L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 12 décembre 1995 - Vol. 34 N° 88

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Présence de l'ambassadeur de la République rwandaise, M. Valens Munyabagisha, et du consul général de la République argentine à Montréal, M. Ernesto Santiago Martinez Gondra

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

J'ai le très grand plaisir... À l'ordre, s'il vous plaît!


Présence de l'ambassadeur de la République rwandaise, M. Valens Munyabagisha, et du consul général de la République argentine à Montréal, M. Ernesto Santiago Martinez Gondra

J'ai le très grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, de l'ambassadeur de la République rwandaise, Son Excellence M. Valens Munyabagisha.

Également, j'ai le grand plaisir de souligner la présence du consul général de la République argentine à Montréal, M. Ernesto Santiago Martinez Gondra.


Affaires courantes

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 124

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi n° 124, Loi modifiant diverses dispositions législatives en application de la Loi sur l'organisation territoriale municipale. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie plusieurs des lois refondues du Québec afin, principalement, de donner application à la Loi sur l'organisation territoriale municipale.

La majorité des dispositions du projet de loi vise à corriger l'emploi d'expressions et de concepts que la Loi sur l'organisation territoriale municipale a rendus désuets. Notamment, le projet de loi fait disparaître l'expression «corporation municipale» et veille à ce que le mot «municipalité» désigne la personne morale et non le territoire sur lequel elle a compétence.

Le projet de loi concrétise, dans les diverses lois, certaines règles édictées par la Loi sur l'organisation territoriale municipale. Ainsi, notamment, il corrige la façon de nommer les municipalités et fait en sorte que les textes législatifs tiennent compte, par exemple, du fait que le mot «municipalité» désigne à la fois une municipalité locale et une municipalité régionale de comté.

Le projet de loi apporte aussi des modifications qui, sans découler directement de la Loi sur l'organisation territoriale municipale, sont néanmoins rendues nécessaires par voie de conséquence. Notamment, la disparition de la notion de «corporation de comté» fait en sorte que le projet de loi instaure de nouvelles règles relatives à la participation des municipalités locales aux délibérations et au financement des dépenses des municipalités régionales de comté, puisque les règles actuelles diffèrent selon que la municipalité régionale de comté agit ou non à titre de successeur d'une corporation de comté. De même, parce que le mot «municipalité» vise à la fois une municipalité locale et une municipalité régionale de comté, le projet de loi apporte plusieurs modifications consistant à ajouter le qualificatif «local» dans les dispositions qui ne doivent pas, de par leur nature, viser les municipalités régionales de comté ou leurs territoires.

Le projet de loi apporte enfin des modifications qui ne découlent ni directement ni indirectement de la Loi sur l'organisation territoriale municipale, mais qui concernent les dispositions qui auraient dû, de toute façon, être touchées. Notamment, le projet de loi supprime les dispositions relatives à la compétence des municipalités régionales de comté sur la voirie et la circulation routière, lesquelles dispositions sont inopérantes depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la voirie de 1992.

Et, de la page 3 à 12, ce sont l'ensemble des lois qui sont touchées par ce projet de loi passablement volumineux.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le leader. Est-ce que l'Assemblée accepte de se saisir de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Nous en sommes au dépôt de documents. Mme la ministre des Finances.

Mme Marois: Alors, M. le Président, un message du lieutenant-gouverneur, signé de sa main.


Message du lieutenant-gouverneur

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous lever, s'il vous plaît. «Le très honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale les crédits supplémentaires n° 2 pour l'année financière se terminant le 31 mars 1996, conformément aux dispositions de l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, et recommande ces crédits à la considération de l'Assemblée.» Et c'est signé, le très honorable Martial Asselin. Mme la ministre des Finances.


Crédits supplémentaires n° 2 pour l'année financière 1995-1996

Mme Marois: M. le Président, pour donner suite au message de Son Honneur le lieutenant-gouverneur, qu'il me soit permis de déposer les crédits supplémentaires n° 2 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996.

(10 h 10)

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission plénière

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je fais motion pour déférer les crédits supplémentaires 1995-1996 en commission plénière afin que l'Assemblée les étudie et les adopte conformément à l'article 289 de notre règlement.

Le Président: Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Chevrette: M. le Président, c'est avec énormément de plaisir que je veux déposer la réponse à la question 21, inscrite au feuilleton du 2 juin 1995 par le député de Nelligan. Également, je voudrais déposer une réponse à la question 25, inscrite au feuilleton du 9 juin 1995 par le député de Verdun.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre de l'Emploi et ministre responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles.


Rapports annuels du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec, du Bureau de révision en immigration, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, de la Régie du bâtiment du Québec et du ministère de l'Emploi

Mme Harel: Oui, M. le Président. Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1994-1995 du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec, du Bureau de révision en immigration, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, de la Régie du bâtiment du Québec et du ministère de l'Emploi.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. M. le ministre de l'Éducation.


Rapports annuels de l'Université Bishop's et de l'Université de Sherbrooke, conformément à l'article 4.2 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, ainsi que les renseignements relatifs aux indemmités de départ

M. Garon: M. le Président, conformément à l'article 4.2 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, édicté par l'article 1 de la Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, j'ai le plaisir de déposer les états financiers, incluant les états de traitements et les rapports sur la performance et les perspectives de développement, de l'Université Bishop's et de l'Université de Sherbrooke, en deux volumes.

Ce dépôt inclut également les renseignements additionnels relatifs aux indemnités de départ exigés en vertu du paragraphe 4° de l'article 4.4 de cette même loi.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre déléguée au Tourisme.


Rapport annuel de Tourisme Québec

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1994-1995 de Tourisme Québec.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.


Document intitulé «Le secteur manufacturier et le commerce au Québec en 1995»

M. Paillé: Oui, M. le Président, je dépose un document intitulé «Le secteur manufacturier et le commerce au Québec en 1995».

Le Président: Document déposé. Mme la ministre de la Sécurité du revenu.


Avis de la Commission d'accès à l'information relatif à la proposition d'amendement visant à ajouter l'article 65.1 à la Loi sur la sécurité du revenu

Mme Blackburn: Oui, M. le Président. Tel que je m'y étais engagée, je dépose ce matin l'avis de la Commission d'accès à l'information relatif à la proposition d'amendement visant à ajouter l'article 65.1, c'est-à-dire le couplage des fichiers avec le ministère du Revenu, à la Loi sur la sécurité du revenu.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle... Ce document est déposé, d'abord. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, strictement quant à l'engagement qu'avait pris Mme la ministre, si mon souvenir est exact, il était double: l'avis ou le résumé de l'avis de la Commission d'accès à l'information et également de la Commission des droits de la personne. Est-ce que les deux ont été déposés?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: C'est vraiment l'avis de la Commission d'accès à l'information. Il n'y a pas d'avis, à ce que je sache, de la Commission des droits de la personne.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, brièvement.

M. Paradis: Oui, simplement, M. le Président, pour nous replacer dans le contexte. Mme la ministre s'était engagée, le 30 novembre 1995, à déposer les deux avis. Le lendemain, 1er décembre 1995, elle est revenue en cette Chambre et elle nous a indiqué qu'au moment du dépôt du projet de loi, qui est déjà passé, elle déposerait les deux avis: Commission d'accès à l'information – et je la réfère au Journal des débats du 1er décembre 1995, M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Et, si le leader de l'opposition continuait sa lecture du procès-verbal, il se rendrait compte que, le lendemain, on a bien explicité qu'il n'y aurait pas d'avis de la Commission des droits de la personne, car, en cette matière de législation, c'est la Commission d'accès à l'information. C'est parce qu'il a arrêté sa lecture au jeudi. Il aurait fallu qu'il lise le vendredi.

Le Président: Brièvement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Je veux bien que le leader du gouvernement m'impute le fait que j'aie arrêté la lecture. J'ai le texte devant moi, je cherche les propos que vient d'énoncer le leader du gouvernement, je ne les retrouve pas. Ce que je retrouve, c'est un engagement de Mme la ministre, au moment du dépôt du projet de loi, à déposer les deux documents. Je constate que, ce matin, elle en a déposé un, M. le Président. Quand l'autre va-t-il être déposé?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Je m'excuse, le leader devrait refouiller ses procès-verbaux. Il est vrai qu'une journée, je ne dénie pas ce qu'il a dit, Mme la ministre a dit qu'elle déposerait tous les avis. J'ai expliqué en cette Chambre moi-même, et elle-même en plus – vous retrouverez ça dans les procès-verbaux dans les jours qui suivent – que, en matière de législation, on fait appel à la Commission d'accès à l'information qui donne l'avis global. Et c'est ce qu'on a fait, on s'est conformés aux règles usuelles, exactement comme le leader de l'opposition le faisait au moment où il occupait les banquettes du pouvoir.


Rapport détaillé des résultats du scrutin concernant le référendum du 30 octobre 1995

Le Président: Alors, j'ai reçu pour ma part du Directeur général des élections, en vertu de l'article 381 de la version spéciale de la Loi électorale, le rapport détaillé des résultats officiels du scrutin concernant le référendum du 30 octobre 1995. Alors, je dépose ces documents. À l'ordre, s'il vous plaît!


Dépôt de rapports de commissions

Nous en sommes au dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 121

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 11 décembre 1995, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 121, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député d'Outremont.


Étude détaillée du projet de loi n° 117

M. Tremblay: M. le Président, je dépose...

Le Président: À l'ordre!

M. Tremblay: ...le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 11 décembre 1995, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 117, Loi modifiant la Loi sur le régime des eaux. Le projet de loi a été adopté.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Nous en sommes au dépôt de pétitions. M. le député de Marguerite-D'Youville.


Parachever la voie réservée au transport en commun sur la route 138, de Kahnawake à Châteauguay

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 550 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Châteauguay. Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que l'aménagement des voies réservées aux véhicules de transport en commun fait partie de la politique de transport urbain pour la région de Montréal;

«Considérant qu'une voie réservée aux véhicules de transport en commun leur permet d'accéder plus rapidement à Montréal via le pont Mercier;

«Considérant que la voie réservée sur la route 138 pour accéder au pont Mercier est déjà complétée sur une longueur de 1,8 km;

«Considérant que le pont Mercier est surchargé par le passage quotidien de 80 000 automobilistes et que l'avenir est au transport en commun;

«Considérant que le parachèvement de la voie d'accès contribuerait à augmenter l'efficacité du transport en commun et par conséquent son utilisation;»

L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministère des Transports afin que l'aménagement de la voie réservée au transport en commun sur la route 138 soit parachevé de Kahnawake jusqu'au boulevard Saint-Francis, à Châteauguay.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vous avise qu'après la période de questions et réponses orales Mme la ministre des Finances répondra à une question posée le 11 décembre 1995 par M. le député de l'Acadie, concernant le rôle de M. Meunier dans le processus d'acheminement des demandes au Conseil du trésor, relativement aux études du ministère de la Restructuration.

Alors, nous en venons... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Strictement, avant la période des questions, M. le Président. On m'a informé que d'autres caméras que les caméras de la radiotélédiffusion des débats de l'Assemblée nationale ont été aperçues dans l'enceinte de l'Assemblée nationale ce matin. Est-ce que vous auriez l'obligeance de faire le point sur la situation?

(10 h 20)

Le Président: Il y a eu, effectivement, à l'occasion d'un premier anniversaire d'un réseau que je ne nommerai pas, demande à l'effet de permettre, exceptionnellement, que les caméras de même que quatre personnes de ce réseau-là puissent suivre les travaux de la Chambre aujourd'hui. Et, après consultation auprès des groupes parlementaires, de même que du député indépendant, nous avons accordé cette autorisation-là de façon tout à fait exceptionnelle.


Questions et réponses orales

Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, à ce moment-ci, nous passerions à la période de questions et de réponses orales. M. le député d'Outremont, pour une question principale.


Situation financière de la MIL Davie

M. Tremblay: En campagne électorale, le premier ministre et son ministre de l'Industrie se sont engagés à ne pas fermer le chantier de la MIL Davie, mais plutôt d'en assurer la pérennité dans les 10 jours de l'élection d'un gouvernement du Parti québécois. Il y a plus d'un an, le ministre de l'Industrie inscrivait au feuilleton de l'Assemblée nationale une motion concernant le chantier maritime. M. le Président, cette motion n'a jamais été appelée et demeure toujours inscrite au feuilleton.

Devant l'urgence d'agir dans ce dossier, le gouvernement libéral et la Société générale de financement avaient accepté de donner suite au plan d'affaires de la MIL Davie afin de rendre le chantier plus attrayant pour une privatisation éventuelle. Le ministre de l'Industrie a fait fi de l'urgence d'agir dans ce dossier et a préféré retenir le scénario le plus risqué, c'est-à-dire la privatisation immédiate, sachant que les prévisions budgétaires de la direction indiquaient qu'à compter du 1er décembre 1995 le chantier perdrait, de façon récurrente, 15 000 000 $ par année.

Le Président: Question, s'il vous plaît.

M. Tremblay: M. le Président, le ministre de l'Industrie peut-il confirmer que la MIL Davie a perdu près de 13 000 000 $ en 1995 et que les contrats octroyés par la Société des traversiers du Québec obligent l'ouverture du chantier pour les deux prochaines années, occasionnant ainsi des pertes additionnelles de 30 000 000 $ pour les années 1996 et 1997?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

M. Paillé: M. le Président, le chantier MIL Davie est effectivement un problème important pour le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, et le député d'Outremont en sait quelque chose. M. le Président, il y a quelques années, nos amis d'en face, et c'était le chef de l'opposition qui occupait le poste de ministre de l'Industrie et du Commerce, et il a fait en sorte qu'il a pu acquérir, sur une certaine base, des équipements et des actifs que nous avons présentement, et les études qui avaient été faites à l'époque montraient un taux de rendement supérieur à 25 % l'an. Comme erreur de calcul, c'était remarquable. Effectivement, le plan d'affaires qui a été soumis au gouvernement laissait entrevoir une modernisation importante du chantier, des contrats transitoires et la conquête d'un partenaire privé.

M. le Président, après analyse avec les gens de la SGF et les gens de la MIL Davie, on a convenu de suivre ce plan d'affaires, mais pas nécessairement dans l'ordre où le gouvernement du Parti libéral l'avait laissé. C'est-à-dire que l'on refusait d'investir plus d'une centaine de millions de dollars dans une perspective d'un chantier maritime avec un plan d'affaires dont je n'étais pas convaincu que c'était la bonne orientation à y donner. C'est pour ça que l'on a inversé un certain nombre d'éléments...

Le Président: En conclusion.

M. Paillé: ...pour faire en sorte qu'on puisse confier au chantier maritime des contrats transitoires, qu'on puisse chercher – et c'est en cours – un partenaire privé qui connaît le milieu...

Le Président: En conclusion.

M. Paillé: ...et ensuite qu'ensemble on puisse investir dans ce chantier maritime.

Le Président: M. le député d'Outremont, pour une question complémentaire.

M. Tremblay: Est-ce que le ministre réalise qu'il n'a pas répondu à la question, c'est-à-dire confirmé que le chantier avait bel et bien perdu, en 1995, près de 13 000 000 $? Et est-ce que le ministre pourrait nous confirmer que les seuls acquéreurs intéressés n'ont pas les ressources financières pour assurer la pérennité des opérations du chantier et exigent que le gouvernement assume des pertes additionnelles de plusieurs dizaines de millions de dollars, prête au chantier maritime 100 000 000 $ remboursables uniquement si le chantier génère des bénéfices, et ceci, sans l'obligation d'assurer la pérennité des opérations de la MIL Davie, et, enfin, M. le Président, instaure une politique fiscale occasionnant des crédits d'impôt de 40 000 000 $ par année pour les chantiers maritimes?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

M. Paillé: M. le Président, les négociations sont en cours avec plusieurs groupes. Manifestement, le député d'Outremont a une source d'information. Il y en a d'autres, M. le Président. Et c'est ce qui fait le bonheur des négociations, c'est que généralement on négocie avec plusieurs groupes intéressés pour faire en sorte que le premier objectif, c'est de garder ce chantier maritime ouvert, d'assurer sa pérennité. Il est très important pour la Société générale de financement, pour le gouvernement, d'assurer cette pérennité-là, donc de s'assurer que les gens qui vont acquérir le chantier maritime aient, un, une connaissance des chantiers maritimes et, deux, les ressources nécessaires pour faire face à leurs responsabilités, et la responsabilité première, c'est de garder le chantier maritime ouvert.

En terminant, M. le Président, nous négocions via la Société générale de financement, les gens de la MIL Davie...

Le Président: En terminant.

M. Paillé: ...et, lorsque nous aurons une bonne transaction pour les travailleurs et les travailleuses du chantier, nous la ferons.

Le Président: M. le député d'Outremont, en complémentaire.

M. Tremblay: Est-ce que le ministre de l'Industrie est conscient que son immobilisme coûte 15 000 000 $ par année aux contribuables du Québec? Et qu'est-ce qu'il entend dire aux travailleurs qui ont accepté d'investir dans l'avenir du chantier en signant un contrat social de longue durée et qui ont la détermination de faire de ce chantier un exemple de réussite et un chantier capable de concurrencer sur la scène internationale?

Le Président: M. le ministre.

M. Paillé: M. le Président, oui, je suis conscient de tout ça. D'ailleurs, les syndiqués ont accepté ce contrat social, c'était un des éléments du plan d'affaires; deuxièmement, en termes d'immobilisme, M. le Président, je pense qu'on n'a pas de leçons à recevoir des gens d'en face et, troisièmement, M. le Président...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Paillé: ...au lieu d'investir dans un plan d'affaires dont on n'était pas certain de la capacité de rendre profitable ce chantier maritime, je tiens juste à préciser que le modèle du chantier maritime MIL Davie que l'on nous donnait a fait faillite récemment.

Donc, c'est très important pour nous d'être certains que le modèle suivi sera le bon, et je suis convaincu, et le député d'Outremont le sait très bien, que, lorsque l'on va avoir un partenaire privé qui va y mettre ses propres sommes, on est plus convaincus que ça va réussir que si c'est le gouvernement qui, à grands frais, modernise un chantier, puis se rend compte qu'il s'est trompé.

Le Président: M. le député d'Outremont, toujours en complémentaire.

M. Tremblay: Comment se fait-il, M. le Président, que le député de Lévis et ministre de l'Éducation est devenu muet dans ce dossier? Comment se fait-il que le président de la CSN, M. Gérald Larose, ne dit plus rien? Et comment le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie pourra-t-il justifier à ses collègues et à la population du Québec des pertes potentielles de 200 000 000 $, alors que son gouvernement effectue des coupures en éducation, en santé et à l'aide sociale?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Paillé: M. le Président, le député d'Outremont tire encore des chiffres à travers son chapeau: 200 000 000 $ ici, 200 000 000 $ là. M. le Président, le député d'Outremont sait très bien qu'il vaut mieux investir de l'argent dans le chantier maritime avec un partenaire privé et être certain de la pérennité de ce chantier-là plutôt que de faire comme ils ont fait, tirer de l'argent par les fenêtres, par les hublots, si on peut prendre cette expression-là, puis de se rendre compte après que ça ne marche pas. Un gouvernement n'est pas, M. le Président, le meilleur organisme pour gérer un chantier maritime, il doit s'associer avec des partenaires.

(10 h 30)

Concernant le député de Lévis, concernant le président de la CSN, ces gens-là sont parfaitement au courant de ce que l'on fait, et c'est pour ça qu'ils sont heureux de ce que l'on fait.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question principale.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!


Informations à la disposition du Conseil du trésor lors de l'autorisation de contrats octroyés sans appels d'offres par le Secrétariat à la restructuration

M. Bordeleau: Dans son rapport d'enquête, le Vérificateur général souligne le recours fréquent à des autorisations demandées par le Secrétariat à la restructuration pour procéder sans appels d'offres, et il indique ce qui suit: À huit reprises, les travaux ont été entrepris avant même leur autorisation et signature des contrats par le Conseil du trésor. Huit fournisseurs ont été payés sur la base d'informations incomplètes quant au temps travaillé et à la nature des travaux effectués. Cinq fournisseurs ont été payés pour des travaux non réalisés. Quatre contrats de fourniture de support technique ont été entrepris sans analyse préalable et sans définition des tâches.

La semaine dernière, M. le Président, le ministre de la Sécurité publique indiquait à mon collègue, le député de Frontenac, qu'il n'avait pas lu tous les documents qui lui étaient soumis en tant que membre du Conseil du trésor, documents demandant explicitement des autorisations de dérogation. Il faut s'interroger sérieusement sur cette façon d'assumer les responsabilités d'un membre du Conseil du trésor.

Ma question, M. le Président: Est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, membre du Conseil du trésor, peut nous dire s'il a lu les documents présentés relatifs aux études référendaires avant d'autoriser les dérogations et permettre de procéder sans appels d'offres?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

M. Paillé: M. le Président, comme membre du Conseil du trésor, on a eu... À la séance régulière, les membres du Conseil du trésor, on est généralement mis en face des projets spéciaux et des projets qui sont discutés à cinq. Il est de règle générale que le président du Conseil du trésor règle, comme le diraient l'actuelle ministre des Finances et l'actuel président du Conseil du trésor, les dossiers réguliers en séance entre le président du Conseil du trésor et les fonctionnaires du Conseil du trésor. C'est de cette nature-là que ces dossiers ont été présentés, et, comme membre du Conseil du trésor, à une séance régulière, on n'a pas eu, de mémoire, de dossier présenté.

Le 12 juillet, j'ai présidé le Conseil du trésor en l'absence de la présidente du Conseil du trésor et du vice-président d'alors du Conseil du trésor. Il y a eu cinq dossiers présentés, et, à titre de président du Conseil du trésor par intérim, je les ai refusés.

Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question complémentaire.

M. Bordeleau: Oui, une question complémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre de l'Environnement, également membre du Conseil du trésor, peut nous dire, pour sa part, si, lui, il a lu les documents présentés concernant les études référendaires avant d'autoriser les dérogations et de procéder sans appels d'offres?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Brassard: M. le Président, je ne répéterai pas ce qui a été dit, là, sur la façon de procéder. Mais c'est clair qu'à titre de président du Conseil du trésor j'ai toujours en main toutes les analyses...

Une voix: À titre de membre.

M. Brassard: ...à titre de membre du Conseil du trésor, je les ai eues en main.

Le Président: M. le député de l'Acadie, toujours en complémentaire.

M. Bordeleau: Oui, en complémentaire, M. le Président. C'est beau d'avoir en main les documents, mais est-ce que le ministre des Transports de l'époque et alors vice-président du Conseil du trésor, aujourd'hui président, peut nous dire s'il a pris le temps de lire, lui, les documents présentés concernant les études référendaires du Secrétariat à la restructuration avant d'autoriser les dérogations et de procéder sans appels d'offres?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Oui, M. le Président, et je suis solidaire de la décision de mes collègues.

Je dirai une chose, c'est que les procédures qui ont été utilisées, encore une fois, lors de l'attribution de ces contrats sont des procédures prévues dans la législation. Donc, elles sont légales. Les dérogations sont prévues dans la législation, comme les ratifications. C'est prévu. Vous le savez, l'opposition le sait très bien, parce qu'à de multiples reprises, durant trois ans, ils les ont utilisées, ces procédures. Je donne un exemple. Dans le comté de Vaudreuil-Soulanges, il y a eu un contrat de 3 000 000 $ accordé par le ministère des Transports sur un bout d'autoroute, à l'effet que l'on ferait faire cette route en ciment plutôt qu'en asphalte, ce qui fait que les coûts sont supérieurs. Or, la procédure implique que l'on aille au plus bas. Sauf que, pour une question d'expérience, de recherche, de développement, on a fait une dérogation. C'est bien. Et vous voyez à quoi servent les dérogations.

M. le Président, ce que je veux dire, c'est que les dérogations sont des procédures prévues dans la loi, compte tenu des plaidoyers qui sont faits, compte tenu des circonstances, des décisions politiques que l'on prend. Et c'est cela administrer correctement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en question complémentaire.

M. Paradis: Oui, en question principale, M. le Président.

Le Président: En principale.


Refus par le Conseil du trésor de certains contrats octroyés sans appels d'offres par le Secrétariat à la restructuration

M. Paradis: Est-ce que le président du Conseil du trésor, suite à la réponse qu'il vient de donner en cette Chambre, peut nous indiquer s'il est solidaire du ministre de la Sécurité publique, qui n'a pas lu les dossiers, s'il est solidaire du ministre de l'Environnement, qui nous dit qu'il les avait en sa possession mais ne nous a pas indiqué s'il en avait pris connaissance ou non, s'il est solidaire de l'ancienne présidente du Conseil du trésor, qui a accepté des dérogations, ou s'il est solidaire du ministre de l'Industrie et du Commerce, qui agissait ès qualités de président du Conseil du trésor, le 12 juillet dernier, et qui a refusé cinq des dossiers?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, les procédures ont été respectées en tout point. Tout le monde sait que, lors de réunions, il y a des membres qui sont absents, il y a des membres qui, oui, dis-je, sont absents, en particulier le 12 juillet...

Le Président: À l'ordre!

M. Léonard: ...au moment où j'étais en vacances. Je n'ai pas participé à la décision, sauf qu'étant membre du Conseil du trésor je fais confiance aussi à mes collègues, même si je suis absent. C'est ça le principe de la solidarité. Parce que, au fond, un Conseil des ministres fonctionne sur la base de la confiance envers ses collègues. Et c'est comme cela que l'on fait. Alors, M. le Président, oui, je suis solidaire de mes collègues et j'assume mes responsabilités.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis, pour une question principale.

M. Chagnon: Complémentaire, M. le Président.

Le Président: Complémentaire.

M. Chagnon: M. le Président, le président du Conseil du trésor ne se rend-t-il pas compte qu'une dérogation est une exception? Elle existe dans la loi sur l'administration publique, mais ça demeure une exception. Mais, quand on est rendu à la huitième exception pour le même dossier, il y a un problème. Ce n'est plus une lumière jaune, c'est une lumière rouge qu'il faut mettre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le président du Conseil du trésor. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! J'aimerais qu'on garde le silence, s'il vous plaît. J'ai constaté que certains collègues avaient de la difficulté à entendre les réponses, alors je souhaiterais qu'on baisse le ton. M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, oui, les dérogations sont des exceptions, mais elles sont prévues dans la législation. Et on me souligne que, par exemple, à l'éducation, pour l'admission à l'élémentaire, l'ancien ministre de l'Éducation, en tout cas, de l'autre côté de la Chambre, on avait produit 10 000 dérogations, d'un coup.

Mais, M. le Président, j'ai établi hier les raisons pour lesquelles il y avait eu un certain nombre de dérogations pour le Secrétariat à la restructuration, et, effectivement, il a été plaidé urgence, mais les conditions générales auxquelles ces contrats avaient été consentis étaient raisonnables.

(10 h 40)

Il est sûr que, lorsque l'on réduit, lorsqu'on accélère les procédures, on donne plus de marge aux décideurs qui sont impliqués, c'est évident. Il y a des risques qui sont pris, et on voit ce qui s'est passé, finalement. Mais, là, la responsabilité n'est pas au Conseil du trésor, dans ce cas-là, parce qu'il a agi correctement. Mais je voudrais quand même, puisqu'on...

Le Président: Brièvement, M. le président.

M. Léonard: ...essaie d'établir ou de faire des procès, en quelque sorte, dire une chose, rappeler, à la page 161 du rapport du Vérificateur, ce qui s'est passé, le texte du mandat qui avait été accordé ou qui était imposé à la Société québécoise des transports dans l'affaire du 20e Congrès mondial de la route, qui, soit dit en passant, après qu'on ait eu mis de l'ordre là-dedans, a été un succès...

Le Président: En conclusion.

M. Léonard: ...où les paiements exigibles ont dû l'être sur réception des recommandations de paiement plutôt que sur présentation de factures, ce qui explique ce qui s'est passé là, M. le Président. Ça veut dire qu'on payait seulement sur des recommandations, sans voir les factures. Ça, c'était signé par l'actuel député de Saint-Laurent, ancien ministre des Transports. Ça, c'est quelque chose qui est à côté de la «traque».

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis, pour une question complémentaire.

M. Chagnon: Oui, M. le Président, j'attends que l'ordre soit replacé.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis, vous avez tout à fait le droit d'intervenir sur une question de règlement. Si vous voulez le faire maintenant, je vous invite à le faire.

M. Chagnon: M. le Président, vous étiez debout. M. le Président...

Le Président: Alors, donc, vous y allez avec votre question complémentaire? Allez-y.

M. Chagnon: M. le Président, les suggestions de dérogation qu'a faites le député de Joliette sont tout à fait loufoques. Par contre, on aimerait savoir, M. le Président, si les cinq dérogations qu'a refusées le ministre de l'Industrie et du Commerce, en sa qualité de président du Conseil du trésor, le 12 juillet, ont été éventuellement acceptées au Conseil du trésor.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je ne veux pas entrer sur chacun de ces contrats, mais ces trois contrats ont été acceptés par la suite, avec des explications, et je crois qu'il y a eu des corrections, mais je n'en...

Une voix: ...à la baisse.

M. Léonard: Il y a eu, oui, des corrections à ces contrats. Alors, nous en sommes là.

M. le Président, encore une fois, les dérogations sont utilisées entre systèmes. Par exemple, puisqu'on posait la question, on référait au ministère de l'Industrie et du Commerce, ou au ministre de l'Industrie et du Commerce, il y a quelqu'un, de l'autre côté de la Chambre, qui en a passé, des articles 7, qui sont des dérogations à la loi sur le ministère, pour 1 000 000 000 $. Excusez du peu, M. le Président. Alors, en face, on pourra dire n'importe quoi, mais qu'on explique ça aussi.

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour une question principale.

M. Fournier: Principale, M. le Président.

Le Président: En principale.


Rencontre du 1er juin 1995 entre le secrétaire général du Conseil exécutif et certains membres du Secrétariat à la restructuration

M. Fournier: Mercredi dernier, le 6 décembre, Louis Bernard, sous-ministre du premier ministre, à l'époque, écrivait au Vérificateur général pour l'inciter à clarifier un élément du dossier, à savoir: Le sujet de la réunion du 1er juin était-il, oui ou non, Claude Lafrance? Or, le lendemain, M. le Président, le 7 décembre, le Vérificateur répond de façon catégorique, et je cite: «En effet, les comptes rendus des entrevues que nous avons menées auprès de vous – en parlant de Louis Bernard – et de chacune des personnes qui se sont déplacées pour vous exposer la situation étayent clairement notre commentaire. De plus, selon le témoignage de ces même personnes, elles vous auraient alors remis de la documentation à l'appui de leurs déclarations.»

M. le Président, le premier ministre, qui a pris connaissance du rapport du Vérificateur et de la correspondance entre celui-ci et Louis Bernard, peut-il nous dire s'il a cherché, depuis, en vertu de sa responsabilité ministérielle, à connaître les versions des autres personnes ayant assisté à cette rencontre, dont, notamment, la version de Me Jacques Bellemare, congédié de la Restructuration mais récupéré en septembre à la Sécurité publique?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, M. le Président, je ne me prends pas pour le Vérificateur général. On a demandé au Vérificateur général de faire enquête, c'est ce qu'il fait. Je ne vais pas essayer de le remplacer. D'autre part, je félicite le député de Châteauguay sur son aptitude à bien lire les textes que j'ai déposés en Chambre hier. Avec ces textes-là, il a tout ce que je sais. Je n'ai rien d'autre que ça. J'ai indiqué ce que je savais, j'ai déposé les textes à cet effet, puis, voilà, on est tous maintenant logés à la même enseigne, puis on attend ce que l'enquête du Vérificateur général va révéler.

Le Président: M. le député de Châteauguay, en complémentaire.

M. Fournier: Oui. D'abord, M. le Président, est-ce que le premier ministre ne comprend pas que, le rapport du Vérificateur que nous citons et dont nous parlons, il existe. Nous ne parlons pas du prochain rapport du Vérificateur, nous parlons du rapport qui existe, qui a été déposé et qui fait état de ces faits troublants. Je demande au premier ministre, non pas d'en attendre un autre du Vérificateur, de le lire ce rapport et de prendre sur sa responsabilité ministérielle le fardeau et l'obligation d'aller voir ce qui en est. Est-ce que le premier ministre compte aller chercher, notamment chez Me Jacques Bellemare, ces informations?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Non, M. le Président. Compte tenu du premier rapport du Vérificateur, j'ai trouvé ça suffisamment sérieux pour faire accepter par le Conseil des ministres un nouveau mandat plus large, qui va couvrir non seulement quelques contrats, mais l'ensemble des contrats, où le Vérificateur général aura à rencontrer, à faire témoigner toute une série de gens, dont, j'en suis certain, M. Bellemare. Mais je ne vais pas chercher à faire ce travail-là à sa place. Il va nous faire des recommandations, le Vérificateur général, puis on va faire en sorte que ces recommandations aboutissent. Nous en sommes rendus au point, à l'heure actuelle, où il faut laisser le Vérificateur général faire son travail. Je ne vais pas, à partir de son premier rapport, commencer moi-même à aller interroger des témoins, ce n'est pas ça que je dois faire. Je dois donner au Vérificateur général tous les instruments nécessaires à son enquête; c'est ce qu'il a.

Le Président: M. le député de Châteauguay, toujours en complémentaire.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Le premier ministre peut-il nous dire comment on peut ne pas croire le Vérificateur, dont le ministre de la Sécurité publique a chanté les louanges comme enquêteur dans cette affaire, et comment ne pas croire Me Jacques Bellemare, qui a une connaissance personnelle des faits et dont la crédibilité ne peut être mise en doute, surtout lorsqu'on se rappelle ce que le ministre de la Sécurité publique disait de lui le 16 septembre 1995: «C'est un éminent juriste, doté d'une expérience des enquêtes sur les institutions publiques secouées par le scandale»? Comment le premier ministre peut-il ne pas voir la vérité, si ce n'est que de faire de l'aveuglement volontaire?

Une voix: Ah!

Le Président: M. le député de Châteauguay, je pense qu'à ce moment-ci on impute, à ce moment-là, des motifs qu'on peut qualifier d'indignes à M. le premier ministre, et j'aimerais que vous retiriez vos paroles, s'il vous plaît.

M. Fournier: Je veux bien les retirer, M. le Président, tout en notant que le premier ministre demeure impassible.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je connais aussi Me Jacques Bellemare depuis très longtemps. Je connais sa réputation et je sais à quel point cette réputation est très connue. Cela étant dit, ce n'est pas parce que Me Jacques Bellemare est effectivement un avocat de premier ordre que je dois aller le faire témoigner. Dans mon poste, il y a des gens qui vont parler de ça avec Me Bellemare et avec une foule d'autres gens qui relèvent du Vérificateur général qui a un rapport à présenter. Tout doit être, en principe, si je comprends bien, colligé avant Noël, et le rapport doit être publié au milieu de janvier. Moi, à partir de là, je n'ai rien d'autre à ajouter. Ce que je sais de tout ça, je l'ai mis sur la table, et nos amis d'en face, comme bien d'autres gens, ont pu prendre connaissance de cela.

Le Président: M. le député de Frontenac, pour une question principale?

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, principale ou additionnelle.

Le Président: Mais, enfin!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Principale.

(10 h 50)

Le Président: En principale.


Congédiement de M. Jacques Bellemare du Secrétariat à la restructuration

M. Lefebvre: En principale. Il n'y a pas de préambule. M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut nous dire si, à un moment ou l'autre, en 1995, son ami et ancien professeur de droit criminel, Me Bellemare, lui a parlé de cette affaire, de ce qui se passait, en tout ou en partie, au ministère de la Restructuration et pourquoi il avait été remercié de ses services par l'ex-ministre Le Hir lui-même, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Certainement, je peux vous le dire facilement. Non, il ne m'en a pas parlé, mais j'ai compris, lorsque j'ai été le consulter dans une autre affaire, qu'il n'était pas à l'aise, en tout cas que ça ne marchait pas avec M. Le Hir et que probablement, pour des raisons que je ne comprenais pas et desquelles je ne me suis pas enquis parce que j'étais bien plus préoccupé par le problème sur lequel je le consultais, qui avait trait, à ce moment-là, à la lutte des motards criminalisés, aux déclarations de M. Rivest, aux attitudes que je pouvais prendre, à ce que je pouvais dire, à ce que je devais faire, et ainsi de suite, que je me suis concentré sur les consultations que j'ai faites.

Maintenant, je suis obligé... Je ne sais pas pourquoi vous nous citez toujours aussi mal. Je n'ai pas dit que je n'avais pas lu les documents, j'ai dit – pardon, M. le Président – que je ne les avais pas vus passer. Parce que, dans les masses de documents qu'on reçoit, surtout dans un domaine avec lequel on n'est pas familier, il y a des choses qu'on lit et qui n'attirent pas notre attention, à moins qu'il n'y ait une raison. Moi, des dérogations, au début, j'en ai vu passer. J'ai eu des explications que c'était normal qu'on en soit saisi, que c'est nous qui décidions de ça et qu'il y avait de bonnes raisons. Alors, celle-là, elle ne m'a pas frappé quand je l'ai vue, si je l'ai lue. Et, à l'époque, je vous assure qu'on recevait des dossiers d'une épaisseur terrible, hein. Le lundi après-midi, pendant qu'on est au bureau de comté et qu'on a à peu près juste le lundi soir pour le préparer parce que c'est le lendemain... Alors, quand on n'est pas familier dans un domaine, c'est sûr qu'il y a des affaires qui passent devant nous et qu'on ne remarque pas.

Ensuite de ça, vous parlez de mon ami, Jacques Bellemare, tout le temps. Je n'ai jamais pensé à l'appeler comme ça. J'ai expliqué, Jacques Bellemare, c'est d'abord un professeur de droit criminel qui m'a enseigné, que j'ai énormément respecté. C'est un symbole d'intégrité dans la profession juridique, d'une très grande compétence et c'est pourquoi... Et il est généreux de ses conseils, même à l'égard de ses anciens étudiants, quel que soit... Parce que je l'ai déjà consulté comme avocat. Dans une situation très, très tendue, j'ai été le consulter, le plus rapidement possible, pour mes problèmes. C'est là que j'ai senti qu'il semblait y avoir un malaise entre lui et M. Le Hir. Mais ça, Me Bellemare a déjà eu de gros conflits avec Claude Wagner; ça ne veut pas dire que Claude Wagner était malhonnête pour ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, brièvement rappeler le premier alinéa de l'article 35, à l'effet que le député qui a la parole ne peut désigner un député autrement que par son titre. Il faudrait s'en rappeler. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Est-ce que le ministre de la Sécurité publique pourrait me dire à partir de quoi il a senti...

Des voix: Ah!

M. Lefebvre: ...de ses conversations avec Me Bellemare que ça n'allait pas entre Me Bellemare et l'ex-ministre Le Hir, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président, on n'est pas à la période du test de l'odorat, on est à une période des questions. Il n'est pas question d'avis ou de sentiment. On pose des questions directes...

Une voix: Ah oui!

M. Chevrette: ...pour avoir une information directe. En vertu de 77, c'est très clair. Et le leader adjoint, qui a été leader adjoint du gouvernement, devrait en savoir quelque chose, l'article 77 est très clair.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! En effet, je pense que le contenu de l'article 77 est assez clair là-dessus. Je vous prierais, peut-être, d'être plus précis dans votre question, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: M. le Président, la question est très simple: Est-ce que je peux savoir du ministre de la Sécurité publique ce que Jacques Bellemare lui a dit en regard de Richard Le Hir qui lui indiquait, à lui, le ministre de la Sécurité publique, que ça n'allait pas à la Restructuration?

Une voix: Ah!

M. Lefebvre: Est-ce que le ministre a compris pourquoi son ami Jacques Bellemare avait été congédié par Le Hir? C'est ça, la question, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je rappelle, encore une fois, l'obligation que nous avons de désigner les membres de cette Chambre par leur titre. M. le ministre.

M. Ménard: Je ne sais pas pourquoi vous hurlez de cette façon-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre!

M. Ménard: Franchement!

Une voix: Au loup, au loup!

M. Ménard: Je m'en vais consulter Me Bellemare, nous examinons des solutions. Je comprends, à un moment donné, qu'il sera peut-être plus libre que je le pense, mais je suis surtout, là, préoccupé par la crise que j'ai à la Sûreté du Québec, et avec les luttes au crime organisé, et à ce que je dois faire. Lui a déjà été l'avocat de l'APPQ et puis a déjà... en tout cas, a eu des mandats à la Sûreté du Québec, etc. C'est de ça que je suis préoccupé. Et, à part de ça, je ne me souviens pas d'avoir compris qu'il avait été congédié.

Mais je me souviens que Me Bellemare, par exemple, je vous le rappelle, dans son passé, il a quitté la couronne provinciale parce qu'il n'était pas d'accord avec Claude Wagner. Claude Wagner a peut-être bien des défauts, mais je pense qu'il a toujours été reconnu comme un homme d'une très grande intégrité.

Je ne peux pas penser que, si M. Bellemare ne s'entend plus avec M. Le Hir, il y a un problème de malhonnêteté. Mais il ne m'a pas dit pourquoi. On s'est concentrés sur le sujet sur lequel je voulais le consulter, et j'ai vu plus tard qu'effectivement il était libre, et, quand j'ai vu qu'il était libre, j'étais heureux de pouvoir lui confier un mandat extrêmement important pour l'avenir des corps policiers du Québec et pour la crédibilité des enquêtes faites dans les crimes majeurs.

Le Président: M. le député de Frontenac, en complémentaire toujours.

M. Lefebvre: M. le Président, ce que je veux savoir du ministre: Est-ce que M. Bellemare, qu'il connaissait bien, lui a donné des explications, des raisons, ne serait-ce que partielles, M. le Président, sur, entre autres, pourquoi il avait été congédié et qu'il était disponible pour prendre la responsabilité que lui, le ministre, lui a confiée, M. le Président, de présider un groupe d'étude sur les méthodes d'enquêtes policières? Partiellement, totalement, est-ce que le ministre a eu des explications, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Au moment où je l'ai rencontré, il n'était pas congédié et il n'avait pas démissionné. Mais j'ai su par les journaux ensuite qu'il était libre, et c'est ensuite que... Et, à part de ça, la situation avait évolué. À l'époque où j'ai été le rencontrer, on ne pensait pas au comité Bellemare. C'est par la suite que j'ai élaboré ça avec mes fonctionnaires, et, quand on a cherché le candidat idéal pour présider ce comité très important, les fonctionnaires, je pense même que c'est eux-mêmes qui m'ont suggéré Me Bellemare. Et là j'ai constaté qu'il était libre, et on n'a pas parlé des conflits qu'il avait avec M. Le Hir.

Mais, en tout cas, ça ne m'étonne pas, je dirais, qu'il y ait des conflits de personnalités entre le député d'Iberville et Me Bellemare. Je veux dire, je n'ai jamais pu penser que c'était une question de conflit d'intérêts ou de malhonnêteté. On peut être en désaccord avec un collègue avec beaucoup de respect, on est souvent en désaccord des deux côtés de la Chambre...

Le Président: En conclusion.

M. Ménard: ...tout en respectant l'intégrité, en reconnaissant l'intégrité des personnes avec lesquelles on est en désaccord.

Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question principale.


Engagement de M. France Maltais au Secrétariat à la restructuration

M. Bordeleau: Principale, M. le Président. Le 7 mars dernier, le Secrétariat à la restructuration embauchait M. France Maltais, en lui octroyant un contrat de plus de 64 000 $, approuvé toujours en dérogation et sans appel d'offres par le Conseil du trésor, procédure exceptionnelle devenue la règle courante dans ce qu'il est convenu d'appeler la filière des contrats référendaires.

Dans ce contexte, il faut rappeler que M. France Maltais travaillait, jusqu'à son embauche en dérogation à Québec, comme attaché politique du Bloc québécois à Ottawa. M. Gilbert Charland, chef de cabinet de M. Lucien Bouchard, serait intervenu personnellement auprès de M. Jean Royer, directeur de cabinet du premier ministre, et du sous-ministre du premier ministre, M. Louis Bernard, afin que M. Maltais soit engagé pour assurer le suivi des études sur la défense nationale québécoise.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

(11 heures)

M. Bordeleau: Ma question, M. le Président: Est-ce que la présidente du Conseil du trésor, à l'époque du ministère de la Restructuration, peut nous confirmer l'intervention de M. Charland, l'engagement par dérogation de M. Maltais et nous expliquer, enfin, les raisons justifiant encore une fois l'absence d'appel d'offres dans l'embauche de M. France Maltais, ex-attaché politique du Bloc québécois et ami personnel de M. Gilbert Charland, chef du cabinet de M. Lucien Bouchard?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je cherche ce qu'il y a de répréhensible dans ce que dit le député. C'est tout à fait normal qu'à un moment donné il y ait des consultations, surtout si je m'en tiens au sujet de ces études qui, je crois, concernaient la défense nationale. Mais, M. le Président, je ne veux pas entrer dans chacun de ces cas, parce que c'est le Vérificateur général qui est en train de le faire.

En ce qui concerne les procédures, les procédures ont été suivies. Le Conseil du trésor et son Secrétariat ont agi selon les règles de l'art et, donc, pour ce qui est de nous, nous avons fait notre travail, avec mes collègues, avec le Secrétariat, et, s'il y a des choses qui se sont passées avant ou qui se sont déroulées après, le Vérificateur général nous en fera part lors de son rapport, au mois de janvier, et puis tout le monde pourra le lire. On le déposera, je suppose, en Chambre. Ce sera rendu public, comme il l'a dit, tout le monde pourra le lire. Mais nous nous en tenons au plaidoyer général qui a été fait en ce qui concerne ces contrats: nous étions en situation d'urgence. C'est ce qui a été plaidé, je l'ai établi hier, et chacun de ces contrats a été établi selon des normes, des conditions qui étaient acceptables.

Le Président: En conclusion.

M. Léonard: Le Conseil du trésor a fait correctement son travail.

Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question complémentaire.

M. Bordeleau: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale.


Contrats attribués sans appels d'offres à la firme Marcon inc.

M. Bordeleau: Hier, j'ai questionné la ministre des Finances actuelle et présidente du Conseil du trésor de l'époque sur les trois contrats attribués en dérogation à la firme Marcon inc. pour un total de 373 000 $, dont plus de 188 000 $ ont déjà été effectivement payés. Rappelons ici que toutes ces études portaient sur la défense nationale et l'armée d'un Québec souverain. Dans son rapport d'enquête, le Vérificateur général mentionnait d'ailleurs que les honoraires des professionnels ayant travaillé dans le cadre de ces contrats dépassaient le maximum autorisé par le Conseil du trésor.

Jusqu'ici, malgré les questions de l'opposition officielle, on ne sait toujours pas pourquoi ces contrats ont été attribués en dérogation des procédures normales. Pour un gouvernement qui se drape à grands coups de discours du lien de confiance et de la transparence...

M. Chevrette: En principale?

Le Président: M. le leader du gouvernement. S'il vous plaît! M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Je disais donc: Pour un gouvernement qui se drape à grands coups de discours du lien de la confiance et de la transparence, la lumière est loin d'être faite, et les ministres responsables de ces décisions refusent, par leurs réponses évasives, de répondre de leur gestion face à la population, ici, à l'Assemblée nationale.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

M. Bordeleau: Ma question: Est-ce que la présidente du Conseil du trésor de l'époque peut nous dire si les contrats à Marcon inc. ont été attribués sans appels d'offres parce que M. Gilbert Charland, directeur du cabinet du chef du Bloc québécois, M. Lucien Bouchard, serait intervenu auprès de M. Louis Bernard ou de M. France Maltais en faveur de Pierre Ducharme, président de Marcon inc., mais également ami personnel de M. Charland?

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président, en vertu de nos règlements, est-ce que le premier ministre pourrait corriger une fausseté qui a été dite en cette Chambre à la question préalable? Parce qu'on vient d'avoir l'information...

Le Président: Il sera toujours... À l'ordre! Il sera toujours possible de venir en complément de réponse, selon ce qui est prévu à notre règlement, à moins qu'il y ait consentement à ce moment-ci. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, conformément à la règle, M. le premier ministre aura tout le loisir, suite à la période des questions, d'apporter les éclaircissements qu'il juge appropriés.

Le Président: Alors, nous y reviendrons après la période de questions.

M. Léonard: M. le Président...

Le Président: M. le président du Conseil du trésor. À l'ordre!

M. Léonard: M. le Président, je répète...

M. Paradis: Question de règlement.

M. Chevrette: Il n'y a pas de question de règlement, n'importe qui...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, strictement. Les questions sont adressées à Mme la ministre des Finances. Elle a occupé la fonction de présidente du Conseil du trésor à l'époque, elle est la mieux capable de répondre aux questions. D'ailleurs, la semaine dernière, elle a accepté de répondre à des questions en cette Chambre. Pourquoi, cette semaine, refuse-t-elle?

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur cette question de règlement.

M. Chevrette: M. le Président, le leader du gouvernement s'est levé je ne sais pas combien de fois le temps qu'il a occupé mon siège pour dire que ça ne regardait pas l'opposition, que c'est lui qui devait répondre à une question. Les questions leur appartiennent, les réponses nous appartiennent, et le président du Conseil du trésor va y répondre.

Le Président: Je pense qu'en l'espèce ces choses sont claires effectivement. Même si la question s'adresse à une personne en particulier, elle s'adresse au gouvernement. M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, qu'on se rappelle que le gouvernement a été élu le 12 septembre 1994 et que, considérant le contexte d'urgence, le Conseil du trésor a fait son travail, puisque nous prévoyions, à l'époque surtout, faire le référendum au printemps. Le gouvernement a donc choisi d'accélérer les procédures en n'allant pas en appels d'offres, ce qui est son droit, ce qui est son droit. C'est tout à fait légitime de le faire comme cela, et ces études qui portaient sur différents sujets étaient un engagement du gouvernement. Elles devaient être réalisées avant le référendum, donc dans des délais extrêmement courts. C'est pour ça que ce plaidoyer a été un plaidoyer, je pense, tout à fait acceptable, compte tenu des circonstances. Et, moi, je pense qu'il s'agissait de respecter la volonté politique d'un engagement formel auprès de la population du Québec. Les conditions ont été respectées.

Quant à Marcon ou aux études de Marcon, il s'agissait d'un dossier qui portait sur la défense nationale. Puis, si je comprends, même M. Maltais est quelqu'un qui est un spécialiste concernant les affaires de défense.

Le Président: À l'ordre!

M. Léonard: Je voudrais répondre d'ailleurs, apporter un complément à la question du député de Châteauguay, hier, qui...

Le Président: En terminant.

M. Léonard: ...nous demandait...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Bon. À ce moment-ci, de toute façon, M. le président du Conseil du trésor, on a déjà dépassé largement le temps imparti pour une réponse. À ce moment-ci, c'est la fin de la période de questions et de réponses orales. Et je cède la parole, tel que convenu, à M. le premier ministre pour un complément de réponse.

M. Parizeau: M. le Président, on vient d'affirmer en cette Chambre que M. Gilbert Charland était intervenu auprès de M. Jean Royer pour appuyer la candidature, je suppose, de M. France Maltais.

Une voix: France Maltais.

M. Parizeau: Euh! Depuis que ces paroles ont été dites, j'ai reçu un message de M. Royer qui me dit que jamais M. Charland n'a soulevé la question de M. France Maltais avec lui. Je me lève pour corriger ça, pas parce que ça a une importance particulièrement grande, mais simplement pour mettre en garde contre ces ragots qui, maintenant, circulent, où on lance à peu près n'importe quel nom en essayant de voir si, de l'autre côté, c'est-à-dire du nôtre, on va réagir. Il ne faut pas mordre à l'hameçon du ragot. Il faut laisser le Vérificateur général faire son travail.

Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question complémentaire.

M. Bordeleau: Oui, complémentaire, M. le Président. Au moment où j'ai posé la question, j'ai fait référence au fait que M. Charland avait communiqué soit avec M. Royer ou avec M. Bernard. Est-ce que le premier ministre peut nous dire maintenant s'il y a effectivement eu contact entre M. Charland et le sous-ministre, M. Bernard?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Parizeau: Il va encore à la pêche, le député de l'Acadie. Laissons donc le Vérificateur général faire son travail.

(11 h 10)


Réponses différées


Rôle de M. Éric Hubar Meunier dans le processus d'acheminement au Conseil du trésor des demandes relatives aux études du Secrétariat à la restructuration

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous en sommes toujours aux réponses différées. Mme la ministre des Finances répondra maintenant à une question posée le 11 décembre 1995 par M. le député de l'Acadie concernant le rôle de M. Meunier dans le processus d'acheminement des demandes au Conseil du trésor relativement aux études du ministère de la Restructuration. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, j'ai pris effectivement avis de la question hier et je veux maintenant y répondre. Elle concernait un employé de mon cabinet, M. Éric Meunier. L'attitude du député de l'Acadie est très pernicieuse...

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, nous prenons simplement, M. le Président, acte du fait que M. Meunier, qui travaillait chez M. Le Hir, est passé de chez M. Le Hir au bureau de Mme la ministre des Finances. Maintenant, le langage utilisé par Mme la ministre au début de sa réponse est complètement inacceptable. Nous tenons compte des aveux. Quant aux autres propos, elle devrait les retirer, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: En quoi c'était un appel au règlement, M. le Président? Il s'est permis, au début de toute sa plaidoirie, d'accuser puis de dire qu'il y avait des aveux. Qu'est-ce qui est pernicieux? C'est son attitude et sa propre parole.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme la ministre, je pense qu'effectivement... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Pontiac, sur une question de règlement?

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Vous avez entendu les paroles du leader. Comment ça se fait que, dans son cas, vous ne lui demandez pas de retirer ses paroles?

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'indique aux membres de cette Chambre que la présidence n'a pas juridiction sur des propos tenus privément entre les membres de cette Chambre. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ce que certains membres de cette Chambre appellent souvent, à tort d'ailleurs, la jurisprudence, mais les précédents en cette Chambre sont très clairs là-dessus. Le président n'a pas juridiction sur des propos tenus entre les membres de cette Assemblée. Il peut intervenir – attention! attention! – si de tels propos peuvent perturber les travaux de la Chambre... À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

J'en appelle à votre attention, s'il vous plaît, à une question de règlement tout à fait légitime que pose le député de Pontiac. J'essaie, très correctement, d'apporter une réponse de façon à ce que l'ensemble de l'Assemblée puisse être éclairée des règles qui s'appliquent en la circonstance. Alors, je vous demande simplement d'être attentifs, effectivement, aux indications de la présidence à ce moment-ci.

Il est très clair que des propos tenus entre deux députés alors qu'ils n'ont pas la parole sont considérés comme des propos tenus privément, et le Président peut intervenir si de tels propos sont nuisibles à l'ordre dans l'Assemblée et non pas parce que des propos auraient pu être tenus qui seraient non parlementaires.

Alors, à ce moment-ci, nous revenons à la réponse de Mme la ministre des Finances, et je lui demanderais, effectivement, de bien vouloir retirer ses paroles.

Mme Marois: Je n'ai aucun problème, M. le Président...

Le Président: À l'ordre!

Mme Marois: ...à retirer le mot «pernicieux», pour dire que cela est cependant très inquiétant. En effet, condamner par association, juger sans procès, je fais remarquer que c'est très grave, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président...

Mme Marois: Alors, vous allez me permettre...

M. Paradis: M. le Président, vous laissez passer ça?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, si ces propos sont admissibles, M. le Président, considérez qu'ils ne feront pas jurisprudence mais qu'ils servent présentement de précédent.

