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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 1 mai 1996 - Vol. 35 N° 15

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Nous allons entreprendre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer le menu, s'il vous plaît.

M. Brassard: Oui. Alors, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 3 du feuilleton.


Projet de loi n° 4


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 3, M. le ministre d'État des Ressources naturelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives. M. le ministre, je vous invite à prendre la parole.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, avec le projet de loi n° 4 modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives, nous affirmons nettement notre intention de favoriser l'aménagement durable de la forêt, qu'elle relève du domaine privé ou du domaine public. Le projet de loi comprend donc des dispositions pour donner suite au Sommet sur la forêt privée. Il prévoit la création d'un fonds forestier affecté à certaines activités de gestion forestière.

Tenu les 26 et 28 mai 1995, le Sommet sur la forêt privée a donné lieu à un consensus sur les principes et sur les orientations d'un régime de protection et de mise en valeur de la forêt privée de même que sur les principales modalités de mise en place de ce régime. Le présent projet de loi reflète donc ce consensus intervenu entre, d'une part, les propriétaires de lots boisés, représentés par la Fédération des producteurs de bois du Québec, et par le Regroupement des sociétés d'aménagement forestier du Québec. Également, ce consensus se faisait entre le monde municipal, qui était représenté par l'Union des municipalités du Québec, qu'on appelle l'UMQ, et l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, l'UMRCQ. Également, l'industrie forestière, bien sûr, était représentée par l'Association des industries forestières du Québec et par l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec.

(10 h 10)

Il va de soi que le gouvernement y était. Donc, le gouvernement du Québec était représenté par le ministre des Ressources naturelles, qui était à l'époque mon collègue François Gendron, d'Abitibi-Ouest, et par son sous-ministre. Oui, vous pouvez l'applaudir, il a fait un excellent boulot.

Plus précisément, M. le Président, le projet de loi a pour but de permettre et d'encadrer la constitution et l'organisation d'agences régionales de mise en valeur des forêts privées. Il prévoit la mise en place d'un programme de financement forestier et apporte des modifications au statut de producteur forestier reconnu et aux règles également applicables en matière d'aide gouvernementale. Par ailleurs, le projet de loi permettra la constitution d'un fonds forestier affecté au financement des activités liées à la production de plants, aux inventaires forestiers et à la recherche forestière.

En un mot, M. le Président, ce projet de loi a comme objectif de favoriser la mise en place d'un régime de protection et de mise en valeur de la forêt privée qui est attendu depuis fort longtemps au Québec. Il nous permet d'affirmer notre intention de travailler à l'aménagement durable de la forêt. Par la mise en place de ce nouveau régime de protection et de mise en valeur de la forêt privée et par la constitution des agences régionales de mise en valeur des forêts privées, nous avons le souci prioritaire d'assurer le développement économique des régions du Québec et nous souhaitons que ce développement soit durable.

Ce projet de loi introduit donc en disposition préliminaire à la Loi sur les forêts une déclaration sur l'aménagement durable. Cela fait en sorte que, dorénavant, la Loi sur les forêts aura comme objet de favoriser l'aménagement durable de la forêt afin de répondre aux besoins économiques, écologiques et sociaux des générations actuelles et futures, et ce, tout en tenant compte des autres possibilités d'utilisation du territoire. Afin que la portée de ce geste soit bien saisie, je me permets de vous référer au texte même du projet de loi. «Dans la mesure prévue par la présente loi et ses textes d'application, l'aménagement durable de la forêt concourt plus particulièrement – et je cite ce qu'il y a dans le projet de loi, M. le Président: à la conservation de la diversité biologique; au maintien et à l'amélioration de l'état et de la productivité des écosystèmes forestiers; à la conservation des sols et de l'eau; au maintien de l'apport des écosystèmes forestiers aux grands cycles écologiques; au maintien des avantages socio-économiques multiples que les forêts procurent à la société; à la prise en compte, dans les choix de développement, des valeurs et des besoins exprimés par les populations concernées.» Voilà ces six critères, M. le Président, qui constituent la base de ce que l'on entend internationalement lorsqu'on parle d'aménagement durable des forêts publiques et privées. En les inscrivant dans le projet de loi n° 4, nous les faisons nôtres.

Quant aux agences régionales, eh bien, ces agences de mise en valeur dont la constitution sera rendue possible par le présent projet de loi, ces agences permettront à la population des régions d'être associée, par l'intermédiaire de représentants, à la mise en valeur de la forêt privée dans une perspective d'aménagement durable. Conformément au consensus dégagé lors du Sommet sur la forêt privée, le projet de loi propose que ces agences regroupent, à représentations égales, des municipalités, des producteurs forestiers et des titulaires de permis d'exploitation d'usine de transformation du bois. Le gouvernement sera aussi représenté au sein des instances décisionnelles, notamment par le ministère des Ressources naturelles en concertation avec le ministère de l'Environnement et de la Faune.

Durant les deux dernières décennies, la mise en valeur des forêts privées était l'affaire de l'État et des propriétaires de lots boisés. Le projet de loi n° 4, M. le Président, fait enfin place au milieu municipal et à l'industrie forestière. D'ailleurs, chaque agence régionale – il y en aura entre 18 et 20 – sera créée suite à l'adoption d'une résolution commune d'une ou plusieurs municipalités régionales de comté d'une même région administrative. Les agences régionales de mise en valeur devront préparer un plan de protection et de mise en valeur des forêts privées et de leur territoire qui devra respecter les schémas d'aménagement des MRC. Elles auront aussi la charge d'apporter un soutien financier et technique à la protection et à la mise en valeur de ces forêts.

À l'intérieur des agences, toutes les parties concernées devront apprendre à travailler ensemble, à planifier ensemble, à faire des choix ensemble. Toutes devront se comporter comme de véritables partenaires. C'est ainsi qu'elles profiteront des résultats de leur action concertée. Les agences doivent s'intégrer dans la dynamique de développement économique durable des régions du Québec. De fait, ne serait-ce qu'en raison du poids économique de la forêt privée, ces agences ont tout pour constituer des noyaux de développement régional très imposants.

Ici, M. le Président, j'aimerais rappeler certains faits. Au Québec, à l'heure actuelle, la forêt privée représente environ 120 000 propriétaires, 29 000 emplois, des salaires qui atteignent les 700 000 000 $ et des produits d'une valeur de 500 000 000 $. Comme vous le voyez, ça compte. De plus, comment oublier, en parlant de développement régional, que la forêt privée représente 10 % des forêts du Québec et environ 20 % de l'approvisionnement en bois des usines. De plus, elle est située à proximité des zones habitées et des usines de transformation, de là toute son importance pour le développement économique durable des régions.

Le projet de loi propose également un programme de financement forestier sous forme de garanties de prêts. Nous voulons, par cette mesure, favoriser, d'une part, la constitution, le maintien ou le développement d'unités de production forestière totalisant au moins 80 hectares et, d'autre part, l'implantation et le développement d'entreprises forestières de services. Ce programme de financement est administré par la Société de financement agricole. Par ailleurs, le projet de loi apporte des modifications au programme de remboursement des taxes foncières de façon à mieux baliser cette mesure fiscale et il procède à des réaménagements de statut de producteur forestier.

Par ce projet de loi, nous nous donnons collectivement des outils pour assurer la protection et la mise en valeur des forêts privées du Québec. De plus, nous reconnaissons que la forêt privée est l'un des pivots essentiels du développement des régions.

La création des agences, quant à elle, est une idée nouvelle qui matérialise le concept de partenariat. En effet, les agences régionales de mise en valeur des forêts privées seront des organismes non gouvernementaux à but non lucratif. Tel que je l'ai mentionné, elles réuniront quatre groupes de partenaires, soit le monde municipal, les producteurs forestiers, les industriels forestiers et le gouvernement du Québec. Chacun de ces groupes aura un poids égal dans la prise de décision. Les agences ont pour objet, dans une perspective d'aménagement durable, d'orienter et de développer la mise en valeur des forêts privées sur leur territoire par l'élaboration d'un plan de protection et de mise en valeur, de même que par le soutien financier et technique à la protection ou à la mise en valeur.

Comme on peut le constater, M. le Président, en forêt privée, le ministère des Ressources naturelles pose un geste important dans le sens de la régionalisation en confiant des responsabilités d'une administration centrale à une administration autonome et distincte. On régionalise la prise de décision concernant la détermination des objectifs de production et des moyens permettant de les atteindre. De plus, l'agence aura à développer ses propres programmes, à en préciser les normes et aussi à déterminer la forme ainsi que le niveau d'aide offert aux producteurs forestiers.

(10 h 20)

Nous avons voulu que le partenariat puisse aussi s'établir avec l'industrie qui s'approvisionne en forêt publique. Le projet de loi introduit cette dimension dans certaines activités reliées à l'aménagement des forêts par le biais d'un fonds forestier spécifique. Ce fonds sera constitué à partir de contributions versées par les détenteurs de contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier, qu'on appelle les CAAF, et aussi de contributions gouvernementales. C'est donc un fonds mixte qui sera utilisé pour la production de plans, la réalisation d'inventaires forestiers et la mise en oeuvre de programmes de recherche et développement dans les domaines de la foresterie et de la transformation des ressources forestières. Il s'agit là d'activités essentielles pour le maintien d'un régime forestier viable.

M. le Président, la situation des finances publiques nous oblige à trouver de nouveaux types de solutions. Il nous faut être inventifs et imaginatifs si nous voulons faire face aux défis du siècle prochain. En ce sens, la formule de partenariat que nous proposons et pour laquelle nous avons eu l'accord de l'industrie forestière constitue une nouvelle façon de faire convenant parfaitement à ce secteur d'activité. Et je suis persuadé qu'elle pourrait être exportable ou applicable ailleurs.

Je veux revenir sur l'élément central de ce projet de loi. Comme je l'ai mentionné, le projet de loi n° 4 a pour but de permettre la mise en oeuvre de décisions prises par les participants au Sommet sur la forêt privée. De fait, ce Sommet a été un moment charnière dans l'histoire récente du secteur forestier et pas uniquement en ce qui a trait à la forêt privée. Une chose est claire: le Sommet sur la forêt privée a été le point culminant d'une démarche qui a mobilisé pendant des mois l'ensemble des milieux régionaux concernés par la mise en valeur de la forêt privée. Entre janvier et mars, au cours de la période des consultations régionales, ce sont plus de 2 000 personnes qui ont pu, lors des 33 rencontres préparées par les 15 tables régionales de réflexion, faire part de leur point de vue sur l'avenir de la forêt privée. Au départ, donc, beaucoup d'objets de réflexion, des attentes considérables, mais pas nécessairement de consensus. De fait, comme l'ont souligné les présidents des tables régionales de réflexion, les rencontres ont même favorisé des échanges soutenus entre des personnes ou des groupes aux intérêts souvent divergents. Elles ont permis aux uns et aux autres, je crois, de mieux comprendre les réalités auxquelles chacun devait faire face. Elles ont enfin servi à poser les premiers jalons d'un nouveau partenariat.

Un sommet, c'est un sommet, M. le Président. Autour de la table étaient donc regroupés une centaine de décideurs, essentiellement des dirigeants d'associations et des représentants gouvernementaux. Quatre partenaires étaient impliqués dans la préparation du Sommet – je les ai déjà nommés, d'ailleurs – ils étaient encore là lors de la prise des décisions. C'est donc dire que ces décisions engageaient vraiment l'ensemble des groupes concernés pour l'avenir de la forêt privée au Québec et leur impact est d'autant plus grand qu'elles étaient l'aboutissement de consensus.

Quelles sont donc ces décisions, M. le Président, qui ont été prises par les participants au Sommet afin d'établir un régime de protection et de mise en valeur de la forêt privée au Québec et afin de s'assurer, par ailleurs, que la mise en valeur de ces forêts se fasse dans une optique de développement durable et qu'elle soit un atout pour les économies régionales? Il serait peut-être fastidieux de les énumérer toutes. Je m'en tiendrai aux plus importantes en rappelant qu'elles concernaient des aspects aussi variés que la protection du milieu forestier, le financement et l'organisation de la mise en valeur, la mise en marché, l'impôt foncier et l'impôt sur le revenu, la connaissance de la forêt privée et l'appui professionnel aux propriétaires. De façon unanime, les participants au Sommet sur la forêt privée se sont entendus sur: d'abord, la nécessité d'assurer par une loi la pérennité du milieu forestier – c'est le premier élément du futur régime qui s'appliquera à la forêt privée; également, la création d'agences régionales non gouvernementales de mise en valeur de la forêt privée qui devraient constituer le cadre dans lequel le partenariat pourra prendre toutes ses dimensions innovatrices; également, l'établissement d'une fiscalité municipale qui incite davantage les propriétaires privés à aménager leurs forêts; consensus, également, sur le développement d'outils nécessaires à une meilleure connaissance de la forêt afin d'atteindre, en forêt privée comme en forêt publique, un rendement optimal et soutenu; un dernier consensus, M. le Président, la nécessité d'arriver à un partage équitable des coûts, à un juste équilibre dans les efforts financiers qui reviendraient à chacun des partenaires.

Il a été décidé que le gouvernement assumera 60 % des coûts, soit 24 000 000 $, les industries forestières, 20 %, soit 8 000 000 $, et les producteurs privés, l'autre 20 %, donc 8 000 000 $, également. Pour les trois quarts de leur contribution, les propriétaires participent financièrement à la réalisation des activités de mise en valeur de leurs lots boisés en assumant une partie des coûts des travaux de mise en valeur. Leur contribution sera d'ailleurs prévue à l'intérieur de la programmation annuelle des travaux. Pour le quart manquant, les représentants de propriétaires de lots boisés s'engagent à rechercher des modalités de financement. Les autres partenaires, quant à eux, s'engagent à les appuyer dans cette démarche. Les municipalités ne participent pas directement au financement des travaux d'aménagement en raison des charges qu'elles assument en relation avec la réglementation sur la protection du milieu forestier. Quant à la contribution de 8 000 000 $ de l'industrie forestière, elle est distincte des sommes relatives aux droits de coupe.

Je voudrais enfin rappeler que les décideurs du Sommet sur la forêt privée ont signé une déclaration officielle dans laquelle ils reconnaissent d'abord que la forêt privée fait partie du patrimoine forestier québécois. Également, ils confirment son importance comme levier stratégique du dynamisme des économies rurales et la nécessité d'en assurer la pérennité. Ils affirment qu'ils feront leur part pour que la forêt privée contribue pleinement au développement socioéconomique du Québec et de ses régions. Ils assurent qu'ils donneront suite aux engagements pris lors du Sommet sur la forêt privée.

Étant l'un des quatre grands partenaires qui ont signé cette déclaration solennelle, le gouvernement du Québec s'apprête à faire sa part pour donner suite à ces engagements. C'est la raison pour laquelle nous vous soumettons aujourd'hui, M. le Président, ce projet de loi qui vise la pérennité de la forêt et qui a pour but de permettre la mise en oeuvre des décisions du Sommet sur la forêt privée de mai 1995.

Je suis convaincu que les modifications que nous demandons par le biais du projet de loi n° 4, modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives, vont se traduire par une gestion des forêts mieux adaptée aux réalités d'aujourd'hui et qu'elles sont de nature à assurer un développement durable. Incidemment, elles devraient permettre au Québec de se positionner correctement en matière de certification environnementale de nos produits forestiers, ce qui assurera un avantage concurrentiel à notre industrie forestière. De fait, nous faisons collectivement un grand pas vers la gestion intégrée des ressources, condition primordiale à la mise en place d'un développement économique durable des régions du Québec.

C'est pourquoi, M. le Président, je demande aux membres de cette Assemblée d'adopter le projet de loi n° 4 assurant la mise en place d'un nouveau partenariat et d'un nouveau régime pour la protection et la mise en valeur des forêts privées du Québec. Et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État des Ressources naturelles. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Dans le cadre de l'adoption de principe du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives, comme vient de le présenter M. le ministre de l'énergie et des ressources, et responsable du secteur forestier, M. le Président, je pense que le projet de loi vient répondre à un souhait du secteur de l'industrie forestière, et plus précisément de la forêt privée au Québec. C'était un débat qui avait déjà été lancé sous l'ancien gouvernement, par le ministre responsable, le député de Laurier-Dorion, M. Sirros, et, comme l'a mentionné M. le ministre, poursuivi par le député d'Abitibi-Ouest, ancien titulaire du ministère, d'une part, et relancé aujourd'hui par le ministre responsable.

On a fait allusion que ça répond, ou à peu près ou dans l'ensemble, au souhait débattu lors du sommet économique 1995. Oui, précisément, je pense que l'ensemble des intervenants avaient souhaité voir une loi présentée dans les meilleurs délais pour mettre en place une agence. Une agence qui serait à la mesure et à la couleur de chacune des régions du Québec pour développer, aménager, c'est-à-dire revitaliser la forêt privée au Québec et, dans bien des cas, on pourrait même dire discipliner la façon d'exploiter la forêt privée au Québec pour en faire une ressource durable. Quand on emploie cette expression-là, je pense qu'on doit être très à l'aise et on doit être en mesure de l'expliquer parce que c'est une ressource et c'est un secteur de l'économie, M. le Président, qui joue un rôle très important dans chacune de nos régions. Conserver une des plus grandes valeurs possibles dans chacun des secteurs de la forêt privée est une garantie pour l'avenir de nos jeunes, d'abord, pour l'industrie forestière et pour le développement de chacune de nos régions.

(10 h 30)

Le fait que ce projet de loi soit présenté par le ministre des Ressources naturelles du gouvernement du Québec, qui est aussi ministre responsable du Développement des régions, je pense que ça devrait pouvoir aider à la mise en place, justement, d'un plan de financement, comme on l'a si bien mentionné tantôt, et à la mise en place des agences et de la structure nécessaire pour réaliser ce que souhaitaient les intervenants, comme on le mentionnait lors du sommet économique.

Je pense que ce qu'on doit retenir dans le projet de loi n° 4, c'est de reconnaître le statut de producteur forestier. Je pense que c'est un point important. Deuxièmement, comme je le mentionnais, la mise en place d'agences de mise en valeur de la forêt privée. Des agences où le milieu aura droit de regard, aura droit d'intervention, sera partie prenante. L'industrie, d'une part, qui tire ses profits de cette ressource première qui est la forêt privée dans des secteurs donnés et, dans d'autres endroits, c'est en plus grande majorité la forêt publique. Mais, pour rester dans ce secteur de la forêt privée, une autre partie du projet de loi qui est aussi très importante, c'est le financement forestier, la mise en place d'un plan de financement forestier et un fonds forestier à la production de plans. Évidemment, si on veut que l'industrie prenne d'avantage conscience de sauvegarder, justement, cette valeur qui est celle de la forêt privée, elle doit aussi être impliquée au niveau de la production de plans.

Même si M. le ministre a fait allusion à une déclaration des intervenants de l'industrie et des producteurs forestiers, déclaration solennelle, je pense qu'on aurait souhaité voir de façon plus spécifique, dans le projet de loi, ce qu'aurait souhaité et que souhaitait le sommet, justement: la reconnaissance que la forêt privée fait partie du patrimoine forestier québécois. Que l'industrie le précise et le déclare, c'est une chose. Mais, dans le projet de loi, il aurait été souhaitable que le ministère, le gouvernement le précise, le reconnaisse et le mette dans le projet de loi même, d'une part. Donc, les cinq points importants que nous venons de mentionner devraient se retrouver dans le projet de loi tel que présenté ce matin par le ministre responsable.

Une chose est sûre, M. le ministre: je pense que, pour ce qui est de l'adoption de principe, M. le Président, l'opposition officielle est en mesure de supporter le projet du gouvernement à ce moment-ci, parce que ça faisait aussi partie du programme du parti que je représente, d'une part; c'était la volonté du milieu, d'autre part, et ça avait déjà été présenté ou débattu, du moins souhaité que cedit projet de loi soit un jour adopté dans les meilleurs délais par le gouvernement précédent.

Mais on aura un certain nombre de questions. C'est sous la réserve d'un certain nombre de questions que nous allons avoir à débattre en commission parlementaire, à la suggestion justement des intervenants et des regroupements des propriétaires de boisés privés, qui nous font part justement ou insistent et nous demandent de faire préciser au gouvernement et au ministre certains points. M. le ministre les a présentés tantôt de façon peut-être pas aussi détaillée qu'on en aura la chance, en commission parlementaire.

Le soutien financier. Est-ce que la part qui vient du gouvernement, le 60 % qui vient du ministère, ce financement-là provient des cotisations qui viendront du secteur forestier public ou d'autres sources, de ce qu'on appelle, dans bien des cas, de la tarification? La formation du conseil. On dit que ça va devoir représenter à parts égales ces quatre secteurs que M. le ministre a mentionnés, soit le ministère, l'industrie, les producteurs forestiers, d'une part. De quelle façon ces gens-là vont pouvoir se présenter à l'agence ou au groupe qui aura la responsabilité de mettre en place cette agence? On disait que les MRC seront les premières interpellées ou les premières à pouvoir se positionner pour mettre en place une agence comme celle-ci. Ça peut être plus d'une MRC, ça peut être un regroupement de municipalités, de territoires ou de comtés provinciaux ou de MRC différentes.

Il y a un problème qui va se poser aussi, qu'on va devoir tenter de solutionner en commission parlementaire, M. le Président, c'est la région, par exemple, de l'Estrie où 90 % du territoire forestier est du secteur privé. Est-ce que ça va être un bouleversement pour tous ces gens-là sachant qu'il y a déjà des groupements forestiers qui aménagent et exploitent le territoire de l'Estrie comme d'autres territoires d'ailleurs au Québec? Mais, pour revenir au fait qu'il y a 90 % du territoire forestier qui est du domaine privé, ces gens-là commencent déjà à se questionner à savoir si ça va être un bouleversement qui va les amener à revoir complètement les structures déjà existantes, la façon d'opérer.

Est-ce que, comme dans l'ensemble du Québec, nous aurons la collaboration d'autres milieux, d'autres ministères du gouvernement du Québec et d'autres secteurs, soit celui de l'environnement? Nous reconnaissons tous la responsabilité que nous avons comme Québécois et Québécoises de nous assurer qu'à chaque fois que nous allons cueillir des ressources naturelles sur le territoire québécois on a aussi la responsabilité de laisser l'eau, le sol et l'air dans des conditions les meilleures pour notre avenir, d'abord, notre santé et pour la sauvegarde de tout le paysage forestier québécois et le paysage naturel québécois.

Donc, encore une fois, M. le Président, je pense que nous allons mettre surtout beaucoup d'attention sur ce que je viens de vous mentionner, en commission parlementaire. Quel impact ça pourra avoir sur la réglementation municipale actuelle, sur les schémas d'aménagement au niveau des MRC, sur le plan régional, quand il y aura plus d'une MRC qui sera partie prenante d'une agence régionale et que les schémas d'aménagement seront divergents dans bien des cas? Donc, il y aura une réorganisation à ce niveau-là.

Ça pourrait, cette agence-là, si elle est mise en place avec toute l'attention et la collaboration qu'on souhaite de la part de chacune de nos régions, évidemment devenir un modèle qui pourrait être applicable dans certains secteurs au niveau des lots publics, qu'on appelle les lots intramunicipaux, parce que, sur les lots publics, de grands territoires sont déjà sous gestion de CAAF, d'un regroupement d'industriels. Mais ce qu'on dit: Si on prend le temps nécessaire et qu'on apporte le support à tous les organismes qui auront à collaborer à mettre en place une agence de développement forestier pour faire un aménagement durable, comme tout le monde le souhaite, on devra justement leur apporter la collaboration nécessaire pour en faire des modèles de gestion et des modèles d'exploitation dans le futur.

Donc, c'était en grande partie, M. le Président, les commentaires que je voulais faire à ce moment-ci. Soyez assuré et j'assure le ministre que nous apporterons toute la collaboration nécessaire en commission parlementaire pour répondre au questionnement de certains regroupements, de certains individus ou de certaines industries qui veulent vraiment savoir exactement de quelle façon ça pourra se vivre sur le terrain, parce qu'on sait très bien qu'il est souhaitable que la plupart de ces agences-là soient mises en place dès l'année 1996. Donc, encore une fois, M. le Président, je vous remercie. Nous serons en commission parlementaire et l'opposition officielle saura collaborer dans la mesure où le ministre et le ministère et ses conseillers seront en mesure de répondre à toutes les questions, dont une partie que je viens de vous mentionner. Merci.

(10 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laviolette et whip en chef du gouvernement. M. le député.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'écoutais le député qui m'a précédé comme porte-parole de l'opposition en matière des forêts, puis il s'inquiétait de changements majeurs; il parlait peut-être de bouleversements. Je dois vous dire que, moi, je ne m'en inquiète aucunement et j'espère qu'il va y avoir des changements, qu'il va y avoir des bouleversements dans la manière dont on a, jusqu'à maintenant, fait la gérance de l'ensemble des forêts au Québec, incluant les forêts privées.

C'est avec plaisir que j'interviens sur ce projet de loi, d'autant plus que j'ai eu l'occasion, en premier lieu, comme ministre responsable, qu'on appelait à l'époque délégué aux Forêts... Je disais toujours forêts au pluriel puisqu'il y avait désormais, à partir du moment du livre blanc déposé le 10 juin 1985, une forêt publique et une forêt privée, regroupant l'ensemble de ce qu'on appelle les forêts intramunicipales, les forêts domaniales – peu importe dans quels termes on les appelait à l'époque – dans le grand concept d'une forêt publique. J'étais heureux lors du dépôt de ce projet de loi, parce que j'avais fait à travers le Québec une consultation très grande permettant une transformation majeure dans la façon dont on travaillait à l'intérieur des forêts.

Je rappellerai aussi que, le Parti québécois ayant perdu le pouvoir en 1985, un autre ministre est venu la mettre en place, avec des critères qui n'étaient pas tout à fait les miens à l'époque, mais qui étaient, en termes de principes de base, les mêmes. Donc, le ministre Albert Côté de l'époque, on s'en souvient, avait mis en place la Loi sur les forêts, de telle sorte qu'on s'est retrouvés ici, à l'Assemblée nationale, de façon très unanime, et, je me souviens, avec beaucoup de gens ici, dans les estrades, parce qu'il y avait un changement majeur de la façon dont on devait travailler en forêt. Ça, c'est toute la question des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier dans la forêt publique.

Comme porte-parole de l'opposition, j'ai eu l'occasion, sur l'autre volet, d'en arriver à amener un concept de forêt habitée. Tout le monde, à l'époque – et c'étaient des ingénieurs forestiers, je les comprenais – disait: C'est quoi, ça, une forêt habitée? Ça n'existe pas. Ils avaient raison, ça n'existe pas, la forêt habitée. Cependant, à cette époque-là, en 1990, quand j'ai commencé à faire la tournée du Québec... Et à deux occasions, en 1992 et en 1994, j'ai fait le tour du Québec pour proposer une nouvelle avenue sous le concept de la forêt habitée. Cette forêt habitée, quant à moi, concernait l'ensemble des lieux à 50 km environ d'un lieu habité, ce qui permettait de développer une jonction entre la forêt publique, les lots intramunicipaux qui n'ont pas été mis sous contrat d'approvisionnement et ceux qui l'ont été, et, à côté de ça, toute la question de la forêt privée. Et là on essayait de regarder comment il pouvait arriver dans l'espace de temps normal un changement majeur.

Je crois que ces principes, qui se retrouvent maintenant dans le projet qui est le programme du Parti québécois, ne sont pas arrivés à un aboutissement facilement. C'est compréhensible, il y a des choses à changer, il y a des choses à améliorer; il y a des choses qui nous permettent d'aller plus loin, il y a des pas que l'on doit faire. Et c'est dans ce sens-là que nous nous sommes retrouvés avec un programme remodelé qui a fait l'objet, lors de la campagne électorale, de beaucoup de discussions dans les régions.

Moi, j'ai appelé ça un projet nouveau d'une forêt habitée et je proposais la mise en place, à ce moment-là, d'un ministère des ressources renouvelables. Et là j'incluais ce que le député vient de dire en parlant de l'environnement, de l'eau, de l'air, de la forêt elle-même, des méthodes de changement qui permettent à ce moment-là de regarder la forêt comme un lieu permettant à des gens, en s'appropriant la forêt, de l'aménager pour la conserver, mais en même temps de créer de l'emploi au niveau local.

C'est là qu'est arrivé le nouveau ministre, en 1994, le député d'Abitibi-Ouest, qui a eu comme responsabilité d'aller plus loin. Donc, vous voyez, j'ai eu l'occasion, dans ma vie, de présenter deux politiques, mais, malheureusement, de n'être, en aucune façon, la personne qui les mettait en application. Dans le cas premier des forêts publiques, ça a été le ministre Albert Côté. Je l'ai appuyé. Je lui ai donné mes indications. Je disais comment je croyais qu'il faisait erreur, dans certains cas, et qu'il faisait de bons coups, dans d'autres cas, et on a poursuivi le chemin. Dans l'autre cas, comme critique de l'opposition, je fais une tournée du Québec à deux occasions, je présente une politique, elle se retrouve dans le programme du parti puis, quand on arrive au pouvoir, c'est un autre ministre. C'est ça, la vie politique, M. le Président. Ha, ha, ha!

Une voix: Jamais deux sans trois.

M. Jolivet: On ne sait jamais, M. le député. Mais il y a une chose certaine – parce qu'on me dit: «Jamais deux sans trois», mais, là, il va falloir que je sois encore plus longtemps en politique pour ces choses, peut-être – mais il y a une chose qui est importante, c'est qu'il y avait donc un ferment qui permettait d'aller plus loin. Et le ministre, qui est de mon parti, a accepté de continuer dans cette voie-là, d'autant plus qu'il avait chez lui beaucoup de lots intramunicipaux qui n'avaient pas été mis sous contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier et qu'il était possible d'imaginer des choses, chez lui, permettant, dans certains cas, de s'en aller dans d'autres secteurs de la société québécoise. Il y a donc un cheminement qui s'est fait et je dois lui rendre hommage.

Parce que je me souviens du Sommet sur la forêt privée, qui a eu lieu ici, à Québec. Le ministre, à cette époque-là, avait quelques petits problèmes physiques et il y a assisté du début jusqu'à la fin. Les gens l'ont trouvé courageux parce qu'il venait proposer des choses nouvelles, tout en sachant que lui-même était peut-être un peu plus fatigué ces journées-là, mais il a cru normal et essentiel d'être présent et d'accéder à des demandes, tout en sachant qu'il fallait avoir des compromis.

Le Sommet a donc rendu son verdict et le ministre, maintenant, a préparé le projet de loi qui sera discuté en commission parlementaire à partir de l'adoption du principe, dans les jours qui viennent, par le ministre actuel, le député de Joliette. J'en suis très fier parce que... On a parlé d'agences de vente, on a parlé d'agences de mise en valeur, on a parlé de différents scénarios potentiels, mais, pour ce faire, il fallait que les industriels soient de la partie, que les municipalités soient de la partie, que le gouvernement soit de la partie, mais, encore plus précisément, la forêt privée.

Vous savez, quand la forêt publique est la propriété gouvernementale et qu'il en donne la gestion à d'autres personnes par les contrats d'approvisionnement, il en est tout autre chose au niveau de la forêt privée, d'autant plus que, comme le ministre en faisait mention, c'est 120 000 propriétaires de boisés privés qui, d'année en année, mettent, en termes de travail dans la forêt ou de production, une valeur d'à peu près 25 000 à 26 000 propriétaires de boisés privés qui, d'année en année, ne sont pas les mêmes, soit qu'ils font des travaux forestiers, soit qu'ils aménagent leur forêt, soit qu'ils produisent du bois. On en arrive donc, avec 10 % du territoire privé, au Québec, à avoir environ une mise en marché de 20 %. Il faut changer ça, M. le Président. Il faut arriver peut-être à ce que la forêt privée devienne peut-être à 15 % ou 20 %, comme on le proposait, avec une mise en marché d'environ 40 %, ce qui permettrait, à mon avis, d'avoir une meilleure possibilité de discussion et de négociation avec des entreprises forestières de la part des propriétaires de boisés privés.

Ce qui est recherché, donc, aujourd'hui, c'est une partie qui est celle de la mise en valeur du territoire. Cette mise en valeur, donc, par les agences régionales va amener les MRC, les gens qui sont dans le privé, les gens qui sont dans les compagnies privées, mais dans le secteur du territoire public, à en arriver à s'allier ensemble pour le futur. Et ça, ça a eu des changements majeurs, M. le Président, ces objectifs que nous avions pensés, ces actions que nous avons posées et celle qui maintenant fait un pas davantage en avant.

Je suis très heureux d'appuyer un tel projet de loi parce que je sais que depuis les années 1984, à l'époque... Je devrais dire bien avant ça, je devrais parler des années fin soixante-dix, début quatre-vingt, avec le ministre de l'époque, qui était M. Yves Duhaime, le ministre de l'Énergie et des Ressources de l'époque, qui avait eu un sommet sur la forêt privée avec un rapport sur la forêt privée. On a eu, après ça, la discussion du député de Beauce-Nord, M. Jean Audet, qui était arrivé ici avec une série que j'ai appelée le «Catalogue de la forêt privée» et qui, malheureusement, n'était pas une politique de la forêt privée. J'en avais fait mention au ministre responsable. On en avait ri à l'époque, mais, finalement, on s'est bien aperçu qu'on avait un beau catalogue qu'on n'a jamais mis en pratique.

(10 h 50)

Le Parti québécois, par l'intermédiaire des ministres qui se sont succédé et du travail que nous avons fait dans l'opposition, en arrive non pas à un catalogue, mais à des décisions, puis pas seulement des décisions du gouvernement, des décisions de tous ceux qui de près ou de loin sont touchés par ces agences de mise en valeur qui s'en viennent. Qu'elles soient extensionnées à d'autres niveaux, qu'elles soient regardées au niveau régional... Puis, comme le disait le député qui m'a précédé, ça adonne bien, le ministre responsable des régions est lui-même ministre responsable au niveau des ressources naturelles, secteur des forêts dans ce cas-ci, c'est le même personnage. Donc, il comprend très bien qu'en envoyant dans le milieu des responsabilités, en leur donnant les argents convenables pour fonctionner on en arrivera à permettre à des gens de prendre des décisions chez eux, pour eux, en sachant qu'autour d'eux il y a aussi d'autres personnes qui ont besoin de leur bois. Il n'est donc pas question de confiner le bois à la région. Il est question de déterminer de quelle façon l'ensemble des bois pourra voyager et pourra être utilisé au mieux pour le Québec.

Une des choses qui surgissent toujours, c'est la question des taxes au niveau municipal. Vous le savez, quand un individu au niveau du secteur privé présente ses projets – d'ailleurs on prévoit dans le projet de loi de quelle façon ça va se faire – et en arrive à être accepté comme producteur forestier, il a droit à des retours de taxes, comme en agriculture. Et là je m'amuse toujours à dire que – et je le disais à l'époque – il fallait jardiner la forêt québécoise. Les ingénieurs forestiers avaient dit: M. Jolivet, on ne parle pas de ça. Mais écoutez-les, aujourd'hui, ils parlent rien que de ça. Pourquoi? Parce qu'un épi de blé d'Inde, ça prend la saison d'été pour grossir et porter ses fruits, tandis que, quand on regarde une forêt, ça prend, des fois, 60 ans pour avoir un arbre. Il y a une chose qui est certaine, c'est qu'on cultive, mais de façon différente, avec un temps plus long.

Et ça, ça avait des effets chez les gens qui disaient: Nous autres, là, dans le fond, quand on travaille notre forêt, qu'on l'aménage, qu'on lui donne une capacité de produire davantage des bois, on se retrouve dans un contexte où ça prend tellement de temps que, si le retour de taxes qu'on reçoit... Comme, je le disais tout à l'heure, l'agriculteur le reçoit par l'intermédiaire du programme, il se dit: Écoutez, ça a pas de bon sens, plus j'aménage ma forêt, plus je paie des taxes municipales; moins je l'aménage, moins j'en paie.

