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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 28 mai 1996 - Vol. 35 N° 26

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Table des matières

Présence du haut-commissaire pour la Nouvelle-Zélande, M. Maurice P. McTigue

Affaires courantes

Affaires du jour

Avis de débats de fin de séance


Journal des débats


(Quatorze heures quatre minutes)

Le Président: Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du haut-commissaire pour la Nouvelle-Zélande, M. Maurice P. McTigue

J'ai d'abord le grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du haut-commissaire pour la Nouvelle-Zélande, Son Excellence M. Maurice P. McTigue.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 37

Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la ministre de l'Éducation présente le projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation. Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ce projet de loi permet au gouvernement d'autoriser le ministre de l'Éducation, s'il y a impossibilité d'en arriver à une position commune au sein d'un comité patronal de négociation, à convenir, au nom de ce comité, de modifications aux conventions collectives existantes applicables aux enseignants d'une commission scolaire.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.

Il n'y a pas de dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Nous en arrivons au dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission des institutions.


Consultation générale sur le document intitulé «Document de réflexion: amendements à la Loi électorale»

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 7, 8, 9, 14, 16, 21 et 22 mai 1996 afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le document de réflexion proposant des amendements à la Loi électorale.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Et vous avez, je crois, un autre rapport, M. le président de la commission des institutions.


Étude détaillée du projet de loi n° 7

M. Landry (Bonaventure): Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 23 mai 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 7, Loi modifiant le Code de procédure civile, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les jurés et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est également déposé. M. le président de la commission du budget et de l'administration, maintenant.


Poursuite du débat sur le discours sur le budget

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé les 21, 22 et 23 mai 1996 afin de poursuivre le débat sur le discours du budget, conformément à l'article 275 du règlement.

Le Président: Merci, M. le député. Le rapport est donc déposé. J'invite maintenant la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements.


Étude détaillée du projet de loi n° 132

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 23 mai 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle.


Maintenir ouvert le centre de détention de Cowansville

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par quelque 1 500 personnes, pétitionnaires de la région de Cowansville. Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement envisage la fermeture de certains centres de détention dans la province de Québec, dont le centre de détention de Cowansville;

«Attendu que, si le gouvernement ferme le centre de détention de Cowansville, plutôt que de restreindre les coûts, il en résultera des coûts additionnels, ne serait-ce qu'en frais de per diem plus élevés, en frais de comparution et de transport étant donné la proximité actuelle entre le palais de justice et le centre de détention;

«Attendu que, lorsque les policiers devront transférer les détenus du palais de justice de Cowansville au centre de détention le plus près, soit environ 1 h 30 min de route, la sécurité de la population de la région pourrait être affectée compte tenu que seulement une voiture de la Sûreté du Québec patrouille la région la nuit, laissant ainsi la population sans aucune surveillance policière;

«Attendu que l'économie de Cowansville et de la région serait affectée compte tenu des retombées directes et indirectes générées par cette institution;»

L'intervention réclamée se résume comme suit:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du premier ministre et de son gouvernement afin qu'il maintienne ouvert le centre de détention de Cowansville compte tenu des motifs ci-haut mentionnés.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales M. le ministre de la Sécurité publique répondra à une question posée le 23 mai dernier par M. le député de Frontenac concernant différents cas de contrevenants traités par les services correctionnels du Québec.

(14 h 10)

Je vous avise également qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre du Travail proposant que le principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, soit adopté.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Maintien des emplois aux centres de réservations d'Air Canada à Montréal

Mme Frulla: Merci, M. le Président. On sait, M. le Président, que le Nouveau-Brunswick concentre tous ses efforts sur les développements de l'économie et de l'emploi. D'ailleurs, le premier ministre McKenna disait récemment à une émission de Jean-Luc Mongrain que, pendant que le gouvernement du Québec consacre toutes ses énergies à se battre contre le fédéral et à sortir le Québec de la fédération, lui ne néglige aucune opportunité pour faire la promotion de sa province auprès d'investisseurs pour les attirer et créer chez lui des emplois. À preuve, l'implantation d'un nouveau centre de réservations d'Air Canada à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, ce qui inquiète, avec raison, au plus haut point les 600 employés du centre de réservations de Montréal.

En principale, M. le Président, au ministre de la Métropole: Est-ce que le ministre d'État à la Métropole peut rassurer ces employés concernant leurs emplois à Montréal?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Cette question me préoccupe. La ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie s'en occupe, mais je vous dirai tout de suite que, si votre gouvernement n'avait pas imposé de taxes sur les appels 1-800 ou s'il les avait retirées, comme le gouvernement du Nouveau-Brunswick l'a fait et comme nous l'avons fait dans l'ancien budget, la situation de Montréal serait beaucoup plus compétitive dans ce domaine. Mais je vais laisser la ministre compléter.

Le Président: Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, j'ai parlé ce matin avec la direction d'Air Canada de ce sujet-là, qui est un sujet très important, bien sûr, pour Montréal et pour les employés d'Air Canada. Les deux plus gros centres d'appel d'Air Canada sont à Montréal, et, effectivement, la direction m'a assurée que les 672 emplois d'Air Canada dans ces deux centres d'appel sont maintenus, M. le Président. Et Air Canada vient d'ailleurs de créer 80 nouveaux postes à ces centres d'appel à Montréal.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: Donc, M. le Président, est-ce juste – pour rétablir la situation et calmer les 600 employés – de dire que ce qui est écrit dans le journal de ce matin est faux?

Le Président: Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, la décision d'Air Canada d'implanter un nouveau centre de réservations à Saint-Jean, c'est une décision qui répond à une volonté de décentralisation. Mais, je le répète, les emplois des deux centres d'appel à Montréal sont assurés, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: Alors, M. le Président, est-ce que la ministre ou le ministre d'État à la Métropole, pour nos registres, peut dire haut et clair qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois à Montréal au niveau des centres de réservations et que, au contraire, on va avoir 40 emplois de créés? Est-ce que c'est ça? Comme ça, on n'en parlera plus. C'est dans nos registres, et tout le monde va être content.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Je le répète, M. le Président, les 672 emplois aux centres d'appel d'Air Canada à Montréal sont maintenus. D'ailleurs, je rencontre cette semaine la direction d'Air Canada pour, justement, faire ce que le gouvernement précédent, de l'opposition, aurait dû faire et leur demander ce qu'on peut faire de plus pour les aider à réussir au niveau des centres d'appel à Montréal.

Le Président: En principale, M. le député de Richmond.


Effets de la baisse des investissements sur la création d'emplois en région

M. Vallières: M. le Président, selon les statistiques les plus récentes publiées par le Bureau de la statistique du Québec, on constate qu'il y a une baisse de 5 % des investissements en 1995, pour l'ensemble des régions du Québec, par rapport à l'année 1994. Ces statistiques mettent en évidence une baisse plus importante dans les régions de Laval, soit 15 %; pour la région du Nord-du-Québec, 14 %; pour la région de Québec, également 14 %. Ces données-là s'ajoutent à la déclaration du ministre des Finances, pour ne pas dire à la condamnation du ministre des Finances, dans son discours sur le budget, alors qu'il affirmait que le taux de chômage se maintiendra à plus de 11 % jusqu'au tournant du siècle.

Est-ce que le ministre d'État responsable du Développement des régions est conscient que la baisse des investissements ne permet pas de consolider et de créer les emplois nécessaires en région pour le respect des engagements du Parti québécois en matière de plein- emploi? Et je pourrais relire au ministre les pages 67 à 83 du programme du Parti québécois qui promettait un plan de plein-emploi à l'intérieur des 100 premiers jours du gouvernement du Parti québécois.

Le Président: M. le vice-premier ministre, ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je pense que le député a confondu mon attitude avec celle du premier ministre du Canada. Le premier ministre du Canada a dit, à Winnipeg, qu'il fallait s'habituer au taux de chômage et qu'il allait rester comme tel dans les années à venir. Dans le présent budget, j'ai fait, en soustrayant de la prévision du secteur privé, une analyse conservatrice de ce que les économistes disent qu'il va arriver, mais j'ai dit en même temps que ce gouvernement allait se battre à mort pour que ce chiffre soit faux et que la croissance soit plus élevée que nos prévisions conservatrices. Vous auriez dû, d'ailleurs, utiliser ce genre de méthode; vous auriez moins déçu et moins désillusionné la population du Québec quand vous étiez au pouvoir.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, vous comprendrez que je ne suis pas très heureux de voir le ministre des Finances confirmer ce qui apparaît à la page D-19, en annexe du budget qu'il a prononcé.

Est-ce que, M. le Président, le ministre responsable du Développement des régions peut également répondre à la question que je lui posais, en tant que chef d'orchestre de l'ensemble des ministres responsables de développement économique à l'intérieur du gouvernement, et en particulier dans le dossier de Vifan, à Lanoraie?

J'aimerais que le ministre nous indique ce qu'il a fait de concret pour éviter la fuite vers les États-Unis d'un investissement de 82 000 000 $ de Vifan, à Lanoraie, tel qu'annoncé dans le journal Le Régional . Et est-ce que le ministre est informé du contenu de la lettre du directeur de l'usine qui aurait indiqué que les investisseurs lorgnaient davantage vers les États-Unis à cause d'un climat économique et politique incertain au Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai deux petits reproches à faire au député: premièrement, de faire semblant qu'il n'a rien compris de ce que j'ai dit à la première réponse... C'est le premier ministre du Canada qui a dit qu'il faut s'habituer au chômage et qu'il va rester comme ça. Et ce gouvernement dit que, si les tendances nord-américaines ont tendance à avoir une courbe assez plate, il va se battre, lui, pour que cette courbe change.

Deuxième petit reproche, et ça tombe bien, cette fois-ci: j'ai parlé moi-même aux autorités italiennes de la société Vifan. Aucune de leurs décisions n'est liée au contexte politique québécois, ni économique ni social. Elles sont ravies de leur investissement dans la région de Lanaudière, et nous devons nous rencontrer dans les jours qui viennent pour parler d'un investissement supplémentaire au même endroit.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

Document déposé

M. Vallières: M. le Président, est-ce qu'on me permettra de déposer copie de l'article du journal qui contredit les propos du ministre?

Le Président: Alors, votre question complémentaire, M. le député.

M. Vallières: En complémentaire, M. le Président, au ministre responsable du Développement des régions – je sais qu'il meurt d'envie de se lever pour répondre à cette additionnelle: Compte tenu de la chute dramatique des investissements dans la région de Québec combinée à la perte d'emplois massive dans le secteur de la fonction publique – principal employeur de la région, comme on le sait – qu'entend faire le ministre d'État responsable des régions pour donner suite aux propos de son collègue, le ministre responsable de la région de Québec, à l'effet qu'il faudrait plusieurs projets mobilisants pour compenser ces pertes d'emplois? Que fait ce ministre pour le développement de la région de Québec? Quel est son plan pour la région de Québec?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord, je vais donner la chance au premier ministre de donner son point de vue, puisque demain il aura une annonce à faire. Mais je vous dirai dès le départ que nous travaillons sur plusieurs projets à Québec. Il y a quelques projets, d'ailleurs, qui sont en suspens dû à un moratoire concernant la commission Doyon, entres autres, puisqu'il y a des projets de cogénération qui ont même franchi l'étape du BAPE et qui sont prêts à être mis en chantier dès que la commission Doyon aura rendu son verdict final, à savoir le 30 octobre prochain.

D'autre part, nous travaillons également avec le CRD, le conseil régional de développement de Québec, qui a énormément de projets sur la planche, et, si les députés, un tant soi peu, consultent leurs collègues, il manque même d'argent au niveau des projets, présentement, pour en investir. Donc, ce n'est pas ça qui manque. Et je vais demander au premier ministre de compléter ma réponse.

M. Bouchard: M. le Président...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: ...pour ce qui est de la région de Québec, le ministre régional, le ministre de la Santé et des Services sociaux, le maire de Québec, moi-même et les députés de la région de Québec auront le plaisir, demain, de tenir une conférence de presse où nous annoncerons des nouvelles qui réjouiront la population de Québec.

(14 h 20)

Une voix: Bravo!

M. Vallières: M. le Président, puisque le premier ministre était debout et puisque le premier ministre s'était engagé à donner lui-même l'impulsion à certains dossiers pour qu'ils se concrétisent dans le domaine du développement des régions, est-ce que le premier ministre est informé d'un investissement majeur dans le secteur de Val-d'Espoir, dans la ville de Percé, concernant le consortium York-Enercon qui veut construire un complexe éolien de 285 000 000 $ permettant de créer quelque 400 à 450 emplois, et ce, dans la MRC de Pabok, la deuxième plus pauvre au Québec? Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer, étant donné qu'il y a une date butoir qui est le 10 juin, qui serait fixée par les investisseurs, s'il a l'intention de s'impliquer personnellement dans ce dossier afin de ne pas priver cette région d'un investissement important?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, nous sommes fort conscients de ce projet, et vous savez pertinemment qu'Hydro-Québec a signé un contrat avec Kenetech pour ce qui est de la production d'environ 100 MW à 120 MW au niveau de l'éolien. Et c'était un premier projet, précisément expérimental, dans le but de voir jusqu'à quel point l'éolien peut avoir une rentabilité. Au moment où on se parle, vous savez que la production d'énergie éolienne est de beaucoup supérieure, en termes de coûts, à celle de n'importe quel type d'énergie. Cependant, nous sommes liés avec Kenetech jusqu'à une date butoir aussi, et on ne peut pas lancer des projets n'importe quand, quand on a voulu, d'abord, se lier avec Kenetech.

Je dois vous dire que, le projet de York, entre autres, il est sur la table. On sait que ça conduirait à une usine de fabrication, ici, de palmes, effectivement. Nous sommes fort intéressés, mais nous ne devons pas faire ça comme vous l'avez fait durant les élections, annoncer des grands projets quand on est dans une période de surplus énergétique. Il faut être conscient des limites qu'on a tout en étant conscient de la valeur de ce projet pour la Gaspésie.

M. Landry (Verchères): Voici un homme consciencieux.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, dans une douzaine de jours, nous en serons au 10 juin. Qu'entend faire le ministre comme geste concret pour éviter qu'à cause de cette date butoir la Gaspésie soit privée de cet investissement important?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai même offert au groupe York de rencontrer les investisseurs allemands à Paris, personnellement, lors de mon passage à Paris au début d'avril. Je leur ai offert une rencontre pour, précisément, voir à ce que le délai prescrit soit prolongé compte tenu des circonstances, compte tenu de la prise de décision qu'on doit faire avec Kenetech, qui est lié juridiquement et correctement avec Hydro-Québec. Je leur ai demandé si on pouvait les rencontrer. Je suis prêt à leur démontrer tout l'intérêt que l'on a, mais je n'embarquerai pas Hydro-Québec dans une mésaventure pour qu'après on se lève tous puis qu'on dise: Comment ils gèrent, Hydro-Québec? Bien, Hydro-Québec va gérer correctement. Je suis prêt à rencontrer les investisseurs allemands en tout temps pour leur démontrer l'intérêt que l'on a. Si Kenetech ne donne pas suite à l'engagement juridique qu'ils ont avec Hydro-Québec, ça nous fera plaisir de nous tourner de bord puis de signer avec York.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, le ministre nous confirme que ça n'a pas fonctionné, la rencontre. À partir de ce constat, qu'entend-il faire de précis? C'est un peu pour ça que j'adressais ma question au premier ministre. Est-ce que le premier ministre a l'intention de joindre les gestes à la parole? Il a dit que, dans certains dossiers, il donnerait lui-même l'impulsion afin d'éviter qu'on perde des emplois, qu'on perde des investissements. Qu'entend-il faire au cours des 10 prochains jours pour permettre que cet investissement se concrétise en Gaspésie?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, déjà, le ministre désigné de la région de Gaspésie–Bas-Saint-Laurent a lui-même rencontré les investisseurs. J'ai rencontré à plusieurs reprises... On a manifesté notre intention claire de leur donner toutes les garanties que ce projet-là sera pris en compte, mais on a besoin de délais. On ne peut pas se retrouver avec deux projets sur les bras alors qu'on a des paramètres financiers à respecter avec Hydro-Québec.

Tout le monde, en Chambre, on s'est levés avec beaucoup de spontanéité pour dire que c'était fini, les folies à Hydro-Québec. Et vous leur demanderiez, demain matin, d'en faire encore? Il faut y aller de façon raisonnable, sensée, M. le Président, et le projet de York est suffisamment sérieux pour que le gouvernement se joigne aux gens de la Gaspésie pour demander une prolongation de délai pour qu'on fasse ça de la façon la plus sérieuse possible.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, là, est-ce que le ministre est en train de nous dire qu'il qualifie les représentations de ce côté-ci de la Chambre de folies à l'endroit d'un investissement qui créerait 400 emplois en Gaspésie? Si c'est ce qu'il a dit, qu'il se reprenne.

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, à écouter le député de Richmond... Il y a une différence entre entendre et comprendre. Ce que je dis, M. le Président, c'est qu'il y a un intérêt majeur pour le projet d'York, d'autant plus qu'il est temps effectivement qu'on fasse une percée dans le domaine des autres énergies, dont l'éolien. Mais on est lié par contrat avec Kenetech, et, s'ils ne donnent pas suite, parce qu'il y a une date butoir, il nous fera plaisir de demander à Hydro-Québec, de façon extrêmement rapide, d'aller signer un nouveau contrat qui nous permettra de faire en sorte que la Gaspésie puisse bénéficier d'un projet dont elle a sérieusement besoin.

Le Président: En principale, M. le député de Papineau.


Projet récréotouristique sur les berges de la rivière Richelieu

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Hier, le premier ministre déclarait qu'il n'allait plus parler de constitution, mais bien d'emplois. Après plus de 18 mois, le gouvernement péquiste va enfin se consacrer à la préoccupation première de la vaste majorité des Québécoises et des Québécois: l'emploi. La priorité va à l'emploi, disent les Québécois, en janvier 1996, au nouveau premier ministre, dans un sondage de Léger & Léger.

La semaine dernière, le Groupe famille Dufour annonçait les grandes lignes d'un projet récréotouristique sur la rivière Richelieu: des investissements de 150 000 000 $ et la création d'une centaine d'emplois sont prévus. Est-ce que le premier ministre supporte le projet du Groupe famille Dufour? Et de quelle façon se traduiront ses paroles en actes?

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Je vous suis reconnaissant, M. le Président, puisque vous êtes d'une neutralité absolue, mais ce qui se passe sur les bords du Richelieu ne vous est pas indifférent...

Le Président: Surtout dans mon comté.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...spécialement à Beloeil. On n'a pas eu, dans les instances économiques, de demande précise d'appui, mais on n'a pas besoin de ça pour décider qu'un projet de cette envergure, s'il est compatible avec l'environnement, avec les plans de développement de la région ou avec nos lois en général, recevra un appui enthousiaste du gouvernement.

Mais je voudrais, en terminant, rappeler au député que, dans l'année et demie dont il a parlé où, soi-disant, on ne faisait rien, il s'est créé plus d'emplois au Québec proportionnellement que dans le reste du Canada. Imaginez-vous, si on avait fait quelque chose.

Le Président: En principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.


Admissibilité des travailleurs de l'industrie du crabe à l'assurance-chômage

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Le secteur de la pêche au crabe a connu la semaine dernière une crise sans précédent. À cet effet, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, pour permettre à ses pêcheurs d'accepter de partager, de subir une baisse de quota, a garanti que les aides-pêcheurs et les travailleurs d'usine auront droit à un fonds d'aide afin de se qualifier au programme de l'assurance-chômage.

Ma question principale, M. le Président: Compte tenu que l'industrie du crabe du Québec vit les mêmes problèmes qu'au Nouveau-Brunswick, est-ce que le premier ministre du Québec entend garantir, de la même façon que son homologue du Nouveau-Brunswick l'a fait, que les aides-pêcheurs et les travailleurs d'usine de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine bénéficieront d'un fonds d'aide leur permettant d'avoir accès à l'assurance-chômage?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, en l'absence du ministre des Pêcheries, je prends avis de la question.

Le Président: Alors, en complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, M. le Président. Compte tenu qu'il y a eu des rencontres la semaine dernière, en Gaspésie, avec les pêcheurs québécois, les travailleurs d'usine, les aides-pêcheurs québécois, le ministre et les fonctionnaires du ministère, qui ont clairement indiqué qu'il n'y aura pas de programme pour ces gens-là pour avoir accès à l'assurance-chômage... Si son ministre a indiqué qu'il n'y en aurait pas, qu'en pense le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les rapports d'entrevue entre les ministres du gouvernement et les contribuables, je préfère les avoir directement des ministres plutôt que de l'opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député.

M. Farrah: Compte tenu, M. le Président, qu'au Nouveau-Brunswick c'est le premier ministre lui-même qui a pris les choses en main, compte tenu de la situation critique dans le domaine des pêches, est-ce que le premier ministre prend l'engagement de faire en sorte qu'il y ait un programme qui existe pour ces gens qui sont démunis et qui ont besoin d'avoir accès à ce programme d'assurance-chômage?

(14 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, même l'honorable McKenna, que semble admirer beaucoup l'opposition aujourd'hui, ne pourra pas faire en sorte que l'assurance-chômage tombe tout à coup sous la juridiction des provinces: c'est Ottawa qui s'occupe de ces choses.

Le Président: M. le député.

M. Farrah: Le premier ministre est-il conscient qu'au Nouveau-Brunswick c'est le premier ministre qui a assumé le leadership et que c'est la province qui va régler le problème? Alors, par conséquent, est-ce que le premier ministre entend, lui, régler le problème? Puis, au lieu de parler de constitution, qu'il s'occupe d'emplois et d'économie.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous sommes tous très conscients que les pêcheurs de crabe, les crabiers, vivent un problème très difficile en ce qui les concerne. Nous sommes tous solidaires du problème qu'ils vivent. Le ministre des Pêcheries s'occupe de la question de façon très intense. Nous devons avoir un rapport de lui sur la situation à la suite des rencontres qui ont eu lieu en fin de semaine et, dès que nous aurons pu faire le point, nous serons en mesure d'annoncer les politiques gouvernementales.

Le Président: M. le député de LaFontaine, en principale.


Modifications au Code du travail demandées par les dirigeants municipaux

M. Gobé: Merci, M. le Président. L'article 45 du Code du travail, en plus de créer des drames humains comme ceux que vivent les employés de l'hôtel Le Méridien, qui ont perdu leur gagne-pain, confronte maintenant les différentes parties des intervenants publics au Québec. En effet, les dirigeants des municipalités, au lac-à-l'épaule, demandaient au ministre des Affaires municipales d'intervenir dans le sens d'un assouplissement.

Celui-ci se disant convaincu, selon les rapports de presse que nous en avons – et tellement convaincu, d'ailleurs, qu'il a décidé d'organiser une réunion au sommet au bureau du premier ministre avec les dirigeants des municipalités dans le sens qui lui était demandé – est-ce que le ministre du Travail pourrait nous indiquer comment il se fait que ce dossier très important pour l'ensemble du Québec soit maintenant rendu au bureau des Affaires municipales et du premier ministre, alors que c'est sa responsabilité de s'en occuper?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, dans le cas des travailleurs de l'hôtel Le Méridien, mon intérêt, là-dedans, à court terme, ça a été d'essayer de préserver les emplois.

Une voix: Raté.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Raté? Pas tant que ça. Suite à une conversation que j'ai eue ce matin avec Claude Béland, président du Mouvement Desjardins, je peux dire aujourd'hui qu'on partage le même objectif: c'est de sauver au moins 90 % des emplois. Cette conversation-là est récente, elle a eu lieu ce matin.

Ce qui est important aussi de souligner, M. le Président, quant aux modifications possibles aux articles 45 et 46 du Code du travail, c'est qu'on a reçu le mandat de prioriser l'écoute des travailleurs de l'industrie de l'hôtellerie devant le comité Mireault, ce qui sera fait. Je comprends également que les gouvernements, les municipalités et les entreprises veulent diminuer leurs coûts en ayant recours à la sous-traitance. C'est un examen attentif qu'on fera de l'article 45 du Code, mais je répète en cette Chambre qu'on ne le fera pas à l'improviste, qu'on ne le fera pas de façon improvisée et qu'on ne le fera pas de façon échevelée. Vous avez eu 10 ans pour le faire, vous ne l'avez pas fait, ce qui prouve que ce n'est pas simple, et pas si simple que le prétend le député de LaFontaine.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, ma question au ministre n'était pas d'avoir un laïus sur les 10 ans passés, ma question était très claire. Ma question, M. le Président, est la suivante: Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi, alors qu'il est le responsable de l'application du Code du travail, alors qu'il est le responsable aussi de son évolution et de ses changements, le dossier est rendu maintenant sur le bureau du premier ministre, suite aux demandes et aux pressions du ministre des Affaires municipales, dans le but de lui faire assouplir l'article 45? Et veut-il nous dire si, oui ou non, il va donner suite aux demandes de la CSN, qui demande un renforcement de l'article 45?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, tout ce qui concerne le traitement et la gestion de cette délicate et importante question relative à la disposition de l'article 45 du Code du travail relève, a relevé et relèvera du ministère du Travail. Et je dois dire aussi au député, M. le Président, par votre intermédiaire, que le gouvernement, saisi de la requête de la CSN concernant une mesure provisoire qui est sollicitée, ne souhaite pas adopter de mesure précipitée. Compte tenu de l'importance et du caractère extrêmement lourd de conséquences qui résulte de l'application de ces dispositions, nous allons suivre le processus qui a été engagé et nous allons attendre le rapport du comité Mireault pour être saisis des possibilités d'intervention, quelles qu'elles soient, avant de prendre une décision et de soumettre à la Chambre les dispositions législatives, le cas échéant.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, est-ce que, devant ces clarifications du premier ministre, qui aurait dû venir il y a quelques semaines devant les travailleurs du Méridien, le ministre peut reconnaître qu'il a mis de la poudre aux yeux devant les travailleurs qui sont venus le rencontrer?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: J'ai essayé d'expliquer, M. le Président, tout à l'heure, que le gouvernement va s'engager à faire en sorte que les entreprises ne puissent pas faire indirectement ce que la loi leur défend de faire directement. Ça, c'est clair. J'espère que, ce message, le député de LaFontaine l'a bien saisi.

Quant à la poudre aux yeux lancée aux travailleurs du Méridien, ce qu'on s'est attardé à faire, avec beaucoup de vigueur, c'est à faire en sorte qu'il y ait le moins de dommages possible pour les emplois qui sont visés au Méridien en faisant en sorte que Desjardins embauche 90 %, et même 100 % des travailleurs qui sont concernés. Ça, c'est ce que j'appelle prendre ses responsabilités.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Est-ce que le ministre ne reconnaît pas que la réponse qui a été faite clairement par le premier ministre, il la connaissait quand il a rencontré les représentants du syndicat et les travailleurs du Méridien devant le parlement?

Et ma question est: Pourquoi ne leur a-t-il pas dit à ce moment-là qu'il ne ferait rien et qu'il ne pouvait rien faire pour aider leur sort? Pourquoi leur a-t-il laissé un faux espoir?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: Ce qui a été dit aux travailleurs lors de ces rencontres, c'est: Présentez-vous devant le comité Mireault et vous allez être reçus en priorité pour venir expliquer votre point de vue. Ça, ça nous intéresse de le connaître, et tout a été mis en oeuvre pour que ces gens-là puissent se faire entendre, M. le Président. Et j'estime qu'on va les rencontrer rapidement, et ce qui importe dans tout cela, c'est que, compte tenu de la complexité de la question, il n'est pas question d'improviser; il est question de bien saisir les enjeux, et le gouvernement ne se fera pas prier pour agir, contrairement à eux, qui n'ont jamais bougé pendant 10 ans.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Implantation de commissions scolaires linguistiques

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Dans le dossier de l'implantation des commissions scolaires linguistiques, les partenaires consultés à ce jour par la ministre de l'Éducation nous confirment qu'elle favorise la proposition du rapport Kenniff. La ministre ne s'en est jamais cachée d'ailleurs. Pourtant, en commission parlementaire, le 30 avril dernier, le premier ministre indiquait, concernant le rapport Kenniff, que cette solution crée, et je cite le premier ministre, «des superpositions compliquées, une multiplicité d'intervenants et l'incohérence fonctionnelle au bout du compte».

Vendredi dernier, la ministre de l'Éducation a indiqué qu'elle écartait la possibilité de négocier un amendement bilatéral avec le gouvernement fédéral. Pourtant, le gouvernement fédéral déclarait le même jour qu'un amendement bilatéral à l'article 93 pourrait se faire facilement et rapidement advenant une demande du Québec.

Devant cet accueil favorable, ma question: Qu'attend le gouvernement du Québec pour entreprendre des discussions avec le gouvernement fédéral afin de régler ce dossier urgent?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, on va d'abord refaire le point sur un certain nombre d'affirmations que fait le député de Marquette. Il est vrai que, sans le consensus qu'avait obtenu M. Kenniff au moment de son rapport, il y avait un risque de superposition de commissions scolaires si nous implantions les commissions scolaires linguistiques. Cependant, nous sommes actuellement à évaluer la possibilité de certaines modifications, d'une part, à la loi actuelle et au processus de mise en place des commissions scolaires linguistiques, qui nous permettraient d'arriver à l'objectif recherché, souhaité et auquel nous nous attaquons actuellement, M. le Président, d'implanter des commissions scolaires linguistiques, tout en évitant, effectivement, la superposition de ces commissions scolaires avec la notion de confessionnalité, parce qu'on ne réglerait, à ce moment-là, absolument rien.

(14 h 40)

Deuxièmement, le député de Marquette nous dit: La ministre a écarté la possibilité d'un amendement. Je ne lui ai pas dit que j'écartais la possibilité d'un amendement. Je lui ai dit qu'il y avait trois hypothèses sur la table de travail: l'hypothèse de Kenniff avec certains amendements ou certains correctifs; l'hypothèse de Proulx et Woehrling; et l'hypothèse d'un amendement à 93 sous l'angle de la question confessionnelle. Je n'ai pas dit que nous écartions cela; cependant, que nous étudions chacune de ces hypothèses, que, actuellement, semble se dégager un appui plus important à l'approche proposée par le comité Kenniff, où, d'ailleurs, lui-même a siégé, M. le Président. Et, à la lumière de l'ensemble de ces éclairages, tant juridiques que des consultations, je proposerai au Conseil des ministres la solution qui apparaît la plus pertinente à retenir pour atteindre l'objectif, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, si la ministre de l'Éducation dit aujourd'hui qu'elle n'a pas écarté la voie de la modification constitutionnelle, comment explique-t-elle, dans un premier temps, sa déclaration aux journalistes vendredi dernier, que j'ai moi-même entendue?

Et, dans un deuxième temps, je cite ses propos à l'interpellation, où elle disait ceci: «Il me semble que ça saute aux yeux qu'amender l'article 93 c'est, dans le fond, de repousser à très, très loin l'implantation des commissions scolaires linguistiques si on attend le résultat de l'amendement.» Si, ça, ce n'est pas écarter la modification constitutionnelle, je me demande ce que c'est.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Quand on étudie des hypothèses, M. le Président, on étudie les avantages et les inconvénients; les risques des unes et les avantages des autres, les risques des autres et les avantages des unes. Alors, ce que je fais, j'essaie de préparer l'éclairage le plus complet possible pour mes collègues du Conseil des ministres, de telle sorte que, lorsque nous prendrons la décision, nous mettrons de notre côté toutes les chances de réussir à atteindre cet objectif, parce que nous croyons que cela est souhaitable non seulement pour la majorité francophone mais pour la minorité anglophone, qui le souhaite et le désire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Question au premier ministre, M. le Président: Compte tenu qu'il me disait, dans le cadre du rapport Kenniff, que ça comporterait des superpositions compliquées, une multiplicité d'intervenants et l'incohérence fonctionnelle au bout du compte – ça, c'est le rapport Kenniff – compte tenu des déclarations provenant du gouvernement fédéral vendredi dernier, entend-il saisir la prochaine occasion pour avoir une réunion en tête-à-tête avec le premier ministre Chrétien pour enfin régler ce dossier-là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je me souviens, au cours de mes échanges avec le député, avoir mentionné que le gouvernement était en train d'évaluer différentes hypothèses et qu'au terme de ces études et examens il allait conclure pour la meilleure. Il se trouve que, à l'usage, il apparaît que la solution de M. Kenniff, si elle est remaniée d'une façon spécifique, pourrait être une hypothèse envisageable. Alors, tout cela est en train d'être considéré par le ministère de l'Éducation, qui nous fait des rapports réguliers, et le Conseil des ministres sera bientôt en mesure de prendre une décision.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Le premier ministre reconnaît-il, dans ce cas-là, qu'il avait tort d'affirmer les propos qu'il tenait le 30 avril dernier, dans un premier temps, lorsqu'il parlait des réalités du rapport Kenniff?

