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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le lundi 3 juin 1996 - Vol. 35 N° 29

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires courantes

Nous allons entreprendre les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Il n'y a pas de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents. Il n'y a pas de dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission des affaires sociales.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 116

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 16, 21, 22 et 23 mai 1996 afin de procéder à des consultations particulières et tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Je vous avise qu'après la période des questions et réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de censure présentée par M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Frontenac, le 30 mai 1996.


Questions et réponses orales

Alors, nous sommes à la période de questions et réponses orales des députés. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait m'informer, vu que nous n'avons pas été prévenus de son absence, si le ministre de la Santé et des Services sociaux sera présent à la période des questions?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, comme j'avais avisé le leader de l'opposition officielle avant la période des questions, le premier ministre est présentement à New York, pour la raison que nous connaissons, il rencontre des gens d'affaires. Mme la ministre de la Culture est présentement à Montréal pour préparer la visite prochaine du premier ministre de la France. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce est à Montréal pour l'inauguration du centre d'appels de Glaxo et une conférence de presse qui porte sur le dévoilement des applications en bioremédiation des sols contaminés. Alors, je pense que c'est un motif qui est tout à fait acceptable.

Maintenant, quant à la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts, elle devrait être en retard un peu. J'avais prévenu, à ce moment-là, le leader de l'opposition. Quant aux autres ministres, ils devraient tous être là.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le leader du gouvernement. Alors, je suis prêt à entendre la première question. M. le député de Robert-Baldwin, première question principale.


Portée du pouvoir réglementaire du projet de loi sur l'assurance-médicaments

M. Marsan: Oui, M. le Président. Rien ne va plus dans la façon d'implanter un régime d'assurance-médicaments universel. D'abord, le ministre ne peut dire avec exactitude aux contribuables combien cela va leur coûter, puisque les règlements ne sont pas déposés. Alors, d'un côté, le ministre nous dit que, pour une prime familiale, ça pourrait coûter 350 $; de l'autre côté, les assureurs privés nous disent: Non, ça va coûter 600 $. D'un côté, le ministre nous dit que, pour une prime individuelle, ça va coûter 176 $; de l'autre côté, les assureurs privés nous disent: Non, ça va coûter 230 $, M. le Président.

Conscient du risque élevé d'erreurs qui auraient pu se glisser lors de l'élaboration trop rapide du projet de loi n° 33, on découvre à l'article 118 que le ministre prévoit, et je cite: «Le gouvernement peut, par règlement, prendre [...] toutes autres dispositions transitoires permettant de suppléer à toute omission» dans le projet de loi. Le ministre présente un projet de loi, et il prévoit déjà qu'il va oublier des éléments importants dans son projet de loi.

M. le Président, ma question: Est-ce que le ministre de la Santé entend déposer ses règlements avant l'adoption du projet de loi?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je voudrais d'abord rappeler, pour garder les faits précis et clairs, qu'on a entendu un groupe de représentants d'assureurs qui nous ont dit qu'effectivement, selon leurs calculs, en ce qui regarde les primes des polices individuelles pour la famille, pour une prime familiale, leurs calculs les amènent à penser qu'ils doivent rajouter des frais d'administration de l'ordre de 30 %, ou un peu plus, aux paramètres proposés par le gouvernement, ce qui augmente le coût de la prime. Mais, pour la prime individuelle, leur calcul n'est pas de 230 $, moi, j'ai vu 205 $. À 205 $, ils nous disent, en plus, en commission parlementaire que le prix du marché va faire baisser le 205 $, donc que la police individuelle va être disponible autour de 190 $ ou quelque chose comme ça pour un individu, ce qui est dans le créneau qu'on avait annoncé: entre 175 $ et 200 $.

