cabinet m'a remise aujourd'hui et qui porte sur ces matières et justement aussi sur cette note de huit pages dont nous avons appris l'existence par les journaux. Ça se termine, d'ailleurs, cette note de mon chef de cabinet, par: «N'ayant jamais vu la note de huit pages, présentée au secrétaire général du gouvernement le 1er juin, dont fait état le Vérificateur général, il m'a donc été impossible de la transmettre à qui que ce soit», et donc à moi.

M. le Président, puis-je déposer cette note de mon chef de cabinet, qui retrace cet événement qui passionne à ce point à la fois nos amis d'en face et un certain nombre de gens à l'extérieur?


Document déposé

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, tout en constatant que c'est bizarre qu'un chef de cabinet et un premier ministre s'écrivent ainsi, il y a quand même consentement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre, brièvement.

M. Parizeau: Puis-je demander – puis, ça, ce serait plutôt à moi de le demander – pourquoi on trouve ça bizarre que, ayant mis en cause, dans cette cour, ici, et dans la cour extérieure, justement les rapports entre mon chef de cabinet et moi, nous mettions ça par écrit et que nous déposions ça à l'Assemblée nationale? Pourquoi ça gênerait?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question complémentaire.

M. Fournier: M. le Président, en complémentaire, est-ce que je dois comprendre de la réponse du premier ministre, concernant la note de huit pages, qu'il ne l'a pas vue et que son chef de cabinet ne l'a pas vue, mais qu'il reconnaît l'existence de cette note? Peut-il, le premier ministre, faire les démarches nécessaires, ou son chef de cabinet, pour entrer en possession de cette note de huit pages que son sous-ministre avait pour que nous puissions en prendre connaissance non pas devant cette cour de justice, mais devant ce forum qui nous permet de faire toute la lumière sur cette affaire troublante?

(14 h 30)

Une voix: Bon!

Une voix: C'est ça! C'est ça!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Il n'y a pas d'affaire troublante. Il y a une commission... Non, non. Potentiellement une affaire grave, comme je l'ai dit dans cette Chambre, plus grave que nos amis d'en face le devinent peut-être. Peut-être. Oui, effectivement. Effectivement, M. le Président, j'ai eu l'occasion de le dire ici.

Cela étant dit, il n'y a rien de troublant à ça. Il y a un rapport d'enquête, on a regardé le rapport d'enquête et on s'est dit: Tiens, il faut élargir le mandat. On a élargi le mandat. J'imagine que le Vérificateur général va obtenir tous les renseignements qui lui sont utiles. Moi, je n'ai rien d'autre à faire, à l'heure actuelle, que de dire au Vérificateur général: Vous êtes le porteur de la confiance de cette Assemblée nationale, je le crois. Bon. Alors, allez enquêter. Vous nous avez dit que l'ensemble des documents serait rassemblé d'ici Noël? Parfait! Que vous présenteriez votre rapport au milieu de janvier? Très bien. Et voilà.

Maintenant, que l'enquête ait lieu et qu'elle se déroule sans l'excitation un petit peu artificielle que certains voudraient mettre là-dedans.

Le Président: M. le député de Châteauguay, toujours en question complémentaire.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Comment le premier ministre peut-il expliquer à la population du Québec qu'il renonce à la capacité qu'il a d'entrer en possession de cette note de huit pages pour la rendre publique, cette note de huit pages qui fait partie d'un rapport du Vérificateur, qui a déjà vérifié? Pourquoi renonce-t-il à exercer des fonctions, des pouvoirs qu'il a pour entrer en possession de cette note et la rendre publique?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, cette note de huit pages est arrivée à l'attention du public et de membres de cette Chambre par les journaux. Moi, je crois toujours la grosse presse, comme j'ai eu l'occasion de le dire. Si la grosse presse me dit: Il y en a un, alors, je dis: Il y en a sûrement un. Bon. On a nommé un Vérificateur général pour aller regarder ça. Eh bien, que le Vérificateur général vérifie les allégations de la grosse presse. Il est là pour ça...

Le Président: À l'ordre!

M. Parizeau: ...qu'il coure après. Moi, je vous avouerai que je ne vois vraiment pas pourquoi j'essaierais d'agir en plus du Vérificateur général. J'ai toute confiance en lui, qu'il opère.

Le Président: À l'ordre! M. le député de l'Acadie, pour une question principale?


Rôle de M. Éric Hubar Meunier dans le processus d'acheminement des demandes au Conseil du trésor relativement aux études du Secrétariat à la restructuration

M. Bordeleau: Principale, M. le Président. Alors que le ministre à la Restructuration agissait comme président-directeur général de l'Association des manufacturiers du Québec, le directeur de l'analyse et de la recherche était M. Éric Hubar Meunier. À cette époque, un contrat de recherche fut signé avec l'Association des manufacturiers du Québec et la Société conseil Solin, dont les principales personnes impliquées étaient MM. Pierre Campeau et Claude Lafrance. Sur le contrat, on y retrouvait les signatures de MM. Richard Le Hir, Claude Lafrance, mais également celle de M. Éric Hubar Meunier.

Or, suite à la nomination par le premier ministre du député d'Iberville à la fonction de ministre à la Restructuration, les hommes de confiance de M. Le Hir, ex-P.D.G. de l'AMQ, le suivirent au ministère, M. Pierre Campeau comme sous-ministre et M. Éric Hubar Meunier comme attaché politique. Ainsi, du 3 octobre 1995 jusqu'à la fin des opérations du Secrétariat à la restructuration, M. Meunier faisait donc partie du cabinet du ministre à la Restructuration, et une de ses responsabilités était de faire le contact avec le Conseil du trésor.

Le Président: Votre question.

M. Bordeleau: Oui, M. le Président, je termine. Depuis quelques semaines, ce même M. Éric Hubar Meunier est devenu membre du cabinet de l'actuelle ministre des Finances. Maintenant que M. Éric Hubar Meunier est membre de son cabinet, la ministre des Finances – et présidente du Conseil du trésor de l'époque – peut-elle nous dire quel a été exactement le rôle de M. Meunier dans le processus d'acheminement des demandes au Conseil du trésor relativement aux études du ministère à la Restructuration, et notamment aux études impliquant M. Claude Lafrance et la Société conseil Solin?

Le Président: Mme la ministre des Finances.

Mme Marois: Alors, M. le Président, moi, j'ai appris l'existence de M. Éric Meunier il y a quelques semaines, alors qu'il travaillait sur des projets de recherche, sur des données économiques. Et ce que me dit le député actuellement est une chose que j'ignorais totalement et complètement. Je prends avis de la question, M. le Président.

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question complémentaire?

M. Fournier: Principale.

Le Président: Principale.


Rôle de M. François Geoffrion dans les contrats octroyés par le Secrétariat à la restructuration

M. Fournier: Oui, M. le Président. Dans le décret définissant le mandat du ministre délégué à la Restructuration, on précise que le ministre à la Restructuration travaille en étroite collaboration avec la ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes. La semaine dernière, la ministre nous a dit que son Secrétariat n'avait eu aucun rôle à jouer à l'égard de l'octroi de contrats du Secrétariat à la restructuration. Doit-on comprendre que la ministre ignorait l'existence d'une gestion conjointe du Secrétariat à la restructuration, mise en place en février 1995, où on retrouvait, outre Louis Bernard et Pierre Campeau, son sous-ministre de l'époque, aujourd'hui rendu au Conseil du trésor, M. François Geoffrion, et son sous-ministre actuel, alors conseiller principal du premier ministre, M. Hubert Thibault?

Une voix: Oups! Oups!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, il devait y avoir des comités où se réunissaient interministériellement des fonctionnaires. En effet, c'est sûrement plausible que ces comités interministériels aient existé; on passe nos vies à faire des réunions interministérielles, c'est normal. Ceci étant, le Secrétariat à la restructuration était un secrétariat autonome. Et voilà, moi, je vous ai répondu ce que j'avais à vous répondre sur le contrat sur lequel vous m'avez posé des questions la semaine dernière. Voilà.

Une voix: C'est tout.

Le Président: M. le député de Châteauguay, en complémentaire.

M. Fournier: Oui, M. le Président. La ministre, peut-elle préciser le rôle qu'a joué son sous-ministre, M. François Geoffrion, dans ce qu'il est convenu d'appeler une étroite relation avec la Restructuration? Sur quelle base son sous-ministre participait-il aux travaux de la Restructuration? Et la ministre lui demandait-elle un rapport de ses activités?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, le sous-ministre des Affaires internationales, M. François Geoffrion, faisait sa job.

Une voix: C'est ça.

Mme Beaudoin: Ceci étant, d'aucune façon, ni sur le plan administratif, ni sur le plan de la méthodologie, ni sur le plan de l'octroi des contrats, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes n'est impliqué, point à la ligne. Merci.

Le Président: M. le député de Châteauguay, toujours en complémentaire?

M. Fournier: Oui, rapidement. Est-ce que la ministre peut nous expliquer...

Le Président: À l'ordre!

M. Fournier: ...peut nous dire sur quelle base il y avait des rencontres comme celles-là, et peut-elle nous dire si elle demandait un rapport et de quoi il était question lors de ces rencontres?

Une voix: Bien oui!

Le Président: Mme la ministre.

Une voix: ...réunion par jour, et elle me le dit pas, heureusement.

Mme Beaudoin: Alors, écoutez, M. Geoffrion faisait ses réunions normales et habituelles d'un responsable du niveau où il se trouve, et voilà, ni plus ni moins. C'est tout simplement ça, il faisait son travail de sous-ministre des Affaires intergouvernementales, avec l'ensemble des sous-ministres – puisqu'il y a une responsabilité horizontale au ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes – autant avec le Revenu, que la Sécurité publique, que l'Environnement, etc. C'est la fonction du ministère, et le député la connaît bien, il a été membre du cabinet du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes...

Une voix: On ne la connaît pas.

Mme Beaudoin: ...il sait ce que ça fait, ce ministère-là.

Une voix: Non, on ne la connaît pas. On ne la connaît pas!

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Châteauguay, en complémentaire.

M. Fournier: Oui, rapidement. Est-ce que la ministre peut nous dire, lorsqu'elle utilise l'expression «il faisait son travail», si elle est au courant du type de travail qu'il faisait, puisqu'on veut savoir s'il était impliqué dans l'octroi des contrats et le suivi qui était apporté...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le député, en reprenant votre question, s'il vous plaît, afin qu'on puisse l'entendre.

M. Fournier: M. le Président, tout ce qu'on cherche à savoir... Je veux savoir si la ministre peut nous dire, outre de nous dire que son sous-ministre faisait son travail, ce qu'il faisait avec la Restructuration, puisque nous demandons quel était son rôle quant à l'octroi des contrats, quant au suivi des travaux? Est-ce que la ministre est au courant de ce que faisait son sous-ministre ou si, plutôt, elle tentait de ne pas le savoir?

Une voix: Ah! Ah!

Le Président: Mme la ministre.

(14 h 40)

Mme Beaudoin: Le sous-ministre «sous-ministrait». Le sous-ministre faisait ses réunions – il y en avait 12 par jour, 15 par jour – comme n'importe quel sous-ministre. Vous avez été au gouvernement assez longuement... Et voilà ce qu'il faisait. Il faisait sa job de sous-ministre pendant toute la journée. Il la faisait bien, d'ailleurs, je voudrais ajouter.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Frontenac, pour une question principale.


Pouvoirs de la Sûreté du Québec parallèlement à l'enquête du Vérificateur général

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. M. le Président, dans le dossier de fraude présumée, de favoritisme au ministère de la restructuration, le ministre de la Sécurité publique, à plusieurs reprises, a répondu que lui ne demanderait pas à la Sûreté du Québec d'intervenir parce que le Vérificateur général pouvait demander lui-même l'aide de la Sûreté du Québec ou que la Sûreté du Québec pouvait enquêter de sa propre initiative. M. le Président, le Vérificateur général et la Sûreté du Québec contredisent carrément le ministre. Le Vérificateur général nous dit, dans une entrevue radiophonique, vendredi, le 8, et je cite, parlant de cette affaire: «On va documenter ce qu'on voit et on va référer au Procureur général, qui, lui, décidera de demander à la police de faire enquête.» Donc, M. le Président, le Vérificateur général nous dit que lui ne demandera pas à la Sûreté du Québec d'intervenir.

De plus, samedi, dans les journaux, la Sûreté du Québec, par un de ses porte-parole, nous dit qu'il n'y a pas d'enquête sur cette affaire au moment où on se parle et que, pour qu'il y en ait une – je cite le porte-parole de la Sûreté du Québec, M. le Président – «il faut que l'enquête nous soit confiée, qu'il y ait une plainte, qu'il y ait un plaignant et, dans des cas comme ça, la demande vient de Québec, soit du bureau du Vérificateur général – M. le Président, qui vient de nous dire que lui ne demandera pas d'enquête – ou du bureau du ministre».

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: M. le Président, ma question. Compte tenu de ce que le premier ministre nous a dit, à savoir qu'il s'agit d'un système de fraude présumée, affaire encore plus grave que ce qu'on peut imaginer; compte tenu du rapport du Vérificateur général qui conclut à du favoritisme – c'est de l'abus de confiance, dans le Code criminel, M. le Président; compte tenu du fait que le ministre de la Sécurité publique a dit lui-même à la télévision, vendredi, qu'il y a matière à poursuite parce que, notamment, des gens ont été payés pour du matériel non livré...

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: ...est-ce que le ministre de la Sécurité publique va finalement reconnaître qu'il n'a plus d'autre choix: au nom de la transparence, il doit y avoir enquête de la Sûreté du Québec et que c'est lui, c'est lui, M. le Président, qui doit demander cette enquête de la Sûreté du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Il y a pas mal d'inexactitudes, pour ne pas dire de faussetés dans le préambule qui a été fait, mais je pense que je... Je ne veux pas utiliser tout le temps qui m'est donné pour répondre pour les relever toutes.

Il n'y a rien dans la loi qui empêche la Sûreté du Québec d'entreprendre une enquête de sa propre initiative. Il se peut qu'elle se donne elle-même des règles administratives par lesquelles elle peut passer dans les cas graves. Je peux vous dire que, dans les cas de crimes importants, je n'ai jamais donné d'ordre à la Sûreté du Québec d'enquêter et je suis absolument convaincu qu'elle enquête.

Maintenant, je suis convaincu aussi que le Vérificateur est l'officier qui a la meilleure compétence pour mener le plus efficacement, à ce stade, et le plus rapidement l'enquête qui lui a été confiée. Je suis même convaincu, puisqu'il faut mettre les points sur les i, que c'est lui qui a le plus de pouvoirs aussi.

J'ai voulu vérifier, encore, certaines des affirmations – que je soupçonnais totalement inexactes – du député de Frontenac, la semaine dernière, et j'ai vérifié moi-même la Loi sur le vérificateur général. J'y trouve, à l'article 49, ceci: «Le Vérificateur général, ou le représentant qu'il désigne par écrit, peut, dans l'exercice de ses fonctions, interroger toute personne sous serment et l'obliger à produire tout document; il est investi, à cette fin, des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête», etc.

Alors, si j'envoie un policier, que l'ancien ministre de la Justice se demande donc quelle est la première formule que le policier doit lire à la personne qu'il va interroger, par rapport à ce qu'est l'attitude du Vérificateur général, et il comprendra qu'il serait totalement irresponsable ou totalement incompétent de ma part de forcer actuellement la Sûreté du Québec à faire ce qu'elle ne veut pas faire de sa propre initiative. Je n'ai pas entendu l'émission dont vous parlez, mais je me souviens de la citation qui était donnée dans le Soleil de jeudi ou de vendredi; le Vérificateur disait clairement qu'il n'estimait pas avoir besoin des services de la Sûreté du Québec pour le moment. Le jour où il en aura besoin, il n'a qu'à le demander, il va la recevoir dans l'heure qui suivra.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey, pour une question complémentaire?

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Comment le ministre de la Justice peut-il expliquer – à la lumière de cette admission de son collègue de la Sécurité publique faite vendredi qu'à la lecture simple du rapport du Vérificateur général on peut y trouver matière à poursuite – que son sous-ministre et ancien responsable des affaires criminelles et pénales et ancien procureur en chef de la couronne ait pu formuler la recommandation déposée en cette Chambre le 6 décembre dernier par le premier ministre de ne pas impliquer les forces policières dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, je pense que le député de Chomedey n'a pas lu au complet. Le sous-ministre a mentionné qu'à ce stade-ci il n'était pas nécessaire d'avoir recours à la Sûreté du Québec. Je pense, comme mon collègue, qu'il y a un premier rapport qui a été déposé, le mandat a été donné au Vérificateur général d'aller beaucoup plus loin, et par la suite on verra s'il y a lieu d'avoir recours à la Sécurité publique. Merci.

Le Président: M. le député de Chomedey, pour une question complémentaire.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre n'est pas en train de nous dire que cette recommandation de ne pas impliquer les forces policières, qui a été faxée de la Justice au «bunker» 46 minutes avant la période des questions du 6 décembre, est la démonstration que son gouvernement cherche par tous les moyens à étouffer cette affaire?

Des voix: Oh!

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement?

M. Chevrette: M. le Président, l'article 77 et l'article 35 également de nos règlements empêchent le député de Chomedey précisément de porter des accusations de quelque nature que ce soit, d'autant plus que le premier ministre lui-même a déposé une extension de mandat pour que toute la lumière soit faite, y compris avec les mêmes firmes. Il serait peut-être intéressant de donner un mandat de fouiller les dérogations sur la firme Solin.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, toujours sur cette question de règlement.

M. Paradis: Oui. Simplement pour rappeler au leader du gouvernement qu'il devrait porter davantage attention aux propos du premier ministre, qui a admis lui-même en cette Chambre que le mandat était loin d'être complet.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je crois que, effectivement, M. le député de Chomedey, les paroles que vous avez tenues viennent en contravention avec l'alinéa 6° de l'article 35, qui dit que «le député qui a la parole ne peut imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole». Alors, j'aimerais, à ce moment-ci, que vous retiriez ces paroles et que vous reformuliez votre question.

M. Mulcair: M. le Président, question de directive.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, j'ai déjà entendu les deux leaders sur cette question de règlement, j'aimerais que vous retiriez vos paroles. Reformulez votre question, s'il vous plaît.

M. Mulcair: M. le Président, dans la mesure où ma question a parlé de son gouvernement et pas de mon collègue de la Justice, qu'est-ce que...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chomedey, ce n'est pas parce qu'une formulation – à l'ordre! – s'adresse à un ensemble de personnes constituant cette Chambre, un sous-ensemble, qu'elle ne constitue pas en soi un défaut par rapport à l'alinéa que je vous mentionnais tout à l'heure. Alors, j'aimerais, s'il vous plaît, que vous procédiez.

Des voix: Oh!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Tout en respectant votre interprétation du règlement, qui est une nouvelle jurisprudence en cette Chambre, lorsqu'on s'adresse à un ensemble, vous pouvez demander à un député de retirer des propos s'ils sont antiparlementaires. Lorsque vous appliquez l'article 35, vous demandez de retirer des paroles lorsqu'elles s'adressent à un député. C'est le règlement qui le prescrit, à moins que vous n'en connaissiez un autre, M. le Président.

(14 h 50)

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur cette question de règlement.

M. Chevrette: La prescription de notre règlement est très, très, très claire: on ne peut pas porter d'accusation dans cette Chambre; on doit prendre la parole de celui qui parle. Ça m'apparaît tellement clair. Et ça fait la deuxième fois au moins, sinon la troisième, que le député de Chomedey, M. le Président, brave même vos décisions. C'est un homme qui a une formation de droit, en plus. Est-ce qu'il pourrait le démontrer, s'il vous plaît?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, sur cette question de règlement. Brièvement.

M. Paradis: Sur cette question de règlement. Dans le but de ne pas gruger le temps de la période de questions, le député de Chomedey m'indique qu'il serait prêt à reformuler sa question.

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Masson... M. le député de Masson, s'il vous plaît!

Alors, j'aimerais indiquer, relativement à un des aspects de l'intervention du leader de l'opposition officielle précédemment, à titre d'information, une décision rendue par le vice-président Roger Lefebvre, en date du 31 mai 1991 – à l'ordre, s'il vous plaît! – et je lis le texte: «Des propos tenus à l'endroit d'un groupe parlementaire peuvent être qualifiés de propos non parlementaires parce qu'insultants – dans ce cas-là – pour chacun des membres qui font partie du groupe parlementaire. La présidence conserve toute latitude pour interpréter et qualifier les propos tenus par un député eu égard aux circonstances.»

À ce moment-ci, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je me rends à votre demande, M. le Président.

Le Président: Alors, je vous demanderais maintenant, donc, de reformuler votre question.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre n'est pas en train de nous dire que cette recommandation de ne pas impliquer les forces policières, qui a été faxée de la Justice au «bunker» 46 minutes avant la période de questions, fait partie d'un ensemble d'indications que son gouvernement est réticent à utiliser tous les moyens possibles pour faire toute la lumière sur cette question?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, le député impute des motifs ou des objectifs à ce côté-ci de la Chambre. Je pense, M. le Président, que le premier ministre a répondu très clairement sur ce qui devait se produire, dans l'ordre des choses, et je pense que c'est exactement ce qu'il devait faire.

Le Président: M. le premier ministre, en complément de réponse.

M. Parizeau: Oui. Puisque le député met mon bureau directement en cause, j'aimerais donner un complément de réponse, M. le Président. C'est le 6 décembre que ça a été déposé en Chambre, cette note du sous-ministre de la Justice, qui indique que, effectivement, après lecture et analyse des documents tels que soumis à la lumière du droit en pareille matière, la Direction des affaires criminelles ne recommande pas l'implication des forces policières dans l'état actuel du dossier. Cela a été fait, effectivement, à notre demande, pour être déposé à l'Assemblée nationale, parce que, depuis le 27 novembre, comme j'ai eu l'occasion de le dire – je pense que c'est ça, oui – avec le ministère de la Justice, c'est-à-dire depuis le dépôt du rapport préliminaire – qui a été, d'ailleurs, déposé en Chambre par le Vérificateur général – il y avait un échange de correspondance sur toutes espèces de sujets, dont celui-là, avec le ministère de la Justice. Or, comme, par exemple, ça avait trait à la suspension des deux fonctionnaires – entre autres, ces lettres qui avaient précédé – on nous avait recommandé de ne pas déposer ces avis juridiques ici, mais de déposer plutôt cette espèce de résumé qui comportait la conclusion du ministère de la Justice – comme je l'ai fait – que, dans l'état actuel du dossier, il valait mieux ne pas impliquer la police là-dedans. Il n'y a rien ni de caché ni d'anormal, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Maurice, pour une question principale.


Problèmes de fonctionnement et d'organisation à la Chambre des notaires du Québec

M. Pinard: Question principale, M. le Président. Nous avons appris récemment, par la voie des journaux, que la Chambre des notaires du Québec vivait certains problèmes de fonctionnement et d'organisation. Certains citoyens ont saisi l'Office des professions de ces difficultés. L'Office des professions, qui est en quelque sorte le chien de garde des ordres professionnels, devait faire rapport dernièrement au ministre de la Justice, Procureur général et responsable de l'application des lois professionnelles.

Le ministre de la Justice peut-il informer les députés et la population de l'état du dossier et nous dire si la protection du public est assurée, dans les circonstances?

Une voix: Bonne question!

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, je voudrais remercier le député de Saint-Maurice pour sa question. En effet, j'attendais depuis un certain temps déjà que cette question soit posée et je suis content qu'il la pose. Après de nombreuses plaintes faites auprès de l'Office des professions, le président, le 1er septembre dernier, écrivait à la Chambre des notaires et il demandait de manière très, très, très claire que la Chambre dresse un bilan de situation et prépare un plan de redressement concernant le fonctionnement de l'ensemble de l'ordre des notaires. Il fixait un délai très court, et, effectivement, le 16 septembre, la Chambre des notaires constituait un comité d'enquête interne pour vérifier l'ensemble des allégations qui avaient été faites ou des plaintes qui avaient été portées à l'égard du fonctionnement de l'ordre.

Un rapport préliminaire a été déposé au mois de novembre, et, au vu de ce rapport, le président de l'Office a demandé qu'il y ait un complément de rapport qui soit fait sous le motif qu'il n'y avait pas de lien aussi clair qu'il aurait fallu entre le constat très, très, très précis qu'il y avait et les conclusions qui étaient beaucoup moins précises.

Effectivement, un nouveau rapport complémentaire a été déposé auprès du président de l'Office le 1er décembre dernier, et il s'est assuré...

Le Président: En conclusion.

M. Bégin: ...en tout temps, pendant ce temps-là, qu'il y avait protection du public. Le 1er décembre, donc, il y a eu un rapport, et, par la suite, le président a rencontré la Chambre et a déclaré de façon générale qu'il était satisfait des recommandations, mais qu'il voulait s'assurer que les délais soient très courts et qu'au maximum dans les six mois toutes les mesures qui étaient énoncées dans ce rapport soient mises à exécution.

Le Président: M. le député de Saint-Maurice, pour une complémentaire.

M. Pinard: Complémentaire, M. le Président. Le ministre de la Justice peut-il rendre publics les rapports et les recommandations qui doivent assurer le redressement de la situation à la Chambre des notaires, pour que le public ait accès à toute l'information pertinente?

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, ça me fait plaisir de déposer devant cette Chambre les documents en question, c'est-à-dire le premier et le second rapport. J'ajouterais en complément, cependant, la nuance suivante par rapport à ce que j'ai dit précédemment. C'est que, depuis la production de ce rapport, un communiqué a été émis par la Chambre, un communiqué de presse qui a évidemment été rendu public, et le président de l'Office s'est déclaré insatisfait du contenu de ce communiqué. Il m'a écrit et m'a fait rapport à l'effet qu'il voulait s'assurer que ce soient exactement les contenus du rapport qui soient exécutés et non ce qu'il retrouvait dans le communiqué, qu'en conséquence il suivrait de très, très, très, très près la progression des recommandations du rapport et qu'en tout temps, évidemment, la protection du public serait assurée. Alors, je dépose le rapport, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a donc consentement? Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document?

Des voix: Oui.


Documents déposés

Le Président: Consentement. M. le député de l'Acadie, pour une question principale.


Publication de la troisième étude de Marcon inc. concernant la défense nationale

M. Bordeleau: Oui, M. le Président. À la demande du Secrétariat à la restructuration, trois études portant sur la défense et la future armée québécoise furent exécutées par la firme Marcon inc. La première étude, de 165 000 $, fut approuvée, livrée et payée. De plus, un addendum de 19 000 $ a également été approuvé, livré et payé. Quant à la troisième étude, de l'ordre de 185 000 $, elle a été réalisée par le contractant, mais, par la suite, tout se perd dans le brouillard.

Ma question: Est-ce que la ministre des Finances, présidente du Conseil du trésor de l'époque, peut nous confirmer que, le 30 août dernier, le Secrétariat à la restructuration lui a transmis une autre demande d'autorisation en dérogation pour cette troisième étude et nous dire pourquoi cette dernière étude, qui a bel et bien été réalisée, n'a encore été, à date, ni autorisée ni payée?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

(15 heures)

M. Léonard: M. le Président, je vais répondre à ces questions. Je trouve qu'on tourne autour du président du Conseil du trésor sans lui poser de questions, à l'heure actuelle, et qu'il m'appartient de dire un certain nombre de choses. D'abord, que les procédures utilisées lors de l'attribution de ces contrats sont des procédures prévues dans la législation, une législation, d'ailleurs, qui a été accréditée par nos prédécesseurs, puisqu'ils l'ont utilisée eux-mêmes à plusieurs reprises depuis trois ans. Et je parle des dérogations comme des ratifications. Alors, dans le cas qui nous occupe, il y a huit contrats qui sont parvenus au Conseil du trésor, qui avaient été commencés lorsque ces dérogations ont été accordées. Et puis on pourrait faire le tour de tous ces contrats, mais, essentiellement, ce qui a été plaidé, c'est le contexte d'urgence, parce que le gouvernement avait choisi d'accélérer les procédures. Il était légitimé à le faire, puisque ces études sur la souveraineté étaient, en effet, un des engagements du gouvernement. Elles devaient être réalisées avant le référendum, et dans des délais extrêmement courts...

Le Président: En conclusion.

M. Léonard: ...elles étaient le fruit d'une volonté politique et d'un engagement formel pris auprès de la population du Québec. De plus, les conditions générales auxquelles ces contrats ont été consentis étaient raisonnables. Rien ne laissait entrevoir quoi que ce soit qui s'écartât de ce que le cadre législatif du Conseil du trésor prévoit...

Le Président: En terminant.

M. Léonard: ...et, pour établir s'il y a collusion, il faut mener des recoupements, différentes analyses, ce qui ne peut se faire au moment de l'autorisation des contrats, donc ce qui ne peut se faire sur le champ. Ces choses prennent du temps à apparaître, et il appartient maintenant au Vérificateur général de voir si cette collusion existe vraiment.

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question complémentaire.

M. Fournier: Complémentaire, M. le Président. Puisque le président du Conseil du trésor vient de rappeler l'engagement de faire des études, est-ce que le premier ministre peut s'engager à déposer aujourd'hui ou demain en cette Chambre l'étude toujours cachée résultant du troisième mandat donné à Marcon pour plus de 185 000 $, qui, selon le Vérificateur général, consistait à effectuer des simulations de scénarios de restructuration concernant la défense nationale, étude que nous n'avons toujours pas vue malgré l'engagement, soi-disant, du gouvernement?

M. Léonard: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je pense que ces études sont la propriété, à l'heure actuelle, de l'Exécutif, et, donc, nous verrons en temps et lieu... Mais, par rapport au mandat du Vérificateur général...

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Je ne peux dire à ce moment-ci si l'étude était terminée et si on peut la déposer. Ça, je pense que c'est un des faits, mais je vais compléter, cependant, la question qui m'a été posée tout à l'heure, parce qu'il est important de le faire à ce stade-ci. Lorsqu'on réduit ou qu'on accélère des procédures, on donne effectivement plus de marge aux décideurs impliqués, ce qui peut être normal, encore une fois, compte tenu des circonstances. Mais, s'il y a eu malveillance, c'est l'enquête qui va le dire, et puis je pense qu'ici en Chambre il n'est pas question qu'on entre dans le détail de chacun des contrats; c'est le Vérificateur général qui le fera. Mais je puis dire que le Conseil du trésor, comme le Secrétariat du Conseil du trésor, ont agi dans le respect des règles de l'art. Le Conseil du trésor...

Le Président: En terminant.

M. Léonard: ...autorise des dépenses selon les paramètres prévus. Mais je voudrais juste attirer votre attention sur une dernière chose.

Le Président: En conclusion, s'il vous plaît.

M. Léonard: J'ai vécu un tel cas au ministère des Transports en octobre 1994, le cas où des dépenses autorisées par le Conseil du trésor, sous le gouvernement précédent, étaient effectuées au mépris de toutes règles élémentaires de contrôle. J'y ai mis bon ordre, et je vous recommande la lecture des pages 160, 161, 162...

Le Président: En terminant.

M. Léonard: ...du rapport du Vérificateur dans le cas du vingtième Congrès mondial de la route.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et réponses orales. À l'ordre, s'il vous plaît!

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

Nous en sommes aux motions sans préavis. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour que l'Assemblée nationale accepte unanimement et respecte les résultats du référendum du 30 octobre dernier, en réponse à la question...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre à l'effet: «Que l'Assemblée nationale accepte unanimement et respecte les résultats du référendum du 30 octobre dernier en réponse à la question suivante qui a été rejetée démocratiquement: "Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?"»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader.

M. Chevrette: M. le Président, il semble qu'ils ont bien de la misère à se convaincre qu'ils ont gagné le référendum. Je leur conseille de faire comme le petit gars qui a peur quand il passe devant le cimetière: il siffle pour en conjurer le sort.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la question consistait à savoir s'il y avait consentement ou pas.

Une voix: Il n'y a pas consentement.

Le Président: Il n'y a pas consentement. Bon. O.K. Alors, il n'y a pas consentement, M. le député de Rivière-du-Loup?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous en sommes aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Avec plaisir, M. le Président. M. le Président, j'avise donc cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 102, Loi sur l'Agence métropolitaine de transport et modifiant diverses dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Également, j'avise cette Chambre que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 117, Loi modifiant la Loi sur le régime des eaux, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif; qu'en dérogation aux règles de fonctionnement et au règlement de l'Assemblée nationale quant au délai de convocation des intéressés dans le cadre de l'étude des projets de loi d'intérêt privé, j'avise cette Assemblée que le vendredi 15 décembre, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 225, Loi concernant la municipalité de Saint-David-de-Falardeau.

Et j'ajouterai qu'on est en pourparlers sur quelques autres projets de loi privés, à savoir si on ne pourrait pas les incorporer. Mais, pour l'instant, les vérifications n'ont pas toutes été faites pour les convocations.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: De façon à faciliter ces discussions, M. le Président, et s'assurer que toutes les personnes intéressées par ces projets de loi privés auront au moins été avisées de la tenue des commissions parlementaires, est-ce que le leader du gouvernement peut assurer les membres de l'Assemblée nationale qu'il a pris toutes les dispositions qui lui appartiennent pour faire savoir aux gens que ces commissions parlementaires vont siéger dans des délais plus courts que prévus par la réglementation, mais que les gens soient quand même avisés pour que, s'ils ont des représentations à nous faire, ils puissent nous les faire, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: D'ailleurs, M. le Président, c'est tout à fait juste et... D'ailleurs, c'est pourquoi on prend la précaution de l'annoncer dès aujourd'hui pour vendredi, pour permettre aux médias de ces régions-là de pouvoir véritablement faire toute l'information possible, d'autant plus que certains groupes appellent directement au Secrétariat des commissions et qu'on leur dira que c'est véritablement... L'heure, également, est prévue, les heures sont prévues. Et, si on devait ajouter certains projets de loi privés suite aux vérifications, je le ferai dès que possible, même demain matin.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a, donc, consentement pour déroger à l'article 40 des règles de fonctionnement, concernant le délai d'au moins sept jours pour convoquer les intéressés avant de procéder à leur audition en commission? Il y a consentement?

Alors, je vous avise que la commission des institutions se réunira aujourd'hui, le lundi 11 décembre 1995, pour une durée de 3 h 30 min, de 15 h 30 à 17 h 30 et de 20 heures à 21 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de la Justice et de l'Office de la protection du consommateur pour les mois de janvier 1994 à octobre 1995 inclusivement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Verdun.

(15 h 10)

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir quand les rapports des régies régionales qui ont été déposés aujourd'hui par le ministre de la Santé vont être déférés à la commission des affaires sociales et quand la commission des affaires sociales va en faire l'étude, en fonction de la loi, si vous me permettez, qui s'appelle la loi 120, sur la réforme du régime de santé.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui. M. le Président, je crois... J'y mets un point d'interrogation, mais il me semble, lorsque le ministre dépose l'ensemble des rapports, qu'il appartient à la commission de prendre l'initiative de programmer les études en question auprès des membres de la commission. C'est donc le vice-président et le président qui se réunissent qui suggèrent à la commission une série de dates, parce que ça pourrait aller jusqu'à la convocation, si j'ai bien compris le sens de la loi, de certains membres de régie pour les rendre imputables, de sorte que je vous dis tout de suite, moi... Je suis très heureux que le député de Verdun... D'ailleurs, je le dis très sincèrement, à part ça, ça va dans le sens de l'esprit de la réforme. Mais il faut bien comprendre que ce n'est pas le leader de l'Assemblée nationale ni le leader de l'opposition, quand bien même on se réunirait tous les deux et on dirait qu'on est d'accord pour que ça se fasse... Toute l'application de la loi 198, je rappelle, M. le Président, que c'est la responsabilité de la direction des commissions.

M. Gautrin: M. le Président...

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: ...je me réfère spécifiquement à la loi qui s'appelle la loi 120, qui donne mandat à l'Assemblée... Et c'est le texte réellement de l'article. Je crois que c'est l'article 362, de mémoire. L'Assemblée doit transmettre à la commission des affaires sociales les rapports qui ont été déposés. Donc, dans ce cadre-là, il y a un geste que l'Assemblée doit faire, de transmission à sa commission. Je comprends après que la commission va faire l'organisation de ses travaux. Je vous rappelle néanmoins qu'en fonction de notre règlement – je pense que c'est l'article 4, paragraphe j – vous avez, avec la commission exécutive de l'Assemblée nationale, un mandat d'organiser les travaux pour les mandats non prioritaires, ce qui est un mandat non prioritaire, tel que je le comprends. Il doit y avoir une transmission à la commission des affaires sociales des rapports déposés, donc un geste de l'Assemblée.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, le député ne fait que confirmer ce que je viens de dire. Le ministre dépose à l'Assemblée nationale comme ministre de tutelle, et l'Assemblée nationale, la présidence, l'envoie à chacune des commissions. Mais ni le président ni les deux leaders ne peuvent se substituer à l'organisation des travaux d'une commission. C'est une responsabilité qui lui est imputée en fonction de la réforme parlementaire. Ni le président, je crois, ni moi ne pouvons intervenir. On peut rappeler la responsabilité des membres d'une commission. Mais... M. le Président, je vais vous en donner un exemple. C'est déjà difficile, très difficile, présentement, vous le savez, exclusivement d'étudier les engagements financiers, parce qu'il y a la législation, parce qu'il y a une session intensive. Je n'essaie pas de disculper les membres de l'Assemblée nationale, j'essaie de démontrer qu'un député dans cette Chambre peut bien vouloir que ça s'applique à la lettre et dans des délais bien précis, mais que l'ensemble du travail des membres des commissions fait en sorte que ce n'est pas facile à orchestrer.

J'incite beaucoup les présidents de commission et les vice-présidents de commission à utiliser au maximum les intersessions, précisément pour faire leur travail de contrôleur qu'on a bien voulu, comme Assemblée nationale, leur donner comme rôle. Mais, à l'intérieur des travaux de l'Assemblée nationale, quand on siège, il est très difficile, et ça, tout le monde en conviendra.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres renseignements? M. le leader de l'opposition officielle, toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Paradis: Oui. De façon à ce que la commission soit saisie du dossier et compte tenu des représentations faites par le député de Verdun, est-ce que le leader du gouvernement pourrait vérifier s'il y a lieu de proposer une motion de déférence de ces rapports à la commission, pour que la commission en soit officiellement saisie et que le fardeau repose, à partir de ce moment, sur les épaules de la commission? Parce que, présentement, ils ont été déposés à l'Assemblée nationale et non déférés en commission.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui. Mais, M. le Président, en fonction de nos lois, le simple dépôt du ministre à l'Assemblée nationale enclenche le processus. On n'a pas à faire de motion de déférence, c'est à la présidence, d'abord, et à son équipe qui doit acheminer à chacun des présidents de commission.

Donc, à partir de là, moi, quand bien même je dirais que je les défère aux commissions, c'est en vertu de la loi que ça se fait automatiquement de même.

Une voix: C'est ça.

Le Président: Alors, si vous permettez, je pense que, à ce moment-ci, il est communément accepté que les présidences des commissions aient toute la latitude de pouvoir procéder et que la présidence de l'Assemblée a la responsabilité de coordonner le travail des commissions.

Ceci étant dit, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il y a une référence explicite qui est faite au fait que l'Assemblée nationale défère le rapport à la commission parlementaire des affaires sociales afin qu'elle en fasse l'étude et entende à cette fin chaque régie régionale au moins une fois tous les trois ans.

Alors, ce que je vous suggère, à ce moment-ci, c'est que je puisse prendre cette question en délibéré, pour, justement, examiner en quoi les dispositions de notre règlement à l'Assemblée et celles prévues par la loi peuvent être compatibles et peuvent être agencées. Ça va?

Est-ce qu'il y a d'autres demandes de renseignements sur les travaux de l'Assemblée? Sinon, nous allons...

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...on sait que la commission des affaires sociales, je crois, dès mercredi – pour répondre au député de Verdun – prévoit une séance de travail pour orchestrer précisément cela.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée?

M. Paradis: Oui, toujours sur les renseignements, M. le Président. Simplement pour vérifier auprès du leader du gouvernement s'il est de son intention d'appeler aujourd'hui le projet de loi n° 115, le projet de loi qui touche l'aide sociale comme telle, des coupures importantes aux assistés sociaux, et s'il peut assurer cette Chambre qu'il ne fera pas siéger de nuit l'Assemblée nationale pour adopter un projet de loi qui touche les quelque 800 000 assistés sociaux du Québec.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: ...j'appellerai cet après-midi, fort probablement, la loi, qui ne coupe en rien les indemnités de base aux gens sur la sécurité du revenu. Je l'appellerai cet après-midi, et le tout se fera conformément aux règles du Parlement, à l'intérieur du respect de notre règlement.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres demandes de renseignements?


Affaires du jour

Nous allons aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, j'aimerais que vous appeliez l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 121


Adoption du principe

Le Président: À l'article 9, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 121, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a, tout d'abord, consentement pour déroger à l'article 237 du règlement prévoyant un délai d'une semaine entre la préparation et l'adoption du principe d'un projet de loi? Il y a consentement. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je déposais, mercredi dernier, le projet de loi n° 121, et je voudrais, dans un premier temps, remercier l'opposition de nous permettre d'en adopter le principe aujourd'hui, parce qu'il m'apparaît important pour les communautés urbaines.

Je tiens tout d'abord à souligner que la plupart des modifications législatives prévues dans ce projet de loi, dont je propose aujourd'hui l'adoption du principe, tirent leur origine des demandes formulées par la Communauté urbaine de Montréal. Par ailleurs, parmi ces modifications initiées par la Communauté urbaine de Montréal, certaines visent uniquement à lui faire bénéficier des mêmes allégements accordés aux municipalités que le projet de loi 68 qu'on a sanctionné le 22 juin dernier.

Je rappellerai que le projet de loi 68, comme je vous l'avais déjà annoncé au printemps, se voulait le début d'une série de changements résultant d'un travail accompli par un des groupes de travail qui a été créé dans le cadre des travaux sur la décentralisation, M. le Président. Il avait notamment pour objet de modifier la Loi sur les cités et villes et le Code municipal du Québec afin de supprimer ou de restreindre plusieurs contrôles ministériels sur les décisions prises par les élus, ou encore de simplifier ou d'éliminer certaines formalités ou contraintes administratives.

(15 h 20)

Dans le projet de loi n° 121, que vous avez entre les mains, M. le Président, il est donc, dans un premier temps, question de faire les modifications appropriées pour intégrer ces mêmes allégements dans la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal. Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour faire, immédiatement d'ailleurs, les mêmes ajustements dans les lois régissant les deux autres communautés. Autrement nous aurions eu trois projets de loi à proposer en cette Chambre, et, comme c'est un transfert d'allégements nouveaux qui ont été consentis au monde municipal, pourquoi ne pas les faire dans une seule loi pour la Communauté urbaine de l'Outaouais, la Communauté urbaine de Québec et la Communauté urbaine de Montréal? Donc, dans le souci d'harmoniser les trois lois sur les communautés, des modifications sont également apportées par le projet de loi n° 121 sur les deux autres communautés, comme je le disais tantôt.

Une autre des modifications qui sont proposées par le projet de loi n° 121, après demande expresse d'ailleurs de la Communauté urbaine de Montréal, consiste dans l'octroi d'un pouvoir général de tarification pour financer, en tout ou en partie, des biens, services et activités que la Communauté fournit ou exerce. Cette modification peut, elle aussi, être considérée comme étant une modification visant l'harmonisation des règles prévues dans les lois des communautés avec celles applicables aux municipalités locales. En effet, les municipalités locales peuvent déjà, depuis le 24 août 1989, exercer des pouvoirs très étendus en matière de tarification. Ces pouvoirs allaient dans le sens de l'application du principe qui était à la base de la réforme de la fiscalité municipale de 1980, soit que le régime fiscal municipal doit être basé sur le bénéfice reçu par le contribuable et non sur sa capacité de payer. Il est vrai que les communautés possèdent déjà des pouvoirs spécifiques leur permettant d'imposer des frais pour l'utilisation de certains biens ou encore pour certains services qu'elles rendent. Toutefois, ces pouvoirs sont fort limités. Il me faut admettre cependant que, contrairement aux municipalités locales, les communautés sont dirigées par un conseil formé de personnes qui n'ont pas été élues directement. Il faut bien se comprendre, ce sont des gens délégués par leur conseil mais non pas élus par le bassin de population pour lequel ils sont redevables.

Aussi, afin de respecter la maxime «No taxation without representation», il ne saurait être question de permettre aux communautés d'utiliser tous les modes de tarification pouvant être imposés par les municipalités locales, puisque certains sont des taxes ou y sont assimilés. Il est donc prévu dans le projet de loi n° 121 que les communautés pourront tarifer les biens, services ou activités qu'elles fournissent ou exercent, mais uniquement au moyen d'un prix exigé soit de façon ponctuelle soit sous une forme d'abonnement ou soit encore selon des modalités analogues à celles d'un abonnement.

Le projet de loi donne suite aussi à d'autres demandes formulées par la Communauté urbaine de Montréal visant principalement à préciser certaines expressions employées dans la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal et dont la rédaction actuelle engendre des problèmes d'application ou d'interprétation nuisant au bon fonctionnement de la communauté.

Enfin, je profite du véhicule que m'offre le projet de loi n° 121 pour introduire deux nouvelles mesures. Tout d'abord, la première résulte de la proposition de décentralisation que j'ai soumise à la Table Québec-municipalités en juin 1995 et qui préconise la réalisation d'expériences-pilotes sur des activités gouvernementales susceptibles d'être décentralisées. Comme les communautés se retrouvent parmi les intervenants qui pourraient s'avérer intéressés à s'engager dans la réalisation de telles expériences, le projet de loi n° 121 les habilite expressément à conclure une entente à cet effet avec le gouvernement.

Finalement, la deuxième mesure que j'introduis constitue en quelque sorte un complément aux modifications législatives apportées par le projet de loi n° 68 le 22 juin dernier afin de donner suite à l'accord de libéralisation des marchés publics entre le Québec et l'Ontario. Vous vous souviendrez que ces modifications avaient pour objet de préciser que la publication d'une demande de soumissions publiques relative à un contrat de construction comportant une dépense de 100 000 $ et plus doit être faite dans un quotidien diffusé principalement au Québec. Or, l'accord de libéralisation des marchés publics prévoit qu'un système électronique d'appels d'offres peut aussi être utilisé pour la publication de telles demandes de soumissions. Je précise cependant que, lorsque ce nouveau mode de publication sera utilisé, il devra être accompagné d'une publication dans un journal distribué sur le territoire. Un des grands reproches qu'on a faits en juin dernier... Et les hebdos, en particulier, de certaines régions nous demandaient: Mais pourquoi... Parce qu'il y a des entrepreneurs régionaux sur lesquels se passe ce travail, il faudra au moins qu'il y ait une publication dans un des journaux du territoire. Un journal étant donc une publication périodique qui n'apparaît pas nécessairement tous les jours, par opposition aux quotidiens, donc vous allez comprendre que, suite à ma rencontre avec l'association des hebdos et d'après les rencontres également que j'ai eues avec plusieurs entrepreneurs de certaines régions... Ils nous disent: Bien, il serait intéressant qu'on ait, au moins pour les travaux en région, au moins un journal du coin qui en parle.

Les modifications qu'apporte le projet de loi n° 121 aux lois constitutives des communautés urbaines ainsi qu'à la Loi sur les corporations municipales et intermunicipales de transport, à la Loi sur la Société de transport de la Ville de Laval et à la Loi sur la Société de transport de la rive sud de Montréal ont donc pour effet de permettre l'utilisation de ce moyen.

Je vous informe, enfin, que ces mêmes mesures seront introduites dans les lois générales, à savoir le Code municipal et la Loi sur les cités et villes, au moyen d'un autre projet de loi que j'entends présenter dès cette semaine. Ce projet contiendra principalement un nombre considérable d'allégements de contrôles que l'État exerce sur les municipalités, et ce, dans la foulée de la première série d'allégements qui avaient été apportés par le projet de loi 68 en juin dernier.

Donc, M. le Président, à toutes fins pratiques, ce projet de loi, si je fais un bref résumé du contenu de ce projet de loi là: un, il accorde aux communautés urbaines les mêmes allégements que la loi 68, en juin, permettait à l'ensemble des municipalités du Québec; il vient également introduire les mêmes amendements que j'ai introduits à la loi 68 en ce qui regarde la publication dans les soumissions – je veux donner des assises juridiques dans le cadre de la libéralisation des marchés entre Québec et l'Ontario – et, troisièmement, j'en profite également pour introduire l'obligation de publier dans un des journaux de la région.

C'est un projet de loi qui, somme toute, reçoit l'assentiment des trois communautés urbaines et qui, à mon point de vue, a avantage à être voté avant Noël. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet, porte-parole de l'opposition officielle en matière de municipalités régionales de comtés. À titre de porte-parole, M. le député, vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Comme vient de le mentionner le ministre des Affaires municipales, je pense que c'est un projet de loi, le projet de loi n° 121, qui est attendu de la part des communautés urbaines et qui a fait l'objet d'un débat ici, à l'Assemblée nationale, il y a quelques mois, comme l'a mentionné le ministre. Donc, c'est pour moi, aujourd'hui, un plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi qui nous est présenté et qui aura des effets sur les trois communautés urbaines que M. le ministre vient de nous mentionner, soit la Communauté de Montréal, celle de l'Outaouais et celle de Québec.

D'une part, ce projet de loi, je pense, a pour effet aussi de toucher les corporations municipales et les corporations intermunicipales de transport. Force est de reconnaître que ce projet de loi est quand même un projet administratif qui se veut une suite à la législation adoptée précédemment par cette Chambre, notamment le projet de loi 68, comme on vient de le mentionner. Mais ce projet de loi est la suite d'un processus amorcé par le gouvernement libéral, qui avait mis en place le projet de loi 29 pour faire en sorte d'alléger les contrôles du gouvernement sur les municipalités et faire en sorte que les municipalités aient une plus grande latitude dans leurs travaux.

M. le Président, ce projet de loi, en premier lieu, amène des allégements que nous avons presque tous déjà rencontrés dans le projet de loi 68 sur la fiscalité municipale, qui a été présenté en juin, comme on le mentionnait, et qui a été adopté avec la collaboration de l'opposition. En effet, nous sommes conscients que, lorsqu'un projet de loi est souhaité par le milieu municipal, qu'il a été appuyé par la Table Québec-municipalités, l'opposition se doit d'y apporter sa contribution pour le clarifier et, s'il y a lieu, le bonifier. Et, en ce sens, nous faisons un travail constructif et nous collaborons à l'adoption de ce projet de loi.

(15 h 30)

Il n'en serait peut-être pas ainsi lorsque viendrait le temps d'adopter un projet de loi, par exemple, qui confirmerait les coupures dans les transferts fiscaux aux municipalités, mais ce n'est pas le cas dans le présent projet. Ce projet de loi n'amène quand même pas grand-chose de nouveau, si ce n'est qu'au niveau du pouvoir de tarification des trois communautés urbaines, où il vient régulariser les procédures et uniformiser le processus de tarification. Si ce projet amenait de nouveaux pouvoirs de tarification, il serait de notre responsabilité d'en discuter plus longuement, de l'approfondir davantage et de le mettre en relation avec la problématique des villes-centres.

M. le Président, je pense qu'il est d'ores et déjà acquis que, dans ce projet, une partie relative au projet de décentralisation que le ministre nous a annoncé en juin... Il faut indiquer qu'il ne s'agit pas de ce qui a été l'objet du livre vert et des 20 000 000 000 $ qui devaient aller aux municipalités en cas de souveraineté. On parle plutôt, dans ce cas, de l'autre aspect de la décentralisation, c'est-à-dire le début du processus de décentralisation de 160 000 000 $ qui proposait des possibilités d'expériences-pilotes. On retrouve ces expériences dans ce projet de loi, M. le Président, et nous en sommes très contents, car nous croyons, nous, au Parti libéral du Québec, que l'on peut poursuivre la décentralisation que nous avons amorcée, entre autres avec la réforme Picotte, sans pour autant faire la souveraineté du Québec.

J'aimerais justement rappeler à cette Chambre qu'à l'occasion du dernier congrès de l'UMRCQ il y avait deux ateliers, qui regroupaient au-delà de 300 personnes chacun, où il y avait eu un vote de pris sur la possibilité de réaliser la décentralisation dans le cadre juridique politique actuel. Les deux ateliers avaient voté de façon majoritaire pour reconnaître qu'il y avait lieu de décentraliser les pouvoirs du gouvernement du Québec vers les municipalités dans le cadre juridique actuel.

Si vous me le permettez, j'ose espérer que le ministre n'en est pas à sa dernière expérience au niveau de la décentralisation. Je crois que nous aurons l'occasion d'en discuter dans d'autres débats, mais inutile de vous souligner pour l'instant que nous croyons, du côté libéral, que les instances régionales et les municipalités sont prêtes à avoir de nouvelles responsabilités. Elles sont capables d'en prendre de nouvelles, mais il faut surtout travailler avec elles pour savoir vraiment ce dont elles ont besoin, savoir ce qu'elles veulent et ce qu'elles ne veulent pas, avant d'envoyer des nouvelles responsabilités aux municipalités sans les sommes d'argent nécessaires. Il s'agit de se rappeler... On pourrait éviter à ce moment-là, je crois, le pelletage, comme l'a fait le ministre récemment, des 46 000 000 $ dans le transfert aux municipalités. Il est aussi remarquable de voir que ces projets-pilotes de décentralisation pourront aussi être mis de l'avant par les communautés urbaines. Le ministre a fait quelques suggestions. Il a expédié un guide de décentralisation aux trois communautés urbaines qui se verront confier ce nouveau pouvoir. Mais on doit s'interroger sur la suite que le ministre entend donner à ces expériences-pilotes.

M. le Président, j'espère que le ministre nous informera bientôt de son nouveau calendrier de décentralisation, de ce qu'il a l'intention de faire et de comment il entend procéder, de ce qu'il entend décentraliser. J'espère qu'il ne viendra pas nous dire que tout est sur la glace, que tout est arrêté et qu'on ne peut plus rien faire parce que le gouvernement fédéral est là et nous empêche de bouger au niveau de la décentralisation. Je ne pense pas que ce soit l'opinion des municipalités. Nous avons une bonne marge de manoeuvre et nous pouvons faire des choses et prendre nos responsabilités sans toujours jeter le blâme sur le gouvernement fédéral. D'ailleurs, celui qui dénonce les dédoublements entre le fédéral et le provincial devrait commencer par faire en sorte d'éviter les dédoublements entre le gouvernement provincial et les instances régionales et municipales.

Finalement, la dernière partie du projet de loi, M. le Président, concerne les avis de publication, comme l'a mentionné le ministre, pour des soumissions publiques, pour des corporations municipales ou des sociétés de transport. Je crois que c'est tout simplement normal; c'est un ajustement technique. Je tiens simplement à rappeler que c'est le gouvernement libéral qui a fait cette ouverture et qui a mis en place cette entente Québec-Ontario pour libéraliser notre commerce et faciliter nos échanges avec nos voisins. Ça démontre bien que, lorsqu'on veut, lorsqu'on a le désir de s'entendre, on peut le faire dans le système politique actuel si les deux parties sont de bonne foi, et ce, pour améliorer la possibilité d'expansion de nos entreprises, qui, de cette façon, pourraient créer de l'emploi pour nos concitoyens. Le développement économique, c'est ainsi qu'on peut le faire, et il serait temps que ce gouvernement s'y mette.