Et, dans un deuxième temps, est-il en train de nous dire, et de dire à l'ensemble de la population, qu'il refuse, face à l'ouverture que lui fait le gouvernement fédéral, d'aller chercher une modification constitutionnelle qui réglerait le problème de façon définitive?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, l'objectif est de mettre en place des commissions linguistiques fonctionnelles, qui vont être gérées de façon correcte en satisfaisant les objectifs poursuivis par tout le monde. Le moyen retenu sera celui qui se prêtera davantage à l'atteinte de l'objectif. Et ce que nous allons éviter, de toute façon, bien sûr, c'est la superposition inextricable d'un grand nombre d'entités fonctionnelles. On sait quelle sera la conclusion, nous n'en voulons pas, et ce ne sera certainement pas la solution retenue.

Quant à la modification constitutionnelle bilatérale, il se peut que nous n'en ayons pas besoin. S'il n'y a pas besoin de s'adresser au fédéral pour requérir une modification, nous ne le ferons pas. L'objectif, c'est d'atteindre la création de commissions scolaires linguistiques qui vont fonctionner correctement, et le moyen sera choisi en fonction de l'objectif.

Le Président: En principale, M. le député de Frontenac.


Autorisation d'absence temporaire de détenus en centres de détention

M. Lefebvre: M. le Président, la semaine dernière, j'ai questionné le ministre de la Sécurité publique sur des absences temporaires illégales, à la fin d'avril et le 13 mai, au centre de détention de Saint-Jérôme, absences illégales autorisées sur la base d'une directive du 24 avril de M. Jacques Lefebvre, fonctionnaire au ministère de la Sécurité publique. Le 22 mai précisément, le ministre m'a répondu que la directive avait été une interprétation erronée par un fonctionnaire de haut niveau, qu'elle était caduque et qu'elle avait été annulée.

Aujourd'hui, le ministre de la Sécurité publique se fait contredire de A à Z par une lettre du 27 mai du syndicat des gardiens de prison, et on y lit, à la page 1, le paragraphe suivant: «Les réponses que vous avez fournies au député de Frontenac sont en grande partie erronées.»

Une voix: Oh!

M. Lefebvre: La lettre nous apprend, M. le Président, que M. Jacques Lefebvre, auteur de la directive du 24 avril, l'a rédigée conformément à un plan d'action décidé par ses supérieurs, avec ses supérieurs, dont M. Roger Giroux, son directeur territorial. De plus, la lettre nous apprend également que, contrairement à ce que le ministre nous a dit, le 13 mai, au moment où, au centre de détention de Saint-Jérôme, on autorisait d'autres absences temporaires après les 29 et 30 avril, la directive du 24 avril était encore en vigueur, contrairement à ce que le ministre nous a dit, qu'elle était caduque et annulée.

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui.

M. Lefebvre: Question. Question précise. Préambule terminé. Question, maintenant.

Le Président: Rapidement sur la question, maintenant. La question elle-même.

M. Lefebvre: Le ministre, M. le Président, comprend très bien quelle est ma question: Comment, face à la gravité de la situation, répond-il à ses employés, agents de la paix, qui lui disent carrément qu'il ne respecte pas la loi et qu'en plus il a donné à l'Assemblée nationale des réponses fausses, des réponses erronées, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: M. le Président, je réponds bien simplement que j'ai tout à fait le sentiment et la certitude d'avoir donné des réponses qui sont exactes, celles qu'on m'a données dans le ministère et que je pense tout à fait fondées.

D'autre part, j'aurai l'occasion, tantôt, puisque le député a soulevé des cas très précis la semaine dernière, des cas qui font l'objet d'allégations dans une requête de la part du syndicat qui est en négociations actuellement – le syndicat des employés – une requête, à la fois en injonction et en nullité des décisions gouvernementales, et on comprendra – je vais attendre tantôt pour donner ma réponse précise à la question, puisque je l'ai annoncé – que je ne veux pas commenter des choses qui sont directement liées à une cause qui est actuellement pendante devant les tribunaux.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre reconnaît que c'est assez inquiétant pour la population de l'entendre dire, le 22 mai, que le centre de détention de Joliette est encore en opération alors que, dans la lettre qu'il a, lui, sous les yeux – moi, j'en ai une copie – on dit clairement que le centre de détention est fermé depuis le 15 mai?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de dire que la direction doit prendre un certain nombre de mesures pour aller dans le sens des orientations qui ont été annoncées. D'autre part, on sait que, pour fermer des centres de détention, on doit avoir un décret explicite du gouvernement du Québec. À ce que je sache, je n'ai pas vu un tel décret. Et j'aurai l'occasion, tantôt, comme je l'avais annoncé, de répondre plus explicitement à certains autres allégués du député dans ses questions de la semaine dernière.

Le Président: En principale, M. le député de Verdun.


Aide financière aux étudiants inscrits hors Québec

M. Gautrin: Merci, M. le Président. La semaine dernière, on apprenait par hasard que la ministre de l'Éducation a décidé en catimini de priver les étudiants québécois désirant entreprendre leurs études à l'extérieur du Québec de l'aide financière sur laquelle ils comptaient pour financer leur année scolaire. Ces nouvelles mesures pénalisent plus de 2 000 étudiants. Devant le tollé de protestations suscité suite à cette annonce, la ministre semble, du moins d'après ce qu'on apprend de ses attachés politiques, faire marche arrière.

(14 h 50)

Alors, est-ce que la ministre peut cesser d'improviser au détriment des étudiants et nous confirmer que toutes les demandes d'aide financière postées avant le 30 juin de cette année par des étudiants désirant entreprendre et non poursuivre des études à l'extérieur du Québec seront traitées de la même façon que l'année précédente, contrairement à la directive qui avait été émise par son ministère la semaine dernière?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, quand on me dit que je fais des choses en catimini, je suis toujours étonnée d'entendre ça, après qu'il se fut agi d'une publication dans la Gazette officielle .

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Alors, moi, je veux bien procéder en cachette, mais j'ai un petit peu de difficultés avec cela. Bon. Cela étant, nous avons prévu... Parce qu'il est évident que s'engager dans des études universitaires doit se faire, se fait d'une façon planifiée. Et nous avons donc prévu, effectivement, une transition, M. le Président.

D'abord, il faut bien comprendre que nous limitons l'accès aux prêts et bourses des étudiants qui veulent aller étudier dans des programmes contingentés. En fait, on ferait indirectement ce qu'on ne permet pas de faire au Québec, M. le Président. Et, d'autre part, on limite aussi l'accès aux prêts et bourses des personnes qui pourraient obtenir ainsi une telle formation au Québec, parce qu'elle est disponible, ce qui est raisonnable, je crois. Cependant, effectivement, dans la phase de transition, les étudiants qui avaient prévu...

Le Président: Mme la ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

Mme Marois: Merci. Les étudiants qui avaient prévu s'inscrire à un tel programme à l'extérieur du Québec en utilisant l'aide de prêts ou de bourses pourront le faire selon les normes, s'ils sont inscrits d'ici le 30 juin et tel qu'ils l'avaient prévu pour l'année à venir. Cependant, les étudiants qui voudront le faire pour l'an prochain, ils devront tenir compte de ces balises, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: M. le Président, la ministre est-elle consciente que, par cette mesure, elle touche essentiellement des étudiants de la communauté anglophone et qu'elle est en train de discriminer, à l'heure actuelle, les Québécois anglophones?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je ne voudrais pas utiliser de données erronées, cependant, nos systèmes informatiques ne nous permettent pas de ressortir le nombre de personnes inscrites selon qu'elles soient de la communauté anglophone ou francophone. Cependant, à partir d'une évaluation selon les noms que nous pouvons constater par rapport aux personnes inscrites, il y a autant de francophones que d'anglophones, M. le Président, qui seraient concernés par une telle mesure.

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: En principale, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gautrin: En additionnelle, simplement...

Le Président: En additionnelle, M. le député.

M. Gautrin: Simplement, la ministre est-elle consciente... Par rapport aux personnes qui perdront la possibilité de faire des prêts, c'est-à-dire le deuxième élément de sa directive, est-ce qu'elle peut donner à cette Chambre le pourcentage de francophones ou d'anglophones qui sont concernés?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Soit dit en passant, M. le Président, pour que les choses soient claires, bien sûr, nous parlions, à ce moment-ci, du collégial et du premier cycle. On s'entend que les deuxième et troisième cycles, les personnes auront toujours accès à notre régime de prêts et bourses. J'ai bien dit tout à l'heure, M. le Président, à la réponse que je donnais au député de Verdun, que je ne pouvais pas faire cette distinction formellement parce que la donnée n'est pas cueillie et n'est pas saisie, donc n'est pas introduite à notre système de collecte d'information. Cependant, sur la base des constatations que nous pouvons faire, de la connaissance que nous avons, évidemment, des personnes qui s'inscrivent, sur les noms des personnes inscrites, on peut déduire que cela se partagerait moitié-moitié entre francophones et anglophones.

Le Président: Cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.


Réponses différées


Autorisation d'absence temporaire de détenus en centres de détention

Nous en arrivons maintenant à la partie des réponses différées, et M. le ministre de la Sécurité publique répondra maintenant à une question posée le 23 mai dernier par M. le député de Frontenac concernant différents cas de contrevenants traités par les services correctionnels du Québec. M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, jeudi dernier, le député de Frontenac me demandait des informations sur des dossiers de contrevenants. Ses questions portaient, d'une part, sur trois cas précis pour lesquels il m'a transmis les numéros de dossier et, d'autre part, sur neuf autres cas de personnes qui auraient bénéficié de mesures d'absence temporaire au centre de détention de Saint-Jérôme le 13 mai dernier.

Il faut d'abord savoir, M. le Président, que les services correctionnels du Québec encadrent, dans différents programmes, à l'extérieur des murs, plus de 12 000 contrevenants quotidiennement, en plus des 3 500 personnes qui sont à l'intérieur des centres de détention. Dans les dossiers précis qui ont été soulignés, soit les dossiers 024026, 108168 et 18849 mentionnés la semaine dernière par le député de Frontenac, après vérification, ces trois numéros de dossier sont précisément mentionnés dans la demande de requête en injonction et l'action en nullité actuellement pendantes devant les tribunaux. Il faut savoir que les membres du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels, toujours en négociations avec le gouvernement, ont déposé ces procédures devant la cour.

Le député m'a aussi demandé des informations relatives à neuf personnes ayant bénéficié d'une absence temporaire alors qu'elles purgeaient une peine au centre de détention de Saint-Jérôme. M. le Président, je dois, là aussi, informer cette Chambre que les dispositions de la loi qui permettent d'octroyer, à différents moments de la sentence, des absences temporaires aux contrevenants sous le coup d'une peine sont au coeur même de la requête en injonction dont j'ai fait mention précédemment. Dans ces conditions, en vertu des règlements de cette Chambre et de nos traditions, je ne commenterai d'aucune façon ces cas tant et aussi longtemps que les tribunaux ne se seront pas prononcés sur ces causes, et je suis convaincu, M. le Président, que mon collègue, qui est l'ex-ministre des Finances, comprend très bien la situation.

Une voix: De la Justice.

M. Perreault: Ex-ministre de la Justice, pardon – comprend très bien la situation.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre reconnaît que sa réponse est contredite par la lettre de M. Réjean Lagarde, au nom des syndicats des gardiens de prison, et que, en plus, la lettre fait référence à la situation suivante: que la note de service du 24 avril venait donc établir que, de façon systématique et sans égard à son profil criminel, un citoyen sentencé à quatre mois de détention par la cour ne passait pas une seule journée en détention?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je comprends mal pourquoi le député de l'opposition s'entête à vouloir nous embarquer dans un débat qui fait l'objet présentement, justement, d'un débat devant les tribunaux. Sur le fond des choses, j'ai déjà eu l'occasion de faire valoir...

Le Président: Alors, vous invoquez le règlement, M. le leader... Alors, sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le ministre fait référence à l'article 35.3 de notre règlement sans tenir compte des distinctions que vous et vos prédécesseurs avez clairement établies entre une affaire qui est de nature pénale et une affaire qui est de nature civile ou administrative. Il tente présentement d'éviter de répondre aux questions parce qu'il est en contradiction avec les employés du ministère de la Sécurité publique.

Le Président: Je pense que, sur la première partie de votre intervention, vous aviez raison de faire appel au règlement. Sur le reste, je pense que c'est un commentaire. Mais ce qui est clair, c'est que l'interprétation qu'on doit donner à l'article 35.3 concernant la règle du sub judice – je l'ai rappelé la semaine dernière ou il y a deux semaines – en ce qui concerne les matières criminelles, pénales, la pratique et la tradition dans ce Parlement et dans tous les Parlements d'origine britannique, c'est de ne faire aucun commentaire, ni direct ni indirect, pour ne pas nuire de quelque façon que ce soit aux gens qui sont concernés.

En ce qui concerne les matières civiles ou administratives, la règle est plus large. Il s'agit, dans tous les cas, de toute façon, d'agir avec prudence, mais en se servant du jugement et de la possibilité qu'on puisse parfois aborder des questions selon le risque ou les inconvénients qu'on pourrait causer aux personnes et aux organismes qui sont en cause, et en particulier aux personnes qui sont en cause.

(15 heures)

Alors, en respectant cette règle-là, je crois que l'appel au règlement du leader de l'opposition officielle était justifié. Alors, en s'en tenant à cette règle-là, M. le ministre, vous étiez à... M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Question sur le règlement: Vous n'avez pas fait mention ici de l'article 82.1°, qui mentionne qu'un «ministre auquel une question est posée peut refuser d'y répondre, notamment: s'il juge contraire à l'intérêt public de fournir les renseignements demandés.»

Alors, je pense aussi que le ministre a une discrétion quant à savoir si l'intérêt public a besoin d'avoir cette réponse.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur la question de règlement.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je suis d'accord avec le leader du gouvernement, mais encore faut-il que le ministre l'invoque. Ce qu'il a invoqué, c'est l'article 35 et non l'article 82.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je prenais pour acquis que le leader de l'opposition connaissait l'article 82.1°. Alors, maintenant, je lui en fais part.

Le Président: Sur la question de règlement, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président: Alors, il reste à peine quelques instants à cet échange sur la réponse différée. Je voudrais bien être capable d'entendre l'ensemble des explications. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, sur la question de règlement, ma question au ministre ne touche d'aucune façon des cas particuliers. Ma question, c'est: Est-ce qu'il est exact que des citoyens sentencés à quatre mois de détention par la Cour ne passent pas une seule journée en détention? C'est ça, ma question. On ne parle de personne en particulier, M. le Président.

Le Président: Alors, en conclusion, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: M. le Président, je suis surpris que le député de l'opposition ne parle d'aucune personne en particulier, parce que je suis en réponse complémentaire sur une question très précise portant sur des cas, M. le Président, des cas très précis.

Tout ce que je veux dire, M. le Président, c'est ceci: Dans la mesure où les questions du député vont au coeur d'un débat que les employés ont décidé de porter devant les tribunaux, je pense, M. le Président, que, pour ne pas nuire à la défense du gouvernement et à l'intérêt public, je n'ai pas à commenter dans le détail les questions que soulève le député de l'opposition.


Votes reportés

Le Président: Alors, cela complète cet échange. Nous en arrivons maintenant aux votes reportés et, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté.


Adoption du principe du projet de loi n° 31

Sur la motion de M. le ministre du Travail proposant que le principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, soit adopté.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Garon (Lévis), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Paillé (Prévost), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Y a-t-il des absentions?

Le Secrétaire: Pour:64

Contre:37

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée et le principe du projet de loi n° 31 est donc adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Oui, M. le Président. Je demanderais que la commission tienne des audiences publiques pour entendre les intervenants sur ce projet de loi là.

Des voix: Oui.

Le Président: Est-ce que, M. le leader du gouvernement, vous avez un commentaire?

M. Bélanger: M. le Président, je ne comprends pas l'intervention du député de LaFontaine, ce n'est pas présentement le temps pour faire une telle demande.

Le Président: Est-ce que la motion du leader du gouvernement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Motions sans préavis

Nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis. Mme la ministre de l'Éducation.


Reconnaître le rôle des services de garde

Mme Marois: Alors, M. le Président, en cette Semaine des services de garde au Québec, dont le thème, cette année, est «Laisse-moi le temps d'être enfant», je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse le rôle éducatif des services de garde du Québec auprès de la petite enfance et qu'elle reconnaisse le rôle de premier plan joué par ces services pour la conciliation de la vie familiale avec le travail des parents.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je voudrais juste confirmer l'entente avec mon vis-à-vis de l'opposition officielle à l'effet qu'il y aurait un intervenant de part et d'autre sur cette motion.

Le Président: Alors, cette entente est confirmée, il y a consentement. Mme la ministre de l'Éducation, sur la motion.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. En effet, notre action à l'égard des services de garde est animée par la conviction profonde que les services de garde sont essentiels à la conciliation... Je m'excuse, M. le Président, mais c'est un peu bruyant.

Le Président: Alors, je demanderais aux membres de l'Assemblée qui, pour une raison ou pour une autre, ne tiennent pas à être présents lors de cette discussion-là de quitter l'Assemblée en silence et de permettre aux deux députés qui doivent intervenir de le faire. Alors, Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, notre action à l'égard des services de garde est animée par la conviction profonde que les services de garde sont essentiels à la conciliation de la vie familiale avec le travail des parents. En confiant leurs enfants aux services de garde, les parents peuvent prendre part à la vie socioéconomique du Québec, et cela, en toute quiétude, parce qu'ils savent que leurs enfants évoluent dans un milieu conçu pour assurer leur santé, leur sécurité, mais également leur développement optimal.

(15 h 10)

Nos services de garde sont de petites unités, à la taille des enfants, auxquelles les parents sont étroitement associés. Leur organisation se caractérise par ce lien entre la famille et le service, qui favorise ainsi la cohésion des valeurs transmises et l'efficacité aussi des interventions éducatives. Les enfants y sont reçus par un personnel compétent et attentif à leurs besoins sous tous leurs aspects. Au fil des années, les éducatrices et les éducateurs ont développé une solide expertise du développement des jeunes enfants, ce qui en fait des acteurs privilégiés pour la prévention de difficultés d'apprentissage.

La Semaine des services de garde, dont le thème, cette année, je le rappelle, est «Laisse-moi le temps d'être enfant», illustre bien ce que nous voulons pour eux. Cette Semaine, donc, nous donne l'occasion de reconnaître le rôle éducatif des services de garde, plus particulièrement auprès de la petite enfance. Elle nous donne aussi l'occasion de saluer l'engagement des parents, des personnes qui oeuvrent en services de garde. Ce sont les véritables artisans de notre système de garde, qui lui donnent toute son originalité, tout son dynamisme et toute sa qualité, M. le Président. Merci.

Le Président: Merci, Mme la ministre. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant et, s'il n'y en a pas d'autre, je vais demander si la motion est adoptée. M. le député de Jacques-Cartier, je m'excuse, je ne vous avais pas vu. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. J'aimerais appuyer la ministre de l'Éducation dans la motion pour reconnaître le travail qui a été fait effectivement pour la Semaine des services de garde au Québec et le travail essentiel pour aider nos enfants dans leur épanouissement, leur développement éducatif et social, et également pour la conciliation toujours difficile entre le travail et la famille.

Une des forces de notre système de services de garde au Québec est effectivement sa diversité. Nous avons un régime existant avec plusieurs modèles de services de garde, soit en milieu familial, soit en milieu scolaire, également les garderies à but lucratif, les garderies à but non lucratif, les haltes-garderies, les jardins d'enfants et les garderies en milieu de travail et en milieu familial. Bref, il y a toute une gamme de services qui sont offerts aux parents, aux enfants et aux familles québécoises pour rendre un meilleur service, pour faire cet arrimage nécessaire entre le travail, le développement de nos enfants et les exigences de la famille.

Alors, c'est pourquoi on a regardé le développement, cette année, en milieu de services de garde, de ce côté de la Chambre, avec beaucoup d'inquiétude, parce qu'on est en train de remettre en question quelques éléments essentiels de cette gamme de réseaux qui donnent un excellent service aux parents québécois. Notamment, les décisions qui ont été prises pour couper les subventions données aux parents à faibles revenus; ça, c'est le règlement qui a été publié le 1er mai, qui a provoqué beaucoup de problèmes pour les familles qui travaillent à faibles revenus. Alors, ça, c'est une inquiétude qu'on a de ce côté de cette Chambre.

Deuxièmement, il y a toutes les compressions afin de couper la moitié des ressources allouées aux garderies en milieu scolaire. Ça, c'est un autre outil essentiel qui était très commode, très pratique pour les familles québécoises, et on a vu le budget coupé de moitié. Encore une fois, un programme qui a visé les personnes en milieu défavorisé, en milieu où il faut encourager l'apprentissage de la langue française. C'est là qu'on a coupé l'argent. Encore une fois, c'est une décision prise par le gouvernement, qu'on trouve très difficile à comprendre.

Troisièmement, comme je l'ai dit, c'est la gamme des services qui sont offerts qui est très importante, et la ministre veut carrément mettre la hache dans le développement dans le secteur des garderies à but lucratif, ce qu'on trouve regrettable de ce côté de la Chambre, parce que, encore une fois, c'est un réseau, c'est un milieu qui a réussi à créer beaucoup de nouvelles places dans les garderies, à moindre coût pour le gouvernement. Et, dans une période, un contexte difficile pour les finances publiques, nous avons souhaité qu'on puisse continuer le développement à la fois dans les garderies à but non lucratif et dans les garderies à but lucratif, parce qu'on demeure convaincus qu'il y a de la place pour les deux modèles et les deux types de services de garde en garderie au Québec.

Mais, en passant, quelques bonnes nouvelles avant de terminer, M. le Président. Une couple d'activités auxquelles j'ai eu l'occasion et le plaisir de participer ce printemps, c'était le 50e anniversaire de the Association of Early Childhood Educators. Ce sont les vrais pionniers dans le développement des services de garde au Québec, dans l'ouest de Montréal. C'est les personnes qui ont commencé, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à fournir cet outil aux parents et aux enfants dans la région de Montréal, et, cette année, c'est leur 50e anniversaire. J'étais très fier d'être parmi eux. Ce sont des personnes qui ont beaucoup aidé le gouvernement, en 1979, à faire la première loi sur les services de garde. Alors, c'est vraiment une occasion très heureuse.

La semaine passée, j'ai eu l'occasion, aussi, d'aller à la plantation des arbres autour du Centre d'apprentissage alternatif Feres qui est un très beau projet dans l'ouest de l'île de Montréal, dans mon comté, où la moitié de la clientèle sont des enfants handicapés, l'autre moitié, des enfants du quartier, et on les met ensemble dans un effort d'intégration pour préparer tous les enfants à s'intégrer au système scolaire. Alors, c'était une très belle activité, vendredi passé.

Alors, en terminant, je veux ajouter mon nom à cette motion et aux éducateurs et éducatrices, aux parents et aux bénévoles qui travaillent – le bénévolat est toujours sollicité dans le milieu des garderies, et c'est très important, l'implication des parents – aux propriétaires, aussi, qui donnent un service dans 400 centres à travers le Québec aux familles québécoises, mais, avant tout, à nos enfants, et me joindre à la ministre. Qu'on leur laisse le temps d'être enfant. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je dois comprendre que la motion est adoptée.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole, aujourd'hui après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, de 20 heures à 22 heures et, si nécessaire, demain, le mercredi 29 mai 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, de 20 heures à 22 heures et demain, le mercredi 29 mai 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 129, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement relativement aux navires de croisières internationales, aujourd'hui après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué: soit le projet de loi n° 26, Loi sur le ministère du Travail, le projet de loi n° 27, Loi modifiant le Code du travail, demain, le mercredi 29 mai 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Je vous avise de mon côté que la commission de l'Assemblée nationale se réunira aujourd'hui, mardi le 28 mai, après les affaires courantes, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de statuer sur diverses affaires courantes, notamment la mise sur pied de la sous-commission sur la réforme parlementaire.

À cette étape-ci, je devrais demander s'il y a consentement pour déroger à l'article 145 du règlement, qui prévoit que trois commissions puissent se réunir simultanément pendant que l'Assemblée procède aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vous comprendrez qu'avec le menu législatif que nous avons et le nombre de commissions parlementaires qui siègent présentement nous ne sommes pas prêts à donner ce consentement, et je pense que, du côté de l'opposition officielle, c'est un peu la même chose, vu le menu législatif quand même important et les commissions parlementaires qui siègent.

Le Président: Écoutez, je constate que les deux leaders sont d'accord. Très bien. Je vous demanderais, dans ce cas-là, votre collaboration pour qu'on finisse par réunir la commission de l'Assemblée nationale, parce qu'on va finir par arriver à la fin de juin et on n'aura pas réussi à réunir la commission de l'Assemblée nationale. Et le vice-président, à qui je voulais demander de s'occuper du dossier de la réforme parlementaire, ne pourra pas mettre en branle les travaux nécessaires sur lesquels, en principe, tout le monde est d'accord.

M. Bélanger: M. le Président, là-dessus, dans les meilleurs délais, vous pouvez compter sur le fait que nous allons faire tout en notre possible pour que la commission de l'Assemblée nationale puisse se réunir dans les meilleurs délais.

Le Président: Alors, très bien. Dans ce cas-là, je vous avise... Oui, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement pour souligner que, de mémoire, nous nous rappelons avoir confirmé notre présence à deux ou trois reprises et nous avons appris par la suite que la commission ne siégeait pas.

Le Président: Alors, écoutez, je pourrais vous dire que, chacun de votre côté, à tour de rôle et parfois simultanément, vous avez tous de bonnes raisons de me confirmer que l'horaire devait être modifié, le dernier en date étant le leader du gouvernement, pour une raison que nous connaissons tous: il est devenu papa la semaine dernière.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mais j'aimerais bien, avec vous, être père d'une réforme que nous attendons tous. Alors, il faudrait peut-être qu'on la mette en branle le plus rapidement possible. Entre-temps...

Une voix: ...

Le Président: Oui, mais, pour qu'il y ait un parrain, il faut d'abord qu'il y ait des parents, au préalable, pour une réforme parlementaire.

(15 h 20)

Alors, je vous avise donc, d'autre part, que la commission de la culture se réunira en séance de travail demain, mercredi le 29 mai, de 12 h 30 à 13 h 30, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de finaliser le document de consultation intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise». Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 145 du règlement qui prévoit que trois commissions peuvent se réunir simultanément pendant que l'Assemblée procède aux affaires du jour? Je crois qu'il y a un chevauchement d'une demi-heure pour cette commission.

Une voix: ...

Le Président: Alors, il y a consentement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, de mon côté, moi, je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Rivière-du-Loup. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Parti québécois de donner suite aux engagements pris en cette Chambre par l'ex-premier ministre ainsi que par le vice-premier ministre en soumettant à un examen parlementaire la nomination des principaux grands commis de l'État québécois afin d'éviter que se répètent les nominations partisanes devenues pratique courante dans la haute fonction publique et à la direction des organismes gouvernementaux.»


Affaires du jour


Affaires prioritaires

Alors, s'il n'y a pas d'autres questions à cette étape-ci, nous allons procéder aux affaires du jour et, conformément au règlement, aux affaires prioritaires.


Reprise du débat sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement et sur les motions de censure

À l'article 1 du feuilleton, conformément aux dispositions de l'article 87 du règlement, l'Assemblée reprend le débat, suspendu à l'Assemblée le 21 mai dernier, sur la motion de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement ainsi que sur les motions de censure présentées par M. le député de Laporte, M. le député de Rivière-du-Loup, M. le député de Nelligan, M. le député de Jacques-Cartier, M. le député de Vaudreuil et chef de l'opposition officielle, M. le député de Marquette ainsi que M. le député de Robert-Baldwin.

Conformément aux dispositions de l'article 276 du règlement, je vous rappelle qu'une intervention de 30 minutes est réservée à M. le député de Laporte, représentant l'opposition officielle, et que ce débat se terminera par la réplique d'une heure accordée au vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances. Alors, M. le député de Laporte, pour 30 minutes.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en arrivons maintenant à la fin du débat sur le discours du budget que nous a présenté le ministre des Finances il y a quelques jours et dans lequel le gouvernement annonçait son intention de réduire le déficit du Québec cette année, l'an prochain et dans deux ans, de sorte que, autour de l'an 2000, j'espère, on en sera arrivé à ce qu'on appelle l'équilibre budgétaire, c'est-à-dire que nous en serons arrivés à une situation où il n'y aura plus, au Québec, de déficit dans les budgets annuels. M. le Président, j'ai dit le soir du budget, j'ai répété subséquemment et je répète aujourd'hui que l'opposition officielle appuie sans réserve le gouvernement dans l'objectif annoncé de réduire le déficit du Québec cette année et dans les années qui viennent de façon à ce qu'on en arrive éventuellement, et le plus tôt possible, à ce qu'il n'y ait plus de déficit.

D'ailleurs, je rappelle que, lors de la dernière campagne électorale, c'est le Parti libéral du Québec qui avait recommandé et proposé que l'Assemblée nationale adopte une loi interdisant les déficits ou, à toutes fins pratiques, faisant en sorte que le gouvernement ne puisse plus faire de déficit au Québec. Et, dans le budget que nous avions déposé à la fin de l'administration libérale, nous avions déposé un plan de réduction du déficit qui faisait en sorte que, sur une période de quatre années, nous en serions arrivés, justement, à l'équilibre budgétaire. Le gouvernement du Parti québécois suit fidèlement le plan que nous avions déposé. C'était le cas l'an dernier et c'est le cas cette année, et nous allons continuer, M. le Président, d'appuyer le gouvernement dans cet objectif-là.

Pour arriver à un déficit réduit et, éventuellement, à aucun déficit, il faut prendre des moyens. Il y a effectivement deux types de moyens qu'on peut prendre. On peut réduire les dépenses du gouvernement pour réduire le déficit ou on peut, à l'occasion, augmenter les revenus, c'est-à-dire taxer davantage les contribuables pour retirer plus d'argent, pour faire en sorte de réduire le déficit. Nous sommes en faveur de la première solution et nous nous opposons à la deuxième, M. le Président, c'est-à-dire que c'est trop facile pour le gouvernement de se présenter devant l'Assemblée nationale et devant le peuple du Québec et de dire: Nous allons réduire le déficit, mais nous allons y arriver en augmentant les taxes, en augmentant les impôts, en augmentant les tarifs. Ça, c'est la façon la plus facile et, à toutes fins pratiques, celle qui est la moins profitable au gouvernement aussi, parce que, à force d'augmenter les impôts et les taxes, on finit par étouffer le contribuable. C'est le phénomène de la poule aux oeufs d'or, que vous connaissez très bien, M. le Président, pour avoir fait des études poussées. Vous savez ce que c'est que le phénomène de la poule aux oeufs d'or? À force d'étouffer la poule, M. le Président, elle ne pond plus, et les Québécois, à force d'être pressurés, finiront par ne plus être capables de faire en sorte de fournir des fonds, de payer des taxes. Il y aura de l'évasion fiscale, et finalement, ce sera, comme on dit, la loi des rendements décroissants: plus on augmente les impôts, moins il y en a. Comme le disait le ministre des Finances: Trop d'impôts tue l'impôt. Il faut donc, M. le Président, bannir cette formule qui vise à tenter de réduire le déficit du Québec en haussant les taxes et les impôts.

Je dois dire, à ce chapitre-là, M. le Président, que le gouvernement ne mérite pas de félicitations, au contraire. Après nous avoir promis de ne pas hausser les impôts et les taxes, voici que le gouvernement fait le contraire. Il fait le contraire de plusieurs façons. Le gouvernement a transféré aux municipalités des responsabilités qui vont faire en sorte que les municipalités devront hausser les taxes municipales. Même chose pour les commissions scolaires: les commissions scolaires seront forcées de hausser les taxes scolaires. Donc des hausses indirectes.

Hydro-Québec, M. le Président. Le gouvernement a permis, je dirais même a demandé à Hydro-Québec d'augmenter ses tarifs de 2,5 %. Et on a eu droit à un spectacle un peu ridicule de la part du ministre responsable, qui est venu nous dire, dans un premier temps: On ne permettra pas à Hydro-Québec de hausser ses tarifs tant qu'on ne fera pas le ménage. M. le Président, nous sommes d'accord avec l'idée de faire du ménage à Hydro-Québec et de tenter de réduire les dépenses d'Hydro-Québec. Mais de venir faire croire à la population que le gouvernement se serait privé d'une hausse de taxes, d'une hausse de tarif à Hydro-Québec si Hydro-Québec n'avait pas réussi à faire le ménage, là, M. le Président, c'est vraiment rire des contribuables, parce que le gouvernement a un intérêt à ce qu'Hydro-Québec fasse les deux, qu'elle réduise ses dépenses et qu'elle hausse ses tarifs, générant ainsi plus de revenus au gouvernement. Et la preuve, la preuve est très claire, c'est que, dans le budget du ministre des Finances, on voit justement que, cette année, le gouvernement retirera d'Hydro-Québec 160 000 000 $ de plus que l'an dernier. C'est donc dire que le gouvernement du Québec a dit à Hydro-Québec: Nous voulons plus d'argent cette année, donnez-nous 160 000 000 $ de plus, et la façon d'y arriver: Haussez les tarifs. Alors, quand le ministre est venu nous dire: Nous ne permettrons pas de hausse des tarifs, il fallait comprendre, M. le Président, qu'il disait à Hydro-Québec: Vous allez hausser les tarifs, parce que nous avons besoin de 160 000 000 $ de plus. Voilà donc un exemple clair, très clair, d'une hausse de taxe déguisée. On n'a pas osé le dire, mais on l'a fait.