Alors, on doit inverser ces choses. Il faut inviter les gens de la forêt privée à produire davantage. C'est un lieu proche des municipalités dans le sud du Québec et propice à un accroissement annuel meilleur. Actuellement, on a, dans la forêt privée, un accroissement par hectare d'environ, si je me souviens des chiffres, 3 m³ par hectare, 2 m³ et quelques par hectare, alors que, dans la forêt publique, on avait 1,9 m³ par hectare. Comme on est capables de faire des travaux, de mieux gérer sa forêt dans le sens de couper selon certains besoins et d'éviter les maladies, d'irriguer l'ensemble du territoire, il est possible d'aller jusque, dans certains cas, à 10 m³ par hectare.

Si on allait à ces possibilités forestières futures par l'intermédiaire des agences de mise en valeur, comme citoyen du Québec ayant participé comme ministre à une politique pour la forêt publique et comme membre de l'opposition maintenant au gouvernement capable de les mettre en pratique au niveau de la forêt privée, je pense que j'aurai fait, comme on le dit souvent, mon devoir de citoyen. Je l'aurai fait parce que j'y crois, parce que je sais que le gouvernement dans lequel je suis et qui est représenté par le ministre responsable est passé de la parole aux actes. Il accomplit une décision que nous avions proposée à la population pendant la campagne électorale. Je le sais, parce que c'est moi qui ai eu à travailler avec des gens le programme électoral, et nous l'avions mis dans la plateforme électorale. Donc, les gens savaient où nous allions. Nous avons un gouvernement qui, par l'intermédiaire de... Ses deux ministres successifs ont continué dans cette veine-là en sachant qu'il y avait des embûches, mais en sachant aussi qu'il y avait de grandes possibilités.

Alors, M. le Président, quand je regarde ça, là je me dis: C'est aux gens du milieu de prendre la responsabilité. Je vais donner ma région... Je donne toujours en exemple des choses que l'on connaît. Je donnais, tout à l'heure, la région de l'Abitibi-Ouest et de l'Abitibi, région Témiscamingue, tout ce secteur-là. À cause des forêts intramunicipales non données à des contrats d'approvisionnement, ils ont été capables de faire des choses que, malheureusement, on ne peut pas faire chez nous; parce que, chez nous, on s'en souvient, c'est les grandes compagnies forestières qui avaient, en vertu des concessions forestières de l'époque, le territoire. Quand on a révoqué toutes ces choses en 1986, 1987, au moment de la mise en place de la nouvelle loi, selon les indications du livre blanc que j'avais déposé, on s'est retrouvé avec de nouvelles décisions.

Mais il reste quand même qu'il y a, il y avait, puis il y aura probablement toujours de grandes entreprises forestières qui veulent avoir certaines garanties bancaires par l'intermédiaire du bois devenu disponible. Mais, une fois que je dis ça, il n'y a rien qui les empêche de faire ce qui est en train de se faire chez nous: les entreprises ont compris qu'en s'alliant avec les MRC, en s'alliant avec les gens du privé, elles pouvaient davantage améliorer leur revenu, d'abord, mais, en même temps, l'ensemble de la forêt elle-même en termes de capacité de production, tout en préservant la faune, la flore et tout ce qui s'ensuit comme attraits récréotouristiques du milieu forestier.

Alors, M. le Président, je dois vous dire que, quand je regarde ça, je dis: Chez nous, c'est en train de se faire. Ce n'est pas facile, ça prend du temps. La municipalité régionale de chez moi, qui s'appelle la municipalité régionale de Mékinac, dans son contrat de relance, parce qu'elle est considérée comme étant une MRC désignée dans les programmes des dernières années, a mis de l'argent dans la forêt habitée. La Corporation de développement est en train de travailler avec eux, en jonction avec la MRC, ce dossier-là. Les industriels, que ce soit Crête, que ce soit Kruger, que ce soit Consol ou d'autres, embarquent dans cette possibilité-là et vont permettre, j'en suis assuré, avec l'adoption du projet de loi qui est devant nous, à notre région de se sortir facilement de ce milieu qui était toujours la propriété quasiment exclusive des grandes entreprises forestières.

Alors, M. le Président, c'est une fierté, ayant eu à travailler dans ces dossiers-là dans les années passées, ayant maintenant une autre responsabilité en cette Chambre, de voir que mes collègues, au Conseil des ministres, qui ont eu ce dossier entre les mains, ont continué. C'est un pas qui, à mon avis, doit être suivi d'autres allant dans l'esprit de notre programme. On sait bien qu'on ne peut pas l'appliquer du jour au lendemain, mais ces pas-là qu'on fait nous amènent à l'objectif qu'on a visé, c'est-à-dire d'aller vers une forêt qui sera sous le principe du développement durable, en sachant qu'il n'y a pas juste du bois à aller chercher. Je peux faire une coupe forestière, tout en préservant le lieu pour les animaux, pour les fruits sauvages, pour les activités récréotouristiques, mais en sachant que ça peut coûter un petit peu plus cher, en autant que les gens sont bien conscients des gestes qu'ils ont à poser.

Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je ne pourrai faire autre chose que d'appuyer mon collègue qui dépose le projet de loi et qui demande qu'il soit amélioré, si nécessaire, lors de la commission parlementaire, mais en étant assuré que le gouvernement du Québec, tenant parole, passe aux actes, appuyé par le Sommet sur la forêt privée, incluant donc, à ce moment-là, les forestiers, les grandes associations qui s'appellent l'industrie forestière du Québec, les gens du secteur privé par le biais du Syndicat des producteurs de bois et autres, par les municipalités régionales de comté et par le gouvernement. Je pense que nous sommes dans la bonne voie, dans la bonne direction. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laviolette et whip en chef du gouvernement. J'accorde maintenant la parole au député d'Abitibi-Ouest.


M. François Gendron

M. Gendron: Alors, M. le Président, je vous remercie. Je tenais, effectivement, à exprimer quelques mots sur ce projet de loi déposé par mon collègue, le nouveau titulaire du ministère des Ressources et responsable de la suite des choses concernant le développement de l'industrie forestière.

(11 heures)

Je le fais également par intérêt, d'abord. C'est ce qui est le plus important, parce que ces questions-là m'ont toujours intéressé, et j'avais eu l'occasion de le faire, lors d'un discours, ici, à cette Assemblée, suite au discours inaugural du premier ministre du Québec. Plusieurs intervenants souhaitaient que je demeure à proximité des dossiers forestiers, compte tenu, d'abord, de la région que je représente, compte tenu de l'intérêt que j'avais développé à ce niveau-là et compte tenu que j'ai eu dans mes fonctions ministérielles, effectivement, et selon certains – et c'est pour ça que ça a probablement plus de valeur – à jouer un certain rôle important lors de la tenue du Sommet.

Dans juste une lettre ou deux, dans certaines lettres que je recevais suite aux événements qui me sont arrivés, un certain nombre d'intervenants disaient: C'est avec regret que nous apprenons que vous ne serez plus au ministère des Ressources naturelles, mais, compte tenu du rôle crucial que vous avez joué dans le déroulement du Sommet sur la forêt privée ainsi que dans les orientations liées au développement forestier, nous espérons et nous souhaitons au plus profondément... d'eux-mêmes – parce que c'étaient eux qui m'écrivaient ça – que je continue à avoir des points de vue et à les exprimer comme parlementaire, et c'est ce que je fais.

Essentiellement, M. le Président, le ministre a indiqué très clairement qu'il s'agissait de donner une assise légale ou juridique aux suites du Sommet sur la forêt privée où plusieurs intervenants, que ce soit ceux des boisés privés, que ce soit le monde municipal, que ce soit les grandes industries forestières ou papetières, de même que le gouvernement du Québec... Le Sommet aura permis de dégager un certain nombre de consensus et d'orientations pour que, dorénavant – et c'est peut-être ça qui est le plus important, la phrase que je vais dire... Tout le monde a constaté que l'apport de la forêt privée dans la pression qu'elle donne à la forêt publique était de plus en plus importante, et que, si on voulait réduire la pression sur la forêt publique, il fallait avoir une forêt privée en meilleure santé. Il fallait avoir une forêt privée mieux aménagée, qui génère plus de bénéfices, mais pas uniquement pour ce qu'on appelle les utilisateurs traditionnels.

Moi, ce qui m'importe, dans ce dossier-là, c'est de sortir un peu des sentiers battus traditionnels, non pas que ce qu'on a fait dans le passé est à réprouver, mais parce que, fondamentalement, il faut que, dans une forêt privée mieux aménagée, nous ayons davantage le souci du développement durable, dans un premier temps, et que nous ayons également la capacité de conclure que, dans le futur, pour l'ensemble des régions du Québec, la forêt privée génère plus d'activités économiques, plus de développement régional et local et plus de préoccupations, que, pour un gouvernement, un ministre, quel qu'il soit, dorénavant, le comportement, que nous soyons en forêt privée ou en forêt publique, soit de même nature.

Parce que, de plus en plus, à l'étranger – puisque le Québec va continuer, quel que soit son statut politique, à faire des affaires importantes en termes d'exportation avec l'étranger – il est toujours important que nous puissions répondre de nos modes de tenue. Comment on se comporte quand on cueille la forêt publique ou la forêt privée, pour la traiter, l'aménager, la transformer? Et là vous avez toute la notion de plus en plus importante qui s'appelle la certification environnementale. Vous avez toute la notion du développement durable, de la protection des habitats fauniques, de la régénérescence, toute la question également d'avoir des normes d'intervention en forêt qui protègent, qui nous donnent cette sécurité pour le futur, que nous ne sommes pas uniquement des exploitants d'une ressource, sans porter le jugement d'avoir ce qu'on appelle des méthodes d'exploitation qui sauvegardent le futur, ce qu'on appelle la pérennité de cette ressource forestière.

(11 h 10)

Et, lors du Sommet, je me rappelle, il y avait trois, quatre grandes préoccupations. Je voudrais en faire un peu le tour. Vous aviez traditionnellement les producteurs de bois sur boisés privés qui disaient que, de plus en plus, à cause des normes, à cause d'une série de facteurs, il y aurait lieu d'élargir la préoccupation d'un aménagement en forêt privée qui est plus sain, qui est plus respectueux de toutes les valeurs que je viens d'évoquer. Et ça, ça doit se faire en mettant dans le coup plus d'intervenants que traditionnellement.

Parce que, ne nous comptons pas de peurs, M. le Président, traditionnellement jusqu'à presque aujourd'hui, chaque fois qu'il y avait du développement en boisé privé ou en forêt privée, c'étaient les producteurs comme tels, le syndicat des producteurs de bois, qui, par toutes sortes de mécanismes, de formations, essayaient d'en faire un peu plus, puis le gouvernement et c'est tout. Il n'y avait pas cette préoccupation des intervenants du monde municipal, concrètement, dans des politiques et, également, dans ce que j'appelle des mises de fonds. Parce qu'on ne peut pas faire juste des discours, M. le Président. Parfois, il faut livrer nos convictions, il faut poser des gestes qui traduisent nos convictions. Moi, j'appelle ça... Souvent, la foi sans les oeuvres, on ne peut pas croire à ça.

Alors, le Sommet sur la forêt privée, c'était d'abord pour faire un consensus puis, après le consensus, c'était pour, concrètement, avoir une politique mieux assise sur la régionalisation, les intervenants, les plans d'aménagement et les agences de mise en valeur. Ça, c'est les résultats concrets. Mais, pour les mettre en vigueur, les agences de mise en valeur, et pour s'assurer que ces agences-là puissent concrétiser des plans de mise en valeur des boisés privés qui vont donner de meilleurs résultats, avec une forêt plus saine, mieux aménagée, plus axée sur le développement durable, il fallait que les intervenants conviennent qu'il n'appartient pas uniquement à l'État québécois de pourvoir, en soutien financier, au développement de cette ressource. Et je ne dis pas que ça a été anormal, mais pour des raisons que vous savez. On n'est plus dans cette société où l'État-providence a la capacité de toujours soutenir beaucoup, passionnément, à la folie toutes les belles initiatives. L'État n'est pas en mesure d'accorder un soutien si marqué. Mais ça ne veut pas dire que l'objectif n'est pas le même. Faire du développement de la forêt privée et penser que personne ne va mettre la main dans sa poche et qu'on ne sortira pas nos billes ou notre fric, on a un problème.

Alors, le Sommet a convenu que le secteur de la grande industrie, compte tenu que, traditionnellement, elle s'est surtout approvisionnée en forêts publiques, mais, compte tenu que, entre guillemets, on l'a saignée graduellement, la forêt publique, je veux dire, on l'a atteinte drôlement, la forêt publique... Il y a eu également toute la question des incendies forestiers, de la maladie, des chablis, des vents, qui font qu'à un moment donné les mètres cubes en forêts publiques sont de moins en moins disponibles, même si on fait des efforts comme c'est pas possible pour avoir un comportement moins bouffeur, entre guillemets, et un comportement plus respectueux, de s'assurer de ce qu'on appelle du remplacement.

C'est Jean-Pierre Jolivet, mon collègue de Laviolette, qui, en 1985-1986, comme ministre délégué aux Forêts, avait travaillé là-dessus, et ça a été également la continuité du gouvernement libéral, d'avoir une loi forestière basée sur les rendements continus. Mais on l'a pressurisée, la forêt publique, et, aujourd'hui, il faut que l'apport de la forêt privée soit plus grand, mais à tous les niveaux du développement durable. Parfois, la forêt privée jouera un rôle de conservation du couvert forestier, parfois ce sera un rôle d'observation – parce que ça existe aussi, des beaux paysages forestiers – parfois ce sera de l'habitat faunique, mais parfois ce sera aussi de la récolte normale en boisés privés chez des producteurs qui veulent maximiser l'apport de cette ressource dans le bon usage de la transformation forestière, mais pour qu'elle génère plus d'activités. Et, souvent, il s'agit juste de l'aménager mieux, de faire un peu plus de sylviculture, de faire parfois de l'irrigation des sols, parce que, à des endroits, sur des boisés privés, où la forêt est noyée, ce n'est pas très régénérateur de billes importantes ou significatives sur le plan des volumes.

Et, dans ce sens-là, lors du Sommet sur la forêt privée, c'est toutes ces questions-là qu'on a discutées. On a discuté le cadre d'intervention. On a discuté une capacité plus grande de responsabiliser les régions du Québec. Et je ne veux pas reprendre chacun des éléments, je les connais par coeur, mais c'est évident que, dans le projet de loi et dans le discours que mon collègue a livré tantôt, c'est tous ces éléments-là sur lesquels il faut donner une assise. Il faut permettre qu'il y ait une base sur laquelle on peut s'appuyer pour que l'objectif soit mieux atteint.

C'est à ça que je voulais vous sensibiliser, M. le Président et collègues de la Chambre. L'objectif fondamental n'est pas compliqué: c'est d'avoir une forêt privée plus saine, avoir une forêt privée qui génère plus d'activités économiques et qui ait plus de retombées locales et régionales. Pour faire ça, comment on fait? On met les intervenants les plus proches de cette réalité forestière dans le coup. Ça s'appelle les agences régionales. À l'intérieur des agences régionales, on va dire à chacune des parties: Vous allez mettre votre part. Ça sera la part de l'industrie, ça sera la part du gouvernement, ça sera la part du monde municipal et des producteurs de boisés privés.

Autre objectif, M. le Président: on sécurise le développement futur. Parce que, traditionnellement, il y a toujours eu à peu près une somme, en gros, là, qui tournait alentour de 60 000 000 $ des états gouvernementaux – fédéral, provincial – et du milieu. Puis, graduellement, on se rend compte que les gouvernements ne peuvent pas subvenir de la même façon et avec le même quantum pour supporter les initiatives en forêt privée. Bien, quand on ne peut plus le faire puis qu'on est convaincu que le besoin demeure, il faut prendre des décisions pour s'assurer que le besoin soit satisfait, c'est-à-dire le besoin d'aménagement de la forêt privée.

Le Sommet a permis de trouver une formule qui va offrir cette garantie d'avoir les sommes financières, mais pas toujours de la même source. Ça vient du gouvernement: il y a de l'aménagement puis il y a du progrès en forêt privée; le gouvernement est cassé, il n'a pas de fric: on arrête de développer la forêt privée. On ne peut pas fonctionner comme ça avec une ressource aussi vitale, aussi nécessaire, aussi essentielle, aussi liée au vécu de chacun et chacune des Québécois et des Québécoises.

Alors, dans ce sens-là, je pense que les intervenants ont fait leur travail. Le résultat a été très probant et le nouveau titulaire du ministère indiquait, dans le bulletin d'information des partenaires du Sommet sur la forêt privée, en mars 1996, qu'il avait l'intention de poursuivre la voie qui avait été tracée, la voie qui avait permis de dégager un consensus. Ah! il y a eu quelques pépins, c'est normal, et je sais que ce n'est pas aujourd'hui qu'on peut dire que tous les obstacles sont levés puis qu'il n'y aura aucun problème à nulle part. Mais, s'il fallait, dans la vie, M. le Président, arrêter de fonctionner parce qu'il y a quelques obstacles... En tout cas, ça n'a pas été ma façon de faire, ça n'a pas l'air d'être celle du titulaire d'aujourd'hui et ce n'est sûrement pas celle du gouvernement auquel j'appartiens. On va regarder les quelques difficultés que ça pose.

J'entendais le critique de l'opposition officielle, disant qu'il aura quelques questions à poser en commission parlementaire. J'espère qu'il a quelques questions pour approfondir, mais, le sillon, il est bien tracé, l'objectif est très précis, et, dans le bulletin, on indiquait qu'à coup sûr le Sommet a été un succès. Mais, si on ne veut pas entacher le succès du Sommet, il faut absolument que la loi que nous discutons aujourd'hui permette très concrètement de donner suite au consensus du Sommet, de donner suite aux objectifs du Sommet et, plus important, de s'assurer que, les retombées qu'on veut que la forêt privée donne au milieu puis aux régions du Québec, ça soit mesurable, observable, et surtout enligné sur des objectifs de développement durable et de certification environnementale, parce que l'avenir est dans ce secteur-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre des Ressources naturelles, vous avez droit à un droit de réplique, est-ce que vous l'utilisez?


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Oui, merci, M. le Président, je serai très bref. D'abord, je voudrais remercier effectivement le député d'Abitibi-Ouest pour le travail amorcé, puis presque terminé au moment où je suis arrivé, parce que je n'ai qu'à faire les assises juridiques des consensus de ce Sommet sur la forêt privée.

Je voudrais plutôt répondre au député de Montmagny-L'Islet, M. le Président, quelques minutes, parce que le député de Montmagny-L'Islet a dit: C'est un chambardement, c'est un bouleversement. Chambardement, bouleversement? Ça fait à peu près 15 ans qu'on en parle, de la forêt privée, puis on ne se décidait jamais. Je pense qu'il faut sortir des sentiers battus. Mais ce n'est pas un chambardement disgracieux ou un bouleversement énorme, ça se fait en partenariat. C'est le fruit d'un consensus, là, qu'on vient concrétiser dans une législation. Les partenaires, ce n'est pas de façon...

Il a dit: Oui, mais les municipalités, par réglementation? Elles seront assises à la table avec leurs partenaires. C'est en harmonie qu'elles vont faire leur réglementation. Ils ont dit: Le schéma d'aménagement? Pour une fois que la municipalité régionale de comté va être là pour bâtir son schéma d'aménagement avec ses partenaires, on veut les mettre en valeur. On a parlé d'impact de la forêt privée sur toute notre industrie et de l'importance que ça avait dans le domaine du développement des régions, M. le Président; c'est en harmonie que ça va se faire ça aussi. Donc, la réglementation, les schémas d'aménagement. Il a essayé de dire: Mais, oui, mais, écoutez, là, il y a des lots intramunicipaux dans ça. Bien oui, mais les lots intramunicipaux, ce n'est pas de la forêt privée, c'est de la forêt publique, puis la forêt publique, on sait que c'est l'État, par son ministère, qui en est responsable et qui... D'ailleurs, mon prédécesseur, là-dessus, encore, a créé des projets-pilotes pour qu'on sache véritablement comment gérer ces lots intramunicipaux. À partir d'expériences-pilotes, on va sûrement arriver avec une politique de la forêt habitée. S'il n'y a pas de...

Qu'est-ce qu'il y a de dramatique? Le drame, d'après ce que j'ai pu comprendre, c'est qu'on sortait des sentiers battus, puis qu'on prenait le taureau par les cornes, puis qu'on accouchait de quelque chose qui fait l'objet d'un consensus. C'est tout. Ce n'est pas plus malin que ça. Et un État, une Assemblée nationale, M. le Président... Si, à chaque fois, l'Assemblée nationale du Québec avait à légiférer sur des consensus comme c'est le cas, ce serait fantastique. Parce qu'il y «a-tu» de quoi de plus plaisant que de se lever puis de dire: M. le Président, c'est le ministre qui parle, mais il ne parle pas en son nom, il voudrait ratifier ce que les partenaires ont décidé ensemble.

C'est ça qu'on fait ce matin. On ne niaise pas les gens, les 2 000 personnes qu'on a consultées sur la forêt privée dans 33 rencontres. Au contraire, on tient compte de ce qu'elles nous ont dit dans les rencontres de consultation et de concertation. On rend compte de ce qui s'est dit et de ce qui s'est dégagé comme consensus. Et on dit ce matin: L'Assemblée nationale, les élus du peuple québécois, des deux côtés de la Chambre, vous avez à ratifier ce consensus, à lui donner une assise légale, juridique, pour faire en sorte, M. le Président, que la forêt privée, que tous reconnaissent comme un des éléments moteurs du développement économique durable des régions, eh bien, dorénavant, va se faire de façon encore plus harmonieuse, en partenariat non seulement avec le ministère des Ressources naturelles, mais va se faire en partenariat avec l'industrie forestière et avec le monde municipal, qui ont à gérer, qui sont responsables de l'aménagement du territoire puis des règlements nécessaires pour un développement harmonieux. C'est tout ce qu'on fait. Et je peux vous dire une chose: En tant que ministre et député, depuis des années, dans ce Parlement-là, j'aimerais beaucoup mieux, pour chacun des points sur lesquels on a à légiférer, qu'on le fasse avec un consensus aussi large que celui qui s'est développé dans la forêt privée.

Donc, M. le Président, je suis convaincu que les membres de l'Assemblée nationale vont faire en sorte qu'on aura ce projet de loi le plus rapidement possible, qu'on aura un fonds forestier, qu'on pourra, localement, impliquer les gens. Puis, quand on implique les gens localement, M. le Président, on les responsabilise, on provoque une plus grande participation des citoyens en général, des partenaires en particulier. Et je suis persuadé que ça s'arrime très, très bien. Et, ça, c'est un des voeux unanimes, de faire en sorte que le développement durable que l'on recherche, M. le Président, ça concrétise le discours de ce gouvernement, qui parle de régionalisation, qui parle de rapprochement des centres de décisions des citoyens, qui parle de responsabilisation, qui parle d'équité interrégionale. Vous retrouvez dans ce projet de loi là, qui est un amendement à la Loi sur les forêts, véritablement le fruit d'un consensus qui profitera à l'ensemble de la collectivité québécoise. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Ressources naturelles.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 4, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Lefebvre: Sur division, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

(11 h 20)

M. Brassard: Je vous demanderais d'appeler l'article 4 du feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 5


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts propose l'adoption du principe du projet de loi n° 5, Loi modifiant la Loi concernant les droits sur les mines. Mme la ministre.


Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Oui, M. le Président, ce projet de loi vient effectivement modifier la Loi modifiant la Loi concernant les droits sur les mines afin de donner suite au discours du budget du 9 mai 1995. Certaines mesures annoncées ont pour objectif de favoriser le développement de l'industrie minérale en créant un climat propice au financement pour le développement des petites et moyennes entreprises d'exploration. D'autres ont pour objectif de prendre en considération les coûts relativement élevés inhérents à la mise en production d'un site minier dans les régions nordiques. Enfin, d'autre mesures proposent des précisions à la définition d'«exploitation minière» et apportent des améliorations techniques au texte de la loi actuelle. Plus précisément, M. le Président, ces nouvelles mesures comprennent un nouveau crédit de droits remboursable pour le financement de la mise en production d'un gisement, l'introduction d'une allocation additionnelle pour une mine nordique, des clarifications au concept de l'exploitation minière visé par l'application de la présente loi et l'harmonisation du texte actuel avec le nouveau vocable découlant de la réforme du Code civil.

Pour ce qui est des nouveaux crédits de droits remboursables pour le financement de la mise en production d'un gisement, lors de la découverte d'un gisement potentiellement exploitable, l'entreprise d'exploration minière peut éprouver souvent de la difficulté à réunir les fonds nécessaires pour passer au stade de l'aménagement minier et de la mise en production. Ce nouveau crédit, en vigueur pour une période maximale de cinq ans, a donc pour but d'aider ces entreprises d'exploration à franchir le stade de l'aménagement minier en incitant les institutions financières québécoises à prendre part au financement du coût de réalisation d'un tel projet de développement. Ainsi, l'entreprise d'exploration ayant des actifs inférieurs à 50 000 000 $ pourra convenir d'un placement admissible avec un partenaire financier désigné. Sur approbation préalable du projet par la ministre, un crédit de droits pour le financement de la mise en production du gisement pourra être octroyé. L'entreprise pourra alors se voir allouer un crédit remboursable maximum de 3 000 000 $ pour son projet, c'est-à-dire 12 % du coût des biens amortissables qui font partie du projet de mise en valeur de l'aménagement minier. Ce crédit permettra d'accroître les sources de financement tout en favorisant une meilleure relation de partenariat entre les institutions financières et les PME minières du Québec.

Actuellement, le taux d'imposition d'un exploitant minier est de 12 % de son profit annuel. Afin de tenir compte des coûts relativement élevés inhérents à la mise en production d'un site minier dans les régions nordiques, le projet de loi introduit l'allocation additionnelle pour une mine nordique. Cette nouvelle allocation équivaut à un congé de droits miniers pour l'exploitation d'une nouvelle mine située au nord du 55e degré de latitude nord. Ce congé de droits miniers sera accordé à l'égard des droits autrement payables au cours des 10 premières années d'exploitation d'une mine nordique jusqu'à concurrence de 20 % des montants investis pour des biens amortissables servant au traitement du minerai provenant d'une mine nordique. C'est une mesure qui devrait favoriser le développement du vaste potentiel minéral situé au nord du Québec. On sait que le potentiel est important de ce côté, M. le Président, et le gouvernement veut mettre vraiment tous les moyens nécessaires ou, en tout cas, le plus possible, pour que ce territoire soit aussi développé.

Au printemps 1994, le régime des droits miniers a été l'objet d'une réforme importante. De nouvelles mesures avaient entre autres pour objet de faire en sorte que le régime minier cesse d'être déficitaire tout en demeurant éminemment favorable au développement de l'industrie minérale du Québec. À l'application de plusieurs définitions clés introduites ou modifiées lors de cette réforme, il a été constaté que certaines d'entre elles pouvaient prêter à interprétation. En effet, la définition d'«exploitation minière» pouvait laisser croire que certaines étapes de traitement du minerai visées par le régime antérieur, tels le bouletage du minerai de fer et la production de billettes d'acier, n'étaient plus incluses dans cette définition. Or, il n'était pas de l'intention du législateur, au moment de la réforme, de faire de pareilles exclusions à la loi. Afin de clarifier la situation, le projet de loi vient donc redéfinir ces activités de traitement.

Le projet de loi propose également, comme je vous le mentionnais, les modifications nécessaires afin que le vocable utilisé dans la Loi concernant les droits sur les mines soit harmonisé avec celui du nouveau Code civil. Cette mesure permet donc d'uniformiser les textes de la législation québécoise.

Voilà, M. le Président, l'essentiel des nouvelles mesures prévues par ce projet de loi. Elles s'inscrivent d'ailleurs en conformité avec les discours sur le budget prononcés au mois de mai 1994 et, bien sûr, en 1995, le 9 mai. Ce sont des nouvelles mesures qui viennent, je pense, traduire la volonté du gouvernement à l'effet d'appuyer et de contribuer au développement durable d'une industrie minérale concurrentielle au Québec.

M. le Président, l'industrie minérale, on ne le dit malheureusement pas suffisamment, c'est quand même un secteur fort important au niveau de l'économie. C'est une ressource importante qui génère près de 18 000 emplois directs, uniquement en emplois directs, qui génère aussi des investissements majeurs de la part de plusieurs entreprises. Alors, voyez-vous, M. le Président, même si on est en contexte économique difficile, malgré le fait que nous devions rationaliser, bien sûr – au niveau des dépenses, il y a un effort qui a été demandé à l'ensemble des ministères, à l'ensemble des secteurs; le ministère des Ressources naturelles a aussi, effectivement, fait des efforts de rationalisation – malgré tous ces efforts et malgré le contexte actuel, je pense qu'au niveau du gouvernement on démontre présentement qu'il y a un effort supplémentaire qui est mis du côté du secteur minier.

Je vais vous donner quand même quelques exemples, pour ce qui est de cette année, de ce qui s'en vient, uniquement par rapport au budget récent. En matière d'exploration minière, ça veut dire que le ministère des Ressources naturelles va injecter... Même si on a rationalisé cette année, on va consacrer un peu plus de 14 000 000 $ à l'exploration, ce qui est, en fait, près de 12 % de plus que l'an dernier, M. le Président. Dans le contexte actuel, je pense que c'est déjà un geste qui démontre clairement l'importance qu'on accorde à l'exploration. Je vois mon critique de l'opposition officielle qui me fait signe que non; en tout cas, je pourrai écouter attentivement son allocution, M. le Président. On a eu l'occasion de discuter assez sérieusement de tous ces dossiers lors de l'étude des crédits, mais il n'en reste pas moins que les chiffres sont là et les chiffres disent ce qu'ils disent, et, cette année, au niveau de l'exploration, on a quand même une augmentation de près de 12 % de consacrée uniquement à ce domaine-là.

On tient aussi à maintenir le niveau antérieur d'assistance financière à la prospection et à l'exploration. À cet égard, la contribution financière significative de plusieurs partenaires au fonds minier régional permet d'entrevoir la mise en oeuvre d'activités concertées et importantes en termes de résultats. M. le Président, je tiens à le mentionner, au ministère des Ressources naturelles, on mise beaucoup sur le partenariat avec les industries. On parlait de l'industrie forestière, ce matin. On pourrait parler de l'industrie minière aussi, quand on regarde ce qui va se passer, par exemple, par rapport au Centre de recherches minérales. On sait qu'on continue, comme ministère, d'apporter appui, cette année aussi, au Centre de recherches minérales, qui vient d'être transformé tout récemment en unité autonome de services, et ce, dans le but d'assurer un meilleur service à l'industrie minière. Avec le Centre de recherches minérales, le ministère veut notamment aider les entreprises à développer et à optimiser les procédés d'exploitation et de traitement des substances minérales.

Le ministère va aussi consacrer quelque 11 000 000 $, M. le Président, en assistance financière dans le cadre de programmes d'aide à l'industrie. Ces programmes visent notamment à accélérer la réalisation de projets miniers, à prolonger la durée de vie des mines par la mise au jour de réserves et à soutenir des travaux de recherche sur des nouveaux procédés ou des nouvelles technologies. Bref, je n'ai pas l'intention, quand même, M. le Président, de vous refaire, si on veut, l'étalement de l'ensemble des mesures, mais je voudrais quand même qu'on puisse comprendre que, dans la volonté du gouvernement comme celle qui a été manifestée par les budgets alloués au ministère des Ressources naturelles, il y a vraiment une importance qui est accordée au secteur minier, et parce qu'on connaît vraiment, justement, l'impact des retombées de ce secteur.

Alors, M. le Président, pour ce qui est de ce projet de loi, c'est un peu le même genre de mesures. En fait, c'est des montants supplémentaires: on parle de 4 500 000 $ uniquement pour le Moyen Nord, parce qu'on sait qu'il y a là du potentiel important. Donc, il faut inciter l'exploration et aider aussi au moment de l'exploitation – ça vient difficile, ces mots-là, des fois, quand on les prononce bout à bout, voyez-vous – mais il reste que, au Québec, c'est connu, il n'y a pas d'exploitation minérale possible si on n'a pas d'exploration.

Alors, pour ces raisons, je pense que ce n'est pas un projet de loi qui est litigieux, je pense que tout le monde va être d'accord avec ce projet de loi, c'est un suivi du budget de 1995. C'est un projet de loi qui permet de bonifier les mesures et qui vient améliorer la situation dans le secteur minier. Donc, M. le Président, je suis convaincue que l'opposition officielle devrait nous appuyer. Je demande donc à l'Assemblée nationale d'adopter le principe de ce projet de loi et de le référer en commission parlementaire pour étude détaillée. Je vous remercie, M. le Président.

(11 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts. J'accorde maintenant la parole au député de Frontenac, leader adjoint et critique officiel de l'opposition en matière de mines. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, tout comme Mme la ministre, je pourrais intervenir pour une période de 60 minutes sur ce projet de loi n° 5, mais je n'ai pas l'intention d'imposer à mes collègues ni non plus à ceux et celles qui nous écoutent une intervention de 60 minutes sur un projet de loi de cette nature, d'autant plus, et je le dis tout de suite à Mme la ministre, que, à cette étape-ci, au niveau de l'adoption du principe, l'opposition va appuyer le gouvernement. Mais le projet est sur la table, il faut quand même en parler quelques minutes et discuter, expliquer pour quelles raisons l'opposition officielle va appuyer le gouvernement dans cette démarche. Ça a été mentionné par Mme la ministre, c'est un projet de loi technique, dans un premier temps, qui vient appuyer, donner suite au budget de l'ex-ministre des Finances du Québec, M. Campeau, budget de mai 1995.

Il y a différentes modifications. C'est un projet de loi relativement court, une vingtaine d'articles techniques, à caractère fiscal. Ce projet de loi introduit le crédit de droits pour le financement de la mise en production d'un gisement. Ça, M. le Président, ce serait une récupération au niveau des propriétaires exploitants de gisement, ce serait nouveau et c'est évident que c'est alléchant pour le monde des producteurs miniers. On souscrit évidemment assez rapidement à cette première mesure suggérée par le projet de loi.

On sait que la Loi sur l'impôt favorise déjà l'exploitation. Les nouvelles dispositions qu'on introduit par le projet de loi n° 5 faciliteront, au niveau financier, l'étape qui suit l'exploration, c'est-à-dire, évidemment – on a tous compris – que si l'exploration a été positive, bien, M. le Président, il y aura une mise en production. C'est ce que propose le gouvernement, et, là-dessus, l'opposition est d'accord.

Mme la ministre a également, tout à l'heure, indiqué qu'il y aura des nouvelles catégories de mines visées par les dispositions antérieures et nouvelles, de même caractère. Nouvelles, introduites par ce projet de loi n° 5: les mines nordiques. C'est-à-dire celles qui sont situées au nord du 55e degré de latitude nord. Alors, c'est des allocations additionnelles parce que ça va couvrir du territoire additionnel, M. le Président.

On précise – puis, ça, c'est heureux que ce soit fait – qu'on va définir d'une façon plus serrée ce que veulent dire les mots «exploitation minière». Et on ajoute également des étapes, M. le Président – puis ça apparaît dans le projet de loi – on ajoute les étapes suivantes: le transport, la manutention, l'entreposage, la commercialisation d'une substance minérale provenant, évidemment, du sol québécois. Alors, ce sont toutes des étapes qui seront maintenant couvertes par ces nouvelles dispositions introduites par le projet de loi que Mme la ministre porte à notre attention ce matin, M. le Président.

On veut ajuster également puis s'harmoniser avec le Code civil du Québec. Ce sont toutes des dispositions – pour certaines, pas toutes – très techniques, et c'est pour ça qu'à partir du moment où on est d'accord sur le principe, à partir du moment où les intervenants que sont l'Association des prospecteurs, l'Association minière du Québec, à partir du moment où ces gens-là se disent en accord, même si ce n'est pas tout ce qu'ils auraient espéré, à partir du moment où ils sont d'accord avec l'intention du gouvernement, bien, c'est évident que l'opposition officielle – pas nécessairement à cause de ça, mais entre autres à cause de ça – va concourir à l'adoption du projet de loi.