M. Chevrette: M. le Président, qu'un ministre considère que des propos sont inquiétants, c'est tout à fait juste, on a le droit, dans les réponses. On ne vous pose pas de question de règlement chaque fois qu'on se lève puis qu'on reçoit des accusations, on serait debout à journée longue, il n'y aurait pas de question, M. le Président. Qu'un ministre dise que c'est inquiétant, oui, c'est inquiétant, M. le Président, et très inquiétant, à part ça.

Le Président: Alors, Mme la ministre... À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la ministre, je vous inviterais à poursuivre, s'il vous plaît.

Mme Marois: Certainement, M. le Président. Je déposerais d'abord une première pièce au dossier, soit le curriculum vitae de M. Éric Meunier. On constatera la qualité de sa formation ainsi que son expérience. Je connais, et je disais cela hier, M. Meunier depuis la dernière semaine du référendum, soit depuis la fin octobre, il y a sept semaines exactement. En effet, dans le cadre de la préparation d'un débat, M. Meunier m'a fourni des études, des documents, comme membre d'un comité de contenu du Oui. J'ai été particulièrement satisfaite de la qualité du travail, de sa capacité de synthèse et de l'exactitude de ses données.

Lorsque le premier ministre me confie la responsabilité de ministre des Finances, je demande des références sur M. Meunier auprès de M. Hubert Thibault, qui, on le sait, a travaillé sur le contenu de certaines études, et auprès de collègues de travail que je connais qui ont été, avec M. Meunier, associés à des analyses. J'apprends, à ce moment-là, M. le Président, qu'il a été membre du cabinet de la Restructuration. Je lui fais une proposition de travail qu'il accepte.

Je dépose donc une deuxième pièce au dossier que nos amis d'en face pourront scruter, analyser, tout y est d'une parfaite transparence. Je rappelle trois faits de ce dossier et de ce document que je dépose. Effectivement, le nom de M. Meunier apparaît à titre de témoin pour un contrat signé entre M. Lafrance, de Solin, et l'Association des manufacturiers du Québec pour un projet subventionné, d'ailleurs, par le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie de l'ancien gouvernement. Il a procédé à cette signature à titre de directeur de la recherche et de l'analyse.

Le Président: En conclusion.

Mme Marois: À la signature du contrat, M. Lafrance était absent, ce qui explique que M. Meunier a agi à titre de témoin. Il n'a jamais négocié ni discuté du contrat.

Deuxième élément...

Le Président: Brièvement, s'il vous plaît.

Mme Marois: M. le Président, je termine. Deuxième élément. M. Meunier a travaillé sur les études gouvernementales internes: dédoublement, restructuration et contenu des autres études de la Restructuration. Il n'a jamais, jamais, ni de près ni de loin, M. le Président, traité, parlé, téléphoné à des gens du Secrétariat du Conseil du trésor ni du cabinet de la présidente du Conseil du trésor. Il n'avait aucune responsabilité à l'égard du cheminement de documents ou de dossiers au Conseil du trésor.

Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question complémentaire.

M. Bordeleau: Oui. Est-ce que la ministre peut nous dire si...

M. Chevrette: Un instant! Est-ce qu'il y a consentement, M. le Président...


Documents déposés

Le Président: Excusez-moi, oui, vous avez raison. Il y a eu une demande de dépôt pour deux documents, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de ces documents? Consentement. Ces documents sont déposés.

M. le député de l'Acadie, vous avez la parole pour une question complémentaire.

(11 h 20)

M. Bordeleau: Oui. Est-ce que la ministre peut nous dire si M. Meunier n'a pas, au sein du cabinet du ministre Le Hir, travaillé au niveau des recommandations concernant les contrats attribués à Solin? Il faut aussi se rappeler que M. Meunier – comme vous l'avez mentionné – à titre de directeur de la recherche, avait déjà, au moment où il était à l'Association des manufacturiers du Québec, appuyé les demandes formulées par la firme de M. Lafrance, la Société conseil Solin inc.

Le Président: Mme la ministre des Finances.

Mme Marois: C'est justement à cela, M. le Président, que je faisais référence quand je disais que les propos du député de l'Acadie étaient inquiétants et condamnaient par association et jugeaient sans procès. Jamais M. Meunier n'a eu à procéder à des analyses de contrats financiers ou à des recommandations puisqu'il était sur le contenu des recherches, M. le Président, et non sur la négociation de contrats.

Le Président: Alors, il n'y a pas de votes reportés.

Nous en venons aux motions sans préavis. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Je solliciterais le consentement de l'Assemblée pour déposer la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec, à la veille de la rencontre des ministres des Finances, réitère sa vive opposition aux coupures prévues par le gouvernement fédéral pour 1996-1997 dans les paiements de transfert appelés transfert social canadien et demande à la ministre des Finances de faire valoir les positions de consensus du Québec en réclamant de son vis-à-vis fédéral le rapatriement de tous les points d'impôt correspondants, notamment ceux versés en matière d'enseignement postsecondaire.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. On sait qu'on est à la dernière semaine, potentiellement, des travaux de cette Chambre et que j'ai l'obligation de planifier. J'en appelle aux deux formations politiques. Moi, je suis prêt à donner mon consentement pour autant que ce soit le proposeur et un de chaque côté.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, quant à la forme, la proposition du leader du gouvernement nous agrée. Quant au fond de la motion, de façon à la clarifier, si le député de Rivière-du-Loup acceptait un texte qui rejoint les mêmes préoccupations mais nous apparaît plus clair, il y aurait consentement. Et le texte se lirait comme suit, M. le Président:

«Que l'Assemblée nationale, à la veille de la rencontre des ministres des Finances, réitère son intérêt à prendre part aux rencontres fédérales-provinciales définissant les principes et le fonctionnement du transfert social canadien entré en vigueur en 1996-1997 et demande à la ministre des Finances d'y défendre les principes d'équité sociale faisant consensus au Québec, notamment en matière de santé, d'éducation et de sécurité du revenu.» S'il y avait consentement...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, ce que le leader de l'opposition vient de proposer, ça va à l'encontre des jeunes libéraux, qui sont d'accord exactement avec la proposition du député de Rivière-du-Loup. Et, deuxièmement, leur attitude confirme très bien, M. le Président, que non seulement ils veulent être à genoux, mais qu'ils veulent...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À ce moment-ci, nous sommes devant une motion, une proposition de motion telle que proposée par M. le député de Rivière-du-Loup. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Bien, M. le Président, si la motion, telle que suggérée par le leader de l'opposition officielle, est d'abord contraire à ce qui a été voté par leur propre parti l'hiver dernier et défendu par le député de Verdun, et surtout si c'était pour affaiblir les...

Le Président: Donc, je vous rappelle que nous sommes devant une proposition de motion telle que – à l'ordre – lue par le député de Rivière-du-Loup. À ce moment-ci, est-ce qu'il y a consentement pour débattre? Il n'y a pas consentement. Nous sommes toujours aux motions sans préavis. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre afin de débattre la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale accepte unanimement et respecte les résultats...» Est-ce qu'on peut avoir l'ordre, M. le Président, s'il vous plaît? Je répète:

«Que l'Assemblée nationale accepte unanimement et respecte les résultats du référendum du 30 octobre dernier en réponse à la question suivante, qui a été rejetée démocratiquement: "Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995?"»

Le Président: À l'ordre! Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader du gouvernement?

M. Chevrette: M. le Président, hier, je disais, à cette motion, qu'ils me faisaient penser à des petits gars qui voulaient conjurer le sort, en passant devant un cimetière, parce qu'ils avaient peur. S'ils ne sont pas convaincus qu'ils ont gagné le référendum et s'ils veulent continuer à se gratter le bobo, on vous prédit tout de suite que ça sera non, jusqu'à la fin.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, simplement rappeler, M. le Président, à mon bon ami, le leader du gouvernement, que vous avez, en cette journée même, déposé vous-même à l'Assemblée nationale le résultat du référendum tel que le Directeur général des élections du Québec vous l'a acheminé. Il serait, à ce moment-ci, approprié – c'est le meilleur timing, si vous me prêtez l'expression, pour profiter de l'occasion – que l'Assemblée nationale prenne acte de ce verdict de la population.

Sur le plan de la forme, j'offre également au leader du gouvernement – ayant déjà occupé ces fonctions, je suis conscient, là, du calendrier qui le préoccupe – de limiter nos échanges à une intervention de chaque côté, ou, au pis aller, M. le Président, s'ils n'ont rien à dire, l'adopter sans débat comme tel, de façon que cette Assemblée reconnaisse le choix du peuple québécois.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, nous avons pris acte du dépôt du rapport qui confirme que les libéraux ont gagné, mais qu'ils ne sont pas sûrs...

Le Président: Alors, je comprends qu'il n'y a pas consentement. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci. M. le Président, je sollicite le consentement...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Ça fait deux, trois fois, là, que des gens réclament l'ordre dans cette Chambre. Je pense que, effectivement, il y a un problème aujourd'hui. Je ne sais pas si on annonce une tempête, mais je souhaiterais, effectivement, qu'on garde le silence. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement qu'il reconduise immédiatement le budget du Programme d'aide à l'amélioration du réseau routier local, facteur majeur de développement économique pour les régions du Québec.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement?

M. Chevrette: Non, M. le Président.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement.

Nous en venons aux avis touchant...

Mme la ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, vous avez la parole, sur une motion sans préavis.

Mme Beaudoin: Oui. Je sollicite, M. le Président, le consentement de la Chambre pour la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale du Québec dénonce les propos du premier ministre du Canada à l'effet que le gouvernement fédéral puisse s'arroger le droit de contrôler une question référendaire et ainsi se substituer à l'Assemblée nationale et, en conséquence, qu'elle réitère le droit inaliénable des Québécois et des Québécoises de déterminer leur avenir politique et constitutionnel.»

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Pour que les choses se déroulent dans l'ordre, M. le Président, vous conviendrez – tout le monde en conviendra – qu'il aurait été préférable, dans un premier temps, que l'Assemblée nationale prenne acte du résultat du dernier référendum.

Dans un deuxième temps, me serait-il permis de proposer à Mme la ministre le texte suivant, qui va dans le même sens et qui se lirait comme suit: «Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit du peuple québécois de décider seul de son avenir, droit que par ailleurs les Québécois ont exercé le 20 mai 1980, le 26 octobre 1992 et le 30 octobre 1995.»?

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, quel astucieux!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bon, alors, je vous rappelle que nous sommes... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement... Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion de madame...

Non, nous sommes devant une motion qui a été...

Je viens... Un instant! Je rappelle... Un instant!

Oui, je vous reconnais sur une question de règlement, dès après que j'aurai indiqué une chose. Nous sommes devant une proposition de motion telle que libellée par ce que nous a présenté tout à l'heure Mme la ministre et non pas devant une proposition amendée. M. le leader.

(11 h 30)

M. Chevrette: M. le Président, je vais vous poser une question de règlement, et j'ose espérer que ce sera la dernière sur le sujet. En vertu de nos règlements, quand quelqu'un fait une motion, à moins que ce soit un objet négociable où on pourrait se retirer et négocier, ce n'est pas sur le plancher de l'Assemblée nationale qu'on se met à négocier un consentement. Et vous le savez très bien comme président, M. le Président, on n'a même pas à dire un mot normalement, c'est oui ou c'est non à un consentement. Vous l'avez exprimé, vous avez fait appel aux formations politiques et vous assistez, depuis le début de la période des motions sans préavis, à cette négociation très subtile du député de Brome-Missisquoi, qui en est le maître, de la subtilité, vous le savez, M. le Président, en cette Chambre. Vous acceptez tout ça et vous nous demandez de rester calmes et sereins. M. le Président, voulez-vous appliquer le règlement à la lettre en ce qui regarde les motions sans préavis, s'il vous plaît?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, question de règlement.

M. Paradis: Oui, sur la question de règlement comme telle, M. le Président. Je pense que, quant à la lettre et à l'esprit de notre règlement, le leader du gouvernement a parfaitement raison, sauf qu'il est un des premiers en cette Chambre à vous inviter, je ne dirai pas quotidiennement mais à tout le moins hebdomadairement, à tenter de faciliter les consensus entre les deux formations politiques. C'est ce que vous vous êtes efforcé de faire, et il vous en jette le blâme maintenant. C'est difficile à suivre comme processus, M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, à ce moment-ci, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Il n'y a pas consentement. Alors, M. le leader de l'opposition officielle, toujours aux motions sans préavis.

M. Paradis: Oui, M. le Président, motion sans préavis, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit du peuple québécois de décider seul de son avenir, droit que, par ailleurs, les Québécois ont exercé le 20 mai 1980, le 26 octobre 1992 et le 30 octobre 1995.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader.

M. Chevrette: ...que ce soit un, un, un. Parce que, vous comprenez, à cause des travaux de la Chambre.

Le Président: Alors, je comprends qu'il n'y a pas consentement sous les conditions suggérées.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en venons aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 102, Loi sur l'Agence métropolitaine de transport et modifiant diverses dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Également, j'avise cette Chambre que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 119, Loi modifiant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic et d'autres dispositions législatives, de 11 heures à 13 heures, à la salle du Conseil législatif, c'est-à-dire de 11 h 30, maintenant, M. le Président.

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur les coopératives et d'autres dispositions législatives, de 11 heures à 13 heures, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Alors, nous en venons donc aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je désire répondre, pour ma part, à la question que soulevait hier M. le député de Verdun. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, strictement pour vérifier avec le leader du gouvernement s'il a l'intention – on sait que le gouvernement a déposé des crédits additionnels ce matin – d'appeler ces crédits additionnels pour étude dès aujourd'hui ou demain, de façon que les gens qui ont à se préparer puissent le faire correctement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Le leader de l'opposition sait très bien qu'on a des pourparlers avec ses acolytes pour pouvoir en faire ce soir, avec l'objectif de terminer, toujours, en fin de semaine. Comme ils ont le pouvoir, d'une certaine façon, d'acquiescer ou pas, c'est à lui que je devrais demander la décision sur le plancher, puisqu'il me pose la question. Est-il d'accord à ce qu'on en fasse ce soir?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. C'est accorder beaucoup de pouvoir à la modeste opposition de Sa Majesté. Dans les circonstances, comme nous l'avons toujours fait quand il y va de l'intérêt public, nous accordons notre collaboration au leader du gouvernement; quand c'est à l'encontre de l'intérêt public, comme dans le cas du projet de loi sur l'aide sociale ou possiblement du projet de loi 102, c'est beaucoup plus difficile d'en arriver à des ententes.

Le Président: O.K.

M. Chevrette: Voyez-vous, M. le Président, vous avez un très bel exemple, encore une fois. On pose une question directe sur un consentement pour l'étude des crédits; on est à juger un projet de loi. C'est toujours de même. Comment voulez-vous avoir un certain standard en cette Chambre?

Le Président: Règle générale – à l'ordre! – on peut atteindre ce standard facilement avec la collaboration des deux leaders.

Je désire maintenant répondre à la question que soulevait hier M. le député de Verdun à la suite du dépôt, par M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, des rapports annuels des régies régionales de la santé et des services sociaux. L'article 392 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux fait obligation à l'Assemblée nationale de déférer ces rapports à la commission des affaires sociales, et je cite, «afin qu'elle en fasse l'étude et entende à cette fin chaque régie régionale». Fin de la citation. Par le passé, ce renvoi s'est fait par motion sans préavis du leader du gouvernement. Étant donné que le dépôt des rapports des régies régionales a été effectué hier, M. le leader du gouvernement peut, dès qu'il le jugera opportun, présenter la motion appropriée.

Alors, s'il n'y a pas d'autres demandes de renseignements, nous allons passer aux affaires du jour. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Alors, si je comprends bien, vous statuez, actuellement, que c'est le leader du gouvernement... Est-ce que je peux tout simplement lui poser la question: Quand est-ce qu'il a l'intention de faire cette motion...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gautrin: ...et s'il compte la faire avant l'ajournement de Noël?

M. Chevrette: Bien, je suis heureux d'apprendre que c'est moi qui vais faire les avis. Je peux vous dire que ça va siéger.


Affaires du jour

Le Président: Alors, donc, nous passons aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 8 du feuilleton de ce jour, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 115


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À l'article 8, Mme la ministre de la Sécurité du revenu présente le projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. Nous en sommes à la reprise du débat ajourné le 11 décembre 1995. À ce moment-ci, je serais prêt à donner la parole à un autre intervenant. M. le député de Chomedey, vous avez la parole.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole sur cette importante législation, le projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, Bill 115, An Act to amend the Act respecting income security and other legislative provisions.

Plusieurs personnes, hier soir – parce qu'on a tous été ici jusqu'à 2 heures, ce matin – ont pris la parole sur ce projet de loi qui, comme on le sait tous, concerne certaines modifications que la ministre responsable de la Sécurité du revenu entend apporter à la législation principale dans ce dossier. On se souviendra également que, avant le référendum, notamment, et même avant l'élection générale de 1994, et le programme du Parti québécois et les propos de la ministre responsable étaient très rassurants pour ces gens, dans notre société, qui sont malheureusement contraints de vivre de l'aide sociale. Lors de l'élection de 1994, les propos étaient très rassurants: Il n'y aura pas de coupures; au contraire, ça va aller mieux. Et cela, ça allait dans le droit fil de ce que le Parti québécois avait toujours fait du temps qu'il était dans l'opposition, où il avait notamment combattu à propos de l'égalité des prestations d'aide sociale pour les jeunes. On se souviendra qu'à cette époque-là il y avait des règles voulant qu'une personne en bas d'un certain âge, en bas de 30 ans, reçoive moins de prestations, et cette inéquité – parce que, inéquité, ça l'était – a été vertement dénoncée par l'opposition d'alors, le Parti québécois.

(11 h 40)

Mais, à la veille du référendum, cette conscience sociale voulue du côté du Parti québécois a atteint vraiment son apothéose, parce qu'on a même trouvé des sommes importantes pour faire une publicité, à la télévision et autrement, pour informer la population que non, ce n'était pas vrai, les prestataires d'aide sociale, ce n'étaient pas tous du monde qui profitait du système, c'étaient très souvent des gens qui ne demandaient pas mieux que de travailler, que de retrouver leur dignité. Et, là-dedans, on pouvait donner raison à la ministre de vouloir faire cette partie d'éducation publique. Mais c'est lorsqu'on constate la différence entre le discours du Parti québécois et leurs gestes qu'on est vraiment en droit de se poser des interrogations sérieuses quant à leur capacité de maintenir un discours cohérent et conséquent.

En effet, M. le Président, on a devant nous le résultat de l'incapacité de faire des prévisions budgétaires qui ont de l'allure, du côté ministériel, par la ministre responsable. On se souviendra que, lors de la session du printemps dernier, l'ancien ministre des Finances, M. Bourbeau, député de notre formation politique, avait dit à la ministre qu'elle allait se ramasser avec un trou de 200 000 000 $ dans son budget. Elle était tellement sûre d'avoir raison que, le lendemain, elle a fait sortir un communiqué de presse se moquant de l'ancien ministre des Finances du Québec, lui disant que ça n'avait pas d'allure qu'il dise des choses pareilles, qu'il se trompait carrément dans ses chiffres, que ça n'avait pas de bon sens. L'été est passé, le référendum est terminé, et qu'est-ce qu'on a? On a un trou dans les finances du ministère de la Sécurité publique de l'ordre de 190 000 000 $. Alors, peut-être que c'est pour ça que la ministre trouvait que ça n'avait pas de bon sens de prédire un trou de 200 000 000 $, parce qu'elle savait que le trou n'allait être que de 190 000 000 $.

Mais, soyons sérieux, M. le Président, elle savait à l'époque que ses chiffres ne tenaient pas. Les analyses serrées qui ont été effectuées lors de la défense de ses crédits ont permis de le démontrer sans l'ombre d'un doute, et elle a persisté. Persisté pourquoi? On le comprend mieux lorsqu'on voit le discours tenu par le Parti québécois à l'égard des assistés sociaux à l'aube du référendum, où ils ont réussi à trouver des sommes importantes pour venir revaloriser un peu leur image d'eux-mêmes et dire au public qu'il ne fallait pas tous les prendre pour des tricheurs, des gens qui voulaient profiter d'un système qui n'était pas là pour ça. Mais, dès le référendum terminé, là, le couperet tombe, et on apprend par tous les exemples que ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne a fournis ici, dans cette Chambre, qu'il va y avoir des coupures importantes, sérieuses dans cette somme minime qui est accordée pour subvenir aux besoins de ces gens qui sont dans la dèche, qui ont des difficultés. Et on apprend par ailleurs que ces coupures vont affecter en tout premier lieu les plus pauvres parmi les pauvres, c'est-à-dire les femmes, mères de familles monoparentales. Il y a des coupures importantes à ce chapitre-là. Le discours, le programme, les promesses, ça, c'est une chose; la dure réalité que vont subir les prestataires d'aide sociale, c'est autre chose.

M. le Président, le 1er décembre 1988, il y a environ sept ans, la ministre actuelle, critique de l'opposition d'alors – et sans doute future critique de l'opposition en la matière bientôt, je l'espère – a eu ceci à dire dans cette Chambre, et je la cite: M. le Président, lorsqu'un gouvernement, un parti, quel qu'il soit, fait de la démagogie pour s'attirer des votes, mais surtout quand il le fait sur le dos des plus démunis, des plus fragiles et de ceux qui sont très crédules, je pense particulièrement aux jeunes, je trouve ça profondément méprisable. Ce sont les termes propres de la ministre, M. le Président, la ministre qui, rappelons-le, a combattu avec ses collègues pour s'assurer que les jeunes reçoivent le même traitement en matière d'aide sociale que les autres personnes.

Aujourd'hui, sept ans plus tard, qu'est-ce qu'on relit, aujourd'hui, dans deux journaux? Dans Le Devoir : «40 % des jeunes prestataires de 1983 touchent encore de l'aide sociale», une longue analyse de la situation, une indication que l'on va commencer, à nouveau, à traiter les jeunes d'une manière différente. Dans La Presse : «Les jeunes boutés hors de l'aide sociale», avec l'indication suivante: «Le gouvernement Parizeau va resserrer l'accès à l'aide sociale pour les jeunes de moins de 30 ans qui comptent pour le tiers des bénéficiaires. Avant d'être acceptés, les jeunes devront désormais prouver qu'ils ont sérieusement cherché du travail.»

Ça, on sait tous, M. le Président, que, en matière de rédaction législative, c'est le genre d'imprécision qui ne serait jamais acceptée. Il faut savoir, par contre, que c'est le reflet de l'intention de la ministre, qu'ils aient cherché sérieusement du travail. Si l'économie allait mieux, s'il y avait du travail pour ces jeunes, si on ne connaissait pas, dans un domaine qui est de notre compétence... Parce que c'est une chose de toujours dire que le trouble, c'est chez le voisin, mais, dans une compétence propre au Québec, l'éducation, c'est une réalité qu'on accuse un taux de décrochage absolument inacceptable, un des plus élevés en Amérique du Nord.

Alors, qu'est-ce que la ministre dit, celle-là même qui a tenu ce beau discours disant qu'il ne fallait pas traiter les jeunes différemment des autres, que lorsqu'on était dans le besoin, on était dans le besoin, et ce n'était pas une question d'âge? Maintenant, elle annonce son intention de demander que les jeunes cherchent sérieusement du travail. Je pense que les jeunes seraient en droit de demander à la ministre de faire sérieusement son travail de gestion de son ministère, et peut-être qu'à ce moment-là on ne serait pas en train de parler de couper les vivres des plus démunis de notre société, M. le Président.

Plusieurs de mes collègues ont fait référence au fait qu'un des aspects les plus odieux de ce projet de loi est le fait qu'on va demander aux nouveaux prestataires de montrer que leurs avoirs liquides, dans des termes clairs, leur argent à la banque, c'est zéro. Plusieurs de mes collègues ont fait la démonstration qu'il s'agit là d'une mesure qui vise à priver ces gens-là de la moindre possibilité d'avoir des réserves, une manière de pallier aux difficultés de la vie. Rappelons qu'il ne s'agit presque jamais de personnes qui ont une carte de crédit ou des choses comme ça, auxquelles elles peuvent faire appel en cas de difficulté. On disait: S'il y a un besoin soudain en matière vestimentaire pour les enfants ou une panne d'un électroménager, qu'est-ce qu'on va demander à ces gens-là s'ils vivent avec ces subventions qui sont de l'aide sociale et qu'ils vivent au jour le jour?

Mais il y a un autre aspect de ça qu'il ne faut pas perdre de vue non plus, bien sûr, comme plusieurs collègues l'ont fait remarquer, c'est une invitation – ce n'est pas juste une incitation, c'est une invitation – à frauder le système et à sortir son argent de la banque et à dire qu'il n'y en a pas. Ça, c'est l'enfance de l'art et c'est une proposition tellement naïve que celle de dire que les petites sommes qu'on avait le droit d'avoir à la banque et quand même toucher de l'aide sociale, on n'aura plus le droit... C'est tellement naïf de penser que les gens allant pour demander de l'aide sociale vont laisser de l'argent à la banque que ça défie toute description. Ça ne se comprend même pas.

(11 h 50)

Mais il y a un autre aspect inquiétant de cette proposition-là qui n'a pas été relevé jusqu'alors, et c'est le fait que ces gens-là, justement, parce qu'ils sont dans le besoin, ils sont un peu prévoyants, ils ont réussi à mettre un petit peu d'argent de côté... Qu'est-ce qu'ils vont faire? S'ils savent qu'ils vont le perdre, que ça va être coupé directement s'ils le gardent à la banque, ils vont le garder chez eux. C'est une évidence. Et ça va créer des problèmes de plus pour la sécurité de ces personnes-là. Parce qu'une personne, justement, qui est dans le besoin, souvent, ça va être des gens seuls, des personnes âgées ou peu importe... Il va se savoir que, pour accéder à l'aide sociale, on doit déclarer qu'on n'a pas d'argent à la banque et qu'il y a de fortes chances que ces gens-là aient du liquide chez eux. Et vous allez voir, M. le Président. Je suis désolé d'être sûr que cette mesure-là va amener des problèmes de sécurité pour ces gens-là, comme s'ils n'avaient pas déjà assez de problèmes comme ça dans la vie, surtout avec les coupures qu'on est en train de proposer ici.

On a toujours cette tendance de dire, effectivement, qu'il faut resserrer le système parce qu'il y a les gens qui fraudent. Si on était capable de s'occuper plus des réelles questions qui intéressent notre société: la création d'emplois, enlever le gouvernement du dos des gens, faire en sorte que ceux et celles qui savent créer des emplois, c'est-à-dire les entrepreneurs, le secteur privé, aient les mains moins attachées que par le nombre de règles qu'on a aujourd'hui, eh bien, peut-être que cette discussion aurait lieu dans un tout autre contexte, M. le Président. Parce que que demande un jeune de 25 ans, aujourd'hui, qui a fini ses études, admettons, mais qui ne trouve pas de débouché? Il dit: Je veux juste travailler; je veux vivre le rêve nord-américain, je veux avoir une famille, un peu de stabilité, un peu de certitude économique et sociale. Je veux pouvoir élever une famille en toute quiétude. Je ne veux plus vivre ces moments d'angoisse et de difficulté qui sont imposés par un contexte social et économique extrêmement difficile.

Et qu'est-ce qu'on a, de l'autre côté de la Chambre? On a un gouvernement qui, dans son référendum, a dépensé 88 000 000 $ juste dans le préréférendaire, en la préparation du référendum: les études de Richard Le Hir, les consultations régionales, les «partys» au 1080, avenue des Braves, et un autre 55 000 000 $, obligatoirement, dépensé pour le référendum en tant que tel. On parle d'au-dessus de 130 000 000 $ de fonds publics mis sur l'aventure séparatiste; résultat, on coupe dans l'aide sociale. Mais c'est assez inouï, M. le Président. La témérité de l'autre côté de la Chambre ne connaît vraiment pas de bornes, car on a eu droit à une intervention du premier ministre du Québec. Celui même qui a invité des milliers de personnes à faire le «party» au 1080, avenue des Braves ne s'occupe plus beaucoup des gens au «1080, avenue des Pauvres». Il les invite, il dépense des sommes importantes de l'argent du public pour faire le «party», et, quand les gens lui disent: Écoutez, qu'est-ce que c'est que cette histoire-là? Vous coupez maintenant dans l'aide sociale? il a le front, la témérité de dire à la population: Eh bien, oui, mais ce n'est pas notre faute. Comme toujours, c'est la faute du fédéral parce que c'est eux autres qui sont en train de couper, et, si ce n'était pas pour le fait que vous avez voté non au référendum, bien, on n'aurait pas à couper l'aide sociale.

Il faut le faire, M. le Président. Ils n'étaient pas capables, avec les millions et les millions et les millions qu'ils ont dépensés pour les études de Richard Le Hir, de prouver de quelque manière que ce soit, même en torturant les chiffres, en les tordant de toutes les manières, ils n'étaient pas capables de prouver leur thèse principale à l'effet que la souveraineté du Québec apporterait des économies. Mais ce n'est pas grave. Maintenant qu'ils ont perdu le référendum et que le peuple du Québec a dit non à leur option, ils se lèvent et ils blâment les victimes. Ça, c'est un nouveau discours qu'on entend malheureusement de plus en plus souvent de ce côté-là de la Chambre, la tendance à blâmer les victimes de leur incurie et de leur incompétence, et on le voit encore une fois ici, dans le domaine de l'aide sociale. Ça prend une témérité indescriptible pour se lever et blâmer les prestataires de l'aide sociale pour les coupures qu'ils sont en train de subir, comme si l'exercice démocratique en question et son résultat étaient en quelque sorte leur faute et qu'ils devaient payer pour maintenant. Ce sont soi-disant des sociaux-démocrates, M. le Président. On les a entendus se gargariser de belles phrases issues directement des années soixante: «Le coeur à l'ouvrage». Qu'est-ce qu'on fait dans la réalité, dès le référendum fini? On le voit ici aujourd'hui.

Mais un des aspects les plus préoccupants du projet de loi n° 115 se retrouve à son article 15 qui va introduire un article 65.1 dans la loi et qui prévoit que le ministre peut prendre entente avec un ministère ou un organisme du gouvernement ou d'un autre gouvernement pour recueillir ou communiquer un renseignement nominatif nécessaire à l'application de la présente loi et de ses règlements. Depuis l'adoption, il y a une quinzaine d'années, de notre loi sur la protection des renseignements privés, on a compris que, dans le monde, aujourd'hui, avec les moyens de communication de plus en plus sophistiqués, c'était devenu important de garantir aux gens un minimum de vie privée. Ce que l'on retrouve à l'article 15 du projet de loi, c'est le futur tel que prédit par George Orwell. C'est des fichiers, le recoupage d'informations nominatives, autant d'exemples de choses qui vont dorénavant être permises et qui ont toujours été décriées par les péquistes lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Et je tiens à rappeler, pour celles et ceux qui ont pu l'oublier, que c'est un gouvernement du Parti québécois – et il avait raison de le faire – qui a introduit notre législation pour protéger les renseignements privés. L'article 15 porte une brèche énorme dans ces garanties-là, et c'est très préoccupant.

J'ai entendu les péquistes, hier soir encore, parler, se gargariser des boubous macoutes, parce qu'on utilisait un système comme celui qui existait aux États-Unis pour aller vérifier si, effectivement, les gens étaient là, si c'était vrai, leurs conditions de vie et tout ça. On a, à l'article 15, une indication de ce que ça va être, les Blackburn macoutes. On se rend compte que, à l'ère informatique, on est en train de nous préparer un recoupement, une collection de fichiers qui vont venir couper dans ce droit fondamental d'avoir un minimum de vie privée, et on le fait justement aux dépens de cette législation importante introduite par le gouvernement péquiste il y a une quinzaine d'années.

Les coupures proposées affectent les plus démunis de notre société. Il n'y a pas de raison d'introduire des mesures comme celles prévues à l'article 15 et qui vont anéantir des garanties importantes en matière de protection de la vie privée et des renseignements nominatifs. Le gouvernement, comme d'habitude, n'est pas capable de faire la démonstration de la nécessité de cette législation, et c'est pour ça et surtout pour défendre les droits sociaux de celles et ceux qui ne sont pas responsables de notre situation économique que nous allons voter contre le projet de loi n° 115 avec fierté et conviction, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je voudrais juste rappeler aux membres de cette Chambre que, quand on désigne une formation, ici, politique, on doit soit la désigner comme étant l'opposition officielle ou étant le parti ministériel. Alors, j'aimerais tout simplement rappeler cette chose à l'ensemble de nos parlementaires.

Alors, je suis maintenant prêt à céder la parole à Mme la députée de La Pinière. À vous la parole, Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Permettez-moi, à cette étape de l'adoption du principe, d'intervenir sur le projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. L'une des tendances lourdes qui se dessinent à l'horizon de cette fin de siècle est sans conteste le phénomène de l'étalement de la carte de la pauvreté, l'étalement dans le temps, dans l'espace et en termes démographiques. Le climat d'incertitude politique qui perdure depuis des mois a aggravé la crise économique qui affecte sévèrement les moins bien nantis de notre société, ce qui a pour effet d'accroître les poches de pauvreté et de renvoyer des milliers de travailleurs et travailleuses sur le chômage.

(12 heures)

La pauvreté, M. le Président, ne se mesure pas seulement en termes statistiques, elle a un visage, un visage humain. Elle frappe indistinctement les jeunes comme les aînés, en passant par les adultes et plus particulièrement les familles monoparentales. La pauvreté se lit dans le regard de centaines d'enfants qui arrivent à l'école le ventre creux et qui ne peuvent pas se concentrer sur leurs études. Elle fait des ravages chez nos jeunes, qui n'ont même pas de quoi remplir les tablettes de leur frigidaire. Et que dire de ces banques alimentaires qui se multiplient un peu partout et qui ne parviennent pas à répondre aux besoins d'une clientèle sans cesse croissante?

Le 3 décembre dernier, j'ai pris part à la guignolée dans mon comté, La Pinière, et j'ai rencontré de nombreux citoyens préoccupés par ce phénomène d'exclusion, qui s'inquiètent du fait que le gouvernement péquiste a gaspillé, dans la période préréférendaire et référendaire, plus de 130 000 000 $ dans la promotion de son option souverainiste, alors que des milliers de jeunes attendent qu'on leur donne la chance de se trouver un emploi ou de bénéficier d'un programme de formation professionnelle qualifiante.

M. le Président, le manque à gagner de 137 000 000 $ annoncé par la ministre de la Sécurité du revenu le 24 novembre 1995 n'a rien de surprenant quand on connaît les largesses consenties par ce gouvernement aux organismes sociaux et communautaires à la veille du référendum. On le sait, la ministre de la Sécurité du revenu a manqué de rigueur dans la gestion des fonds publics pour ne pas s'aliéner les prestataires du bien-être social et les groupes qui oeuvrent auprès de ces différentes clientèles lors du référendum.

Le projet de loi n° 115 est la preuve tangible de cette improvisation, puisque, selon les rapports de vérification du ministère, environ 300 000 000 $ par année ont été versés en trop et sans droit aux prestataires de la sécurité du revenu, en date du 28 mars 1994. Ces sources indiquent également que 95 % des sommes ainsi versées étaient attribuables à de la fraude due à des fausses déclarations de prestataires. Le précédent gouvernement libéral avait mis en place des mesures de contrôle permettant d'enrayer ces abus en exigeant des prestataires de se déplacer en personne pour réclamer leur chèque mensuel. La ministre de la Sécurité du revenu a décidé d'abolir cette mesure de contrôle qui permettait pourtant de faire des économies tout en éliminant la fraude.

À ce moment précis où l'assainissement des finances publiques s'impose comme un impératif incontournable, le laxisme dont a fait preuve la ministre de la Sécurité du revenu n'a rien de rassurant. De plus, les coupures annoncées en catastrophe sont loin de répondre au principe de l'équité. Au contraire, leur impact se fera sentir davantage auprès des personnes les plus démunies, et plus particulièrement les jeunes et les familles monoparentales.

Si la ministre avait poursuivi l'oeuvre du précédent gouvernement en respectant la règle de la rigueur budgétaire, le déficit du ministère aurait été moins grand. Par conséquent, les compressions budgétaires auraient été moins drastiques et leur impact sur les bénéficiaires moins pénalisant. Dans ce sens, le projet de loi n° 115 va à l'encontre de la mission du ministère de la Sécurité du revenu, qui consiste à mettre en place les mesures nécessaires d'employabilité et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

En effet, M. le Président, le ministère de la Sécurité du revenu doit tout faire pour inciter les prestataires à se libérer de leur dépendance financière vis-à-vis de l'État et à retrouver le plus rapidement possible la dignité du travail et la valorisation de soi, d'où l'importance d'investir dans les programmes d'intégration au marché du travail et de développement de l'employabilité, afin d'encourager les bénéficiaires à se valoriser par le travail et par la participation à la vie active.

Or, le projet de loi n° 115, et plus spécifiquement les articles 4 et 7, abolit le barème de disponibilité, une mesure incitative visant à encourager les prestataires de la sécurité du revenu à faire le premier pas vers l'insertion au marché du travail en s'inscrivant et en participant à une mesure d'employabilité dans l'un ou l'autre des programmes destinés à cet effet, ce qui se traduisait concrètement par une allocation supplémentaire de 50 $ par rapport au barème des non-participants. Cette décision de la ministre d'abolir une mesure incitative qui encourageait les prestataires aptes au travail à se trouver un emploi est lourde de conséquences eu égard à l'effet démobilisateur qu'elle aura sur les 50 000 personnes disponibles en attente de se prévaloir d'un programme d'employabilité. Le plus étrange, M. le Président, c'est que le projet de loi n° 115 vient pénaliser, voire décourager les personnes qui font justement les efforts nécessaires pour se sortir de la dépendance vis-à-vis du système.

Un autre aspect troublant dans le projet de loi n° 115 touche précisément l'article 15, par lequel la ministre de la Sécurité du revenu se donne le pouvoir de «recueillir ou communiquer un renseignement nominatif nécessaire à l'application de la présente loi et de ses règlements». En vertu de cet article, «le ministre peut également prendre une telle entente avec le ministère du Développement des Ressources humaines du Canada, ainsi qu'avec les ministères et organismes suivants du gouvernement du Québec: le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, le ministère des Affaires internationales, le ministère du Revenu, le ministère de la Sécurité publique, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec».

«Le ministre peut, aux fins d'identifier des personnes visées par une entente mentionnée au présent article, communiquer leur nom, date de naissance, sexe, adresse, numéro d'assurance-maladie, numéro d'assurance sociale et numéro de dossier.»

À sa face même, cet article 15 vient limiter les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels et va à l'encontre de la loi d'accès à l'information et du respect de la confidentialité des données nominatives. Pour toutes ces raisons, une consultation générale... remet en question l'un des droits fondamentaux, celui à la vie privée. Il est donc impératif de connaître l'avis de la Commission d'accès à l'information sur cet article 15, d'où l'importance d'avoir une consultation générale à cet effet.

L'article 9 du projet de loi n° 115 prévoit des mesures de contrôle rigoureuses afin de récupérer auprès des garants défaillants les sommes versées aux immigrants parrainés en vertu de la loi sur l'immigration du Québec et dont les garants n'ont pas respecté l'engagement. L'article 9 stipule qu'«une personne ayant souscrit, en vertu de la Loi sur l'immigration au Québec, un engagement d'aider un ressortissant étranger et, le cas échéant, les personnes à charge qui l'accompagnent, à s'établir au Québec doit rembourser le montant des prestations accordées, pendant la durée de cet engagement, à ce ressortissant et aux personnes à charge qui l'accompagnent, lorsque cet engagement y pourvoit. Ces sommes sont recouvrables par le ministre conformément aux dispositions de la présente section».

En tant que porte-parole de l'aile parlementaire libérale en matière d'immigration et de communautés culturelles, je ne peux que souscrire au principe de l'équité que sous-tend cet article du projet de loi n° 115. D'ailleurs, le précédent gouvernement avait procédé à l'évaluation du problème des garants défaillants et des mesures ont été prises pour les responsabiliser, modifier les conditions du contrat de parrainage et resserrer les contrôles quant aux engagements des garants sur le plan financier.

L'article 3.1.1 de la Loi sur l'immigration au Québec prévoit d'ailleurs que, «dans les cas déterminés par règlement, une demande de certificat de sélection doit être appuyée d'un engagement à aider le ressortissant étranger à s'établir au Québec. La demande d'engagement est présentée par une personne ou un groupe de personnes déterminé par règlement selon les conditions qui y sont prévues. Si, de l'avis du ministre, la personne ou le groupe de personnes satisfait aux conditions déterminées par règlement, l'engagement est souscrit selon les termes déterminés par règlement».

Tout en appuyant la recommandation du Vérificateur général qui consiste à renforcer la procédure de suivi auprès des garants défaillants, j'aimerais apporter une nuance, à l'effet que tous les garants défaillants ne sont pas nécessairement des fraudeurs. En effet, les 5 000 000 $ versés, entre 1987 et 1991, aux personnes parrainées au chapitre de l'aide de dernier recours, conjugués aux 35 % des garants qui se retrouvent, eux-mêmes, sur le bien-être social, est un problème sérieux qui mérite qu'on mette en place des mesures préventives et coercitives pour s'assurer que la loi s'applique également à tous.

(12 h 10)

Cependant, il ne faut pas voir là une situation de fraude généralisée. En effet, M. le Président, un citoyen canadien, de naissance ou d'adoption, peut parrainer un membre de sa famille et se porter garant pour subvenir à ses besoins financiers pendant toute la durée du parrainage. Au moment de signer le contrat de parrainage, le garant représente et présente toutes les garanties nécessaires en termes de capacité financière. Mais, au bout de quelques années, il perd son emploi et se retrouve lui-même sur la sécurité du revenu, entraînant du même coup avec lui la personne parrainée, qui se retrouve bien malgré elle sur le bien-être social. Il faut donc être très prudent et ne pas associer nécessairement, bien que tel pourrait être le cas, tout garant défaillant à un fraudeur.

M. le Président, le projet de loi n° 115 est une pièce législative importante. Elle mérite qu'on s'y attarde et qu'on en analyse les impacts et les conséquences. De nombreux groupes sont intéressés à se faire entendre là-dessus. C'est pourquoi j'invite la ministre à faire une consultation générale et clarifier ainsi les enjeux entourant ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, en vous rappelant, Mme la députée, que vous avez un droit de parole de 20 minutes. À vous la parole.


Mme France Dionne

Mme Dionne: Merci. M. le Président, lorsqu'on m'a demandé d'intervenir sur le projet de loi n° 115, qui vient modifier la Loi sur la sécurité du revenu, j'ai pensé tout de suite à des gens que je rencontre régulièrement dans mon comté. J'ai pensé tout de suite à des gens qui n'ont pas choisi de devenir prestataires de la sécurité du revenu, mais qui, pour subvenir à leurs besoins primaires, n'ont eu d'autre choix.

M. le Président, nous approchons des Fêtes, et la ministre de la Sécurité du revenu a choisi cette période pour faire des économies de bouts de chandelles sur le dos des gens qui, plus souvent qu'autrement, sont acculés au pied du mur. Ils veulent s'en sortir mais ils n'ont pas les outils pour le faire. La ministre de la Sécurité du revenu tente de réaliser des économies, pour combler son manque à gagner de 137 000 000 $, sur le dos des plus démunis. Sa loi ne vient pas donner des outils aux assistés sociaux pour s'en sortir, elle ne vient pas freiner la progression des ménages vivant de l'aide sociale, elle vient tout simplement réduire leurs prestations déjà bien maigres.

M. le Président, la ministre a choisi notamment d'abolir le barème de disponibilité et de couper dans le barème de participation par voie réglementaire. Rappelons que le barème de disponibilité permet aux personnes qui veulent participer à des activités de formation et à des programmes d'emploi d'obtenir 50 $ supplémentaires par mois parce qu'ils sont considérés comme disponibles. Il faut noter que la grande majorité des bénéficiaires sont disponibles. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de place pour eux dans les différents programmes. Ils doivent donc attendre leur tour. En abolissant cette prime de disponibilité, la ministre agit directement sur la motivation des gens qui vivent de l'aide sociale. L'abolition du barème de disponibilité, ça signifie qu'il n'y a plus de distinction entre les gens qui veulent retourner sur le marché du travail et ceux qui n'ont pas d'intérêt et qui ne veulent rien faire pour s'en sortir. Qu'est-ce qu'il faut dire aux citoyens qui viennent demander de l'aide à leur député parce que 50 $ par mois signifie pour eux une semaine d'épicerie?

La ministre prévoit aussi des changements au niveau du barème de participation. En quelques mots, ça veut dire que tous les prestataires qui ont la chance de participer à des mesures de formation et d'intégration à l'emploi voient leur chèque amputé de 30 $ par mois. Ce n'est pas en coupant les chèques des prestataires que la ministre réalisera des économies. À court terme peut-être, mais, comme elle ne prévoit rien pour freiner la croissance des ménages qui vivent de la sécurité du revenu, la ministre ne fait que repousser du revers de la main les problèmes. On sait pourtant aujourd'hui que, pour répondre aux nouvelles réalités du marché du travail, il faut mettre l'accent sur les activités de formation dans le but de développer l'employabilité des personnes vivant de l'aide de dernier recours. M. le Président, les emplois disponibles nécessitent de plus en plus de qualifications, et l'évolution est tellement rapide que même les personnes qui ont déjà un travail doivent recourir à des activités de formation pour se tenir à jour et pour rester compétitives.

M. le Président, pour les personnes vivant de la sécurité du revenu, l'échelon est d'autant plus difficile à gravir qu'ils n'ont pas accès facilement, faute d'argent ou de places disponibles, à des programmes de formation. Ce qui est par-dessus tout très inquiétant de nos jours, c'est de voir des jeunes bourrés de talents, souvent diplôme en poche, qui, après maintes tentatives de se trouver du travail, doivent se tourner vers l'aide sociale, l'aide de dernier recours, pour subvenir à leurs besoins.

M. le Président, comment peut-on reprocher à ces jeunes d'être découragés et de perdre leur motivation, alors qu'ils sont victimes d'un marché de l'emploi saturé et qu'ils ont souvent une formation qui ne correspond pas aux besoins du marché du travail? C'est triste, M. le Président, de voir ce potentiel perdu, et la ministre de la Sécurité du revenu ne fait rien pour inciter les jeunes à persévérer. Au contraire, M. le Président, elle leur enlève le peu de motivation qu'il leur reste en coupant le barème de disponibilité.

M. le Président, il ne faut pas oublier qu'il est très difficile, pour les personnes qui vivent de la sécurité du revenu, de briser le cercle de dépendance et de retrouver la confiance en leurs propres capacités. Je vous rappelle, M. le Président, que la majorité des gens qui vivent de la sécurité du revenu n'ont pas choisi de le faire, et, je le répète, je vois suffisamment de gens, M. le Président, dans mon comté pour le savoir.

De plus, il ne faut surtout pas oublier que les compressions de la ministre pénaliseront aussi sévèrement les familles monoparentales. Un peu bizarre, M. le Président, pour un gouvernement dont les publicités, avant le référendum, disaient qu'il fallait améliorer les conditions économiques et sociales des femmes. Quelle ironie, aujourd'hui, M. le Président, juste avant les Fêtes, juste avant Noël! Le discours a bien changé, seulement quelques semaines après le référendum. Les compressions de la ministre frappent directement les familles monoparentales: 2 500 $ d'économies en avoir liquide, M. le Président, ça veut dire beaucoup pour quelqu'un qui a déjà du mal à rejoindre les deux bouts. Comment peut-on calculer une marge de manoeuvre pour les imprévus? Des bottes, un manteau d'hiver pour les enfants, une alimentation adéquate pour les enfants. Et je vois le ministre de la Santé qui est là, devant nous, qui écoute sérieusement et qui est inquiet pour l'alimentation des jeunes enfants: c'est le début de la vie. Alors, je suis certaine qu'il va nous appuyer dans nos revendications. Je dis une alimentation adéquate pour les enfants, M. le Président, et il le sait, ce n'est pas du luxe, c'est un minimum. Croyez-moi, M. le Président, les gens qui vivent de l'aide de dernier recours reçoivent déjà le minimum.

C'est vrai que, parfois, il y a des abus, mais ça, la ministre a les moyens de faire face à ça et de faire les vérifications nécessaires dans son propre ministère: ça s'appelle de la saine gestion, M. le Président. Toutefois, la ministre de la Sécurité du revenu choisit plutôt de faire payer aux plus démunis de notre société le résultat de son laxisme au niveau de la gestion de son ministère. Je me souviens, M. le Président, lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir, en septembre 1994, la ministre s'est empressée de mettre fin à plusieurs mesures de contrôle, comme la remise des chèques de main à main. Ces contrôles, M. le Président, permettaient de s'assurer que les prestations étaient versées seulement aux personnes qui y avaient droit. Elle a pris d'autres décisions, également, très discutables. Elle a, entre autres, M. le Président, accepté de fonctionner avec une enveloppe budgétaire fermée, autrement dit, M. le Président, une enveloppe qui ne tient pas compte des fluctuations de la clientèle. Aujourd'hui, elle se retrouve dans l'embarras, il faut le dire, puisque, en raison des prévisions de ralentissement économique, il était évident que son enveloppe serait insuffisante pour satisfaire la clientèle grandissante.

Pourtant, M. le Président, lors du dévoilement des crédits budgétaires du gouvernement, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances, mon collègue André Bourbeau, avait prévenu la ministre quant à ses prévisions trop optimistes. Le député de Laporte, M. le Président, avait prévu des dépassements importants dans la sécurité du revenu, notamment en raison de l'augmentation des prestataires. À ce moment, M. le Président, la ministre de la Sécurité du revenu avait banalisé les recommandations de mon collègue, l'accusant même de mentir, M. le Président, de mener une campagne de peur dans cette Chambre.

Aujourd'hui, la ministre tente de nous faire croire qu'elle ne pouvait pas prévoir ce qui pouvait arriver dans la gestion de son ministère. Pourtant, dans le feu de l'action, elle a admis qu'elle savait, depuis juin dernier, qu'il y aurait des dépassements. M. le Président, elle n'a rien fait. Pourquoi elle n'a rien fait en juin dernier, M. le Président? Elle ne voulait tout simplement pas perdre des appuis, c'est clair, à l'approche du référendum. C'était une malheureuse opération de chantage sur le dos des plus démunis. C'est tout à fait irresponsable, à mon avis, d'agir de cette façon-là, d'autant plus que les gens qui sont les plus démunis, ce sont des gens qui en souffrent.

(12 h 20)

Aujourd'hui, la ministre coupe les chèques et, parallèlement, adopte d'autres mesures dont les coûts sont encore indéterminés, mais qui risquent, bien sûr, d'être fort élevés. C'est le cas, par exemple, de l'application des normes minimales du travail pour les prestataires de la sécurité du revenu qui participent au programme EXTRA. Oui, le programme EXTRA, c'est une mesure d'employabilité. Entre autres, ça veut dire que les participants de ce programme toucheront le salaire minimum. Nous ne sommes pas, ici, de ce côté de la Chambre, contre cette mesure, qui était d'ailleurs attendue depuis fort longtemps par les groupes communautaires, nous voulons simplement souligner l'incohérence dont fait preuve la ministre, qui, d'un côté, coupe dans les barèmes de participation et de disponibilité, affectant un très grand nombre de prestataires et, d'autre part, met en place une mesure, pour quelques chanceux, qui entraînera des coûts importants. Cet exemple démontre vraiment à quel point la ministre n'a qu'une vision à court terme. Elle blâme tout le monde pour ses dépassements et pour les dépassements de ses prévisions, mais elle ne regarde même pas dans sa propre cour.

Il ne sert à rien de faire des économies de bouts de chandelles comme la ministre fait avec son projet de loi n° 115. La vraie solution, c'est l'emploi, c'est la réduction du nombre de personnes qui dépendent de l'État pour vivre. En termes simples, le gouvernement doit aider les gens dans le besoin à développer leur employabilité. Il doit contribuer à leur participation aux nouvelles réalités du marché du travail, qui demandent sans cesse plus de qualifications. Parallèlement, il doit favoriser la création d'emplois en créant notamment un climat favorable aux investissements. Et c'est certain que la dernière année ne nous a pas prouvé que le gouvernement était intéressé à ça: il avait d'autres priorités.

Malheureusement, ce n'est pas la façon de faire du gouvernement du Parti québécois. Il est en train de taxer davantage les Québécoises et les Québécois au lieu de couper dans ses dépenses; on le voit avec l'augmentation de la taxe de vente de 1 %. En procédant comme ça, le gouvernement du Parti québécois freine l'activité économique. Il ne faudra pas s'étonner de voir encore augmenter le nombre de bénéficiaires de la sécurité du revenu. Le projet de loi nous démontre à quel point il y a une différence entre le discours et les agissements du gouvernement du Parti québécois. Souvenons-nous de la marche «Du pain et des roses», M. le Président; souvenons-nous des voeux pieux du gouvernement à l'endroit des femmes et des plus démunis de notre société: des grands discours.

En terminant, permettez-moi de vous rappeler que, nous, de l'opposition, nous ne sommes pas contre l'assainissement des finances publiques, au contraire. Nous croyons toutefois sincèrement que le projet de loi de la ministre de la Sécurité du revenu affectera directement les gens les plus pauvres de notre société, et, nous, on est contre ça. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil, en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole maximal de 20 minutes. À vous la parole, M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: M. le Président, à mon tour je me lève pour participer au débat sur la loi n° 115 présentée par la ministre de la Sécurité du revenu et modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, lesquelles dispositions et lequel projet de loi diminueront de façon arbitraire les prestations des personnes assistées sociales, contribuant ainsi à leur appauvrissement, et de leurs conditions de vie qui sont déjà si précaires. De plus, la ministre fait porter l'odieux du déficit sur le dos des citoyens les plus démunis et les plus vulnérables, souvent les moins influents de notre société.

Dans cette condition, n'est pas en cause leur capacité intellectuelle, mais leur capacité financière et économique à contribuer au bien-être de notre société. En effet, l'abolition du barème de disponibilité, barème qui est actuellement versé aux prestataires qui manifestent formellement leur intention de participer à une mesure d'aide ou d'intégration en emploi, qui ne peut leur être offerte immédiatement, faute de places disponibles, connaissant les difficultés du marché de l'emploi actuellement. Par cette coupure, la ministre de la Sécurité du revenu choisit de freiner la motivation des prestataires de la sécurité du revenu et de pénaliser ceux et celles qui font l'effort de s'en sortir afin de pouvoir, un jour, se sortir de l'aide sociale et retourner sur le marché du travail. En fait, ce sont ceux et celles qui ont le coeur de se lever le matin, de se rendre à leur travail et d'aller gagner le pain de leur famille et de leurs enfants.

De plus, parallèlement à cette coupure, la ministre a annoncé également son intention de couper le 30 $ sur le barème de participation. La ministre a donc fait le choix de couper dans toutes les mesures incitatives qui permettent aux prestataires de pouvoir acquérir de la formation, de l'expérience nécessaire pour se trouver un emploi et, ainsi, de sortir de ce fléau qu'est la pauvreté, pauvreté qui affecte un nombre de plus en plus important de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

M. le Président, comme on le sait, le taux de pauvreté au Québec est alarmant, plus particulièrement dans les centres urbains. La dernière récession s'est traduite par un ralentissement économique important qui a provoqué de nombreuses fermetures d'entreprises et d'usines et qui a occasionné, par le fait même, la perte de nombreux emplois, obligeant ainsi de nombreuses personnes, qui avaient toujours été actives sur le marché du travail, à aller frapper à la porte de l'assurance-chômage pour, ensuite, être confinées à aller chercher de l'aide financière au ministère de la Sécurité du revenu.