D'autres façons, M. le Président, aussi, de hausser les impôts et les taxes, c'est cette attaque en règle du gouvernement contre une catégorie de citoyens, les personnes âgées. Les personnes âgées profitaient, et profitent encore aujourd'hui d'ailleurs, de certains avantages, comme, par exemple, ce qu'on appelle des crédits d'impôt. Il y a des crédits d'impôt en raison de l'âge. Lorsqu'on atteint un certain âge, 65 ans, on a droit à un crédit d'impôt dans son rapport d'impôt. Tout le monde comprend ça, tout le monde admet ça aussi; c'est bien raisonnable que les gens qui ont travaillé toute leur vie à bâtir l'économie du Québec aient droit, en fin de carrière, à un geste de la part du gouvernement, un geste de compréhension. Même chose pour les revenus de retraite. Il y avait un crédit d'impôt pour les gens à la retraite. Même chose pour les personnes vivant seules, dont on sait qu'une grande majorité sont des personnes âgées. Le gouvernement a décidé de s'attaquer à ce groupe-là, et pourtant, pourtant, pourquoi s'attaquer uniquement aux personnes âgées?

(15 h 30)

Il y a dans la législation québécoise, M. le Président, un très grand nombre d'abris fiscaux. En fait, on en a dénombré à peu près 170. D'ailleurs, j'ai ici une brique, M. le Président – je ne sais pas si vous la voyez – qui contient la majorité des abris fiscaux au Québec. On peut voir l'épaisseur du document, il y en a pas mal, il y en a autour de 170. Ils sont tous expliqués là-dedans.

Question que je pose: Pourquoi singulariser les personnes âgées? Pourquoi, dans les 170 abris fiscaux, avoir décidé que ce seraient les personnes âgées qui passeraient à la caisse? Et passer à la caisse, elles vont y passer à la caisse, M. le Président. On a calculé que, sur la période couverte dans le budget, d'ici l'an 1999-2000, les montants qui sont inscrits dans le budget, seulement au chapitre des personnes vivant seules, le gouvernement ira chercher 124 000 000 $, 124 000 000 $ pour les personnes vivant seules; en raison de l'âge, 121 000 000 $; crédit d'impôt pour revenus de retraite, 90 000 000 $. Ça fait pas mal d'argent, ça, quand on regarde ça. Ça fait des centaines de millions de dollars que le gouvernement va chercher essentiellement chez les personnes âgées. J'admets qu'il y a des personnes qui vivent seules qui ne sont pas des personnes âgées. J'ai dit, tout à l'heure... J'ai fait d'ailleurs la distinction.

M. le Président, pourquoi s'attaquer aux personnes âgées seules? Le gouvernement aurait pu s'attaquer à d'autres. Il y en a d'autres, crédits d'impôt que le gouvernement aurait pu regarder. Par exemple, j'ai ici une certaine liste que je pourrais donner à titre d'exemple au ministre des Finances, parce que souvent on nous accuse de critiquer mais de ne pas donner de solutions de rechange. À titre d'exemple, il y en a d'autres, crédits d'impôt: la non-imposition des indemnités pour les accidents du travail. Les gens qui reçoivent des indemnités de la CSST – 90 % du revenu net – ne paient pas d'impôt. Pourtant ceux qui reçoivent de l'assurance-chômage en paient. Et, ça, ça coûte 150 000 000 $ par année au trésor québécois. La déduction des frais financiers engagés pour gagner un revenu; 140 000 000 $ que ça coûte au trésor québécois; le crédit d'impôt pour dividendes, 150 000 000 $ que ça coûte; le crédit pour cotisations au Régime de rentes, 220 000 000 $. Vous en voulez d'autres? Crédit d'impôt à l'investissement, 110 000 000 $; les pertes autres qu'en capital, 300 000 000 $.

M. le Président, il y en a des milliards et des milliards d'argent comme ça dans ce qu'on appelle les abris fiscaux, et notre bon gouvernement a décidé que ce seraient les personnes âgées qui paieraient la note. Je mets en doute, quant à moi, la sagesse de s'attaquer à une catégorie de citoyens comme ça. Il me semble que le gouvernement devrait faire une étude exhaustive de tous ces abris fiscaux, peut-être même faire une étude dans le cadre de sa Commission d'étude sur la fiscalité et, après avoir recueilli l'avis général, se limiter à celles qui sont les moins odieuses. Il ne m'apparaît pas que les personnes âgées, ce soit la moins odieuse.

Et pourquoi le gouvernement a-t-il tant besoin d'argent? C'est sûr que le gouvernement veut réduire le déficit, et nous sommes d'accord, mais le gouvernement aurait pu s'y prendre d'autres façons. Encore là, nous allons faire une opposition constructive.

Quand ce gouvernement-là est arrivé au pouvoir, il y a un an et demi, il a aboli la loi 102. La loi 102, c'était une loi qui avait été passée par l'ancien gouvernement libéral et qui non seulement gelait le salaire des employés de l'État, mais réduisait de 1 % le salaire. Évidemment, ce n'était pas une loi facile, ce n'était pas une loi qui était très agréable à passer, mais on trouvait que... D'ailleurs, les parlementaires aussi, vous et moi, M. le Président, nous avons goûté à cette médecine-là. Nous avons décidé de baisser nos salaires de 1 % parce qu'un grand nombre de nos concitoyens non seulement voient leur salaire baisser de 1 %, mais parfois même perdent leur emploi.

Alors, le gouvernement, la première chose qu'il a faite, il a aboli la loi 102. Ça, l'abolition de la loi 102, ça a coûté à peu près 210 000 000 $ par année au gouvernement, donc 210 000 000 $ perdus pour le gouvernement. Et non seulement on a fait ça, mais on a décidé d'accorder des augmentations de salaire aux employés de l'État. Dans un contexte de récession, de postrécession, où l'économie du Québec ne croît pas – on en parlera tout à l'heure – on donne des augmentations relativement généreuses, et rétroactives en plus, parce que, comme le référendum avait lieu à l'automne 1995, à l'automne 1995, à la fin de l'été 1995, on a consenti des augmentations rétroactives au 1er juillet 1995 aux Québécois, mais payables uniquement en 1996. Il fallait le faire! On peut dire que le jupon dépassait un peu. Le gouvernement est arrivé, n'avait pas d'argent, mais a dit: Parce que nous voulons plaire aux travailleurs de l'État, en vue du référendum, bien sûr, nous vous annonçons des hausses de salaire de 1 % avant le référendum, mais payables après le référendum.

M. le Président, ça, ça a coûté aussi des sommes d'argent importantes. Ça, les hausses de salaire consenties par le gouvernement aux fonctionnaires, ça va coûter tout près de 1 000 000 000 $ sur trois ans; 1 000 000 000 $ sur trois ans. Ça, là, c'est pas mal plus que la récupération des crédits d'impôt pour les personnes âgées, pour plusieurs années. Ça, tout ce qu'on va chercher chez les personnes âgées, c'est à peu près 300 000 000 $ sur trois ans. Le gouvernement a donné 1 000 000 000 $, c'est-à-dire trois fois plus... plus que trois fois plus en augmentation de salaire à ses employés.

Et ça m'apparaît une somme très importante. Très importante, mais ce n'est pas ce que disait la ministre responsable du Conseil du trésor, qui, elle, disait, en commission parlementaire, le 23 janvier dernier, le 23 janvier 1996, elle disait ceci: 915 000 000 $ sur trois ans, c'est infime, disait-elle. Une somme infime, un petit montant, 915 000 000 $? M. le Président, quand on en est rendu, dans ce gouvernement, à prétendre que 915 000 000 $, c'est une somme infime – et c'est les mots mêmes de la ministre, là – on comprend un peu pourquoi le gouvernement ne se gêne pas pour attaquer les personnes âgées dans le but de faire un cadeau, bien sûr, aux fonctionnaires.

Et parlons-en, de la rémunération. On sait que ce qu'on appelle la rémunération, les salaires, les avantages sociaux, les avantages de retraite, etc, c'est, grosso modo, la moitié des dépenses du gouvernement; 50 % des dépenses du gouvernement, c'est la rémunération. C'est bien évident que, si le gouvernement veut réduire ses dépenses, il doit toucher à ça. On ne peut pas réduire le déficit du Québec si on ne touche pas à la rémunération. Mais pas toucher dans le sens que comprend le gouvernement, pas en haussant les salaires en période de récession, en période de croissance zéro. Ce n'est pas ça qu'il faut faire si on veut y arriver. Le gouvernement devrait réaliser que, en fait, il y a trop de fonctionnaires. Si on réussissait à réduire le nombre de fonctionnaires, M. le Président, et il y a des moyens d'y arriver d'une façon civilisée, on pourrait trouver là la marge de manoeuvre.

Sauf que le gouvernement du Parti québécois a un petit problème avec ça. C'est que, si on doit réduire le nombre de fonctionnaires, en y mettant les formes, bien sûr, on doit s'attaquer un peu, un peu beaucoup, d'ailleurs, aux petits amis du gouvernement, aux centrales syndicales. Ça ne fait pas l'affaire de Gérald Larose quand on parle de réduire le nombre de fonctionnaires, ça ne fait pas l'affaire de la FTQ, encore moins de la CEQ, de toutes les centrales syndicales, des chefs syndicaux qui sont les amis du gouvernement.

On se souvient que, lors de la dernière campagne électorale, la dernière campagne référendaire, les principaux porte-parole du camp du Oui, c'étaient les chefs syndicaux. On a vu, sur les tribunes, Gérald Larose, qui, M. le Président, était de toutes les tribunes du Parti québécois et du comité du Oui. Et, maintenant que le gouvernement a cette dette envers la CSN, envers la CEQ, comment peut-on aujourd'hui s'attaquer aux finances publiques en regardant de près cette question de la rémunération des fonctionnaires, et du nombre de fonctionnaires aussi? Je devrais plutôt dire le nombre de fonctionnaires que la rémunération.

Alors, le gouvernement est piégé. Il est piégé. Il ne peut pas, à cause de ses accointances, s'attaquer aux vrais problèmes de la bonne manière, et c'est pourquoi le gouvernement du Parti québécois le fait d'une autre façon: en s'attaquant à d'autres clientèles qui ont moins de pouvoir, moins de tribunes, comme, par exemple, les personnes âgées. Et tout ça est bien déplorable. C'est bien déplorable, parce que c'est une partie de la population qui est moins capable de se défendre que la CSN, la FTQ, etc.

Et, d'ailleurs, quand on regarde la FTQ, la CSN, le gouvernement a été d'une grande générosité à leur endroit. Prenons, par exemple, le Fonds de solidarité de la FTQ ou le nouveau fonds de solidarité de la CSN, le Fondaction, comme on l'appelle. M. le Président, le gouvernement a consacré des sommes additionnelles l'an dernier au Fonds de solidarité de la FTQ. On a enlevé le plafond que l'ancien gouvernement libéral avait mis sur le montant total, sur les sommes totales que le Fonds de solidarité peut aller puiser dans la population avec de très généreux crédits d'impôt. Alors, ça avait fait exploser les coûts, l'an dernier, pour le gouvernement et, cette année, on en a remis encore en permettant la même chose à la CSN.

(15 h 40)

Bon. Alors, là, M. le Président, les dépenses du gouvernement, aux termes de ces nouveaux abris fiscaux là, enfin, ces abris fiscaux nouveaux pour la CSN et l'augmentation pour la FTQ, c'est encore des dizaines de millions de dollars de plus qui vont être puisés dans le trésor public. Cette année, le ministre des Finances du Québec a réussi à réduire un petit peu la générosité, suivant en ça l'exemple du ministre des Finances d'Ottawa. Mais le mal est fait en ce qui concerne les finances publiques québécoises.

Ce n'est pas que ce n'est pas utile, d'avoir un fonds de solidarité, M. le Président. C'est un abri fiscal qui est très généreux pour les contribuables. J'ai même déjà dit ici que les contribuables n'ont pratiquement pas les moyens de s'en priver. Sauf que est-ce que, vraiment, on a besoin d'un fonds d'au-delà de 1 000 000 000 $ entre les mains de la FTQ? Et ceux qui regardent ça de très près se rendent compte que la FTQ ne réussit pas à placer cet argent-là dans l'entreprise québécoise, dans les PME au même rythme qu'elle encaisse les sommes d'argent. Autrement dit, les encaissements sont plus rapides que les sorties. Et la FTQ est obligée de faire toutes sortes de contorsions pour réussir à atteindre les objectifs que la loi lui impose, de placer au moins 60 % de ces sommes-là dans les PME québécoises.

M. le Président, je pense que le gouvernement du Québec a été très généreux dans le passé avec la FTQ, avec le Fonds de solidarité, et qu'il est temps de cesser de permettre d'augmenter continuellement ces fonds-là, étant donné, et tous les experts sont d'accord, qu'il y a suffisamment d'argent présentement dans le marché pour satisfaire les besoins actuels, en tout cas, des PME québécoises, et que le gouvernement, plutôt que de s'attaquer aux personnes âgées, devrait récupérer un peu d'argent dans ces abris fiscaux là.

M. le Président, quand on regarde d'une façon attentive le budget du ministre des Finances du Québec et du gouvernement du Québec, on se rend compte que cette année le ministre des Finances a fait un exercice assez pénible, je dois le dire, quant à lui et quant à nous aussi, de réalité économique. Le ministre des Finances, dans ses projections, a ramené à la baisse, et d'une façon importante, les projections de croissance du produit intérieur brut du Québec, pour cette année et pour l'an prochain. C'est-à-dire que le ministre a constaté, comme d'ailleurs tous les Québécois le constatent et surtout ceux qui sont dans le monde des affaires, que la croissance économique du Québec stagne maintenant et stagne depuis quelques années.

Depuis la récession de 1990-1991, M. le Président, il n'y a qu'une année où vraiment l'économie du Québec a très bien fonctionné et c'est l'année 1994. Depuis 1994, l'économie ralentit et ralentit beaucoup. Ce qui est grave là-dedans, c'est que, quand l'économie du Québec ralentit, ce qu'on appelle le produit intérieur brut, l'ensemble des biens et des produits et des services qui sont produits au Québec, ne progresse pas suffisamment. Et, quand le produit intérieur brut ne progresse pas, bien, ça a des conséquences directes sur les revenus du gouvernement.

Les revenus autonomes du gouvernement du Québec, c'est-à-dire tous les revenus sauf les transferts du gouvernement fédéral, ces revenus-là proviennent essentiellement de l'activité économique générée au Québec. Or, ça équivaut, et les chiffres le montrent adéquatement et amplement, à peu près à 17 %. Le gouvernement perçoit à peu près 17 % à chaque année du produit intérieur brut québécois; c'est ses revenus autonomes. Si on prend le produit intérieur brut québécois et qu'on le multiplie par 17 %, on a à peu près la totalité des revenus autonomes du gouvernement. Ça, ça veut dire que, si le produit intérieur brut du Québec augmente, disons, de 1 000 000 000 $, l'année suivante, le gouvernement peut escompter raisonnablement recevoir 17 % de plus dans ses revenus, c'est-à-dire 170 000 000 $.

Or, le ministre des Finances du Québec, cette année, a été obligé de ramener à la baisse de 7 000 000 000 $ les projections qu'avait faites l'ancien ministre des Finances l'an dernier, pour cette année; 7 000 000 000 $ de moins de produit intérieur brut. Si on prend 17 % de ça pour les revenus autonomes du gouvernement, c'est-à-dire que le gouvernement a dû réaliser que cette année il encaisserait au-delà de 1 000 000 000 $ de moins que prévu de ce qu'on appelle les revenus autonomes, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu des particuliers, les taxes de vente, l'impôt sur les sociétés, etc.

Et, pour l'an prochain, pour l'année 1997-1998, là, c'est plus tragique. On a ramené à la baisse de 11 000 000 000 $ les projections de l'augmentation du PIB pour l'an prochain; 11 000 000 000 $ de moins de croissance que prévu. Et, si on prend le 17 %, M. le Président, ça veut dire que l'an prochain le gouvernement se voit privé d'un seul coup d'une somme qui approche les 2 000 000 000 $. On avait prévu ça l'an dernier dans les budgets, dans les équilibres financiers des années suivantes, et l'économie du Québec s'est effondrée, et les fonds ne sont pas là, les revenus ne sont pas là.

Et, quand y regarde de plus près et qu'on enlève les augmentations de taxes et d'impôts, qu'il y a un petit peu dans le budget de cette année mais surtout dans le budget de l'an dernier, quand on regarde ça à fiscalité constante, c'est-à-dire sans hausse d'impôts, on se rend compte que le PIB du Québec n'a augmenté que de 0,7 % au cours des six dernières années; 0,7 %, c'est la stagnation, c'est une croissance économique qui est pratiquement nulle, donc des revenus du gouvernement qui n'augmentent pas.

Et, quand les revenus du gouvernement n'augmentent pas, comment peut-on espérer réduire le déficit? Il n'y a qu'une seule façon: il va falloir réduire encore davantage les dépenses, puisque le gouvernement ne voit pas ses revenus augmenter, pratiquement, ou bien le gouvernement devra augmenter les impôts. J'espère... ce qu'il ne fera pas et ce qu'il nous a promis de ne pas faire. Enfin, pas faire directement, bien sûr, parce que, indirectement, par les tarifs, par l'abolition des abris fiscaux, etc., comme pour les personnes âgées, le gouvernement vient en faire, des augmentations d'impôts. Mais il y a des limites à augmenter les impôts. Comme je le disais tout à l'heure, on a atteint le point de saturation et on a atteint un point où, plus on augmente les impôts, moins ça rapporte, donc on ne peut plus le faire.

Le gouvernement est donc devant un dilemme, M. le Président, un dilemme réellement cornélien, où il a promis de réduire son déficit et est incapable de le faire en raison d'une économie qui n'avance plus. Et pourquoi l'économie n'avance-t-elle plus? Comment se fait-il qu'au Québec ça soit si mauvais? Et là je sais que le ministre des Finances va se lever tout à l'heure et va nous faire la preuve par a + b, en citant, M. le Président, tous les grands auteurs, de Karl Marx en passant par John Maynard Keynes et tous les autres, à l'effet que l'économie du Québec, présentement, est certainement une des économies les plus dynamiques non seulement en Amérique, mais en Occident. M. le Président, je ne m'attends à rien de moins du ministre des Finances tout à l'heure.

Sauf que, si vous vous promenez dans la rue, M. le Président, si vous consultez les travailleurs, si vous consultez les employeurs, si vous consultez les gens d'affaires, ce n'est pas ça qu'on va vous dire. Et on a beau faire tous les beaux discours, M. le Président, sur le plancher des vaches, présentement, les Québécois savent que ça ne fonctionne pas. Puis, d'ailleurs, le ministre des Finances, dans son propre budget, nous le prouve. Il nous le prouve. Il y a un tableau dans le budget, M. le Président, qui indique que la confiance des consommateurs québécois est au plus bas depuis la récession de 1990.

Le ministre des Finances nous dit aussi dans son budget qu'il n'anticipe aucune baisse du chômage au cours des quatre prochaines années. Un constat tragique, hein, le chômage ne baissera pas, nous dit le ministre des Finances, les consommateurs sont au plus démoralisé qui soit depuis des temps immémoriaux. Et on sait que les investisseurs aussi; qu'ils soient des Québécois pure laine ou investisseurs étrangers, ils n'ont pas confiance non plus, M. le Président, parce que le climat est à la morosité. Le climat est à la morosité au Québec parce que les gens sont insécures, les gens ont peur de l'avenir, les gens, M. le Président, au Québec, ne savent pas ce qui les attend.

Et ça dure depuis très longtemps. Ce n'est pas d'hier, ça dure depuis, M. le Président, une bonne vingtaine d'années que nous pend au-dessus de la tête une menace, une menace qui fait en sorte que les Québécois ne savent pas si le Québec va se séparer ou ne se séparera pas du Canada. Est-ce qu'on va faire le bris avec le Canada, est-ce qu'on va devenir un pays indépendant, et comment ça va se faire? On ne le sait pas, comment ça va se faire. C'est le grand saut dans l'inconnu, si jamais ça se fait. Et, comme vous le savez, M. le Président, l'inconnu, les gens n'aiment pas l'inconnu. Quand on est devant l'inconnu, on n'ose pas dépenser, les consommateurs gardent leur argent pour eux, et les investisseurs aussi. Et, tant que ça va durer, tant que cette indécision, cette insécurité va durer, bien, on va voir au Québec une économie qui stagne comme c'est le cas présentement.

(15 h 50)

Et je sais que ça ne fait pas bien de dire ces choses-là, M. le Président. On va m'accuser de faire du terrorisme économique. Je vois déjà venir les discours ronronnants du ministre des Finances, qui est en train, présentement, de se réchauffer; je le vois sur son banc. Mais ces choses-là doivent être dites quand même. Elles doivent être dites, parce que c'est mon devoir, en tant que porte-parole de l'opposition en matière de finances, de dire les choses telles qu'elles sont, même si ça ne fait pas plaisir à certaines personnes.

M. le Président, l'économie du Québec, présentement, stagne, la confiance des consommateurs est au plus bas, les investisseurs n'osent pas investir tant que le problème ne sera pas réglé. Or, ce problème-là traîne, il traîne, et on dirait que certaines personnes ont plaisir à faire traîner ce problème-là. Les Québécois ont hâte qu'on arrête de parler et de nous menacer d'une séparation. Il faut absolument qu'une fois pour toutes le statut du Québec soit réglé, et, quant à nous, bien sûr, nous souhaitons que ce statut-là se règle à l'intérieur d'un Canada renouvelé.

Le jour où ça va arriver, c'est le jour où on va tourner la page de ce fameux dilemme qui nous étouffe tous depuis tant d'années. Ce jour-là, enfin, j'espère, on pourra voir disparaître cette morosité, disparaître cette insécurité et renaître l'énergie de ceux qui veulent consommer et l'énergie de ceux qui veulent investir au Québec. Et, quand les investissements seront de retour, la croissance économique aussi, bien sûr, le sera, et le gouvernement pourra voir de nouveau ses revenus augmenter, ce qui lui permettra de réduire son déficit non pas en augmentant les impôts et les taxes, mais par la seule plus-value de l'économie québécoise, qui lui donnera les moyens de réduire son déficit.

C'est ce que nous souhaitons, de ce côté-ci de la Chambre, et j'espère que le gouvernement va finir un jour par entendre la voix du bon sens. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais maintenant céder la parole à M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances pour son droit de réplique. Vous disposez d'un temps de 30 minutes, M. le vice-premier ministre.

Une voix: Une heure.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. Une heure. Excusez-moi, d'un temps d'une heure.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): Merci, M. le Président. Je n'ai guère l'intention, durant cette heure dont vous m'avez dit que je disposais, de m'attarder sur les obsessions de l'opposition, qui sont la Constitution. L'ancien premier ministre Robert Bourassa a passé les cinq dernières années de sa vie politique à ne parler, à toutes fins pratiques, que de cela: de Meech plus en Meech moins, en espoir, en déception et, finalement, en déception durable et en écrasement que l'on sait. Et le député de Laporte était membre de son gouvernement et participait à cette marche immobile et à ce dynamisme qui ne bougeait pas. Alors, je ne reviendrai pas là-dessus.

Les Québécois et les Québécoises ont failli à la demande du présent gouvernement et de l'opposition officielle à Ottawa: régler la question du Québec lors du dernier référendum et apporter, je n'en disconviens pas, la seule stabilité dont on peut rêver. La stabilité, elle va venir quand le Québec aura fait son choix. Si c'était aujourd'hui, d'ailleurs, le référendum, d'après toutes les indications dont nous disposons, ce choix serait fait et le député de Laporte devrait se trouver d'autres thèmes. Presque toutes les circonscriptions du Québec, d'ailleurs, déjà, l'automne dernier, avaient fait ce choix: 60 % des francophones ont fait ce choix, ce qui est une énorme majorité.

Pour des raisons historiques dont il ne serait pas utile de discuter dans le cadre du présent débat – mais il faut en discuter le plus souvent possible – nos compatriotes anglophones et allophones n'ont pas partagé cette vision, et c'est la raison pour laquelle le Québec s'est retrouvé divisé en deux. Mais imaginez-vous si les francophones, les anglophones et les allophones avaient voté dans la même proportion – il y a 82 % de francophones – même si les allophones nous avaient donné un peu moins et les anglophones un peu moins, la question du Québec, elle serait réglée largement à bien au-delà de 60 %, et cela va venir.

Mais, en attendant, nous allons travailler à l'assainissement des finances publiques, au développement de l'économie. Et, si on est obligé de travailler si fort, dans des conditions si pénibles, à l'assainissement des finances publiques, le député de Laporte sait très bien – on ne peut pas lui en faire grief à lui seul, par ailleurs, il n'a pas été ministre des Finances si longtemps – c'est que le dernier mandat libéral a été une longue histoire de négligence en matière de finances publiques. Et, alors que tout le monde au Canada avait entendu le signal d'alarme, ceux qui étaient le gouvernement du Québec, ceux et celles qui gouvernaient le Québec, ne l'ont pas entendu, et c'est la raison pour laquelle nous avons dû présenter un budget relativement difficile, relativement austère.

Mais j'ai eu l'occasion, depuis, dans le cadre des travaux post-budgétaires, de rencontrer des citoyens, des groupes d'intérêts, des représentants des marchés financiers, de répondre à une multitude de questions sur les grandes orientations du budget ainsi que sur les mesures spécifiques qu'il contient, et, globalement parlant, j'ai eu un accueil extrêmement positif. La population a été généralement contente de ce budget, s'en est trouvée rassurée, s'en est trouvée réconfortée, y a vu une période difficile, mais également un espoir en vue. Et les milieux financiers, de façon, là, pratiquement unanime, ont eu le même diagnostic positif.

Que l'opposition fasse une critique que le député de Laporte veut constructive, cela est très bien. C'est à la base de nos institutions parlementaires. Je le remercie d'ailleurs de cette attitude et de celle qu'il a eue avec ceux des parlementaires de son groupe en commission parlementaire, où, vraiment, à plusieurs moments, on a senti que l'opposition cherchait honnêtement à aider le gouvernement à trouver des solutions, ce qui n'est que justice, puisque, la plupart des problèmes, ils les ont créés eux-mêmes du temps qu'ils étaient là.

Donc, l'assainissement des finances publiques est un objectif impératif. Nous savons que la situation financière du Québec est difficile. Le Québec est la plus endettée des provinces canadiennes aujourd'hui: 10 200 $ par tête, hommes, femmes et petits enfants compris. L'Ontario, par exemple, notre province voisine, est à 8 000 $. Ça fait une différence, ça, d'un quart. Donc, nous devons le faire, cet assainissement, non pas parce qu'il s'agit d'un choix idéologique; il s'agit d'un choix pratique, un choix de gestion, un choix de bon sens. Nous devons le faire aussi par respect pour nos jeunes, qui se voient affligés du partage de 75 000 000 000 $ de dette accumulée, alors que 35 000 000 000 $ de ce montant, c'est-à-dire pratiquement la moitié, ont été encourus pour payer ce qu'on appelle l'épicerie. Ce n'est pas convenable de dire à nos enfants: Nous avons consommé plus que nos moyens ne nous le permettaient, plus que notre contribution à la fiscalité, et vous paierez plus tard.

En plus, cette énorme dette accumulée stérilise chaque année 6 000 000 000 $. C'est ça que ça nous coûte en service de dette et en intérêts. Alors, nous envoyons 6 000 000 000 $ à nos créanciers plutôt que de les envoyer dans l'éducation, dans la santé, dans les services sociaux. Voilà un obstacle à l'action du gouvernement, avec des moyens énormes de relance qui pourraient provenir de ces sommes que, de façon stérile, nous consacrons tout simplement au service de la dette. On voit bien que l'endettement élevé, à tous égards, empêche le Québec de réaliser son plein potentiel économique, et c'est vrai que ce potentiel est fantastique, et c'est vrai que j'en suis un des supporters enthousiastes. Ce potentiel est écrasé par l'endettement public.

(16 heures)

Le lourd fardeau des taxes est également un facteur très négatif pour ceux et celles qui ont des décisions d'investissement à prendre, car, si on laisse aller les finances publiques à ce désordre, il est évident que, tôt ou tard, il faudra collecter des impôts et des taxes qui seront autant de dissuasions pour ceux et celles qui ont le goût d'entreprendre, mais devront limiter leur désir de croissance parce que brimés par une fiscalité très lourde. Alors, nous avons décidé d'en finir. Quand je dis «nous», je ne parle pas que du gouvernement, je parle de l'ensemble des agents économiques québécois qui, à la conférence de Québec, ont préconisé, de concert, un déficit de zéro à compter de l'année budgétaire 1999-2000. Et le chemin est clairement balisé, il a été balisé de concert: 3 200 000 000 $, en 1996-1997; 2 200 000 000 $ en 1997-1998; 1 200 000 000 $ en 1998-1999 et, enfin, zéro.

Je suis évidemment surpris devant certaines remarques de l'opposition officielle à l'effet que le budget que j'ai déposé ne faisait que poursuivre en l'allongeant d'une année le plan de réduction du déficit que le gouvernement libéral a proposé en 1994. D'abord, il est évident que le plan financier contenu dans le dernier budget présenté par le gouvernement précédent n'aurait jamais pu être réalisé, qu'il n'y avait pas la chance d'une balle de neige en enfer d'arriver à cette proposition. Six mois après le dépôt du budget 1994-1995, une demi-année, le déficit prévu à 4 000 000 000 $ pour cette année-là était déjà révisé à 6 100 000 000 $. Il aura fallu, je l'ai dit dans le discours du budget, le travail acharné du député de Crémazie, aux Finances, et de la députée de Taillon, au Trésor, pour endiguer l'hémorragie et ramener le déficit à 5 700 000 000 $, niveau, il faut le rappeler, qui représente un sommet historique. C'est ça, l'héritage que l'ancien gouvernement nous a laissé. C'est ce à quoi nous avons eu à nous attaquer durant les premiers mois.

Donc, j'ai été surpris de cette réaction de l'opposition. Je n'ai pas été surpris, par ailleurs, des applaudissements nourris qui ont émané des banquettes de l'opposition officielle quand j'ai déposé le projet de loi sur l'élimination du déficit budgétaire. Je crois qu'au moins sur cette question nous nous entendons. Et il ne fait aucun doute que l'appui de l'opposition à la corvée nationale de l'assainissement des finances publiques sera d'une grande aide. Je rappelle que cette loi, une fois adoptée, viendra encadrer étroitement le plan d'élimination du déficit et empêchera les gouvernements de déséquilibrer à nouveau les finances publiques. Ainsi, plus jamais l'État ne pourra pratiquer la fuite en avant aux dépens des jeunes générations. Si l'opposition aide le gouvernement à atteindre cet objectif, l'opposition se sera rendue utile dans ce domaine et, je l'espère évidemment, dans bien d'autres.

Je veux rappeler aussi que nous fondons nos espoirs du présent budget sur plusieurs signes encourageants, dont les résultats financiers pour l'année financière qui s'est terminée le 31 mars dernier. En effet, le député de Crémazie, un de mes prédécesseurs, dans le budget qu'il a déposé l'an dernier, avait l'objectif de réduire le déficit à 3 900 000 000 $. Ce qu'il a dit qu'il ferait, il l'a fait. Et c'est déjà une pierre angulaire de la crédibilité du budget de cette année, que le gouvernement issu de notre formation politique a tenu sa parole l'an dernier.

Alors, inspirés par ces signes encourageants venant d'un passé récent, nous entendons poursuivre avec détermination la réalisation de l'objectif de déficit de 3 200 000 000 $ fixé pour 1996-1997, et ce, malgré la conjoncture moins favorable et la réduction des transferts fédéraux. En effet, au cours des deux prochaines années, un certain nombre de facteurs, comme l'endettement des ménages, les surplus dans le secteur de l'habitation et les mesures de redressement budgétaire des gouvernements eux-mêmes, viendront limiter la croissance économique, c'est vrai. J'ai fait des prévisions extrêmement conservatrices. Ça ne veut pas dire que je souhaite qu'elles se réalisent. Au contraire, je vais tout faire pour m'être trompé à la baisse. Et le gouvernement en entier va travailler d'arrache-pied pour que la croissance dépasse le 1 % que j'ai prévu.