Pour la prime familiale, leurs calculs vont au-delà du créneau qu'on avait annoncé, autour de 350 $ à 400 $. Là, il y a une évaluation différente. Je l'ai dit, on a demandé – et c'est parti – une expertise externe autonome qui est faite cette semaine, parce que, dépendant des postulats qu'on fait dans ces estimations-là, on arrive à des différences comme ça sur la valeur, le risque possible pour les frais administratifs.

On est dans un processus législatif, on est en commission parlementaire, on va entendre encore 25 groupes, je pense, cette semaine. Il y en a déjà 25 qui sont venus; il y en a un peu plus cette semaine qu'on va entendre. J'écoute très attentivement les différentes facettes de ce qu'on nous a présenté. Comme je l'ai dit, le gouvernement a un objectif très clair: on vise les paramètres qu'on a déjà annoncés, on a des scénarios alternatifs qui sont à l'étude, et je suis très confiant qu'on va y arriver. Et c'est ce qui fait...

Le Vice-Président (M. Brouillet): En conclusion, M. le ministre.

M. Rochon: ...que, dès qu'on aura fini les audiences en commission parlementaire, lorsqu'on arrivera à étudier le projet de loi article par article, on déposera les règlements, de sorte que toute l'information sera disponible pour l'étude du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député, en complémentaire.

M. Marsan: Oui. Je voudrais savoir si j'ai bien compris, M. le Président. Est-ce que le ministre s'engage devant cette Assemblée et devant la population à déposer les règlements, donc à ce que, tous les contribuables, nous sachions combien ce régime va vraiment coûter? Est-ce que c'est l'engagement du ministre aujourd'hui?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

(14 h 10)

M. Rochon: M. le Président, je ne sais pas si tous, tous, tous les règlements prévus par la loi seront complètement terminés, mais les règlements les plus importants pour bien comprendre comment va fonctionner ce régime sont à peu près complétés. Et, selon les informations que j'ai, à moins qu'il y ait vraiment des complications imprévisibles à ce stade-ci, au moment où on se parle, l'essentiel des règlements va être prêt, va être disponible, de sorte que le législateur, en commission, aura toutes les informations nécessaires pour étudier le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le leader de l'opposition...

M. Paradis: Oui. Une simple additionnelle au ministre de la Santé: Est-ce que le ministre...

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...en complémentaire.

M. Paradis: Oui. Est-ce que le ministre de la Santé, qui nous indique qu'il vient de commander une étude pour vérifier ces coûts, qu'il reste encore 25 groupes à entendre au niveau de la commission parlementaire, peut prendre l'engagement devant cette Assemblée nationale, compte tenu qu'il reste à peine 15 jours de travaux avant l'ajournement estival, de ne pas bousculer l'Assemblée nationale et de faire en sorte qu'un projet de loi aussi important, avec des impacts fiscaux aussi importants sur l'ensemble des citoyens du Québec... de ne pas bousculer et de ne pas demander à son leader d'adopter ce projet de loi en suspendant les règles de la démocratie et les règles de l'Assemblée nationale?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Il faut se rappeler qu'on est en bout de piste d'un travail qui dure depuis plus de deux ans, où toutes les étapes ont été franchies: comités, expertises, études de faisabilité, discussions avec les partenaires éventuels. On est en bout de piste, et ce long processus de deux ans a permis de dégager plusieurs scénarios alternatifs qui ont amené à faire une proposition. Et, dépendant de la réaction qu'on a, des commentaires, des suggestions, on a tout ce qu'il faut comme bagage de scénarios alternatifs pour faire les ajustements. Et je suis très confiant, M. le Président, que, après avoir entendu tout le monde, après avoir bien analysé et décodé ce qu'ils nous disent, au besoin, on pourra choisir, parmi les options alternatives qu'on peut considérer, comment on fait l'ajustement final. Il s'agit de faire l'ajustement final, et, moi, je demeure convaincu que, avec un minimum de collaboration de l'opposition, on ne devrait pas avoir de problèmes pour adopter ce projet de loi et le faire rapidement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey, pour une principale.