Oui, M. le Président, hier, le ministre de l'Industrie et du Commerce se vantait d'avoir développé, au cours de l'année, 50 000 nouveaux emplois au Québec. Il oubliait, en même temps, qu'il y avait eu une perte de 40 000 emplois à Montréal, Montréal qui est une ville en perte de vitesse, une ville qui est après se vider et qui est après se charger d'assistés sociaux à cause du manque d'emplois dans son milieu.

D'après le rapport du Conseil national du bien-être social, le Québec est le champion de la pauvreté. Ainsi, 17,6 % des familles québécoises vivent sous le seuil de la pauvreté, comparativement à 14,8 % des familles canadiennes. Le Conseil national du bien-être social note également que l'augmentation du taux de pauvreté est particulièrement alarmant chez les jeunes et chez les jeunes familles. Le rapport conclut que les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres, évidemment.

Oui, par le passé, nous avons tenté de solutionner le problème de nos aînés et nous y sommes, en grande partie, parvenus. Pendant ce temps, on a négligé les jeunes, négligé ceux qui montent dans notre société. Et cette portion de notre population a été la plus touchée au cours de la dernière récession, récession qui, au fond, même si les chiffres nous disent que nous en sommes sortis, n'en finit plus de finir.

En choisissant de couper directement sur le chèque des plus démunis, la ministre a choisi d'accentuer cette pauvreté, pauvreté qui met ainsi en péril le filet de sécurité sociale que s'est donné le Québec au cours des ans. Parce qu'il faut savoir une chose, M. le Président, la clientèle de la sécurité du revenu d'aujourd'hui n'est pas celle que l'on retrouvait dans les années quatre-vingt. En effet, la clientèle est maintenant composée de jeunes, comme je le disais antérieurement, une portion de notre société que nous avons négligée au cours des dernières années, des jeunes qui ne peuvent se trouver d'emploi à cause des difficultés économiques.

(12 h 30)

Ces jeunes sont souvent des jeunes qui sont à la sortie de leurs études, mais aussi des hommes et des femmes qui ont été actifs pendant toute leur vie en ayant un travail rémunérateur et qui, suite à la fermeture de leur entreprise, se retrouvent à l'aide de dernier recours après avoir utilisé leurs prestations d'assurance-chômage. Et cela, ça se retrouve, en particulier, dans certaines régions, Montréal étant celle qui est la plus notable et la plus marquée par les temps qui courent. Aujourd'hui, M. le Président, personne ne peut plus prétendre être à l'abri de se retrouver un jour dans une situation qui les amènera peut-être à l'aide de dernier recours. Personne n'est à l'abri de la perte de son emploi, personne n'est à l'abri de la maladie, personne n'est à l'abri des accidents fortuits qui nous menacent.

Oui, M. le Président, les contribuables du Québec veulent que le gouvernement assainisse les finances publiques, et je suis le premier à admettre que ce n'est pas une tâche facile. Mais, avoir du courage, comme le disait hier le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, avoir du courage, M. le Président, en faisant les bons choix et en faisant les coupures aux bons endroits, non pas sur le dos des plus démunis de notre société, creusant encore ainsi davantage le fossé qui nous sépare... Ça, M. le Président, quand on s'attaque encore une fois aux plus démunis, ce n'est pas avoir du courage, c'est manquer de courage, parce que c'est la chose la plus facile à faire. Depuis plus d'un an et demi, M. le Président, la ministre de la Sécurité du revenu a fait porter le poids de sa mauvaise gestion sur le dos du gouvernement fédéral ou sur le dos de l'ancienne administration, chose très facile. Ce n'est jamais notre faute, c'est toujours la faute des autres. Permettez-moi de préciser, M. le Président, que les impacts découlant des modifications de 1994 à l'assurance-chômage n'étaient pas de 86 000 nouveaux prestataires, comme l'affirmait la ministre, mais bel et bien de 14 700, et ce, d'après les chiffres officiels de son ministère. Encore une fois, elle s'est trompée.

De plus, la ministre a répété à de nombreuses reprises que la réforme de l'assurance-emploi du ministre Axworthy, qui entrera en vigueur le 1er avril 1996, occasionnerait une augmentation de plus de 40 000 ménages à la sécurité du revenu. Il va sans dire, M. le Président, qu'encore une fois ses prévisions se sont avérées fausses, puisqu'une analyse préliminaire du délestage vers l'aide sociale indique qu'il pourrait y avoir une légère augmentation, et, ici, on parle de 1 000 à 3 000 nouveaux prestataires à la sécurité du revenu, non pas de 40 000, comme il était mentionné antérieurement. Et, puisque l'augmentation du nombre de personnes qui auront besoin d'un montant supplémentaire à l'aide sociale en raison de la diminution du taux de prestation devrait être compensée par le nombre égal de personnes qui seront dorénavant admissibles à l'assurance-emploi, donc, ce sera un bilan nul, M. le Président. Dans le pire des scénarios, on peut compter environ 3 000 personnes et, dans le meilleur des scénarios, environ 1 000 personnes de plus à la sécurité du revenu.

Par ailleurs, M. le Président, la ministre de la Sécurité du revenu, en acceptant une enveloppe de gestion budgétaire fermée à l'employabilité, a été obligée de couper dans ses budgets de développement à l'employabilité et d'intégration à l'emploi. Ces décisions vont carrément à l'encontre de toute logique de vouloir réintégrer les prestataires de la sécurité du revenu sur le marché du travail. C'était à nouveau manquer de réalisme de croire qu'en pleine récession le nombre de cas se présentant à l'aide sociale allait ou diminuer ou se maintenir. D'ailleurs, M. le Président, les études du ministère de la Sécurité du revenu prouvent hors de tout doute que les mesures de développement de l'employabilité et d'intégration à l'emploi, au ministère, étaient fort positives et permettaient à un très grand nombre de prestataires de retourner sur le marché du travail et de quitter ainsi la sécurité du revenu.

Permettez-moi ici de citer quelques résultats de ces études et de vous faire connaître les conclusions. Les prestataires qui participent aux programmes tels le Rattrapage scolaire, Stages en milieu de travail, Expérience de travail, Retour aux études postsecondaires pour les chefs de familles monoparentales, Services externes de main-d'oeuvre et Programme d'aide à l'intégration en l'emploi, communément appelé PAIE, s'intègrent davantage à l'emploi comparativement aux prestataires qui ne participent pas aux programmes et qui ont des caractéristiques semblables. Après participation à ces divers programmes, M. le Président, les stagiaires acquièrent des connaissances et des compétences qui leur permettent de quitter la sécurité du revenu et de ne plus y revenir, en maintenant leur emploi grâce aux compétences acquises durant leur stage. La participation à un programme favorise la stabilité sur le marché du travail et assure à la fois les chances de se trouver un emploi et d'y rester, à cet emploi, et d'y rester longtemps, et ce, grâce aux connaissances, aux compétences et à l'expérience acquises. Les personnes participantes sont celles qui prennent le moins de temps pour se trouver un emploi, qui travaillent le plus grand nombre de mois de façon ininterrompue ou continue, et tout cela à cause de ce qu'elles ont acquis dans les différents programmes. Avec ces mesures, la ministre met en danger la qualité de leur intégration en emploi, intégration qui, nous jugions, à ce moment-là, était meilleure grâce à ces différents programmes.

Curieusement, M. le Président, les programmes profitent davantage aux personnes qui possèdent des barrières à l'emploi généralement reconnues tels une longue durée de présence à l'aide sociale et le fait d'être plus âgées et en général sans formation particulière. Ceci constitue un bel exemple que, ces programmes, ça fonctionne, et les programmes de réintégration au travail ont fait leurs preuves. De plus, le taux d'intégration en emploi du programme PAIE est fort éloquent. Parmi les personnes qui ont participé au Programme d'aide à l'intégration en emploi, 70 % d'entre elles ont trouvé un emploi au cours d'une période de 19 mois en moyenne. Après ces 19 mois, 45 % des personnes qui ont participé à ce programme et qui ont eu un emploi travaillent toujours. Donc, le programme n'était pas inutile, mais pas inutile, et, bien au contraire, il a fait ses preuves.

Alors, devant des chiffres aussi éloquents, comment la ministre peut-elle sabrer dans les budgets de l'employabilité et comment peut-elle pénaliser spécifiquement ces personnes qui désirent participer ou qui participent à ces mesures, en coupant de 30 $ sur le barème de participation et en abolissant en même temps le barème de disponibilité, soit de 50 $? Ce n'est pas en appliquant de telles coupures que la ministre fera baisser sa clientèle à la sécurité du revenu, clientèle qui se chiffrera à tout près de 850 000 personnes pour l'année 1996-1997. Les modifications proposées au projet de loi n° 115 ne feront qu'accentuer le cercle vicieux de la pauvreté. Les plus démunis continueront de baisser dans l'échelle économique et les plus riches à s'enrichir. Comment la ministre peut-elle croire qu'en abolissant les mesures incitatives à la sécurité du revenu la clientèle sera plus portée maintenant à acquérir de la formation et de l'expérience? Bien au contraire, moins de personnes retourneront sur le marché du travail et plus de clientèle aboutira à la sécurité du revenu, et à nouveau on entrera dans le cercle vicieux.

Ce projet de loi est le résultat d'une mauvaise gestion dont a fait preuve la ministre de la Sécurité du revenu. Comment accepter qu'on demande aux plus pauvres dans notre société, encore une fois, de se serrer la ceinture parce que la ministre n'a pas été capable de prévoir le déficit budgétaire à la sécurité du revenu? Même que, récemment, elle déposait un autre projet de loi pour refiler son budget sur les médicaments aux personnes sur la sécurité du revenu, de plus de 300 000 000 $, qui est déjà déficitaire de 30 000 000 $ et qu'elle désire refiler au ministère de la Santé et des Services sociaux qui, par ses coupures, manifeste les difficultés que nous avons à gérer de plus en plus les soins de santé et de services sociaux, une autre preuve par là que la ministre nous donne de son incapacité de gérer son ministère.

M. le Président, il existe des moyens de gérer le déficit gouvernemental sans en faire porter le poids sur le dos des plus démunis de notre société. Je ne suis pas en désaccord avec les coupures, mais je suis en désaccord avec la façon de faire que prend la ministre. Ceci me laisse craindre pour l'avenir. La ministre nous manifeste de toute évidence son manque d'empathie, son manque de sympathie à l'égard des gens qui ont des difficultés dans la société, des gens qui ont des problèmes à boucler leur budget, à mettre les deux bouts ensemble.

(12 h 40)

Je vois les gens du parti gouvernemental sourire parce que je parle d'empathie. Peut-être qu'on devrait leur en donner une dose, ils en auraient grandement besoin.

En appliquant les modifications prévues au projet de loi n° 115, la ministre privera les gens de moyens nécessaires pour défrayer les coûts reliés au logement, à l'électricité, au téléphone et obligera ces mêmes gens à couper sur l'achat de nourriture et à dépendre davantage des banques alimentaires qui, on le sait, M. le Président, ne fournissent même plus à la demande. Malgré toutes les campagnes de souscription que l'on voit actuellement, on nous montrait, même ce matin, à la télévision, des boîtes vides, M. le Président. Comment la ministre, dans un communiqué de presse du 24 novembre pouvait-elle affirmer et énoncer: «Nous avons voulu protéger l'essentiel et continuer de soutenir les personnes en difficulté, car nous ne pouvons oublier les 250 000 enfants qui dépendent de l'aide de dernier recours.»? M. le Président, ce sont de belles paroles, mais quelle distance nous voyons entre les paroles et les gestes! Comment la ministre peut-elle nous dire, d'une part, de belles paroles, de beaux mots, quand on sait très bien que la perte de revenus variera de 150 $ à 225 $ pour les familles avec enfants. Et elle nous dit ça sans flancher.

Pourquoi n'a-t-elle pas maintenu les contrôles que le gouvernement précédent avait mis en place et qui avaient porté fruit en amenant un certain contrôle à la sécurité du revenu? D'ailleurs, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne l'a très bien démontré, de façon très éloquente, au cours de la dernière semaine, comment la ministre avait fait sauter tous les mécanismes de contrôle pour se retrouver, aujourd'hui, dans des difficultés financières.

M. le Président, oui, je suis pour l'assainissement des finances publiques. Oui, je suis pour les coupures, des coupures sensées, mais je ne suis pas pour les coupures qui sont faites de façon dure, sur le dos des plus démunis dans notre société, soit les prestataires de la sécurité du revenu.

Les coupures doivent être faites avec intelligence, avec empathie et compassion, et avec doigté, afin de s'assurer que les plus démunis vont continuer à jouir d'un minimum nécessaire pour les maintenir dans notre société et leur donner un certain bien-être, tout en sachant les difficultés à boucler les budgets qui sont assumés par les revenus que le gouvernement retire de ceux qui paient des taxes.

À cause de toutes ces considérations, M. le Président, je voterai donc contre l'adoption de principe de ce projet de loi qui m'apparaît dur, sévère, inhumain, sans aucune empathie et compassion à l'égard des plus démunis, et, surtout, qui m'apparaît mal ciblé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe. À vous la parole, M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président, de me donner l'occasion de parler sur la loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives.

J'ai été très ému d'entendre les plaidoyers éloquents de nos amis de l'opposition en faveur des plus démunis. Vraiment, c'est bien de les entendre comme ça, et j'espère qu'ils vont garder ce langage-là pendant des années et qu'il vont conformer leur comportement à leur langage, parce que ce n'était pas comme ça dans les années 1987-1988, M. le Président. Vous vous souvenez, la fameuse période que l'on a surnommée la période des boubous macoutes. Vous vous souvenez de cette époque où le député de Laporte, qui était alors ministre de la Sécurité du revenu, prétextant des abus réels qui existaient parmi certaines personnes bénéficiaires de la sécurité du revenu, avait commencé une charge à fond de train contre eux pour les stigmatiser d'une façon systématique. Pendant des mois, il a fait sortir des communiqués les accusant d'être des fraudeurs, des paresseux, des profiteurs du système, et tout ce que vous voulez, et ça a duré pendant des mois. Alors, pendant ce temps-là, on mettait la table.

On ne parlait pas, par exemple, des entreprises multinationales et des grandes institutions financières qui faisaient des profits par milliards, appauvrissant d'autant la classe moyenne et la classe la plus pauvre. Non, on n'avait d'yeux que pour les fraudeurs, et on disait que c'était le cas. On faisait en sorte de laisser croire que c'étaient tous les assistés sociaux qui étaient tous dans le même cas. La table était mise, et on était prêt à lever une armée de vérificateurs dont le nom est passé célèbre dans notre histoire, les boubous macoutes, à qui on a donné des pouvoirs exorbitants pour aller vérifier un peu partout, même dans la chambre à coucher des gens, pour vérifier leur statut marital. Des choses absolument incroyables, M. le Président. L'abus du système de harcèlement était devenu une vertu.

Oui, c'est vrai qu'il y avait des abus, comme il y en a dans toutes les professions et dans tous les groupes sociaux, et il faut s'attaquer aux abus. Et, moi, je ne blâme pas ceux qui s'attaquent à corriger les abus, au contraire. Mais je n'accepte pas que, prétextant de quelques abus, on crache sur tout le monde et qu'on crache sur tous les bénéficiaires. Je pense qu'on le faisait avec une grande insensibilité. On était complètement insensible à la vie qui accablait ces gens d'une pauvreté trop grande, insensible à leur détresse sociale, insensible à leur solitude et à leur humiliation, insensible au sentiment de rejet social qu'ils devaient supporter jour après jour. M. le Président, c'est vrai que les abus, ça existe. C'est vrai qu'il faut essayer de les corriger, de les limiter le plus possible, mais on peut faire ça sans salir tout le monde, et c'est ce à quoi s'applique Mme la ministre de la Sécurité du revenu. Vous n'avez pas entendu une seule parole de mépris dans sa bouche depuis le début, parce qu'elle a de la compassion pour les gens qui sont dans des situations financières difficiles.

Cependant, il y a un problème, il faut le reconnaître, quand on sait que 50 % de ceux qui se déclarent disponibles pour travailler, que 50 % de ces gens-là, quand vient le temps, qu'on leur offre un emploi, ils ne sont plus disponibles. Alors, ça, c'est un problème. La prime de disponibilité, qui était une chose sympathique au point de départ, est devenue un système, un système dans lequel celui qui, par intégrité ou autrement, décide qu'il n'est pas disponible et qui ne se déclare pas disponible, bien, il passe pour niaiseux. Parce que «tout le monde le fait, fais-le donc toi aussi». Cependant, si une jeune femme, mère de deux jeunes enfants, dit: Moi, je ne suis pas disponible, il faut que je m'occupe de mes enfants à la maison, elle n'a pas son 50 $ de plus, elle.

Alors, M. le Président, c'était devenu un système. C'est devenu un système, un système qui tend à se répandre, et à faire du tort à tout le monde, et à jeter du discrédit sur tous les bénéficiaires de l'aide sociale. Alors, c'était normal, il fallait briser ce système-là. Bon. Mme la ministre a décidé que, cette prime à la disponibilité, eh bien, on l'enlèverait – une façon de demander à des gens qui n'ont pas beaucoup, c'est vrai, de faire un peu leur part pour le ménage dans les finances publiques – et aussi l'autre mesure qui est de faire passer de 100 $ à 150 $ la déduction pour les gens qui refusent des emplois.

Donc, évidemment, ces choses-là sont pénibles à faire, parce que 50 $, pour une personne qui en gagne 500 $ par mois, c'est 10 %. Je ne sais pas combien il y en a parmi nous, ici, qui seraient bien heureux de voir 10 % de leur salaire coupés tous les mois. Alors, je pense qu'on ne peut pas rire de ça, c'est très important. Cependant, il y a des ajustements à faire et il faut les faire avec courage.

Vous savez, M. le Président, on nous accuse d'avoir gaspillé les fonds en ayant dépensé des millions dans la campagne référendaire pendant qu'on s'attaque aux plus démunis. Quelle chose horrible, M. le Président! Mais on oublie une chose, c'est que les dépenses référendaires, c'étaient des investissements, des investissements qui devaient nous rapporter 2 700 000 000 $ par année parce qu'on mettait fin aux dédoublements inutiles, au gaspillage inutile. C'est ça qu'on a sacrifié en votant non, M. le Président. Et nos bons amis d'en face ont fait la propagande pour ça et, aujourd'hui, ils viennent nous accuser. Je pense qu'il y a là une sorte de langage, je ne sais pas si on peut appeler ça un double langage, mais je trouve que c'est un langage assez bizarre. Je pense que le travail qu'on a fait dans la campagne référendaire, c'était pour rapatrier au Québec les deniers qui appartiennent aux Québécois et s'en servir pour le développement de l'économie québécoise, M. le Président. Alors, je pense qu'il faut avoir un langage un peu plus sérieux.

C'est vrai que c'est pénible d'avoir à couper dans l'aide sociale, mais je pense qu'il faut considérer aussi que la situation actuelle ne nous en laisse pas beaucoup le choix et que, pendant qu'on fait certains rajustements comme cela au ministère de la Sécurité du revenu, on travaille avec acharnement à faire en sorte que les bénéficiaires de l'aide sociale, qui sont aujourd'hui des bénéficiaires passifs d'un système qui est humiliant pour eux, deviennent des acteurs dynamiques du développement d'une économie dont ils seront les premiers à bénéficier, M. le Président. Voilà pourquoi je voterai pour cette loi-là. Merci, M. le Président.

(12 h 50)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet, tout en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole de 20 minutes. Je devrai vous interrompre dans 10 minutes et demander, à ce moment-là, le consentement de la Chambre si nous voulons poursuivre, sinon j'ajournerai dans 10 minutes. À vous la parole, M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je prends la parole aujourd'hui en cette Chambre pour intervenir sur le projet de loi n° 115, afin de démontrer clairement toutes les contradictions et les manquements aux promesses faites par les ténors péquistes en matière de sécurité du revenu.

Je tiens à faire ressortir, au cours de cette allocution, à quel point la ministre nage entre l'ombre et l'obscurité dans les mesures qu'elle veut mettre en place, dans les coupures qu'elle veut appliquer au régime de la sécurité du revenu québécois, mais également je tiens à démontrer à quel point certaines de ces mesures sont inacceptables et constituent un retour en arrière par rapport aux politiques de la sécurité du revenu qui ont évolué constamment depuis les 10 dernières années.

D'abord, on ne peut être totalement incohérent lorsqu'il est question de la gestion des finances publiques au Québec. Dans un premier temps, l'opposition libérale a souvent demandé, et elle demande encore au gouvernement péquiste de faire le ménage dans ses finances publiques, d'assainir les finances publiques québécoises, et ce, pour le bénéfice de tout le monde, et surtout pour le bénéfice des jeunes qui nous suivront, afin qu'on puisse leur laisser certains acquis en héritage. Pour ce faire, il faut faire des choix intelligents, des choix concertés, des choix porteurs d'avenir et des choix qui visent un objectif, c'est-à-dire de faire en sorte que le Québec se développe au niveau économique, au niveau social, avec des politiques cohérentes, en respectant les gens et en facilitant leur intégration. En fait, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de Québécois qui ne veulent pas participer à cet effort et qui ne sont pas prêts à mettre l'épaule à la roue, eux aussi, pour faire avancer le Québec.

Cependant, il y a, selon moi, deux principaux aspects à ce que la ministre nous propose aujourd'hui. Il y a, bien sûr, l'aspect des coupures, mais aussi qu'on pénalise ceux qui veulent travailler. Premièrement, en ce qui a trait aux coupures, je tiens seulement à rappeler, comme l'ont fait certains de mes collègues, que, lors des études des crédits, l'année dernière, le député de Laporte avait averti la ministre de la Sécurité du revenu que les prévisions budgétaires de son ministère étaient inexactes et que le dépassement budgétaire était inévitable. Ceci devenait d'autant plus problématique que, avec le nouveau cadre de gestion et une enveloppe fermée qu'a mis en place la présidente du Conseil du trésor, il ne reste presque plus de marge de manoeuvre à la ministre pour rajuster le tir au cours de l'année.

Malgré cet avertissement, la ministre a voulu continuer dans le même sens, et on se retrouve aujourd'hui avec une situation dramatique. Il y a peut-être d'autres raisons qui ont fait en sorte que la ministre n'ait pas voulu écouter les commentaires de l'opposition officielle à ce moment-là et surtout voir la vérité qui se cachait derrière les chiffres, et c'était sans doute le fait qu'elle voulait éviter, tout comme l'ensemble de son gouvernement, de se mettre certaines clientèles à dos en vue du référendum. Ce serait une hypothèse plausible, d'autant plus qu'on a vu que le même scénario s'est produit au niveau des Affaires municipales avec le ministre, M. Chevrette, qui, une semaine après le référendum, imposait des coupures de 47 000 000 $ dans le transfert aux municipalités. Donc, cette hypothèse de vouloir garder les surprises pour après le référendum est tout à fait plausible. Vous reconnaîtrez, M. le Président, qu'il est quand même inacceptable que la ministre, qui connaissait la situation avant le référendum, n'ait pas pris la peine d'amorcer les corrections qui auraient fait en sorte qu'on se retrouve aujourd'hui dans une situation un peu moins dramatique.

Par ailleurs, au niveau des mesures que la ministre met en place dans ce projet de loi pour tenter de corriger le tir, il y a des choses qui, selon moi, sont totalement aberrantes; par exemple, l'abolition des avoirs liquides. Tout le monde, à mon avis, a droit d'avoir une certaine réserve, une certaine marge de manoeuvre pour compenser les imprévus. Je ne veux pas amorcer ici un débat sur le fait de combien on devrait permettre aux bénéficiaires d'avoir à leur compte avant d'avoir accès à la sécurité du revenu. C'est là toute une question. C'est une question de principe. Il faut vraiment être dépourvu de toute sensibilité humaine pour vouloir forcer les gens à liquider des avoirs, que parfois ils ont mis des années à acquérir, pour avoir accès à une aide de dernier recours.

Vous vous rendez compte que ce n'est pas volontairement que les gens se retrouvent sur la sécurité du revenu. Ils se retrouvent là, entre autres, pour des raisons comme l'incapacité de ce gouvernement à mettre en place des programmes de développement de l'emploi. Donc, on les pénalise doublement. On les pénalise, d'une part, en ne donnant pas d'emploi et en n'offrant pas de perspective d'avenir à ces gens-là, et, en plus, on les pénalise en leur liquidant tout ce qu'ils ont mis souvent des années à acquérir pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur éducation et pour diverses autres raisons. M. le Président, on les force à tout liquider pour qu'ils aient accès à ces mesures de dernier recours.

On peut se poser certaines questions par rapport à l'abolition dans le barème de disponibilité, dans la volonté des gens de se retrouver un emploi. Est-ce que la ministre, de cette façon, vient confirmer que son gouvernement est incapable de créer de l'emploi et d'offrir des possibilités d'avenir aux gens qui veulent s'en sortir? Étant donné que vous ne vous en sortez jamais, on aime autant vous couper, même si vous voulez vous en sortir. M. le Président, c'est grave parce que non seulement on leur dit: Restez chez vous, mais on leur dit: On va vous couper si vous voulez vous réintégrer à l'emploi, parce qu'on est incapable de faire en sorte de créer, justement, ces emplois. C'est quand même bizarre d'entendre ce discours, alors que le Québec a besoin d'un développement économique, que le Québec a besoin de mettre le plus de monde possible au travail et qu'on a besoin de toutes ces ressources pour faire en sorte de continuer à se développer.

Un autre point que je voudrais aborder. Dans le ridicule des mesures qui sont mises en place par la ministre, c'est qu'on se souvient tous que la ministre a aboli certaines mesures de contrôle pour les bénéficiaires de la sécurité du revenu. On se souvient, par exemple, qu'elle a aboli des mesures de contrôle, notamment la remise des chèques de main à main, qu'aucune mesure n'a été mise de l'avant pour contrer les fraudes, les abus, et on a vu l'imposition d'une enveloppe budgétaire fermée. Donc, c'est vraiment l'employabilité et tous ceux qui veulent retourner sur le marché du travail qui sont finalement punis.

Ensuite, on voit qu'elle a accepté une coupure de 3 % supplémentaire pour l'année 1996-1997. On note aussi son inaction dans la mise sur pied de programmes visant l'intégration au marché du travail de sa clientèle. Et, finalement, on peut dénoter aussi des coupures dans le programme le plus performant d'intégration en emploi, soit le programme PAIE. Ce qui ressort clairement de cette gestion, M. le Président, c'est que la ministre non seulement veut confirmer et encourager le laisser-aller au niveau des contrôles de la fraude, mais qu'elle veut, en plus, décourager tous ceux qui veulent retourner au travail. Est-ce que la ministre est consciente que, par toutes ces mesures, elle entre en contradiction avec le discours de son gouvernement, notamment au niveau de la lutte à l'économie souterraine et au marché noir?

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je voterai non au projet de loi n° 115.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Je proposerais la suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, compte tenu de l'heure, je vais suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, aux affaires du jour, nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. M. le député de Jeanne-Mance, je vous cède la parole.


M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: Merci, M. le Président. Je suis très heureux de pouvoir intervenir aujourd'hui afin d'inscrire mon opposition à l'adoption du principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. D'entrée de jeu, je tiens à indiquer que, à titre de porte-parole en matière d'accès à l'information, je formulerai quelques commentaires sur une disposition bien spécifique du projet de loi n° 115. Il s'agit de l'article 15 qui donne au ministre de la Sécurité du revenu le pouvoir d'échanger des renseignements nominatifs avec d'autres ministères ou organismes, notamment le ministère du Revenu. C'est ce qu'on appelle le couplage de fichiers.

En plus de s'attaquer aux plus démunis de notre société, ce projet de loi vient remettre en cause un principe important au niveau de l'accès et de la communication des renseignements nominatifs entre ministères ou organismes. En effet, l'article 15 de ce projet de loi permet de façon très large au ministre de la Sécurité du revenu de conclure, selon certaines modalités, des ententes avec un ministère, un organisme du gouvernement du Québec ou d'un autre gouvernement, une personne ou une entreprise dont les noms seraient fournis sur une liste du gouvernement pour recueillir ou communiquer un renseignement nominatif nécessaire à l'application de la présente loi et de ses règlements. Ce projet de loi énumère également neuf autres ministères et organismes qui peuvent faire l'objet d'une entente avec la ministre de la Sécurité du revenu.

Ce projet de loi énonce de façon non limitative plusieurs situations où un renseignement nominatif serait nécessaire pour l'application de la Loi sur la sécurité du revenu ou de ses règlements, notamment pour vérifier l'admissibilité d'une personne ou de sa famille, pour vérifier un changement de situation de nature à influer sur les prestations, pour vérifier la solvabilité d'une personne qui doit rembourser une somme au ministère, pour vérifier la survenance d'un événement ou l'existence d'un droit, affectant ainsi l'admissibilité ou le montant des prestations.

Enfin, le projet de loi énonce une série de renseignements qui peuvent être fournis pour identifier les individus qui seront visés par la Loi sur la sécurité du revenu, notamment le numéro d'assurance sociale et le numéro d'assurance-maladie. En deux mots, M. le Président, le projet de loi a pour effet de permettre, de façon très large, le couplage de fichiers ou l'appariement de fichiers contenant des renseignements personnels sur les individus entre le ministère de la Sécurité du revenu et plusieurs ministères ou organismes. Ainsi, M. le Président, avec ce projet de loi, on tente de faire une entorse majeure aux principes et aux objectifs visés par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Incidemment, on tente d'affecter également les objectifs poursuivis par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Or, il faut rappeler que les objectifs et les termes de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ont pour effet de permettre le couplage de fichiers uniquement dans le cadre d'une situation exceptionnelle. Les critères établis par la Commission d'accès à l'information vont également dans ce sens.

Bien qu'aux termes de la loi sur l'accès il soit possible de déroger du principe qui veut qu'un organisme public ne puisse communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée, une telle dérogation doit être exceptionnelle et effectuée selon des critères précis. Cela doit vraiment demeurer exceptionnel, sans quoi l'objectif visé par la loi d'accès devient purement théorique. La loi d'accès permet le couplage de fichiers sans le consentement de la personne concernée si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec. Pour ce faire, les ministères doivent conclure des ententes écrites, après avoir obtenu normalement un avis favorable de la Commission d'accès à l'information. Cette dernière analyse la possibilité d'un couplage de fichiers en regard de plusieurs critères.

M. le Président, ces critères sont les suivants: la nécessité du renseignement, est-ce que le renseignement est nécessaire à l'exécution de la loi qui doit être administrée; la nécessité de la communication des renseignements sans le consentement de l'individu visé; la sécurité du système des échanges, quelles sont les personnes qui ont accès aux renseignements dans les organismes. L'individu visé doit être informé avant qu'une décision soit prise. Ainsi, l'organisme doit s'engager à rencontrer l'individu avant de prendre une décision à son égard, en regard d'informations qu'il aurait obtenues à la suite d'un couplage de fichiers, puisqu'il pourrait y avoir, par exemple, une erreur au niveau de l'informatique.

Je tiens à rappeler, M. le Président, que la loi d'accès et, par voie de conséquence, tous les objectifs qu'elle visait ont été adoptés à l'unanimité devant cette Chambre. Il faut dire également que la loi d'accès est une loi prépondérante, c'est-à-dire que, dans la hiérarchie de la législation, elle vient immédiatement après la Charte québécoise. Ainsi, M. le Président, l'objectif que tous les parlementaires ont poursuivi en adoptant la loi d'accès à l'information, c'est, en fait, une volonté ferme d'empêcher la constitution de banques de données géantes, de superfichiers qui enlèveraient tout sens à la notion de vie privée. Un tel objectif doit continuer d'être poursuivi.

En écartant un tel principe, on arriverait rapidement à permettre à l'État de tout savoir sur chacun de nous et, par conséquent, à remettre en cause la confiance des Québécois et des Québécoises envers l'État. Il est très clair, M. le Président, qu'actuellement la disposition du projet de loi qui permet le couplage de fichiers m'apparaît très large et questionnable à plusieurs niveaux, tant au niveau des organismes et ministères qui pourront conclure des ententes avec le ministère du Revenu qu'au niveau des informations qui peuvent circuler concernant les individus qui sont visés par la Loi sur la sécurité du revenu.

Vous comprendrez, M. le Président, que, devant une disposition d'une telle envergure, qui remet en cause des principes importants, à savoir la protection des renseignements personnels et confidentiels des individus qui pourraient être visés par la Loi sur la sécurité du revenu, il sera important que nous puissions procéder, dans le cadre de nos travaux devant la commission parlementaire, à différentes consultations, et plus particulièrement auprès du président de la Commission d'accès à l'information. Une telle consultation nous permettra de questionner le président de la Commission sur l'impact et le contenu de l'article 15 du projet de loi actuel.

(15 h 10)

Actuellement, cette disposition a fait l'objet d'un avis préliminaire par la Commission d'accès à l'information. La ministre s'était engagée, suite à une question du 30 novembre, à déposer l'avis préliminaire de la Commission, et c'est aujourd'hui qu'elle l'a déposé, à la période de dépôt de documents. Alors, nous allons consulter cet avis préliminaire. Nous aurons, bien sûr, l'opportunité d'analyser plus en profondeur les impacts de ce projet de loi, et plus particulièrement la disposition qui vise le couplage de fichiers, lors de l'étude détaillée de ce projet de loi en commission parlementaire. Je crois qu'il est important, M. le Président, que le contexte budgétaire actuel du gouvernement ne serve pas d'excuse pour permettre une multitude de dérogations, remettant ainsi en cause le respect et la protection de la vie privée des individus au profit de considérations purement économiques.

Les lois du Québec, faut-il le rappeler, font que le Québec se démarque à travers l'Amérique du Nord, puisqu'il est devenu le seul État des fédérations canadienne et américaine à avoir érigé un régime complet de protection des renseignements personnels. En effet, le Québec se range maintenant dans la catégorie des régimes politiques qui, depuis 1970, se sont dotés de pareille législation. Il serait donc extrêmement malheureux que le gouvernement actuel, par des législations d'ordre budgétaire, remette en cause des acquis aussi importants pour les Québécois et les Québécoises.

Je suis absolument étonné et surpris que le gouvernement actuel décide d'effectuer des compressions budgétaires en s'acharnant encore et d'abord sur le dos des plus démunis de notre société. On se rappellera qu'au printemps dernier le ministère de la Justice déposait en toute hâte un projet de loi portant sur l'aide juridique qui visait, lui aussi, à effectuer des compressions budgétaires sur le dos des plus démunis. Dans ce cas-là, toutefois, le ministre a dû retourner faire ses devoirs, puisque son projet de loi remettait en cause des principes fondamentaux de notre société. Aujourd'hui, la ministre de la Sécurité du revenu présente un projet de loi qui a pour effet d'effectuer des coupures drastiques auprès de la clientèle la plus défavorisée de notre société.

Ce que les Québécois et les Québécoises savent très bien, c'est que ce gouvernement a passé la première année de son mandat à s'occuper de son option politique, et pendant ce temps il a omis de gérer convenablement l'état des finances publiques du Québec. Ce que les Québécois et les Québécoises savent également, c'est que des millions de dollars ont été engloutis dans la promotion d'une option qui a été rejetée le 30 octobre dernier, pendant que les Québécois et les Québécoises demandaient en toute hâte des mesures favorisant la création d'emplois ainsi que des mesures pour aider les plus démunis de notre société.

Il est évident que tous les ministères et organismes doivent participer aux efforts de compressions budgétaires qui sont nécessaires pour la santé économique du Québec. Toutefois, ce que je reproche, c'est la façon dont tente d'y parvenir la ministre de la Sécurité du revenu avec son projet de loi. À titre d'exemple, toutes les personnes qui feront une demande d'aide sociale devront dépenser jusqu'au dernier sou de leur compte en banque avant d'être admissibles, sinon leurs prestations seront réduites pour chaque dollar d'économie. La ministre aurait dû permettre de conserver au moins environ 300 $, afin que les familles monoparentales puissent parer aux imprévus de la vie quotidienne.

Pour toutes les raisons que j'ai mentionnées précédemment à l'égard de l'impact de ce projet de loi sur les plus démunis de notre société de même que pour les commentaires que je viens de formuler à l'égard de l'importance de protéger les renseignements nominatifs et confidentiels sur des individus, qui sont détenus auprès des ministères ou organismes du gouvernement, je joins ma voix à celle de mes collègues de l'opposition officielle pour voter contre l'adoption du principe du projet de loi de la ministre de la Sécurité du revenu, le projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, et je voudrais souligner l'excellence du travail accompli par ma collègue, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, dans ce dossier, qui fait tout son possible pour travailler et pour préserver nos démunis. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Jeanne-Mance. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Nous en sommes aujourd'hui au principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. En novembre dernier, la ministre de la Sécurité du revenu annonçait des compressions budgétaires afin de combler un manque à gagner de 137 000 000 $ au ministère de la Sécurité du revenu. C'est la tenue du référendum du 30 octobre dernier qui aura obligé, certes, la ministre à retarder ces coupures drastiques, étant donné qu'elles touchaient directement à une clientèle cible. Mais, aujourd'hui, le référendum est terminé. Les Québécoises et les Québécois ont dit non, M. le Président, et maintenant la ministre va devoir gérer et s'occuper de son ministère, ce qu'elle n'a pas eu vraiment le temps de faire depuis son arrivée au pouvoir.

Il est important de se rappeler que notre collègue, le député de Laporte, avait déjà averti, en avril dernier, lors de l'étude des crédits, la ministre de la Sécurité du revenu que ses prévisions budgétaires provoqueraient un dépassement budgétaire, ce que la ministre a d'ailleurs pu constater par elle-même dernièrement. Toutefois, typiquement de ce gouvernement, c'est toujours la faute des autres. On accuse tous les autres, mais on ne s'occupe pas de gérer.

La ministre a avoué, il y a quelques semaines à l'Assemblée nationale, qu'elle avait été mise au courant de l'état précaire des finances de son ministère. Cependant, elle n'a rien fait pour régler les problèmes. Il est bien évident que, si elle avait eu le courage de prendre des mesures dès ce moment-là, elle ne serait peut-être pas obligée aujourd'hui de couper directement les plus démunis de notre société de façon aussi dramatique pour plusieurs d'entre eux.

M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci de mon intervention, vous faire part de mes commentaires face à certains articles de ce projet de loi de façon plus précise, pour démontrer hors de tout doute que les coupures prévues dans ce projet de loi sont inadéquates face à l'ampleur et à la nature de la problématique de la pauvreté au Québec.

M. le Président, le projet de loi n° 115 impose l'abolition des avoirs liquides, ce qui signifie, en fait, que les personnes qui devront avoir recours aux prestations de la sécurité du revenu dans les prochains mois devront avoir épuisé toutes leurs économies avant d'être admissibles, ou bien leurs prestations seront réduites pour un montant équivalent à celui de leurs économies. En clair, ça veut dire, M. le Président, que les futurs prestataires ne pourront même pas se garder quelques centaines de dollars pour parer aux imprévus. Qu'est-ce que la ministre pense que les familles monoparentales, par exemple, vont faire? Malheureusement, la réponse à cette question, c'est que les futurs prestataires seront probablement incités à frauder en dépensant leurs économies ou en les cachant pour se rendre admissibles au régime de la sécurité du revenu.

De plus, M. le Président, la ministre, en abolissant le barème de disponibilité, a décidé de pénaliser les prestataires qui démontrent un intérêt à améliorer leurs conditions de vie. Mais, par cette décision, elle touche surtout les personnes qui veulent vraiment retourner sur le marché du travail.

Ce projet de loi prévoit aussi l'application des normes minimales de travail aux mesures d'employabilité. Il faut se rappeler, M. le Président, qu'à l'occasion de la marche «Du pain et des roses» la ministre s'était engagée à assujettir la mesure d'employabilité EXTRA aux normes minimales de travail. Bien que ce concept soit intéressant, on peut se questionner. Comment la ministre peut avoir les moyens financiers d'offrir le salaire minimum au moment même où précisément elle coupe les barèmes de participation et de disponibilité à des milliers de personnes.

(15 h 20)

Dans le contexte actuel où les emplois se font rares, où l'état des finances publiques du Québec n'est pas à son meilleur, et étant donné l'ampleur des comptes à recevoir du ministère de la Sécurité du revenu, soit plus de 355 000 000 $, il est difficile de comprendre les motivations qui ont poussé la ministre de la Sécurité du revenu à mettre fin au projet-pilote mis de l'avant par le gouvernement libéral en 1994. Celui-ci consistait à faire le recouvrement des comptes à recevoir du ministère par l'entreprise privée. D'ailleurs, l'entreprise privée avait effectué un travail fort efficace, ce qui avait permis au ministère de la Sécurité du revenu de récupérer des sommes d'argent dépassant les objectifs prévus initialement, démontrant ainsi l'efficacité et la pertinence de ce projet-pilote. Pourquoi la ministre n'a-t-elle pas extensionné ce projet-pilote à l'ensemble des comptes à recevoir du ministère? Ainsi, elle aurait pu appliquer des mesures moins sévères à l'égard de sa clientèle.

Par ailleurs, à l'article 15 du projet de loi n° 115, on y prévoit le couplage de fichiers entre les différents ministères. Le fait que la ministre accepte que les renseignements personnels de la clientèle du ministère de la Sécurité du revenu soient divulgués au ministère du Revenu est inacceptable, et ceci va directement à l'encontre du concept de la confidentialité. De plus, cette modification prévue à l'article 15 réduira encore davantage les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information, notamment au sujet de la protection des renseignements personnels.

D'autre part, le gouvernement péquiste s'est toujours targué d'être à l'écoute des plus démunis de notre société, et cela, même encore aujourd'hui, alors que la ministre refuse toujours de prévoir des consultations générales dans le cadre de l'étude article par article du projet de loi n° 115, loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu. Oui, M. le Président, ce parti qui avait un préjugé favorable pour les plus démunis de notre société... Et j'écoutais, hier soir, le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue qui disait qu'il était plein de compassion pour ces gens-là. Mais c'est la même personne qui suggère à son gouvernement de couper 50 000 000 $ qui faisaient partie d'une entente, d'un transfert du réseau routier, responsabilités avec budget, et qui suggère de mettre 0,015 $ du litre de plus pour l'essence en région, sachant fort bien qu'en région il n'y a pas de transport en commun dans la plupart des endroits et que ces mêmes personnes là devront utiliser leur auto. Il suggère 0,015 $ du litre. En plus, un 100 000 000 $ de plus, M. le Président, pour les municipalités. Qui va payer? Encore le payeur. Et plein de compassion, lui qui accusait l'opposition qui était au gouvernement, comme son collègue d'Abitibi-Ouest, qu'on était les gens qui avaient fait les plus gros déficits. Ils ont tellement oublié, M. le Président, qu'entre 1976 et 1985 c'est les plus gros déficits que le gouvernement du Québec a connus.

Donc, M. le Président, c'est bien beau, des beaux discours de compassion, mais, dans les actes, dans les écritures, là, tu sais, les actes, on suggère d'augmenter encore en région. Pourtant, c'est ce même gouvernement là, avec le ministre des Affaires municipales, qui, depuis 15 mois, nous dit: Nous autres, comme gouvernement, on n'est pas prêts à pelleter des responsabilités dans la cour des municipalités sans donner des budgets. M. le Président, on l'a fait, nous autres, avec le transfert du réseau routier, et aujourd'hui ce gouvernement-là refuse de reconduire encore un 50 000 000 $ absolument nécessaire pour le développement des régions. Donc, par ce refus, la ministre démontre la vraie façon de gouverner, soit décider en faisant semblant d'écouter. La preuve, c'est que plusieurs groupes sociaux et communautaires membres du comité de sa Conférence permanente sur la sécurité du revenu ont retiré leur collaboration, déplorant notamment le fait de ne pas être écoutés, puisque leurs représentants se retrouvaient souvent à la table de ce comité alors que les décisions étaient déjà prises à l'avance. Les groupes n'ont pas été dupes, M. le Président.

En conclusion, j'aimerais réaffirmer l'importance que l'opposition officielle accorde à l'assainissement des finances publiques. Cependant, il est impératif pour moi et mes collègues que les mesures prises pour y arriver soient appliquées aux bons endroits et aux bonnes personnes, ce qui n'est pas, à mon avis, le cas de ce projet de loi. À la lumière de tous ces faits, il est évident pour nous que la ministre a pris de mauvaises décisions, par exemple: l'abolition de certaines mesures de contrôle, notamment la remise de chèques de main à main; l'imposition d'une enveloppe budgétaire fermée au niveau de l'employabilité; l'acceptation d'une coupure de 3 % supplémentaire pour l'année 1996-1997; la coupure dans le programme le plus performant de la sécurité du revenu, soit le Programme d'aide à l'intégration en emploi, le programme PAIE.

En effet, M. le Président, toutes ces décisions démontrent bien l'incompréhension de ce gouvernement et de la ministre face aux vrais problèmes que vit sa clientèle. Ce genre de décision ne fait que renforcer le cercle vicieux dans lequel la ministre de la Sécurité du revenu a effectivement plongé les prestataires de l'aide sociale en réduisant l'accès aux mesures de développement et d'intégration en emploi, et ce, en acceptant sans broncher une enveloppe budgétaire fermée au niveau de l'employabilité. De ce fait, moins de gens peuvent profiter de la formation, moins de gens peuvent acquérir de l'expérience de travail, moins de gens réintègrent le marché du travail, donc plus la clientèle augmente.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je recommande de voter non à l'adoption de ce projet de loi, et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Outremont. M. le député.


M. Gérald Tremblay

M. Tremblay: M. le Président, il y a plusieurs décennies, nous avons fait les choix collectifs au Québec d'investir des sommes importantes dans l'éducation, dans la santé et, également, dans l'aide sociale. À ce moment-là, nous étions riches. Nous avons essentiellement décidé d'acheter la paix en émettant des chèques à des prestataires de l'aide sociale. Plusieurs décennies plus tard, que nous disent les Québécois et les Québécoises? Ils nous disent, de façon très claire, que les priorités gouvernementales devraient être le développement d'une économie d'avenir, la création d'emplois, la lutte au déficit, les investissements additionnels dans l'éducation, le maintien de nos acquis au niveau de la santé et, finalement, trouver des solutions concrètes à la pauvreté qui est de plus en plus visible.

(15 h 30)

M. le Président, on ne peut plus dissocier le développement économique du développement social. La réalité du marché du travail nous fait voir à tous les jours les difficultés de créer des emplois permanents de qualité et, surtout, les difficultés que nous avons de permettre à des personnes qui veulent intégrer le marché du travail d'avoir accès à un emploi permanent de qualité. Donc, si l'économie ne nous permet plus d'acheter la paix, comme nous avons fait pendant une trentaine d'années, nous devons, collectivement, M. le Président, trouver des solutions concrètes à nos problèmes de société. Il n'y a pas une société industrielle au monde qui peut se permettre de ne pas trouver des solutions concrètes à nos problèmes de société.

J'ai écouté attentivement plusieurs membres de la députation ministérielle. On nous dit: Nous avons décidé d'assumer nos responsabilités. Nous appuyons avec force le redressement des finances publiques. M. le Président, je dois vous dire que c'est bien d'être solidaire d'une volonté gouvernementale, mais on doit le faire avec une vision d'ensemble d'un projet gouvernemental ou, si vous préférez, d'un nouveau contrat social avec la population. C'est bien beau également de rédiger des documents, nommément «Des idées pour mon pays», un programme électoral et «Le coeur à l'ouvrage», mais, pour tous ceux et celles qui ont pris le temps de lire ces documents, on s'aperçoit que le gouvernement a promis mer et monde sachant très bien qu'à l'impossible nul n'est tenu. Le gouvernement a préféré n'établir aucune priorité. Pourtant, gouverner, c'est décider, faire des choix. Il faut prévoir pour ne pas être à la remorque des événements.

Nous avons tenté, au niveau de l'opposition, de prévenir le gouvernement. Notre collègue le député de Laporte avait clairement informé la ministre de la Sécurité du revenu, en avril 1995, qu'il y aurait, au niveau de l'aide sociale, un dépassement de l'ordre de 200 000 000 $. En décembre 1995, quelques mois après le référendum, la ministre de la Sécurité du revenu admet qu'il y a un dépassement d'au moins 137 000 000 $, et aujourd'hui, dans les crédits supplémentaires déposés par la ministre des Finances, on voit que les besoins additionnels pour son ministère totalisent 172 000 000 $.

Lorsque la ministre d'État à la Concertation et ministre de l'Emploi a défendu son projet de loi, projet qui demandait aux entreprises un effort additionnel pour la formation professionnelle, c'est-à-dire une taxe sur la masse salariale de 1 %, nous avons fait des représentations à la ministre, à ce moment-là, parce que le projet de loi ne s'appliquait qu'aux travailleurs et aux travailleuses qui avaient un emploi. Nous avons dit à la ministre: Qu'est-ce que vous faites pour les jeunes et également pour les femmes qui veulent intégrer le marché du travail, qui veulent se préparer à avoir accès à un emploi permanent de qualité? La réponse de la ministre: Ce sujet, quoique important, ne relève pas de moi. C'est ça, les réponses qu'on entend, M. le Président. À toutes les fois qu'il faut trouver des solutions concrètes et réalistes à nos préoccupations sociales, c'est très difficile de trouver une personne, un ministre, de la députation qui a le temps.

Par contre, on trouve de l'argent pour faire un plan Paillé, un plan Paillé qui va coûter un minimum de 200 000 000 $ aux contribuables du Québec. On trouve le temps également de retarder des échéances, de pratiquer l'immobilisme, notamment au niveau des chantiers maritimes, qui risque de coûter également 200 000 000 $ au niveau gouvernemental. Par contre, pour donner suite à des promesses faites lors de la marche des femmes «Du pain et des roses», la ministre modifie la Loi sur la sécurité du revenu afin d'assujettir la mesure d'employabilité EXTRA aux normes minimales de travail. Il est vrai, M. le Président, que cette modification est attendue par de nombreux groupes de femmes et de groupes sociaux et communautaires. Toutefois, ce qui semble étrange, c'est que, d'une part, la ministre coupe dans les barèmes de participation et de disponibilité et que, d'autre part, la ministre s'apprête à dégager des sommes importantes pour donner le salaire minimum à toutes celles et ceux qui participeront au programme EXTRA.

La ministre, pour répondre à son engagement préréférendaire et pour combler son manque à gagner de 137 000 000 $, a choisi de pénaliser plus de 100 000 personnes participantes et disponibles à la faveur de quelque 15 000 prestataires admis au programme EXTRA. Nous convenons, M. le Président, que l'assujettissement de la mesure d'employabilité EXTRA aux normes minimales de travail est louable, mais déplorons la discrimination engendrée entre ceux qui ont pu obtenir une place au programme EXTRA et les autres qui l'espèrent toujours.

Pourtant, M. le Président, les conséquences de la pauvreté sont de plus en plus présentes. Telle est la conclusion d'une étude de Lisette Moreau, de la Direction de la recherche du ministère de la Sécurité du revenu, intitulée «La pauvreté et le décrochage scolaire, ou la spirale de l'exclusion». Et je cite Mme Moreau, M. le Président: «L'enfant qui provient d'un milieu défavorisé part perdant dans le système scolaire. Il évolue dans un environnement familial peu propice à la concentration et à l'effort intellectuel. Il est plus susceptible de connaître des problèmes de santé et, conséquemment, des problèmes d'absentéisme à l'école. Cet enfant a plus de risques d'accumuler des retards scolaires. C'est un candidat au décrochage.»

Et le sous-ministre adjoint au ministère de l'Éducation, M. Pierre Fontaine, dit ceci, M. le Président: «Un retard scolaire au cycle primaire se rattrape difficilement. Plus de la moitié des élèves qui ont pris un an et plus de retard au primaire seront des décrocheurs. Et, pour de multiples raisons – environnement peu propice à l'étude, problèmes de santé, encadrement déficient – les enfants de milieux défavorisés sont plus nombreux à cumuler des retards scolaires. En conséquence, ces personnes s'intègrent au monde du travail plus difficilement et leur niveau de vie en sera affecté toute leur vie.» Et, finalement, le même sous-ministre nous dit ceci, M. le Président: «L'enquête Santé Québec révèle également que les décrocheurs ont plus de problèmes de santé et de moins bonnes habitudes de vie.»

Le ministère de la Sécurité publique associe également délinquance et décrochage, 70 % des contrevenants étant des décrocheurs. Au Québec, on estime le manque à gagner fiscal des décrocheurs de 1991, pour toute leur vie active, entre 4 000 000 000 $ et 5 000 000 000 $, M. le Président. À ces pertes de rentrées fiscales s'ajoutent des dépenses accrues pour les soins de santé, la criminalité et le décrochage. Alors, M. le Président, les conséquences de la pauvreté sont le décrochage scolaire, la violence, la délinquance, la criminalité, l'usage de la drogue et le suicide, particulièrement chez les jeunes.

Mais, derrière ces statistiques, M. le Président, il y a des personnes. Que fait-on pour ces personnes? Que fait-on pour ces problèmes connus, pour ces problèmes de plus en plus visibles dans mon comté, Outremont– Côte-des-Neiges? On a toujours prétendu que le comté d'Outremont était un comté privilégié, où le niveau de vie des personnes était plus élevé que dans d'autres comtés. J'ai pris le temps d'aller rencontrer des assistés sociaux et d'aller visiter leur maison. Lorsque, au début du mois, ces assistés sociaux sont appelés à payer leur loyer, il reste par la suite, essentiellement, moins de 100 $: 100 $ pour manger, s'habiller et faire des efforts pour travailler. J'ai visité le logement, et je dois vous dire que c'est un logement propre, c'est un logement adéquat, mais il n'y a aucun luxe, essentiellement des meubles, des draps, des draperies, des lumières que des personnes ont donnés à cet assisté social.

(15 h 40)

J'ai ouvert le frigidaire, pour voir essentiellement quelques pintes de lait et également, dans les armoires, des enveloppes de soupe, parce que c'est de ça que cet assisté social que j'ai visité vit. Et, après essentiellement une semaine, une semaine et demie, plus de lait, plus de soupe. Que fait l'assisté social? Il est sur la rue, il doit mendier. Oui, sur la rue Laurier à Outremont, il y a aujourd'hui des mendiants, ce qu'on n'avait jamais vu auparavant. En plus, cet assisté social veut travailler. Incapable de trouver un emploi. Pourquoi? Essentiellement parce qu'il est faible, parce qu'il ne se nourrit pas bien, essentiellement parce que ses vêtements d'été lui servent comme vêtements d'hiver, essentiellement parce que le seul mode de locomotion qu'il a, c'est un bicycle et essentiellement parce que, lorsqu'on le regarde, il n'a pas fait les efforts nécessaires soit pour se lever le matin ou pour intégrer le marché du travail, parce qu'on ne lui en a pas donné l'occasion.

Également, pendant la campagne référendaire, j'ai rencontré un itinérant. Pas d'adresse, pas le droit de vote. C'est la conclusion de l'itinérance, c'est la conclusion de la pauvreté. Il est exclu de la société. Pourtant, un prisonnier parce qu'il a enfreint la loi a une adresse et a un droit de vote.