On aura évidemment, M. le Président, à questionner Mme la ministre en commission parlementaire: des questions précises sur des points précis. Et, à moins de changement de cap, il ne devrait pas non plus, au niveau de la commission parlementaire où on étudiera le projet de loi dans le détail, article par article, je ne pense pas qu'il y ait de bataille épique à cette étape-là non plus, M. le Président.

Je vais terminer en rappelant à Mme la ministre que j'imagine qu'on va traîner notre désaccord jusqu'à la fin de la présente année financière. Le gouvernement supporte moins que dans le passé, concrètement, l'industrie minière. J'en veux pour preuve, dans le cahier des crédits, à la page 118, le mot à mot qui est sous la signature de Mme la ministre, de son ministre des Finances, du président du Conseil du trésor, de toute l'équipe ministérielle, M. le Président, lorsqu'on dit que les crédits affectés à cet élément de programme, c'est-à-dire Ressources humaines et financières, diminueront de 6 100 000 $ principalement en raison d'une diminution de l'enveloppe des mesures pour le soutien économique et la création d'emplois du gouvernement du Québec, qui passe de 14 000 000 $ à 9 300 000 $. Alors, c'est 4 700 000 $ de moins. Je veux bien, moi, écouter Mme la ministre qui tente de me convaincre depuis quelques semaines que je lis mal, mais je l'ai sous les yeux. J'essaie de l'interpréter de toutes les façons possibles pour donner raison à Mme la ministre: je ne suis pas capable, c'est écrit.

Ce n'est pas nécessairement le drame total, parce que l'industrie minière, au moment où on se parle, va assez bien. C'est peut-être justement parce que le gouvernement s'en mêle moins, M. le Président. On a fait des erreurs dans le passé, particulièrement chez nous, puis le gouvernement d'en face, au cours des années quatre-vingt, est venu mettre les pieds dans l'industrie de l'amiante, puis on a bouleversé ce secteur de l'activité minière qui était extraordinairement performant, parce que le gouvernement a voulu se mêler de ce qui ne le regardait pas. Au Québec, dans l'industrie minière comme dans plein de secteurs d'activité, c'est le privé, M. le Président, qui fait tourner l'économie du Québec. C'était le cas chez nous. Je l'ai dit et répété à je ne sais pas combien de reprises: En 1980, il y avait 4 000 travailleurs de l'amiante. Il en reste malheureusement plus ou moins 1 400, dont 400, là, pas trop, trop stables. Ça allait très bien jusqu'à ce que le gouvernement de Jacques Parizeau mette les pieds dans le dossier.

Alors, on lit aujourd'hui que le secteur minier – là, on est en avril 1996, ça va assez bien... On est le 1er mai, aujourd'hui, M. le Président. C'est peut-être parce que le gouvernement ne se met pas le nez là-dedans, puis c'est heureux. Laissons-les travailler, laissons-les opérer. Tout ce qu'ils nous demandent, ces gens-là, c'est de ne pas les achaler, M. le Président.

Alors, pour le reste, je termine là-dessus, je me répète, Mme la ministre et son gouvernement peuvent compter sur l'opposition, et j'indique tout de suite que, quand vous mettrez la motion au vote dans quelques minutes, M. le Président, on sera d'accord pour voter oui, pour appuyer Mme la ministre et son gouvernement sur ce projet de loi là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac, leader adjoint de l'opposition et critique officiel en matière de mines. J'accorderais maintenant la parole au député de Bonaventure et président de la commission des institutions. M. le député.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Merci, M. le Président. Alors, je veux saluer la présentation par la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts et députée des Chutes-de-la-Chaudière, la présentation du projet de loi modifiant la Loi concernant les droits sur les mines.

(11 h 40)

M. le Président, rappelons brièvement les mesures introduites par ce projet de loi, en fait des mesures d'ordre technique: l'introduction du crédit de droits pour le financement de la mise en production d'un gisement; deuxièmement, l'introduction de l'allocation additionnelle pour une mine nordique, en fait les mines situées au-delà du 55e degré de latitude nord; des précisions à apporter à la définition d'«exploitation minière» – pour enlever, en quelque sorte, l'impression d'exclusion de certaines opérations, alors on vient préciser ici, dans ce projet de loi, la définition d'«exploitation minière»; enfin, l'harmonisation du texte de loi avec celui du Code civil du Québec. Je n'élaborerai pas plus longuement sur ces points, M. le Président, chacune de ces mesures, selon moi, comme Mme la ministre l'a mentionné, sont d'ordre technique, et elle les a fort bien présentées, par ailleurs.

L'objet de mon propos, M. le Président, porte essentiellement sur l'importance économique pour le Québec, et particulièrement le Québec des régions, du développement du secteur minier. On a souligné l'excellente année 1995 que le Québec a connue dans le secteur minier, puisqu'on parle d'une croissance de 4 % au cours de cette année. La valeur de la production, en 1995, est de l'ordre de 3 100 000 000 $. Ça a généré plus de 17 600 emplois directs et, pour les gens qui avoisinent des exploitations minières, on sait le nombre d'emplois induits au niveau commercial, au niveau du développement des services, on connaît même certaines villes dites de compagnies, où, en fait, toute l'activité économique repose essentiellement sur la mise en valeur d'une ressource. Eh bien, tous les emplois de services, les emplois de sous-traitance, les emplois communautaires qui découlent de la vie de l'extraction minière, dans le fond, ça permet à des communautés de bien vivre.

Au cours de la dernière année, aussi, je pense qu'il vaut la peine d'insister sur l'importance de l'exportation. Et je citerai, M. le Président, des extraits d'un excellent article portant sur les ressources naturelles, sous la plume de M. Claude Turcotte, dans les éditions des 23 et 24 mars dernier, dans Le Devoir . Or, M. Turcotte nous rappelle que l'industrie de l'aluminium arrive aisément au second rang dans la liste des plus importants exportateurs québécois, avec des livraisons qui dépassent 4 000 000 000 $, dont 90 % à l'exportation.

L'aluminium et les alliages sont les produits dont la croissance des exportations a été la plus forte en 1994 et 1995. Alcan, avec plusieurs usines au Québec qui fournissent plus de 8 200 emplois, occupe une large place dans cette industrie. En fait, les mines, comme le souligne M. Turcotte, qui, dans le passé, ont joué un très grand rôle de développement économique du Québec, demeurent extrêmement importantes, avec des expéditions qui étaient en hausse de 4 %. En fait, les chiffres de 3 100 000 000 $ de production, 60 % de ces 3 100 000 000 $ sont à l'exportation.

On souligne aussi, M. le Président, une masse salariale de 889 500 000 $ au cours de 1995. Alors, il y a là de quoi de fondamental pour l'économie de nos régions.

Ce qui est intéressant, M. le Président, aussi, c'est de voir les projets qui ont été annoncés au cours des derniers mois. Certains sont réalisés, d'autres en voie de réalisation. Pensons à Raglan, qui est notre première mine de nickel au Québec: un investissement de 500 000 000 $. Pensons à Québec-Fer et Titane: un investissement de 350 000 000 $ à Tracy. Pensons au projet Magnola, pour la mise en valeur des résidus de l'amiante et l'extraction du magnésium, un projet de 500 000 000 $ à Asbestos. Pensons aussi à la réouverture prochaine de Lab Chrysotile, dans la région du député de Frontenac. Pensons aussi à la mise en exploitation du gisement à Lauricourt, un projet de 300 000 000 $. Pensons à Cambior, à Lebel-sur-Quévillon, un autre projet de 100 000 000 $. Alors, ce sont quelques milliards d'investissement. Alors, forcément, ça a un impact très positif sur le développement de certaines régions.

Une autre dimension aussi, M. le Président, qu'il m'apparaît important de rappeler ici, c'est la richesse et la diversité de nos ressources minérales au Québec. On parle, au Québec, qu'il existe actuellement 47 000 exploitants de minéraux métalliques et non métalliques. Pensons à nos cinq fonderies et raffineries; aux 176 compagnies d'exploration; pensons aux 499 carrières, sablières et exploitations diverses. Alors, c'est un fondement pour le développement économique de nos régions. Ce secteur-là, M. le Président, le secteur minier, ça va des Îles-de-la-Madeleine au Grand Nord, ça va des frontières jusqu'aux confins de la Côte-Nord. La mise en valeur de ces ressources-là génère forcément beaucoup d'emplois, et on parle d'emplois en général bien rémunérés, des emplois diversifiés, un apport technologique majeur et un développement technologique. D'ailleurs, on vient d'annoncer récemment un investissement de 35 000 000 $, à Pointe-Claire, sur le développement des nouvelles technologies du magnésium. Alors, il y a là des choses, je pense, qui illustrent qu'on ne se trompe pas en misant sur la mise en valeur de notre sous-sol.

D'autre part, quand je regarde la diversité de ces ressources-là, M. le Président, on a longtemps cherché de l'or, et, heureusement, on en a au Québec, mais il y a toute une foule de minerais qu'on peut mettre en valeur. Je pense à nos calcaires, par exemple, en Gaspésie, et je tiens à souligner le vent d'enthousiasme que le projet Cimbec, à Port-Daniel, en Gaspésie, soulève. Certes, M. le Président, on entend parfois quelques échos discordants, à l'extérieur, sur l'avènement d'un nouveau projet, mais c'est un projet essentiellement centré sur l'exportation et c'est un projet qui va permettre à une partie de mon comté de sortir d'une morosité économique qui dure depuis trop longtemps. C'est une projet d'une centaine d'emplois, on parle de 300 000 000 $ d'investissement. Je peux vous dire, M. le Président, qu'il y a fort longtemps qu'on a entendu parler ou qu'on a même rêvé d'avoir de tels investissements dans une région comme la mienne, aux prises avec un très haut taux de chômage, des gens qui ont été sortis, en quelque sorte, par des crises au niveau des ressources naturelles, soit de la forêt ou de la mise en valeur des pêches. Alors, évidemment, lorsqu'on présente un projet de loi d'ordre technique qui va aider l'expansion du secteur minier, j'y souscris avec enthousiasme, M. le Président.

En même temps, je regarde d'autres régions, en fait, on en a un peu partout au Québec. Je pense aux tourbières du Bas-Saint-Laurent, je pense aux minerais de la Côte-Nord, je pense à tout ce qu'il y a en Abitibi-Témiscamingue, dans le Centre du Québec, dans la Mauricie, en fait un peu partout. Pensons aussi aux emplois de transformation et de surtransformation générés dans nos villes. Alors, il y a là un axe majeur de développement du Québec, et je suis heureux que notre gouvernement s'attarde à faciliter la mise en valeur, la mise en exploitation, fournisse aux partenaires économiques de meilleures facilités d'investissement au Québec.

(11 h 50)

M. le Président, j'aime parler aussi de ce secteur-là parce qu'il y a de vieux liens familiaux, là-dedans. Mon grand-père a participé à la mise en exploitation de la mine Gaspé, à Murdochville, et je me rappelle, à ma prime enfance, mon père qui revenait, le soir, de la carrière à chaux où il travaillait comme affûteur pour les foreuses à pierre à chaux – il est forgeron de métier – et, dans le fond, c'était notre premier contact avec ce secteur important et un secteur vital. Même si ça a disparu pendant une certaine période, je regarde, en région, des projets de mise en valeur de nouveaux sites de matériaux industriels, comme la pierre à chaux, le granit, dans le coin chez nous. Alors, ça ouvre de nouvelles perspectives, de nouvelles perspectives aussi à des jeunes qui veulent gagner leur vie en région.

Alors, M. le Président, en terminant, je puis vous assurer de l'appui à ce projet de loi présenté par Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bonaventure et président de la commission des institutions. J'accorde maintenant la parole au député d'Abitibi-Ouest.


M. François Gendron

M. Gendron: Merci, M. le Président. Lorsque les parlementaires ont à apprécier une législation, le premier critère qu'on doit regarder, c'est si la législation est requise, nécessaire, opportune et si elle permettra d'apporter un meilleur soutien à l'industrie qu'elle veut supporter.

Alors, dans le projet de loi que nous avons à discuter, j'ai entendu des collègues, y compris ma collègue ministre déléguée aux Mines qui l'a présenté... Effectivement, il y a des aspects à caractère technique, mais qui sont requis parce qu'ils s'inscrivent d'abord dans la suite logique d'une série de discussions auxquelles j'ai eu l'occasion de participer avec les gens de l'industrie comme ancien titulaire du ministère et également parce qu'il est profondément ancré dans la suite logique des deux derniers discours du budget. Que ça soit celui de nos amis d'en face pour 1994 ou le dernier discours du budget de 1995, dans les deux cas, les deux pièces maîtresses d'un gouvernement, quel qu'il soit, à l'intérieur du discours du budget, indiquaient que ça prendrait des mesures législatives habilitantes pour s'assurer que les bénéfices prévus au discours du budget puissent s'appliquer parfois aux compagnies minières, parfois à ceux qui font de l'exploration, parfois à des tiers qui ont l'obligation d'intervenir dans le développement du secteur minier.

Alors, je disais que, premièrement, c'est une législation à caractère technique, je n'en disconviens pas, mais qui est nécessaire, qui est requise pour, un, introduire un crédit de droits pour le financement de la mise en production d'un gisement. J'étais un peu étonné – mais ce n'est pas la première fois que ces gens-là nous étonnent – d'entendre les remarques de mon ami, par ailleurs, le député de Frontenac, disant: Écoutez, les gens du secteur des mines, tout ce qu'ils veulent, c'est que vous leur sacriez la paix. Arrêtez donc de les achaler, puis ainsi de suite. Alors, ou bien il n'a pas eu le projet de loi, ou bien à pied levé on lui a demandé de parler sur quelque chose qu'il ignore. Parce qu'à coup sûr, dans le présent cas, c'est l'industrie qui, à plusieurs reprises, a sollicité de la part de quelque gouvernement que ce soit de permettre d'introduire, comme mesure fiscale à l'intérieur de nos législations, un crédit de droits pour des tiers qui financent ce que j'appelle la mise en production d'un gisement. Parce qu'il faut savoir de quoi on parle.

Exploiter une mine, ça a l'air bien beau quand on est dans le secteur diamantaire, dans l'or, le cuivre, le zinc, mais, règle générale, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup et encore beaucoup d'investissements avant de tirer quelques cennes de l'investissement majeur que tu dois développer ou déposer, si vous permettez l'expression, avant de commencer à tirer des bénéfices de ton investissement. Alors, c'est pour ça qu'on appelle ça un crédit de droits, pour que des tiers puissent contribuer à la grosse mise en commun – c'est une expression, encore là – qu'on doit faire pour s'assurer que cette ressource vitale pour l'économie québécoise, un jour, dans son raffinage, dans le traitement du produit fini, que, là, il y a assez de bénéfice pour couvrir l'immense mise de fonds qui est requise au démarrage. Et sachez que, règle générale, entre une mine que je pense, aujourd'hui, avoir découverte et sa mise en exploitation, il y a en moyenne un délai de sept ans. Donc, dans certains cas, c'est plus long; dans d'autres cas, c'est un petit peu moins long. Ça signifie qu'il y a beaucoup de mise de fonds qui est requise pour assurer ce que j'appelle la poursuite de l'exploitation suite à la découverte d'un gisement minier.

Donc, moi, je ne vais pas plus loin sur le premier point. Il faut vraiment être mal informé pour penser que, autant les gens de l'industrie minière – ça, c'est les compagnies minières – autant les géologues, les prospecteurs, toute l'industrie minière dans toutes ses composantes souhaitait avoir un projet de loi pour offrir cette sécurité d'accompagnement lorsque des tiers veulent soutenir le développement et la mise en exploitation de gisements miniers. Et, ça, ça s'appelle le crédit de droits pour le financement de la mise en production d'un gisement. Premier élément.

Deuxièmement, le projet de loi introduit une allocation plus forte que ce qui était permis dans le passé quand des gens diront: Bon, bien, on va faire un effort additionnel pour aller dans des conditions plus difficiles, des conditions moins accessibles. Ça s'appelle le milieu nordique. Ce n'est pas évident d'aller développer des mines, par exemple, dans des secteurs très difficiles d'accès d'abord pour les matériaux, d'accès pour la ressource humaine quant à l'exploitation et toutes les composantes ou les conditions d'exploitation, que ce soit le logement, que ce soit la nourriture, le gîte, le couvert ou les matériaux qu'on doit faire monter dans des endroits difficiles.

Et là je pourrais donner une série d'exemples, parce que j'ai eu l'occasion de visiter quelques gisements en milieux très éloignés. C'est évident que le propriétaire d'un gisement minier qui décide d'aller faire l'exploitation à Voisey Bay, par exemple, ou dans la baie d'Ungava ou dans la baie d'Hudson, il n'est pas dans les mêmes conditions que s'il était – même si certains pensent que c'est loin – à Schefferville, Fermont, l'Abitibi, Val-d'Or, Rouyn-Noranda, Cadillac, le nord de l'Ontario, et ainsi de suite – parce qu'on a des exploitations limitrophes avec le nord de l'Ontario. Il y a des conditions qui sont plus faciles parce qu'on reste dans des bassins de population quand même assez significatifs. Mais, dès qu'on s'en va dans le Grand Nord et qu'on veut rendre plus avantageuses les conditions d'exploitation de plusieurs découvertes qui demeurent, pendant de longues années, inexploitées... Parce que c'est le cas, M. le Président, il y a plusieurs gisements miniers que je connais, certains depuis 30 ans, et qui ne sont pas mis en exploitation. Dans certains cas, les conditions économiques d'exploitation sont trop dispendieuses parce qu'il y a trop de mort terrain à enlever, qu'on appelle, avant d'arriver au corps principal. Et c'est le corps principal qui, essentiellement, est minéralisé et rapporte énormément.

Mais il y a toutes sortes, entre temps, de techniques qui se raffinent, qui se perfectionnent, la technologie minière est très avancée. On le doit au génie et à la pensée créatrice de nos industries minières, que ce soit les travailleurs de mines, les gérants de mines ou les prospecteurs. Et, au fil des ans, on a développé des technologies qui permettent de réduire, d'une part, les coûts d'exploitation et plus rapidement, par des exploitations plus raffinées, plus fines, d'aller chercher la valeur exploitable du minerai, qu'il soit de cuivre, de zinc ou d'or.

Ce que la ministre prévoit dans son projet de loi... Et ça a été discuté largement avec l'industrie minière, ils disaient: Est-ce que ça serait possible que le gouvernement soit plus sensible à la réalité d'un coût excédentaire, d'un coût plus important, plus significatif pour nous lorsque vous nous demandez de faire, parfois, de l'exploration? Et il y a un certain nombre d'explorations qui se concluent par de l'exploitation; c'est juste une différence dans le temps. Mais faire de l'exploration ou de l'exploitation dans des conditions, comme je vous le disais tantôt, plus difficiles d'accès, comme d'autres choses, c'est comme un peu exercer la justice dans le Moyen Nord ou dans le Grand Nord. Est-ce qu'un État normal dit: On ne l'exercera pas parce que ça coûte plus cher, et vous n'avez pas droit à aucune condition de justice parce que vous habitez les villages de la côte de la baie d'Hudson ou de la baie d'Ungava? Bien, non, on ne se comporte pas comme ça. C'est la même chose pour le développement du territoire et des ressources de son sous-sol. Ce n'est pas parce que c'est plus éloigné qu'on dit: On n'aura pas des moyens pour faciliter cette exploitation du Grand Nord, y compris dans sa composante développement des ressources naturelles dites minières et de la ressource minérale. C'est l'élément 2 du projet de loi.

(12 heures)

Et je pense que... Je ne me souviens pas, moi, en tout cas, dans toutes les discussions que j'ai eues – et j'en ai eu pas mal – de Dan Tolgyesi, qui est le directeur général de l'Association des mines, qui disait: M. Gendron, mêlez-vous de vos affaires, et on ne veut pas vous voir là-dedans. Je ne me souviens pas de ça. Je me souviens bien plus de discours inverses, qui disaient: Y «a-tu» moyen de soutenir, par des politiques budgétaires ou d'accompagnement, des mesures qui permettraient de faciliter l'industrie minière et d'être capable de la vendre à l'étranger en disant: Venez au Québec, vous allez voir qu'on a un gouvernement qui est responsable, qui est sensible à la réalité du support et de l'accompagnement du développement d'une ressource vitale qui a des retombées économiques significatives pour bien des régions, pour le fonds consolidé et autres. Alors, c'est ce que nous avons fait. Et je ne me souviens pas – et je conclus là-dessus pour cet aspect-là – d'avoir entendu des reproches.

Un autre aspect qui est important, c'est que, oui, il est tout à fait requis – et ça fait partie de l'évolution normale d'une loi qui s'applique non pas dans les nuages ou les limbes, mais qui s'applique concrètement, avec des intervenants sur le territoire – de s'assurer que la terminologie utilisée correspond bien à ce qu'on veut faire. Or, on avait, là-dessus... Là-dessus, le député de Frontenac aurait pu, s'il était plus au fait de ces dossiers-là, nous dire, effectivement, effectivement: Il y avait un certain nombre de précisions qui nous étaient demandées quant à l'usage de la terminologie, eu égard, entre autres, à ce qu'on appelle la définition de l'exploitation minière. Parce que, si on donne un certain nombre d'avantages fiscaux et de bénéfices à des tiers, des compagnies minières, des prospecteurs ou tout intervenant, il faut s'assurer que, lorsque quelqu'un dit: Je veux bénéficier d'un crédit quelconque suite à une implication de ma part dans un dossier d'exploitation minière, et là il y a une confusion des genres et il y a une difficulté d'interprétation sur si on peut lui accorder le privilège fiscal prévu dans le discours du budget... Il faut éviter ça. Alors, ce que la ministre fait par ce projet de loi là, ce que le gouvernement du Québec fait, c'est que, dorénavant, on précise, on resserre, on donne la couverture exacte de ce qu'on entend par la notion d'exploitation minière. Et je n'ai pas l'intention de vous lire ça. Ça, c'est technique.

L'autre aspect que je voudrais également souligner dans ce dossier-là, c'est... Je me rappelle, moi, combien, suite au crash boursier, parce qu'il y a, bien sûr, beaucoup de spéculateurs – et c'est légitime, quand on va à la Bourse, pour certains, c'est pour faire de la spéculation, mais en même temps soutenir du développement économique dans un secteur donné – ceux qui avaient pris des actions à la Bourse pour ce qu'on appelait les juniors ou les traditionnels, les seniors, il y a un certain nombre de gens qui ont permis qu'un certain nombre d'activités économiques aient lieu, sans très grand profit pour elles ou eux. Bien, ça, c'est notre contribution au développement régional ou au développement local.

Mais, au-delà de ça, il y a une chose qui était certaine, par exemple, et qui était souhaitée, revendiquée et soutenue partout. Les prospecteurs disaient: Si on ne garantit pas un niveau d'exploration qui génère, bon an, mal an, des sommes autour de 140 000 000 $ à 150 000 000 $ par année, nous mettons en danger la survie de l'activité minière ou de l'industrie minière. Parce que tout le monde sait ça, ceux qui ont une connaissance minimale de ces données-là, il n'y en aura pas, de mines, si on ne fait pas d'exploration. Et l'exploration, c'est dispendieux. C'est dispendieux, se promener sur le territoire. Peu importent les méthodes utilisées, que ce soient des épandages avec des matériaux sophistiqués, ou le tapis, ou le petit prospecteur traditionnel qui fait du jalonnement sur carte ou à pied, en «stakant» – c'est le jargon du métier – ses quatre poteaux et en disant: Je pense que j'ai trouvé quelque chose là, indépendamment des méthodes, à coup sûr, il faut faire de l'exploration si un jour on veut exploiter des mines. Or, quand est arrivé le gouvernement du Parti québécois, nous avons été celui qui a instauré ce qu'on appelle les actions accréditives pour soutenir le développement de l'industrie minérale.

Je ne veux pas faire l'historique. Je veux juste rappeler à nos amis d'en face qu'ils ont été les premiers à donner le signal qu'il fallait baisser le soutien aux actions accréditives. Le grand frère fédéral, qu'eux autres ont toujours défendu, a suivi et, rapidement, il a décidé presque d'éliminer toute participation au développement de l'exploration minière. C'est devenu tellement sérieux que – là, je vais parler 30 secondes comme ex-ministre des Ressources; on appelait ça ma vis-à-vis fédérale – Mme Ann Mc Lellan – qui, je crois, l'est encore – m'apprenait l'an dernier, dans une lettre officielle: Nous, c'est fini, là. On vient de découvrir que les mines, étant des ressources, sont de juridiction des provinces. Elle me faisait accroire qu'elle découvrait ça alors que ça n'avait rien à voir, je veux dire, ça fait des années qu'ils savent ça. Puis, ils intervenaient pour soutenir l'activité minière. Étant cassés un peu comme nous autres, ils ont décidé de ne plus soutenir d'aucune façon le développement de l'industrie minérale. Ça suppose, M. le Président, que la pression a été plus forte sous notre gouvernement pour ne pas abandonner complètement tout soutien à l'exploration par le biais des actions accréditives.

Et, pas plus tard que la semaine dernière, à titre de député d'Abitibi-Ouest, je recevais un excellent document, une étude de quelques chercheurs de l'Université du Québec qui, encore une fois, font à peu près la même preuve. Mais, dans la vie, parfois, il faut que tu fasses 14 fois la même preuve pour garder, chez ceux qui ont plus de misère à comprendre, un dossier actif et t'assurer qu'ils ne perdent pas le fil. Alors, le fil de cette étude-là, ça démontre encore une fois qu'à chaque fois que le gouvernement du Québec met de l'argent dans le développement des accréditives, ça lui rapporte plus que l'argent qu'il met et ça permet d'offrir un plus grand nombre d'activités sur le territoire des régions dites minières.

Et le député de Frontenac disait: C'est ce même gouvernement-là qui, à un moment donné, a décidé d'intervenir dans le développement minier et qui a créé certains problèmes. C'est facile d'être gérant d'estrade après les événements. C'est toujours facile de gérer les situations après que les événements ont eu lieu. Et, oui, aujourd'hui, on est en mesure de conclure que l'expérience, dans le dossier de l'amiante, ça n'a pas été l'expérience la plus heureuse, mais je ne suis pas sûr que, si on n'avait pas été dans le club des mines, avec une participation gouvernementale, on aurait eu cette bonne lecture du secteur minier. Ça a permis, quelques années plus tard, d'amener ce dont je suis en train de vous parler, d'amener les actions accréditives comme support actif pour s'assurer qu'il y ait un développement plus fort.

Moi, je pourrais citer un certain nombre de lettres de directeurs ou de dirigeants de mines qui me disent carrément... Et j'en nomme une simplement: Rouyn Ressources. Elle ne s'appelle plus de même aujourd'hui, elle s'appelle Richmond. Mais M. Rivard, de Rouyn Ressources, s'il ne m'a pas dit 15 fois: Moi, j'existe parce qu'il y a eu les actions accréditives... Je n'exploiterais pas Rouyn Ressources – qui s'appelle Richmond aujourd'hui – qui crée des centaines d'emplois, qui a contribué au développement économique de Rouyn-Noranda d'une façon significative, s'il n'y avait pas eu le support aux actions accréditives et le plan quinquennal que notre gouvernement avait mis en place en 1979, si ma mémoire est bonne, un programme quinquennal de cinq ans, de quelque 50 000 000 $, en Abitibi-Témiscamingue, pour mieux soutenir le développement de l'industrie minérale.

Parce que – je conclus là-dessus pour cet aspect-là – s'il n'y a pas un niveau d'argent d'investi, année après année, de quelque chose comme 140 000 000 $ à 150 000 000 $ par année dans l'exploration, on met en danger l'avenir de l'industrie minérale, l'avenir de l'industrie minière.

Et ça doit être bon, ce qu'on a fait, parce que, l'an dernier... Et on annonce la même chose pour 1996, mais ça sera basé sur des initiatives de 1995. À la fin de 1995, quand on va parler à l'industrie minière, on va fermer l'année avec à peu près 1 400 000 000 $ d'investissements du secteur privé. Des Raglan et des projets Grevet, des projets comme Raglan, Grevet, Aur Ressources, ainsi de suite, dans bien des cas, c'est inexact de prétendre que... S'il n'y avait pas eu le coup de pouce et le soutien, parfois pour un chemin d'accès qui est très dispendieux – le gouvernement a mis un petit peu de soutien – et s'il n'y avait pas eu les ententes fédérales-provinciales également, où le gouvernement du Québec a été présent dans des ententes de développement minéral, il y a certains dirigeants de mines qui me disaient: Bien, on aurait reporté, on n'aurait pas exploité, on n'aurait pas devancé notre calendrier d'exploitation.

Selbaie, au nord de La Sarre. Je veux dire, le gisement B est dû essentiellement au programme d'accélération des investissements privés qu'on avait soutenu, comme gouvernement, il y a quelques années, en leur disant: Bien, écoute, si tu dépenses 150 000 000 $, moi, j'en mets 25 000 000 $ dans la cagnotte. Et ce n'est pas gênant de le dire, parce que c'est des gens qui connaissent les affaires. Ils savaient bien que le 25 000 000 $ que je mettais au nom du gouvernement, rapidement, je le recouvrais. Parce que, si une entreprise faisait un investissement de 150 000 000 $ et qu'au lieu de le faire en l'an 2012 elle le faisait aux années où on en avait besoin pour relancer l'activité économique, le gouvernement y trouvait son compte rapidement. Et c'est ça, le support à l'industrie minérale.

Alors, moi, je pense que le projet de loi, ce n'est pas le projet de loi du siècle, mais il est nécessaire, il est requis pour supporter l'industrie minérale et permettre que cette industrie continue à progresser, à se développer, et, moi, je suis fier.

(12 h 10)

J'entendais les prospecteurs miniers, suite au discours du budget du député de Crémazie qui, à un moment donné, avait reçu comme éloge, entre guillemets, du secteur minier: On est capable de dire, à l'étranger, que le gouvernement qui supporte le mieux son industrie minière, c'est le gouvernement du Québec... Et l'Association des prospecteurs du Québec disait ce que je viens de vous dire, et elle le disait surtout à l'étranger, ce qui fait que je connais encore beaucoup de mes amis de Val-d'Or, de Rouyn-Noranda qui sont capables d'oeuvrer à l'extérieur, que ce soit au Brésil, au Mexique ou ailleurs, et qui sont fiers de parler du cheminement, de l'évolution et du développement de l'industrie minérale ou minière du Québec, qui est progressiste, qui est moderne, qui est adaptée à la réalité et qui sert un peu de modèle à l'étranger, et qui, en même temps, peuvent ajouter: Chez nous, au Québec, on peut compter sur l'appui de notre gouvernement. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. J'accorde maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe et membre du Bureau de l'Assemblée nationale. M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Ça me fait vraiment plaisir d'adresser la parole, dans le contexte dans lequel nous sommes, où nous avons la chance d'entendre pour une des premières fois notre nouvelle ministre des Mines, des Terres et des Ressources naturelles, donc ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts, Mme Denise Carrier-Perreault, que je veux féliciter très chaleureusement et que je veux assurer de ma plus entière solidarité dans l'accomplissement de ses tâches, qui sont lourdes de conséquences.

Mais, avant de continuer plus loin, je voudrais aussi souligner les discours qui ont été prononcés ce matin par mon bon ami M. le député de d'Abitibi-Ouest, autant sur la forêt que sur les mines. J'ai écouté avec beaucoup d'attention et, une fois de plus, j'ai constaté à quel point M. le député d'Abitibi-Ouest est une autorité en la matière.

Une voix: Ah, oui!

M. Dion: Il connaît ce métier-là, il connaît ce milieu-là, il connaît ces richesses-là, et, quand il en parle, il en parle avec beaucoup de données, beaucoup de compétence. C'est très enrichissant pour nous qui ne sommes pas – malheureusement, on ne peut pas être de partout – résidents de ce milieu-là. Mais c'est une région qui nous tient à coeur.

Peut-être que vous vous demandez, M. le Président, en quoi le député de Saint-Hyacinthe a intérêt à intervenir dans les mines, parce qu'à Saint-Hyacinthe elles sont plutôt rares, je l'avoue, M. le Président. Cependant, j'ai un intérêt, j'ai même deux intérêts très spécifiques à intervenir sur ce dossier: le premier est d'ordre tout à fait personnel et le deuxième est d'ordre plus collectif.

Sur un plan personnel, eh bien, quand on parle des mines, il y a une espèce de nostalgie qui remonte à la surface. Parce que j'ai eu la chance, M. le Président, quand j'étais étudiant, de décrocher un emploi d'étudiant à la mine Sigma, à Val-d'Or. Pendant tout un été, j'ai eu la chance de descendre dans le puits, et, heureusement, j'en suis chaque fois remonté.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: C'est toute une impression, M. le Président, quand vous montez dans cette espèce d'immense ascenseur qui loge toute une famille. C'est très grand. Et là ça se met à descendre, cette chose-là. Les premières fois, vraiment, vous avez des frissons dans le dos. Quand vous descendez à 200, à 600, à 1 000 pieds, à 1 500 pieds sous terre, c'est vraiment spécial, les oreilles vous bourdonnent, c'est quelque chose de spécial.

J'ai fait là une expérience absolument extraordinaire, M. le Président, et, aujourd'hui encore, je suis heureux d'avoir eu cette chance de connaître ce milieu d'exploitation. Bien sûr, ça a beaucoup évolué depuis ce temps-là, mais je voudrais seulement vous rappeler quelques événements que j'ai vécus à cette occasion-là et qui sont particulièrement intéressants.

Je me souviens d'une des premières fois que je suis descendu dans le trou de la mine. On prenait d'immenses corridors avec des traverses à gauche et à droite. Quelqu'un qui ne s'y connaît pas, il se perd dans ce labyrinthe-là et il n'en ressort jamais. Alors, évidemment, j'étais avec un de mes amis, un autre étudiant qui était à sa troisième année, qui pouvait me servir de guide. Et, ce matin-là, il fallait aller transporter de la pierre; de la pierre qui avait été concassée par la dynamite et qu'il fallait transporter de l'endroit où se faisait l'exploitation jusqu'aux chutes. Je vous parlerai tout à l'heure de la chute. Je vois M. le député d'Abitibi-Est, là-bas, qui fait signe que, oui, il connaît bien ce qu'est cette situation-là. Je suis certain qu'il est souvent descendu dans le trou de la mine et qu'il connaît très bien comment ça fonctionne.

Alors, moi, tout plein d'ardeur et tout plein de jeunesse et d'enthousiasme et peut-être même de bravoure, j'avançais innocent du danger qui me guettait. Parce que c'est dangereux, M. le Président, faire du travail dans une mine. À un moment donné, je pense que j'avais le pas plus alerte que mon collègue. Je sens une main dans mon dos, et il me retient. Il avait détecté, lui, qu'il y avait une roche, juste en haut du tunnel, qui était instable. Alors, avec son piolet, son marteau spécial que les mineurs ont, il est allé cogner autour pour voir le son, le bruit, d'abord, et ensuite la flexibilité de cette pierre-là pour voir si elle tomberait. Après avoir fait toute son expérience, il m'a rassuré et on a pu continuer le chemin.

Mais, rendus à la chute... Parce que voyez-vous comment ça fonctionne, M. le Président? Il y a de grands corridors généralement qui vont longer des filons ou qui traversent d'un filon à l'autre pour aller décrocher des filons un peu plus loin. Parce que, quand on tombe dans une mine, quand on est dans une mine, évidemment, tout le monde sait que ce n'est pas du minerai mur à mur, selon l'expression qui est maintenant consacrée. Il y a des endroits où il y a du minerai et il y a des endroits où la roche ne présente pas d'intérêt particulier. Donc, la mine a été aménagée de façon que, à différents endroits, vis-à-vis des filons, on aménage des chutes qui peuvent faire cinq, six, sept, huit, 10 étages de haut et qui permettent d'envoyer le minerai dans la chute et qui passe d'un endroit à l'autre et qui peut se rendre jusqu'au dépôt, en bas, où le minerai est concassé une première fois pour être ensuite remonté à la surface.