Donc, en terminant, M. le Président, il n'y a rien de nouveau dans le projet de loi que l'on mentionne, ne serait-ce que de venir donner aux trois communautés urbaines que nous avons mentionnées les mêmes pouvoirs qui ont déjà été donnés, c'est-à-dire une sorte de déréglementation qui a déjà été donnée aux municipalités. On peut dire que c'est la suite du précédent projet de loi, comme je le mentionnais. Tout le monde semble d'accord avec les éléments mineurs qui sont dans ce projet de loi, et, nous, du côté de l'opposition, nous l'avons analysé et nous croyons que, oui, il faut continuer du côté des allégements; oui, il faut amorcer une certaine décentralisation; oui, il faut faciliter les échanges entre le Québec et l'Ontario.

M. le Président, en commission parlementaire, il nous fera plaisir de collaborer avec le ministre pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté dans les meilleurs délais. Je crois cependant que des éclaircissements seront nécessaires au niveau des nouveaux pouvoirs de tarification dans le but d'être juste et équitable et, surtout, de ne pas être complice d'une nouvelle taxation indirecte. Mais, si le ministre est ouvert, tout en posant les bonnes questions, tout en faisant un travail digne des parlementaires, nous tenons à assurer le ministre de notre contribution. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Y a-t-il d'autres interventions? Le principe du projet de loi n° 121, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements se réunira aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Lafontaine, pour procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader, je comprends aussi qu'il y a une motion de renvoi dudit projet de loi devant ladite commission.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Chevrette: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, cette motion, elle est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Chevrette: Donc, prenez pour acquis que l'avis que j'ai fait tantôt se répète, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Tout à fait, ça va de soi. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: J'appelle donc l'article 7 de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 115


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'article 7, Mme la ministre de la Sécurité du revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre de la Sécurité du revenu, tout en vous rappelant, Mme la ministre, que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole.


Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, la loi 115 était devenue... nous étions obligés de procéder, compte tenu d'un certain nombre de raisons que vous connaissez, particulièrement la situation budgétaire héritée du précédent gouvernement, mais également les compressions et les coupures dans les transferts du gouvernement fédéral.

Je voudrais rappeler que, d'abord, notre régime de sécurité du revenu est à la croisée des chemins. Devant les nombreuses critiques formulées à l'égard de la Loi sur la sécurité du revenu, devant les demandes cent fois répétées des prestataires et des groupes sociaux et devant le contexte socioéconomique d'augmentation du taux de pauvreté et d'exclusion sociale, notre gouvernement a décidé de procéder à une réforme en profondeur du régime de sécurité du revenu. En attendant cette réforme, toutefois, je me suis appliquée à gérer cette loi 37 avec le plus de rigueur administrative possible.

Avant d'aborder les éléments du projet de loi, je ne peux m'empêcher de faire connaître à la population combien la complexité du régime Bourbeau a coûté cher sur le plan administratif. Encore en 1995, elle gruge des dizaines de millions de dollars – parce que, si les critiques à l'endroit de la loi 37 sont connues, les coûts administratifs le sont beaucoup moins. En effet, la mise en oeuvre de ce régime en 1989 s'est d'abord accompagnée d'une année de transition pendant laquelle les dossiers des prestataires ont dû être convertis de la loi de l'aide sociale à la loi de la sécurité du revenu. Durant cette période transitoire, il a fallu former le personnel et il a fallu lui donner une formation qui puisse lui permettre d'appréhender la loi 37 dans toute sa complexité, et ce n'est pas peu dire. Mais il s'est ajouté à ça que, pour le développement informatique pour les trois premières années d'implantation, ce nouveau régime aura coûté 47 300 000 $.

(15 h 40)

De plus, pour actualiser cette réforme complexe, le gouvernement d'alors a commandé une refonte en profondeur des systèmes informatiques. Ces coûts de développement de 91 300 000 $ incluent, en gros, le support au développement, le partage du temps-ordinateur, l'investissement en formation du personnel, le développement des systèmes et l'acquisition d'équipement pour le réseau. Ainsi, des 91 000 000 $, 37 000 000 $ ont fait la fortune des entreprises informatiques. Au total, si vous ajoutez les 47 000 000 $ des années de transition aux 91 000 000 $ de développement du système informatique – qui d'ailleurs n'est pas encore entré complètement en fonction – vous arrivez à un total de 138 600 000 $ pour mettre en application une loi dont la complexité explique une partie importante des coûts de développement du système informatique et de la maîtrise des données par le personnel chargé d'appliquer la loi.

Nous avons choisi une approche innovatrice pour simplifier le régime. Pour le prochain régime, l'approche du gouvernement du Parti québécois sera tout autre. La réforme que nous proposerons, tout en contribuant à supprimer les obstacles qui maintiennent de trop nombreuses personnes dans la dépendance, en se situant dans un ensemble de politiques sociales plus équitable, plus efficace et surtout en suscitant de nouvelles solidarités, s'inscrira dans un projet de société souhaité par un grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens. J'aurais préféré attendre cette réforme pour agir, mais les impératifs posés par le contexte budgétaire de l'exercice financier 1996-1997 ne me le permettent pas. À cela s'ajoute le laxisme du précédent gouvernement, qui nous a laissé un trou, qui nous a légué un trou de 12 000 000 $ en compressions non réalisées.

En outre, le contexte de la nouvelle façon de gérer introduite par notre gouvernement nous incite à poser des gestes dès maintenant. Cette nouvelle approche implique que le ministère de la Sécurité du revenu a dû revoir l'ensemble des ressources dont il dispose et les allouer le mieux possible en fonction des besoins de la population et en considérant le contexte des contraintes budgétaires de l'État. Cette nouvelle approche implique également qu'il faut s'assurer que les services publics soient dispensés au meilleur coût avant de penser réduire les services de base à la population.

La baisse des transferts fédéraux au Québec. La prochaine année financière sera en effet marquée par une accélération dramatique des coupures fédérales dans les paiements de transfert aux provinces. Il est vrai que ce désengagement fédéral a débuté il y a près de 15 ans. Dans son dernier budget, cependant, Ottawa s'est surpassé. Depuis 25 ans déjà, nous étions habitués aux normes du Régime d'assistance publique du Canada, lesquelles constituent autant d'intrusions dans le libre exercice, par le Québec, de ses responsabilités, faut-il le rappeler. Le gouvernement fédéral a choisi de remplacer cet instrument de contrainte par un autre. Le RAPC, le Régime d'assistance publique du Canada et le financement des programmes établis tant pour la santé que pour l'éducation postsecondaire seront en effet remplacés, en 1996-1997, par une nouvelle subvention globale, appelée le Transfert social canadien, en matière de santé et de programmes sociaux.

Le ministre Martin a beau prétendre que les conditions actuelles de ce nouveau programme de transfert auquel sera assujetti ce nouveau programme seront réduites au minimum, la soi-disant flexibilité fédérale n'est qu'un leurre, car cette enveloppe sera amputée, pour le Québec, de 650 000 000 $ en 1996-1997 et de 1 880 000 000 $ en 1997-1998. On enverra toujours, cependant, non seulement les mêmes impôts, mais, comme il y a augmentation des revenus, on enverra plus d'impôts à Ottawa, et ce, sans tenir compte des transferts qui vont se faire par le biais de l'assurance-chômage, où on enverra plus d'argent à Ottawa et il en renverra moins dans les provinces.

Aucune coupure avant le référendum, évidemment, mais nous n'avons rien perdu pour attendre. Le Québec subira 41,7 % des coupures au Régime d'assistance publique du Canada et au financement de la santé et de l'éducation postsecondaire en 1997-1998, alors que le Québec représente à peine 25 % de la population canadienne. L'ampleur de ces coupures est telle que celles-ci grèveront lourdement la capacité du Québec d'agir en le limitant sévèrement dans ses choix et ses priorités. Les intentions fédérales ne font plus aucun doute: le projet de loi C-76, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 1995 – incluant le Transfert social canadien en matière de santé et de programmes sociaux – a reçu la proclamation royale le 7 juillet dernier.

Pour ajouter l'injure à l'insulte, s'il fallait en remettre, le gouvernement fédéral a également annoncé, lors de son dernier budget, de nouvelles coupures à l'assurance-chômage. Encore là, on a laissé passer le référendum, mais nous n'avons rien perdu pour attendre. Vous comprendrez mon inquiétude à attendre le résultat du référendum, le 30 octobre dernier: nous savions ce qui nous attendait.

La réforme de l'assurance-chômage. La réforme annoncée le 1er décembre dernier se caractérise, en effet, par un accès restreint à l'assurance-chômage pour les travailleurs à temps partiel; ceux qui sont des prestataires réitérants, c'est-à-dire qui demandent tous les ans ou tous les deux ans de l'assurance-chômage ou qui ont travaillé une trop courte période; ceux qui ne réussissent pas à trouver un nouvel emploi rapidement; les nouveaux arrivants sur le marché du travail, sans leur donner les moyens de remédier à une situation qu'ils subissent et dont ils ne sont pas les responsables, faut-il le rappeler. En outre, elle aura pour effet d'exacerber le phénomène de déversement de la clientèle de l'assurance-chômage à l'aide de dernier recours, avec toutes les conséquences que cela entraîne aussi bien pour les personnes touchées que pour les finances publiques du Québec.

Comme ces modifications se traduiront par des économies de 1 900 000 000 $, à terme, pour l'assurance-chômage, il est d'ores et déjà acquis qu'elles auront pour effet de drainer à la sécurité du revenu une clientèle additionnelle, et ce, au moment même où le financement fédéral de la sécurité du revenu sera réduit de façon considérable. Selon les évaluations réalisées par le ministère de la Sécurité du revenu, tant les conséquences sur la clientèle que l'augmentation des coûts du régime seront considérables.

Pour l'année 1996-1997, c'est-à-dire l'année débutant le 1er avril, l'impact estimé est de 10 500 ménages touchés pour des frais additionnels de 31 000 000 $. Si ça n'est pas de 81 000 000 $, c'est tout simplement parce que la loi sur l'assurance-chômage n'entrera en vigueur que plus tard, au cours de l'année 1996. En 1997-1998, l'impact estimé, c'est de 26 500 ménages, pour un coût de 111 000 000 $ de plus; et, en 1998-1999, l'impact estimé est 27 500 ménages touchés, pour un coût de 119 000 000 $. En conséquence, l'impact total sur la sécurité du revenu pour ces trois années, c'est 261 000 000 $. Et je me permets d'ajouter que ces estimations sont minimales, parce qu'elles ne tiennent pas compte des effets «désincitatifs» de participer au marché du travail qu'engendre toujours ce type de modification à l'assurance-chômage.

Déjà, le Québec doit payer pour les brèches ouvertes, au cours des dernières années, par le gouvernement fédéral dans son programme d'assurance-chômage. En effet, les rangs des prestataires de la sécurité du revenu sont ainsi gonflés d'au moins 9 000 ménages par année, grevant le budget du Québec d'au moins 70 000 000 $ par année. Ce délestage contrecarre tous nos efforts pour intégrer les prestataires de la sécurité du revenu sur le marché du travail. En définitive, les coupures effectuées par le gouvernement fédéral dans les paiements de transfert aux provinces depuis près de 15 ans et, plus récemment, dans l'assurance-chômage ont sérieusement compromis la viabilité de notre système de sécurité sociale. Il nous faut donc maintenant faire tout ce qui est en notre pouvoir pour en préserver les caractéristiques essentielles.

Les compressions que nous devons donc réaliser. C'est donc dire que nous n'entendons pas couper aveuglément dans nos programmes, ce qui reviendrait à rejeter sur les épaules des plus démunis de notre société l'incurie du gouvernement fédéral. En effet, nous aurions pu choisir, comme l'ont fait d'autres gouvernements, de couper de façon draconienne, pour ne pas dire sauvage, et uniformément dans toutes les prestations de base de l'aide sociale. Ça n'a pas été notre choix. Les propositions que nous soumettons à l'Assemblée nationale ont, bien au contraire, été marquées par une préoccupation d'agir avec discernement et par une volonté farouche de protéger l'essentiel, et les prestations de base, et aussi d'améliorer nos programmes.

(15 h 50)

Le contexte difficile auquel nous sommes confrontés ne doit pas nous empêcher de rechercher une plus grande équité sociale. Ainsi, conformément à l'engagement pris par notre gouvernement à l'occasion de la marche des femmes, «Du pain et des roses», tenue le printemps dernier, le projet de loi n° 115 prévoit l'application de la législation en matière de conditions de travail aux personnes qui exécutent un travail dans le cadre d'une mesure temporaire de soutien à l'emploi ou d'activités communautaires.

Cette disposition va de pair avec une révision des mesures de développement de l'employabilité et d'intégration à l'emploi actuellement en préparation au ministère. Cette disposition et cette révision feront en sorte que tous les prestataires qui exécutent un travail dans le cadre d'une mesure seront salariés et protégés par la législation en matière de conditions de travail. C'est extrêmement important. Ça veut dire que ces personnes non seulement se verront rétribuées au moins au salaire minimum, mais elles pourront contribuer à la Régie des rentes, elles pourront contribuer à la Commission des accidents du travail, à la CSST, donc elles se trouveront couvertes, protégées par les mesures sociales comme tout autre travailleur et en mesure de contribuer à obtenir à la retraite une meilleure protection sociale.

Nous avons également indexé les prestations de soutien financier. C'est dans un souci d'équité pour les prestataires au programme de soutien financier que nous avons choisi d'indexer à 2,3 % les prestations de ces personnes. Cette décision témoigne, à notre sens, de la volonté inébranlable de notre gouvernement, et ce, malgré le contexte actuel, de protéger pleinement le pouvoir d'achat des personnes assistées sociales les plus vulnérables. Cette décision entraînera des coûts additionnels pour l'État, pour 1996-1997, de 19 000 000 $. Nous devons faire le nécessaire pour récupérer ces sommes par d'autres mesures. Nous aurions pu choisir de ne pas indexer. Évidemment, ça nous aurait permis de couper 19 000 000 $ de moins aux autres prestataires, mais nous croyons essentiellement, sincèrement, que ces personnes doivent conserver leur pouvoir d'achat.

Dans un souci d'harmonisation, il est également proposé de permettre aux femmes enceintes qui confient le suivi de leur grossesse à une sage-femme dans le cadre d'un projet-pilote de présenter une attestation de leur grossesse délivrée par des sages-femmes lorsqu'elles seraient autrement assujetties à la contribution parentale ou lorsqu'elles désirent se prévaloir du barème de non-disponibilité du programme APTE. Ces femmes n'auront donc plus à fournir un rapport de médecin. C'est une question d'harmonisation, mais de diminution également des coûts.

La suspension de la charge d'intérêts pour retour aux études. Pour tenir compte de la capacité des débiteurs, ce projet de loi contient une disposition qui autorise le gouvernement à prévoir, par règlement, la suspension de la charge d'intérêts pour la durée des études à temps complet à l'égard des personnes qui ont accumulé une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu et qui ne sont plus prestataires. La fragilité de la solvabilité des étudiants se trouvera ainsi reconnue dans notre législation, à l'instar du régime d'aide financière aux étudiants puisque les prêts accordés en vertu de ce régime, on se le rappellera, ne portent pas intérêts pendant la durée des études.

Autre amélioration: la réduction des sommes remboursées par le prestataire hébergé. Pour tenir compte de la capacité de payer des débiteurs, le projet de loi n° 115 comprend également une disposition qui autorise le gouvernement à prévoir, par règlement, une variation dans les délais et les modalités de recouvrement des sommes recouvrables. Cette modalité vise particulièrement les adultes hébergés ou placés dans une famille d'accueil, lesquels disposent de ressources financières réduites au strict minimum, c'est-à-dire 140 $ par mois, parce que c'est ce qu'on leur laisse une fois qu'ils ont payé leur logement et leur pension. Elle nous permettra de réduire, par règlement, de 56 $ à 22 $ par mois les sommes que nous retiendrons sur leurs prestations. C'est beaucoup plus équitable, beaucoup plus décent et ça respecte au minimum ces personnes qui sont loin de rouler sur l'or, il faut le comprendre.

D'autres améliorations ou modifications au programme APPORT. Il nous faut également faciliter et simplifier la gestion des programmes d'aide de dernier recours et du programme APPORT. Ce projet de loi prévoit quatre dispositions à cet effet. En particulier, il est proposé d'adapter le traitement des demandes de révision, dans les cas de non-disponibilité pour raisons de santé, aux situations qui sont en cause en les faisant entendre par un médecin seulement. Cette disposition aura pour effet d'alléger la procédure, dégageant ainsi des économies non négligeables sur le plan administratif. Toutefois, il faut le rappeler, dans les cas d'une évaluation des contraintes que présente une personne à l'emploi, les demandes de révision continueront d'être entendues par un comité formé de trois personnes, dont au moins un médecin.

En ce qui concerne le programme APPORT, rappelons qu'il permet aux familles à faibles revenus de recevoir une aide financière, de façon à ce que leurs revenus disponibles dépassent toujours, et de façon significative, le montant des prestations de la sécurité du revenu. Les modifications qui y seront apportées sont susceptibles de réduire encore davantage le nombre et l'importance des trop-payés qu'il entraîne et de diminuer également les tracasseries pour les prestataires du programme APPORT.

D'autres modifications, des bonifications: des mesures de contrôle plus efficaces. En plus de protéger les prestataires de base et d'améliorer leur programme et nos programmes, nous devons nous donner des moyens de contrôle rigoureux tout en minimisant les exigences posées aux prestataires. À cet égard, certaines mesures d'ordre administratif ont été mises en place, et, comme elles sont particulièrement performantes, nous allons les poursuivre. Nous voulons cependant faire davantage et mieux. À cette fin, le projet de loi n° 115 contient une disposition générale visant à faciliter les ententes d'échange de renseignements, y compris avec le ministère du Revenu. Je dois dire, entre parenthèses, que nous serons alors le neuvième organisme à prévoir des ententes d'échange de renseignements avec le ministère du Revenu. Cette disposition va dans le sens de certaines mesures annoncées dans le discours du budget 1995-1996 et qui visent, notamment, à ce que les contribuables reprennent confiance dans l'État par une équité retrouvée dans le traitement que leur réserve le régime fiscal. Car le rétablissement de la confiance dans l'État passe également par des vérifications adéquates auprès de la clientèle de la sécurité du revenu, bien qu'il ne s'agisse pas de déployer à leur égard des moyens extraordinaires qu'on n'utiliserait pas à l'endroit des autres groupes de personnes faisant affaire avec l'État. Cette disposition n'aura aucune incidence sur les services dispensés et elle n'exigera aucune implication de la part des prestataires.

En outre, elle est conforme à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. D'ailleurs, le projet de loi prévoit expressément que le gouvernement devra dresser et publier dans la Gazette officielle du Québec , en plus des ministères et organismes identifiés par la loi, la liste des ministères et organismes du gouvernement du Québec ou d'autres gouvernements, des personnes et des entreprises avec lesquels une entente pourra être prise; tout cela sera d'ordre public. Et, naturellement, il va de soi que les ententes qui seront prises en vertu de cet article devront être approuvées par la Commission d'accès à l'information. Toutes les dispositions ont donc été prises pour que les règles habituelles de confidentialité et de sanction, s'il y avait bris de confidentialité, soient scrupuleusement respectées. Et ceux qui auraient été tentés de voir dans cette disposition le spectre de l'État tentaculaire devraient être rassurés.

(16 heures)

Je me permettrai ici une petite digression pour dire à la population que, contrairement à ce qu'a voulu laisser croire l'opposition officielle, le ministère que je dirige a été bien dirigé cette année. En termes de recouvrement, notre performance a été de 19 % supérieure à celle de l'année dernière; nous sommes passés de 74 000 000 $ de recouvrement à 88 000 000 $. Les économies réalisées grâce aux contrôles sont passées de 212 000 000 $ à 214 000 000 $. Les économies réalisées en raison de nouvelles mesures administratives, M. le Président – extrêmement important – 19 000 000 $ pour le précédent gouvernement, 71 000 000 $ sous l'administration actuelle. Voilà ce que nous pouvons appeler une gestion responsable et rigoureuse des fonds publics pour faciliter le recouvrement des sommes dues.

En plus d'une gestion rigoureuse, il nous faut également faciliter le recouvrement des sommes dues sans pénaliser de façon indue les débiteurs. Six modifications sont proposées à la Loi sur la sécurité du revenu à cet égard. Le projet de loi n° 115 introduit notamment une obligation, pour une personne ayant souscrit un engagement d'aider un ressortissant et, le cas échéant, les personnes à charge qui l'accompagnent, de rembourser le montant des prestations accordées à ce ressortissant et à ces personnes à charge. Cette disposition est conforme au Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers – nous n'inventons rien et nous n'imposons rien de neuf – lequel stipule qu'un garant doit souscrire un engagement à rembourser au gouvernement du Québec toute somme que ce dernier accorderait à titre de protection sociale de dernier recours, conformément à la Loi sur la sécurité du revenu, au ressortissant étranger pour lequel il souscrit un engagement et aux personnes à charge qui l'accompagnent.

Toutefois, le recouvrement de ces sommes dues par les garants défaillants doit présentement suivre le processus usuel d'une action en justice pour non-respect d'un engagement contractuel, avec les délais et les coûts – tant pour les garants défaillants que pour le gouvernement – inhérents à cette procédure. Or, la Loi sur la sécurité du revenu prévoit déjà une procédure sommaire et efficace moins coûteuse qui permet de rendre exécutoire comme le jugement d'un tribunal judiciaire par un simple dépôt d'un certificat du ministre déposé au greffe d'un tribunal compétent constatant la dette d'un débiteur tenu à un remboursement. Il est donc proposé d'étendre cette procédure de recouvrement au recouvrement des sommes dues par les garants défaillants, puisqu'il s'agit d'une somme due du recouvrement auprès d'un tiers de prestations versées en vertu de la Loi sur la sécurité du revenu. Les garants touchés sont ceux qui ont accumulé jusqu'à maintenant ou accumuleront une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu parce que celui-ci a versé, pour les parrainés et en leur nom, à leur place, des prestations de dernier recours.

Et, afin de faciliter le recouvrement, le projet de loi n° 115 contient également une disposition qui a pour effet de porter de trois à cinq ans la prescription d'une somme due. Cette disposition se retrouve, faut-il le rappeler, dans la Loi sur l'aide financière aux étudiants. Cette prescription de cinq ans sera mieux adaptée à la situation particulière des personnes ayant accumulé une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu, à l'instar de ce qui se fait dans le régime d'aide financière aux étudiants.

Le transfert à la Régie de l'assurance-maladie. Il nous faut aussi faciliter l'harmonisation avec d'autres politiques. Le projet de loi n° 115 prévoit ainsi le transfert à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de la responsabilité budgétaire des services dentaires, pharmaceutiques et optométriques, ainsi que d'autres services rendus aux prestataires de la sécurité du revenu, car, avec la fin du partage fédéral des coûts de la sécurité du revenu à compter de 1996-1997, la dichotomie entre les responsabilités législative et budgétaire à l'égard de ces services deviendra non seulement inutile, mais également nuisible, dans le contexte de la nouvelle façon de gérer introduite par notre gouvernement. Cette approche implique en effet que chaque ministère doit revoir l'ensemble des ressources dont il dispose et les allouer le mieux possible en fonction des besoins de la population. Cette tâche commande que les responsabilités législative et budgétaire à l'égard d'un service incombent à un seul et même ministère, et c'est ce qui commande cette modification.

Les compressions aux barèmes. Nous voulons faciliter les contrôles. Il faut rappeler que la complexité même de la loi rend difficiles les contrôles tant son interprétation par les prestataires et par les agents est difficile. Faciliter les contrôles, le recouvrement et la gestion, harmoniser avec d'autres politiques, tout cela est nécessaire, mais, malheureusement, ça n'est pas suffisant. Nous devons faire face, je le rappelle, à une aggravation dramatique des coupures fédérales dans le paiement des transferts aux provinces. Entre 1982 et 1995, ces coupures dans les transferts fédéraux ont entraîné pour le Québec un manque à gagner de 14 000 000 000 $. En 1995-1996 seulement, la perte pour le Québec s'élève à 2 100 000 000 $. Si l'on ajoute à l'impact de ces coupures celui des mesures annoncées dans le dernier budget fédéral, l'impact cumulatif s'élèvera à 24 000 000 000 $ à la fin de l'année 1997-1998, dont 3 100 000 000 $ pour 1996-1997 seulement.

Nous avons donc dû prendre des décisions extrêmement difficiles. Il est évident que, pour réaliser des rationalisations représentant 3 % des dépenses prévues, nous ne pouvions épargner complètement les prestataires, ou du moins certains d'entre eux. Chacun des ministères du gouvernement doit faire sa part pour réaliser les engagements du gouvernement en termes de réduction des dépenses et du déficit. Les impératifs liés à la situation des finances publiques nous y contraignent et nous forcent à agir avec le plus de justice sociale.

La réduction des avoirs liquides à l'entrée à l'aide. Le projet de loi n° 115 prévoit ainsi qu'un adulte ou une famille qui possède, sous forme d'avoirs liquides, un montant excédant le montant des besoins de base reconnu par règlement sera inadmissible à la sécurité du revenu. Cette proposition est conforme avec le principe qui veut que la sécurité du revenu, c'est une aide de dernier recours, c'est-à-dire qu'un particulier ou une famille doit avoir épuisé ses ressources ou avoir utilisé les autres formes d'aide – on pense en particulier à la Régie des rentes ou à l'assurance-chômage – avant de faire appel à la sécurité du revenu. Nous devons maintenant appliquer ce principe dans toute sa rigueur, en raison du pelletage du gouvernement fédéral et, faut-il le dire, de l'état des finances publiques laissées par le gouvernement précédent, et particulièrement à ce ministère où, je veux le rappeler, on nous a laissé un trou de 72 000 000 $ de compressions non réalisées en raison de l'approche des élections.

Cela ne veut pas dire pour autant que les prestataires ne pourront accumuler aucune épargne pour faire face aux imprévus de la vie. Ainsi, les personnes et les familles qui bénéficient actuellement de la sécurité du revenu, tout comme celles qui pourront en bénéficier dans le futur si elles sont jugées admissibles, pourront toujours disposer d'un montant d'au moins 1 500 $ dans le cas d'un adulte, d'au moins 2 500 $ dans le cas d'une famille et jusqu'à 5 000 $ pour un ménage à soutien financier, et ce, sans que leurs prestations soient réduites. Je veux être claire à ce sujet et dissiper tout malentendu, car je crains fort que les propos de l'opposition officielle aient pu semer l'inquiétude chez les plus démunis de notre société à ce sujet.

L'abolition du barème «disponible». Afin de faire face au délestage du gouvernement fédéral sur notre dos, ce projet de loi prévoit également la suppression du barème de disponibilité du programme APTE. Ce barème s'applique à l'adulte qui a demandé qu'on lui propose une mesure temporaire de soutien à l'emploi, de formation ou d'activités de service communautaire. Il est supérieur de 50 $ au barème de non-participation. Or, force nous est de constater que 50 % des adultes se disant disponibles et recevant ces 50 $ ne donnent pas suite à leur demande; lorsqu'on leur propose une mesure, ils refusent la mesure et se retrouvent ensuite au barème de non-participant plutôt qu'à celui de participant.

Par ailleurs, il faut rappeler que c'était là un barème extrêmement difficile à gérer, parce que la personne qui passait d'une mesure disait: Non, je ne veux pas participer, revenait au barème de base; deux mois après, elle vous disait: Je suis disponible pour participer, vous lui redonniez son 50 $. Et, qui plus est, la gestion était inégalement administrée à travers le Québec. Certains réseaux prenaient soigneusement le soin de vérifier l'intention réelle de participer, donc distribuaient de façon extrêmement parcimonieuse les 50 $; d'autres CTQ le faisaient de façon systématique. Et, après avoir vérifié que, finalement, 50 % des personnes qui recevaient un barème de participant n'étaient pas autrement intéressées à participer, nous avons convenu, pensé que, dans la circonstance et compte tenu, faut-il le rappeler, des besoins liés aux contraintes budgétaires, c'était là une des mesures les moins pénalisantes.

(16 h 10)

Et peut-être que quelqu'un nous dira qu'on aurait dû ne pas indexer le soutien financier. J'aimerais qu'il se lève et qu'il nous le dise. Ou, si, encore, ils ont de meilleures solutions, j'aimerais qu'ils se lèvent et nous en informent, parce que l'opposition ne peut pas continuer à tenir un discours où elle refuse toute mesure de compression et de rationalisation. Ils refusent toute mesure d'augmentation des taxes et des impôts, ils refusent toutes les mesures de contrôle, puis, en même temps, ils réclament les équilibres budgétaires, puis ils disent: Coupez partout. À un moment donné, il faut qu'il y ait un minimum de rigueur lorsqu'on veut être crédible.

Je voudrais rappeler que les prestataires touchés par la coupure de ce barème de disponibilité, par la disparition du barème de disponibilité ne seront pas laissés à eux-mêmes. À compter de 1996-1997, tous les prestataires non participants qui ont besoin d'un encadrement pour la recherche d'un emploi seront référés au service structuré d'aide à la recherche d'emploi et aide au placement, le programme qu'on appelle AGIR. Mis en oeuvre en avril dernier, ce service a, jusqu'ici, maintenant permis à 22 % des personnes ayant complété cette activité de réintégrer le marché du travail, ce qui confirme la conviction que nous avions que les personnes avaient besoin d'être aidées, soutenues et encadrées, qu'il ne s'agissait pas simplement de procéder à des contrôles bêtes et méchants. En outre, les prestataires touchés par l'abolition du barème de participant pourront compenser, il faut le rappeler, la perte de ce 50 $ de leurs prestations par des montants équivalents de gains de revenus de travail; 50 $ qui seront exclus des coupures de gains de revenus de travail ou ils pourront additionner ça à leurs revenus sans se voir pénaliser.

La réduction de l'allocation de participation. Je tiens à donner l'assurance que ces décisions difficiles, auxquelles s'ajoutent des modifications réglementaires déjà annoncées, telles que la diminution de 150 $ à 120 $ de l'allocation que reçoivent ceux et celles qui participent à une mesure d'employabilité, seront les seuls efforts budgétaires du ministère de la Sécurité du revenu avant les réformes, exception faite des mesures d'ordre administratif. Les prestations de base sont protégées, je voulais le rappeler. Je voulais le rappeler, parce que, dans le fond, à écouter les critiques, il me vient à l'esprit qu'on n'aurait pas été plus objet de critiques si on avait coupé de façon bête et méchante comme l'a fait l'Ontario: 22 % des prestations de base. L'opposition nous traite de la même façon. Pourtant, nous l'avons fait avec sensibilité, avec un goût d'équité et de justice, et nous avons réduit au minimum les compressions qui touchent les prestations elles-mêmes. Et nous avons, faut-il le rappeler – parce qu'on a semé de l'inquiétude, du côté de l'opposition – protégé intégralement les prestations de base, et toutes catégories de prestataires confondues.

Lorsque l'on examine l'ensemble des dispositions de ce projet de loi à la lumière des décisions prises dans certaines autres provinces canadiennes, il est clair que nous avons fait des choix différents, cherché des solutions moins faciles que celle de couper de façon arbitraire et draconienne tous les prestataires. Nous avons voulu protéger l'essentiel, c'est ce que nous avons fait. Nous avons voulu contribuer à soutenir les personnes en difficulté, et je crois sincèrement que nous y sommes parvenus. De fait, et c'est important de le souligner, les prestations de base n'ont pas été touchées. Je répète que j'aurais préféré attendre la réforme de la sécurité du revenu pour agir, mais l'aggravation dramatique des coupures fédérales ne nous en a pas laissé la possibilité. Et ajoutons que le trou de 72 000 000 $ hérité du précédent gouvernement ne m'a pas non plus facilité la tâche.

Néanmoins, les perspectives ouvertes par cette réforme de la sécurité du revenu nous permettent d'entrevoir l'avenir avec optimisme. Tel que je l'ai déjà mentionné, cette réforme sera sous-tendue par des valeurs d'équité, de solidarité et de responsabilité individuelle et collective. La réforme recherchera donc la responsabilisation des individus et des collectivités de même qu'un meilleur soutien aux personnes pour leurs démarches d'intégration à l'emploi et d'intégration sociale, car l'approche actuelle en matière de développement de l'employabilité n'est pas assez adaptée à la diversité des clientèles et pas assez ciblée sur celles qui présentent certaines difficultés d'intégration, tels les familles monoparentales et les jeunes prestataires.

Les jeunes, il faut le dire, il y a là une situation préoccupante. La situation des jeunes de moins de 30 ans présente des caractéristiques qui méritent une attention soutenue. Il y a environ 150 000 jeunes à l'aide de dernier recours. Ces jeunes sont classés au programme APTE dans une proportion de 92 % des cas, ce qui dépasse de loin la proportion moyenne des autres prestataires de plus de 30 ans qui, eux, sont classés aptes dans une proportion de 73 %. C'est un écart de près de 20 %. Enfin, ils représentent le tiers des adultes aptes au travail qui perçoivent une aide de dernier recours, soit 132 124 adultes.

Bien sûr, les jeunes participent davantage aux mesures de développement de l'employabilité. Nous y avons vu. Ils participaient dans une proportion de 30 % quand je suis arrivée au ministère; actuellement, ils participent dans une proportion de 38 %. Ils participent aux mesures de développement de l'employabilité et d'intégration en emploi, et le taux de participation s'établit à 21 % pour ce groupe d'âge, comparativement à 15 % pour leurs aînés.

Les nouvelles interventions du ministère à l'égard de cette clientèle devront prioritairement viser le contingent des quelque 72 000 jeunes qui ne prennent part à aucune activité de développement de l'employabilité. Nous devons les soutenir. La nécessité d'agir est d'autant plus forte que le taux de dépendance des jeunes à l'aide de dernier recours s'est accru, passant de 3,8 % en 1975 à 12,4 % en 1994, pendant que celui des adultes de 30 à 64 ans passait de 7,4 % à 11,1 %, respectivement, au cours de ces années. On constate également que la durée cumulative à l'aide de dernier recours chez ces derniers croît rapidement avec l'âge et s'établit à moins de 2 ans pour 47 % des jeunes de moins de 30 ans, de 2 à 6 ans pour 40 % d'entre eux et à plus de 6 ans pour 13 % d'entre eux.

Permettez-moi de vous donner un bref aperçu des statistiques des jeunes de moins de 30 ans à la sécurité du revenu: 53 % contre 47 % sont des femmes, et l'écart est plus marqué chez les plus jeunes de ce groupe d'âge. Ce sont souvent des jeunes femmes monoparentales. La région de Montréal à elle seule regroupe 60 % de ces jeunes, ce qui se compare à l'ensemble de la clientèle de la sécurité du revenu. Les jeunes familles – il y en a 56 481 – comptent au total 81 178 enfants. Comprenez-vous? Il y a 81 178 enfants qui vivent dans une famille dont le parent a moins de 30 ans et qui vivent d'aide sociale au Québec. De ces 81 178, il y en a 45 568 qui vivent au sein d'une famille monoparentale. La raison d'entrer à l'aide de dernier recours est liée à la perte d'un emploi dans quatre cas sur 10, c'est-à-dire 40 % des cas. Il y a aussi une autre statistique qui est fort inquiétante. Un peu plus de 60 % des jeunes qui viennent à l'aide sociale sont issus de familles qui sont déjà à l'aide sociale. Par ailleurs, autre statistique désolante, la scolarité déclarée chez ces derniers s'élève à 11 années et moins dans une proportion de 67 %, et ça s'accroît avec l'âge.

(16 h 20)

Même si, dans la lutte à la dépendance sociale, la situation des jeunes peut davantage choquer certaines personnes, nous ne devons cependant pas considérer que les jeunes doivent faire l'objet d'exigences supérieures quant aux efforts qu'ils déploient pour recouvrer leur autonomie. Débarquer à la sécurité du revenu, pour utiliser une expression courante chez les prestataires comme dans la population, au moment d'entreprendre sa vie adulte peut avoir des conséquences tragiques, pour ne pas dire dramatiques. Il nous faut mettre tout en oeuvre pour que le séjour d'un jeune à la sécurité du revenu lui fournisse des occasions d'acquérir les outils nécessaires à son autonomie.

Toutefois, il faut nous garder de rendre les jeunes responsables de cette tragédie. L'étude des effets sur l'emploi des récessions économiques et des mutations technologiques vécues depuis 15 ans nous montre que les jeunes sont plutôt les victimes de la rareté des emplois et de leur précarité. Toutefois, certains jeunes n'assument pas leurs responsabilités pour acquérir leur autonomie, mais c'est aussi vrai pour les adultes, ou un certain nombre d'entre eux à tout le moins. La participation à une mesure de développement de l'employabilité peut favoriser l'intégration socioprofessionnelle de certains, mais, pour d'autres, les études d'évaluation nous montrent que cette participation peut avoir pour effet de prolonger leur séjour à la sécurité du revenu. Les responsabilités des prestataires ne doivent pas être fondées sur l'âge, mais plutôt sur leur situation et leurs capacités.

Des droits et des responsabilités. S'il y a un consensus qui émerge quant aux orientations à privilégier pour protéger la solidarité sociale envers les personnes démunies, c'est que nous devons trouver un nouvel équilibre entre les droits des prestataires et leurs responsabilités. L'aide de dernier recours doit couvrir les besoins essentiels reconnus, mais cette aide doit, pour les personnes aptes au travail, s'accompagner de l'exigence qu'elles déploient, elles aussi, les efforts nécessaires pour améliorer leur situation. Ce consensus doit se traduire par des règles non discriminatoires, et, dans cette optique, nous préparons un plan d'action susceptible de répondre aux besoins spécifiques de cette clientèle. J'ai demandé au ministère de développer de nouvelles interventions pour rejoindre davantage de jeunes qui présentent une plus grande vulnérabilité par rapport à la dépendance de l'aide de dernier recours.

Des actions concrètes et dynamiques. Nous sommes conscients qu'une action concertée est nécessaire pour agir sur la situation des jeunes. Des éléments externes à l'aide de dernier recours ont, en effet, un impact certain sur l'arrivée et la dépendance à l'aide, et cette situation exige que des actions soient posées à d'autres niveaux. Il ne s'agit pas de prétendre que la sécurité sociale, la Sécurité du revenu, à elle seule... ce ministère pourrait à lui seul pallier à toutes les carences et à toutes les difficultés qu'éprouvent les prestataires de la sécurité du revenu. Certains éléments sont en cause et qui touchent d'autres ministères. Par exemple, le phénomène du décrochage scolaire est important et son coût se répercute sur les budgets de la sécurité du revenu, qui accueille ces jeunes décrocheurs. Il faut que le ministère de l'Éducation développe des mesures préventives, particulièrement dans les milieux défavorisés. Un manque d'harmonisation entre la sécurité du revenu et le régime des prêts et bourses occasionne aussi un effet sur l'incitation à poursuivre ses études. En raison de l'endettement élevé qui résulte du recours aux prêts et bourses, un individu pourrait être incité à venir à l'aide de dernier recours ou, ce qui est plus perceptible, de refuser de s'engager dans une formation professionnelle parce que cet engagement entraîne le passage de la sécurité du revenu au régime des prêts et bourses. Il faut éviter ce piège où une partie des étudiants, des jeunes, seraient incités à décrocher parce qu'ils recevraient une prestation pour poursuivre des études professionnelles, alors que celui qui n'a pas décroché se verrait obligé d'avoir recours à l'aide financière aux étudiants.

Depuis les 20 dernières années, la structure du marché du travail s'est modifiée, entraînant à la fois une pénurie d'emplois et une précarité des emplois disponibles. Les emplois créés nécessitent des compétences accrues, ce qui rend l'accès difficile pour un large segment des travailleuses et des travailleurs.

Ce contexte influence aussi la valeur accordée au travail. Il devient difficile de quitter la sécurité – relative, faut-il le dire – de l'aide de dernier recours pour occuper un emploi précaire et peu rémunéré. Une partie des individus qui se retrouvent à la sécurité du revenu ont des problèmes de mésadaptation, de toxicomanie quelquefois, ils sont en proie à la détresse psychologique, finissent par se refermer totalement sur eux-mêmes, perdent totalement confiance en eux-mêmes et en la société. Dans certains cas, ils vivent dans un état de dépendance et de détérioration tel qu'il faut leur venir en aide. Elles doivent être, ces personnes, lorsque c'est requis, référées au système de santé et de services sociaux pour régler ces problèmes et, à terme, réussir leur intégration au marché du travail, et peut-être aussi une intégration sociale. Il est absolument impératif de faire en sorte que le séjour des personnes aptes, et notamment des jeunes, à la sécurité du revenu soit une occasion de se former ou d'acquérir des expériences diverses qui leur permettent de s'adapter sur le marché du travail.

L'évaluation des mesures et programmes d'employabilité démontre que leur effet est plus marqué sur les personnes aux prises avec plus de barrières à l'emploi. Or, la clientèle des jeunes à l'aide de dernier recours ne constitue pas un front uniforme où tous les jeunes sont dans la même situation. Certains peuvent s'en sortir d'eux-mêmes, comme l'a démontré notre programme AGIR; d'autres n'auront besoin que d'une intervention légère: préparer un c.v., les aider et les soutenir dans leurs démarches, avoir des entrevues qui leur permettent de retrouver confiance en eux-mêmes. Il faut donc des interventions variées, mieux ciblées et qui prennent en compte certains facteurs tels la scolarité, le taux de dépendance, le parcours des personnes, les raisons d'entrée à l'aide sociale et la situation de l'emploi dans la région.

C'est ce que le ministère s'attarde à élaborer: un plan d'action fait de mesures proactives axées sur les personnes et leurs besoins. Par exemple, nous pensons qu'il est important d'inciter les jeunes mères adolescentes à poursuivre leurs études. Et, pour ça, ça nous demande une action concertée des CLSC, des commissions scolaires et de la sécurité du revenu. Vous savez qu'actuellement il y a une disposition réglementaire qui fait que les jeunes femmes mères d'un enfant de moins de six ans ne sont pas tenues de participer à une mesure, ce qui est bien. Cependant, l'interprétation, dans certains centres de travail, c'était de dire: Elles n'ont pas droit aux mesures. Alors, une jeune mère d'un enfant de deux ans, qui voulait se réinscrire dans un programme de scolarisation, on lui disait: Pourquoi tu fais ça? Tu n'en as pas besoin, le règlement ne t'y oblige pas. Alors, laisser quelqu'un pendant six ans complètement à l'extérieur d'un réseau soit de formation ou d'intégration au travail ou de mesures d'employabilité, c'est handicaper lourdement sa capacité de retrouver la confiance qui lui permet de s'intégrer à nouveau soit au marché du travail ou dans les études, mais, également, ça a un effet sur son enfant quant à la vision qu'il a, lui, de son avenir propre.

On pense également qu'il faudra demander que le jeune qui arrive à la sécurité du revenu fasse la preuve qu'il a recherché activement des alternatives à ce programme. Il ne faut pas que les jeunes – ça n'arrive pas souvent, mais ça arrive – viennent chercher leur premier chèque d'aide sociale comme s'ils venaient chercher leur première paye, comme un dû. Il faut absolument qu'on puisse, avec ces personnes, travailler avec elles à trouver des alternatives, lorsque c'est possible, à l'aide sociale. Concrètement, le jeune serait référé avant d'être admis à la sécurité du revenu à une ressource spécialisée qui explorerait avec lui les possibilités d'intégrer l'emploi ou de retourner aux études.

(16 h 30)

Mais c'est également le service que nous voulons offrir à toutes les personnes qui ne s'inscrivent pas dans des mesures d'employabilité, par le biais du programme AGIR.

En conclusion, la réforme de la sécurité du revenu que nous entreprenons, en plus de modifier les programmes dans le sens que nous venons de décrire, visera également la simplification du régime de sécurité du revenu et, par conséquent, son administration. Est-il besoin de vous rappeler que, s'il y a deux grandes catégories – APTE et Soutien financier – il y a une douzaine de définitions de la famille, il y a 112 barèmes et il y a 355 combinaisons possibles. Nul besoin de s'interroger longtemps pour comprendre les raisons qui expliquent les coûts absolument faramineux du développement, ce qu'on appelle la refonte du système informatique, qui, quand on aura terminé, quelque part en juin prochain, aura coûté à l'État québécois 138 000 000 $, pour gérer une loi d'une complexité sans nom, pour laquelle loi les contrôles sont difficiles parce qu'il y a peu d'agents qui ont réussi à bien maîtriser l'ensemble des barèmes. Alors, il est clair que, dans une révision, une réforme en profondeur de la Loi sur la sécurité du revenu, le premier critère, c'est la simplification.

On a l'impression, quand on lit cette loi, que... Vous savez, il y en a plusieurs qui prétendent qu'il y en a qui ont intérêt à complexifier les choses. Chaque fois que je la lis ou que je regarde les règlements, je me dis: Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, hein? Alors, la loi 37, là, comme monstre de complexité, on n'aura jamais fait mieux au Québec. Vous savez comment on appelle – je pense que ça vaut la peine de le dire – le Manuel d'interprétation des normes, qui est épais comme ça? On l'appelle le MIN. Alors, ça mine la confiance, ça mine le moral également. Et, chaque fois que j'ai l'occasion, et j'essaie d'y aller le plus souvent possible – je vais y retourner après les Fêtes – de descendre dans un centre Travail-Québec, pour l'essentiel, ce que me demandent les agents, c'est : Simplifiez le régime et, je vous en prie, essayez de spécialiser nos tâches. La fusion des tâches a rendu difficile l'administration du régime.

Alors, la réforme de la sécurité du revenu. Nous avons confié à un comité coprésidé par MM. Pierre Fortin et Camil Bouchard le mandat de faire des propositions au gouvernement. Le rapport sera déposé à la fin février, mais le mandat que nous leur avons confié, c'est de réduire, de simplifier le régime de la sécurité du revenu et, par conséquent, son administration. La complexité du régime actuel, qui se traduit par un nombre incalculable de barèmes, constitue l'un de ses principaux irritants.

Un autre objectif sera la cohérence et l'harmonisation de toutes les formes de soutien du revenu entre elles et avec le régime d'imposition, car il est essentiel de préserver l'incitation au travail, de garantir la cohérence des différentes formes de soutien du revenu aux personnes et aux familles. J'ai également demandé au comité qu'il travaille à imaginer des moyens de contrôler le travail au noir. La réforme cherchera également un juste équilibre entre les responsabilités respectives de l'État, des individus et de la société en général, établissant ainsi ce qu'on appelle un contrat fondé sur la solidarité sociale, car – il faut le dire et le répéter – autant l'État a des devoirs et des responsabilités à l'endroit des personnes les plus fragiles dans la société, autant, en contrepartie, les personnes ont également des devoirs et des responsabilités à l'endroit de toute la société, et c'est dans une perspective de solidarité sociale, de responsabilité, de responsabilisation des communautés locales et des individus que nous allons entreprendre cette réforme.

Nous l'avons noté plus haut, une lutte plus efficace à la dépendance sociale, à la pauvreté, au travail au noir est au coeur de cette réforme. Il est inacceptable que plus de 11 % de la population québécoise doive faire appel à l'aide de dernier recours. Ce chiffre est encore plus élevé que lors du précédent record établi en 1985, ce qui met en lumière, il faut bien le dire, la faillite de la Loi sur la sécurité du revenu et du régime qui en découle.

Enfin, l'équité entre les contribuables et les personnes à l'aide de dernier recours sera une préoccupation de tous les instants. Cet ensemble d'objectifs devrait non seulement mieux servir nos concitoyennes et nos concitoyens, mais aussi contribuer à l'équilibre des finances publiques par une lutte à l'exclusion sociale. Il faut donc voir le projet de loi n° 115 pour ce qu'il est, c'est-à-dire un ensemble de mesures transitoires destinées à préserver les mailles de notre ultime filet de sécurité, avant que celles-ci ne puissent être resserrées. J'ai confiance qu'au terme de cet exercice de réforme, nous disposerons enfin d'un régime de sécurité du revenu à la hauteur des valeurs de solidarité, de justice et d'équité qui caractérisent la société québécoise. D'ici là, M. le Président, je recommande l'adoption du projet de loi n° 115. Je vous remercie.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre de la Sécurité du revenu. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu, tout en vous rappelant, Mme la députée, que vous avez un droit de parole maximal de 60 minutes. À vous la parole.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais peut-être préciser, M. le Président, que, durant son intervention, la ministre de la Sécurité du revenu a longuement blâmé soit le gouvernement fédéral, la réforme de l'assurance-emploi ou, il va de soi, l'ancien gouvernement libéral de tous ses malheurs. Alors, permettez-moi peut-être de lui citer un éditorial qui a paru dans un quotidien de Montréal, et la ministre, peut-être, pourrait y réfléchir. Alors, ça se lisait comme suit: «Face aux problèmes que rencontrent tous les gouvernements dans leur lutte contre le déficit, il y a deux façons de se comporter. La première consiste à se taire et à agir. C'est ce qu'ont fait le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, l'Alberta et la Saskatchewan qui, malgré les coupures d'Ottawa, ont présenté des budgets équilibrés. Il y a l'autre attitude, qui consiste à se plaindre et à trouver des coupables pour justifier son incapacité de faire son propre travail.» Peut-être que la ministre pourrait y réfléchir, M. le Président.

Nous sommes, M. le Président, rendus à l'accord de principe, malheureusement rendus à l'accord de principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. Les notes explicatives du projet de loi n° 115 nous indiquent que les modifications contenues au projet de loi prévoient l'application de la législation en matière de conditions de travail aux personnes qui exécutent un travail dans le cadre d'une mesure temporaire de soutien à l'emploi ou d'activités communautaires dans les programmes Soutien financier et Actions positives pour le travail et l'emploi. Le projet de loi prévoit également qu'un adulte ou une famille possédant un certain montant à titre d'avoirs liquides seront inadmissibles à la sécurité du revenu et prévoit l'abolition du barème de disponibilité du programme Actions positives pour le travail et l'emploi.

M. le Président, le projet de loi n° 115 modifie le programme Aide aux parents pour leurs revenus de travail – ça, c'est le programme APPORT. Il modifie le mode d'audition de la demande de révision dans les cas de non-disponibilité pour raisons de santé. De plus, le projet de loi n° 115 contient des dispositions législatives relatives au délai de prescription et aux frais afférents au recouvrement du montant de prestations de dernier recours. Il contient également une disposition permettant au ministre de conclure, selon les modalités prévues, des ententes en vue de recueillir ou de communiquer des renseignements nominatifs. Finalement, M. le Président, ce projet de loi prévoit le transfert à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de la responsabilité budgétaire des services dentaires, pharmaceutiques, optométriques et d'autres services rendus aux prestataires de la sécurité du revenu.

M. le Président, les personnes non avisées ou celles qui ne connaissent pas à fond la loi et les règlements de la sécurité du revenu n'ont pas la moindre idée de l'ampleur des conséquences néfastes qu'auront ces modifications dans la vie de tous les jours des plus démunis de notre société, les prestataires de la sécurité du revenu, d'où l'importance, M. le Président, de bien faire comprendre, de façon claire et précise, à tous les membres de cette Assemblée, à toute la population du Québec, les implications et les conséquences qui découleront de l'application de ces modifications législatives et qui affecteront plus de 800 000 personnes au Québec.

De plus, M. le Président, le projet de loi n° 115, présenté par la ministre de la Sécurité du revenu et de la Condition féminine, est à l'opposé de la mission principale et fondamentale de son ministère, qui est de lutter contre la pauvreté et de favoriser l'intégration en emploi de sa clientèle.

(16 h 40)

Ce projet de loi, improvisé en toute vapeur par la ministre de la Sécurité du revenu seulement quelques mois avant le dépôt du rapport du sociologue, M. Camil Bouchard, et de l'économiste Pierre Fortin, rapport visant à réformer en profondeur le système de l'aide sociale, ne tient pas compte des préoccupations réelles que vivent les plus démunis de notre société et va carrément à l'encontre de l'objectif d'inciter les prestataires à développer leur employabilité pour pouvoir, un jour, retourner sur le marché du travail. Malgré que le projet de loi modifiera de façon majeure la Loi sur la sécurité du revenu et affectera de façon considérable le mode de vie de sa clientèle, la ministre de la Sécurité du revenu refuse catégoriquement d'entendre les groupes qui seraient intéressés à intervenir sur ce projet de loi.

Permettez-moi de rappeler aux membres de cette Assemblée, M. le Président, qu'en décembre 1994 la ministre de la Sécurité du revenu annonçait la création de la Conférence permanente sur la sécurité du revenu, Conférence regroupant des organismes sociaux et communautaires oeuvrant auprès des plus démunis de notre société et dont les travaux devaient permettre, justement, de trouver des solutions quant aux outils à développer pour mieux lutter contre la pauvreté et, surtout, d'échanger avec les organismes du milieu sur les différentes problématiques vécues par les prestataires et, évidemment, trouver des solutions possibles. La semaine dernière, tous les groupes communautaires et sociaux ont claqué la porte de la Conférence, reprochant à la ministre de la Sécurité du revenu de ne pas les écouter. Ces belles promesses, ces beaux principes énoncés par la ministre de la Sécurité du revenu à son arrivée au pouvoir ne concordent malheureusement pas avec la réalité. Les décisions de la ministre vont justement dans le sens contraire.

Si la ministre était convaincue que les prestataires de la sécurité du revenu doivent être traités avec respect et dignité en raison de leur statut d'exclus de la société, comme elle le dit si bien, pourquoi refuse-t-elle de les entendre et pourquoi les exclut-elle au moment précis où ils ont le plus besoin d'être écoutés? Je réitère donc à nouveau ma demande à la ministre de la Sécurité du revenu d'accepter de faire une consultation générale dans le cadre de l'étude de son projet de loi n° 115, la Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu. J'ai donc l'intention d'utiliser avec mes collègues tous les moyens parlementaires mis à la disposition de l'opposition officielle pour combattre avec vigueur l'adoption du projet de loi n° 115, et ce, afin d'éviter aux plus démunis de notre société, et plus particulièrement aux familles monoparentales, qui sont les plus pauvres parmi les démunis de notre société, de s'enfoncer davantage dans le cercle vicieux de la pauvreté. Les modifications contenues dans ce projet de loi auront des conséquences catastrophiques pour ceux et celles qui vivent déjà sous le seuil de la pauvreté.

M. le Président, regardons maintenant de plus près les principaux articles contenus au projet de loi n° 115, cette loi qui modifie la Loi sur la sécurité du revenu. Tout d'abord, l'article 1. L'article 1 du projet de loi n° 115 comporte deux volets. Il vise premièrement à rendre inadmissibles à la sécurité du revenu les étudiants inscrits à temps plein dans un programme de formation professionnelle au niveau secondaire, puisque ces étudiants ont maintenant accès, depuis juin 1994, au programme de prêts et bourses du ministère de l'Éducation. Le ministre de l'Éducation de l'époque, dans la foulée de la réforme de la formation professionnelle au secondaire et de la démarche d'harmonisation de la formation professionnelle du secondaire et de la formation technique au niveau collégial, avait mis en place un régime de prêts et bourses destiné à faciliter l'accès des jeunes inscrits à la formation professionnelle du secondaire. Cette ouverture faisait suite à de nombreuses demandes d'intervenants du milieu qui estimaient que les élèves du secondaire devaient bénéficier d'un soutien financier similaire à celui offert aux étudiants du même âge au niveau collégial, et ce, afin d'empêcher que les jeunes choisissent d'interrompre leurs études faute d'argent et se dirigent vers le marché du travail sans qualifications professionnelles.