Ces ignorés de notre société ne sont pas des ignorants. Ces gens et les autres de bonne foi sont pénalisés essentiellement parce que la ministre a préféré investir 500 000 $ afin de promouvoir la dignité des prestataires d'aide sociale plutôt que de bien gérer son ministère. À titre d'exemple, la ministre a aboli certaines mesures de contrôle, notamment la remise de chèques de main à main, et n'a pas perçu des comptes à recevoir de plus de 300 000 000 $ versés en trop aux prestataires, soit 8 % de l'ensemble des prestations. Donc, la ministre a préféré ne pas appliquer certaines mesures de contrôle, pénalisant ainsi les personnes qui en ont le plus besoin, parce qu'il y a certaines personnes qui préfèrent abuser du système.

La même chose s'applique également à l'absence de mesures mises de l'avant pour contrer la fraude et les abus: l'imposition d'une enveloppe budgétaire fermée, particulièrement au niveau de l'employabilité, l'acceptation d'une coupure de 3 % supplémentaire pour l'année 1996-1997 et l'inaction dans la mise sur pied de programmes visant l'intégration au marché du travail de sa clientèle.

M. le Président, les attentes légitimes de la très grande majorité des assistés sociaux transcendent la partisanerie politique et les luttes de pouvoir. C'est la raison pour laquelle nous nous devons, comme parlementaires, de revoir le plus rapidement possible la fiscalité québécoise, d'évaluer au moins la possibilité d'un revenu minimum garanti qui permettrait notamment de commencer à faire de la prévention au niveau de nos problèmes de société, parce qu'une personne qui vit dans la pauvreté ne peut pas encadrer, notamment, ses enfants dans le secteur de l'éducation. Ces personnes, trop souvent, ont des problèmes de santé, ces personnes ne peuvent pas intégrer le marché du travail. Alors, il ne faut plus uniquement regarder la création d'emplois, continuer d'investir des centaines de millions de dollars souvent dans des projets qui ne créent plus d'emplois et oublier que les conséquences de la pauvreté sur l'éducation, sur la santé et sur les autres missions essentielles de l'État sont omniprésentes. Alors, si on trouvait des solutions concrètes à ces problèmes de société, on pourrait possiblement, éventuellement, réduire les dépenses gouvernementales, réduire la fiscalité pour les particuliers et pour les entreprises et permettre justement un développement économique, social et culturel d'avenir.

C'est ça, les priorités, M. le Président. Mais quand est-ce qu'on le fait? Jamais. Au contraire, on le fait uniquement en campagne électorale. Oui, nous allons revoir la fiscalité québécoise. Oui, nous allons considérer le partage du temps de travail. Oui, nous allons possiblement considérer les revenus minimums garantis. Mais on n'établit jamais de priorités. Pourtant, les assistés sociaux veulent intégrer le marché du travail. C'est évident que ça fait appel à des changements de mentalité, d'attitude et de comportement. Ce n'est pas facile.

Ce n'est pas facile pour une personne de se lever le matin quand elle n'a pas été habituée, pendant des décennies, à se lever le matin. On n'en parle pas beaucoup de ça, mais, ça, c'est la réalité d'un trop grand nombre d'assistés sociaux. Alors, essayez de vous imaginer une personne qui n'a pas l'habitude de se lever le matin essentiellement parce que, le soir, elle regarde la télévision jusqu'à 2 heures, 3 heures du matin. Essayez de voir également pourquoi ces personnes n'ont pas, au cours des années, été habituées à faire des efforts importants. Essayez de voir également pourquoi ces personnes, parfois, négligent un encadrement pour les jeunes, avec la conséquence que nos jeunes, en plus de décrocher, sont impliqués dans la délinquance, la violence et la criminalité.

Alors, M. le Président, je vais voter non à ce projet de loi parce que, encore une fois, c'est la fuite en avant. J'en ai assez, M. le Président, qu'au lieu de regarder la situation dans son ensemble, au lieu de tenter, entre parlementaires, de trouver des solutions concrètes, qu'est-ce qu'on fait? Premièrement, la fuite en avant; deuxièmement, on blâme les autres. Notamment dans ce cas, on blâme le fédéral. On blâme le transfert social canadien. On blâme l'assurance-chômage. Pourtant, M. le Président, je voudrais vous lire un bref extrait de Mme Denyse Lacelle, dans un article du Devoir intitulé: «Ce ne serait qu'un début!», le dernier paragraphe, et ça dit... C'est intitulé: «Ça nous apprendra à voter NON!». «Parce que, bien sûr – et je cite, M. le Président – le choix des Québécois le 30 octobre dernier nous impose de vivre avec les compressions imposées par Ottawa. Il est assez difficile d'accepter que les plus pauvres d'entre nous doivent encore se serrer la ceinture... parce qu'on n'a pas été capable de "prévoir" les effets du budget fédéral de 1994, lequel a imposé des coupes et restrictions importantes au programme d'assurance-chômage.

«Le budget de 1995 ayant imposé d'autres compressions à l'assurance-chômage, qui doivent être annoncées ces jours-ci, ainsi que des réductions majeures dans les paiements de transfert pour l'aide sociale, l'éducation postsecondaire et la santé, en vigueur en avril 1996, on se demande quelles seront les coupes à venir pour ces autres impacts qu'on n'aura pas prévus... Si c'est ça, l'autre façon de gouverner, c'est, pour le moins, une façon un peu imprévoyante!

«Par ailleurs, si le Québec ne perçoit pas l'ensemble des impôts, il en perçoit une bonne partie. Et il dispose d'une confortable marge de manoeuvre en ces matières. Qui l'empêche donc d'aller chercher les revenus dont il a besoin autrement qu'en fouillant dans la poche de ceux qui en ont le moins?»

M. le Président, deux courtes phrases: Le moment est venu d'analyser les besoins de la population avec une vision d'ensemble et non à la pièce; et le moment est venu d'établir une nouvelle justice sociale en sollicitant l'adhésion des Québécoises et des Québécois à un véritable contrat social.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Merci de m'accorder quelques minutes pour discuter l'étude du principe du projet de loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. In English, An Act to amend the Act respecting income security and other legislative provisions.

C'est dommage que la ministre n'ait pas écouté le député d'Outremont avant, parce qu'on pourrait peut-être arriver avec un autre projet de loi beaucoup plus intéressant que celui que nous retrouvons devant nous aujourd'hui.

(15 h 50)

M. le Président, après un an d'inactivité, d'inaction, on arrive avec le projet de loi n° 115, et nous sommes en train d'en étudier le principe. Nous avons vu pendant plus qu'un an les priorités de ce gouvernement, et, franchement, on sait que ce n'est pas les individus, ce n'est certainement pas les pauvres. Nous avons vu que ce n'est pas le peuple québécois qui est la priorité de ce gouvernement, c'est juste son obsession. Nous avons vu, M. le Président, qu'ils ont dépensé juste dans la période préréférendaire plus que 92 000 000 $. Nous avons vu aussi qu'on peut ajouter un autre... au moins 50 000 000 $, peut-être plus, pendant le référendum, et on peut voir le montant que ce gouvernement a mis dans son obsession. Et on voit exactement le contraire de ce comportement quand on parle des personnes qui ont besoin d'aide, qui ont besoin des interventions gouvernementales.

And don't forget, Mr. Speaker, that during this period of time also this Government and this Minister found time to find 500 000 $ for publicity in her various campaigns. Et n'oubliez pas aussi, M. le Président, qu'au début de l'année le député de Laporte a dit qu'ils allaient avoir une lacune de plus de 200 000 000 $ dans ce département. La réponse de la ministre, à cette époque-là, c'était de ridiculiser le ministre, à ce temps-là. Mais nous avons vu aujourd'hui, avec ce projet de loi, que le député de Laporte a eu raison. Absolument, il a eu raison. Et maintenant nous avons eu ce projet n° 115 pour commencer à corriger l'incompétence dans ce ministère.

Pire, M. le Président, pire, elle a accepté d'avoir des enveloppes fermées dans ce département, d'avoir des enveloppes fermées. Je peux expliquer les chiffres un peu plus tard. Là, ce n'est la faute de personne s'il a besoin de ces services. Avec ça, d'avoir des enveloppes fermées, ça oblige à couper, ça oblige le ministère à couper dans les programmes d'employabilité. Un bon exemple qu'on peut trouver: ils ont coupé 18 000 000 $ dans le programme de PAIE. C'est un programme tellement positif. M. le Président, c'est certain, avec la loi n° 115, on voit qui va payer la traite pour cette obsession de ce gouvernement, cette incompétence et cette inaction, et c'est les plus démunis dans notre société. Qui va payer la traite? C'est ceux et celles qui veulent briser ce cercle vicieux de pauvreté.

Mr. Speaker, when you look at the thinking behind Bill 115, you see that this Government is attempting to blame everybody but themselves. They are attempting to put on the least capable sector of our society the obligation to make up for their incompetence, for their inaction. This is unacceptable. This should not happen. And this opposition, we will do our best to make sure that the population of Québec understands exactly what this Government is doing.

M. le Président, je voudrais, avant de continuer mes remarques, certainement féliciter l'excellent travail du député de Saint-Henri–Sainte-Anne, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu, parce que je pense qu'avec ses interventions nous avons commencé à comprendre l'importance de ce projet de loi. Et j'espère, avec tous les bons commentaires de l'opposition, que la ministre va en tenir compte et qu'elle va bonifier la loi. C'est dommage qu'il n'y ait pas beaucoup d'autres députés, de l'autre côté de la Chambre, qui ont décidé de faire des interventions, parce que c'est effectivement une loi qui touche chacun de nos comtés.

M. le Président, plus j'étudie le projet de loi n° 115, plus je suis contre. Je rappellerai, M. le Président, la mission de ce ministère: de lutter contre la pauvreté, de favoriser le retour au travail. Mais, M. le Président, on trouve exactement le contraire dans ce projet de loi, on trouve des gestes qui n'aident pas la lutte contre la pauvreté et, certainement, qui n'encouragent pas le monde à retourner au travail.

Je me demande pourquoi, M. le Président, la ministre essaie de pousser cette loi. Et la seule et unique raison: elle cherche de l'argent, elle cherche de l'argent, elle cherche une façon de couper. Et ça ne fait rien où elle va couper, mais elle va couper. Il me semble que c'est un peu comme le ministre de la Santé, M. le Président: quand il veut couper, il veut sauver de l'argent, il ne parle pas de santé, il ne parle pas de qualité de soins. La ministre ne parle pas de qualité de services pour les citoyens, elle veut couper. Il me semble que nous n'avons pas une ministre vraiment de sécurité du revenu ni de santé, nous avons deux adjoints parlementaires de la ministre des Finances.

M. le Président, mon comté, c'est le comté de Nelligan. Un peu comme mon ami le député d'Outremont l'a mentionné, c'est un comté qui a l'image d'être un des comtés privilégiés. One of the reasons why I wanted to speak on this law is to make sure that this House understands that there are people in need, there are people in need of income security throughout this province. Let me just quote a few figures. In Sainte-Geneviève, there are 225 people, from figures that I received from one of the groups, Trait d'union, that works very hard with people trying to get back to work; in Pierrefonds, one of the biggest municipalities in my riding, 1 777; in Île-Bizard, 170 people; Kirkland, 75; Sainte-Anne-de-Bellevue, 101; Baie-d'Urfé, which is considered a very privileged area, 20 people; and in Senneville, 8 people, for a total in the region of 4 412 people, if you count the three ridings in the West Island, which is up from two years before that by 1 262 people.

Mr. Speaker, this is something that people don't wish upon themselves, this is something that people have to deal with. And even in the West Island, you saw an increase of almost over 30 % of people requiring these services. Therefore, we should not be having closed envelopes, we should be doing our best to encourage, to make sure that people have the services and have the programs available to encourage them to go back to work. When I can state these kind of figures in the West Island, you know in the other 124 ridings there are similar requests and needs.

Je voudrais citer, M. le Président, quelques exemples des problèmes que j'ai trouvés. Il ne me reste pas beaucoup de temps pour ça, je n'ai pas le temps de dresser une liste de tous les problèmes que je vois dans le projet de loi n° 115, mais je vais en mentionner quatre: un, c'est la question d'abolir les avoirs liquides; deux, c'est la question des barèmes de disponibilité; trois, c'est la question de la confidentialité; et, quatre, c'est la question de transfert des responsabilités qu'on trouve à la fin de ce projet de loi.

L'article 1 vise à abolir les avoirs liquides pour le premier mois de la demande d'aide de dernier recours. Actuellement, toute personne qui fait une demande d'aide sociale peut avoir dans son compte de banque une somme variant de 1 500 $, pour une personne seule, à 2 500 $ pour une famille au programme APTE, et de 2 500 $, pour une personne seule, à 5 000 $ pour une famille au programme Soutien financier, et ce, sans que l'admissibilité à l'aide en soit affectée ou que les prestations en soient diminuées. L'adoption de l'article 1 obligera donc les personnes à se présenter à la sécurité du revenu sans un sou en poche, sinon elles seront refusées ou leur prestation sera réduite, dollar par dollar, d'un montant équivalant à leurs économies.

Mr. Speaker, what was the minister thinking when she came up with that system, to have no liquid assets? Just look at my riding. Somebody trying to live, a family, a couple with a child, all on $1 150 a month, and they are supposed to, if they are going to apply for this type of help, have no assets in the bank! What about, during the months... and we all have our financial budgets that we have to live within. What happens when your child forget their boots at school? What happens if the fridge breaks down? What happens when you are needing that urgent money just to pay certain bills? What happens when you try to get a monthly pass on public transport to go and apply for jobs? What happens with all that? Are you supposed to make sure, before you apply for these services, you have no money?

(16 heures)

To me, this will encourage two things. Cet article va encourager au moins à dépenser tous les avoirs liquides avant de commencer ces programmes ou il va frauder le système, il va essayer de cacher ses avoirs liquides. Il me semble que la ministre doit repenser, réfléchir sur cet article, parce que, dans mon opinion, c'est inacceptable de demander que, avant de commencer dans le programme, vous ayez les poches vides, vous ayez besoin de liquider tous vos avoirs liquides.

M. le Président, j'ai mentionné un deuxième point, c'est la question du barème de disponibilité. Rappelons, M. le Président, que le barème de disponibilité est versé aux personnes qui manifestent formellement leur intention de participer à une mesure d'aide ou de préparation à l'emploi, mais que cette mesure ne peut leur être offerte immédiatement, faute de place. Au nom de l'équité, on accordait à des personnes le barème de disponibilité en compensation du fait que le ministre ne peut combler toutes les attentes de sa clientèle au niveau des mesures d'employabilité. Présentement, on compte plus de 50 000 personnes aptes au travail et disponibles qui attendent et qui souhaitent que le ministre leur offre une mesure d'intégration à l'emploi. En abolissant ce barème, le ministre pénalise non seulement les prestataires qui ont de la motivation, mais ne les reconnaît plus. Du même souffle, la ministre a annoncé qu'elle coupera par voie réglementaire 30 $ sur le barème attribué à ceux qui participent aux mesures de développement et d'intégration en emploi. M. le Président, vous savez, ça va freiner la motivation, et l'intention de ce projet de loi, c'est de pénaliser ceux et celles qui veulent, avec bonne volonté, briser ce cercle vicieux de pauvreté. Et qu'est-ce que la ministre fait de ça? Elle augmente les problèmes pour ces personnes. De un, de ne pas accepter le barème de disponibilité, ça coûte 50 $. En plus, de couper de 30 $ par mois, vous savez, M. le Président, ça fait mal à ces personnes qui ont besoin d'aide.

This article of law doesn't respect the differences of those who are available and those who are not. It clearly penalizes those that are trying to break out of the vicious circle of poverty. It clearly does not, in any way, shape or form, encourage and motivate people to get back to work. It does not help those people in the very difficult steps of breaking the cycle. And I would like to just congratulate one of the groups close to my riding, Trait d'union, which is working very hard at doing this kind of work and is very conscious of the problems that this kind of measure would cause.

J'ai mentionné aussi, M. le Président, l'article 15. C'est l'article qui touche la question de la confidentialité. L'article 15 prévu au projet de loi accordera à la ministre le pouvoir de faire des échanges de renseignements nominatifs avec différents ministères, tant au niveau provincial que fédéral, avec différents organismes, entreprises et personnes. Ce projet de loi prévoit également le couplage de fichiers entre les différents ministères, notamment le ministère du Revenu. M. le Président, ce précédent de divulguer des renseignements personnels de la clientèle de la Sécurité du revenu au ministre du Revenu va à l'encontre du respect de la confidentialité des renseignements personnels. Encore une fois, on doit s'assurer que nous allons avoir des consultations, de discuter en toute transparence ce que ça veut dire, ces articles, c'est quoi, l'impact sur la confidentialité. Et je sais qu'il y a un avis qui a été déposé, mais je voudrais avoir aussi de la consultation spécifiquement sur cette question, parce que, avant de commencer à changer les règles de l'information personnelle, on doit être certain que nous allons bel et bien protéger la confidentialité. Et je suis, en principe, contre l'échange d'informations personnelles sans avoir l'obligation de dire à ces personnes que l'État est en train d'échanger l'information.

Quatrième point, M. le Président. Vous pouvez trouver dans le projet de loi plusieurs articles qui prévoient le transfert à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de la responsabilité budgétaire des services dentaires, pharmaceutiques, optométriques et d'autres services rendus aux prestataires de la sécurité du revenu.

M. le Président, voilà un autre exemple de type de management, ou de manque de, qu'on voit avec cette ministre de la Sécurité du revenu. Elle pense qu'elle peut transférer tous ces services, elle peut mettre ça dans un autre ministère, avec ce déficit, un truc actuariel pour sauver de l'argent, mais, effectivement, elle peut jouer un rôle d'autruche, mais les problèmes restent quand même. Vous pouvez transférer ces programmes dans un autre ministère, M. le Président, mais les besoins et les problèmes existent quand même.

Mais c'est comme d'habitude, et le député d'Outremont l'a déjà mentionné, la ministre, souvent, dit que ce n'est pas dans ses compétences. Elle veut, sur cette question maintenant, dire la même réponse: Ce n'est pas ma job. Ce n'est pas ma job. Elle peut transférer ça et elle peut oublier ces problèmes. Mais on sait que, dans ces types de programmes spécifiques, on doit assurer qu'il y a une bonne accessibilité et universalité, autant que nous en sommes capables. Avec ça, de juste mettre sa tête dans le sable ne corrige pas le problème. C'est pourquoi, M. le Président, je pense qu'on doit insister avec toute la vigueur, on doit insister pour avoir des consultations générales pour ce projet de loi. Ce n'est pas le temps, juste avant les Fêtes, de bulldozer ce type de projet de loi, d'empêcher ceux et celles qui veulent faire des interventions de faire ça. Je pense que c'est le temps de laisser la communauté générale, les organismes, organisés et non organisés, avoir une chance de faire leurs représentations, parce que c'est trop important, M. le Président, de faire des changements comme ça sans avoir de consultation générale.

Mais je vois, encore une fois, M. le Président, qu'il y a un parallèle avec la santé. Juste avant la dernière session, ils ont bâillonné l'opposition, ils ont passé la loi 83, qui a donné le pouvoir au ministre de la Santé, le droit de fermer les hôpitaux. Je pense que vous êtes certainement au courant de ce dossier, M. le Président. Avec ça, le pouvoir de fermer les hôpitaux sans avoir de consultation. Voilà un autre exemple aujourd'hui que ce gouvernement qui a une seule obsession – c'est la séparation du Québec – ne veut pas faire de consultation, il ne veut pas faire un débat social devant la population québécoise, assurer que tout le monde a une chance d'explorer une nouvelle vision. Il arrive avec un projet de loi sec et froid qui n'a pas de coeur, qui se cache en arrière des chiffres et des mots, mais qui fait mal à M. et Mme Tout-le-Monde.

M. le Président, ce n'est pas le temps de blâmer le fédéral, ce n'est pas le temps de blâmer les assistés sociaux, ce n'est pas le temps de blâmer les autres. Now is the time that this Government should accept its responsibility. It lost the referendum, it lost it even though they tried to do everything they could to win it, they tried to throw as much money towards as they could, they tried every trick in the book to win it. But they lost it.

Now, what they should do is accept the democratic will of the people and accept that they lost. They will not even accept the motion to that effect in this House. But once they have accepted it, and they must accept it because it is the democratic will of the people of Québec, they should stop blaming others. They should not blame the federal government. They should not blame people who are looking for income security. They should blame themselves. They should accept the responsibility and say now: We have been told that we must govern.

And what I would very much like, Mr. Speaker, as I finish, to encourage and to insist that this Government accept that she has made a mistake on Bill 115. Take the comments from the deputy from Saint-Henri–Sainte-Anne and other deputies from this side of the House, take it in the spirit that is offered: to improve the situation. Stop the implementation of Bill 115 and allow for a full and total public consultation before you make another mistake on the backs of the most vulnerable, powerless people of our society. Merci beaucoup, M. le Président.

(16 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, je vais céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, j'aimerais faire part également de mes préoccupations, mes craintes face au projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives. M. le Président, il m'apparaît clair que la raison principale derrière ce projet de loi est simplement de boucler le budget du ministère de la Sécurité du revenu. Je ne vois pas vraiment d'autre raison, M. le Président. Évidemment, les mesures qui sont proposées dans la loi 115 sont proposées, selon la ministre, pour améliorer le système, pour aider un peu dans le recouvrement, pour essayer de restreindre un peu les abus. Mais, quant à moi, M. le Président, la raison majeure et principale, et la seule et unique raison, c'est de boucler le budget du ministère de la Sécurité du revenu, boucler un budget où il manque à peu près 137 000 000 $. Je vous rappelle, M. le Président, et je rappelle aux membres de cette Chambre qu'au moment de l'adoption des crédits du gouvernement nos critiques, de ce côté de la Chambre, ont signalé à la ministre de la Sécurité du revenu une certaine lacune dans le financement de son ministère. Et on s'est fait dire, M. le Président, à plusieurs reprises: Bien non, vous vous trompez, il n'y a pas de problème. Vous êtes en train de mal interpréter les chiffres, etc. Mais, là, M. le Président, à peine quelques mois plus tard, les prévisions et les observations de nos critiques de ce côté de la Chambre s'avèrent exactes. On arrive avec une situation où le ministère est obligé, la ministre est obligée d'essayer de boucler son budget par des mesures qui s'en prennent, quant à moi... et qui vont pénaliser les plus démunis de la société québécoise.

Les mesures qui sont proposées dans la loi, M. le Président, changent le barème de disponibilité et le barème de participant, deux mesures, M. le Président, qui, il me semble, favorisaient l'intégration en emploi, l'employabilité. Deux mesures incitatives pour aider, pour tenter d'aider les personnes qui sont sur l'aide sociale à sortir de ce cercle vicieux, à s'en sortir par le biais de l'obtention d'un emploi. Et j'ai beaucoup de difficultés, M. le Président, à comprendre les raisons pour lesquelles la ministre décide de s'en prendre à ces types de mesures qui avaient comme objectif, le but ultime, de faire sortir des clients de l'aide sociale pour qu'ils puissent trouver un emploi, faire peut-être de la formation, être formés dans un domaine en particulier pour qu'ils puissent arrêter ce cercle vicieux de bénéficiaire de l'aide sociale. M. le Président, je peux comprendre qu'il faut boucler des budgets. Je pense que tous les Québécois et les Québécoises sont au courant de la nécessité de nos gouvernements de restreindre leurs dépenses, de faire un effort pour assainir les finances publiques. Tout le monde, je pense, est prêt à faire sa part, certains sacrifices pour restreindre les dépenses de l'État. Mais, M. le Président, il faut quand même s'interroger sur les mesures prises par ce gouvernement pour accomplir cet objectif de restreindre les finances de l'État. J'en donne comme exemple, M. le Président, ce qu'on peut décrire, cette attaque contre les bénéficiaires de l'aide sociale versus les mesures de recouvrement et les mesures de contrôle possibles même à l'intérieur du ministère de la Sécurité du revenu. Et je m'explique, M. le Président.

Dans l'année 1994-1995, le gouvernement du Québec a consacré 3 900 000 000 $ en prestations de l'aide sociale, un chiffre assez imposant. Mais ce qu'on découvre, M. le Président, c'est qu'une partie de ces sommes-là ont été payées – et, historiquement, ont été payées dans les années passées – à des personnes qui soit n'y avaient pas droit ou qui n'ont pas tout à fait rapporté d'autres revenus. En somme, M. le Président, des argents de trop versés à des prestataires. Ce n'est pas anormal en soi, M. le Président, quand on a un nombre important de bénéficiaires de l'aide sociale, 800 000. Ça va quasiment de soi – et, ça, on peut l'accepter – qu'il y a un certain pourcentage des bénéficiaires à qui est versé trop d'argent, ou qui n'ont pas le droit d'avoir les prestations d'aide sociale mais qui en reçoivent pendant un bout de temps, ou dont la situation financière change mais ce changement n'est pas rapporté au gouvernement dans une période de temps assez courte pour faire des changements. Je pense, M. le Président, fondamentalement, que c'est là que notre système accroche. Les Québécois et les Québécoises de toutes les régions, de toutes les couches de la société sont tannés de voir des prestations de l'aide sociale payées à ceux et à celles qui n'y ont pas droit. Qui n'y ont pas droit, M. le Président. La ministre aurait pu procéder à des mesures de recouvrement et à des mesures de contrôle plus importantes que celles prévues dans le projet de loi n° 115 pour essayer de rapatrier ces sommes d'argent qui sont considérables au lieu de s'attaquer à des prestataires qui font un effort pour briser le cercle de prestations d'aide sociale.

Les comptes à recevoir du ministère de la Sécurité du revenu sont assez élevés, M. le Président. Au 31 mars 1995, ça représentait 358 000 000 $. C'est beaucoup de dollars, M. le Président. Ça, c'est la somme totale jusqu'au 31 mars de cette année. C'est vrai que le ministère procède à la facturation de plus en plus importante des sommes dues, autrement dit des sommes versées en trop. La facturation, la demande que le ministère fait à des individus de rembourser le gouvernement pour des sommes payées en trop est en progression annuellement. Il est également vrai, M. le Président, que les sommes de recouvrement, les sommes qui sont vraiment reçues par le gouvernement suite à cette demande de remboursement sont également à la hausse.

(16 h 20)

Ce qui est étonnant, M. le Président, c'est que l'écart entre les deux, autrement dit l'écart entre la facturation, les sommes versées en trop qui sont demandées à des individus, puis les sommes qui sont vraiment collectées par le gouvernement, l'écart entre ces deux courbes est également en progression. C'est vrai, on facture plus. C'est vrai qu'on reçoit plus, mais l'écart entre ces deux courbes, autrement dit la partie où l'État ne peut pas aller chercher, la partie des sommes légitimement dues à l'État, les sommes de trop versées que l'État n'est pas capable d'aller chercher, devient de plus en plus important. À cet égard, M. le Président, le rapport du Vérificateur général du Québec de cette année est révélateur. Le Vérificateur général indique, à la page 256 de son rapport, que «le ministère n'atteindra pas son objectif de réduire et de maintenir à la baisse le montant global des comptes à recevoir.» Les stratégies qui ont été mises en place jusqu'à date par le ministère, selon le Vérificateur général du Québec, ne sont pas assez vigoureuses pour atteindre les objectifs de réduire des comptes à recevoir.

M. le Président, le rapport du Vérificateur général du Québec consacre 20 pages, 20 pages à des mesures au sujet du ministère de la Sécurité du revenu. Il y a 17 recommandations dans le rapport, et ces 17 recommandations sont très variées. D'ailleurs, je suggère à la ministre de prendre bonne note de ces recommandations; je suggère fortement aux députés ministériels également de prendre connaissance des recommandations sur le recouvrement parce que ça peut être très utile et très instructif pour eux autres. Ça pourrait démontrer une façon de restreindre les dépenses à la Sécurité du revenu, de boucler le budget du ministère de la Sécurité du revenu sans attaquer les prestataires qui ont droit, qui ont droit à leurs prestations, sans s'attaquer aux personnes qui essaient, par les mesures de disponibilité et des mesures de participation, de briser ce cercle vicieux, de sortir de cette situation où ils se trouvent, sans emploi, avec une formation inadéquate. Il y a d'autres possibilités pour la ministre de la Sécurité du revenu de boucler son budget. Il y a d'autres possibilités pour ce gouvernement de boucler le budget au ministère de la Sécurité du revenu sans s'attaquer aux personnes qui ont légitimement le droit de recevoir des prestations d'aide sociale. Parmi ces 17 recommandations, on trouve des stratégies et des cibles, des suggestions de stratégies et cibles de recouvrement, des suggestions pour imposer une meilleure gestion des comptes à recevoir, un meilleur traitement des créances et des mesures pour améliorer le recouvrement des pensions alimentaires.

Ce sont des recommandations... quelques-unes des recommandations du Vérificateur général du Québec, dans lequel le présent gouvernement semble avoir énormément de confiance pour mener des enquêtes... à suivre ses recommandations. Si le présent gouvernement a tant confiance dans le Vérificateur général, dans son professionnalisme, sa compétence pour lui confier des mandats de mener des enquêtes sur d'autres choses, pourquoi est-ce que le gouvernement ne suivrait pas, ne tiendrait pas compte de ses recommandations au sujet du recouvrement dans le dossier du ministère de la Sécurité du revenu?

C'est vrai que certains efforts ont déjà été faits par le ministère, mais il est très clair que ces efforts-là sont insuffisants. Encore une fois, je représente un comté qui est très diversifié en termes de démographie. Dans Notre-Dame-de-Grâce, il y a une partie importante de personnes qui sont des prestataires de l'aide sociale. On a tendance, en cette Chambre et en dehors de cette Chambre, à penser que le comté de Notre-Dame-de-Grâce, situé dans l'ouest de Montréal, est un comté de riches; ce n'est pas le cas. Si le député de Johnson veut venir faire un tour, je peux lui montrer qu'il y a un nombre important de personnes qui vivent en bas du seuil de la pauvreté, qui doivent recourir à des services de dépôt alimentaire parce que, à la fin du mois, ils ne peuvent pas faire manger leurs enfants, et je peux inviter le député de Johnson à passer une journée avec moi dans mon bureau de comté pour savoir le nombre de plaintes qu'on reçoit des prestataires de l'aide sociale, peut-être que ça élargira ses horizons. Moi, je connais un petit peu son comté, ce serait peut-être le temps qu'il connaisse le mien.

Alors, on a tendance à penser que le comté de Notre-Dame-de-Grâce est un comté riche. C'est vrai qu'il y a des quartiers où le revenu familial est très important et très élevé, mais il est également vrai qu'il y a des coins où on trouve une concentration de population qui s'apauvrit davantage. Je trouve triste pour mes commettants que la ministre ait choisi de procéder d'une certaine façon pour pénaliser des gens qui sont sur l'aide sociale en abolissant le barème de disponibilité au lieu de s'attaquer au vrai problème qui est celui du recouvrement.

Dans mon comté, il y en a, des gens qui s'en prennent à notre système de l'aide sociale, mais ils s'en prennent parce que, en effet, on a tous vu, comme députés, les abus. Je pense que tout le monde en a vu, des abus. Mais il ne faut quand même pas laisser passer ça pour une condamnation de notre système d'aide sociale. Ce que je fais très souvent, c'est de dire à des citoyens qui voient leurs impôts disparaître comme de la fumée, de dire à ces citoyens-là: Oui, il y a des personnes qui ont besoin de l'aide sociale de façon très légitime, et on va les aider, mais il y a des abus et il faut tenter de régler ces cas d'abus, et une façon de le faire, c'est par les mesures de recouvrement aussi. La ministre ne s'attaque pas, quant à moi, d'une façon assez vigoureuse à ces mesures de recouvrement.

Il y a une autre problématique, quant à moi, dans le projet de loi n° 115, et celle-là se réfère à l'amendement proposé à l'article 65.1, qui touche l'échange d'informations normatives entre les ministères, surtout entre le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère du Revenu. La possibilité d'échange d'informations ne se limite pas aux deux ministères, si j'ai bien compris l'amendement que va proposer la ministre, mais ça peut être fait entre des personnes, des entreprises, des ministères et organismes. À cette fin, l'avis de la Commission d'accès à l'information relatif à la proposition d'amendement est très instructif.

(16 h 30)

La Commission dit, à la page 5: «La Commission d'accès à l'information peut difficilement donner son aval à une proposition d'amendement qui aurait pour effet d'ouvrir la voie à la communication de renseignements nominatifs entre le ministère de la Sécurité du revenu et des partenaires dont le nombre et l'identité ne peuvent être précisés pour l'instant.» Autrement dit, M. le Président, la Commission d'accès à l'information ne s'objecte pas nécessairement à un échange d'informations entre le ministère du Revenu et le ministère de la Sécurité du revenu, mais la portée de cet amendement-là ouvre d'une façon beaucoup plus large l'échange d'informations. Et c'est un autre problème qui est dans la loi présentement proposée par la ministre.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je pense que cette loi devrait être rejetée. Si elle n'est pas rejetée, on va tenter de faire savoir notre point de vue en commission parlementaire en déposant certains amendements; je suis convaincu que certains vont trouver la faveur de la ministre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui, M. le député de Robert-Baldwin, je vous cède la parole.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de joindre ma voix à la porte-parole de l'opposition en matière de sécurité du revenu, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, afin de refuser l'adoption du principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives.

En effet, M. le Président, nous sommes dans une étape importante du processus législatif, c'est-à-dire l'adoption de principe. À la lumière de ce que j'ai lu du projet de loi n° 115, il me semble évident que non seulement la porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu, mais l'ensemble de la députation de l'opposition officielle ne peut que s'inquiéter des conséquences désastreuses qu'aura ce projet de loi sur la vie quotidienne de la clientèle des prestataires de la sécurité du revenu. En effet, M. le Président, ce projet de loi renferme une multitude de conséquences dramatiques pour les gens qui sont les plus démunis de notre société, ce qui m'amène, M. le Président, à m'interroger, comme parlementaire mais également comme individu, face aux choix que fait ce gouvernement.

Il faut rappeler que, dès son arrivée au pouvoir, c'est ce gouvernement qui a aboli les mesures de contrôle qui avaient été mises en place par le gouvernement précédent. Il faut se rappeler également que le député de Laporte avait prévu la situation, avait déjà avisé, en commission parlementaire, les représentants du gouvernement que leurs prévisions étaient trop optimistes et qu'elles allaient entraîner un trou à combler de 137 000 000 $.

Il faut rappeler également que ce projet de loi coupe d'abord, pour les gens qui sont en disponibilité, les barèmes de participation, qu'il enlève les incitatifs, les motivations à trouver un emploi, qu'il enlève également les avoirs liquides. Les gens n'auront plus les moyens suffisants pour faire un minimum d'épargne pour payer les choses imprévues, les choses urgentes. On ne leur permet plus d'avoir des économies.

M. le Président, nous, de l'opposition officielle, nous disons un gros oui aux efforts qui peuvent être faits à l'assainissement des finances publiques. Cependant, nous refusons d'accepter les choix que ce gouvernement a faits, particulièrement lorsqu'on nous a promis une autre façon de gouverner. Je pense qu'on peut trouver discutable la formule de publicité qui a été présentée pour, semble-t-il, donner de la dignité aux assistés sociaux. Eh bien, je pense qu'aujourd'hui les assistés sociaux apprécieraient recevoir ces argents.

On se rappelle les coûts de la dernière campagne référendaire, je pense que ça a été identifié souvent; on parle de près de 100 000 000 $: une dizaine de millions pour les commissions régionales sur la souveraineté, une dizaine de millions, M. le Président, pour tous les amis du gouvernement, M. Le Hir, le ministre de la Restructuration, Conseil de la souveraineté, subvention de 4 000 000 $.

J'aimerais juste citer, rapidement, parce que ça touche aussi une autre catégorie de démunis, les patients, les malades, les exemples de gaspillage que ce gouvernement a choisi de faire dans le domaine de la santé – on l'a mentionné un peu plus tôt, la semaine passée. Eh bien, le coût des régies régionales, maintenant, qui est rendu à 100 000 000 $. Alors qu'on avait créé ces régies pour rapprocher les patients des décideurs, on devait diminuer le nombre de fonctionnaires au ministère, rien n'a été fait. On a simplement engraissé la bureaucratie. Et je vous rappelle, M. le Président, qu'on a déposé, ici même, près de 400 000 noms de signataires de pétitions, alors qu'en aucun cas aucune régie régionale n'a reflété ce désir des patients de garder leur hôpital communautaire. Je vous rappelle également la propagande qui a été faite lors du référendum, lorsqu'on a déposé dans les chèques aux assistés sociaux de la propagande souverainiste. Ça, c'était avant, M. le Président. Je vous rappelle d'autres exemples de gaspillage. Un hôpital qu'on veut ériger dans le comté du premier ministre, l'hôpital Parizeau, au moment où on en ferme des dizaines.

J'ai rappelé un peu plus tôt la semaine dernière qu'on se servait du ministère de la Santé pour combattre le déficit. Eh bien, maintenant c'est l'aide sociale qui vient de s'ajouter à la liste. On s'est d'abord attaqué aux malades et aux patients, maintenant on s'attaque aux assistés sociaux, spécialement aux jeunes, ceux qui sont en quête d'emplois. On pense aussi aux familles monoparentales. Et je me souviens d'avoir entendu plusieurs députés du parti ministériel déchirer leur chemise en disant qu'il fallait aider les jeunes, mais, quand c'est le temps de prendre des actions, des décisions, eh bien, vous voyez ce qui a été fait dans le domaine de la santé, on a gelé les embauches aux jeunes pour une période de cinq ans et maintenant on s'attaque aux plus démunis, des assistés sociaux. Quel manque de souci! Quel manque de solidarité envers les plus pauvres de notre société!

Oui, M. le Président, je partage entièrement la vision que les finances publiques sont au coeur des préoccupations de toute notre société, qu'elles doivent être au coeur des préoccupations d'un gouvernement responsable, et j'endosse cette thèse et même que j'offre ma collaboration et celle sûrement de tous les membres de l'opposition officielle pour trouver des solutions intelligentes afin de régler ce problème, puisque les finances publiques ont un impact sur la vie de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Notre dette diminue la qualité de vie de tous, diminue la capacité d'achat des contribuables qui sont surtaxés et qui ne parviennent plus à jouir de la vie. Alors, dans ce sens-là, j'endosse la thèse que les finances publiques doivent être la préoccupation, ici, au Québec et partout au Canada et à travers le monde, mais sûrement pas sur le dos des assistés sociaux, sur le dos des patients et sur le dos des malades.

On a assisté, depuis l'arrivée de ce gouvernement, à des dépenses astronomiques. J'en ai fait état et je passe sous silence le 1080, des Braves et ses réceptions. Ces exemples nous démontrent que, dans le gouvernement du Parti québécois, il y a malheureusement deux poids, deux mesures: d'un côté, on célèbre et on fête – et on a eu des fêtes dans la période préréférendaire et référendaire – mais on s'amuse, et c'est toujours aux frais du contribuable, et, de l'autre côté, eh bien, on s'attaque vraiment, par les politiques gouvernementales – et on a deux exemples maintenant: la santé et l'aide sociale – aux plus démunis.

En parlant de choix du gouvernement, la première chose qu'ils ont faite et qui a été marquante, on s'en souvient tous malheureusement, tout de suite, dès le début de leur règne, eh bien, ça a été la fermeture d'hôpitaux. Ces fermetures d'hôpitaux attaquent directement l'essence même de notre société. La qualité des soins dispensés, l'assurance d'avoir accès à des soins au Québec, c'est un choix collectif. Cela représente, pour la population en général, un filet de sécurité sociale auquel les gens tiennent et pour lequel ils travaillent tous les jours, quotidiennement, afin de donner les fonds nécessaires au gouvernement pour financer le réseau de la santé.

Et voilà maintenant qu'on s'en prend au dernier filet de protection de notre société, l'aide aux plus démunis. Le pire, c'est que tous ces choix qui effritent directement notre contrat social sont faits avec une certaine désinvolture, et je m'explique. Ce gouvernement qui a choisi, dans la première année de son mandat, de fermer des hôpitaux, il l'a fait envers et contre la population, parce qu'on se souvient des manifestations, on se souvient des pétitions qui ont été signées et qui ont été déposées ici même, en cette Assemblée. On se souvient des préoccupations des personnes âgées et des plus démunis, des gens qui sont malades. Ils voulaient se faire entendre, M. le Président. Ils voulaient se faire entendre, et malheureusement la porte du parlement, l'institution de la démocratie au Québec, leur est restée close. Et voilà qu'on retrouve à peu près le même scénario maintenant qui se répète. On ne veut pas consentir à entendre les groupes de pression, les organismes communautaires qui oeuvrent auprès des plus démunis. Je crois que c'est là une démonstration d'une insensibilité, d'un manque d'ouverture injustifiable de notre institution démocratique.

(16 h 40)

Je pense que c'est important de le noter, à chaque fois qu'il y a un projet, un projet qui touche le fond de la gestion, qui affecte l'ensemble ou une grande partie de la population du Québec, nous insistons pour avoir des commissions parlementaires pour que les gens puissent venir s'exprimer, et, dans ces deux cas bien précis, fermeture d'hôpitaux et attaque envers les assistés sociaux, bien, on refuse aux gens de venir s'exprimer. C'est très discutable, cette attitude.

Je crois fermement que ce qui est plus choquant dans les choix du gouvernement, dans les décisions qui sont prises, c'est qu'elles auraient pu être évitées. Je vous parlais, tout à l'heure, des fonds publics, de la saine gestion. Eh bien, si le ministère du Revenu avait d'abord et avant tout pris la bonne décision pour assainir les finances du ministère, on n'en serait pas là aujourd'hui et personne ne contesterait les choix du ministère. Mais, malheureusement pour les 800 000 personnes qui vivent de la sécurité du revenu, on a choisi de s'en prendre d'abord et avant tout à ceux qui veulent s'en sortir. Il y avait un incitatif pour ces gens-là: essayer de trouver un emploi. On l'enlève, M. le Président. À preuve, même le Vérificateur est venu dire que l'on avait fait un très mauvais choix en annulant le projet-pilote que nous avions mis de l'avant – quand je parle de nous, je parle du gouvernement précédent – et qui visait à récupérer des sommes importantes perdues par ce ministère, un projet qui avait particulièrement réussi et qui avait dépassé les objectifs fixés en récupérant l'argent dû au ministère.

Malgré cela, la ministre a choisi d'abolir cette mesure. Elle a choisi d'abolir les mesures de contrôle qui visent l'équité, c'est-à-dire de s'assurer que seules les personnes qui reçoivent de la sécurité du revenu soient celles qui y ont droit. C'est un contrôle nécessaire, voire même obligatoire, quand on est un gouvernement sérieux. Alors, on a décidé d'abolir, par exemple, la remise du chèque de main à main, mesure qui avait prouvé son efficacité. Pourtant, on n'a instauré aucune autre mesure pour éviter les fraudes, pour éviter les abus. Autrement dit, du même souffle que la ministre abolit les mesures de contrôle, eh bien, plutôt, à tout le moins, que de les remplacer par d'autres moyens de contrôle, on s'en prend plutôt à la clientèle. On s'en prend aux assistés sociaux, et particulièrement, à l'intérieur de cette catégorie ou cette clientèle d'assistés sociaux, bien, ce sont les jeunes qui sont visés.

On a choisi de couper dans un des programmes les plus performants d'intégration en emploi, le programme PAIE. De plus, la ministre décide de couper le barème de disponibilité pour les travailleurs qui lui disent: Si vous avez un programme pour me faire travailler, bien, demain matin, je me lève et j'y vais. C'est ce que je veux. Je veux retrouver mon intégrité, je veux retrouver ma valorisation, donnez-moi une chance d'avoir un emploi. Malgré cette bonne volonté, c'est à eux qu'on s'attaque par cette décision.

Et j'en profite pour dire un mot très rapide sur les démunis du comté que je représente, le comté de Robert-Baldwin. Il y a des organisations extraordinaires dans mon comté qui s'occupent de la pauvreté. Un peu comme mon collègue, beaucoup de gens croient que les comtés de l'ouest de l'île de Montréal sont des comtés riches. Eh bien, c'est une mauvaise perception. Il existe des îlots de pauvreté, et je pense qu'il faut continuer de travailler. J'ai des exemples extraordinaires à vous soumettre. Je pense que la liste est longue, mais j'aimerais tout simplement souligner, à tout le moins, Mme Nerina Lafrance qui s'occupe d'un restaurant qui aide les démunis, et le nom du restaurant est Resto vie. C'est extraordinaire, le travail qui est fait. Je pense au Fonds de dépannage aussi, qui est dans le comté de Robert-Baldwin et qui est dirigé par Mme Teofilovic, et à plusieurs autres organisations. Alors, je pense que, au nom de ces organisations, on souhaiterait qu'on s'attaque davantage à la bureaucratie, qu'on révise les priorités qui sont faites par ce gouvernement plutôt que d'aller tout de suite enlever les incitatifs au travail pour les assistés sociaux.

En plus de s'être laissé imposer une enveloppe budgétaire fermée et voyant que son ministère avait maintenant un manque à gagner de 137 000 000 $, eh bien, on a décidé de pelleter – le terme n'est pas trop fort – le programme d'assurance-médicaments à la Régie de l'assurance-maladie. Dorénavant, les médicaments, les prothèses dentaires, les soins en orthopédie seront assumés, M. le Président, par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Faites attention! Je vous assure que ce n'est pas un cadeau qu'on vient de vous faire. Maintenant, ces subventions seront dictées par le ministre de la Santé. On sait qu'est-ce qu'il a fait avec des patients dans d'autres situations. Eh bien, sachez bien, et je pense qu'il faut les avertir, les patients, qu'on est en train, de nouveau, de regarder de quelle façon on peut les couper davantage, parce que la santé et la sécurité du revenu, c'est maintenant un outil pour combattre le déficit. Alors, on prend un programme de 300 000 000 $, on l'envoie chez le collègue du ministère de la Santé qui doit composer avec un déficit de 30 000 000 $. On délègue donc un déficit de 30 000 000 $ au ministre qui, lui-même à court d'idées, a décidé de fermer des hôpitaux et de sauver de l'argent. Combien d'autres hôpitaux faudra-t-il fermer pour récupérer ces 30 000 000 $? Je vous rappelle qu'on veut toujours en bâtir un dans le comté du premier ministre, le comté de L'Assomption.

M. le Président, c'est un cercle vicieux. On ne règle absolument rien en changeant de ministère un programme déficitaire. En parlant d'assurance-médicaments, je ne peux passer sous silence le fait qu'il y a présentement 1 500 000 Québécois et Québécoises qui sont des bas salariés, des gens qui, tous les matins, ont le courage de se lever pour aller gagner leur vie. Ce sont eux qui ne sont couverts par aucun régime d'assurance-médicaments.

De plus, le virage ambulatoire a rendu nécessaire l'assurance-médicaments – et je m'explique – dû au fait que le retour à la maison se fait deux jours plus tôt que prévu. Après une opération, par exemple, quand le patient arrive chez lui, les médicaments qui lui étaient donnés à l'hôpital sont maintenant à ses frais. Pour un bas salarié, une prescription de 50 $ est difficile à assumer. C'est un surplus qui, souvent, représente un trop gros montant. Alors, qu'est-ce que fait le patient? Il choisit de ne pas se traiter, et, un mois plus tard, on le retrouve à l'hôpital ou bien encore au service d'urgence. Ceci ajoute au problème d'engorgement des services d'urgence.

Vous admettrez avec moi que c'est une drôle de façon de gérer. Finalement, en bout de piste, ce genre de décision ne règle aucunement le problème des finances publiques. Avec le gouvernement du Parti québécois, on assiste à un grand scénario d'iniquité populaire. On crée des strates de personnes dans la société, on prend des décisions en fonction de préoccupations politiques seulement. Ce gouvernement a décidé d'arrimer ses décisions avec ses objectifs référendaires, et je pense maintenant que la situation parle par elle-même; on le voit, c'est un désastre.

Ce gouvernement a favorisé les plus influents de notre société, les groupes les plus influents. Du même coup, il a décidé de ne pas entendre ceux qui n'ont pas le privilège d'en faire partie. On s'en souvient, il s'attaque aux jeunes qui ne sont pas couverts par des conventions collectives dans le réseau de la santé, aux jeunes médecins, aux personnes âgées, en mettant en péril la qualité des soins, et maintenant aux prestataires de la sécurité du revenu.

M. le Président, toutes les mesures du projet de loi n° 115 que nous avons devant nous visent à anéantir complètement la bonne volonté, le dynamisme et l'espoir de vouloir réintégrer le marché du travail. En contrepartie, on n'offre rien, puisqu'on n'offre aucune nouvelle mesure d'intégration à l'emploi, ce qui aurait été absolument nécessaire dans ce contexte. Comble d'incohérence, on investit de l'argent pour faire la campagne de publicité afin de valoriser l'image de la personne vivant de la sécurité du revenu. Je ne crois pas, M. le Président, que ces personnes veulent se voir à la télévision et voir ce qu'elles vivent dans leur quotidien. Je crois que ce qu'elles veulent vraiment, c'est vivre autre chose dans leur quotidien.

M. le Président, la population n'est pas dupe, elle va trouver les moyens de détourner une mesure qui est si inhumaine. D'autant plus que, d'une part, le gouvernement défend aux prestataires de la sécurité du revenu d'avoir un sou en banque et, d'autre part, bien, c'est évident maintenant qu'il enrichit quelques amis. En effet, le ministère de la Restructuration a été une petite mine d'or pour leurs amis, leurs collaborateurs, par des contrats donnés qui ne respectent en rien les règles de procédure. Vous ne trouvez pas, M. le Président, que c'est la loi du deux poids, deux mesures à nouveau? Vous ne trouvez pas que c'est là que le gouvernement aurait dû faire preuve d'intégrité et d'équité?

(16 h 50)

Ce qui est encore pire, c'est que, depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, on assiste à l'effritement du filet de protection sociale. Ce qui m'inquiète encore plus, c'est que, en période de restrictions budgétaires, où les temps sont difficiles, où l'argent se fait de plus en plus rare pour les citoyens et les citoyennes, où les contribuables ont à fournir encore plus d'efforts financiers pour s'assurer d'un réseau de santé adéquat, pour s'assurer d'avoir droit à l'aide de dernier recours, c'est ce gouvernement qui les attaque en premier. Ce qui me trouble, c'est que personne ne peut prétendre être à l'abri de difficultés de la vie, de mauvaises périodes, personne n'est à l'abri de la maladie, personne n'est à l'abri de la pauvreté, et c'est prioritairement à ces gens-là qu'on s'attaque, un gouvernement qui, en campagne électorale, en campagne référendaire, avait vraiment démontré qu'il voulait, semble-t-il, établir un lien de confiance entre la population et ses politiciens, alors que, au contraire, on assiste à des scénarios de patronage, à des soirées somptueuses, alors que des gens de la rue ont faim.

M. le Président, c'est difficile de concilier ces deux discours lorsqu'on taxe de plus en plus et qu'on donne de moins en moins. C'est pour toutes ces raisons, vous l'aurez sûrement compris, que je voterai avec conviction contre l'adoption du projet de loi n° 115. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. L'Assemblée est saisie, aujourd'hui, du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 115, loi intitulée Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, qui va permettre à la ministre de couper de façon drastique les budgets consacrés à l'aide sociale, agissant ainsi sur le dos des plus démunis de notre société. Cela n'est pas surprenant de ce gouvernement qui se targue d'être le grand défenseur de la social-démocratie, mais qui démontre bien des difficultés à mettre en application les mesures appropriées pour répondre à cet objectif. À preuve, les mesures législatives qu'il adoptait contre notre gré, au printemps dernier, pour permettre le changement de vocation et, pire encore, la fermeture de certains hôpitaux.

Revenons toutefois au projet de loi n° 115. Ce projet de loi a été présenté à l'Assemblée il y a à peine une semaine, et voilà que déjà on veut procéder le plus rapidement possible à son étude. On nous a refusé une commission parlementaire sur le sujet, sans doute trop pressé de tourner la page sur les mesures impopulaires que ce projet de loi contient avant l'arrivée de leur futur chef, Lucien Bouchard. On veut sans doute lui éviter d'avoir à défendre cette façon si odieuse qu'a la ministre de régler ses problèmes budgétaires. Cette commission parlementaire nous aurait pourtant permis d'entendre tous les groupes et organismes intéressés par cette question et sans doute de dégager d'autres voies de solution que celle qu'a privilégiée la ministre.

Rappelons-nous que, dès le printemps dernier, notre groupe parlementaire avait alerté la ministre sur les problèmes qu'elle aurait à affronter en cours d'année. En effet, lors de l'étude des crédits, en avril, le député de Laporte avait indiqué à la ministre que ses prévisions budgétaires étaient inexactes et que le dépassement budgétaire était inévitable. Plus tard, mais pas trop tard pour agir, la ministre s'est rendu compte de la situation. Qu'a-t-elle fait pour la corriger? Rien, absolument rien. Bien au contraire, elle a laissé la situation s'empirer, préoccupée qu'elle était par l'échéance référendaire. Elle ne voulait surtout pas déplaire à une portion importante du vote en lui annonçant un train de compressions qui ne pouvait que la contrarier. Dans le contexte des enveloppes fermées, elle aurait dû sentir l'urgence d'agir pour respecter ses budgets. Au contraire, elle s'est réfugiée dans l'inertie la plus totale.

Par ailleurs, compte tenu de l'évolution constante de sa clientèle, la ministre n'aurait jamais dû accepter ce principe pour son ministère. Elle se retrouve aujourd'hui avec des prévisions qu'elle est incapable de respecter et, devant cet état de fait, elle doit légiférer en toute vitesse pour boucler son budget. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne semble pas très forte en chiffres. Imaginez si elle avait à vivre avec un budget de prestataire de la sécurité du revenu.

Quand on examine attentivement les différentes dispositions que contient ce projet de loi, on réalise assez rapidement que les prestataires seront durement pénalisés par leur application. En effet, dès l'article 1, on constate que les prestataires ne pourront désormais plus détenir d'économies pour être admissibles à l'aide de dernier recours. On les obligera donc à tout dépenser leurs maigres avoirs sans leur permettre de conserver ne serait-ce qu'un minimum d'argent pour parer aux imprévus. Pire encore, on sait tous que la recherche d'emploi ne se fait pas sans investir quelques dollars en frais divers. Qu'en sera-t-il pour ces milliers de personnes qui auront écoulé toutes leurs ressources financières pour devenir admissibles à l'aide sociale?

À en juger par l'empressement de la ministre à voir son projet de loi adopté, les prestataires de la sécurité du revenu n'ont pas le droit de vouloir améliorer leur sort, car, disons-le clairement, il est impératif d'assainir les finances publiques. Les coffres de l'État sont vides et ont grandement besoin d'être renfloués, mais pas sur le dos des plus démunis, pas au détriment de ceux qui ne disposent que du minimum pour leur survie, pas chez ceux et celles qui déploient des efforts pour s'en sortir en se rendant disponibles pour participer à des mesures de développement de l'employabilité, soit par de la formation ou des programmes d'emploi.

M. le Président, tout cela se fait pendant que le Vérificateur général nous présente son rapport et qu'il nous rapporte des atrocités sur le comportement de ce gouvernement. On veut récupérer des argents chez les démunis pour boucler notre budget, alors que le Vérificateur nous dit qu'on ne fait pas tous les efforts pour aller chercher les impôts qui sont dus par ceux qui travaillent au Québec. On a un manque dans les coffres, M. le Président, au ministère du Revenu, de 1 300 000 000 $ par année.