Mais ce qui arrive souvent, malgré l'expertise exceptionnelle des mineurs, qui savent comment faire éclater la roche... Ça, c'est une tout autre histoire. On n'imagine pas à quel point c'est un travail de spécialiste. La façon de creuser les trous dans la roche, M. le Président, ça semble insignifiant. On fait des trous, on met de la dynamite et on s'en va. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Il faut savoir faire en sorte de creuser ces trous de façon concentrique et disposer la charge de dynamite de façon à ce qu'elle éclate pour que la roche sorte du trou. Donc, on fait éclater en premier les trous du milieu et ensuite les trous de l'extérieur, pour que tout ça sorte. Mais souvent il arrive, M. le Président, que la pierre ainsi concassée par la décharge de dynamite soit de volume un peu exagéré. Et, quand tout cela est transporté et tombe dans la chute, bien, il arrive souvent que les chutes bloquent, M. le Président. Les roches un peu trop grosses bloquent, et là tout s'arrête là.

Alors, ce matin-là, notre travail, c'était d'aller débloquer une chute, un travail très dangereux à l'époque. On me dit que ça a beaucoup évolué, mais, à l'époque, c'était très dangereux. Il fallait, avec des barres de fer, essayer de faire décoller les roches pour qu'elles tombent, mais qu'elles tombent à côté de nous autant que possible, hein, parce que c'était très dangereux. Ou, d'autres fois, il fallait disposer sur les plus grosses pierres une charge de dynamite enrobée de glaise. Vous allez me demander: Pourquoi on enrobe la charge de dynamite de glaise? Parce qu'en enrobant ainsi la charge de dynamite de glaise d'abord on la colle à la pierre. Comment faire autrement pour que la charge de dynamite colle à la pierre? Ça prend donc comme une pâte, et la glaise a ceci de particulier, c'est qu'elle est très compacte. C'est comme un mastic, quoi, ça colle à la pierre et ça permet, quand on fait la décharge, de faire casser la pierre et non pas casser quelqu'un qui est de l'autre côté, hein.

Alors, il fallait donc disposer correctement la charge de dynamite, et, ensuite, allumer la mèche et se sauver au bout du corridor, dans un angle du corridor, pour faire sauter cette pierre-là. Quand on était chanceux, bien, c'était la pierre qui sautait et non pas les supports de bois qui devaient servir de supports à la chute.

C'est un travail formidable, M. le Président. J'ai appris des choses extraordinaires sur la pierre, par exemple. Parfois, la pierre, évidemment, il fallait la conduire en petit train électrique, avec des petits wagons, comme tout le monde l'a vu dans les films, jusqu'au dépôt central où, là, on déchargeait nos wagons sur des espèces de treillis formés de grosses poutres de bois, je dirais, de 10 po de largeur par 12 ou 15 po de hauteur, donc des grosses poutres de bois, et on envoyait les pierres là-dessus. Les pierres qui étaient assez petites pour être absorbées par le concasseur en bas passaient entre les deux et les autres restaient là. À l'époque, il fallait casser ces pierres-là à la masse.

(12 h 20)

Évidemment, ce n'est pas l'époque d'Astérix et les Romains, hein, où on attachait les gens avec des chaînes pour leur faire casser de la pierre. Mais, quand même, c'était un travail difficile, avec des masses assez lourdes, et il fallait frapper sur ces roches-là pour les casser pour qu'elles passent entre les solives. Mais, M. le Président, je vous avoue que, la première fois que j'ai frappé sur la pierre, j'ai frappé longtemps sur la même avant qu'elle casse...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: ...parce que, quand on ne sait pas, on frappe n'importe où et la pierre ne casse pas, alors jusqu'à ce qu'un de mes bons amis, après m'avoir laissé faire un peu, pour que j'y goûte un petit peu, commence à me montrer comment on cassait des pierres. Il faut savoir. Une pierre et une autre pierre, ce n'est pas la même chose. Chaque pierre a sa personnalité, je dirais, a sa configuration, a ses faiblesses. Il faut savoir les détecter à la vue et donner le coup de masse à la bonne place. Ce qui fait qu'après quelques instructions et des exemples bien démontrés, j'ai pu apprendre à casser de la pierre, M. le Président. Et un bon coup de masse donné à la bonne place, c'est très efficace.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Et ça m'a appris, M. le Président, que, dans la vie, il ne suffit pas de tirer en l'air, il ne suffit pas de donner des coups à gauche et à droite, il faut savoir ce qu'on veut. Il faut savoir où on va et connaître les moyens pour y parvenir et prendre les bons moyens. Vous savez, la pierre nous enseigne beaucoup.

Alors, je vous ai parlé de ces expériences personnelles que j'ai eues dans les mines, pour vous expliquer pourquoi cette nostalgie est remontée à la surface tout à l'heure et que j'ai senti le besoin de m'exprimer ici, M. le Président, pour appuyer Mme la ministre. Mais j'avais aussi un intérêt, je dirais, plus vaste qui est, je dirais, un intérêt collectif, parce que, évidemment, on peut penser qu'Asbestos, bien, c'est dans les Cantons de l'Est, que – je ne sais pas, moi – l'Abitibi, c'est un peu loin, que Chapais, c'est haut et tout ça, et que nous, bien, à Saint-Hyacinthe, on n'a pas de mine, alors on s'intéresse à l'agriculture et ça suffit. Mais non, ce n'est pas comme ça. Je pense que le progrès de l'agriculture, le progrès de l'éducation, le progrès dans tous les domaines dépend des progrès dans les autres domaines. Si l'économie minière va bien, M. le Président, bien, je pense que c'est toute l'économie du Québec qui s'en ressent, qui en bénéficie, et c'est tout le monde qui en bénéficie. C'est pour ça que je suis très intéressé aux progrès de l'industrie minière. Vous savez que l'industrie minière, c'est une des industries les plus importantes dans l'économie du Québec. On a la chance d'avoir d'immenses gisements et on en a seulement quelques-uns de découverts. Depuis qu'on va explorer dans le Grand Nord, on en découvre, et encore l'an dernier on a annoncé un filon absolument extraordinaire et on va en découvrir encore.

Aussi, quand j'ai vu dans un document, ici: Les crédits consacrés au secteur minier, dans le budget 1996-1997, du ministère des Ressources naturelles s'élèvent à 49 000 000 $, soit une hausse de 3,1 % par rapport à l'an passé. Toutefois, si on exclut la subvention de 9 300 000 $ versée à la Société nationale de l'amiante en remboursement de sa dette, les crédits du secteur minier enregistrent une baisse de quelque 16,4 % par rapport à l'an dernier...

Alors, il y a deux messages qu'il faut retenir de ça, M. le Président. Le premier, c'est que, dans le domaine minier, on a fait sa part, comme dans tous les autres domaines, pour rationaliser les dépenses et peut-être aussi pour s'ajuster à nos capacités. Parce qu'il aurait fallu mettre beaucoup plus que ça dans les mines, comme il aurait fallu en mettre plus dans l'éducation aussi. Mais il faut savoir que les fonds ne sont pas illimités et on a promis à la population qu'on mettrait de l'ordre dans les finances publiques, alors il faut que tout le monde se donne la main. Je voudrais...

Permettez-moi une petite digression, M. le Président. J'ai eu la chance – évidement, vous allez peut-être dire qu'il y a loin de la mine au Bureau de l'Assemblée nationale, mais il y a un lien très étroit – de siéger pour la première fois de façon continue au Bureau de l'Assemblée nationale où on a repassé tous les crédits un par un en détail. Et je peux vous dire, M. le Président, qu'à l'occasion de cette opération-là j'ai noté, et je le dis en toute simplicité, une très grande collaboration de tous les députés qui étaient là, les députés de l'opposition – je le souligne bien humblement en passant – les députés de notre parti et les fonctionnaires de l'Assemblée nationale. Il y a eu un désir très sincère d'aller chercher les coupes les meilleures possibles qui feraient le moins de tort d'abord, évidemment, aux services qu'on doit rendre à la population et qui feraient le moins de tort possible à l'institution démocratique. Et cet esprit de concertation, M. le Président, cette capacité de travailler ensemble, je la retrouve aussi dans mon comté régulièrement. Parce que, vous savez, ce n'est pas facile, ce qu'on demande à la population présentement. On demande d'accepter des coupes dans toutes sortes de domaines, d'accepter qu'on coupe dans l'éducation – ce n'est pas le fun pour les professeurs, ça; ce n'est pas intéressant pour eux, pas du tout – dans la santé et dans tous les autres domaines, dans le transport. On coupe partout: dans les chemins, l'aide aux municipalités. Alors, ce n'est pas facile.

Mais pourquoi les gens sont solidaires avec nous, M. le Président? C'est parce qu'ils sentent que derrière tout ça ou dans tout cela il y a un profond désir d'être équitable envers tout le monde. Et il y a une profonde détermination de faire en sorte qu'on mette de l'ordre dans nos finances pour ensuite recommencer à donner plus d'expansion à notre économie. Et on le fait, et ils le savent, en essayant, malgré toutes ces contraintes qu'on a, de pousser le plus possible sur la création d'emplois.

Alors, cet esprit de concertation, M. le Président, que j'ai noté dans mon comté, je l'ai noté à l'Assemblée nationale, et je vois que, ici aussi, au ministère des Mines, des Terres et des Forêts, eh bien, on a aussi apporté une contribution importante. Mais, chacun d'entre nous, on est conscient que cette contribution-là ne doit pas être telle qu'elle sclérose le développement de l'exploration et le développement de l'exploitation minière. C'est pour ça que je trouve très important, M. le Président, qu'on appuie ce projet de loi.

Évidemment, ceux qui m'ont écouté raconter certaines expériences se disent sans doute: Ça, c'est des expériences d'il y a quelques années. Bien, oui, puis je ne vous dirai pas depuis combien de temps, M. le Président; vous me permettrez de vous cacher cette réalité. Mais c'est vrai que c'est des expériences depuis longtemps. Et, depuis ce temps-là, on a beaucoup fait de progrès au plan technique, M. le Président, d'abord, pour améliorer la productivité des mines, mais aussi pour protéger la santé, l'intégrité et la vie de nos mineurs, ce qui fait qu'on n'a pas, comme autrefois, un si haut taux d'accidents. Le travail des mineurs, aujourd'hui, grâce à la machinerie très sophistiquée qui est utilisée, est beaucoup meilleur, leur santé est beaucoup mieux protégée qu'autrefois.

Je le dis parce que vous savez que le secteur minier est un secteur en demande actuellement d'employés, d'ouvriers, de spécialistes pour travailler dans les mines. Et c'est un secteur qui paie de très bons salaires, M. le Président. Le salaire moyen dans les mines est de 47 000 $ par année. Je le dis, c'est important, parce que, s'il y a des jeunes qui m'écoutent et qui disent: Peut-être que, les mines, j'aimerais essayer ça, bien, moi, je leur dis: Essayez donc de vous trouver un emploi peut-être même saisonnier. Allez voir ce que ça donne et probablement que vous allez tomber en amour avec ce métier qui est magnifique, et ça permettra de développer l'emploi, de satisfaire aux besoins des exploitants miniers et d'enrichir notre richesse collective.

Alors, M. le Président, j'aurais beaucoup d'autres expériences personnelles à vous raconter, mais je sais que le temps passe et je ne veux pas trop prendre de temps sur le temps alloué à notre ministre pour répondre, en dernier lieu, à toutes les interventions qui ont eu lieu. Je veux l'assurer de ma plus grande solidarité et lui dire que nous sommes conscients, partout au Québec, que la richesse et le dynamisme du secteur minier vont se répercuter sur le dynamisme de l'ensemble de notre beau pays, le Québec. Et je félicite Mme la ministre et je l'assure de ma plus entière solidarité. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Maintenant, Mme la ministre, vous vous prévalez de l'article 216 du règlement, qui vous accorde un droit de réplique. Mme la ministre.


Mme Denise Carrier-Perreault (réplique)

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. Très brièvement. D'abord, je voudrais remercier mes collègues. Je pense, M. le Président, que vous avez été à même, ainsi que les gens qui peuvent nous écouter, de comprendre et de constater l'intérêt, si on veut, des députés ministériels pour le secteur minier. Je pense, en tout cas, que c'est un secteur qui, vraiment, a attiré l'attention de plusieurs députés, et je les remercie d'ailleurs de m'avoir appuyée au niveau de ce projet de loi.

Alors, M. le Président, comme je vous l'ai dit, je ne serai pas très longue, compte tenu qu'il n'y a pas vraiment d'écart au niveau de mon critique de l'opposition officielle par rapport à la position gouvernementale, par rapport au projet de loi comme tel. Je pense que les travaux devraient se poursuivre quand même assez facilement et que tout devrait être clos assez rapidement aussi.

(12 h 30)

Mais, par ailleurs, compte tenu de certaines, enfin, déclarations, si on veut, du député de Frontenac, j'aimerais quand même apporter quelques précisions. Effectivement, on en a discuté à plusieurs reprises lors de l'étude des crédits. À une couple de questions, le député de Frontenac me revenait toujours un peu avec la même question. Et il me disait tout à l'heure qu'il n'y a pas de problème, qu'il est capable de lire les documents. Effectivement. Sauf que ce dont je me rends compte, M. le Président, c'est que le député de Frontenac lit uniquement la première ligne du document. Pourtant, l'opposition officielle nous a envoyé des questions, on lui a envoyé les réponses. Il a la réponse expliquée, très clairement expliquée, explicitée, avec les détails, dans les réponses qu'il a obtenues. Alors, je pense que c'est important de lire un petit peu plus long que la première ligne, d'une part, et, aussi, d'écouter de temps en temps, ça ne fait pas tort. Parce que, des fois, si on n'a pas eu le temps de lire le document au complet, quand on écoute l'explication, peut-être que ça permet de mieux comprendre.

Donc, pour le bénéfice, aussi, de mes collègues qui entendent ce genre de discussions, je pense que c'est important qu'on sache comment ça se répartit, les crédits du ministère pour cette année, dans le programme 4, élément 2. Alors, M. le Président, effectivement, le ministère a fait des restrictions, a fait son effort aussi, je le disais, je l'ai mentionné. Par ailleurs, quand le député de Frontenac nous arrive et qu'il dit: Vous avez coupé de 6 000 000 $ vos crédits, bien, je veux être très claire, puis expliquer pourquoi ça fait 6 000 000 $. La restriction n'est pas de 6 000 000 $, hein? La restriction, elle est de 1 000 000 $ et quelques centaines de mille dollars, 1 391 000 $. Alors, c'est l'effort du secteur minier pour cette année.

Il y a eu, effectivement, dans ce programme-là, des réaménagements. Il y a eu des réaménagements dans le sens qu'au ministère on a centralisé, par exemple, les postes en informatique. Donc, les montants, les sommes d'argent qui étaient alloués pour certains postes en informatique sortent de cette enveloppe-là et s'en vont dans une autre. Donc, ce n'est pas une coupure; c'est un réaménagement.

Et la plus grosse mesure, M. le Président, qui fait en sorte qu'on a une diminution de budget, on parle de près de 4 000 000 $. C'est vrai que, là, il y a une diminution de 4 000 000 $, mais il faut quand même être clairs et expliquer à l'ensemble des députés qui sont ici et à ceux qui nous écoutent, M. le Président, que, dans cette coupure-là, ce que le gouvernement actuel fait, c'est, tout simplement, d'appliquer une décision qui a été prise par le gouvernement qui nous a précédés. En fait, c'était déjà prévu au plan de relance qui avait été mis en place en 1993 et qui se termine, finalement, cette année. Il y avait une certaine évolution; on commençait, 1993-1994, 1994-1995, et il y avait une évolution en forme de courbe, M. le Président, ce qui faisait en sorte que, pour la période où on est rendu, on est dans une évolution négative.

Alors, présentement, cette diminution de 4 000 000 $ avait été prévue et consacrée par le gouvernement qui nous a précédés, dans son plan de relance. Alors, vous savez, M. le Président, quand un gouvernement remplace un autre gouvernement, il faut quand même mettre en application les mesures qui avaient déjà été décidées. Alors, ce programme-là avait été élaboré, décidé de cette façon-là et c'est cette partie-là qui fait en sorte qu'on a 6 000 000 $ de moins sur l'ensemble du budget. Mais il faut quand même être clairs et comprendre que cette diminution-là avait déjà été prévue par le gouvernement précédent. Donc, c'est, tout simplement, l'application d'une mesure qui avait été mise en place.

Pour ce qui est du reste, bien, M. le Président, je suis persuadée qu'autour du projet de loi les discussions iront bon train et que très rapidement, dans les prochains jours, j'espère, nous pourrons continuer les discussions sur le projet de loi en commission parlementaire. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts. Le principe du projet de loi n° 5, Loi modifiant la Loi concernant les droits sur les mines, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je souhaiterais que vous appeliez l'article 17.


Projet de loi n° 124


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements du ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'Assemblée prend maintenant en considération le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant diverses dispositions législatives en application de la Loi sur l'organisation territoriale municipale, ainsi que les amendements transmis, en vertu de l'article 252 du règlement, par M. le ministre des Affaires municipales. Ces amendements sont déclarés recevables. Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur ces amendements?


Mise aux voix des amendements du ministre

Aucune intervention, de part et d'autre. Alors, les amendements proposés par le M. le ministre des Affaires municipales sont-ils adoptés?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Pinard): Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'aménagement et des équipements portant sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant diverses dispositions législatives en application de la Loi sur l'organisation territoriale municipale, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint.


Adoption

M. Brassard: M. le Président, il y aurait consentement avec l'opposition pour que nous passions immédiatement à l'étape de l'adoption et que, donc, nous dérogions aux dispositions de l'article 230 pour procéder immédiatement à l'adoption. Il y aurait consentement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Alors, je cède maintenant la parole au ministre des Affaires municipales et député de Rouyn-Noranda...

M. Trudel: Témiscamingue.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...Témiscamingue. M. le député et M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je vais abaisser le niveau de décibels un peu pour m'adresser aux membres de notre Assemblée aujourd'hui compte tenu de quelques problèmes techniques avec les cordes vocales, mais pour indiquer que mes propos, je le souhaite vivement, puissent nous aider à renforcer le processus dans lequel nous sommes engagés, depuis fort longtemps, pour l'adoption, à cette étape finale de l'adoption, du projet de loi n° 124, M. le Président. En mentionnant que, bien sûr, quand on est le représentant du comté de Rouyn-Noranda et du Témiscamingue, je suis sûr que cela ne vous a pas effleuré l'esprit de retrancher le Témiscamingue, cette belle et grande région du Québec qui fait partie du comté, et que vous n'avez pas l'intention de le rayer de la dénomination.

Eh bien, le projet de loi que nous nous préparons à adopter, M. le Président, a des incidences et concerne l'ensemble des municipalités au Québec. En fait, M. le Président, le projet de loi n° 124, qui en est à sa dernière étape aujourd'hui, représente une somme assez incroyable de travail et d'interventions, puisqu'il s'agit, dans son contenu, d'amender 179 lois québécoises. Le projet de loi, qui contient lui-même 1 119 articles et un très grand nombre d'amendements que nous venons d'adopter, à l'intérieur de ces 1 119 articles, concerne, effectivement, une espèce de régularisation au niveau de l'organisation territoriale municipale.

M. le Président, nous avons entrepris, au ministère des Affaires municipales, depuis au-delà d'une dizaine d'années, une espèce de travail, je dirais, de normalisation de l'ensemble de nos lois, puisque de très nombreuses modifications ont été apportées, à la pièce, pour répondre à des impératifs soit des municipalités ou du législateur au niveau provincial pour ajuster les lois municipales soit au Code municipal ou à la Loi sur les cités et villes. On a apporté, donc, un très grand nombre de modifications, ce qui fait en sorte qu'on se retrouve, dans le monde municipal, à l'égard, en particulier, de l'organisation du territoire municipal, avec un très grand nombre de dénominations, un très grand nombre de problèmes ou de situations qui font en sorte qu'on a de la difficulté à s'y retrouver.

Les gens qui sont dans ce secteur d'activité, effectivement, donc les municipalités, et également, bien sûr, le ministère des Affaires municipales et le gouvernement, nous avons entrepris, en quelque sorte, de régulariser la situation, de prendre les modifications à la pièce que nous avions réalisées au cours des 10 dernières années et d'en faire un tout, et d'en profiter pour aller amender un très grand nombre de lois qui, par ailleurs, doivent refléter les changements qui ont été apportés à la pièce au cours des dernières années.

Ceci fait en sorte, M. le Président, pour donner un exemple qui, peut-être, peut paraître banal ou simpliste, que, actuellement, dans les lois municipales, la ville de Québec, la ville de Sillery, la ville de Rouyn-Noranda, la ville de Ville-Marie – vous pourriez prendre 1 401 exemples au Québec, parce que c'est ça, la réalité du monde municipal au Québec – eh bien, la personne morale, Québec, s'appelle la corporation de la ville de Québec aux fins des lois municipales. Alors, on va simplifier tout ça dans l'ensemble des lois qui touchent les municipalités pour maintenant désigner, tout simplement, la personne morale de droit public comme la municipalité. Alors, on va simplifier les choses. C'est un exemple parmi tant d'autres.

(12 h 40)

Un autre exemple, M. le Président, mais vous comprendrez que je ne choisis pas cet exemple-là au hasard ou, je devrais dire, c'est par hasard que je choisis cet exemple: dans l'ensemble des textes, autant au niveau du Code municipal ou encore de la loi des cités et villes, ou des lois afférentes, eh bien, par rapport à un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur et qui s'appelle les regroupements de municipalités, nos textes de loi parlent de fusions, M. le Président. Nous préférons, pour décrire la situation de façon plus exacte, parler de regroupement de municipalités parce qu'il y a comme une signification évidemment derrière les mots.

Et, quand on utilise le terme «regroupement» plutôt que «fusion», ça veut dire qu'il y a un peu une notion de respect des communautés. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, qui vient de la région de Chaudière-Appalaches, qui vient de prendre la parole sur son propre projet de loi, sait très bien, par exemple, que, dans le cas illustratif de Bernières et Saint-Nicolas, qui ont procédé à leur regroupement, non pas simplement à une fusion dans une seule et même entité, il y a des valeurs qui appartiennent à chacune des communautés qui se retrouvent au sein du gouvernement municipal dans une seule entité. Alors, désormais, on parlera, bien sûr, de regroupement de collectivités avec quelques situations difficiles à gérer, à solutionner aussi.

Avec les élus municipaux, les gens ont pu voir, au cours des derniers jours, par exemple, que la consultation sur le choix du nouveau nom de la municipalité ou des municipalités regroupées cause un certain nombre de situations problématiques. M. le Président, ça ne fait, quant à moi, que décrire la situation des valeurs réelles des gens de ces communautés. Et c'est noble que ces gens des communautés manifestent leur intention de vouloir garder des pièces d'identité de leur vie communautaire. Et, à cet égard-là, M. le Président, fusion ne veut pas dire faire disparaître les anciennes valeurs, les points de rattachement, les éléments qui font en sorte que c'est incarné dans la communauté, mais on regroupe dans un gouvernement des entités qui vivent, au niveau communautaire, sur un même territoire.

M. le Président, voilà le genre d'ajustements que nous réalisons dans 179 lois. J'ai dit en commission parlementaire – et je prendrai trois minutes pour le rappeler, en particulier, à la députée de Jean-Talon – qu'on peut dire qu'il ne s'agit là que de modifications mécaniques, techniques, mais parfois, vous savez, il en est de ces choses comme de l'objectivité. Est-ce que l'objectivité pure, sans aucune référence aux pensées d'une personne qui écrit le texte ou qui prend position... Il est difficile de parler de pure objectivité. Dans l'objectivité, il y a une part de subjectivité.

Bien, dans les lois municipales comme ailleurs, on peut dire qu'on ne fait que des changements techniques, sauf qu'il y a du contenu dans quelques éléments. Il y en avait, en particulier, dans les changements que nous avons apportés à l'égard de la gestion de ce qu'on appelle le droit de retrait d'une municipalité à l'égard de compétences ou de décisions qui ont été prises à la table de la MRC. Sur la base des textes qui sont ici, dans la loi n° 124, nous ne faisons que gérer le droit de retrait qu'avaient les municipalités à l'égard de ce que nous appelons, dans le jargon municipal, la petite table, c'est-à-dire les municipalités qui faisaient partie des anciennes corporations de comté, par rapport à la grande table, c'est-à-dire les maires et les municipalités qui se retrouvent autour de la table de la MRC, tel que nous l'avons adopté dans la loi, en 1979. Alors, nous faisons en sorte d'unifier le langage.

Cependant, M. le Président, l'exercice et la notion même de droit de retrait au sein d'une municipalité régionale de comté soulèvent toute une façon d'être sur l'ensemble du territoire. Et c'est ainsi que nous avons convenu, au ministère des Affaires municipales et au gouvernement, M. le Président, que nous n'allions pas en profiter pour faire du pouce, en quelque sorte, sur la loi n° 124, pour discuter du droit de retrait à l'occasion des modifications techniques, mais que, cependant, nous allions nous intéresser à cette situation réelle. C'est pourquoi je me suis engagé, avec l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté, à ouvrir une table de discussion spécifique à cet égard, et nous aurons aussi l'occasion d'en rediscuter à l'occasion du sommet sur la décentralisation, le renforcement des communautés municipales et des institutions, les 23 et 24 mai, dans la très belle région de la Mauricie, et, en particulier, région qui inclut la région du comté de Saint-Maurice dont vous êtes issu, M. le Président.

Alors, voilà, M. le Président, de quoi il en retourne à l'égard du projet de loi n° 124. Je voudrais vous dire encore une fois, en terminant: Ce projet de loi peut paraître très technique, mais, pour tous les officiers du ministère, tous gouvernements confondus, M. le Président, au cours des 10 dernières années, c'est un travail colossal qui a été fait pour le monde municipal. La réalisation de cette tranche 2 va nous amener maintenant... Et je vais demander d'accélérer les travaux, M. le Président, à l'égard des autres tranches pour la réorganisation de notre corpus législatif au niveau municipal, si bien que nous pouvons penser, avec un tout petit peu d'optimisme, M. le Président, que nous pourrions arriver, d'ici deux ans, à avoir un nouveau corpus législatif à l'égard du monde municipal qui se retrouvera dans une seule et même loi. Nous n'aurons plus, en termes de références, à faire rapport à deux lois: le Code municipal et la Loi sur les cités et villes.

Je vous remercie donc beaucoup de votre attention. C'est une grande réalisation pour le monde municipal québécois, parce que, enfin, on aura un corpus législatif très clair et ça facilitera d'autant plus le travail des élus municipaux et des officiers dans chacune des corporations municipales du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Affaires municipales et député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. J'accorde maintenant la parole à Mme la députée de Jean-Talon et critique officielle de l'opposition en matière d'affaires municipales. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir, M. le Président, de prendre la parole ce matin concernant le projet de loi n° 124. Vous savez, M. le Président, le rôle de l'opposition officielle, lorsqu'un projet de loi est déposé, n'est pas nécessairement de s'opposer coûte que coûte à un projet de loi; c'est davantage d'essayer de comprendre ce qui a motivé le ministre à déposer son projet de loi, à le défendre en commission parlementaire et devant ses collègues ici, à l'Assemblée nationale.

M. le Président, moi, j'ai été heureuse d'apprendre que ce projet de loi répond à une démarche qui a été entreprise depuis 10 ans au ministère des Affaires municipales, et cela, à la demande même des ministres qui ont précédé le ministre actuel et du ministre actuel aussi, et qu'elle se situe dans un contexte où on devait absolument procéder à l'harmonisation et à la modernisation des lois municipales. Cette opération, qui a été entreprise, il y a plusieurs années, par le gouvernement du Parti libéral du Québec, répond à un besoin pressant, c'est-à-dire celui d'harmoniser nos lois, de les alléger et de simplifier le plus possible un système qui est souvent devenu un carcan.

Ce projet de loi, comme l'a mentionné le ministre des Affaires municipales, M. le Président, comprend 1 121 articles; donc, ça n'a pas été une mince tâche que celle qui a été entreprise par le ministère des Affaires municipales. D'ailleurs, je profite de l'occasion pour souligner le travail des légistes du ministère des Affaires municipales et de leurs collaborateurs et collaboratrices. J'ai l'impression qu'ils ont fait, M. le Président, un travail de bénédictin.

Le projet de loi n° 124, celui qui nous concerne ce matin, modifie 200 lois. Il serait beaucoup trop long de les énumérer ici. Qu'il me suffise de mentionner le Code municipal, la Loi sur les cités et villes, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la Loi sur l'administration régionale crie, la Loi sur les autochtones cris, inuit et naskapis, les lois sur les communautés urbaines et combien d'autres.

Les dispositions du projet de loi n° 124 ont pour but de corriger l'emploi de mots – le ministre en a parlé tout à l'heure – d'expressions, de concepts qui étaient rendus désuets par la mise en application de la Loi sur l'organisation territoriale municipale. Ce projet de loi modifie également certaines dispositions qui ne sont pas comprises dans la Loi sur l'organisation territoriale municipale, mais qui auraient dû, de toute façon, être touchées.

M. le Président, l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire s'est faite de façon assez particulière. L'opposition officielle a donné son accord afin de l'étudier non pas article par article, mais plutôt par blocs pour certains de ses articles qui étaient quand même assez nombreux et qui se retrouvaient dans le bloc 1, le bloc 2, le bloc 3 et le bloc 5, pour vous donner un exemple, pour qu'on puisse faire un exercice qui était quand même à la fois sérieux, mais qui aurait été assez pénible s'il avait fallu procéder article par article, c'est-à-dire sur 1 121 articles. C'est donc de bonne foi, M. le Président, que nous avons accepté cette manière de procéder. Sinon, il nous aurait fallu sans doute y passer plus d'une semaine.

(12 h 50)

Je tiens, par contre, à préciser ici, devant mes collègues, que cet exercice a permis évidemment aux légistes du ministère de nous expliquer à la fois la complexité et les différentes technicalités qu'on retrouvait dans certaines dispositions de ce projet de loi, mais aussi dans les lois actuelles. Ce n'est donc pas les yeux fermés qu'on a accepté d'être d'accord avec ce projet de loi; ce n'est pas les yeux fermés qu'on a accepté la façon de procéder. Mais je tiens quand même à préciser devant mes collègues ici présents, des deux côtés de la Chambre, que, s'il s'y est glissé quelques coquilles, c'est, je pense, de bonne foi des deux côtés. Si jamais on nous revenait, puis qu'on nous disait: Bien, écoutez, il faut réamender la loi, il faut la remodifier, bien, je pense que tout le monde a fait un exercice qui était quand même très sérieux et c'était la seule façon, je pense, de pouvoir procéder à un exercice aussi exhaustif.

Je me dois de mentionner un élément qui m'apparaît important. Le ministre en a parlé tout à l'heure, ça concerne le droit de retrait. On sait que l'UMRCQ, à plusieurs reprises, c'est-à-dire soit dans le cadre de la consultation publique sur les sociétés d'économie mixte, soit dans le cadre de ce projet de loi ci, aurait souhaité qu'on règle l'épineuse question du droit de retrait, tout au moins qu'on en débatte. Le ministre a choisi un autre forum.

Ce n'est pas à moi de discuter s'il a raison ou pas. Sauf que je souhaite que l'engagement qu'il a pris durant la commission parlementaire sur le projet de loi n° 124, bien, il le respecte et qu'on n'attende pas à la fin de l'automne l'an prochain pour finalement s'asseoir et débattre à la fois avec l'Union des municipalités régionales de comté et l'Union des municipalités du Québec de cette préoccupation qu'a, entre autres, l'Union des municipalités régionales de comté et qui semble – je dis bien «qui semble»; je ne veux pas porter de jugement, là – porter atteinte, en tout cas, d'après ce qu'on entend, au développement économique de certaines de nos régions. Alors, je sais que le ministre s'est engagé à tenir ces rencontres. Ce n'était pas de façon timide qu'il s'est engagé, mais disons que je n'ai pas senti une énergie là-dedans. Alors, j'aimerais bien qu'on nous revienne avec ça, et de façon rapide et efficace.

M. le Président, lorsqu'on harmonise, on élague, on modernise, on allège et on simplifie nos lois et nos expressions, c'est parce qu'on a fini par comprendre qu'autant à nos fonctionnaires qui ont à gérer ces lois-là dans nos municipalités qu'aux fonctionnaires dans les différents ministères et qu'aux autorités locales, bien, il fallait rendre ce système-là, qui doit servir d'abord et avant tout les citoyens, vraiment accessible. C'est, finalement, le citoyen qui va être mieux servi. C'est pour lui, pour le citoyen et la citoyenne, qu'on a été élus. C'est toujours en ayant le citoyen comme préoccupation première qu'on intervient, ici, en cette Assemblée, et c'est d'abord et avant tout lui qui doit être au coeur de nos préoccupations. C'est donc, M. le Président, dans cet esprit qu'en tant que porte-parole de l'opposition officielle pour les affaires municipales et en tant que porte-parole évidemment de ma formation politique je dis: Nous sommes d'accord avec le projet de loi n° 124. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon et critique officielle de l'opposition en matière d'affaires municipales. Alors, M. le ministre des Affaires municipales, conformément à l'article 256, vous avez un droit de réplique. Est-ce que vous... Parfait.


Mise aux voix

Alors, nous en sommes rendus à l'adoption. Le projet de loi n° 124, Loi modifiant diverses dispositions législatives en application de la Loi sur l'organisation territoriale municipale, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint.

M. Brassard: ...je pense que, compte tenu de l'heure, il nous reste à suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président: Alors, mesdames et messieurs, nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Si vous voulez bien vous asseoir.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 9

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune présente le projet de loi n° 9, Loi abrogeant la Loi sur le Conseil de la conservation et de l'environnement et modifiant la Loi sur les réserves écologiques. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, j'ai le privilège de déposer le projet de loi n° 9. Ce projet de loi vise à abroger la Loi sur le Conseil de la conservation et de l'environnement et à modifier la Loi sur les réserves écologiques, uniquement parce que le Conseil prémentionné, de la conservation et de l'environnement, n'est plus utile depuis plusieurs années et a été remplacé par de nouvelles formes de concertation. Merci.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Alors, adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


Mandat et composition du Comité de suivi de la décision gouvernementale concernant la proposition tarifaire d'Hydro-Québec pour 1996

M. Chevrette: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer une copie du mandat du Comité de suivi de la décision gouvernementale concernant la proposition tarifaire d'Hydro-Québec, ainsi que le nom des trois personnes nommées par le ministre. Il s'agit de M. Henri-Paul Rousseau, de la Banque Laurentienne, qui agira à titre de président du comité; Alain Rhéaume, sous-ministre aux Finances; François Geoffrion, sous-ministre du Conseil du trésor; les trois représentants d'Hydro étant M. Delisle, vice-président aux finances; Mme Nadeau, vice-présidente aux ressources humaines, et M. Bourgie, qui est membre du conseil d'administration d'Hydro-Québec.

Le Président: Ce document est donc déposé. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.


Notes pour l'allocution du ministre délégué aux Relations avec les citoyens à la réunion du conseil provincial de l'Association des retraitées et retraités de l'enseignement du Québec

M. Boisclair: M. le Président, afin de clarifier tout malentendu et pour que les membres de l'Assemblée puissent apprécier mes propos, je voudrais déposer les notes de l'allocution prononcée à la réunion du conseil provincial de l'Association des retraitées et retraités de l'enseignement du Québec, le 25 avril 1996.

Le Président: Alors, ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!


Étude des crédits budgétaires pour l'année financière 1996-1997

J'ai l'honneur de déposer, de mon côté, les rapports des commissions parlementaires qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1996-1997, soit les rapports de la commission des institutions, de la commission du budget et de l'administration, de la commission des affaires sociales, de la commission de l'économie et du travail, de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, de la commission de l'aménagement et des équipements, de la commission de l'éducation et de la commission de la culture. Ces crédits ont été adoptés.