Le ministre des Finances de l'époque avait conclu une entente avec le gouvernement fédéral pour éviter les problèmes d'harmonisation avec les mesures d'employabilité du ministère de la Sécurité du revenu, notamment en ce qui concerne le programme Rattrapage scolaire. Sans cette entente, les prestataires de la sécurité du revenu inscrits au programme Rattrapage scolaire n'auraient plus eu l'accès à la formation professionnelle. Il était donc primordial d'exclure les prestataires de la sécurité du revenu de l'obligation de s'inscrire au régime de prêts et bourses afin de ne pas accentuer le taux de décrochage scolaire déjà très élevé, plus particulièrement chez les jeunes issus des milieux plus défavorisés.

J'ose espérer, M. le Président, que la modification contenue à l'article 1 ne vise pas à rendre inadmissibles les prestataires de la sécurité du revenu inscrits en formation professionnelle dans la mesure Rattrapage scolaire. Si tel est le cas, je ne peux accepter que plus de 120 000 jeunes âgés de moins de 30 ans qui se trouvent présentement à l'aide de dernier recours n'aient plus la possibilité, dans le cadre de cette mesure de Rattrapage scolaire, d'accéder à de la formation professionnelle.

M. le Président, deuxièmement, l'article 1 vise à abolir les avoirs liquides pour le premier mois de la demande à l'aide de dernier recours. Actuellement, toute personne qui fait une demande d'aide sociale peut avoir dans son compte de banque une somme de 1 500 $ pour une personne seule, de 2 500 $ pour une famille au programme APTE; de 2 500 $ pour une personne seule et 5 000 $ pour une famille, au programme Soutien financier, et ce, sans que l'admissibilité à l'aide soit affectée ou que la prestation ne soit diminuée. L'adoption de l'article 1 obligera donc les personnes à se présenter à la sécurité du revenu sans un sou en poche, sinon soit qu'elles seront refusées, soit que leur prestation sera réduite, dollar pour dollar, du montant équivalant à leurs économies.

M. le Président, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi la ministre, elle qui se dit, et qui nous répète qu'elle se dit, pleine de compassion et de sensibilité envers les plus démunis de notre société, n'a pas laissé spécifiquement aux familles monoparentales un petit montant afin qu'elles puissent parer aux imprévus de la vie quotidienne. M. le Président, si c'est ça, la compassion, il faut se poser de graves questions. La justification de la ministre à cette coupure est étonnante et manque complètement de réalisme. Même si cette mesure s'applique uniquement pour le mois de la demande et qu'une fois admis ils auront la possibilité d'avoir des économies, comment, M. le Président, pouvez-vous, avec des revenus de 500 $ ou de 700 $ par mois, réussir à mettre des sous de côté pour pouvoir parer aux imprévus de la vie? C'est irréalisable. De plus, comment ces personnes pourraient-elles faire de la recherche d'emploi active avec même pas un sou en poche? Je suis convaincue, M. le Président, que cette mesure incitera les futurs prestataires à frauder la loi, en cachant leur argent ou en le dépensant, afin de se rendre admissibles au régime de la sécurité du revenu, et ce, M. le Président, pour protéger leurs enfants, pour protéger leur famille.

Je suis persuadée que la ministre sera incapable d'atteindre l'objectif qu'elle s'est fixé, soit 30 000 000 $ d'économie, en appliquant cette mesure. Cette mesure, M. le Président, ne fera que semer davantage d'inquiétude et d'insécurité chez les plus démunis de notre société.

M. le Président, les articles 4 et 7 abolissent le barème de disponibilité. Rappelons que le barème de disponibilité est versé aux personnes qui manifestent formellement leur intention de participer à une mesure d'aide ou de préparation à l'emploi, mais que cette mesure ne peut leur être offerte immédiatement, faute de place. Au nom de l'équité, on accordait à ces personnes le barème de disponibilité en compensation du fait que le ministère ne peut combler toutes les attentes de sa clientèle au niveau des mesures d'employabilité. Présentement, M. le Président, on compte tout près de 50 000 aptes au travail et disponibles qui attendent et qui souhaitent que la ministre leur offre une mesure d'intégration en emploi. En abolissant ce barème, la ministre pénalise non seulement les prestataires qui ont de la motivation, mais ne les reconnaît plus. Du même souffle, la ministre a annoncé qu'elle coupera, par voie réglementaire, 30 $ sur le barème attribué à ceux qui participent aux mesures de développement et d'intégration à l'emploi.

M. le Président, ce que je trouve inacceptable, c'est que la ministre de la Sécurité du revenu a choisi de pénaliser spécifiquement ceux et celles qui veulent s'en sortir et qui font les efforts nécessaires pour pouvoir retourner sur le marché du travail. En coupant dans le barème de participation et en abolissant le barème de disponibilité, la ministre de la Sécurité du revenu n'a malheureusement pas compris que la dignité de la personne humaine se retrouve dans la productivité et la valorisation du travail accompli et non pas dans des campagnes de publicité futiles d'un demi-million de dollars. Et, ça, M. le Président, au nom des bénéficiaires de l'aide sociale, je le regrette sincèrement.

(16 h 50)

De plus, M. le Président, la ministre ne semble pas consciente que ces modifications occasionneront des pertes de revenus catastrophiques pour les familles. Les familles qui participent à une mesure d'aide à l'emploi verront, à partir du 1er avril 1996, leur chèque coupé de 30 $. À la fin de leur participation, elles seront confinées au barème de non-participants, le barème le plus bas. Ces deux coupures occasionneront, en bout de piste, une perte de revenus nette variant entre 150 $ pour une famille monoparentale avec enfants et 225 $ pour un couple avec enfants.

Les articles 2 et 8, M. le Président, permettront d'assujettir certaines mesures d'employabilité, spécifiquement le programme EXTRA, aux normes minimales de travail. Cette modification donne suite aux promesses faites aux femmes lors de la marche contre la pauvreté, «Du pain et des roses». Cette modification est reçue très favorablement par de nombreux groupes de femmes et par les groupes sociaux et communautaires oeuvrant auprès des plus démunis. Toutefois, M. le Président, il faut se poser la question: Comment la ministre peut-elle, d'une part, couper dans le barème de participation et abolir le barème de disponibilité et, d'autre part, avoir les moyens financiers d'offrir le salaire minimum à ceux et celles qui participeront à la mesure EXTRA? On peut présumer ici que l'application des normes minimales de travail à la mesure EXTRA occasionnera des coûts additionnels au ministère de la Sécurité du revenu. Alors, on peut se demander: Où la ministre trouvera-t-elle l'argent? Va-t-elle appliquer les nouvelles coupures dans d'autres programmes de son ministère? C'est à voir.

M. le Président, le concept d'accorder le salaire minimum à ceux qui participent à la mesure EXTRA peut être intéressant, mais je ne peux m'empêcher de souligner l'iniquité que ce concept engendrera entre ceux qui auront la chance d'obtenir une place au programme EXTRA et les autres qui n'y auront pas accès. La ministre, d'une main, pénalise plus de 100 000 personnes participantes et disponibles à participer en leur coupant leur chèque et, de l'autre main, elle favorise les quelque 15 000 personnes qui auront la chance d'être admises à ce programme. M. le Président, j'espère que la ministre de la Sécurité du revenu nous fera rapport, en commission parlementaire, des coûts exacts de cette mesure et nous fera connaître les normes d'application qui en découlent.

L'article 15 prévu au projet de loi n° 115 accordera à la ministre le pouvoir de faire des échanges de renseignements nominatifs avec différents ministères, tant au niveau provincial que fédéral, avec différents organismes, entreprises et personnes. Ce projet de loi prévoit également le couplage de fichiers entre différents ministères, notamment le ministère du Revenu. Ce précédent de divulguer les renseignements personnels de la clientèle de la sécurité du revenu au ministère du Revenu va à l'encontre du respect de la confidentialité des renseignements personnels. L'article 15 réduira, encore une fois, les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information, notamment en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. L'application de cet article a des conséquences inquiétantes qui ne concernent pas seulement les prestataires de la sécurité du revenu, mais également toute la population du Québec.

Permettez-moi, M. le Président, de rappeler l'importance du mandat de la Commission d'accès à l'information et de rappeler que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels a été adoptée à l'unanimité en 1982. Cette loi est prépondérante, c'est-à-dire qu'elle surpasse toute les lois, puisqu'elle vient immédiatement après la Charte des droits et libertés de la personne. Cette loi, M. le Président, donne au Québec un caractère unique, puisque, d'après mes informations, nous sommes le seul endroit en Amérique du Nord où on assure la protection des renseignements personnels de nos citoyens, qu'ils soient détenus par le secteur public ou par le secteur privé.

Vu l'importance de l'impact de cet article, j'ai demandé à la ministre de la Sécurité du revenu, à plusieurs reprises, de déposer l'avis de la Commission d'accès à l'information concernant cette modification. La ministre a toujours refusé, sous prétexte qu'elle avait uniquement un préavis et qu'elle le déposerait en cette Chambre aussitôt que le projet de loi serait déposé. Nous l'attendons toujours. Je puis vous assurer que cette modification législative fera l'objet d'une étude très sérieuse lors de l'étude article par article du projet de loi n° 115 en commission parlementaire. De plus, il serait intéressant d'entendre, lors de la commission parlementaire, le Protecteur du citoyen à cet égard.

M. le Président, gérer la sécurité du revenu, c'est, en quelque sorte, composer quotidiennement avec la pauvreté. La ministre responsable doit faire preuve de compassion envers les milliers de personnes qui sont contraintes de frapper à sa porte et témoigner un peu de générosité. Toutefois, en même temps, il faut gérer avec beaucoup de rigueur parce que le moindre laxisme entraîne fatalement le dérapage des coûts et crée, à l'égard des milliers de travailleurs et contribuables québécois et des milliers de prestataires, une profonde iniquité. Le traitement équitable et respectueux des personnes qui ont besoin d'aide doit être effectué de pair avec la rigueur de la gestion parce que tout relâchement entraîne soit une détérioration du service à la clientèle de la sécurité du revenu ou un emballement des dépenses du régime, comme on le connaît présentement.

M. le Président, je suis convaincue que ce projet de loi très sévère à l'égard des plus démunis de notre société est le résultat d'une série de mauvaises décisions prises par la ministre de la Sécurité du revenu, découlant directement de l'inaction dont elle a fait preuve depuis plus d'un an en raison de ses priorités et obsessions référendaires. Et ça, M. le Président, avec le ministère de la Sécurité du revenu, avec la clientèle que ça représente, c'est inacceptable.

M. le Président, dès son arrivée au pouvoir, la ministre a mis fin à certaines mesures de contrôle fort efficaces qui consistaient à demander à certains bénéficiaires de se déplacer pour venir réclamer leur chèque mensuel. Cette opération de remise de chèque main à main permettait d'économiser tout en réduisant la fraude et les abus et permettait, pour le moins, d'empêcher d'appliquer des coupures aussi drastiques envers les bénéficiaires qui étaient vraiment dans le besoin. La ministre de la Sécurité du revenu a aboli cette opération malgré les rapports officiels de vérification de son ministère qui démontrent clairement qu'il y a environ 300 000 000 $ par année qui sont versés en trop et sans droit aux prestataires de la sécurité du revenu, soit 8 % de l'ensemble des montants versés en prestations, M. le Président. En prenant ce genre de décision à saveur uniquement politique, la ministre a été loin de protéger sa clientèle: elle lui a nui.

De plus, M. le Président, la ministre était parfaitement au courant de l'ampleur des comptes à recevoir du ministère de la Sécurité du revenu, qui dépassent aujourd'hui 355 000 000 $. Rappelons que, devant l'ampleur des comptes à recevoir du ministère de la Sécurité du revenu, l'ancien gouvernement, confronté également à des compressions budgétaires, avait préféré mettre tous les efforts pour récupérer ces sommes versées en trop et sans droit plutôt que de pénaliser sa clientèle par des coupures trop drastiques. En effet, M. le Président, nous avions mis sur pied un projet-pilote qui visait à donner la responsabilité du recouvrement de certaines créances dites radiées, c'est-à-dire des créances que le ministère a peu de chances de récupérer, et nous avons demandé, par un projet-pilote, à l'entreprise privée de s'en occuper. Malgré les résultats fort éloquents de ce projet-pilote, la ministre a décidé, pour des raisons incompréhensibles, de mettre fin sans hésitation à ce projet au lieu de prendre la décision de l'étendre aux autres créances beaucoup moins difficiles à récupérer. D'ailleurs, M. le Président, le Vérificateur général du Québec, dans son rapport 1994-1995 déposé la semaine dernière, soulève que la structure du ministère fait en sorte que les efforts de recouvrement sont plutôt dispersés. Il ajoute que la dispersion des activités augmente le nombre d'intermédiaires et accentue, de ce fait, la lourdeur du processus du recouvrement.

Le rapport fait référence également au projet-pilote que nous avons mis sur pied en mars 1994, et, M. le Président, permettez-moi d'informer cette Chambre des points que fait ressortir le Vérificateur général du Québec au sujet de ce projet-pilote, et je cite le Vérificateur général du Québec: «En 1994, dans le cadre d'un projet-pilote, le ministère a confié à une agence privée le recouvrement de 13 500 000 $ de créances radiées depuis plus de deux ans. L'agence a recouvré près de 10 % du montant total de ces créances en six mois d'efforts et elle a obtenu un encaissement moyen de 555 $. Le ministère de la Sécurité du revenu, pour sa part, ne récupère en 12 mois que 5 % des créances de plus d'un an. L'agence n'a réclamé que 0,20 $ par dollar encaissé, tandis que le coût moyen de recouvrement assumé par le ministère de la Sécurité du revenu pour l'ensemble de ses créances est supérieur à ce montant. Ces résultats démontrent, malgré un contexte difficile pour effectuer du recouvrement au ministère, qu'il est possible d'augmenter l'efficacité des activités.» Ça, c'est le Vérificateur général du Québec qui parle, M. le Président. Ce projet-pilote était novateur et faisait preuve d'imagination. Il aurait pu contribuer, malgré l'état des finances publiques, à appliquer des coupures moins sévères envers les personnes les plus démunies de notre société, soit les prestataires de l'aide sociale.

(17 heures)

La ministre déclarait, en fin de semaine, qu'au terme de l'année financière en cours, le ministère aurait récupéré 88 000 000 $, soit 14 000 000 $ de plus qu'en 1994-1995. Ce que la ministre omet de dire, c'est qu'elle récolte, en 1995-1996, les mesures et les résultats de nos mesures qui avaient été mises en place par l'ancien gouvernement. De plus, la ministre a accepté sans broncher, sans réagir et sans contester l'imposition d'une enveloppe budgétaire fermée sans aucune latitude au niveau des programmes de développement de l'employabilité et de l'intégration en emploi. Respecter les prestataires de la sécurité du revenu, c'est déployer tous les efforts possibles inimaginables en faveur de l'incitation au travail en mettant à leur disposition tous les outils nécessaires qui contribueront au développement de leur employabilité et de leur intégration en emploi.

M. le Président, des études du ministère ont démontré clairement qu'un bon nombre de prestataires de la sécurité du revenu sont retournés sur le marché du travail grâce à ces mesures d'aide à l'emploi. Des évaluations objectives démontrent que les personnes qui prennent part à ces programmes de formation et d'aide à l'emploi quittent beaucoup plus rapidement la sécurité du revenu que celles qui ne participent pas à ces programmes. En se laissant imposer par le Conseil du trésor une enveloppe budgétaire fermée dans les programmes de développement de l'emploi et d'intégration en emploi, la ministre n'a pas défendu les objectifs visés par son ministère et n'a surtout pas défendu les intérêts de sa clientèle. Elle n'a pas non plus analysé en toute vigilance les conséquences et les impacts d'une enveloppe budgétaire fermée dans ses programmes, puisqu'elle a dû, dans les mois qui ont suivi cette décision, appliquer des coupures dans les budgets de programmes d'intégration en emploi, notamment dans le programme PAIE régulier et dans PAIE-corporations intermédiaires de travail. Le budget est parti de 101 000 000 $ à 88 000 000 $, et ce, malgré un taux d'intégration en emploi, il faut le dire, fort éloquent, variant de 45 % à 70 %.

Ces mauvaises décisions ont contribué directement aux coupures sévères et inhumaines prévues au projet de loi n° 115. Si la ministre avait fait preuve de plus de rigueur dans la gestion des fonds publics, si elle avait fait preuve de moins de laxisme, le déficit qu'elle connaît présentement aurait été moins grand et les compressions nécessaires seraient moins importantes, et, M. le Président, les plus démunis de notre société n'auraient pas à payer la facture aujourd'hui.

En terminant, j'aimerais préciser en cette Chambre que tous les membres de l'opposition officielle sont en faveur de l'assainissement des finances publiques du Québec afin de pouvoir conserver pour l'avenir – ici je pense aux jeunes – les services qui sont offerts présentement à l'ensemble de la population du Québec. Mais ce que je déplore et que je n'accepte pas, c'est qu'on le fasse sur le dos des plus démunis de notre société, alors que ce gouvernement a gaspillé des sommes fabuleuses pour promouvoir, au cours de la dernière année, son option séparatiste. Comment accepter que les plus démunis de notre société aient des pertes de revenus variant de 150 $ à 225 $ par mois, alors que ce gouvernement a dilapidé plus de 82 000 000 $ dans le processus préréférendaire, sans compter 50 000 000 $ pour le référendum? Ça, c'est inacceptable, c'est inhumain, et de faire leurs premières victimes, après le 30 octobre, des personnes les plus démunies de notre société, les personnes de l'aide sociale... Je n'accepterai jamais que les plus démunis soient les premières victimes à payer pour les mauvaises décisions, pour les obsessions référendaires, pour la mauvaise gestion et pour le laxisme. Et je ne peux que dénoncer le manque de compassion dont fait preuve le gouvernement du Parti québécois envers les plus démunis de notre société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Vimont et délégué régional de Laval. M. le député.


M. David Cliche

M. Cliche: M. le Président, je vous remercie. J'ai écouté avec beaucoup d'attention la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne qui, je dois l'avouer, avec beaucoup d'élégance, a fait état de la position officielle de notre opposition sur ce projet de loi. Là s'arrête notre convergence, parce qu'elle soulève des points fondamentaux que j'aimerais relever.

D'abord, je suis énormément surpris et à la fois heureux d'apprendre que les membres de cette Chambre, de l'opposition, sont derrière... et favorables à un assainissement des finances publiques. J'en conviens, je suis heureux d'entendre une telle déclaration. Il eût été cependant de beaucoup préférable qu'ils aient une telle attitude lorsqu'ils étaient le gouvernement du Québec. Ils nous ont laissé – ceci a été dit et redit et redit, mais je tiens à le souligner – les finances publiques du Québec dans un état essentiellement lamentable, avec un déficit qui frisait le 6 000 000 000 $, que nous avons décidé de ramener le plus rapidement possible vers un équilibre budgétaire des dépenses courantes. Et nous nous sommes fixé un objectif très ambitieux, j'en conviens, et qui nécessitait des mesures qui sont basées sur la compassion. Mais nous n'avons pas seulement de la compassion pour les gens qui sont démunis dans la société, nous démontrons également énormément de compassion pour les payeurs de taxes et ceux qui, à la sueur de leur front, paient chaque semaine, chaque jour des taxes et des impôts afin de financer nos opérations et de financer les affaires publiques du Québec.

Donc, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne devrait savoir que nous avons de la compassion pour les démunis, mais que nous avons également de la compassion pour les payeurs de taxes du Québec. Et toute notre politique de saine gestion des finances publiques est basée sur deux principes fondamentaux: le premier principe, c'est un principe d'équité, et un principe de transparence. Principe d'équité, parce qu'il est faux de prétendre, contrairement à l'opposition, que nous avons consciemment et sciemment ciblé les démunis. Au contraire, c'est pour permettre aux gens qui sont tombés dans la poche de pauvreté... c'est pour permettre de donner au Québec et à son administration des choix qui vont permettre de relancer l'emploi et l'économie du Québec que nous avons dû prendre des décisions et que nous continuerons à prendre des décisions inhérentes à une saine gestion.

Cette perspective d'équité nous a amenés également à travailler sur l'amélioration de la perception des revenus. L'ancienne administration gouvernementale avait, de façon honteuse, diminué tout le suivi auprès de ceux et celles qui doivent verser leur dû à l'administration publique ou au ministère du Revenu du Québec. C'est ainsi que nous avons immédiatement relancé les mesures nécessaires à la saine perception des impôts et des revenus. Nous avons réengagé des vérificateurs, des gens qui travaillent à la perception, des percepteurs, et c'est ainsi que nous avons pu augmenter nos revenus dans la dernière année. Nous avons également fait et nous continuons de faire une lutte sans merci à la contrebande. Et je signale que, à titre d'adjoint parlementaire du premier ministre aux affaires autochtones, j'ai eu le devoir et le plaisir de mettre la main à la pâte dans cette lutte à la contrebande qui, malheureusement, quelquefois transitait par les terres, les réserves autochtones du Québec. Et je l'ai fait également avec la collaboration assidue et quasi exemplaire de notre si bon ministre de la Sécurité publique.

Donc, c'est sur une base d'équité et de transparence que nous nous attaquons aux problèmes de gestion. L'ancien gouvernement, en plus de se traîner les pieds, avait, au contraire, lancé une véritable politique de dénigrement face, justement, aux plus démunis de sa société. Nous nous souvenons des funestes opérations de boubous macoutes, qui avaient été lancées à grand renfort de publicité par l'ancien gouvernement, qui ne visaient pas tellement les fraudeurs mais qui visaient à dénigrer l'image des gens récipiendaires d'aide sociale dont ils ont besoin. Cette opération visait beaucoup plus à diminuer l'image des récipiendaires d'aide sociale que de vraiment corriger le tir et de mettre fin à ceux et celles qui, malheureusement, ont décidé – et je reviendrai là-dessus – de frauder le système. C'est pourquoi la ministre de la Sécurité du Revenu a très récemment décidé d'essayer de rétablir l'image, de tourner la page sur cette pauvre opération de boubous macoutes et, grâce à une publicité bien ciblée, a voulu démontrer aux Québécois que ces gens sur l'aide sociale, la très, très, très grande majorité des gens qui sont des bénéficiaires des prestations d'aide sociale ne le font pas par choix mais le font malheureusement parce qu'ils n'ont pas d'autre choix.

(17 h 10)

Les décisions... Le projet de loi que nous avons déposé et dont nous débattons aujourd'hui du principe, le projet de loi n° 115 qui vise à modifier la Loi sur la sécurité du revenu, n'est pas une précipitée. Bien sûr, il y aura ce rapport exhaustif des experts et de ceux et celles qui se penchent sur la réforme, beaucoup plus globale, de l'aide sociale, qui se pencheront également sur toutes les mesures d'employabilité, mais nous devions aller à l'essentiel. Il n'est pas nécessaire d'attendre les grands rapports pour réaliser que certaines mesures à court terme étaient nécessaires et que certaines mesures étaient devenues essentielles, parce que, pour la première fois depuis 25 ans d'administration publique au Québec, nous avons décidé, effectivement, et la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne l'a souligné, de fermer les enveloppes, et nous avons demandé à tous les ministres et à tous ceux et celles qui ont une responsabilité budgétaire dans ce gouvernement de fermer leur année financière à l'intérieur des enveloppes qui leur étaient dévolues. Ceci, je pense, est le signe d'une saine gestion, et c'eût été le contraire que les citoyens du Québec nous auraient reproché si nous n'avions pas pris les mesures nécessaires.

De même, sans même attendre les recommandations du Vérificateur – qui, avouons-le, a été très sévère envers l'ancienne administration du gouvernement libéral: il a examiné les activités de l'année financière 1994-1995 en ce qui concerne la Direction du recouvrement et des encaissements et il a souligné le laxisme de l'administration du gouvernement libéral – Mme la ministre n'a pas attendu les recommandations du Vérificateur pour mettre en place immédiatement les mesures qui corrigent ce laxisme au niveau de la Direction du recouvrement et des encaissements. Et, au moment où on se parle, des mesures ont été prises afin de corriger ce laxisme, de sorte que les affirmations de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à l'effet que le Vérificateur général a jugé sévèrement notre administration, ces affirmations sont fausses. Ce que le Vérificateur général a fait, c'est qu'il a jugé sévèrement l'administration des libéraux. Et ce que la population du Québec doit savoir, c'est que nous n'avons pas attendu le rapport du Vérificateur pour prendre les mesures qui s'imposaient pour rectifier le laxisme à la Direction du recouvrement et des encaissements.

La députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a fait état de ce projet de loi, des articles 15 et 16 qui visent essentiellement à autoriser le ministre à effectuer certaines vérifications informatiques du relevé de cotisations de divers ministères ou de diverses activités de ministère afin de limiter les fraudes. Ceci amène, je pense, une question fondamentale qui a été soulevée par la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne: le droit individuel versus le droit collectif. La société québécoise – elle doit en être fière – est à l'avant-garde de la protection des droits individuels, des droits de la personne, ce qu'aux Nations unies on appelle les «human rights». Le Québec a été la première province canadienne, avant même le gouvernement du Canada, à se doter d'une charte des droits de la personne qui a préséance sur l'ensemble des lois. Nous en sommes fiers et nous allons continuer dans cette voie de la protection des droits des individus. Ceci étant dit, les droits collectifs des citoyens du Québec, le droit de s'assurer qu'on gère correctement les impôts et les taxes qu'on vient prélever dans leurs goussets, qu'on donne aux Québécois les services publics auxquels ils ont droit, qu'on assure les Québécois de la saine gestion de notre administration publique, c'est un droit collectif qui est aussi important que les droits individuels de ceux et celles qui voudraient les invoquer, ces droits individuels, pour, malheureusement, comme c'est le cas, abuser du système.

Notre volonté ici, ce n'est pas de brimer ceux et celles qui ont le droit individuellement de recevoir des prestations parce qu'ils sont dans le besoin, mais c'est de s'assurer que ce droit collectif d'une saine gestion, ce droit collectif de faire en sorte que les fraudeurs, ceux qui veulent abuser du système et utiliser de l'argent auquel ils n'ont pas droit individuellement, soient connus et qu'ils soient exclus du système... Nous avons pris une série de mesures, d'ailleurs, à ce titre, qui commencent à porter leurs fruits. L'utilisation de la photographie sur les cartes d'assurance-maladie du Québec, comme nous le savons maintenant, a permis de retirer du système environ 375 000 cartes d'assurance-maladie. Je suis moi-même intervenu, par exemple, dans une communauté amérindienne d'Akwesasne où certaines cartes d'assurance-maladie étaient frauduleusement, il faut le dire, utilisées par des personnes qui n'y avaient pas droit. Ce ménage a amené à retirer du marché, si je peux m'exprimer ainsi, environ 800 cartes d'assurance-maladie qui étaient utilisées par des citoyens non résidents du Québec qui n'avaient pas droit à ces services. C'est ainsi que les articles 15 et 16, qui visent tout simplement à permettre au ministre d'avoir accès directement, par ses fonctionnaires, à des fichiers d'autres ministères, visent à s'assurer de la pertinence et de la véracité des déclarations des individus lorsque ceux-ci ou celles-ci demandent à avoir accès au trésor public et à la prestation de l'aide sociale.

Je vous souligne que non seulement le ministre pourra avoir accès aux fichiers, aux renseignements informatiques de divers ministères du gouvernement du Québec – je les note ici: le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, le ministère des Affaires internationales, le ministère du Revenu, le ministère de la Sécurité publique, la CSST, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec – mais, grâce à cette loi, notre ministre pourra conclure des ententes avec d'autres gouvernements pour s'assurer d'un échange d'informations qui permette à la fois à notre gouvernement de s'assurer que ceux et celles qui ont accès aux prestations y aient véritablement droit, mais qui pourra également permettre à des gouvernements autres que le nôtre, à nos voisins, de voir à ce que, eux aussi, ils confirment l'accès uniquement à ceux et à celles qui y ont droit; par exemple, la province du Nouveau-Brunswick, qui a un régime de prestations d'aide sociale beaucoup moins... on ne peut pas vraiment s'exprimer en termes de générosité, mais beaucoup moins important et généreux que le nôtre, il faut le dire. Plusieurs prestataires du Nouveau-Brunswick et des régions limitrophes du Québec pourraient être tentés momentanément d'avoir accès à l'aide sociale du côté québécois en s'inscrivant à une adresse fictive, en s'installant et en ayant un pied-à-terre à Québec, alors que leur véritable pied-à-terre et lieu de résidence est au Nouveau-Brunswick. L'échange d'informatique, l'échange d'informations entre nos gouvernements permettra de limiter ces abus. Parce que, malheureusement, il y a des individus dans notre société qui essaient de tricher le système et d'en abuser, et c'est pour permettre à ceux et à celles qui en ont véritablement besoin... que nous voulons mettre fin à ces abus.

J'appuie de toutes mes capacités ce projet de loi. Le Québec doit prendre des décisions importantes. Gouverner, c'est assumer ses responsabilités; gouverner, c'est avoir la force politique de défendre avec force les actions nécessaires au redressement de notre société et de ses finances publiques. Toute notre opération doit être qualifiée selon deux termes principaux: l'équité, c'est-à-dire que tous ceux et celles qui oeuvrent dans notre société sont appelés à faire leur part, et la transparence. Nous ne prendrons aucune mesure derrière des portes closes, en catimini, et nous le ferons livres ouverts, masques baissés, en toute connaissance de cause et en toute ouverture envers la population du Québec, qui s'attend à ce que nous prenions les mesures nécessaires pour assainir les finances publiques et qui place cet assainissement des finances publiques en tout premier lieu dans ses priorités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Vimont. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, pourrait-on suspendre, quelques minutes, le prochain intervenant de notre côté? Oui, hein?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y aurait quelqu'un d'autre, oui, qui pourrait intervenir? Bon, très bien. Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis, je vous cède la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, pour accélérer le temps de la Chambre aussi et nous permettre de pouvoir faire entendre chacune des parties, il me fait plaisir de prendre part à ce débat.

(17 h 20)

Le précédent intervenant, le député de Vimont, me semblait parler davantage avec la langue du papier que la langue du coeur. Dans mon comté, M. le Président... On aura beau parler de Westmount–Saint-Louis, mais, dans le comté de Westmount–Saint-Louis, il y a une partie du comté qui s'appelle la Petite-Bourgogne, une autre partie qui s'appelle, tout près de la Place des Arts – qui est au sud-est de la Place des Arts – tout près des Habitations Jeanne-Mance, qui sont des lieux de concentration où on retrouve plusieurs assistés sociaux... Dans un comté comme le mien se côtoient les plus riches puis les plus pauvres de notre société, des gens qui sont non plus des assistés sociaux, mais des sans-abri.

Quand on arrive à écouter et étudier un projet de loi comme le projet de loi n° 115, au départ, on se dit: Oui, c'est bien sûr qu'il faut que, dans notre société, comme l'a souligné le député de Vimont, tout le monde paie un écot, pour faire en sorte de ramener nos finances publiques à un niveau qui soit le meilleur possible. Mais le projet de loi qui nous est apporté, le projet de loi n° 115 de la députée de Chicoutimi, nous semble être une réponse à un questionnement que nous avions déjà soulevé au moment de l'étude des crédits. Au moment de l'étude des crédits, au mois d'avril, le député de Laporte et moi-même avions estimé que le gouvernement sous-estimait les dépenses, que le gouvernement se tromperait de 200 000 000 $ dans ses dépenses d'aide sociale. Nous l'avions dit à ce moment-là. On nous a dit: Non, non, c'est des députés de l'opposition, ils parlent à travers leur chapeau, ils disent ça juste pour se faire valoir. Bon. On a dit: On verra. Six mois plus tard, les événements nous ont donné raison, malheureusement, M. le Président. On aurait aimé mieux avoir tort; malheureusement, on a eu raison. On aura un trou, on aura un manque d'argent dans le dossier de l'aide sociale, qui va friser les 200 000 000 $; entre 175 000 000 $ et 200 000 000 $.

Ces dépassements budgétaires, nous les estimions inévitables, à ce moment-là, parce que le ministère de la ministre de la Sécurité du revenu sous-estimait le nombre de prestataires. Alors, c'était évident qu'on était pour se tromper, six mois, puis huit mois, neuf mois, puis un an plus tard. Mais, à ce moment-là, le ministère et Mme la ministre ont choisi de se camoufler ces faits-là, ont choisi l'inertie. Et, aujourd'hui, on se retrouve avec la problématique d'avoir à couper 250 000 000 $ à 300 000 000 $ dans le système d'aide sociale.

Les choix qu'on fait démontrent une rigueur qui laisse à désirer. Je noterai quelques cas, M. le Président. Je noterai quelques cas. Je pense, entre autres, à l'article 1, au deuxième alinéa de l'article 1 de ce projet de loi là, au moment où on remet en question les quelques avoirs liquides que les membres, les prestataires d'aide sociale peuvent avoir. Lorsque tu habites dans la Petite-Bourgogne puis que tu as un appartement, que tu vis généralement dans un HLM, que tu as une famille de quatre enfants puis que tu as 150 $ de côté dans ton compte de banque, ce n'est pas nécessairement un cas de force majeure qui doit faire en sorte que tu doives dépenser tes 150 $, comme cherche à faire ce projet de loi là, cherche à déresponsabiliser les gens jusqu'à leur dernier cent.

Actuellement, il y a des règles qui prévoient des maximums d'argent que les gens peuvent avoir. Comme ça, ils peuvent parer des mauvais coups. Ils peuvent avoir l'obligation d'acheter, pour leurs enfants, des vêtements, ils peuvent avoir l'obligation d'acheter des effets scolaires. Mais là ils n'auront pas d'autre choix que d'attendre le prochain chèque d'aide sociale pour être capables de faire les achats. Les achats d'urgence, comme le frigidaire qui se casse, qui se brise, comment faire pour le réparer? En hiver, ce n'est pas pire, mais le 15 juin, c'est moins drôle. Et ces détails de la vie courante, que n'importe qui qui n'est pas sur l'aide sociale peut vivre relativement facilement... On enlève les moyens les plus élémentaires aux prestataires d'aide sociale de pouvoir y recourir et survivre avec. Finalement, on fait ce que j'appelle «déresponsabiliser les gens», faire en sorte de leur enlever toute espèce de potentiel, toute espèce de possibilité de pouvoir se reprendre en main, de pouvoir faire en sorte de réussir à être... et avoir la garantie d'avoir une certaine liberté d'action si jamais un malheur mineur les frappait.

Dans le fond, ce que ça va amener, lorsqu'on est un peu réaliste, M. le Président, c'est que cette mesure-là va inciter le monde, tous les gens qui sont sur l'aide sociale, à déroger. Ils vont cacher leur argent à gauche et à droite, puis ils vont quand même en garder. C'est évident, personne ne peut vivre autrement. Ils vont en cacher. Ça, c'est une mesure qui, selon la ministre, va faire en sorte d'économiser 30 000 000 $. On va l'économiser rien qu'une fois. Ce qu'il faut faire en sorte, quand on travaille sur des politiques comme celles du financement de l'aide sociale, il faut trouver des moyens récurrents de sauver des sommes.

La deuxième façon, qui, elle, est récurrente pour sauver des sommes, il s'agit des articles 4 et 7 du projet de loi. Aux articles 4 et 7, on abolit les barèmes de disponibilité et on coupe dans le barème de participation. Là, c'est des mesures qui vont faire en sorte d'enlever de l'argent à des gens qui se déclarent disponibles pour se trouver un emploi. Je pense que la majorité des gens qui nous écoutent préféreraient entendre dire que la ministre va plutôt couper des sommes d'argent à des gens qui sont aptes au travail, disons, mais qui ne veulent pas travailler. Ça, il n'y a pas beaucoup d'estime pour cette catégorie d'individus dans notre société, et on le comprend. Mais là ce qu'on est en train de faire, on va couper 50 $ par semaine à 50 000 personnes qui prétendent et qui veulent trouver du travail, mais qui n'en ont pas et qui sont disponibles à en trouver. On leur enlève ce 50 $ par mois.

M. le Président, ce sont là des raisons qui m'incitent et qui me motivent à voter contre ce projet de loi. Je pense qu'on pourrait arriver aux fins que recherche le ministère des Finances – parce que, dans le fond, c'est un problème de finances – on pourrait trouver à l'intérieur de l'aide sociale, comme à l'intérieur de toutes les autres missions gouvernementales, des sommes récurrentes qui pourraient être économisées, mais il faut le faire avec gros bon sens et sympathie pour les clientèles visées. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Un projet de loi qui a comme effet d'aller chercher 137 000 000 $ dans le domaine de l'aide sociale, dans les prestations de l'aide sociale; la première mesure, premier projet de loi d'une certaine envergure tout de suite après le référendum, M. le Président... Il faut dire quelques mots sur ce projet de loi, sur deux aspects: d'une part, sur tout l'aspect du discours tenu par les tenants ou les ténors du gouvernement durant toute cette période qui nous a précédés, M. le Président, avant le référendum, durant le référendum et même maintenant. J'écoutais la ministre, j'écoutais le député de Vimont, qui a aussi pris la parole sur ce discours, et on voudrait nous faire croire que, durant toute cette présentation qui est faite, il y a comme le véritable souci de la protection du filet social, M. le Président. Et on se rappellera qu'il y avait tout ce discours qui a été développé, de nos collègues d'en face, M. le Président, qui voulait que, finalement, il y ait quelque chose qui habite les gens qui occupent les banquettes gouvernementales, qu'il y ait cette conscience sociale, M. le Président, qui doit donc se traduire par des gestes qui tiennent compte de la nécessité de protéger les plus faibles de la société, les plus vulnérables, ceux qui se trouvent à la marge et d'essayer de tout faire pour intégrer et redémarrer la véritable source de dignité, qui est la création d'emplois, M. le Président.

(17 h 30)

Ce discours est un discours finalement très libéral, M. le Président, parce que c'est des valeurs du Parti libéral et de la philosophie libérale, si vous voulez, qu'ont émané tous les volets du filet social que nous avons aujourd'hui au Québec et au Canada. L'aide sociale, en particulier, est un programme mis de l'avant par un gouvernement issu du Parti libéral, qui est motivé, animé par cette philosophie qui veut que, premièrement, la source de la véritable dignité se trouve dans la prise en charge de l'individu par lui-même par l'emploi et que la société, elle, a une responsabilité aussi à faire en sorte qu'on puisse offrir une protection aux gens qui ont besoin, de façon momentanée, d'un certain appui, coup de pouce, soutien, et peut-être à plus long terme de certaines protections pour tous ceux qui se trouvent à un moment donné dans l'incapacité de faire face à leur propre prise en charge.

Et c'était avec cette optique que le programme actuel de l'aide sociale a été critiqué entre 1981 et 1985, entre autres par celui qui vous parle, sous l'angle du fait qu'il fallait abolir le genre de programme qui existait à l'époque, qui était devenu, en quelque sorte, désuet à nos yeux et qui faisait en sorte que les jeunes en bas de 30 ans se voyaient discriminés, et de façon draconienne, dans les prestations qu'ils recevaient par rapport à un critère arbitraire d'âge. On avait talonné à ce moment-là le gouvernement, qui avait refusé de bouger de façon réelle pour qu'on abolisse cette discrimination et qu'on refonde les barèmes à partir de deux critères: l'aptitude au travail et l'inaptitude au travail. Au lieu d'attaquer le véritable problème, à l'époque, le gouvernement et la ministre qui est aujourd'hui ministre des Finances avaient décidé d'introduire des mesures, disaient-ils, d'employabilité, de rattrapage scolaire, etc., pour ajouter à la mince prestation qui avait été accordée aux gens de 30 ans et qui était destinée uniquement aux gens en bas de 30 ans.

Arrivés au pouvoir après 1985, M. le Président, on a procédé à un réaménagement réel du programme d'aide sociale. On a aboli la discrimination basée sur l'âge avec laquelle le gouvernement précédent avait vécu pendant neuf ans. On a ouvert les programmes d'accessibilité à l'employabilité non pas seulement à ceux qui, en fonction d'un critère arbitraire d'âge, étaient en bas de 30 ans, mais à tous ceux qui étaient véritablement dans le processus de réintégration. On a haussé les prestations de tous ceux qui étaient inaptes au travail, parce que c'était dans une approche de protection sociale véritable.

On a peut-être aussi, à ce moment-là, trouvé que les finances publiques, qu'on avait essayé d'assainir, nous avaient été laissées dans une situation un peu déséquilibrée, mais jamais on a évité d'assumer nos responsabilités en blâmant qui que ce soit. Nous sommes aujourd'hui, en 1995, devant une situation où une ministre, la première chose qu'elle a faite tout de suite en arrivant au pouvoir, ça a été de crier à la nécessité d'entreprendre des campagnes publicitaires pour, disait-elle, corriger ce que «le méchant précédent gouvernement libéral» avait créé comme impression par rapport aux prestataires sociaux et montrer ainsi, avec son gouvernement, toute cette ouverture et cette grandeur de coeur et d'esprit qui caractérisaient cette démarche, donc une démarche de publicité.

Pendant ce temps-là, en prévision, évidemment, du référendum, on laissait partir des mesures qui avaient fait quand même leurs preuves quant à la gestion efficace et rigoureuse des rares deniers publics dans un contexte de rareté de ressources financières. Parce qu'il faut le dire, nous nous trouvons dans une situation où il faut faire la démonstration de façon réelle, non pas juste par des paroles, de notre sensibilité sociale, mais dans un contexte de responsabilité fiscale. Et, comme l'ont fait tant d'autres gouvernements des provinces canadiennes, il n'y a aucune raison pour laquelle ce gouvernement devrait constamment continuer à entretenir cette acrimonie par rapport aux «méchantes» décisions du gouvernement fédéral par rapport à son propre déficit, parce qu'il oublie, ce faisant, que pendant des années nous avons, en tant que citoyens québécois, participé d'une façon ou d'une autre à la création de cette dette qu'aujourd'hui nous avons l'obligation de réduire à zéro. Et, si d'autres réussissent à le faire sans faire ces grands cris de blâme par rapport à d'autres, que ça soit par rapport au précédent gouvernement ou par rapport au gouvernement fédéral, c'est le signe de la maturité. Ce serait enfin intéressant de voir, de l'autre côté, cette même attitude de maturité qui consiste à arrêter de pleurnicher sur le «méchant» système, sur l'autre palier de gouvernement, sur n'importe qui, finalement, et de tout simplement agir de façon correcte vis-à-vis des personnes qui sont dans ce besoin le plus criant.

Qui sont ces personnes qui arrivent à l'aide sociale, M. le Président? Je représente un comté qui a un fort pourcentage de personnes qui se trouvent au bout de leur corde, à un moment donné, qui se trouvent dans l'obligation de se tourner vers l'État, dans ce cas-ci. Et j'en connais beaucoup qui refusent de le faire avant d'avoir tout épuisé au niveau de l'appui familial qu'ils peuvent avoir, l'appui des amis qu'ils peuvent avoir, la recherche d'emploi constante qu'ils peuvent avoir faite avant d'arriver au point où ils vont aller faire une demande d'aide sociale, parce que, comme je le disais au tout début de mon intervention, la source réelle de dignité humaine que tout être humain recherche, c'est la possibilité de subvenir à ses propres besoins et de ne pas vivre aux crochets de qui que ce soit.

Nous avons donc une clientèle qui est vulnérable, une clientèle qui fait des efforts dans un contexte économique difficile, mais dont les efforts qu'ils font... On est dans l'obligation d'appuyer et de ne pas juste faire des discours ou de lancer des campagnes publicitaires pour dire à ces gens-là combien on les aime, combien on est sensible, tandis que l'ancien «méchant» gouvernement les faisait aller au centre Travail-Québec, par exemple, prendre de main à main leur chèque. Mais, en ce faisant, on avait trouvé combien de millions de dollars, M. le Président, qui n'ont pas été réclamés? Ce que je trouve tout à fait répréhensible, inacceptable et condamnable au plus haut degré, c'est toutes ces personnes qui osent voler des plus pauvres. Et c'est ça que les gens qui fraudent le système font. Ils volent auprès de personnes qui n'ont pas un sou, parce que chaque million qui reste sur la table parce que tu demandes à la personne de venir chercher son chèque est un million qui peut aller à des gens qui sont véritablement dans le besoin.

Au lieu de balayer du revers de la main, comme l'a fait la ministre actuelle, cette mesure sous le couvert de cette sensibilité envers ces personnes, elle aurait dû peut-être se rappeler aussi qu'il y a de plus en plus de personnes qui se trouvent dans ce genre de besoin. On a vu les chiffres atteindre des records, et ce n'est pas la démonstration de notre bon fonctionnement, c'est plutôt la démonstration que, de plus en plus, avec l'atmosphère politique qui caractérise entre autres la situation économique d'aujourd'hui, on s'enlise davantage au niveau de la création d'emplois, on rend notre propre vie plus difficile en entretenant un climat malsain par rapport aux possibilités réelles de développement économique à moyen et à long terme, et, à moins qu'on ne réussisse à corriger ça à sa source, le reste va être des efforts de Band-Aid constants.

La ministre – qui a choisi de couper le 137 000 000 $ parce que, d'une part, elle avait refusé, l'année passée, de faire ce qu'il fallait faire pour aller chercher les 37 000 000 $ qu'on lui demandait, si mes chiffres sont bons – a tout simplement repoussé ça à cette année et a donc été obligée d'aller chercher 137 000 000 $. Elle s'est trouvée dans la situation, de par son laxisme, de par son obsession préréférendaire, à l'époque, d'éviter de créer l'impression qu'on pourrait être obligé de toucher à ces programmes et d'ouvrir un peu la critique à ce manque de sensibilité sociale qu'elle craignait comme la peste avant le référendum. Elle a choisi d'agir d'une façon complètement déconnectée de la réalité que vivent les personnes qui sont dans le programme d'aide sociale.

(17 h 40)

Parce qu'il y en a trois, types, finalement. La ministre a beau dire que c'est compliqué, que c'est complexe, qu'il y a 112 différents barèmes, etc., en fait, il y a trois types de personnes, trois catégories de bénéficiaires, si vous voulez, M. le Président. Il y a ceux qui ne participent à aucune mesure, qui disent: Je suis apte au travail, mais je n'entreprends pas de mesures de recherche d'emploi ou d'employabilité, soit parce que les gens sont à ce point découragés, soit parce qu'ils font un choix, à un moment donné, pour dire: Je ne veux plus investir ce genre d'effort et j'accepte de retirer un peu moins, sans être obligé d'aller aux différents bureaux puis de participer à des mesures. Ça, c'est une catégorie de personnes: ceux qui reçoivent la prestation minimale sans être coiffés de quelque autre mesure de participation. Il y a la deuxième catégorie: ceux qui participent à différentes mesures, que ce soit des mesures d'intégration à l'emploi ou autres, mais ce sont des mesures qui visent à faciliter la réintégration sur le marché du travail et, donc, la reconquête de cette dignité personnelle qu'on recherche tous. Alors, ce sont des gens qui participent réellement. Puis, il y a une troisième catégorie qui dit: Je suis disponible à participer, mais il n'y a pas de mesure à l'heure actuelle. Mais j'affiche et j'avise le gouvernement et l'État – et, par son entremise, le reste de la société – que je suis disponible. Trouvez-moi quelque chose, je vais le faire, et, entre-temps, je cherche moi aussi. Alors, il y a trois catégories de personnes.

Qu'est-ce qu'elle fait, la ministre, par rapport à la commande qui est livrée, comment dire, par le Conseil du trésor? Elle dit: Je diminue le montant pour tous ceux qui participent à des mesures, je vais leur enlever 30 $. Je vais diminuer le montant qu'ils reçoivent, à cause de cette participation, à cause de cet effort supplémentaire que ces personnes font. Message: ce n'est pas très bon de participer, parce que, quand vous participez, on vous coupe.

Deuxième chose qu'elle fait, M. le Président, elle dit: Ceux qui s'affichent, qui disent qu'ils sont disponibles, j'abolis. J'abolis tout simplement le montant que vous recevez de plus en affichant votre disponibilité et en indiquant ainsi que vous ne vous contentez pas de tout simplement rester et recevoir un chèque, peu importent les raisons. Parce que le plus grand danger de l'aide sociale... Et on l'appelle un filet, mais il ne faut pas oublier, M. le Président, que les poissons se font attraper dans les filets. Et les filets, des fois, M. le Président, deviennent tellement embourbés qu'on ne peut plus s'en sortir. Et on sait, toutes les études le démontrent, qu'au-delà d'une année et demie à deux ans d'enlisement dans cette mentalité de dépendance qui consiste à abandonner les efforts de recherche d'emploi ou autres, M. le Président, et qu'on vit par le biais de l'aide sociale, les études le démontrent, ce sont ces gens-là qui ont la plus grande difficulté à s'en sortir.

Alors, la ministre vient de dire: C'est les seuls qui ne sont pas touchés, M. le Président. On va aller chercher et pénaliser tous ceux qui font des efforts. On va leur envoyer un signal: Tant pis pour vos efforts – ayant au préalable aboli des mesures de contrôle, ayant au préalable crié haut et fort, par le biais des campagnes publicitaires, la grande sensibilité.

Et, à côté de ça, vous avez également, M. le Président, un gouvernement – parce qu'un ministre fait partie d'un gouvernement également – qui a entrepris des dépenses, M. le Président, qui compenseraient, tout au moins pour cette année... Parce qu'il faut se rappeler que ça s'appelle des mesures transitoires, ici. Il y a une réforme supposément sous étude. C'est à souhaiter que cette réforme va faire l'objet de véritables débats, de véritables consultations et que ça sera ouvert. Mais, entre-temps, on a dépensé des millions et des millions pour des choses qu'un gouvernement véritablement soucieux de sa sensibilité sociale et de sa responsabilité fiscale n'aurait jamais dû entreprendre. Mais nous payons aujourd'hui et les assistés sociaux paient aujourd'hui le prix de l'obsession référendaire, le prix de l'incapacité de ce gouvernement quant à ses responsabilités, quant aux véritables enjeux de la société et qui a tout fondu dans son obsession référendaire, qui, malheureusement, j'ai l'impression, persiste. Parce que, si on avait devant nous un gouvernement qui aurait accepté «maturement», calmement et avec dignité le verdict populaire, nous aurions eu droit, à ce moment-là, à une véritable remise en question, de leur part, de leur programme politique, qui est tout basé sur une chose, M. le Président – et ils l'ont répété ad nauseam avant et durant le référendum: la nécessaire indépendance avant de pouvoir régler les choses. D'autres règlent des choses, M. le Président, sans cette nécessaire indépendance. Et le peuple a parlé aussi. Et c'est pour ça que je dis: Le pire est à venir avec ce gouvernement, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de Laurier-Dorion. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. le Président, en tant que critique de Montréal, j'ai concentré mon attention sur l'effet du projet de loi n° 115, sur son impact aussi désastreux sur la région de Montréal. Ne vous y trompez pas, M. le Président, le Parti libéral du Québec ne renie pas son discours sur l'assainissement des finances publiques, au contraire. Cependant, jamais ni moi ni mes collègues n'avons, en aucun moment, envisagé de financer les efforts nécessaires de rationalisation à même la seule richesse encore accessible pour des centaines de milliers de Québécois, soit l'espoir.

Pourtant, M. le Président, la ministre est en mesure d'éviter une telle attaque contre les bénéficiaires de la sécurité du revenu qui veulent, eux, vraiment s'en sortir et ceux aussi qui voient leur passage par l'aide sociale comme une chance, M. le Président, de reprendre leur vie en main et de faire face à des situations nouvelles sur lesquelles ils n'ont souvent aucun contrôle. Je pense ici, entre autres, aux femmes qui se retrouvent seules avec des enfants à charge, à la suite soit d'une séparation ou d'un divorce, M. le Président. On en connaît tous. Mais, M. le Président, la ministre a négligé la plus simple prévoyance, parce qu'en acceptant une enveloppe fermée, elle a négligé aussi le fait que l'augmentation de cette clientèle était plus que probable.

Ce projet de loi, M. le Président, est difficilement acceptable. Pourquoi? Parce que, entre autres, pour une Montréalaise comme moi qui connaît les répercussions de la pauvreté sur l'ensemble du territoire métropolitain, nous craignons des conséquences de ce projet de loi sur notre territoire.

Il est reconnu à travers le monde occidental que notre système économique a la richesse, oui, tapageuse, mais qu'il dissimule souvent une misère qui est outrageante. C'est entre autres le cas pour les mégapoles telles que New York ou Los Angeles. Mais, si la ministre semble ignorer que Montréal n'échappe pas à cette pauvreté alarmante, les statistiques, elles, ne l'ignorent pas. La pauvreté sur l'île de Montréal n'a cessé de croître au cours des dernières décennies. Près de 20 % de sa population vit actuellement sous le seuil de la pauvreté. Traditionnellement définie par un faible revenu, la pauvreté, maintenant, a changé de visage. On la retrouve de plus en plus présente chez les familles nombreuses, chez les jeunes familles et particulièrement aussi chez les familles monoparentales dont le chef de famille est une femme souvent sous-scolarisée. C'est à Montréal qu'on retrouve la plus haute concentration au Québec de familles à faibles revenus. À elle seule, l'agglomération montréalaise compte plus de la moitié – soit 51,4 %, pour être exacte – des familles à faibles revenus du Québec, ce qui veut dire qu'en nombre absolu c'est six fois plus que dans la capitale, c'est-à-dire que, pour une famille pauvre à Québec, on en compte six à Montréal.

En 1990, 159 120 familles de Montréal ne bénéficiaient que d'un faible revenu, soit 18,5 % de l'ensemble des familles montréalaises. Des répercussions de cet état de fait sont catastrophiques, et les coupures que la ministre entend imposer à ceux et celles qui essaient de relancer leur vie par des programmes de formation, en leur coupant les prestations, le seront encore plus, entre autres pour nos jeunes.

(17 h 50)

Dans la région de Montréal, le problème des jeunes issus de familles pauvres a une gravité qui la démarque des autres régions du Québec. Au sein de la région métropolitaine, c'est à Montréal, compte tenu de sa population et de ses caractéristiques de ville centrale, que ce problème est le plus dramatique. L'appauvrissement des jeunes est un phénomène relié à l'appauvrissement général des familles. Comme je l'ai souligné précédemment, la région métropolitaine compte 18,5 % des familles à faibles revenus du Québec, mais cette proportion atteint 23,1 % sur l'île de Montréal et 25,9 % pour la ville de Montréal.

Comme partout en Amérique du Nord, la croissance, au cours des dernières années, des familles monoparentales dont le chef de famille est une femme peu scolarisée constitue une des causes majeures de la montée de la pauvreté chez les moins de 18 ans. À Montréal, les familles monoparentales constituent 34 % des familles avec enfants et 42 % des familles avec un seul enfant. Les familles monoparentales à chef féminin comptent pour 85 % de ce type de famille. Ce sont ces familles qui éprouvent le plus souvent des difficultés financières graves. Exemple: en 1986, les derniers chiffres disponibles nous disaient que, alors que le revenu moyen québécois était de 37 282 $, 35 % des familles monoparentales montréalaises avaient un revenu de moins de 10 000 $ et 94 % d'entre elles étaient dirigées par une femme.