Cependant, cette prévision, qui découle des méthodes habituelles d'analyse économique et de prévisions – la science économique n'est pas une science exacte, comme l'on sait – découle de la moyenne du secteur privé – la moyenne, je dis bien – qui est de 1,5 %. Mais, dans une moyenne, il y a des fourchettes hautes et basses. La fourchette basse, c'est 1,1 %. Alors, j'ai tout simplement enlevé 0,1 % à l'analyse la plus conservatrice du secteur privé pour arriver à ce 1 % dont je suis assuré qu'il ne constituera pas, comme les prévisions du gouvernement antérieur, une nième fois de déception et de perte de confiance de la population qui écoutait le ministre des Finances faire des prévisions qui ne se réalisaient jamais. Il m'est donc apparu important de faire des prévisions de croissance qui sont conformes non seulement aux réalités québécoises, mais aux réalités de notre temps.

Les «trente glorieuses» sont terminées. Les gens de mon âge ont vécu la plupart des années de leur vie active avec des taux de croissance qui dépassaient 5 % net d'inflation. On a connu, dans ma génération, de façon régulière, une année après l'autre, une augmentation de la richesse qui faisait qu'il y en avait plus à partager, qu'il y en avait plus à investir, qu'il y en avait plus à épargner. On n'a pas besoin de le répéter 100 fois, la population l'a très bien compris, ce qui est une des raisons, d'ailleurs, de l'accueil intéressant qui a été fait au présent budget. La population l'a très bien compris. Le monde occidental, porté par les croissances phénoménales de l'après-guerre et les bouleversements économiques qui ont provoqué une seconde révolution industrielle, est en répit, actuellement. Des puissances qui ont été les locomotives de la croissance pendant ces 30 années glorieuses, l'Allemagne et le Japon, ont des difficultés majeures et des problèmes de redressement dont ils tardent à trouver la solution.

Il est vrai que les États-Unis d'Amérique ont pris le relais. Oui, les Américains ont repris leur rôle de locomotive de la croissance mondiale, avec un taux de chômage de 5 %, des productivités élevées, un dynamisme technologique hors du commun. Mais, malgré cela, on n'est pas revenu aux croissances de 5 % net d'inflation. On est dans des 2 % ou 3 %, et, souvent, les résultats réels, même aux États-Unis, sont en deçà des prévisions. La bonne nouvelle, c'est que, maintenant, presque tout le monde entrevoit une croissance, modeste, il est vrai, mais régulière et soutenue jusqu'en l'an 2000. Bien, M. le Président, ça va être la première fois de ma vie que je vois une période aussi longue sans que le taux de croissance devienne négatif, c'est-à-dire sans que la croissance passe sous zéro. C'est vraiment encourageant, malgré cette paresse relative de l'économie, de savoir qu'on n'ira pas en bas de zéro d'ici l'an 2000.

Et, d'ici l'an 2000, il peut se passer quand même pas mal de choses. Il se peut que le Japon se réveille, que le Japon traverse sa période présente de difficultés et vienne mettre tout son poids de la deuxième puissance économique du monde derrière le dynamisme américain. Il se peut que le pays qui est au troisième rang, l'Allemagne, sorte également de ses difficultés. Si jamais une telle chose arrive, ça va consolider l'influence américaine, et la période pourrait peut-être s'allonger, ce qui serait assez inusité dans une économie de marché, mais au moins nous donner des rendements plus grands d'une année sur l'autre.

Une chose que la population a bien comprise aussi et qui pèse lourdement sur nos finances publiques, c'est que le gouvernement fédéral, d'une année sur l'autre – et ça n'a pas commencé avec le retour du Parti québécois au pouvoir, c'était déjà en marche du temps de nos prédécesseurs – diminue ses transferts et les diminue d'une façon radicale, à coups, souvent, de milliards et de milliards de dollars annuellement. Entre 1995-1996 et 1999-2000, les transferts fédéraux reçus par le Québec auront diminué de près de 3 000 000 000 $. Quand on sait que notre objectif de déficit est de 3 200 000 000 $, 2 200 000 000 $, 1 200 000 000 $, zéro, imaginez-vous s'il n'y avait pas les coupures. S'il n'y avait pas les coupures, le déficit serait déjà de zéro.

(16 h 10)

Le gouvernement du Canada a fait miroiter, à la fin des années soixante, début soixante-dix, qu'il allait participer à 50 % à une série de programmes importants et intéressants, il est vrai, pour le développement social, économique et culturel des provinces en général et du Québec en particulier. Sauf que, s'étant embarqué de façon étourdie dans des programmes qu'il ne peut plus financer, il se retire. C'est le fameux phénomène indéniable du pelletage du déficit fédéral dans les finances publiques du Québec.

Je ne veux pas dire que le Québec est exempté de faire des efforts pour réduire le déficit fédéral. Les Québécois, d'abord, ont reçu une partie de ces sommes. C'est, en plus, trois Québécois qui ont présidé joyeusement à la construction de cette montagne de dettes, à Ottawa: Pierre Trudeau, Jean Chrétien et le ministre des Finances Lalonde – il y en a deux qui ont été ministres des Finances, là-dedans, Chrétien et Lalonde – qui ont déclenché cette catastrophe des finances publiques du Canada. Ça ferait une raison morale supplémentaire pour que le Québec s'en préoccupe, qu'il fasse sa part. Ça ne nous plaît pas, ça écrase nos efforts budgétaires, mais on ne peut pas y échapper. Et, malgré ça, nous allons assainir nos finances publiques.

Dans les conversations post-budgétaires que j'ai eues avec certaines personnes, plusieurs m'ont parlé de ce que j'appellerais l'aventure ontarienne. L'Ontario a connu des périodes budgétaires assez mouvementées. À l'époque du gouvernement des néo-démocrates en particulier, on sait que leur déficit, d'un seul coup, à partir d'une position modeste, est allé se jucher à 10 000 000 000 $ et au-delà, même 12 000 000 000 $. Et on a vu l'Ontario, quelques jours avant le budget du Québec, annoncer des réductions de taxes. S'ils réussissent, tant mieux. L'Ontario est un de nos clients. C'est une économie extrêmement puissante qui est à nos portes, qui nous vend beaucoup de biens et de services et à laquelle nous vendons aussi beaucoup. Loin de leur souhaiter du mal. S'ils réussissent, tant mieux. Mais c'est une opération extrêmement risquée, avec un énorme déficit, aller réduire les taxes, donc emprunter pour réduire les taxes. C'est ce qu'ils vont faire. Tant mieux. Mais jamais le Québec n'aurait pu – d'abord parce que notre déficit est plus élevé, je l'ai dit, mais parce que notre budget repose sur une analyse beaucoup plus prudente – aller s'engager sur une voie aussi scabreuse.

Remarquez que l'ancien gouvernement, celui qui nous a précédés, avait fait quelque chose d'analogue. L'année où nous avons hérité d'un déficit qui allait vers 6 100 000 000 $, nos prédécesseurs avaient trouvé le moyen de diminuer les impôts de 800 000 000 $. Bien, ça, c'est des choses qu'il ne faut pas faire. Après avoir augmenté les impôts régulièrement, pendant des années, de milliards de dollars, parce qu'une année électorale se présente, ils décrètent une baisse d'impôts – le mot n'est pas trop fort – purement démagogique. Quand on a un déficit qui s'en va à 6 100 000 000 $ et dont les prévisions sont déjà complètement bouleversées après six mois d'opération, on n'a pas les moyens de baisser les impôts, c'est évident, et, si on le fait, c'est simplement pour essayer de s'accrocher au pouvoir qui, de toute façon, a été perdu, on le sait, et largement. C'est pourquoi nous avons choisi une voie différente, plus solide, plus porteuse d'avenir. Et c'est pourquoi, d'une façon générale, le budget du Québec a été mieux accueilli que le budget ontarien, parce que plus crédible.

Pourquoi est-ce qu'il est plus crédible? Parce qu'il repose sur cinq bases extrêmement solides. Premièrement, la réduction des dépenses. C'est d'abord et avant tout par une réduction sans précédent des dépenses de programmes que nous comptons atteindre nos objectifs de déficit. En 1996-1997, sur un effort total de 3 200 000 000 $, les mesures de réduction de dépenses annoncées lors du dépôt des crédits et celles que j'ai présentées dans le budget totaliseront 2 500 000 000 $. Pour chaque dollar de mesures augmentant les revenus, le budget réduit donc les dépenses de programmes de 4 $. L'effort, il est aux dépenses. Et mon collègue du Trésor est aussi déterminé que moi, sinon davantage, à faire que cet effort se fasse, qu'il soit réussi, qu'il soit réussi de façon rigoureuse, mais équitable.

En 1997-1998, tel que prévu dans le budget de l'an dernier, le niveau des dépenses de programmes sera réduit d'un montant additionnel de 1 200 000 000 $. Pour 1996-1997 et 1997-1998, les dépenses de programmes seront donc réduites de 3,7 % et de 3,3 % respectivement. Il s'agit là d'un effort sans précédent dans l'histoire du Québec. Évidemment, ça demande du courage. Ça donne une obligation de pédagogie, une obligation d'explication, une obligation de transparence. Mon collègue du Trésor et moi-même ainsi que l'ensemble des membres du Conseil des ministres – et le premier ministre vous en donne l'exemple, puisqu'il en parle régulièrement et clairement – allons faire en sorte que ces efforts auxquels nous ne pouvons pas échapper soient expliqués, soient compris, soient transparents, soient justes.

Un deuxième pilier du présent budget, c'est la lutte implacable que nous entendons faire contre l'évasion fiscale et le travail au noir. En effet, nous devrions aller chercher plus de 300 000 000 000 $ cette année. Nous sommes allés chercher 500 000 000 $ l'an dernier – non pas de hausses d'impôts et de taxes, ni directes, ni indirectes, ni déguisées, ou de quelque façon – simplement en amenant ceux qui, de façon fort indélicate, ne paient pas au gouvernement ce qu'ils doivent à s'acquitter de leur obligation. Et le présent gouvernement est très sérieux. Tout en agissant dans le cadre des lois, en respectant les principes fondamentaux qui nous gouvernent, dans un contexte où l'État dépense 80 % de ses ressources pour la santé, pour l'éducation, pour les transferts sociaux, le gouvernement croit qu'il est parfaitement antisocial et parfaitement inacceptable de ne pas contribuer.

Il y a des exemples extrêmement dramatiques que j'ai mentionnés dans le discours du budget. Quelqu'un qui, alors qu'on lui demande de produire une déclaration fiscale pour contribuer comme tout le monde aux dépenses communes, nous dit qu'il n'est pas résident et qui, une semaine après, se présente pour obtenir sa carte-soleil avec la photo en disant qu'il est résident ne peut pas avoir droit à notre indulgence. Ce n'est pas correct. Ce n'est pas correct face à l'éthique et à la morale civique. Et ce n'est pas correct, non plus, face aux millions et aux millions de Québécoises et Québécois – et c'est la majorité – qui, non seulement n'ont pas le choix de payer leurs impôts ou de ne les pas payer, mais souvent les paient en avance, puisque la déduction est faite à la source, et, s'il y a des remboursements, ils viennent plus tard. Donc, une grande partie de l'augmentation des revenus n'en est pas une véritable, puisque c'est simplement aller chercher ce qui est dû au nom de l'efficacité et au nom de la justice distributive.

Nous avons également, comme troisième pilier du présent budget, resserré certains avantages fiscaux. Cela est vrai. Nous avons procédé à un certain émondage qui a été rapporté par le député de Laporte avec plus ou moins de précision, d'ailleurs. Il aurait fallu lui faire des signaux, comme si on avait été des sémaphores, pour qu'il corrige un peu le tir. Il était sur le point d'induire la population et la Chambre en erreur en disant, par exemple, qu'il y avait une attaque en règle contre les personnes âgées – je vais en reparler – mais rien n'est plus faux: 85 % des personnes âgées qui nous écoutent ne sont pas touchées au moindre degré par les mesures d'émondage des abris fiscaux; 85 %, M. le Président. C'est pour ça, d'ailleurs, que la guerre annoncée n'a pas eu lieu, parce que nous avons eu des rencontres, comme c'était notre devoir de le faire, d'ailleurs, pour dissiper certaines informations alarmistes et démagogiques.

(16 h 20)

Un journal pourtant sérieux, le lendemain du budget – j'imagine par bonne foi, parce qu'il faut qu'ils travaillent vite et qu'ils travaillent la nuit – a dit: Toutes les personnes âgées devront payer 875 $. Mais c'est une erreur journalistique monstrueuse, et seule la précipitation dans laquelle les journaux travaillent peut l'expliquer. Évidemment, c'est à 100 lieues de la réalité. Je le redis: 85 % des personnes âgées du Québec ne sont pas touchées par les mesures fiscales que j'ai annoncées, comme, d'ailleurs, toutes les personnes qui gagnent un revenu net, M. le Président, de 26 000 $ et moins. Le revenu moyen au Québec, c'est 23 000 $. Alors, à partir de 3 000 $ de plus que le revenu moyen, personne n'est touché. Et, ça, c'est au net, ça veut dire que ça peut aller à un brut de 30 000 $ et au-delà.

Donc, ce budget a respecté les principes de l'équité. Il a mis aussi tout le monde à contribution, dans ceux qui peuvent contribuer. Alors, ceux et celles que la vie a déjà fait contribuer – c'est comme ça que j'ai coutume d'expliquer la chose... Il y en a qui, par les circonstances de leur vie, ne peuvent pas donner. Ils ont déjà donné, ils ont déjà donné à cause de divers malheurs, de diverses malchances ou de choix de vie qui doivent être respectés, mais ils n'ont pas la richesse matérielle pour contribuer. Mais ceux et celles qui l'ont, cette richesse matérielle, ont effectivement, dans certains cas, non pas par hausse des impôts et des taxes, cela n'est pas exact, mais par diminution de certains abris fiscaux devenus désuets, été appelés à contribuer.

Le député de Laporte a parlé des tarifs d'électricité. Ce n'est pas acceptable comme analyse. Il n'y a aucune rigueur à dire que les tarifs d'électricité sont des impôts ou des taxes. Si, par exemple, René Lévesque n'avait pas nationalisé, avec le gouvernement libéral du temps, et Jean Lesage, et Georges Lapalme, l'électricité au Québec, on paierait nos factures à Shawinigan Water & Power, ou, si on veut remonter plus loin dans le temps, si on veut remonter avant T.-D. Bouchard, on paierait à Montreal Light, Heat and Power. Est-ce que le député de Laporte peut soutenir une fraction de seconde que les tarifs n'auraient pas monté depuis 1962, ou depuis T.-D. Bouchard en 1944? Voyons donc! Poser la question, c'est y répondre. On paie son courant électrique. Quand on paie son courant électrique, on paie pour un bien et un service que l'on reçoit, on ne paie pas des impôts et des taxes. À New York, ce n'est pas nationalisé, c'est une autorité, c'est Con Edison, c'est d'autres organisations de type américain. C'est beaucoup plus cher qu'au Québec, incommensurablement plus cher qu'au Québec. Est-ce que les citoyens et les citoyennes de l'État de New York disent: Nos taxes sont plus élevées qu'au Québec à cause du fait que l'électricité est plus chère? Non, ça, je sais que c'est un argument facile; ça peut être tentant, quand on est dans l'opposition, de le faire. J'espère qu'on ne le faisait pas nous-mêmes. Moi, je n'étais pas là; mes collègues pourront me le confirmer. Ça peut être une tentation, mais ce n'est pas vrai, et personne de sérieux ne va prétendre que, parce qu'on paie son électricité, on paie ses taxes.

Donc, tout le monde qui pouvait contribuer, dans la mesure où nous avons eu à faire une ponction fiscale qui n'était ni aux impôts ni aux taxes, a été appelé à le faire. C'est pourquoi, en particulier, les entreprises vont devoir se priver d'un 150 000 000 $, qui aurait pu leur échoir sous forme de remboursement des intrants de la taxe à la valeur ajoutée; elles devront s'en priver pendant quatre mois. On a demandé aux entreprises de le faire; je n'ai pas eu une seule protestation. Il n'y a aucune entreprise qui a trouvé que c'était injuste – surtout que ce sont les grandes, surtout, les PME continuent sous le régime annoncé auparavant. Le Conseil du patronat n'a pas élevé la parole, et je l'en félicite, d'ailleurs, parce que ça veut dire que le Conseil du patronat, qui était présent à la conférence de Québec et qui nous a demandé, avec tous les autres, d'aller au déficit zéro, ne se sent pas offusqué quand on lui demande de faire sa part, surtout si c'est dans des limites raisonnables et des limites acceptables.

Nous avons également demandé, et le député de Laporte y a fait allusion, à certains groupes, qui sont notoirement nos amis, cela est vrai, et nous sommes fiers d'avoir eu, en particulier à toutes les échéances référendaires, l'appui solide, et fraternel, et éclairé de la Fédération des travailleurs du Québec. Eux aussi, les libéraux, seraient bien fiers de l'avoir, mais leur politique rétrograde et leur libéralisme effréné font qu'ils ne l'ont pas puis qu'ils ne sont pas près de l'avoir non plus. Mais nous l'avons eu, cet appui. Nous en sommes contents et fiers, ce qui ne nous a pas empêchés de réduire, au plan individuel, la possibilité de contribuer au Fonds de solidarité des travailleurs, ce qui ne nous a pas empêchés de modifier le pourcentage également. Notre prévision est à l'effet que le crédit d'impôt reste déjà tellement attrayant que ces Fonds vont continuer à se développer. Ils rendent un énorme service à l'économie québécoise, c'est bien connu.

Les libéraux avaient voulu limiter leur expansion, ce qui était conforme à leur philosophie économique. Ils n'aiment guère cette économie associative. Ce sont des orthodoxes. Ils aimeraient que le Québec pratique un capitalisme comme à Wall Street ou à Dallas-Fort Worth. Mais ce n'est pas notre genre, de ce côté-ci de la Chambre, et nous croyons au Fonds de solidarité des travailleurs, à celui de la FTQ, à celui de la CSN. Nous souhaitons qu'ils continuent à s'épanouir, et j'encourage les Québécois et les Québécoises à suivre de près la prochaine campagne de souscription du fonds de solidarité de la CSN et de celui de la FTQ et à démontrer que le Québec tient à ces Fonds, tient à leur intervention.

Mais le présent budget a également démontré que, quand on demande des contributions à celui-ci ou à celle-là, ceux qui sont nos amis ne sont pas épargnés du simple fait qu'ils sont nos amis. Nous avons fait de même avec le Mouvement Desjardins. Le Mouvement Desjardins, qui sera appelé à contribuer à l'effort fiscal, est notoirement sur la même longueur d'onde que nous en matière de développement socioéconomique du Québec, voire de développement constitutionnel. Quand 60 % des Québécois francophones votent oui, il ne faut pas être grand clerc pour conclure que l'immense majorité des sociétaires des caisses populaires a voté oui, puisque c'est exactement la même sociologie et le même bassin de population. Malgré ça, on leur a demandé de contribuer. Nous n'avons pas eu une seule protestation, et je félicite le Mouvement Desjardins pour avoir assumé courageusement et bravement ses obligations sociales, ses obligations civiques et ses obligations collectives. J'invite la population du Québec à continuer à appuyer ce grand Mouvement qui est un des joyaux de notre économie nationale et qui fait que le capitalisme québécois et l'économie de marché du Québec ne se pratiquent pas d'une façon dure et brutale et d'une façon ultralibérale, mais se pratiquent d'une façon humaine, d'une façon conviviale, d'une façon qui tient compte de la croissance, mais qui tient compte aussi des fruits sociaux du partage de la croissance. Par conséquent, nous avons présenté ce budget qui, sans être un jardin de roses, est fondé sur des bases équitables et préserve surtout l'espoir.

Je l'ai dit, M. le Président, je le redis: Deux années vraiment difficiles à traverser, la présente et la suivante, avec des compressions de dépenses d'au-delà du 1 000 000 000 $, il est vrai, assises, ces compressions, sur un gel. Parce que c'est deux choses, ça. Nous gelons les dépenses, c'est-à-dire que nous les empêchons d'augmenter et, en plus, on les comprime. Il faut faire ça deux fois de suite. Ça va demander courage et lucidité, mais, après, nous serons dans des eaux plus faciles à naviguer. Les deux années qui suivront, le gel suffira pour nous conduire à l'objectif de déficit zéro.

Mais, surtout, cet immense poids que nous avons sur les épaules, cette chape de plomb des déficits éternels et incontrôlables, nous en serons débarrassés. Ça veut dire que peut-être à ce moment-là on pourrait songer à alléger notre fiscalité en particulier, peut-être à ce moment-là on pourrait songer à réviser certains modes d'intervention du gouvernement. Nous serons d'ailleurs guidés dans cette marche par la Commission sur la fiscalité. Le présent budget a aussi fait l'annonce de cette Commission sur la fiscalité qui se mettra à l'oeuvre dans les semaines qui viennent de façon à nous guider vers les réformes beaucoup plus profondes de la façon dont nous collectons nos impôts.

(16 h 30)

Le député de Laporte a présenté une série impressionnante d'abris fiscaux. Je suis sûr que la Commission sur la fiscalité les regardera tous, ces abris fiscaux, un par un, décidera de conserver certains qui sont d'actualité, qui sont utiles, décidera peut-être de recommander un sort moins brillant à certains autres qui sont désuets et qui sont obsolètes, mais ce sera sûrement une formidable opération démocratique et passionnante.

Le présent budget, également, ne s'est pas détourné de la problématique de la création d'emplois et de la relance. D'une façon, par ailleurs, tout à fait lucide, tout à fait réaliste, le budget que nous avons déposé reflète parfaitement la préoccupation centrale du gouvernement à l'égard de l'emploi, préoccupation partagée et illustrée par la conférence de Québec en mars dernier et par tous les agents économiques. En matière de développement économique et de création d'emplois, par ailleurs, le budget adopte une nouvelle approche qui permettra de tirer le maximum de cette mobilisation des entreprises, des travailleurs et des agents économiques. Des mesures concrètes ont déjà été annoncées en vue d'accroître la concertation et la coordination des actions et la consolidation du modèle québécois.

À l'automne qui vient, lors du prochain sommet socioéconomique, nous poursuivrons avec le même esprit de solidarité l'élaboration d'un plan d'action pour faire reculer le chômage partout au Québec, pour déclencher une autre phase du combat de l'emploi et de la lutte au chômage. Nos partenaires l'ont bien compris, nous ne pouvons pas continuer, par ailleurs, à stimuler l'économie à coups de millions ou de milliards générateurs d'emprunts, de déficits, de nouvelles taxes, la situation budgétaire ne nous le permet tout simplement pas.

Et je vais citer une autorité qui, moi, m'impressionne et qui devrait impressionner le député de Laporte plus que moi encore, sauf que, quand je vous citerai le nom de celui dont je vais citer le texte, je ne suis pas absolument sûr que ses amitiés n'étaient pas, d'une certaine manière, plus solides de ce côté-ci de la Chambre que de l'autre, en tout cas sur les questions socioéconomiques. Il s'agit de l'ancien député d'Outremont. L'ancien député d'Outremont tenait les propos suivants devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain en avril 1991, et je pense que, à travers ses propos, on verra qu'il y avait entre lui et nous des sympathies profondes quant à la façon de voir la relance économique sous un jour réaliste. Alors, je cite. Je sais que le député de Laporte est impatient, parce qu'il n'a peut-être pas suffisamment écouté son ancien collègue quand il était son collègue. Mais, maintenant, il est plus disposé, peut-être, à méditer sur certains propos empreints de sagesse.

Alors, je cite: «C'est clair, disait l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce, le gouvernement n'a plus d'argent. En conséquence, il ne faut pas s'attendre à ce que le gouvernement se mette à financer une vaste opération de changement tous azimuts. Il faut oublier ça. De toute façon, même si l'argent était disponible, je pense que ce ne serait pas le bon moyen de s'y prendre. Il faut s'enlever de l'idée une fois pour toutes, disait-il, que le gouvernement peut intervenir comme par magie et régler tous les problèmes. Le rôle de l'État, dans le contexte actuel, c'est de créer des conditions favorables au développement à long terme.»

Propos prémonitoires au budget qu'a présenté le député de Crémazie et à celui que j'ai présenté, et qui exprimaient déjà, malgré le mauvais entourage qui était le sien dans le temps, une meilleure compréhension des problématiques économiques et budgétaires d'un gouvernement moderne. Si le gouvernement n'avait plus d'argent en 1991 – ha, ha, ha! – après les catastrophiques déficits que nous avait proposés et réalisés le député de Laporte, si le député d'Outremont avait raison dans ce temps-là, imaginez-vous ce que c'est aujourd'hui.

Chaque fois que je fais allusion au déficit, le député de Laporte, qu'on ne voit pas à l'écran parce qu'il n'a pas la parole, pointe sur moi un doigt vengeur et accusateur, et je le comprends. À sa place, je serais à un degré d'exaspération sans borne. Il nous a entraînés dans un déficit de 6 100 000 000 $ et, aujourd'hui, il a la tâche ingrate – des fois, la vie politique est difficile, je n'en disconviens pas – de donner la réplique et de critiquer des gens qui ont ramené le déficit à 3 900 000 000 $ et qui le ramènent à 3 200 000 000 $ cette année.

Encore une fois, je n'ai pas eu la joie, moi, jamais, de siéger dans l'opposition, mais j'aurais trouvé, à la place du député de Laporte, que c'est un moment difficile à passer. Il jouit de notre sympathie, malgré tout, comme parlementaire, mais il n'aura de nous aucune indulgence. Il nous a traînés à un déficit astronomique, et nous ne nous gênerons pas pour le lui rappeler aussi souvent qu'il le faudra, pas parce qu'on a contre lui quelque grief personnel, mais parce que nos actes nous suivent, en politique. Et, autant le président du Conseil du trésor peut se féliciter de sa rigueur et le député de Crémazie de la sienne, autant le député de Laporte doit porter le lourd poids de son manque de rigueur.

Le budget, donc, en réparant les dégâts passés, s'attaque quand même aux questions pénibles de l'emploi, et de celui des jeunes en particulier. C'est pourquoi les jeunes bénéficieront de l'orientation générale du budget plus que tous autres, puisque ce budget vise à assainir l'avenir. Mais, au-delà de l'assainissement général des finances publiques, ce budget est orienté vers les jeunes, vers les nouvelles entreprises et vers le dynamisme. Je rappelle par exemple que, tout en maintenant les meilleurs programmes de soutien aux jeunes, toute nouvelle entreprise au Québec, à partir de maintenant, sera totalement libérée de toute forme d'impôts et jouira d'un congé fiscal de trois ans des contributions au Fonds des services de santé, comme on l'avait exemptée dans nos budgets antérieurs. Des autres, on peut parler d'un congé fiscal à peu près complet en termes de capital, de masse salariale, de Fonds des services de santé.

Une enveloppe de 20 000 000 $, on le sait, est mise à la disposition des entreprises qui ont reçu l'aide du plan Paillé et qui ont atteint les objectifs de leur plan d'affaires. J'entendais, cet après-midi, un député de l'opposition... Auquel j'ai répondu, d'ailleurs, que, dans notre première année de pouvoir, le Québec avait créé plus d'emplois en proportion que n'importe où ailleurs au Canada. Et, en lui rappelant cette vérité, j'aurais très bien pu de nouveau marteler l'influence formidable du plan Paillé, du nom du député de Prévost qui l'a piloté d'une manière brillante et qui a créé plus de 50 000 emplois. Il y a 50 jeunes gens et jeunes femmes qui nous écoutent ce soir, qui sont à l'oeuvre aujourd'hui parce qu'il y a eu ce formidable plan pour épauler leurs projets; 10 000 entreprises. Ça en fait beaucoup comme base de départ. Combien y aura-t-il de Bombardier dans ces 10 000 dans 30 ans? S'il n'y en avait qu'un, ça serait absolument fabuleux, mais il y en aura peut-être 10, il y en aura peut-être 20, parce que, 10 000, c'est une très, très large base, ça.

C'est comme les jeunes qui vont aux Jeux du Québec, là. Il y en a 10 000. Il y en a combien qui vont aller aux olympiques? Peut-être plusieurs. On se souvient très bien des dernières olympiques d'hiver où le Québec a, à toutes fins pratiques, remporté toutes les médailles du Canada. Bien, ça, c'était parti d'une base large. Avec le plan Paillé, on part d'une base large. C'est 10 000 entreprises qui, peut-être, dans une trentaine d'années, pour cinq, ou six, ou 10 d'entre elles, auront plus d'employés à elles seules que le plan Paillé n'en a créés au complet.

Donc, nous fondons sur les jeunes, nous fondons sur les PME en simplifiant leur vie administrative, en particulier en faisant disparaître 500 000 permis et autorisations qui les affligeaient dans leur fonctionnement de chaque jour.

Le présent budget est également fondé sur le soutien aux exportations et à la prospection des investissements. Ce sont les exportations qui ont traîné notre économie en avant au cours des dernières années. Et moi qui ai passé une partie de ma vie politique – souvent en prêchant dans le désert, d'ailleurs, ce qui ne m'affligeait pas trop parce que je croyais qu'un jour ces idées-là finiraient par faire leur chemin – à prêcher en faveur de l'ouverture des marchés de l'exportation – le premier ministre Lévesque m'avait fait l'honneur de me confier la mise sur pied du ministère du Commerce extérieur, ce que j'ai fait avec ardeur – bien, on voit qu'on ne s'était pas trompé et qu'on récolte aujourd'hui les dividendes de nos convictions que le commerce faisait la richesse des nations et que les économies ouvertes étaient les économies de l'avenir.

(16 h 40)

Pour le Québec, remarquez, ce n'était pas nécessaire d'être un génie pour voir venir ça. Nous sommes 7 000 000 d'habitants. On a une dotation en richesses naturelles à nulle autre pareille, bien plus importante que celle du Japon qui a 110 000 000 d'habitants ou que la France qui a 60 000 000 d'habitants ou que la République d'Allemagne qui en a aujourd'hui 90 000 000. Per capita, leur dotation en richesses naturelles est risible à côté de la nôtre, et c'est pourtant de très grands pays industrialisés et des puissances très fortes. Alors, si nous avons toutes ces richesses pour 7 000 000, il est sûr que notre destin est celui d'être une puissance exportatrice. Ce que nous fûmes, sans trop d'efforts, dans un premier temps, en exportant des lingots d'aluminium, des concentrés de cuivre, des minerais de fer, de zinc, des planches, des deux-par-quatre. C'étaient des activités intéressantes qui ont provoqué une grande richesse au Québec.

Sauf que, depuis quelques années, nous avons maintenant la fierté de dire que tous ces produits issus des matières premières sont remplacés, et rapidement et massivement, par des produits issus de la matière grise. Les exportations du Québec qui, autrefois – c'est encore le cas, mais c'est relativement moins vrai à cause de la hausse des hôtes – consistaient surtout en papier journal et en pâtes et en autres produits de notre transformation industrielle des richesses naturelles, aujourd'hui comportent, dans des quantités et des valeurs astronomiques, des avions, des pièces d'avion, des turbines, des moteurs, de l'électronique aérienne, toutes les technologies de l'information, matérielles comme intellectuelles, tous les supports électroniques palpables, comme les programmes, les conceptions nouvelles d'utilisation des ordinateurs. Le Québec est devenu une grande puissance commerçante d'une part et une grande puissance commerçante de biens et de services qui sont le fruit de l'intelligence, de la recherche, du génie humain. C'est pourquoi, dans les ressources rares du présent budget, une très grande proportion est consacrée directement au soutien de la petite et moyenne entreprise exportatrice.

Nous avons également puisé dans nos maigres ressources pour ne pas oublier les régions: 15 000 000 $ pour appuyer, au cours des trois prochaines années, des projets créateurs d'emplois dans les régions les plus éprouvées. Alors, c'est largement les MRC gaspésiennes, c'est largement certains quartiers de Montréal, certains autres endroits où subsistent des poches soit de pauvreté ou au moins d'absence de dynamisme.