M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Est-ce que je pourrais, à ce moment-ci, au dépôt de documents, demander si le ministre de la Sécurité publique entend déposer les ententes signées avec le conseil de bande de Kahnawake, auxquelles je me référais hier?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que ce n'est pas à ce stade-ci qu'on peut poser des questions, c'est uniquement au niveau des dépôts. On est à l'étape des dépôts de rapports et au dépôt de documents, et, à ce moment-là, il n'y a pas d'interventions ou de questions qui peuvent être posées, M. le Président.

Le Président: Nous sommes rendus maintenant au dépôt de pétitions. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, sur la question de dépôt de documents, M. le Président, à la période de questions, vous vous en souviendrez, hier, le ministre de la Sécurité publique a fait référence à une entente signée entre le gouvernement du Québec et la communauté autochtone. Est-ce qu'il a l'intention de la déposer à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, nous sommes à l'étape des dépôts de documents, bien sûr, sauf que cette étape-ci prévoit que les membres du gouvernement déposent des documents. S'ils n'en déposent pas, la rubrique et la règle ne prévoient pas qu'il y ait des questionnements aux ministres pour savoir quand ils vont déposer tel ou tel document. Il y a une rubrique qui s'appelle Avis sur les travaux de l'Assemblée, mais bien sûr qu'il ne s'agit pas de travaux de l'Assemblée. Il s'agit de dépôt de rapports de la part du gouvernement, et on ne prévoit pas, à cette étape-ci, le questionnement des membres du gouvernement pour savoir à quel moment, à quelle date tel ou tel document sera déposé, même si des ministres ou des membres du gouvernement se sont engagés, effectivement, à déposer certains documents.

M. le leader de l'opposition officielle.

(15 h 10)

M. Paradis: Une simple question de dialectique, M. le Président. Vous vous êtes déjà prononcé à l'effet que ce n'était pas le moment, comme vous venez de le faire, au dépôt de documents. Vous avez déjà rendu une décision que ce n'est pas le temps de le faire à la période de questions et vous avez déjà rendu une décision à l'effet qu'aux renseignements sur les travaux de la Chambre il s'agissait d'une question qui portait sur un objet au feuilleton: on ne l'aura jamais.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Non, écoutez, je pense que... M. le leader de l'opposition officielle, vous auriez raison si j'avais effectivement dit qu'à la période des questions il n'y a pas possibilité de poser ce genre de question, mais je crois qu'il y a moyen d'interroger le gouvernement à la période de questions et réponses orales pour savoir quand ils vont rendre public tel ou tel rapport ou tel ou tel document.


Dépôt de pétitions

Alors, je vais maintenant passer à l'étape des dépôts de pétitions. M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de la Chambre pour déposer une pétition, puisque seulement une partie de la pétition est non conforme, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour... Alors, allez-y, M. le député de Montmorency.


Surseoir à l'application de la surtaxe de 30 $ sur les droits d'immatriculation pour les résidents de Saint-Pierre, île d'Orléans

M. Filion: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 933 pétitionnaires de la municipalité de Saint-Pierre, île d'Orléans, comté de Montmorency.

Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le taux de navettage retenu par le ministère des Affaires municipales comme critère d'application de la surtaxe de 30 $ aux droits d'immatriculation est un concept injuste et flou, basé sur un échantillonnage statistique fait aux dix ans;

«Considérant l'incompréhension des citoyens face à l'application de cette surtaxe aux droits d'immatriculation;

«Considérant les nombreuses plaintes de citoyens à chaque semaine depuis l'avènement de cette surtaxe de 30 $;

«Considérant la promesse faite par l'ancien premier ministre, M. Parizeau, lors de la campagne électorale d'août 1991, dans le comté de Montmorency, à l'effet que cette surtaxe injuste serait abolie;

«Considérant que rien n'a été corrigé depuis l'élection du gouvernement péquiste;

«Considérant la rencontre infructueuse du 4 juillet 1995 avec l'ex-ministre des Transports, M. Jacques Léonard;»

Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre des Transports afin qu'il sursoie à l'application injuste de la surtaxe de 30 $ sur les droits d'immatriculation pour les résidents de Saint-Pierre, île d'Orléans.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Cette pétition est déposée. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de pétitions?


Interventions portant sur un fait personnel

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. À la séance d'hier, j'ai informé l'Assemblée qu'une demande m'a été transmise, dans le délai prescrit au règlement, par le député de Shefford et aux termes de laquelle ce dernier souhaite s'expliquer sur un fait personnel. Au soutien de sa demande, le député invoque, et je cite: «La publication, dans le quotidien La Presse , d'un article qui affirme des faits qui ne correspondent d'aucune manière à la réalité et que je peux rectifier à la première occasion qui m'est offerte, selon notre règlement.» Fin de la citation. Le député de Shefford a joint à sa requête une copie de l'article en question.

J'ai pris cette demande en délibéré et, après l'avoir examinée, j'en arrive à la conclusion qu'elle est irrecevable. En effet, les faits mentionnés dans l'article du journal La Presse que m'a transmis le député de Shefford concernent ce dernier en tant que membre d'une corporation professionnelle et sont sans rapport avec sa fonction de député. Or, l'article 71 du règlement délimite avec précision le champ d'application des interventions sur un fait personnel, et je le cite: «Tout député peut, avec la permission du Président, s'expliquer sur un fait qui, sans constituer une violation de droit ou de privilège, le concerne en tant que membre de l'Assemblée.» Fin de la citation. En conséquence, il m'est donc impossible d'autoriser l'intervention demandée par le député de Shefford. Ma décision s'appuie en outre sur des décisions qui ont été rendues par certains de mes prédécesseurs – le président Richard Guay, le 16 avril 1985, le président Pierre Lorrain, les 9 juin, 4 novembre et 5 novembre 1986 – ainsi que sur la doctrine parlementaire.

Alors, nous en arrivons... M. le leader de l'opposition officielle, tout en comprenant que vous ne remettrez pas en cause ma décision.

M. Paradis: Non, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Vous seul, M. le Président, suivant le règlement, pourriez soumettre votre décision à l'appréciation de l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, et c'est une discrétion qui vous appartient et que vous pourriez juger opportune d'appliquer dans les circonstances. D'ailleurs, vous vous étiez prononcé en ce sens lors de votre intronisation comme président de l'Assemblée nationale, au mois de mars dernier, M. le Président, et, si vous jugez à propos de le faire, je suis convaincu que l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale seraient disposés à permettre, sur une question de fait qui concerne un député... de se prononcer maintenant.

J'indiquerai également qu'à l'article tel que libellé on parle de sept chefs d'accusation déposés contre le député. Si on laisse passer en cette Chambre ce type d'événement sans que les députés ne puissent s'expliquer, M. le Président, il ne restera plus de privilège ou d'immunité aux députés.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Sans vouloir, M. le Président, contester votre décision, que je respecte, du côté de cette Chambre il y aurait consentement à ce que le député puisse, à ce moment-là, s'exprimer sur la question de fait personnel qu'il juge... Sans remettre en question votre décision, il y aurait consentement de ce côté-ci de cette Chambre.

Le Président: Alors, écoutez, je comprends qu'il y a consentement de part et d'autre et je pense que c'est la façon de faire actuellement. L'article 71 est clair, je l'ai interprété non seulement avec l'appréciation que je pouvais faire de la situation, mais également des précédents qui ont été édictés dans cette Chambre, et c'est la raison pour laquelle j'ai parlé, au départ de mon mandat, de l'importance de réviser notre règlement. Et je pense que, à certains égards, le règlement pourrait s'appliquer ou s'interpréter différemment. Mais, pour le moment, il est ce qu'il est, le président n'a pas à le réécrire lui-même. Dans ce contexte, s'il y a consentement pour déroger à l'article 71, je vais permettre au député de Shefford de prendre la parole. M. le député de Shefford.


Allégations dans La Presse concernant le député de Shefford M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je me lève aujourd'hui sur une question de fait personnel qui découle d'un article paru, hier matin, dans le journal La Presse . Cet article relate une décision prise vendredi dernier par la Chambre des notaires et à laquelle je souscris. Toutefois, le journal a traité cette décision sans vraiment faire la recherche nécessaire quant à la nature de l'audition ni des faits sur la base desquels la décision a été rendue.

M. le Président, je me suis rendu vendredi dernier à la Chambre des notaires du Québec pour reconnaître qu'en effet j'avais répondu dans des délais non raisonnables à l'ordre professionnel et que je n'avais pas, faute de temps, comme vous le savez, en 1994, tenu la comptabilité requise par la Chambre de la façon prévue. J'ai également reconnu les erreurs administratives, qui ont été corrigées dans les délais les plus brefs. M. le Président, le journaliste n'a pas pris connaissance de la transcription de l'audition, où le procureur de la Chambre des notaires a clairement indiqué que l'honnêteté du notaire n'est aucunement mise en doute, ce que le président du comité a lui aussi confirmé.

M. le Président, une partie du même article est consacrée à parler de la fraude de certains notaires du Québec. Je trouve malheureux qu'on assimile de cette façon d'autres dossiers au mien, ce qui laisse à penser que j'aurais commis de telles infractions, ce qui est totalement faux. C'est pourquoi, M. le Président, je tiens à affirmer mon intégrité, que jamais, tel qu'on le laisse entendre dans l'article de La Presse , je n'ai tourné quoi que ce soit à mon profit, mais qu'au contraire, tel qu'en fait foi mon témoignage non démenti, la seule personne qui a été lésée financièrement a été le notaire, donc moi.

J'aimerais aussi ajouter, M. le Président, que le dernier paragraphe de l'article est aussi totalement faux et que ma démission du tableau de l'ordre faisait suite à la vente de mon étude en mai de la même année. Me Richard Gagnon, directeur général de la Chambre des notaires, m'indiquait hier qu'il était prêt à répondre à toute question pour celui ou celle qui veut vérifier mes allégations. M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer le texte intégral des plaidoiries du comité, qui fait preuve de mes allégations.


Document déposé

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député de Shefford. Vous pouvez déposer le document.

(15 h 20)

Alors, encore une fois, les travaux de la réforme parlementaire devraient s'engager prochainement, et je souhaite que la question de l'article 71, de son interprétation et de sa couverture, soit parmi les questions qui seront abordées. Et je sais que le vice-président Pinard sera responsable du dossier, alors on peut penser que cette question sera abordée.


Questions et réponses orales

Entre-temps, nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Mesures prévues en matière de relations du travail

M. Johnson: Oui, M. le Président. En cette journée du 1er mai, qui souligne l'effort et les mérites des travailleuses et des travailleurs du Québec, j'aimerais rappeler au premier ministre que, hier, à l'occasion des crédits, j'ai souligné que c'était presque une habitude de son gouvernement et ses collègues de créer de la tension ou de l'insécurité, que ce soit en matière linguistique, on l'a vu; que ce soit à l'égard des personnes âgées quant aux décisions qui sont prises par le gouvernement, notamment dans les services sociaux; qu'il s'agisse des jeunes, car on attend encore les décisions du gouvernement en matière d'emplois.

On doit constater, dans ce contexte, l'économie encore fragile qui... si elle doit mener à des emplois pour les jeunes, pour les travailleuses et les travailleurs du Québec qui sont néanmoins plongés dans une certaine insécurité, on le sait, on doit tenter de maintenir par tous les moyens la sérénité et le calme sur le marché du travail. Il est évident, M. le Président, qu'on ne doit pas revivre ce qu'on a connu l'an dernier, avec plus de 45 000 travailleurs et travailleuses touchés par des grèves et des lock-out; que les grands contrats, dans les municipalités, dans certaines sociétés d'État, au niveau de l'industrie de la construction, ont à être renouvelés, renégociés dans les mois qui viennent.

Ce que je demande au premier ministre c'est: Au-delà des discours sur la solidarité, au-delà des discours de son ministre du Travail, qui nous a campé un chantier pour les 1 000 prochaines années en matière de relations de travail, est-ce que le premier ministre peut, aujourd'hui, tout de suite, nous dire ce qu'il envisage, pas dans le prochain siècle ni le prochain millénaire, mais cette année, en matière de relations de travail, pour assurer la sérénité de ce marché qui amène les investissements qui créent des emplois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je joins, bien sûr, ma voix à celle du chef de l'opposition pour souligner cette journée extrêmement symbolique, très importante, qui caractérise les grandes victoires remportées par le milieu syndical et qui, en même temps, nous rappelle, au Québec, que nous avons la paix sociale, nous avons la paix industrielle. J'ai trouvé que le chef de l'opposition était un peu catastrophiste quand il s'est inquiété de ce qui pourrait arriver cette année dans le domaine des relations de travail, alors que le climat se maintient à un beau normal, à un climat normal. Bien sûr, c'est un calme toujours relatif. Il reste que c'est un milieu de revendication et de défense des droits respectifs: l'employeur, l'employé. Mais on doit dire que, de façon générale, le Québec maintenant est un lieu où ça se passe très correctement, de façon civilisée, de façon vigoureuse, mais dans un cadre législatif qui, dans l'ensemble, est extrêmement satisfaisant.

Alors, je voudrais dire que le gouvernement, qui maintient de bons rapports avec les partenaires syndicaux, qui s'en félicite, qui les considère comme des intervenants essentiels dans la poursuite de la vie collective québécoise aux plans aussi bien social, communautaire, qu'économique, va maintenir ces rapports, va se comporter correctement avec eux, comme avec le monde du patronat, pour faire en sorte que l'équilibre qui est souhaité par le chef de l'opposition et par la population soit maintenu.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, en reconnaissant que les relations entre les chefs syndicaux et le gouvernement étaient particulièrement étroites pendant la campagne référendaire, est-ce que ce sera la même chose dans les dossiers comme celui de Kenworth, celui de Peerless, celui de Radio-Québec, celui de Loto-Québec, celui des différents conflits de travail qu'on doit envisager? Enfin, c'est dans le calendrier, là. Que ce soit la construction, que ce soit dans les municipalités, il y a des gestes qui seront posés, on les attend. Et, si on peut souhaiter la sérénité, il n'en reste pas moins, je le répète, que le ministre du Travail a diagnostiqué, lui, qu'il faut faire des changements majeurs, radicaux, de fond en comble de nos lois du travail.

Est-ce que le premier ministre souscrit à ce diagnostic de son ministre, qui veut tout chambarder et qui en a pour à peu près 100 ans à le faire, ou est-ce que le premier ministre ne souscrit pas plutôt à une thèse qui veut que, de façon immédiate et concrète, il s'attaque à des problèmes qui peuvent exister, qu'il cesse de faire preuve d'attentisme et qu'il règle les conflits de travail qui sont en train de mener à des pertes d'emplois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai entendu le chef de l'opposition nous dire qu'il attend des conflits. Le gouvernement ne va pas attendre que les conflits naissent, le gouvernement croit qu'il faut les prévenir et qu'il faut travailler avec les parties pour s'assurer, dans toute la mesure du possible, que les relations patronales-syndicales ne débouchent pas sur des conflits. Qu'il y en ait de temps en temps, l'important, c'est que les statistiques – je ne les ai pas à la main – montrent que, au Québec, nous avons, à toutes fins pratiques, réalisé la paix sociale, que nous avons eu des années turbulentes, mais qu'il y a eu, là comme ailleurs, des progrès qui ont été enregistrés. Le dialogue est beaucoup plus ouvert, beaucoup plus souple, beaucoup plus adapté à la réalité moderne. Mais il ne faut pas oublier quand même que le rôle des syndicats, c'est de défendre les intérêts des travailleurs, que le rôle des patrons, c'est de défendre leurs propres intérêts et que c'est de la dynamique de ces rapports que naissent le travail, l'économie et la capacité pour le Québec d'être présent dans les milieux du travail de façon correcte et civilisée.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Tout le monde souscrit aux beaux grands principes que le premier ministre vient d'énoncer, il se spécialise dans l'énoncé des grands principes en faveur desquels à peu près tout le monde doit être.

Ce que je lui demande, au-delà de la tarte aux pommes, de la vertu et de toutes ces choses-là, c'est: Est-ce qu'il partage le diagnostic de son ministre du Travail, qui, lui, trouve qu'il faut absolument tout chambarder, moderniser de A à Z, tout changer – ça n'a plus de bon sens, ce n'est pas vivable – ou est-ce que le premier ministre n'a pas plutôt une vision plus réaliste des choses, plus réelle plutôt que virtuelle – comme celle de son gouvernement dans d'autres dossiers – pour aller régler de façon immédiate et concrète certains des dossiers qui seront portés à son attention et qui portent sur les relations de travail au Québec? C'est ça que je lui demande.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, on juge d'un régime de travail, comme de n'importe quel régime, à ses résultats. Or, en neuf ans, c'est-à-dire entre 1986 et 1995, les jours perdus au Québec à la suite de conflits de travail ont diminué de 90 %. Donc, ces statistiques... 90 %. Alors, ces statistiques nous indiquent, M. le Président, que l'heure n'est pas à la révolution dans le régime. J'ai cru comprendre que le chef de l'opposition voulait sabrer dans le cadre syndical, qu'il estimait le moment venu de faire une grande réforme. Mais, M. le Président, non, le gouvernement va agir de façon pragmatique. Et, bien sûr, rien n'est parfait. Il n'y a pas de régime parfait. Il faut les ajuster à la marge, faire en sorte que progressivement la réalité et les régimes qui doivent les régir s'accordent et s'harmonisent.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Alors, est-ce qu'on peut demander au premier ministre d'envoyer le texte de sa réponse à son ministre du Travail?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je suis sûr que le ministre du Travail, comme nous tous, lit tous les jours la transcription intégrale des échanges.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de LaFontaine, en principale.


Modification au Code du travail relative à l'article 45

M. Gobé: Le ministre des Affaires municipales a déclaré devant la chambre de commerce de Montréal qu'il fallait modifier l'article 45 du Code du travail, qui, disait-il, crée d'énormes problèmes. La ministre de la Culture a menacé de fermer Radio-Québec si les employés s'entêtaient à respecter l'article 45 du Code du travail.

Quand le premier ministre a-t-il l'intention de légiférer afin de changer le Code du travail dans le sens demandé par ces ministres?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la référence à l'article 45 dans le cadre des négociations à Radio-Québec est très ponctuelle. L'article a joué un rôle, les parties se sont entendues pour ne pas l'appliquer, et je comprends que ce n'est pas des événements de Radio-Québec qu'on doit tirer la conclusion qu'il faut toucher l'article 45. Nous savons cependant qu'il y a un comité qui procède présentement à une étude et qui va faire des consultations sur la question. Le gouvernement n'a pris aucune décision, il va attendre de voir ce qui résultera de cette consultation.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Est-ce que le premier ministre pourrait envoyer sa déclaration à son ministre du Travail, qui déclarait encore dernièrement qu'il était impératif et urgent d'amender l'article 45 ou de le faire respecter par la ministre de la Culture?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Ça va être inscrit de façon éternelle dans les transcriptions de nos travaux, M. le Président. Tout le monde pourra le lire.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 30)

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en principale.


Mécanisme de résolution de différends entre le gouvernement et le conseil de bande de Kahnawake

M. Sirros: Oui, M. le Président. M. le Président, la semaine passée, durant toute la semaine, le gouvernement refusait de chercher une clarification sur le fond du litige qui l'opposait au conseil de bande de Kahnawake quant à l'événement du 26 avril. Il faisait semblant d'insister jusqu'à la dernière minute sur le fait qu'il fallait faire confiance à l'autorité policière et à l'autorité politique, disait le premier ministre. Ce faisant, le gouvernement a créé tout un imbroglio dans ses relations avec le chef Norton quand il a, à la dernière minute, laissé tomber ce discours pour demander une injonction non pas sur le fond, mais sur la diffusion de l'événement. Ce faisant, il a aussi enlevé aux Mohawks l'opportunité de donner leur point de vue sur la question. Même le juge, M. le Président, a été surpris par cette façon de faire. Je le cite: «Votre requête ne parle pas de moyens d'empêcher l'événement. Si on empêche le combat, on n'a pas besoin d'empêcher la diffusion. La réaction irresponsable du chef Norton n'excuse en rien l'irresponsabilité du gouvernement en cette matière.»

M. le Président, ma question au premier ministre: Afin d'éviter que ce genre d'imbroglio ne survienne dans l'avenir, est-ce que le premier ministre peut nous assurer que des modifications prévoyant un mécanisme de résolution de disputes juridictionnelles sera prévu dans l'entente avant sa reconduction formelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il y a plusieurs éléments dans la question et, surtout, dans le préambule. Concernant cette demande d'injonction que le gouvernement a déposée en fin de journée vendredi dernier, je dois rappeler que ce n'est pas l'injonction dont il a été question en cette Chambre, c'est-à-dire l'injonction de demander qu'un acte criminel présumé ne soit pas posé, c'est une injonction qui avait une portée civile. C'était, de la part du gouvernement, la tentative d'empêcher un transporteur d'ondes de transmettre la diffusion d'un événement qui était considéré illégal.

Nous avons demandé... Le Procureur général a fait demander cette injonction dès après avoir appris que c'était la compagnie Bell qui ferait cette transmission. La compagnie Bell a ses bureaux au centre-ville de Montréal; il était donc facile de lui faire signifier une injonction, pourvu qu'elle soit émise. Il se trouve que l'honorable juge Légaré, de la Cour supérieure, saisi de la demande d'injonction, après qu'un avis eut été donné, je crois, aux procureurs de la compagnie Bell, a émis l'injonction. Je ne connais pas le libellé exact du jugement, mais ce qui est important, c'est la conclusion. C'est que le tribunal a fait droit à la demande du gouvernement d'empêcher la transmission de cette émission. Il s'est trouvé que, par la suite, les gens intéressés ont fait affaire avec un autre transporteur.

Bien sûr, le gouvernement du Québec, n'ayant pas les pouvoirs étendus du gouvernement fédéral, ne pouvait pas obtenir une injonction sur l'ensemble des réseaux et ne pouvait agir que sur le cas qui nous préoccupait. Pour le reste – c'est un peu long, mais il y avait plusieurs questions, et je voulais y répondre – c'est la question de savoir: Est-ce qu'il y a un mécanisme de règlement, un mécanisme de résolution des problèmes juridictionnels? Oui, il y a une disposition, dans l'entente intervenue avec le conseil de bande, qui prévoit un mécanisme de règlement s'il y a un conflit: 8 et 9.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: M. le Président, j'aurais plusieurs questions suite à cette réponse. À part le fait de savoir, M. le Président...

Le Président: Je veux juste vous indiquer, M. le député de Laurier-Dorion, pour faciliter les choses et pour s'en tenir au règlement, de procéder une question à la fois. Si vous posez quatre ou cinq questions additionnelles dans la même foulée, on aura un problème de temps pour permettre que des réponses vous soient données pour chacune des questions que vous allez poser, quitte à ce que vous y alliez en succession. Prenez le temps qu'il faut pour faire le débat. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: M. le Président, pour l'information du premier ministre, les articles 8 et 9 ne touchent à rien quant à cette résolution du conflit, mais c'est assurer l'indépendance du corps policier, qui a été évidemment violée.

Je veux savoir, M. le Président, de la part du premier ministre, étant donné que nous sommes devant une situation où il y a deux parties qui ont une interprétation différente quant à l'application des lois... Le ministre de la Sécurité publique, qui avait fait adopter cette entente, disait lui-même qu'il n'était pas en mesure de dire que toutes les lois du Québec seraient appliquées, mais que les lois applicables s'appliqueraient. Est-ce que le premier ministre, avant que l'entente soit reconduite formellement, va prendre les moyens pour s'assurer qu'un article sera prévu afin de prévoir un véritable mécanisme de résolution de ce genre de dispute juridictionnelle et ne pas me référer à des articles qui ne conviennent nullement à cette question?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: M. le Président, il faut savoir qu'il existe, de fait, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec et la communauté mohawk des mécanismes d'interprétation, de discussion et de suivi de l'entente. Ce mécanisme fonctionne. Il a fonctionné. Il fonctionne encore. Les communications sont maintenues, et c'est, je pense, le meilleur des gages de succès.

Alors, M. le Président, c'est clair, en ces matières, qu'il y a un certain nombre de situations qui sont parfois... On est en train de créer des choses nouvelles. Elles doivent se créer progressivement. Et, M. le Président, je pense que, pour l'essentiel, il a été très clair, de la part du gouvernement du Québec, que l'ensemble des lois qui s'appliquent devraient être appliquées. Et, puisqu'il s'agit, M. le Président, de quelque chose de difficile, je me réfère à une intervention même du député, il n'y a pas longtemps, dans un article, dans Le Devoir , qui disait ceci: M. Sirros a expliqué qu'un travail responsable et sérieux dans un domaine compliqué et délicat comme celui des autochtones est le gage de la réussite et de la bonne entente. C'est ce qu'on fait, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Un travail sérieux et responsable, M. le Président, à part le fait de demander au premier ministre comment il peut regarder...

Le Président: Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Comment est-ce que le gouvernement peut dire, pendant toute une semaine, une chose, et faire autre chose par la suite? Et est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut prendre l'engagement de détailler le mécanisme auquel il réfère en déposant la façon dont ça fonctionne et, deuxièmement, peut nous assurer qu'avant que l'entente soit reconduite formellement un mécanisme de résolution de ce genre de dispute soit prévu, M. le Président, de façon à ce qu'on ait une gestion responsable, effectivement?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je pense que ça vaudrait la peine que je lise très rapidement deux articles. De fait, c'est les articles 18 et 19, qui disent ceci: «Le Comité de liaison du corps de police de Kahnawake est constitué par les présentes en tant qu'organisme consultatif chargé de surveiller l'application de la présente entente.» Il dit qu'il est composé d'au moins quatre membres: deux représentants des Mohawks, un représentant du Québec, un représentant du Canada, que le Comité se réunit aussi souvent que nécessaire, etc.

M. le Président, il est très clair dans notre esprit que, dans le cadre de l'entente qui existe présentement, les dispositions sont prévues pour permettre de régler le genre de différend qui est survenu. Encore une fois, M. le Président, je pense qu'il faut rester calme devant la situation. Je pense qu'il faut ramener cette situation à ses dimensions réelles. Et je crois que, sans faire d'inflation verbale, on peut en arriver, compte tenu de l'entente existante, à trouver, avec les Mohawks de Kahnawake... résoudre nos problèmes. Et je pense que c'est ce qu'on va faire, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: Dois-je comprendre que ce Comité de liaison sera saisi du cas de la démission du chef de police pendant les 30 jours qui viennent? Et comment ça se fait que ce Comité de liaison n'est pas entré en fonction à ce moment-là pour éviter l'imbroglio auquel vous nous avez conduits dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, le Comité de liaison a la responsabilité d'étudier toute question qui relève de l'entente. Il peut être saisi de toute question qu'il souhaite aborder. Il faudrait voir, à ce moment-là, ce que les parties souhaitent aborder. Mais, en même temps, il faut se rappeler qu'en matière de gestion et de supervision des chefs de police, c'est vrai dans le cadre de cette entente, c'est une responsabilité du conseil de bande, c'est clair. C'est une responsabilité du conseil de bande. Alors, M. le Président, on a dit hier que M. Montour avait un certain nombre de droits, de possibilités, de mécanismes d'appel. Je pense que ça peut se régler dans ce cadre-là. Pour le reste, pour ce qui concerne notre différend avec les gens de Kahnawake, il y a dans l'entente tout ce qu'il faut pour le régler, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: Dernière question, M. le Président, de ma part. Si ce Comité de liaison est le mécanisme de résolution du conflit, l'aviez-vous saisi du conflit qui était pour survenir le 26?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, j'essaie autant que possible de ne pas saisir des gens d'un conflit qui n'existe pas encore et, plutôt, de tenter de régler les problèmes. Au moment où tout ça s'est produit, M. le Président, le comité se réunissait très régulièrement. Nous avons eu l'occasion, je l'ai dit ici, de rencontrer M. Norton, nous avons eu l'occasion de lui faire valoir notre point de vue. Les autorités civiles de Kahnawake en ont décidé autrement. Nous avons maintenu, là-dedans, que nous faisions confiance au corps de police. C'est justement le travail que doit faire le comité en question. Et, M. le Président, je pense qu'une des leçons qu'on doit tirer des événements de la fin de semaine, c'est que le corps de police de Kahnawake a fait son travail, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

(15 h 40)

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Comment le premier ministre fait-il pour ne pas comprendre le raisonnement de l'honorable juge Lagacé, qui, tout en ayant donné l'injonction concernant Bell Canada, comme il l'a dit, a aussi dit aux procureurs du gouvernement du Québec: Votre requête ne parle pas du moyen d'empêcher l'événement lui-même, a observé le juge Lagacé. Si on empêche le combat, on n'a pas besoin d'empêcher sa diffusion.

Comment le premier ministre fait-il pour ne pas comprendre le raisonnement derrière cette phrase du juge Lagacé?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je vous dirai que je ne pense pas qu'il sied à un parlementaire de commenter la jurisprudence. Je crois qu'il serait un peu inconvenant qu'un premier ministre s'immisce dans le raisonnement qui a amené à la conclusion favorable au gouvernement. Ce qui est important, c'est que l'honorable juge Lagacé a conclu que le gouvernement avait raison. Nous savons tous très bien qu'un juge de la Cour supérieure qui est convoqué à quelques minutes d'avis, en fin d'après-midi au début de la fin de semaine, à quelques heures d'un événement comme celui-là, n'émet pas l'injonction s'il pense qu'il ne peut pas l'émettre. Nous savons que les juges ont une discrétion à exercer dans ces circonstances-là, qu'ils le font dans l'exercice de leur jugement, de leur conscience de juge. Il faut respecter le jugement qui a été rendu, nous le respectons.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Est-ce qu'au moins le premier ministre peut comprendre que ce que le juge a dit, c'est infirmer ce que le premier ministre et le Procureur général ont invoqué la semaine dernière à l'effet qu'ils ne pouvaient pas demander une injonction pour empêcher l'événement? Si le premier ministre ne veut pas interpréter, peut-il au moins voir que le juge a contredit la position gouvernementale? Et peut-il comprendre aussi qu'en évitant de suivre la suggestion de l'opposition et de prendre l'injonction contre ceux qui organisaient l'événement il empêchait ceux qui avaient des arguments à invoquer, il les empêchait de parler, il leur enlevait le droit de se défendre? Est-ce que le gouvernement, est-ce que le premier ministre peut expliquer sa position, qui est contraire à ce que le juge a dit et contraire aux droits qu'ont tous les citoyens au Québec de présenter leur position devant les tribunaux lorsqu'ils sont valablement appelés devant eux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il est du ressort de tout juge d'écarter la position d'un requérant sur une requête, il suffit de rejeter la requête. La façon qui était la plus évidente, la plus péremptoire pour écarter du revers de la main la position gouvernementale, c'était de dire: Je n'émets pas l'injonction que vous sollicitez. À partir du moment où le tribunal émet l'injonction au gouvernement, il donne raison au gouvernement.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, oui, d'un autre angle, pour que le premier ministre arrive à comprendre ce qu'on est en train de dire ici: Est-ce que le premier ministre ne comprend pas que le commentaire du juge Lagacé indique noir sur blanc qu'à l'évidence le gouvernement aurait pu demander une injonction interdisant la tenue du combat et non pas simplement sa diffusion? Est-ce qu'il comprend ça? Et pourquoi n'a-t-il pas demandé, en appliquant le droit criminel comme ils le doivent ici et les recours qui sont permis au gouvernement, pourquoi n'ont-ils pas tenté d'empêcher la tenue du combat plutôt que sa diffusion?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, à l'évidence, le tribunal a jugé que le gouvernement avait emprunté une voie parfaitement valable, puisqu'il a fait droit à la voie choisie par le gouvernement en émettant l'injonction.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le premier ministre, qui est lui-même avocat, fait semblant d'oublier ses notions élémentaires de droit et, entre autres, que le juge ne peut, M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bélanger: Oui. Question de règlement, M. le Président. L'Assemblée nationale n'est pas une instance judiciaire. On est en train d'argumenter en droit sur un jugement qui a été rendu par la Cour supérieure.

Le Président: M. le leader du gouvernement, j'ai déjà dit dans cette Chambre, et je le répète, c'est la responsabilité du président d'apprécier l'à-propos des questions et des réponses.

Alors, M. le député de Frontenac.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je comprends, M. le Président, que c'est au président de juger de la pertinence ou de la recevabilité des questions, mais je pense que, quand un leader du gouvernement ou quand un député soulève une question de règlement, vous vous devez de l'apprécier et de rendre un jugement ou une décision sur le point que je vous ai soulevé. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'en cette Chambre on ne peut donner un avis juridique. Et ce sont des avis juridiques qu'on est en train de s'échanger de part et d'autre de cette Chambre, et c'est tout à fait irrecevable en cette Chambre.

Le Président: Écoutez, je crois que, depuis un bon moment déjà, on est dans un échange qui porte sur l'appréciation ou le comportement politique du gouvernement par rapport à une voie qu'il a empruntée, c'est-à-dire un canal judiciaire pour faire appliquer un certain nombre de choses ou obtenir un certain nombre de décisions qu'il considérait importantes. Et, dans ce sens-là, je considère que les questions qui ont été posées jusqu'à maintenant sont correctes. Elles sont pertinentes et correspondent à l'esprit du règlement. Alors, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, M. le Président, en rappelant au leader du gouvernement que c'est le ministère de la Justice...

Le Président: Je vous invite, M. le chef de l'opposition, à poser une question complémentaire. Très bien.

M. Johnson: M. le Président, étant donné que l'opinion juridique pertinente ici a déjà été donnée et rendue publique par le ministre de la Justice à l'effet que le combat était illégal – c'est ça qui a été donné à M. Montour comme opinion juridique – pourquoi est-ce que le premier ministre et son gouvernement ont choisi non pas de chercher une injonction empêchant la tenue du combat, mais sa diffusion? Sinon, est-ce qu'ils avaient peur que ça soit accordé? Est-ce que c'est ça, la réponse puis la question?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai l'impression qu'il y a plusieurs députés de l'opposition qui s'ennuient de la pratique du droit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Je vois le leader lui-même qui a peine à résister à l'envie de se lever lui aussi pour...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: ...lui rappeler ses beaux jours où il fréquentait le prétoire avec le succès que nous lui reconnaissons, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Revenons à cette question, à ce débat transcendantal que vient de soulever l'opposition, M. le Président. Le gouvernement s'est présenté devant un tribunal, devant un juge, en présence de l'avocat de la compagnie Bell, de l'avocat de l'intimé, il a plaidé sa cause et il a gagné. Voilà!

Le Président: Alors, une dernière complémentaire sur le sujet, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le Procureur général sait et peut l'expliquer à son gouvernement et à son premier ministre que le juge Légaré, parce que c'est la règle, ne pouvait se prononcer formellement...

Une voix: Lagacé.

M. Lefebvre: ...Lagacé – que sur la demande qui lui était faite, mais qu'il pouvait cependant commenter ce qui n'était pas demandé? C'est ce qu'il a fait, M. le Président, puis, dans le langage des avocats, ça s'appelle un obiter dictum. Est-ce que le Procureur général sait ça, M. le Président?

Des voix: Oh!

Le Président: M. le ministre de la Justice.

À l'ordre! Je crois que la majorité des membres de l'Assemblée et ceux qui nous écoutent souhaiteraient que l'échange se continue en français. M. le ministre de la Justice.

M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je crois que l'opposition n'est pas satisfaite du ratio decidendi, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: De minimis non curat praetor, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Et je crois qu'il faut mettre fin à ce débat.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, en principale.


Interdiction par le gouvernement fédéral de l'usage de MMT dans l'essence

M. Gendron: Oui, M. le Président. J'allais dire: Passons aux choses sérieuses. La question, c'est la suivante: Le 19 mai 1995, le gouvernement fédéral a déposé en Chambre le projet de loi C-29 – l'ancien C-94 – qui interdit l'importation et le commerce interprovincial du MMT. Le MMT, il s'agit d'un additif de carburant qui relève l'indice d'octane de l'essence et qui améliore les procédés de raffinage. C'est également un additif, d'ailleurs, qui est utilisé dans toutes les essences sans plomb depuis 1977. On connaît tous les mérites du MMT pour réduire les émissions de gaz carbonique, d'oxyde d'azote, de monoxyde de carbone, d'anhydride sulfureux et les émissions de benzène.