On entend souvent dire que ce gouvernement, ou dans ce gouvernement, la main gauche ne sait pas ce que la main droite fait, et vice versa. Est-ce qu'on ne pourrait pas se parler, au Conseil des ministres du Parti québécois, et est-ce qu'on ne pourrait pas demander à la ministre des Finances et du Revenu, qui... Soit dit en passant, M. le Président, son prédécesseur, l'actuel ministre des Transports, nous disait, lorsque lui avait été nommé ministre des Finances et ministre du Revenu, que le gouvernement précédent, le gouvernement libéral, ce n'était pas un mauvais gouvernement. Son problème, c'était qu'il ne savait pas comment aller chercher ses revenus. Je vais vous dire de quoi, moi. L'autre façon de gouverner, là, on n'aura pas trop de leçons à apprendre d'eux autres, quand on nous dit, quand le Vérificateur général nous dit que 1 300 000 000 $ par année, M. le Président, sont laissé aller, qu'on ne fait pas les efforts nécessaires pour aller chercher ces argents-là.

Et en même temps, M. le Président, tout ça dans les jours qui précèdent, on nous présente un projet de loi pour déplafonner le Fonds de solidarité, on nous présente dans le même projet de loi des articles pour avoir d'autres fonds de solidarité. Pendant ce temps-là, on ne peut pas questionner la ministre, parce qu'il semble qu'il y ait de la parenté dans ça. Le président-directeur général aurait un lien, qu'on nous dit. M. le Président, les fonds de solidarité, selon une étude du ministère du Revenu, ça coûte de l'argent aux contribuables. Pourquoi s'en tenir à aller chercher des argents chez les petits salariés ou chez les plus démunis? Chaque dollar investi dans les fonds de solidarité, M. le Président, en coûte trois à l'État, aux contribuables québécois, et on pourrait s'imaginer facilement, l'an prochain, qu'il y aurait, dans les fonds de solidarité, là, un peu partout, dans les différentes centrales syndicales, les amis des gens d'en face, environ 300 000 000 $ d'investis. Est-ce qu'on peut penser, M. le Président, que, 300 000 000 $ investis dans ça, si 1 $ en coûte 3 $, ça va coûter 1 000 000 000 $ aux contribuables québécois? On «peut-u» aller chercher de l'argent ailleurs que chez les démunis?

(17 heures)

À compter du 1er avril, fini le supplément de 50 $ que constituait le barème de disponibilité. Par ailleurs, le barème de participation sera, pour sa part, coupé de 30 $ par voie réglementaire. La ministre détruit ainsi tous les espoirs qu'ont ces prestataires de s'en sortir et réduit leur motivation à néant. Que dire de ce mépris dont fait preuve la ministre, sinon qu'il est le fruit de l'improvisation la plus totale qu'elle a démontrée dans la gestion des programmes de sécurité du revenu depuis sa nomination à ce poste.

Par exemple, elle n'a mis de l'avant aucune mesure pour contrer la fraude et les abus. Bien plus, elle a aboli le système de remise de chèques de main à main qui permettait d'exercer un certain contrôle sur les prestataires. Le succès qu'elle souligne au chapitre du recouvrement découle de mesures qu'avait adoptées le Parti libéral alors qu'il formait le gouvernement. Elle a coupé dans le Programme d'aide à l'intégration en emploi qui s'avérait le programme le plus performant quant à l'atteinte de ses objectifs. Elle a accepté de se conformer aux nouvelles politiques d'enveloppes fermées commandées par le Conseil du trésor, se restreignant ainsi dans ses possibilités de réagir rapidement aux conséquences de l'augmentation de sa clientèle que nous connaissons actuellement. Elle a également accepté, pour 1996-1997, une coupure supplémentaire de 3 % dans ses budgets.

Les prestataires de la sécurité du revenu sont en droit de se demander ce qui les attend encore une fois, quel sort leur sera réservé dans la prochaine réforme. Il est peut-être préférable de ne pas tenter d'imaginer quels sont les projets de la ministre pour atteindre les objectifs du Conseil du trésor. Alors qu'il est demandé à tous les prestataires de faire des sacrifices considérables, on peut se demander si la ministre a, quant à elle, déployé tous les efforts nécessaires pour les protéger adéquatement du couperet gouvernemental.

On ne peut pas voir l'aide de dernier recours en termes strictement comptables. Le traitement de dossiers de cette nature demande un minimum de compassion. Le gouvernement péquiste, maintenant le référendum passé, semble avoir mis de côté toute sensibilité. Le côté humain a désormais fait place à l'indifférence. Rien de tel n'avait été dévoilé avant le référendum, même si la ministre a admis connaître depuis juillet les difficultés auxquelles faisait face son ministère. Rien n'a été fait pour éviter ces coupures drastiques. Et, pendant ce temps, le gouvernement référendait.

Rappelons-nous brièvement que toute cette opération a coûté plus de 80 000 000 $ au trésor public, donc à tous les Québécois et à toutes les Québécoises. De quelle façon ces sommes ont-elles été dépensées? 9 400 000 $ consacrés au Secrétariat à la restructuration, avec le résultat désormais célèbre que l'on connaît aujourd'hui, donc 9 400 000 $ affectés au patronage. Les commissions sur l'avenir du Québec ont, quant à elles, coûté aux contribuables la rondelette somme de 8 500 000 $. Tout ça, pour de la propagande. Le Conseil de la souveraineté s'est vu octroyer 4 000 000 $ en subventions de fonctionnement, au moins 2 000 000 $ pour des envois postaux de tout genre: cartes postales, avant-projet de loi, guide de participation, projet de loi n° 1, etc. Plus de 500 000 000 $ pour des firmes de lobbyistes, 300 000 $ pour la ligne téléphonique 1-800, 175 000 $ pour le show du Grand Théâtre, 57 800 000 $ en dépenses référendaires pour le Directeur général des élections et, la cerise sur le sundae, plus de 500 000 $ pour de la publicité gouvernementale partisane aux prestataires de la Régie des rentes et de l'aide sociale.

Il n'y a rien de trop beau pour la souveraineté, M. le Président. Mais, pour l'aide sociale, il faudra repasser. La ministre devrait reconsidérer sa décision d'aller de l'avant avec de telles mesures. Elle devrait prendre le temps des Fêtes pour réfléchir. Habituellement, cette période favorise le partage, la compassion et la sensibilité. La ministre en a grandement besoin par les temps qui courent. Elle pourrait également en profiter pour consulter les personnes qui ont une connaissance particulière de ce milieu. Peut-être pourraient-elles lui suggérer d'autres voies de solution que celle que la ministre a décidé d'emprunter.

En attendant, si la ministre persiste, je devrai m'opposer fermement à son projet, pour toutes les raisons que j'ai mentionnées précédemment. C'est pourquoi je voterai contre le principe de ce projet de loi, et j'invite tous les membres de cette Assemblée à faire de même. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Hull. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, je vais céder la parole à Mme la ministre de la Sécurité du revenu, tout en vous rappelant, Mme la ministre, que vous avez un droit de réplique maximal de 20 minutes.


Mme Jeanne L. Blackburn (réplique)

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, un ex-collègue de l'opposition, député libéral dans le comté d'Argenteuil, avait coutume de dire: La vérité a ses droits, et quand on en met trop, on se discrédite. Vous savez, la compassion, la sympathie soudaine de l'opposition à l'endroit des plus démunis du Québec en étonne quelques-uns, en amuse d'autres, mais ne trompe personne. Le gouvernement qui aura été le plus dur à l'endroit des personnes en difficulté, c'est le dernier gouvernement, d'une insensibilité totale.

Mais, ça a été aussi, et c'est ce qu'il faut rappeler, un mauvais gestionnaire. La loi que j'administre – et je suis certaine qu'il n'y a personne ici, ou très peu de gens qui le savent – aura coûté, juste au plan de la refonte du système informatique, de la rentrée dans les ordinateurs et de la formation du personnel, je vous le donne en mille, elle a coûté 138 000 000 $ – vous m'entendez bien – 138 000 000 $. C'est un scandale. Pourquoi a-t-elle coûté si cher? À cause de sa complexité. Et, qui plus est, le matériel qu'on a développé, qu'on a dû acquérir pour gérer cette loi est déjà dépassé avant même qu'on ait commencé à l'utiliser. Comme bons gestionnaires, là, vous repasserez.

Là-dessus, j'ai hérité de ce dossier de la refonte du système informatique, un monstre. Juste pour les entreprises informatiques pour développer les logiciels, une fortune: 37 000 000 $ – comprenez-vous – 37 000 000 $. Quand je disais ça aux gens, ils ne me croyaient pas. J'ai fait ressortir les chiffres, j'ai fait ressortir les données, c'est un scandale. Essentiellement à cause de sa complexité.

Quand j'ai pris le ministère, il va falloir le répéter – la pédagogie, c'est l'art de répéter – j'ai hérité d'un trou de 72 000 000 $. Pourquoi? Parce qu'ils avaient annoncé des mesures de compressions, ils n'ont pas pris les mesures parce qu'ils étaient en période électorale. Résultat, j'ai dû exercer les compressions à partir du moment où je suis rentrée en fonction. C'est-à-dire le temps de rentrer en fonction, de réaliser qu'il y avait le trou, de prendre les mesures, ça me met en novembre. Évidemment, je n'ai pas pu les prendre sur 12 mois. Ça ne se récupère pas... 72 000 000 $ à récupérer sur la moitié de l'année plutôt que sur 12 mois, vous savez l'effort que ça demande. Bons gestionnaires? Vous repasserez.

(17 h 10)

On m'a dit: Vous avez mal fait vos prévisions de clientèles. Et le député de Laporte, qui m'a précédée à ce ministère, c'était un bon prévisionniste. Voyons ce qu'il en était. En 1990-1991, son erreur dans l'estimation des clientèles à l'aide sociale: 19 850 ménages; en 1991-1992, 15 751 ménages. C'est un bel écart. L'année suivante, il a dit: Là, je ne me tromperai pas. Il a prévu une augmentation de clientèles à l'aide sociale, en 1992-1993 – tenez-vous bien – de 45 000 ménages de plus. Donc, il s'est trompé là, il y en a eu 44 500. Un bon prévisionniste et un bon gouvernement: 45 000 ménages de plus à l'aide sociale en 1992-1993. Alors, quand on me demande de corriger ça dans une année, après 10 ans d'incurie, ça demande du culot, et je pensais qu'il fallait rappeler ces choses.

Il faut aussi corriger... Ils ont utilisé quatre thèmes. Abandon total des contrôles. D'abord, il me fait plaisir de vous dire et de rappeler qu'on remet annuellement, aujourd'hui, 40 000 chèques de main à main, mais qu'on ne les remet pas à n'importe qui, n'importe comment, on ne fait pas sortir tout le monde. On regarde les cas problèmes, les cas où on peut douter que ce n'est pas complètement clair et transparent. On remet encore aujourd'hui 40 000 chèques, mais on le fait de façon ciblée, de façon plus intelligente, plus encadrante et plus aidante, et les résultats sont intéressants.

L'autre mesure de contrôle, c'est AGIR. Vous auriez voulu y penser avant nous? Je ne sais pas pourquoi vous n'y avez pas pensé, elle est efficace. Sept semaines au cours desquelles on amène les gens... On a ciblé, là aussi. On prend les personnes qui ne participent à aucune mesure, qui se disent pas disponibles et qui ne participent pas, et on les amène. Au cours de l'année, on en aura vu 40 000 également et, avec elles, on établit un plan de travail pour les sortir de l'aide sociale ou encore les intégrer à des mesures, et ça marche: 22 % ont trouvé un emploi, 22 % des personnes qui ont terminé la démarche ont trouvé un emploi. Ça s'appelle AGIR. L'an prochain, nous allons l'étendre à une cohorte plus large; on pense aller chercher au moins 60 000 personnes dans le programme AGIR. À présent, l'autre, c'était de dire: Il n'y a plus de contrôles. On les a faits mieux, de façon plus intelligente, plus ciblée, plus sensible, également.

On dit: Les avoirs liquides. C'est vrai que, les avoirs liquides, je dois dire que ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on prend le genre de décision qu'on a prise. On avait le choix de dire: On n'indexe pas le Soutien financier. C'est 19 000 000 $. Ou encore: On laisse les gens avec un peu plus d'avoirs liquides à l'entrée à l'aide. On a choisi d'indexer le Soutien financier. Cependant, avant de le faire, nous avons vérifié. Des personnes qui arrivent avec des avoirs liquides à l'aide sociale, c'est à peu près de 10 % à 15 %. Alors, on avait à choisir entre pénaliser le Soutien financier puis revoir cette disposition. Nous avons pensé que ce n'était pas la plus heureuse, mais c'était probablement la moins pénalisante.

L'autre reproche qu'on fait, c'est les coupures. Et là j'écoutais le député de... le dernier député qui est intervenu – j'oublie le nom de son comté – bref...

Des voix: Hull.

Mme Blackburn: ...du comté de Hull, M. LeSage, qui disait...

Une voix: Le député de Hull.

Mme Blackburn: ...député de Hull qui disait que c'était dramatique. Aïe! Ça n'avait pas... Et là il en mettait. Je dis toujours: Quand on en met trop, c'est toujours dangereux. Avec les mêmes compressions, les autres provinces ont coupé de façon draconienne. En Ontario, 22 % des prestations de base. Et vous savez ce qu'on a fait: avec une série de mesures, on a protégé d'abord intégralement les prestations de base, et les prestataires se trouvent pénalisés de 44 000 000 $ sur 180 000 000 $, ça veut dire 1 % de l'enveloppe du ministère de la Sécurité du revenu. Les coupures qui touchent les prestataires, c'est 1 % de l'enveloppe du ministère de la Sécurité du revenu. Pas 22 %, 1 %.

C'est évident que j'aurais préféré attendre la réforme de la sécurité du revenu, mais je dois composer avec une diminution des transferts qui est proprement dramatique, et vous le savez. Vous ne pouvez pas faire semblant que vous l'ignorez, vous avez vécu aussi avec ces compressions antérieures. Je me rappelle que le député de Charlesbourg, Marc-Yvan Côté, le ministre de la Santé d'alors, s'en plaignait parce qu'il disait: Si j'ai été obligé d'imposer le petit 2 $, là, c'est parce qu'ils m'ont coupé de 1 200 000 000 $ à Ottawa. Il faudrait que vous vous en rappeliez un peu. Alors, pour ce qui est du recouvrement, les garants défaillants, vous avez été négligents, vous n'avez rien fait, vous avez laissé littéralement un certain nombre de personnes qui n'étaient pas nécessairement de bonne foi flouer les Québécois. Et vous êtes en train de nous dire qu'on ne fait rien?

Pour ce qui est du Vérificateur général, là je trouvais que c'était comme assez. Ça me fait plaisir, M. le Président, de rappeler que, dans le rapport du Vérificateur général, à la page 255, il est clairement dit que son évaluation s'est terminée en décembre 1994 et porte essentiellement sur l'administration précédente. Essentiellement. C'est vos erreurs, c'est votre façon incorrecte de gérer. Alors, c'est ça, la réalité. Le rapport du Vérificateur général ne porte pas sur la gestion du présent gouvernement. Le Vérificateur général, son évaluation porte sur la gestion du précédent gouvernement. Alors, chaque fois que vous vous levez en Chambre, que les députés de l'opposition se lèvent en Chambre, M. le Président, pour dire: Ça n'a pas de bon sens ce que dit le Vérificateur, ils sont en train de porter un jugement sur leur propre administration.

C'est là-dessus que je voulais terminer. Nous avons, compte tenu des circonstances, et des coupures dans les transferts à Ottawa, et des coupures dans l'assurance-chômage, géré avec beaucoup, beaucoup de rigueur. Somme toute, même si on aurait souhaité ne pas procéder à des compressions, particulièrement dans les barèmes, il est évident que, si les personnes se comparent à ce qui se fait ailleurs au Canada, je pense qu'on a vraiment fait ce qu'il y avait, dans les circonstances, de mieux. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre de la Sécurité du revenu. Alors le principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Une voix: Un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Le vote par appel nominal est demandé. Alors, qu'on appelle les députés.

(17 h 19 – 17 h 33)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Mesdames et messieurs les députés, si vous voulez bien vous asseoir.


Mise aux voix

Alors, je mets aux voix le principe du projet de loi n° 115, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et d'autres dispositions législatives.

Que les députés en faveur de cette motion veulent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Landry (Verchères), M. Léonard (Labelle), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Rivard (Limoilou), M. Boucher (Johnson), M. Laurin (Bourget), M. Paillé (Prévost), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Dufour (Jonquière), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Boisclair (Gouin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Jolivet (Laviolette), Mme Beaudoin (Chambly), M. Campeau (Crémazie), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), Mme Doyer (Matapédia), M. Bertrand (Charlevoix), M. Cliche (Vimont), Mme Caron (Terrebonne), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Paré (Lotbinière), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Beaumier (Champlain), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Brien (Rousseau), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Charbonneau (Borduas), Mme Charest (Rimouski), Mme Barbeau (Vanier), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Désilets (Maskinongé), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Lazure (La Prairie), M. Facal (Fabre), M. Lelièvre (Gaspé), M. Payne (Vachon), M. Morin (Dubuc), M. Létourneau (Ungava), M. Paquin (Saint-Jean), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Côté (La Peltrie), M. Perreault (Mercier), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Simard (Richelieu).

Le Vice-Président (M. Bélanger): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Tremblay (Outremont), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bordeleau (Acadie), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. Quirion (Beauce-Sud), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a des députés qui s'abstiennent?

Le Secrétaire: Pour:54

Contre:38

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Bélanger): Cette motion est donc adoptée. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.


Renvoi à la commission des affaires sociales

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté.

M. Chevrette: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales se réunira dès ce soir, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Bélanger): M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Veuillez appeler l'article 17 de notre feuilleton.


Projet de loi n°121


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'article 17, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi n° 121, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives. Je suis maintenant prêt à céder la parole à un premier intervenant. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: J'utiliserai mon droit de réplique seulement.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vais donc céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet et porte-parole de l'opposition officielle en matière de municipalités régionales de comté. À vous la parole, M. le député.

M. Gauvin: Merci, M. le Président.

(17 h 40)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Oh! Excusez-moi, M. le député. Avant que vous commenciez votre intervention, y a-t-il consentement pour déroger à l'article 253 du règlement prévoyant que le dépôt du rapport et sa prise en considération doivent avoir lieu à une séance distincte? Il y a consentement? Consentement. Excusez-moi, M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: M. le Président, comme je le mentionnais, je pense que le dépôt du rapport... Quelques minutes, justement, pour parler du projet de loi n° 121.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Excusez-moi, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je pense que, si tous les collègues en cette Chambre veulent vous entendre, je demanderais, s'il vous plaît, aux députés qui ont à quitter la salle de bien vouloir le faire en silence.

M. le député de Montmagny-L'Islet, je pense que maintenant vous pouvez y aller.

M. Gauvin: Merci à nouveau, M. le Président. Comme je le mentionnais, la commission de l'aménagement et des équipements a analysé, étudié le projet de loi n° 121, projet de loi qui touche surtout les trois communautés urbaines, soit celles de Montréal, de Québec et de l'Outaouais. Les principaux points que concerne ce projet de loi, c'est d'abord, dans un premier temps, de supprimer divers contrôles ministériels et assouplir certaines procédures administratives pour les trois communautés urbaines que je viens de mentionner. Un autre pouvoir, je pense, que donnait le projet de loi n° 121 était un pouvoir général de tarification pour financer des biens, des services et des activités et fournir, en fait, des services qui sont déjà fournis par ces trois communautés urbaines. Donc, c'est un nouveau pouvoir et une nouvelle tarification.

Dans ce projet de loi là, je pense que ça donnait le pouvoir à ces communautés urbaines de négocier des ententes avec le gouvernement du Québec dans le cadre de projets-pilotes, projets pour prendre en charge, à titre d'expérience, des responsabilités susceptibles d'être décentralisées et qui sont aujourd'hui sous la responsabilité du gouvernement du Québec. S'ajoutait à ça aussi... dans le cadre du projet de loi, ça modifiait certaines règles d'adjudication de contrats, surtout pour la Communauté urbaine de l'Outaouais. Et je pense que certains articles aussi donnaient des pouvoirs à la Communauté urbaine de Montréal en matière d'assainissement des eaux et précisaient certaines expressions employées dans la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal.

Et probablement un dernier point que je devrais souligner à ce moment-ci et que contenait la loi n° 121, c'était: plusieurs organismes municipaux et intermunicipaux sont visés dans le projet, soit dans l'utilisation des nouvelles méthodes d'appel d'offres, soit des méthodes électroniques ou autres méthodes qui sont précisées dans le projet de loi. L'opposition était, je pense, assez satisfaite que le ministre ait présenté certains amendements à la loi 121, je pense, qui étaient nécessaires et qui clarifient, à la satisfaction de l'opposition, et qui nous permettent de mieux comprendre cette loi-là. Il faut se rappeler aussi que le projet de loi n° 121 est la suite logique de la loi 68, qui donnait les mêmes pouvoirs aux municipalités et aux cités et villes du Québec.

Donc, M. le Président, en bref, c'est ce que contenait le projet de loi n° 121. Je crois que les trois communautés urbaines que j'ai mentionnées tantôt seront assez satisfaites, parce qu'il y avait des représentants à la commission, hier, de la Communauté urbaine de Montréal; on a pu entendre leurs commentaires et leur satisfaction à la fin de nos travaux. Donc, c'est ce que j'avais à ajouter sur l'adoption du rapport de la commission en rapport avec le projet de loi n° 121. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre des Affaires municipales, pour votre réplique.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, je dois remercier le représentant de l'opposition pour les consentements qu'ils a fournis pour qu'on puisse étudier ce projet de loi qui, à mon point de vue, va servir aux communautés urbaines dans les meilleurs délais, puisqu'il sera sanctionné avant Noël. C'est à la demande de Montréal, effectivement, que nous avons apporté ce projet de loi, mais, comme ministre des Affaires municipales, j'ai décidé, tant qu'à faire un amendement à la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal, qu'il fallait aussi bien profiter de l'occasion pour amender la Loi sur la Communauté régionale de l'Outaouais et la Loi sur la Communauté urbaine de Québec afin d'harmoniser, comme le disait le député de Montmagny-L'Islet, les différents pouvoirs qui ont été dévolus ou certains allégements qui ont été consentis aux instances municipales en vertu de la loi 68. On en profite aussi pour les soumettre aux mêmes obligations que le monde municipal, face à l'entente Ontario-Québec quant au commerce ou aux soumissions publiques, et également quant à certains projets de tarification, parce qu'on sait qu'on ne doit pas parler de tarification dans le même sens que les municipalités, mais plutôt l'équivalent, ou l'abonnement pour certains services reçus.

Donc, M. le Président, je remercie l'opposition officielle d'avoir concouru à l'adoption de ce rapport. Dans les prochaines heures, bien sûr, on procédera à l'adoption de ce projet de loi à la satisfaction, je crois, des membres ou des représentants des trois communautés urbaines du Québec.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements portant sur le projet de loi n° 121, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Je vous prierais d'appeler l'article 19, M. le Président.


Projet de loi n°108


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'article 19, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur le projet de loi? Je vais céder la parole à M. le député de Hull et porte-parole de l'opposition officielle en matière de revenu. À vous la parole, M. le député.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir à cette étape de l'adoption du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. J'ai eu l'occasion, M. le Président, d'intervenir à l'adoption du principe de ce projet de loi. Je suis également intervenu lors de l'étude article par article en commission parlementaire. Comme je l'ai mentionné lors de ces deux instances, ce projet de loi origine du gouvernement libéral. Alors, la majeure partie de ces articles, ce sont des articles qui ont été mis de l'avant soit par des dépôts de budget par le ministre des Finances et ministre du Revenu libéral ou des directives émises par ce dernier.

Cependant, la ministre des Finances et du Revenu, la ministre actuelle, a jugé opportun d'inclure dans ce projet de loi, M. le Président, les fonds de solidarité. On le sait, j'ai eu l'occasion tantôt d'en discuter avec le projet de loi, alors qu'on s'apprête à couper dans l'aide sociale, je disais – il me fait plaisir de le répéter, M. le Président: S'il y a un endroit où on pourrait tenter de récupérer des argents pour boucler le budget de la province, il y a deux gros items, M. le Président, qui me viennent tout de suite à l'esprit: c'est les fonds de solidarité et les argents qui ne sont pas perçus comme ils devraient l'être, selon le Vérificateur général du Québec. Juste dans ces deux items, M. le Président, lors du prochain exercice financier, on est en droit de s'attendre à une perte ou à des coûts d'au-delà de 2 000 000 000 $ pour les contribuables québécois.

Le Vérificateur nous dit que le ministère du Revenu ne fait pas ce qu'il devrait faire pour aller récupérer les argents qui lui sont dus. Il y a un manque à gagner, il y a des argents qui ne sont pas perçus, de l'ordre de 1 300 000 000 $ par année, M. le Président. En même temps, on nous dit qu'on déplafonne le Fonds de solidarité de la FTQ puis on donne l'opportunité à d'autres centrales syndicales de créer des fonds, et d'autres organismes, finalement. On sait que le Fonds de solidarité, il y a quelques années, il était à peu près à 75 000 000 $. Déplafonné, il pourra atteindre facilement, l'an prochain, M. le Président, avec d'autres fonds, 300 000 000 $ d'investis dans ces fonds. Selon une étude d'un professeur de l'Université Laval, il en coûte aux contribuables québécois 3 $ pour chaque dollar investi dans ces fonds. Alors, on peut penser que si on atteint 300 000 000 $ l'an prochain, M. le Président, il va en coûter aux contribuables québécois 1 000 000 000 $.

Nous avons, durant la commission parlementaire, M. le Président, demandé certaines questions à la ministre. La ministre a refusé de participer aux débats et de répondre à certaines des questions sous prétexte – je la crois, et c'est son droit – qu'il y avait un genre de conflit d'intérêts à cause que le président-directeur général du Fonds de solidarité de la FTQ aurait un lien de parenté avec elle. Soit. Alors, elle a refilé le questionnement au député de Charlevoix, qui est un gentil garçon, M. le Président, sauf que le député de Charlevoix ne peut pas parler pour le gouvernement. Et, comme responsable de ce ministère dans ma formation politique et comme critique de l'opposition, j'aurais aimé, M. le Président, questionner le gouvernement. La ministre du Revenu, la ministre des Finances me dit que des réponses viendront. Nous avions accepté, en principe, certains de ces articles en commission parlementaire conditionnellement à ce qu'on obtienne des réponses à nos questions. Il semblerait que les questions viendront du premier ministre. Bien, je les attends encore, M. le Président, et c'est pour ça que je vous dis tout de suite, là, avant de terminer mon allocution, que je vais recommander que l'on vote contre ce projet de loi parce qu'on n'a pas les réponses, on n'a pas eu les réponses aux questionnements qu'on s'est posés, qu'on a posés à la ministre, finalement, et je pense qu'on est en...

(17 h 50)

Moi, je me sentais brimé dans mes droits de parlementaire de voir que je posais des questions à une personne qui n'était pas là. Je pense que c'est anormal. On aurait dû peut-être demander un substitut du Conseil des ministres. Quand on fait une commission parlementaire et que le leader du gouvernement stipule... À chaque fois qu'il fait motion pour référer un projet de loi en commission parlementaire, il le dit à chaque fois: Le ministre de tel ministère fait partie de cette commission. Bien, c'est normal, ça permet à l'opposition de poser des questions au titulaire de ce ministère. Dans le cas présent, en ce qui concerne le Fonds de solidarité, nous n'avons pas eu l'opportunité de poser des questions. Nous avions l'opportunité de le faire, sauf qu'il n'y avait pas de ministre pour y répondre. Alors, j'espère quand même que le premier ministre répondra aux questions qui ont été posées en commission parlementaire par celui qui vous parle et par mes collègues qui étaient présents également.

J'aimerais, en terminant, vous indiquer – j'ai eu l'occasion, tantôt, d'en parler avec le projet de loi de la ministre de la Sécurité du revenu – que le gouvernement actuel, son Conseil des ministres, on l'entend souvent, la main droite ne sait pas ce que la main gauche fait dans ce gouvernement. On nous dit qu'il y a des manques à gagner, on nous dit qu'il n'y a plus d'argent, on nous dit qu'il faut couper. Moi, je n'ai pas de problème avec les coupures, mais, au moins, qu'on coupe aux bons endroits et qu'on aille chercher les argents qui nous sont dus. Qu'on ne laisse pas le fardeau fiscal aux petits payeurs d'impôts, alors qu'il y a un grand nombre de ces petits payeurs d'impôts qui sont des bons payeurs d'impôts, qui font leur rapport à tous les ans, qui ne trichent pas du tout, et qu'on laisse des personnes...

Je regardais encore récemment... J'ai dit: Ça n'a pas de bon sens! On a des contrôles puis on ne s'en sert même pas. Un médecin, ou des médecins, qui réclame de la Régie, parce que, à chaque fois qu'on va chez le médecin, il passe le flic flac puis, après ça, il réclame de la Régie. Il réclame 200 000 $ de revenus par année à la Régie, et le gouvernement provincial paie ce médecin, ou ces médecins, 200 000 $. Puis ces mêmes médecins se revirent de côté puis ils font leur rapport d'impôts puis ils déclarent 100 000 $ de revenus. Y «a-tu» moyen qu'on fasse une vérification avec des ordinateurs à quelque part? Il me semble que, si on est capable d'aller sur la lune puis s'y promener, on devrait être capable de faire des «cross-references», si vous me permettez l'expression, dans les ordinateurs.

M. le Président, j'ai offert à la ministre de faire une refonte complète de son ministère en ce qui concerne les formulaires d'impôts, par exemple. On en est rendu que ça prend un comptable pour faire un rapport d'impôts bien ordinaire. On a toutes sortes de déductions, puis ce n'est pas tout le monde qui peut les prendre, les déductions. Le petit salarié, lui, il n'en prend pas, de déductions, il n'a pas les moyens de le faire; mais il est obligé de payer pour les déductions que les plus nantis de la société vont chercher. On ne pourrait pas avoir un système simple, équitable pour tout le monde, avec un tarif ou un barème fixé à l'avance selon les dépenses prévues du gouvernement, puis qu'on dise: Nos dépenses pour l'an prochain, c'est tant, le taux d'imposition devrait être tant parce que les revenus sont tant? C'est ce qu'on impose aux municipalités, puis on n'est même pas capables de se l'imposer nous-mêmes, M. le Président.

J'ai offert ma collaboration à la ministre des Finances et du Revenu dans ce sens-là, et je pense qu'on pourrait en venir à une conclusion, qu'un rapport d'impôts pourrait se faire sur une simple feuille, genre carte postale: nom, adresse, numéro de téléphone; j'ai gagné tant, votre taux d'imposition est tant, je vous dois tant; voilà mon chèque, c'est fini. Tant et aussi longtemps que la ministre ne voudra pas s'asseoir puis faire une refonte complète de son ministère, le gouvernement du Québec aura toujours des problèmes de financement parce que la main droite ne sait pas ce que la main gauche fait.

M. le Président, je vais voter contre ce projet de loi, comme je vous l'ai mentionné tantôt, et je vous remercie de l'attention et de l'opportunité que vous m'avez données pour commenter ce projet de loi cet après-midi. Merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Hull. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Affaires municipales, tout en vous rappelant que, tout à l'heure, j'ai erré en disant qu'il y avait un droit de réplique. Il n'y a pas de droit de réplique. À ce stade-ci, ce n'est que l'auteur de la motion qui a un droit de parole de cinq minutes après chaque intervention. Donc, à ce titre, vous avez un droit de parole, M. le ministre, de cinq minutes. À vous la parole.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, au nom de ma collègue, je vais répliquer brièvement aux propos que je viens d'entendre. Tout d'abord, M. le Président, je suis heureux que le député de Hull ait recouvré autant de vertu en changeant de côté de la Chambre, quand on sait que le Parti libéral annonçait 4 000 000 000 $ de déficit, qu'il en faisait 5 000 000 000 $; quand on sait qu'il en annonçait 3 000 000 000 $, qu'il y en avait 4 000 000 000 $. Le record des records de déficit, c'est 5 700 000 000 $, le dernier gouvernement qui nous a précédés, M. le Président. Oui, on a mené la lutte au noir. Par exemple, il y a 7 000 000 d'heures de déclarées de plus dans l'industrie de la construction grâce aux moyens qu'on a pris, malgré une baisse dans l'industrie de la construction. C'est parce qu'on s'occupe de récupérer notre argent, précisément.

Je ne vous dis pas que c'est parfait, mais on progresse dans la récupération, d'autant plus que j'écoutais le député de Hull et je me disais: Mais, mon Dieu, il ne sait pas trop ce qui s'est passé durant les neuf ans que le Parti libéral était au pouvoir, ce pauvre gars. L'article 7 de l'Industrie et du Commerce, la SDI, 1 000 000 000 $ de prêts, mauvaises créances par nos amis d'en face. Franchement, là, c'est bien beau, crier la vertu ou se sentir vertueux d'un coup sec après avoir été à peu près ce qu'il y a de pire comme gestion gouvernementale au cours de toutes ces dernières années!

M. le Président, j'ai bien compris que le député de Hull est en train de nous dire: Faites pas ce qu'on a fait. De grâce, contrôlez les dépenses mieux qu'on l'a fait. Oui, je voudrais l'assurer que c'est ce qu'on va faire. On va s'occuper de percevoir les dus parce que, ça, c'est véritablement un principe fondamental. Qu'est-ce qui est dû pour maintenir une équité dans une société? C'est que chacun doit payer ses impôts, c'est un devoir. Chacun doit payer ses dus, c'est un devoir. Chacun doit éviter de plonger dans l'économie au noir, c'est un devoir pour un État de le faire

M. le Président, nous, on va faire mieux que ça, on va vous présenter, pour la première fois depuis 10 ans – parce qu'il y a eu neuf ans où ce n'était pas nous autres – les équilibres budgétaires. On va rentrer dans les paramètres qu'on s'est fixés au début de l'année et, sur deux ans, on va éliminer le déficit d'opération. On va faire en sorte que les Québécois puissent respirer parce qu'on veut véritablement assainir les finances publiques, non pas le crier, M. le Président, a posteriori. Après avoir eu la chance de tout corriger ça, ces gens-là nous crient maintenant la vertu.

Et je vais vous en raconter une bonne. Je les écoute; je voudrais vous faire sourire avant d'aller prendre le souper, M. le Président. Vous les écoutez tous les jours, comme moi. Ces gens-là disent qu'ils veulent proposer une loi pour éviter les déficits. Ils ont eu neuf ans pour la passer, ils se sont trompés de 1 000 000 000 $, en moyenne, par année et ils n'ont pas passé la loi. Ça, c'est comme premier élément du sourire que j'escompte de votre part.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Deuxième chose, ils nous demandent d'assainir les finances publiques et ils nous disent: Ne coupez dans rien. Bien, comment on fait pour équilibrer des finances et ne couper dans rien? Faire comme les libéraux, annoncer 4 000 000 000 $ et faire un déficit de 5 000 000 000 $? M. le Président, ils ne sont pas crédibles. Je sais que ça vous force pour ne pas rire, je vous comprends, mais parce que c'est des gens qui ne sont pas sérieux. Ils ne savent absolument pas... Ils disent n'importe quoi. Mais, pour être crédible, c'est d'annoncer quelque chose, faire les efforts pour l'atteindre, et on est jugé aux efforts qu'on fait, pas aux discours de purisme après qu'on a changé de Chambre et qu'on a manqué l'occasion, pendant neuf ans, de faire quelque chose...

Une voix: De bord.

M. Chevrette: ...changé de bord de Chambre, excusez, et d'avoir eu la chance, pendant neuf ans, de faire quelque chose et de ne pas l'avoir fait. Ça prend du toupet, ça, ils en ont. Ça prend du front, ça, ils en ont. Mais, au moment où ils auraient pu avoir une colonne vertébrale, ils étaient plutôt gélatineux. Ils étaient plutôt gélatineux, M. le Président.

Donc, on va continuer à faire notre travail, et je suis sûr qu'à la fin de l'année le député de Hull, de concert avec ses confrères, trouvera le moyen de chialer parce qu'on aura atteint nos objectifs d'équilibre budgétaire. Merci.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Le rapport de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté sur division. M. le... Compte tenu de l'heure, je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous allons aborder les affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour.

M. Gendron: Oui, M. le Président. À ce moment-ci, je fais motion, à la suite d'une entente avec l'opposition concernant l'étude des crédits supplémentaires n° 2, pour que nous procédions dans l'ordre ci-après énuméré. À compter de maintenant, et ce, pour une période maximale d'une heure, il y aura échange entre celui qui vous parle et la députée de Kamouraska-Témiscouata, en accordant une période de cinq minutes aux députés indépendants, s'ils se présentaient.

Par la suite, pour une période de 1 h 30, il y aura échange entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et les députés d'Argenteuil et de Nelligan, en accordant une période de cinq minutes également aux députés indépendants, s'ils se présentaient.

Quant au reste des avis liés à l'étude des crédits, on aura l'occasion de s'en reparler ultérieurement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gendron: Oui, à ce moment-ci, je fais motion pour que l'Assemblée se constitue en commission plénière pour l'étude des crédits supplémentaires n° 2.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.


Étude des crédits supplémentaires n° 2 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, en conséquence, l'Assemblée se constitue en commission plénière afin d'entreprendre l'étude des crédits supplémentaires n° 2 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996.

Alors, je suspends les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 6)

(Reprise à 20 h 8)


Commission plénière


Ressources naturelles

M. Brouillet (président de la commission plénière): Conformément à la motion que nous venons d'adopter, la commission plénière se réunit afin d'étudier les crédits supplémentaires n° 2 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996. Et, conformément à l'ordre de l'Assemblée, au cours de la prochaine heure, nous allons procéder à un échange entre M. le ministre des Ressources naturelles et Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Au cours de cet échange, une période de cinq minutes sera allouée aux députés indépendants.

J'accorde immédiatement la parole à M. le ministre des Ressources naturelles pour ses remarques préliminaires.


Remarques préliminaires


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Très rapidement, mes remarques préliminaires, c'est qu'on va tout simplement indiquer aux membres de cette Chambre ainsi qu'à ma critique que nous nous rendons disponibles pour les questions qu'elle aurait à nous poser, et j'en profiterais, comme remarques, pour présenter les collaborateurs du ministère qui nous accompagnent: M. Gilbert Paillé, sous-ministre associé aux services régionaux du ministère des Ressources naturelles; M. Jacques Caron, qui est adjoint au sous-ministre associé; M. Guy Boulianne, qui est directeur de l'assistance technique au MRN; M. Régis Proulx, qui est le directeur général de la SOPFEU; et mon attaché politique sur les dossiers liés aux forêts, M. Pierre Mathieu.

Comme remarques préliminaires, tout ce que je peux indiquer peut-être pour faciliter l'échange, c'est: essentiellement, si nous sommes dans les crédits, c'est parce qu'il y a une vieille pratique qui s'est instaurée au ministère des Ressources naturelles pour figurer ce qu'on appelle, au livre des crédits réguliers, une somme qui correspond à une moyenne et qui, la dernière année, était alentour de 3 000 000 $ comme coûts directs, l'an dernier.

(20 h 10)

Donc, depuis 1987, le ministère avait accordé directement aux crédits du ministère des Ressources naturelles une somme de 2 500 000 $, sachant que, pour n'importe quelle circonstance qui appellerait des montants additionnels, la coutume acceptée par le Conseil du trésor, c'était de procéder comme on le fait présentement, soit au fonds de suppléance quand il s'agissait de sommes pas très substantielles ou directement par crédits supplémentaires lorsqu'on était frappé, comme on l'a été malheureusement cette année, d'une façon très significative, très intense, puis là on pourra l'expliquer, mais, essentiellement, il n'y a rien d'autre, il n'y a pas autre chose.

D'ailleurs, dans le livre des crédits comme tel, il y a quand même une mention, là: «Ce programme vise à appuyer le développement.» Par contre, on le laissait voir dans les écritures, parce que je ne veux pas présumer d'avance des questions de ma collègue, mais, essentiellement, pourquoi je suis dans le livre des crédits supplémentaires en décembre? C'est parce qu'on a reçu en fin d'année une facture qui se monte à des montants passablement élevés pour s'acquitter de la mission extinction, combat des incendies de forêt, parce qu'on a, dans les crédits permanents, une certaine somme d'argent qui est dédiée à d'autres choses – la surveillance, la prospection – pour qu'il y en ait le moins possible. Chaque année, on fait ça. Chaque année, le ministère des forêts, c'est-à-dire le ministère des Ressources naturelles, par sa direction des forêts ou les opérations liées aux forêts, à même les crédits permanents, s'assure qu'on a les argents pour faire la détection qui est requise, mais un volume d'incendies majeurs comme on a connu, avec l'indice de sécheresse qui existait en 1995 pour la période estivale, on n'a jamais vu ça. Et là on pourrait en parler, si vous voulez avoir d'autres détails, mais c'est strictement ça et pas autre chose, M. le Président, qui fait que, moi, je suis dans le livre des crédits, comme ministre ce soir, et on est disponibles pour répondre à toutes les questions.

Le Président (M. Brouillet): Bien. Alors, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.


Discussion générale

Gestion du patrimoine forestier

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Comme c'est la première fois que je fais les crédits supplémentaires, j'aurais peut-être des questions qui sont plus d'ordre technique au départ, M. le Président, à savoir, premièrement, quand on regarde à la page 14 du document, et on parle à l'élément 2, Politiques et programmes forestiers, 24 500 000 $, moins crédits permanents, 24 500 000 $, mais, crédits à voter: aucun. Alors, je suis un peu surprise qu'on arrive ici à ce moment-ci pour dire que, de toute façon, on n'a aucun crédit à voter et qu'on se retrouve dans la synthèse à ce moment-ci. Est-ce que le ministre peut m'éclairer là-dessus?

M. Gendron: On va essayer, c'est une bonne question. Sincèrement, c'est une bonne question. C'est que SOPFEU et SOPFIM sont ce qu'on appelle des sociétés mixtes auxquelles le gouvernement confère des sommes d'argent, mais on appelle ça des crédits hors budget. C'est pour ça qu'on est obligé de le soutirer du programme, parce que c'est comme si c'était de l'argent qu'on retournait à une société mixte pour s'occuper de la protection des incendies. Mais je ne peux pas les laisser, les crédits, dans le ministère des Ressources naturelles, parce que je les prends et je les donne à un tiers. Donc, il faut que je fasse la mécanique, si vous me permettez l'expression, que vous voyez là. Au programme, on m'affecte des crédits, mais c'est pour transférer à quelqu'un d'autre. Alors, il faut que je les soustraie parce qu'on ne les vote pas sur mes programmes du ministère des Ressources naturelles. C'est la mécanique de transfert qui a toujours été utilisée, qui est courante, parce que c'est comme si c'étaient les crédits de la SOPFEU, sauf que le ministre répondant de la SOPFEU, ce n'est pas le directeur général, ce n'est pas le président, ce n'est pas les membres du conseil d'administration, c'est celui qui vous parle.

Frais encourus pour l'extinction

et la prévention des feux de forêt

Mme Dionne: O.K. Alors, M. le Président, suite à cette réponse très précise, on va aller justement au coeur du 24 500 000 $. Si j'ai bien compris, c'est que le ministère, en cas d'incendies comme ceux qu'on a connus cette année, n'a pas de crédits d'avance. Alors, on fait de la protection, on fait de la prévention, mais on n'a pas des crédits parce que, une année, on pourrait ne pas en avoir besoin du tout, tandis que, une autre année, ça peut coûter énormément d'argent. Alors, c'est pour ça que c'est prévu, selon les règles, que les argents sont déboursés selon les factures qui sont présentées par SOPFEU.

M. Gendron: Regardez, puis c'est important, avant 1987, le ministère disposait annuellement de crédits votés de 2 500 000 $ – je l'avais dit d'entrée, mais je le reprends plus précisément, là. Au-delà de ça, au-delà de ce montant, le ministère devait effectuer des démarches administratives régulières pour l'attribution de crédits supplémentaires, soit l'obtention de mandats spéciaux en attendant le budget supplémentaire. Cette approche était consommatrice d'énergie, ainsi de suite, et occasionnait des retards.

Depuis 1987... parce que, là, je viens d'expliquer qu'avant on ne nous en donnait pas pantoute. Là, depuis 1987, le ministère accède directement au fonds consolidé lorsque ses besoins excèdent la réserve de 2 500 000 $. Dès que je suis au-delà de 2 500 000 $, je peux aller au fonds consolidé. Mais, le fonds de suppléance ou le fonds consolidé, c'est pour des montants, quand même, qui sont plutôt habituels ou courants, parce que... Je veux juste vous reprendre, ce n'est pas exact que je n'avais pas de crédits, mais je n'en avais que pour 2 500 000 $ pour l'extinction des feux de forêts. J'en avais pour d'autres activités – je l'ai dit tantôt – détection, protection, surveillance, ainsi de suite.

Et le coût, cette année, juste cette année, au total, c'est 42 600 000 $ que ça a coûté à la SOPFEU pour faire uniquement l'extinction, uniquement l'extinction des feux. Vous allez dire: Alors, pourquoi tu as juste 24 000 000 $? C'est parce que, je l'ai mentionné tantôt, l'industrie contribue pour 38 % des sommes, puis le ministère contribue pour 62 % des sommes. Des 62 %, ça a coûté, comme je l'ai mentionné tantôt, les 2 000 000 $, puis j'ai besoin des 24 000 000 $, parce que notre part, MRN, que je dois transférer à SOPFEU est de 27 000 000 $ cette année, uniquement pour l'extinction.

Mme Dionne: O.K. Alors, M. le Président, là, je comprends bien que 24 500 000 $ plus 2 500 000 $ qui étaient déjà en banque, on a les 27 000 000 $ que ça a coûté au gouvernement pour l'extinction des feux cette année.

Alors, si on regarde les 27 000 000 $, ou les 42 000 000 $ que ça a coûté en tant que tel, je pense qu'au niveau... C'est une somme quand même très importante, il y a de gros feux avec... Il y a beaucoup d'hectares de bois qui ont été décimés. Est-ce qu'on peut avoir un peu la ventilation de ça? Je ne sais pas si vous l'avez par région, parce qu'il y a eu des feux... ou par...

M. Gendron: Oui, on va en parler, et si jamais vous voulez qu'on dépose ces documents, peut-être pas ce soir, mais, oui, c'est du domaine public, alors on n'a rien à cacher là-dessus.

Parlons d'abord des coûts avant de parler des hectares touchés. Le feu de Bonaventure, il a coûté 2 900 000 $, toujours pour l'extinction. Le premier, parce que, à Bonaventure, vous vous rappelez, il y a eu deux incendies majeurs. On a parlé du Bonaventure 1, ou le feu n° 1 à Bonaventure, puis le n° 2. Le numéro 2, il a coûté 2 700 000 $. Donc, à Bonaventure, la somme des deux, ça fait 5 600 000 $. Le feu majeur de Parent, dans la région 04 que vous connaissez, 5 900 000 $, toujours juste pour l'extinction. Le feu de Quévillon, qui a été un feu identifié comme majeur, parce que cet été on a toujours parlé de quatre feux majeurs... Oubliez le 1 puis le 2 à Bonaventure, ça fait un. Ça, ça fait un feu majeur. Parent, Quévillon, BellePlage. BellePlage, 3 000 000 $. Maricourt, 1 400 000 $. Et tout le reste, c'est marginal. Sérieusement, là, tout le reste, c'est marginal. Si vous le voulez, on peut vous le donner, mais ce n'est pas majeur.

Quant aux hectares ou les volumes affectés... Là, à votre goût, madame, est-ce que vous voulez avoir ça par mètre cube ou hectare? Parce que, là, on l'a par mètre cube, ici, pour ce qui est des pertes, et c'est majeur. Alors, les volumes affectés, parce que, rappelez-vous, on a eu l'occasion de discuter ça... Là, suite à un incendie, on parle toujours de ce qu'on appelle l'entièreté des volumes affectés, puis, par la suite, on se donne deux ans pour rapidement se mettre au travail pour tenter d'aller récupérer le maximum de bois incendié, parce qu'on peut atteindre des niveaux de récoltes qui sont dans une borne inférieure à 20 %, 25 %, 30 %, puis on peut aller dans certains cas jusqu'à 50 % comme borne supérieure de récupération. C'est à peu près ça?

Une voix: C'est ça.

M. Gendron: Et on a seulement deux ans pour le faire parce que, si on n'agit pas rapidement, la maladie se met dans les arbres et, là, on perd complètement la matière ligneuse ou la fibre qui est cueillable. Donc, on parle toujours des volumes atteints, dans un premier temps, on fait les évaluations de récupération et, quand on est en mesure de faire les différentiels pour estimer les pertes sèches ou les pertes nettes, on les donne. Alors, ici, en gros, le total, c'est presque les larmes aux yeux, là, sincèrement, c'est dramatique, parce que c'est 10 000 000 de mètres cubes. Cet été, on a perdu 10 000 000 de mètres cubes, toujours comme volume affecté. On n'en est pas à ce qui est récupérable ou pas.

Pour ce qui est de la superficie, c'est 195 573 hectares, presque 200 000 hectares, tu sais, supposons qu'on ne «chinoise» pas, là, presque 200 000 hectares atteints. Et, à date, on n'a pas... Est-ce qu'on l'a, monsieur, cette année, au complet, la récupération?

Une voix: Ça, c'est ce qui est prévu cette année par feu pour chacun des gros feux, puis le total.

(20 h 20)

M. Gendron: O.K. Alors, pour chacun des feux, on est capable d'indiquer le niveau de récupération. Alors, pour Bonaventure, on pense qu'on peut récupérer 285 000 m³ sur un total... Par exemple, il faudrait l'avoir... Bonaventure, au total, c'était combien? Pardon? 550 000 m³. Alors, sur 550 000 m³, Bonaventure, on pense récupérer 285 000 m³. Oui, toujours cette année, parce que c'est sur deux ans. On va en récupérer l'an prochain aussi.

Mme Dionne: M. le Président, quand vous parlez comme ça, est-ce que ça veut dire qu'il y a deux calculs qui se font ou si... Parce que, sur 550 000 m³, si, la première année, vous pouvez en récupérer 285 000 m³ puis, la deuxième année, un autre volume, la perte n'est pas entre 25 % et 50 %, elle est moindre. Elle s'approche...

M. Gendron: La deuxième année, si on récupère dans celui de Bonaventure, entre autres, 285 000 m³ sur 500 000 et quelque chose... Excusez, là, Bonaventure, vous avez oublié ou c'est moi qui me suis trompé, c'est 5 000 000, Bonaventure. Aïe! 5 000 000 m³, puis je ne récupère que 285 000 m³, alors, il y a un méchant écart, là. On n'est pas dans le 50 % pantoute, là.

Mme Dionne: Non.

M. Gendron: Ça va? Alors, l'an prochain, supposons qu'on est chanceux puis un peu plus, on serait peut-être bien à 500 000 m³, peut-être, mais, 500 000 m³ sur 5 000 000 m³, ça fait 10 %. Pour le feu de Parent, le niveau de récupération est plus élevé, 3 500 000 m³ de volume affecté, puis on prévoit récupérer dès cette année 1 000 000 m³. Donc, là, on serait dans une proportion de 33 % dans une année. Belle Plage, c'est à peu près 1 000 000 m³, puis on pense récupérer un peu plus que la moitié, 534 000 m³. Parce que, le feu, il n'a pas toujours la même intensité, ça dépend de bien des facteurs. Alors, vous voyez, ici on a un cas où on récupère un peu plus que 50 %.

Pour Lebel-sur-Quévillon, la somme, c'est 3 800 000 m³ de volume affecté, puis, cette année, 1 500 000 m³ récupérables, pour un total de 3 300 000 m³, Mme la critique, 3 300 000 m³ au total. Pour l'instant, ça représente globalement, sur 10 000 000 m³, le tiers, parce qu'on est à 3 300 000 m³ sur 10 000 000 m³. Donc, cette année, on a récupéré le tiers des bois brûlés commercialisables, traitables, sciables.

Mme Dionne: O.K., ce qui veut dire qu'en tant que tel vous pouvez passer entre 10 % et... 50 %, c'était Belle Rive ou... C'est Belle Rive ou Belle Place, l'endroit où vous...

M. Gendron: C'est lac Belle Plage.

Mme Dionne: Belle Plage, hein? C'est là que vous allez récupérer le plus de bois?

M. Gendron: Pour l'instant, oui.

Mme Dionne: O.K. D'après les prévisions... et ça va être révisé au cours de la deuxième année?

M. Gendron: Oui.

Mme Dionne: O.K. Est-ce que ça veut dire, en tant que tel, que vous avez signé des CAAF dans ces... On est en forêt publique, vous avez signé des CAAF. Qu'est-ce qui arrive, à ce moment-là? Est-ce que les gens qui sont détenteurs de CAAF font la récupération? Est-ce qu'il y a des ententes spécifiques ou si c'est des entreprises spécialisées qui font ça?

M. Gendron: Deux choses. C'est évident que le ministère, étant le gestionnaire de la ressource de matière ligneuse, doit toujours mettre beaucoup d'énergie et de pression sur les détenteurs temporaires par leur contrat de la matière ligneuse pour que rapidement on se mette au travail. C'est ce qui arrive, sauf que, là, il y a toutes sortes de modèles, madame, dans la récupération. Dans certains cas, le détenteur du CAAF s'allie à d'autres utilisateurs de la ressource dans le milieu pour lui donner un coup de pouce parce qu'il faut procéder rapidement. Dans d'autres cas, il pense qu'il a les effectifs et les outillages requis pour le faire sans ressources autres que les siennes. Dans d'autres cas, le ministère peut donner un support à la récupération parce que, dans la loi, c'est prévu. La loi prévoit... Il y a un article de la loi, là. On pourra peut-être vous le lire tantôt, mais je sais qu'il y a un article dans la loi qui prévoit ça. Et c'est à peu près comme ça que ça se passe. Ce sont trois modèles, là, trois variables.

Mme Dionne: O.K.

M. Gendron: Mais... Juste une chose, excusez. On ne retouche pas au volume du CAAF, le CAAF étant, pour ceux qui nous écoutent, là – excusez, parce qu'on pense toujours que tout le monde est familier avec ça – contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. On ne retouche pas les CAAF au moment où il y a un incendie, sauf que c'est évident que quand on dit à un détenteur de CAAF: La possibilité forestière dans ton CAAF est de 100 000 m³ – un exemple – puis, suite à un incendie, il n'a plus les 100 000 m³, on essaie d'avoir, dans la révision de l'ensemble des parterres, des considérations puis des compensations pour ces gens-là à la révision des CAAF. Parce que tu ne le sais pas. Moi, si je suis détenteur de CAAF puis que j'ai eu malheureusement un incendie, je ne peux pas le prendre à Paul pour habiller Jean, là, parce que Paul, dans deux ans, il peut passer au feu, lui. Puis il en a besoin, de sa bouffe.

Mme Dionne: Prenons l'exemple de Bonaventure, où le taux de récupération va être quand même très faible par rapport aux superficies qui ont été incendiées.

M. Gendron: Dans Bonaventure, c'est un feu majeur. Le feu...

Mme Dionne: C'est dramatique au niveau de la ressource, mais aussi au niveau de l'économie de la région parce que, pendant un an, deux ans, il faut travailler rapidement, mais, après ça, il y a quand même une diminution très appréciable de la ressource. Alors, à ce moment-là, compte tenu que les contrats d'approvisionnement viennent d'être renouvelés, là, hein, je pense qu'en Gaspésie c'est... Alors, on ne fera des aménagements que dans cinq ans pour rajuster les volumes, et tout ça, là?