L'éducation et la formation de nos enfants, directement reliées à la qualité de vie qui leur est offerte, sont aussi objet de grande inquiétude. Face au défi que pose la valorisation du savoir dans la nouvelle économie mondiale, la croissance de la pauvreté parmi les générations des moins de 18 ans prend la dimension d'un phénomène d'exclusion sociale dont la ministre semble mal mesurer les conséquences pour l'avenir. La pauvreté ne conduit pas irrévocablement un jeune, M. le Président, à la marginalisation sociale, mais elle n'en constitue pas moins un facteur déterminant sur une des étapes cruciales de son intégration à notre société et à la vie adulte, c'est-à-dire, M. le Président, sa scolarisation.

La situation est intolérable à ce chapitre, M. le Président. Les risques d'échec scolaire des enfants issus de familles à faibles revenus sont presque deux fois supérieurs à ceux des autres enfants. Sur l'île de Montréal, 38 % des adolescents qui abandonnent l'école secondaire proviennent de familles monoparentales. La moitié des parents de ces adolescents ont une scolarité de niveau primaire ou n'ont pas complété leur secondaire. Sur l'île de Montréal, en 1992-1993, 9 000 élèves ont décroché de l'enseignement secondaire, soit 11 % de la population des écoles secondaires. La relation entre ce phénomène de décrochage scolaire et la «défavorisation» a été démontrée et reconnue par tous les intervenants crédibles au Québec. Ainsi, 99,7 % des élèves inscrits dans les écoles les plus défavorisées se retrouvent parmi les écoles qui diplôment le moins dans la province.

De plus, M. le Président, au Québec, en 1990, le taux de chômage chez les diplômés universitaires était de 5,6 % – ce qui est quand même élevé, M. le Président, vous allez me dire – excepté qu'il atteignait 14,8 % chez les personnes ayant moins de neuf ans de scolarité. Et tout indique que cette corrélation scolarité et employabilité va se maintenir, voire s'exacerber dans les années qui viennent. Le nombre alarmant de décrocheurs scolaires dans la région du Grand Montréal prend, dans ce contexte, des dimensions d'un drame social appréhendé.

M. le Président, 30 ans après le rapport Parent, qui a amené la société québécoise à souscrire à des objectifs modernes et prometteurs d'accès universel à l'éducation aux niveaux primaire et secondaire, une conclusion s'impose: la «défavorisation» constitue un obstacle tenace à l'égalité des chances. Le nouvel objectif pour une réelle démocratisation scolaire passe par la lutte à la pauvreté chez les jeunes. Plus globalement, la recherche de solutions à la pauvreté chez les jeunes devient aujourd'hui une des clés importantes de l'avenir de tout le Québec. L'évolution économique, sociale et culturelle de la région métropolitaine, et particulièrement de sa ville centrale, soit Montréal, confère à ce défi une spécificité qui ne se retrouve nulle part ailleurs au Québec: accentuation des écarts entre les plus riches et les plus pauvres; sophistication du marché de l'emploi qui disqualifie les moins scolarisés; vieillissement le plus marqué de la population; importance des communautés culturelles; aggravation de problématiques sociales liées à la pauvreté, telles l'itinérance et la violence.

M. le Président, à la lumière du tableau que je viens de vous brosser de la pauvreté qui sévit dans la région métropolitaine, vous comprendrez maintenant, j'en suis certaine, pourquoi un projet de loi qui veut couper les sommes compensatoires offertes aux prestataires participant à des programmes qui leur permettent d'améliorer leur employabilité ne pourra jamais obtenir notre assentiment ni celui de ma formation politique globale, non plus qu'une mesure qui fait obligation à une famille d'être totalement démunie, sans même quelques dollars afin de parer à un coup dur, avant de lui reconnaître le droit à l'aide gouvernementale qu'est la sécurité du revenu.

Le Parti libéral du Québec a toujours fait de la gestion serrée des finances publiques la base de son action politique. Nous avons toujours soutenu qu'il faut ramener l'État dans ses fonctions essentielles et ne pas hésiter à refaire une nouvelle société qui protégerait dans ses actions ses bases fondamentales, soit la justice, l'éducation, la santé et les services sociaux. L'État doit demeurer un redistributeur de la richesse collective. Le véritable défi de cette fin de siècle, ce n'est pas de couper les chèques de l'aide sociale, de couper les barèmes de participation ou de disponibilité pour diminuer le déficit, mais de mettre en place des systèmes efficaces afin de s'assurer que l'aide gouvernementale est distribuée à ceux qui y ont droit, de couper les abus, c'est-à-dire ceux qui abusent du système, et que cette aide, loin de marginaliser les bénéficiaires, leur permet de prendre un nouveau départ dans la vie grâce à des programmes visant leur réinsertion dans le monde du travail. Autrement dit, on parlait d'espoir, maintenant on parle de dignité.

Depuis son élection, le gouvernement actuel a dépensé plus de 82 000 000 $ pour promouvoir son option qu'il déclarait pleine d'espoir pour les Québécois et Québécoises. Je demande aujourd'hui à la ministre de la Sécurité du revenu de laisser aux plus démunis de notre société le peu d'espoir auquel ils peuvent se raccrocher. Je rappelle à la ministre que l'intervention précoce auprès des jeunes issus de familles les plus démunies et la mise en place de mesures qui agiront sur les conditions d'existence de ces familles sur les plans économique, éducatif et social nécessitent une véritable mobilisation des milieux québécois et non des projets de loi qui ratent les vraies cibles.

Enfin, je réitère la demande d'une consultation générale afin que tous les groupes oeuvrant auprès de ces démunis, particulièrement ceux de Montréal, suite aux données que je viens de vous soumettre, puissent échanger avec la ministre en commission parlementaire sur les conséquences du projet de loi n° 115. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Il reste deux minutes, alors, étant donné l'heure, je m'en vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures ce soir. Nous suspendons.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez bien vous asseoir, l'Assemblée va reprendre ses travaux. Nous en sommes toujours à l'article 7 du feuilleton. Mme la ministre de la Sécurité du revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un autre intervenant. Je vais céder la parole à M. le député de Richmond et président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. À vous la parole, M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Alors, je vous remercie, M. le Président. C'est avec plaisir que je me joins à mes collègues, ce soir, afin de participer à l'adoption du principe de ce projet de loi qui nous est présenté. Mais je dois cependant vous dire, M. le Président, que je le fais avec une certaine déception, parce que cette loi qui vient modifier la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives est loin, dans mon esprit, de satisfaire à une situation qui aurait mérité une tout autre attention. J'interviens avec déception, car c'est encore une fois sur le dos des plus démunis et des plus faibles de notre société que s'abat le couperet du gouvernement afin de mettre de l'ordre dans ses finances.

On nous avait promis une autre façon de gouverner le 12 septembre 1994. Depuis presque 15 mois maintenant, ce gouvernement a engagé des dépenses souvent somptuaires, frisant à certains égards l'indécence, pour arriver à convaincre les Québécois et Québécoises d'endosser son option d'indépendance du Québec. Cette dilapidation des fonds publics est passée, entre autres, par le Secrétariat à la restructuration et les études sur différents thèmes reliés à la souveraineté, où certains ont bénéficié non pas d'un filet de sécurité comme l'aide sociale, mais bien d'un coussin bien remplumé pour faire face aux petits imprévus. Et, de plus en plus, on sait dans quelles conditions, M. le Président. C'est quelque 10 000 000 $ qui auront servi en études au ministère de l'ex-ministre à la Restructuration. Et force nous est de constater ce soir qu'une des conséquences de cette dilapidation de fonds publics, c'est d'arriver et de nous proposer un projet de loi qui s'attaque très durement, doit-on le rappeler, à une classe de gens qui sont largement en difficulté dans la société, c'est-à-dire les gens qui vivent des prestations de l'aide sociale.

Il faut également remarquer, M. le Président, que, dans le projet de loi qui est devant nous, les futurs prestataires de la sécurité du revenu devront, pour ainsi dire, être sur la paille pour bénéficier de ce filet de sécurité aux mailles de plus en plus larges et dont le seul mérite sera d'être un miroir aux alouettes, alors que ce même gouvernement qui nous présente ce projet de loi a compromis plus de 80 000 000 $ pour faire la promotion de l'indépendance du Québec au même moment où, il y a de cela à peine un mois, les vannes étaient toutes grandes ouvertes pour cette opération de marketing sans précédent au Québec. C'était, à cette époque, on s'en souviendra, un véritable bar ouvert. Rien ne coûtait trop cher pour préparer l'indépendance du Québec. Il manquait même d'amis pour donner les contrats. Maintenant, avec ce projet de loi que nous avons devant nous, on manque d'argent pour les plus démunis de notre société.

Pour bien comprendre les raisons qui poussent ce gouvernement à agir d'une façon irraisonnée et insensible, il faut se reporter aux jours fastes de la cour du roi Jacques. J'ai encore à la mémoire le spectacle grandiose du Grand Théâtre de Québec où a été dévoilé avec grand fracas le préambule de la Déclaration de souveraineté et cette publicité, M. le Président, omniprésente dans nos médias électroniques et dans la presse écrite, où nous étions confrontés à une image peu reluisante de nous-mêmes face à nos préjugés.

Pendant ce temps, Mme la ministre, ne vous en déplaise, le cancer était en train de ronger votre ministère. Trop occupée à vaquer à vos occupations référendaires, vous n'avez pas eu le temps de voir – ou peut-être n'avez-vous pas voulu le voir – l'énorme trou qui se creusait dans votre budget. Pourtant ce n'est pas faute d'être avertie, car le député de Laporte, et je m'en souviens, en cette Chambre, vous avait prévenue dès le mois d'avril. Il vous avait dit à ce moment que vos prévisions budgétaires étaient inexactes. Mais vous avez fait la sourde oreille, et qui doit payer la note aujourd'hui? La réponse se trouve dans le projet de loi devant nous: les plus démunis de notre société.

Oui, M. le Président, il faut remarquer que les comptes à recevoir du ministère de la Sécurité du revenu se chiffrent à quelque 355 000 000 $, entre autres. En date du 28 mars 1994, selon les rapports de vérification du ministère, environ 300 000 000 $ par année étaient versés en trop et sans droit aux prestataires de la sécurité du revenu, ce qui représente 8 % de l'ensemble des prestations. Toujours selon ces rapports, plus de 95 % des sommes versées en irrégularité étaient attribuables à de fausses déclarations des prestataires. Voilà des faits troublants, M. le Président, qui auraient dû inciter la ministre à sévir là où se trouvent les abus et non pas dans une législation que je qualifierais d'indigeste, voire fatale, dans certains cas, aux bénéficiaires de bonne foi.

L'État doit démontrer que la mesure qu'il adopte sera efficace. En l'espèce, rien n'est moins sûr, car, en plus de viser la mauvaise cible, le projet de loi déposé par Mme la ministre de la Sécurité du revenu dénature l'essence même de ce programme qui consiste en des mesures sociales justes et équitables pour l'ensemble des prestataires de l'aide sociale. Mauvaise cible, comme sa campagne contre les préjugés, on s'en souviendra, qui a coûté quelque 500 000 $ aux contribuables québécois.

Je lisais à cet effet un éditorial signé par Alain Dubuc, dans le journal La Presse , et qui s'applique une fois de plus à cette mesure que nous avons devant nous. M. Dubuc parlait, à ce moment-là, de la dame patronnesse du BS, et je le cite. Il disait, à ce moment-là: «Pour sa première intervention structurée en tant que ministre de la Sécurité du revenu, Mme Jeanne Blackburn a choisi de lancer une campagne contre les préjugés à l'égard des assistés sociaux. L'intention est certainement louable, mais, avec son message dégoulinant de bonne volonté, non seulement Mme Blackburn ne réussira pas à réduire les préjugés, elle risque même d'accentuer l'isolement qu'elle veut dénoncer.» Le projet de loi que nous avons devant nous, M. le Président, se situe à peu près dans la même lignée, c'est-à-dire qu'on rate la cible. En plus de rater la cible, on va créer des problèmes beaucoup plus que ce qu'on tente de corriger.

(20 h 10)

Je cite également l'avant-dernier paragraphe de l'éditorial de M. Dubuc, parce que, M. le Président, il correspond aussi à la définition que je me fais de ce que c'est, le ministère de la Sécurité du revenu. Et je le cite: «La sécurité du revenu est le fruit d'un contrat social entre ceux qui ont des ressources et ceux qui sont dans le besoin. Ce contrat social est actuellement menacé parce que trop de gens ont l'impression que l'argent de leurs impôts n'est pas scrupuleusement redistribué. Il y a des excès dans cette grogne, certainement, mais il y a aussi des questions légitimes. Mme Blackburn n'y répond pas et insulte, en fait, ceux qui les posent. Ce n'est pas la façon de créer la solidarité nécessaire.»

Je l'ai cité, M. le Président, parce que je trouve qu'il correspond très bien également à cette législation qu'on nous propose ici et qui, à mon avis, hors de tout doute, rate complètement la cible que vise la ministre qui a emprunté la voie de la facilité par le biais d'un projet de loi en faisant porter le poids des compressions de son ministère sur le dos des groupes les moins influents et les plus vulnérables. Elle a préféré abolir certaines mesures de contrôle mises de l'avant par notre gouvernement pour démasquer les fraudeurs de l'aide sociale, notamment la remise du chèque de main à main. Elle a, de plus, mis fin à un projet-pilote qui avait été donné à l'entreprise privée pour le recouvrement des comptes à recevoir, autant de moyens efficaces qui auraient permis de faire rentrer l'argent dans les coffres du gouvernement sans porter atteinte aux droits des plus démunis dans notre société.

Même s'il est faux de prétendre que tous les assistés sociaux sont des fraudeurs, on ne peut tout de même pas prétendre que le travail au noir n'existe pas dans le monde de l'aide sociale. Qui ne connaît pas quelqu'un ou quelqu'un qui connaît quelqu'un qui déjoue le système et retire des prestations de l'aide sociale? Il me semble que la ministre aurait pu donner un sérieux coup de barre afin de mettre de l'ordre de ce côté, et ce, avec l'appui de toute la population du Québec et également avec l'appui de tous les parlementaires en cette Chambre. Parce que, je veux le rappeler, les fraudeurs de l'aide sociale sont des voleurs de fonds publics et frauder l'aide sociale, c'est important de se le dire et de le redire, c'est aussi voler son voisin qui paie des taxes et qui paie des impôts.

Alors, de ce côté-ci de la Chambre et celui qui vous parle, nous sommes d'accord avec l'assainissement des finances publiques, nous sommes d'accord avec des mesures énergiques qui visent à atteindre cet objectif, mais pas avec les moyens que nous propose Mme la ministre de la Sécurité du revenu.

Ceci étant dit, j'ai examiné de près le projet de loi que la ministre nous présente. J'ai été estomaqué de lire, au deuxième alinéa de l'article 1 du projet de loi, que les prestataires devront dépenser jusqu'au dernier sou avant d'être admissibles; sinon, leurs prestations seront réduites pour chaque dollar qu'ils auront d'économie. Par cet alinéa, la ministre vient d'un seul coup priver l'adulte ou la famille d'un en-cas pour parer aux imprévus de la vie. Qui peut affirmer en cette Chambre que, dans la vie, dans la vraie vie, dans la vie de tous les jours, n'arrivent pas des imprévus?

Par cette pièce législative, cet article contenu dans le projet de loi, la ministre vient nous indiquer, le gouvernement vient de nous indiquer que, chez les assistés sociaux, les gens qui sont dans la pauvreté, M. le Président, il n'arrive jamais rien dans ces familles-là qui peut être considéré comme étant des imprévus. M. le Président, c'est faire preuve d'une déconnexion extraordinaire avec le vécu de ces citoyens, avec la réalité de ces gens qui vivent, rappelons-le, souvent au seuil de la pauvreté.

Pour sa gouverne, M. le Président, je voudrais rappeler à Mme la ministre, qui est porteuse de ce dossier, qu'un imprévu est quelque chose qui n'a pas été prévu, qui arrive lorsqu'on s'y attend le moins. Ce n'est certainement pas avec le chèque de bien-être qu'un adulte, et encore moins une famille, arrivera à mettre un peu d'argent de côté pour parer à ces imprévus. Car c'est là toute la beauté de cette mesure: il faut absolument être sans le sou pour être admissible à l'aide sociale. Et, une fois admis, la ministre nous dit candidement que le prestataire pourra se faire une réserve. Il ne faut pas avoir d'argent pour être assisté social, il ne faut surtout pas trop en retirer, mais la condition que pose le projet de loi de Mme la ministre, M. le Président, c'est de nous dire: Bien, ils vont se faire des réserves à même ce qu'ils retirent

C'est faire, M. le Président, la reconnaissance ou la démonstration que les assistés sociaux ne peuvent avoir d'imprévus. Et, pour un, je pense que ça ne correspond pas à la réalité. À ce que je sache, les assistés sociaux sont des gens comme tout le monde. Ils vivent dans des conditions qui ne s'apparentent malheureusement pas à celles que nous vivons, mais c'est des gens qui méritent notre attention et qui méritent surtout que le législateur, dans des projets qui sont présentés, dans des mesures qu'il veut vraiment appliquer, fasse en sorte que l'on tienne compte de ce qui peut arriver également à ces prestataires dans la vie de tous les jours.

Est-ce que, M. le Président, Mme la ministre croit sincèrement que, le premier de chaque mois, les prestataires de l'aide sociale encaissent le gros lot, pour faire une pareille affirmation dans l'article 1 de son projet de loi? Nous sommes, de ce côté-ci, plutôt convaincus que cette mesure incitera les futurs prestataires à frauder la loi en cachant leur maigre pécule ou en le dépensant pour ne pas avoir à être pénalisés. La méconnaissance de la ministre des réalités de sa clientèle lui fait croire qu'elle économisera 30 000 000 $ dans l'application de cette mesure. Dans les faits, elle servira davantage à appauvrir les plus pauvres.

Et plus, M. le Président, j'avançais dans l'analyse de ce projet de loi plus j'étais contre et plus je crois que la ministre, qui est porteuse du même projet de loi, ignore cette réalité des assistés sociaux et n'accorde aucun crédit à ceux et celles qui se retrouvent à l'aide sociale, souvent par un enchaînement de circonstances malheureuses. Le contexte économique défavorable que nous avons connu au cours des dernières années a fait plus d'une victime et c'est souvent bien malgré leur volonté que certains ont dû faire appel à l'aide sociale pour combler leurs besoins les plus élémentaires, soit se loger ou se nourrir, en attendant de retrouver un emploi. Car, M. le Président, personne, même en cette Chambre, ne peut affirmer, aujourd'hui, qu'un jour ou l'autre quelqu'un de ses proches, quelqu'un de ses amis, quelqu'un de son voisinage ne sera pas dans l'obligation, je dis bien dans l'obligation, de faire appel à l'aide sociale pour répondre à ses besoins les plus élémentaires et à ceux de sa famille.

D'autres personnes, M. le Président, désireuses de participer à de la formation et à des programmes d'emploi, mais qui devaient attendre qu'une place se libère pour être admises, étaient considérées, dois-je le rappeler, comme disponibles et les prestations étaient bonifiées de 50 $ durant cette période d'attente, ce qu'on appelait le barème de disponibilité. Les articles 4 et 7 du projet de loi aboliront ce barème à compter du 1er avril 1996. Ainsi, donc, ces personnes seront considérées comme non participantes, malgré leur bonne volonté, perdant ainsi 50 $ par mois sur leur chèque. Pour la ministre, 50 $ par mois ne signifient peut-être pas grand-chose, mais, pour une personne vivant de l'aide sociale, 50 $ peuvent représenter une commande d'épicerie pour une semaine. Ce geste de la ministre, M. le Président, est difficilement explicable.

Dans l'état actuel du projet de loi, M. le Président, je devrai évidemment voter contre. Je refuse de cautionner le fait qu'on oblige les plus pauvres à se serrer la ceinture à cause de l'incapacité de prévoir de ce gouvernement, à cause également du laxisme dont ce gouvernement a fait preuve dans la tourmente référendaire et préréférendaire.

Il faut rappeler, cependant, M. le Président, qu'on s'adresse ici à un budget très important. Globalement, c'est plus de 4 000 000 000 $ qui sont versés aux gens au niveau de la sécurité du revenu au Québec, et ça s'adresse à plus de 800 000 assistés sociaux. C'est donc quelque chose d'important. La ministre s'adresse donc de la mauvaise façon à une problématique qui est, malheureusement, réelle et elle démontre, une fois de plus, l'inaptitude de son gouvernement à saisir la réalité de la situation et à en apprécier toute la dimension. Vous faites fausse route, M. le Président. Ce gouvernement, Mme la ministre, fait fausse route. Et, si la ministre réussit à saisir l'ampleur des dégâts qu'elle va provoquer ou qu'elle se prépare à provoquer, elle modifiera, j'en suis convaincu, en profondeur, de fond en comble, son projet de loi.

(20 h 20)

C'est là le but de nos interventions ce soir, M. le Président, et je suis heureux de voir que la ministre suit avec beaucoup d'attention ces travaux. Je vous ai mentionné quelque trois ou quatre articles qui, à mon avis, méritent reconsidération et j'espère que c'est avec ouverture que, du côté ministériel, vous accueillerez ces propositions concrètes que nous faisons d'appuyer certaines mesures incluses dans ce projet de loi, mais aussi de travailler à d'autres mesures qui sont très loin du consensus et qui, on le remarque un peu partout au Québec, donnent lieu à une levée de boucliers. Et, M. le Président, je suis sûr que la ministre n'aime pas ça. Et, si elle veut les corriger, elle a la possibilité de le faire avec le concours de l'opposition officielle. Alors, c'est cette offre que nous lui faisons ce soir.

Vous m'indiquez que mon temps de parole s'achève, mais c'est cette offre que nous faisons au gouvernement de contribuer de façon positive à l'élaboration d'une législation qui va corriger certaines choses auxquelles s'adresse la ministre, mais qui ne pénalisera pas des gens qui, M. le Président, comme je l'indiquais tantôt, sont au seuil de la pauvreté. Et, d'aucune façon, de ce côté-ci de la Chambre, nous ne concourrons à appauvrir davantage des gens qui vivent actuellement dans la pauvreté. Alors, nous recommandons au gouvernement de refaire ses devoirs et de nous revenir avec un projet de loi largement modifié, ce qui nous permettrait, avec eux, avec ce gouvernement, de contribuer à certains objectifs que nous reconnaissons dans ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Richmond. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine, tout en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole maximal de 20 minutes. À vous la parole.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 115, projet de loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu, est certainement un de ces projets de loi qui, au lieu de contribuer à régler les problèmes difficiles que vit une partie de notre société, une partie de nos concitoyens, est plutôt un projet de loi qui va, pour certains, empirer et, pour d'autres, aider à faire perdurer une situation qui, parfois, est difficile.

En effet, M. le Président, que voyons-nous dans ce projet de loi? Nous voyons, tout d'abord, des coupures, des coupures qui sont contre-productives, et j'y reviendrai plus tard, car dans mon exposé j'aurai l'occasion d'aborder certains éléments plus particuliers du projet de loi. Nous y voyons aussi l'absence d'incitation à envoyer les gens sur le marché du travail. Et nous y retrouvons aussi, bien sûr, l'impression qu'on va donner que des gens qui en ont besoin vont recevoir des sommes pour lesquelles ils pourraient se sentir coupables vis-à-vis des autres citoyens de notre société.

Pour commencer, j'aimerais rappeler à tous les parlementaires qui sont ici, ainsi qu'aux concitoyens qui nous écoutent ce soir que le programme de sécurité du revenu a été fait à une époque où nous avions, au Québec, ce souci, cette préoccupation de partage, de vouloir aider ceux dans notre société qui étaient parmi les plus démunis. En effet, dans les années soixante-dix, alors que notre société québécoise connaissait une croissance et une prospérité avec peu d'égal à travers le monde, nous avons cru que ceux parmi nos concitoyens qui n'avaient pas la chance de trouver ce niveau de vie, de trouver les mêmes chances ou les mêmes facilités que la très grande majorité des gens, devaient être aidés par le système. Nous parlions là des gens, bien sûr, qui étaient très souvent inaptes au travail, qu'ils soient handicapés, femmes seules avec enfants, personnes âgées et autres personnes avec difficultés d'insertion dans notre société.

Au fur et à mesure des années, ce programme est devenu, pour des raisons qu'on pourrait débattre longuement, un peu la voie de garage des gens qui ne trouvaient plus d'emploi, de ceux qui, après avoir eu accès à l'assurance-chômage, avaient de la difficulté à se réintégrer ou ne trouvaient pas d'emploi. Et là, bien, ils sont allés en nombre toujours plus croissant, malheureusement, se réfugier sous la Loi sur la sécurité du revenu. On doit dire, à titre d'exemple, que, vers 1975-1976, nous pouvions compter – peut-être puis-je me tromper de quelques chiffres, mais je ne crois pas – environ 250 000 Québécois qui étaient sur la sécurité du revenu. De ce chiffre, 75 % étaient inaptes ou reconnus, selon les normes en vigueur à l'époque, comme inaptes à occuper un emploi, inaptes au travail.

En 1996, si j'écoute la ministre, si je lis les dernières statistiques, les derniers chiffres ou les dernières prévisions, nous parlons de 800 000, de 850 000 et peut-être même de 900 000. Ce qui est frappant, c'est que, en 1995-1996, nous retrouvons 75 % de ces gens-là qui sont aptes au travail, contrairement à il y a 20 ans où 75 % des 250 000 étaient inaptes. Alors, force est de constater que ce programme est devenu une voie d'achoppement, une voie de garage pour toutes les personnes qui, dans notre société, pour des raisons de formation professionnelle, des raisons de chômage technique, des raisons de sous-scolarisation, n'ont pu trouver un emploi et n'ont pu occuper une activité rémunératrice qui leur permettrait d'être autonomes et de se prendre en charge, d'élever leur famille par les gains de leur travail.

M. le Président, c'est là un grand désastre, c'est un grand malheur pour notre société, car, en effet, un peu plus de 10 % de notre société vit sur la sécurité du revenu. Je connais peu de pays dans le monde qui ont un taux comparable à celui-là. Certes, certaines sociétés peuvent avoir – européennes, entre autres – des gens en quantité importante sur ce genre de programme, mais une société comme la nôtre, au Québec, qui n'est quand même pas si nombreuse – on parle de 7 500 000 – n'a tout simplement pas les moyens, ni financiers ni structurels, de supporter cela longtemps.

Et, en plus de ça, M. le Président, aucune société, aucun pays dans le monde ne peut faire en sorte qu'une grande partie de ses citoyens, parmi, même, les plus jeunes... Car on retrouve maintenant sur la sécurité du revenu des jeunes, beaucoup de jeunes. Aucune société, disais-je, ne peut tolérer, ne peut accepter ça, car ce sont les forces de l'avenir qui sont là. Si ces jeunes, aujourd'hui, à 19, 20, 21, 22, 30, 34, 35 ans, sont sur la sécurité du revenu depuis un, deux, trois, quatre ans, cinq ans et plus dans certains cas, que leur arrivera-t-il dans l'avenir? Quelles perspectives ont-ils de pouvoir progresser? Je n'en vois guère, M. le Président, et ils n'en voient guère. Et c'est ça, notre grand malheur, c'est ça, notre désastre. Au lieu d'utiliser ces forces vives à créer et à bâtir notre société, à faire en sorte que tous ensemble contribuent à son évolution, à son élévation, non, ces gens-là sont, malheureusement, laissés pour compte et doivent vivre dans des conditions très précaires.

Et qu'est-ce que la ministre nous amène? On nous avait promis une nouvelle façon de gouverner. Le ministre Bourbeau, dans le temps de l'ancien gouvernement, avait amené un certain nombre de programmes pour essayer de faire en sorte que les gens retournent sur le marché du travail. M. le Président, c'est évident qu'en donnant un peu plus aux gens sur l'aide sociale, sur la sécurité du revenu, s'ils allaient suivre des cours de réinsertion ou s'ils voulaient occuper un emploi, c'était un incitatif ou une récompense pour dire: Vous faites un effort, la société va le faire avec vous.

Qu'est-ce que la ministre, dans sa loi, nous propose? Elle coupe ces gens-là. Elle fait en sorte que les gens insatisfaits d'être sur ce programme, insatisfaits du sort qui leur est réservé maintenant et pour leur avenir, bien, ces gens-là soient pénalisés. Inadmissible, M. le Président. Non seulement inadmissible, mais contre-productif. Inadmissible au point de vue moral, car, dans toute société, M. le Président, il faut reconnaître l'effort. Si on veut qu'une société s'élève, il faut encourager ceux qui en font un peu plus, que ce soit dans une entreprise, dans un commerce, avec un meilleur service pour la clientèle, que ce soit par des mesures comme celle-là, M. le Président, les gens qui font l'effort. Et, malheureusement, c'est le contraire qui est fait, et je ne comprends pas cela.

(20 h 30)

En même temps, au niveau des contrôles sur les fraudeurs, M. le Président, sur ceux qui abusent, car dans tout système – et celui-ci est peut-être un des plus généreux qu'on puisse connaître en Occident, M. le Président – il y a toujours des gens qui vont en profiter, des gens qui n'y ont pas droit... Toute société doit se défendre et se prémunir contre ces abus afin de faire en sorte que les sommes d'argent payées par les citoyens, par cette solidarité dont je parlais au début de mon discours, puissent être utilisées par seulement ceux qui en ont vraiment besoin. Mais, M. le Président, on annule des contrôles. À titre d'exemple, nous apprenions dernièrement que la ministre a décidé, dans sa sagesse et sa grande vision, de faire en sorte que, maintenant, les gens qui reçoivent de l'aide sociale auraient un dépôt direct à la banque. Un dépôt direct, c'est-à-dire même plus de contrôles; l'argent est envoyé directement dans le compte de banque.

Moi, je me rappelle, il y a deux ou trois ans et encore dernièrement, là, avant la session du dernier gouvernement au pouvoir, qu'il y avait eu des grèves de la poste – tous les Québécois s'en souviennent, des grèves de la poste – et nous avions retrouvé, au ministère de la Sécurité du revenu, plusieurs dizaines de milliers de chèques non réclamés parce que les chèques n'étaient plus envoyés directement dans les boîtes aux lettres, il fallait aller les chercher au bureau de l'aide sociale. Des dizaines de milliers de personnes ne se sont pas présentées. Pourquoi? Force a été de constater, après analyse, que la très grande majorité des gens qui ne se sont pas présentés – pas tous, certes il y en avait qui n'étaient pas dans ce cas-là – étaient des gens qui n'avaient pas droit à ces chèques et qui ne voulaient pas se présenter au bureau. Nous avons découvert des dizaines de milliers de cas de fraude.

M. le Président, c'était là certainement le meilleur contrôle qu'on pouvait avoir: obliger les gens à aller devant un agent payeur ou un agent qui allait remettre le chèque et justifier leur identité pour savoir si, oui ou non, ils étaient éligibles légalement à ces prestations d'aide sociale qui, je le rappelle, sont une ponction de la feuille d'impôt, de la feuille de paie de chacun des travailleurs et des travailleuses québécoises qui le font en toute bonne foi, au nom de la solidarité et de la générosité, qui est une des marques de notre société québécoise.

À la place, M. le Président... On dit maintenant, là: Non seulement vous n'aurez plus jamais à vous présenter, en cas de grève, au ministère pour collecter votre chèque, mais on ne fera même plus de mesures préventives ou de tests, dans certaines régions, comme on le faisait avant pour venir vous rendre au bureau. On va vous l'envoyer directement. Quand on sait, M. le Président, qu'avec les guichets automatiques on peut le recevoir partout à travers différents pays, imaginez les abus auxquels cela peut nous mener. Et je pense que les Québécois et les Québécoises, ce soir, ont de quoi s'inquiéter devant ce laxisme et ce relâchement d'un contrôle fondamental qui est de faire en sorte que seulement celui qui a le droit et qui a besoin d'une aide puisse en bénéficier.

M. le Président, je crois que la ministre aurait pu faire en sorte d'arriver à cette nouvelle façon de gouverner et nous dire: Voilà, je mets maintenant une nouvelle incitation au travail, on va mettre des programmes, on va faire en sorte que les gens puissent avoir le goût de retourner sur le marché du travail. J'avais dernièrement, à mon bureau de député, une jeune femme qui était, M. le Président, sur l'aide sociale, qui suivait un cours à l'université. Elle terminait son cours. Une jeune femme avec deux enfants, le père étant parti on ne sait où. Et son agent d'aide sociale l'a appelée et lui a dit: Madame, nous allons maintenant vous supprimer l'aide sociale pour une partie importante parce que vous prenez un cours à l'université à temps plein. La femme, elle a dit: Mais je termine mon cours, laissez-moi terminer. Je vais être auxiliaire sociale, je vais pouvoir travailler dans un hôpital ou dans un CLSC. Je pourrai, dans un an, quand j'aurai fini, élever ma famille, sortir de ce programme d'aide sociale. On a dit: Non, tu ne peux pas, ce n'est pas dans les cours prévus par l'aide sociale. C'est des mesures comme celle-là, M. le Président, auxquelles on se serait attendu, pas des mesures qui visent tout simplement à récupérer de l'argent pour boucler le budget de la ministre, en touchant les plus démunis, en touchant les gens qui sont peut-être parmi les plus faibles, parmi ceux qui ont le plus besoin d'être appuyés par notre société, d'être non pas stigmatisés dans les médias, ce qui est facile. Il est facile, M. le Président, de dire: Bien, c'est des BS, ils sont sur l'aide sociale, ce sont des bons à rien, ce sont des paresseux. Non, M. le Président. Il y a des gens, dans cette catégorie de personnes qui en reçoivent, qui sont des victimes de la société. La société les a laissés tomber, on les a fait rentrer à 18, 19 ans sur l'aide sociale, sur la sécurité du revenu et on les a laissés, on n'a rien fait en sorte de les inciter à retourner travailler, à se reprendre en main et à aller reprendre leurs responsabilités. Et c'est là un des travers de notre société actuelle. C'est qu'on a pris pour acquis que, du moment où les gens recevaient un chèque minimal, ils pouvaient se considérer heureux et continuer à faire une petite vie, mais ce n'est pas vrai. Une grande partie de ces gens-là, la très grande majorité, et on en rencontre beaucoup... Je pense que tous les députés, ici, particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal qui est très touchée par ça, nous recevons à nos bureaux des gens sur l'aide sociale qui aimeraient ça travailler, qui aimeraient ça poursuivre des études ou terminer leurs études, qui aimeraient ça être encouragés à le faire, des gens qui ont des familles, des jeunes enfants, qui sont démotivés, qui ont perdu toute fierté, qui se sentent les boucs émissaires d'une société elle-même déboussolée dans certains de ses principes, dans certaines de ses valeurs. Et qu'est-ce que la ministre a à leur offrir? La technocratie, les coupures, la porte-parole de ces fonctionnaires, aucune chaleur humaine, aucune vision, aucune sympathie pour ces gens-là. Voilà ce que l'on retrouve, M. le Président. Et mon collègue, le député de Richmond disait: «Tout et chacun d'entre nous et de nos amis et membres de nos familles peuvent se retrouver un jour dans cette situation, dénués de ressources, de travail, certains après avoir oeuvré longuement 15, 20 ans dans la société et avoir pris leur place, avoir payé leur dû. Beaucoup d'entre nous ou de nos connaissances peuvent s'y retrouver.»

Et qu'est-ce que la ministre prévoit pour ces gens-là? Rien, M. le Président. Rien. Est-ce que l'on prévoit de faire en sorte d'avoir des programmes de revenu partagé avec les entreprises pour que les gens retournent travailler en recevant certainement un supplément? Est-ce qu'on prévoit de la formation professionnelle à l'intérieur de certains cadres tout en réinsérant les gens? Non, des programmes dans lesquels on donne une subvention aux entreprises, et, quand elle est finie, les gens s'en vont, et on en prend d'autres. Encore une fois, M. le Président, il n'y a rien de valable à moyen et à long terme pour ces gens-là.

Aussi, nous discutons sur le principe, mais je pense que, non seulement sur le principe, mais sur le fond du projet de loi, nous ne pouvons pas être d'accord. Le projet de loi devrait avoir comme priorité de donner à ceux de nos citoyens qui sont mal pris sur l'aide sociale et qui veulent travailler – et ils sont la majorité, d'après moi, de ceux qui sont aptes au travail – la possibilité d'y retourner, et ce, par des programmes incitatifs, par de la formation professionnelle, de la formation de la main-d'oeuvre – appelons ça comme on voudra – par des études universitaires, pour ceux qui le peuvent, et aussi par des partenariats avec les entreprises et les commerces, avec les gens qui créent de l'emploi pour que ces gens puissent s'y intégrer, puissent faire profiter la société de leur talent, parce qu'ils ne sont pas dénués de talent. Ce n'est pas parce qu'on est sur l'aide sociale qu'on n'a pas de talent. Ce n'est pas parce qu'on est sur l'aide sociale qu'on n'a pas de possibilités de travailler. Ce n'est pas parce qu'on est sur l'aide sociale qu'on n'est pas fier, M. le Président. Au contraire, il y a tout un potentiel, une richesse au Québec qui sont sous-utilisés, et je crois que la nouvelle façon de gouverner dont ils nous avaient parlé, qu'ils nous avaient promise, c'est vraiment la vraie ancienne, ancienne façon de gouverner, parce que la nouvelle façon de gouverner verrait justement à régler ces choses-là et à donner aux gens l'espoir envers l'avenir, l'espoir et la fierté de pouvoir s'insérer et s'intégrer dans la société québécoise, d'y trouver sa place, d'y élever sa famille et d'y être heureux et de pouvoir contribuer à l'ensemble de l'effort que la société, les citoyens font pour pouvoir continuer à faire évoluer et élever notre société. Pas en coupant, pas en restreignant, puis pas en prenant les gens comme ils sont là, dans le carcan et dans le cercle vicieux de l'empirisme de l'aide sociale. Alors, la ministre manque son coup, elle n'a pas de vision, elle n'a aucun sens de l'humanité et puis elle fait juste administrer des programmes, elle fait des coupures parce qu'elle a une commande du Conseil du trésor, et elle le fait sur le dos des plus démunis sans pour autant leur apporter de solution. C'est pour ça, M. le Président, que je vais voter contre.

(20 h 40)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine.

Une voix: Bravo!

M. Gobé: Merci. Bien, c'est vrai.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vais maintenant céder la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine et whip en chef de l'opposition. À vous la parole, M. le député.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de pouvoir m'exprimer au sujet du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. J'aurai l'occasion, dans les prochaines minutes qui suivent, de faire état des principaux éléments qui me portent personnellement à voter contre ce projet de loi.

Lorsque j'ai entendu les premières rumeurs, à l'automne, faisant état d'un dépassement au niveau des dépenses pour le ministère de la Sécurité du revenu, je me suis immédiatement rappelé les mises en garde que l'opposition officielle avait faites à la ministre, en avril dernier, à l'effet que les crédits qui étaient alloués à son ministère étaient de beaucoup inférieurs à ce qu'il allait en coûter réellement pour maintenir les prestations des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est maintenant en vertu de ces dépassements que la ministre dépose le projet de loi n° 115, et nous devons nous interroger aujourd'hui sur la connaissance réelle qu'avait la ministre de la Sécurité du revenu du financement de son propre ministère en avril dernier. Savait-elle alors qu'il y avait un dépassement, ce qui allait mettre la table aux compressions qu'elle annonce aujourd'hui, ou s'était-elle tout simplement montrée trop optimiste quant à l'avenir économique du Québec? Parfois, cette suite d'événements me porte à croire que la ministre était tout à fait consciente des dépassements qui seraient occasionnés à la sécurité du revenu et qu'elle a simplement joué le jeu des grands stratèges de son parti.

Tout d'abord, on lui imposait une enveloppe fermée qu'elle allait dépasser malgré toute sa bonne volonté, la forçant ainsi à prendre des mesures correctives qui allaient jouer contre les individus qui tentent probablement le plus de s'en sortir dans toute la clientèle qu'elle dessert. Il était pourtant évident à l'oeil nu, en avril dernier, que les fonds accordés à la sécurité du revenu étaient insuffisants. Alors, qu'a fait la ministre de la Sécurité du revenu lorsqu'il était temps de protéger sa clientèle? Elle a baissé les bras et elle a accepté l'enveloppe qui lui était confiée, sachant pertinemment qu'elle allait la dépasser. La ministre n'a pas su défendre sa clientèle depuis qu'elle est en poste, et les coupures qu'elle propose dans le projet de loi n° 115, et particulièrement du barème de disponibilité et les coupures dans le barème de participation, sont scandaleuses et mal fondées.

Tout d'abord, la ministre tente d'épater la galerie avec l'abolition des avoirs liquides. En effet, l'article 1 du projet de loi, qui prévoit que les prestataires devront dépenser jusqu'au dernier sou avant d'être admissibles à la sécurité du revenu, n'est rien d'autre qu'une mascarade, une insulte à l'intelligence. La ministre convie tous les futurs prestataires de la sécurité du revenu à avoir recours au bas de laine, ou à l'économie du matelas. Informés comme ils le seront qu'une telle disposition existe maintenant dans la loi, les futurs prestataires éviteront de ranger leurs économies dans des comptes en banque. Ce seront parfois 500 $ ou 1 000 $ qui seront gardés ainsi à l'intérieur d'un domicile, avec tous les inconvénients que nous pouvons imaginer que cela pourrait causer aux prestataires. Cette mesure est ridicule, car nous savons d'ores et déjà qu'elle sera contournée. Alors, pourquoi le proposer? Qu'est-ce que la ministre veut prouver? Comment peut-elle évaluer des économies à partir d'une mesure aussi ridicule? Ce sont à nouveau les futurs prestataires les plus honnêtes qui seront pénalisés, et ceux qui auront su contourner la norme seront encore avantagés par les politiques de la ministre.

L'abolition du barème de disponibilité et les coupures dans le barème de participation par voie réglementaire sont au nombre également des hérésies que contient ce projet de loi. Tous les prestataires de la sécurité du revenu qui désirent participer à la formation et aux programmes d'emploi seront pénalisés. Les barèmes consentis à ces bénéficiaires leur permettaient de recevoir un peu plus que s'ils ne faisaient aucun effort pour s'en sortir. En abolissant le barème de disponibilité, ce qui prive de 50 $ par mois ces bénéficiaires – et tout le monde sait que, pour des bénéficiaires d'aide sociale, 50 $ par mois, c'est très, très important, M. le Président – alors, en abolissant le barème de disponibilité, la ministre fait preuve du plus total mépris à l'endroit de ceux qui désirent, le plus rapidement possible, se réintégrer au marché de l'emploi. Non seulement elle s'attaque à leur volonté mais elle s'attaque également à leur dignité, puisque ce barème les distinguait de ceux qui ne désirent faire aucun effort et conserver tous leurs privilèges de la sécurité du revenu.

La ministre, M. le Président, réserve le même sort aux mesures d'intégration à l'emploi ou à la formation en amputant de 30 $ le chèque de tous les prestataires qui participent à ces mesures. Alors, M. le Président, lorsqu'on voit que c'est les prestataires, les bénéficiaires qui essaient de s'en sortir, qui sont motivés à vouloir aller chercher de la formation, à vouloir s'inscrire dans des cours pour faire en sorte d'augmenter leur employabilité, alors, on constate que, dans ce projet de loi, c'est ces gens-là qui, au premier chef, écopent, M. le Président. Et c'est totalement inéquitable et injuste qu'une telle mesure, dans une société dite évoluée comme la nôtre, qu'une telle mesure soit appliquée aux gens qui sont les plus démunis et, par surcroît, M. le Président, aux gens qui veulent s'en sortir en faisant les efforts qui s'imposent pour faire en sorte d'aller chercher une formation supplémentaire pour pouvoir améliorer leurs chances de réintégrer le marché de l'emploi, tel qu'ils le veulent dignement, M. le Président.

Nous avons l'impression de rêver lorsque de telles politiques sont abolies, alors que les deux mesures dont on vient de parler sont probablement celles qui provoquent le plus de dynamisme au sein de la clientèle de la sécurité du revenu. En coupant ainsi dans les incitatifs à mieux se préparer pour le marché de l'emploi, la ministre met un terme à une politique qui génère probablement plus d'économies que ce qu'elle espère obtenir en abolissant ces incitatifs au travail et à la formation. Par l'abolition du barème et les coupures dans le barème de participation, la ministre de la Sécurité du revenu contribue à l'érosion de la motivation des prestataires de la sécurité du revenu. Elle mine l'espoir et ne reconnaît plus les efforts que les prestataires de la sécurité du revenu pourraient porter à l'obtention d'une mesure en employabilité ou à un atelier de formation. S'il y avait, M. le Président, des abus du côté de l'utilisation de ce barème, eh bien, que la ministre fasse en sorte qu'elle isole des cas particuliers pour qu'eux ne fassent plus d'abus. Mais, M. le Président, qu'elle ne mette pas dans le même panier ceux qui désirent vraiment s'en sortir avec ceux qui utilisent tous les moyens à leur disposition pour profiter du système. Car c'est eux qu'on doit viser, M. le Président, ceux qui profitent du système, et non pas ceux et celles qui vont chercher une formation, qui font les efforts nécessaires pour faire en sorte qu'on s'en sorte. Parce que, justement, si on cible ceux-là qui essaient de s'en sortir en diminuant l'incitatif monétaire, le système n'y gagnera pas. Parce que, justement, si on conserve ces mesures-là avec l'argent, la rémunération qui doit s'y associer, on fait en sorte que ces gens-là sortent du système puis qu'il y ait des économies de l'autre côté. Et c'est de cette façon-là qu'on doit envisager un système équitable pour ces gens qui sont défavorisés.

Sur une note à peine plus positive, M. le Président, la ministre s'engage, à l'intérieur de ce projet de loi, à resserrer les mesures de recouvrement à son ministère. À la lecture du rapport du Vérificateur général, nous pouvons en savoir plus long sur les activités de recouvrement actuelles du ministère de la Sécurité du revenu. Je dois dire, M. le Président, que je n'ai pas été impressionné par les constats qu'a posés le Vérificateur général à l'égard de ces activités. On parle maintenant de plus de 300 000 000 $ qui auraient été versés en trop au cours des dernières années. Ce qui a particulièrement retenu mon attention n'est pas nécessairement les sommes en cause, mais la façon dont s'applique le ministère à récupérer ces sommes. J'espère que la ministre s'intéressera particulièrement à la figure 16.3, que l'on retrouve à la page 259 du rapport, qui fait état du nombre de dossiers par agent de recouvrement et du coût d'un dollar recouvré par les agents du ministère. Ces résultats montrent que, selon les régions administratives, il y a un différentiel important d'une région à l'autre en ce qui a trait à ces deux données. J'ai été surpris également, M. le Président, de constater que, dans plusieurs régions administratives, il en coûtait plus de 0,50 $ pour récupérer un dollar, alors, 50 % en frais de recouvrement.

(20 h 50)

Le rapport du Vérificateur général fait également mention d'un projet-pilote que l'ancien gouvernement libéral avait mis sur pied afin de tester les capacités d'une agence privée de recouvrement à récupérer des sommes dues. Les conclusions dont fait état le rapport du Vérificateur général montrent que l'agence privée a recouvré beaucoup plus de créances en six mois d'efforts que le ministère, et ce, à un coût sensiblement inférieur. Pourtant, M. le Président, c'est avec empressement que la ministre a proposé d'abolir ce projet-pilote ou, enfin, de ne pas reconduire son mandat. Il y a donc possibilité d'aller récupérer des sommes importantes de ce côté.

J'aimerais toutefois proposer à la ministre qu'elle fasse preuve d'imagination et qu'elle vise l'efficience dans ce domaine et qu'elle n'écarte pas d'avoir recours à des agences de recouvrement privées, si cela est nécessaire, pour récupérer des sommes versées en trop à des bénéficiaires qui n'y avaient pas droit. La ministre a fait la manchette en se targuant d'avoir récupéré 14 000 000 $ de plus que pour l'année 1994-1995. J'aimerais, M. le Président, rappeler à la ministre que l'essentiel des mesures en vigueur pour l'année financière 1995-1996 avait été établi sous l'ancienne administration et qu'une part de ces sommes recouvrées l'ont été par l'agence privée plus tôt mentionnée, M. le Président. C'est donc de ce côté que nous espérons que la ministre ira puiser des sommes supplémentaires et non pas du côté des barèmes qui motivent les prestataires de la sécurité du revenu à parfaire leur formation ou à se trouver un emploi.

Nous savons, M. le Président, qu'il est impératif d'assainir les finances publiques au Québec et je ne crois pas que le projet de loi n° 115 soit un réel pas en avant, devant l'assainissement des finances publiques. Il s'agit plutôt d'un cas concret où le gouvernement tente d'économiser quelques millions de dollars, mais à l'aide de mesures qui s'avéreront contre-productives, à court et moyen terme. Par exemple, M. le Président, la loi 102, qui affectait la rémunération des fonctionnaires et de tous les employés de l'État, permettait au gouvernement de récupérer beaucoup plus que 137 000 000 $, et ce, en récupérant deux jours de congé pour les employés. Avec la mesure proposée, la ministre de la Sécurité du revenu fait payer aux bénéficiaires de la sécurité du revenu, ceux qui veulent faire des efforts pour retourner sur le marché du travail, elle leur fait payer son incapacité à bien les représenter, à bien les défendre au Conseil des ministres. À la lecture de ce projet de loi, on constate rapidement que la ministre est soumise aux priorités d'autres collègues du gouvernement.

Il est triste, M. le Président – et j'aimerais conclure sur ce point – d'apprécier le peu de sympathie que manifeste la ministre à l'égard de sa clientèle et, plus particulièrement, à l'égard de la clientèle la plus désireuse de se sortir de l'impasse. Nous avons devant nous, M. le Président, un projet de loi qui traduit bien l'esprit qui anime ce gouvernement. Les dépenses partisanes reliées à la campagne référendaire ou les grandes réceptions du 1080, des Braves ne posent plus de problèmes. Lorsqu'il faut sabrer dans les dépenses, le gouvernement du Parti québécois se tourne immédiatement vers les plus démunis de notre société et leur fait payer le prix de ses mauvaises priorités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Berthier et adjoint parlementaire au premier ministre en matière de jeunesse. À vous la parole, M. le député.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 115, projet de loi qui modifie la Loi sur la sécurité du revenu afin de prévoir l'application de la législation en matière de conditions de travail aux personnes qui exécutent un travail dans le cadre d'une mesure temporaire de soutien à l'emploi ou d'activités communautaires dans le cadre des programmes Soutien financier et Actions positives pour le travail et l'emploi.

M. le Président, nous sommes, ce soir, réunis autour d'un débat extrêmement important qui engage l'avenir de la société. Nous vivons actuellement dans un système, qu'on appelle celui de l'aide sociale, qui coûte près de 4 000 000 000 $ aux contribuables, qui coûte, en fin de compte, très, très cher aux contribuables québécois et qui semble de plus en plus être moins efficace et moins performant, 4 000 000 000 $ qu'on va chercher dans les poches des contribuables, à chaque année, pour générer de plus en plus de désespoir, pour générer de plus en plus de misère, pour générer de plus en plus de pauvreté, bref pour générer de plus en plus de souffrance et de détresse humaine.

J'entendais, avant 18 heures, des députés de l'opposition, particulièrement la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne ainsi que le député de Laurier, verser certaines larmes de crocodile sur les plus démunis de la société. Je voudrais quand même leur rappeler qu'eux, les gens de l'opposition, arrivent d'un règne de gouverne de près de 10 ans, au Québec, 10 ans où ils ont dirigé, avec M. Robert Bourassa, les destinées du Québec, où il faut se rappeler, pendant plusieurs années, la prédominance de l'idée du grand capital, hein, épousée par Paul Gobeil. Rappelez-vous le comité des sages où M. Gobeil disait à l'ensemble de la population: Nous voulons votre bien et nous l'aurons. C'est ça qui a primé pendant fort longtemps, le dogme, ou l'idéologie néolibérale véhiculée par le Parti libéral du Québec.

Qu'est-ce que ces gens-là ont fait? Qu'est-ce qu'ils ont fait pour réformer un système qui est très coûteux puis qui ne marche plus? Qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont été là, au pouvoir, pendant 10 ans. Qu'est-ce que le député de Vaudreuil-Soulanges a fait à la tête du puissant Conseil du trésor? Qu'est-ce qu'il a fait pour réformer un système qui jetait de plus en plus, année après année, les gens dans la misère et la pauvreté? Ils ont fait une chose: ils ont dépensé 137 000 000 $ pour essayer de mettre en place un système de contrôle, différents logiciels, pour essayer de gérer au-delà de 300 critères, 300 mesures, 300 normes. Mme Blackburn, députée de Chicoutimi et ministre de la Sécurité du revenu, parle maintenant de 357 mesures qui frappent les plus démunis de notre société.

Comment voulez-vous que les pauvres, les souffrants, les esseulés de notre société, les gens qui sont confrontés à la misère et la pauvreté puissent se retrouver là-dedans? Comment les propres fonctionnaires du ministère de la Sécurité du revenu peuvent-ils administrer un système aussi déconnecté de la réalité? C'est ça, l'aberration du système, un système qui ne marche pas, un système qui a plongé année après année les bénéficiaires dans des obstacles de plus en plus bureaucratiques, des obstacles de plus en plus technocratiques, des obstacles, en fin de compte, qui rendaient de plus en plus la vie difficile aux citoyens puis aux citoyennes. Alors, ils n'ont pas fait le ménage là-dedans.

137 000 000 $, en passant, c'est quasiment la moitié du programme d'investissement qui a été stimulé par le plan Paillé pour le démarrage en entreprises. C'est de l'argent, ça, de l'argent qui a été littéralement jeté aux poubelles, hein, pour essayer encore une fois de gérer, de contrôler un système qui ne marche plus et qui ne fonctionne plus. On a, en fin de compte, accru le pouvoir des bureaucrates puis des technocrates et on a additionné les mesures pour compliquer un système qui est déjà pas mal complexe pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes.

On a parlé, tantôt, de la question du débat référendaire. Il faut se rappeler que les gens d'en face ont dirigé le Québec pendant 10 ans, et pendant 10 ans on s'est fait rabâcher les oreilles avec le débat constitutionnel. Dix ans de débat constitutionnel stérile pour nous mener à quoi? À rien. Un des débats constitutionnels et politiques les plus insignifiants de l'histoire du Québec pour nous amener à quoi? À rien. Des centaines de millions qui ont été dépensés, en fin de compte, autour d'un débat constitutionnel qui ne nous a amenés nulle part, un débat constitutionnel qui nous a fait reculer. C'est ça, la conclusion du débat constitutionnel qui a été mené par les troupes de Robert Bourassa.

(21 heures)

Il faudrait se rappeler aussi, et c'est malheureux, et les jeunes trouvent ça malheureux, que, encore aujourd'hui et encore ce soir, même si deux jeunes sur trois au Québec ont appuyé la souveraineté, nous vivons encore dans un système fédéral qui amplifie le problème: formation professionnelle d'un bord, formation professionnelle d'un autre; mesures d'employabilité d'un bord, mesures d'employabilité de l'autre; millions, pour ne pas dire des centaines de millions et des milliards, gaspillés dans les dédoublements, dans l'administration; incohérence par-dessus incohérence; chômage d'un côté, aide sociale de l'autre. Le système fédéral – système qui incarne très bien la médiocrité et le gaspillage: médiocrité financière, médiocrité administrative; gaspillage financier, gaspillage humain. C'est ça qu'il faut dire aussi autour de ce débat-là.