Ma question au ministre des Ressources naturelles: Entend-il signifier clairement au gouvernement fédéral que, en ce qui nous concerne, l'industrie pétrolière du Québec est plus importante pour nous, le Québec, que de protéger le lobby de l'industrie automobile canadienne et ontarienne, qui veulent transférer sur le dos des raffineurs la lutte à la pollution atmosphérique?

(15 h 50)

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'entends non seulement le manifester personnellement, comme je l'ai déjà fait d'ailleurs par lettre à mon homologue, mais j'ai également l'intention de proposer, immédiatement après cette période de questions, une motion, à l'Assemblée nationale, pour que l'Assemblée nationale du Québec reflète sa volonté de faire en sorte que le gouvernement fédéral n'impose pas aux pétrolières une taxe additionnelle de 80 000 000 $, dont 12 000 000 $ aux pétrolières du Québec, mais que, plutôt, le fédéral prenne ses responsabilités et fasse trancher l'impact environnemental. C'est ça qui est la priorité que devrait avoir le gouvernement fédéral, plutôt que de céder au lobby à court terme, au détriment de l'entreprise québécoise.

Le Président: M. le député.

M. Gendron: M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles entend également exiger, dans cette motion que j'apprends qu'il y aura aujourd'hui...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Oui. On me dit qu'il y aura une motion non annoncée. Je me ferai un plaisir de...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: ...discourir sur la motion non annoncée. Mais ma question, M. le Président, c'est de demander au ministre des Ressources naturelles: Est-ce qu'il entend exiger, dans cette même motion, que le gouvernement fédéral sursoie au dépôt ou à l'adoption de ce projet de loi concernant l'interdiction du MMT? Parce que toutes les études dont nous disposons présentement concluent à des effets très positifs, et on ne voit d'aucune façon sur quoi s'appuie le gouvernement fédéral pour arriver à l'interdiction de l'usage du MMT.

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, oui, je demanderai carrément que le fédéral sursoie, puisque vous savez qu'une telle loi, l'effet de C-29, ça aurait pour effet de remplacer, à toutes fins pratiques, le MMT par d'autres substances et ça rendrait l'entreprise québécoise non concurrentielle sur le plan international. Donc, c'est clair qu'on ne veut pas, comme gouvernement et, j'espère, comme Assemblée nationale, que les compagnies québécoises ne soient pas concurrentielles sur le plan international.

Deuxièmement, je crois aussi que le fédéral aurait avantage à s'enquérir auprès de ses négociateurs du traité de l'ALENA. Ils verront que ça va à l'encontre même du traité de l'ALENA et, plus encore, ça va à l'encontre du marché interprovincial, et c'est aux dires des provinces. On n'est pas la seule province canadienne à ne pas vouloir; on a la Saskatchewan, on a l'Alberta, on a également le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, qui s'y sont diamétralement opposées.

Le Président: En complémentaire. M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, oui, oui, à l'endroit du ministre, à qui je ne demanderai pas de commenter ce que son prédécesseur a fait ou pas fait dans ce dossier-là, à l'endroit de C-94: Est-ce que je pourrais savoir du ministre, qui vient de nous dire que d'autres provinces canadiennes sont également de l'avis du gouvernement, est-ce que je pourrais lui demander s'il a contacté ses homologues dans les autres provinces canadiennes afin d'assurer une action concertée à l'encontre, éventuellement, du projet de loi C-29?

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Les ministères se parlent, M. le Président, d'une province à l'autre, comme c'est normal, et ça se fait, puisqu'on a déjà des contacts où les mêmes positions se prennent. Pour un bon nombre de ministres des Ressources naturelles des provinces, on a écrit au ministre fédéral, l'enjoignant, par exemple, de lire les avis légaux. Je donne un exemple. En ce qui regarde l'ALENA, M. Gordon Ritchie, qui était l'ex-négociateur canadien, a donné un avis, carrément, prétextant et affirmant que ça allait à l'encontre de l'ALENA. Également, M. Arthur Eggleton, ministre fédéral du Commerce international, a écrit à son collègue Sergio Marchi pour lui dire que ça n'avait pas de bon sens, et Sergio Marchi est le ministre d'Environnement Canada. Je pense que le Canada devrait cesser de plier au lobby, comme a dit mon collègue d'Abitibi-Ouest, qui, soit dit en passant, a fait un excellent travail.

Le Président: En complémentaire? M. le député d'Orford, en complémentaire.

M. Benoit: Oui, en complémentaire au ministre de l'Environnement. Comment le ministre de l'Environnement peut-il accepter une telle décision, M. le Président, alors que les grands groupes d'environnement aux États-Unis, le Sierra Club, M. Green, ici, au Québec, qui supportait le ministre ce matin dans un autre dossier... M. Green, pas plus tard qu'hier, nous informait qu'il était pour s'opposer à cette mesure-là. Comment le ministre de l'Environnement va-t-il pouvoir supporter son gouvernement dans cette décision-là?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Merci, M. le Président. Alors, naturellement, je suis en consultation avec mon collègue des Ressources naturelles, et, au niveau de l'environnement, ce que vous devez savoir, c'est que si on bannissait le MMT, pour les voitures qui sont vieilles, ça pourrait augmenter la pollution. Et certains nouveaux types de voitures sans MMT seraient plus performants au niveau de la réduction de la pollution. Alors, idéalement, il y aurait de disponibles au Québec des essences avec MMT et des essences sans MMT, dépendamment de l'âge de la voiture. Ce n'est pas si clair que ça que, sans MMT, ça protège mieux l'environnement qu'avec MMT. Ça dépend de l'âge de la voiture et de la technique des catalyseurs.

Le Président: M. le député.

M. Benoit: Comment le ministre de l'Environnement peut-il nous expliquer que 40 % des États américains, ceux où il y a le plus de pollution, vont s'en tenir à une politique très stricte sur la non-utilisation du MMT?

Le Président: M. le ministre.

M. Cliche: M. le Président, j'ai discuté de cette question pas plus tard qu'hier avec des collègues des États américains du nord-est que je rencontrais, et certains de mes collègues américains pensent que certaines décisions ont été prises un peu rapidement, et que les analyses subséquentes démontrent ce que je viens de dire au niveau de la technique, et qu'on connaît l'importance du lobbying aux États-Unis et que certains législateurs ont succombé peut-être trop rapidement au lobby des grands de l'automobile.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en principale.


Fermeture de délégations du Québec à l'étranger

Mme Houda-Pepin: M. le Président, considérant que c'est hier, le 30 avril, qu'on fermait une douzaine de délégations du Québec à l'étranger suite à la décision improvisée du gouvernement de saccager un réseau de délégations que le Québec a mis 30 ans à bâtir, considérant que cette décision a été décriée par l'ensemble des milieux concernés, y compris par les militants du Parti québécois lors de leur Conseil national des 27 et 28 avril dernier, considérant les nombreuses lettres adressées au ministre des Relations internationales, notamment celle de M. Alain Paré, du Commerce international des arts de la scène, et de M. Jacques Vézina, du Centre des auteurs dramatiques, qu'est-ce que le ministre des Relations internationales a fait concrètement à ce jour pour répondre aux inquiétudes exprimées par de nombreux organismes et pour donner suite à la décision du Conseil national du Parti québécois qui a voté une résolution contre la fermeture des délégations du Québec à l'étranger?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales.

M. Simard: M. le Président, j'ai eu l'occasion, au cours du dernier week-end à Montréal, devant les militants du Parti québécois, d'expliquer que, des deux côtés de cette Chambre, nous avons appuyé pendant, vous le rappeliez, une trentaine d'années la construction, la constitution d'un réseau de délégations à l'étranger afin de servir l'ouverture sur le monde du peuple québécois et qu'il était normal qu'à certaines époques, après une certaine période, comme tous les autres États sont à le faire actuellement, nous reconsidérions notre façon d'agir de façon à être plus efficaces avec les moyens dont dispose effectivement le gouvernement.

Vous verrez dans quelques semaines que l'Université Carleton, par exemple, déposera une étude donnant avis au gouvernement fédéral canadien qu'elle devrait fermer... que le gouvernement fédéral canadien devrait fermer un certain nombre de ses ambassades à l'étranger et modifier, transformer ses façons d'agir.

Sur ces nouvelles façons d'agir, M. le Président, j'informe la députée de La Pinière que nous sommes très avancés, qu'en matière commerciale le ministre des Finances et la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce ainsi que mon ministère travaillent sur des hypothèses qui sont très avancées. Il y aura, et je l'annonce, dans quelques semaines, à Hanoi, l'ouverture d'une représentation du Québec, en coopération avec la Caisse de dépôt et placement, à une fraction du coût que nous aurait coûté normalement une délégation à l'étranger. Plus d'efficacité, plus de présence, avec les moyens réels dont dispose le Québec, c'est comme ça que nous allons faire face à la crise des finances publiques avec efficacité.

(16 heures)

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. En principale.


Non-participation du gouvernement au projet Everest

Mme Frulla: Alors que la ville de Montréal s'associe à plusieurs partenaires privés, dont plusieurs d'entre eux seront interpellés par le comité Bérard, s'associe aux principaux médias de Montréal, s'associe aussi au gouvernement fédéral, qui investira 1 000 000 $ sur deux ans pour lancer une vaste campagne de mobilisation pour la relance de la ville de Montréal, nous apprenions hier, lors de l'étude des crédits du ministère d'État à la Métropole, que le ministre de Montréal a refusé de souscrire à cette initiative. Il refuse d'y participer, disait-il, prétextant qu'il ne veut pas s'impliquer dans une initiative dite locale, privilégiant plutôt des actions globales, voire régionales.

En principale, M. le Président: Comment le ministre peut-il expliquer ce refus, alors que l'article 5, alinéa 2°, du projet de loi déposé hier après-midi, créant son ministère, spécifie, et je cite: que le ministre «apporte, aux conditions qu'il détermine, son soutien financier à la réalisation d'actions visant le développement et la promotion de la métropole»?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Je voudrais d'abord dire que, si la question avait été aussi précise hier, elle aurait pu recevoir une réponse immédiatement hier. Il était vaguement question de 1 000 000 $ dépensés par le fédéral pour la promotion peut-être économique, peut-être touristique, ou quoi que ce soit, c'était difficile d'identifier le projet. Finalement, en fouillant dans nos dossiers, nous avons trouvé qu'il s'agissait du projet Everest, sur lequel, aujourd'hui, peut parler avec plus de précision la députée. Je ne sais pas pourquoi elle ne l'a pas fait hier, si c'est celui qu'elle visait.

Mais, puisque maintenant elle le vise, je dois dire que j'ai été vraiment très superficiellement saisi de ce dossier et j'avoue n'en avoir à peu près aucune mémoire. Mais, s'il s'agit effectivement simplement d'un dossier d'une promotion de la fierté, quant à moi, je pense que ce n'est pas en faisant des campagnes publicitaires de promotion de fierté que nous allons rendre les gens fiers, c'est en leur donnant les véritables raisons pour lesquelles ils doivent être fiers de leur ville, c'est en leur montrant comment l'économie se transforme plutôt que de continuellement avoir une attitude pessimiste et de colporter simplement les côtés négatifs qui arrivent dans cette ville.

Et je crois que des campagnes, simplement en disant: Soyez fiers de votre ville, c'est un peu comme peinturer les bobos, n'est-ce pas, en espérant qu'ils vont guérir. Je pense qu'au contraire c'est par des actions concrètes, c'est en leur signalant les objets de fierté qu'ils ont, c'est par l'information que nous pouvons donner, c'est par les actions que nous allons prendre et c'est par la transformation de l'économie, la relance de l'économie qu'ils deviendront fiers.

Le Président: En principale, M. le député de Frontenac.


Tarification des services policiers dans les municipalités de moins de 5 000 habitants

M. Lefebvre: M. le Président, on va parler de taxes plutôt que de parler de droit. M. le Président, ce matin, le ministre de la Sécurité publique et son collègue des Affaires municipales ont annoncé que la tarification imposée par le gouvernement aux 1 200 municipalités, plus ou moins, de 5 000 habitants au Québec pour la protection de la Sûreté du Québec serait augmentée de 70 000 000 $ à 100 000 000 $, M. le Président. Le ministre de la Sécurité publique a indiqué qu'il irait en tournée au cours des prochaines semaines.

Comment le ministre, M. le Président, dans sa tournée, va-t-il expliquer aux élus municipaux de ces 1 200 municipalités, au fur et à mesure de sa tournée, puis aux citoyens, cette nouvelle taxe de 30 000 000 $? Et, surtout, comment va-t-il répondre à ceux et celles qui lui rappelleront la déclaration du premier ministre, le 28 mars, à l'Assemblée, qui disait, et je le cite: «Les citoyens ne sont pas touchés, M. le Président, c'est les machines, l'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne sont pas touchés»?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Alors, M. le Président, je pense qu'on va l'expliquer par la volonté que tous les citoyens au Québec aient, en matière de services policiers de base, un service adéquat. On va l'expliquer dans le sens de la volonté du gouvernement de rétablir entre les contribuables du Québec plus d'équité en matière de financement des services policiers, et on va l'expliquer, M. le Président, en essayant d'établir au Québec, en collaborant avec les municipalités régionales de comté, en essayant d'établir une carte policière qui soit fondée sur une organisation efficace.

M. le Président, j'ai eu l'occasion de rencontrer les deux unions, l'association des directeurs des policiers, les représentants syndicaux, et, à date, M. le Président, je n'ai eu que des commentaires favorables par rapport à la position du gouvernement.

Le Président: Une courte complémentaire et une courte réponse. Ça va être...

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir du ministre ce qui s'est passé entre la semaine dernière... ce qui apparaît d'ailleurs aux crédits, confirmé par le ministre, que l'augmentation devait être de 25 000 000 $, alors qu'une semaine plus tard, M. le Président, ça passe à 30 000 000 $. Qu'est-ce qui s'est passé en une semaine pour que le gouvernement révise à la hausse, de 5 000 000 $, cette taxe imposée aux citoyens du Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: Alors, M. le Président, il n'y a pas de contradiction, absolument pas. Ce que j'ai rendu public, c'est un document d'orientation sur la façon d'organiser au Québec les forces policières, notamment le rôle de la Sûreté du Québec dans les services auprès des petites municipalités, en conjonction avec les municipalités régionales de comté. Les objectifs du gouvernement sont les suivants. C'est effectivement d'aller chercher une augmentation de la contribution des municipalités, parce qu'il y a des municipalités et des contribuables qui paient actuellement, et, M. le Président, au total, je pense qu'on va se retrouver, à la fin de cet exercice, avec une organisation policière plus efficace et un meilleur service pour la population.

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées.

Il n'y a pas non plus de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en sommes maintenant aux motions sans préavis. M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


Surseoir à l'adoption du projet de loi fédéral C-29 sur le MMT

M. Chevrette: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande de surseoir à l'adoption du projet de loi fédéral C-29 concernant l'additif MMT dans l'essence tant et aussi longtemps que les études sur l'acceptabilité environnementale du produit n'auront pas été menées de façon concluante.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le mercredi est habituellement la journée réservée à l'opposition. Il est de tradition de ne pas présenter de motion. Toutefois, comme nous avons été prévenus de cette motion par le côté ministériel et comme il y a des engagements par le leader du gouvernement, elle sera adoptée immédiatement.


Mise aux voix

Le Président: Alors, cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre toute sa sympathie au peuple arménien et à la communauté arménienne du Québec à l'occasion du 81e anniversaire des événements douloureux...

Le Président: Je crois que le leader de l'opposition officielle mentionnait que c'est la journée des députés de l'opposition. Alors, je demanderais à ses collègues de permettre rapidement à ce qu'on procède aux affaires... M. le député de...

M. Boulerice: Je sollicitais, M. le Président, le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter dans la dignité la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre toute sa sympathie au peuple arménien et à la communauté arménienne du Québec à l'occasion du 81e anniversaire des événements douloureux associés au génocide du peuple arménien survenu le 24 avril 1915.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Sauf erreur, et je demanderai au leader du gouvernement de le confirmer, il s'agit de la même motion qui avait été présentée – la journée en question, c'était le 24 avril dernier – par l'honorable député de l'Acadie alors que la population arménienne était représentée dans les galeries de l'Assemblée nationale et que le gouvernement a refusé de discuter de ladite motion.

Le Président: La question que je voudrais d'abord poser au leader de l'opposition officielle: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Autrement, là, on va faire des débats encore inutilement.

Des voix: Non.

M. Bélanger: La question m'a été posée. C'est la même motion, M. le Président, que nous avions demandé, à ce moment-là, à l'opposition officielle de bien vouloir... qu'on ait le temps de pouvoir, justement, parler de cette motion. Malheureusement, le leader de l'opposition m'avait refusé son consentement pour l'étude des crédits, et, à ce moment-là, on n'avait pas eu le temps nécessaire pour pouvoir débattre correctement de cette motion. Donc, le plus rapidement possible après l'étude des crédits, M. le Président. Je pense que j'ai avisé l'opposition officielle. Nous avons présenté la motion, qui est importante, nous en conviendrons tous, et je pense qu'il est important, M. le Président... On pourrait faire cela rapidement, un intervenant de part et d'autre. Mais je pense que le sujet est important, il mérite qu'en cette Chambre il y ait une intervention et un débat sur cette motion importante.

Le Président: Sans autre discussion, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Très brièvement, M. le Président. Tout comme vous êtes capable de le faire, la communauté arménienne sera capable de juger de l'attitude du gouvernement dans cette affaire.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le député?

Une voix: Non.

(16 h 10)

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement. Mme la députée de Matapédia.


Souligner la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs

Mme Doyer: Oui. Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre afin de présenter la motion suivante:

«Que les membres de l'Assemblée nationale soulignent la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs et, de façon particulière, soulignent la contribution de toutes les Québécoises et de tous les Québécois qui, par leur effort et leur dynamisme, assurent dignement le développement social et économique du Québec.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Le ministre du Travail a fait savoir à notre bureau qu'il aurait souhaité présenter, comme c'est la tradition, lui-même cette dite motion. Compte tenu qu'il est absent pour des raisons professionnelles qui relèvent de l'exercice et de la compétence de son ministère, compte tenu des échanges que nous avons eus sur le plancher, il y aurait consentement à l'adoption immédiate de cette motion, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a... Il y a consentement. Est-ce qu'il y a consentement, sans débat? Alors, la motion est adoptée? Adopté. M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais, moi aussi, solliciter le consentement de l'Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale, conformément à la volonté unanime des milieux industriels, maritimes, municipaux et socioéconomiques québécois, exige que le gouvernement fédéral décrète un moratoire sur le projet de tarification proposé par la Garde côtière canadienne et sursoie à l'application de cette tarification tant et aussi longtemps que les études d'impact demandées par la Coalition pour la sauvegarde du Saint-Laurent ne seront pas réalisées.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Sans vouloir imputer de motifs à l'honorable député, on est la journée réservée à l'opposition, pour la motion de l'opposition. Je vous soumets respectueusement, M. le Président, qu'on commence à déborder légèrement. Le critique de l'opposition en cette matière m'a informé qu'il avait eu des discussions avec le ministre, que les discussions se poursuivent, qu'ils continuent de se parler.

Le Président: Alors, je comprends bien qu'il n'y a pas consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, permettez-moi de solliciter le consentement. Je pense que c'est une motion importante et qui a des impacts importants pour les régions, en particulier, de Montréal et de Québec...

Le Président: M. le leader du gouvernement, le ministre a déjà demandé le consentement. On n'a pas à requérir un nouveau consentement. Il n'y a pas consentement.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, je sollicite le consentement...

Le Président: À l'ordre!

M. Trudel: ...pour adopter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse...

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement pour adopter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse le mois de mai comme le mois de l'éducation physique et du sport étudiant au Québec.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Alors, il n'y a pas consentement.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes maintenant aux avis... À l'ordre! Nous en sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 51, Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, le jeudi 2 mai, de 10 heures à midi, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Je vous avise, de mon côté, que la commission des affaires sociales se réunira en séance de travail demain, le jeudi 2 mai, de 9 heures à 10 heures, à la salle RC-161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance de travail est de préparer la séance du 7 mai prochain qui vise à entendre le président du Conseil médical du Québec sur sa gestion administrative ou sur toute autre matière de même nature, conformément aux dispositions de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Je demanderais aux membres de l'Assemblée qui ont des discussions à faire avec leurs collègues de le faire à l'extérieur de l'enceinte, s'il vous plaît. Et j'apprécierais pouvoir livrer les messages que j'ai à livrer afin que l'ensemble des membres de l'Assemblée puissent les entendre.

Je vous avise également que la commission de la culture se réunira demain, le jeudi 2 mai, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de procéder à l'étude du rapport annuel 1994-1995 de la Commission d'accès à l'information.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous en sommes maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Est-ce que je peux m'enquérir, M. le Président, auprès du ministre de la Sécurité publique s'il pourrait prendre l'engagement de déposer et quand il déposera tous les écrits relatifs à la prolongation de l'entente avec Kahnawake, c'est-à-dire, et plus particulièrement la lettre qu'il aurait reçue du chef Norton, datée du 1er avril, le document conjoint mentionné dans le décret du 3 avril, 433-96, le document conjoint qui, formellement, assure la prolongation de l'entente? Quand est-ce qu'il pourra les déposer, ces deux documents, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'ai peut-être une question de directive. J'aimerais peut-être avoir des éclaircissements, à savoir: Est-ce que c'est vraiment à cette période-ci que, normalement, on devrait poser des questions relativement à savoir si des documents doivent être déposés? Normalement, la période de renseignements sur les travaux de l'Assemblée est réservée à savoir quel va être l'horaire ou quels sont les projets de loi qui vont être déposés ou produits, des choses comme ça, des questions de cette nature. Mais, à ce moment-là, une question comme celle posée par le député de Laurier-Dorion, quant à moi, pourrait être une question qui aurait pu être posée à la période des questions.

Question de directive. Je voudrais savoir, M. le Président, tout simplement, si c'est vraiment la période appropriée pour ce genre de question.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur cette demande de directive.

M. Paradis: Oui, tout en respectant les décisions que vous avez déjà rendues en la matière, M. le Président, votre prédécesseur permettait que ce type de question soit posée à la rubrique «Dépôt de documents»; il y avait une tradition qui s'était établie, et ça convenait à tout le monde. Si on ne peut pas le faire à ce moment-là, si on ne peut pas le faire à ce moment-ci, si vous nous indiquez que c'est à la période des questions qu'on se lève et on dit: Est-ce que le ministre peut nous déposer un document? je vous soumets respectueusement que ça ne suit pas ni l'esprit, ni la lettre des articles qui gouvernent la conduite d'une période de questions. L'important et l'essentiel, c'est que les documents soient déposés, à moins que le ministre ait de quoi à cacher.

Le Président: Alors, sur la demande de directive du leader du gouvernement et sur l'opinion qui a été émise sur cette demande par le leader de l'opposition officielle, je voudrais vous lire l'article 86:

«Renseignements par le leader du gouvernement – Le leader du gouvernement peut, d'office ou à la demande d'un député, communiquer à l'Assemblée des renseignements sur ses travaux – s-e-s.

«Les demandes de renseignements doivent porter sur des affaires inscrites au feuilleton.»

Je pense, M. le député, qu'en l'occurrence la question dont on parle n'est pas une affaire inscrite au feuilleton. Elle est une affaire d'actualité, par ailleurs, et c'est la raison pour laquelle, au départ, un peu plus tôt aujourd'hui, j'avais indiqué qu'il y avait possibilité de poser des questions et de demander, plutôt qu'à l'étape de «Dépôt de documents», que le gouvernement puisse déposer, ou s'il entendait déposer des documents, et de le faire à la période de questions et de réponses orales. Alors, sur ce, s'il n'y a pas d'autres... Monsieur le... Sur la décision que je viens de rendre?

M. Paradis: Je ne sais pas s'il s'agit d'une décision, M. le Président, là. Est-ce que vous êtes conscient, M. le président, que la période de questions est limitée à 45 minutes, et que c'est la première fois, moi, en 15 ans que je suis ici, qu'un président indique à l'Assemblée nationale que c'est à l'occasion de ce 45 minutes qu'on peut demander au gouvernement de déposer des documents? Je pense qu'on aurait avantage, tout le monde ensemble – on parle de réforme parlementaire – à ne pas appliquer une réforme parlementaire avant qu'on s'entende sur une réforme parlementaire. Je vous répète qu'il est de tradition que ça se fasse à l'étape «Dépôt de documents», c'était la jurisprudence clairement établie par votre prédécesseur, et que, s'il faut brûler – si je peux utiliser l'expression – la période de questions à demander: Pouvez-vous nous déposer... et se rasseoir... On n'a pas le document, on ne peut pas poser de questions additionnelles, on va à l'encontre de l'économie de ce qui est prévu au règlement de l'Assemblée nationale pour la période de questions: la possibilité d'interroger le gouvernement, comme tel. Je vous soumets tout simplement que ça ne se tient pas, en pratique.

Le Président: Alors, une dernière remarque, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, sans vouloir prêter d'intention à mon collègue et leader de l'opposition, je pense qu'il est en train de contester votre décision. Votre décision est claire. Votre décision est claire à l'effet que les questions doivent porter sur les travaux de cette Chambre et les choses qui sont inscrites au feuilleton.

Alors, évidemment, une courte question, à la période de questions, sans qu'il y ait trop de perte de temps, à ce moment-là, je comprends que ça pourrait être posé et ça pourrait être fait de cette façon-là, M. le Président. Mais votre décision est rendue, je pense que c'est la bonne décision, celle que vous deviez rendre et, à ce moment-là, je pense que la question telle que posée par le député de Laurier-Dorion est irrecevable en cette Chambre. Donc, je ne pourrai y répondre.

Le Président: Je crois qu'en l'occurrence le président a interprété correctement, je pense, l'article 86 du règlement. Encore une fois, ce n'est pas pour rien que nous sommes tous conscients qu'il faut une réforme parlementaire. Il y a une série de questions qui devront être précisées. Mais, en l'occurrence, le Président, encore une fois, n'a pas à écrire ou réécrire lui-même le règlement, il n'a qu'à l'interpréter. Et, dans le contexte actuel, les demandes de renseignements doivent porter sur des affaires inscrites au feuilleton. Et, en l'occurrence, s'il n'y a pas d'autres demandes de renseignements à cette étape-ci sur les travaux de l'Assemblée... M. le leader... Et j'espère que vous savez très bien que vous amputez sur le temps de votre collègue, qui a une motion. M. le leader de l'opposition.

(16 h 20)

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je ne critique aucunement la décision que vous rendez en vertu de 86, vous appliquez le libellé du règlement comme tel. Ce que je vous demande... À partir du moment où vous donnez une interprétation, qui est correcte, à mon avis, à l'article 86, la question des dépôts de documents reste entièrement ouverte. Et, si on ne peut pas le faire à la rubrique «Dépôt de documents» comme telle, nous sommes condamnés à aller à un endroit... Ça ne s'est jamais fait, au Parlement. Vous créez une jurisprudence de toutes pièces si vous rendez une autre décision. Celle de 86 est bonne, elle n'est pas contestée, maintenez-la, elle fait partie de la jurisprudence constante de l'Assemblée nationale, mais l'obiter dictum qui dit d'aller à la période de questions ne repose sur aucun précédent, sur aucune logique, contredit l'esprit et la lettre des articles de notre règlement qui prévoient le fonctionnement de la période de questions. Compte tenu qu'il s'agit de la journée des députés, comme tel, de l'opposition, je vous demande de prendre cette importante question pour le déroulement de nos travaux en délibéré tout en maintenant la décision que vous venez de rendre.

Le Président: Alors, je pense qu'on peut s'entendre sur une dernière intervention. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que mon collègue, le leader de l'opposition, est en train de mélanger deux problèmes. Il y a la première question, ou le premier problème, qu'on pourrait dire, qui est celui du dépôt de documents. Et je pense que vous avez, sur les dépôts de documents, statué en cette matière à l'effet que seul un ministre pouvait, à la période des dépôts de documents, déposer un document, et non pas un député de l'opposition. Je pense, ici, en cette Chambre, maintenant, c'est la décision qui a été rendue et que nous savons maintenant qui est la décision de cette Assemblée.

Maintenant, l'autre question, à savoir: Est-ce qu'on peut poser des questions relativement à un document qui, supposément, aurait dû être déposé? Alors, là, à ce moment-là, c'est cette deuxième que se pose le leader de l'opposition, et je crois que, par votre décision, vous avez répondu. Et peut-être y a-t-il un manquement à notre règlement, mais, encore là, moi, je fais l'offre suivante à mon collègue le leader de l'opposition: je vais avec lui collaborer le plus rapidement possible pour que nous puissions, à ce moment-là, peut-être aménager ou encore améliorer nos règlements. De notre côté, je peux vous dire qu'on a déjà des comités de députés qui se penchent sur la question et qui vont essayer d'améliorer certains points de notre règlement. On l'a constaté encore au niveau des questions de fait personnel. On a vu qu'il y avait un problème et que ça ne répondait pas à toutes les éventualités. C'est pour ça que nous avons donné notre consentement. Et je pense qu'encore là c'est une question qui pourra faire l'objet de la réforme parlementaire que nous attendons avec impatience.

Le Président: Alors, en terminant, je voudrais vous indiquer et vous rappeler aussi le libellé de l'article 59, qui dit:

«Documents d'intérêt public – Les ministres peuvent déposer tout document qu'ils jugent d'intérêt public.»

Et nous avons une rubrique particulière aux affaires courantes, qui s'appelle «Dépôt de documents». Dans la mesure où le gouvernement choisit de déposer ou de ne pas déposer, il peut devenir d'intérêt public de questionner, à la période des questions et réponses orales, le gouvernement sur les raisons pour lesquelles il a choisi de déposer ou de ne pas déposer. Et, à ce moment-là, c'est la raison pour laquelle, tantôt, je disais qu'à cette période spécifique des questions et réponses orales on peut effectivement questionner le gouvernement et le tasser au pied du mur pour savoir si, effectivement, il a raison et s'il a bien choisi de ne pas déposer certains documents ou s'il entend le faire plus tôt compte tenu des événements qui sont dans l'actualité et qui sont soulevés dans la Chambre.

Mais, par ailleurs, quant à l'interprétation de l'autre article que j'ai lu tantôt, encore une fois, je crois que l'article est clair, ça s'adresse aux affaires inscrites au feuilleton. Et c'est les travaux de l'Assemblée qui sont, à certains égards, commandés par le leader du gouvernement, selon l'interprétation du règlement.

Alors, cela étant dit, s'il n'y a pas d'autres demandes de renseignements sur d'autres questions... M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Sur une demande de renseignements aussi. Il y a une question écrite qui apparaît au feuilleton, évidemment, aujourd'hui, étant donné que c'est mercredi, qui a été inscrite au printemps dernier, qui a passé la saison du printemps, qui a passé la saison de l'automne, qui a vécu une prorogation de la Chambre, qui a été réinscrite, donc, au nouveau feuilleton. Or, j'aimerais savoir, de la part du leader du gouvernement, s'il y a une intention de la part de la ministre de l'Éducation d'y répondre maintenant, parce qu'il s'agit d'un problème qui touche très, très concrètement des citoyens, puis des citoyens qui appellent au bureau du député pour savoir si le gouvernement est sérieux, si le gouvernement va un jour répondre aux questions qui sont là. Et, là, on s'en va vers une année complète qui va avoir tourné... Et je ne demande pas au leader comment l'ancien gouvernement répondait aux questions, je demande quand son gouvernement a l'intention d'y répondre.

Le Président: Alors, la question est recevable. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, on me dit que, probablement – et, encore là, je ne peux pas être sûr – demain, on sera en mesure de donner une réponse à la question qui est posée. Mais, sans vouloir me défendre sur le comportement de ceux qui nous précédaient, je veux quand même le rassurer, qu'on ne prendra pas autant de temps que le gouvernement libéral prenait. Maintenant, deux, trois ans avant de répondre aux questions...

Le Président: M. le... c'est exactement de cette façon-là que, parfois, on finit par déraper. La question a été demandée. C'est une réponse du leader du gouvernement demandée sur les affaires et non pas des commentaires qui, finalement, suscitent des débats.

J'ai vu le leader de l'opposition officielle. Est-ce que vous avez une autre question sur les travaux de l'Assemblée? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, concernant l'interpellation du député de LaFontaine au ministre du Travail qui est inscrite au feuilleton pour ce vendredi, de 10 heures à midi, est-ce que le leader du gouvernement peut assurer cette Chambre que le ministre du Travail a épuisé la liste des excuses qui... M. le Président, je suis en train de tenter de l'aider à faire son travail. On nous a dit qu'il rencontrait Opération Enfant Soleil, qu'il avait une rencontre avec Kenworth...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, encore une fois, je vois là en vous un habile parlementaire, mais vous savez très bien que la question que vous avez commencé clairement à poser n'est pas une question qui s'applique aux travaux de l'Assemblée, de la façon dont vous l'avez formulée. Si vous voulez poser la question sur ce qui va arriver vendredi, sans prêter d'intention au ministre et sans présumer de ses actes, alors vous pouvez y aller.

M. Paradis: M. le Président, je vais m'en tenir à une décision rendue par un de vos prédécesseurs, l'honorable Richard Guay, le 3 mai 1984 dans le but d'aider le leader du gouvernement dans son travail. Est-ce que le moment d'une interpellation est déterminé en fonction de la disponibilité du ministre? Réponse: Décision. Dans notre système parlementaire, le Parlement a priorité. Un ministre doit donc préparer son horaire en fonction du Parlement.

Est-ce que le leader peut nous assurer que c'est ce que fera le ministre du Travail, après avoir essayé de faire d'autres choses?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, l'interpellation est inscrite au feuilleton. L'heure à laquelle l'interpellation doit se faire est inscrite au feuilleton, et le ministre sera présent et pourra répondre à l'interpellation comme il se doit.

Le Président: Alors, ça complète, si j'ai bien compris les renseignements qui sont demandés sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Nous en arrivons maintenant aux affaires du jour et aux affaires inscrites par les députés de l'opposition en vertu de l'article 29. M. le député de Verdun présente la motion suivante:


Motion proposant que l'Assemblée dénonce l'incohérence et l'improvisation du gouvernement dans les coupures imposées au secteur de l'éducation

«Que l'Assemblée nationale dénonce l'incohérence et l'improvisation du gouvernement dans les coupures imposées au secteur de l'éducation qui affecteront inévitablement la qualité de l'enseignement et les services aux étudiants, augmenteront les contributions des étudiants et forceront la hausse des taxes scolaires.»

Avant que le débat sur cette motion ne s'engage, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion. Mis à part la réplique de 10 minutes accordée à l'auteur de la motion et les 10 minutes allouées à l'ensemble des députés indépendants, les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, les interventions ne sont pas limitées.

Je suis maintenant prêt à entendre un premier intervenant. M. le leader du gouvernement, auparavant, sur une question de règlement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Peut-être juste une question de directive. Moi, j'aurais des remarques à vous proposer relativement à l'irrecevabilité de la motion, et alors je me demandais si ce n'était pas maintenant que ça devrait se faire. Ça sera court. Je m'engage à le faire d'une façon très succincte, relativement à l'irrecevabilité de cette motion du mercredi.

Le Président: Alors, écoutez, si vous en...

M. Bélanger: Très court. Très court, M. le Président.

Le Président: Alors, allez-y.