M. Gendron: Juste une minute, parce que je me rends compte – puis là ne cherchez pas de coupable – que, dans Bonaventure, on s'est trompé. On les a devant nous, il s'agit juste d'additionner comme il faut. Parce que je crois vous avoir dit 5 000 000...

Mme Dionne: Oui.

M. Gendron: ...et c'est inexact, c'est 2 600 000, les volumes affectés, en mètres cubes. On s'accorde, là: 2 600 000. Donc, c'est encore triste, mais c'est moins pire par rapport au niveau de récupération, parce que, là, on est à 285 000 cette année. La deuxième année, ça peut être un peu plus fort. On pourrait être à 500 000, Mme la députée. Alors, si on était à 500 000 sur 2 000 000, ce n'est pas les mêmes proportions que je vous disais tantôt. Je répète que ça demeure difficile et pénible à Bonaventure parce que c'est un feu majeur. Puis, là, on ne réussira pas, juste à se concerter, à faire pousser, mais quand on a les informations, 285 000, je vous ai dit tantôt, c'est le niveau cette année. Les estimés pour l'an prochain en termes de calcul de possibilité de bois récupérable, commercial, on les évalue à 575 000.

Mme Dionne: Additionnels aux 285 000?

M. Gendron: Oui, madame.

Mme Dionne: O.K.

M. Gendron: Donc, on s'approche... 800 000, 850 000. À 850 000 sur 2 600 000, ce n'est pas encore le paradis, mais on s'approche de la moyenne. On s'approche de la moyenne du tiers.

Mme Dionne: O.K. Et qu'est-ce qui arrive également quand... Il se fait de la récupération, ça ne donne pas les mêmes sortes de bois, je veux dire, ça ne se vend pas de la même façon, ça ne se travaille pas de la même façon. Tous les mécanismes des droits de coupe, puis tout ça, est-ce que tout est arrêté pendant la période où on fait de la récupération ou...

M. Gendron: Oui, mais faites attention, là. Suite à un incendie, les premiers gestes qu'il faut faire, il faut faire un plan de récupération. O.K.? Et c'est toujours le ministère qui le fait en collaboration avec le détenteur du CAAF. Mais, cependant, quand vous dites: Ce n'est pas les mêmes espèces, c'est les mêmes espèces. On récupère le bois qui a passé au feu. Alors, si, dans le parterre affecté, c'était du sapin, de l'épinette et du cyprès, bien, c'est du sapin, épinette, cyprès brûlé, en partie ou pas. La partie qu'on recueille de la bille, si tu peux sortir du bois d'oeuvre, un 2 x 4 ou un 2 x 6 – parce que je connais un peu le milieu, pas mal, pour avoir moi-même oeuvré dans un moulin à scie pendant plusieurs années – il est bon ou il n'est pas bon. Ça ne change pas du tout. Quand on dit: On a été capable de récupérer le tiers pour l'industrie, la seule différence, c'est que ça coûte plus cher. Les coûts de récupération sont élevés parce que les méthodes d'exploitation ne sont pas les mêmes. Mais, rendu à l'usine, la valeur commerciale du bois exploitable de boisés brûlés a la même valeur que s'il n'avait pas brûlé. À l'usine.

Mme Dionne: Et, en même temps, les exigences, M. le Président, que le ministère demande par rapport à la coupe de bois, tous les travaux et ces choses-là... la pratique sylvicole n'est pas la même. Alors, au niveau du coût, il y a non seulement le coût de récupération, il y a les coûts d'aménagement qui ne sont pas les mêmes, compte tenu d'un feu. Alors, c'est pour ça, quand je parlais de droits de coupe, c'est à savoir, là, il y a les obligations qui sont là.

M. Gendron: Oui. Ça...

(20 h 30)

Mme Dionne: Est-ce que... Il y a des choses qui sont déjà prévues, hein, de toute façon, ou si c'est du cas par cas qui est fait selon la ressource qui reste disponible?

M. Gendron: Bien, c'est évident que le ministère, dans le plan de récupération, doit prévoir ce qu'il fait après la récupération. Dans le plan de récupération, c'est des choses assez détaillées. Bon, on peut en jaser, mais c'est évident que, là, je deviens pas mal moins bon technicien pour le vrai, parce que j'en vois un, ici, un plan de récupération juste pour Bonaventure, ça a 75 pages. Alors, évidemment, est-ce que j'ai lu ça page par page? Non, mais je sais un peu comment... Il faut parler des copeaux, il faut parler de reboisement, il faut parler de l'écorçage, de l'usinage, du débusquage, de l'ébranchage, du transport. Dans un plan de récupération, il y a toutes les composantes et les facettes qui doivent être traitées, et également ce que j'appelle les phases subséquentes. Mais, là, ce n'est pas tout... Ce n'est pas contre ces gens-là – ha, ha, ha! – mais ce n'est pas nécessairement avec ce monde-là qu'on aurait des précisions techniques, et ça n'a rien à voir contre personne autour de la table.

Mme Dionne: Oui.

M. Gendron: Là, quand on discute, par exemple, de plan de reboisement ou d'aménagement intensif, il faut recommencer la chaîne qu'on connaît: il faut aller chercher nos plants en serre, on va avoir besoin de plus de plants, puis ainsi de suite. Et c'est très coûteux. Des affaires comme cet été, c'est dispendieux. On évalue à peu près que ça peut représenter 10 000 000 $, juste les coûts de plus pour faire la récupération, et n'importe quoi entre 100 000 000 $ et 120 000 000 $ pour aménager les mêmes volumes de possibilités forestières. Pour remettre en production les superficies brûlées, le nombre...

Mme Dionne: O.K.

M. Gendron: ...d'hectares qui ont été affectés, pour remettre ça en production, la même grande surface, les coûts, on est capables d'estimer ça parce qu'on a des expériences. Quand on inclut la production des plants, la préparation du terrain, le reboisement, les premiers entretiens suite à une première pousse, puis le deuxième entretien suite à une deuxième pousse, quand on fait l'addition de ça sur une échelle de sept à huit ans, parce que c'est dans ce temps-là qu'il faut le faire, ce que je viens de dire, les cinq, six opérations, on vient de dépenser 100 000 000 $ à 120 000 000 $ de plus pour régénérer les mêmes espaces brûlés.

Mme Dionne: M. le Président, ce qui veut dire que... En tout cas, ça, c'est un calcul à partir des surfaces cette année; à partir de ce que vous avez évalué, ça coûte 100 000 000 $ à 120 000 000 $ de plus...

M. Gendron: Oui.

Mme Dionne: ...à l'entreprise qui a la responsabilité seule ou le...

M. Gendron: Présentement, c'est un coût qui est assumé, parce que, le ministère, il fournit la matière ligneuse...

Mme Dionne: Alors, un pourcentage...

M. Gendron: Juste une minute. Complètement.

Mme Dionne: O.K.

M. Gendron: Le ministère, il fournit presque complètement... Bien, complètement, il y a toujours un peu d'approvisionnement privé, mais la plupart des papetières ou des scieries ou des détenteurs de CAAF sur forêt publique, c'est nous qui en disposons à 100 %. Cette ressource-là n'est plus là. Alors, ce qui est prévu, c'est que quelqu'un va devoir faire la dépense et c'est le ministère qui va faire la dépense pour le vrai.

Mme Dionne: Oui.

M. Gendron: Cependant, l'industrie qui va hériter du reboisement, puis tout ça, elle va nous compenser le coût par les droits de coupe et, au lieu de payer des droits de coupe, à cause des redevances, puis du plan de mise en valeur – puis même pas juste à cause du plan de mise en valeur, c'était accepté, hein, M. Paillé, c'était comme ça avant – là, bien, les détenteurs de CAAF vont devoir faire le reboisement, puis le réaménagement et, nous, on va rabattre ces coûts-là sur le non-paiement des redevances qu'ils ne nous feront pas directement. Ils vont nous les faire, on va faire la même comptabilité qu'avant – ha, ha, ha! – mais il va y avoir des éléments à soustraire. Puis, dans certains cas, j'ai peur qu'il y en ait tellement que les redevances vont donner pas une cent, puis le ministère va être obligé d'aider pour redonner à cette forêt-là un peu l'allure qu'elle avait auparavant, du moins en calcul de possibilités futures.

Mme Dionne: Oui, O.K. Ce qui veut dire que, au-delà des argents du service d'incendie où le gouvernement doit payer sa participation, son 62 %, s'il est obligé, effectivement, d'investir jusqu'à 120 000 000 $ de plus, c'est quand même un drame, un feu de forêt de la nature de ceux qu'on a connus cette année.

M. Gendron: Ça ne fait aucun doute. On en est profondément conscients. Et là rappelez-vous toujours que ce de quoi on parle, c'est l'extinction. Le drame de l'extinction est coûteux, mais les conséquences qu'on discute sont encore... Parce qu'il y a des coûts pour l'extinction. On en a parlé tantôt: il y a des crédits supplémentaires de 24 000 000 $ et on en avait déjà 2 000 000 $. Il y a des coûts de récupération. On vous en a parlé, c'est déjà 10 000 000 $. Il y a des coûts de réaménagement et de production et ainsi de suite. Alors, additionnez l'ensemble des opérations, là, cet été, on n'est pas loin de 200 000 000 $ de pertes. On n'est pas loin.

Mme Dionne: Tout à fait, pour 10 000 000 de m³ de bois. Oui.

M. Gendron: Oui, madame.

Mme Dionne: C'est important. C'était ma première question. L'autre, c'est que, bien sûr, durant l'été, dans les journaux, on a vu un paquet de commentaires sur les équipements, les avions, ces choses-là. Alors, j'aimerais peut-être qu'on fasse un résumé, là, parce que vous avez sûrement fait une analyse, chez SOPFEU, du travail qui a été fait, de la qualité du travail, des difficultés et tout ça. On pourrait peut-être faire un résumé rapide là-dessus.

M. Gendron: Oui, on peut vous donner quand même... Oui. Bon. Mme la critique, quand on a à apprécier le comportement de la SOPFEU – parce que c'est ça que vous touchez, et on arrivera, dans quelques minutes, là, à la flotte pour la lutte directement aux incendies – bon, il faut se rappeler trois ou quatre paramètres, là. 1995 aura été un été exceptionnel. Le niveau – excusez-moi – de danger de feu a été trois fois plus sévère que la pire année de référence; c'est-à-dire que l'année de référence, c'est la dernière année la pire qu'on prend, 1991, qui avait été une année difficile. Alors, une année difficile, on multiplie par trois, premier critère.

Il y a eu 1 145 feux, dont six feux majeurs. Cette année, il y a eu, compte tenu de l'indice d'inflammabilité extrême, de la sécheresse très forte et du bel été – bravo pour d'autres aspects – deux fois plus de feux de foudre que la moyenne, et tout le monde sait que les feux de foudre sont les feux les plus difficiles d'accès. C'est les feux les plus difficiles, là, pour y accéder rapidement. Les feux autres que de foudre sont plus faciles à détecter et on peut arriver rapidement à de meilleurs instruments de lutte.

Bon, là, je vous fais grâce – s'il y a des questions, vous les poserez – des mesures de prévention, des mesures de sécurité. Mais, cet été, pour combattre les incendies, c'était quand même 400 employés au niveau de la SOPFEU, c'était au-delà de 1 000 combattants occasionnels, de nombreuses ressources de l'extérieur, dont 8 CL-415 – parce que les gens continuent à parler des CL-215, mais ce n'est pas ça, c'est des CL-415 – et là on arrive un peu à quelques éléments que vous devez savoir.

Bon. Feux de Gaspésie, on aurait eu, supposons – et moi, ce n'est pas pour exagérer, c'est juste pour qu'on se comprenne – 10 appareils de plus, ils auraient été probablement au sol pour des raisons de pente, d'escarpement, premièrement, et, d'autres fois, pour des raisons de difficulté d'approvisionnement en eau, parce que des bassins d'eau à proximité des feux dans la région de la Gaspésie, où un CL-415 ou un CL-215 peut aller rapidement amerrir pour aller quérir l'eau dont il a besoin, il n'y en a pas. Il n'y en a quasiment pas, de lacs importants qui permettent ça à proximité.

Alors, moi, je répète ce qui m'avait surpris, parce que je suis allé au feu de Bonaventure 1... C'était le 1 ou le 2 où je suis allé? Oui, ils étaient, les deux, assez intenses quand je suis allé voir, et ce qui m'avait frappé, c'est d'arriver à l'aéroport et de voir deux ou trois appareils sur la piste. Alors, je ne sais pas, dans ma perception des choses, moi, là, j'aurais aimé mieux les voir ailleurs que sur la piste, sauf que, si c'est improductif et que ça ne donne rien, et que ça coûte cher, et que ce n'est pas les bons outils de travail, bien, il faut changer d'outils de travail.

Alors, rapidement, là, les performances des nouveaux avions, présentement, sont supérieures à celles des appareils que la SOPFEU avait. Ainsi, l'arrivée des CL-415, conjuguée à la réorganisation du système de protection des forêts réalisée en 1994, a permis... Parce que le chialage des gens qui en ont fait était souvent relié à la réduction de la taille de la flotte. On s'accorde, vous l'avez vu dans les journaux; moi aussi, je l'ai vu. Ils disaient: Bien, comment ça se fait; il y a des feux de forêt et on réduit?

(20 h 40)

Alors, oui, c'est vrai qu'on a réduit la taille de la flotte, mais il y a deux raisons. Il n'y a pas de cachette que, quand on n'a pas d'argent pour en acheter, il faut gérer avec ce qu'on a. Mais le problème, ce n'est pas tellement ça que nos appareils sont deux fois plus performants, sinon trois fois plus performants que ceux qu'on avait. Combien, M. Proulx, on en avait avant?

M. Proulx (Régis): Vingt et un à un moment donné.

M. Gendron: Bon, à un moment donné, on avait 21 appareils, Mme la députée. On n'a plus besoin de 21 appareils si on a doublé deux fois, deux fois et demie le niveau de performance avec le même argent au niveau de l'outillage. Alors, oui c'est vrai, on a baissé la flotte et, parce que je n'ai rien à vous cacher, on prévoit la baisser encore, mais avec des appareils plus performants, ce qui devrait dégager plus d'argent pour des frais d'opération.

D'ailleurs, en conclusion là-dessus – et je vais vous laisser si vous avez d'autres questions – la nouvelle stratégie qui a été décidée suite à une étude très exhaustive de la SOPFEU, la SOPFEU, encore là, étant toujours la société – non, mais pour les gens qui nous écoutent – qui fait la lutte aux feux de forêts... La productivité accrue des CL-415 et des CL-215T par rapport aux CL-215 pas de T permettra de faire le travail avec moins d'appareils. Les gains se situent surtout au niveau de l'autonomie de vol, plus 20 %. Une autonomie de vol, plus 20 %. En termes du temps requis pour accéder au lieu d'incendie, plus 80 %, c'est-à-dire plus 80 % d'eau déversable avec le nouvel appareil et plus 20 % d'autonomie de vol.

Après ça, de plus en plus, pour la lutte aux incendies, il y a beaucoup de pression du privé, avec raison, pour utiliser les hélicoptères. Alors, ce qu'on appelle l'héliporté est de plus en plus utilisé et, dans certains cas, c'est vraiment le seul outil valable pour aller quérir rapidement un jet d'eau assez fort, très localisé, qu'on peut déposer presque... Quand je suis allé en Gaspésie, on ne pouvait pas s'approcher trop, compte tenu de l'intensité, mais, dès que le feu perd un peu d'intensité, avec les nouvelles méthodes, on peut aller déverser le gros bain-marie à proximité du problème.

Si vous avez des questions précises, on peut l'évaluer parce que, oui, on a fait des évaluations du travail et du comportement de la SOPFEU, et rappelez-vous toujours que, sur le conseil d'administration de la SOPFEU, parce que c'est bipartite, il y a 50 % de l'industrie qui est représenté. Alors, ces gens-là, qui ont le même souci que nous de protéger leur devenir et leur avenir par la ressource forestière, ils essaient d'avoir un équipement adéquat, des gens compétents et ils ont ce souci autant que nos amis du public en général.

Mme Dionne: M. le Président, on parlait, effectivement, d'une plus grande efficacité des CL-415, et je pense que, ça, c'est très important. Puis, là, on parlait de 80 % de plus de volume d'eau transporté, c'est quelque chose. Est-ce qu'au niveau des coûts d'exploitation de ces appareils-là, même avec une année difficile comme cet été, on a vraiment sauvé... Est-ce que c'est évident, là, par une grosse opération? Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus par rapport aux 21 que vous aviez avant ou les autres?

M. Gendron: J'aurais envie de faire un peu de politique, mais dans une heure on n'a pas le temps. Ça fait que je ne ferai pas de politique.

Mme Dionne: Non, on fait de la technique, on apprend des choses.

M. Gendron: C'est ça, parce que j'aurais envie de faire un peu de politique. Moi, sérieusement, Mme la députée, je n'ai aucune indication que, sur les coûts administratifs, il y aurait du débordement ou des indications à l'effet que ça aurait été plus dispendieux qu'avant. Là, s'il n'y a pas d'objection, je...

Mme Dionne: Ma question n'était pas dans le sens que c'était plus dispendieux. Mais je pense que, s'il est plus efficace, peut-être qu'il est moins dispendieux. C'était dans ce sens-là. Est-ce qu'il y avait des différences majeures pour une année, en fin de compte, aussi importantes au niveau des feux que cette année?

M. Gendron: Juste une seconde. Il n'y en a pas... Et je vais passer la parole à M. Proulx qui est quand même bien plus qualifié que moi pour répondre à ça. Mais, à ma connaissance, oui, quant à la lutte, parce qu'on a plus d'effectifs, puis on a plus de monde, puis on a eu plus de location d'appareils et de gens de l'extérieur, mais non quant aux frais administratifs courants de la SOPFEU, ce que j'appelle la boîte habituelle, permanente qui existe pour gérer la lutte aux incendies. Je n'ai pas d'information à l'effet qu'on aurait multiplié les postes de cadres, qu'on aurait augmenté...

Mais pas plus réducteur non plus, parce que l'efficacité, si vous vous rappelez de votre question, portait sur les appareils. Alors, M. Proulx n'est pas meilleur parce qu'on a un CL-415 qu'avant. En termes d'efficacité, au niveau du personnel de la SOPFEU, ça n'a rien à voir avec l'efficacité des appareils où on est plus performant, on a une plus grande autonomie. Donc, il y a une forme d'économie d'échelle, mais uniquement pour expliquer la réduction de la flotte.

Mme Dionne: O.K. Mais, déjà, c'est quelque chose. Et puis, au niveau du privé, est-ce que, cette année, vous avez dû louer les services du privé pour faire face ou si tout ce qui était appareils de l'État a été suffisant?

M. Gendron: M. Proulx, allez-y donc.

M. Proulx (Régis): Lorsqu'on parle des avions-citernes, on a eu...

M. Gendron: M. Proulx, il faut que vous mentionniez votre prénom.

Le Président (M. Brouillet): Oui, si vous voulez seulement vous identifier.

M. Proulx (Régis): Régis Proulx.

Le Président (M. Brouillet): Régis Proulx.

M. Proulx (Régis): C'est ça.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. Régis Proulx, très bien, vous avez la parole.

M. Proulx (Régis): Merci. Lorsqu'on parle d'avions-citernes, évidemment, c'est la flotte du gouvernement du Québec qui a été mise à contribution. Elle a été mise à contribution au complet durant la saison, ça va de soi. Cette flotte-là a été augmentée temporairement, lorsque c'était nécessaire, par de l'aide d'autres provinces. On a mentionné des appareils additionnels qui sont venus prêter main forte. Les appareils des autres provinces sont des appareils possédés par les provinces. Il y a des ententes qui existent pour pouvoir s'échanger les ressources, avec des taux de compensation. Incidemment, le Québec est allé prêter main forte aussi, en début de saison, alors qu'on était moins occupé. Il y a donc une forme d'échange de ce côté-là. Dans ce sens-là, c'est la flotte gouvernementale d'avions-citernes qui a éteint les feux.

Bien sûr, à côté de ça, on a utilisé des hélicoptères qui ne sont pas propriété du gouvernement du Québec, parce que le gouvernement en a très peu. Là, dans ce temps-là, il faut aller au niveau de l'entreprise privée, des transporteurs du Québec.

Mme Dionne: M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée.

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Est-ce que ça veut dire que vous prévoyez ça d'avance, qu'en début de saison vous avez un système d'appel d'offres ou si, compte tenu de l'endroit où sont les feux, par exemple, à Bonaventure, si vous avez eu besoin d'hélicoptères... Il n'y a pas quand même grand-temps pour un processus administratif normal d'appel d'offres. C'est quoi, le moyen que vous utilisez?

M. Proulx (Régis): Oui. La mécanique est la suivante. Dans le budget de départ de la SOPFEU, donc le budget de prévention, il y a des sommes qui sont placées pour louer d'avance des hélicoptères, un certain nombre. On parle de 14 appareils. Ces 14 appareils-là sont placés dans la province, ils peuvent être changés de place selon le danger de feu. Évidemment, lorsque les feux commencent, ce sont les 14 appareils en question qui servent à faire les attaques. Par contre, lorsque continue à augmenter le nombre d'incendies, les 14 appareils deviennent utilisés au maximum, d'autres appareils sont loués pour du court terme et viennent s'additionner. Il y a eu jusqu'à 70 appareils, à ma connaissance, dans le maximum des opérations.

Mme Dionne: Cette année?

M. Proulx (Régis): C'est beaucoup.

Mme Dionne: D'accord. Alors, donc, les ententes financières sont effectuées en début de saison pour...

M. Proulx (Régis): Pour le nombre...

Mme Dionne: O.K.

M. Proulx (Régis): ...d'hélicoptères de base, les 14.

Mme Dionne: Pour les 14.

M. Proulx (Régis): Ça, c'est fixé d'avance, c'est un contrat avec une durée de deux ou trois mois. Pour les autres hélicoptères qui s'ajoutent, les coûts de ces hélicoptères-là sont dans les quelque 20 000 000 $, dont on parlait tout à l'heure, de crédits supplémentaires.

Mme Dionne: O.K. Est-ce qu'on peut avoir des documents là-dessus, à savoir les ententes et, justement, les hélicoptères additionnels qui ont été loués?

M. Gendron: Oui.

Mme Dionne: Oui.

M. Gendron: Sur les chiffres qu'on vient d'indiquer...

Mme Dionne: Bon, parfait!

M. Gendron: ...tout à fait, on peut vous donner ça par écrit. M. Proulx, je vous invite à nous le produire, puis on vous le déposera. Je vous le ferai parvenir, mais, eu égard à la question posée, puis à la réponse donnée. Parce que toute la procédure contractuelle, c'est habituel, c'est régi par les règles habituelles du gouvernement. Donc, je n'ai pas l'intention de déposer les contrats avec l'industrie, parce que tout ça est prévu. Vous dites: On ne peut pas prévoir les feux, mais il y a une chose qui est sûre: on sait où sont les gens qui font de la lutte aux incendies; on connaît les gens qui ont les appareils. Ils sont dans des pools, il y a des cotations qui sont faites, avec des normes connues avant les incendies. Et, quand on en a besoin, on les prend à l'intérieur du pool. Et, quand il y a du débordement compte tenu de l'ampleur, bien, là, on est obligés de faire appel, parfois, à des ressources externes, mais dans les cadres, c'est-à-dire à l'intérieur des mêmes paramètres qui sont établis au Québec. Parce que, cette année, il y a eu des ressources de l'extérieur.

(20 h 50)

Mme Dionne: Tout à fait. Alors, ce que j'ai compris, M. le Président, c'est que, effectivement, au-delà des hélicoptères déjà prévus au contrat, il y a eu besoin d'hélicoptères additionnels. À ce moment-là, c'est – est-ce que je comprends bien? – selon les mêmes normes qui sont prévues au début de l'année, avec la flotte normalement en disponibilité?

M. Gendron: Oui, M. Proulx.

M. Proulx (Régis): Il faut préciser que, lorsqu'on parle des hélicoptères qui sont déjà budgétés, les 14, évidemment, c'est un contrat, c'est négocié, ça va par appel d'offres, et les taux sont en conséquence de la durée du contrat. Lorsqu'on va à court terme, les taux peuvent être différents, peuvent être plus élevés, mais les taux sont ceux qui sont déposés par le transporteur et qui sont contrôlés par le gouvernement du Canada. Ce sont les tarifs déposés. Mais c'est un petit peu plus élevé pour du court terme que lorsqu'on donne un contrat de deux mois.

Mme Dionne: O.K. Quand on a parlé, tout à l'heure, des ententes interprovinciales, alors est-ce que c'est du donnant, donnant ou si c'est facturé entre les provinces? Si, par exemple, la Saskatchewan vient aider le Québec ou... Là-dessus, c'est...

M. Proulx (Régis): Oui. J'ai les taux qui s'appliquent ici.

Mme Dionne: Vous avez tout ça par écrit? O.K.

M. Proulx (Régis): Je vous donne un exemple: nous, le Québec, lorsqu'on va prêter main forte aux autres provinces, il y a un taux de base. Par exemple, pour des CL-215, c'est de l'ordre de 3 000 $ – je n'ai pas le chiffre précis – par jour plus 3 500 $ environ pour chaque heure volée pour se rendre dans l'autre province et les heures travaillées sur le feu.

Mme Dionne: O.K.

M. Proulx (Régis): Et, vice versa, lorsque la Saskatchewan vient nous prêter main forte – c'est arrivé – elle a ses taux qui sont à peu près similaires. Il peut y avoir des différences de structure: le taux de base un petit peu plus haut, mais le taux à l'heure plus bas. Ça va selon la conjoncture de la province, mais, d'une façon générale, c'est donnant, donnant.

Mme Dionne: Est-ce que c'est la même chose, par exemple, si vous allez aider en Californie? C'est le même principe qui est établi ou si...

M. Proulx (Régis): Bon, dans le cas de la Californie...

Le Président (M. Brouillet): Votre nom, s'il vous plaît? J'ai oublié.

M. Proulx (Régis): Régis Proulx.

Le Président (M. Brouillet): M. Régis Proulx. Bon.

Mme Dionne: M. Proulx.

Le Président (M. Brouillet): C'est tout simplement pour les fins de l'enregistrement. M. Proulx.

M. Proulx (Régis): Dans le cas de la Californie, ce sont des ententes qui sont passées entre le Fonds du service aérien gouvernemental et l'État de la Californie, dans ce cas précis là. Ça peut être d'autres pays aussi. De ce côté-là, ce sont des ententes totalement différentes. On ne parle plus d'échange, d'entraide mutuelle entre les provinces du Canada; on parle d'un contrat que le Fonds du service aérien gouvernemental passe avec un pays qui devient son client.

Mme Dionne: O.K. Compte tenu que les feux de forêt au Québec, c'est à peu près trois mois maximum, quatre mois par année, la durée, qu'est-ce qui arrive aux appareils après? Est-ce qu'on regarde la possibilité de... On est en été en Amérique du Sud, ils ont des feux de forêt; est-ce qu'on a des moyens de les rentabiliser ou si on les entrepose tout simplement, on fait la mécanique l'hiver et on attend au printemps?

M. Gendron: Bien, c'est évident, madame, qu'il n'y a pas beaucoup de façons de rentabiliser un usage plus prolongé, parce que, même si dans certaines régions les saisons sont inversées, vous avez toute la question de coutume – ha, ha, ha! – des habitudes des milieux autres que les nôtres, et, tant qu'on reste alentour de ce que j'appelle les États-Unis, le Canada, quelques autres provinces, ça va. Et le climat se ressemble, avec ceux qui nous ressemblent un peu; il n'y a pas beaucoup d'inversions.

Quant à d'autres endroits, c'est arrivé que la SOPFEU a servi ailleurs et que nos appareils ont pu être offerts au coût que ça coûte, mais pour de très courtes périodes, occasionnellement. Et je ne crois pas qu'on puisse avoir une espèce de mandat également de promotion de l'usage externe, parce que c'est tellement lié à des impondérables. Mais, d'après les statistiques que je connais, oui, hein, M. Proulx, pour compléter, à ma connaissance, nos appareils ont toujours été de service, entre guillemets, quand ils étaient demandés et réclamés.

Le Président (M. Brouillet): M. Proulx.

M. Proulx (Régis): Je pense qu'il faut distinguer entre la période de la saison active au Québec... On s'est compris, on peut faire des échanges avec les autres provinces et on a le droit de rappeler nos appareils quand on en a besoin. En dehors de la saison, là, il faut faire des ententes et ce sont des ententes, habituellement, à plus long terme avec d'autres pays. Je le mentionnais, c'est le Fonds du service aérien gouvernemental qui fait son possible pour placer les avions, mais le marché est limité, il faut être conscients de ça. Il y a une limite à la facilité de louer les appareils aux autres pays.

Mme Dionne: O.K. Merci. Il y a peut-être...

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci, M. Proulx. Mme la députée.

Mme Dionne: Oui. Avec peut-être une dernière question. En tout cas, je reviens peut-être sur une question de départ, là, parce que, jusqu'à maintenant, je pense que les informations qui ont été données, puis je pense que le travail qui a été fait, on doit en convenir, par toute l'équipe, là, de SOPFEU, les travailleurs, les bénévoles qui étaient là tout l'été, là... Je pense qu'on l'a vu pas mal plus par les médias, mais je pense qu'ils ont fait un travail extraordinaire. Là-dessus, je pense qu'on doit le dire, parce que ce n'est pas facile, avec tout ce qui a été perdu, là, puis pour SOPFEU, en tout cas, M. Proulx, vous pourrez peut-être le dire à toute l'équipe, là, je pense que tout le monde était bien satisfait.

Ma dernière question. Je reviens à une question technique de départ, là. Quand on a regardé dans le sommaire général des dépenses, là – je m'adresse au ministre parce qu'il est devant moi – et qu'on regarde les crédits à voter, puis les crédits permanents – alors, peut-être que le ministre, avec son expérience de ministre, peut me le dire – il y a quand même une différence.

M. Gendron: C'est parce que, là, j'attends de saisir. Je ne vois pas la différence, là. Je vois 24 500 deux fois, là.

Mme Dionne: Attendez, là. C'est parce que peut-être que vous y avez déjà répondu, là. C'est parce que mes amis sont arrivés un petit peu plus tard, là, hein.

M. Gendron: Oui. Parlez-leur.

Mme Dionne: Oui, c'est ça. Ha, ha, ha! Je veux quand même satisfaire leur curiosité. C'est important, en terminant.

M. Gendron: Ah, bien, ça!

(Consultation)

Mme Dionne: Je vois, M. le Président que j'avais la réponse et j'avais bien saisi, et je pense que, là-dessus, c'est complet.

M. Gendron: Ça va?

Mme Dionne: Oui. Ça nous convient.

M. Gendron: Je voudrais juste...

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le ministre.

M. Gendron: Oui, mais très rapidement, en conclusion, je voudrais rappeler deux données essentielles. Mme la critique vient d'indiquer que, oui, je pense qu'on doit remercier et féliciter la SOPFEU de s'acquitter de sa responsabilité, puis en le faisant le plus professionnellement possible. Moi, c'est ce que j'ai constaté quand j'ai eu des contacts avec ces gens-là. Mais il faut également, à ce moment-ci, féliciter les compagnies forestières, les détenteurs de la ressource dite collective qui leur est attribuée temporairement par le contrat d'aménagement et d'allocation de la matière ligneuse qu'on appelle le CAAF, parce que faire de la récupération à ce moment-ci, avec les conditions hivernales que nous connaissons, ce n'est pas une mince tâche. Et, nous, on n'a pas le choix, là, il faut vraiment mettre énormément de pression parce que plus on agit rapidement, plus les niveaux de récupération possibles augmentent et moins on est à proximité du danger, là, que l'insecte, suite à un incendie, affecte ces boisés-là qui doivent être récupérés au maximum.

Alors, moi, je veux en profiter pour remercier tous les intervenants estivants qui ont travaillé d'une façon très professionnelle et d'une manière acharnée pour limiter les dégâts. J'avais été rencontrer les gens de Parent, je m'en rappelle encore, et il y avait passablement de découragement, puis d'inquiétude, puis ainsi de suite. Et on a même contesté parfois les approches de la sécurité publique, parfois de la protection civile, puis parfois des gens qui avaient la responsabilité de faire la lutte d'une façon très circonscrite et rapide. Mais il n'en demeure pas moins qu'on a posé les gestes, je pense, qu'il fallait poser pour rapidement maîtriser ces incendies dévastateurs et, tout de suite après, s'attaquer à ce qui est notre responsabilité: maximiser le plus possible le niveau de récupération.

Quant aux crédits supplémentaires, c'est évident que la seule raison pourquoi j'étais cette année, comme ministre, aux crédits supplémentaires: on ne peut pas d'avance prévoir cette situation-là et ça ne donnerait rien de provisionner plus de crédits que la moyenne habituelle des années de référence. Et je vous l'ai dit, l'an passé ou l'autre année, 3 000 000 $. Donc, avoir 2 500 000 $ pour une année qui a coûté 3 000 000 $, il n'y a pas de drame. Parce que, aller pour 500 000 $ au fonds de suppléance ou au fonds consolidé, c'est courant. Y aller pour 24 000 000 $, ce n'est pas courant. C'est pourquoi j'étais aux crédits supplémentaires.

Alors, je remercie mes collaborateurs et je remercie la critique de l'opposition.

Le Président (M. Brouillet): Alors, la commission plénière a donc terminé cet échange et ses travaux. Je remercie toutes les personnes qui ont participé et, pour permettre à la commission de poursuivre sa séance, je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de le faire immédiatement. Alors, je suspends donc les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 heures)

(Reprise à 21 h 4)


Régie de l'assurance-maladie du Québec

Le Président (M. Brouillet): Mesdames, messieurs, au cours de la prochaine heure et demie, nous allons procéder à un échange entre M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le député d'Argenteuil et M. le député... de Nelligan? Peut-être tantôt, non? Peut-être, oui. Alors, au cours de cet échange, une période de cinq minutes sera allouée aux députés indépendants. J'accorde immédiatement la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux pour ses remarques préliminaires. M. le ministre.


Remarques préliminaires


M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Nous avons été convoqués pour expliquer et donner toute l'information qui est reliée aux crédits supplémentaires qui sont nécessaires pour le budget de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, je vais prendre quelques minutes pour donner le contexte et les explications générales et, s'il est besoin d'informations supplémentaires, je ne doute pas que mon collègue saura poser les bonnes questions pour qu'on fasse toute la lumière sur cette affaire.

On se rappellera que le budget global, total du secteur de la santé et des services sociaux est de l'ordre de 12 800 000 000 $ et, de ce budget, il y a une portion de 2 800 000 000 $ qui est le budget de l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui sert à défrayer les coûts des programmes d'assurance-maladie qui sont, en majeure partie, les honoraires payés à des professionnels, surtout des médecins. Et l'ensemble du budget de la santé et des services sociaux, donc les 10 000 000 000 $ qui servent pour l'ensemble du réseau, d'une part, a été administré à l'intérieur de l'enveloppe globale qui a été prévue. Je voulais le souligner, je pense que ça mérite d'être souligné. C'était une première année où on devait fonctionner avec une enveloppe fermée, croissance zéro. Au moment où on se parle, on est complètement en contrôle du budget et tout laisse prévoir que ça va être la situation jusqu'à la fin de l'année.

Du côté du budget de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, il faut d'abord comprendre que c'était, là aussi, une première année où on devait gérer avec une enveloppe fermée. C'était une enveloppe, on le sait, qui... Seulement en ce qui regardait une de ses composantes, par exemple la rémunération des médecins spécialistes qui représente, sur cette enveloppe de 2 800 000 000 $, à peu près 1 100 000 000 $, 1 200 000 000 $, il y avait des dépassements qui sont déjà allés à 4 %, 5 % et 6 % de l'enveloppe. Alors, cette année, le total du dépassement à 94 600 000 $ représente 3,3 % à peu près de l'enveloppe globale de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Avec les provisions que l'on pourra faire en cours d'année, d'ici la fin de l'année avec les crédits supplémentaires, on est sûr qu'on va pouvoir s'en tenir à ce niveau-là. Donc, comme gestion globale de l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, je pense que, pour une première année à gestion d'enveloppe fermée, c'est remarquable et ça mérite d'être souligné. Si on ramenait ça sur l'ensemble du budget du secteur de la santé, les 12 800 000 000 $, bien, c'est un dépassement du total du budget de moins de 1 %. Alors, comme situation générale, c'est très contrôlable.

Maintenant, ces 94 600 000 $ de dépassement s'expliquent de la façon suivante. Il y a trois éléments, trois composantes essentiellement. Une première qui est de l'ordre de 38 000 000 $, plus exactement 38 100 000 $, qui a été, en fait, une sous-estimation de l'enveloppe. On se rappellera que l'enveloppe a été constituée pour être au niveau de ce qu'avaient été les dépenses réelles de 1994-1995, de l'an dernier. Pour l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, il fallait la calculer au moment où le budget a été fait, en estimant ce que serait le coût réel en fin d'année – parce que le budget se fait avant que l'année financière soit finie – et, comme l'enveloppe finale, qui n'était pas fermée auparavant, s'ajustait selon les honoraires des professionnels qu'il fallait payer, on devait faire un estimé pour les trois, quatre derniers mois de l'année. Or, cet estimé a été en deçà de ce qu'a été la dépense réelle, et, l'an passé, ça a coûté, en fait, à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, pour payer les honoraires professionnels, 38 100 000 $ de plus que ce qu'on avait estimé. Donc, on est parti avec une sous-estimation d'un peu plus que le tiers des crédits additionnels dont on a besoin.

L'autre bloc important, qui est au niveau de 48 300 000 $, représente les objectifs qu'on n'a pas pu réaliser en ce qui regarde les médicaments, ce qui est une autre portion importante de l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Je reviendrai là-dessus pour expliquer ce qu'il y a dans ces 48 300 000 $ là.

Et, finalement, la dernière partie est au niveau de 8 200 000 $. C'est ce qui sert pour payer les aides techniques qui sont données aux personnes qui souffrent de différents types de handicap: aide auditive, aide visuelle, aide motrice et le reste. Une bonne partie de ça est un héritage que l'on porte encore, là aussi, d'une prévision qui avait été inexacte au moment du transfert de l'Office des personnes handicapées du Québec à la Régie. Tous les programmes d'aide étaient gérés par l'Office des personnes handicapées et sont encore en voie d'être transférés à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Or, quand on avait transféré de l'Office à la Régie le Programme des aides auditives, on avait estimé à 9 000 000 $ le coût de ce programme, qui était à peu près le coût à l'OPHQ, mais l'OPHQ fonctionnait avec une enveloppe fermée: quand il n'y avait plus d'argent, on ne donnait plus de services. On avait estimé, quand on aurait donné des services à tout le monde qui en demanderait pour les aides visuelles, si on avait donné des aides techniques, que ça coûterait à peu près 9 000 000 $. Or, ça en a coûté 27 000 000 $, trois fois plus que ce qui avait été estimé. Et, ça aussi, on en connaît un peu les causes, et je reviendrai là-dessus.

(21 h 10)

Présentement, pour répondre à la demande, la provision d'aide auditive s'est stabilisée, semble-t-il, plafonnée autour de 21 000 000 $ à peu près, actuellement. C'est un plafond, mais qui est très au-dessus, ça aussi, du 9 000 000 $ qu'on avait prévu. Donc, il y a à peu près 13 000 000 $ à 14 000 000 $ qu'il faut trouver le moyen de récupérer, et il y a des mesures qui sont en marche présentement et qu'on devrait adopter pour l'an prochain qui devraient nous permettre de contrôler ce 8 200 000 $ de déficit cette année, mais ça n'a pas été possible cette année.

Je peux donner un peu plus de détails, d'informations en ce qui regarde la partie médicaments, où on a 48 300 000 $. On a besoin de 48 300 000 $ de crédits additionnels. L'objectif total qu'on s'était fixé était de 62 600 000 $ pour les médicaments. De cela, on n'en aura réalisé que 15 400 000 $, d'où un manque de 48 300 000 $. Ce manque-là vient du fait qu'il n'a pas été possible d'appliquer les mesures qui avaient été prévues, parce que, pour les appliquer, on a voulu en venir à une entente avec l'industrie pharmaceutique et en venir à une entente, pas seulement le ministère de la Santé et des Services sociaux, mais en incluant aussi dans ces discussions le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Parce qu'on sait que l'industrie pharmaceutique est implantée de façon importante au Québec. Il y a, à peu près, près de 50 % de la recherche pharmaceutique dans le domaine de l'innovation, en ce qui regarde les médicaments, qui est au Québec, spécialement dans la région de Montréal, et que faire des réajustements de prix payés pour les médicaments trop brusques sans s'entendre sur la façon de gérer avec l'industrie du médicament... On ne voulait pas, par ailleurs, causer des dommages à l'économie québécoise parce que l'industrie et les innovateurs, spécialement, sont un partenaire économique qui génère du développement, qui procure de l'emploi aussi. Les ajustements à faire qui sont en voie de se faire présentement, c'est des travaux qui évoluent bien, mais ça a été plus long que ce qu'on avait espéré.

Alors, par exemple, on avait prévu qu'on pourrait par ce qu'on appelle la méthode de fixation des prix, c'est-à-dire en payant le prix le plus bas pour des médicaments, on pourrait avoir une économie annuelle de 29 000 000 $ sur une année. On avait prévu que l'année en cours, vu qu'on ne pourrait pas l'appliquer dès le début de l'année mais qu'on pourrait probablement, selon nos espoirs à l'époque, commencer au 1er juillet, ça nous aurait donné 21 800 000 $.

On avait prévu une autre mesure qui était celle qu'on appelle de la rationalisation de la liste, c'est-à-dire qu'on identifie un certain nombre de médicaments comme étant des médicaments dits d'exception, c'est-à-dire des médicaments qui ne doivent être utilisés et prescrits qu'en deuxième ou troisième recours, pour des raisons thérapeutiques particulières, mais qui sont, en général, des médicaments plus récents, souvent des nouvelles molécules, des médicaments plus puissants et qui, souvent, ne sont pas indiqués comme médicaments de premier recours, mais s'ils ne sont pas sur une liste d'exception, bien, très souvent, ils deviennent rapidement utilisés en premier recours, ce qui cause des coûts pas mal plus élevés, et ça, selon les estimations qu'on avait faites, ça pouvait rapporter annuellement 37 000 000 $, annualisés, pour une année complète. Pour l'année en cours, on avait espéré qu'à partir du 1er juillet, si on avait pu appliquer la méthode, on serait allé chercher 27 000 000 $ ou 28 000 000 $, 27 800 000 $ exactement de ce côté-là.

Or, tout ce qu'il a été possible ou qu'il sera possible de réaliser cette année, au niveau du premier moyen, de la fixation des prix, avec le prix le plus bas, c'est quelque chose de l'ordre de 7 400 000 $, prévoit-on, 7 400 000 $, au lieu du 21 800 000 $ qu'on avait prévu, qui aurait été annualisé à 29 000 000 $.

Pour la partie de la rationalisation de la liste, au moment où on se parle, on ne prévoit pas qu'on pourra avoir convenu, cette année, d'une entente, et là il va falloir enregistrer un zéro, de ce côté-là.

Dernier élément pour l'objectif de 62 600 000 $ qu'on avait prévu, c'étaient les honoraires des pharmaciens. Alors, les honoraires des pharmaciens, on visait une économie, là, de l'ordre de 13 000 000 $, mais on est un peu pris, là, avec une mesure qui était à la remorque des ententes qu'on pouvait faire avec l'industrie pharmaceutique, de sorte qu'ayant réétabli la liste les négociations avec les pharmaciens auraient pu être conclues plus rapidement pour qu'on puisse faire cette économie. Mais là, au moment où on se parle, ayant pu réaliser ce qu'il était possible de réaliser cette année avec le partenaire de l'industrie pharmaceutique, on va quand même terminer des négociations avec les pharmaciens, et là, ce qu'on vise, nous semble-t-il, comme étant possible, c'est peut-être d'aller chercher 8 000 000 $ des 13 000 000 $. Mais on doit tenir un point d'interrogation là-dessus, là, pour être réaliste. Mais ça demeure possible, ce qui nous ferait donc 7 400 000 $ pour le prix le plus bas et 8 000 000 $ pour les honoraires des pharmaciens, soit 15 400 000 $. Alors, voilà donc l'explication globale.

Maintenant, là-dessus, je ne voudrais pas donner l'impression, même si on n'a pas réalisé nos objectifs, que c'est un chapitre où les choses vont mal, bien au contraire. Je pense que le partenaire, les industries pharmaceutiques, a bien compris la situation, accepte qu'il faut faire un effort de ce côté-là. Le comité qui a travaillé, encore une fois, avec les deux ministères, Industrie et Commerce, ministère de la Santé et des Services sociaux, et l'industrie, s'est même élargi pour inclure, en plus de l'industrie des innovateurs, l'industrie des médicaments génériques, de sorte que tout le monde est autour de la table maintenant et le gouvernement a refixé des objectifs budgétaires, en partie pour cette année, mais surtout pour l'an prochain, sur la base des travaux qu'on a faits – et il y a eu beaucoup de travail technique de réalisé – en mettant très clairement que, si le comité ne trouve pas les moyens pour réaliser les objectifs budgétaires, le gouvernement prendra la responsabilité de les fixer, de sorte que, l'an prochain, on aura des objectifs qu'on va pouvoir réaliser. Mais, ayant dit ça, je pense qu'on a toutes les raisons d'espérer, là, qu'on va pouvoir arriver à quelque chose de plus concret l'an prochain.

En rétrospective, ce n'était peut-être pas vraiment réaliste de penser que, avec tout ce qu'il y avait à abattre pour vraiment mettre en place les moyens pour changer complètement les habitudes de faire de ce côté-là, on pouvait faire ça dans l'espace d'une année, et ça, spécialement – et, ça, je veux le rappeler parce que ça implique, en fait, des décisions qui ont été prises par les gouvernements du Québec à des époques différentes, et là je ne le dis pas pour lancer une balle, mais pour montrer qu'il y a une continuité dont il faut être responsable... On a convenu, le gouvernement du Québec, sous le régime précédent, justement pour attirer et permettre que l'industrie pharmaceutique développe l'activité économique au Québec, on a accordé une protection supplémentaire à l'industrie pharmaceutique au Québec, qui est unique au Canada, je pense, c'est-à-dire qu'au-delà de la protection des brevets de 20 ans prévue par la loi canadienne on donne au Québec 15 années additionnelles de protection aux médicaments innovateurs, et ce qui fait une période très, très, très longue où...

Une voix: ...

M. Rochon: C'est ça, la période réelle, c'est ça, parce que le 20 ans de protection tient compte de la découverte du médicament, et non pas nécessairement de sa mise en commerce, et le 15 ans qu'on donne, c'est pour s'assurer qu'à partir du moment où le médicament est effectivement utilisé il y a 15 ans de protection. Donc, ça peut faire de plus cinq ans ou 10 ans, dépendamment du temps, mais il se passe une petite période de temps, là, parfois une longue période de temps entre la découverte et la mise en oeuvre du médicament, de sorte qu'on rajoute un peu de ce côté-là. Et, ça, il faut reconnaître que c'est cette protection additionnelle là, qui est un noyau, qui a mis beaucoup de rigidité ou qui n'a pas laissé beaucoup de marge de manoeuvre, là, en cours d'année, pour changer rapidement notre politique de prix. Si on avait décidé de le faire de façon unilatérale et sans respecter cet engagement qui avait été pris, bien, on l'aurait réalisé sans trop de problèmes, mais en créant peut-être plus de dommages à moyen terme sur le plan économique au Québec qu'en prenant le temps de voir vraiment ce qu'il en était.

Je conclurai, M. le Président, en rappelant que, dans l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la proportion la plus importante... On a parlé des aides techniques, on a parlé des médicaments. Bon. Médicaments, quand on tient en compte pharmaciens, les honoraires des pharmaciens et des médicaments, c'est quelque chose de l'ordre de 500 000 000 $ dont on parle dans l'enveloppe. Quand on parle des autres, des services donnés, d'autres professionnels que les médecins, on parle de quelque chose de l'ordre de 75 000 000 $ à peu près. L'ensemble des aides techniques, on parle de quelque chose qui est de l'ordre d'à peu près 75 000 000 $ à 80 000 000 $, là aussi. La grosse portion de ça, 2 100 000 000 $ sur le 2 800 000 000 $, c'est les honoraires des médecins. Et, ça, c'est des enveloppes qui ont été fermées; il y a des ententes qui ont été faites avec les médecins et les enveloppes vont être gérées et être contrôlées comme enveloppes fermées, et il y a eu une excellente collaboration avec les deux fédérations médicales pour que ça puisse être réalisable.

(21 h 20)

Alors, tout ça m'amène à conclure qu'avec un taux de dépassement, donc, de l'ordre d'un peu plus de 3 % pour cette sous-enveloppe de la RAMQ, qui est moins de 1 % pour l'ensemble du budget de la Santé et des Services sociaux, on a eu une bonne participation des différents partenaires et on a possiblement réalisé ce qui pouvait être réalisé pendant une première année. Et, comme on est dans une opération de transformation du réseau qui est sur un cycle de trois ans, j'ai assez confiance qu'on s'est fixé le tremplin qu'il nous fallait pour pouvoir atteindre les cibles encore de plus près l'an prochain. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Comme nous venons de le voir en entendant le ministre, on réalise bien que souvent il est plus facile de manifester des souhaits et des désirs que de les concrétiser ou de les réaliser. Les négociations n'ont sûrement pas été nécessairement toujours faciles dans tous les secteurs et j'en conviens, avec les pharmaciens et autres, et elles ont sûrement consommé beaucoup de temps de la part du ministre à négocier avec les différentes fédérations, que ce soient les fédérations des médecins spécialistes ou des omnipraticiens. Je peux comprendre que, rendu à ce temps-ci de l'année, il trouve que le temps lui reste court pour finir ses négociations et entrer dans son budget. Il n'en reste pas moins qu'on l'avait mis en garde, d'ailleurs, au printemps dernier, de certaines prévisions qui nous apparaissaient à ce moment-là irréalistes et peut-être, en tout cas, de courte paille, parce qu'on avait prévu des dépassements et ça s'est concrétisé, à ce que je peux réaliser, surtout sur le plan des médicaments.

On sait que nous vivons tous des temps difficiles, que ce soit au plan de la société québécoise, qui est une des plus pauvres, comme on le manifestait à de multiples reprises dans les derniers jours, où on a 17,6 % de familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté. C'est le plus haut taux au Canada, comparativement à 14,8 % pour l'ensemble canadien. Évidemment, on a une société qui s'appauvrit de plus en plus.

Non seulement la société, mais le gouvernement aussi a des problèmes de budget. Et, bien que les prévisions demeurent optimistes du côté gouvernemental, je pense qu'on va encore une fois, cette année, dépasser le déficit prévu de plusieurs centaines de millions de dollars. Encore une fois, l'acceptation par les différents ministres, en particulier du ministre de la Santé, puisque c'est ce qui nous concerne ce soir, d'une enveloppe fermée va le mettre dans une position où il va voir peut-être son enveloppe réduite dans les derniers mois où les besoins du gouvernement devront se manifester de façon importante et pressante auprès de certains ministères. Comme le tiers du budget du gouvernement est dans ses mains, eh bien, il va sentir un gant un peu serré sur la main.

J'ai noté que M. le ministre nous ramenait, à l'occasion, sur le gouvernement passé. C'est évident qu'il y a des reliquats de la gestion antérieure, mais il n'en reste pas moins qu'actuellement le dépassement que le ministre nous présente, c'est plus que ce que nous avions au moment de notre gestion, et ça dépasse d'un montant de près de 38 000 000 $ ce que nous avions budgété à ce moment-là pour la RAMQ. Je pense que, devant une situation comme celle-là, ce n'est pas nous.

On regarde ici les chiffres pour la RAMQ, en 1994-1995, nous avions 2 896 000 000 $ et, maintenant, les prévisions du ministre pour cette année, avec sa demande de budget additionnel, c'est de 2 924 000 000 $. Alors, il dépasse de peu, mais c'est quand même plus que ce que nous, nous nous étions engagés. Alors, je pense que, oui, on peut en mettre sur la gestion passée, mais il faut quand même réaliser qu'il y a une accentuation des coûts et que le ministre devra voir à gérer de façon encore plus serrée ses budgets, de sorte à rencontrer ses objectifs.

Le ministre a aussi passé des commandes dans les régies régionales et dans différents hôpitaux. À ce moment-là, on nous a fort bien annoncé que ce n'était pas pour faire des coupures et arriver à des économies, mais il n'en reste pas moins que le résultat final va se solder par une économie. Et je note, d'ailleurs, dans les crédits additionnels, que le ministre ne nous demande pas de voter de budget additionnel. Donc, on va lui revenir plus tard sûrement, mais il va aller chercher ailleurs ce qu'il devra prendre pour assumer les coûts additionnels pour ces médicaments. Et ça, pour moi, je pense que c'est le fait des économies engendrées par la réforme, entre guillemets, dans laquelle on a inclus les fermetures d'hôpitaux, les agencements, de nouvelles vocations qui ont été assignées aux hôpitaux.

Aujourd'hui, on se voit devant une situation où dans la difficulté financière du gouvernement la progression du coût des médicaments va devoir imposer des dépenses additionnelles qui vont exiger du ministre une gestion encore beaucoup plus serrée et qui vont exiger de sa part encore des heures additionnelles de travail – j'assume qu'il n'en a pas suffisamment pour le moment – à vouloir observer et resserrer tout ce qui se passe dans son ministère, étant donné l'importance du montant qu'il a à gérer et de l'impact que le budget du ministère de la Santé et des Services sociaux a dans le budget global de toute la province.

Je pense que, là-dessus, je vais clore mes remarques préliminaires et je suis prêt à... Demandez ça au ministre, s'il est prêt à écouter mes questions.

Le Président (M. Brouillet): Ce ne sera pas très, très long. M. le ministre, oui. Est-ce que... Vous avez une question à poser, vous pourrez peut-être...


M. Jean Rochon

M. Rochon: Je pourrais ajouter un commentaire, toujours pour apporter le plus d'éclairage possible pour que toute la population voie bien ce qu'on fait, ce qu'on réussit et pourquoi certains objectifs ne sont pas complètement réalisés.

Le député d'Argenteuil nous parlait que c'est une chose de faire des projets, mais c'est une autre chose de les réaliser puis que c'est moins facile. On est bien d'accord là-dessus. Mais il faut faire des projets. Parce qu'on se rappellera qu'une des plus belles définitions de la santé, je pense, c'est celle qu'en donnait René Dubos, ce grand humaniste, qui était un biologiste français qui a fait carrière aux États-Unis, qui est devenu un grand humaniste sur la fin de sa carrière, et qui nous disait que la santé, pour lui, c'était fondamentalement cette capacité de faire des projets et de travailler à les réaliser. Alors, ça prouve que nous sommes quand même en santé si nous continuons à formuler des projets et travaillons à les réaliser, même si on ne réussit pas tout...

M. Beaudet: ...conclure que le ministre est en bonne santé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brouillet): ...M. le ministre.