Les jeunes refusent le statu quo, M. le Président. Les jeunes ont refusé, le 30 octobre dernier, le statu quo constitutionnel, le statu quo économique et le statu quo social. Et les gens d'en face sont encore figés dans le même discours qui domine, justement, l'opposition officielle: le statu quo. Et c'est pour ça qu'on ne s'en sort pas. Les pauvres ne peuvent pas s'en sortir dans le statu quo économique et social actuel. Les assistés sociaux ne peuvent pas retrouver leur fierté et leur dignité, retrouver un minimum de vent d'espoir pour être en mesure de reprendre en main leur vie et leur destinée, être en mesure de bâtir l'avenir, de fonder des familles, d'avoir des enfants et d'espérer.

On est obligé, comme je le mentionnais tantôt, de faire référence au système dans lequel on est actuellement, c'est-à-dire le système fédéral. Mais l'autre chose qu'on sait et on voit qu'une certaine... C'est pour ça que j'ai de la difficulté à croire les discours de l'opposition officielle. Moi, je sais très, très bien que, si l'opposition officielle était au pouvoir aujourd'hui, elle ne réformerait pas grand-chose. On continuerait à rafistoler les garde-fous, qui coûtent de plus en plus d'argent aux contribuables et aux payeurs de taxes, tout ça pour entretenir un système qui génère de plus en plus de pauvres et d'exclus au Québec.

Mais, pire que ça – et, ça, il faut le dénoter – ces gens-là sombreraient dans la facilité politique. Rapidement, ces gens-là épouseraient les grandes doctrines néolibérales des Ralph Klein et des Mike Harris, en disant tout simplement: S'il y a des problèmes dans notre société aujourd'hui, c'est la faute des pauvres. Et ils épouseraient très rapidement ce qui a caractérisé le pouvoir de Ronald Reagan à la tête des États-Unis d'Amérique, en disant: Il faut frapper sur les plus fragiles de notre société, il faut frapper sur les plus démunis de notre société. Il faut frapper, il faut victimiser, culpabiliser les plus pauvres de notre société. Et on se retrouve aujourd'hui, aux États-Unis, avec 50 000 000 de pauvres. C'est deux fois la population du Canada. Ces gens-là seraient tentés, justement, de tomber dans la politique à courte vue, la politique du court terme, la politique de la facilité, qui rapporte des votes à court terme, mais qui jette la société, qui plonge la société dans des sacrés problèmes qui peuvent avoir des conséquences dramatiques à moyen et à long terme sur la vie de la société québécoise.

Le Québec a décidé de faire autre chose. Le Québec a décidé de faire autrement, et ma collègue de Chicoutimi, responsable de la Sécurité du revenu, a annoncé dans les derniers mois une réforme fondamentale. Il est là, l'espoir des plus pauvres. Il est là, l'espoir des exclus de notre société. Elle n'a pas décidé, elle, de sombrer dans la stratégie des Bourbeau et compagnie, d'additionner les mesures de contrôle, d'additionner les normes, de compliquer davantage le système pour rendre de plus en plus difficile la vie aux assistés sociaux. Elle a décidé de réformer complètement le système d'aide sociale et elle a nommé, à la tête de cette réforme importante, l'économiste Pierre Fortin et Camil Bouchard: l'expertise et la compétence alliées à l'humanité d'un individu, M. Camil Bouchard, reconnu pour son rapport «Un Québec fou de ses enfants».

Voilà la voie d'avenir pour les plus fragiles de notre société, décider de faire table rase sur un système qui ne marche plus. Décider de faire table rase justement pour ne pas arriver, dans un an ou dans deux ans, et d'être plongé, d'être aux prises encore avec les mêmes problèmes d'exigences budgétaires et financières. C'est ça, la réalité. Ça, c'est la voie du courage, de la lucidité et de la vision, la voie aussi qui va définitivement mobiliser et rassembler tout le monde autour d'un nouveau projet de société au Québec. S'il faut refaire une deuxième révolution tranquille, s'il y a nécessité de refaire un nouveau pacte social à l'aube du XXIe siècle, s'il y a nécessité de refaire un contrat social qui répond davantage aux grands problèmes du Québec d'aujourd'hui et de cette fin de siècle, bien, il commence d'abord et avant tout par la réforme de tout le système de l'aide sociale. C'est là que ça commence, c'est là que le Québec peut se distinguer, c'est là que le peuple du Québec...

Parce que le peuple du Québec s'est comporté comme un peuple, le 30 octobre dernier. Il doit continuer à se comporter comme un peuple. Et, un des premiers défis qui l'attend, justement, c'est qu'on puisse être tous ensemble, parce que ce n'est pas juste la responsabilité de la ministre de la Sécurité du revenu, ce n'est pas juste la responsabilité du gouvernement en place ou de l'opposition, c'est la responsabilité de tous les citoyens et les citoyennes de faire, de faire, M. le Président, une lutte tous azimuts à l'exclusion et à la pauvreté, et principalement à la pauvreté de nos plus jeunes dans notre société actuellement. C'est là le défi du XXIe siècle, c'est qu'on puisse faire remettre à contribution des centaines de milliers de personnes au Québec. C'est ça, le défi de notre gouvernement; c'est ça, le défi de notre société. Parce qu'il n'y a pas d'avenir dans l'assistance. Moi, je suis convaincu – et l'expérience et mon engagement auprès des plus défavorisés de notre société dans les cinq dernières années m'amènent à le dire – qu'on tue littéralement un jeune à petit feu en lui donnant un chèque sans lui demander rien en retour. J'en suis profondément convaincu, M. le Président.

Et, là-dessus, je voudrais quand même soulever quelques chiffres. Il y a une étude de la Sécurité du revenu qui évoquait dernièrement – je parcourais un rapport – que 40 % des jeunes qui étaient à l'aide sociale en 1984-1985 le sont toujours aujourd'hui. Donc, c'est une trappe à dépendance, et un jeune ne peut pas s'épanouir là-dedans. C'est pour ça qu'il faut réformer l'aide sociale, c'est pour ça qu'il faut réformer le système. Et 85 % des jeunes inscrits à l'aide sociale n'ont aucun diplôme. On parle de 135 000 jeunes au Québec. Ce n'est pas en rafistolant des normes puis des critères qu'on va permettre de régler ce problème-là. Et la solution ne repose pas uniquement non plus sur la responsabilité des gouvernements. Il va falloir qu'on puisse reprendre en main certaines valeurs qu'on a laissé tomber. Moi, je sais qu'il n'y a pas de solution miracle, il n'y a pas de recette magique. Et, je suis obligé de le dire, il y a beaucoup de jeunes qui décrochent de l'école. Oui, les gouvernements devront prendre des responsabilités, mais ce n'est pas strictement une responsabilité gouvernementale. Il va falloir que les parents aussi reprennent en main cette responsabilité première qui est d'élever leur enfant.

On a garroché dans le système éducatif, dans les 30 dernières années, deux responsabilités fondamentales envers les jeunes: éduquer puis élever les enfants. C'est vrai que ce n'est pas facile. Il y a des choses, comme l'amour, qu'il faut réhabiliter dans nos relations avec les jeunes générations. Bien des jeunes abandonnent l'école, puis on regarde ça, puis... Je les ai reçus, et votre ex-collègue, Yvon Picotte, pourrait vous en parler très longuement. Ces jeunes-là ont manqué d'amour dans leur vie. Et, dans les 135 000 jeunes, justement, qui sont à l'aide sociale aujourd'hui, on pourra inventer une batterie de mesures, mais, si on ne réhabilite pas au Québec des notions généreuses de compassion puis de solidarité, qui sont élémentaires pour redresser le Québec, on s'en va nulle part, M. le Président.

(21 h 10)

Alors, M. le Président, peut-être juste en terminant, je voudrais vous dire à quel point je crois, comme la plupart des Québécois, à l'aube du XXIe siècle, que cette réforme qui a été annoncée par la ministre de la Sécurité du revenu et députée de Chicoutimi est importante pour l'avenir de notre société. Cette réforme, M. le Président, c'est en quelque sorte une forme de réponse, mais combien importante, à la douleur que vivent des centaines de milliers d'exclus dans notre société actuellement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Berthier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. À vous la parole, M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. C'est un plaisir pour moi d'intervenir dans le débat sur le projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives.

Je dois admettre que j'ai été un petit peu étonné d'entendre le discours du député de Berthier, parce que, à ma connaissance, la campagne électorale de l'automne 1994 est maintenant chose du passé et on a toujours fait cas pour avoir une autre façon de gouverner, mais, 15 ou 16 mois après, de ce côté de la Chambre, on attend toujours de voir cette fameuse autre façon de gouverner. Dans le projet de loi qui est devant nous ce soir, il n'y a aucune évidence qu'il y a une autre façon de gouverner, loin de là. Je pense que ce qu'on a ici, en premier lieu, c'est le premier de plusieurs échecs du grand principe des enveloppes fermées qui a été annoncé par la présidente du Conseil du trésor au printemps dernier. C'est un point qui était soulevé à l'époque par l'opposition, au moment de l'étude des crédits, au mois d'avril de cette année, que les prévisions des crédits qui ont été alloués à l'aide sociale étaient insuffisantes. Mais la ministre a dit à l'opposition: C'est une position erronée, il n'est pas question de ça et on va réussir à boucler notre budget, on va réussir à respecter les sommes qui étaient allouées à l'époque.

Alors, on arrive ici, au mois de décembre, le neuvième mois de l'année fiscale, et ça ne marche pas. On est obligé de légiférer un petit peu en panique, en urgence, pour couper dans l'aide sociale, pour aider la ministre à boucler ses enveloppes budgétaires. Alors, un des grands thèmes de cette autre façon de gouverner... On a longuement parlé, au printemps, de cette notion des enveloppes fermées, et je pense qu'on voit ce soir que c'est un principe qui, au moins dans ce dossier, n'a pas marché.

Alors, nous sommes obligés de légiférer à la pièce. En anglais, on parle de «tinkering». Le projet de loi qui est devant nous, c'est beaucoup de choses, mais ce n'est pas la grande réforme que le député de Berthier a mentionnée tantôt, loin de là. Qu'est-ce qu'on a devant nous? On va toucher ça, on va toucher un petit peu... C'est des changements à la pièce pour essayer de respecter un engagement budgétaire avant tout et c'est loin d'une réforme telle que promise par le gouvernement.

Et c'est étonnant parce que, dans deux ou trois mois, on aurait la matière pour regarder ce dossier comme il faut. La ministre a annoncé la création d'un groupe de travail. Le groupe de travail, à ma connaissance, travaille toujours. Alors, pourquoi légiférer ce soir? Pourquoi ne pas attendre les personnes que la ministre même a nommées pour étudier la question? Peut-être que les conclusions de ce groupe de travail iront dans le contresens de ce que nous avons devant nous ce soir. Alors, c'est bien beau de nommer des personnes de marque comme Camil Bouchard, comme Pierre Fortin pour regarder le dossier, mais qu'on les laisse travailler et on va revenir avec une réforme plus à fond, au printemps, au lieu de légiférer un petit peu en urgence comme on le fait dans la loi n° 115.

Également, dans le rapport publié la semaine passée, on apprend beaucoup de choses du Vérificateur général. Il y a tout un chapitre qui touche la notion de l'aide sociale. Il y a beaucoup de recommandations, beaucoup de pistes de solution qui sont très intéressantes, mais, encore une fois, on laisse ce travail de côté, on continue quand même sans prendre connaissance du travail de fond qui a été fait ici, qui peut nous guider, comme législateurs, dans la réforme de l'aide sociale.

Tinkering, Mr. Speaker, tinkering by a minister who does not really have an idea, after 15 months, where she wants to go with the notion of reforming «l'aide sociale». So, she is taking a little bit here, cutting $30.00 there, cutting $50.00 there, without any «plan d'ensemble», without any idea where she clearly wants to go with a reform package. So, the result is the bill that we have before us tonight, which is not particularly coherent, which is not the great reform of social welfare and support programmes that was announced by the Member of the National Assembly for Berthier, who spoke before me. Instead, you just have a little bit of cut here, a little there. We will try to get the budget through, we will try to make ends meet between now and March 31st.

Alors, c'est très décevant, parce que, comme je l'ai dit, il y a et il y aura bientôt des pistes de solution possibles et intéressantes pour regarder tout le dossier de l'aide sociale. Parce que c'est effectivement très dispendieux, 4 000 000 000 $; c'est un des programmes les plus importants au gouvernement, et on a le devoir, comme législateurs, de regarder ça comme il faut pour faire des programmes les plus performants possible. Mais ce n'est pas ça qu'on va faire ici, et c'est décevant, parce que, comme je l'ai dit, à l'aide de pistes existantes, très intéressantes...

Mais une des choses qu'on va faire dans ce projet de loi qui va dans le contresens, je pense, de tous les avis des personnes qui ont regardé le dossier de l'aide sociale, c'est l'abandon du principe qu'il faut donner une compensation aux personnes qui veulent participer aux programmes, soit au programme de travail, soit au programme de formation. On a toujours une reconnaissance qu'il faut inciter le monde qui est apte à travailler. Il y a toujours la distinction à faire dans la clientèle de l'aide sociale. Les personnes qui ne peuvent pas participer, qui ne peuvent pas prendre des cours, qui ne peuvent pas aller travailler, ça, c'est une clientèle à part. Mais, dans la clientèle qui reste, les personnes qui peuvent travailler, nous avons toujours dit qu'il faut les inciter, nous avons toujours dit qu'il faut les encourager à embarquer soit dans un programme de formation, soit dans une mesure pour le retour au travail. Et qu'est-ce qu'on voit ici dans l'abolition du barème de disponibilité et les coupures dans le barème de participation? Ça va dans le contresens de tout ça. Qu'est-ce qu'on a qui est devant nous? C'est de dire qu'on va abandonner ces principes.

Across the western world, certainly across North America, people are looking at measures that we call workfare, where there have to be certain incentives and certain rewards built into a legislation to encourage people to get back into the workplace or to get back to studies. And I think one of the things that is very disappointing with Bill 115, the bill that is before us this evening, is that we abandon these principles. So, instead of encouraging people to go back to school, encouraging people to go out and look for work, we are cutting in the very programmes that were put into place to help compensate or reward people who are willing to participate.

So, I find that will have a very direct effect on the poorest members of our society. Take, for example, a single mother with a child, who is now earning 900 $ a month; after April 1st, once all these cutbacks are put through, her income will fall to 750 $ a month. So, again, on these two people amongst the poorest people in our society – studies have shown that single parents living with children are the poorest part of our society – we will be cutting those people, we will be cutting them instead of rewarding them for their willingness to try to better their lot, to try to get out of the circle of poverty which they have found themselves trapped in, and I find that very unfortunate.

Il y a également une certaine incohérence, dans le projet de loi, sur toute la notion de contrôle et le recouvrement de paiement. C'est ça, c'est difficile de suivre la logique de ce gouvernement depuis les 15 mois qu'ils sont là. Au départ, la ministre a abandonné la notion d'obligation du bénéficiaire de venir chercher son chèque. Alors, c'est quelque chose qu'on a dit qui était humiliant, il faut arrêter tout ça. Malgré les critiques à l'époque... J'ai devant moi un texte d'Alain Dubuc qui a écrit dans La Presse , au printemps de cette année: «Pour ne pas traiter les BS comme des citoyens de seconde zone, Mme Blackburn a mis fin à une mesure qui lui paraissait humiliante: forcer les bénéficiaires à venir chercher leur chèque mensuel. La ministre a même expliqué qu'on ne pouvait pas forcer des mères seules avec enfants à se déplacer. Comment font-elles pour le marché, comment font les femmes seules qui travaillent? C'est justement ce genre de gentillesse maternante qui infantilise les assistés sociaux et qui les exclut.» Alors, ça, c'était une mesure, de donner le chèque de main à main, qui était une mesure pour garder un contrôle. Alors, nous avons dit: Il faut la laisser de côté.

(21 h 20)

Deuxièmement, le gouvernement a abandonné un projet-pilote que le Vérificateur général, à la page 259 de son rapport déposé la semaine passée, a trouvé fort prometteur, où le secteur privé était chargé de faire le recouvrement des paiements. La conclusion était qu'en comparaison avec les activités de recouvrement du ministère ce projet-pilote était fort intéressant: «L'agence ne retenait que 0,20 $ par dollar encaissé, tandis que le coût moyen de recouvrement assumé par le ministère, pour l'ensemble de ses créances, est supérieur à ce montant. Ces résultats démontrent, malgré un contexte difficile pour effectuer des recouvrements au ministère, qu'il est possible d'augmenter l'efficacité des activités.» Alors, c'est une autre piste qui était intéressante, prometteuse pour l'avenir, mais la ministre a dit: Non, on va laisser ça de côté aussi. Alors, on a deux efforts que nous avons mis pour aider au recouvrement, aider à contrôler tout ça, et on va laisser tout ça de côté.

Mais, en contrepartie, et ça m'étonne encore, le discours du député de Berthier, qui a parlé d'éviter les pouvoirs accrus des fonctionnaires, les pouvoirs accrus des inspecteurs, pour garder tout ça. Ce qui est proposé dans la loi n° 115, c'est du jamais vu au niveau du recours aux fichiers gouvernementaux pour chercher les argents, chercher les informations sur les personnes. Et, si le député de Berthier n'a pas encore fait ça, je l'incite à lire l'article 15 de ce projet de loi, parce que les pouvoirs que l'on veut donner au ministère sont énormes: «Le ministre peut prendre entente avec un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec ou d'un autre gouvernement, une personne ou une entreprise, dont le nom apparaît dans la liste dressée par le gouvernement et publiée dans la Gazette officielle du Québec , pour recueillir ou communiquer un renseignement nominatif nécessaire à l'application de la présente loi et de ses règlements.» Et, plus loin dans l'article 15, il y a toute une série d'agences gouvernementales où on peut s'adresser, partager l'information, y compris le ministère du Développement des ressources humaines du Canada, le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, le ministère des Affaires internationales, le ministère du Revenu, le ministère de la Sécurité publique, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec. Alors, c'est déjà une énorme liste de places où le ministère, par le biais de l'ordinateur, peut aller chercher les informations. Et «le ministre peut – selon le projet de loi qui est devant nous – aux fins d'identifier des personnes visées par une entente mentionnée au présent article, communiquer leur nom, date de naissance, sexe, adresse, numéro d'assurance-maladie, numéro d'assurance sociale et numéro de dossier. Le ministère, l'organisme, la personne ou l'entreprise qui reçoit ces renseignements doit les détruire lorsque les fins pour lesquelles ils ont été communiqués sont accomplies, à moins qu'il n'y ait légalement droit». Alors, c'est tout un pouvoir qu'on va donner, d'aller chercher les informations. Alors, on va créer un énorme inspectorat électronique.

On n'aimait pas les inspecteurs qui frappaient à la porte; on a dit: Il faut oublier tout ça. Mais les pouvoirs qui sont dans ce projet de loi vont beaucoup plus loin que ça. Et, depuis, je pense, 10 jours, ma collègue, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, a posé des questions sur l'avis de la Commission d'accès à l'information. Et, ici, de ce côté de la Chambre, on est en attente toujours, mais il faut avoir les assurances que M. Comeau peut venir témoigner avant qu'on commence notre travail, parce que je pense que ce qui est proposé ici est du jamais vu, c'est de créer un énorme, comme j'ai dit, inspectorat électronique, inspectorat d'ordinateurs pour chercher les informations sur ces personnes. Et, avant de le faire, il faut regarder comme il faut la protection de la vie privée, la protection de ces données. Alors, je pense que c'est très, très important qu'il y ait un engagement, dès ce soir, de la part de la ministre, qu'on pourra écouter M. Comeau, peut-être le Protecteur du citoyen au même moment, qui a beaucoup d'expérience avec le citoyen, le gouvernement et l'ordinateur. Et – c'est une remarque non partisane – les deux côtés de la Chambre, on a tous acheté les réformes de programmation d'ordinateurs. Ça va être beaucoup plus facile, ça va être beaucoup plus rapide, et on a toujours rencontré beaucoup de misère avec ces grandes réformes d'ordinateurs ou de logiciels. Alors, avant de donner à un ministère les énormes pouvoirs, à mon avis, qu'on retrouve dans la loi n° 115, je pense que c'est très important qu'une commission parlementaire puisse écouter la Commission d'accès à l'information et le Protecteur du citoyen.

I think it is very important, in any reform, before undertaking any study of Bill 115, that the commissioner of access to information and the Ombudsman be invited before a parliamentary commission so they can be questioned about article 15 of this bill. Because it seems to me that the power that is being given to the Ministry in terms of its ability to go into computer records in a number of other Government agencies is very alarming. And, before we proceed, we have to make sure that this power is properly circumscribed, that the Government will not endanger the protection of the privacy of people who are on social assistance. I think it is very important that they are full citizens, as is everyone else, and that they have access to the same protection of their private life and the privacy of their information as well. So I think it is very important that, before proceeding to a parliamentary commission, invitations go out and that the opinion that the commission for access to information gave to the Minister be shared with this side of the House so that we will be able to understand the scope of the powers proposed in article 15 of the bill that is before us tonight.

Finalement, il y a un élément que j'ai beaucoup de misère à comprendre aussi. C'est la notion que, pour avoir recours au dernier recours qui est proposé dans la loi, il faut épuiser tous les avoirs liquides des familles pauvres. Je ne sais pas si c'est exagéré de dire que chaque dollar qui reste dans un compte de banque, on va couper dans l'aide sociale pour compenser. Je trouve ça exagéré, ici. Je pense que la commission parlementaire qui va être chargée de regarder ce projet de loi doit regarder ça attentivement, parce que je trouve que c'est quelque chose qui va trop, trop loin pour sauver quelque 30 000 000 $.

En terminant, M. le Président, où je rejoins la ministre et le député de Berthier, oui, il y a toujours besoin de faire une réforme. Il faut toujours regarder nos programmes pour nous assurer qu'ils peuvent miser sur la formation, miser sur l'éducation, parce que, avant tout, c'est la formation qui va être la clé pour sortir du cercle de la pauvreté. Alors, si nos programmes ne sont pas incitatifs pour les personnes pour retourner à l'école, pour prendre un cours de formation, je pense qu'on a toujours matière à se questionner. Est-ce qu'il y a une façon d'encourager le monde à retourner au travail? Alors, si on a des choses qui n'incitent pas le monde à retourner au travail, il y a des changements à faire, parce qu'il faut briser le cercle de la pauvreté. Parce que, pour les familles québécoises – je pense qu'on est maintenant rendus à 800 000 personnes qui vivent sur l'aide sociale, c'est nettement trop – c'est un avenir peu prometteur.

Alors, en attendant les éléments de réforme – et peut-être les études que la ministre a commandées vont nous donner les éléments pour une vraie réforme de l'aide sociale... Mais ce qu'on a devant nous, ce soir, ce n'est pas une réforme de l'aide sociale, c'est juste la réponse à une commande faite par le Conseil du trésor de sauver quelques sous. Alors, pour ça, je vais joindre mes collègues de ce côté de la Chambre et voter contre le projet de loi n° 115. Merci, M. le Président.

(21 h 30)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. À vous la parole, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'ai écouté le député de Berthier, le dernier intervenant ministériel, et je me posais la question: De qui se moque-t-il? De qui se moque-t-il lorsqu'il fait un appel à la solidarité? Un appel à la solidarité qui veut dire quoi, qui veut dire réellement une coupure de 50 $ au chèque de tous les gens qui sont disponibles? De qui se moque-t-il lorsqu'il fait soi-disant un appel à un renouveau de l'aide sociale et que se manifeste une coupure de 30 $ pour les gens les plus démunis et qui sont des participants aux mesures de formation? De qui se moque-t-il lorsqu'il fait un appel soi-disant à la réforme de l'aide sociale et lorsque la réforme qui est devant nous a pour effet, pratiquement, de déshabiller toute personne avant qu'elle puisse avoir droit à l'aide sociale?

M. le Président, on a devant nous un projet de loi triste – un projet de loi triste. Parce que je connais la députée de Chicoutimi et ministre responsable de ce projet de loi, je suis sûr qu'elle n'est pas heureuse de présenter un tel projet de loi, un projet de loi triste parce qu'il ne fait que répondre, actuellement, à une commande budgétaire de 200 000 000 $ qu'on savait dès le dépôt du livre des crédits. Le ministre de l'époque, le critique de l'opposition officielle, le député de Laporte, avait clairement établi, et c'était limpide à la lecture du livre des crédits, qu'il y aurait un trou de plus de 200 000 000 $ dans les crédits du ministère de la Sécurité du revenu. C'était il y a six à sept mois. C'était évident, au dépôt du livre des crédits, qu'on ne pourrait pas fonctionner avec les crédits qu'on allouait, à ce moment-là, à l'aide sociale. Face au problème qui se pose, face à un problème qu'on savait dès le départ, à savoir qu'il n'y aurait pas assez de crédits pour faire fonctionner l'aide sociale, la ministre est obligée de présenter ce projet de loi que je qualifierais de triste, pour ne pas utiliser d'autres termes non parlementaires, «triste» restant quand même dans la limite du parlementarisme. Ce projet de loi, qui a pour effet de faire peser aux plus démunis, à ceux qui réellement veulent sortir de l'aide sociale, l'incurie, la mauvaise planification, les volontés d'abrier les déficits qu'il y avait dans le livre des crédits, je trouve cela scandaleux. Je trouve cela assez scandaleux.

Je vais, avec vous, essayer de détailler certaines mesures qui sont dans le projet de loi, qui ont pour effet de faire porter à des gens qui, dans notre société, sont les plus mal pris et qui leur font payer cette mauvaise gestion, cette incurie, cette mauvaise planification des crédits, cette coupure de 200 000 000 $ dans l'aide sociale. D'emblée, on va s'entendre. On connaît tous, et il en existe, des gens qui, dans l'aide sociale, fraudent l'aide sociale. C'est une minorité. C'est une minorité et ce n'est pas parce qu'il existe quelques fraudeurs – et il en existe, bien sûr – qu'on doit faire peser à l'ensemble de la population qui bénéficie de l'aide sociale les coupures qui nous sont proposées. Alors, commençons par le début, parce qu'il faut commencer par le début.

À l'heure actuelle, pour avoir droit à l'aide sociale, vous pouvez malgré tout avoir un certain avoir liquide. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que vous pouvez, avant d'avoir droit à l'aide sociale, continuer à avoir un petit peu d'argent dans votre compte en banque. Et faites bien attention, ça touche chacun d'entre nous. Vous savez à quel point, et la ministre l'a dénoncé bien des fois, les changements dans les mesures d'assurance-chômage ont tendance à pousser de plus en plus des personnes qui, lorsqu'elles ont terminé leur année d'assurance-chômage, s'en viennent sur la sécurité du revenu. Combien de gens, de 51, 52, 53 ans, mis à pied dans les secteurs dits traditionnels de l'économie, que ce soit dans les machinistes dans les ateliers du CN, que ce soit les personnes qui étaient employées dans l'industrie textile à Montréal ou dans les industries chocolatières, combien de ces gens-là, qui ont travaillé honnêtement plus de 30 à 40 ans de leur vie, arrivent, dû à la fermeture d'usines, au terme de leur vie active, mais pas encore assez vieux pour pouvoir bénéficier de leur pension, incapables réellement de se recycler parce que le marché du travail n'est pas ouvert, parce que, naturellement, le marché du travail a changé, parce que ces gens-là ne sont pas des gens qui sont automatiquement transformables... On ne change pas... Quelqu'un qui était un machiniste au CN ne devient pas du jour au lendemain, après six mois de formation, un programmeur. Ce n'est pas vrai, ça n'existe pas. Alors, ces personnes-là sont quoi? Elles sont, après avoir épuisé leur année ou leur temps de chômage, amenées à devoir refluer sur l'aide sociale et vivre sur l'aide sociale pendant quelques années, pendant la période de transition jusqu'au moment où elles pourront avoir droit à leur pension de vieillesse. Et, ça, M. le Président, vous le savez, parce que vous êtes un député montréalais. Dans votre propre comté, vous en avez de ces gens-là, de ces gens qui ne sont plus réellement employables, qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite, mais qui ont toujours été d'honnêtes citoyens, ont été d'honnêtes payeurs de taxes, ont contribué réellement au fonctionnement de l'économie et qui, après avoir utilisé leur année de chômage, vont prendre quelques années sur l'aide sociale avant de tomber sur la période de pension.

Jusqu'à maintenant, M. le Président, ils pouvaient conserver leurs avoirs liquides. Ça veut dire quoi, ces grands mots, avoirs liquides? Ça veut dire qu'on ne commençait pas à vider leurs comptes de banque avant de leur dire qu'ils pouvaient bénéficier de l'aide sociale. Alors, le magnifique, l'extraordinaire projet social que nous avons devant nous, par les gens d'en face, va faire en sorte que ce travailleur, qui a contribué toute sa vie, par ses impôts et ses taxes, ne pourra avoir droit à l'aide sociale que lorsqu'il aura vidé la totalité de ses avoirs liquides. C'est ça, M. le Président, qu'on nous dit: Appauvrissez-vous, déshabillez-vous, mettez-vous tout nus avant de pouvoir avoir le droit à l'aide sociale. Et, comprenez-moi bien, je vais prendre un mot un peu technique, ce qu'on appelle les modifications structurelles de l'économie. Les modifications structurelles de l'économie, c'est un mot compliqué pour dire quoi? Ça veut dire que les emplois qui étaient traditionnels, que les gens avaient eus pendant toute leur vie, ne seront plus, n'existent plus. Par contre, on crée des emplois différents, et les personnes qui avaient été des travailleurs traditionnels ne trouvent plus ou ne trouvent pas, actuellement, ou n'ont pas la possibilité de trouver de l'emploi. Et qu'est-ce qu'on leur dit? Il faut absolument, vous, qui avez contribué toute votre vie par vos impôts, vos taxes, pendant plus de 30 ans, au fonctionnement du régime d'aide sociale, pour pouvoir en bénéficier pendant les deux ou trois ans d'articulation qui vous séparent du moment où vous aurez le droit à votre pension, vous n'y aurez droit que si vous avez perdu tous vos avoirs liquides.

(21 h 40)

C'est ça, le projet de loi. C'est ça, le projet de loi, et je trouve cette mesure profondément inique, profondément injuste, profondément inacceptable, et vous savez que ça touche des gens. Ce ne sont pas des cas isolés. C'est des cas qui existent à l'heure actuelle, particulièrement dans la région métropolitaine, où des personnes qui ont travaillé dans un type d'activité qui n'existe plus, et je pense tout à fait spécifiquement aux machinistes des cours de triage et de réparations des trains du CN ou du CP, des personnes qui ne retrouvent pas, parce que ce travail-là n'existe plus, ne retrouvent plus d'emploi, parce qu'il n'y a plus d'emploi pour les machinistes, et qui ont besoin de deux ou trois ans pour pouvoir avoir accès à la pension, deux ou trois ans qu'on leur refuse par ce projet de loi, à moins qu'ils se débarrassent complètement de tous leurs avoirs... C'est, M. le Président, pour ne pas dire des mots non parlementaires, scandaleux. J'imagine que c'est parlementaire, «scandaleux». Je pourrais vous en dire tellement d'autres tellement ça me met en furie.

M. le Président, le projet de loi n'est pas seulement inique par rapport à cette catégorie de travailleurs qui va être obligée d'abandonner tous ses avoirs avant d'avoir le droit à l'aide sociale, il est aussi inique pour ceux qui ont choisi non pas de rester sur l'aide sociale, mais qui ont choisi de travailler pour s'en sortir et qui bénéficiaient d'un incitatif. Alors, l'incitatif était monétaire, il était de 50 $ pour ceux qui se déclaraient disponibles. Ça veut dire quoi, quelqu'un qui se déclare disponible, dans le jargon absolument incompréhensible de l'aide sociale? Cela veut dire: Moi, je suis sur l'aide sociale, oui, je suis prêt à suivre un cours de formation, un cours pour améliorer mes connaissances pour pouvoir m'en sortir, mais le cours est trop plein ou il n'est pas disponible à l'heure actuelle. Donc, vous donnez un certain soutien pour vous maintenir, pour vous inciter réellement à vouloir vous former.

De la même manière, ce qu'on appelle, toujours dans le jargon, les participants... C'est horrible, ce jargon, j'en conviens avec vous: les disponibles, les participants... Les participants, ça veut dire quoi? Ça veut dire ceux qui sont sur l'aide sociale et qui participent à une mesure de formation. Eh bien, les participants, c'est-à-dire ceux qui sont déjà à l'école pour acquérir une meilleure formation, être en mesure de pouvoir mieux contribuer au développement de notre société, ceux-là, «badang», «clouc», on les coupe de 30 $. Alors, c'est ça, c'est ce qu'on appelle la manière de stimuler les gens, de les inciter à devoir travailler.

Je comprends un peu la gêne qu'a la ministre, actuellement, de présenter un tel projet de loi. Je comprends aussi les contraintes dans lesquelles elle est, parce que ce n'est pas facile de trouver 200 000 000 $. Mais, si elle nous avait écoutés de ce côté-ci et si elle avait su à quel point les crédits qu'elle déposait étaient des crédits qui n'avaient pas de bon sens, des crédits avec lesquels elle ne pouvait pas fonctionner, des crédits dans lesquels il y avait un trou de 200 000 000 $, on ne se trouverait pas aujourd'hui à devoir essayer de trouver ces 200 000 000 $ sur le dos des participants.

M. le Président, s'il me reste encore un peu de temps, je voudrais toucher un autre point. Dans l'article 1, il y a, dans cette manière absolument bizarre avec laquelle on écrit les projets de loi, ça a l'air de rien: on insère, après le mot «enseignement», de «secondaire en formation professionnelle,» à l'article 7 de la Loi sur la sécurité du revenu. Alors, ça a de l'air de rien, ça passe comme ça, etc. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'à l'heure actuelle les gens, les bénéficiaires âgés de moins de 30 ans, qui sont en rattrapage scolaire, en formation professionnelle, qui peuvent bénéficier de mesures spéciales pour pouvoir les soutenir, «clouc», on les coupe aussi. Ha, ha! C'est drôle! Et c'est ça qu'on est en train de faire dans ce projet de loi, on est en train d'essayer, par petites mesures, par petits éléments, de récupérer ces 200 000 000 $. On est en train de couper, couper les plus démunis, les gens qui sont en difficulté, pour récupérer ces 200 000 000 $ qui manquaient dans l'aide sociale.

Face à ça, on peut se poser la question: Est-ce qu'il y a dans le projet de loi des mesures pour contrer la fraude? Bien non! Bien non! Il n'y a pas tellement de mesures pour contrer la fraude. L'exemple qui avait été utilisé déjà par le député de Brome-Missisquoi lorsqu'il était ministre de la Sécurité du revenu, et qui était de pouvoir donner et inciter le bénéficiaire à venir chercher son chèque, ce qui lui avait permis un certain nombre d'économies, est abandonné. Abandonné. On tombe sur le versement électronique direct avec le fait suivant, c'est que vous pourriez être un peu n'importe où et continuer à bénéficier de l'aide sociale. Il n'est pas nécessaire de venir, d'être présent pour aller chercher votre chèque d'aide sociale.

On a abandonné, à l'intérieur du projet de loi, un projet qui était un projet-pilote en matière de recouvrement et qui, d'après les informations que nous avions dans le rapport du Vérificateur général, s'était avéré un projet qui avait été assez performant, qui avait permis, à moindre coût, à l'entreprise privée de récupérer une partie des sommes qui étaient dues à l'aide sociale – «badang», on abandonne ça.

Alors, M. le Président, je dois dire ce que je vous ai dit au début, c'est un projet de loi triste. C'est un projet de loi triste. Et je vais résumer, c'est un projet de loi triste parce que ce gouvernement fait porter, parmi les plus démunis, à ceux qui sont les moins justifiés de porter le poids de la coupure, ceux pour lesquels c'est le plus inique de faire porter ce poids de la coupure – et je veux résumer, je me suis exprimé à l'intérieur de mon discours – M. le Président, je veux dire ceux qui sont sur l'aide sociale et qui ont une volonté de participer à des cours, à des travaux de formation pour pouvoir s'en sortir. C'est inique, parce que ça fait porter aussi les coupures sur les travailleurs les plus âgés, qui sont à la limite de leur assurance sociale, incapables de pouvoir réintégrer le marché du travail, à qui il manque quelques années pour pouvoir rentrer sur le régime de pensions et à qui on va faire, avant de pouvoir bénéficier des mesures d'aide sociale, obligation de se départir de tous leurs avoirs liquides. Inique, M. le Président, parce qu'au lieu de tenter de récupérer ces argents sur ce qu'on qualifierait de fraudeurs, c'est-à-dire ceux qui bénéficient de l'aide sociale sans y avoir droit, on fait porter les efforts de récupération actuellement sur des gens qui sont, parmi les bénéficiaires de l'aide sociale, ceux qui sont les plus méritants ou ceux qui ont le plus de raisons de bénéficier de l'aide sociale.

M. le Président, je sais à quel point présenter un tel projet de loi doit être gênant pour la députée de Chicoutimi et ministre de la Sécurité du revenu. Je dois dire que, de notre côté, on trouve ce projet de loi triste, on trouve ce projet de loi inique, injuste, inacceptable, et c'est pour ça, M. le Président, que nous allons voter contre ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Bertrand. À vous la parole, M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci beaucoup, M. le Président. Je trouve important de prendre la parole sur un projet de loi où on s'attaque aux plus démunis de la société, on s'attaque aux plus démunis de mon comté.

(21 h 50)

Avant de parler strictement de la loi, je suis surpris et étonné de voir qui présente la loi. Je suis arrivé en cette Chambre en même temps que la députée de Chicoutimi et j'ai réfléchi à ça, parce que pendant neuf ans qu'on était au pouvoir, j'ai écouté les discours de la députée de Chicoutimi qui nous démontrait une très grande sensibilité pour les plus démunis. Je me suis dit: Est-ce que ma mémoire fait défaut? Je me suis dit: Je vais me rendre à la bibliothèque pour savoir ce qu'avait déjà dit la députée de Chicoutimi, qui est maintenant ministre. J'ai relevé ce que la députée de Chicoutimi, aujourd'hui ministre, avait déjà dit sur des projets de loi sur la sécurité du revenu. Et je me suis dit, M. le Président, que la députée-ministre est aveuglée par le pouvoir, elle a perdu complètement, complètement toute la sensibilité et presque le coeur à vouloir aider ceux qui sont plus touchés dans la société. Et je vous relis quelques perles où la députée de Chicoutimi, à l'époque dans l'opposition, traitait le gouvernement de l'époque qui voulait modifier ou améliorer les lois sur la sécurité du revenu.

Je prends un exemple. Le 16 juin 1988, à l'Assemblée nationale, elle disait: «Pour nous, l'opposition, l'équité consiste d'abord et avant tout à aider les personnes dans le besoin.» Et elle déplorait, cette même journée-là... elle disait au ministre: «C'est effrayant, vous avez réussi quelque chose d'unique, à mettre tous les groupes contre vous sur un projet.» Je tiens à lui dire que tous les groupes sont contre elle. Tous les groupes sont contre elle. Elle me fait signe que non. Elle sait que je l'apprécie. C'est une bonne parlementaire. Elle le sait, sauf que, malheureusement, ça a changé complètement. J'aimerais savoir quels groupes appuient cette réforme-là, quels groupes l'appuient.

Et je vous en lis une autre qui est tout à fait sublime. Parce que, écoutez, les plus démunis dans la société, lorsqu'ils ont élu le gouvernement du Parti québécois, s'attendaient à une autre façon de gouverner, mais pas à s'attaquer aux plus démunis. Et je vous lis ce qu'elle disait le 1er décembre 1988: «M. le Président, lorsqu'un gouvernement, un parti, quel qu'il soit, fait de la démagogie pour s'attirer des votes, mais surtout quand il le fait sur le dos des plus démunis, des plus fragiles et de ceux qui sont très crédules, je pense particulièrement, et je trouve ça profondément méprisable...» Écoutez, elle trouvait méprisable, en 1988, un gouvernement qui s'attaque aux plus démunis et qui ne l'avait pas dit préalablement lors d'un vote. Est-ce qu'on a dit aux plus démunis dans notre société que l'autre façon de gouverner, après le référendum – et on en parlera tantôt – pas avant... Est-ce qu'on avait dit ça?

Et je vous lis une autre perle: «M. le Président, ce qui distingue les sociétés organisées – et là c'est la députée de Chicoutimi – ce qui distingue les sociétés organisées et ce qui distingue les sociétés dirigées par les hommes de celle des animaux, c'est essentiellement que, dans celles dirigées par les hommes, celles qui se détachent du peloton, je dirais [...] ce n'est pas la loi de la jungle qui préside. L'homme s'est distingué de l'animal quand il a décidé qu'il fallait venir en aide aux plus démunis.» La députée de Chicoutimi, elle finit: «On juge de la valeur d'une société en regard du sort qu'on réserve à ses plus démunis.»

Où sont les discours humanitaires, sensibles de la députée de Chicoutimi, qui, aujourd'hui, complètement aveuglée, a tout à fait un autre discours? Et ça, ce n'est pas le Parti libéral qui a dit ça, c'était la députée de Chicoutimi – et je pourrais vous en citer des pages et des pages – qui s'est levée souvent dans cette Chambre, et d'autres députés aussi, qui s'est levée dans cette Chambre et qui disait, de façon presque larmoyante, jusqu'à quel point elle trouvait insensible le gouvernement de l'époque de toucher à une loi sur la sécurité du revenu. Et, aujourd'hui, on s'attaque aux plus démunis et surtout à ceux et à celles qui veulent faire des efforts. Ça, M. le Président, c'est quelque chose. Que la députée de Chicoutimi me dise honnêtement et sans sourire qu'elle n'a pas changé de discours depuis qu'elle est au pouvoir, elle va être la seule à croire ça. Elle va être la seule. Qu'elle relise tous ses discours, en commission ou en Chambre, concernant les plus démunis ou les plus fragiles dans cette société.

M. le Président, on se retrouve ici, dans cette Chambre, après le référendum, un an après, un an après avoir fait oublier aux gens, fait oublier aux plus démunis la réalité du quotidien. Ces gens-là n'ont pas gouverné. Ces gens-là ont caché la vérité, caché la vérité dans ce sens que le budget ne permettait pas d'annoncer dans leur annonce budgétaire les sommes – et je pense que le député de Laporte l'avait bien dit.

C'est l'heure de la vérité, M. le Président, la vérité éclate. On dépose un triste projet de loi. Le député de Verdun avait raison. Pour les plus démunis, c'est triste. C'est triste aussi pour ceux qui essaient de bâtir une société égalitaire. Mais ce qui est surtout important, M. le Président, c'est l'art de réparer le gaspillage. Et on en parle, on en parlera demain aussi, les études. On parle des études, des centaines de milliers, des millions de dollars gaspillés au détriment des plus démunis qui ont des besoins beaucoup moins grands que l'appétit que ces gens-là avaient, et ça, sur le dos de citoyens et de citoyennes qui veulent faire des efforts, M. le Président.

Je le disais tantôt, dès que le Parti québécois a déposé son premier budget, on avait dit: Vous avez mal évalué les sommes concernant la sécurité du revenu. On nous a dit: Non, vous êtes alarmistes, vous êtes de l'opposition, vous êtes là pour critiquer. Mais on avait dit la vérité, M. le Président. Il manque aujourd'hui 137 000 000 $, et il faut les récupérer rapidement, mais rapidement sur le dos, une fois de plus, de ceux qui ne peuvent pas se défendre. C'est ça, M. le Président. Donc, c'était un budget qui camouflait la vérité.

On est à l'heure des coupures drastiques dues à la faiblesse de la première année d'exercice du pouvoir du parti ministériel, M. le Président. Et je prends juste un exemple de la faiblesse. Dans le budget, on disait, M. le Président: Nous, on va récupérer les sommes que les gens nous doivent. Donc, on avait amplifié les revenus, et pas juste dans le ministère de la Sécurité du revenu, dans tous les ministères. Nous, on va avoir de la poigne, on va aller chercher l'argent que les gens nous doivent. On prend juste, à ce titre, à la sécurité du revenu, au 28 mars 1994, il y avait 355 000 000 $ à recevoir, M. le Président, 300 000 000 $ payés en trop dont 8 %... Non, je vois la ministre qui essaie de se défendre. Elle fait bien, elle est vigoureuse, mais elle sait très bien qu'elle avait le pouvoir d'aller récupérer ces argents-là.

Quelles ont été les actions? Écoutez, on a enlevé toutes les mesures de contrôle durant l'année référendaire. C'était «open bar». Tout le monde avait le droit au meilleur traitement. Et je prends juste l'exemple: on a enlevé les enquêteurs. Rappelez-vous, M. le Président, vous n'étiez pas en Chambre, mais la députée de Chicoutimi était en Chambre, le député, premier ministre, M. Parizeau, avait applaudi le gouvernement libéral lors de sa première retraite de la vie politique, lorsqu'il avait quitté, il avait applaudi le gouvernement libéral de mettre des enquêteurs, à savoir que vraiment ceux qui fraudent soient pénalisés pour en donner plus à ceux qui en ont besoin.

Donc, aucun mode de contrôle durant l'année référendaire; il faut être fins, il faut laisser couler ça. On a enlevé, M. le Président, la remise des chèques de main à main. Ça a été félicité, ça, félicité. C'est normal, M. le Président, l'État donne de l'argent, que les gens aillent le chercher, s'identifient. Et c'est une mesure de contrôle, je pense, importante. Encore, durant cette année référendaire, il fallait être fins. Mais, durant qu'on était fins, on ne calculait pas, la caisse enregistreuse était partie, et on ne s'occupait pas de ça.

(22 heures)

Le projet-pilote – on en parlera tantôt – sur la récupération des sommes dues... Écoutez, c'est des gens qui ont eu des argents en trop, donc il faut les récupérer. Si la méthode de perception était meilleure par des privés... Allons-y, c'est l'argent de l'État. Non, il fallait être encore très fins. On ouvre la caisse enregistreuse, tout ça pour obtenir un oui lors du référendum.

Donc, M. le Président, lorsque la ministre vient nous dire aujourd'hui: Écoutez, il manque d'argent; on va couper le moins possible, on va essayer de faire mal le moins possible. Mais elle aurait dû penser à ça lorsqu'elle a été nommée ministre. Je connais son sens des responsabilités, mais elle a été aveuglée, fort probablement. Il y a sûrement une bonne raison. Il y a sûrement une bonne raison pourquoi elle n'est pas intervenue la première année, puis, là, elle décide d'intervenir. Là, à un moment donné, après le référendum, elle voit plus clair: la caisse est fermée, les calculs se font.

M. le Président, aucun ou presque pas – je vais lui donner cette petite partie – moyen de contrôle. Je prends un exemple: je pense que notre critique a bien mis à jour ce qu'elle disait concernant l'abolition des avoirs liquides. Écoutez, c'est presque impensable que la ministre puisse penser que... Quelqu'un qui a de l'argent en caisse, en banque, et qui n'aurait pas droit au bien-être social va tout faire pour soit le cacher ou soit le dépenser rapidement pour arriver rapidement au bien-être social. Je pense que c'est peut-être la seule qui pense que les gens ne détourneront pas ce système-là. Et c'est peut-être la seule qui pense que ce n'est pas nécessaire d'avoir une petite liquidité pour affronter les problèmes quotidiens.

Est-ce qu'elle a perdu toute cette sensibilité qu'elle avait dans l'opposition? Écoutez, un bris – notre critique le citait – un bris de réfrigérateur, des bottes pour les enfants l'hiver; aucune liquidité? Écoutez, est-ce que c'est pensable, est-ce que c'est réalisable, est-ce que 1 500 $ ou 2 500 $, c'était trop? Peut-être, mais est-ce que zéro, c'est pas assez? C'est sûrement pas assez. C'est ça qu'on reproche au parti ministériel: on ne dosait rien la première année, puis, la deuxième année, on va à l'extrême. Bien, ça, c'est inacceptable. C'est inacceptable de penser qu'une personne ne déjouera pas le système qu'elle veut mettre en place pour économiser 30 000 000 $. Et, ça, on n'a aucune garantie. Mais là, tout d'un coup, c'est important, 30 000 000 $. Ça ne l'était pas l'année passée, 135 000 000 $ ne l'était pas, M. le Président; 30 000 000 $, ça l'est.

Donc, c'est des mesures, M. le Président, qui incitent énormément à la fraude. Ça n'incite pas les gens à se responsabiliser, puis ça n'incite pas les gens aussi à faire certaines prévisions. D'avoir une certaine liquidité, c'est de prévoir, de prévoir les imprévus et d'affronter, pour ces familles-là, les malheurs qu'une famille ou une personne seule peut rencontrer. La question que je me pose: Où est rendu le côté humain de la députée de Chicoutimi?

Ça, au niveau des barèmes de disponibilité, M. le Président, ça, c'est le comble. Ça, c'est le comble. Écoutez! Tout le monde sait, au Québec, qu'il y a des gens qui veulent s'en sortir, puis il y en a des dizaines de milliers, puis même des centaines de milliers qui veulent s'en sortir. Ces gens-là se rendaient disponibles. Il y avait une augmentation de 50 $ pour ceux qui n'avaient pas la chance, la possibilité d'avoir un programme de mesures d'intégration. Donc, on disait: Écoutez, continuez d'être disponibles, vous avez un 50 $ par mois pour rester disponibles en attendant votre mesure d'intégration. Mais là on dit non. Que vous fassiez un effort ou pas, ça ne compte pas. On vous enlève le 50 $, puis on ne met pas plus de mesures d'intégration.

Et je me souviens de beaucoup de discours de la députée de Chicoutimi qui reprochait au gouvernement de ne pas avoir assez de mesures d'intégration. Où sont les mesures d'intégration, M. le Président, que la ministre dénonçait tant? Écoutez! Ce n'est pas des mesures d'intégration qu'on a créées. Rappelez-vous la publicité de 500 000 $. Ça, ça va passer à l'histoire comme une perle, puis j'espère que ce n'était pas l'idée de la députée de Chicoutimi et ministre, la publicité télévisée sur les assistés sociaux. On a dépensé 500 000 $ en période référendaire. Ce n'est pas des mesures d'intégration. Si le gouvernement veut nous dire: Écoutez, nous, on pense aux plus démunis, et, si c'est la façon de penser aux plus démunis... Écoutez, je ne vous lirai pas tout ce qui s'est dit sur cette publicité, d'ailleurs, qui ne joue plus non plus. Donc, le barème de disponibilité, M. le Président, c'est de dire aux gens: Écoutez, forcez-vous, forcez-vous pas, ça ne change rien. Et ça, c'est très malheureux.

Je parlais de la députée de Chicoutimi. Il y a le député de Terrebonne qui a parlé souvent sur les politiques de la sécurité du revenu. J'aimerais ça l'entendre, voir si, lui, trouve ça bien pour les plus démunis de sa région – dans la région de Lanaudière, il y en a énormément – à savoir si les 50 $, si les mesures d'intégration qui ne sont pas là, qui ne sont pas au rendez-vous, si les gens de Lanaudière sont d'accord avec son gouvernement. J'aimerais ça l'écouter après.

Et, M. le Président, lorsqu'on parle des normes minimales, du salaire, on sait, là encore, que c'est pour remplir une promesse en période de référendum. Qu'est-ce qu'on a fait, M. le Président? On a décidé de dire: Écoutez – et c'est louable – les gens qui travaillent auront le salaire minimum. Mais ce qu'elle n'a pas pensé, c'est où elle va prendre l'argent. Et à qui s'adresse, qui utilisait les programmes EXTRA, M. le Président? La plupart des groupes à but non lucratif. On vient de mettre de la pression économique additionnelle sur les groupes, les organismes à but non lucratif, puis ça va leur coûter plus cher dans les frais marginaux. Et ça, la ministre, où elle va trouver son argent? Elle va couper encore, pour remplir une promesse en période référendaire. Si vous vous rappelez, M. le Président, puis si on est capable de faire le calcul, on pénalise 100 000 personnes pour faire bénéficier potentiellement, puis je dis bien potentiellement, 15 000 personnes. Mais on ne sait pas encore comment va s'appliquer cette mesure-là, puis on ne sait pas encore où la ministre va prendre son argent, puis on ne sait pas encore si les groupes ou les organismes à but non lucratif vont prendre l'argent.

Vous m'indiquez, malheureusement, M. le Président, que mon temps est écoulé. Mais je veux juste dire à la ministre: Ça fait 10 ans qu'elle est dans cette Chambre; qu'elle relise les discours qu'elle a prononcés lorsqu'elle était dans l'opposition, qu'elle se rappelle toute la sensibilité qu'elle avait pour les plus démunis et toute l'ardeur qu'elle mettait pour défendre les plus démunis. Aujourd'hui, malheureusement, elle change de bord et écrase les plus démunis. Et c'est pour cette raison, M. le Président, que, avec mes collègues, je vais voter contre ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bertrand. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, je me dois d'intervenir sur le projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, parce qu'il touche les plus démunis, les plus vulnérables de notre société. La sécurité du revenu est un système d'aide de dernier recours qui doit être orienté, en premier lieu, vers les personnes inaptes au travail, c'est-à-dire les personnes handicapées, ou encore certaines personnes ayant charge d'enfants ou encore incapables de retourner sur le marché du travail. Et ce système d'aide de dernier recours doit être, en deuxième lieu, orienté vers l'intégration en emploi de la clientèle apte au travail. La structure d'aide financière est fonction des mesures de développement, d'employabilité et d'intégration en emploi, et l'accent doit être mis sur l'incitation à participer aux mesures. Lorsqu'un prestataire estime qu'il est possible de trouver un emploi, il est plus prêt à fournir l'effort nécessaire pour améliorer ses qualifications, et, généralement, ce prestataire a une opinion plus favorable à l'égard des mesures offertes. Mais, lorsqu'il estime que le marché n'a rien à lui offrir, il adopte plutôt une attitude plus revendicatrice et passive quant aux démarches à faire. On a plutôt tendance à attendre que la situation s'améliore.

(22 h 10)

Pour plusieurs, après avoir espéré un retour sur le marché du travail, on se retrouve devant rien, avec parfois un sentiment d'incompétence et de dévalorisation qui rend plus difficiles les démarches pour réintégrer le marché du travail.

Par son projet de loi, la ministre rend encore plus difficile cette réintégration au marché de l'emploi. En effet, les notes explicatives du projet de loi démontrent que les modifications contenues audit projet de loi prévoient l'application de la législation en matière de conditions de travail aux personnes qui exécutent un travail dans le cadre d'une mesure temporaire de soutien à l'emploi ou d'activités communautaires dans les programmes Soutien financier et Actions positives pour le travail et l'emploi.

Ce projet de loi prévoit également qu'un adulte ou une famille possédant un certain montant à titre d'avoirs liquides seront inadmissibles à la sécurité du revenu et que le barème de disponibilité du programme Actions positives pour le travail et l'emploi sera aboli.

Le projet de loi n° 115 modifie le programme Aide aux parents pour leurs revenus de travail, c'est-à-dire le programme APPORT, et le mode d'audition de la demande de révision dans les cas de non-disponibilité pour raison de santé. De plus, le projet de loi n° 115 contient des dispositions relatives au délai de prescription et aux faits afférents au recouvrement du montant des prestations de dernier recours.

Il contient également une disposition permettant au ministre de conclure, selon les modalités prévues, des ententes en vue de recueillir ou communiquer des renseignements nominatifs.

Finalement, M. le Président, ce projet de loi prévoit le transfert à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de la responsabilité budgétaire des services dentaires, pharmaceutiques, optométriques et d'autres services rendus aux prestataires de la sécurité du revenu. Donc, la Régie assumera dorénavant ces frais.