M. Bélanger: Alors, M. le Président. La question avait déjà été posée...

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, la jurisprudence est constante. Il n'y a pas de motion d'irrecevabilité à ce moment-ci qui est présentable par le leader du gouvernement. La parole appartient au député qui a présenté la motion qui a été dûment inscrite, et les choses se doivent de procéder, sinon on passerait nos mercredis après-midi à plaider des irrecevabilités dans le but d'éviter de répondre ou de discuter du fond d'une motion qui est dûment présentée à l'Assemblée nationale du Québec. Il y a de la jurisprudence constante de tous vos prédécesseurs sur ce sujet.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

(16 h 30)

M. Bélanger: M. le Président, il n'y a aucune ambiguïté sur la question de savoir qu'en tout temps, lors du débat d'une motion, la question de la recevabilité ou de l'irrecevabilité de la motion peut être faite. Quand je le dis au leader de l'opposition que ça va être très court, mais je pense que ses arguments doivent être faits... D'ailleurs, vous m'avez cédé la parole à cet effet-là, pour que je puisse faire quelques remarques, seulement, sur la recevabilité. Vous pourrez, d'ailleurs, rendre jugement, à la fin. Je ne veux pas arrêter le débat sur la motion, mais j'ai une argumentation à faire relativement à la recevabilité de la motion.

Le Président: Alors, je vous informe que les dispositions du règlement permettent au leader du gouvernement, à ce moment-ci, d'invoquer la question de la recevabilité de la motion. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, brièvement. Tel qu'il a déjà été mentionné le 31 mai 1995, quand nous avions eu, à ce moment-là, une motion qui était un peu assimilée au même genre de motion que nous avons aujourd'hui, je vous plaide, M. le Président, ou j'argumente, tout simplement, à l'effet que la motion, de la façon qu'elle est écrite, c'est-à-dire qu'elle dénonce l'incohérence et l'improvisation du gouvernement, doit être assimilée à une motion de censure ou une motion de blâme.

Vous le savez, en vertu de notre règlement, c'est en vertu des articles 304 et suivants que nous faisons des motions de censure ou des motions de blâme. Et l'opposition a droit à six motions, au cours, je crois, d'une session. Alors, je pense que vous devez vous poser la question, M. le Président, à savoir: Dans les circonstances, est-ce que c'est vraiment une motion telle que le prévoient les articles qui prévoient la motion du mercredi ou, tout simplement, est-ce que c'est une motion qu'on doit assimiler à une motion de censure ou à une motion de blâme?

Je voudrais tout simplement vous rappeler une décision où, en tout cas, quand ça avait été soulevé, c'est-à-dire, le 31 mai 1995, le leader du gouvernement de l'époque et député de Joliette avait, à ce moment-là, soulevé devant le président, celui qui occupait le siège à votre place, la même question. Et, à ce moment-là, le président avait dit que cette question devrait faire l'objet, peut-être, de directive, que ce n'était pas clair. Je comprends qu'il va y avoir une réforme parlementaire qui va avoir lieu bientôt, mais je pense qu'il est important, à ce moment-ci, qu'il y ait une décision qui soit rendue. Est-ce qu'une motion telle que celle présentée par le député de Verdun est recevable comme motion du mercredi? Elle serait, quant à moi, peut-être recevable, quant à une motion de censure ou à une motion de blâme, mais, comme une motion du mercredi, quant à moi, ça ne s'applique pas.

Et je voudrais tout simplement... À la page 3163 du journal de nos débats du 31 mai 1995, on rappelle, à ce moment-là, le règlement annoté et formulaire... «Jurisprudence parlementaire de Beauchesne», Règlement annoté et formulaire de la Chambre des communes du Canada, qui dit tout simplement: «Le texte d'une motion ne devrait être de style ni polémique, ni rhétorique; il ne devrait renfermer aucune disposition inutile ni aucune parole répréhensible. On donne généralement à la motion une tournure affirmative, encore que par son but et par son effet elle puisse avoir un caractère essentiellement négatif.»

Donc, une motion du mercredi, M. le Président, c'est pour permettre un débat le plus large possible, permettre aussi des amendements. De la façon dont la motion a été présentée, aucun amendement n'est possible quant aux termes dénoncés, parce que ça change complètement la nature de la motion. Donc, puisqu'elle n'est pas amendable, quant à son effet, à ce moment-là, moi, je vous soumets respectueusement, M. le Président, que c'est une motion de censure. Et ça permettrait, d'une façon peut-être détournée – je ne prête pas d'intentions ni au député de Verdun ni au leader de l'opposition – de peut-être avoir une septième, une huitième motion de censure ou de blâme, ce qui, à ce moment-là, je crois, créerait un précédent dangereux. Alors, c'est tout simplement là-dessus. Je vous demanderais de prendre ça en considération. Et j'apprécierais, quant à nous, M. le Président, avoir une décision sur ce sujet.

Le Président: Sur la question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, comme aucun nouvel argument n'a été soumis par le leader du gouvernement, comme ces choses-là ont toujours été décidées par la présidence, «I rest my case».

Le Président: Alors, je suis avisé et conscient du problème qui est soulevé par le leader du gouvernement. Et, effectivement, la présidence avait rendu une décision et ouvrait la porte à une suite, le 31 mai 1995. La décision de la présidence se lisait d'ailleurs ainsi: Le débat sur la motion du député de Montmagny-L'Islet – parce que c'était celui qui était en cause à ce moment-là – est autorisé sans que cela ne constitue un précédent. Pour l'avenir, c'est toute l'économie des affaires inscrites par les députés de l'opposition, aussi appelée «motions du mercredi», qui est à revoir dans le cadre des travaux de la sous-commission sur la réforme parlementaire.

Alors, si je comprends bien la décision qui avait été prise par le président à l'époque, c'est que, à ce moment-là, il avait accepté la présentation de la motion telle qu'elle était libellée et qu'il avait renvoyé le problème aux travaux de la sous-commission sur la réforme parlementaire. Puisque nous nous sommes mutuellement engagés à agir rapidement dans le processus de réforme parlementaire, je crois que cela sera une des questions qui devra être rapidement soumises à l'appréciation de nos collègues, pour éventuellement qu'on puisse modifier ou interpréter différemment le règlement.

Mais pour le moment, mon intention est de poursuivre dans la lignée de ce qui avait été décidé le 31 mai 1995 et de permettre au député de Verdun d'entreprendre le débat sur la motion qu'il a présentée, même si, effectivement, la façon dont la motion est libellée pour le moment peut prêter à ouverture et à interprétation. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Question de directive, M. le Président: Est-ce que je comprends donc que vous allez déclarer recevable, et donc que vous n'accepterez aucune remarque, aucune argumentation quant à la recevabilité de cette motion? Je comprends qu'on va avoir une commission sur la réforme parlementaire, mais on ne sait quand même pas exactement à quel moment elle va avoir lieu, et, entre-temps, ça peut créer, ça peut faire en sorte que l'opposition va se voir doter de motions de censure ou de motions de blâme supplémentaires. Et, moi, je pense qu'à ce moment-ci, M. le Président, tout en étant conscient qu'une réforme s'en vient, je vous demanderais une directive claire à cet effet-là. On ne peut pas, quant à moi – et je respecte votre décision – dire que, maintenant, bon, il n'y a plus de questions qui se posent là-dessus en attendant que la réforme s'en vienne. En tout cas, quant à moi, je pense que ce serait préférable qu'on ait une décision. Mais, encore là, vous pouvez rendre votre décision à la suite du débat qui va être enclenché.

Le Président: Écoutez, pour le moment, je vais permettre et... En tout cas, pour ce qui est de la motion qui est devant nous aujourd'hui, je vais permettre au député de Verdun, un peu comme l'avait fait mon prédécesseur le 31 mai 1995... Mais je vais revoir la question qui est soulevée par le leader du gouvernement et éventuellement je pourrai convoquer les deux leaders pour discuter de la question afin qu'on évite à l'avenir, tant que la question ne sera pas tranchée, peut-être, dans le processus de la réforme parlementaire, d'amputer le temps qui est alloué aux députés de l'opposition le mercredi, pour faire en sorte qu'ils aient la possibilité de débattre des motions qu'ils veulent amener devant l'Assemblée. Alors, M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Enfin, on peut rentrer sur la question de fond. Est-ce que vous auriez l'amabilité, M. le Président, de nous indiquer combien de temps, compte tenu des répliques de 10 minutes et de 10 minutes, on a actuellement dans le partage équitable du temps, puisqu'on a passé un temps appréciable à discuter de questions de procédure, puisqu'on ne voulait pas discuter de questions de fond? On a combien de temps actuellement, s'il vous plaît?

Le Président: Écoutez, vous avez... là, il est presque 16 h 40, nous avons normalement jusqu'à 18 heures pour compléter le débat sur cette motion. Et, écoutez, afin de vous permettre de poursuivre, je vais faire faire le calcul par les gens de la table et je vais vous donner la réponse, de telle sorte que ça ne vous dérange pas dans votre intervention, qu'on puisse dès maintenant procéder au débat sur la motion. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, je tenais à indiquer que, de notre côté, de notre formation politique, j'étais bien sûr le premier intervenant, mais le député de Marquette avait aussi l'intention d'intervenir, et le député de Jacques-Cartier aurait aussi une brève intervention à faire. Donc, on a à coordonner l'usage du temps qui nous est imparti.

M. le Président, je fais partie... M. le Président...

Le Président: Vous avez un temps de parole qui est prévu...

M. Gautrin: Notre formation politique a un temps de parole de...

Le Président: ...je crois que c'est 30 minutes, qu'on m'indique, plus la réplique de 10 minutes à la fin.

M. Gautrin: Merci, M. le Président.

Le Président: Ça va?

M. Gautrin: Ça va. Je fais partie, à l'heure actuelle, d'une formation politique qui croit à l'éducation. Je fais partie d'une formation politique qui croit à l'importance de la formation dans notre société. Je fais partie d'une formation politique, M. le Président, qui croit que le défi économique du XXIe siècle sera gagné au Québec dans la mesure où les Québécois et les Québécoises seront mieux formés, seront à même de pouvoir compétitionner avec les autres pays du monde, et particulièrement les États-Unis, en tous les domaines. Et, pour ça, il est absolument important d'avoir une éducation de qualité.

(16 h 40)

M. le Président, notre formation politique et le chef de l'opposition, dans le dernier budget que nous avons présenté alors qu'on était au gouvernement, et où, nous aussi, on était conscients des finances publiques, et où, nous aussi, on a été amenés à faire des compressions budgétaires, M. le Président, le premier ministre d'alors, qui est aujourd'hui le chef de l'opposition, le député de Vaudreuil, et le ministre de l'Éducation d'alors, le député de Westmount–Saint-Louis, avaient protégé le budget de l'éducation, avaient même été en mesure de l'augmenter légèrement, de 1 %. C'était pour nous une manière de dire: Nous accordons une priorité à la formation, nous accordons une priorité à l'éducation. C'était pour nous de démontrer d'une manière tangible ce que nous voulions dire lorsque nous affirmons que l'éducation, pour le Parti libéral du Québec, est une priorité.

M. le Président, comme tous les gens, ici, de cette Chambre, j'ai entendu le discours du trône. J'ai entendu le discours du trône et, dans ce discours du trône, j'ai entendu – et c'étaient de belles paroles – le premier ministre nous dire que, pour lui aussi, l'éducation était une priorité. J'ai entendu la ministre de l'Éducation, maintes fois, prétendre aussi que, pour elle, l'éducation était une priorité.

Par contre, nous avons reçu le livre des crédits. Le livre des crédits, ça mesure, M. le Président, l'effort que le gouvernement va faire dans chacun des secteurs. Nous avons lu avec intérêt ce livre des crédits et nous avons même été passer 20 heures de commission parlementaire pour comprendre la réalité des chiffres. Parce qu'il faut convenir que ce n'est pas nécessairement facile de comprendre les chiffres, particulièrement des crédits dans le domaine de l'éducation, lorsqu'on sait qu'il y a les années budgétaires, des années scolaires qui ne couvraient pas les mêmes périodes, lorsqu'on sait qu'il y a toute la question des coûts de système qu'il faut analyser. Et nous avons, pendant 20 heures, été en mesure de tâcher d'établir la réalité des chiffres.

La réalité des chiffres nous a dit quoi, M. le Président? Nous a dit quoi? C'est que l'effort fiscal, l'effort financier qui est demandé au secteur de l'éducation est le même que l'effort financier qui est demandé à tous les secteurs. La conclusion immédiate qu'on tire de cela, c'est: Où est la priorité à l'éducation? Que veut dire, dans le discours de ce gouvernement, la priorité à l'éducation, alors que l'éducation est exactement coupée de la même manière que l'ensemble des autres secteurs présents dans le livre des crédits? Et c'est ça, M. le Président, que nous critiquons, ce double langage où, dans le langage du discours, on s'en va nous dire: Oui, nous essayons de prioriser l'éducation, mais dans la réalité des chiffres, la réalité des faits, on en arrive à faire passer par la même moulinette, avec les mêmes compressions, le secteur de l'éducation et les autres secteurs d'activité gouvernementale. C'est ce que nous dénonçons aujourd'hui, M. le Président.

Mais nous allons plus loin. Les compressions équivalentes qu'on demande au secteur de l'éducation, on se serait peut-être attendu, de la part de la ministre de l'Éducation, qu'elle ait un plan, qu'elle sache comment ces compressions vont se faire. Dans le discours officiel, parce que c'est facile à dire et parce que ça rassure, on nous fait croire que le secteur de l'administration serait en mesure, dans la majeure partie des cas, d'absorber les compressions dans le secteur de l'éducation, je le rappelle, compressions qui sont les mêmes partout, donc oublions les questions de priorisation.

Malheureusement, M. le Président, et ça a été l'effet de discussions que mes collègues, le député de Marquette, le député de Bourassa, le député de Jacques-Cartier et moi-même, nous avons faites en commission, pour nous rendre compte que ce n'est pas possible, compte tenu de l'effort financier qui dépasse les 550 000 000 $ dans le secteur de l'éducation, ce n'est aucunement possible d'absorber cette compression uniquement sur le champ des dépenses dites administratives.

Si ce n'est pas possible, M. le Président, d'absorber ces compressions uniquement dans le champ des dépenses administratives, ça veut dire quoi? Ça veut dire que le budget, les crédits qui sont déposés ici vont directement toucher les services aux étudiants, directement toucher la qualité de l'enseignement qui est dispensé à la fois dans les écoles primaires, secondaires, dans notre réseau de collèges et dans nos universités. Et, M. le Président, je vais, avec vous, essayer de vous donner un certain nombre d'exemples.

Prenons les éléments qui touchent l'aide financière aux étudiants. L'aide financière aux étudiants, ça, on parle du régime de prêts et bourses. Il s'agit d'un régime qui permet de soutenir les étudiants du niveau secondaire professionnel, des niveaux cégep et universitaire, afin qu'ils puissent avoir accès aux études collégiales, aux études universitaires lorsqu'ils proviennent de familles modestes et n'ont pas les moyens de pouvoir assumer le paiement de leurs études. M. le Président, dans la réforme qui est devant nous, qui peut paraître strictement administrative, on va couper une année au régime de bourses. C'est-à-dire, pour être assez technique, qu'on va demander que la possibilité d'avoir une bourse soit coupée d'une année, d'un semestre, d'une période pour ceux qui font les demandes de bourses par rapport au nombre normal calculé pour obtenir le diplôme. Ceci, M. le Président, ça veut dire aller chercher dans la poche des étudiants, souvent les plus démunis, 18 000 000 $. C'est ça que ça veut dire. On a pu... et je pense qu'on est d'accord de part et d'autre sur la réalité des chiffres: on est en train, par ce mécanisme-là, d'aller chercher 18 000 000 $.

Le ministre de l'Éducation précédent, le député de Lévis, avait mis sur pied une commission qui s'appelait la commission MacDonald, qui avait des recommandations bien différentes. Elle demandait de décentraliser la gestion des prêts et bourses et de faire en sorte que, localement, on puisse être en mesure de faire une étude du dossier pour savoir si l'étudiant était apte à continuer ou non. C'était une approche pédagogique, une approche qui était pensée sur la qualité de l'enseignement. Ce qu'on a actuellement, c'est une approche budgétaire: il fallait trouver 18 000 000 $, on va chercher 18 000 000 $ dans la poche des étudiants plus démunis.

M. le Président, vous le savez comme moi, on a mis sur pied les états généraux, et tout le monde concourt ici pour dire que l'analyse des états généraux sur l'état de la situation a été particulièrement bien faite. Or, il y a des points sur lesquels on se serait attendu, dans les crédits, à avoir des signes, des éléments pour au moins répondre en partie au questionnement à l'intérieur des états généraux, des questions extrêmement importantes, des questions importantes sur l'importance de l'accès aux technologies de l'information, le retard qu'on est en train de prendre dans nos institutions sur les technologies de l'information. Le député de Bourassa a, en commission parlementaire, fait établir à quel point nous accusons, dans ce secteur-là, des retards qui vont être extrêmement graves quant au développement du Québec de demain.

(16 h 50)

La question de la petite enfance, la question des jeunes défavorisés dans leur entrée à l'école. Le député de Marquette va certainement aborder cette question. On aurait pu donner des signes, à l'intérieur des crédits, pour inciter ou au moins tenter de répondre à ce problème criant qui avait été mis de l'avant, à l'intérieur de l'état de la situation des états généraux.

L'articulation dans le secteur professionnel. «Articulation», c'est un mot un peu technique qui veut dire de faire en sorte que les programmes du secondaire et les programmes du collégial tâchent de pouvoir marcher ensemble; le besoin, à l'heure actuelle, d'une meilleure articulation, de passerelles entre le secondaire professionnel et le collégial professionnel. Et on sait à quel point, dans le développement des nouvelles technologies, le secteur professionnel va être important, M. le Président.

On aurait pu s'attendre, de la part de la ministre, dans les crédits, à avoir certains incitatifs. Il y a eu des exemples. Le Civique, à Saint-Georges de Beauce, en est un, où on a été en mesure d'avoir une intégration, réellement, dans le secteur de l'électrométallurgie, entre le secondaire et le primaire. On aurait pu avoir des indicateurs, à l'intérieur des crédits. Non.

L'ensemble des crédits, c'est comme si la compression, le point de vue du Conseil du trésor, la nécessité de comprimer d'une manière paramétrique et horizontale, partout, s'appliquait, à l'intérieur de chacun des programmes ou des éléments de programme du ministère de l'Éducation.

Dans le réseau des cégeps, on a pu établir que la compression, l'effort budgétaire qui est demandé au réseau des cégeps va, à l'heure actuelle, dépasser les 67 000 000 $, M. le Président, 67 000 000 $! On a pu aussi établir qu'on ne pouvait pas, strictement à cause de la manière dont sont financés l'ensemble des cégeps, être en mesure de faire porter ça directement sur l'administration, bien sûr, et que ce serait toute la dimension des services qui serait touchée, à l'intérieur, des services aux étudiants qui allaient être touchés par ces compressions budgétaires.

M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous comprenons qu'il est nécessaire de limiter les dépenses du gouvernement pour arriver à un équilibre financier. Nous pensons que ces compressions auraient dû faire partie d'un plan. Nous aurions souhaité savoir quelles étaient les priorités de la ministre, quelles étaient les priorités, à quelles priorités les compressions... l'énorme compression de 550 000 000 $, à peu près, correspond; quelle priorité la ministre a lorsqu'elle nous arrive avec des compressions de l'ordre de 550 000 000 $.

Le réseau universitaire n'est pas épargné dans son approche de compressions aussi horizontales. Or, nous savons – nous le savons parce qu'en commission parlementaire nous avons pu et nous avons été à même d'entendre les représentants des universités – qu'il y a des problèmes, et la commission des états généraux de l'éducation a été à même, aussi, de les soulever. Certains programmes sont présents. Et on aurait attendu, de la part de la ministre, des indicateurs budgétaires pour inciter les institutions, qui, au demeurant, sont autonomes, pour pouvoir aller ou répondre à certains des problèmes. Je peux vous en donner deux: la meilleure articulation – et ça a été relevé dans l'état des faits saillants et l'état de situation – entre les programmes du niveau collégial et les programmes du niveau universitaire; l'amélioration de l'encadrement des étudiants de premier cycle. Et Dieu sait si c'est quelque chose, de ce côté-ci de la Chambre, que nous avons toujours tenté de surveiller dans tous les mandats d'imputabilité où nous rencontrons les différentes constituantes et universités, s'assurer, M. le Président, que les étudiants soient mieux encadrés, de manière à améliorer ce qu'on pourrait dire le taux de diplomation universitaire.

Ça fait deux ans ou trois ans que nous suivons les institutions. On se serait attendu, de la part du gouvernement, qu'il signale, d'une manière budgétaire, des priorités. Or, les crédits, à l'heure actuelle, malheureusement, n'ont à peu près pas de priorisation. On a pris les crédits de l'année précédente et on leur a appliqué une coupure paramétrique horizontale, sauf certains programmes, et je dois le reconnaître, certains programmes qui ne sont pas passés à travers la moulinette. Heureusement, tout ce qui touche la recherche, tant au niveau universitaire qu'au niveau collégial. Je pense au programme PART, le programme PAREA, je pense au Fonds FCAR, je pense au soutien aux instituts de transfert technologique, qui, semble-t-il, ne sont pas touchés, même si l'enveloppe par laquelle ils sont financés subit une compression de 6 000 000 $; mais on a un peu l'engagement qu'ils ne seront pas touchés. Mais, mis à part ces choix-là, et qui ne représentent pas des choix importants sur le plan budgétaire, dans tout le reste, on n'a vu aucune priorisation dans ces coupures, dans ces compressions de 550 000 000 $.

M. le Président, je vais mettre un terme, ici, à mon intervention, de manière à laisser un peu de temps au député de Marquette, qui veut intervenir sur quelque chose qui est aussi scandaleux, c'est le transfert des responsabilités aux commissions scolaires. Alors, M. le Président, je pense qu'il me restera 10 minutes pour conclure, à la fin. Mais je dois dire, à l'heure actuelle, ma déception que ce gouvernement n'ait pas maintenu dans les chiffres une priorité pour l'éducation et qu'une fois les compressions faites il n'y a pas eu de priorisation, même dans les compressions. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre de l'Éducation. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, on va essayer de remettre un peu les pendules à l'heure et essayer de resituer les interventions cohérentes et je dirais les choix faits avec rigueur, en ce qui a trait aux efforts demandés à l'ensemble des réseaux de l'éducation au Québec et, au premier titre, demandés d'abord, d'ailleurs, au ministère de l'Éducation, quant aux efforts faits à l'égard, donc, de l'administration. Il y en a eu, des choix, M. le Président, je crois qu'ils sont pertinents; d'autres viendront, qui seront encadrés par l'exercice fait à l'occasion des états généraux. Mais ceux que nous avons privilégiés, les choix que nous avons privilégiés, auxquels nous sommes parvenus, m'apparaissent ceux qui, dans les circonstances, étaient les plus judicieux à faire.

D'abord, il est évident, M. le Président, qu'il existe, au Québec, un consensus sur la nécessité et l'urgence de rétablir l'équilibre des finances publiques, donc, dans ce contexte, de recréer les conditions essentielles à une reprise économique durable, sûrement la meilleure façon de préserver nos investissements à l'égard de l'éducation, à l'égard de la santé, à l'égard de l'aide aux plus démunis. Pour y arriver, M. le Président, le gouvernement, le premier ministre en tête, a choisi une avenue qui nous apparaît l'avenue la plus prometteuse à laquelle nous pouvions souscrire. En effet, nous avons tenu une conférence socioéconomique, en mars dernier, et nous avons pris ensemble, collectivement, tous les partenaires autour de la table, autant des milieux syndicaux, des milieux patronaux, des milieux des institutions, du monde de l'éducation, du monde de la santé... Ensemble, M. le Président, nous nous sommes entendus quant à l'objectif à poursuivre sur le contrôle du déficit et donc des dépenses publiques.

(17 heures)

Et nous avons fixé, nous nous sommes fixé, ensemble, un objectif: déficit zéro selon un certain échéancier qui nous amènera à pouvoir dégager des surplus au tournant de l'an 2000. Dans cette perspective, nous avons adopté une approche tout à fait cohérente, et je vous dirai que, à plusieurs reprises, d'abord le premier ministre, le ministre d'État de l'Économie et des Finances et le président du Conseil du trésor ont indiqué que tous les domaines d'activité seraient appelés à contribuer à l'effort de redressement des finances publiques.

C'est évident, M. le Président, que le secteur de l'éducation se voyant attribué le quart du budget de dépenses du Québec, il était logique et cohérent qu'on soit appelé aussi à contribuer, bien sûr, à l'effort collectif. Et, si nous n'avions pas fait ainsi, il me semble que nous aurions été, à ce moment-là, incohérents dans nos choix et dans nos façons de faire. Imaginons que nous aurions décidé de préserver le budget de la santé, de préserver l'un ou l'autre budget, aussi importants en termes de poids dans l'ensemble du budget du gouvernement du Québec.

Donc, le ministère de l'Éducation et l'ensemble du réseau de l'éducation, oui, ont été mis à contribution, M. le Président. Nous avons donc choisi d'appliquer une règle de cohérence horizontale, d'exiger un effort de tous les secteurs. Mais, cependant, non seulement nous avons voulu protéger le plus possible les plus démunis, mais nous avons pris aussi des moyens pour que cet effort demandé soit équitable dans tous les secteurs d'intervention.

Donc, dans le secteur de l'éducation, puisque c'est celui qui est interpellé aujourd'hui, M. le Président, ce sont les efforts que nous avons faits qui sont questionnés aujourd'hui. En fait, j'ai pris tous les moyens à ma disposition, une fois l'effort ou la cohérence horizontale établis entre tous les secteurs, pour m'assurer d'une cohérence verticale à l'égard des efforts dans tous les ordres d'enseignement, compte tenu de la part qu'ils y occupaient et des activités du ministère.

Donc, premièrement, des efforts bien identifiés, bien ciblés, ont été demandés aux diverses catégories de personnel, et en particulier aux enseignantes et aux enseignants, et de tous les ordres d'enseignement. Si le temps me le permet, d'ailleurs, M. le Président, à la fin de mon intervention, je préciserai de quoi il s'agit pour ces personnes.

Deuxièmement, les commissions scolaires, les cégeps, les universités ont été fortement invités à protéger les services aux élèves, aux étudiantes et aux étudiants.

Troisièmement, c'est d'abord une réduction des coûts administratifs du système. Il me semble qu'il y a une certaine logique, si on pense que c'est important d'investir dans l'éducation, dans l'acte éducatif, qu'on s'attaque, bien sûr, aux frais administratifs, et il y a matière à faire certaines corrections et à faire certaines économies. Donc, réduction des coûts administratifs du système que les administrateurs, les gestionnaires en général, sont amenés à faire et à proposer, soit les coûts reliés, évidemment, à l'amélioration de la productivité à tous égards.

Quatrièmement, miser de façon particulière sur la réorganisation du travail pour engendrer des économies dont les fruits pourront maintenir, bien sûr, et même permettre de participer au développement des services éducatifs.

Et, cinquièmement, le ministère lui-même a tracé la voie en réduisant de façon très significative ses propres dépenses au chapitre de l'administration. J'ai eu l'occasion de le démontrer pendant les 20 heures que nous avons eu à échanger et à discuter avec les collègues de la commission parlementaire de l'éducation. Donc, l'effort budgétaire le plus significatif, toutes proportions gardées, a été demandé au ministère, dans l'aspect, donc, administratif de la fonction assumée par le ministère.

Donc, quand un gouvernement ou un ministère table sur une augmentation de la productivité, sur une réorganisation du travail, sur le maintien quantitatif et qualitatif des services éducatifs, il me semble qu'il agit avec une cohérence évidente et à laquelle, je vous dirai, M. le Président, ne nous avait pas nécessairement habitués le gouvernement qui nous a précédés. Vouloir laisser entendre, donc, que le gouvernement agit de façon incohérente parce qu'il réduit les crédits de l'éducation comme ceux des autres secteurs, c'est, à mon point de vue, faire preuve de raisonnement incohérent. Et, de même, opposer l'expression de la priorité accordée à l'éducation à la réduction des crédits relève, à mon point de vue, d'une vision complètement angélique des choses. La priorité à l'éducation est maintenue; elle est maintenue en tenant compte des ressources dont dispose maintenant le gouvernement.

Est-ce qu'il faut ajouter, pour mémoire, M. le Président, que, dans sa volonté de cohérence, le ministère s'est donné des orientations stratégiques conformes à la conjoncture? Et, à mon point de vue, il aurait été incohérent et malvenu qu'il prenne à ce moment-ci des mesures qui auraient présumé des conclusions des états généraux.

Ça m'inquiète un peu quand des collègues d'en face nous disent que j'aurais dû, jusqu'à un certain point, me fermer les oreilles et ne pas attendre ce que vont me proposer les commissaires suite à leurs nombreuses consultations dans la foulée des états généraux et que je prenne pour acquis ce qui a été présenté comme un état de situation et un questionnement, M. le Président. J'ai préféré cibler nos interventions là où je préservais l'avenir et je m'assurais de pouvoir faire éventuellement des choix, justement, cohérents en matière d'éducation, M. le Président.

On nous dit dans la motion qu'il y a improvisation. Je pense qu'il faut avoir une mémoire bien courte et une vision particulièrement sélective des choses pour alléguer que le gouvernement improvise dans la mise en oeuvre des efforts budgétaires à l'éducation. D'abord, le gouvernement a très, très clairement annoncé ses couleurs, et cela, il y a maintenant un an. Lorsque nous avons entrepris des pourparlers avec les syndicats, pour le renouvellement des conventions collectives, le ministre de l'Éducation de l'époque, le ministère de l'Éducation a explicitement fait connaître à ses partenaires et à ses vis-à-vis les objectifs budgétaires qu'il poursuivait. Et, depuis lors, toutes les ententes conclues montrent bien que les résultats ont été atteints et qu'ils sont importants.

Deuxièmement, nous avons réalisé de nombreux travaux depuis plus d'un an, d'une part, pour préciser les orientations que l'on pouvait prendre dans les circonstances en vue d'atteindre, bien sûr, les objectifs des efforts budgétaires demandés, et deux principes ont guidé ce choix. D'une part, ultime effort pour repenser les administrations de nos réseaux, les simplifier et en réduire les structures. Deuxième élément: volonté arrêtée de préserver les budgets consacrés aux services directs aux élèves. Et, comme le prévoient les lois qui régissent l'éducation, nous avons aussi entrepris des discussions avec nos partenaires, et ce, dans le cadre de l'établissement des règles budgétaires.

En quoi consistaient ces discussions, M. le Président? Établir comment arriver, d'une part, à respecter les objectifs fixés en termes de sommes budgétaires disponibles et respecter les deux principes dont je viens de faire état. Et, comme nous le faisons toujours en pareille circonstance, nous avons mis un soin particulier à planifier les opérations concernant les efforts budgétaires à effectuer à l'égard de l'éducation en y associant d'une façon systématique, régulière, nos partenaires. Alléguer que le gouvernement, que le ministère de l'Éducation ont agi de façon improvisée constitue une fiction, une vue de l'esprit et une affirmation totalement dénuée de sens, M. le Président.

(17 h 10)

Si on veut parler d'improvisation, il faudrait peut-être se référer à ce qu'a fait le gouvernement précédent avec le budget Bourbeau dans l'année qui a immédiatement précédé notre arrivée au pouvoir. Peut-être qu'on pourrait se rappeler des coupes aveugles et successives, M. le Président, du budget Bourbeau. Dans le discours de 1994-1995, à l'occasion du dépôt du budget, le ministre des Finances annonce, un mois après que le président du Conseil du trésor a déposé ses crédits... Un mois après, là, hein! Alors, le président du Conseil du trésor dépose ses crédits. Il dit: Voilà où nous nous en allons. Voilà les choix que nous faisons en matière de dépenses budgétaires. Un mois après, le ministre des Finances intervient. Il n'y avait pas d'improvisation, M. le Président, c'était parfaitement planifié. C'était particulièrement éloquent: réduction additionnelle de 2 % de l'effectif des ministères et organismes; compression de 30 % des dépenses de fonctionnement autres que la rémunération des ministères et organismes; réduction de 25 000 000 $ en 1994-1995 et de 50 000 000 $ pour les années suivantes de la croissance des transferts au réseau de l'éducation et au secteur de la santé et des services sociaux, respectivement.

C'était tellement bien planifié que, lorsque j'ai occupé la fonction de présidente du Conseil du trésor, ça a été des débats à la virgule près pour essayer de trouver la façon dont on allait réaliser ces obligations qu'on avait imposées aux deux ministères respectifs. Diminution de 10 % des autres dépenses de transferts, à l'exception des transferts pour la sécurité du revenu et les transferts aux municipalités, et augmentation des crédits périmés nets, c'est-à-dire ce qu'on ne dépense pas en fin d'année parce qu'il reste certaines sommes qui n'ont pas servi pour soit les programmes ou les services. Augmentation, donc, de ces crédits de 150 000 000 $. Évidemment, ce n'était pas de l'improvisation, c'était une planification absolument remarquable et où tout le monde se retrouvait.

Ça nous a pris juste un an à démêler tout ça et à faire en sorte que chacun sache exactement comment il allait introduire, dans des règles déjà définies, déjà négociées avec les partenaires en matière d'éducation, les efforts supplémentaires, entre autres, que demandait le ministre des Finances de l'époque. Et ce sont aujourd'hui les représentants de ce même parti, M. le Président, qui viennent nous dire qu'il y a de l'incohérence, alors que nous avons travaillé toutes les propositions auxquelles nous sommes arrivés avec nos partenaires, alors que nous avons fait des choix qui ont été très clairement identifiés, annoncés par le président du Conseil du trésor, en accord, avec, bien sûr, de la résistance et certaines objections. On aimerait mieux que ça ne soit pas comme ça, M. le Président, sauf qu'on est cohérents, justement. On s'est fixé un objectif et on va prendre les moyens pour y arriver dans le respect des missions respectives de chacun d'entre nous, et particulièrement de la mission éducative, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...

Mme Marois: Venons maintenant... Je vous remercie, M. le Président, je vais essayer d'accélérer un peu, parce qu'un de mes collègues veut pouvoir intervenir aussi pendant ce débat.

Revenons maintenant à quelques exemples de ces efforts que nous avons demandés. J'écoutais le député de Verdun, avec lequel j'ai eu d'ailleurs d'excellents échanges, je tiens à le dire aux membres de cette Assemblée, au moment de la commission parlementaire de l'étude des crédits. Revenons sur la question de l'enseignement et des services aux étudiants.

Nous avons pris tous les moyens pour que les efforts budgétaires n'aient pas d'effets significatifs ni majeurs sur la qualité de l'éducation et sur les services aux étudiantes et aux étudiants. Au primaire et au secondaire, les mesures touchent les dépenses administratives principalement, les sommes découlant de l'entente, entre autres, avec le personnel enseignant, le resserrement de certaines allocations, celles touchant les superficies excédentaires. Il me semble que, s'il y a des superficies excédentaires particulièrement significatives et que cela a un impact sur le budget de dépenses administratives des commissions scolaires, c'est un peu normal qu'on s'attaque à cet élément-là et qu'on incite ainsi et motive les commissions scolaires à trouver des utilisations autres, à vendre, s'il y a lieu, certains de ces actifs, à les partager avec la communauté. Pourquoi pas? Je pense qu'on sera ainsi mieux servis.

Au collégial, l'effort majeur... C'est évident, M. le Président, qu'en quelques minutes je ne peux passer à travers tous les efforts qui sont demandés, mais je vais revenir, dans les autres réseaux, sur d'autres efforts qui sont demandés. Par exemple, au collégial, l'effort majeur porte sur les coûts autres que ceux générés par les services éducatifs. Encore là, des ententes convenues avec les syndicats, qui vont générer un effort budgétaire de l'ordre de 20 000 000 $. On s'est engagé, du côté des collèges, à prendre des mesures pour augmenter la réussite des cours. Ces efforts, que l'on doit faire pour rentrer dans une enveloppe qui est un peu moins élevée que celle qu'on avait par le passé, nous amènent à faire preuve sans doute de plus d'imagination, à nous poser des questions qui, autrement, n'étaient pas soulevées parce que, effectivement, on n'était pas dans l'obligation de revoir certaines façons de faire. Ainsi, on espère augmenter la réussite des cours de 2 % d'ici deux ans, soit passer de 83 % à 85 %, dans le cas des étudiants des cégeps, M. le Président. Si les efforts que nous faisons nous amènent à cela, soit par un meilleur suivi des élèves, par des mesures de récupération, des mesures de reprise qui n'étaient pas prévues dans nos règles budgétaires, je pense que nous facilitons la réussite éducative plutôt que, au contraire, lui retirer des outils et des éléments nous permettant d'agir en profondeur sur ces questions.