Nous avons également ajouté au présent budget une initiative qui n'a pas été critiquée par l'opposition – et je pense que c'était sensé de s'abstenir – c'est ce stimulant que nous allons ajouter à l'économie sociale qui est le chèque emploi service, qui va permettre à des gens d'employer, pour des besoins essentiels, et ces gens sont souvent des personnes âgées... Le député de Laporte a essayé de faire peur aux personnes âgées en omettant de leur dire que 85 % d'entre elles n'étaient pas touchées par les mesures du budget. Bien, il aurait peut-être pu faire allusion au chèque emploi service qui va permettre aux personnes âgées d'avoir recours à des soutiens essentiels à leur maintien à domicile, par exemple, tout en rétribuant convenablement, exemptée des lourdes formalités qui seront faites par les institutions financières qui ont discuté d'accords de coopération avec nous, cette main-d'oeuvre dont les personnes âgées ont besoin et, en plus, en permettant à cette main-d'oeuvre d'être couverte par le filet de sécurité sociale. Parce que, si on ne fait pas les retenues à la source, bien, tout ce qui vient avec les retenues à la source, toute la protection sociale liée au paiement des contributions est inexistante pour ces travailleurs et ces travailleuses du nouveau secteur social en émergence.

Alors, en conclusion, et quelques semaines après la présentation du budget, je peux dire en mon âme et conscience qu'avec une donnée difficile et détériorée le gouvernement, le conseil des députés de la formation ministérielle, qui a travaillé d'arrache-pied à la conception du présent budget et qui en a établi de concert les grandes assises de base, peut dire: Mission accomplie. Pas de façon triomphaliste. Quand on a encore un déficit de 3 200 000 000 $, quand on est encore à quelques années de l'atteinte de la cible zéro, il est trop tôt pour quelque forme de cocorico ou quelque attitude triomphaliste que ce soit. Mais on peut quand même se dire, au nom du maintien de l'espoir, que nous avons conscience d'avoir fait un pas dans la bonne direction l'an dernier avec le député de Crémazie, un autre pas cette année.

Il y a plusieurs Québécois et Québécoises qui ont réglé des problèmes très graves de dépendance personnelle, suivant l'expression consacrée, un jour à la fois. Bien, le gouvernement a commencé, depuis que nos amis d'en face sont retournés en face, à pratiquer la vertu et à sortir du cercle vicieux une année à la fois. On en a deux de faites. Je vous garantis, M. le Président, que nous allons nous battre d'arrache-pied pour que ces deux modèles annuels établis se répètent l'an prochain, l'année d'après et nous conduisent à l'objectif du déficit zéro, dont nous serons fiers pour aujourd'hui, dont nous serons fiers pour l'avenir et dont nous pourrons dire qu'il nous aura évité l'opprobre, à nous, les Québécois et les Québécoises, aujourd'hui, d'avoir compromis l'avenir de nos descendants parce que nous aurions été négligents et que nous aurions mal géré le bien public. Ce n'est pas une fin, nous ne sommes pas à un moment d'arrivée; nous sommes à un départ et nous développons des moyens pour que la vie québécoise soit meilleure.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le vice-premier ministre. Cette réplique de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances met fin au débat sur le discours sur le budget.

Conformément aux articles 277 et 288 du règlement, l'Assemblée doit maintenant se prononcer: tout d'abord sur les motions de censure qui ont été présentées à l'occasion du débat sur le discours sur le budget; sur la motion de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances proposant à l'Assemblée d'approuver la politique budgétaire du gouvernement; sur les rapports regroupés des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1997; et, finalement, sur le projet de loi de crédits pour l'exercice financier 1996-1997.


Mise aux voix des motions de censure

Je vais maintenant mettre aux voix, dans l'ordre de leur présentation, les motions de censure présentées dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.

La motion de censure présentée par M. le député de Laporte, qui se lit comme suit:

«Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement d'avoir présenté un budget qui ne contient aucune mesure propre à relancer la création d'emplois et les investissements et qui augmente de façon inacceptable le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises, minant encore plus la compétitivité fiscale du Québec.»

Est-ce que... Vote nominal? Très bien. Alors, que l'on appelle les députés.

(16 h 49 – 16 h 58)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, je mets aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Laporte.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

(17 heures)

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Paillé (Prévost), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire adjoint: M. Le Hir?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a un député qui ne s'est pas levé, je crois. Alors, vous devez manifester soit le fait d'être pour, contre ou vous abstenir. Vous devez manifester.

Une voix: Abstention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Abstention?

Le Secrétaire: Pour:36

Contre:61

Abstentions:1

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est rejetée.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je mets maintenant aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Rivière-du-Loup, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement du Parti québécois d'avoir présenté un budget qui prévoit une hausse du taux de chômage alors qu'il ne cesse de répéter que sa priorité est l'emploi, ce qui vient démontrer que le gouvernement ne croit pas lui-même à la réussite des mesures d'emploi qu'il prendra au cours des trois prochaines années.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire-adjoint: M. Dumont (Rivière-du-Loup)...

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'allais suggérer, M. le Président, à mon vis-à-vis, même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que le député d'Iberville maintient son abstention?

Il y a consentement pour que ce soit le même vote?

M. le député d'Iberville.

Excusez, M. le député d'Iberville ne donne pas son consentement?

S'il vous plaît! Si tous les autres consentent, on peut vous demander de manifester... S'il vous plaît! Si M. le député d'Iberville maintient son non-consentement, nous devons prendre le vote.

Que les députés en faveur veuillent bien se lever.

Le Secrétaire-adjoint: M. Dumont (Rivière-du-Loup)...

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il y a cinq députés qui demandent le vote nominal, nous devons tenir le vote nominal.

S'il vous plaît! Je vous demanderais, s'il vous plaît, d'être silencieux, et on est capable de régler ce problème rapidement. Ce n'est pas la fin du monde. Oui.

M. Bélanger: M. le Président, c'est juste une question de directive. Est-ce que la demande de vote par appel nominal valait pour toutes les motions, ou est-ce que ça prend cinq députés pour qu'il y ait un vote nominal qui soit fait? Puisque c'est uniquement un député...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Le vote nominal a été demandé après la lecture de la première motion, donc, il valait pour la première motion. C'est que l'opposition n'a pas donné son consentement à la suite du non-consentement du député indépendant d'Iberville.

Alors, nous allons procéder par vote nominal.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Dumont (Rivière-du-Loup).

M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Le Hir (Iberville).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Paillé (Prévost), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:37

Contre:61

Abstentions:0

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

(17 h 10)

M. Bélanger: Je demanderais le consentement de cette Chambre pour que le vote du député de Louis-Hébert et ministre de la Justice soit ajouté au vote ministériel.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement.

Alors, cette motion est rejetée.

Troisième motion. Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Nelligan, qui se lit comme suit...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Je vous demanderais, s'il vous plaît, d'être plus silencieux.

«Que l'Assemblée nationale dénonce sévèrement l'attitude du gouvernement du Parti québécois pour l'alourdissement significatif du fardeau fiscal qu'il fait subir aux contribuables québécois, créant de ce fait l'émergence de l'économie souterraine, et pour son incursion grandissante dans leur vie privée sous prétexte de chasser les fraudeurs potentiels.»

Que les députés en faveur de cette motion... M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je suggérerais le même vote, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Consentement pour le même vote?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement.

Alors, cette motion est rejetée, selon le vote de la motion antérieure.

Autre motion. Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Jacques-Cartier, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le chef du Parti québécois et son gouvernement qui, malgré leurs promesses électorales, se désengagent envers les familles québécoises, notamment en coupant dans l'aide aux garderies en milieu scolaire, dans l'aide aux familles à faibles revenus, et en augmentant le fardeau fiscal de toutes les familles québécoises.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: Même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote? Consentement pour le même vote?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est rejetée.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Vaudreuil et chef de l'opposition officielle, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement Bouchard pour les hausses de taxes contenues au budget, notamment pour les personnes âgées et la classe moyenne au Québec, pour l'absence de mesures concrètes relatives à l'emploi et celles visant les jeunes, et pour sa démission quant à la lutte au chômage.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: Même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote? Alors, même vote. La motion est rejetée.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Marquette, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement du Parti québécois d'avoir présenté un budget qui ne contient aucune mesure pour le secteur de l'éducation, alors qu'il ne cesse de répéter que l'éducation constitue une de ses priorités.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: Même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote? Alors, même vote. La motion est rejetée.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Robert-Baldwin, qui se lit comme suit:

«Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement d'avoir présenté un budget qui s'acharne sur le portefeuille des personnes aînées et qui coupe aveuglément dans le secteur de la santé, ce qui a pour effet de réduire l'accessibilité aux services de santé.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: Même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote? Alors, même vote. La motion est rejetée.


Mise aux voix de la motion du ministre des Finances

Je mets maintenant aux voix la motion de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Paillé (Prévost), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup), M. Le Hir (Iberville).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:62

Contre:37

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est adoptée.


Mise aux voix des rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier 1996-1997

Je vais mettre maintenant aux voix, conformément à l'article 288 du règlement, les rapports regroupés des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1997. Que les députés en faveur de l'adoption de ces rapports veuillent bien se lever.

Une voix: Même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote? Alors, même vote. Les rapports sont adoptés.


Projet de loi n° 6


Présentation, adoption du principe et adoption

En conséquence, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances propose que l'Assemblée soit saisie du projet de loi n° 6, Loi n° 2 sur les crédits, 1996-1997, qu'elle en adopte le principe et qu'elle adopte le projet de loi proprement dit.


Mise aux voix

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Une voix: Même vote.

(17 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote. Alors, cette motion est adoptée. Le projet de loi n° 6, Loi n° 2 sur les crédits, 1996-1997, est donc adopté.

M. le leader du gouvernement, pour la suite des choses.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 28 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 28, Mme la ministre responsable de la Condition féminine propose l'adoption du principe du projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale.

Pour permettre aux députés de vaquer à leurs occupations – certains d'entre vous – nous allons attendre quelques instants. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre aux députés, donc, qui ont à vaquer à d'autres occupations de le faire en silence et pour ainsi se préparer à entendre Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

(Suspension de la séance à 17 h 21)

(Reprise à 17 h 26)


Avis de débats de fin de séance


Projet de loi n° 35


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, avant de vous céder la parole, Mme la ministre, je tiens à aviser les députés que sera tenu à la fin de la séance d'aujourd'hui un débat de fin de séance. Le député de Verdun s'adressera à la ministre de l'Éducation sur le sujet suivant: L'aide financière aux étudiants québécois qui étudient hors Québec.

Alors, nous en sommes rendus aux interventions concernant le projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale. Alors, Mme la ministre d'État de l'Emploi, je vous cède la parole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Le projet de Loi sur l'équité salariale, dont je propose aujourd'hui l'adoption de principe et dont l'objet est de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine, constitue une pièce majeure des engagements de notre gouvernement, comme le déclarait, d'ailleurs, le premier ministre, M. Bouchard, lors de son discours inaugural le 25 mars dernier. Le gouvernement, disait-il en substance, engage sa responsabilité de représentant de toutes les Québécoises et de tous les Québécois et fera les arbitrages nécessaires pour que l'équité salariale devienne une réalité. Je tiens personnellement, ajoutait-il, à ce que la Loi sur l'équité salariale soit une des premières grandes réalisations du gouvernement que je dirige.

J'ai bien signalé, M. le Président, qu'il s'agit d'écarts salariaux non pas dus à la discrimination à l'égard des femmes, mais à la discrimination à l'égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine. Il se peut même que ce soit – exceptionnellement, j'en conviens – des hommes qui occupent ces catégories d'emplois à prédominance féminine. De quoi s'agit-il? En fait, des catégories d'emplois qui, au fil des années, ont été stéréotypées comme étant des emplois féminins, et qui sont souvent la continuité des services rendus par les femmes auprès des personnes, et qui, sur le marché du travail, ont pris la forme d'emplois comme ceux d'infirmière, de secrétaire, de couturière ou d'hôtesse de l'air, et bien d'autres, évidemment. Mais on comprend qu'il s'agit, en fait, d'emplois qui, à 60 %, doivent être occupés par des femmes principalement.

L'équité salariale est donc un droit fondamental qui fait partie intégrante du droit à l'égalité dans la reconnaissance et l'exercice des droits et libertés depuis maintenant 20 ans. En effet, c'est en 1976 que le principe du salaire égal pour un travail équivalent était reconnu par l'article 19 de la Charte québécoise des droits et libertés. Autrement dit, cela fait 20 ans qu'un travail de même valeur, qu'il soit fourni par un homme ou par une femme, mérite la même rémunération. Cependant, bien que tous s'entendent sur le principe, son application n'a pas fait l'unanimité. Après 20 ans de tentatives souvent infructueuses pour faire reconnaître le droit fondamental des femmes à l'équité salariale, dans le cadre actuel, nous devons agir autrement.

Les données les plus récentes sur cet écart salarial entre les Québécoises et les Québécois nous indiquent que les Québécoises ne reçoivent encore que 70 % du salaire d'un Québécois lorsqu'il s'agit de travail à temps plein durant toute l'année. Il est évident que cet écart s'accroîtrait encore si tant est qu'on y introduisait le temps partiel. Cet écart, qui s'amenuisait lentement depuis le milieu des années soixante, et encore plus lentement depuis le début du siècle, s'est soudainement élargi en 1994, puisqu'il passait de 26 % d'écart moyen, entre le salaire d'un homme et celui d'une femme, à 30 %.

(17 h 30)

Nous devons agir maintenant sur cette situation, où la position relative des femmes sur le marché du travail, loin de s'améliorer, sous l'effet des mesures naturelles, se détériore sensiblement. Il faut donc s'attaquer aux sources de cet écart et se doter des instruments appropriés pour le réduire, voire l'éliminer.

Rappelons qu'un avant-projet de loi sur l'équité salariale a été déposé devant cette Assemblée le 15 décembre dernier. Son élaboration avait été précédée d'une consultation effectuée par le Secrétariat à la condition féminine. En septembre 1995, 29 groupes ainsi que sept ministères et organismes avaient présenté des mémoires ou des avis sur les orientations à privilégier dans la loi. Cet avant-projet de loi avait également fait l'objet d'une consultation générale en février 1996 – donc il y a trois mois maintenant – lors de laquelle 28 groupes ou personnes ont été entendus et quatre autres mémoires ont été reçus.

De plus, un comité technique formé de représentantes et de représentants des principaux groupes de femmes et des principales associations tant patronales que syndicales du Québec, lequel comité technique a été présidé par Mme la députée de Sherbrooke qui est adjointe parlementaire à l'Emploi et à la Solidarité, a pu se pencher, au mois d'avril, sur diverses propositions visant à améliorer les aspects les plus litigieux ayant été soulevés au cours de la consultation générale.

Alors, M. le Président, j'annonce également que, dès après l'adoption du principe de ce projet de loi sur l'équité salariale, se tiendront des consultations particulières. La liste des groupes invités comprend les représentantes et représentants des principaux groupes concernés par l'application de la loi, donc, groupes de femmes, d'employeurs et de syndicats, et pourra également, évidemment, être complétée au besoin, au fur et à mesure que nous seront acheminées les représentations à l'effet de témoigner du désir d'être entendu. Alors, nous sommes fin prêts à mener cette nouvelle ronde de consultations avant de passer à l'étape qui est celle de l'étude en commission parlementaire des 128 articles du projet de loi.

Alors, M. le Président, comment en sommes-nous arrivés, au Québec, à vouloir légiférer en matière de discrimination salariale? D'abord, rappelons-nous que l'augmentation du taux de participation des femmes au marché du travail s'est accru considérablement. Ce taux de participation des femmes s'établit présentement à 54 %. Et on sait que les jeunes femmes qui sont mères d'enfants de moins de six ans participent à hauteur de presque 74 % au marché du travail. Et cette augmentation du taux de participation a mis en évidence, au fil des décennies, la nécessité de corriger la discrimination qui s'applique à la main-d'oeuvre dans les catégories d'emplois à prédominance féminine.

Il faut se rappeler historiquement que, sous la poussée des revendications pour l'égalité en emploi, des premières mesures mises de l'avant visaient à contrer la discrimination directe en matière de parité salariale, c'est-à-dire celle qui s'exerçait à l'encontre du principe à travail égal, salaire égal. Dans un tel cas, on comprend que la comparaison des emplois était limitée à des emplois identiques, puisque à travail égal il s'agissait d'obtenir un salaire égal. Même aujourd'hui, si la discrimination dans des emplois identiques existe beaucoup moins, on peut comprendre cependant qu'elle survit sur une base limitée. Par exemple, des personnes peuvent effectuer le même travail tout en étant dans des catégories d'emplois différentes ou en ayant des descriptions d'emplois officielles qui ne correspondent pas à leurs tâches réelles. La discrimination directe est cependant relativement aisée à démontrer, en regard du principe communément admis maintenant du salaire égal pour un travail égal.

En quoi ce dont nous parlons avec le projet de loi n° 35 est-il différent, M. le Président? Eh bien, là, nous faisons référence à cette notion que l'on appelle la discrimination systémique, parce que les femmes et les hommes occupent de façon prépondérante des emplois différents et qu'ils les occupent, évidemment, à cause de l'héritage de la culture des hommes et des femmes. Eh bien, les mesures visant à éliminer la discrimination salariale directe se sont révélées impuissantes à réduire les écarts salariaux entre les sexes. C'est ce qui signifie très simplement que, si une femme occupe un emploi traditionnellement considéré comme masculin, dorénavant elle pourra compter obtenir un salaire égal, puisque le travail qu'elle effectue l'est. Mais, lorsqu'une femme effectue un travail stéréotypé ou étiqueté comme étant féminin, c'est là où l'écart n'a pas été corrigé et où la discrimination, introduite par les stéréotypes dans la rémunération, a besoin d'être corrigée, M. le Président.

On appelle cela de la ségrégation professionnelle, et ça s'est produit dès les débuts de l'arrivée des femmes sur le marché du travail, puisqu'elles ont été cantonnées dans des secteurs d'activité économique et dans certaines catégories professionnelles. De façon générale, elles ont exercé des professions différentes de celles des hommes. Leur percée dans plusieurs professions traditionnellement masculines est récente. Pensez, ici même, dans ce Parlement, il y a à peine, maintenant, 34 ans que la première femme était élue députée à l'Assemblée nationale. Alors, c'est donc à peine trois décennies, M. le Président. Pour le métier de député, il y a à peine 30 ans.

Et, évidemment, si la percée est réelle dans les professions traditionnellement masculines, non seulement elle n'est pas encore assez importante pour modifier la réalité, mais, plus encore, est-ce que le message qu'on veut transmettre aux femmes, c'est: Cessez d'occuper ces emplois, pourtant indispensables socialement et très utiles que vous effectuez et que vous aimez, au profit d'emplois jugés non traditionnels, puisque ce serait la seule voie pour être payées convenablement? Je pense que ce serait là un très mauvais message à lancer à nos filles ou à nos petites-filles, qui consisterait à leur dire: Délaissez votre héritage culturel féminin, délaissez les emplois où vous souhaitez oeuvrer et n'allez que dans les emplois traditionnellement masculins, puisque ce n'est que dans ces emplois que vous pourrez trouver l'égalité salariale.

La ségrégation professionnelle, c'est donc le déséquilibre prononcé qui existe dans la répartition des femmes et des hommes à travers les diverses professions. Et cette ségrégation professionnelle s'avère une caractéristique importante de la situation des femmes sur le marché du travail. Les femmes sont toujours concentrées dans une gamme très restreinte de catégories professionnelles. J'en ai énuméré quelques-unes: secrétaire, vendeuse, caissière. Ce sont généralement des emplois faiblement rémunérés, tandis que les hommes exercent des emplois de conducteur de camions, de directeur de ventes, et ces emplois sont mieux payés. Selon les données du recensement de 1991, 42 % des femmes travaillent dans les 10 principales professions féminines, tandis que seulement 23 % des hommes oeuvrent dans les 10 principales professions masculines. Donc, les hommes oeuvrent dans une gamme beaucoup plus variée d'activités, tandis que les femmes sont concentrées, pour presque la moitié d'entre elles, dans 10 professions vraiment étiquetées, là, comme étant féminines.

Pour atteindre le même ratio que les femmes, donc pour atteindre l'équivalent des 10 professions concentrées féminines, il faut, chez les hommes, compter une trentaine de professions. Fait important à souligner, les femmes représentent 80 % de l'effectif dans huit de ces 10 principales professions féminines. Non seulement elles sont concentrées dans ces 10 professions, mais elles y représentent 80 % de la main-d'oeuvre, tandis que, du côté de la main-d'oeuvre masculine, les hommes atteignent une représentation de 80 % non pas dans 10 principales professions, mais dans seulement quatre de ces 10 professions dites masculines. On estime, de plus, qu'une travailleuse ou un travailleur sur deux devrait changer de profession si l'on voulait obtenir une répartition professionnelle qui corresponde à la représentation des femmes et des hommes au sein de la population active. C'est dire l'ampleur du phénomène de cette concentration de main-d'oeuvre féminine et masculine dans des emplois étiquetés féminins ou masculins.

(17 h 40)

Des écarts importants de rémunération existent entre les hommes et les femmes, je l'ai mentionné un peu plus tôt. Ils se situent autour de 30 % depuis 1994, et divers facteurs les expliquent: la profession, le niveau de scolarité, l'âge et l'expérience de travail. Il faut comprendre que s'ajoute à ces facteurs le fait que les femmes se retrouvent majoritairement dans les milieux de travail non syndiqués et que, pour diverses raisons, y compris les responsabilités parentales, elles effectuent moins d'heures de travail. Ça n'est pas par choix, nécessairement, M. le Président, c'est à cause de l'attribution des rôles selon les sexes, dans notre société, où on attribue les responsabilités parentales, conjugales, familiales plus facilement aux femmes qu'aux hommes. Selon diverses analyses, ces facteurs n'expliquent cependant qu'environ la moitié de l'écart salarial, facteurs reliés aux responsabilités familiales et facteurs reliés à la scolarité, à l'expérience de travail et au nombre d'heures travaillées.

Je rappelle qu'en 1991 une femme ayant huit années de scolarité gagnait environ 17 000 $ pour un emploi à temps plein durant toute l'année, tandis qu'un homme ayant huit années de scolarité gagnait 27 000 $. De même, le gain moyen d'une femme ayant obtenu un diplôme universitaire était de 37 800 $ en 1991 comparativement à 56 000 $ pour un homme possédant le même niveau de scolarité.

Et je reviendrai, M. le Président, sur cette question qui a souvent été invoquée des jeunes femmes célibataires ayant fait des études universitaires et qui réussissent aussi bien financièrement que leurs homologues masculins, l'écart salarial, comme on le sait, étant presque amenuisé à 94 %, c'est-à-dire l'écart salarial étant de 6 % seulement, puisque le salaire moyen d'une femme célibataire universitaire est à 94 %. Mais on oublie souvent dans ce raisonnement que les jeunes femmes ayant une scolarité élevée, un diplôme universitaire et étant célibataires cherchent généralement à travailler dans les domaines où la parité salariale est la plus certaine. Alors, autrement dit, finalement, les femmes célibataires et universitaires cherchent très souvent à occuper des emplois considérés comme non traditionnellement occupés par les femmes. Et c'est sans doute ce facteur-là qui explique le plus la réduction de l'écart. C'est peut-être aussi l'absence de responsabilités familiales ou parentales. Mais c'est évident, M. le Président, qu'on ne peut pas lancer comme message aux femmes du Québec qui désirent avoir l'égalité salariale ou y tendre: Bien, restez célibataires et puis devenez universitaires. Je ne pense pas que socialement ce soit un message qui soit acceptable pour notre société.

D'autre part, les études révèlent que la ségrégation professionnelle, cette ségrégation professionnelle que j'ai décrite tantôt comme étant celle d'emplois stéréotypés féminins, constitue la principale cause des écarts persistant entre les femmes et les hommes. La concentration des femmes dans des professions traditionnellement sous-évaluées et, par conséquent, sous-rémunérées explique une partie importante de ces écarts salariaux. Et je comprends qu'il n'y a pas là de complot contre les femmes. La dévaluation des emplois féminins remonte très loin dans la nuit des temps, dans l'histoire, s'appuie sur des stéréotypes sociaux et culturels. Même encore il y a à peine quelques décennies, l'époque était encore à payer une femme moins parce que c'était une femme, et ce n'est pas une époque si lointaine, où on considérait qu'elle travaillait pour se distraire, finalement. Et cela a certainement influencé la stabilité des structures salariales. Et, malheureusement, cette structure salariale continue à justifier des écarts salariaux, d'abord par la nature des emplois, et c'est devenu comme normal, comme si la normalité s'était installée dans les stéréotypes à considérer qu'il était normal que les emplois féminins soient moins bien payés. C'est l'effet, ça, de ce qu'on appelle la discrimination cachée.

C'est ça, la discrimination systémique, c'est de la discrimination cachée, qui est profondément enracinée dans les mentalités elles-mêmes et, évidemment, qui l'est tout autant dans le fonctionnement de l'économie. On constate que des pratiques qu'on pense neutres, là, qu'on pense indépendantes de nos préjugés, bien, en apparence, et qu'on pense exemptes, là, de discrimination volontaire ou intentionnelle, ce qui est le cas, mais ces pratiques ont des effets déplorables et défavorables, puisqu'il s'agit de pratiques qui introduisent, dans les faits, une discrimination systémique, et qui exigent une solution systémique. L'équité salariale, c'est une solution systémique pour faire sortir la discrimination cachée et pour la corriger.

Je lisais récemment le rapport annuel 1995, le dernier rapport de la Commission canadienne des droits de la personne. Je voudrais vous citer, aux pages 75 et 76, un court extrait, qui, en fait, confirme qu'il y a nécessité de procéder par la voie de l'équité salariale.

Je cite, M. le Président: «Il est sûrement exact, comme le font ressortir les critiques de la parité salariale, qu'une partie de l'écart salarial peut s'expliquer par des disparités dans le nombre d'heures de travail, dans le niveau de scolarité, dans le nombre d'années de vie active au total. Toutefois, en se fondant sur les résultats de 1994 de la vaste enquête sur la dynamique du travail et du revenu, les analystes de Statistique Canada ont conclu que "près de 90 %" de l'écart salarial total "ne peut être expliqué" par de telles différences et que cet écart inexpliqué doit être fonction d'un élément inhérent soit au système du travail, soit à l'ensemble du marché du travail. La possibilité la plus évidente – et Statistique Canada la signale – tient à la discrimination systémique à l'égard des salaires des femmes. Les chercheurs indiquent également que ces disparités salariales existent peu importe l'âge, la scolarité, la profession, et que le sexe a une incidence plus marquée sur le salaire des femmes que des facteurs comme la race.» Fin de la citation. Alors, on voit comment ça peut être déterminant, cette discrimination cachée dans la structure de la rémunération.

Et le rapport, là, de la Commission canadienne des droits de la personne ajoutait: «Il faudrait ajouter que les déductions statistiques sont corroborées par les résultats d'études sur la parité salariale qui ont été entreprises par diverses organisations tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Dans les cas qu'elle a examinés par exemple, la Commission a pu établir que les infirmières auxiliaires gagnent moins que les préposés aux soins, les bibliothécaires moins que les chercheurs, et les copistes moins que les gardes de sécurité. En fait, il est courant pour les employeurs et les syndicats qui entreprennent ensemble l'examen de la valeur des emplois de convenir que les personnes qui sont employées dans des postes occupés principalement par des femmes ne sont pas effectivement rémunérées équitablement; le problème tient toutefois au fait qu'ils ne s'entendent souvent pas sur l'ampleur exacte de l'écart et sur les meilleurs moyens de le faire disparaître. Voilà tout compte fait le noeud de l'affaire: les parties peuvent bien s'entendre sur le plan théorique, mais il leur faut maintenant passer à l'action.»

Bien, M. le Président, avec le projet de loi n° 35, c'est de ça qu'il s'agit: nous passons à l'action, l'action consistant à appliquer le principe à travail équivalent, salaire égal.

Les législations basées sur le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale ont comme objectif de s'attaquer à la discrimination salariale systémique. Ces législations permettent d'élargir la comparaison des emplois occupés par des hommes et par des femmes à des emplois qui sont différents et ça surmonte ainsi une partie du problème de la ségrégation professionnelle. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, par son article 19, même si elle reconnaît le principe du salaire égal pour un travail équivalent, n'a pas permis, avec l'instrument fondé sur la plainte individuelle, d'atteindre des progrès importants.

(17 h 50)

Le Québec a été à l'avant-garde, en 1976, lorsqu'il a reconnu dans la Charte des droits et libertés le principe de l'équité salariale. Vingt ans après sa mise en vigueur, le recours prévu par la Charte à l'article 19 a cependant démontré les limites majeures, quant à sa portée, pour corriger des situations de discrimination systémique. C'est un mécanisme qui est fondé sur une plainte et qui est indiqué pour la discrimination individuelle. Une discrimination individuelle, c'est quand il existe une victime puis un coupable. Mais, en matière d'équité salariale, en matière de travail équivalent, salaire égal, ça s'avère inopérant, parce qu'il n'existe pas de coupable. Il existe cependant des victimes. Mais il existe une structure de rémunération dans laquelle on retrouve, si vous voulez, une sous-évaluation de l'importance du travail des femmes. De plus, le processus menant à l'établissement d'une preuve de discrimination fondée sur l'article 19 de la Charte est complexe, nécessitant une méthodologie qui fait appel au principe d'évaluation des emplois, et c'est un exercice rigoureux, c'est-à-dire celui de l'équité, qui exige de comparer des emplois et de comparer leur rémunération.

Lorsque cette démonstration se fait dans un cadre contradictoire, comme lorsqu'il y a plainte en vertu de l'article 19, c'est évident que chacune des parties cherche à s'appuyer sur des expertises fouillées et très coûteuses. C'est un processus qui n'est pas à la portée de travailleuses non syndiquées et qui reçoivent un salaire modeste et, évidemment, c'est un processus adversatif. Le projet de loi n° 35 a comme objectif d'amener employés et employeurs à mener ce processus vers son aboutissement, mais conjointement.

Pendant qu'au Québec, durant ces 20 dernières années, on continuait à fonctionner avec l'approche par plainte, cinq provinces canadiennes adoptaient des lois sur l'équité salariale dans le secteur public: le Manitoba en 1985, l'Ontario en 1987, la Nouvelle-Écosse en 1988, l'Île-du-Prince-Édouard en 1988 et le Nouveau-Brunswick en 1989. Alors, il n'y a pas matière, M. le Président, à considérer que c'est un précédent absolu, ce qu'on fait avec le projet de loi n° 35, puisque, déjà, cinq autres provinces canadiennes, depuis parfois 10 ans, 11 ans dans le cas du Manitoba, huit ans dans le cas de la majorité des autres provinces, ont procédé, pour le secteur public, à un tel exercice d'équité salariale.

Cette évolution législative dans les autres provinces ainsi que le constat d'inefficacité de l'article 19 de la Charte ont amené la Commission des droits de la personne à examiner les lois sur l'équité salariale et à tenir une consultation publique sur le contenu d'une telle loi pour le Québec. Dans son rapport de consultation publié en 1992, il y a déjà quatre ans, la Commission des droits de la personne recommandait l'adoption par le Québec d'une loi proactive en matière d'équité salariale. On ne peut pas dire qu'on prend personne par surprise, M. le Président, c'était déjà, dans le cadre d'une consultation menée en 1992, la recommandation de la Commission des droits.

Entre-temps, la Coalition en faveur de l'équité salariale déposait en décembre 1991 une pétition de 65 000 signatures favorables à l'instauration d'une loi proactive en matière d'équité salariale. En 1993, dans un avis intitulé «Même poids, même mesure», le Conseil du statut de la femme concluait qu'à un problème systémique on doit répondre par une approche systémique et recommandait au gouvernement d'agir sur deux volets: l'accès à l'égalité en emploi et l'équité salariale; l'accès à l'égalité en emploi consistant à ouvrir les emplois où les femmes sont traditionnellement absentes, à leur présence, et l'équité salariale consistant à corriger les iniquités qui se sont glissées.

Conformément à l'engagement pris par le gouvernement à l'automne 1994, engagement réitéré lors de la marche des femmes contre la pauvreté appelée «Du pain et des roses», un avant-projet de loi sur l'équité salariale a été déposé ici même en décembre 1995. La consultation que nous avons menée en février a permis une prise de conscience élargie de la nécessité d'agir, M. le Président, et d'agir de manière à ce qu'on soit efficace et qu'on obtienne des résultats. Évidemment, comme on le sait, un désaccord majeur a été exprimé par les employeurs sur le choix des moyens. Je comprends que, de façon générale, tout le monde s'entendait sur l'objectif et le principe de l'équité salariale, mais un désaccord est resté quant au moyen à choisir, soit une loi proactive pour corriger cette discrimination.

Je rappelle que, du côté des groupes de femmes, cette revendication porte sur une loi d'application générale le plus tôt possible, tandis que les organisations syndicales recherchaient une plus grande participation à la démarche d'équité salariale dans le cadre de la négociation des conventions collectives. De plus, je rappelle qu'en février les associations syndicales déclaraient leur intention de faire de l'équité salariale une priorité d'action.