M. le Président, ces modifications législatives affecteront plus de 800 000 personnes au Québec; pas celles vivant dans le luxe, au contraire, les personnes les plus démunies de notre société. Je pense qu'il est important d'en comprendre toutes les conséquences et les implications. Il ne faudrait pas que ces coupures par souci d'économie engendrent d'autres problèmes sociaux encore plus coûteux.

Le gouvernement doit faire des choix. Il doit prioriser ses actions. Il a aussi le devoir et la responsabilité d'épargner les plus pauvres de la société. Il a le devoir et la responsabilité de favoriser leur intégration en emploi. Mais comment peut-il faire? En favorisant l'investissement des capitaux; en encourageant les petites et moyennes entreprises à investir dans la création d'emplois; en éliminant les tracasseries administratives coûteuses pour les entreprises; en développant de nouveaux marchés extérieurs; en évitant d'imposer de nouvelles taxes à l'emploi, comme le gouvernement l'a fait récemment et comme il s'apprête à le faire avec la taxe de 1 %; en enlevant aussi, et ce qui est très important, cette épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête de tous les Québécois et Québécoises avec la possibilité de tenir un autre référendum sur la séparation du Québec.

On ne semble pas avoir pris acte des résultats du dernier référendum et on continue de se comporter comme si les Québécois et Québécoises avaient dit oui. Avez-vous idée, M. le Président, des coûts que cette épée de Damoclès peut représenter pour la création d'emplois? Combien de multinationales investiront ailleurs qu'au Québec? Combien de petites et moyennes entreprises remettent à plus tard leurs investissements? Combien de capitaux ont quitté le Québec au cours de la période référendaire et combien sortiront d'ici le prochain référendum? Au moment où le Québec a besoin de toutes ses forces vives pour créer des emplois, croyez-vous qu'il ne serait pas plus pertinent de rassurer les investisseurs, de les encourager à développer de nouveaux produits au Québec?

Dans le domaine de la construction résidentielle, M. le Président, les mises en chantier sont à leur plus bas niveau, pire qu'en 1982, au moment où le Québec était en récession. Et quand la construction résidentielle ne va pas, l'économie ne va pas.

Les prestataires d'aide sociale aptes au travail ne demandent pas mieux que de trouver un emploi. Ils ont une fierté et une dignité aussi. Pourquoi le gouvernement apporte-t-il des modifications à la Loi sur la sécurité du revenu? Pour aider les étudiants inscrits à temps plein dans un programme de formation professionnelle au niveau secondaire? Non. Non, ils seront dorénavant inadmissibles à la sécurité du revenu parce qu'ils ont accès au programme de prêts et bourses du ministère de l'Éducation. Faute d'argent, cette mesure encouragera-t-elle les étudiants à interrompre leurs études? On le verra dans le futur, M. le Président. En abolissant les avoirs liquides pour le premier mois de la demande d'aide de dernier recours, le gouvernement prétend-il faire des économies? On peut déjà imaginer comment il sera facile de contourner cette mesure. En abolissant le barème de disponibilité, le gouvernement ne reconnaît-il pas que non seulement il pénalise les prestataires qui ont de la motivation, mais il ne les reconnaît plus?

Donc, je disais, M. le Président: Pourquoi le gouvernement apporte-t-il des modifications à la Loi sur la sécurité du revenu? Tout simplement pour faire des économies, des économies sur le dos des plus fragiles de notre société. Pourquoi? Parce que les prévisions budgétaires de la ministre sont largement dépassées.

On se souviendra, M. le Président, que, lorsque ce gouvernement a été élu, il y a à peine 14 mois, on devait connaître l'autre façon de gouverner. On se souviendra que la présidente du Conseil du trésor de l'époque avait trouvé la solution du siècle: des enveloppes fermées pour tous les ministères, sans égard aux besoins particuliers des clientèles. Le ministère, entre autres, de la Santé a dû répondre à cette exigence, et c'est pourquoi il faut prendre les bouchées doubles. On verra dans peu de temps l'impact de la transition que doit faire le milieu sans avoir les moyens financiers.

La présidente du Conseil du trésor, maintenant ministre des Finances, réalise que, pour atteindre son objectif budgétaire, elle devra demander un effort supplémentaire de réduction des dépenses aux ministères. Elle devra donc admettre que l'objectif était louable, mais irréaliste.

M. le Président, nous convenons tous que le gouvernement doit gérer la décroissance et que les questions d'hier ne se posent plus dans les mêmes termes. Les problèmes sociaux sont non seulement différents, mais plus aigus qu'autrefois, car nous faisons notamment face à des nouveaux besoins de société causés par des mutations profondes. Les temps ont changé et nous sommes loin des années fastes de la décennie soixante et du début des années soixante-dix. Le niveau de chômage est beaucoup plus élevé aujourd'hui qu'hier. On ne peut plus affronter les défis d'aujourd'hui avec les mêmes moyens et les mêmes conceptions qu'hier. Les réalités ne sont déjà plus les mêmes et nos cadres de référence traditionnels ne sont plus adéquats pour nous permettre de faire face à ces nouveaux défis.

Dans ce contexte, M. le Président, il appartient au gouvernement de trouver les meilleures solutions qui seront de nature à nous permettre d'affronter la concurrence qui caractérise notre époque de mondialisation des échanges, tout en épargnant ceux et celles qui ont le plus besoin.

Tous s'entendent pour réduire le déficit et cesser d'emprunter pour payer les dépenses courantes, de façon à se sortir au plus vite du piège de l'endettement. Tous s'entendent pour rendre la fiscalité plus favorable à la croissance économique et à la création d'emplois, de même qu'à apporter des améliorations à la gestion et à l'équité de notre régime fiscal. Tous s'entendent pour dire que la création d'emplois demeure une préoccupation majeure. Tous s'entendent pour dire qu'il faut réviser nos programmes et nos services. Mais, avant de toucher aux programmes, il faut s'assurer que nous aurons fait tout ce qui est humainement possible pour améliorer notre efficience et nos façons de faire. Il faut que la population saisisse bien les enjeux de ces changements et soit bien informée des raisons qui obligent un gouvernement à les faire.

Comment pouvons-nous, M. le Président, demander aux plus démunis de notre société de faire de nouveaux sacrifices et leur expliquer en même temps que le gouvernement a dépensé 10 000 000 $ pour des études référendaires inutiles, qui avaient pour objectif de mousser l'option séparatiste du gouvernement et enrichir les amis du parti? Comment leur expliquer ce gaspillage des fonds publics? Le gouvernement doit donner l'exemple d'une bonne gestion.

M. le Président, le gouvernement doit traiter de façon équitable et respectueuse les personnes qui ont besoin d'aide. Mais, en même temps, il doit gérer avec rigueur. Il est regrettable que la ministre ait mis fin à certaines mesures de contrôle fort efficaces qui consistaient à demander à certains bénéficiaires de se déplacer pour venir réclamer leur chèque mensuel. Cette opération permettait d'économiser tout en réduisant la fraude et les abus et aurait pu permettre, pour le moins, d'empêcher d'appliquer des coupures aussi sévères envers les bénéficiaires qui en ont vraiment besoin.

(22 h 20)

Je le répète, M. le Président, pour le bien-être de la population, il est urgent d'assainir les finances publiques, mais le gouvernement doit faire connaître ses véritables priorités. Il ne peut faire porter le poids de ces compressions sur le dos des groupes les moins influents et les plus vulnérables.

Et, en terminant, M. le Président, je joins ma voix à celle de mes collègues pour demander et insister auprès de la ministre afin qu'elle tienne une consultation générale en commission parlementaire sur les conséquences de ce projet de loi. Il serait important de permettre aux groupes sociocommunautaires de se faire entendre et d'apporter, bien sûr, leurs réflexions au projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laviolette et whip en chef du gouvernement. M. le député de Laviolette.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les intervenants du côté de l'opposition officielle, et en particulier Mme la députée de Saint-François, et je ne peux pas faire autrement que de me dire: Comment peuvent-ils tenir un tel langage aujourd'hui un peu, dans certains cas, même, devrais-je dire beaucoup démagogique, essayer de faire accroire que la catastrophe est en train de tomber sur tout le monde, quand on a juste à regarder ce qu'ils ont eux-mêmes fait? Et j'ai eu l'occasion de le voir, M. le Président, dans cette Assemblée, puisque je suis député depuis 19 ans, ici. Et j'ai eu à vivre neuf ans de régime libéral, neuf ans de gens qui, de ce côté-ci, à l'époque où ils étaient membres du gouvernement, ont infligé à l'ensemble de la population québécoise des actes que l'on pourrait aujourd'hui qualifier de répréhensibles.

La ministre essaie, dans un contexte plus difficile, de faire en sorte que, d'abord, au niveau des personnes qui sont malheureusement sur l'aide sociale, elles obtiennent un régime de base convenable. Elle enlève des mesures qui ont été inefficaces et, dans certains cas, qui ont été pernicieuses au niveau des personnes qui sont et qui ont été sur l'aide sociale. J'en donne un exemple où, là... Les gens, quand ils nous disent: S'ils avaient mieux géré, moins dépensé d'argent pour ci et pour ça, ils oublient de regarder ce qu'ils ont eux-mêmes fait. C'est beau de regarder l'individu en face de nous puis de lui dire: Oh, mon Dieu! quelle paille as-tu dans ton oeil? pendant qu'on oublie que, dans notre propre oeil, on a une poutre, M. le Président.

Une des mesures que la ministre amène, c'est de faciliter le recouvrement des sommes dues par les garants défaillants, des gens qui acceptent d'accompagner des personnes immigrantes ici, au Québec, et qui se mettent la responsabilité de garantir que la personne qu'ils vont amener ici, au Québec, n'arrivera pas sur l'aide sociale et, en conséquence, s'engagent à faire en sorte qu'eux-mêmes se portent garants de la personne qu'ils font venir ici, que ce soit un enfant, que ce soit une épouse, que ce soit un grand-parent ou une personne de sa famille.

Or, le projet de loi n° 115 introduit notamment une obligation, pour une personne ayant souscrit un engagement d'aider un ressortissant étranger et, le cas échéant, les personnes à charge qui l'accompagnent, de rembourser le montant des prestations accordées à ce ressortissant et à ces personnes à charge. Cette disposition, M. le Président, est conforme au Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers, lequel stipule qu'un garant doit souscrire un engagement à rembourser au gouvernement du Québec toute somme que ce dernier accorderait à titre de prestation d'aide de dernier recours, conformément à la Loi sur la sécurité du revenu, au ressortissant étranger pour lequel il souscrit un engagement ou aux personnes à charge qui l'accompagnent.

Toutefois, le recouvrement de ces sommes dues par les garants défaillants doit présentement suivre le processus usuel d'une action en justice pour non-respect d'un engagement contractuel, avec les délais et les coûts, tant pour les garants défaillants que pour le gouvernement, inhérents – donc ces coûts et ces délais – à cette procédure. Or, la Loi sur la sécurité du revenu prévoit déjà une procédure sommaire et efficace qui permet de rendre exécutoire comme le jugement d'un tribunal judiciaire un simple certificat du ministre déposé au greffe du tribunal compétent, constatant la dette d'un débiteur tenu à un remboursement. Il est donc proposé de l'étendre au recouvrement des sommes dues par les garants défaillants, puisqu'il s'agit, somme toute, du recouvrement auprès d'un tiers de prestations d'aide versées en vertu de la Loi sur la sécurité du revenu.

Donc, dans le texte de loi, on fait une modification à l'article 9, qui est la modification suivante: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 35, du suivant:

«35.1 Une personne ayant souscrit, en vertu de la Loi sur l'immigration au Québec (chapitre I-0.2), un engagement d'aider un ressortissant étranger et, le cas échéant, les personnes à charge qui l'accompagnent, à s'établir au Québec doit rembourser le montant des prestations accordées, pendant la durée de cet engagement, à ce ressortissant et aux personnes à charge qui l'accompagnent, lorsque cet engagement y pourvoit. Ces sommes sont recouvrables par le ministre conformément aux dispositions de la présente section.»

Donc, on peut apporter un commentaire à cet article, M. le Président, qui est inséré. C'est que les garants touchés sont ceux qui ont accumulé jusqu'à maintenant – et c'est pour ça que je parlerai tout à l'heure du Parti libéral – ou accumuleront une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu parce que celui-ci a versé de l'aide aux parrainés à leur place. Donc, c'est un engagement contractuel que prend la personne qui reçoit au Québec une personne venant de l'étranger et pour laquelle elle s'engage, de dire: Je ne demande pas de l'aide sociale; vous pouvez m'aider en partant, mais je vous rembourserai des montants puis je le ferai selon des modalités du contrat.

Or, quand on parle du rapport du Vérificateur général déposé, comme il le dépose cette année, ça fait mention des années antérieures. Puis, les années antérieures, j'imagine, en tout cas, moi, il me semble – j'ai été ici neuf ans – que c'était le Parti libéral qui était là, c'était le gouvernement de Robert Bourassa qui était là, c'était le gouvernement du présent chef de l'opposition. Alors, le Vérificateur reproche au gouvernement de ne rien faire pour s'assurer que les garants d'immigrants respectent leurs engagements envers les personnes parrainées et la société québécoise. Donc, c'est une question de justice et d'équité. C'est ce que la ministre veut introduire dans son projet de loi.

Le précédent gouvernement n'a rien fait pour corriger cette situation qui perdure depuis 1987; 237 000 000 $ ont été engloutis de cette façon. Puis c'est eux qui essaient de nous faire la leçon, alors qu'on regarde simplement leur bilan: 237 000 000 $ ont été engloutis parce que le gouvernement précédent n'a rien fait. Des millions que le gouvernement aura beaucoup de mal à récupérer pour les raisons suivantes. Plus de 35 % des parrains vivent de l'aide sociale. Vous vous imaginez, M. le Président, on n'a même pas pris les précautions en les recevant, à savoir s'ils pouvaient être capables de venir à respecter le contrat qu'ils faisaient. Donc, 35 % des parrains vivent de l'aide sociale, puis il y en a un autre 35 % dont l'engagement de parrainage est expiré ou encore qui a été pris hors du Québec. Ces derniers ne pourront rembourser le gouvernement et les contribuables québécois qu'ils ont bernés par leur contrat qu'ils ne respectent pas. Et ça, c'est le gouvernement antérieur, libéral, de Robert Bourassa ou du chef de l'opposition actuel, qui a fait ça, M. le Président. Puis ils viennent nous faire la leçon aujourd'hui. Je m'en excuse auprès des Québécois et des Québécoises, mais c'est eux qui ont englouti 237 000 000 $.

Notre gouvernement va tout faire ce qu'il faut pour enrayer cette hémorragie. Et on nous reprocherait d'arrêter d'abord ça, d'aller récupérer ce qu'on est capables de récupérer. On viendrait ce soir, cette nuit, demain, après-demain, dans les jours qui suivent, pour ne pas dire nous engueuler, parce qu'on veut faire ça? Pas vrai, M. le Président. C'est pour cela que nous travaillons à mettre en place des mesures législatives et réglementaires pour améliorer de façon plus que significative le recouvrement de ces sommes en ce domaine.

(22 h 30)

De plus, une sélection plus rigoureuse devra être faite des parrains d'immigrants de façon à s'assurer de leur capacité financière pour assumer la responsabilité convoitée. Vous vous imaginez, M. le Président, le précédent gouvernement et le gouvernement fédéral, puisqu'il a une responsabilité lui aussi, ne cherchaient même pas à savoir si les personnes qui voulaient être parrains d'immigrants étaient capables, au niveau monétaire, financier, d'accéder à ce contrat.

Notre gouvernement, dans ce cas, par la ministre responsable, ne se traîne pas les pieds pour assurer une saine gestion et une gestion équitable des fonds publics. Une expérience-pilote, M. le Président, entre le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère de l'Immigration. Au démarrage, un résultat, déjà, 100 000 $ en recouvrement et 1 000 000 $ épargnés en prestations suite au résultat des rencontres des parrains. Donc, M. le Président, on ne s'est pas traîné les pieds. La ministre a eu la responsabilité, elle l'a prise, et ça doit continuer. On ne viendra pas nous dire ici, ce soir, que c'est de notre faute; c'est la faute du gouvernement antérieur. Mais, même si je le disais, M. le Président, ça ne me suffirait pas; il faut aller plus loin, il faut corriger. J'ai beau critiquer le passé, je veux m'assurer du futur, et c'est ce que la ministre fait, M. le Président.

Les règles de sélection des immigrants parrainés et les critères inhérents entre conjoints et enfants relèvent du gouvernement fédéral et d'une entente de l'ancien gouvernement faisant en sorte que le critère financier ne peut être retenu pour l'acceptation du parrainage. Il faut donc faire des changements, il faut donc en arriver à des conclusions qui permettent au gouvernement en place à ce moment-ci de récupérer ces argents et de les donner à ceux qui en ont vraiment besoin. C'est une question d'équité, c'est une question de justice envers tous les Québécois et toutes les Québécoises qui paient le régime.

Alors, M. le Président, comme les contrats de parrainage sont, à 60 %, pour les conjoints, on va être capable d'agir actuellement sur les 40 % qui restent. Voilà, donc, des mesures introduites et pour lesquelles on n'a pas attendu de faire des gestes pour aller récupérer, d'abord, les argents et s'assurer qu'ils soient donnés aux bonnes personnes, dont le contrat devra être respecté, parce qu'elles auront les capacités financières pour le faire. Voilà, donc, M. le Président, juste un exemple. On pourrait en donner plusieurs, de ces exemples-là.

Mais, moi, je voudrais, ce soir, M. le Président, dire à l'opposition, qui verse des larmes de crocodile ce soir, qu'ils ne me surprennent pas du tout. Je suis habitué à les voir de même, brailler sur des gens qu'ils ont eux-mêmes, dans le passé, assommés, qu'ils ont eux-mêmes traînés, je ne devrais pas dire dans la boue. Mais une chose certaine, M. le Président, ils les ont traînés devant l'opprobre public, dans la mesure où ils les ont fait passer tous pour des tricheurs, des voleurs, ces gens qui, au bout de la course, cherchaient à avoir de l'aide sociale parce qu'ils en avaient vraiment besoin. On a envoyé des gens, des boubous macoutes, comme on les appelait dans le temps.

Il a fallu que des gens comprennent qu'ils ont des besoins à être assumés et l'État – c'est ce que la ministre fait – dit: La base à tout le monde; quant aux autres mesures, regardons pour le futur. Mon collègue de Berthier en faisait mention avec toute la question de l'assurance-chômage, le bien-être social. Et j'écoutais le député de Verdun qui s'offusquait de ces choses, mais qui sait très bien que, avec l'ensemble de toute la panoplie de programmes à l'assurance-chômage ou au bien-être social, tu es dans une case, ça marche, tu es dans une autre case, ça ne marche pas, tu es sur l'aide sociale et tu n'as pas le droit d'avoir un programme qui est donné par l'assurance-chômage ou, vice versa, tu es sur l'assurance-chômage et tu n'a pas le droit d'avoir un programme de l'aide sociale. Ça n'a pas de bon sens.

Si on avait eu la capacité de récupérer, et on l'espère, tous les leviers qui nous appartiennent au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, au niveau des programmes d'aide, quels qu'ils soient, il est évident qu'on aurait pu faire mieux. Dans les circonstances, on va essayer de faire le mieux possible en sachant que, si on avait tous les leviers, on ferait encore mieux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laviolette et whip en chef du gouvernement. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. le Président, comme un professeur nous disait, si parler fort donne raison, le député qui m'a précédé serait sûrement toujours quelqu'un qui a raison. Il utilise le volume bien souvent, bien plus que la qualité de ses arguments, pour tenter de faire passer son message.

J'aime beaucoup, M. le Président, faire un léger rappel historique. J'ai eu la députée de Chicoutimi comme critique quand j'avais des responsabilités ministérielles et, bien sûr, à sa façon, elle avait solution à tout problème. Elle avait une façon qui avait été décrite, à l'époque, de dogmatique. On traitait sa façon... On n'avait qu'à écouter la façon dont... Parce qu'elle lisait le projet de loi, donc, évidemment, elle le comprenait, ce qui faisait d'elle quelqu'un qui avait solution à tout problème.

Bien sûr, quand on tentait de mettre ça en application, on trouvait les applications plus difficiles. Et, heureusement, M. le Président – la députée de Chicoutimi s'en souviendra, si j'avais suivi ses suggestions à l'époque et tenté de mettre de l'ordre de la façon qu'elle me suggérait... J'ai profité plutôt de la mienne à la CSST avec les résultats que vous connaissez. Imaginez si j'avais suivi sa formule à l'époque. On regarde tout ce qu'elle a réussi à faire en quelques mois seulement, M. le Président. Et je n'irai pas trop, trop loin. Je veux bien que la ministre...

Je la cite, M. le Président, je commence par ça. En 1988, elle était élue en cette Chambre et voici ce que disait la députée de Chicoutimi: M. le Président, lorsqu'un gouvernement, un parti, quel qu'il soit, donc, fait de la démagogie pour s'attirer des votes, mais surtout quand il le fait sur le dos des plus démunis, des plus fragiles, de ceux qui sont très crédules, je pense particulièrement aux jeunes, je trouve ça profondément – un de ses mots typiques à elle – méprisable. Je cite les propos de la députée de Chicoutimi qu'elle tenait en cette Chambre, le 1er décembre 1988.

À l'élection de 1994, la députée de Chicoutimi est appelée à remplir les responsabilités qu'elle a présentement. On se souviendra, et là on est dans l'année 1995, la députée de Chicoutimi – il est intéressant de la suivre – le langage qu'elle tient avant le référendum et après le référendum. De son court passage aux responsabilités ministérielles qu'elle a à l'heure actuelle, on se souviendra d'elle pour deux choses: la cassette qu'elle avait fait émettre, qui avait coûté 500 000 $, pour nous dire de quelle façon elle souhaitait prendre soin des plus démunis et, bien sûr, l'après-référendum, le projet de loi n° 115 que nous avons devant nous présentement, M. le Président.

M. le Président, on n'a pas besoin d'aller bien, bien loin, là. Il est toujours intéressant... Le 9 mai 1995, sur une motion proposant que l'Assemblée nationale approuve la politique budgétaire du gouvernement – il n'y a pas longtemps, M. le Président, quelques mois avant le référendum – le député de Laporte, critique de l'opposition dans le dossier... Et, M. le Président, vous me permettrez de vous faire la lecture d'une copie du débat de l'Assemblée nationale du 9 mai. Et mon collègue, le député de Laporte, disait: Et, s'agissant des dépenses, on ne peut pas passer sous silence le trou de 200 000 000 $ à l'aide sociale qui jette un discrédit sur l'ensemble des prévisions budgétaires du gouvernement.

(22 h 40)

Donc, M. le Président, dès le 9 mai dernier, avant le référendum, notre collègue, le député de Laporte, indiquait déjà au gouvernement, indiquait déjà à la ministre responsable de la Sécurité du revenu que, basé sur les prévisions qu'il y avait dans le budget, il y avait là un trou de 200 000 000 $. En effet, comment expliquer, disait mon collègue, qu'avec une clientèle qui se situe, en avril 1995, à 9 710 ménages, soit près de 10 000 ménages au-dessus de celle observée à la même date l'an dernier, on prévoie non pas une augmentation des crédits de 77 000 000 $, mais une diminution de 127 000 000 $, d'où l'écart de 204 000 000 $? Ça, c'est notre collègue qui indiquait ça à la ministre dès le 9 mai dernier, M. le Président.

À qui fera-t-on croire, continue mon collègue, que les coûts de l'aide sociale vont diminuer avec une clientèle en hausse? Va-t-on réduire les barèmes? questionnait-il. Va-t-on réduire les barèmes, les chèques mensuels? La ministre de la Sécurité du revenu nous a dit que non. Et ce n'est pas en annonçant qu'on va relaxer les contrôles – comme elle l'a si imprudemment annoncé – qu'on va trouver les 200 000 000 $ manquants. Il n'y a pas de miracle là-dedans. On ne peut pas voir la clientèle augmenter et les budgets diminuer. Ce manque à gagner de 200 000 000 $ jette un discrédit sur l'ensemble des opérations budgétaires du gouvernement. Ça, c'est le 9 mai 1995.

Donc, la ministre aurait dû agir en personne responsable et retenir le signal que lui donnait notre collègue, le député de Laporte, pour lui indiquer que, selon les chiffres présentés par le ministre des Finances, avec une enveloppe fermée, elle se verrait dans une situation d'être privée de 200 000 000 $. Normalement, elle aurait dû être alertée. Mais, bien sûr, M. le Président, on était avant le référendum. Alors, avant le référendum, la ministre, que fait-elle, M. le Président? Dès le lendemain, le 10 mai 1995, la ministre émet un communiqué, M. le Président. Et là la ministre dit: «Il me semble que M. Bourbeau n'ait pas compris.» Fin du premier paragraphe.

Et là je vous cite le deuxième paragraphe du communiqué de la ministre, le lendemain de l'avis en cette Chambre du député de Laporte. Et je cite, M. le Président: «Contrairement aux allégations de M. Bourbeau, il n'y aura pas 200 000 000 $ de déficit à la sécurité du revenu pour l'année 1995-1996.» Il n'y en aura pas, dit-elle. Elle ajoute même que «l'opposition officielle entretient délibérément, pour des mesquines raisons partisanes...» Vous souvenez-vous comment je l'ai citée en 1988? «Je trouve ça profondément méprisable.» Ici, c'est: «L'opposition officielle entretient délibérément, pour de mesquines raisons partisanes, la morosité que l'on a connue...» Voilà les propos. Est-ce qu'elle n'aurait pas dû, M. le Président, à ce moment-là, être alertée? Bien non.

Dès le lendemain, toujours comme elle le fait régulièrement – je l'ai eue en face comme critique, toujours «possesseure» de toutes les données – elle n'attendait que l'occasion de faire la démonstration de ses compétences. Alors, M. le Président, dès le lendemain, typiquement dogmatique, elle émet un communiqué en utilisant les propos que je vous ai cités. Il n'y aura pas, dit-elle, 200 000 000 $ de déficit à la sécurité du revenu pour l'année 1995-1996. Il n'y en aura pas. Elle le dit. Donc, quand elle le dit, il en sera ainsi. Et là, bien sûr, elle passe des qualificatifs à tous ceux qui ne partagent pas son opinion. Ce qui permet d'affirmer que, pour l'année 1995-1996, un nombre moyen de 470 000 ménages recevront des prestations d'aide de dernier recours.

Et elle termine son communiqué de presse du lendemain, M. le Président, en disant: «On comprend après cela que l'on ne peut accorder de crédibilité aux prévisions alarmistes du critique libéral, M. Bourbeau.» Dès le lendemain, plutôt que de s'informer, plutôt que de donner un suivi minimalement objectif, M. le Président, avant le référendum, elle émet, dès le lendemain, le communiqué que je viens de vous citer en partie, M. le Président.

C'est vrai qu'il n'y a pas eu un trou de 200 000 000 $, M. le Président, c'est 187 000 000 $.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: C'est 187 000 000 $, M. le Président. Ça, c'était avant le référendum. Vous vous souvenez quand elle est allée rencontrer les gens. Vous souvenez-vous de la marche «Du pain et des roses»? Vous vous souvenez de ça, M. le Président? La ministre, là, tout suavement, toute mielleuse, allait leur annoncer que tout ça irait bien avant, avec toute sa sensibilité qu'elle a l'habileté de bien exprimer. Mais, là, il faut regarder les faits. Le langage y était, M. le Président; c'est les faits qu'il faut regarder.

Là, je viens de vous citer comment elle se comportait avant le référendum. Avant le référendum, c'était la cassette à 500 000 $ pour expliquer que, elle, elle était pour être à la défense de ces clientèles-là; elle, elle en prendrait soin; elle, elle serait près des organismes qui travaillent pour les plus démunis. Ça, c'était avant, M. le Président. Là, je ne retourne pas loin en arrière. Je vous parle de 1995, cette année. Et là, bien sûr, après, ah bien là! la réalité s'installe. Là, après, il faut que, pour la première fois, elle apprenne à compter, pas raconter, compter. Alors, là, comme elle est obligée d'apprendre à compter, elle réalise que son enveloppe fermée, elle réalise que les indications qu'elle traitait d'alarmistes au mois de mai s'avèrent la réalité, s'avèrent la réalité.

Mais, là, bien sûr, les dépenses qu'a engagées le gouvernement dans tout le processus préréférendaire et référendaire placent ce gouvernement-là... de récupérer des sommes d'argent. Donc, la ministre nous dépose un projet de loi, projet de loi n° 115. Alors, ça, c'est le 24 novembre. On a eu le référendum le 30 octobre; donc, le 24 novembre, elle annonce une série de compressions budgétaires afin de combler son manque à gagner de 137 000 000 $ au ministère de la Sécurité du revenu. Ah! Ah! M. le Président, là, elle est obligée de faire face à ses responsabilités.

Je vois que vous suivez avec intérêt les propos que je vous tiens; je vous rappelle, M. le Président, que ma collègue ici présente, députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, a fait la démonstration en cette Chambre, jour après jour, que la ministre, au niveau du langage, quand elle est seule devant son miroir, elle s'arrange bien. Mais, quand il est temps d'expliquer sa législation, de l'appliquer dans le concret face à de vraies situations, oups! là, elle commence à nous expliquer que c'est très compliqué, le ministère qu'elle a à diriger, tellement compliqué qu'elle a énormément de difficultés à nous donner ses explications en Chambre, au point où, suite à des mises en situation très concrètes de ma collègue, le lendemain, son personnel du ministère, sa sous-ministre a été obligée de faire une conférence pour donner des explications sur les réponses incompréhensibles qu'avait données sa ministre, la veille, en Chambre. Ça, on va se souvenir d'elle pour ça aussi. Quand ce n'est pas enregistré sur cassette, elle a beaucoup de difficultés à être capable de communiquer.

(22 h 50)

Dans l'article 1, M. le Président, du projet de loi n° 115, il y a l'abolition des avoirs liquides. Présentement, M. le Président, les personnes qui font une demande d'aide sociale peuvent avoir dans leurs comptes de banque une somme variant... Si c'est une personne seule, c'est 1 500 $; si c'est une famille, c'est 2 500 $; et, pour le programme APTE, pour une personne seule, 2 500 $; et jusqu'à 5 000 $ pour une famille, au programme de soutien financier, et ce, sans que l'admissibilité à l'aide soit affectée ou que la prestation versée soit coupée. Avec l'adoption de l'article 1 de celle qui, au niveau du langage, exprime de la sensibilité, mais qui, au niveau de la législation et de ce premier article, M. le Président, fait exactement le contraire, les prestataires devront dépenser jusqu'au dernier sou avant d'être admissibles; sinon, leurs prestations seront réduites pour chaque dollar qu'ils auront d'économies, M. le Président.

Ma collègue a fait ressortir ça en Chambre, et la ministre disait: C'est impossible. Elle a dit à ma collègue qu'elle ne connaissait pas son dossier; elle, elle connaissait ça, elle était pour lui faire comprendre. Mais, M. le Président, les prestataires d'aide sociale, les gens qui sont les plus démunis, les plus fragiles dans notre société, il y en a des gens, M. le Président, qui, face à un projet de législation comme celui-là et sachant, M. le Président, que le gouvernement va se servir de sa loi du nombre pour l'imposer...

Parce que la cigale ayant chanté tout l'été fut dépourvue quand la brise fut venue, M. le Président; vous vous souvenez très bien de ça. Donc, ayant chanté tout l'été l'aspect référendaire, là, M. le Président, la vérité s'installe. Les gens comprennent, M. le Président. Les gens comprennent. Les gens qui disent... Et on sait que, parmi les plus démunis, il y a les familles monoparentales et, dans la très vaste majorité des cas, ce sont des femmes qui sont responsables de ça. On ne leur permet même pas un minimum d'économies pour prévoir au plus pressé, M. le Président. On ne permet même pas ça: dépensez d'abord. Il ne faut plus que vous ayez une cent et, après cela, vous viendrez nous voir.

M. le Président, c'est presque obliger ces gens-là, pour se protéger contre l'insensibilité de la ministre et de son gouvernement, à imaginer, comme moyens alternatifs, des façons de tromper le système pour se protéger. Pour se protéger, ils vont être obligés, comme dans certains cas... C'est quelqu'un qui me le disait en fin de semaine dans le comté: Ça «veut-u» dire que, quand je serai rendu à cette limite-là, les quelques centaines de dollars que j'ai de côté, je vais être obligé de les mettre au nom d'un de mes enfants? «C'est-u» ça que le gouvernement veut m'obliger à faire, M. le Président?

Voilà, M. le Président, la ministre, quand il est le temps de se souvenir d'elle, de son court passage à ce ministère-là, on se souviendra d'elle pour son insensibilité avec des conditions comme celles que je vous décris, M. le Président. Les mesures de recouvrement, M. le Président. On n'a qu'à regarder l'article 15, M. le Président, les mesures de contrôle, des changements d'informations entre elle et le ministère du Revenu. Comme ma collègue l'a soulevé, pourquoi le ministre de la Justice, qui possède des gens formés pour faire ce travail-là, ne rend pas disponible son personnel pour l'aider? Bien non, M. le Président, les petites guerres de clocher, chacun veut garder son monde. Donc, quand on aura à faire face à des coupures, on pourra livrer, on pourra livrer. Mais, pendant ce temps-là, M. le Président, le ministère fonctionne comme il est là.

Alors, M. le Président, il me reste une minute. M. le Président, quand on est de la région de Montréal, quand on sait comment est-ce qu'il y a de la misère, comment est-ce qu'au-delà de 50 % – c'est 51,4 %, M. le Président – des familles viennent de la région de Montréal, il faut être sensibles à ces gens-là. Il ne faut pas avoir un discours avant le référendum, puis un comportement tout à fait contraire après le référendum.

M. le Président, vous m'indiquez qu'il me reste une minute, une demi-minute. M. le Président, on se rappellera du court passage de la députée de Chicoutimi pour deux des gestes qu'elle aura posés: sa cassette qui aura coûté 500 000 $ avant le référendum et son projet de loi pour couper les plus fragiles, les plus démunis de notre société. C'est pour cette raison, M. le Président, que je voterai contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Bourassa. M. le député.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Nous avons devant nous le projet de loi n° 115, un projet de loi qui vise à modifier la Loi sur la sécurité du revenu. C'est un projet de loi dont les grandes lignes nous avaient été connues depuis le 24 novembre. Maintenant que nous avons le texte lui-même du projet de loi, nous nous rendons compte que c'est ni plus ni moins et rien d'autre qu'une commande de compressions budgétaires à la hauteur de 137 000 000 $, compressions budgétaires qu'il nous faut absolument situer comme postréférendaires. On fait état maintenant d'un dépassement budgétaire qui, d'après la ministre, n'était pas prévisible, mais pourtant qui avait été prévu par plusieurs observateurs dont notre collègue, le député de Laporte, qui avait fait remarquer au gouvernement et à la ministre de la Sécurité du revenu en particulier qu'elle ne pourrait pas faire l'année avec de telles prévisions budgétaires.

Évidemment, 137 000 000 $, c'est énorme ou ça ne l'est pas; ça dépend du point de vue. Ce n'est pas énorme si on compare 137 000 000 $ aux énormes profits accumulés par les banques dans le dernier exercice financier, par exemple, mais c'est énorme si on considère les personnes qui sont des prestataires de la sécurité du revenu, chez qui ce montant sera prélevé dans les prochains mois, des gens qui sont déjà, M. le Président – il faut le remarquer et le rappeler sans cesse – sous le seuil de la pauvreté; donc, des gens pour qui, déjà, gagner 10 000 $ par année, ce serait quelque chose de remarquable, des gens qui ne gagnent pas, qui n'auront même pas accès à un tel seuil de revenu. Donc, c'est les gens les plus démunis, les plus faibles économiquement, c'est eux qui devront absorber le contrecoup des mauvaises prévisions, soi-disant, de la ministre et du gouvernement.

Je dirais que c'est un peu comme dans le dossier de la formation de la main-d'oeuvre ou le dossier de la formation professionnelle: il n'y a eu aucune mesure proactive, aucune mesure pour devancer les problèmes, pour essayer d'intervenir avant que la conjoncture ne nous y pousse brutalement. J'entendais mon collègue, le député de Saint-Laurent, recourir à une fable ou à un extrait d'une fable de La Fontaine, en disant: La cigale ayant chanté tout l'été, elle se trouva dépourvue quand l'automne fut venu ou quand la bise fut venue. Bien, chanter tout l'été, qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? Ça veut dire, tout d'abord, dans le contexte où l'on prépare l'opinion à la tenue d'un référendum, être le moins explicite possible sur les problèmes; ça veut dire essayer d'éviter de dire ce qui s'en vient, essayer d'éviter de dire trop explicitement quelle est la réalité, y compris la réalité financière ou budgétaire du Québec; ça veut dire accepter une enveloppe fermée dans le cas de la sécurité du revenu, sous l'ordre du Conseil du trésor, alors qu'elle ne pouvait pas, comme ministre, justifier vraiment ce cadre-là.

(23 heures)

Également, chanter tout l'été, ça veut dire, par exemple, rappeler certaines mesures de saine gestion mises en place par le gouvernement antérieur. Je fais référence en particulier à cette pratique consistant à remettre de main à main les chèques de prestations. Je crois que c'était une excellente pratique, en ce sens qu'elle permettait un contact humain entre l'agent et le bénéficiaire et elle permettait un échange minimal, bien sûr, parce qu'il y a des quantités de gens à rencontrer, mais tout de même un échange, et elle permettait aussi, à l'occasion... Cela m'a été témoigné à l'occasion de visites que j'ai faites moi-même de plusieurs centres Travail-Québec, les agents nous disaient: Au moins, on a une occasion de parler, de se rencontrer et de vérifier, mais aussi de conseiller ou, du moins, de référer à une personne qui peut accompagner le prestataire dans certaines mesures. Ceci étant dit, on n'a plus ce rapport direct, simplement un rapport financier, un chèque. D'autres de mes collègues ont parlé également du rappel de ce projet-pilote qui a été quand même souligné comme novateur et apprécié par le Vérificateur.

Eh bien, ayant chanté tout l'été, quand les rigueurs de l'hiver s'amènent, tout ce qu'on a comme réponse maintenant, c'est les compressions et des compressions d'urgence, alors même que cette ministre a commandé une étude approfondie à des personnes qui, en principe, ont toutes les compétences pour regarder le système dans son ensemble, une équipe sous la conduite de MM. Bouchard et Fortin, donc, un mandat a été donné pour regarder l'ensemble de ces problèmes-là. Avant même qu'on ne connaisse quelque résultat que ce soit de cette étude, voici, maintenant, on sévit. La rigueur de l'hiver sévit et elle s'abat sur ceux qui ont les vêtements les moins chauds, M. le Président, dans cette société.

Encore une fois, comme dans d'autres domaines... le domaine de l'emploi, on nous avait promis une intervention dans le sens du plein-emploi en moins d'un an de la part de ce gouvernement; dans le domaine de l'éducation, on nous avait promis beaucoup de choses; on a vu ce qui s'est passé dans le domaine de la santé; on voit ce qui se passe dans le domaine de l'économie. M. le Président, encore une fois, la population est face à un gouvernement qui est très loin de son programme, qui tourne le dos, à chaque fois qu'il en a l'occasion, à son programme politique.

Voyons ce qu'il disait, ce parti, lorsqu'il recherchait la faveur populaire lors de la dernière élection, au chapitre, en particulier, de la sécurité du revenu, ce dont nous parlons ce soir; page 172 du programme du Parti québécois. «Un gouvernement issu du PQ, dans les douze mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu de façon – M. le Président, je souligne, j'insiste – à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» Retenez bien ces mots, M. le Président: enlever le punitif et le péjoratif, remplacer par incitation, valorisation. On va voir ce qui en est, tout à l'heure, avec le projet de loi n° 115. «Nous réviserons – disait le Parti québécois à l'époque – le régime d'aide sociale dans la perspective d'un revenu minimum garanti.» «En plus d'assurer un soutien financier, le programme d'aide sociale aura aussi comme objectif prioritaire la réinsertion sociale des individus.» On nous dit même que «la prestation de base sera bonifiée pour ceux qui acceptent de participer à des programmes gouvernementaux ou à des activités accréditées».

Je suis sûr, M. le Président, que vous allez vous hâter de vérifier mes citations, tout de suite après la fin de cette séance, tellement que cela va vous apparaître loin de ce qui se passe maintenant, même aux antipodes de ce qui est dans le projet de loi n° 115. C'est exactement le contraire qui est en train de se passer. Au lieu d'encourager ceux qui font un effort, on décourage ceux qui se qualifient au titre de participants en leur promettant une coupure, M. le Président. Mon collègue de Verdun et d'autres l'ont expliqué tout à l'heure fort éloquemment.

Également, on se prépare, à travers le projet de loi n° 115, à punir les personnes qui se déclarent disponibles à suivre des cours ou des programmes de formation. Exactement le contraire de ce qui est prévu au programme du Parti québécois, où l'on devait enlever ce qui dévalorise, enlever ce qui désincite ou ce qui punit et introduire des mesures qui encourageraient les gens qui font un effort. Dans le même sens, M. le Président, on peut commenter cette obligation de la dernière cent, cette obligation de dépenser et de ne pas avoir d'argent du tout pour pouvoir être inscrit comme prestataire: interdiction d'avoir des avoirs liquides, M. le Président.

Également, on pourrait continuer de commenter – d'autres l'ont fait, d'autres le feront aussi – toute cette histoire de couplage de fichiers. Imaginez-vous, M. le Président, si ça avait été un gouvernement du Parti libéral qui avait osé imaginer une telle mesure. Il y aurait des milliers de personnes, ici, devant le Parlement, pour protester. Où sont-ils ces grands défenseurs de la démocratie, ces démocrates à plein temps qu'on retrouve dans nombre d'organisations que je connais bien? Où sont-ils pour commenter et apprécier les délicatesses que leur prévoient les couplages et les accouplages interdits, jusqu'à maintenant, que leur promet la ministre titulaire de la Sécurité du revenu? Où sont-ils ces grands défenseurs de la démocratie? Est-ce le froid qui les retient? Pourtant, en certaines occasions, M. le Président, le froid ne nous empêchait pas de dire ces choses-là lorsque c'était nécessaire.

M. le Président, nous sommes face à un gouvernement qui, sans aucune gêne, marche à contre-courant non seulement de ses engagements, dans son programme, mais à contre-courant du bon sens et à contre-courant de ce qui se prépare ou de ce qui se réalise dans plusieurs autres administrations, provinces ou pays, dans le sens que les gouvernements s'ingénient à trouver des mesures qui valorisent l'effort, l'effort de ceux qui sont aux prises avec des problèmes d'emploi, ou d'employabilité, ou de formation. On s'ingénie, un peu partout dans le monde, M. le Président, à développer des mesures actives pour soutenir la démarche des individus. Ici, avec cette mesure, on décourage ceux qui sont les participants et on décourage aussi les personnes qui sont disponibles à de telles démarches de développement d'elles-mêmes.

Ces mesures qui forment le coeur du projet de loi n° 115, à mon avis, ne sont rien d'autre que des mesures d'urgence contre les plus démunis, qui prennent le contre-pied, qui vont à l'encontre de ce que la ministre a fait en avril dernier, lorsqu'elle n'a pas hésité à entreprendre une campagne de valorisation des prestataires de la Sécurité du revenu, à la hauteur de 500 000 $. Elle n'a pas entendu l'opposition protester contre cette campagne. On a posé quelques questions mais, finalement, nous avons accepté ses explications. Aujourd'hui, cependant, nous revenons sur ces faits et nous les mettons en parallèle avec ce qui se passe maintenant. Qu'est-ce que c'était que cette campagne de valorisation du mois d'avril dernier si, maintenant, on se retrouve dans une situation où la ministre pointe du doigt des gens qui n'auraient pas dépensé la dernière cent avant de se présenter au centre Travail-Québec pour leurs prestations, quand la ministre pointe du doigt, à travers sa stratégie de couplage des fichiers – Revenu, Sécurité du revenu et tous les autres organismes – pointe du doigt les soi-disant fraudeurs? Je pense que c'est tout à fait le contraire de la démarche de valorisation qu'elle avait menée, à grands frais, il y a quelques mois.

Ces mesures, M. le Président, ces mesures présentes dans le projet de loi n° 115, d'ailleurs, ne trompent personne quant au vrai visage de ce gouvernement qui, encore en octobre dernier, pendant la campagne référendaire, se donnait un vernis social-démocrate en publiant un ouvrage qui s'appelle «Le coeur à l'ouvrage», et en essayant de se montrer ouvert à tous les besoins de la société.

(23 h 10)

J'ai ici quelques notes qui nous proviennent du Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles. On a cinq, six pages de commentaires, ici, M. le Président, mais le titre du document, il est en deux points: «Tenants de la ligne dure néo-libérale du Parti québécois: 100 %; aile "sociale-démocrate" du Parti québécois: ZÉRO.» Le Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles évalue que la ministre de la Sécurité du revenu a cédé aux exigences du président du Conseil du trésor en diminuant de façon arbitraire les prestations des assistés sociaux sans tenir compte de leur appauvrissement et de leurs conditions de vie précaires et qu'ainsi on fait porter l'odieux du déficit sur le dos des citoyens les plus démunis. Le document ajoute: «En termes clairs, c'est encore une fois au tour des prestataires de la sécurité du revenu de résorber les impacts de la crise de l'emploi, ce sont eux qui subissent en premier lieu l'assaut brutal du gouvernement dans le cadre de l'assainissement des finances publiques.» Le document continue, M. le Président, pendant des pages. Je vais vous citer un autre paragraphe: «D'autres contrôles, d'autres pénalités. À ce titre, la ministre Blackburn propose l'introduction d'un article facilitant les échanges de renseignements entre Sécurité du revenu et ministère du Revenu, elle annonce un resserrement des contrôles et affirme du même souffle qu'elle sera "intraitable envers les fraudeurs".» Elle perpétue ainsi «la fausse image de "fraudeurs" que le pouvoir politique trouve avantage à accoler aux personnes assistées sociales». C'est toujours le comité de Pointe-Saint-Charles qui parle, M. le Président.

Ces gens-là ajoutent, à titre de suggestion à la ministre: «Au lieu de s'en prendre aux citoyens les plus pauvres, n'aurait-il pas mieux valu que le gouvernement s'attaque sérieusement au problème à la source, qui est le manque de travail, ce par une politique de maintien et de création d'emplois?» Ils suggèrent aussi qu'il y a d'autres moyens de gérer le déficit gouvernemental sans affaiblir pour autant le filet de sécurité sociale. Ces gens-là concluent: «L'actuel gouvernement du Québec a l'indécence de faire payer la note aux plus démunis. Or, aucune coupure n'est envisageable pour des gens qui arrivent à peine à survivre avec des prestations inférieures de 50 % au seuil de pauvreté reconnu par Statistique Canada. Et ce, quel que soit le résultat référendaire...» Ça, c'est le point de vue des assistés sociaux de Pointe-Saint-Charles et de leur comité, M. le Président.

Dans Le Devoir de la fin de semaine dernière, nous avons un article de Mme Denyse Lacelle, qui travaille depuis des années dans des projets reliés à l'intégration des personnes sans-emploi au marché du travail. Mme Lacelle dit: «En annonçant ces dernières coupes, Mme Blackburn affirme sans rire et sans rougir qu'"on a fait mieux que l'Ontario"! Le premier ministre Parizeau y va, lui, de la culpabilisation: "Ça vous apprendra à avoir voté NON!" – c'est entre guillemets, M. le Président – Il est bien suffisant, dit Mme Lacelle, pour les personnes assistées sociales, de se faire annoncer de nouvelles compressions sans avoir à entendre ce genre de remarques...» Elle continue: «Il est assez difficile d'accepter que les plus pauvres d'entre nous doivent encore se serrer la ceinture parce qu'on n'a pas été capables – soi-disant – de "prévoir" les effets du budget fédéral de 1994.» Elle ajoute et elle conclut: «Si le Québec ne perçoit pas l'ensemble des impôts, il en perçoit une bonne partie. Et il dispose d'une confortable marge de manoeuvre en ces matières.»

M. le Président, ce sont des gens qui sont dans le milieu social. Il y a aussi le point de vue, qu'on a pu consulter, de l'éditorialiste de La Presse Alain Dubuc, à l'autre bout du spectre social, pour ceux qui aiment ce genre d'analyse. Le 28 novembre 1995, M. Alain Dubuc disait: «Si le gouvernement Parizeau et sa ministre de la Sécurité du revenu, Mme Jeanne Blackburn, avaient fait correctement leur travail dans le dossier de l'aide sociale depuis un an, ils n'auraient jamais été obligés d'annoncer, vendredi dernier, dans de terribles déchirements internes, des compressions aussi sévères qu'improvisées.» Et il continue comme ça, en dénonçant l'improvisation et l'inopportunité d'un tel projet de loi.

Et, pour revenir à un autre endroit du spectre social, M. le Président, je citerai maintenant Gérald Larose, qui est bien connu pour son sens de la modération verbale. M. Larose dit, cité dans La Presse du 30 novembre, en référant expressément à ce genre de coupures dans les services publics et ce genre de coupures dans la sécurité sociale: «Nous sommes en danger d'opération dévastatrice», M. le Président. Il dénonce la décision de la ministre et de son gouvernement de couper dans la sécurité sociale. «Nous sommes en danger d'opération dévastatrice.»

Alors ces témoignages convergent, M. le Président, pour montrer que cette réformette, ce rapiéçage hâtif et mal avisé est unanimement rejeté. Les gens qui ont à payer cette facture de 137 000 000 $, ce ne sont pas eux qui ont pris la décision d'être dans la situation où ils se retrouvent maintenant.

Alors, en conclusion et en terminant, je crois qu'il est important de rappeler que le gouvernement va nous trouver sur sa route, à travers son chemin, non seulement sur le projet de loi n° 115, mais chaque fois qu'il tentera de résoudre ses problèmes sur le dos des plus démunis et sur le dos des services publics de première ligne. Nous demandons la tenue d'une commission parlementaire avec consultation générale des intéressés, des intervenants, dans le cours de la discussion de ce projet de loi, et nous demandons aussi d'avoir accès à l'avis de la Commission d'accès à l'information sur toute cette question de couplage de fichiers.

Nous nous opposons à ce projet de loi à cause de son manque de rigueur et nous constatons malheureusement que la ministre tente de décorer son arbre de Noël avec des boules et des guirlandes que n'auront pas les moyens de se payer 1 000 000 de Québécois sans emploi ou sans source de revenu autonome. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bourassa. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens donc à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi n° 115. Normalement, je commence toujours ces interventions sur les projets de loi en disant que c'est avec beaucoup de plaisir que j'interviens au nom du comté de Châteauguay, M. le Président. Dans ce cas-ci, je peux vous dire que j'aurais préféré ne pas intervenir sur ce projet de loi, en espérant que ce projet de loi n'ait jamais été déposé.

Qu'est-ce qu'il vise, en somme? En résumé, ce projet de loi, qui nous est déposé, qui nous est amené à la toute fin d'une année qui passera à l'histoire pour être une année référendaire – ça va de soi, on a passé un an à ne faire que ça – vise à aller chercher ni plus ni moins 137 000 000 $. Certains vont dire qu'il s'agit d'une réaction tardive mais, dans le fond, c'est une réaction tout à fait conditionnée par l'année référendaire qu'on a connue.

On se souviendra d'ailleurs qu'à l'étude des crédits, en avril dernier, le député de Laporte et ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne avaient soulevé dès ce moment-là qu'il y avait un trou dans le budget de la ministre de la Sécurité du revenu, mais on a feint, à ce moment-là, de ne pas voir ce trou. On n'a pas voulu parler de ce trou, de ce manque à gagner, parce qu'il aurait fallu aviser la population. Soit qu'on ne prenait pas les moyens pour éviter qu'il y ait un trou ou soit pour essayer de colmater la brèche.

Mais, M. le Président, cette année-là, c'était l'année où tout était possible, l'année où on essaie autant que faire se peut d'arracher un vote aux Québécois. Et quand c'est terminé, quand l'opération référendaire est terminée, bien, là on se retrouve avec la réalité, la triste réalité, M. le Président. On a dépensé des millions de dollars durant cette année, à l'occasion du référendum, et là, ce qu'on vient faire avec ce projet de loi, sur le tard, on vient récupérer ces millions dans la poche des gens les plus démunis.

On aura l'occasion tantôt de parler de l'importance de l'assainissement des finances publiques. Et nous en sommes, M. le Président, mais il ne faut pas tout mêler et il ne faut pas, surtout, toujours se draper derrière l'assainissement des finances publiques pour cacher les erreurs, pour cacher l'absence de gouvernement, l'absence de décisions bien orientées, bien réfléchies, bien pesées. Parce qu'on nous l'avait promis. Plusieurs de mes collègues en ont parlé, on nous avait promis, durant cette dernière élection où le gouvernement a été élu, de revoir de fond en comble ce qui n'allait pas, d'apporter des réformes majeures.

(23 h 20)

Ce gouvernement, qui a passé bon nombre d'années dans l'opposition, on aurait pu croire qu'il avait une préparation lorsqu'il arriva au pouvoir – c'est sans doute ce que la population pensait – une préparation à agir. Bon, on la voit, l'action, M. le Président. Lorsque l'obsession référendaire est terminée – encore, j'exagère en disant qu'elle est terminée, il y a une pause – et lorsque le gouvernement découvre qu'il doit gouverner, qu'est-ce qu'il fait? Il ne fait pas des réformes majeures, il ne réfléchit pas en termes d'assainissement des finances publiques, il colmate des brèches qu'il a lui-même créées. Et il va chercher l'argent où, M. le Président? Il va chercher l'argent chez les gens qui sont les plus démunis. Et on va en parler, tantôt, de la façon dont on va chercher cet argent-là, quel argent on va chercher.

Par exemple – et certains de mes collègues en ont parlé – il y a des dispositions qui amènent l'abolition des dispositions concernant les avoirs liquides. Jusqu'à ce jour, il était possible d'avoir en sa possession un certain montant. Ne vous en faites pas, M. le Président, c'était loin d'être des millions, et c'est normal. Mais il était possible d'avoir 1500 $, 2000 $ en avoirs liquides qui permettaient de régler les cas imprévus qui peuvent toujours se présenter. N'importe qui peut penser à la vie de tous les jours, aux imprévus qui nous tombent dessus. Ceux qui sont moins bien nantis sont d'autant plus dépourvus devant ces imprévus. Et la permission, en fait, la possibilité que le gouvernement donnait à ces gens démunis d'avoir ce petit tampon au cas d'imprévus, elle était tout à fait légitime.

Bien, M. le Président, un des endroits où on va chercher l'argent, c'est dans cette protection des plus minimales. Qu'est-ce qu'on fait, finalement? L'effet, tout le monde s'en doute, je ne suis pas le premier ici, M. le Président, qui va soulever l'effet de cette disposition, c'est une incitation à camoufler des sommes d'argent que les gens pourraient, par ailleurs, avoir. On incite cette cachette alors qu'il faudrait, au lieu de cela, faire la lumière et reconnaître l'importance, pour les gens qui sont les plus démunis, d'avoir au moins une sécurité, si minimale soit-elle, une garantie, une quelconque petite protection.