M. Rochon: Alors, même si on ne réussit pas tout du premier coup, il faut continuer. Bon.

Parlons de gestion passée, de gestion actuelle, de ce qui avait été prévu, de ce qui est revenu. Il faut quand même rappeler une chose, là. Dans la façon dont le budget de l'année qui a précédé ce gouvernement-ci avait été préparé, ce qui était une pratique qui s'était très bien établie sous le précédent gouvernement, on se rappellera qu'il y avait une certaine habitude de programmer, dans le budget, des périmés, qu'on appelait. C'est-à-dire qu'on prévoyait un certain nombre de choses, mais on prévoyait d'emblée, d'avance, que jamais on n'utiliserait ça et ça permettait d'équilibrer un certain nombre de comptes en fin d'année. Nous, on avait bien dit que le budget qu'on a fait, on n'a pas fait ce genre de manoeuvre et il n'y a donc pas de surprises auxquelles s'attendre.

Maintenant, on a fait référence au budget du réseau de la santé et, ça, je tiens à le dire et à le redire, parce qu'on a tenu à être très équitable envers tout le monde, en disant que le réseau fait son effort et les programmes administrés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec font un effort équivalent. Et c'est quand même remarquable, et ça, je le dis, parce qu'il faut rendre hommage à l'ensemble des régies régionales et aux établissements, à ceux qui gèrent les 750, et plus, établissements de ce réseau, d'avoir réussi à gérer plus de 750 établissements avec un budget de 10 000 000 000 $ et de vivre à l'intérieur de l'enveloppe fermée; ça ne s'était jamais fait auparavant. Alors, ça, c'est très remarquable, et le mérite en revient à pas mal de monde. Alors, je pense qu'il faut le dire.

Maintenant, avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on reconnaît que c'est un peu plus difficile parce qu'il s'agit d'un budget qui paie des honoraires qui viennent d'à peu près presque 20 000 professionnels. Il y a à peu près 15 000 médecins, plus les optométristes, pour les dentistes, qui envoient des honoraires. Alors, c'est toute une autre opération que de contrôler ce budget-là.

(21 h 30)

Maintenant, pour l'équilibre final, on avait déjà prévu lors du budget, vu qu'on n'utilisait pas la méthode des périmés, on avait identifié une partie du budget qui nous servirait de tampon, parce que, prévoyant l'enveloppe fermée et qu'on ne pourrait pas refaire un pèlerinage au Conseil du trésor, comme ça se faisait auparavant, pour avoir des crédits additionnels, et comme, malgré les meilleures prévisions, on peut bien penser que, dans un réseau comme celui-là, tout ne pouvait pas être calculé à la deuxième décimale près, il y a un budget tampon où on va voir ce qu'on aura à absorber pour certains petits ajustements dans le réseau et du côté de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ça, c'était un budget d'absorption pour l'ensemble du grand budget.

Alors, je pense qu'on a des moyens et, dans les quatre mois qui nous restent, ou les trois mois maintenant et quelques semaines, pour terminer l'année financière, moi, j'ai confiance qu'en faisant les efforts qu'il faut on va être capable de resserrer et de finir à peu près en équilibre, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Argenteuil.


Discussion générale


Gestion budgétaire par enveloppe fermée

M. Beaudet: Juste un petit point sur le commentaire de M. le ministre où, oui, le mérite des contraintes budgétaires qui ont été transmises aux différentes régies et aux hôpitaux, aux différents établissements est sans doute dû en grande partie aux dirigeants actuels, mais il ne faudrait pas oublier que l'élan a été donné par le gouvernement préalable, avec son «Défi qualité-performance», où il avait déjà commencé à restreindre le fonctionnement des hôpitaux, à leur demander de voir à gérer leur budget de façon beaucoup plus serrée et adéquate, ce qui a laissé le champ libre au ministre pour ajouter son petit tour de vis additionnel.

Là-dessus, M. le Président, j'aimerais demander au ministre certains éclaircissements. Le 13 avril dernier, le ministre nous affirmait, en réponse à une question de la députée de Rimouski, et je cite: «Autrement dit, ce n'est pas possible de penser qu'on va financer un dépassement dans une enveloppe aux dépens de l'autre enveloppe, parce que, là, en termes d'équité, comme vous le posez, il y aurait un problème majeur, et c'est important que tout le monde dans le réseau comprenne ça, que tout le monde va devoir faire son effort, et ce, au même niveau. La RAMQ devra faire des économies où la compression va devoir se faire et des économies vont devoir être faites. Globalement, ce que ça représente pour l'ensemble des professionnels de la santé, c'est une compression qui, pour l'ensemble du réseau, est de l'ordre d'à peu près 2 % de l'enveloppe totale.»

Aujourd'hui, avec ces commentaires du ministre, comment le ministre peut-il prétendre nous parler d'enveloppe fermée, alors qu'il nous demande 94 000 000 $ additionnels, mais ne nous demande pas de voter? Donc, il va aller les chercher dans une autre enveloppe. J'assume. Alors, le principe des enveloppes fermées, dois-je conclure que ça s'adresse uniquement au ministère et non pas aux différents secteurs à l'intérieur du ministère?

M. Rochon: D'abord, M. le Président, il faut regarder...

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rochon: Ça va?

Le Président (M. Brouillet): Oui. Allez-y.

M. Rochon: Merci. Il faut regarder les choses bien en perspective. C'est exact de dire que le gouvernement précédent avait commencé à réduire sensiblement le taux d'accroissement de l'enveloppe. Mais on était vraiment dans ce qui s'appelait, puis là je ne le dis pas pour amoindrir ce qu'a été l'importance de l'opération du «Défi qualité-performance» que, là encore, le réseau a réalisé avec beaucoup de talent, mais c'était tout à fait différent comme ordre de grandeur d'exercice dans ce qu'on a vécu cette année. C'était uniquement une compression. Il n'y avait pas d'effort de transformation des façons de faire et de fonctionner du réseau. Et, d'après l'information que j'ai, on a effectivement comprimé à peu près de l'ordre de 200 000 000 $ pour réallouer autrement à peu près autant, de sorte qu'on était vraiment autour du zéro.

Cette année, ce qu'on a fait, ça a été une compression, pas de l'ordre de 200 000 000 $, mais de 550 000 000 $ à peu près, pour réallouer à peu près 200 000 000 $, ce qui nous laisse une compression nette réelle, d'une absorption complète, d'à peu près 350 000 000 $, comme ordre de grandeur. Alors, comme opération, c'est deux années qui se sont suivies, mais c'est deux opérations d'ordre de grandeur complètement différent.

Et, encore là, il faut réaliser que ça a demandé non seulement un effort de comprimer des budgets, de couper un peu partout, puis d'enligner des chiffres, mais de faire une modification des façons de gérer, des façons de pratiquer, des façons de rendre les services, de sorte que les chiffres dont on parle et la compression réelle de 350 000 000 $, grâce à une réallocation de 200 000 000 $, ont voulu dire qu'en termes de services rendus à la population ça n'a pas été subi comme une compression, ça a été des services différents qui ont été donnés aux gens, et on a commencé à faire les choses différemment pour maintenir les services à la population en pouvant produire avec une beaucoup plus grande efficacité, une beaucoup plus grande efficience.

Ceci dit, dans l'enveloppe fermée qu'on a, il y a grosso modo trois sous-enveloppes, si vous voulez, là-dedans: il y en a une qui est du ministère et de son réseau, qui est l'enveloppe du 10 000 000 000 $; il y a le 2 800 000 000 $ de la RAMQ, de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, et la petite enveloppe – comparativement à ces deux-là – de l'Office des personnes handicapées du Québec, qui est autour de 45 000 000 $. C'est ces trois enveloppes-là dont on a voulu protéger l'intégrité l'une par rapport à l'autre, si vous voulez. Alors, pour les deux extrêmes, d'une part, la petite enveloppe de l'Office des personnes handicapées, ce n'est pas à risque – ça ne permettrait de rien régler, de toute façon, et eux font déjà leur effort de rationalisation à l'intérieur même de la gestion de l'OPHQ – et c'est heureux de voir que, à l'autre extrémité, la grosse enveloppe, elle, est sous contrôle. Là où on aurait vraiment un problème, c'est si on n'avait pas pu garder sous contrôle le 10 000 000 000 $ sur le 12 800 000 000 $ total. Et, si on regarde à l'intérieur de l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, sur le 2 800 000 000 $, la grosse proportion là aussi, les 2 100 000 000 $ qui sont des honoraires médicaux, elle, elle est sous contrôle.

Alors, le manque de réaliser l'objectif, là, il faut bien se le rappeler, est très pointu. C'est essentiellement sur une partie de l'enveloppe. Si on faisait l'ajustement pour l'erreur d'estimation, on aurait 38 000 000 $ de moins à régler sur les 94 000 000 $, et, une fois qu'on aurait pris en compte les médicaments, on serait à peu près équilibré. Et, comme je vous dis, on a prévu quelques mesures de tampon à travers l'ensemble. Donc, ce n'est pas de l'argent qui avait été alloué pour aucun service à la population. Il y a un certain nombre de mesures de tampon pour que la gestion d'une enveloppe fermée laisse une légère couche d'oxygène pour faire les équilibrages. C'est là-dessus qu'on va travailler au cours des trois prochains mois, pour finir l'année financière et pour s'assurer qu'on respecte bien l'intégrité des différentes enveloppes et qu'on fasse les ajustements nécessaires pour que le tout finisse sous contrôle. On parle de 0,7 % de dépassement sur une enveloppe totale, présentement, sur une enveloppe de 12 800 000 000 $; 0,7 % de dépassement. Il nous reste trois mois pour gérer ça. Ça devrait pouvoir se faire.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député.


Utilisation du fonds d'équilibre

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec le ministre où il dit que, dans sa grosse enveloppe, qui est le ministère et son réseau, où il y a 10 000 000 000 $, ça s'est fait sans avoir des effets sur les services à la population. Je comprends qu'il y a un changement de vocation ou de mission, où les soins ambulatoires ont pris une importance peut-être, je dirais, aux yeux de la population, en tout cas à la publicité qui en était faite, beaucoup plus importante, mais c'était déjà enclenché, sauf qu'il y a eu des inconvénients importants auprès des patients qui ont dû subir les inconvénients de cela, et j'y reviendrai plus tard.

Alors, ce n'est pas sans avoir des répercussions sur les services qui sont donnés différemment, mais où les préparatifs... Et c'est d'ailleurs ce que nous avions reproché dans la mesure de la réforme et des réaménagements, ce n'était pas nécessairement les coupures comme la façon de les faire. Et je pense qu'on aurait pu préparer différemment et peut-être qu'on n'aurait pas retrouvé, dans des mesures différentes de préparatifs, toutes les économies que le ministre peut aujourd'hui aller chercher pour assurer le transfert des fonds à l'intérieur de ces sous-enveloppes, de l'une à l'autre, de 94 000 000 $.

On sait, M. le Président, le ministre nous l'avait clairement indiqué, d'ailleurs, le 25 avril lors de l'étude sur les crédits, qu'il s'était gardé un fonds d'équilibre. Je sais que le fonds d'équilibre a été mis là pour être vraiment un tampon, pour le garder en réserve, de sorte que, si, avec toutes les meilleures décisions et les meilleurs outils qu'on mettrait en place, il y avait un dépassement à ce qu'on a prévu comme dépenses, on aurait une réserve pour pouvoir l'absorber.

(21 h 40)

Alors, aujourd'hui, on va chercher 94 000 000 $. Est-ce que je dois assumer que le tampon est disparu et qu'il a été utilisé? Et quels ont été les endroits où ce fonds de tampon, ce fonds de réserve a eu son impact? Parce que, comme il le disait si bien, là on ne peut plus avoir un dépassement comme ça. Alors, on a prévu, dans le budget, garder en réserve un montant pour si jamais ça dépassait les prévisions qu'on va faire et qu'on va essayer de bien contrôler. Comme je comprends qu'il va prendre l'argent dans la grande partie de son ministère et du réseau, où est allé le 133 000 000 $ de tampon qu'il s'était mis en réserve de jeu?

(Consultation)

Le Président (M. Brouillet): Alors, tout le monde réfléchit, c'est très bien. Alors, M. le ministre.

M. Rochon: On veut être sûr de bien comprendre la question pour donner la meilleure réponse possible.

M. Beaudet: Est-ce que la question était claire?

M. Rochon: Non. Vous m'aideriez en la reformulant, là, par rapport aux commentaires qui ont été faits auparavant.

M. Beaudet: Bien, vous nous aviez parlé, au printemps, d'un tampon de 133 000 000 $, si le chiffre est bon. C'était une réserve que vous vouliez compressible et que vous gardiez. Et vous nous aviez clairement indiqué, à ce moment-là, que ce n'était pas quelque chose que vous engagiez – vous l'avez mentionné tantôt – d'ailleurs d'emblée, étant donné que, si vous l'engagiez, bien, il était déjà dépensé, alors vous le gardiez comme tampon. Mais où est-ce qu'il est maintenant, aujourd'hui, au moment où on se parle, puisque vous nous demandez des crédits additionnels de 94 000 000 $?

M. Rochon: Bon, M. le Président, les 133 000 000 $, je ne sais pas où le député prend ce chiffre, mais, dans notre esprit ici, par les chiffres qu'on a, ça correspond plus à ce qui était l'objectif d'absorption du budget de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Reprenons les chiffres, là, si on veut voir comment on va régler ça, là, puis d'où peut venir l'argent. Mais, encore là, on a un peu plus de trois mois, là. Alors, là, il y a une opération de gestion à faire, puis il y a à s'assurer qu'on peut faire les équilibres. Il y a 94 000 000 $, au moment où on se parle...

M. Beaudet: C'est 50 000 000 $.

M. Rochon: C'est ça, justement.

M. Beaudet: Y inclus les 11 000 000 $ pour la RAMQ.

M. Rochon: Il y a 94 000 000 $, puis, comme les choses vont actuellement, selon ce qu'on a prévu comme objectif de compressions budgétaires, elles ne vont pas se réaliser. Maintenant, comme je vous dis, là-dessus, il va y avoir une correction, et on voit comment elle pourrait être faite. Un premier objectif est d'ajuster notre enveloppe, d'abord, au niveau de ce qu'elle aurait dû être. Parce que le principe de l'enveloppe fermée voulait qu'on parte avec une enveloppe qui était au niveau des dépenses réelles de 1994-1995. Or, on est parti avec une enveloppe, pour la Régie de l'assurance-maladie du Québec, qui était de 38 000 000 $ en dessous des dépenses réelles de l'année dernière. Et ça, ça venait, spécialement dans la Régie de l'assurance-maladie du Québec, de ces 2 100 000 000 $ sur les 2 800 000 000 $ qui servent à payer les honoraires médicaux. Alors, là, il y a une opération de gestion qu'on va faire pour voir comment on peut amener une correction, un ajustement de l'enveloppe, pour qu'elle soit vraiment au niveau de ce qu'elle aurait dû être.

Alors, donc, des 94 000 000 $, on retire 38 000 000 $, et on a 56 000 000 $ qu'il nous reste. Le fonds d'équilibre qui avait été prévu était à la hauteur, effectivement, d'à peu près 50 000 000 $. Au moment où on se parle, si on peut trouver le moyen de récupérer et d'avoir ce fonds-là au besoin pour qu'au total il permette d'absorber ce qu'il nous reste, donc il nous reste 6 000 000 $. 94 000 000 $ moins 38 000 000 $, ça fait 56 000 000 $; 56 000 000 $ moins 50 000 000 $, il reste 6 000 000 $. Alors, sur un budget de 12 800 000 000 $ au total, vous nous donnerez bien quelques semaines pour vous dire comment, là-dessus, on trouve le moyen d'absorber, à quelque part, 6 000 000 $ pour lesquels je ne peux pas vous donner exactement, ce soir, le fin détail de la façon de régler cette facture.

M. Beaudet: M. le Président, je ne peux pas comprendre, avec tout le sérieux voulu, comment le ministre n'a pas été capable d'arriver – 6 000 000 $ à l'intérieur de 12 800 000 000 $ – à rentrer ça à l'intérieur. Il vise trop loin.

M. Rochon: Si le député savait tout ce qu'on a dû faire comme ajustements pour ne pas déraper, vraiment, en cours d'année, il comprendrait facilement.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Mais, sans badiner, M. le Président, il nous avait dit, à ce moment-là, que c'était une décision d'utiliser – je parle du fonds de la RAMQ – les 11 000 000 $ qui étaient un tampon...

M. Rochon: Non.

M. Beaudet: ...ou le fonds de réserve.

M. Rochon: Allez, allez.

M. Beaudet: Il nous disait que c'était une décision de l'utiliser. Si le ministre décide de l'utiliser pour payer certains nouveaux actes médicaux ou nouveaux développements, ça, il le discutera avec le partenaire syndical. S'il décide de l'utiliser pour autre chose dans le cadre d'un programme qu'administre la Régie, bien il verra avec quel partenaire il travaille à ce moment-là. Est-ce que ce 11 000 000 $ est toujours disponible à l'intérieur de la RAMQ pour de nouveaux actes médicaux? Sinon, il a été utilisé à quoi? Et, s'il a été utilisé pour des nouveaux actes médicaux, est-ce qu'il pourrait nous préciser quels nouveaux actes médicaux ont été mis en branle par nos confrères, les médecins spécialistes et les omnipraticiens?

M. Rochon: Pour comprendre ça, M. le Président, je pense qu'il faut faire la différence entre la façon de refléter sur les écrits la ventilation d'un budget par rapport à la gestion quotidienne. Les 50 000 000 $ de fonds d'équilibre, qu'on avait appelé, dans certaines façons de présenter le budget avaient été ventilés entre les sous-enveloppes respectives, le réseau, et on avait même mis, dans certains tableaux, à l'intérieur du réseau, la partie ministère, la partie des établissements, l'OPHQ et la RAMQ. Alors, si, au prorata de 2 800 000 000 $ par rapport à 12 800 000 000 $ ou de 2 800 000 000 $ par rapport aux 10 000 000 000 $ du réseau, on répartit les 50 000 000 $, c'est comme ça que, dans certaines façons de présenter le budget, on avait ventilé le fonds d'équilibre aux sous-enveloppes. Mais, dans la réalité, on avait toujours dit que ces 50 000 000 $ de fonds d'équilibre étaient valables pour l'ensemble du budget et que ce n'était pas... Écoutez, quand on dit qu'on se donne un fonds d'équilibre de 50 000 000 $ sur un budget de près de 13 000 000 000 $, on n'était pas pour l'allouer à l'avance, ne sachant pas, en cours d'année, ce qu'on rencontrerait comme difficultés et dans laquelle des sous-enveloppes ce serait plus difficile de gérer. Alors, ça, c'est une ponction qui a été faite, si vous voulez, d'emblée, dans le budget global, et les 50 000 000 $ étaient gardés en réserve sur le plan de la gestion comme 50 000 000 $.

Qu'on les ait présentés pour montrer qu'est-ce que... Si on les avait dépensés ou si on les avait utilisés de façon paramétrique, comme on dit, ça aurait fait, pour la Régie de l'assurance-maladie du Québec, 11 000 000 $. Mais, si, à la Régie de l'assurance-maladie, on avait réussi à contenir l'enveloppe sans qu'il y ait besoin des 11 000 000 $, ils auraient pu être utilisés pour OPHQ, réseau, ministère ou n'importe où. Or, il arrive que c'est dans l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, comme on pouvait le prévoir à cause de la façon que fonctionnait cette enveloppe qui – il faut se rappeler de ça – est une enveloppe qui sert à payer des comptes de 20 000 professionnels qui envoient des comptes en vertu d'ententes qui avaient été conclues auparavant et des ententes qui n'avaient pas des mécanismes de contrôle d'un plafond. Il faut bien réaliser ça. On a refait les ententes en cours d'année, et, là, les ententes, maintenant, ont des mécanismes de sorte qu'en cours d'année, en suivant la dépense, si on s'aperçoit qu'on ne peut pas vivre à l'intérieur de notre enveloppe, il y a des mécanismes prévus pour s'appliquer dans le paiement des honoraires, pour s'assurer qu'on arrive en fin d'année, ce qu'on n'avait pas quand on a commencé l'année. Donc, on s'attendait que ce serait particulièrement difficile dans cette enveloppe-là.

Alors, qu'on doive utiliser en totalité ou presque le petit fonds d'équilibre pour une enveloppe plutôt que pour l'autre, c'était dans la logique de gestion dès le début, même si certaines présentations du budget le répartissaient de façon paramétrique. Et ça, ça a toujours été très clair pour tout le monde.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, le ministre a changé un peu, pas les règles du jeu, mais les coûts qui ont été donnés, parce que... Je parle de coûts donnés, c'est une façon de parler là. Vous avez pris les 11 000 000 $ qui étaient alloués à la RAMQ, vous les avez utilisés ailleurs. Alors, à l'intérieur de la grosse enveloppe fermée du ministère, vous avez joué à l'intérieur des sous-enveloppes sans considérer les bornes. En autant que la RAMQ n'a pas dépensé ses 11 000 000 $, vous les avez pris ailleurs. Aujourd'hui, je vous demande: Ces 11 000 000 $ là qui étaient dédiés à la RAMQ, ils sont rendus où? Ils sont rendus dans les médicaments ou si ce n'est pas possible de les retrouver?

M. Rochon: Je recommence, M. le Président. Non seulement les 11 000 000 $, répartition paramétrique du fonds d'équilibre de 50 000 000 $, 11 000 000 $ à la RAMQ, ils ne sont pas enlevés à la RAMQ, comme il y a un dépassement qu'on prévoit de 94 000 000 $, ils restent là, et c'est plutôt l'autre portion du 50 000 000 $, qui aurait pu servir dans les autres enveloppes, qui va aller en plus à la RAMQ pour absorber, en ligne de compte, à moins qu'on puisse réussir certaines économies dans la Régie, parce qu'on va quand même essayer, à l'intérieur de la Régie, de l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, de faire toutes les compressions pendant les trois mois qui nous restent. Dans la mesure où on ne pourra pas les faire complètement, c'est plutôt dans l'autre sens que va aller l'équation pour rajouter une portion un peu plus grande du fonds d'équilibre à l'enveloppe de la RAMQ, plutôt que le sens contraire.

(21 h 50)

Mais on comprend que, si ça avait joué dans l'autre sens, M. le Président – et ça, on aurait dû s'en expliquer avec nos partenaires des fédérations médicales – supposons que c'est au niveau du réseau qu'on aurait eu besoin d'utiliser une plus grande portion de ce fonds d'équilibre, on aurait bien expliqué et convenu avec les médecins que le 11 000 000 $ qui était là ne leur appartenait pas, qu'il était budgeté là comme une partie du fonds d'équilibre pour l'ensemble du budget. Et, si la RAMQ avait vécu à l'intérieur de son budget sans utiliser le 11 000 000 $, il restait disponible comme fonds d'équilibre. Là, ça a joué dans l'autre sens; il faudra que, l'an prochain, ça joue dans le sens contraire, pour compenser.

M. Beaudet: Oui, c'est clair...

Le Président (M. Brouillet): Bien. Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Beaudet: C'est clair, M. le Président, je comprends très bien que, finalement, les docteurs ont été aidés, la RAMQ a été aidée, en grande partie, par les autres sous-enveloppes.

M. Rochon: Si on veut le mettre dans ces termes-là...

M. Beaudet: Je pense. O.K.

M. Rochon: ...pour cette année, c'est plutôt ça.

M. Beaudet: Dont la majorité de l'argent va être...

M. Rochon: De façon très restreinte, il faut bien s'entendre, mais c'est...

M. Beaudet: Oui, mais la majorité de l'argent est orientée maintenant vers les médicaments.

M. Rochon: Oui. C'est-à-dire que le point le plus précis...

M. Beaudet: 48 000 000 $.

M. Rochon: ...où l'objectif a été le moins bien réalisé, en termes d'année budgétaire, c'est les médicaments. Ça, c'est clair, pour les raisons que j'ai expliquées. C'était effectivement beaucoup plus risqué et beaucoup plus difficile à faire. On a pu mettre en place les mécanismes, ou une bonne partie des mécanismes, présentement. On s'est entendu de façon plus nette avec les partenaires de l'industrie pharmaceutique sur les objectifs budgétaires pour l'an prochain, mais ça n'a pas pu être fait – ça, il faut le reconnaître – assez rapidement pour qu'on réalise nos objectifs comme on les avait prévus cette année. Ça, c'est évident.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, M. le ministre. M. le député.


Transfert de l'assurance-médicaments du ministère de la Sécurité du revenu

M. Beaudet: Oui, M. le Président. Récemment, la ministre de la Sécurité du revenu, à la venue des Fêtes, a pensé faire un cadeau au ministre de la Santé et des Services sociaux en lui transférant son enveloppe de 300 000 000 $ couvrant les médicaments pour les gens sur la sécurité du revenu, fonds qui est déjà déficitaire de 30 000 000 $, et on n'est pas encore rendu au 1er avril. Comment le ministre peut accepter un cadeau comme ça, rendu à Noël, là?

M. Rochon: Ha, ha, ha! J'ai appris, M. le Président, que, quand on est dans les fonctions que j'occupe, on doit accepter...

Des voix: Tous les cadeaux.

M. Rochon: ...toutes sortes de cadeaux, sauf des pots-de-vin – ha, ha, ha! – effectivement, et je vais expliquer pourquoi, parce que je pense que c'est très important pour les analyses qu'on aura à faire et les décisions qu'on aura à prendre l'an prochain en ce qui regarde tout le réseau de la santé et des services sociaux.

Une partie de l'enveloppe de l'aide au revenu, là, de l'ordre de 320 000 000 $ à peu près, a été transférée au secteur de la santé. Bon. À faire ça, il y avait une logique. On se rappellera pourquoi. D'abord, cette couverture de médicaments et de certaines prothèses, comme les prothèses dentaires, médicaments, soins dentaires et certaines prothèses, qui étaient couverts par ce budget, c'était affecté à la Sécurité du revenu parce que, en vertu des ententes fédérales-provinciales et des transferts de crédits du fédéral, si c'était payé à l'intérieur de la Sécurité du revenu, le fédéral en prenait 50 %, je pense, alors que, si ça avait été payé, si ça avait été géré, au niveau du Québec, à l'intérieur de l'enveloppe de l'assurance-santé, la portion du fédéral en transferts d'impôt, de crédits, plutôt, au Québec, aurait diminué de 50 % à à peu près 30 %, maintenant, dans l'enveloppe de la Santé. Donc, il y avait intérêt pour le Québec à gérer ces 320 000 000 $ à l'intérieur de l'enveloppe de la Sécurité du revenu parce qu'on en récupérait 50 %.

Le dernier budget Martin a changé ces règles de jeu et, avec le nouveau transfert social qui nous vient, on a mis ensemble Sécurité du revenu, Santé et Éducation et on donne beaucoup plus de flexibilité pour gérer le fonds, bien sûr, en l'ayant diminué sensiblement avant de faire ça. Et, dans ce qu'on va recevoir maintenant, il n'y a plus vraiment de logique à garder ce 320 000 000 $ à l'intérieur de la Sécurité du revenu, parce que ça ne fait pas de différence de ce qu'on récupère à ce moment-là. Donc, il y avait une logique de gestion qui était de ramener ça à l'intérieur de l'enveloppe de la Santé et des Services sociaux, vu qu'il s'agit de services de santé essentiellement.

Maintenant, bien sûr, en prenant cette enveloppe, on la prend avec une facture, une facture qui va être de l'ordre d'à peu près 30 000 000 $. Moi, j'accepte ça, je ne dirais pas, M. le Président, avec plaisir, mais je suis un peu content qu'on puisse la gérer de cette façon-là. Je suis un peu content qu'on puisse la gérer de cette façon-là en toute équité vis-à-vis des clientèles actuellement de l'aide sociale, qui ont besoin de ces services, de services dentaires, de médicaments et de prothèses, qui sont couverts par ce fonds. Parce que, en récupérant ce fonds-là à l'intérieur de l'ensemble du budget de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, les 2 800 000 000 $, on va être capable, pour l'an prochain, de faire une ventilation sur l'ensemble du panier de services pour que les mêmes règles d'équité s'appliquent à tous les citoyens du Québec. Si on a besoin de faire certains resserrements du panier de services, que ce soit la même équité qui s'applique à tous les citoyens, qu'ils soient millionnaires ou qu'ils soient des gens qui sont supportés par l'aide sociale. Autrement, on faisait subir un coût direct tout de suite à une petite sous-enveloppe de 330 000 000 $, de 320 000 000 $, avec une facture de 30 000 000 $ là-dedans, plutôt que de l'absorber dans une enveloppe de 2 800 000 000 $ où chacun va pouvoir en prendre plus facilement sa part et faire le même réajustement. Alors, ça m'apparaissait une opération d'équité essentielle, et la façon de faire l'ajustement pour l'an prochain à l'intérieur du budget de la RAMQ, on pourra la présenter lors de la présentation du prochain budget.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président. Avec un budget affecté aux médicaments à l'intérieur de son ministère de 1 400 000 000 $, qui laisse plus de 1 000 000 de citoyens du Québec qui n'ont aucune couverture de médicaments, le ministre a déjà pris partie d'ailleurs... Et comment peut-il faire en acceptant de prendre sous sa charge les gens de la sécurité du revenu? Ces gens-là ne sont pas, évidemment, les plus négligés. Celui qui est le plus négligé, c'est celui qui est pris pour payer ses médicaments dans le milieu. Et, comme le ministre nous le disait d'ailleurs au mois d'avril, il y a plus de 1 000 000 de personnes qui n'ont aucune couverture. Les autres ont des couvertures qui ne sont pas nécessairement adéquates, mais ont différentes formes de couvertures par des mécanismes d'assurance privée ou d'assurance collective, dépendant du type d'emploi qu'ils ont. Mais il y a plus de 1 000 000 de personnes, et, évidemment, c'est parmi les gens qui sont plus dans la classe moyenne. Ceux qui sont vraiment des gens qui doivent recourir à l'assistance sociale, l'État assume pour eux.

Alors, c'est toujours, là, les plus fragiles, ceux qui sont entre les deux, qui doivent... et c'est sûrement eux qu'on vise comme groupe cible là-dedans. Ces gens-là, on n'a rien de neuf pour eux. Vous avez pris le budget de la Sécurité du revenu, que vous absorbez; vous ajoutez le déficit qui était accumulé et qui va continuer à s'accumuler, qui n'ira pas en diminuant, parce que le déficit des médicaments va continuer à augmenter dans les années à venir, j'en suis convaincu, mais la partie de la population qui n'a aucune couverture, elle n'a rien et il n'y a rien de prévu, en tout cas, à ce que je sache, pour le moment. Je vous ouvre une porte, M. le ministre.

M. Rochon: Je me demande, M. le Président, si je dois passer le cadre de porte ou refermer la porte, par exemple...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Ha, ha, ha! Essayez!

M. Rochon: ...ne sachant pas ce qu'il y a derrière.

Il m'apparaît important de voir cette situation avec un peu de vision sur quelques années, parce que ça ne peut pas se gérer, de façon équitable, au quotidien. On a, effectivement, une dépense de 1 400 000 000 $. C'est beaucoup d'argent et c'est même, je pense, presque 1 500 000 de Québécois et Québécoises qui n'ont pas de couverture. Ce n'est pas une situation qui est acceptable. Mais, pour modifier ça... Et je n'accepte pas la conclusion du député d'Argenteuil, à l'effet que c'est un déficit, pour les médicaments, avec lequel on va toujours vivre, qui va s'accumuler et qui va grossir. Ça, ce n'est pas acceptable, et les partenaires de l'industrie pharmaceutique le savent; je pense qu'ils sont essentiellement d'accord là-dessus. Maintenant, là, on travaille sur plusieurs fronts en même temps pour, en dedans de quelques années, prendre le contrôle là-dessus.

(22 heures)

La pierre angulaire là-dessus, essentielle pour cette opération, sur laquelle on aura à prendre une décision dans à peu près un an, probablement, c'est: Est-ce qu'on peut se donner une assurance-médicaments pour que les 1 500 000 Québécois et Québécoises qui n'ont aucune couverture, et surtout, effectivement, ceux de la classe moyenne, où on retrouve probablement plus de personnes qui ne bénéficient pas d'assurance d'aucune nature...

De toutes les recommandations et suggestions qui ont été faites jusqu'à présent, la plus constante a été celle d'examiner sérieusement la possibilité d'appliquer aux médicaments ce qu'on a appliqué à l'ensemble des services de santé, aux services médicaux et, progressivement, à d'autres services de santé, c'est-à-dire une forme, une formule d'assurance collective où, là, on en revient à notre principe de solidarité fondamentale, où on se partage collectivement, selon la capacité de payer, un programme de services, de médicaments, dans ce cas-ci, qui devient accessible au moment du besoin, selon le besoin, et non pas selon la capacité de payer. C'est de ça qu'il s'agit. Et, ça, il y a un projet qui avance beaucoup là-dessus. Il y a eu des travaux qui ont été faits au niveau de la faisabilité d'un programme comme ça au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux, et il y a un dossier qui a conclu que c'est faisable à certaines conditions et selon certains paramètres.

Pour pousser plus loin ce dossier, vous savez qu'on a formé un comité que M. Claude Castonguay a accepté de présider, qui est déjà au boulot depuis quelques mois, qui doit terminer son mandat pour le 1er mars et qui a à regarder trois questions. Si on se donne une assurance-médicaments, comment ça peut être possible sur le plan du financement? Comment ça devrait être géré, un tel programme: partie publique, partie privée, franchise, coassurance? Quelle participation il devrait y avoir des citoyens? Comment on devrait gérer une enveloppe comme ça? Est-ce que ça devrait être un programme géré publiquement une fois qu'on a décidé du financement, géré par des ententes avec l'industrie de l'assurance ou selon une formule mixte? Et, finalement, décider, bien sûr, la couverture. Est-ce qu'on couvre – sûrement pas – tous les médicaments possibles, imaginables? Est-ce que c'est une formule d'assurance qui est plus près de la formule qu'on appelle type, d'assurance catastrophe? C'est-à-dire qu'il y a des médicaments très coûteux pour des personnes qui ont des maladies chroniques et qui ne peuvent pas passer à côté, comme on dit; que soient couverts peut-être pas nécessairement les autres ou peut-être pas au même degré. C'est ça qu'on regarde actuellement.

Et le comité présidé par M. Castonguay travaille vraiment, dans un premier temps, avec l'industrie de l'assurance et l'industrie pharmaceutique pour voir comment ces deux partenaires-là pourraient s'associer au gouvernement pour qu'on puisse développer un tel programme. Donc, au mois de mars, on aura la conclusion de cette deuxième étape, étude de faisabilité, étape, maintenant, avec les partenaires pour fixer les paramètres qui pourraient être ceux du programme.

Si on postule, pour le moment, qu'on peut toujours continuer à avancer sur la base du rapport qu'on aura du comité présidé par M. Castonguay, on aura la possibilité d'avoir une consultation plus large au printemps et à l'été, et on viserait l'automne prochain ou le tout début de l'année 1997 au plus tard pour qu'on puisse avoir un projet de loi qui serait vraiment la proposition du régime qu'on pourrait se donner.

Alors, le fond du problème: des gens qui, aujourd'hui, doivent recourir à l'aide sociale, des gens plutôt de la classe moyenne ou d'autres qui peuvent se payer des bonnes assurances-médicaments, comment tout ce monde-là peut partager solidairement le coût d'un programme, de sorte que, selon le besoin et des besoins les plus importants, on ait accessibilité aux médicaments? C'est vers ça qu'on cherche une solution.

Dans l'intervalle, d'ici là, je reviens à ce que je disais tout à l'heure, on a un projet très clair, là, et un mandat très clair à un comité mixte où il y a deux ministères du gouvernement de représentés avec l'industrie pharmaceutique pour trouver une solution à des objectifs budgétaires pour l'an prochain. Ça, c'est déjà établi clairement qu'on ne va pas continuer à faire un déficit comme ça. On s'est donné le temps de placer les balises. Il faut que, l'an prochain, on rencontre les objectifs.

Maintenant, en plus de ça, on a mis en place, avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec et, là aussi, en partenariat avec les deux ordres professionnels les plus directement visés, soit le Collège des médecins et l'Ordre des pharmaciens, un programme sur la révision de l'utilisation des médicaments, qui va commencer à fonctionner de façon assez régulière très, très bientôt. On a terminé une entente entre les deux ordres professionnels et le ministère pour qu'avec la Régie on puisse mettre sur pied le programme, de sorte qu'on va travailler avec l'industrie du médicament sur le prix, pour payer quelque chose qui correspond plus à la valeur réelle du produit et en compensant, en travaillant autrement avec l'industrie pharmaceutique comme partenaire économique au développement économique – ce serait un autre dossier – mais on va aussi travailler sur l'utilisation des médicaments, en voyant comment les dispensateurs de médicaments, les pharmaciens, les prescripteurs, les médecins, et les consommateurs, les patients, peuvent être amenés aussi à contribution pour qu'on fasse une utilisation intelligente et rationnelle du médicament, parce qu'on sait que, là aussi, il y a des économies à faire.

Alors, donc, pendant cette année où on s'en va – ou l'année et demie qui nous reste – vers une solution qui serait plus fondamentale, type assurance-médicaments, il y a des mesures précises pour travailler sur le prix, sur la dispensation, la prescription et la consommation du médicament. Et, moi, je pense qu'on devrait être capables avec ça de resserrer vraiment nos objectifs budgétaires dès l'an prochain.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Le ministre se souviendra sûrement qu'en campagne électorale on nous avait promis cette assurance-médicaments et très rapidement, et je peux le citer, d'ailleurs, le 25 avril: Vous vous rappellerez qu'on a déjà eu l'occasion de discuter un peu du projet d'assurance-médicaments universelle, il y a une étude de faisabilité qui est complétée ou à peu près. Vous avez dit: Le plan qu'on a, si on n'a pas de pépins, on devrait pouvoir avoir ce rapport de l'étude de faisabilité disponible pour pouvoir faire une consultation au cours des prochains mois, parce que tous les acteurs impliqués vont devoir être capables de réagir à cette affaire-là, l'objectif étant qu'on arrive à l'automne, vers la fin de l'année 1995. Le ministre nous parle aujourd'hui de la fin de l'année 1996. Je comprends qu'on est encore à l'automne, on est à quelques jours de l'hiver, mais ça vous laisse juste quelques jours pour arriver à déposer votre rapport de M. Castonguay. Je pense que ça ne se fera pas dans les courts délais.

Par ailleurs, on voyait très bien qu'«il va falloir – et je continue à vous citer – il va falloir vraiment – et, ça, c'est le 6 juin – qu'on prenne le temps dans les prochains mois, et on souhaiterait à la fin de l'année 1995 – c'est toujours la même année – être capables d'arriver à la formulation d'un projet de loi, si la consultation mène au choix d'un des scénarios qui feraient que, oui, ça serait le moyen le plus rentable, le plus efficace d'assurer à la population une bonne couverture de médicaments et de tenir compte de l'évolution technologique là-dedans».

Alors, là, on vient de retarder d'un an aujourd'hui. Et, M. Pierre Genest, qui est le président-directeur général de la SSQ, société d'assurance-vie, mentionnait qu'en créant un régime public le gouvernement devra assumer des pertes de revenus et de nouvelles dépenses totalisant plus de 330 000 000 $ et que ce projet de régime universel d'assurance-médicaments entraînera une hausse de taxes et d'impôts.

Entre-temps, M. le Président, il nous reste encore au moins un an, si je me fie aux paroles du ministre. Mais, comme, déjà, on a un délai d'un an et qu'on me dit une autre année, peut-être qu'on sera rendus en 1997, et que de choses vont se passer d'ici là. Qu'est-ce que je dois dire, moi, aux gens qui se font opérer aujourd'hui et qui reçoivent leur congé de l'hôpital où ils reçoivent leurs médicaments gratuitement, lorsqu'ils sont hospitalisés, mais qui, malheureusement, lorsqu'ils reçoivent leur congé, doivent assumer le coût de leurs médicaments alors qu'antérieurement ils les recevaient gratuitement à l'hôpital? Alors, oui, il y a une gestion très serrée du système hospitalier. Peut-être qu'il y a des économies qui ont été faites, d'ailleurs, là, cette année, sur le plan des médicaments. Par ailleurs, l'individu ou le citoyen qui est malade, qui doit subir une chirurgie ou des soins doit assumer à ses propres frais des médicaments qui, antérieurement, étaient assumés par la société dans son ensemble. Qu'est-ce que je lui dis, moi, aujourd'hui, ou qu'est-ce que le ministre va lui dire aujourd'hui? À son sourire, je suis sûr qu'il a la réponse!

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: On n'est pas sûr, M. le Président, d'avoir «la» réponse, mais on a une réponse. Essentiellement, ce qu'il faut dire aux gens qui posent la question, M. le Président, c'est la vérité sur la situation telle qu'elle est. C'est ça qu'il faut dire. En campagne électorale, si mon souvenir est bon, on s'était engagé à compléter dans les meilleurs délais les études de faisabilité pour s'assurer que les recommandations du rapport Demers, je pense, à l'époque, du comité qui avait siégé... On se rappellera, là – je ne veux pas tourner le fer dans la plaie – que tout ça avait commencé quand une décision avait été prise par l'ancien gouvernement de retirer, de ne plus couvrir les médicaments qui étaient donnés à des patients qui souffraient de maladies chroniques, et entre autres qui devaient vivre avec un cancer. On avait pris une mesure administrative qui avait coupé ces médicaments.

Ça a provoqué un comité qui a regardé la situation de près et qui a recommandé que la meilleure façon de s'en sortir serait probablement une assurance-médicaments. Là, je pense que ce comité Demers a fait rapport quelque temps... à l'été, printemps-été, quelques mois avant la campagne électorale. Et il recommandait essentiellement de faire une analyse de faisabilité de ça. Et, nous, on s'est engagés... Moi, ce que je me rappelle avoir dit, c'est qu'on compléterait dans les meilleurs délais ces études de faisabilité et qu'on donnerait suite, si les études de faisabilité concluaient que c'était faisable, au projet, par la suite.

(22 h 10)

J'avais peut-être... Je dois avouer que je ne me rappelais pas avoir mentionné la fin de l'année 1995 comme un moment possible d'en arriver avec une législation. Mais il faut dire aussi qu'avec tout ce que nous avaient dit, que disaient aussi les gens de l'autre côté pendant la campagne électorale, c'était un peu à l'effet que les études de faisabilité, c'était déjà très avancé. Nous, on pensait qu'on aurait à les compléter. Mais ce n'était pas tellement avancé quand on est arrivés là, les études de faisabilité. Et, effectivement, au lieu de les finir quelques mois après, ça a été jusqu'au printemps, presque mai, juin, si je me rappelle bien, 1995 avant qu'on puisse avoir complété le dossier de faisabilité et savoir vraiment où on pouvait aller avec ça. Et c'est à ce moment-là qu'on a dû prendre quelques mois pour étudier tout ce dossier et trouver la façon de faire la prochaine étape. Alors, ce qui nous a amenés dès l'automne, je pense, quelque temps en septembre, si ma mémoire est bonne, à identifier comme prochaine étape celle qui pourrait se faire avec les partenaires éventuels d'un projet, d'un programme comme celui-là qu'est l'industrie de l'assurance, l'industrie pharmaceutique, d'où la création du comité présidé par M. Castonguay. Et, dans les meilleurs délais qu'on pensait que ce comité-là pourrait travailler, ça nous amène au 1er mars.

Alors, effectivement, ça fait un décalage. Et là je le dis sans vouloir simplement relancer la balle, le travail pour compléter les études de faisabilité, ça a été plus long que ce que, moi pour un, j'avais été amené à croire que ça prendrait comme temps au moment de la campagne électorale, quand on était au mois de juillet ou au mois d'août. Alors, la vérité, elle est toute là. Ça a pris un peu plus de temps. Mais c'est un projet qui avance de façon solide actuellement, parce que, chaque pas qu'on pose, je pense qu'il est bien posé, et on ne risque pas de reculer, on ne fera pas de tango-hésitation. Et, s'il fallait arriver à une conclusion que ce n'est pas faisable, que ce n'est pas réalisable, qu'on ne trouve pas le moyen, j'espère profondément que ça nous aura permis de dégager un autre genre de solution, à ce moment-là, l'objectif étant, et ça, je pense qu'on partage la même vue là-dessus, d'offrir l'accès à la population aux médicaments qui sont au moins essentiellement requis, surtout pour des gens qui ont besoin de médicaments qui coûtent très cher présentement, des gens qui ont un problème chronique pour lequel ils doivent prendre, pendant une longue période de temps, un médicament.

Maintenant, les craintes qu'on peut avoir soulevées à des gens à qui on pose la question ou à qui on la posait il y a un an, des gens dans le domaine de l'assurance, bien, là, je pense qu'il faut faire attention et ne pas présumer des conclusions du travail du comité présidé par M. Castonguay. C'est sûr que, si c'était fait n'importe comment, ça pourrait peut-être avoir des conséquences négatives auprès de l'industrie de l'assurance. Mais, moi, j'ai eu, pas en parallèle au comité Castonguay, mais à l'occasion de certaines rencontres avec des gens de l'industrie de l'assurance qui avaient déjà, d'ailleurs, rencontré et discuté avec le comité Castonguay... On m'a plutôt laissé entrevoir qu'il y avait des façons de faire qui pouvaient être possibles et qui pourraient être intéressantes possiblement pour l'industrie de l'assurance aussi. Il y a des façons possibles, me dit-on, actuellement. Mais, ça, je vais attendre, avant d'en parler plus, d'avoir laissé le temps au comité de compléter son travail, d'avoir le rapport au 1er mars. Moi, je peux assurer la population qu'on va bouger le plus vite possible pour la prochaine étape qui, elle, encore une fois, devra être possiblement une consultation plus large sur la base du rapport qui nous permettrait de préparer un projet de loi. Et là j'espère qu'en visant fin 1996, tout début de 1997 ça devrait être réaliste, là. On a un bon bout de chemin de fait, là. Si on ne rencontre pas d'écueils qu'on ne peut pas suspecter présentement, on devra y arriver.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président, je n'ai jamais mentionné que M. Genest avait dit que ce n'était pas possible avec un système d'assurance. Tout ce qu'il nous dit, c'est que ça occasionnera au gouvernement des taxes à prélever de façon additionnelle d'au moins 330 000 000 $. Alors que le ministre vient d'accepter un cadeau de Noël de la ministre de la Sécurité du revenu déjà de 300 000 000 $, il va falloir qu'il aille faire un cadeau à la population d'un autre 300 000 000 $ de taxes additionnelles pour assumer le coût d'une assurance ou d'un support aux médicaments pour le reste de la population.

Mais, ceci dit, le ministre ne m'a toujours pas dit ce que je dis, demain, au patient qui doit assumer le coût de ses médicaments à la pharmacie du coin parce qu'on lui a demandé de quitter l'hôpital la même journée de sa chirurgie et qu'on ne lui a pas donné sa dose, sa quantité de médicaments suffisante pour lui permettre de passer à travers les premiers jours aigus d'une chirurgie ou d'une maladie, que ce soit de traiter une pneumonie... Juste une pneumonie, on passe une journée à l'hôpital, et on vous donne le congé. Le chef de l'opposition vient de vivre ça. Il a été obligé de payer ses médicaments. Je comprends que je ne vous ferai pas pleurer, mais il n'en reste pas moins que celui qui n'a pas les moyens doit quand même défrayer les mêmes coûts. Qu'est-ce qu'on lui dit, à lui, aujourd'hui, en attendant que le programme d'assurance-médicaments soit en place? Parce que, aussi, il faut réaliser que le phénomène de la porte tournante, les gens quittent l'hôpital, souvent... peut-être pas souvent, en tout cas, quelquefois de façon précipitée, ils s'en vont chez eux, reviennent à l'hôpital, ils viennent chercher les médicaments, souvent, parce qu'ils n'ont pas les moyens de se les payer. Qu'est-ce qu'on leur dit aujourd'hui, M. le ministre?

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon. Je vais y venir de façon plus pointue, à cette question. Mais vous me permettrez d'apporter une précision. C'est sûr que, si on se donne un programme d'assurance-médicaments, il va falloir se le payer. Ah! ça, c'est sûr. Si la population ne veut pas que, collectivement, de façon solidaire, on se partage les coûts d'un tel programme pour que ceux qui ont moins les moyens puissent avoir les médicaments dont ils ont besoin, comme est la question que vous posez, si la majorité de la population et si les mieux nantis ne veulent pas faire ça, on ne l'aura pas, le programme. Ça, c'est sûr. Il n'y a pas d'argent nouveau. Ou bien on va laisser aller un programme qu'on a déjà pour le transférer là-dessus. Non. Ça, il n'y a pas de mystère, puis je pense qu'il ne faut pas faire de démagogie avec ça.

La proposition qui sera faite en sera vraiment une de se donner un programme additionnel, et il va falloir en partager les coûts. Et c'est ce qu'on aura à voir comme élus, est-ce que, en consultant la population, on a un accord et pour quel genre de programme de médicaments, pour quel niveau de couverture. Ça, il faudra voir ça, et qu'on puisse le faire assez rapidement. Et, là-dessus, j'ose espérer et croire que, quand on en sera rendu à cette phase de consultation de la population et dans le processus législatif, on aura toute la collaboration de l'opposition pour procéder rapidement et dans l'ordre et ne pas embrouiller les questions fondamentales, mais aider vraiment à prendre cette décision de façon très, très rigoureuse. Bon.

Ceci dit, dans l'intervalle, le problème, on ne l'a pas créé; on l'a, et on le gère du mieux qu'on peut. Bon. C'est sûr que tous ceux qui peuvent se permettre d'avoir une forme d'assurance quelconque, ils doivent y recourir présentement pour se donner personnellement une protection, une assurance qu'on n'a pas encore de façon collective, et je pense qu'il faut encourager les gens à faire ça le plus possible, ceux qui peuvent le faire. Ceux qui, à l'autre extrémité de la distribution des revenus, ne peuvent pas le faire, bien là, on vous l'a dit, on les a au moins protégés actuellement en s'assurant qu'on les transfère dans le programme de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et qu'ils vont être soutenus dans ce programme-là, comme l'ensemble des citoyens, d'ici à ce qu'on ait une solution de fond. Alors, on ne les a pas laissés aller pour leur faire une coupure. Présentement, avec les difficultés qu'on peut avoir avec la sécurité du revenu, on a intégré ça dans l'ensemble des services de santé qu'on aura à donner. Donc, à l'autre extrémité des revenus, les gens ont aussi une protection.

Alors, bien sûr, il reste les gens entre les deux, de la classe moyenne. C'est toujours là où c'est plus difficile d'y arriver. Et là ce qu'on fait, c'est que, en collaboration avec les établissements et avec les régies régionales, en collaboration, dans certains cas, avec des groupes communautaires ou des regroupements de groupes communautaires... On n'a pas de programme, mais on essaie, pour les cas les plus cruciaux, que ce soit dans le cas du sida, dans le cas de maladies pulmonaires chroniques, dans le cas de certains cancers, on essaie, littéralement, avec des fonds de tiroirs, M. le Président, d'aider le mieux possible, avec ces groupes-là, dans les situations les plus tendues, les plus difficiles. Et très souvent les communautés locales doivent aussi se mobiliser pour voir comment, en se responsabilisant aussi localement au niveau des communautés, on aide les gens dans la communauté, qui sont plus en difficulté, coincés entre l'aide sociale et avoir un revenu assez suffisant ou une assurance confortable. Et c'est à cause de cette situation-là qu'on gère, il faut l'avouer, qu'on gère un peu au quotidien, avec les moyens du bord, présentement, qu'on veut mettre le plus de pression possible pour aller vers une solution plus fondamentale et une vraie solution de type assurance-médicaments, parce qu'à peu près n'importe quoi d'autre chose est carrément insatisfaisant et ne peut pas tenir le coup.

Alors, on a encore une année, une année et demie difficile à passer, et on va continuer à gérer avec le plus de compréhension, le plus de flexibilité possible. Mais on a besoin de la collaboration de toutes les communautés pour être capable de le faire.

(22 h 20)

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président, je comprends la difficulté dans laquelle le ministre est placé étant donné qu'un groupe de la population, en particulier les bas salariés qui n'ont aucune aide de l'aide du revenu, parce que eux sont couverts, c'est quasiment du mur-à-mur ou à peine... ou presque, devrais-je dire... L'autre qui est économiquement sans aucun problème, qui est financièrement très à l'aise, bien, ça peut le serrer un peu, mais il y a quand même un jeu. Mais celui qui arrive juste à fournir sa nourriture, à payer sa nourriture et son loyer pour ses enfants et qui est pris pour payer des médicaments très dispendieux, ne serait-ce qu'un antibiotique, est-ce qu'il n'y a pas une consigne que le ministre pourrait donner aux hôpitaux, aux CLSC, où ces gens-là pourraient avoir un recours quelconque en attendant qu'on trouve une solution permanente à leur problème, qui n'est peut-être pas l'assurance-médicaments vers laquelle le ministre se dirige? Parce que, comme il l'a si bien dit, là, est-ce que la population va accepter collectivement d'assumer une taxe additionnelle? Parce qu'il va y avoir un coût. On ne peut pas assumer les médicaments pour l'ensemble de la population sans qu'il y ait un coût. Alors, il y aura un coût social. Est-ce que la population sera prête à le faire? Ce sera à elle de décider. Mais, en attendant qu'on arrive à une solution, est-ce que le ministre n'a pas des consignes à donner ou des directives? Parce qu'il y a des économies qui ont été faites dans les hôpitaux, actuellement. Grâce au fait que les malades quittent l'hôpital plus rapidement, il y a une économie de médicaments.

Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas, au départ du patient de l'hôpital, lui donner au moins ses doses d'analgésique pour une semaine ou cinq jours, selon les prévisions, selon la chirurgie qui a été effectuée? Ou, si c'est un antibiotique dispendieux, que l'hôpital donne la dose antibiotique en disant au malade: Allez-vous en chez vous; vous avez vos antibiotiques pour une semaine, vous revenez nous voir dans trois jours. Je ne sais pas, mais il me semble qu'il y aurait une consigne qu'on pourrait donner en attendant. Alors qu'antérieurement on gardait ces gens-là à l'hôpital à un coût beaucoup plus élevé... Parce que non seulement on payait, à ce moment-là, les antibiotiques, mais on payait tout le service hôtelier que, aujourd'hui, nous n'assumons plus parce qu'on le fait en soins ambulatoires. Je pense qu'on pourrait, en attendant cette période de transition... Ce n'est pas une période de transition qu'on fait vivre à ces gens-là, là, c'est une coupe brutale. Alors, qu'on leur permette une phase de transition, à ces gens-là; qu'on leur donne une consigne par laquelle ils pourront avoir accès à leurs médicaments, soit à l'hôpital... Je sais qu'il va y avoir des abus, mais est-ce qu'on doit pénaliser les gens qui ont le plus de difficultés parce qu'il va y en avoir quelques-uns qui feront des abus?

Je pense qu'on devrait être capable de gérer, en tout cas, la majorité, l'ensemble de ça. Et je pense qu'on serait capable, à ce moment-là, d'éviter les engorgements d'urgence où les gens reviennent à l'hôpital juste pour avoir accès à leurs médicaments gratuitement.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je reconnais le problème. Je veux redire encore comment on essaie de le gérer le mieux possible, dans la période actuelle, avec les moyens du bord. Il faut se rappeler... Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais voyons d'où on est parti, là. On a d'abord dû remettre en vigueur la circulaire «malades sur pied». Elle n'était même plus là, on avait fait des économies en enlevant ça. On l'a remise en vigueur. Donc, on a intégré dans nos budgets ce qu'il fallait pour les repayer, ces médicaments, et c'est des médicaments qui coûtent cher. On a commencé par ça, il y a un an, première chose, en plus des mesures qu'on a faites pour la solution à moyen terme, la solution fondamentale.