À l'enseignement universitaire, effectivement, nous avons souhaité indiquer – ce sont des organismes autonomes, bien sûr, je le sais – une réduction des dépenses administratives de l'ordre de 26 000 000 $. Je sais que des négociations sont en cours actuellement, certaines sont terminées, avec les représentants des travailleurs et des travailleuses, des professeurs, des enseignants, des enseignantes, pour trouver, soit dans la réorganisation du travail, des conventions, certaines mesures, des efforts budgétaires qui n'affecteront d'aucune espèce de façon, M. le Président, la priorité que nous accordons à l'éducation, les services éducatifs et l'enseignement aux étudiants qui fréquentent nos universités.

Le député de Verdun, je lui en sais gré, a souligné le fait que nous avions protégé certaines enveloppes. Cela est vrai du côté de la recherche tant universitaire qu'au niveau collégial, mais d'autres enveloppes ont aussi été protégées, entre autres, celles qui concernent l'aide à l'éducation populaire et à l'alphabétisation auprès des groupes volontaires. Et, en ce sens, il n'est sûrement pas inintéressant de souligner l'effort qu'avait fait le collègue qui m'a précédée à cette fonction en augmentant de façon significative les budgets accordés aux organismes volontaires d'éducation populaire et aux organismes s'occupant d'alphabétisation, faisant ainsi confiance au dynamisme du milieu, aux façons neuves de faire, différentes. Ces enveloppes, telles qu'augmentées, ont été protégées au complet, M. le Président.

Quand on se tourne du côté de l'augmentation de la contribution demandée aux étudiants et aux étudiantes, je pense qu'on va convenir ensemble que le geste qui est posé est un geste, essentiellement, qui va dans le sens d'une attitude plus responsable à l'égard du régime de prêts et bourses. C'était l'une des recommandations du rapport MacDonald, qui n'était pas unanime, mais qui était soutenue par certains membres de ce groupe qui ont analysé les besoins et la réalité de l'aide aux étudiantes et aux étudiants. En ce sens, M. le Président, beaucoup de ces étudiants et de ces étudiantes s'étaient inquiétés, par exemple, que nous allions augmenter les droits de scolarité. Ça n'a pas été fait. Un étudiant ou une étudiante qui veut poursuivre des études, soit au niveau collégial ou au niveau du baccalauréat, au niveau de la maîtrise, au niveau du doctorat, pourra avoir accès à un régime de prêts et bourses et pendant un temps plus long que le temps exigé pour réussir le cours ou la formation à laquelle cette personne est inscrite. On a jugé que la période d'admissibilité était un peu longue; on l'a réduite.

Mais quelqu'un qui veut faire un cours de baccalauréat, de collège ou à un autre niveau, dans un temps qui dépasse celui prévu pour faire ce cours pourra le faire. Il y a un temps pour cela, mais, effectivement, nous avons réduit à la fin d'une période l'accès au régime de bourses, M. le Président. Est-ce qu'on a ainsi entaché l'investissement en matière d'éducation, M. le Président? Est-ce qu'on a trompé nos engagements à l'égard des étudiants? Au contraire, M. le Président, nous avons assumé nos responsabilités et nous avons souhaité que ceux et celles qui se prévalent d'un système intéressant et nécessaire, actuellement, pour reconnaître les besoins de ceux et de celles qui n'ont pas les moyens de s'inscrire à des études... Un système intéressant, nous l'avons confirmé, nous l'avons conservé, et, en ce sens, je crois que c'était plutôt une mesure qui nous permettait de susciter, je dirais, un peu plus de responsabilité à l'égard aussi de sa propre formation, M. le Président.

(17 h 20)

Donc, je vous remercie de me signifier que mon temps est, à toutes fins pratiques, terminé. Nous avons fait preuve de cohérence, nous avons fait preuve de logique, nous avons pris la peine d'associer nos partenaires. Bien sûr que nous aurions souhaité conserver les mêmes niveaux de crédits budgétaires, ça va de soi. Mais, à partir du moment où on a établi un objectif plus global, qui est, à mon point de vue, un objectif essentiel pour préserver, justement, les choix que nous avons faits comme société en matière d'éducation, de prévention, d'aide au niveau de la santé, des services sociaux, en matière d'aide aux plus démunis d'entre nous, à partir du moment où nous avons souhaité préserver l'essentiel de ce qui fait la base même de nos programmes sociaux, de nos programmes en matière éducative, mais qu'en même temps nous souhaitons équilibrer les finances publiques pour nous assurer que, justement, il y ait une suite dans les gestes que nous avons posés, que nous ne léguerons pas à nos enfants des systèmes complètement démolis, qui ne répondent plus aux besoins de la population québécoise, nous avons fait des choix. Dans ces choix, nous avons été cohérents.

M. le Président, nous avons privilégié des efforts ciblés, des efforts du côté administratif, et je souhaite et espère que les résultats des états généraux, qui devraient nous parvenir d'ici la mi-septembre, la fin septembre au plus tard, nous permettront de continuer dans cette démarche, là, oui, sans doute, en révisant certains éléments majeurs de notre dispositif en matière d'éducation avec un guide solide appuyé par des consultations significatives faites sur l'ensemble du Québec. Mais, d'ici là, nous nous serons assurés de préserver l'essentiel et d'avoir fait, en ce sens, de l'éducation une priorité, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Éducation. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. M. le député, il vous reste 10 minutes, si un député indépendant arrive entre-temps. S'il n'en arrive pas, je vous laisserai aller jusqu'à 15 minutes.

M. Ouimet: Ah bien, merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Le temps est venu de faire la lumière sur le beau discours de la ministre de l'Éducation. Je pense qu'il n'y a personne ici, à l'Assemblée nationale, qui croit la ministre de l'Éducation. Et j'ai l'impression qu'elle se répète tellement souvent qu'elle commence à croire son discours, mais les faits, la réalité brutale des compressions ne soutiennent aucunement le discours qu'elle vient de nous tenir.

Premièrement, au niveau de l'objectif du gouvernement, des compressions, du contrôle du déficit et des dépenses publiques et des choix judicieux qui auraient été faits par la ministre de l'Éducation alors qu'elle était présidente du Conseil du trésor et maintenant qu'elle est ministre de l'Éducation, regardons-les d'un peu plus près. Actuellement, au moment où la ministre a imposé des compressions budgétaires de plus de 600 000 000 $ aux élèves et aux contribuables, elle est en train de négocier avec les cadres et les «hors cadres» des augmentations salariales qui pourraient totaliser 18 000 000 $, et elle l'a admis elle-même en cette Chambre, M. le Président.

Dans un deuxième temps, alors qu'elle était présidente du Conseil du trésor et alors qu'elle connaissait bien la réalité fiscale au Québec, qu'a-t-elle fait la veille du référendum? Elle a consenti des augmentations salariales de près de 1 000 000 000 $ à l'ensemble des employés de la fonction publique, M. le Président. Choix judicieux? On est obligé de payer aujourd'hui la facture pour cela. Et qui paie? Les élèves, les parents, les contribuables, et nous allons regarder ça de plus près, M. le Président.

Au niveau de la réalité, elle a annoncé des compressions de 553 000 000 $. Erreur! En regardant ses propres documents, la page 180 des «Renseignements supplémentaires», on remarque qu'il s'agit de compressions de plus de 600 000 000 $. On nous remet un autre document, M. le Président, peu avant le début de l'étude des crédits, et on constate que, là aussi: compressions additionnelles de 30 000 000 $, M. le Président. La ministre fait signe que non, ce n'est pas vrai. Pourtant, on a une lettre de la présidente de la CEQ qui dit ceci, qui dit: La détérioration de la qualité et de la quantité des informations présentées depuis 1994-1995, depuis que le Parti québécois est au pouvoir... Eh bien, cette qualité d'information là s'est détériorée. On déplore, la CEQ, les alliés traditionnels du gouvernement, on déplore le manque de transparence. On dit ceci: Ça permet aux gestionnaires d'opérer plus facilement des virements entre les enveloppes. Et la ministre nous en a donné la preuve, en crédits budgétaires, lorsqu'elle refusait de nous indiquer combien d'argent elle allait mettre pour les nouvelles technologies en information et en communication. Et on a appris qu'elle était en train de jouer dans les budgets d'immobilisation, M. le Président. Et quoi d'autre? – à ce que dit Lorraine Pagé, au niveau de la CEQ. Il devient de plus en plus malaisé pour la population de savoir où vont les fonds publics, M. le Président. C'est ça qu'est la réalité.

Alors qu'elle était présidente du Conseil du trésor, alors qu'elle était censée contrôler les dépenses, M. le Président, regardons quelques exemples de gaspillage. Au niveau du ministère de la Sécurité du revenu, en agendas, en valises, en dictionnaires, en calculatrices, stylos et crayons, ça a coûté plus de 500 000 $, M. le Président; la même chose au niveau de son propre ministère, le ministère du Conseil du trésor, en fournitures, en agendas, en valises et stylos, 556 000 $, M. le Président.

M. le Président, on commence à voir la réalité, on commence à voir également qu'il n'y a eu aucune planification de la part de la ministre de l'Éducation, et ce ne sont pas les députés de l'opposition qui le disent, M. le Président, c'est quelqu'un qui est normalement sympathique au gouvernement du Parti québécois, Lise Bissonnette, qui disait ceci, et je cite Lise Bissonnette: Ne cherchez pas de principes logiques dans les compressions, il n'y en a pas. Le premier paragraphe: L'État indiquait simplement une répartition des sacrifices selon la taille des clientèles. Il est presque impossible d'épargner les services éducatifs. Alors, là, chacun va y aller selon son bon jugement. Les uns font sauter les prématernelles, les autres, l'éducation aux adultes, les autres, encore, font disparaître des programmes entiers.

Quel est le contrôle de la ministre de l'Éducation par rapport à cette chose-là? Elle nous disait tantôt: J'ai invité les commissions scolaires et les cégeps et les universités à tenter de ne pas trop toucher aux services aux élèves. Si elle était sérieuse, M. le Président, pourquoi ne pas l'avoir mis dans les règles budgétaires, alors qu'on sait, suite aux décisions qu'elle prenait alors qu'elle était présidente du Conseil du trésor, qu'on ne peut pas toucher aux conventions collectives? Et le gros de l'argent en éducation se situe à ce niveau-là, c'est plus de 85 %, M. le Président. Aucune planification.

Alors qu'à Montréal le maire de Montréal fait des efforts pour réduire le fardeau fiscal des Montréalais... Dans mon propre comté, à Lachine, c'est la même chose, on a réduit le taux de taxe. La ministre a reconnu qu'elle obligeait les commissions scolaires à augmenter les taxes scolaires de plus de 77 000 000 $. Respecter la mission essentielle de l'État au niveau de la santé et de l'éducation. C'est plus de 1 200 000 000 $ de compressions que vous imposez. Les citoyens ne seront pas touchés, c'est ce qu'elle voudrait nous faire entendre, la ministre de l'Éducation.

(17 h 30)

Dans ses propres règles budgétaires, il y a une compression de 3 % au niveau des services éducatifs. Et les services éducatifs, les activités éducatives, c'est quoi, M. le Président? C'est quoi, ça? Du matériel pédagogique. On sait qu'une des raisons pour lesquelles les élèves anglophones ont moins bien réussi aux examens, c'est qu'il n'y a pas de manuels scolaires dans les matières comme les mathématiques et les sciences, M. le Président. C'est là que la ministre a décidé de faire des compressions. Au niveau des orthophonistes, au niveau des psychoéducateurs, au niveau des orthopédagogues, tout le soutien à l'enseignement, elle, la ministre de l'Éducation, députée de Taillon, a imposé une compression de 3 % à cet égard-là.

Elle parlait tantôt de faire attention aux plus démunis. Aux plus démunis, M. le Président. Les plus démunis, mon collègue, le député de Jacques-Cartier, va en parler au niveau des services de garde en matière scolaire. C'est là qu'elle faisait ses compressions, au niveau des enfants de quatre ans, de cinq ans et de six ans. C'est ces enfants-là qui vont faire les frais de ces compressions.

On n'a qu'à penser, en alphabétisation, aux gens qui ne savent ni lire ni écrire. Les compressions, M. le Président, de la ministre de l'Éducation vont faire en sorte que, à la seule Commission des écoles catholiques de Montréal, c'est plus de 57 000 heures-groupes qui ont été coupées, 4 700 000 $, M. le Président.

Que penser des fermetures d'écoles? La ministre, le gouvernement s'est fait élire en disant: Tenez bon, gens de Batiscan, nous allons sauver votre école. Quelle est la cohérence par la suite, lorsque la ministre de l'Éducation décide de couper de 13 000 000 $, de près du tiers, le tiers du budget pour garder, pour financer des espaces excédentaires, M. le Président? Quel est le résultat de cela? On l'apprenait hier dans The Gazette : «Commission scolaire de Lakeshore, deux écoles vont fermer». On commence à sentir les effets des compressions de la ministre de l'Éducation.

M. le Président, la ministre de l'Éducation devrait s'inspirer de ce qu'ont fait le président de l'Assemblée nationale et le Bureau de l'Assemblée nationale, ce que j'ai déjà réclamé sur la place publique à plusieurs reprises. Voici ce qu'il a fait. Il a dit ceci: Tous les postes de dépenses ont été scrutés à la loupe, et plusieurs mandats d'analyse et d'évaluation ont été donnés ou confirmés afin que se poursuive l'exercice de rationalisation. Mais il a également affirmé que la contribution de l'Assemblée au redressement des finances publiques ne modifierait en rien la mission de l'Assemblée nationale, M. le Président. Des décisions prises par nos collègues députés. Pourquoi la ministre ne fait pas la même chose au lieu d'imposer des coupures aveugles comme elle l'a fait? Et c'est Lise Bissonnette qui le disait dans un éditorial du Devoir . Aucune planification. Les élèves sont touchés, les parents sont touchés, les contribuables sont touchés, et, pendant ce temps-là, la ministre ne trouve rien de mieux que négocier des augmentations de salaire avec des cadres et des hors cadres.

M. le Président, je pense que, pour le prochain exercice budgétaire, j'invite la ministre de l'Éducation à tenir compte de la proposition que je fais, et je suis prêt à collaborer avec elle. Regardons chaque dollar qui est dépensé dans le monde de l'éducation, et je pense qu'on va pouvoir atteindre nos objectifs. Mais ne regardons pas où on devrait couper par rapport aux élèves, par rapport aux enseignants et refiler des factures aux contribuables, ce n'est pas la bonne façon de procéder. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vous ai arrêté après 10 minutes parce qu'on m'a demandé de réserver cinq minutes pour un de vos collègues. Alors, M. le député de Fabre, je vous cède la parole, et il reste 10 minutes à votre formation. M. le député.


M. Joseph Facal

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président et député de Chauveau. Je ne vous surprendrai évidemment pas en vous disant que j'entends m'opposer à la motion du député de Verdun car elle est erronée sur le fond et exagérée dans sa formulation.

Il est vrai que le gouvernement impose des compressions difficiles au secteur de l'éducation, mais il n'est pas vrai qu'elles soient incohérentes et improvisées. Elles ont, par ailleurs, été pensées pour que, dans toute la mesure du possible, soient préservés la qualité de l'enseignement et les services directs aux étudiants.

Réglons d'abord deux points de détail. Le député de Marquette s'époumonait il y a quelques instants sur les supposées hausses consenties aux cadres. D'une part, la ministre n'a rien consenti du tout, et, d'autre part, il faut lui rappeler que ce sont les commissions scolaires qui négocient avec les cadres leurs conditions salariales, pas le gouvernement.

Quant à sa sainte colère sur les achats de crayons et de valises par le Conseil du trésor, le député de Marquette semble ignorer ce que sait n'importe qui qui connaît le moindrement l'appareil gouvernemental... le Conseil du trésor achète les fournitures pour l'ensemble de l'appareil gouvernemental.

Revenons maintenant sur le fond. Pour bien comprendre nos gestes, M. le Président, il faut d'abord saisir la situation dont nous héritons. Je sais que l'opposition est irritée quand elle entend ce qui va suivre, mais qu'elle s'irrite encore un peu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Facal: Le Parti libéral a été au pouvoir de 1985 à 1994. Or, dans tous les budgets qu'il a présentés pendant son second mandat, le gouvernement libéral a constamment annoncé une baisse rapide du déficit pour les prochaines années. Et, pourtant, d'année en année, malgré des hausses appréciables du fardeau fiscal, malgré des compressions budgétaires sévères, le déficit du Québec n'a cessé d'augmenter.

Quelques chiffres. En 1989-1990, le gouvernement libéral avait prévu un déficit – j'arrondis les chiffres – de 1 500 000 000 $. Résultat réel: 1 600 000 000 $; dépassement: 176 000 000 $, 11,4 % de plus que prévu. En 1990-1991, vous aviez prévu – mais attendez, vos grandes années arrivent – 1 700 000 000 $. Résultat: 2 800 000 000 $; dépassement: 1 100 000 000 $, 62,4 % de plus que prévu. Une grande cuvée, votre année 1990-1991! En 1991-1992, vous prévoyiez 3 400 000 000 $ de déficit. Résultat: 4 200 000 000 $; 722 000 000 $ de plus, 20,7 % de dépassement. Et ainsi de suite, en 1992-1993, 1 100 000 000 $ de plus; en 1993-1994, 749 000 000 $ de plus. Et, en 1994-1995, évidemment, un déficit historique, 5 700 000 000 $, 1 200 000 000 $ de plus que prévu, un dépassement de 29 %.

Bref, M. le Président, en gros, des dépassements moyens de 1 000 000 000 $ par année, des dépassements totaux de 5 100 000 000 $ et un dépassement annuel moyen de 27 %. Quand on voit donc aujourd'hui une motion, issue de l'opposition, qui vient dénoncer l'incohérence et l'improvisation d'un gouvernement qui essaie de toutes ses forces de nettoyer les écuries que vous nous avez laissées, on ne peut évidemment s'empêcher de sourire.

À votre arrivée au pouvoir, vous aviez hérité d'une situation financière sous contrôle et d'une économie relativement saine et vigoureuse. Neuf ans plus tard, les finances publiques sont dans un état lamentable et l'économie québécoise est affaiblie, tout cela par un ancien gouvernement dont le chef, aujourd'hui chef de l'opposition, avait en 1993, rappelons-nous, cosigné un document sur la rigueur budgétaire dont le titre, aujourd'hui, est une cruelle ironie. Ça s'appelait «Vivre selon nos moyens».

Par charité chrétienne, je ne rappellerai pas au député de Verdun les chiffres libéraux sur l'emploi, la chute des investissements, les hausses d'impôts rétroactives, le pillage de la caisse de l'assurance-automobile, et j'en passe. Je vais, par contre, puisque sa motion porte sur l'éducation, lui parler du bilan libéral en matière d'éducation.

Alors, de quoi héritons-nous? Prenons par exemple le décrochage scolaire. Vous arrivez au pouvoir en 1985-1986, le taux de décrochage au secondaire, il est à ce moment-là de 27,5 %. Après quatre années de régime libéral, il était passé à 35,2 %. Il a par la suite un peu diminué puis a repris la hausse dramatique que nous connaissons, qui fait que, encore aujourd'hui, au moment où nous nous parlons, plus d'un jeune sur trois quitte l'école et va rejoindre cette armée de dizaines de milliers de jeunes exclus, éjectés du système d'éducation et qui sombrent dans un état de pauvreté chronique et de dépendance psychologique et matérielle.

Vous avez attendu sept ans avant de réagir. Vous avez mis en place, en 1991-1992, un plan de lutte au décrochage qui injectait 42 000 000 $ par année, certes, mais sur 6 000 projets. On peut évidemment douter de ses chances de réussite. D'ailleurs, le jugement le plus dur porté sur votre plan de décrochage à l'époque l'a été par l'ancien ministre de l'Éducation, M. Chagnon, aujourd'hui actuel député de Westmount–Saint-Louis, qui reconnaissait lui-même que le plan Pagé avait été un échec.

(17 h 40)

Passons à la formation professionnelle. On se rappelle tous, de ce côté-ci de la Chambre, ce que notre ancien chef, M. Parizeau, en disait: «Ce n'est pas un problème, c'est un drame». Vous avez mis en place, à partir de 1986, une réforme de l'enseignement professionnel au niveau secondaire, et vous voyez, M. le Président, le nombre de diplômés: 1985-1986 – j'arrondis les chiffres – 17 800 diplômés; l'année suivante, 14 000; et les années suivantes 7 900, 8 300, 7 500, 6 500 et 5 300. On pourrait continuer encore longtemps. Dans l'enseignement professionnel, votre politique a été un naufrage.

Vous avez également largement ébréché l'accessibilité à l'éducation, qui était pourtant l'un des principes cardinaux de tous nos efforts en éducation depuis 30 ans. Un seul exemple: le dégel des frais de scolarité. Ils étaient gelés à 547 $ depuis le milieu des années soixante. Vous les avez fait passer à 944 $ en 1990-1991, à 1 337 $ en 1991-1992, à 1 483 $ en 1992-1993, à 1 511 $ en 1993-1994 et à 1 539 $ en 1994-1995. Ils ont presque triplé, les frais de scolarité, pendant votre deuxième mandat. Il était donc plus que temps que vous alliez vous reposer dans l'opposition un peu.

Je vais arrêter, M. le Président, parce que si je continue encore à faire le bilan libéral à l'éducation, le député de Verdun va faire une attaque de mauvaise conscience.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Facal: Il ne pourra plus se retenir, il va être tenté de venir nous rejoindre, ce qui le mettra dans l'embarras par rapport à ses collègues.

En ce qui nous concerne, M. le Président, l'élimination du déficit constitue une priorité, non pas dans une optique comptable, mais parce qu'elle va justement nous permettre de rétablir l'équité envers les générations futures, de redonner au gouvernement la marge de manoeuvre qui lui fait défaut et de restaurer un climat favorable à l'investissement et à la création d'emplois.

En éducation, évidemment, l'effort budgétaire, cette année, s'élève à 553 000 000 $. C'est considérable, mais la ministre a expliqué tout à l'heure comment on pouvait y parvenir en essayant dans toute la mesure du possible de préserver les services académiques et pédagogiques directs aux élèves. Je rappelle simplement que, comme 93 % des crédits du ministère de l'Éducation sont administrés par les réseaux de l'enseignement, les consultations prévues par les lois, prévues par les règlements se poursuivent avec tous les partenaires sur les façons précises d'atteindre les objectifs fixés par le gouvernement.

Nous l'avons dit et nous le répétons, nous comptons beaucoup sur la collaboration de tous les partenaires à tous les niveaux et, déjà, nous sommes encouragés par le fait que nous avons réussi à convenir avec les parties patronales et syndicales d'économies de 145 000 000 $ grâce à une nouvelle organisation du travail et à des aménagements aux conventions collectives. Cet effort collectif de rationalisation peut se faire, doit se faire, se fera dans la solidarité, se fera dans l'équité, en mettant à contribution tous les ministres et tous les groupes de la société. Et il est encore temps pour l'opposition de se ressaisir et d'y apporter une contribution vraiment constructive. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Fabre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier, et vous disposez d'un temps de 5 minutes. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de me lever dans cette Assemblée pour appuyer la motion de mon collègue, le député de Verdun. Je veux cibler juste un mot dans cette motion, et c'est le mot «incohérence», parce qu'on a vu, en ce qui touche les services de garde en milieu scolaire, une ministre qui, il y a 18 mois maintenant, a toujours fait la promesse d'avoir un plan de développement, et son plan de développement, c'est vraiment de mettre en péril l'existence même de plusieurs de ces services de garde en milieu scolaire qui donnent place à 44 000 enfants à travers le Québec, le tiers de toutes les places en garderie au Québec. Alors, il y a tout le double langage, l'incohérence entre ce que ce gouvernement dit et ce que ce gouvernement fait.

Je prends, par exemple, le discours inaugural du nouveau premier ministre, qui a dit: La famille est la brique et le ciment de notre société, il faut simplifier leur vie. Ça, c'est le beau discours, mais les gestes... Couper l'aide financière aux parents sera désastreux; ça, c'est un article qui vient du comté de Taschereau, qui a un service de garde à Saint-Roch. Des compressions catastrophiques; encore une fois, ce sont les parents de Montréal qui parlent. Blessés par Mme Marois; un autre article qu'on a trouvé dans Le Soleil .

Alors, dans les faits, qu'est-ce qu'on fait pour simplifier la vie des parents, selon le premier ministre... On met en péril un des outils les plus essentiels pour une famille. Où est-ce que je fais garder mon enfant après les heures d'école? Alors, beau discours, mais, dans les gestes qui sont concrets, qu'on pose ici, on met en péril, et ça va créer de l'insécurité pour plusieurs familles, surtout en milieu défavorisé, à travers le Québec, au mois de septembre prochain.

Autre question. Nous avons dit qu'il faut avoir des services de garde de qualité, et la ministre peut parler longuement sur ça. Mais, dans les gestes qu'on voit, dans le réaménagement qu'elle a essayé de faire pour sauver les subventions, pour les familles à faible revenu, le résultat...

Je lis maintenant un témoignage préparé par la directrice de l'école Garneau, au coin de Papineau et Lafontaine, à Montréal: La ministre Marois tente de nous réconforter en nous promettant que le gouvernement accordera de l'aide financière pour les enfants de quatre et cinq ans. Ce qu'elle a cependant omis de nous annoncer, c'est qu'on pense à diminuer de 40 % la subvention de fonctionnement de tous les services de garde. Afin de boucler leurs budgets, les services de garde devront augmenter leurs tarifs, ce qui annulera la subvention que les parents des quatre et cinq ans recevront. Avec cette nouvelle situation, il est probable que certains services de garde, principalement en milieu défavorisé, soient menacés.

Alors, une autre manchette dans Le Devoir ... L'incohérence dans tout ça: Marois redonne d'une main, prend de l'autre. Alors, c'est ça qu'on est en train de faire. On coupe de moitié un programme qui est très important pour nos enfants, pour nos parents, et d'arrimer ça avec tout le beau discours du gouvernement... C'est très difficile à faire, le lien entre les deux.

Troisièmement, on a vu, encore une fois, le premier ministre qui a dit que les citoyens ne seront pas touchés par les compressions. Il a dit ça dans cette Chambre, mais, quand je regarde les crédits à l'Office des services de garde, c'est dans l'administration qu'on voit une augmentation de 1 600 000 $. Alors ça passe de 6 800 000 $ à 8 400 000 $. Ça, c'est l'administration, c'est là où le premier ministre a dit qu'on va couper, mais l'aide directe aux parents, l'argent pour les familles à faible et modeste revenu va être coupé.

Alors, où est la cohérence? La ministre a un beau discours, mais, après ça, dans la réalité, on voit d'autres choses. Alors, juste en terminant, je veux citer: Logique, où es-tu? Dans toutes ces compressions dans un programme qui est modeste, qui est essentiel pour les familles québécoises, surtout en milieu défavorisé, la garde en milieu scolaire après les heures d'école est un endroit pour l'apprentissage de la langue française pour les enfants, dans la région de Montréal surtout, qui n'ont pas la langue maternelle française. Alors, c'est très important de donner cet encadrement après. C'est supposé d'être une priorité de ce gouvernement, mais on coupe, effectivement, dans une mesure concrète pour améliorer l'apprentissage de la langue française. Alors, où est la cohérence? Où est la logique? Moi, je ne les vois pas, alors je vais voter en faveur de la motion de mon collègue, le député de Verdun. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Il vous reste maintenant, M. le député de Verdun, 10 minutes pour votre réplique. M. le député.


M. Henri-François Gautrin (réplique)

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Avant de répliquer à la ministre, j'ai comme le goût de répliquer au député de Fabre, et je vous dirais que je trouve qu'il est obsédé, cette obsession du passé, alors qu'on est en train de regarder les crédits de 1996-1997. Ça peut être intéressant de parler de ce qui s'est passé dans les années quatre-vingt, mais, bon Dieu, on est en train de s'opposer aujourd'hui et de voter une motion parce que, pour 1996-1997, le futur, il y a une totale incohérence à l'intérieur des crédits de l'éducation.

(17 h 50)

M. le Président, après cette péroraison du député de Fabre, je me serais attendu, lorsqu'il parlait du décrochage scolaire, qu'il citait des chiffres – c'est un problème qui est réel, qui nous préoccupe tous ici – qu'il arrive et qu'il dise: Mais je regrette que, dans les crédits, il n'y ait aucune mesure spécifique pour lutter contre le décrochage scolaire. Et c'est ça, la réalité, c'est ça qu'on est en train de dénoncer aujourd'hui. C'est ça que nous voulons dénoncer aujourd'hui. Il n'y a aucune planification, aucune mesure spécifique pour lutter contre un problème tout à fait réel qui est celui du décrochage scolaire, M. le Président.

Et c'est ça qu'on appelle de l'improvisation. Ce que nous contestons à l'heure actuelle, ce que nous appelons l'incohérence de la part du discours du gouvernement, vient du fait que, d'un côté, ce gouvernement nous dit: Je priorise l'éducation, et, de l'autre côté, je coupe, en réalité, tout le monde de la même manière, pour des problèmes budgétaires que nous connaissons. Les problèmes budgétaires, ce n'est pas d'aujourd'hui que j'en parle dans cette Chambre. Depuis 1991, ici, dans cette Chambre, j'ai soulevé la question du déficit et de la nécessité des lois qu'on devait mettre de l'avant pour lutter contre le déficit, M. le Président. Je n'ai aucune leçon à recevoir sur la question des équilibres financiers.

Je trouve, M. le Président, malheureux qu'on ait un discours de priorisation sur l'éducation et qu'on n'ait aucune mesure concrète qui nous amène, dans les crédits, à prioriser l'éducation. C'est pour ça qu'on dit que le gouvernement est incohérent.

Deuxième point, M. le Président. Je trouve, à l'heure actuelle, que, dans le discours de la ministre, lorsqu'elle dit: J'essaie de faire peser la majeure partie de l'effort budgétaire que je demande au réseau – au réseau, ça veut dire les commissions scolaires, les collèges et les universités – sur les dépenses administratives. Et elle l'a reconnu dans son intervention, on peut aller, au maximum, dans chacun des réseaux, à 25 %. Et l'élément que, nous, on dit, du côté de l'opposition, c'est de dire: Les compressions sur les dépenses administratives, bien sûr, on va pouvoir en faire, mais elles ne représentent simplement que de l'ordre de 25 % de l'effort qu'on demande au réseau de l'éducation, et les autres 75 %, les autres 75 %, M. le Président, vont toucher directement les services éducatifs. Et c'est ça que nous dénonçons aujourd'hui, c'est ça que nous dénonçons, M. le Président, aujourd'hui. C'est cette espèce de double langage, le double langage qui nous fait dire, d'un côté, on priorise l'éducation, et on n'en voit aucune trace à l'intérieur des mesures budgétaires, et, de l'autre côté, on va être en mesure, sur l'effort financier qu'on demande au réseau, de le faire porter sur les dépenses d'administration, alors que les échanges que l'on a eus en commission, et le député de Marquette, et le député de Bourassa, et le député de Jacques-Cartier et moi-même avec la ministre, nous ont fait établir – ce qu'elle n'a pas nié, d'ailleurs, dans son intervention – que, pour 75 % au moins, les dépenses, les efforts budgétaires qui sont demandés au réseau vont porter sur autre chose que sur les dépenses d'administration. Et voici l'espèce de double discours que l'on a de l'autre côté.

M. le Président, on nous conteste le libellé de notre résolution en oubliant de dire ou en contestant le fait qu'on va demander plus aussi aux gens. Le député de Marquette a clairement établi que l'effort fiscal qui va être demandé à l'ensemble des Québécois par l'augmentation des taxes scolaires va voisiner 77 000 000 $ si chacune des commissions scolaires va à la limite de son pouvoir de taxation, ce qu'elle va virtuellement être obligée de faire, avec les compressions qu'elle a actuellement. Il a été clairement aussi établi que, même si le réseau des cégeps n'a pas de frais de scolarité, il a ce qu'on appelle, ces sublimes mots, «les frais afférents», et que, à l'heure actuelle, il est demandé aux différentes associations d'étudiants dans le réseau collégial de voir, collège après collège, parce qu'ils sont pris dans une contrainte budgétaire, les collèges augmenter les frais afférents jusqu'à la limite permise par la loi. C'est ça que nous dénonçons actuellement, c'est ça, à l'heure actuelle, qui représente demander plus à l'ensemble des étudiants.

Les universités, M. le Président, ne peuvent pas augmenter les frais de scolarité. C'est un débat qu'on pourra faire à un autre moment. Néanmoins, l'ensemble des frais afférents sont aussi augmentés à l'intérieur du réseau universitaire. Vous qui venez, M. le député de Chauveau, Président, qui venez aussi du monde universitaire, vous savez, parce que vous avez encore des antennes dans ce milieu-là, qu'on est en train quasiment d'augmenter tous les frais afférents dans le réseau universitaire. C'est ce que nous dénonçons actuellement. C'est-à-dire que l'ensemble des citoyens, des étudiants vont avoir à payer plus pour leur éducation. C'est exactement le libellé de notre résolution.

Autre point, et on n'en a pas... La ministre a dit: C'était justifié, c'était justifiable. Mais, néanmoins, on n'a pu établir dans la réalité des chiffres que l'enveloppe des bourses qui va aller pour les étudiants de niveaux cégep et universitaire.... Et je ne veux pas rentrer dans... Je reconnais qu'il y a une augmentation de bourses pour le secondaire professionnel, mais l'ensemble des bourses qui s'en vont dans le réseau collégial et universitaire va être diminué de 18 000 000 $. Ça veut dire que les étudiants du collégial et de l'université de l'ensemble du Québec vont avoir, en 1996-1997, 18 300 000 $ de bourses de moins qu'ils avaient en 1994-1995. Et ne me faites pas croire, M. le Président, que les étudiants qui reçoivent une bourse sont des gens qui sont fortunés; ce sont souvent des gens qui, avec beaucoup d'effort et dans des situations souvent difficiles, poursuivent leurs études. C'est ça que nous dénonçons à l'heure actuelle.

C'est ça qu'on appelle de l'incohérence dans le discours du gouvernement, à la fois un discours qui se veut lénifiant, en disant: Il n'y aura pas d'effet dans les compressions qu'on met de l'avant, et des compressions qui sont importantes, parce que l'effort financier dépasse les 600 000 000 $, et, d'autre part, voile la réalité de l'effort qu'on va demander aux citoyens soit en augmentant leurs taxes scolaires, soit en diminuant l'ensemble des bourses que les étudiants vont avoir, soit en augmentant les frais afférents, en ne priorisant rien dans les crédits à l'éducation.

M. le Président, nous considérons à l'heure actuelle que ce gouvernement a eu un double langage, n'a pas su satisfaire ce qui était théoriquement dans le discours du trône, ou le discours inaugural, plutôt, la priorité à l'éducation. Et, pour cette raison-là, M. le Président, nous dénonçons l'incohérence et l'improvisation du gouvernement en matière d'éducation, en ce qui touche les crédits qui sont déposés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Cette intervention met fin au débat. Alors, je serais prêt à mettre la motion aux voix.

Une voix: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote enregistré. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes de la séance subséquente, c'est-à-dire demain.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée. Donc, le vote est reporté à demain, aux affaires courantes.

Alors, nous allons ajourner à demain après-midi, 14 heures. Très bien.

(Fin de la séance à 17 h 59)