Des gens qui sont, ne l'oublions pas, M. le Président, à tous les jours, confrontés avec l'impossibilité de payer les choses les plus essentielles à la vie, on a décidé de couper là-dedans. On a décidé, dans cette mesure incompréhensible, M. le Président... Pour un gouvernement, encore une fois, qui promettait mer et monde et qui, après un an, tout ce qu'il trouve à faire, c'est de colmater des brèches, des trous qu'il a lui-même creusés. On fait disparaître le barème de disponibilité, en soi, une coupure de 50 $ par mois pour les familles monoparentales, M. le Président, qui participent... Et ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne en a abondamment parlé en cette Chambre, à tel point, d'ailleurs, qu'on aurait cru que la ministre aurait, tout au moins, revu certaines dispositions qu'elle présentait.

Personnellement, M. le Président, j'ai compris, à ce moment-là, combien complexe était la loi. Grâce aux bons services de la ministre qui a à administrer cette loi, je n'ai pas pu comprendre – grâce à ses services – ce qu'il y avait dans cette loi. Et je me suis demandé: Mais, si je ne peux pas comprendre la ministre, est-ce qu'elle veut me cacher des choses ou est-ce que, elle-même, ne sait pas ce qu'il y a dans la loi? Tout un débat qu'on a vu ici, en cette Chambre, M. le Président. Mais, en creusant, en écoutant, en tentant de comprendre, on découvre que cette coupure de 50 $ par mois, elle provoque, chez les familles monoparentales qui participent à une mesure d'employabilité qui finira après le 1er avril 1996... la coupure sera de 150 $ par mois. On ne parle pas ici de gens qui sont riches, là, M. le Président, on parle de gens qui sont dans le besoin, qui sont les plus démunis du Québec, qui profitent – «profitent», un grand mot – qui utilisent des mesures d'employabilité pour essayer de s'en sortir. Bien, on les punit. Ce n'est pas étonnant. Mon collègue de Bourassa, tantôt, faisait état d'un ensemble de groupes et de personnes qui ont contesté, critiqué la démarche que l'on retrouve dans ce projet de loi. Ce n'est pas étonnant. Ce n'est pas étonnant, on s'en va frapper là où les gens faisaient un effort pour s'en sortir. C'est d'un encouragement qu'ils ont besoin et je suis persuadé, M. le Président, que n'importe quel gouvernement, et je le dis, de quelque parti qu'il soit, s'il s'était posé la question un tout petit peu, il réaliserait bien que la voie de l'avenir, ce n'est pas en punissant ceux qui essaient de s'en sortir, c'est en les aidant.

Quelle est donc la mission de ce ministère, M. le Président? La mission de ce ministère qui nous présente ce projet de loi, c'est de lutter d'abord contre la pauvreté; mais, deuxièmement, parmi ses moyens de lutte contre la pauvreté, il y a l'incitation à la réinsertion. On coupe 30 $ par mois aux participants; 50 $ par mois par le barème de disponibilité, 150 $ par mois pour les familles monoparentales. Qu'est-ce qu'on fait, M. le Président, ici? Qu'est-ce qu'on fait dans ce projet de loi? On fait le contraire de la mission. Et on ne va pas s'étonner de l'autre côté que nous contestions cette loi, elle va à l'encontre même du ministère qui la propose, elle vise le contraire. On devrait nous déposer des projets de loi qui vont favoriser, amener les gens vers des mesures d'employabilité, pas les punir.

M. le Président, j'ai avec moi, j'ai reçu une lettre de la Table de concertation des groupes de femmes de la Montérégie, une lettre qui était adressée le 28 novembre 1995 à la ministre de la Sécurité du revenu du Québec, qui est signée par la présidente de la Table, Suzanne Charest, et qui a envoyé copie aux députés de la Montérégie – c'est pourquoi j'ai eu une copie de cette lettre. Je pense qu'il est important de faire lecture de cette lettre-là pour situer ce projet de loi dans son contexte et aussi pour démontrer combien il ne s'inscrit pas dans la vocation du ministère qui le présente.

La lettre dit ceci: «Mme la ministre, l'annonce que vous faisiez dernièrement d'exercer des coupures dans les revenus des assistés sociaux nous a complètement sidérés. La volonté que vous aviez manifestée de donner suite rapidement aux revendications portées par les marcheuses de la marche des femmes contre la pauvreté, en mettant sur pied un comité d'orientation et de concertation qui donne actuellement naissance à des comités d'économie sociale régionaux, nous avait laissé croire que vous étiez sensible à la situation des plus démunis et des plus vulnérables de la société. Il nous semble que la toute première stratégie que votre gouvernement devrait envisager serait celle de créer des emplois accompagnés de programmes de formation et de préparation à la réintégration en emploi plutôt qu'un appauvrissement accentué de ces femmes et familles qui vivent déjà sous le seuil de pauvreté.»

Ce n'est pas moi qui le dit, là. Et la lettre continue: «Cette incohérence dans l'action – «cette incohérence dans l'action» – nous apparaît inacceptable et nous laisse croire que ce gouvernement a perdu sa perspective sociale-démocrate qui faisait la toile de fond de son programme.» Et la lettre conclut comme suit: «Nous ne pourrions jamais nous rallier à une telle décision.»

(23 h 30)

M. le Président, lorsqu'on remet cette lettre dans son contexte, dans l'année qui vient de s'écouler, lorsqu'on se rappelle les belles promesses référendaires, «Le coeur à l'ouvrage»... Mon collègue de Bourassa rappelait «Le coeur à l'ouvrage», tantôt. «Le coeur à l'ouvrage», ce manifeste où le gouvernement avait des fonds, c'était incroyable. Tout était possible, tout était permis. Mais qu'est-ce qu'il cachait, ce manifeste? La volonté ou le sens des décisions de ce gouvernement. Parce que, pendant qu'on faisait ce manifeste, pendant qu'on faisait ces promesses, on cachait, je le rappelle, M. le Président, un trou qui avait été décelé dès ce moment-là, au moment des crédits, par l'opposition qui avait soulevé le manque d'argent donné au titre de la sécurité du revenu.

À un certain moment donné, M. le Président, on est rendu à se demander: Mais est-ce que ce gouvernement-là était prêt à gouverner? Je peux vous dire bien franchement que, jusqu'ici, le constat qu'on fait, à l'évidence, c'est non. En toute occasion, c'est l'opposition qui doit révéler à ce gouvernement ce qui se passe dans ses ministères – on l'a vu, on en a parlé, à l'égard de la sécurité du revenu – et, M. le Président, depuis une semaine, on a un premier ministre qui nous dit sans cesse, sans cesse, aux questions qu'on pose, que ce qu'on a découvert, c'est rien, c'est beaucoup plus gros que ça, tout ce qui se cache derrière la façon dont des contrats ont été donnés. Pourtant, M. le Président, c'est encore l'opposition qui a amené le gouvernement à découvrir – il le savait peut-être, M. le Président, on le saura sans doute un peu plus tard – à mettre au jour une affaire des plus troublantes, où des sommes d'argent, puisque c'est le sujet de ce projet de loi, sont allées, pour dire le moins, si on prend les mots du Vérificateur, dans les poches de celui qui les donnait.

Alors, il y a certainement lieu de se demander comment ce gouvernement va réussir à relever le mandat de l'assainissement des finances publiques dans un esprit de justice sociale et d'équité. Parce que, M. le Président, si on avait un gouvernement qui répondait réellement aux souhaits des Québécois et des Québécoises, c'est cela qu'il ferait. On n'a aucun signe que le gouvernement qui est là en ce moment va le faire, que ce soit à cause des événements – l'année référendaire – des moyens, de l'administration qu'on fait dans ce gouvernement; que ce soient les cas comme le 1080, des Braves, M. le Président, et ses nombreuses réceptions; que ce soient les millions de la Restructuration, l'abolition des mesures de contrôle à l'égard de la sécurité du revenu, on n'a pas fait des choix en fonction réellement de mesures qui, dans un esprit de justice sociale et d'équité, permettaient d'assainir les finances publiques.

Est-ce qu'il y a quelqu'un, M. le Président, du côté du gouvernement qui, à l'occasion d'un caucus, lorsqu'on leur a présenté ce projet de loi, s'est levé et a demandé: Est-ce que ce projet de loi – et comment – répond aux souhaits des Québécois? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui s'est levé pour le demander? Parce que c'est ça que les Québécois veulent savoir. Est-ce que quelqu'un s'est levé et a demandé: Est-ce qu'on réussit par ce projet de loi à respecter les gens les plus démunis ou si c'est eux qu'on fait payer? Et, en ce moment, j'ai l'impression que personne du côté ministériel n'a pensé aux gens qui étaient les plus démunis. On leur a dit: Ah! peut-être y en a-t-il. Ah! peut-être y en a-t-il, peut-être n'y en a-t-il pas, M. le Président. Mais, de toute évidence, il aurait dû y en avoir, parce que, lorsque nous représentons des comtés, nous représentons des gens. Tout le monde ici en cette Chambre connaît des gens qui n'ont pas les moyens de se nourrir convenablement, de se loger convenablement, de s'habiller convenablement. Nous connaissons des gens qui, devant l'imprévu que le quotidien amène, sont dépourvus, bien plus que, nous tous, on peut l'être, M. le Président. Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'autre côté, qui s'est demandé comment ce projet de loi arrivait à protéger les plus démunis? On a beau parlé du filet social et de quelques mailles qui doivent s'étirer un peu plus, mais on a un cas patent devant nous: les gens les plus démunis, les familles monoparentales, M. le Président, qui vont être coupées comme ce n'est pas possible.

M. le Président, moi, devant ces démonstrations, devant le contenu de ce projet de loi... Et je n'ai pas abordé encore la question du couplage de données; il me reste une minute, je ne l'aborderai pas. On a eu déjà l'occasion d'aborder cette question, M. le Président, à l'égard d'autres projets de loi, ce qui semble devenir une espèce de manie. On essaie et, parfois, bien, le gouvernement, il l'obtient et réussit à coupler les données. Alors, je veux juste allumer, ici, une lumière rouge. On aura sans doute l'occasion d'en reparler lors de l'étude article par article de ce projet de loi. À l'évidence, il s'agit de mesures qui sont et qui mettent en danger les gens, les citoyens que l'on a à servir.

Je termine, M. le Président, et je pense que c'est le point essentiel qui m'amène à parler sur ce projet de loi: Quel est le guide qui doit nous amener à prendre des décisions en matière d'assainissement des finances publiques? D'abord, avoir un gouvernement transparent qui ne cache pas durant huit mois le fait que le budget ne prévoit pas assez d'argent et, deuxièmement, M. le Président, un gouvernement qui va assainir les finances publiques en pensant que ce sont les plus démunis que nous devons le plus aider. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. On mentionnait tantôt, M. le Président, de l'autre côté de cette Chambre, on me demandait si j'avais hâte de parler du projet de loi n° 115. Oui, j'ai hâte de parler du projet de loi n° 115. La première raison, c'est pour appuyer ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne dans toutes les revendications depuis deux ou trois semaines et depuis un an. Comment, de fois, ici, en cette Chambre, les questions qui ont été posées par notre critique, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne...

L'historique, M. le Président. Le 24 novembre 1995, la ministre de la Sécurité du revenu a annoncé une série de compressions budgétaires en cette Chambre afin de combler son manque à gagner de 137 000 000 $. Et, un peu tantôt, dans... un peu le discours... Ce soir, je parlerai des coûts du référendum. Je pense que plusieurs de mes collègues ont parlé, ont discuté, et, moi, je vais vous mentionner en détail les coûts du référendum. Quand on parle de coupures de 137 000 000 $ pour les plus démunis, on a discuté, et même, nous, quand on était au gouvernement, souvent qu'il devrait y avoir une réforme sur la sécurité du revenu, peut-être pas des coupures drastiques, peut-être pas des coupures aux plus démunis, aux familles monoparentales, peut-être aux gens qui font de la fraude sur la sécurité du revenu. Avoir, entre nous – et je pense que tout le monde en cette Chambre est d'accord – des moyens de surveiller ces gens-là qui font de la fraude à la sécurité du revenu. On n'a pas dit qu'on voulait enlever ça totalement.

(23 h 40)

Je m'en rappelle, moi, ici, dans cette Chambre, quand les gens de l'autre côté étaient dans l'opposition puis qu'on parlait des boubous macoutes. Je me rappelle, tantôt, j'entendais le whip en chef du gouvernement, qui a été le premier... Quand j'ai voulu déposer en cette Chambre l'opinion des gens sur le référendum, ça a été le premier à refuser totalement que les gens de mon comté puissent avoir la chance d'émettre une opinion sur le référendum. On revient en Chambre après le référendum, et on n'a pas peur de dire que nous avons gagné. C'est le premier à parler des boubous macoutes puis à retourner sur le passé.

Alors, vous dire que ces gens-là, de l'autre côté, ont vraiment pris des décisions dans la dernière année, aucune. La seule décision que ces gens-là ont pu prendre en cette Chambre, M. le Président... Je vous en signale, quelques coûts du référendum. Très important. On parle de coupures, tantôt, de 137 000 000 $; on parle de comptes à recevoir, qu'on a ici, de 355 000 000 $, dont on ne s'occupe pas et dont on pourrait trouver des solutions de recouvrement. Les mesures de recouvrement de la sécurité du revenu, je peux vous en mentionner, M. le Président, trois, ici, que j'ai en avant de moi: le délai de prescription dans le recouvrement des sommes passe de trois ans à cinq ans; l'application des mesures rigoureuses afin de récupérer les sommes versées auprès des parrains d'immigrants qui n'ont pas honoré leur contrat signé avec le ministère de l'Immigration et des communautés culturelles; dans les cas des sommes versées en trop, le prestataire sera tenu de rembourser, par des paiements, des frais de recouvrement.

Il m'apparaît, M. le Président, de ce côté de la Chambre, qu'on ne peut pas contester l'application de ces nouvelles mesures de recouvrement, puisque nous dénonçons, depuis un an, l'ampleur des comptes à recevoir du ministère. Par contre, ce que nous déplorons, c'est qu'on met juste de faibles mesures de recouvrement. On ne veut vraiment pas attaquer le fond de cette loi, M. le Président.

Il y a eu des articles, le 2 décembre 1995, dans Le Soleil , qu'on a appelés «l'industrie constitutionnelle». Entre le 30 octobre et son arrivée au pouvoir, en septembre 1994, le gouvernement du Parti québécois a dépensé plus de 82 000 000 $ pour tenter de convaincre les Québécois et les Québécoises d'adhérer à l'idée d'un Québec souverain et pour tenir un référendum sur la question nationale. Le gouvernement du Québec a puisé quelque 25 000 000 $ dans les fonds publics, avant l'amorce de la campagne référendaire, pour faire la promotion, M. le Président, de son option politique. Je vais vous mentionner quelques options où de l'argent a été dépensé: la première, et non la moindre, le Secrétariat à la restructuration, études sur différents thèmes reliés à la souveraineté, 9 400 000 $; les commissions régionales et nationales sur l'avenir du Québec – 50 000 personnes ont assisté à ça, dont 45 000 qui étaient membres du Parti québécois, une grosse réussite, 45 000 qui étaient membres. Dans l'Outaouais, bien, il y a eu 10, 12 personnes: il y avait le délégué régional, le ministre de l'Éducation et deux, trois autres qu'on connaît, des candidats qu'ils ont nommés comme sous-ministres régionaux, qui ont assisté même – 8 500 000 $, M. le Président. Vous entendez les murmures, en arrière, hein? Je n'ai pas fini, il y en a d'autres encore. Subventions au Conseil de la souveraineté, 4 000 000 $.

Une voix: ...

M. MacMillan: Non, on était mieux organisés que ça. 4 000 000 $.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Papineau, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Il n'y a que celui qui a le droit de parole qui peut parler. Alors, je demanderais aux autres, s'il vous plaît – ça va très bien, ça se déroule très bien – de continuer comme c'est parti et vous aurez le temps d'intervenir à votre tour. Alors, M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Quand j'ai dit qu'on était mieux organisés que ça, c'est parce qu'on a gagné, nous.

Une voix: C'est ça.

M. MacMillan: Les preuves étaient là.

Une voix: Vous n'avez pas l'air sûr.

M. MacMillan: Très sûr, très sûr. J'entends ceux en arrière qui disent que, même dans leur comté, c'est le Non qui a passé. Ça doit faire mal un peu.

Des envois postaux à tous les citoyens pour le référendum du Québec, de 2 000 000 $ à 3 000 000 $; embauche de firmes de lobbyistes, 531 000 $; ligne téléphonique sur l'avenir du Québec – pas 1-800-Landry, comme j'ai déjà dit antérieurement – ligne téléphonique pour répondre à des questions sur le référendum. Dévoilement – le show de l'année – au Grand Théâtre de Québec, du préambule, 175 000 $. Ce n'était pas le 31 décembre... Comment on appelle ça, le show, le 31 décembre, de Dominique Michel?

Une voix: Le Bye-Bye .

M. MacMillan: Le Bye-Bye . C'était le show du Parti québécois pour défendre son option. Publicité gouvernementale aux clients de l'aide sociale et de la Régie des rentes du Québec; dépenses du Directeur général des élections, 57 800 000 $. Total des dépenses du gouvernement du Québec: entre 82 000 000 $ et 83 000 000 $. Dépenses estimées du gouvernement fédéral: entre 40 000 000 $ et 60 000 000 $. Dépenses non subventionnées: 800 000 $ du Conseil de la souveraineté, pour un grand total de 128 600 000 $, M. le Président, 130 000 000 $! On veut couper les plus démunis pour 137 000 000 $ et on a mis, pendant 14 mois, tout ces argents pour défendre une option. C'est l'autre façon de gouverner. C'est l'autre façon de gouverner.

Et je me répète: Quand on était, nous, au pouvoir, on s'est fait traiter d'armée rouge.

Une voix: Insensibles.

M. MacMillan: Insensibles.

Une voix: Inhumains.

M. MacMillan: Inhumains. Je pourrais dire l'armée bleue, pas trop de couleurs.

Une voix: Ce n'est pas fort.

M. MacMillan: Non, peut-être que ce n'est pas fort, M. le whip. M. le Président, quand M. le whip du gouvernement a parlé, on l'a écouté, nous. M. le Président, c'est lui qui, quand, nous, on voulait – et je me répète – déposer l'opinion des gens contre la souveraineté du Québec, c'est lui, le grand démocrate, qui a refusé totalement de déposer l'opinion de 15, 20 personnes de mon comté. Et, aujourd'hui, on vient ici, en cette Chambre, nous dire qu'on veut aider à assainir les finances, assainir les finances, quand on a pu dépenser tous ces argents-là à part de toute autre chose qu'on va sortir bientôt.

Moi, je souhaite qu'on siège jusqu'au 21 décembre, qu'on puisse à tous les jours, à tous les jours, sortir les dépenses qui ont été faites pour une raison: l'option du gouvernement actuel du Québec. C'est important. Les gens qui nous écoutent... À cette heure-ci, malheureusement, il n'y en a pas bien, bien. C'est très malheureux. Ni les journalistes – la grosse presse, comme M. le premier ministre du Québec mentionne régulièrement – la grosse presse non plus. Mais, un jour, il va falloir quand même conter la vérité, ne pas laisser ces gens-là prendre l'argent du gouvernement pour défendre seulement une option. Je pense que notre collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne a défendu... Et les questions qui ont pu être posées et qui n'ont pas pu être répondues par la ministre, ça donne la chance vraiment à ce côté-ci de cette Chambre de défendre ça et de continuer à montrer aux gens que nous sommes, nous, de notre côté de cette Chambre, là pour aider les gens les plus démunis du Québec dans chacun de nos comtés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Chapleau. Mme la députée.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. M. le Président, j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi n° 115 pour plusieurs raisons. Je le fais, M. le Président, non seulement pour les plus démunis de mon comté, que je respecte, que je côtoie et que j'aide dans toute la mesure de mes modestes moyens comme députée du comté de Chapleau, mais aussi comme une personne qui se sent directement concernée par les difficultés que vivent un nombre sans cesse grandissant de Québécois et de Québécoises. Je suis profondément bouleversée par ces difficultés vécues non seulement par ceux et celles qui n'ont d'autre choix que de faire appel à notre filet de sécurité sociale, auquel je tiens comme une bonne partie de la population, mais aussi par ceux et celles qui, par leur contribution à l'État, financent ces programmes qui protègent les plus démunis d'entre nous. Comment rester insensible à ce fossé qui se creuse un peu plus à chaque jour entre ceux qui ont la chance d'avoir de bons revenus et ceux qui, par les aléas de la vie, se retrouvent dans le dénuement quasi total. C'est ce double volet du contrat social qui lie les Québécois et les Québécoises entre eux en faveur des plus démunis de notre société que soulève le principe de ce projet de loi.

(23 h 50)

Bien sûr, nous sommes, nous, les parlementaires, en politique pour différentes raisons. De ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, nous faisons la promotion des valeurs qui ont toujours inspiré l'action du Parti libéral du Québec. Ces valeurs sont universelles et dépassent les frontières de la partisanerie. Nous croyons à la liberté, à la justice et à l'équité sociale. Notre désir d'amener le Québec et les Québécois vers une société meilleure repose sur la confiance que les Québécois et Québécoises possèdent au fond d'eux-mêmes, en leur capacité d'occuper ce territoire, de développer ses richesses tant humaines que naturelles. Notre volonté de développer notre économie, de percer les frontières de l'ignorance, de rayonner par notre savoir-faire partout sur la planète est la meilleure assurance en faveur de meilleures conditions de vie pour tous nos concitoyens.

Ceci étant dit, nous ne pouvons que déplorer et dénoncer avec vigueur les principes de ce projet de loi. La manière dont ce gouvernement a agi depuis son élection en septembre 1994 soulève une déception qu'il est difficile d'exprimer sans risquer l'utilisation de mots contraires à notre règlement.

M. le Président, après avoir fait ce qu'il a fait, et nous y reviendrons, le gouvernement du Parti québécois nous présente le projet de loi n° 115. Si ce projet de loi est devenu nécessaire, c'est à cause de la mauvaise administration du gouvernement. Certains de mes collègues ont critiqué, à bon droit, la gestion de l'actuelle titulaire du ministère de la Sécurité du revenu. Je me permettrai, M. le Président, d'aller encore plus loin et de critiquer l'ensemble de la gestion gouvernementale comme l'une des principales causes du désastre que représente ce projet de loi. Et ce désastre, il est perçu non seulement par les personnes directement affectées par ces coupures mal faites, aux mauvais endroits, mais aussi par les personnes qui financent ces programmes. Bien sûr, je parle ici des contribuables, des payeurs de taxes. Ce n'est pas de cette façon que les contribuables veulent que le gouvernement gouverne. Ce gouvernement, M. le Président, obnubilé par son option, a complètement oublié les règles élémentaires de la saine gestion des fonds publics.

Le député de Laporte, M. le Président, avait pris la peine, lors du dévoilement des crédits budgétaires du mois de mai dernier, d'avertir la ministre responsable des dangers d'accepter le principe des enveloppes fermées pour un ministère à vocation sociale comme le sien. Si la ministre et son gouvernement avaient écouté les avertissements honnêtes et sincères de l'opposition, la loi n° 115 ne serait pas devant nous aujourd'hui. Ce gouvernement, s'il avait agi en conformité des intérêts des Québécois et Québécoises dès son entrée en fonction, aurait agi de manière à protéger les programmes de sécurité du revenu. Au lieu de cela, M. le Président, nous avons été témoins d'une série de décisions tape-à-l'oeil, conçues pour des fins stratégiques, reliées à la seule opération ayant de l'importance aux yeux du gouvernement: le référendum.

Quand on regarde l'ensemble des gestes posés par ce gouvernement depuis plus d'un an, on comprend mal comment il peut arriver à proposer une loi qui aura pour effet de s'attaquer directement à ceux et celles qui ont un urgent besoin de soutien pour se sortir de l'aide sociale. Ce projet de loi aura pour effet d'enfoncer encore davantage nos concitoyens qui veulent se sortir du gouffre de la pauvreté et du support de l'État. Et c'est à ce principe inacceptable qu'il faut s'objecter, parce que, en définitive, au lieu de réduire les coûts du régime, ce gouvernement s'apprête à les augmenter. Comment? C'est tellement simple que la ministre est incapable de le comprendre. En torpillant les efforts de ceux et celles qui veulent s'en sortir, la ministre de la Sécurité du revenu se trouve à saper la dignité de ceux et celles qui veulent s'en sortir. Elle se trouve à anéantir toute volonté de reconstruire, de rebâtir ce sentiment de se sentir utile à la société.

Quand une personne n'a d'autre choix que de faire appel à la sécurité du revenu, on doit comprendre, nous, les privilégiés, les mieux nantis, que cette personne perd sa liberté. Sa prison, c'est celle d'attendre avec angoisse que le facteur passe le premier du mois. Sa prison, c'est d'ouvrir sa boîte aux lettres en retenant son souffle. Sa prison, c'est de devoir se mettre à nu devant le représentant de l'État, de déclarer sa vie, ses activités, ses amours. Sa prison, c'est de se sentir épiée par les voisins, les amis, la famille. Sa prison, c'est celle de perdre contact, petit à petit, avec la dignité, avec la réalité, c'est d'exister, de survivre loin en dessous du seuil de la pauvreté.

C'est pour cette raison, M. le Président, que je veux servir la population de mon comté et du Québec. C'est pour empêcher le plus possible que des situations comme celles-là se reproduisent. C'est pour cela que je dénonce avec force et vigueur ce gouvernement qui n'a pas respecté le contrat social québécois, qui n'a pas hésité à le mettre en péril, à opposer la droite et la gauche, les riches et les pauvres, non pas pour servir la population, mais pour servir une option partisane.

M. le Président, après les dépenses somptuaires, les agapes, les dizaines de millions de dollars dépensés pour une seule cause durant la dernière année, pour faire de la propagande partisane, après les scandales, les réceptions arrosées, après les augmentations consenties à ceux et celles qui détiennent la sécurité d'emploi dans le secteur public, on parle, M. le Président, de sommes considérables frôlant le 1 000 000 000 $, comment accepter que ce gouvernement s'attaque aux pauvres plutôt qu'à la pauvreté? Comment accepter, M. le Président, que, pour faire une demande d'aide, on oblige une famille, un père de famille, une mère monoparentale, à épuiser jusqu'au dernier sou de maigres économies bancaires? N'est-ce pas dégradant pour la personne?

Avez-vous déjà essayé, M. le Président, de nourrir votre famille, d'habiller vos enfants, de payer vos comptes de téléphone ou de chauffage avec pas un sou dans un compte de banque? Je mets au défi quiconque, dans cette Chambre, d'essayer seulement de le faire. C'est inhumain. C'est une mesure tatillonne, ridicule et qui ne servira qu'à encourager les personnes à revenir à la sombre époque où nos ancêtres se constituaient un petit bas de laine, bien caché dans le grenier, juste en dessous du poêle à bois dans la cuisine. Pensez-vous, M. le Président, que le Mouvement Desjardins aurait connu l'essor qu'il a connu grâce aux économies des québécois si cette mentalité avait survécu au passage du temps? La ministre de la Sécurité du revenu, en prétendant sauver une trentaine de millions de dollars par cette mesure, en fera perdre le double à l'économie du Québec en ramenant des milliers de Québécois à l'insécurité de la pratique du bas de laine. C'est proprement inacceptable, inhumain, contre-productif et anachronique comme façon de penser.

Comment accepter, M. le Président, que la ministre de la Sécurité du revenu enlève, à plus de 50 000 personnes aptes au travail, 50 $ par mois parce qu'elles veulent s'en sortir? Comment accepter que la ministre coupe 30 $ par mois à tous les prestataires qui participent à des mesures d'intégration à l'emploi ou de formation? Pourquoi, M. le Président, avoir dépensé plus de 500 000 $ dans une campagne publicitaire? Pourquoi ne pas avoir affecté cette somme à ceux et celles qui en ont besoin? Est-ce que la ministre est au courant que, 30 $ ou 50 $ par mois, ça représente la différence entre manger un peu tous les jours et ne pas manger du tout plusieurs jours?

(minuit)

Je crois, M. le Président, qu'il est inacceptable de sabrer de cette façon sur le dos de nos plus démunis, sur le dos de ceux et celles qui ont du coeur à l'ouvrage. Pourquoi la ministre a-t-elle mis fin, sans raison, aux mesures de contrôle mises de l'avant par le gouvernement libéral? Pourquoi la ministre a-t-elle choisi de sabrer dans la sécurité du revenu des personnes au lieu de gérer son ministère de façon responsable, justement pour assurer la sécurité du revenu de ceux qui ont droit à cette aide de dernier recours? Pourquoi a-t-elle mis fin à l'action d'un projet-pilote où l'entreprise privée agissait avec efficacité en matière de récupération des versements en trop? Pourquoi la ministre a-t-elle aboli la remise de chèques de main à main? Pourquoi la ministre est-elle immobile dans la mise sur pied et le développement du programme destiné au retour au travail? Pourquoi la ministre a-t-elle procédé à des coupures dans le programme PAIE, le programme le plus performant en matière d'intégration en emploi? Pourquoi la ministre a-t-elle accepté de se plier aux enveloppes fermées au détriment, notamment, du développement de mesures propres à aider les prestataires à réintégrer le marché du travail?

Je demande bien humblement à ce gouvernement de faire amende honorable et de retirer, dès maintenant, ce projet de loi mal pensé, et je demande bien humblement à ce gouvernement de demander à la ministre titulaire du portefeuille de la Sécurité du revenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants versés en trop soient récupérés sans délai. Je rappelle, M. le Président, que les comptes à recevoir du ministère de la Sécurité du revenu se chiffrent à 355 000 000 $ et que, selon les rapports de vérification du ministère de la ministre – qu'elle a probablement oublié d'examiner avant de proposer son projet de loi – environ 300 000 000 $ par année sont versés en trop et sans droit. À eux seuls, ces montants suffiraient à financer le manque à gagner sans pénaliser une seule personne, du seul fait de la négligence ou de la mauvaise gestion de la ministre.

On n'a pas le droit de frapper sur les plus démunis alors que le public constate avec stupéfaction les allégations du Vérificateur général dans le dossier des contrats de la Restructuration. L'opération référendaire a coûté aux Québécois et Québécoises une modique somme qui tourne entre 128 000 000 $ et 149 000 000 $. Pour ça, M. le Président, les enveloppes n'étaient pas fermées, elles étaient plutôt cachées, cachetées et adressées aux fonctionnaires de l'indépendance. Pour eux, M. le Président, c'est drôle, l'argent, il y en avait.

Voilà d'autres motifs, M. le Président, pour épargner ceux qui n'ont rien à voir avec les difficultés budgétaires de ce gouvernement. Il m'apparaît profondément injuste, dans les circonstances actuelles, de faire supporter à ces personnes les conséquences d'une mauvaise gestion, d'une mauvaise administration. Ce gouvernement leur coupe l'essentiel d'une main, pour dépenser sans vergogne de l'autre. Jamais, M. le Président, je n'accepterai un tel principe. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Chapleau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viau. À vous la parole, M. le député.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais aviser les gens qui sont assis à votre droite que je n'ai pas nécessairement l'intention de prendre le temps qui est alloué à un député en ce qui concerne son droit de parole lorsqu'on discute un principe de projet de loi, M. le Président, mais j'aimerais faire quelques points qui nous concernent tous ici, élus par l'ensemble des Québécois.

On entend, M. le Président – je l'entends, vous l'entendez certainement – comment des gens qui arrivent à l'Assemblée nationale se plaignent beaucoup de la question de la crédibilité des députés. On s'aperçoit dans les sondages, M. le Président, que les députés, les politiciens, ont très peu de crédibilité envers la population. Et, lorsqu'on nous amène un tel projet de loi, je dois vous dire très carrément, très franchement, M. le Président, que je ne blâme pas du tout la population d'avoir envers nous, les politiciens, un manque de respect.

Et, pour moi, c'est important au moins de souligner ces choses-là. Je sais que tout le monde est occupé à écrire des cartes de Noël présentement, mais, quand même, il y a des gens qui nous écoutent, et j'aimerais bien qu'on comprenne que je suis profondément convaincu que la population québécoise est extrêmement généreuse envers les gens les plus démunis de notre société. La population québécoise le démontre à chaque année lorsqu'on regarde les résultats de la campagne Centraide, qu'on regarde les différents marathons, qu'on regarde les guignolées qui, de ce temps-ci, sont en place dans différents comtés, M. le Président. Et on s'aperçoit que les gens, les Québécois sont extrêmement généreux lorsqu'il s'agit, justement, d'aider la personne qui en a un peu moins. Même si on n'en a pas beaucoup, je pense que les Québécois réalisent qu'il y en a d'autres qui en ont moins, M. le Président.

De ce côté-là, je dois dire qu'on est tous ici, je crois, d'accord avec le fait... Il n'y a pas une personne ici, dans cette Assemblée, qui va dire que les gens qui sont sur le bien-être social, ils en ont trop, M. le Président. Il n'y a personne d'entre nous qui va dire ça. Sauf que ce que j'aimerais bien que la ministre comprenne, c'est que sa façon, justement, de se conformer aux exigences soit du Conseil du trésor ou du ministre des Finances est totalement, totalement inacceptable. Parce que c'est impensable qu'on arrive avec un projet de loi, après que ce gouvernement a été au pouvoir pendant un an, qu'il n'a été préoccupé que par d'autres choses que le référendum... De deux choses l'une, M. le Président, c'est soit que la ministre savait qu'elle allait avoir des difficultés...

Vous savez, lorsqu'on dit, M. le Président... On entend beaucoup des collègues ici, souvent, nous dire que les débats à l'Assemblée nationale sont des dialogues de sourds. J'en arrive à la conclusion, M. le Président, malheureusement, que les collègues qui pensent qu'on parle ici puis qu'il n'y a personne qui nous entend, particulièrement du côté ministériel, ils ont raison. J'ai seulement à me souvenir et à vous rappeler, M. le Président, que, lorsque les crédits et le dernier budget ont été présentés, mon collègue le député de Laporte avait bien indiqué à la ministre, à ce moment-là, qu'elle avait fait une erreur dans ses calculs. Elle a dit: Non, M. le député de Laporte, voyons donc! Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Elle était tellement sûre de son affaire: Non, non, les calculs... Écoutez, moi, je sais comment calculer, mais vous, le député de Laporte, vous ne connaissez rien là-dedans. Pourtant, le député de Laporte avait dit, à ce moment-là, qu'il y avait un problème dans sa planification au niveau du nombre de prestataires sur l'aide sociale, M. le Président. Alors, à ce moment-là, c'était un dialogue de sourds. On disait, de leur bord, que le député de Laporte n'avait aucunement raison.

Aujourd'hui, on arrive avec la loi n° 115, M. le Président, pour dire qu'il faut aller récupérer certains montants, puis ça correspond un peu, pas mal, aux chiffres qui avaient été annoncés par le député de Laporte. Je me pose la question: Est-ce que, la ministre, elle avait eu la chance d'assez bien saisir son ministère, de bien comprendre ce qui se passait ou est-ce que c'était une stratégie pour ne pas annoncer les mauvaises nouvelles avant le référendum, elle a dit: On va les reporter après le référendum? C'est soit ça ou, de l'autre côté, M. le Président, je peux présumer qu'elle n'a pas fait d'erreur. Mais, si elle n'a pas fait d'erreur, comment se fait-il qu'aujourd'hui il faut qu'elle aille récupérer cet argent-là?

(0 h 10)

Et, ça, ça démontre, M. le Président, que, depuis le référendum, on est arrivé ici de façon à improviser puis à aller chercher de l'argent chez les gens les plus démunis de notre société. Ça a été, M. le Président, depuis que je siège de ce côté-ci de la Chambre, caractéristique des gens qui siègent à votre droite. Je n'ai qu'à me rappeler, M. le Président, de différentes mesures qui ont été prises par le ministre de la Santé et des Services sociaux – je suis très heureux de voir qu'il est ici pour m'écouter – où lui prétendait avoir trouvé la solution aux problèmes de santé et services sociaux. Sauf qu'il s'y est attaqué d'une façon, je crois, erronée. Il n'y a personne qui dit qu'on ne doit pas rationaliser les dépenses gouvernementales. Ce qu'on dit, M. le Président, c'est que la façon dont c'est fait, c'est totalement irresponsable, M. le Président, totalement irresponsable. Et, lorsqu'on s'attaque aux personnes les plus démunies de notre société, M. le Président, c'est encore plus irresponsable, parce que ces personnes-là n'ont pas les moyens, nécessairement, pour se défendre de la même façon que vous pouvez le faire, M. le Président, ou que moi je peux le faire, M. le Président.

Lorsqu'on regarde – et j'en suis convaincu, je reçois des commentaires tous les jours dans mon comté – le montant qui est attribué à un père de famille, marié, deux enfants, ou à un célibataire, M. le Président, ce qu'il reçoit de l'aide sociale... Ce que ce gouvernement ne veut pas réaliser, c'est que, si on prend l'exemple d'un père de famille, marié, deux enfants, le maximum qu'il peut recevoir, c'est 1 225 $ par mois, M. le Président. Dans la région de Montréal, si on regarde le montant nécessaire pour habiter, pour que ces gens-là puissent occuper un logement, bien on peut déjà soustraire du 1 225 $ par mois une moyenne de 500 $ par mois seulement pour le loyer. Et, lorsqu'on enlève un autre 100 $ par mois pour l'électricité, le téléphone, la passe pour l'autobus ou, si la personne est encore chanceuse et qu'elle a sa voiture, pour les dépenses de sa voiture, on s'aperçoit que ces gens-là sur le bien-être social ont environ 400 $ par mois – 400 $ par mois – pour se nourrir, Mme la ministre. Votre cabinet dépense plus que ça pour une réunion ministérielle. Regardez bien vos dépenses. C'est 400 $ par mois qu'il reste à ces gens-là pour se nourrir.

J'aimerais bien voir... Oui, M. le Président, je m'excuse, je m'adresse à vous, mais vous savez fort bien que je m'adresse à la ministre en même temps. Vous le savez fort bien, M. le Président, que les cabinets ministériels, pour des réunions de ministères, de fonctionnaires, on dépense plus que 400 $ par réunion, dans une soirée, dans une heure. Et on demande aux gens les plus démunis de notre société de vivre avec 400 $ par mois pour se nourrir: un père, son épouse et deux enfants, M. le Président. Ça là, c'est le problème fondamental de notre société. C'est que, oui, ça coûte énormément cher, toute l'enveloppe au niveau de la sécurité du revenu, mais est-ce que c'est là qu'est le problème, M. le Président? Est-ce que vous seriez capable, vous, de vivre, vous, votre épouse et deux enfants, avec 400 $ par mois, M. le Président? Je ne pense pas. Mais, quand on se revire ici, à l'Assemblée nationale, et qu'on dit: Oui, vous, les prestataires sur l'aide sociale, vous allez être capables de le faire, M. le Président, ça n'a pas de sacré bon sens!

Mais c'est quoi que les gens nous disent? C'est quoi qui m'offusque? C'est quoi qui vous dérange, M. le Président? C'est les personnes qui sont sur le bien-être social et qui fraudent le système, M. le Président. Parce que, si on regarde de l'autre côté aussi, un célibataire avec 650 $ par mois maximum, lorsqu'on lui enlève son loyer – il faut bien qu'il habite quelque part – et qu'on lui enlève les petites dépenses, il lui reste à peu près 250 $ par mois pour se nourrir, M. le Président. Ce n'est pas grand-chose. Le message que je veux passer est très simple. C'est que si vous aviez 250 $ par mois pour vous nourrir, M. le Président, vous aussi vous iriez chercher du travail au noir. C'est ça qu'il faut comprendre dans toutes ces mesures qu'on essaie d'appliquer, c'est qu'on ne regarde pas foncièrement, on ne regarde pas le problème de base. On ne le regarde pas.

On avait soulevé ici, dans cette Chambre, puis la ministre avait mis un comité sur place... À titre d'exemple, M. le Président, au niveau des loyers impayés, au Québec, si ces gens-là sur le bien-être social n'ont pas payé leur loyer, c'est parce qu'il faut bien que... Je pense qu'il faut se nourrir avant de payer le propriétaire. On a estimé ça, au Revenu, M. le Président, à 86 000 000 $ par année; 86 000 000 $ par année, c'est beaucoup d'impôt. Mme la ministre, elle, prétend qu'elle n'est pas au courant, M. le Président, mais ça a été soulevé il y a bien longtemps ici, dans cette Chambre, et même dans les journaux. Il y a 86 000 000 $ par année qui sont perdus, qui disparaissent. Ça, c'est des montants sur lesquels ceux qui auraient dû recevoir ces 86 000 000 $ auraient payé de l'impôt, parce qu'ils auraient fait des profits. C'est ça qu'il faut regarder, Mme la ministre. On sait que vous avez mis justement un comité sur place pour étudier tout ça, et ainsi de suite. Ça fait six, sept mois. Le ministre responsable de l'Habitation nous a dit vendredi, dans cette Chambre, qu'il attendait encore le rapport de la ministre, de votre comité. Vous ne vous attaquez pas au vrai problème.

Oui, M. le Président. Vous, je ne veux pas... M. le Président, je sais bien que ce n'est pas vous, là, mais je dois, selon les règles parlementaires, m'adresser à vous. Ce n'est pas de votre faute, M. le Président, mais les gens à votre droite, n'est-ce pas, ne s'attaquent pas au vrai problème que nous vivons. Parce que nous le vivons tous, ce problème-là. Nous le vivons tous, ceux qui travaillent, et on voit nos impôts, n'est-ce pas, aller à des gens qui n'ont même pas le droit de les avoir. On a vu dans les journaux, M. le Président, puis je crois que vous avez été estomaqué autant que moi, que des danseuses avouées, des danseuses dans certains clubs, M. le Président – je n'entrerai pas dans les détails – se vantaient du fait que c'était du travail au noir puis qu'en même temps elles collectaient l'aide sociale. Mais, M. le Président, tout le monde ici est prêt à dénoncer ces gens-là, M. le Président, parce que ce n'est d'aucune façon être un bon citoyen. Il me semble qu'un bon citoyen, M. le Président, va accepter les choses, va travailler et va partager ses biens avec ceux qui sont plus démunis et non se servir du système. Oui, on peut sourire, M. le Président, mais c'est vrai que ces personnes-là... Si la ministre avait eu le courage, justement, d'appliquer des mesures de vérification et d'aller récupérer ces montants-là, M. le Président, on n'aurait pas eu besoin de la loi telle quelle, pas du tout. Et je pense qu'on aurait pu aussi être plus généreux envers les personnes qui en ont vraiment besoin. Mais là on essaie de faire ça à l'aveuglette, M. le Président. On se dit qu'on n'est pas comme les Ontariens, on ne fait pas ça à la Harris. Mais c'est aussi pire. C'est aussi pire.

(0 h 20)

Alors, M. le Président, c'est ça, le message que j'avais à véhiculer. Je pense qu'on a une responsabilité, on a tous ici une responsabilité pour s'assurer – tous les députés, nous avons cette responsabilité – que les fonds publics soient bien dépensés. Et, moi, je ne pense d'aucune façon que, lorsqu'une personne dit qu'elle collecte du bien-être social puis qu'en même temps, le soir, elle passe son temps – puis elle fait plus d'argent que vous et moi, M. le Président – dans un bar à quelque part, M. le Président, il faut en être fier, hein, M. le Président. Il faut en être fier? Moi, je ne suis pas fier de ça, M. le Président, et l'ensemble des Québécois ne sont pas fiers. Ce qu'on veut dans notre société, M. le Président, c'est travailler, c'est valoriser l'individu, M. le Président. Et ceux qui fraudent le système, on va tous être d'accord, je crois, pour s'assurer qu'on puisse, eux, les pénaliser, M. le Président, et non les personnes les plus démunies de notre société. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Viau. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un prochain intervenant, et je vais céder la parole à M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue et délégué régional pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue. À vous la parole, M. le député.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Oui. Merci, M. le Président. Même s'il est un peu tard dans la veillée, il faut quand même prendre la parole et donner l'heure juste à la population, parce qu'on a entendu un certain nombre de choses, ce soir, M. le Président, qui remplissent cette salle de larmes de crocodiles, hein? Avec les choses que l'on a entendues de l'autre côté, il faut quand même dire à la population... Puis on le sait, il y a des gens qui disent: Ah! il n'y a pas beaucoup de gens qui écoutent les débats parlementaires. Mais on serait souvent étonné du nombre de personnes qui sont aux aguets et qui surveillent ce que disent – et heureusement, d'ailleurs – les parlementaires. Vous, vous êtes fidèle au poste, M. le Président, mais il y en a un bon nombre, également, qui le sont parmi les citoyens et citoyennes du Québec et qui écoutent ce que nous avons à dire.

À l'égard, ici, du projet de loi n° 115, c'est assez incroyable, M. le Président, d'être obligé d'entendre ce qui s'est dit de l'autre côté: après neuf années de pouvoir du côté des libéraux, venir nous dire qu'ils prennent la part des plus démunis dans notre société, qu'ils trouvent ça terrible, absolument terrible que la ministre de la Sécurité du revenu se soit d'abord attachée à protéger le barème de base des personnes qui, dans notre société – nous en convenons tous – sont les plus mal prises.

Quand on dit bien simplement qu'on ne fait pas ça à la Harris de l'Ontario ou à la Klein de l'Alberta, c'est ça que la ministre de la Sécurité du revenu a bien expliqué. Et c'est ça qu'il faut répéter d'abord à la population. Quand on est au-delà de 4 000 000 000 $ dans les paiements de transfert et qu'on est obligé, que nous soyons obligés de prendre des mesures pour réduire de 137 000 000 000 $... Que ce soient des mesures pour réduire de 137 000 000 $ ou de 137 000 $ ou de 137 $ à l'égard des plus démunis de notre société, il n'y a personne qui fait ça avec gaieté de coeur. Il n'y a pas un député, de ce côté-ci, qui, en appuyant la ministre de la Sécurité du revenu dans les mesures difficiles qu'elle est obligée d'adopter, ne déplore pas l'état de la situation.

Parce que la situation la plus normale, ce serait de retrouver ces personnes en situation de travail, d'avoir un emploi, de subvenir aux besoins du conjoint, de la conjointe, des enfants, de la famille. C'est ça, la situation normale. Mais, par ailleurs, il y a aussi la responsabilité financière au niveau du gouvernement. Et c'est vrai que, pour n'importe quel député ici, se pencher sur la loi n° 115 – et j'en suis assuré également de la part de la ministre – c'est un véritable dilemme qui se pose à nous. C'est un problème. On a du coeur, on est à la veille des Fêtes, on est au mois de décembre. Il faut regarder ce qui se passe dans la population, il faut regarder les besoins.

Oui, c'est difficile de dire: Nous sommes obligés, pour équilibrer et réparer les dégâts qui ont été faits au cours des 10 dernières années, de prendre des mesures. Le ministre de la Santé, le député de Charlesbourg et mon voisin de banquette, pensez-vous qu'il trouve ça drôle de prendre des mesures pour fermer des hôpitaux, rationaliser et transformer le système? Parce qu'on est obligé de réparer 10 ans de gâchis. Parce que, pendant 10 ans de temps, du côté des libéraux, ils ont conté des choses qui étaient contraires à la vérité à la population. À chaque année, ils nous disaient: Bien, le déficit va être de tel ordre. Et, régulièrement, régulièrement, année après année, ils se trompaient juste de 1 000 000 000 $.

Bien, M. le Président, vous savez très bien qu'on ne peut pas laisser aller le désastre jusqu'au niveau où on a été entraîné par le gouvernement libéral. Tout le monde sait ça, la dernière année, on a fini avec 5 700 000 000 $ de déficit seulement au Québec. Aïe! Puis ça va venir faire des leçons, M. le Président, sur la bonne gestion du gouvernement, sur le contrôle des dépenses publiques, sur le fait qu'on a rationalisé dans tous les secteurs d'activité et qu'on s'est engagé à terminer l'année financière avec un déficit qui n'est pas plus élevé que 3 900 000 000 $ après la première année de prise du pouvoir.

M. le Président, quand on veut réaliser ce à quoi on s'engage, il faut prendre les mesures. Oui, c'est un véritable dilemme dans lequel nous sommes placés, puis c'est difficile pour les députés de ce côté-ci. M. Parizeau et M. Bouchard l'ont dit, on va avoir d'énormes sacrifices à faire, nous aurons tous des sacrifices énormes à réaliser si on veut atteindre nos objectifs. Là, la théorie, c'est fini, on passe à la pratique. Il faut prendre des mesures qui font en sorte... Et je le répète, le message qui a été dit par celui qui sera, semble-t-il, le futur premier ministre: On aura tous à faire des sacrifices et ça va être dur. Et tout le monde va passer à la caisse, les riches comme d'autres dans notre société, pour en arriver à avoir une situation financière plus saine et pour qu'on en arrive, idéalement, à des mesures comme aujourd'hui, qui approchent le zéro, qu'on ne soit pas obligé de prendre des dispositions pour atteindre l'équilibre financier du gouvernement et qu'on soit obligé de toucher à tous les pans de mur, à tous les éléments du gouvernement et qu'idéalement, je le répète, en ce qui me concerne, on puisse atteindre une situation ou un état de situation qui ne nous oblige pas à prendre des mesures à l'égard des plus démunis de notre société.

Là, c'est 137 000 000 $ sur un budget d'au-delà de 4 000 000 000 $. C'est encore trop, on le sait. On ne fait pas ça de gaieté de coeur; on répare les dégâts, on répare les problèmes, on répare tout ce qui a été fait au cours des 10 dernières années. On répare, on tente de réparer les déficits accumulés, la mauvaise gestion, l'incurie, tout ce qui s'est passé dans ce gouvernement-là et qui nous a amenés, année après année, à avoir des déficits d'au-delà de 1 000 000 $ – c'est extrêmement difficile, M. le Président – tout en songeant qu'il faudra tous faire un effort.

Aujourd'hui, par exemple, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, avec la meilleure volonté du monde, avec une analyse de la situation qui est parfaitement compréhensible, 15 groupes communautaires se sont présentés devant la presse et ont réclamé de leur député de se pencher sérieusement sur la situation des personnes qui vivent avec le minimum au niveau de la sécurité du revenu, donc ce qui nous est proposé aujourd'hui dans la loi n° 115, et d'y songer avant d'adopter ces mesures, de réfléchir. C'est ce que nous allons faire, c'est ce que nous faisons, c'est ce que nous avons fait avec la ministre de la Sécurité du revenu.

La ministre ne s'est pas présentée comme ça, avec une mesure, puis dire: Ce matin, le couperet est tombé. Voyez-vous, j'ai décidé que 137 000 000 $ de moins dans les mécanismes supplémentaires au barème de base, c'était facile de faire cela. Je n'ai pas réfléchi, je n'ai pas ciblé les mesures. Non! Ça a été longuement analysé, longuement étudié, difficilement adopté. Pourquoi? D'abord, parce que la ministre a du coeur, parce que le gouvernement a du coeur, puis parce que c'est l'endroit qu'on tâche de toucher le moins possible, compte tenu de la situation et des personnes auxquelles on s'adresse, à l'aide sociale.

Alors, ces gens-là de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, avec la meilleure volonté du monde, se sont associés, nous ont demandé de bien regarder les mesures et de faire en sorte que nous puissions réduire encore, dans leur opinion, les mesures qui sont prises aujourd'hui à l'égard d'une catégorie de la population. Et c'est pour ça que je répète, avec mes collègues de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, que c'est une situation qui est vraiment difficile, mais on est placé dans une situation où on ne peut pas se défiler devant nos responsabilités.

M. le Président, on peut peut-être adopter une autre attitude, bien plus simpliste, et fuir la réalité: sauter en avant, penser que le problème n'existe pas, faire comme on a vu pendant les 10 dernières années, pelleter ça dans le dos des jeunes, pelleter ça dans les poches du paletot des plus jeunes. Ce n'est pas compliqué, M. le Président, on n'a qu'à laisser augmenter le déficit de quelques milliards de plus, «so what»? Le déficit pourra augmenter. C'est ça qu'ils ont fait, eux autres, de l'autre côté. Si c'est pas à 5 700 000 000 $, M. le Président, comme l'an passé, bien ce sera 6 700 000 000 $. La cagnotte, ça peut sauter. Ça va couler tant qu'on ne fermera pas le robinet. On ne se souciera pas des mesures de contrôle et de bonne gestion. On ne se fixera surtout pas des objectifs à respecter. De toute façon, M. le Président, vous savez très bien, en particulier sur les marchés financiers, qu'on nous surveille d'extrêmement près. Pourquoi? Parce que, au cours des neuf dernières années, ils se sont fait dire, année après année: Le déficit sera à 2 000 000 000 $; il finissait à 3 000 000 000 $. Le déficit sera de 4 000 000 000 $; il finissait à 5 000 000 000 $. Le déficit sera de 2 700 000 000 $; il finissait à 3 700 000 000 $. À chaque année, ces gestionnaires émérites finissaient avec 1 000 000 000 $, en moyenne, supplémentaire quant à leur évaluation. À crier au loup, on finit que plus personne ne nous croit.

M. le Président, tous gouvernements confondus, les gens qui nous regardent administrer le Québec sont obligés de se dire: Il y a un groupe qui, au cours des neuf dernières années, nous a conté, année après année, des mensonges. Ils n'ont pas dit la réalité.

(0 h 30)

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, le mot «mensonges», vous ne pouvez pas utiliser ce terme en cette Chambre, le terme «mensonges». Alors, je vous demanderais de retirer le mot «mensonges».

M. Trudel: M. le Président, je vais retirer cette expression, puisque évidemment ça a été depuis longtemps jugé comme antiparlementaire. Et ce que le gouvernement avait fait, ce n'étaient pas des mensonges; c'était contraire à la vérité sur ce qu'ils ont dit à la population, M. le Président. Et, dans ce contexte-là, les gens ne nous croient plus, tous partis politiques, tous gouvernements confondus. Et c'est cette situation avec laquelle nous sommes aux prises continuellement, M. le Président, en disant: Ils ont beau dire, ils ont beau faire, ça finit toujours avec le même résultat.

Et, parce qu'on est là depuis un peu au-delà d'une année, eh bien, nous avons dit que nous allions respecter nos objectifs et nous allons les respecter. Nous allons tenter, donc, avec tous les moyens qui sont à notre disposition, en respectant toutes les catégories de la population, de terminer avec un objectif de réduction du déficit d'au-delà de 1 700 000 000 $ et de terminer avec 3 900 000 000 $ de déficit. Ce n'est pas facile, ça. Et, surtout, M. le Président, il faut avoir du courage, parce que des mesures comme celles-là, parce que d'autres mesures nous attendent, M. le Président.

On le sait très bien, le gouvernement fédéral n'annonce pas de catastrophe; c'est la catastrophe. Ils nous ont dit bien clairement que c'est 650 000 000 $ de moins qu'ils vont nous envoyer l'an prochain. Ils gardent les revenus, puis ils nous refilent les factures, M. le Président. C'est bien clair. Pourquoi on est obligés, pourquoi la ministre de la Sécurité du revenu et députée de Chicoutimi est obligée de proposer ces mesures-là? Bien, essentiellement, parce qu'il y en a qui gardent le cash, puis qui nous refilent les factures. Puis, ça s'appelle les gens d'Ottawa.

Puis, pendant ce temps-là, eux, qui prétendent jouer aux grands seigneurs, pendant cette même période-là – et ça, il faut que les gens le sachent – pendant que, nous, de ce côté-ci, on tente, avec la dernière des énergies, de protéger les barèmes de base pour les plus démunis, eux, ils s'apprêtent à faire monter l'âge d'accession à la pension de vieillesse à 67 ans, puis à nous en refiler pour que, nous, au Québec, on soit obligés d'assumer évidemment les personnes qui seront sans revenus pendant deux années supplémentaires. La ministre estime que ça va nous coûter, au bas mot, 240 000 000 $ supplémentaires.