M. Mulcair: Non, en complémentaire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une complémentaire? Très bien. Une autre complémentaire, M. le député.

M. Mulcair: Si nul n'est censé ignorer la loi, est-ce que le ministre de la Justice et Procureur général du Québec peut nous expliquer l'article 118 du projet de loi sur l'assurance-médicaments qui permet à la bureaucratie et à la machine gouvernementale de modifier rétroactivement la loi adoptée par l'Assemblée nationale du Québec? Et est-ce qu'il y a des précédents à ça que le ministre de la Justice peut nous citer?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, je dois confesser que je ne connais pas la teneur de l'article 118. Peut-être que, si on pouvait me le citer, je pourrais en évaluer la portée. Mais je prends note de la question et je répondrai à la prochaine séance des questions.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Une autre complémentaire, M. le député de Chomedey?

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Puisque, pour la première fois, justement, le ministre de la Justice n'est pas le président du Comité de législation, est-ce que le président du Comité de législation et député de Joliette peut nous dire si, lui, il connaît des précédents d'un pouvoir habilitant dans une loi le gouvernement à faire rétroactivement des règlements pour venir modifier la loi dûment adoptée par l'Assemblée nationale du Québec?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que je pourrais peut-être inviter le député de Chomedey à se rendre en commission parlementaire pour faire l'étude article par article du projet de loi? Et, à ce moment-là aussi, le député de Chomedey est en train de demander une opinion juridique, chose qu'on ne peut demander à un membre du Parlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, vous avez, en tant que gouvernement, le loisir de répondre ou non aux questions.

Une voix: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous jugez de reporter ou de référer la question à plus tard, c'est à vous de l'indiquer. Alors, M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: Oui. M. le Président, nous avons étudié le projet de loi au Comité de législation. Nous étions conscients de ce que nous faisions. Nous avons voté, en toute connaissance de cause, l'adoption de ce projet de loi, qui doit faire maintenant l'objet, par les parlementaires, d'une étude détaillée article par article.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous revenons à une autre question principale. M. le député de Jacques-Cartier.


Financement de nouvelles places en garderie à but lucratif

M. Kelley: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 11 sur les services de garde est en train de créer beaucoup d'incertitude dans le milieu des garderies à but lucratif. Les gens du milieu des garderies se posent plusieurs questions quant à l'impact de la décision de la ministre de mettre fin à tout développement dans ce secteur.

Par exemple, qu'est-ce qui arrivera aux parents et aux enfants des 85 garderies existantes qui ne sont pas admissibles au financement? Est-ce qu'on va consulter ces parents avant qu'on décide d'abandonner ces garderies, qui offrent un service régi et de qualité à 3 000 enfants par jour? Est-ce qu'on va entendre en commission parlementaire les femmes qui ont investi des sommes importantes pour réaliser leur rêve de créer un service de garde?

Ma question à la ministre: Avant de procéder à l'étude de cette loi, est-ce que la ministre a l'intention d'entendre les services de garde et les parents qui seront touchés par ce projet de loi?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: M. le Président, j'ai l'impression que c'est le député de Jacques-Cartier qui crée plutôt de l'incertitude auprès de ces gens...

Des voix: Ah! Ah!

Mme Marois: ...puisque les choses sont très claires. Le projet de loi n° 11 prévoit qu'effectivement le financement pour les nouvelles places en services de garde sera réservé aux garderies dirigées, contrôlées, administrées par les parents. Les garderies à but lucratif pourront obtenir des permis si elles se conforment, évidemment, au règlement. Cependant, elles ne pourront pas être subventionnées. Les garderies à but lucratif existantes continueront de recevoir des subventions puisqu'il y a, à cet égard, un engagement de pris à leur endroit.

Le dernier élément d'information, M. le Président, j'ai déjà rencontré les représentants et les représentantes de l'ensemble des services de garderie du Québec, dont les garderies à but lucratif, et je les ai informés que je n'avais pas d'objections à ce qu'on prenne un temps pour les entendre sur le projet de loi n° 11.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la ministre. M. le député de Jacques-Cartier, pour une complémentaire.