Le comité technique, présidé par Mme la députée de Sherbrooke et mis en place au début d'avril, a été appelé à étudier de nouvelles propositions qui ont été élaborées suite aux recommandations recueillies lors de la consultation générale. Cependant, je dois vous indiquer, M. le Président, que, mis à part l'intérêt suscité par l'hypothèse de comités sectoriels sur l'équité salariale, laquelle hypothèse a été retenue dans le projet de loi n° 35 et permettra des études sectorielles, des études facilitant aux entreprises l'application d'une rémunération corrigée sans avoir besoin pour autant de faire appel à des firmes de consultants, alors, bien que cette hypothèse de comités sectoriels en matière d'équité salariale ait suscité de l'intérêt, les positions de chaque groupe, que ce soient les employeurs, les syndicats ou les groupes de femmes, sont demeurées, en substance, identiques à ce qui avait été exprimé en février devant la commission parlementaire.

L'engagement du gouvernement impliquant de faire les arbitrages nécessaires pour qu'une loi sur l'équité salariale soit déposée et adoptée nous a amenés à choisir la voie qui nous est apparue la plus appropriée pour combattre la discrimination salariale, et cette voie, c'est celle du projet de loi n° 35.

Puisque toutes les recherches qui ont été menées jusqu'à maintenant ont permis d'identifier que, s'il faut travailler certainement à améliorer la scolarisation des femmes, leur expérience élargie du travail et souhaiter un niveau de syndicalisation qui soit égal à celui des hommes, cependant toutes ces recherches ont quand même, comme je le mentionnais tantôt, conclu que, même si la formation professionnelle – je le dis encore une fois – et la scolarisation s'améliorent et doivent l'être, il faut cependant travailler à corriger la ségrégation professionnelle qui est là un facteur important des écarts salariaux, et le meilleur moyen d'y arriver dans notre société, c'est une législation.

Il y a d'autres pays qui ont procédé autrement, et je pense, par exemple, à l'Australie, dont l'écart se situait en 1994 à 90 %, c'est-à-dire non pas l'écart, mais dont la comparaison du salaire moyen homme-femme était de 90 %. Eh bien, quand on pense qu'au Québec c'est à 69 %, on voit à quel point l'Australie a bien réussi, jusqu'à maintenant, à réduire cet écart. Alors, c'est en Australie qu'il y a peut-être la plus longue tradition d'intervention en matière de fixation des salaires selon le principe. Ce sont des tribunaux spécialisés qui arbitrent les différends dans les relations de travail à portée nationale ou interrégionale et ce sont des tribunaux qui fixent les salaires minimums dans les divers secteurs économiques.

(18 heures)

Ce sont donc, en Australie, des interventions très centralisées qui ont réussi à influencer la détermination des salaires. Pensez, M. le Président, que, en Suède, où l'écart moyen se situait à 89 % en 1994, là, c'est la tradition des négociations centralisées et l'engagement des syndicats suédois à réduire les inégalités qui ont vraiment permis des progrès économiques et sociaux extrêmement importants. L'intervention gouvernementale n'était pas appropriée, puisque la tradition des négociations centralisées a permis d'obtenir le même résultat.

Rappelons que, en 1987, 97 % des travailleuses et travailleurs suédois étaient syndiqués. Et c'est comparativement à 40 % au Québec, mais moins de 30 % chez les travailleuses québécoises. Alors, on voit que les systèmes sont différents mais qu'en Australie c'est par des tribunaux spécialisés, en Suède c'est par des négociations centralisées, alors qu'au Canada, eh bien, l'exemple de l'Ontario nous indique en fait la voie d'une société où les accréditations se font par établissement et non pas dans le cadre de grandes négociations, ce qui exige le mode d'intervention législatif pour pouvoir introduire, M. le Président, un meilleur équilibre dans la rémunération. Alors, je comprends – vous me faites signe – que mon temps est écoulé.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est-à-dire, non, Mme la ministre. Vous avez un temps de parole de 60 minutes. Maintenant, est-ce que vous aimez mieux conclure immédiatement ou si vous préférez qu'on suspende, puisque l'heure est maintenant écoulée, et que vous repreniez à 20 heures? S'il vous reste quelques minutes... Quelle est votre décision, Mme la ministre?

Mme Harel: M. le Président, je souhaiterais pouvoir compléter cette intervention à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon, très bien. Alors, MM. et Mmes les députés, je suspends les activités jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 20 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, je vous prierais de vous asseoir.

Alors, nous sommes toujours aux affaires du jour. Nous sommes aux interventions sur le projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale. Alors, Mme la ministre de la Condition féminine avait la parole lors de la suspension des travaux. Alors, madame, vous avez déjà utilisé 36 minutes de votre temps de parole, qui est d'un maximum de 60 minutes, mais je tiens à vous mentionner que vous avez droit également à une réplique ultérieurement.

Alors, Mme la ministre responsable de la Condition féminine.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Alors, M. le Président, vous allez me permettre de reprendre là où j'ai laissé à l'intermission, en fait, de 18 heures, en vous rappelant que l'Ontario a adopté en 1987 – il y a déjà maintenant neuf ans – une loi sur l'équité salariale qui s'applique tant aux employeurs du secteur public qu'à ceux du secteur privé. Et le projet de loi n° 35, que nous déposons à l'Assemblée aujourd'hui, est semblable à bien des égards à cette législation ontarienne, et nous verrons, dans la présentation que j'en ferai immédiatement, qu'il est cependant adapté à la réalité de la structure industrielle québécoise, qui est une structure basée sur la petite et moyenne entreprise.

Alors, le projet de loi a comme champ d'application tout employeur dont l'entreprise compte 10 salariés ou plus. Ce projet de loi n° 35 traite tous les employeurs sur le même pied, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé. Toutefois, les obligations sont modulées en fonction de la taille de l'entreprise.

Alors, les entreprises comptant moins de 10 personnes salariées. Bien que ces entreprises soient exclues de l'application de la loi, elles demeurent visées par le principe d'équité inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne et doivent, en conséquence, accorder un salaire égal pour un travail équivalent. Le recours, institué en vertu du projet de loi, auprès de la Commission de l'équité pour toute personne salariée d'une entreprise de 10 employés et moins qui s'estimerait lésée par une discrimination salariale fondée sur le sexe sera dorénavant entendu par la Commission de l'équité salariale. Le gouvernement, M. le Président, considère que la très grande majorité de ces petites entreprises de 10 salariés et moins n'a pas une structure adaptée à une démarche systématique d'équité salariale, qui suppose un exercice de comparaison – lorsqu'il y a 10 salariés, il est difficile de faire une telle comparaison – et qu'en conséquence il serait abusif d'imposer à ces entreprises de moins de 10 salariés une obligation par la loi.

Cependant, ces entreprises, particulièrement celles qui sont de type familial, où la répartition des tâches est souvent très flexible, ou encore celles où les variations saisonnières des charges de travail sont importantes, sont peu adaptées à un exercice de comparaison des salaires entre les catégories d'emplois à prédominance féminine et les catégories d'emplois à prédominance masculine. Alors, nous avons pensé, par effet d'entraînement, que ces petites entreprises de moins de 10 employés ne seraient pas assujetties à l'exercice de comparaison, mais appelées à plus ou moins long terme à ajuster leurs salaires en fonction des salaires qui seront versés pour le même type d'emplois dans des entreprises de plus grande taille.

Les entreprises de 10 à 50 salariés voient, en fait, leur obligation plus grande, puisque le projet de loi leur impose d'atteindre l'équité salariale dans le même délai que les plus grandes. En fait, le délai est de quatre ans pour identifier les correctifs qui doivent être apportés et de quatre autres années, M. le Président, pour finaliser les correctifs qui doivent être apportés, les versements salariaux qui doivent s'ensuivre. Alors, c'est donc une façon de procéder exempte de discrimination salariale fondée sur le sexe qui est appelée, en fait, à s'appliquer dans les entreprises de 10 salariés à 50.

Cette obligation de résultat est introduite sans toutefois que des modalités précises soient prescrites, compte tenu que ces entreprises de 50 salariés et moins partagent des caractéristiques similaires aux petites entreprises de 10 et moins. Cependant, les employeurs devront déterminer et verser les ajustements salariaux dans la même période que les autres entreprises: quatre ans pour introduire les correctifs à apporter et quatre ans pour effectuer les versements salariaux. Dans les cas où il n'existe pas dans l'entreprise des catégories d'emplois à prédominance masculine qui permettent d'établir des comparaisons aux fins de l'équité, ces entreprises seront assujetties au règlement que la Commission de l'équité salariale adoptera à cet égard.

Bien que l'employeur d'une entreprise de 50 employés et moins ait seul la responsabilité d'établir l'équité salariale, il devra rendre disponibles à son personnel salarié les résultats de l'exercice. Ainsi, toute personne salariée, dans cette entreprise de 50 salariés et moins, aura la possibilité de faire des observations et de demander des renseignements additionnels. Elle pourra aussi s'adresser à la Commission de l'équité salariale, si elle estime que l'équité n'est pas atteinte ou qu'elle est victime de représailles.

Dans les grandes entreprises, M. le Président, la responsabilité est accrue. En fait, ces entreprises qui comptent 50 à 100 personnes salariées seront tenues d'établir un programme d'équité qui sera applicable à l'ensemble de l'entreprise, conformément aux règles prévues à cet effet, ces règles étant: l'absence de discrimination fondée sur le sexe, les règles de méthode aussi étant prescrites dans la loi de même que celles de l'affichage. L'employeur, dans ces entreprises de 50 à 100 salariés, pourra agir seul, sauf s'il y a présence d'une association accréditée, auquel cas il devra établir, de concert avec le syndicat, les programmes d'équité applicables aux personnes salariées qui sont membres de cette association accréditée.

Cette distinction dans les obligations applicables à ces catégories d'entreprises de 100 personnes et moins est rendue nécessaire par le fait que les entreprises non syndiquées de cette taille n'ont généralement pas de mécanisme formel de représentation de leur personnel ni, malheureusement, souvent, de politique de rémunération. Aussi, le gouvernement prend en considération leur capacité à absorber les exigences qui impliqueraient une modification en profondeur des relations de travail dans l'entreprise.

Donc, 10 et moins, la Charte des droits s'applique; 10 à 50, l'obligation de résultat en matière d'équité salariale; 50 à 100, un programme d'équité salariale; et 100 et plus, M. le Président, dans ces entreprises, les employeurs seront tenus d'établir un programme d'équité applicable à l'ensemble de l'entreprise, en permettant la participation également du personnel en instituant un comité. Alors, ce comité d'équité permettra de faire valoir le point de vue des employés qui sont engagés dans des entreprises de 100 salariés et plus.

Toute association accréditée pourra obtenir la formation d'un comité distinct pour les personnes qu'elle représente. De plus, une association accréditée – en fait, un syndicat – pourra convenir avec l'employeur d'établir un programme d'équité qui pourra être applicable à un ou plusieurs établissements de l'entreprise. Ça signifie concrètement que, si une entreprise a plusieurs succursales dans des régions du Québec, elle pourra convenir de programmes d'équité salariale qui puissent différer d'une région à l'autre, compte tenu que la politique de rémunération peut d'ailleurs différer d'une région à l'autre.

C'est un effort particulier qui est exigé des entreprises dont la taille est de 100 employés et plus. Cependant, cet effort particulier pourra certainement leur permettre d'inspirer l'ensemble des autres entreprises, compte tenu des changements qu'elles pourront introduire. Que ce soit dans le secteur public ou privé, ces entreprises, en fait, agiront comme chefs de file pour l'implantation du droit à l'équité salariale.

(20 h 20)

Une loi sur l'équité salariale vise un objectif de justice sociale et, avant tout, c'est de cet objectif que j'ai parlé depuis le début. Mais, évidemment, il faut reconnaître que l'atteinte de cet objectif se fait par l'intermédiaire des salaires, donc d'une variable économique importante. On reconnaît que les salaires ont un double aspect: coûts pour les employeurs et bénéfices, évidemment, pour les employés. Coûts et bénéfices sont étroitement reliés. Et, quand on les regarde plus attentivement, on se rend compte que, au niveau des coûts, les entreprises sont très sensibles à toute obligation qui augmente leurs coûts de production. Cependant, le projet de loi prévoit une modulation des obligations selon la taille de l'entreprise; en fait, un calendrier qui respecte leur capacité de faire un programme d'équité salariale et qui respecte leur capacité d'en assumer les frais. En fait, c'est en l'an 2004 que le tout devra être complété.

Il y a deux sortes de coûts directs qui se rattachent à la loi pour les entreprises: d'une part, l'augmentation de la masse salariale et, d'autre part, les dépenses nécessitées par l'établissement d'un programme d'équité salariale ou, en fait, les dépenses qui relèvent de l'application d'un plan d'évaluation des catégories d'emplois. Il est à prévoir que les entreprises modifient leur comportement pour réduire les répercussions financières de la loi. En fait, le projet de loi n° 35 ne vise pas une augmentation de la masse salariale, mais un partage différent de l'augmentation de celle-ci.

Il faut reconnaître, M. le Président, qu'il y a augmentation de la masse salariale. Pensez que, en matière de salaires et traitements, dans son discours du budget, le ministre des Finances prévoyait, pour l'an prochain seulement, une augmentation des salaires et traitements de l'ordre de 2 %. Et il prévoyait, pour chaque année subséquente, une augmentation des salaires et traitements qui oscillait entre 1,8 %, 2 %, 2,5 %, jusqu'à 3 %. C'est donc dire que l'adoption du projet de loi n° 35 indique que, en priorité, ces salaires et traitements devront être utilisés à corriger les iniquités salariales concernant les catégories d'emplois à prédominance féminine. Et je comprends, M. le Président, qu'il ne s'agit pas pour autant de hausser considérablement la masse salariale, mais, en priorité, de l'utiliser à corriger de telles iniquités.

Il est évident que les coûts reliés aux ajustements salariaux ont donné lieu à des spéculations nombreuses et multiples. Cette question est complexe parce que nous sommes au point de départ. Je voudrais bien pouvoir répondre à la question: Combien ça va coûter? Mais le fait est que c'est dans quatre ans qu'on le saura, puisque toutes les entreprises, tant du secteur public que privé, ont quatre ans pour l'évaluer, pour l'apprécier, pour l'estimer. Et c'est évident que, plus il y aura eu discrimination cachée, discrimination fondée sur le sexe dans la rémunération, on pourra dire que plus ça coûtera cher; puis, à l'inverse, moins il y aura de telle discrimination, c'est évident que moins ça coûtera cher. Parce que l'objectif d'une telle loi, c'est justement de corriger la discrimination qui s'est cachée dans la rémunération, compte tenu des stéréotypes qui se sont glissés au fil des décennies dans la rémunération des catégories d'emplois à prédominance féminine. Alors, c'est donc dire qu'au point de départ personne ne peut, de façon certaine, préciser le montant exact de ces coûts, puisque les entreprises elles-mêmes ont quatre ans pour le faire.

Mais, cependant, les diverses études menées sur cette question, que ce soit en Ontario ou encore que ce soit là où ces ajustements ont eu lieu, ça indique que, règle générale, ces ajustements salariaux se situent entre 2 % à 6 %, la moyenne étant autour de 2,5 % de la masse salariale globale. Encore une fois, je le précise, là, il ne s'agit pas d'augmenter l'ensemble de la main-d'oeuvre féminine, il s'agit de corriger les discriminations qui se sont glissées dans les catégories d'emplois à prédominance féminine.

Si on prend comme exemple ce qui s'est passé en Ontario, où la loi de l'équité a été adoptée en 1987, les premiers résultats obtenus de l'application de l'équité salariale dans le secteur privé indiquent, par catégorie d'entreprises, les résultats suivants: de 10 à 49 salariés, la hausse a été d'environ 1,5 % de la masse salariale; de 50 à 99 salariés, de 0,5 % de la masse salariale; de 100 à 500 salariés, de 1,12 % de la masse salariale; 500 salariés et plus, 1,5 %. C'est donc, en tout cas, dans le secteur public ontarien, en plus de ça, une augmentation de l'ordre de 2,2 % qui a été enregistrée.

Alors, il est possible que les coûts dans le secteur privé ne soient pas entièrement représentatifs, puisqu'il y a eu des difficultés de départ dans l'application de la loi ontarienne. Et il nous apparaît que, présentement, nous ne pouvons travailler que sur des données incomplètes. Les difficultés de départ de la loi ontarienne, les connaissant, nous avons espéré, avec le projet de loi tel que déposé, pouvoir les corriger. Il s'agit, en fait, cependant, comme ordre de grandeur de ce qui s'est passé en Ontario, du meilleur indicateur dont nous puissions disposer quant aux coûts afférents à l'application d'une loi sur l'équité salariale dans le secteur privé.

Alors, à partir, justement, des données ontariennes et en adaptant les ajustements salariaux selon la taille des entreprises québécoises et selon la structure industrielle du Québec, qui est différente, bien évidemment... Comme vous le savez, la structure industrielle du Québec repose beaucoup plus qu'en Ontario sur la petite et moyenne entreprise. Alors, donc, en transposant sur notre structure industrielle, le ministère des Finances, l'automne dernier, estimait à environ 690 000 000 $, au terme de l'exercice, c'est-à-dire dans huit ans, les coûts des ajustements salariaux annuels qui seront requis dans le secteur privé québécois par l'application de la loi sur l'équité salariale. Il faut comprendre que cette estimation correspond à un seuil prévisible de ce qu'on peut appeler le moindre coût.

Considérant que, dans le secteur public québécois, il y a des salariés, en fait, 155 000 salariés équivalents à temps complet qui représentent 89 % de l'ensemble des personnes travaillant dans des catégories d'emplois à prédominance féminine et considérant que, dans le cadre de la relativité salariale, ces personnes ont déjà reçu une augmentation salariale moyenne de 2 058 $ correspondant à 3,1 % de la masse salariale globale du secteur public, on peut comprendre qu'il y a déjà un effort considérable qui a été fait dans le secteur public.

Et j'insiste, à ce moment-ci, M. le Président, pour vous signaler que les manchettes, comme celle qu'on retrouvait dans le journal La Presse de vendredi passé qui parlait d'un montant de 400 000 000 $ pour le secteur public, faisaient en fait référence à l'ensemble, au total des réclamations qui sont actuellement déposées devant la Commission des droits de la personne en fonction de l'article 19 de la Charte des droits. Alors, ça n'a rien à voir, spécifiquement, avec le projet de loi n° 35. En fait, il s'agit, même si le projet de loi n° 35 n'avait jamais été déposé devant l'Assemblée, du total des réclamations enregistrées depuis bientôt neuf ans à la Commission des droits de la personne en vertu de l'article 19.

(20 h 30)

Ce qu'on peut prévoir raisonnable, c'est que les coûts correspondent à environ 2,5 % de la masse salariale globale du secteur privé et, donc, en fait, que ce soit raisonnablement autour de ce 2,5 % que les ajustements salariaux soient effectués. C'est là la limite supérieure. Et, si on considère la proportion qui est beaucoup plus élevée des femmes dans le secteur public, puisque c'est presque les deux tiers des employés du secteur public qui sont constitués de la main-d'oeuvre féminine, à ce moment-là, ce qu'on comprend, c'est que le secteur privé, qui a une main-d'oeuvre féminine beaucoup moins importante dans les catégories d'emplois à prédominance féminine, aurait vraisemblablement un pourcentage moyen autour de 1,8 % de la masse salariale du secteur privé.

Vous me donnez avis, M. le Président, qu'il ne me reste plus que cinq minutes, n'est-ce pas? Alors, je vais devoir certainement procéder beaucoup plus rapidement que je ne l'avais prévu. Simplement, peut-être, pour vous signaler que nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, et lors de l'examen, ici même, en troisième lecture du projet de loi, de revenir sur les modalités.

Un mot seulement pour me réjouir du sondage SOM- La Presse qui a été publié dans le journal La Presse vendredi dernier et qui faisait écho à un sondage qui a été réalisé entre le 16 et le 21 mai derniers auprès de 1 004 personnes. Ce sondage portait sur la question suivante: Êtes-vous en accord ou en désaccord avec le projet de loi du gouvernement du Québec forçant les entreprises de plus de 50 employés à respecter l'équité salariale entre hommes et femmes à partir de l'an 2000, c'est-à-dire à travail équivalent, salaire égal? M. le Président, c'est 86 % des répondants qui se disaient en total accord ou plutôt en accord avec une loi visant à respecter l'équité salariale et, en fait, 7 % qui se déclaraient en désaccord. Ce sondage récent – la semaine passée – coïncidait parfaitement avec un sondage réalisé par la maison Léger & Léger en décembre dernier et qui indiquait à peu près à la même hauteur un appui équivalent dans la population.

Alors, je comprends que je ne pourrai pas compléter ici à la fois l'examen de la Commission de l'équité salariale de même que les fonctions, devoirs, responsabilités, pouvoirs d'intervention de la Commission, mais je suis convaincue que j'aurai d'autres tribunes pour le faire, M. le Président.

Peut-être en terminant vous signaler que l'équité salariale, c'est un processus complexe. C'est un processus, pourtant, qui est porteur de transformation et il requiert certainement beaucoup de vigilance dans l'application de la part des salariés. En même temps, cependant, je pense qu'on peut se réjouir que, à la veille de franchir le prochain millénaire, à la fin du présent siècle, on puisse comme société s'inscrire vraiment à l'avant-garde de la promotion de l'indépendance économique des femmes. Je souhaite pouvoir compter sur l'appui de l'opposition pour, dès cette semaine, voter ici même, à cette Assemblée, le principe de ce projet de loi n° 35.

Je pense que la société québécoise est en avance. Il faut le moindrement voyager un peu à travers le monde pour savoir à quel point les valeurs d'égalité entre les hommes et les femmes, les valeurs d'égalité tout court, d'ailleurs, dans la société entre les citoyens, entre les adultes et les enfants, mais en particulier entre les hommes et les femmes, sont importantes pour notre société, et je comprends que le projet de loi n° 35 les traduit. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, ministre de la Sécurité du revenu ainsi que ministre responsable de la Condition féminine. J'accorde maintenant le droit de parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, c'est avec beaucoup d'intérêt que je discuterai du projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale. Il faut reconnaître, M. le Président, que nous n'avons pas tous et toutes la même définition de l'équité salariale. C'est une notion, d'ailleurs, assez complexe, qui mérite un certain approfondissement.

Il faut souligner toute la confusion qui règne quant à la compréhension même du principe de l'équité salariale. Suite à l'émission Droit de parole de vendredi dernier, il est apparu très clairement que les personnes ne comprennent pas exactement ce que c'est, l'équité salariale. La majorité confond le principe à salaire égal, travail égal avec le principe à salaire égal, travail équivalent. En effet, pour la majorité des gens qui ont été interrogés, l'équité salariale signifie que, si une femme effectue le même travail qu'un homme, elle doit avoir le même salaire que l'homme; exemple: une infirmière doit gagner le même salaire qu'un infirmier.

L'équité salariale va au-delà du principe du travail égal, salaire égal. L'équité salariale vise à corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique, c'est-à-dire involontaire, fondée sur le sexe à l'égard des personnes qui travaillent dans des catégories d'emplois à prédominance féminine. L'employeur devra donc évaluer les emplois à prédominance féminine et masculine, en faire la comparaison en prenant en compte, entre autres, la formation, les responsabilités du poste, les qualifications, les efforts, et j'en passe. Il devra déterminer l'équivalence pour ensuite procéder aux ajustements salariaux pour les emplois dits traditionnellement féminins.

Nous sommes à un stade supérieur et beaucoup plus complexe que la notion de travail égal, salaire égal. L'équité salariale signifie donc que, pour un travail équivalent, je dois gagner un salaire égal. Et je donne un exemple, M. le Président: dans une même entreprise, on compare les corps d'emplois masculins avec les corps d'emplois féminins pour obtenir un salaire égal. Il se pourrait qu'on ait à évaluer un poste de mécanicien avec un poste de secrétaire, un poste de manutentionnaire avec celui d'une agente de bureau, et, si on arrive à la conclusion que les facteurs pris en considération pour l'évaluation sont égaux, il faut alors attribuer à l'agente de bureau le même salaire. Mais, si, au contraire, le manutentionnaire est trop payé, il conserve le même salaire, son poste est évalué à la baisse pour le futur seulement, c'est-à-dire pour tout manutentionnaire qui serait embauché par la suite. Je pourrais, M. le Président, vous donner bien d'autres exemples semblables, mais je crois que ces deux exemples sont suffisants pour comprendre la notion d'équité salariale, bien que c'est coupé très court, M. le Président.

En général, M. le Président, le principe d'équité salariale est bien accepté, même par les employeurs. La difficulté réside dans son application et les coûts ou impacts que l'équité salariale peut représenter si tous les détails n'ont pas été prévus. Il faut tout prévoir dans le détail, sinon le projet risque de déraper, comme le disait Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir du 19 mai dernier.

Les revendications des femmes au sujet de l'égalité, de la non-discrimination ne sont pas des sujets nouveaux. Leur profond désir d'être reconnues comme citoyennes à part entière, comme de véritables partenaires avec leur conjoint, comme des travailleuses à part entière sur le marché du travail a obligé la société et les employeurs à revoir leur mode de fonctionnement pour l'adapter à un monde plus moderne. Les femmes ont exigé des modifications législatives – pensons au patrimoine familial – ont exigé des moyens pour concilier vie familiale, vie professionnelle, comme des services de garde adaptés, des congés de maternité, et elles poursuivent toujours leur lutte afin d'éliminer toute inégalité sur le marché du travail.

C'est en travaillant sur l'élimination de ces inégalités que les femmes ont pris conscience que leur passé sur le marché du travail était parfois lourd de conséquences et que cette discrimination qu'on dit systémique est subtile et parfois difficile à corriger, puisqu'elle relève davantage d'un passé des femmes sur le marché du travail ou encore d'un système d'éducation que de l'intention de ceux et celles qui prennent les décisions. Cette discrimination tend heureusement à se résorber, mais à un rythme encore trop lent.

(20 h 40)

Les femmes, dans le passé, ont choisi des emplois peu rémunérateurs, n'ont pas privilégié nécessairement des emplois non traditionnels, n'ont pas toujours eu la chance d'étudier dans des disciplines porteuses d'avenir, ont dû quitter temporairement le marché du travail à cause de la maternité. Ces raisons, additionnées à d'autres facteurs comme l'ancienneté, la mobilité et les conventions collectives, ont fait qu'avec les ans les femmes, tout en occupant des emplois équivalents à ceux des hommes, n'ont pas reçu ou ne reçoivent pas un salaire égal par rapport à ces derniers. Donc, la ségrégation des emplois explique les écarts de salaire, mais, derrière la ségrégation, il y a aussi discrimination fondée sur le sexe, à des degrés divers, bien sûr.

Depuis les 10 dernières années, de nombreuses initiatives ont été mises de l'avant afin d'établir une véritable équité envers les femmes au sein du marché de l'emploi. Depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, en 1975, plusieurs entreprises ont revu ou revoient leur politique d'emploi afin d'être conformes aux articles 10 et 19 de ladite Charte. En 1982, le gouvernement a modifié la Charte des droits et libertés de la personne et a adopté la partie III traitant des programmes d'accès à l'égalité. La Charte a établi le principe du volontariat en matière de programmes d'accès à l'égalité: personne n'est tenu d'en élaborer, à moins qu'une plainte fondée ne mène la Commission à recommander l'implantation d'un tel programme. En juin 1985, le gouvernement a mis en vigueur la partie III de la Charte.

En 1986, nous avons mis sur pied les programmes d'accès à l'égalité en emploi dans le secteur privé, les commissions scolaires, les collèges et universités, les établissements de santé, les services sociaux et organismes municipaux. Ces programmes visaient deux objectifs: l'augmentation de la représentation des femmes et l'élimination de la discrimination dans les pratiques de gestion des ressources humaines, incluant la rémunération. Des investissements financiers de plus de 13 000 000 $ ont été consentis et touchaient près de 900 établissements et 150 000 personnes.

En 1989, le gouvernement du Québec, à titre d'employeur, s'est engagé dans une démarche de relativité salariale, c'est-à-dire un exercice d'évaluation des emplois féminins sur l'ensemble des emplois des secteurs public et parapublic. Des comités paritaires ont été formés et plus de 900 corps d'emplois ont été évalués. Des ajustements salariaux de près de 375 000 000 $ ont été versés aux personnes, particulièrement des femmes, travaillant dans les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux.

Tous les syndicats à l'exception de la CSN avaient signé des ententes-cadres et accepté la démarche d'évaluation soumise par le gouvernement. Malgré la somme importante versée par le gouvernement en ajustements salariaux, la CSN maintient toujours sa plainte devant la Commission des droits de la personne, et, si la Commission lui donnait raison, le gouvernement se verrait forcé de verser encore plusieurs centaines de milliers de dollars. C'est pourquoi le gouvernement devra exiger autant de rigueur de la part des syndicats qu'il le fait envers les entreprises ou les employeurs.

En 1989, le Programme d'obligation contractuelle est entré en vigueur. Ce programme oblige les entreprises de 100 employés et plus et qui obtiennent du gouvernement une subvention ou un contrat de biens ou de services de 100 000 $ ou plus à implanter un programme d'accès à l'égalité. Malgré que les programmes d'accès à l'égalité ainsi que l'obligation contractuelle soient de bons outils, il faut reconnaître qu'ils sont insuffisants pour régler les problèmes d'inéquité salariale, plus particulièrement dans le secteur privé.

En 1993, le gouvernement du Parti libéral, par l'entremise de ma collègue Violette Trépanier, à l'époque ministre de la Condition féminine, a déposé une politique permettant l'instauration d'une stratégie d'équité en emploi visant la participation pleine et entière des femmes au marché du travail, stratégie qui se situait sur trois fronts: premièrement, créer des conditions qui conduiront à l'élimination de toute forme de ségrégation professionnelle en dotant le Québec d'une loi en matière d'équité en emploi; deuxièmement, permettre, en matière d'éducation, une meilleure orientation dans le choix de carrière des jeunes filles et des femmes et accentuer les programmes de formation et de perfectionnement; et, troisièmement, adapter l'organisation du travail aux exigences liées aux responsabilités familiales et favoriser un partage des tâches relatives à la parentalité. Cette politique d'équité en emploi, M. le Président, n'a pu malheureusement être adoptée, puisque notre formation politique n'a pas été reportée au pouvoir aux élections de 1994.

Quant au gouvernement du Parti québécois, il s'était engagé envers les femmes, lors de la dernière élection, lors de la marche des femmes «Du pain et des roses» et avant le dernier référendum, à adopter non pas une loi sur l'équité en emploi, mais une loi sur l'équité salariale. Le premier ministre a d'ailleurs réitéré cet engagement lors de son discours inaugural.

On se souviendra qu'en février dernier le gouvernement a déposé un avant-projet de loi qui a été étudié en commission parlementaire. On se souviendra également que cet avant-projet de loi sur l'équité salariale a suscité de vives réactions et déceptions de la part des groupes concernés qui s'attendaient à ce que le gouvernement respecte son engagement. Les femmes se sont senties trahies, trompées par le gouvernement. Le débat était acerbe. On parlait de projet de loi dénaturé, d'un piège pour les femmes, de l'absence d'études d'impact tant au niveau des coûts qu'au niveau des effets sur la croissance de l'emploi, d'un processus complexe d'une lourdeur administrative difficile d'application, et j'en passe.

Le gouvernement a créé beaucoup d'espoir par son engagement. Il n'a pu dégager de consensus entre les parties, consensus qui aurait été souhaitable pour l'application d'une telle loi. On a beau vouloir imposer aux entreprises une loi sur l'équité salariale, mais, si on n'a pas convaincu les têtes dirigeantes du bien-fondé d'une telle loi, si on ne peut définir des modalités d'application qui soient souples et flexibles, si on ne peut nous indiquer les véritables impacts économiques d'une telle loi, je crois qu'il y aura énormément de résistance au changement et je doute que des progrès significatifs puissent être enregistrés.

Le projet de loi n° 35 dont nous étudions le principe aujourd'hui fait suite, comme je le mentionnais, M. le Président, à l'étude d'un avant-projet de loi sur l'équité salariale qui a été reçu froidement par les différents intervenants pour des raisons, j'en conviens, tout à fait opposées, et je soupçonne que la ministre a dû batailler fort au Conseil des ministres pour déposer un tel projet de loi. Pour avoir vécu l'expérience, tout projet de loi qui concerne la condition féminine n'est jamais facile à faire accepter, surtout lorsqu'il comporte des coûts pour les clientèles. C'est dommage. Toutes les ministres de la Condition féminine qui se sont succédé ont été courageuses et bien déterminées. Elles en auraient long à dire sur les luttes qu'elles ont menées au Conseil des ministres et elles pourraient certainement écrire des chapitres d'un livre inédit. Je partage donc les inquiétudes de la ministre quant à l'appui dont elle aura besoin de la part de ses collègues pour faire adopter ce projet de loi.