Quand on a mis en marche et qu'a commencé à fonctionner un peu la transformation du réseau, qu'on a développé plus la chirurgie d'un jour, commencé à raccourcir les séjours hospitaliers, j'ai écrit une lettre à tous les hôpitaux pour indiquer clairement que les médicaments qu'auparavant – avant d'étendre plus la chirurgie d'un jour ou la diminution des durées de séjour après l'opération – que tout ce qu'on donnait aux patients comme médicaments gratuitement pendant leur hospitalisation... que pour les quelques jours qu'ils étaient transférés à domicile plutôt que gardés à l'hôpital, on couvre les médicaments, comme on le faisait à l'hôpital auparavant. Pas plus longtemps qu'avant.

Alors, il faut bien voir. Si une personne, en sortant de l'hôpital, devait partir avec une prescription pour une semaine, ça, on ne le couvre pas. Ce n'était pas couvert avant; on ne le couvre pas plus présentement. Mais, si la personne part trois jours plus vite de l'hôpital qu'auparavant, ces trois jours, on les couvre. Alors, ça, c'est dès l'été, je pense, au mois de juin, que tous les établissements ont été bien informés qu'ils ne doivent pas essayer de faire des économies avec ça à court terme, parce que ce serait une économie de bouts de chandelles et qu'on ne veut pas du tout passer cette facture-là sous la table aux gens du Québec. Alors, ça, c'est très clair aussi.

Alors, il reste vraiment des gens qui, d'une part, peuvent quand même acheter les médicaments, parce qu'il y a un problème aigu. Une pneumonie. On a donné l'exemple de la pneumonie. Bien, ça, ça dure une semaine ou ça dure 15 jours, ce n'est pas quelque chose qui dure des mois et des années. Donc, même beaucoup de gens de la classe moyenne qui auraient voulu éviter d'être obligés de faire cette dépense peuvent quand même la faire si c'est aigu. C'est une semaine, c'est 15 jours; c'est fini, c'est réglé. Donc, ça, les gens doivent encore se débrouiller pour la faire, parce qu'on n'a pas encore la solution en main. On espère l'avoir d'ici un an, un an et demi. Ils restent vraiment entre deux chaises, à ce moment-là.

Et là ceux qu'on essaie vraiment d'aider le mieux possible: ceux qui ont un problème chronique, quelqu'un qui souffre du sida; comme je le dis encore, quelqu'un qui a un problème pulmonaire, mais chronique, comme la fibrose kystique, par exemple; des gens qui, suivant une dialyse, devant prendre des traitements de dialyse rénale, doivent avoir des médicaments, pour ça, les établissements qui donnent les traitements, qui sont des centres régionaux de traitements, ont déjà et ont réussi à trouver le moyen, sur leur budget, de maintenir les budgets pour aider les gens qui ne peuvent pas contribuer au prix du médicament. Alors, tous les établissements... Et, comme je vous dis, même des groupes communautaires nous ont aidés à gérer des petits fonds qu'on a pu libérer pour des clientèles particulières, et des communautés locales qui, à un moment donné, vont faire une souscription pour aider un de leurs concitoyens qui a une période difficile à traverser. Au cours de la prochaine année, un an et demi, il faut qu'il y ait un effort collectif global des établissements, des communautés et de tout le monde et qu'on accélère, pendant ce temps-là, au maximum la solution. Mais il faut reconnaître qu'on ne l'a pas, la solution, dans l'intervalle. Avec les moyens du bord, jusqu'ici je pense qu'on a réussi à aider pas mal de monde, et on va continuer à procéder de cette façon-là en espérant que ça dure le moins longtemps possible, cette période-là.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, merci. Tantôt, vous mentionniez que vous êtes en train de négocier avec vos partenaires pharmaceutiques le coût des médicaments et votre budget qui sera assigné aux médicaments en 1996-1997. Je ne veux pas tirer de conclusion de cette démarche, mais, sachant le coût de la recherche et développement de nouvelles molécules, qui sont excessivement dispendieuses, sachant aussi que les compagnies ne le sortiront pas de leurs poches pour nous faire un cadeau d'une nouvelle molécule qu'ils vont développer, est-ce que je dois conclure que le ministre se dirige vers un mixte avec les médicaments innovateurs et les médicaments génériques, dans lequel mixte il va y avoir de plus en plus de génériques et de moins en moins d'innovateurs? Est-ce que je dois conclure à cette tendance?

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Beaudet: Parce qu'on connaît les effets néfastes...

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, M. le député.

M. Beaudet: ...que ça pourrait avoir sur l'industrie pharmaceutique au Québec, qui a investi des millions et des millions en recherche et développement, et où ça crée un grand nombre d'emplois, comme vous le disiez tantôt d'ailleurs, en particulier à Montréal. Et, avec une démarche vers le générique, tout ça est quelque chose qu'on pourrait peut-être regarder. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a des impacts majeurs qu'on doit considérer.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Rochon: Bon. Deux éléments importants à voir pour répondre à cette question, M. le Président. D'abord, comme je le disais tout à l'heure, le comité qu'on a formé, gouvernement-industrie pharmaceutique, réunit, regroupe maintenant l'industrie des innovateurs et des génériques, donc on est tous ensemble. C'est une question qui est sur la table, de voir comment on fait le mixte qu'on peut gérer et qu'on peut se payer. De toute façon, en plus, si j'ai bien compris, il semble que, du côté de l'industrie pharmaceutique, avec différentes fusions qu'on voit se produire, achats, ventes et le reste – ça bouge beaucoup de ce côté-là, je n'en connais pas tout le fin détail, là – j'ai cru comprendre que, là aussi, il y a de plus en plus d'innovateurs, de génériques qui, finalement, appartiennent au même portefeuille, qui s'intègrent eux aussi, et que, dans quelques années, la problématique ne sera pas la même qu'elle est aujourd'hui. Ce ne sera pas deux camps rangés, mais c'est beaucoup plus intégré, là, et ça...

M. Beaudet: ...eux aussi.

M. Rochon: Alors, c'est ça. Et ça, je pense que l'industrie du médicament apprécie, on apprécie, avec l'industrie, le temps au cours de cette période où on met le projet, on développe le projet, et eux aussi peuvent restabiliser leurs choses différemment, et je pense qu'ils y travaillent. Donc, d'un certain côté, je pense bien que, plus on avance, les tensions entre les innovateurs et les génériques se colorent très différemment, c'est le moins qu'on puisse dire.

En plus de ça, l'autre élément de la réponse, c'est: comme on y travaille avec eux, pas seulement le ministère de la Santé et des Services sociaux, mais on travaille comme gouvernement avec eux... Et les deux partenaires immédiats du gouvernement, c'est le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Il y a deux autres ministères qui nous suivent de très près dans ce travail. Il y a le ministère des Finances, parce que, dans la façon, en travaillant en partenariat avec l'industrie pharmaceutique, il faut voir, au niveau de la gestion des finances de l'État, comment on peut faire des choses aussi. Et il y a aussi le ministère des Affaires internationales, parce que les compagnies pharmaceutiques sont toutes, ou la plupart, associées, d'une façon quelconque, avec des conglomérats très souvent internationaux. Alors, le ministère des Affaires internationales est aussi dans le coup.

Alors, c'est vraiment comme gouvernement qu'on travaille avec eux pour s'assurer que les solutions qu'on va trouver vont faire qu'on va payer à un coût correct, normal, le médicament, en ayant aussi travaillé sur l'utilisation du médicament, comme je disais tout à l'heure, et que, par ailleurs, en tant que partenaire économique, comme gouvernement, avec le ministère des Finances, de l'Industrie et du Commerce, des Affaires internationales, on aura des ententes avec l'industrie pharmaceutique qui lui permettent de continuer à faire du développement économique au Québec, à faire de la recherche au Québec et à participer à la vie socioéconomique du Québec.

(22 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Avant de céder la parole à M. le député d'Argenteuil, j'aimerais rappeler aux membres de cette commission qu'il reste un peu plus de quatre minutes à cet échange. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Je ne sais pas s'il nous reste le temps pour une autre question, mais j'aimerais tout simplement rappeler au ministre qu'il peut compter sur notre support lorsqu'il y aura des mesures pour aider la population à couvrir ses besoins. En particulier pour ceux qui sont dans cette période de transition actuelle où ces gens ne peuvent assumer le coût des médicaments lorsqu'on leur demande de quitter l'hôpital plus rapidement qu'on le faisait dans le passé et que leur condition financière ne leur permet pas d'assumer le coût des médicaments.

Je l'encourage, aussi, à continuer à faire diligence auprès de l'industrie pharmaceutique pour baisser ses coûts, pour nous permettre, à nous, de pouvoir donner à la grande majorité de la population accès à des médicaments de qualité, qui ne sont peut-être pas nécessairement ceux qui sont les plus dispendieux mais qui seront d'une qualité qui permettra aux gens d'avoir des soins de tout premier ordre.

Le dernier souhait que j'aimerais lui manifester, c'est que sa surveillance de ces enveloppes fermées, j'aimerais beaucoup qu'il continue à la maintenir, cette surveillance, et qu'il continue à passer plusieurs heures éveillé, à raccourcir ses nuits, afin d'assurer que ces enveloppes soient maintenues.

J'aimerais aussi lui demander, en terminant, s'il y aura possibilité d'avoir les différents rapports qui sont déposés. Je ne sais pas si ce sont des rapports par intérim qui sont déposés auprès du comité Castonguay en ce qui a trait aux démarches de ce comité sur l'assurance-médicaments, mais est-ce qu'il serait possible d'obtenir des rapports par intérim jusqu'à ce que le rapport final nous arrive, j'espère, dans les prédictions optimistes du ministre, qui ne se trompe pas souvent si ce n'est de 12 mois, au mois d'avril 1996, ce sera juste un an en retard? Mais, si on pouvait avoir les intérims entre-temps, je pense que ça pourrait nous éclairer, nous aussi, dans notre démarche à vous supporter dans ce que vous entreprenez.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, en vous rappelant qu'il ne reste environ que deux minutes et demie à cet échange.

M. Rochon: Oui, Merci, M. le Président. Je vais me permettre de rappeler que les retards qu'on accuse encore m'apparaissent largement compensés par ceux qu'on a dû récupérer, qui étaient pas mal plus longs. Je peux assurer le député d'Argenteuil que tous les rapports – il n'y a pas de rapports intérimaires de prévus du comité Castonguay parce que la période de temps était tellement courte qu'il y aura un seul rapport – toute l'information sera disponible, et qu'on a tout intérêt à agir avec beaucoup de transparence et d'ouverture, dans ce domaine comme dans tous les autres, et c'est ce qu'on fera.

M. le Président, j'apprécie beaucoup cette offre de support et de collaboration. Je pense que, pour la population, c'est sûrement réconfortant d'entendre ça. Ça l'est aussi pour moi. Je peux vous assurer que ça sera gravé dans ma mémoire longtemps. Merci.

M. Beaudet: Dans la mienne aussi, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Alors, ceci met fin à cet échange. La commission plénière ayant terminé cet échange, je remercie les personnes qui y ont participé. La commission plénière met fin à ses travaux, ayant accompli le mandat que l'Assemblée lui avait confié pour aujourd'hui. Nous allons donc suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 34)

(Reprise à 22 h 36)

Le Vice-Président (M. Bélanger): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît! Mme la présidente de la commission plénière.

Mme Barbeau (présidente de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de vous aviser que la commission plénière, qui s'est réunie pour étudier les crédits supplémentaires n° 2 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996, n'a pas fini de délibérer.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, Mme la Présidente de la commission plénière. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. À ce moment-ci, je vous prierais d'appeler l'article 18 du feuilleton de ce soir.


Projet de loi 85


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bélanger): À l'article 18, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale.

Je suis prêt à céder la parole à un premier intervenant, et je vais céder la parole à M. le député de Borduas. À vous la parole, M. le député. Je vous rappelle que vous avez un droit de parole maximal de 30 minutes.


M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau (Borduas): Merci, M. le Président. Écoutez, je prends la parole à titre de vice-président de la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Je remplace à pied levé le ministre de l'Agriculture, qui ne peut être avec nous aujourd'hui et qui est, en fait, le parrain de ce projet de loi qui, essentiellement, finalement, avait un objectif fondamental autour duquel tout le reste est greffé et organisé.

Dans les faits, il s'agit d'un projet de loi qui modifie le régime de remboursement des taxes municipales aux producteurs agricoles. Et, si on modifie ce régime-là, c'est essentiellement parce que le ministère de l'Agriculture, comme les autres ministères, a été mis à contribution par le gouvernement, par le Cabinet, dans l'optique de l'assainissement des finances publiques, et que le ministère de l'Agriculture, en fait, le ministre de l'Agriculture, parmi les choix qu'il a dû effectuer dans son ministère, des programmes qui étaient compressibles et des dépenses qui pouvaient être réduites, a choisi que dans ce secteur-là il y avait des améliorations, il y avait des possibilités de compressions budgétaires qui pouvaient être substantielles et qui n'affectaient pas fondamentalement le service qui est donné aux citoyens ou aux agriculteurs dans ce cas-là.

En fait, ce projet de loi vise fondamentalement à aller chercher une économie d'environ 12 000 000 $ pour l'année financière en cours de la part du ministère de l'Agriculture. Et, pour atteindre cet objectif-là, ce que le ministre de l'Agriculture a choisi de faire avec ce projet de loi là, c'est essentiellement, comme je le disais, de modifier le régime de remboursement des taxes municipales à l'égard des conditions d'admissibilité du régime et, essentiellement, selon deux principes importants. D'abord, le ministre a choisi de rendre le régime plus équitable par rapport à l'ensemble des citoyens. Parce que, jusqu'à maintenant, les producteurs agricoles pouvaient non seulement déduire des taxes municipales leurs biens productifs, mais également leur résidence personnelle, ce qui n'était pas le cas et ce qui n'est pas le cas des autres citoyens du Québec. Et, à cet égard-là, le ministre de l'Agriculture et l'ensemble des membres de la commission, je pense... Et mon collègue de Shefford, qui parlera au nom de l'opposition officielle, probablement, indiquera que lui aussi est d'accord avec cette approche-là: il y avait une espèce d'inéquité.

(22 h 40)

Donc, dans le choix que le ministre de l'Agriculture a fait de proposer des modifications au régime, il a choisi de le rendre plus équitable, d'abord, et, deuxièmement, il a également choisi de faire en sorte que le fonctionnement de ce régime-là soit plus simple et plus rigoureux. Plus simple à l'égard d'un certain nombre de critères qui étaient en place précédemment, et plus rigoureux, notamment, en obligeant le respect intégral de la loi des producteurs agricoles. Et c'est d'ailleurs le seul élément majeur sur lequel l'opposition et nous sommes en désaccord, parce qu'on a choisi de faire ça en obligeant, finalement, les producteurs agricoles qui auront droit et qui voudront avoir un remboursement des taxes municipales par le ministère de l'Agriculture à payer leur cotisation à l'Union des producteurs agricoles, cotisation qui est obligatoire, selon la loi. Donc, globalement, ce sont les deux principes qui ont guidé le ministre de l'Agriculture et les membres de la commission, parce que, comme on étudie le rapport de la commission parlementaire, c'est sur ces modifications-là, sur ces principes-là, que nous nous sommes attardés au cours des heures que nous avons passées en commission parlementaire.

Pour atteindre les objectifs dont je viens de parler, il y a un certain nombres de mesures qui sont incluses dans le projet de loi qu'il vaut peut-être la peine de rappeler ici, ce soir. D'abord, il y a l'abolition des remboursements de taxes relatives aux résidences, ce que j'expliquais, il y a quelques instants, c'est-à-dire ce qui fait en sorte qu'on atteint le principe d'une meilleure équité entre les citoyens du Québec, entre les agriculteurs et les non-agriculteurs, ce qui va faire en sorte qu'on ne va limiter le remboursement qu'aux biens productifs des exploitations agricoles.

Deuxièmement, il y aura également un remboursement à 100 % du premier 300 $ de taxes attribuables à ces biens productifs agricoles. Donc, 100 % du premier 300 $. Pour le reste, pour le solde des comptes de taxes, les remboursements vont se faire de la façon suivante, c'est ce que prévoit le projet de loi: d'abord, un 70 % des taxes attribuables aux bâtiments agricoles ainsi qu'au terrain dans la portion d'évaluation égale ou inférieure à 800 $ par hectare; pour ce qui est de l'évaluation qui excéderait 800 $ par hectare, alors, le remboursement serait de 90 % de la partie qui est attribuable au terrain pour cette portion qui est plus élevée, donc au niveau de l'évaluation. Et, également, il y aura un plafond au remboursement qui équivaut, en fait, à 30 % du revenu brut ou à 2 % de l'évaluation des biens productifs agricoles. Il y a également cet élément dont j'ai parlé il y a quelques instants, qui est conflictuel entre l'opposition et nous, et plus controversé pour un certain nombre de producteurs agricoles, c'est-à-dire l'obligation d'acquitter la cotisation annuelle obligatoire à l'UPA.

En commission parlementaire, M. le Président, nous avons apporté un certain nombre d'amendements. À un moment donné, le nombre d'amendements, d'ailleurs, a amené mon collègue de Shefford... Il en parlera peut-être lui-même sans doute tantôt, lui qui est moins habitué aux travaux parlementaires à l'Assemblée nationale. Il y a eu, effectivement, plusieurs amendements. Le premier réflexe, ça aurait pu être de dire: Bien, écoutez, comment se fait-il qu'il y ait eu tellement d'amendements à ce projet de loi là? Ça veut donc dire que vous n'étiez pas prêts quand vous êtes arrivés, finalement, à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire. À mon avis, c'est de mal comprendre et connaître le processus législatif. La commission parlementaire a comme objectif de bonifier le projet de loi. Il n'y a rien de parfait et du choc des idées jaillit la lumière, et des débats qu'on a, non seulement quand on fait le débat sur le principe du projet de loi, mais les discussions qui suivent le dépôt d'un projet de loi, nous amènent à réviser les choses.

Il y a des réactions qui viennent des députés, des collègues ministres, de l'opposition, et, d'une certaine façon, on ne peut pas évaluer le travail ou la qualité du travail qui est fait par un ministre au plan législatif en regardant le nombre d'amendements et en se disant: Il y en a probablement trop. Comme il y en a pas mal, ça veut donc dire que le ministre n'était pas prêt quand il est arrivé en Chambre. Non, il était prêt, je pense, sur les principes et sur les grandes balises. Mais il a accepté de faire un certain nombre d'amendements, lui-même, parce qu'il avait pris note d'un certain nombre de questions. Et il y a aussi des amendements qui sont venus, M. le Président, des suggestions qui ont été apportées par l'opposition officielle, et en particulier par le député de Shefford.

Au niveau de ces amendements-là, ceux qui sont venus de la part du ministre, il y en a deux, particulièrement, qui méritent d'être signalés à ce moment-ci de la prise en considération du rapport des travaux de la commission parlementaire. Il y avait un amendement, en fait, quelques amendements qui visaient à tenir compte des particularités régionales dont le régime a à tenir compte, puisque les situations des producteurs agricoles varient d'une région à l'autre. Il était de notre avis important qu'on tienne compte de ces particularités régionales et qu'on ne fasse pas du mur-à-mur. En cela, le ministre de l'Agriculture a respecté le mandat que lui a donné, à lui et à tous les autres ministres, le premier ministre lorsqu'il a été désigné dans ses fonctions en disant: Il est important que les choses se fassent correctement, mais les choses ne doivent pas nécessairement se faire de la même manière partout dans toutes les régions du Québec.

D'autre part, on a voulu également donner plus de temps aux exploitations agricoles pour produire leur demande de remboursement dans le cas où elles reçoivent un compte supplémentaire en cours d'année. On sait que, parfois, au niveau des remboursements des taxes foncières, il arrive que des situations soient corrigées en cours d'année. Ce qu'on voulait, c'est de donner la possibilité aux producteurs agricoles et à leurs exploitations d'en tenir compte et de s'ajuster, donc, dans le fond, d'avoir une plus grande souplesse dans le régime et de faire en sorte que la législation, que la loi soit moins contraignante et plus facile d'accès pour les intéressés.

D'autre part, il y a un certain nombre d'amendements qui ont été acceptés puis qui venaient essentiellement de l'opposition. C'est le cas, notamment, de l'allongement de la période prévue pour les appels devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires, laquelle période passe de 30 à 45 jours. On a apporté également une précision pour spécifier que c'est un producteur qui doit acquitter la cotisation prévue à la Loi sur les producteurs agricoles et non pas une exploitation. Et, finalement, il y a un autre amendement qui a été apporté pour rendre plus explicites les exemptions prévues à l'enregistrement des exploitations agricoles et au revenu brut minimal exigé. Il y a un certain nombre d'autres amendements qui sont moins importants, qui constituent, en fait, des mesures transitoires pour faire en sorte que le projet de loi puisse s'appliquer dès le début de l'année 1996, c'est-à-dire dans quelques semaines à peine.

Donc, dans l'ensemble, M. le Président, ce qu'on peut dire, c'est que, à cet égard-là, le travail a été bien fait. Par ailleurs, on n'a pas accepté, bien sûr, la majorité ministérielle n'a pas accepté les amendements qu'aurait voulu apporter l'opposition à l'égard de cette autre condition d'admissibilité dont j'ai parlé tantôt, c'est-à-dire l'obligation, dorénavant, que les gens qui recevront un remboursement de leurs taxes par le gouvernement, par le ministère de l'Agriculture, soient en règle en vertu de la loi et qu'ils aient payé leur cotisation à l'Union des producteurs agricoles.

Dans le domaine du syndicalisme agricole, c'est un peu comme dans le domaine du milieu du travail, chez les ouvriers, où on a ce qu'on appelle la formule Rand, c'est-à-dire que tout le monde n'est pas obligé d'être membres, tous les producteurs agricoles ne sont pas obligés d'être membres de l'Union des producteurs agricoles. Mais, selon le principe de la formule Rand, tout le monde bénéficie des services de ce syndicat qui a, d'une certaine façon, le monopole dans le milieu agricole. Et, dans ce sens-là, la loi – et ce n'est pas la loi que nous avons mise en place, c'est une loi qui existe déjà depuis un bout de temps – fait obligation, depuis qu'on a accepté ce principe-là, à l'ensemble des producteurs agricoles du Québec, qu'ils soient membres ou non membres de l'UPA, de payer une cotisation annuelle. Ce qu'on s'est dit, c'était que ce n'est pas normal qu'en vertu de la même loi on accorde des remboursements puis des facilités aux producteurs agricoles et que, en même temps, on ne fasse pas appliquer une autre partie de la loi, qui est celle qui oblige les producteurs agricoles à s'acquitter de leur cotisation annuelle.

Donc, même si l'opposition aurait préféré qu'on légifère distinctement sur cette question-là, puis qu'on débatte de cette question-là d'une autre façon, nous, on considérait que c'était probablement l'occasion appropriée de faire en sorte que cette partie de la loi actuelle soit respectée et qu'on lie cet élément-là avec le fait que, de toute façon, les gens, maintenant, ont déjà des avantages et continueront d'en recevoir en vertu de la loi, c'est-à-dire un remboursement des taxes. Et ce n'est pas à tous les citoyens qu'on accorde ça.

Il faut peut-être signaler, M. le Président, que ce n'est pas en soi un précédent. Le ministre m'indiquait qu'il y a au moins deux éléments qui peuvent être pris en considération à cet égard-là, à l'égard de cette approche-là. Il y a d'abord, depuis 1992, la Régie des assurances agricoles qui peut prélever des contributions exigibles en vertu du plan conjoint des producteurs d'ovins à même les compensations que la Régie verse aux producteurs. Il y a également, depuis juin 1995, donc, il n'y a pas si longtemps, un système qui est comparable qui existe au bénéfice de la Fédération des producteurs de bovins du Québec, pour ce qui est des producteurs de bouvillons et de veaux d'embouche.

(22 h 50)

Alors, dans le fond, il y a des précédents. Quand on regarde le résultat de ça, on ne crée pas quelque chose de particulier, on fait simplement en sorte que la loi qui fait déjà obligation à l'ensemble de payer leur cotisation... Alors, les gens qui, dorénavant, recevront les avantages de ce système, qui, dans le fond, vise à favoriser les producteurs agricoles qui sont en exploitation et à les dédommager, d'une certaine façon, pour l'effort collectif qu'ils représentent ou par la contribution collective que leur profession représente pour l'ensemble des citoyens du Québec... Et c'est pour ça, dans le fond, qu'on accorde le remboursement de taxes, c'est parce qu'on considère que les producteurs agricoles, le coût de production agricole, les investissements que nécessitent aujourd'hui la production agricole font en sorte que c'est normal que l'ensemble de la société contribue à l'effort que le milieu agricole doit faire pour être capable de produire, de concurrencer et de mettre sur le marché des produits qui sont mis en marché et fabriqués ici au Québec. Et c'est dans ce sens-là que, finalement, on a lié les deux éléments.

En somme, M. le Président, on a donc – et je termine sur ça – à l'égard de la prise en considération du rapport des travaux de la commission parlementaire, fait un bon boulot. J'ai présidé une partie des séances de cette commission parlementaire et je peux vous dire que, même si il y avait des objections à certains égards, on a fait un travail constructif, qui a été fait sous le sceau non seulement du sérieux, mais aussi du fait qu'il n'était pas nécessaire d'en faire une lutte à n'en plus finir. Personne n'a déchiré ses vêtements et chacun a marqué ses points. À la fin, on a pris le vote en fonction de nos positions respectives. On reste opposés sur cette question d'obligation faite aux producteurs de payer leur cotisation, j'imagine, si le député de Shefford répète ce qu'il nous a dit en commission parlementaire. Pour le reste, on a bonifié le système actuel en faisant en sorte que le gouvernement puisse économiser 12 000 000 $ en ayant fait en sorte que le système soit plus équitable, plus efficace et plus rigoureux. Alors, voilà, M. le Président, merci.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Borduas. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford, tout en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole maximal de 30 minutes. À vous, la parole.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je voudrais tout simplement féliciter le député de Borduas. M. le Président, c'est le premier député ministériel qui résume concrètement le projet de loi 85. Il est certain que, de notre côté, nous sommes tout à fait d'accord avec le principe de réaménagement du remboursement de taxes municipales et scolaires aux agriculteurs. Il est le premier député, le député de Borduas, à avoir vraiment abordé le problème de front et à expliquer clairement que ce projet de loi fait en sorte qu'on assujettit les privilèges gouvernementaux, en fin de compte, à des cotisations à un organisme qui est totalement indépendant du gouvernement du Québec.

Donc, en conséquence, M. le Président, comme je vous le disais, deux grands principes à ce projet de loi là: le premier, avec lequel nous sommes d'accord et que le député de Borduas a très bien expliqué, c'est-à-dire que nous devrons, dans un premier temps, réaménager le programme de remboursement de taxes scolaires pour deux raisons: on a eu le rapport du Vérificateur général, qui a été rendu public l'an dernier, qui nous démontrait clairement que le programme avait besoin d'être retouché à cause d'abus certains dans différents domaines, principalement dans les remboursements consentis à des terres non fertiles, ou des demandes abusives, ou des sommes qui seraient versées concernant des résidences beaucoup trop luxueuses.

Donc, en fin de compte, dans le projet de loi, la plus grande mesure, c'est de soutirer, d'enlever la résidence principale au remboursement de taxes. Donc, dorénavant, la mission du ministère de l'Agriculture sera préservée et on remboursera des taxes municipales et scolaires sur l'exploitation agricole et non pas sur la résidence principale, parce que ce n'est pas de la mission du ministère de l'Agriculture de subventionner l'habitation.

Deuxièmement, et le point principal sur lequel nous n'avons pu nous entendre, c'est justement le fait que ce remboursement de taxes là est assujetti à un paiement d'une cotisation à une association syndicale, association syndicale ou autre peu importe, c'est une association qui n'est pas un organisme public, qui n'est donc pas redevable au gouvernement du Québec.

Nous avons donné beaucoup d'exemples lors du débat de l'adoption de principe en commission parlementaire et, pour imager le principe que le ministre a introduit, nous avons donné des exemples comme le Conseil du patronat – on en parlait lors de la dernière séance de la commission – on peut dire qu'on pourrait comparer ça, par exemple, si on disait que, à l'avenir, une entreprise quelconque ne peut obtenir de subvention du gouvernement provincial si elle n'est pas membre du Conseil du patronat. En cette Chambre, ici, on se souviendra que, au mois de juin, le député de Saint-Laurent donnait comme exemple: Est-ce que, dorénavant, il faudra être membre du Cercle des fermières pour que nos fermières reçoivent les allocations familiales?

Vous allez me dire, M. le Président que c'est peut-être exagéré. Je ne pense pas. Je pense qu'en introduisant une mesure de ce genre-là on rentre la main dans le tordeur, en fin de compte, et on fait en sorte qu'on crée un précédent, contrairement à ce que disait le député de Borduas quand il nous parlait des plans conjoints. C'est très différent. Mais je ne veux pas quand même ici rentrer dans des discussions à n'en plus finir sur le paiement des contributions suite aux plans conjoints. C'est une chose totalement différente. C'est la première fois qu'on introduit la mesure qu'il faudra payer une cotisation pour, en fin de compte, financer un organisme privé.

Donc, M. le Président, concernant les organismes privés, d'ailleurs, je veux immédiatement souligner que ce n'est pas parce que c'est l'Union des producteurs agricoles ou un autre syndicat, il aurait pu y avoir un, deux ou trois syndicats différents, nous sommes contre ce grand principe là, en fin de compte, d'assujettir un privilège donné par le gouvernement du Québec à une cotisation syndicale. Nous sommes très conscients que l'Union des producteurs agricoles du Québec a contribué largement à l'épanouissement de notre agriculture, et nous lui en sommes redevables. Il est évident que, avec le système agricole qu'on connaît, si le système est si développé, nous lui en sommes redevables. Et nous reconnaissons l'implication, qui a été toujours grandissante depuis 1972, qui a fait en sorte que l'agriculture du Québec est maintenant reconnue sur le plan international.

M. le Président, nous avons aussi demandé au ministre, d'entrée de jeu, lors de la commission parlementaire, dès les premiers instants, de procéder à des consultations. Naturellement, introduisant un principe tout à fait nouveau, je crois qu'il était primordial de consulter non seulement les agriculteurs du Québec, non seulement l'Union des producteurs agricoles, mais aussi d'autres milieux, parce que l'introduction d'une telle mesure fait en sorte que d'autres organismes nullement associés à l'agriculture pourraient demander aux élus d'introduire une telle mesure dans leurs domaines respectifs. Donc, c'est pour cette raison-là, M. le Président, que nous avions déposé une motion demandant tout simplement qu'on entende le Barreau du Québec. Ça me fait penser, M. le Président, que le ministre a reçu une lettre datée du 11 décembre 1995 du Barreau du Québec qui désirait émettre une opinion sur le projet de loi 85. Et je crois, M. le Président, vous, qui êtes un membre du Barreau, serez très intéressé, au fond, par la lettre venant du cabinet de la bâtonnière, et je vous la lis. C'est adressé à M. Marcel Landry, ministre de l'Agriculture: «Objet: Projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale.

«M. le ministre, nous avons pris connaissance du projet de loi 85 et nous désirons vous faire part de nos commentaires à ce sujet. L'article 1 du projet de loi apporte des modifications à l'article 36.2 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il est prévu que le ministre rembourse une partie du montant des taxes foncières municipales et des taxes foncières scolaires à la personne qui est tenue de les payer à l'égard d'une exploitation agricole qui rencontre certaines exigences. Dans le projet de loi, il est proposé d'ajouter l'acquittement de la cotisation annuelle prévue à la section VIII de la Loi sur les producteurs agricoles comme exigence pour obtenir un remboursement de taxes. Les cotisations dont on parle sont celles qui sont payables à l'Union des producteurs agricoles, seule association accréditée en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles.

«À première vue, il semble y avoir une incohérence puisque ce n'est pas l'exploitation agricole qui doit acquitter cette cotisation annuelle mais plutôt les producteurs eux-mêmes.

(23 heures)

«Par ailleurs, l'Union des producteurs agricoles constitue un groupe de pression, un groupe d'intérêts privés et non un organisme public. Les intérêts et le point de vue de l'UPA ne coïncident pas nécessairement avec ceux de l'ensemble des agriculteurs. En outre, il arrive fréquemment qu'il y ait des conflits entre des syndicats de base et des fédérations sur des questions relatives à l'application de la loi. Il n'y a aucune obligation d'être membre de l'UPA. En quoi le paiement d'une cotisation à une association peut-il constituer une condition pertinente pour obtenir un remboursement de taxes foncières? Quelle autre association jouit d'un tel privilège? Dans ce contexte, cette disposition inusitée semble à la fois abusive et discriminatoire. Des explications méritent d'être fournies à ce sujet.

«Espérant que vous saurez tenir compte de la présente, je vous prie d'accepter, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs.» Et c'est signé: «La bâtonnière du Québec, Jocelyne Olivier».

Donc, M. le Président, il semble clairement établi que des consultations auraient été préférables. Vous savez que je répète à peu près les mêmes arguments depuis juin dernier et, déjà, vous m'avez entendu depuis des heures, sauf que les arguments que j'ai soulevés depuis le dépôt de la loi, ici, au mois de mai, sont relevés et repris dans la lettre de la bâtonnière. Donc, il me semble que, par une simple consultation, une consultation du moins élargie, on aurait pu entendre plusieurs groupes en commission parlementaire et ça aurait fait en sorte qu'on aurait peut-être pu bonifier la loi.

Pour nous, M. le Président, vous vous en souvenez, nous avions déposé une motion de scission en mai dernier. Plusieurs ont pensé que c'était une mesure dilatoire qu'on opérait, à ce moment-là, afin d'étirer le débat, mais ce n'était pas du tout notre intention. Premièrement, nous étions tout à fait d'accord à revoir le programme de remboursement de taxes. On aurait pu aborder ça, adopter ça dès le printemps dernier. Et ça aurait fait en sorte qu'un autre projet de loi aurait pu être déposé immédiatement et on serait probablement en train de l'étudier ou peut-être en train de l'adopter aujourd'hui, ce même projet de loi là, mais sur un principe différent où on aurait pu écouter les gens. On aurait pu peut-être arriver à un autre consensus.

Parce que le consensus dont le ministre nous a parlé pendant les derniers mois, depuis le mois de mai, était un consensus non évalué; c'était son évaluation personnelle. Lors de l'étude du projet de loi en commission, je lui faisais remarquer que peut-être que, d'un côté comme de l'autre, autant le ministre que moi, nous avons des visions différentes de l'intérêt des agriculteurs. Et je pense que ce n'est pas l'affaire d'un homme ou d'un parti, ou de deux hommes, ou de deux partis de décider de l'avenir d'un si grand principe ou d'établir un si grand principe. Donc, à ce moment-là, dans la plus grande neutralité, nous aurions pu écouter ces groupes-là. Et je pense que la lettre que fait parvenir au ministre la bâtonnière du Québec fait foi du problème qui a été soulevé.

Nous avions aussi demandé à écouter d'autres groupes comme, par exemple, M. le Président, la Commission des droits de la personne, parce que c'est certain qu'un projet de ce genre-là fait en sorte que les droits les plus fondamentaux de certains individus, particulièrement ceux de la classe agricole au Québec, peuvent être attaqués. Aussi, nous avions demandé d'entendre la Commission d'accès à l'information, parce que, de toute évidence, lorsque le gouvernement du Québec aura à décider de rembourser ou pas les taxes municipales et scolaires à un producteur agricole, il devra savoir si ce producteur-là a payé sa cotisation à l'Union des producteurs agricoles et qu'il a rencontré ses dettes. M. le Président, il semble évident que, peu importe la technique employée, le résultat sera que deux listes seront confrontées. Il faudra savoir si le producteur agricole, si cette personne-là, a payé sa dette conformément à la Loi sur les producteurs agricoles du Québec. Donc, on aurait aimé entendre aussi ces gens-là afin de s'exprimer et peut-être de donner une solution au problème.

M. le Président, durant la commission parlementaire, lorsque j'ai exprimé ce point de vue – il s'agissait du début de la commission et je crois que le député de Borduas avait dû s'absenter lors de ce préambule – le ministre ne nous a donné aucune réponse. J'ai dû le rappeler à l'ordre quelques fois. Il semblait ne pas vouloir écouter. M. le Président, tout ce qu'il s'est borné à dire plus tard, comme il l'avait dit aussi ici, au salon bleu de l'Assemblée nationale, c'est que tout était décidé. Il y avait un consensus parce qu'il y avait eu un référendum en 1972 et qu'en 1972 les producteurs agricoles du Québec avaient décidé de s'unir, suivant la Loi sur les producteurs agricoles du Québec et, de ce fait, ils avaient accepté de payer leur cotisation agricole.

Nous sommes d'accord que, dans la Loi sur les producteurs agricoles, les agriculteurs acceptent de payer cette cotisation. La loi permet à l'Union des producteurs agricoles de poursuivre le récalcitrant ou celui qui ne veut pas acquitter cette cotisation-là. Mais, M. le Président, aucun rapport avec la loi qui nous est soumise aujourd'hui; la loi 85 fait en sorte que, si vous ne payez pas votre cotisation à l'Union des producteurs agricoles, le gouvernement du Québec ne donne pas les services gouvernementaux auxquels ont droit tous les citoyens du Québec.

Donc, je disais au ministre: Si on y va sur le même principe que ça a été décidé en 1972 et que c'est bon pour toujours, en 1972, c'étaient les libéraux qui étaient au pouvoir, on pourrait peut-être revenir. En 1970, on avait été élus. En 1980, il y a eu un référendum. Pourquoi on en a fait un autre en 1995, si on suit le même raisonnement? Donc, M. le Président, je pense qu'à ce moment-là la preuve est faite que nous aurions dû avoir, à tout le moins, des consultations élargies, sans parler de référendum sur la question. Parce que nous aurions pu aussi faire un référendum sur la question.

M. le Président, nous avons aussi mentionné au ministre que le ministre de l'Agriculture se devait d'être le ministre de toute l'agriculture du Québec, pas seulement le ministre des agriculteurs qui font plus de 3 000 $, plus de 10 000 $, qui sont membres de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Le ministre de l'Agriculture doit voir à l'administration de toute l'agriculture québécoise et donner les services que les producteurs agricoles de toutes les classes possibles peuvent obtenir. Mais il est évident, cependant, qu'il y a un minimum requis pour avoir droit à une carte de producteur agricole. Ça, on s'entend tout le monde là-dessus, sauf qu'il reste que le ministre doit donner les services auxquels les contribuables ont droit. Je dis bien, M. le Président, les «contribuables», ceux qui paient leurs impôts, ceux qui paient leur dû au gouvernement pour avoir les services auxquels ils ont le droit de s'attendre, et non pas avoir des services s'ils ont payé une cotisation à un organisme qui n'est pas un organisme public et qui, en fin de compte, n'est pas relié à des services gouvernementaux.

Au-delà de ça, M. le Président, le projet de loi fait en sorte aussi qu'il y a 15 000 000 $ qui sont soustraits au ministère de l'Agriculture. Loin de notre idée de prétendre que la rationalisation des budgets n'est pas nécessaire. Nous sommes d'accord, en fin de compte, à ce que des coupures soient opérées: elles sont inévitables. Sauf que, durant la commission parlementaire, le ministre semblait laisser croire que ce 15 000 000 $ était pour être attribué à d'autres secteurs de l'agriculture. Sauf qu'en réalité, après avoir posé plusieurs questions, il nous est apparu que c'était une perte nette au ministère de l'Agriculture. En fin de compte, le ministre a peut-être un peu joué sur les mots et nous a dit clairement, principalement au mois de juin, ici, à l'Assemblée nationale, que ces sommes-là étaient pour être réaffectées ailleurs. Certains articles, d'ailleurs, dans La terre de chez nous , nous laissent croire que ces montants-là sont pour contribuer au développement d'autres items en agriculture, ce qui n'est pas le cas.

Donc, M. le Président, j'ai demandé, à ce moment-là, au ministre s'il avait fait tout en son pouvoir pour défendre ses budgets auprès de ses collègues au Conseil des ministres. Parce que, si vous vous souvenez, lors de la campagne électorale de 1994, le gouvernement actuel se targuait de vouloir être le gouvernement des régions, de contribuer à l'essor des régions. Et, quand on sait que l'agriculture est essentiellement régionale, qu'elle est souvent le moteur de l'économie des régions éloignées, je pense qu'il était de toute évidence opportun pour un ministre de l'Agriculture de défendre avec acharnement son budget pour, justement, le développement de ces régions-là. Le ministre ne nous a donné aucune réponse, M. le Président. Nous l'avons cuisiné pendant une demi-heure, trois quarts d'heure et, en fin de compte, il n'a donné aucune réponse qui était satisfaisante.

(23 h 10)

M. le Président, tantôt, je félicitais le député de Borduas parce qu'il était le premier ici, au salon bleu, à aborder le vrai problème de front. Au mois de juin, lors de nos discussions – et puis je disais justement, en commission parlementaire, que, malheureusement, souvent la politique est un dialogue de sourds – le ministre n'avait pas osé aborder le problème de la cotisation syndicale qui était établie comme nécessaire pour le remboursement de taxes. Le député de Borduas, tantôt, nous a clairement établi, a clairement dit, a eu le courage de dire que, oui, dorénavant, si vous voulez vos remboursements de taxes municipales et scolaires, vous, agriculteurs, vous devrez avoir acquitté votre cotisation syndicale.

Et c'est vraiment là qu'est le noeud du problème, qui a été camouflé jusqu'à aujourd'hui ou lors des dernières minutes de la commission parlementaire. Parce que, M. le Président, si vous avez pris connaissance du projet de loi – et je suis certain que vous suivez les choses agricoles – le préambule, les notes explicatives du projet de loi ne font aucunement mention de cette mesure; rien du tout. Lors de l'intervention du ministre, ici, lors de l'adoption du projet de loi, pas un mot. En commission parlementaire, nous avons siégé durant des heures et des heures. Nous avons eu en grande partie un dialogue de sourds, le ministre se contentant de parler des taxes ou des bienfaits de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Nous sommes d'accord avec ces deux choses-là. Ce avec quoi nous n'étions pas d'accord, naturellement, c'est l'assujettissement des privilèges au remboursement de taxes.

M. le Président, le député de Borduas, tantôt, nous disait que le projet de loi avait été fait à la hâte et il nous parlait de nombreux amendements. Il a deviné que j'étais pour soulever cette question et, naturellement, M. le Président, vous auriez dû voir en commission parlementaire le nombre d'amendements qui ont été déposés. On voit ici le projet de loi 85, un projet de loi de 15 articles, M. le Président, et je pense qu'on a eu ça d'épais d'amendements pour aller avec le projet de loi, un projet de loi – le député de Borduas le devinera – dont je dirai qu'il a été fait à la hâte.

Parce que le député pourra se souvenir de l'histoire de février dernier où le ministre avait décidé d'augmenter le minimum requis pour obtenir la carte du MAPAQ de 3 000 $ à 10 000 $. À ce moment-là, cette décision avait été mal reçue par le monde agricole du Québec et principalement par l'Union des producteurs agricoles du Québec. Et, à la suite de cette décision, les gens de l'Union des producteurs agricoles, avec M. Laurent Pellerin en tête, ont rencontré le premier ministre, directement au «bunker», accompagné du ministre de l'Agriculture naturellement, pour leur faire part de leur mécontentement face à cette décision.

Le ministre a, pour ainsi dire, fait marche arrière presque immédiatement et en est venu à une entente avec l'Union des producteurs agricoles, entente qui s'est reflétée dans le projet de loi 85. Naturellement – on appelle ça peut-être, entre guillemets, un «deal», en fin de compte, pour le ministre – afin de racheter peut-être sa bévue de l'hiver dernier, il a consenti à une telle mesure en faveur de l'Union des producteurs agricoles du Québec.

Donc, M. le Président, c'est l'histoire du projet de loi 85 et, de cette façon-là, de fil en aiguille, on a déposé un projet de loi quelques semaines après la rencontre entre les gens de l'Union des producteurs agricoles, le premier ministre et le ministre de l'Agriculture. Donc, c'est un projet qui a été fait rapidement, pour ainsi dire à la hâte, et c'est pour cette raison-là que, premièrement, on a eu un lot d'amendements et que, deuxièmement, aussi, tel que le dit la lettre du Barreau, il y a eu incohérence législative.

De prime abord, quand le projet de loi 85 fut déposé, M. le Président, c'était un projet de loi qui permettait de rembourser des taxes, de rembourser les taxes d'une exploitation agricole, donc, un programme qui permet de rembourser de l'argent à cause que vous êtes propriétaire de terres, de bâtiments. La loi disait, en définitive, que, si vous n'êtes pas membre de l'Union des producteurs agricoles, vous ne pouvez obtenir votre remboursement. Il est clairement établi, M. le Président, à la loi des producteurs agricoles, que c'est une personne qui est membre de l'Union des producteurs agricoles et non une exploitation.

On a corrigé, en partie, le problème par un amendement lors de l'étude en commission parlementaire, mais il est quand même évident que ce n'est pas dans un projet de loi qui réaménage le programme de remboursement de taxes qu'on redéfinit le statut de producteur agricole. M. le Président, le statut de producteur agricole est défini dans la Loi sur les producteurs agricoles et, pour, en définitive, changer le statut de producteur pour dire qu'en fin de compte un producteur, dorénavant, sera celui qui aura payé sa cotisation à l'UPA, il aurait fallu apporter un amendement à la Loi sur les producteurs agricoles, ce qui n'a pas été fait. Donc, à ce moment-là, M. le Président, il y aurait eu avantage à avoir des consultations.

M. le Président, le ministre aurait pu aussi écouter les recommandations de l'opposition. Il aurait pu aussi écouter les recommandations de ses collègues au caucus du Parti québécois, parce que je ne suis pas du tout convaincu qu'il y ait unanimité de ce côté. Naturellement, il y a la solidarité ministérielle, mais je suis convaincu qu'au fond d'eux-mêmes – et plusieurs en donnent des signes ici, ce soir – ils ne sont pas totalement vendus au projet de loi 85. Je suis convaincu aussi que les députés sont conscients des objections opposées par les producteurs agricoles du Québec, parce que tous ceux, ici, qui sont députés de comtés agricoles sont conscients que les producteurs agricoles ne sont pas tous chauds, on pourrait dire, à l'atteinte à la démocratie ou à l'imposition d'un principe aussi questionnable.

À cet égard, M. le Président, je déposerai probablement demain une pétition ici, à l'Assemblée nationale, de milliers d'agriculteurs du Québec qui sont opposés au projet de loi 85, des gens, M. le Président, qui ont signé cette pétition, des gens qui paient leur cotisation à l'Union des producteurs agricoles du Québec. Donc, évidemment, ça nous démontre clairement que ces gens-là n'en ont pas, en réalité, contre le projet de loi réaménageant le programme de remboursement de taxes, mais qu'on fait atteinte directement à leur liberté de citoyens qui paient leur dû au gouvernement du Québec et qu'on oblige à payer une cotisation, qui est tout à fait indépendante, à un organisme tout à fait privé et qui n'est pas relié à l'obtention de services gouvernementaux.

M. le Président, vous me disiez qu'il ne me reste que quelques minutes. Le ministre a tenté par tous les moyens, durant les derniers mois, pour ainsi dire, de noyer le poisson. Il a eu, depuis le mois de mai dernier, des conversations avec des producteurs. Il semble qu'il n'ait pas voulu nous en rendre compte ici. Il a tenté de faire croire à l'Union des producteurs agricoles que, si le projet de loi 85 ne passait pas, c'était à cause de l'opposition. M. le Président, moi, le système parlementaire que j'ai appris, j'ai toujours appris que c'est le gouvernement qui gouvernait et l'opposition qui s'opposait.

Mais, dans La Terre de chez nous , à deux ou trois reprises, j'ai appris que c'est moi qui contrôlais le ministère de l'Agriculture, ici. Et même son attaché de presse disait: Les parlementaires n'auront vraisemblablement pas le temps de l'adopter avant le référendum sur la souveraineté. C'était, M. le Président, avant le référendum. M. Paradis attribue cette fâcheuse situation à l'obstruction totale de certains libéraux – je ne sais pas lequel, M. le Président – qui, à cause d'intérêts personnels – voyez-vous, M. le Président, j'avais des intérêts personnels supposément pour arrêter ce projet de loi là – empêchent le gouvernement de mieux gérer les finances publiques.

(23 h 20)

Notre discours, M. le Président, vous le connaissez, nous sommes d'accord avec le réaménagement du programme de taxes, mais pas avec l'autre mesure, et d'accord pour adopter les programmes structurants pour le milieu agricole et ainsi de suite. En fin de compte, on dénature les propos de l'opposition. M. le Président, c'était plus facile de dire n'importe quoi à l'Union des producteurs agricoles, mais, pour ainsi dire, le problème du ministre de l'Agriculture était plutôt un manque de crédibilité ou, pour ainsi dire, que ses collègues du Conseil des ministres peut-être ou même ses collègues au caucus du PQ peut-être lui donnaient une certaine retenue pour aller de l'avant avec le projet de loi 85.

M. le Président, vous me dites qu'il reste seulement une minute. J'aurais aimé voir le ministre ici. Naturellement, le ministre est en mission présentement sous des cieux plus cléments, probablement à Cuba. J'espère que celui-ci pourra quand même tenir compte de la lettre qu'il a reçue aujourd'hui du Barreau du Québec et qu'il fera en sorte de lancer le message, peut-être, au leader du gouvernement ou au leader adjoint, de leur dire de, tout simplement, attendre à la prochaine session, de consulter le monde agricole pour, ensuite, adopter un projet de loi qui pourrait satisfaire tout le monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Shefford. M. le député de Borduas, comme auteur de la motion, vous avez un droit de parole de cinq minutes seulement.


M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau (Borduas): M. le Président, je ne voudrais pas abuser plus longtemps, de toute façon, du temps de la Chambre à cette heure-ci. C'est simplement pour rajouter quelques éléments à la suite de l'intervention de mon collègue de Shefford.

J'ai beaucoup de respect pour le Barreau du Québec et pour la bâtonnière, mais je crois que les termes «disposition [...] abusive et discriminatoire» qu'elle a utilisés et que le député de Shefford vient de citer – et sa traduction aussi, parce qu'il a parlé d'incohérence législative – sont exagérés dans le contexte du projet de loi. Parce que ce qu'il ne faut pas oublier, pour les gens qui nous écoutent et qui s'intéressent à ce projet de loi là, c'est qu'il y a déjà une obligation dans la loi pour les producteurs agricoles non pas d'être membres de l'UPA, mais de s'acquitter de la cotisation annuelle à l'UPA. C'est ça, le système actuel. Donc, ce n'est pas le projet de loi 85 qui fait obligation; c'est la loi actuelle qui fait obligation à tous les producteurs agricoles de s'acquitter de leur cotisation sur une base annuelle.

La seule chose que le projet de loi fait... Et je comprends les objections de certains, y compris du député de Shefford, et c'est des objections qui se tiennent, on peut ne pas partager cette façon de vouloir faire les choses. Mais, dans le fond, la seule chose que le projet de loi fait, c'est qu'il fait en sorte que la loi soit respectée et que, si le gouvernement, d'une main, donne des avantages à des producteurs qui ont une obligation législative par ailleurs, bien, on dit simplement: Écoutez, si vous avez une obligation législative, vous allez profiter des avantages que prévoit le programme à condition de respecter la loi. C'est tout.

Et, dans le fond, tout le monde n'est pas membre de l'UPA parmi les producteurs. Mais rendons-nous compte d'une chose, M. le Président, c'est que, cette année, 88 % des producteurs agricoles du Québec ont adhéré volontairement à l'UPA. L'an dernier, c'était 87 %. Ils ont adhéré volontairement à l'UPA. Mais c'est 100 % des producteurs qui sont obligés de payer leur cotisation et, si 100 % veulent avoir des remboursements, bien, ils n'ont qu'à s'acquitter de leur cotisation qu'ils ont l'obligation d'acquitter, de toute façon.

Par ailleurs, s'il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec l'UPA et qui trouvent que l'imposition de 1972 de la formule Rand est abusive et qui considèrent que le temps est venu au Québec de questionner ça, ils peuvent le faire. Je crois que c'est un débat démocratique qui peut se faire dans notre société. Il y a des dissidents. Ceux qui sont des députés dans les milieux agricoles... Et j'en suis un; j'ai des paroisses agricoles dans mon comté et, dans mon autre vie de député, j'en ai représenté encore plus quand j'étais député de Verchères. Je sais très bien qu'il y a des dissidents dans le milieu agricole, mais ils ne forment pas la majorité. Et, s'ils veulent faire la bataille démocratique contre l'UPA, ils ont le droit de le faire. Mais qu'ils n'accusent pas le gouvernement et qu'ils ne demandent pas au gouvernement de faire la bataille à leur place. Nous, on a simplement décidé qu'il y avait des avantages que l'État voulait continuer de consentir à des producteurs, à une condition maintenant: c'est qu'ils respectent la loi, obligation qu'ils avaient déjà, M. le Président.

Quant au camouflage des objectifs dont parlait le député de Shefford, je pense que chacun a sa façon de s'exprimer, mais je peux vous dire, M. le Président... J'étais ici au mois de juin. J'ai, moi aussi, été présent à une bonne partie des travaux de la commission parlementaire. Je ne crois pas que le ministre ait voulu cacher ses intentions. Je crois que les intentions étaient très claires. D'ailleurs, ça a permis, ces intentions-là, au député de Shefford de faire à plusieurs reprises, en particulier au printemps dernier, de nombreuses interventions, très vigoureuses, très senties et très justifiées, de son point de vue.

Mais je pense que c'est abusif de sa part de prétendre que le ministre a voulu camoufler les objectifs de la loi. Les objectifs étaient clairs: il y avait un objectif de compressions budgétaires et il y avait un objectif qui pouvait, peut-être, avoir des origines dans une négociation avec l'UPA lors d'une rencontre avec le premier ministre. Je n'en sais rien. C'est possible et ça ne serait pas un crime, de toute façon, si ça a été l'objet d'une négociation quelconque à la suite de discussions avec l'Union des producteurs, leurs représentants et le premier ministre.

Et, en terminant, M. le Président, un dernier mot. On ne peut pas à la fois dire à un gouvernement et à un ministre: On sait que vous devez faire des compressions budgétaires, on sait que vous devez administrer serré et, en même temps, reprocher à un ministre de ne pas défendre le budget de son ministère. Comme si la seule façon d'être un bon ministre de l'Agriculture, c'était de maintenir le budget du ministère sans jamais qu'on n'y touche rien, sans qu'il n'y ait de diminution. Je crois que l'efficacité d'un bon ministre, de l'Agriculture ou dans un autre domaine, ce n'est pas nécessairement que le ministre réussisse à préserver son budget par rapport au budget des années précédentes, mais c'est simplement qu'il réussisse, dans un contexte plus difficile – et je termine avec ça – à remplir la mission pour laquelle le ministère existe, en fonction des réalités économiques et des réalités budgétaires qui sont celles du moment, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le député de Borduas. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Adopté.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, portant sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je fais motion pour qu'on ajourne nos travaux à mercredi, 13 décembre, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bélanger): Adopté. Donc, les travaux de cette Chambre sont ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 27)