M. Kelley: Est-ce que la ministre est consciente qu'il y a 85 garderies existantes aujourd'hui qui ne sont pas admissibles au financement, qui représentent un service de qualité pour 3 000 enfants? Et est-ce que ces garderies vont être protégées par sa clause grand-mère?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, nous avons, l'année dernière, le 29 mars, décrété un moratoire, qui avait cours pendant un an, quant à l'émission de permis. À l'occasion de ce moratoire, il avait été entendu avec l'ensemble des services de garde au Québec – et je les avais informés de ce fait – que nous réviserions la politique de financement des services de garde. Ce à quoi nous avons procédé, ce qui a donné lieu au projet de loi qui a été déposé devant les membres de cette Assemblée, M. le Président. Et, à ce moment-là, il avait été bien entendu que les personnes qui ouvriraient des services de garde les ouvriraient dans un... C'est-à-dire, lorsqu'elles ouvriraient des services de garde, s'appliqueraient les nouvelles mesures ou normes que nous adopterions. Il n'y avait donc aucun engagement, M. le Président, à l'égard de ces personnes, qui ont pris, comme cela arrive dans des entreprises, un risque en mettant en place une telle entreprise.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. M. le député de D'Arcy-McGee, en complémentaire.

M. Kelley: En complémentaire. Je parle des garderies qui existaient avant le moratoire. Alors, est-ce que les garderies qui existaient avant le 29 mars 1995 sont protégées par la clause grand-mère, oui ou non?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre, une minute s'il vous plaît. Une petite minute, s'il vous plaît. Je dois corriger. J'ai indiqué tantôt: En complémentaire, M. le député de D'Arcy-McGee, mais c'était M. le député de Jacques-Cartier. Je m'excuse. Alors, Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Les garderies qui existaient mais qui n'étaient pas subventionnées ne le seront pas davantage, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Report de l'étude du projet de loi sur l'équité salariale

M. Chagnon: Merci. Est-ce que la ministre de l'Emploi peut nous dire si elle est d'accord avec la nouvelle position du premier ministre à l'effet de reporter l'étude du projet de loi sur l'équité salariale à la fin de l'été, ou, même, ce sera peut-être à l'automne?

(14 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, je veux d'abord remercier l'opposition pour cette première question depuis le dépôt du projet de loi sur l'équité salariale en Chambre le 15 mai dernier. En fait, je les félicite pour cet engouement pour l'équité salariale. Ça m'apparaît un engouement soudain. Ceci dit, je reprends l'engagement du gouvernement, qui reste ferme. J'ai la garantie formelle du premier ministre que la Loi sur l'équité salariale sera une réalité au Québec dès la présente année 1996.

Des voix: Bravo!