Ceci dit, M. le Président, le présent projet de loi tient-il compte des commentaires, des suggestions et des modifications exigées par les parties lors de la commission parlementaire tenue sur l'avant-projet de loi afin de permettre non seulement l'adoption de la loi, mais aussi de faciliter son application? En déposant son projet de loi sur l'équité salariale le 15 mai dernier, la ministre déclarait, et je cite: «Ce n'est pas tout, mais ce n'est pas rien.»

Et Agnès Gruda, dans La Presse du 17 mai 1996, écrivait, et je cite: «Dans un fabuleux effort visant à ménager la chèvre et le chou, la ministre Louise Harel a présenté, cette semaine, la nouvelle version de sa Loi sur l'équité salariale. Resserré par endroits, assoupli par ailleurs, le nouveau projet tente, avec un résultat mitigé, de faire plaisir à tout le monde.» Fin de la citation.

Le projet de loi vise donc, M. le Président, à corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine. Il vise la création d'une commission sur l'équité salariale qui sera responsable de l'administration de cette loi. De plus, ce projet de loi est attendu depuis fort longtemps de la part des groupes de femmes.

(20 h 50)

La présente loi s'applique à tout employeur dont l'entreprise compte 10 salariés ou plus. Est un salarié toute personne qui exécute un travail moyennant une rémunération, à l'exception d'un étudiant, d'un stagiaire dans un cadre de formation ou d'intégration professionnelle, d'un cadre supérieur, d'un policier ou d'un pompier, d'un travailleur autonome.

Toutefois, contrairement à l'avant-projet de loi sur l'équité salariale, le projet de loi n° 35 introduit trois niveaux d'obligations modulés selon la taille de l'entreprise. On se souviendra que, en commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, les femmes avaient dénoncé vivement le fait que le gouvernement avait laissé tomber 25 % des travailleuses du Québec en excluant les entreprises de moins de 10 employés. Les groupes de femmes ainsi que les syndicats réclamaient une loi universelle s'appliquant à toutes les entreprises du Québec.

Les employeurs, eux, trouvaient l'avant-projet de loi complètement inapplicable pour les entreprises de 50 employés et moins et extrêmement contraignant et coûteux pour les autres. Par contre, on dénotait une certaine ouverture au niveau de l'entreprise de 100 employés et plus.

Le projet de loi vise donc uniquement les entreprises de 10 employés et plus. Toutefois, contrairement à l'avant-projet de loi sur l'équité salariale, il introduit, comme je le mentionnais, trois niveaux d'obligations modulés selon la taille de l'entreprise.

Au chapitre II, on retrouve les dispositions applicables aux différentes entreprises. Pour les entreprises de 100 salariés et plus, elles auront l'obligation de mettre sur pied un comité d'équité salariale qui établira un programme d'équité salariale. Ce comité est formé de trois membres, dont deux représentant les salariés et un représentant l'employeur, chacun ayant droit à un seul vote. De plus, l'employeur a l'obligation de fournir à l'employé la formation requise. S'il y a entente avec l'association accréditée, un programme distinct pourra être établi pour un ou plusieurs établissements. Il serait souhaitable qu'on arrive à une entente rapide entre les parties et, bien sûr, qu'on ne prenne pas six mois ou un an à négocier les libérations syndicales ou encore le mode de fonctionnement, comme sont venus nous le dire certains groupes qui ont déjà entrepris une démarche de relativité salariale.

Il y a obligation pour ces entreprises, c'est-à-dire celles de 50 employés à 99 salariés, d'établir un programme d'équité salariale à l'ensemble de leur entreprise sans toutefois être obligées de mettre sur pied un comité d'équité salariale. Cet employeur pourra agir, sauf s'il y a présence d'une association accréditée, et, dans ce cas, un programme devra être établi conjointement avec celle-ci.

Pour les entreprises de 10 employés à 49, aucune modalité précise n'est prescrite pour l'établissement d'un programme d'équité salariale. Seul l'employeur aura la responsabilité d'établir l'équité salariale conformément aux règles prévues, à savoir l'absence de discrimination fondée sur le sexe. De plus, il devra rendre disponibles les résultats de l'exercice de ses employés qui auront la possibilité de s'adresser à la Commission s'ils estiment que l'équité salariale n'est pas atteinte. Il y a obligation de résultat pour ces entreprises, c'est-à-dire que ces entreprises auront l'obligation de verser les ajustements salariaux au cours de la même période que les autres entreprises, et ce, conformément aux articles 64 à 68 dudit projet de loi.

Par l'introduction de cette nouvelle mesure, on se rend bien compte que la ministre a voulu alléger le processus pour les entreprises pour qu'elles adhèrent plus facilement à son projet, mais, en même temps, contrairement aux revendications initiales des femmes, elle risque d'oublier près de 50 % de la main-d'oeuvre féminine généralement non syndiquée. De plus, comme le projet de loi est plutôt vague quant à l'implantation de l'équité salariale pour ces entreprises de 10 à 49 salariés qui ont une obligation de résultat sans être contraintes au processus de mise en place des entreprises de 50 salariés et plus, la ministre devra, en commission parlementaire, me convaincre de la faisabilité au niveau de l'application réelle, et non sur papier, de ces articles.

L'employeur dont l'entreprise compte 100 salariés ou plus doit établir, conformément à la loi, un programme d'équité salariale applicable à l'ensemble de son entreprise. De plus, il doit former un comité d'équité salariale d'au moins trois membres et permettre la participation des salariés à l'établissement d'un programme d'équité salariale. En effet, seules les entreprises de 100 employés et plus ont cette obligation, et ledit projet de loi, cependant, assouplit l'obligation de mettre en place un comité sur l'équité salariale pour les entreprises de 50 employés ou plus non syndiqués. Toutefois, s'il y a présence d'un syndicat, elles doivent établir, conjointement avec l'association accréditée, un programme d'équité salariale.

On se rappelle, M. le Président, que les employeurs dénonçaient la mise en place de structures complexes et lourdes, alors que les femmes s'inquiétaient de l'absence de ressources et de mécanismes d'aide pour les femmes non syndiquées.

Quant aux délais, le projet de loi vise, pour son application, un délai de quatre ans pour l'implantation d'un programme et un autre délai de quatre ans pour le versement des ajustements salariaux, délai qui peut être prolongé à sept ans en cas de difficultés financières. On se souviendra que les femmes dénonçaient, dans l'avant-projet de loi, les délais trop longs prévus tant au niveau de l'implantation du programme, qui variaient de deux à quatre ans selon la taille de l'entreprise, qu'au niveau du versement des ajustements salariaux, qui étaient de quatre ans, alors que, pour les employeurs, les délais étaient beaucoup trop courts et pouvaient mettre en péril la survie financière de certaines entreprises. La ministre, avec raison, a pris en considération les inquiétudes formulées par les employeurs.

Quant à la Commission de l'équité salariale, le projet de loi vise, bien sûr, sa création, c'est-à-dire la création d'une commission d'équité salariale formée de trois membres, dont le président sera nommé par le gouvernement. Cette Commission aura le mandat de surveiller l'établissement des programmes d'équité salariale, de déterminer des orientations et des politiques, de faire enquête, de prêter assistance aux entreprises en développant des outils permettant de faciliter l'implantation des programmes, de favoriser la constitution de comités sectoriels d'équité salariale et de les assister dans leurs travaux, de favoriser la concertation au sein des entreprises, de diffuser l'information, d'effectuer des recherches et des études. De plus, M. le Président, une partie insatisfaite de la décision de la Commission pourra en appeler au Tribunal du travail dans un délai de 90 jours, et les décisions du Tribunal seront finales et sans appel.

Les femmes réclamaient une commission autonome et indépendante, avec l'expertise et, bien sûr, les ressources financières adéquates. Quant aux employeurs, ils étaient contre le fait que l'organisme responsable soit la Commission des normes du travail s'ils devaient assumer seuls les coûts d'application de la loi, en raison du fait que cette Commission des normes du travail est entièrement financée par les cotisations des employeurs. La ministre a répondu aux attentes des syndicats, des groupes de femmes et de certains experts en créant un nouvel organisme autonome pour l'application de la loi. Mais, avec des ressources humaines et financières tellement limitées, on peut d'ores et déjà se demander comment la Commission pourra accomplir son mandat efficacement et comment se convaincre que cette Commission ne devienne pas une coquille vide.

Pour l'année 1996-1997, cette Commission sera financée à même les crédits du ministère du Travail. Mais qu'arrive-t-il pour les années subséquentes? Le projet de loi est muet à ce sujet. Comment sera financée, pour les années subséquentes, cette Commission autonome? Comment puiser dans les crédits du ministère du Travail avec une enveloppe fermée? Combien de personnes travailleront à cette Commission? Les experts de la Commission des droits de la personne seront-ils transférés à la nouvelle Commission de l'équité salariale?

Beaucoup de questionnements au sujet des ressources humaines et financières subsistent quant à la création et à la survie de cette Commission. Je comprends qu'il est souhaitable qu'une commission autonome soit créée, comme l'exigeaient les intervenants, mais, si la ministre ne peut garantir que cette nouvelle Commission aura les ressources nécessaires pour appliquer efficacement ledit projet de loi, il serait toujours temps d'en confier la gestion à la Commission des droits de la personne, qui possède déjà l'expertise en cette matière.

(21 heures)

Quant aux sanctions, M. le Président, la ministre a donné suite aux revendications des femmes en les augmentant de 10 000 $ à 25 000 $ selon l'article 109 du projet de loi. Ces sanctions seront doublées en cas de récidive et une poursuite pénale pour une infraction à la loi pourra être intentée par la Commission. D'autre part, on se souviendra que les employeurs ont fait valoir que des amendes de 10 000 $ peuvent paraître minimes pour les grandes entreprises, mais peuvent devenir un véritable fardeau pour les moyennes et petites entreprises.

Les employeurs qui ont ou qui sont en voie de compléter un programme d'équité salariale ou de relativité salariale devront transmettre un rapport à la Commission dans les 12 mois suivant l'entrée en vigueur de la loi. L'employeur doit s'assurer que chacun des éléments contenus dans son programme d'équité ou de relativité salariale soit exempt de discrimination fondée sur le sexe, et le programme, en outre, doit avoir permis la comparaison de chacune des catégories d'emplois à prédominance féminine à des catégories d'emplois à prédominance masculine, selon l'article 113 dudit projet de loi.

La Coalition en faveur de l'équité salariale avait dénoncé vivement le fait que le gouvernement pouvait s'en exclure et que les démarches de relativité salariale déjà effectuées ou en cours par les employeurs soient reconnues comme de l'équité salariale, alors que les employeurs comme le Conseil du patronat, la Fédération des caisses populaires Desjardins et la Conférence des recteurs et des principaux des universités s'inquiétaient, quant à eux, des investissements déjà consentis pour la relativité salariale et souhaitaient que le gouvernement ne les oblige pas à reprendre à zéro la démarche. Tous reconnaissent que l'équité salariale est un objectif de justice sociale pour toutes les femmes du Québec, et c'est ce qui doit guider notre action.

Les enjeux, M. le Président, sont majeurs et l'équité salariale est un grand pas vers l'obtention pour les femmes de leur sécurité économique. Mais, dans un contexte budgétaire et financier difficile pour le gouvernement, on sera toujours enclin à reporter nos actions. La même chose pour les entreprises qui doivent concurrencer avec un marché diversifié, qui doivent augmenter leur productivité et qui ne peuvent ajouter davantage à leur assiette salariale. C'est pourquoi le gouvernement et les entreprises devront prioriser cet objectif d'équité salariale et trouver des façons de faire qui soient souples, flexibles et acceptables pour toutes les parties, car ce sont les femmes qui ont tout à perdre dans une démarche imposée et non planifiée. Il faut éviter que les coûts administratifs dépassent ou soient plus considérables que les écarts salariaux qu'on pourrait donner aux femmes.

Il faut prendre en compte les démarches déjà effectuées par les entreprises. Il ne faudrait pas que ce projet aille à l'encontre de tout progrès. Comment rapprocher le fossé qui sépare et qui divise les acteurs sociaux des acteurs économiques de notre société? Nous connaissons la fragilité de la situation des femmes en emploi. Il est d'une importance capitale que cette loi ne vienne pas créer de nouvelles résistances de la part des employeurs face à l'embauche des femmes qui, en bout de piste, en seraient les premières victimes. Les employeurs doivent reconnaître, cependant, qu'ils n'ont pas été proactifs lorsque l'économie était meilleure et que trop longtemps les travailleuses ont fait les frais de la sous-rémunération du travail, enchaînant ainsi un manque à gagner important.

Mais, en même temps, on doit prendre en compte la réalité, la fragilité de l'organisation québécoise du marché du travail. L'application d'une telle loi demande nécessairement la collaboration de tous les salariés et de tous les employeurs puisqu'elle modifiera de façon majeure les conditions du marché du travail au Québec. Si nous sommes incapables, comme je le mentionnais, de convaincre les têtes dirigeantes des entreprises de la nécessité d'une telle loi, il sera, à mon avis, difficile de la faire appliquer correctement. De ce fait, nous devons donc en arriver à un consensus qui sera acceptable pour les parties impliquées. Si on ne peut obtenir le consensus social requis, il va falloir trouver, suggérer les compromis à faire.

M. le Président, je déplore le fait que nous ne pouvons nous appuyer sur aucune étude réelle d'impact gouvernementale. Lors de la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, j'avais indiqué à la ministre mon intention d'exiger des études d'impact avant de procéder à l'adoption de tout projet de loi, puisque les seuls chiffres que nous avions à l'époque étaient ceux révélés dans un mémoire au Conseil des ministres, lesquels indiquaient que les coûts d'ajustement salariaux seraient de l'ordre de 630 000 000 $ et que les coûts administratifs pour les entreprises seraient de l'ordre de 320 000 000 $ sur quatre ans, soit 1,4 % pour les entreprises de 10 à 49 salariés, de 0,5 % pour les entreprises de 50 à 99 salariés et de 1,5 % pour les entreprises de 100 employés à 499.

Selon un article de La Presse du 15 mai dernier, une étude interne du ministère des Finances montre que l'équité salariale coûterait 2 200 000 000 $ aux entreprises d'ici l'an 2004, puis 600 000 000 $ par année, ce qui représente une augmentation des charges des entreprises de près de 0,9 % de la masse salariale par année. Quant au Conseil du patronat, qui s'indigne que le gouvernement n'ait rendu publique aucune étude économique sur l'impact que le projet de loi aura sur les entreprises, il évalue plutôt cette nouvelle charge à 1,25 % de la masse salariale, compte tenu des frais d'administration supplémentaires que le projet de loi fera encourir.

La semaine dernière, on apprenait, M. le Président, que le projet de loi sur l'équité salariale, en plus de constituer un véritable casse-tête pour le Conseil du trésor, pourrait coûter cher aux contribuables. Après avoir versé pas moins de 375 000 000 $ en ajustements salariaux à des fonctionnaires pour une démarche de relativité salariale, il semblerait que l'équité salariale pourrait se traduire par des hausses salariales totalisant près de 500 000 000 $ par année pour les employés de l'État.

Vous comprendrez, M. le Président, que, tout à l'heure, la ministre a semblé dire que cette somme était davantage pour combler des plaintes devant la Commission des droits de la personne. Je suis d'autant plus inquiète, puisque le Conseil du trésor, après avoir versé près de 375 000 000 $ en ajustements salariaux, et compte tenu du fait que la CSN n'a jamais voulu accepter la démarche gouvernementale et que, si jamais elle avait gain de cause, revenir encore avec cette somme incroyable de près de 500 000 000 $, naturellement... Et cette somme ne comprend pas ou ne semble pas comprendre, selon ce que disait la ministre tout à l'heure, l'équité salariale.

Donc, M. le Président, je disais que la ministre n'a jamais confirmé ni infirmé quelque chiffre que ce soit. Puis je pense qu'il est temps d'avoir l'heure juste. Je comprends que c'est peut-être difficile, mais il y a sûrement moyen d'avoir un estimé assez correct, M. le Président. Il est temps d'avoir l'heure juste à ce sujet, si on veut le consentement de l'opposition pour l'adoption de ce projet de loi. On ne peut ignorer l'impact financier pour le gouvernement, ses institutions, ses organismes et pour les entreprises du secteur privé. On ne peut également ignorer l'impact sur les emplois, malgré le fait que les syndicats ou les groupes de femmes conviennent qu'il s'agit là d'un mythe entretenu, voire d'une menace qui revient à chaque fois qu'une demande est formulée.

Il y aura des impacts réels, il faut le reconnaître, M. le Président, si on veut suggérer des modalités, des mesures pour les atténuer. Pour les entreprises, les patrons, la conjoncture n'est pas bonne et ne sera sûrement jamais bonne. On nous servira toujours les mêmes arguments, que la situation des femmes a changé et que le temps permettra d'atteindre l'équité salariale, alors qu'il faut bien admettre qu'on aurait pu investir davantage d'efforts depuis les 20 dernières années. Mais, en même temps, on ne peut ignorer les effets plus ou moins inflationnistes de l'élimination des écarts de salaires entre emplois équivalents majoritairement masculins et majoritairement féminins. Ces écarts sont très importants. Et il faut admettre qu'il est irréaliste d'espérer corriger cette situation sans affecter le niveau des prix.

C'est pourquoi il faut minimiser ces effets inflationnistes en échelonnant les ajustements dans le temps, en gelant les salaires des autres employés, s'il le faut. C'est pourquoi il faut prioriser les ajustements salariaux résultant de l'équité salariale dans toute négociation des conventions collectives. C'est pourquoi il faut absolument avoir le portrait réel des coûts, ne pas avoir peur d'admettre qu'il y a des impacts, qu'il y a des coûts afin de trouver les moyens de les affronter, de les discuter et de les atténuer, M. le Président.

Si les tâches effectuées par les femmes syndiquées sont ignorées depuis longtemps dans le calcul de la rémunération accordée aux emplois occupés par ces dernières, c'est aussi parce que ces tâches ont souvent été ignorées dans les négociations des conventions collectives. C'est aussi parce que les négociations, trop souvent, ont été le lot des hommes et que l'équité salariale pour les femmes n'a pas été nécessairement priorisée.

(21 h 10)

L'assiette de la masse salariale des entreprises n'est pas illimitée. Il faudra identifier un pourcentage de cette masse salariale pour être consacré au redressement du salaire des emplois féminins en priorité dans toute négociation de convention collective. Il doit s'appliquer chaque année jusqu'à l'atteinte du redressement des salaires féminins. Et, de ce fait, il est important que les travailleuses et les travailleurs du Québec comprennent et reconnaissent que l'entreprise devra réorganiser sa masse salariale. De ce fait, ils devront accepter pour un certain temps un gel de salaire afin de prioriser, comme je le mentionnais, l'application de l'équité salariale pour les femmes dans l'entreprise. Les changements sont d'envergure. Il faut trouver des moyens de les faire accepter, négocier un pacte social avec les syndicats pour prioriser l'équité salariale au cours des prochaines années.

Le premier ministre, M. le Président, est censé être un bon négociateur. Ne pourrait-il pas s'entendre avec les syndicats pour inclure cette démarche dans le projet de loi afin de rassurer les employeurs et de permettre aux femmes d'obtenir l'équité salariale qu'elles réclament et à laquelle elles ont droit? Les conventions ne doivent pas, comme le disait Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir du 19 mai dernier – et je cite – «dégénérer en guerre des tranchées pour des augmentations salariales injustifiées... L'exercice d'équité ne doit pas non plus dégénérer en une spirale de revendications salariales, chaque groupe à prédominance féminine exigeant d'être comparé à la plus élevée des catégories d'emplois masculins aux caractéristiques semblables. On connaît la situation absurde dans laquelle nous a plongés l'arbitrage chez les policiers!» Fin de la citation.

Des coupures budgétaires importantes ont été appliquées dans les secteurs public et parapublic, et des enveloppes budgétaires fermées leur ont été imposées. Comment feront-ils pour appliquer l'équité salariale? Où prendront-ils l'argent pour le versement des ajustements salariaux? Ce matin, on apprenait, M. le Président, qu'Hydro-Québec allait couper 70 000 000 $ dans sa masse salariale. Alors, comment concilier ces coupures avec l'application d'une nouvelle loi sur l'équité salariale? Qui la société Hydro-Québec va-t-elle mettre à pied en premier lieu? Les femmes? Les jeunes? Le gouvernement peut-il nous indiquer comment il entend respecter son engagement d'équité salariale envers les femmes? Où prendra-t-il l'argent?

Les entreprises, M. le Président, n'ont pas tout à fait tort de s'inquiéter parce que le Parti québécois n'est pas nécessairement le champion de l'activité économique. Depuis son arrivée au pouvoir, tous les efforts déployés par ce gouvernement ont plutôt été axés sur la promotion de la souveraineté que sur la relance économique, la création d'emplois, la lutte à la pauvreté et au chômage. Pourtant, dans les 100 jours suivant son élection, le Parti québécois devait mettre en place les mécanismes nécessaires à l'implantation d'une politique de plein-emploi et s'engageait à déposer une loi nationale sur l'emploi. Il devait créer une commission nationale regroupant tous les partenaires à laquelle s'arrimeraient des commissions régionales de l'emploi. Il faut bien le dire, M. le Président, les seules commissions nationales et régionales qui ont été mises sur pied visaient exclusivement à promouvoir la souveraineté du Québec.

Le premier budget qui a été déposé par ce gouvernement imposait des taxes supplémentaires aux entreprises, taxes qui n'aident sûrement pas la relance de l'économie et la création d'emplois. Pensons à la hausse des cotisations pour le Fonds des services de santé; hausse, également, de la taxe sur la masse salariale; imposition d'une taxe de 1 % de la masse salariale pour la formation professionnelle. Avec le dépôt du dernier budget, le gouvernement du Parti québécois a rompu avec une promesse faite aux entreprises québécoises quant au plein remboursement de la taxe de vente sur les intrants et reporte à l'an prochain la moitié de cette somme, ce qui résulte en une perte de 150 000 000 $ pour les entreprises.

De plus, il faut bien le dire, l'incertitude politique que vit le Québec influence nécessairement la relance économique du Québec. D'ailleurs, le premier ministre l'a lui-même reconnu devant les journalistes de Good Morning America , il y a deux semaines. Cette épée de Damoclès retarde nécessairement les projets d'investissement et en modifie la stratégie ou les stratégies, en plus d'occasionner la fuite de certains capitaux et le déménagement de plusieurs sièges sociaux.

D'ailleurs, les statistiques, M. le Président, démontrent clairement que la croissance du PIB est moins grande au Québec que dans les autres provinces. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick profite d'ailleurs de cette incertitude politique pour venir courtiser les entreprises et les investisseurs du Québec afin de les inciter à venir s'installer dans sa province, en plaidant la stabilité. Comme le disait toujours Jean-Robert Sansfaçon, «prenons le temps de bien faire les choses pour éviter que d'une bonne intention ne surgisse un four administratif bourré d'effets pervers».

M. le Président, l'opposition votera pour l'adoption du principe de ce projet de loi n° 35 sur l'équité salariale. J'offre à la ministre toute ma collaboration pour faciliter la tenue de la commission parlementaire restreinte prévue et je suis prête à apporter mon humble contribution pour bonifier ledit projet de loi. La ministre comprendra cependant qu'elle devra répondre à nos attentes quant aux études d'impact, sur les coûts et les emplois, d'un tel projet. J'ose espérer, M. le Président, que le gouvernement priorisera ce dossier à la commission des affaires sociales. Je lui indique déjà que deux, au maximum trois de mes collègues seulement interviendront quant à l'adoption de principe du projet de loi de sorte qu'il puisse être déféré en commission parlementaire le plus rapidement possible.

Je voudrais dire à la ministre, M. le Président, en terminant, qu'elle doit aussi se méfier de l'article 128 dudit projet de loi qui se lit comme suit: «La présente loi entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement.» Vous aurez compris, M. le Président, qu'un projet de loi qui n'est pas contesté, qui fait l'unanimité au sein d'un Conseil des ministres, porte généralement la clause suivante: La présente loi entre en vigueur, normalement, le jour de sa sanction. Je lui indique immédiatement que j'apporterai un amendement à cet article afin qu'on s'assure de sa mise en vigueur le plus rapidement possible après son adoption.

M. le Président, pour atteindre l'objectif d'équité salariale, compte tenu des positions très éloignées des parties, il faut transformer la confrontation en concertation, en dialogue. Il faut tout mettre en oeuvre pour que les femmes soient les grandes bénéficiaires de ce projet de loi et non les perdantes d'une action rigide, coûteuse et non planifiée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-François. J'accorde maintenant la parole à la députée de Sherbrooke. Mme la députée.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je dois dire que c'est avec beaucoup de fierté que je tiens dans mes mains, ce soir, ce projet de loi et que je vais essayer de vous entretenir un peu de ses grandes avenues, de ses grandes préoccupations. C'est un projet de loi qui me tient beaucoup à coeur, comme, bien évidemment, de la ministre responsable de la Condition féminine qui nous en a déjà abondamment parlé. Mais ça me tient particulièrement à coeur parce que, mon expérience parlementaire étant plus jeune, je n'ai pas eu souvent l'occasion dans ma vie de mettre la main à la pâte d'aussi près à un projet de loi dont je vois, de façon très évidente, les bienfaits pour l'ensemble de la société québécoise.

Je suis consciente, et la critique de l'opposition l'a évoqué, que c'est un projet de loi qui pose beaucoup de questions et j'aimerais peut-être reprendre un peu le fil de l'argumentation qui fait que nous avons besoin aujourd'hui, au Québec, de défendre un projet de loi sur l'équité salariale. Je suis consciente que, pour beaucoup de gens qui nous écoutent, c'est un projet de loi qui peut poser des questions et que même l'objet même du projet de loi n'est pas forcément évident pour tout le monde. Alors, si vous le permettez, avant d'en donner quelques caractéristiques, je vais essayer de reprendre un petit peu, simplement, l'argumentation de base qui explique pourquoi nous avons déposé ce projet de loi n° 35 le 15 mai et nous souhaitons, bien évidemment, que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible.

De quoi s'agit-il, d'abord? Ce que les gens connaissent généralement du problème de l'équité salariale, c'est quelque chose qui ne fait plus beaucoup l'objet de controverses et qui reconnaît que, pour un travail égal, les femmes reçoivent un salaire égal à celui des hommes. Ce type d'équité est, je dirais, admis dans notre société. Ce qui est beaucoup plus difficile à expliquer, ce qui est même beaucoup plus difficile à reconnaître, parce qu'on aimerait bien croire, très souvent, que le problème s'arrête là, c'est que, dans notre société toujours, pour un travail équivalent, les femmes, actuellement, reçoivent un salaire nettement moindre que celui des hommes. Un travail équivalent, ça veut dire, comme le mot l'indique, un travail qui n'est pas le même, mais qui comporte des responsabilités semblables, des conditions de travail à peu près semblables, un degré de complexité semblable.

(21 h 20)

Or, actuellement, au Québec, les femmes gagnent 69 % du salaire des hommes. On peut se demander pourquoi il y a cet écart d'un peu plus de 30 %. Essentiellement pour deux raisons. Il y a une première partie du problème qui tient, tout simplement, au fait que les femmes sont moins scolarisées ou que les femmes sont dans des types d'emplois qui, pour différentes raisons, ne les conduisent pas à avoir un salaire qui soit de très haut niveau. Il y a une partie de ce problème-là qui va se corriger de lui-même. Probablement d'ailleurs, que nos filles, pour celles et ceux qui en ont, nos propres filles, parce qu'elles auront plus étudié, parce qu'elles auront envie d'accéder à des métiers d'hommes ou à des métiers exercés jusqu'ici par les hommes, n'auront pas ces problèmes. Et c'est pourquoi nous savons que les jeunes femmes universitaires, de fait, ont très peu d'écart salarial avec les hommes. Ça, c'est donc une partie de notre 30 % d'écart qui tient au fait que les femmes sont moins scolarisées et n'ont pas eu accès jusqu'ici aux mêmes métiers que les hommes.

L'autre moitié du problème – et, si on veut le chiffrer, disons que c'est environ 15 % de ce 30 %, la moitié donc de cet écart – tient à ce qu'il est convenu d'appeler un problème de discrimination systémique. Qu'est-ce que ça veut dire, ces deux mots «discrimination systémique»? Ça veut dire essentiellement une discrimination, donc une injustice, une inéquité qui est inscrite dans notre système, que nous ne voyons pas à l'oeil nu, qui n'est pas visible, qui ne peut pas se repérer de façon évidente, ce qui fait que, pour la plupart des gens, ce problème-là n'existe, tout simplement, pas dans leur conscience.

Et ça n'est pas un problème qui tient à la mauvaise volonté des employeurs ou qui tient au manque de vigilance des employés. C'est un problème qui tient à des facteurs en grande partie historiques qu'il serait peut-être un peu long d'expliquer ici ce soir, mais qu'on pourrait simplement résumer de la façon suivante. Pour des raisons qui tiennent essentiellement à l'évolution de nos rôles sociaux, il y a des métiers de femmes qui, dans la société, ont été considérés comme valant moins cher. Et, de façon générale, si on veut simplement avoir un petit point de repère, disons que les métiers de femmes, qui sont le prolongement de ce qu'une femme faisait depuis toujours dans la maison gratuitement, ces métiers-là, quand ils sortent de la maison, sur le marché ils valent moins cher. Ils valent moins cher parce que, pendant des siècles, ils n'ont rien coûté à la société.

D'autre part, souvent, les femmes ont été vues comme ayant une contribution de salaire d'appoint au ménage. Et un salaire d'appoint, c'était un salaire qui n'avait peut-être pas besoin d'être un salaire du même montant. Une des raisons pour lesquelles nous avons avec urgence besoin d'une loi sur l'équité salariale, c'est que nous savons fort bien que les femmes, aujourd'hui, au Québec, ont besoin de la même autonomie financière que les hommes. Elles ont très souvent charge de famille, elles ont une trajectoire dans les ménages qui fait que, très souvent, elles se retrouvent seules ou, en tout cas, temporairement seules et elles ont besoin d'avoir la même autonomie financière, les mêmes moyens économiques que les hommes. Ça, c'est donc les fondements qui font qu'il faut qu'il y ait équité salariale au Québec. Et il faut, d'abord, reconnaître que le problème existe.

Deuxième question qu'il faut se poser: Est-ce qu'il faut une loi? On pourrait bien dire: Tout le monde reconnaît le problème et, donc, on n'a qu'à simplement prêcher la bonne volonté et puis, ma foi, les problèmes vont se régler d'eux-mêmes petit à petit. Malheureusement, nous savons fort bien que, dans certains cas, la bonne volonté ne suffit pas. Il existe, au Québec – et la ministre l'a rappelé, tout à l'heure, avec beaucoup de justesse – l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne qui, depuis exactement 20 ans, puisque ça a été inclus en 1976, dit que, pour un travail équivalent, les femmes doivent recevoir un salaire égal. Et, depuis 20 ans, nous n'avons pas réussi, manifestement, à progresser suffisamment, ce qui fait que, ce soir, je dois vous dire que les femmes sont en moyenne à 69 % du salaire des hommes.

Il faut donc trouver d'autres moyens, et je pense que ce qu'un gouvernement a à faire, ce pour quoi il est précisément élu, c'est pour voter des lois qui compensent pour les lacunes dans notre bonne volonté collective, si je peux m'exprimer ainsi. Si la vertu était suffisante pour qu'une communauté se gouverne, bien, ma foi, peut-être que, ce soir, au lieu d'être ici à parler d'un projet de loi, on serait ailleurs en train de se promener parce que, apparemment, c'est une fort belle soirée d'été. Mais il y a des problèmes qui ont besoin qu'un gouvernement prenne à sa charge les dossiers qui sont des objets de controverse et décide que, en ayant écouté les uns et les autres, il y a une ligne qu'il faut tracer et il y a un objectif qu'il faut atteindre collectivement. C'est pourquoi il faut une loi.

Et, je le répète, je sais qu'il y a bien des gens qui vont continuer à faire des représentations en disant: Laissez-nous aller, donnez-nous des instruments de travail, ça va se faire tout seul. Ça ne se fera pas tout seul, ça ne s'est pas fait tout seul depuis 20 ans, et nous savons – et la critique de l'opposition l'a rappelé, tout à l'heure – que la période économique que nous vivons n'incite personne à des largesses et n'incite pas forcément à la vertu. C'est pourquoi il faut un projet de loi qui s'en fasse le relais.