Il n'y a pas de problème, ils passent la facture aux autres. Si vous achetez quelque chose, si vous avez besoin d'acheter des cadeaux à Noël, puis que vous n'avez pas d'argent, ce n'est pas un problème, achetez-les, puis passez la facture au voisin. Vous n'avez pas de problème, vous passez la facture. C'est exactement ce que le gouvernement fédéral fait. Non seulement menace-t-il, le gouvernement fédéral, de faire monter l'âge d'accession à la pension de vieillesse à 67 ans, mais, en plus, d'augmenter les cotisations au régime, au plan de pension du Canada et, donc, toutes correspondances confondues, au Régime de rentes du Québec, et aussi de couper de 10 % les pensions des personnes âgées. Le gouvernement fédéral nous avait avertis, M. le Président, qu'il couperait dans les paiements de transfert, qu'il garderait notre argent, puis qu'on se débrouillerait avec les factures, ce qu'il fit, et nous sommes aux prises avec cette situation. Il veut faire ça également, là, avec les personnes âgées, et on serait pris avec des factures supplémentaires encore.

M. le Président, nous devons prendre des mesures pour redresser nos finances publiques et nous aurons à poser des gestes qui, sans l'ombre d'un doute, seront dramatiques au cours des prochaines années. M. Bouchard a dit: On va protéger le filet social et on va tenter de réduire au maximum le poids des nouvelles taxes que nous devrions imposer parce que le gouvernement fédéral est en train de nous sacrer à terre. Bien, M. le Président, quand on dit «protéger le filet social», c'est exactement ce que fait la ministre de la Sécurité du revenu. Elle ne touche pas aux barèmes de base. Elle eût mieux aimé, M. le Président, proposer une augmentation des barèmes ou une diminution du nombre de personnes qui sont à l'aide sociale, parce que nous aurions les moyens de supporter le développement de l'emploi.

On est pris, M. le Président. On est dans une situation difficile. C'est un dilemme pour les députés, c'est un dilemme pour la ministre. Nous sommes dans une situation difficile. Prendre des mesures de 137 000 000 $ pour équilibrer notre budget, ce n'est jamais facile. Nous voulons respecter notre parole. Nous voulons bien montrer aussi que cette situation n'est pas due au hasard; elle est due essentiellement à l'incurie du précédent gouvernement qui nous a amenés à un taux de dette tellement inacceptable que nous devons réagir rapidement et aussi parce que l'autre gouvernement, à Ottawa, garde les revenus, puis nous refile les factures, et aussi parce que nous nous sommes engagés à protéger les plus démunis dans notre société et que nous n'allons pas prendre des mesures pour couper radicalement dans le barème de base des personnes qui sont, malheureusement, à l'aide sociale.

M. le Président, le remède idéal, c'est que de plus en plus de personnes soient en situation d'emploi. Et, quand la ministre annonce qu'elle va consacrer davantage de moyens au programme AGIR, qui aide les prestataires de l'aide sociale à reprendre confiance en eux, à reprendre en main les moyens dont une personne normale peut disposer, c'est ça avoir de l'action positive.

M. le Président, au mois de décembre 1995, répondre aux groupes communautaires de notre région, par exemple l'Abitibi-Témiscamingue, qui nous conjurent de nous opposer à cette loi, c'est une question bien difficile qui nous est posée. Ça nous tiraille. C'est une question difficile à répondre. Oui, nous allons écouter les groupes communautaires, oui, nous allons écouter les plus démunis de notre société qui ont peut-être de bons messages à nous passer, de bonnes questions à nous poser, peut-être même, comme l'a fait le journal Les Affaires cette semaine, de bonnes suggestions à nous faire en termes de rationalisation.

Tout cela ne sera pas inutile, M. le Président, parce que le déficit, la réduction du désastre qui nous a été légué par neuf années de gouvernement libéral, ça va demander autrement que ces mesures, M. le Président, et on aura besoin de toutes les suggestions de toutes les couches de la population, de tous les milieux pour en arriver à réduire d'au-delà de 1 400 000 000 $ les dépenses de l'État si nous voulons atteindre nos objectifs raisonnables d'arrêter d'emprunter à chaque semaine pour payer l'épicerie, mais garder uniquement nos emprunts pour payer les hypothèques, payer nos constructions, payer nos biens durables, ce qui est normal dans toute société.

M. le Président, ce n'est pas de gaieté de coeur que nous allons prendre ces mesures, que nous allons analyser chacune des dimensions du projet de loi n° 115. Nous pouvons, cependant, assurer les plus démunis qui nous écoutent ce soir, ceux et celles qui nous écoutent et qui auront à discuter de cette situation et, peut-être, à le transmettre à un voisin, à une voisine, que c'est un minimum; nous réduisons au minimum les actions que nous devons prendre. C'est difficile, mais nous le faisons parce que nous voulons retrouver une bonne santé et pour que nous puissions nous donner les moyens, d'abord, de créer de l'emploi, situation unique par laquelle passe la dignité d'une personne. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford, en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole de 20 minutes. À vous la parole.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec grand intérêt le député du gouvernement nous adresser la parole. Il a parlé énormément des déficits des 10 années où nous avons été là. D'abord, je pense qu'il est de notoriété publique et reconnu à la grandeur du Québec que le père des plus importants déficits de toute l'histoire du Québec est maintenant premier ministre du Québec. Si on prend en pourcentage du produit intérieur brut, aucun ministre des Finances n'est jamais allé aussi loin que le premier ministre que nous avons en ce moment.

Je lui rappellerai aussi qu'au moment où nous sommes arrivés, en 1985, nous avons amené le déficit à un point presque zéro. Ils avaient laissé, effectivement, une situation des plus désastreuses. Mais, en 1990, une récession nous frappa au Québec, comme dans le reste de l'Amérique, et la province de Québec a dû réagir avec des mesures de relance. Effectivement, les années 1981, 1982, 1983 et 1984 ont été des années difficiles pour l'économie de l'ensemble des pays démocratiques et le Québec n'y a pas échappé.

Mais, pendant ce même moment-là, nous étions capables de ramener l'équilibre, par exemple, de la taxation. Au moment où nous arriverons en 1985 – et ça, le député a oublié de le dire – les Québécois payaient près de 10 % de plus d'impôt au Québec qu'en Ontario. Nous avons été capables de ramener toutes ces choses-là et de relancer l'économie. Parce qu'on sait que, quand les compagnies veulent s'installer dans une province, le premier critère qu'elles regardent, c'est leur taux de taxation.

(0 h 40)

Nous étions arrivés à ramener ces niveaux de taxation au même niveau que l'Ontario, finalement, et à amener d'importantes compagnies à s'installer au Québec – je pense à celles dans l'aluminium, entre autres – et à créer une multitude d'emplois au Québec. C'est le premier point que je voulais dire: Les pires déficits ont été faits par le premier ministre actuel, qui fut ministre des Finances sous un autre gouvernement.

Je voudrais aussi rappeler aux gens qui nous écoutent ici, ce soir, et particulièrement aux députés du gouvernement, comment facilement, à l'intérieur d'un an, ils ont pris leur programme et ils l'ont complètement abandonné. Vous savez, je suis porte-parole en matière d'environnement et j'en suis rendu à avoir un vilain plaisir de rappeler au ministre de l'Environnement, projet de loi après projet de loi, discours après discours... C'était écrit blanc sur blanc, blanc sur noir et là, soudainement, ça disparaît projet de loi après projet de loi.

On devait s'occuper de rendre publics les sites de déchets au Québec. C'était écrit. Maintenant, on a une grande consultation et il n'y a pas un mot là-dessus. On devait arrêter la construction et toute la pensée alentour des incinérateurs. C'était dans une belle petite phrase dans le programme. On sait maintenant que c'est complètement éliminé. Ils sont après se faire courtiser par les gens de ce secteur-là, du monde des déchets. Alors, leur programme, M. le Président, n'a plus aucune valeur.

Et ce lien de confiance dont on nous parle régulièrement, eh bien, on sait que, dans le projet n° 115, là, ce sera le plus bel exemple, probablement, dans l'histoire de ce gouvernement... Ah! il y avait des belles grandes phrases dans le programme – un de mes confrères, tantôt, nous en a lu – comment, avec cette doctrine de social-démocratie, nous étions pour régler tous les problèmes de la société et, bien sûr, ceux des plus démunis.

Eh bien, ce lien de confiance, ce soir, il doit être brisé à bien des égards, M. le Président. D'abord, parce qu'on nous avait aussi dit que jamais – et je rappelle les paroles du député de Joliette redites mille fois dans cette Chambre – jamais, nous ne siégerions après minuit; jamais il ne passerait de projet de loi sans que la population soit très éveillée et qu'elle nous regarde; jamais il n'accepterait qu'un gouvernement au pouvoir siège après minuit. Eh bien, M. le Président, il est 0 h 45 et nous sommes après parler d'un projet de loi qui touche les plus démunis de notre société. Où est ce lien de confiance que ce gouvernement avait promis d'établir avec tout le monde au Québec, avec les jeunes, avec les industriels, avec les plus démunis? M. le Président, un autre engagement de ce gouvernement qui est complètement disparu.

M. le Président, oui, je suis pour les coupures. J'ai voté, il y a quelques jours, sur un projet de loi que le ministre de l'Environnement apportait. Je n'étais pas totalement d'accord avec le projet de loi, mais il y avait une réduction de 400 000 $ et il me semblait que les coupures n'affecteraient pas grand-chose, finalement. Alors, on a voté dans ce sens-là, on a accepté de voter dans le sens du gouvernement. On trouvait que c'était une approche qui était raisonnable. C'était de la publicité dans les journaux, ça n'affectait pas grand-chose, l'information demeurait là. On a voté avec le gouvernement, M. le Président.

Mais, là, c'est une autre affaire ici, M. le Président; on touche aux plus démunis. Et, si encore cette ligne de pensée, elle était... Depuis la journée où ils ont pris le pouvoir jusqu'à ce jour, si on avait fait attention aux deniers publics comme Robert Bourassa faisait attention aux deniers publics, bien, M. le Président, je serais prêt à vous entendre ce soir.

Mais ce n'est pas ça qui se passe, M. le Président. 100 000 000 $ pour un référendum, 100 000 000 $ et plus. Les chiffres finaux ne sont pas encore connus. Il y a eu des grands sparages, il y a eu des grandes commissions, il y a eu des grands documents, mais, en fin de compte, tout ça pour arriver à un résultat nul, on le sait. 100 000 000 $, M. le Président. Ces belles grandes réceptions au 1080, des Braves, ça, ça va aider la situation du déficit, M. le député qui a parlé avant moi, ces belles grandes réceptions où les gens arrivent en autobus avec des beaux manteaux et où on les sert. Ah, ça, ça va aider le cas du déficit du Québec, M. le Président.

Pendant ce temps-là, ce soir, en pleine nuit, on est après regarder le cas des plus démunis. Ça, ce sont les gens qui, dans les prochaines heures, dans les prochaines journées, recevront des paniers de Noël. Encore ce soir, à la télévision, on pouvait voir combien de ces gens mal pris recevront des paniers de Noël. C'est presque masochiste, ce que la ministre est après faire; à une époque de l'année où on devrait avoir une compassion tellement grande à l'égard de ces gens-là qui sont déjà avec un vécu dans l'insécurité devant un travail, devant la maladie, devant toutes sortes de situations qui les ont malmenés, à une époque où on pourrait avoir un peu de réjouissances, à la veille de Noël, eh bien, non, on tape dessus, puis on coupe!

Et on coupe ceux qui ont le plus besoin d'aide, M. le Président, des gens qui... Et notre consoeur nous explique ça depuis quelques jours: on a coupé en plus ceux qui veulent retourner à l'emploi, ceux qui veulent aller suivre un cours, ceux qui veulent sortir de ce cercle de l'aide sociale. Mais ce n'est pas ça qu'on fait, M. le Président, c'est sur ceux-là, d'une façon particulière, qu'on a idée de s'acharner.

Vous savez, on peut questionner cette décision-là, au ministère. Il y en a une série de décisions, dans la dernière année, qui ont été prises, qui sont tellement discutables que cette dernière décision, la loi n° 115, permettez-moi de la mettre dans la liste des décisions qu'on peut questionner. On sait que ce ministère-là a aboli un grand nombre de mesures de contrôle, notamment la remise de chèques de main à main; ça ne coûtait rien. On sait que l'Ontario fait beaucoup plus que ça en ce moment; ils demandent à leurs gens de venir à l'hôtel de ville et, à l'occasion, même les invitent à faire un peu de travail pour la communauté.

Ici, on avait invité les gens à aller chercher le chèque; on vient d'abandonner ça. Aucune mesure mise de l'avant pour contrer la fraude et les abus. On sait que le gouvernement avant, sous le député de Brome-Missisquoi, avait mis des mesures qui ont été discutées et discutables, je dirais, mais, en bout de ligne, il avait une préoccupation d'une saine gestion des deniers publics, M. le Président. Et ça, on a semblé ne plus avoir ça. On a fait de la publicité à la télévision, abondamment. Ça, c'était avant le référendum, bien sûr.

On a aussi cette imposition d'une enveloppe budgétaire fermée, particulièrement au niveau de l'employabilité. Nous, on n'y a jamais cru, je vous le dirai tout de suite, et notre porte-parole a été clair là-dessus dès le début. On l'a ridiculisé, on a dit qu'il n'avait pas raison. Eh bien, maintenant, les faits sont là, il avait raison. On a aussi, dans ces mauvaises décisions, cette acceptation d'une coupure de 3 % supplémentaires par année en 1996 et en 1997; cette inaction dans la mise sur pied de programmes visant l'intégration au marché du travail de sa clientèle aussi; ces coupures dans le programme le plus performant d'intégration en emploi, soit le programme PAIE.

M. le Président, il y en a une série de mesures. On est convaincus que ces mesures-là ne sont pas les bonnes mesures. On a l'impression que la ministre comprend mal son dossier, qu'elle ne sait pas encore... Elle a été tellement préoccupée, dans son coin de pays, par la souveraineté, elle a été tellement ébahie par ce grand projet qu'ils ont tous de cette souveraineté qu'elle a oublié de vraiment travailler sur ce qui était sa première mission, celle d'aider les plus démunis dans notre société.

Et là, ce soir, on est à débattre sur le projet de loi n° 115, bien sûr, pour lequel notre formation politique votera contre. S'il y a quelque chose auquel je crois fondamentalement quand on parle d'un dossier comme celui-là, c'est que les gens les plus démunis, on doit les aider à reprendre le roulis de la vie, et ça, ça passe d'abord par un emploi, M. le Président.

Je vous raconterai: Dans mon comté, au lendemain de l'élection, en 1989, il y avait un bonhomme, pour qui j'avais pas mal d'estime, qui était venu nous aider, mais il était sur l'aide sociale depuis nombre d'années. On s'était mis, un groupe de gens, autour de lui, puis on a dit: Il faut vraiment qu'on l'aide. Et on s'est aperçu qu'il avait appris à se lever de bonne heure le matin, qu'il avait appris à aller travailler, à avoir ces réflexes qu'un individu normal a dans une société. On l'a aidé.

Je lui parlais, il y a quelques jours. Il a maintenant un emploi à Montréal, il est comptable dans un bureau de courtiers d'assurances. Et puis, finalement, il a repris le roulis de la vie. Il est très heureux, ses enfants vont bien. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a permis à quelqu'un cette réinsertion sociale. Il est redevenu un individu à part entière, il est redevenu un père de famille tout à fait heureux. Ce n'était pas bien, bien malin; il fallait juste lui donner un petit coup de main, M. le Président.

C'est là que la ministre a cette grande mission à faire et elle fait exactement le contraire avec le projet de loi n° 115. Moins de gens retournent sur le marché du travail parce que moins de gens vont être aidés à retourner sur le marché du travail. Et ce filet de sécurité, ce n'est pas moi qui le dis, les Québécois, ils y tiennent. Dans ce projet que vous avez écrit, dans ce projet, Le coeur au travail, je pense, que vous avez écrit juste avant le référendum, vous avez un chapitre complet là-dessus, sur ce filet de sécurité que les Québécois veulent protéger.

(0 h 50)

On sait tous qu'il n'y a aucun Québécois ou Québécoise qui est à l'abri de la misère, que ce soit par la maladie, que ce soit suite à des problèmes matrimoniaux, que ce soit suite à des égarements avec de la drogue ou de l'alcool, que ce soit suite à des pertes d'emploi. Et toutes ces situations, on les vit quotidiennement dans nos bureaux, M. le Président, et on sait tous que ça peut arriver à tous les Québécois et à toutes les Québécoises. Ça peut arriver à chacun d'entre nous. Et, la journée que ça nous arrivera, on pourra se questionner, nous, comme citoyens du Québec, qui avons voté sur ce projet de loi là: Pourquoi avons-nous voté pour ce projet de loi là? Et je demande aux députés du PQ: Vous qui allez voter sur cette loi-là, pensez-y deux fois avant de le faire.

M. le Président, comment sommes-nous après berner une population complète? Pendant cette élection, il y a un an maintenant, on disait sur tous les toits que la social-démocratie, c'était la solution à tous les maux. J'ai entendu ça dans mon comté. Si je vous répétais des choses qu'a dites la candidate aux gens les plus démunis de mon comté, vous ne croiriez pas ce que nous sommes après entendre ce soir. Eh bien, non! C'est le contraire qui se passe, M. le Président. Ce lien de confiance avec les jeunes, avec les démunis, avec les communautés ethniques, avec la communauté anglophone, avec la fonction publique, avec les gens d'affaires, il est après se rompre à la grandeur du Québec.

Et, vous savez, vous avez votre idéologie; nous aussi, on a la nôtre. Nous, on pense que le Canada, c'est un grand pays, c'est un pays qui a bien servi ses populations. Et, s'il y a une grande différence entre un Canadien et un Américain, M. le Président... Et les gens qui ont un peu réfléchi sur ces dynamiques-là réalisent qu'une des grandes différences entre le peuple canadien et le peuple américain, c'est, effectivement, ces mesures sociales que les Américains n'ont jamais voulu se donner. Et on sait ce qui est arrivé, c'est cette société complètement déchirée que connaissent les États-Unis maintenant.

Nous, au Québec, nous, au Canada, on a fait des choix. Et je vous lis, dans un livre... J'espère que la ministre a lu «Deux Québec dans un», qui a été cette grande réflexion qui a été menée au Québec dans les années quatre-vingt-huit. On y lit: «Le Québec a le choix entre deux modèles de société: l'un, basé sur le libéralisme, recherche la croissance à court terme, l'enrichissement sans partage, l'augmentation des profits. Ce modèle a été rejeté au moment de la Révolution tranquille au milieu des années soixante.» Et ici, je salue Jean Lesage, le père de la Révolution tranquille, qui est décédé. Aujourd'hui même, il y a 15 ans, Jean Lesage décédait, le père de la Révolution tranquille.

Et on continue, dans «Deux Québec dans un», en disant: «Le Québec a pris l'autre choix. Il décidait alors, en 1960, avec Jean Lesage, qu'il vivrait à l'heure de l'égalité des chances, de l'universalité des programmes sociaux et d'éducation, du tarif unique d'électricité. Il se joignait ainsi au bloc des sociétés postindustrielles, des sociétés les plus respectueuses de leurs habitants.» Ça, c'était en 1960, avec Jean Lesage. Nous sommes maintenant en 1995, avec d'autres premiers ministres, et je me demande si ce qu'ont souhaité les gens qui ont fait la Révolution tranquille, maintenant, on n'est pas après mettre ça complètement de côté dans notre société, M. le Président.

J'inviterais aussi la ministre à lire le dernier livre de l'abbé Pierre, qui s'intitule «Testament». Ce livre porte en grande partie sur ce que l'abbé Pierre appelle les laissés-pour-compte. Et là il y a une réflexion: comment une société, en France, a décidé d'aider ses plus démunis, comment l'abbé Pierre a mené ses batailles, comment il a amené les gouvernements à prendre des positions pour aider les plus démunis de notre société. Et l'abbé Pierre nous rappelle constamment – d'abord, parce qu'il nous dit qu'on a une responsabilité morale, nous, les hommes et les femmes en politique, mais aussi comme chrétiens – d'aider ces gens qui sont à la merci des événements constamment. Et j'aimerais que notre ministre, d'ici la fin de ce débat, regarde ce magnifique volume qui est, d'ailleurs, le dernier volume écrit par l'abbé Pierre, qui s'appelle «Testament».

Si je suis allé en politique, M. le Président – et je terminerai avec ça – il y avait un certain nombre de raisons. Il y avait que je croyais dans les plus jeunes de notre société et que je voulais les aider. Je croyais aussi dans le dynamisme économique des gens du Québec. Je croyais aussi que l'environnement, c'était une priorité quotidienne du Québec, mais aussi et fondamentalement – mon petit côté que j'ai appris chez les scouts – où le plus fort doit protéger le plus faible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Eh bien, oui – il y en a qui rient, de l'autre bord – le plus fort doit protéger le plus faible dans une démocratie, M. le Président. Et ceux qui rient, vous êtes en ce moment dans les plus forts. Vous êtes des gens éduqués, vous êtes des gens qui avez des salaires nettement au-dessus de la moyenne de la population et vous avez une mission: protéger les plus faibles de la société. Vous pouvez peut-être en rire ici, ce soir, mais les plus démunis de la société ne vous le pardonneront pas. Ils ne vous le pardonneront pas. Messieurs dames, nous avons des responsabilités: d'aider ces gens qui sont mal pris. Et ce n'est pas ce que vous êtes après faire. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. À vous la parole, M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: C'est avec plaisir que je joins ma voix à celle de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne pour contester la présentation du principe de projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. En effet, après avoir lu attentivement ce que la ministre nous prépare et prépare pour sa clientèle, les plus démunis de notre société, vous conviendrez avec moi qu'il est évident que l'opposition officielle ne peut s'y inscrire.

La ministre, pour faire avaler la pilule des conséquences désastreuses de son projet de loi, prétexte qu'il faut faire des coupures, qu'il est important de restaurer les finances publiques, de redresser la gestion de nos finances publiques. Quand la ministre parle de restaurer les finances publiques, je suis d'accord avec elle, mais, quand la ministre prévoit que ces coupures doivent se faire sur le dos de nos plus démunis à cause de son inaction, à cause de son laxisme dans la gestion de son ministère, eh bien, là, M. le Président, je m'inscris en faux.

Vous savez, M. le Président, depuis son entrée au pouvoir, la ministre a fait de très mauvais choix. En effet, elle a décidé d'abolir toutes les mesures de contrôle qui permettaient de récupérer les sommes versées en trop à des prestataires qui n'avaient pas le droit à la sécurité du revenu. La ministre a choisi également d'abolir toutes les mesures que nous avions mises de l'avant pour récupérer ces sommes et, ainsi, que justice soit faite: que ceux et celles qui n'ont pas le droit à de l'aide de dernier recours ne l'aient pas et que ceux qui en ont besoin puissent recevoir ce à quoi ils ont droit. Mais non, la ministre a préféré garder des comptes à recevoir du ministère de la Sécurité du revenu, à peu près 355 000 000 $, et de tolérer plus de 300 000 000 $ versés en trop chaque année et sans droit aux prestataires de la sécurité du revenu. M. le Président, permettez-moi de vous rappeler que ce chiffre représente 8 % de l'ensemble des prestations versées.

Voilà que, pour contrer cette situation, la ministre abolit la remise des chèques de main à main, en plus d'abolir le projet-pilote qui visait à donner à l'entreprise privée la responsabilité de récupérer les sommes. Ce projet-pilote, remarqué par le Vérificateur général dans son dernier rapport, a été qualifié comme étant une mesure de contrôle qui avait surpassé ses objectifs. De ce fait, un gouvernement responsable devrait relancer ce projet performant au lieu de l'abolir.

Alors, M. le Président, devant toutes les mauvaises décisions que la ministre a prises aujourd'hui pour pallier à la situation de catastrophe qu'elle a elle-même engendrée par son inefficacité à bien diriger le ministère de la Sécurité du revenu, elle nous présente comme solution miracle le projet de loi n° 115.

(1 heure)

M. le Président, j'aimerais donc passer en détail les grandes lignes et les principaux articles qui auront un effet négatif sur la clientèle et sur la vie quotidienne des prestataires de la sécurité du revenu. Commençons, d'abord, par l'article 1 qui vise à abolir les avoirs liquides. Voici les implications de cet article. Une personne qui fait sa demande d'aide de dernier recours pouvait, pour une personne seule, avoir dans son compte de banque 1 500 $, et 2 500 $ pour la famille. En effet, on autorisait la personne à avoir ces montants sans que son premier chèque soit coupé et sans qu'on l'oblige à dépenser ces sommes avant d'être éligible au versement de sa prestation d'aide sociale. Aujourd'hui, la ministre propose que, dorénavant, les prestataires n'auront plus droit à un sou dans leur compte de banque afin d'être éligible à la sécurité du revenu. S'ils en ont, ils devront le liquider avant de faire une demande ou bien le chèque sera amputé. On se retrouve donc dans une situation déplorable, M. le Président, puisque cette décision atteint les plus démunis de notre société.

Imaginez une famille monoparentale, une femme avec deux enfants, cette femme a un pauvre 1 000 $ dans son compte en banque, qu'elle a amassé difficilement, en faisant des économies monstres, puisque 1 000 $ pour une personne démunie, c'est une somme considérable. Cette mère de famille responsable voulait mettre de l'argent en banque au cas où, pendant l'hiver, ses enfants auraient besoin de bottes d'hiver, d'habits de neige, de vêtements chauds, que le poêle ou le frigidaire briseraient. Elle avait donc prévu une petite somme pour pallier à ces difficultés de la vie. La ministre lui dit: Il n'en est plus question. Elle pénalise la personne responsable, qui fait des économies pour assurer le bien-être de ses enfants.

De plus, par cette mesure, la ministre espère récupérer 30 000 000 $. Il n'en sera rien, M. le Président, parce qu'une mère de famille, prise avec deux enfants, qui a décidé d'économiser 1 000 $ ne le dépensera pas parce que la ministre a décidé qu'elle doit le faire. D'autant plus, M. le Président, que le ministère de la Sécurité du revenu prévenait la ministre que cette estimation d'économies était erronée. Alors, est-ce que la ministre pourrait se rendre à la raison et s'apercevoir que sa façon de gérer est inefficace et insensible?

M. le Président, analysons maintenant l'article 4 et l'article 7 du projet de loi n° 115. Ces deux articles visent à abolir le barème de disponibilité et à effectuer des coupures dans le barème de participation par voie réglementaire. M. le Président, vous vous souvenez sans doute en Chambre, lors de la période de questions, des discussions entourant les effets réels qu'auront les coupures de la ministre. En abolissant le barème de disponibilité, voici à qui s'en prend la ministre: ce barème s'applique lorsqu'une personne qui vit de l'assistance sociale se dit prête à participer à un programme d'intégration à l'emploi ou à un programme de formation, donc disponible à s'en sortir. Par contre, le gouvernement n'a pas de programme pour satisfaire à la demande. Donc, il ne doit pas pénaliser les prestataires et les classer dans la catégorie «disponible à participer». La ministre a décidé qu'il n'y aurait plus de barème de disponibilité. Elle traite donc les personnes qui veulent s'en sortir au même titre que les non-participants, ceux qui ne veulent pas intégrer le marché du travail. Comment peut-on sérieusement traiter deux personnes si différentes de la même façon? D'autant plus, M. le Président, que ce n'est pas la faute de la personne qui veut participer s'il n'y a pas de programme, c'est la faute de la ministre qui n'en met pas sur pied. Malgré ça, la ministre coupe ces personnes de 50 $ par chèque.

De plus, M. le Président, non satisfaite de s'en prendre directement à la motivation et aux espoirs des gens qui sont disponibles à participer, la ministre prévoit qu'il y aura une autre coupure. Cette fois-ci, cette coupure, par voie réglementaire, sera de 30 $ et s'appliquera à ceux qui participent. En effet, une personne vivant de l'aide sociale, qui souscrit à un programme d'employabilité parce qu'elle était motivée, qui travaille et qui veut retrouver la valorisation, eh bien, on lui coupera 30 $. Pendant ce temps, la ministre ne pénalise pas les personnes qui sont aptes au travail, disponibles à travailler et qui ne veulent pas travailler. Non, la ministre préfère investir 500 000 $ de fonds publics dans une publicité qui vise à la non-discrimination de sa clientèle, alors qu'elle-même discrimine sa propre clientèle. Comment peut-on nous parler d'équité lorsqu'elle pénalise les gens qui sont motivés, alors qu'elle laisse les gens non motivés, les gens qui sont bien dans leur situation, sans aucune mesure de contrôle? M. le Président, c'est la loi de deux poids, deux mesures. On frappe sur ceux qui veulent s'en sortir et on reste inerte devant les abus. C'est à n'y rien comprendre.

Pour leur part, les articles 2 et 8 prévoient l'application des normes minimales de travail aux mesures d'employabilité, soit au programme EXTRA. Le programme EXTRA – que nous connaissons tous – prend toute son importance lorsqu'une petite entreprise ou un organisme communautaire demande de la main-d'oeuvre. Le ministère de la Sécurité du revenu lui envoie quelques prestataires qui veulent travailler. Les articles 2 à 8 prévoient que, dorénavant, ces participants à ce programme seront assujettis aux normes minimales de travail, ce qui est bien en soi. Toutefois, bien que cette demande ait été formulée à plusieurs reprises, on peut se demander comment la ministre trouvera l'argent pour financer les normes minimales de travail. Comment? Vous le savez, M. le Président, lorsqu'on est assujetti à des normes minimales de travail, on doit payer de l'impôt, de la CSST, de la Régie des rentes. C'est donc de l'argent qu'on coupe sur le chèque du travailleur, c'est également des sommes qu'on exige de l'employeur et, dans le cas du programme EXTRA, l'employeur, c'est souvent un organisme communautaire à but non lucratif.

Alors, où vont-ils trouver l'argent pour financer ces normes minimales de travail? On ne le sait pas, M. le Président. Est-ce que les organismes communautaires vont décider de faire appel à moins de prestataires de la sécurité du revenu? Est-ce qu'il y aura moins de prestataires qui vont pouvoir réintégrer l'emploi? Voici des questions qui n'ont pas de réponse. Tout ce que l'on sait, c'est que la ministre décide de couper quelque 100 000 personnes qui participent ou qui sont disponibles à participer et investit dans les 15 000 personnes qui sont présentement inscrites au programme EXTRA. On peut facilement dire que les normes minimales de travail, c'est un bon concept, c'est un concept qui avait été demandé par plusieurs intervenants. Mais est-ce que les gens qui le demandaient avaient prévu que la ministre, pour répondre à une promesse électorale et référendaire, déciderait de discriminer les participants, les gens qui veulent s'en sortir, au profit de ceux déjà inscrits? Je ne le crois pas, M. le Président.

(1 h 10)

Alors, à la lumière de toutes ces mauvaises décisions, la ministre, qui a mal géré son ministère, a quand même accepté de brancher une enveloppe budgétaire fermée. Résultat: la ministre a créé un cercle vicieux négatif pour la clientèle qui veut s'en sortir. En effet, moins les gens profitent de la formation, moins les gens prennent de l'expérience, moins les gens retournent sur le marché du travail, de l'emploi, plus la clientèle augmente. Ces coupures mal pensées, ces coupures inhumaines s'attaquent à une classe de gens qui veulent bouger, qui veulent agir pour s'en sortir. En plus, elles vont nécessairement effriter, pour ne pas dire briser, le filet de protection sociale que la population du Québec s'est donné. N'oublions pas que la population du Québec a investi au cours des 25 dernières années en acceptant de contribuer un impôt afin d'assurer que, lorsqu'ils seront dans le besoin, le gouvernement pourra les protéger.

M. le Président, la ministre de la Sécurité du revenu va directement à l'encontre des objectifs des contribuables du Québec. Elle met en péril le fondement même de la société québécoise. Au lieu d'agir comme elle le fait, la ministre aurait dû gérer de façon serrée son ministère, pénaliser les gens qui devaient être pénalisés et, ainsi, rester humaine. Parce que ce n'est pas que des chiffres qu'on met dans une colonne. Chaque dossier est une personne, est une famille aux prises avec la pauvreté, la misère, aux prises avec l'inquiétude de savoir si, demain, elle pourra faire manger les enfants. Comment la ministre peut-elle appliquer de telles coupures sans se soucier de ces milliers de personnes qui veulent travailler, qui veulent se valoriser par un travail décent? Et, surtout, comment la ministre peut-elle oublier que personne n'est à l'abri de la pauvreté, de la misère et de la maladie? Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton et présidente de la commission de l'aménagement et des équipements. À vous la parole, Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de participer à ce débat dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. Ce projet de loi permet à la ministre de la Sécurité du revenu, M. le Président, de couper 137 000 000 $ dans ses dépenses et il introduit une série de modifications restrictives à certains critères d'admissibilité aux programmes d'aide sociale. J'ai décidé de participer à ce débat parce que c'est un sujet de grande importance sur lequel je tiens à m'exprimer.

Ce que je constate, M. le Président, quand je lis ce projet de loi, c'est qu'il y a une tendance qui se dégage des actions du gouvernement depuis le référendum. Ce gouvernement, dont les députés, les ministres et, surtout, le grand chef d'orchestre chantaient en choeur que jamais ils ne feraient les coupures qui s'imposent sur le dos des plus démunis de la société, a aujourd'hui renié ses promesses. On se souvient tous de leur slogan pendant le référendum: «Oui et ça devient possible». En effet, le comité du Oui a offert la lune aux Québécois en promettant qu'un oui permettrait, avec un coup de baguette magique, de faire disparaître tous nos soucis et de régler tous les problèmes économiques et sociaux du Québec. C'était, en effet, nous le savons tous, M. le Président, une tentative d'acheter les votes des plus démunis de notre société. Ces personnes ne savaient pas qu'en catimini le gouvernement préparait déjà une série importante de compressions budgétaires. Le gouvernement a gardé secrètes toutes ces manoeuvres parce qu'il ne voulait pas se mettre à dos les prestataires de la sécurité du revenu en plus de tous ceux qui oeuvrent auprès d'eux, soit les groupes sociaux et communautaires. Mais ça n'a pas pris beaucoup de temps après le référendum, M. le Président, seulement 25 jours, pour que la ministre annonce publiquement ce qu'on savait déjà: qu'il y avait un manque à gagner de 137 000 000 $ au ministère du Revenu.

En effet, dès avril dernier, le député de Laporte a averti la ministre que ses prévisions budgétaires étaient inexactes, et il l'avait prévenue que des dépassements étaient inévitables. Dès le mois de juin, à peine trois mois avant le déclenchement du référendum, la ministre savait qu'il y avait des dépassements, mais, à la veille d'un référendum, c'était impensable de faire quoi que ce soit qui pouvait nuire à l'option référendaire du gouvernement. Alors, la ministre n'a rien fait pour limiter les dégâts et, aujourd'hui, elle est prise, à la dernière minute, avec des coupures drastiques. Si la ministre avait bien géré son ministère au lieu de «référender», M. le Président, les dégâts seraient peut-être moins importants et les bénéficiaires auraient été moins pénalisés.

Aujourd'hui, M. le Président, la ministre refuse de prendre la responsabilité pour son laxisme. Elle préfère jeter le blâme sur le nouveau transfert social canadien et sur la réforme de l'assurance-chômage. M. le Président, l'improvisation continue. Mais les Québécois ne sont pas dupes, ils savent très bien que ces changements de la réforme Axworthy ne sont pas encore en vigueur et que, par ailleurs, le gouvernement avait largement le temps de s'y préparer, puisqu'on savait depuis février 1994 qu'il y aurait des changements à l'assurance-chômage. Mais, au lieu de prendre ses responsabilités et d'agir, le gouvernement du Parti québécois s'acharne toujours à jeter le blâme, pour tous les maux du Québec, sur qui, vous pensez, M. le Président? Évidemment, sur le gouvernement fédéral.

Malheureusement, M. le Président, ce gouvernement a pris de très mauvaises décisions en ce qui concerne la gestion de nos fonds publics. Aujourd'hui, le délai est court et le virage qui s'impose est brutal. Les plus démunis de notre société ne seraient pas confrontés à des coupures aussi drastiques si le gouvernement n'avait pas décidé de consacrer près de 10 000 000 $ pour les études bidon du Secrétariat à la restructuration, dont on commence aujourd'hui à comprendre la scandaleuse façon de fonctionner; en plus, 8 500 000 $ pour les commissions régionales sur l'avenir du Québec; 3 000 000 $ pour des envois référendaires à tous les citoyens du Québec; et 175 000 $ pour un show au Grand Théâtre. Au total, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois a dépensé près de 84 000 000 $ en fonds publics pour mousser son option pendant un an et, aujourd'hui, le gouvernement du Parti québécois a décidé que ce sont les plus démunis qui doivent payer pour ce gaspillage. C'est inacceptable, M. le Président.

Comme le disait Alain Dubuc dans La Presse du 28 novembre, et je cite: «Les assistés sociaux, les plus vulnérables des Québécois, sont devenus les premières victimes. L'improvisation avec laquelle les membres du gouvernement péquiste ont annoncé les compressions à l'aide sociale semble indiquer que les assistés sociaux servent à nouveau de chair à canon sur le champ de la bataille politique.»

M. le Président, nous, du Parti libéral, savons qu'il faut faire des efforts pour assainir les finances publiques, et je pense que tout le monde dans cette Chambre est d'accord sur ce point. Mais, nous, au Parti libéral, on se pose de sérieuses questions quant aux choix du gouvernement actuel qui a décidé de faire un premier sacrifice en amputant le chèque de milliers de personnes assistées sociales. En effet, dans la crise des finances publiques, on demande à ces personnes de faire un autre noeud dans leur ceinture pour aider à faire un effort collectif vers l'équité, nous dit-on.

(1 h 20)

Ce qu'on dénonce dans les choix du gouvernement, M. le Président, c'est l'insensibilité de ces mesures. L'article 1 du projet de loi prévoit d'interdire, dorénavant, aux personnes qui se présenteront aux portes de la sécurité du revenu, d'avoir de l'argent dans un compte de banque. Il faudrait permettre à cette clientèle d'avoir quelques dollars en poche pour parer aux imprévus, et ce, même si l'aide sociale est une aide de dernier recours. Ce projet de loi prévoit qu'au moment de l'entrée à l'aide sociale, au moment de la demande, une personne doit avoir épuisé toutes ses économies. M. le Président, que feront ces mères de famille monoparentale qui voulaient mettre un peu d'argent de côté pour acheter des vêtements chauds à leurs enfants pour l'hiver?

C'est également une baisse de revenus nets de 150 $ par mois que devront subir certaines familles monoparentales bénéficiaires de l'aide sociale. Présentement, le gouvernement laisse dormir 350 000 000 $ de créances pour de l'argent versé en trop aux bénéficiaires au cours des années. Pourquoi le gouvernement a-t-il mis fin au contrat d'une firme mandatée précisément pour récupérer ces trop-payés? On se souvient également que, peu après l'élection du Parti québécois, la ministre a mis fin à une autre mesure de contrôle, soit la remise des chèques de main à main. Ce qu'il faut constater, M. le Président, c'est que, avec ce projet de loi, la ministre se cantonne dans une politique du court terme et qu'elle remet ainsi aux calendes grecques le vrai redressement des conditions de vie des plus démunis de notre société.

M. le Président, il faudrait plutôt réfléchir afin de trouver des solutions collant mieux à la réalité quotidienne qui confronte les personnes qui bénéficient de l'aide sociale. Par exemple, trois prestataires de la sécurité du revenu sur 10 sont des personnes âgées de moins de 30 ans et, la plupart d'entre eux, n'ont pas terminé leurs études secondaires. Si l'on doit tenir compte des besoins ainsi que des aspirations de ces gens, la solution doit passer par des mesures d'incitation de même que par une aide à la fois financière et technique en vue de permettre à ces personnes de parfaire tout d'abord leur scolarité. Cela, M. le Président, vaudrait beaucoup mieux que de pénaliser toute une clientèle déjà lourdement handicapée par l'état déplorable de l'économie et du marché de l'emploi.

M. le Président, Mme la ministre n'a sûrement pas écouté le discours de Lucien Bouchard, futur président du Parti québécois, qui, devant la Chambre de commerce de Laval, la semaine dernière, déplorait le taux de chômage élevé au Québec. Il a indiqué qu'il souhaite mettre l'accent sur l'éducation et la formation professionnelle pour remettre le Québec au travail. Par ailleurs, il a dit, et je cite: «Il faut nous assurer que les programmes de sécurité du revenu continuent de soutenir les personnes en difficulté, mais, aussi, ces programmes doivent stimuler davantage les chômeurs et assistés sociaux aptes au travail à se trouver un emploi ou à acquérir les compétences nécessaires à leur intégration au marché du travail. Cela n'exclut pas, bien sûr, bien au contraire, une réallocation possible des ressources pour encourager des mesures vraiment actives de soutien du revenu et de retour au travail.» Ça, M. le Président, ce sont les paroles du futur premier ministre du Québec. Si M. Bouchard avait un siège à l'Assemblée nationale, il voterait sûrement contre ce projet de loi, car ce que fait la ministre va totalement à l'encontre de la mission fondamentale de son ministère, soit de trouver des solutions pour lutter contre la pauvreté et de mettre en place des mesures incitatives pour le retour au travail.

En effet, M. le Président, on se rappelle que la ministre, dans ce projet de loi, abolit le barème de disponibilité accordé aux personnes qui désirent participer à des programmes d'emploi et de formation. C'est 50 $ par mois qui est coupé des prestations de ces personnes qui sont en attente pour avoir accès à un de ces programmes. Ce sont des gens qui veulent sortir à tout prix du système de l'aide sociale. Malgré leur bonne volonté, leur motivation et leur désir de travailler ou de suivre des cours de formation, ces personnes seront pénalisées, car, dans cette loi, M. le Président, il n'y aura pas de distinction entre ceux qui veulent sortir du système et ceux qui ne veulent rien faire pour en sortir.

De plus, la ministre annonce qu'elle modifiera, par voie réglementaire, le barème de participation accordé à tous ceux qui participent à des mesures d'intégration à l'emploi ou de formation. Cette pénalité de 30 $ représente bien souvent l'épicerie pour une semaine et, fait étonnant, la ministre l'impose spécifiquement à ceux qui font des efforts et essaient de retourner sur le marché du travail.

M. le Président, il y a d'autres moyens d'assainir les finances publiques du Québec que de les assainir sur le dos des plus démunis. Ce qu'on dénonce, c'est que le gouvernement fasse payer la facture de leur mauvaise gestion aux plus vulnérables de la société. La ministre, avec ses analyses simplistes, propose des coupures drastiques, mais elle ne fait strictement rien pour aider ces personnes à réintégrer le marché du travail. De plus, avec une enveloppe budgétaire fermée, la ministre est obligée de réduire l'accès aux mesures de développement et d'intégration dans l'emploi.

M. le Président, toutes ces mauvaises décisions pénalisent les prestataires de l'aide sociale. La ministre, avec ses coupures, ne fait que créer un cercle vicieux qui condamne les prestataires à rester à l'aide sociale, anéantissant ainsi tout espoir. C'est pourquoi je voterai contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais uniquement prendre quelques minutes pour replacer...

Le Vice-Président (M. Bélanger): Vous avez la parole, M. le leader adjoint du gouvernement.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, très simplement, M. le Président, c'est parce qu'on peut entendre un certain nombre de choses, mais on ne peut pas entendre autant d'hypocrisie, autant, comme ça a été mentionné par d'autres, de larmes de crocodile, où ces gens-là laisseraient voir qu'ils ont toute une sympathie du moment envers les plus démunis.

Moi, tout ce que je veux dire, M. le Président, c'est que – ça a été dit – ce n'est sûrement pas de gaieté de coeur qu'un gouvernement doit s'acquitter de ses responsabilités, surtout pas quand vous savez de quoi on a hérité il y a à peine un an et quelques mois. Tout le monde sait que la situation financière du gouvernement est très difficile, dramatique. Mais, ce que je veux dire, c'est qu'on ne fait pas les mesures de restriction uniquement au niveau des assistés sociaux, puisque, dans la discussion qu'on a eue au Conseil des ministres... Je veux tout simplement rappeler aux membres de cette Chambre qu'on a regardé le cadre financier qui sera le nôtre pour l'an prochain, on a regardé ce que j'appelle la responsabilité d'un gouvernement qui a pris un engagement ferme de s'assurer que les finances publiques retrouvent un sain équilibre.

(1 h 30)

On avait indiqué, dès notre arrivée au pouvoir, qu'il était important d'adopter le fonctionnement des enveloppes dites fermées, qui est un bon principe de gestion. Contrairement, encore là, à ce que ces gens-là ont essayé de laisser croire, pour ce qui est des assistés sociaux, on savait très bien qu'il n'est pas facile, à la Sécurité du revenu, de prévoir complètement les sommes qui seraient requises. Il y avait des dispositions, il y a toujours des dispositions, qui prévoyaient que, s'il y avait un certain nombre de dépassements, les dépassements seraient assumés à même une partie du Fonds de suppléance, puis c'est prévu comme ça lorsque, bien sûr, le niveau d'emploi est plus faible que ce que nous souhaiterions.

Quand on a indiqué, à plusieurs reprises, que c'est évident qu'on souhaiterait mettre davantage l'accent sur l'emploi, dans le programme de la formation politique à laquelle j'appartiens, très clairement, nous, dans la campagne référendaire, on indiquait que, si on pouvait assumer la responsabilité d'un État normal, une de nos premières priorités aurait porté justement sur un outillage plus général pour s'assurer de mettre l'accent sur l'emploi. Pour ça, ça doit passer, d'abord, par la capacité de gérer complètement tous nos outils financiers, ça doit passer par la formation professionnelle. Et je n'ai pas envie de refaire le débat sur la formation professionnelle.

Ce que je n'admets pas ce soir, M. le Président, c'est de laisser voir que, là, c'est la ministre de la Sécurité du revenu qui aurait l'âme assez basse de se réjouir de demander, pas ce qu'on a entendu de l'autre bord, de couper les plus démunis qui sont au seuil de pauvreté... On le sait, on le sait que c'est tellement difficile. Ce n'est pas pour rien qu'on a tenu, dans les discussions au Conseil des ministres, à s'assurer que les prestations de base demeurent, d'aucune façon, inchangées, que tous les assistés sociaux du Québec puissent au moins avoir la garantie, comme vous le dites bien et comme on le sait très bien... Parce que, nous aussi, on en rencontre puis, nous aussi, on discute avec ces gens-là. Il s'agit d'une pitance, d'un seuil minimal qui est moindre que ce qu'on appelle le seuil admissible de pauvreté. On sait ça, nous aussi.

Et je lis ici – un député, tantôt, de l'opposition, le disait – dans une brochure du Comité des personnes assistées sociales de Pointe Saint-Charles: La ministre de la Sécurité du revenu, Mme Blackburn, cède aux exigences du président du Conseil du trésor. Moi, je fais partie du même Conseil des ministres, et on ne peut pas avoir une langue qui a des propos différents d'une semaine à l'autre. Puis je me rappelle, ces gens-là et la presse disaient: Qu'est-ce qui se passe? Ça fait des semaines que la ministre de la Sécurité du revenu est censée annoncer un certain nombre de mesures liées aux difficiles discussions que nous avons ce soir. Et on disait: Bien oui, ce n'est pas facile, puis il faut regarder plusieurs éléments de cette problématique, et ça a pris quelques semaines.

Si je parle comme ça, c'est uniquement pour illustrer que, quand on prend plusieurs semaines plutôt qu'une, un, c'est parce qu'on convient que ce n'est pas facile, et, deux, c'est parce qu'on convient que c'est une décision d'équipe, puis c'est parce qu'on a regardé le cadre financier, et le cadre financier nous obligeait à resserrer, à avoir un certain nombre de mesures qui resserrent l'application sectorielle pour chacun des ministères sectoriels à qui on a attribué une enveloppe fermée. Puis on disait: Essaie, autant que possible, de rentrer dans ce cadre-là, tout en respectant une série de paramètres, quand on peut le prévoir, et, dans le cas des gens sur l'aide sociale, c'est évident qu'on ne pouvait pas tout prévoir.

Deuxièmement, on dit: Diminue de façon arbitraire – toujours dans le même document que j'ai devant les yeux – les prestations des personnes assistées sociales sans tenir compte de leur situation. C'est l'inverse. On a pris plusieurs semaines, justement, pour tenir compte de leur situation et pour s'assurer, en ne touchant pas à la prestation de base, que nous serions en mesure, à tout le moins, de garder, comme on l'a mentionné tantôt, un minimum pour les personnes qui en ont le plus besoin.

Je lis encore une phrase: En termes clairs, c'est encore une fois au tour des prestataires de la sécurité du revenu de résorber les impacts du déficit et également de porter l'odieux du déficit sur le dos des plus démunis. Nous, ce n'est pas compliqué, le déficit, on ne le fait pas porter sur le dos des plus démunis, on le fait porter en très grande partie sur nos irresponsables d'en face. Qu'est-ce que vous voulez, on n'a pas le choix, M. le Président! C'est ces gens-là qui ont toujours indiqué, année après année – puis je m'en rappelle, je les ai vus, quels que soient les ministres des Finances qui se sont succédé – des prévisions qui ont toujours dépassé, en moyenne, des erreurs de 1 000 000 000 $ par année entre les équilibres puis ce qui se passe et, ce qu'il y a de plus grave, en période de récession, des taux de croissance de 3 % puis de 3,5 % du rythme de croissance des dépenses publiques. Il faut le faire, M. le Président; des rythmes de croissance des dépenses publiques de 3 %, 3,5 % dans une période où tout ce qu'on pouvait prendre dans les nouvelles du jour ou dans les nouvelles un peu en dehors du collège ou du carré de sable dans lequel on évolue, quand on se donne la peine de regarder un peu plus large, c'étaient toujours des mesures de rationalisation, et dans le secteur privé.

Parce que, oui, il y a une crise budgétaire et financière des administrations publiques, qu'elles soient du Québec ou des autres provinces. Et souvent, vous regardez ça, vous nous reprochiez: Comment ça se fait que vous n'avez pas commencé à rationaliser d'avance, toutes les autres provinces l'ont fait? Alors, branchez-vous, là! Si on décide de faire, M. le Président, des mesures de rationalisation, il faut le faire, autant que possible, au niveau de tous les secteurs de la population.

Donc, vous ne portez pas... Ce n'est pas les plus démunis qui portent l'odieux du déficit, c'est bien plus des gestions irresponsables qui, année après année, ne se responsabilisent pas, afin de ne pas dépenser plus qu'on perçoit. Ça, c'est le lot des générations et des gouvernements qui se sont succédé.

Il y a également un autre aspect dans le même document, une semaine ou deux avant qu'on ait fait ces discussions-là. Je me rappelle de mon collègue des Affaires municipales qui devait aller annoncer à l'ensemble des municipalités du Québec une compression, à même l'enveloppe qu'on leur donne habituellement, de 48 000 000 $. Ah! Pourtant, j'ai entendu ce soir, et depuis que le débat est commencé là-dessus: Seuls les assistés sociaux sont pénalisés. Il n'y a personne d'autre qui écope des difficultés budgétaires.

Moi, je gère un ministère. Je sais que, l'an passé, on m'a imposé 30 000 000 $ de coupures dans un ministère de développement des ressources naturelles, pour s'assurer qu'on essaie de générer plus d'activités économiques. J'ai subi 30 000 000 $ de coupures. Et, cette année, on annonce encore des mesures à peu près du même ordre, 30 000 000 $ à 35 000 000 $, et ça va être de même pour tous les ministères sectoriels. À ce que je sache, un ministère comme celui que je dirige dessert des clientèles. Parfois, elles sont mines, elles sont forêts, elles sont énergie, elles sont terres, elles sont lots de villégiature. Pas plus tard que cet après-midi, qu'est-ce qu'on faisait dans une salle ici, M. le Président? On adoptait un projet de loi sur les ressources hydrauliques où on haussait le niveau des droits sur les ressources hydrauliques. Bien, il y a des gens qui vont devoir payer plus de frais pour utiliser la ressource hydraulique, soit pour des fins propres ou pour des fins de consommation électrique. Ça ne touche pas les consommateurs pour le moment, mais il y a des gens qui vont être touchés.

Je veux juste indiquer que, dans une mesure comme ça, ce n'est pas de gaieté de coeur. On ne fait pas ça parce que c'est plaisant, c'est jamais plaisant d'adopter des mesures de compressions puis de restrictions, parce que, par définition, ça touche du monde, et, lorsqu'on touche du monde, on est très conscients qu'il est légitime que ces gens-là nous fassent des signaux, en disant: Il y «aurait-u» moyen que ce ne soit pas nous?

Toujours, dans le même document, je pourrais poursuivre. La conclusion, c'était: Il existe beaucoup d'autres moyens de gérer des déficits gouvernementaux sans affaiblir le filet de sécurité sociale. C'est ce que nous faisons avec, entre autres, les médicaments pour les personnes âgées. C'est ce que nous faisons avec un certain nombre de mesures, au niveau des soins de santé et de services sociaux. C'est ce qu'on a dit durant la campagne électorale, qu'on voulait conserver un minimum de balises et de règles pour conserver le filet social.

Ma collègue a dit, à plusieurs reprises: On ne veut pas faire exactement ce que les autres provinces ont fait. En Ontario, ils ont coupé dans le régime de base. Les assistés sociaux, quels qu'ils soient, tous les assistés sociaux de l'Ontario, ils ont moins d'argent en sécurité du revenu qu'ils en avaient avant les coupures, alors qu'ici, au moins, le régime de base demeure. Est-ce que, oui, il y a un sacrifice additionnel? Oui. C'est malheureux, c'est triste, c'est pénible, mais c'est surtout par le biais de mesures de plus grand contrôle, pour s'assurer d'une plus grande équité. Et, lorsqu'on se rendra compte, dans le cadre financier, dès le début de l'année 1996, que tout le monde doit faire son effort, les citoyens vont se rendre compte que, de ce côté-ci, règle générale, on essaie de faire ce que l'on dit, M. le Président. On essaie de faire ce que l'on dit. Nous avons pris l'engagement d'assainir les finances publiques. Oui, on va devoir, malheureusement, demander énormément de sacrifices à toutes sortes de secteurs, de niveaux dans la population, et je le répète, puis ce n'est pas de gaieté de coeur.

Conclusion, parce que je voulais faire juste quelques minutes. Il ne nous apparaît pas, M. le Président, que, dans cette mesure, il s'agit de quelque chose qui est plaisant à faire, mais on pense que ça correspond à nos objectifs de sociaux-démocrates, qu'elle permet de garder ce qu'on appelle le revenu de base qui était affecté au niveau des assistés sociaux et des gens qui étaient sur la sécurité du revenu, mais en exigeant un certain nombre de mesures plus serrées, pour s'assurer que les sommes qui seront affectées à la sécurité du revenu servent effectivement à ceux qui en ont le plus besoin. Merci.

(1 h 40)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Oui. M. le leader du gouvernement.

M. Gendron: M. le Président, compte tenu de l'heure et des engagements qu'on a pris, à ce moment-ci, je voudrais proposer l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gendron: À ce moment-ci, il faudrait ajourner nos travaux à ce matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Donc, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. Alors, les travaux de cette Chambre sont ajournés à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 1 h 41)