Mme Harel: Le vice-premier ministre a un complément de réponse, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances, vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Oui. C'est pour faire une mise au point élémentaire à la suite de la question du député. Il ne s'agit pas d'une décision du premier ministre, il s'agit d'une décision du Conseil des ministres, et le premier ministre m'a bien demandé de rappeler le processus décisionnel si jamais une question était adressée dans ce sens. Comme l'a très bien dit la ministre, c'est une loi fondamentale pour le gouvernement, il y tient. Il est le deuxième gouvernement occidental à en proposer une: l'Ontario et le Québec. Tardifs dans leur question sur l'équité, ceux qui nous ont précédés l'avaient été sur le fond aussi. Ils ont eu 10 ans pour présenter une législation aussi courageuse; ils ne l'ont pas fait. Nous l'avons fait, le premier ministre et le Conseil veulent que cette loi soit la plus consensuelle possible, c'est pourquoi une commission parlementaire entendra toutes les parties, la raffinera davantage et donnera encore plus d'équité aux femmes du Québec après ce travail de consultation.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le vice-premier ministre. Mme la députée de Saint-François, en complémentaire.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Le gouvernement étant le champion des volte-face, est-ce que le ministre des Finances peut nous dire pourquoi la commission parlementaire n'est pas tenue immédiatement, comme l'avait prévu le gouvernement, puisque l'opposition était prête à commencer les travaux immédiatement cette semaine?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Il n'y a aucune volte-face. Le gouvernement s'est engagé à déposer une loi, il l'a fait. Elle est devant nous. Des consultations ont été faites, dont le leader pourra parler d'une façon plus technique, pour former une sous-commission afin que les travaux se poursuivent, ce que l'opposition, me dit-on, a refusé, de toute manière. De toute manière, que l'opposition ne se sente coupable de rien, les listes qui ont été déposées...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le vice-premier ministre. S'il vous plaît, je vous inviterais à être silencieux durant la période, quitte à venir en complémentaire par la suite. M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Je le redis, notre leader fera les développements techniques de cette affaire. Mais, au-delà de toute technique, nous nous sommes rendu compte, et c'est le premier ministre lui-même qui a été assailli de demandes de participation aux consultations sur ce projet de loi fondamental, demandes qui débordaient les listes du gouvernement et de l'opposition. Alors, si le Conseil des ministres n'avait pas pris cette position, nombre de Québécois et de Québécoises qui voulaient être entendus et qui le seront au mois d'août ne l'auraient pas été, ce qui est contraire à l'esprit de concertation dans lequel cette loi doit être adoptée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le vice-premier ministre. Mme la députée de Saint-François, en complémentaire.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, sachant que la ministre n'a jamais eu l'appui du ministre des Finances dans ce dossier, qu'est-ce que la ministre répond à la Coalition des femmes contre la pauvreté, qui réalise, encore une fois, que le gouvernement les a trompées? Et que répond-elle pour donner suite à leur déception, et je cite: «Bien sûr, le gouvernement continue à discourir sur la compassion, l'équité et la solidarité, mais que valent les mots quand les gestes disent le contraire?»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je pense bien que je n'ai pas à leur répondre parce qu'elles savent très bien que, pendant les neuf ans où l'opposition a été au gouvernement, l'opposition est restée complètement sourde à la demande d'équité salariale, malgré une pétition de 65 000 signatures favorables à une loi proactive, en 1991, malgré un rapport d'une consultation publié suite à l'étude de la Commission des droits de la personne, en 1992, qui recommandait l'adoption d'une telle loi, malgré neuf années de plaintes déposées devant la Commission des droits de la personne.

Alors, ce que je leur réponds, M. le Président, c'est qu'il y a un projet de loi qui est déposé devant l'Assemblée, que l'engagement du gouvernement est ferme et que cette loi sur l'équité salariale sera une réalité au Québec dans la présente année 1996.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre d'État.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, la ministre reconnaît-elle que c'est le gouvernement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Saint-François, en complémentaire.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. La ministre reconnaît-elle que c'est le gouvernement du Parti libéral qui a mis en place les programmes d'accès à l'égalité, d'obligation contractuelle et de relativité salariale et qu'il ne s'est pas engagé, comme le gouvernement actuel, lors de la campagne électorale, lors de la marche des femmes «Du pain et des roses» et lors du discours inaugural pour acheter le vote des femmes la veille du référendum?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, à cette série d'interventions en faveur de l'égalité dont s'enorgueillit Mme la députée de Saint-François s'ajoutera celle sur l'équité salariale dont s'enorgueillira le présent gouvernement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour une principale.