Quelles sont les grandes caractéristiques de ce projet de loi? J'aimerais en reprendre quelques-unes simplement en insistant sur les aspects qui, sans être dans tous les détails l'objet d'un consensus, sont tout au moins des aspects sur lesquels je pense que les différents groupes représentés dans ce dossier risquent de s'entendre. Il y a des choses qui leur conviennent dans ce que nous avons réussi à mettre dans ce projet de loi. J'ai pu parler à ces gens-là de très près dans le cadre d'un comité technique qu'on a évoqué un peu plus tôt, un comité dans lequel il y avait des représentants du patronat, des représentants des groupes de femmes et des représentants des syndicats, et il y a des choses, je pense, auxquelles nous arrivons qui devraient donc leur convenir.

Premièrement, on remarque assez rapidement, je crois, dans le projet de loi, que nous procédons par paliers, c'est-à-dire que, au lieu de donner à toutes les entreprises, peu importe leur taille, les mêmes exigences et le même encadrement – moi, je pense que l'image du palier est peut-être l'image la plus parlante – on procède donc par paliers. Les entreprises qui ont moins de 10 employés, qui sont donc plus fragiles, qui ont plus de difficultés aussi à comparer des catégories d'emplois à prédominance féminine avec celles à prédominance masculine, ces petites entreprises continueront à appliquer l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne, mais n'auront pas de moyens plus coercitifs. La loi donc les laisse un peu plus tranquilles, si on veut.

Deuxième palier... Et chaque palier ajoute des exigences; en même temps, chaque palier nous rapproche, je dirais, d'un résultat qu'on pourrait repérer de façon plus évidente en termes d'équité salariale. Deuxième palier: pour les entreprises qui ont entre 10 et 49 employés, donc des entreprises qui sont encore de taille petite ou moyenne, ce que nous disons dans le projet de loi, c'est: Obligation de résultat; c'est-à-dire, d'ici les quatre prochaines années, à partir du moment où la loi entre en vigueur, ces entreprises auront à faire la preuve qu'elles ont identifié les écarts salariaux, qu'elles savent où ils sont et, ensuite, qu'elles sont prêtes à les corriger en effectuant des versements pendant les quatre années subséquentes, ce qui, au total – on l'a rappelé tout à l'heure – permet l'étalement des résultats de ce projet de loi sur huit ans. Donc, deuxième palier, les entreprises de 10 à 49 employés.

De 50 employés à 99 employés – troisième palier – on rajoute quelque chose. Il y a évidemment l'obligation de résultat, mais à cela on rajoute qu'il doit y avoir un programme d'équité salariale qui est prévu par la loi. Le programme définit les étapes à travers lesquelles on doit passer pour arriver au résultat, mais l'encadrement donc est un peu plus fort, parce qu'on veut s'assurer que, dans ces entreprises, on utilise des bons moyens et des bons instruments pour repérer bel et bien quels sont les écarts entre les catégories d'emplois à prédominance féminine par rapport à celles qui sont à prédominance masculine.

Et puis, finalement, le quatrième palier qui est celui des entreprises de 100 employés et plus: obligation de résultat, équité salariale à travers un programme et comité d'équité salariale avec la parité employeur-employés.

(21 h 30)

Vous voyez donc que nous avons tenté, M. le Président, à travers ces différents paliers, de respecter la nature des entreprises, de respecter leur environnement, de respecter aussi leur rythme, et je pense que c'est un bel effort par rapport à ce qui nous a été dit en commission parlementaire au mois de février, c'est un bel effort pour tenter de répondre aux difficultés que certaines entreprises pouvaient craindre dans l'application de la loi.

Autre élément qu'il est, je crois, important de rappeler, je l'ai évoqué rapidement, c'est la question des délais. C'est sûr que, ce soir, quand on parle tout d'un coup des écarts salariaux et qu'on se dit: Combien ça va nous coûter? Quelle est l'ampleur de ce phénomène – je vous ai dit, tout à l'heure: Le salaire moyen des femmes est à 31 % de celui des hommes – c'est sûr que, si on pense que demain matin il faut avoir effectué ce correctif, ça peut sembler énorme, mais je tiens à rappeler que, dans le projet de loi, on procède en deux étapes de quatre ans, ce qui fait huit ans à partir du moment où la loi entre en vigueur.

Il y a même une clause additionnelle pour les petites entreprises ou les entreprises qui auraient des difficultés financières qui pourraient rajouter trois années additionnelles, ce qui ferait, dans leur cas, 11 ans à partir du moment où la loi entre en vigueur. Je ne pense pas que, avec un projet de loi qui étale les obligations sur huit ans pour la majorité des entreprises, on les prenne à la gorge. Je crois honnêtement, M. le Président, que, avec ces moyens que nous avons imaginés, c'est tout à fait raisonnable de penser que les entreprises sauront trouver les bons moyens pour arriver au résultat.

Autre élément qui est important à rappeler, même s'il est dans le projet de loi et qu'on n'en a peut-être pas encore beaucoup parlé, c'est la question de ce qu'on appelle les comités sectoriels. Je vais essayer rapidement simplement de vous dire de quoi il s'agit dans le projet de loi quand on introduit l'idée d'un comité sectoriel. On sait fort bien que, dans certaines entreprises, ça peut sembler un peu difficile de se mettre seul dans son coin à élaborer des instruments de travail, à développer des outils pour essayer de comparer des catégories d'emplois à prédominance féminine avec celles qui sont à prédominance masculine. Donc, on a prévu que, dans certains secteurs de l'activité économique, il y ait possibilité d'avoir des comités sectoriels – donc, pour ce secteur, comme son nom l'indique – sur lesquels siégeraient de façon paritaire des employeurs et des employés et siégeraient aussi à titre d'observateur et de ressource des membres de la Commission de l'équité salariale.

Ces comités sectoriels feraient un genre de travail préliminaire, si vous voulez. Au lieu que les entreprises doivent tout faire chacune de leur côté, ces comités pourraient, par exemple, déterminer les catégories d'emplois, pourraient les comparer, pourraient développer des instruments de travail, laissant aux entreprises, bien évidemment, les dernières étapes, soit celle de l'ajustement bel et bien des salaires les uns aux autres, puisque, bien entendu, la politique salariale, c'est quelque chose qui appartient aux entreprises. Donc, je pense qu'avec l'introduction de comités sectoriels on a également ajouté dans le projet de loi quelque chose qui est à l'avantage des entreprises et qui, là encore, ne leur fait pas peser un fardeau absolument monumental sur les épaules. Et je rappelle que tout cela se fait dans un délai d'environ huit ans.

J'insiste donc sur la question de la Commission de l'équité salariale. La Commission de l'équité salariale, il faut le dire et le répéter, c'est un gain majeur pour l'ensemble des partenaires qui ont discuté de ce projet de loi. Vous savez que, dans l'avant-projet, on parlait de la Commission des normes du travail qui a été critiquée par beaucoup de gens. On a regardé d'autres hypothèses et on a pu, finalement, faire inscrire dans ce projet de loi l'introduction d'un nouvelle commission vouée à l'équité salariale. Je pense que c'est un gain majeur sur lequel tout le monde va s'entendre et que nous avons réussi à faire un bon coup, si je peux dire.

Cette Commission, elle sera légère dans sa structure, parce que, par les temps qui courent, il ne s'agit pas de créer de très gros organismes, mais elle sera très vigoureuse dans l'application de sa mission. La Commission de l'équité salariale ne sera pas simplement là en attendant que des gens viennent se plaindre. Ça va être une partie de son travail, oui, bien sûr. S'il y a des plaintes, elle devra les écouter, elle pourra faire enquête sur le terrain, si elle le veut, mais son rôle premier, si je peux dire, ça va être d'informer, ça va être de fournir des outils, ça va être de faire des études, ça va être de faire des recherches, ça va être de se promener en expliquant ce qu'est l'équité salariale et en donnant aux gens dans les entreprises, aux salariés et aux employeurs de bons instruments de travail. Je pense que c'est une conception très dynamique du rôle de la Commission de l'équité salariale et je suis très fière qu'on ait réussi à introduire ça dans le projet de loi.

J'aimerais dire un mot, parce que je sais que le temps file, j'aimerais dire un mot rapidement de la question des coûts, simplement deux choses concernant les coûts. D'abord, il faut reconnaître que, plus on considère que la facture sera élevée dans l'application de ce projet de loi, plus on mesure l'injustice qui est actuellement faite aux femmes de la société québécoise. Alors, ça m'est égal, en un sens, que l'on dise que ça vaut 3 000 000 000 $ ou même 6 000 000 000 $, même si je pense que c'est des chiffres un peu farfelus qui ont été évoqués, mais à chaque fois qu'on évoque des chiffres comme ceux-là, ce qu'on veut dire, c'est que les femmes vivent avec des salaires qui sont inéquitables pour tant d'argent au Québec. Il y a des sociétés... je sais que ça n'est pas la nôtre et je sais que personne dans notre société ne le souhaite, mais il y a des sociétés dont le développement économique, ailleurs dans le monde, est fondé sur l'injustice. Je pense particulièrement à certains coins du monde qui ne sont absolument pas enviables, où l'exploitation du travail des enfants fait que ça ne coûte pas cher, effectivement. Mais je pense que notre devoir , c'est, bien entendu, d'avoir une approche qui allie la justice à la rentabilité, et c'est ce que ce projet de loi permet de faire.

Je dirais, pour ce qui est des coûts, comme l'a rappelé ma collègue, la ministre de la Condition féminine, qu'il y a une hausse de salaires et de traitements qui est prévue pour les prochaines années. Ce que nous demandons simplement, c'est que la grande partie de cette hausse, qui est déjà prévue dans notre propre budget, soit affectée à corriger les écarts salariaux. Et je pense que c'est une question de justice sociale. On peut bien évidemment essayer de la moduler, cette question-là, pour que les gens s'y reconnaissent et pour que ce soit viable, mais je pense que, s'il y a une chose qu'un gouvernement doit faire, s'il y a bien une chose qui est de sa responsabilité, c'est de s'assurer, à travers un projet comme celui-là, que la justice sociale progresse au pays du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Sherbrooke et adjointe parlementaire à la ministre responsable de la Condition féminine. J'accorderai maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. On a trois questions, d'après moi, à discuter ce soir. Première question: Y a-t-il un problème d'équité salariale? Deuxième question: Y a-t-il nécessité d'une loi? Troisième question: Est-ce que cette loi est appropriée?

Alors, on va prendre la première question: Y a-t-il un problème d'équité salariale? Je pense que la députée de Sherbrooke, avec beaucoup de brio, l'a rappelé, il y a une distorsion majeure entre les emplois traditionnellement occupés par des femmes et les emplois traditionnellement occupés par des hommes, à qualifications analogues, comprenons-nous, à qualifications analogues. Et ce qu'on appelle l'inéquité salariale, ça veut dire que, lorsqu'une personne remplit une fonction qui est dans un métier traditionnellement féminin et qu'une personne remplit une fonction dans un métier traditionnellement masculin, on a, dans la société, des distorsions majeures, M. le Président, entre les rémunérations obtenues dans ce type de métier ou par rapport à l'autre métier. Et, ça, on peut le voir particulièrement dans le cas des secrétaires, par exemple, dans le cas des infirmières ou dans le cas, à moindre titre, des enseignantes. Donc, oui, M. le Président, et je pense que, de notre côté, de l'opposition, il n'y a aucun problème à reconnaître ça, il y a un problème d'inéquité salariale dans notre société et, oui, nous devons essayer de résoudre ce problème d'inéquité salariale.

(21 h 40)

Deuxième question: Faut-il une loi? Une fois qu'on a dit: Il y a un problème, faut-il une loi? Alors, d'aucuns pourraient dire: Il existe l'article 19 de la Charte des droits et libertés qui empêche la discrimination basée sur le sexe. Depuis que l'on a passé la Charte et qu'elle s'applique, pratiquement, on peut dire, depuis plus d'une quinzaine d'années maintenant, qu'on n'a pas vu de nette correction de ces inéquités. La Charte, en soi, n'a pas été un élément important pour régler le problème de l'inéquité salariale. Il y a eu des efforts de nature réglementaire qui ont été faits par le gouvernement dans ce qu'on a appelé la relativité salariale, particulièrement dans le secteur des employés du gouvernement, dans le secteur parapublic et dans des entreprises qui devaient négocier des contrats avec le gouvernement. Il y a eu progrès, mais le progrès n'est pas venu de l'application de la Charte, mais bien d'une volonté réglementaire du gouvernement. Donc, j'en conclus, moi aussi, qu'il est temps d'avoir une loi sur l'équité salariale. Alors, j'ai répondu à la première question: Y a-t-il un problème? La réponse est oui. Y a-t-il besoin d'une loi? La réponse est oui.

Maintenant, j'en arrive à la troisième question: Est-ce que cette loi est la loi qu'il faudrait pour résoudre l'ensemble des problèmes? Alors, la première chose qu'elle a comme qualité, cette loi, c'est d'abord d'exister. C'est toujours plus facile de corriger quelque chose qui existe que de commencer à parler de choses qui devraient exister. Donc, c'est le premier élément. Non, non, mais c'est sérieux. Le premier avantage qu'elle a, cette loi, c'est qu'elle commence à essayer d'exister pour régler ce problème d'inéquité. Mais, d'après moi, elle soulève un certain nombre de problèmes, et je vais, avec vous, essayer de les mettre de l'avant, et on aura l'occasion en commission parlementaire, comme la députée de Saint-François l'a rappelé, d'essayer d'obtenir des améliorations sur cette loi.

Premièrement, elle laisse de côté virtuellement... Et je comprends qu'on l'a dit avec beaucoup de pudeur du côté gouvernemental, mais à tous les employés dans les entreprises ayant moins de 10 employés on a dit: Vous allez continuer à être protégés par l'article 19 de la Charte des droits, qu'on a vu être relativement inopérant. Donc, ces gens-là continueront à être protégés par une mesure qui, dans le passé, a démontré, disons, sa faible efficacité et continueront donc à être protégés par une mesure à faible efficacité. D'ailleurs, si on fait une loi aujourd'hui, c'est justement parce que cette mesure-là n'est pas aussi efficace qu'elle pourrait l'être. Alors, ces gens-là en sont écartés.

Je pourrai rentrer après, M. le Président, sur la gradation. Il y a un certain avantage à le rappeler. La députée de Sherbrooke l'a bien rappelé un peu. Lorsqu'on passe de 10 à 49, de 50 à 99 et à plus de 100, il y a une gradation intéressante dans le degré de protection qui est faite.

Il y a deux articles, M. le Président, qui me gênent, et après je discuterai des effets économiques de la loi. Le premier article qui me gêne, c'est l'article 67. L'article 67, pour ceux qui le connaissent bien, dit que tout programme d'équité salariale ne peut pas diminuer les salaires. Alors, ça ne peut avoir qu'un effet à la hausse. Le problème qu'on se dit, c'est que cette loi de l'équité salariale va strictement augmenter les salaires de tout le monde et tout le monde va être bien content. C'est bien beau, au départ, sauf qu'il faut bien comprendre que ça augmente la masse salariale de l'ensemble des entreprises et de la société.

N'aurait-il pas été préférable de donner obligation légale aux syndicats et aux entreprises qui auront à négocier les conventions collectives de faire en sorte que les conventions collectives négociées tiennent compte de l'équité salariale? Et, là, ça aurait été une porte, M. le Président, qui aurait permis d'arriver... Et on aurait pu faire l'obligation légale. Si moi, j'avais eu à écrire – bien sûr, c'est facile, être dans l'opposition – si on avait eu à écrire cette loi-là, on aurait probablement été dans cette vision de donner l'obligation légale aux personnes qui négocient les conditions de travail de faire en sorte que les conditions de travail tiennent compte des principes d'équité salariale avec – je comprends – le principe de quatre, quatre plus trois, c'est-à-dire qu'il faut une période d'ajustement, etc. Le projet de loi ne fait porter le poids qu'aux parties patronales, premièrement, et, deuxièmement, va avoir une poussée inflationniste au niveau des masses salariales.

Je comprends l'intervention de la députée de Sherbrooke qui dit: Bon, moi, je comprends, c'est une mesure de l'inéquité. On dira bravo. Mais la mesure de l'inéquité, ça ne se corrige pas nécessairement en remontant tout le monde, ça peut circuler en baissant et en mettant les gens à peu près au même niveau. Ce n'est pas en amenant tout le monde, en augmentant la masse des salaires comme telle... Parce que je ne suis pas sûr... Et alors, là, je reviens sur l'analyse. Bon, on pourra discuter, puis, j'imagine qu'en commission parlementaire on aura l'occasion de discuter de cela, mais un choc sur quatre ans ou même sur huit ans d'augmentation de la masse salariale de 2 200 000 000 $, ce n'est pas évident, ça, comme effet économique sur l'ensemble des entreprises, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas atteindre l'équité salariale. Mais on aurait pu concevoir le projet de loi dans une approche à jeu nul, c'est-à-dire en faisant en sorte que les masses salariales globales restent constantes ou évoluent normalement avec la progression de l'économie, mais soient redistribuées d'une manière différente pour tenir compte des inéquités qui ont été perçues. Alors là, ça serait un débat qu'on pourra faire en commission parlementaire.

Deuxième article qui me gêne beaucoup, sur un autre sujet, et c'est l'article 113. Alors, l'article 113 dit, dans le projet de loi – parce que ça prouve que je l'ai bien lu, ce projet de loi: Si une compagnie, une corporation, une institution a déjà instauré un programme d'équité salariale, elle est dispensée de l'application du projet de loi. Je dois vous dire qu'il y a un élément tout à fait particulier dans le projet de loi qui est le comité d'équité salariale qui, contrairement à ce qu'a dit la députée de Sherbrooke, n'est pas paritaire, est à deux représentants de la partie des employés et un représentant de la partie patronale. Il peut arriver que, dans certains secteurs... Et si la ministre veut avoir des exemples, en commission parlementaire, j'en ai un certain nombre en tête, actuellement, où les programmes d'équité salariale ont été établis sur une base paritaire ou même dans une situation – excusez le terme – un peu syndicale de rapport de force où la partie patronale a été en mesure, entre guillemets, d'imposer son programme d'équité salariale qui n'aurait pas été celui qui aurait pu être obtenu si le comité d'équité salariale avait été basé sur une base non pas paritaire, mais sur une base de 2-1. Et, là, avec l'article 113, ces entreprises ou ces institutions vont être exclues des corrections éventuelles ou de l'amélioration des corrections qu'elles auraient pu avoir suite à l'équité salariale.

Alors, là, M. le Président, je sais qu'on est ici au début du principe comme tel du projet de loi. La députée de Saint-François, notre porte-parole, a bien rappelé: Nous sommes en faveur d'un loi d'équité salariale, nous croyons qu'il y a des choses à corriger sur les questions d'équité salariale, nous reconnaissons que l'avantage, et l'énorme avantage, parce que ce n'est pas un avantage mineur, hein, c'est qu'il y a actuellement un projet de loi avec – je vais vous le dire tout de suite – 128 articles qui sont soumis à un débat et que ça ouvre le débat sur un projet de loi, ce qui ne veut pas dire que, en commission parlementaire et dans l'étude article par article, nous ne pensons pas que ce projet de loi pourrait être amélioré et qu'il n'atteint pas nécessairement les buts qu'il devrait rechercher pour certains cas. Et très spécifiquement je reviens à l'article 113, M. le Président.

(21 h 50)

Alors, de notre côté, et la députée de Saint-François l'a clairement rappelé, nous allons collaborer à l'adoption d'un projet de loi sur l'équité salariale, nous allons travailler pour qu'un tel projet de loi soit adopté, mais nous aurons trois points qui vont nous guider dans nos critiques. Premièrement, nous sommes sensibles à l'importance, à l'impact sur l'économie québécoise. Autant nous sommes en faveur de l'équité salariale, autant nous sommes aussi responsables de l'impact que ça peut avoir sur l'économie salariale, sur l'économie québécoise, et nous aurions tendance à vouloir amener cette approche à l'équité comme à ce que j'appellerais un terme de somme nulle de manière qu'il y ait une redistribution sans nécessairement augmentation indue. L'«indue» vient de l'augmentation de l'activité économique des masses salariales. Premier point.

Deuxième point, à l'intérieur du projet de loi, nous serions sensibles à la responsabilité, bien sûr, des entreprises face à l'équité salariale, mais aussi à la responsabilité des associations d'employés, c'est-à-dire des syndicats qui ont aussi une responsabilité quant à l'équité salariale, et nous allons nous assurer que, dans le projet de loi, les responsabilités soient clairement partagées entre d'un côté le patronat et de l'autre côté les représentants des salariés.

En troisième point, nous allons plaider, nous plaiderons, et je n'ai pas de solution miracle encore à proposer, mais je plaide que pour les... Et il y a beaucoup de femmes, M. le Président, qui sont employées dans les entreprises de moins de 10 employés. Ce n'est pas satisfaisant pour moi de leur dire: Continuez à être protégées par l'article 19 de la Charte pour atteindre l'équité salariale. Très respectueusement, M. le Président, je crois que cet article 19 a montré, disons, la portée limitée de son efficacité, et nous tâcherons, tout en respectant l'importance sur le plan économique des mesures que l'on recherche, d'accroître la protection pour ces femmes.

Alors, M. le Président, la députée de Saint-François l'a rappelé, nous allons collaborer avec le parti ministériel pour l'adoption de la Loi sur l'équité salariale. Nous aurons des remarques en commission parlementaire. J'espère que la ministre pourra écouter nos remarques, comme elle le fait en général, et nous pensons pouvoir, de concert, bonifier un projet de loi qui est extrêmement important pour la société québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Je pense qu'on pourrait ajourner le débat sur le projet de loi n° 35 et puis passer immédiatement à un débat de fin de séance – il y a un débat de fin de séance qui est prévu – maintenant.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, messieurs dames, je vous prierais de continuer dans l'ordre.


Débats de fin de séance


Aide financière aux étudiants inscrits hors Québec

Nous allons maintenant procéder au débat de fin de séance, antérieurement annoncé, entre M. le député de Verdun et Mme la ministre de l'Éducation – ou son représentant – qui sera représentée, dans les circonstances, par le ministre du Développement régional et ministre des Ressources naturelles. Ce débat portera sur l'aide financière aux étudiants québécois qui étudient hors Québec. M. le député de Verdun et M. le ministre des Ressources naturelles auront chacun un temps de parole de cinq minutes et, enfin, M. le député de Verdun aura droit à une réplique de deux minutes.

Alors, immédiatement, je cède la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. La raison pourquoi nous avons ce débat de fin de séance, c'est suite à une directive, non pas un décret mais une directive, qui a été passée par la ministre de l'Éducation en fonction de l'article 56 de la Loi sur l'aide financière aux étudiants. L'article 56 permet à la ministre de reconnaître les établissements hors Québec pour fins d'accessibilité à l'aide financière, tant sur le plan des prêts-bourses que sur le plan des prêts.

M. le Président, à l'heure actuelle, il y a deux éléments dans la démarche de la ministre: un que nous pouvons concevoir et qui est acceptable de notre point de vue et un qui est totalement inacceptable. La directive de la ministre exclut de l'aide financière les étudiants québécois qui voudraient s'inscrire dans des programmes contingentés dans des institutions hors Québec. Autrement dit, si nous contingentons ici, et c'est la directive de la ministre, on ne peut pas soutenir des étudiants qui voudraient étudier hors Québec dans ces programmes contingentés. Donc, qu'on n'essaie pas actuellement de me répondre sur cette base-là, je ne fais pas de débat sur ceci.

Ce sur quoi, M. le Président, je suis totalement en désaccord, totalement en désaccord, c'est la possibilité pour les étudiants qui veulent étudier au niveau cégep et au niveau du premier cycle universitaire de pouvoir bénéficier du prêt – et, faites attention, on ne parle pas actuellement de prêts-bourses, on parle strictement de prêts – de pouvoir bénéficier du prêt s'ils décident d'étudier dans une université canadienne ou aux États-Unis. Je crois, M. le Président, qu'il ne faut pas ghettoïser le Québec, mais permettre, au contraire, au maximum de gens de pouvoir étudier un peu partout. C'est la meilleure chose pour ouvrir, actuellement, notre point de vue.

Et j'ai énormément de difficultés à comprendre le point de vue de la ministre alors qu'elle se plaignait, à un certain moment, de craindre que des étudiants des autres provinces venaient étudier ici, au Québec, et étaient un poids sur le trésor québécois. Parce que, au point de vue financier, lorsqu'un étudiant québécois étudie en Saskatchewan ou étudie en Colombie-Britannique ou étudie au Nouveau-Brunswick, à l'heure actuelle, c'est l'ensemble des finances de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique ou du Nouveau-Brunswick qui paie, en grande partie, pour les études de cet étudiant.

Deuxièmement, il s'agissait essentiellement d'un programme de prêts qui couvrait à peu près 2 000 personnes, qui était un programme de prêts qui avait un coût virtuellement presque nul, parce qu'un programme de prêts a un coût très léger. Et, sans explication aucune, on empêche à l'heure actuelle, des jeunes Québécois de pouvoir – et qui le désiraient, parce qu'on est quand même dans une situation de liberté – étudier dans d'autres provinces. C'est une vision étroite, étriquée de l'éducation que je ne peux partager, M. le Président, et qui n'était aucunement expliquée, ni justifiable sur des bases financières, ni justifiable sur une base de raisonnement.

Il y a eu une pression de la part du milieu. La ministre a reculé devant la pression et a dit: Bien, tous les gens qui ont fait une demande jusqu'au 30 juin vont pouvoir être traités suivant l'ancien règlement. Bon, ça améliore à moitié la situation. Il n'empêche, M. le Président, qu'on doit, au contraire, d'après moi, dans la mesure des finances et parce que ça coûte moins cher qu'un étudiant québécois aille étudier en Saskatchewan que de rester ici au Québec, par exemple, faciliter au plus haut point la mobilité et le droit fondamental de chacun de pouvoir avoir son éducation où il peut l'avoir. C'est une espèce d'ouverture sur le reste de la société. Et je ne comprends pas et je trouve inacceptable, à l'heure actuelle, ce point de vue du gouvernement de priver ces étudiants de l'aide financière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Je cède maintenant la parole au député de Joliette et ministre responsable du Développement des régions.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président, et, pour l'instant, remplaçant de la ministre de l'Éducation qui était en mission ce soir.

Tout d'abord, M. le Président, nous venons d'avoir un bel exemple de député qui défend un point de vue et, je pense, avec lequel on est capable de parler en lui disant: Je ne le partage point, pour les motifs suivants.

(22 heures)

M. le Président, d'abord, cette mesure ne touche pas du tout les étudiants pour 1996-1997. Aucun. Il s'agit de prévoir, pour l'an prochain, une certaine forme de contingentement à l'aide que l'on attribue aux étudiants qui veulent étudier hors Québec. Un étudiant qui veut étudier hors Québec en troisième ou quatrième cycle universitaire n'est pas touché du tout par cette directive. C'est seulement ceux du premier cycle ou du dernier cycle du cégep. Il le sait très bien, à part ça. Puis quels sont ces étudiants qui sont dorénavant soustraits de l'aide financière au niveau des prêts et bourses? Ce sont des étudiants, M. le Président, qui iraient en dehors parce qu'on a des programmes contingentés ici. En d'autres mots, on limiterait les programmes ici, on dirait: Si tu veux te dérober à cela, va-t'en donc ailleurs étudier dans ces programmes contingentés ici. C'est un peu ça qu'il demande d'appuyer. Donc, M. le Président, ça ne tient pas debout, ça ne résiste pas à l'analyse. Si on fait un programme contingenté ici, on doit absolument, donc, M. le Président, dire aux étudiants: Écoutez, on n'est pas pour payer pour un étudiant qui veut aller étudier ailleurs parce qu'on a un contingentement ici; si on contingente ici, c'est parce qu'on a des raisons de le faire. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième des choses, M. le Président. Si un programme n'est pas offert ici et qu'un étudiant veut aller en dehors, il est admissible aux prêts et bourses en tout temps. Ça, c'est ce qu'on dit très bien dans les directives nouvelles du ministère de l'Éducation. Quoi de plus clair? Quoi de plus correct? Gaspiller notre argent, arriver avec des déficits de 5 700 000 000 $, seuls les libéraux pouvaient faire ça. Mais, nous autres, on doit resserrer la vis. On doit, à ce moment-là, M. le Président, avertir d'avance comment on veut fonctionner, et de façon claire, de façon limpide, de façon correcte. Comment ça va toucher de jeunes, M. le Président? Quatre cents étudiants vis-à-vis de tous ceux et celles qu'on aide, 0,5 %, et voilà la panique chez nos chers amis d'en face. Il ne faut pas se surprendre qu'ils n'arrivaient pas dans leurs prévisions budgétaires. C'était 700 000 000 $, 800 000 000 $ d'erreur ou 1 000 000 000 $. Ça ne marche pas de même, ça. Quand on gère, qu'on administre, on doit avoir des principes, on doit avoir de la rigueur dans la gestion.

Donc, ce qu'on fait, M. le Président, c'est qu'on dit aux étudiants québécois, quelle que soit leur origine, contrairement à ce qui a été dit, quelle que soit leur origine: Si vous voulez aller étudier en dehors parce qu'on n'a pas de programmes ici, vous pouvez le faire et vous serez éligibles aux prêts et bourses; si vous voulez aller étudier en dehors mais parce qu'il y a un programme contingenté ici, on s'excuse, on ne paiera pas. C'est connu d'avance, c'est clair, c'est précis, c'est transparent, c'est visible, et tout le monde peut s'y conformer, M. le Président.

Et, quant à l'aide, si on se compare – nos amis d'en face aiment ça, se comparer – fédéral-provincial, le fédéral n'y va que sous forme de prêts; nous, on y va sous forme de prêts et bourses, M. le Président. Donc, tous les jeunes Québécois, quelle que soit leur origine, dans un programme qui n'est pas dispensé ici, lorsqu'ils veulent aller étudier en dehors, sont admissibles aux prêts et bourses.

Quant au niveau universitaire, deuxième, troisième, quatrième degré, pas de problème. Donc, on dit: Seulement au niveau de la dernière année de cégep puis du premier cycle universitaire, il faudra que ça soit des programmes contingentés si vous voulez être payés. Il me semble que c'est tellement clair, M. le Président, c'est tellement transparent, c'est tellement visible, puis ça touche si peu de monde, qu'on doit mettre de l'ordre dans ça. Je suis convaincu que le député de Verdun – convaincu – s'il s'arrête, s'il réfléchit, s'il devient froid, M. le Président, je suis convaincu qu'il comprendra le bien-fondé de cette directive qui est pour 1997-1998 et qui ne touche même pas les étudiants dans leurs droits acquis pour ce qui est de 1996-1997. Donc, après ces quelques mots, M. le Président, j'ose espérer que, dans son deux minutes, le député de Verdun va nous dire: Vous gérez très bien les finances publiques. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Verdun, vous avez une réplique de deux minutes.


M. Henri-François Gautrin (réplique)

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je comprends que ce n'est pas son dossier, mais je dois dire que le ministre – et je comprends qu'il remplace la ministre au pied levé – mais il se trompe. Il se trompe et il ne connaît pas bien le dossier. Bien sûr, il y a toute la question des programmes contingentés, et, volontairement, M. le Président, si vous vous rappelez, je les ai instruits de mon intervention.

La base, à l'heure actuelle: c'est les gens qui ne vont pas dans les programmes contingentés, qui veulent aller étudier dans les programmes non contingentés – on s'entend bien là-dessus – et qui veulent étudier au premier cycle universitaire et au cycle de cégep, qui, jusqu'à maintenant, étaient admissibles aux prêts, et ça touche 2 000 personnes pour le moment... Il y en a 1 250 qui sont au niveau du premier cycle universitaire, il y en a à peu près 750 au niveau du cégep. Ce n'est pas 480, c'est à peu près 2 000 personnes à ce niveau-là.

À l'heure actuelle, de ne pas leur permettre, parce que ça a un coût budgétaire virtuellement nul... Je crois, au minimum, le ministre l'a reconnu, ça a un coût budgétaire virtuellement nul; et, au contraire, même, ça va alléger les finances publiques. Cette décision de ne pas permettre à ces gens-là de pouvoir étudier un peu partout, je ne la comprends pas. Et qu'on n'essaie pas de mélanger les choses. On ne parle pas ici des programmes contingentés. Il faut bien être clair, M. le Président, on ne parle pas des programmes contingentés. C'est la deuxième partie de la directive de la ministre en fonction de l'article 56 de la loi que je critique extrêmement «virulemment», actuellement, parce que c'est une perception, une manière de se refermer sur soi-même, de ne pas s'ouvrir et de permettre aux gens d'aller étudier où ils sont... Et je suis sûr que le gouvernement, qui a déjà reculé en permettant, aujourd'hui, aux gens qui l'ont demandé, avant le 30 juin, d'être traités comme l'année précédente, va probablement abolir cette question-là, parce que ça n'a aucun bon sens. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, le débat pour la journée étant terminé, j'ajourne les travaux au mercredi 29 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 7)