Fermeture de la Maison de naissances du CLSC Le Norois, à Alma

M. Copeman: Merci, M. le Président. En 1990, le gouvernement libéral, par l'adoption de la loi 4, annonçait la mise sur pied de huit projets-pilotes autorisant la pratique des sages-femmes au Québec. Grâce à la mise sur pied de ces maisons des naissances, mon épouse et moi-même, comme des milliers d'autres Québécoises et Québécois, avons pu apprécier les aspects positifs de cette nouvelle pratique, il y a un an, lorsque ma fille a vu le jour à la maison des naissances de Côte-des-Neiges. Nous y avons vécu une expérience très enrichissante. C'est pourquoi il est malheureux que l'on ait assisté dernièrement à la fermeture d'une des maisons des naissances.

Comment le ministre explique-t-il la fermeture de la maison des naissances d'Alma?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, le projet de loi qui prévoyait la création de maisons des naissances est un projet de loi qui prévoyait un nombre limité – sept ou huit – de maisons des naissances dans le cadre d'un projet-pilote qui est en évaluation, et on doit, au plus tard à la fin de 1998, je pense, avoir les résultats de l'évaluation et pouvoir prendre une décision à savoir si on continue de développer un réseau de maisons des naissances et, si oui, dans quelles conditions.

Comme il s'agit d'un projet expérimental pour l'évaluation des conditions dans lesquelles peut se développer cette pratique, il y a des critères très, très, très précis en ce qui concerne le nombre de sages-femmes qui doivent être actives à la maison, la formation des sages-femmes et tout le fonctionnement clinique et administratif de la maison des naissances.

Or, dans le cas de la maison à Alma, au CLSC Le Norois, le problème s'est présenté surtout en ce qui regardait le nombre de sages-femmes avec une formation complète qui pouvaient être là pour assurer le fonctionnement de la maison des naissances. Il y a eu évaluation faite par le comité d'évaluation des projets qui a recommandé au ministre d'abord de suspendre. J'ai d'abord décidé, sur leur recommandation, de suspendre et de voir comment on pouvait compléter le personnel et s'assurer d'un fonctionnement en toute sécurité. Ça s'est avéré impossible, dans les délais actuels, par le manque de sages-femmes qui pouvaient aller pratiquer à cet endroit. Alors, pour la sécurité du public, en tant que responsable de la santé publique, j'ai pris la décision, après avoir consulté toutes les parties impliquées, qu'il était préférable de suspendre les activités indéfiniment, de fermer la maison pour le moment et de voir...

Le Vice-Président (M. Brouillet): En conclusion, M. le ministre.

M. Rochon: Quand j'aurai le rapport préliminaire à la fin de juin 1997, ça nous permettra peut-être, en avant du temps prévu, en 1998, de commencer à prendre des décisions soit pour redévelopper un projet là-bas dans des bonnes conditions ou pour s'orienter autrement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en complémentaire.

(14 h 30)

M. Copeman: Puisque le bon fonctionnement des maisons des naissances dépend de la disponibilité des sages-femmes et que seulement 39 des 49 sages-femmes accréditées au Québec au début du processus sont en pratique présentement au Québec, qu'est-ce que le ministre entend faire pour accréditer d'autres sages-femmes, pour permettre l'évaluation et d'aller jusqu'au bout dans les projets-pilotes pour toutes les femmes et tous les hommes qui en ont besoin?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, effectivement, le point le plus difficile, c'est le nombre de sages-femmes qui ont une formation et qui peuvent pratiquer dans les maisons des naissances. Mais il s'agit, on se comprend bien, d'un projet-pilote avec un nombre limité d'endroits. Et c'est pour ça que le rapport préliminaire qui nous sera donné en juin 1997, donc une année avant la fin du projet-pilote qui a été prévu par la loi 4 à laquelle on a fait référence... On va pouvoir probablement, sur la base de ce rapport progrès, en juin prochain, voir si l'orientation est dans le sens de continuer le développement de maisons des naissances. Et, si ça s'oriente dans ce sens-là, avec une assez bonne probabilité, là, ce qu'il faudra faire, c'est mettre en place des programmes de formation de sages-femmes. Mais on ne peut pas lancer des programmes de formation de sages-femmes avant d'avoir pu décider, sur la base de l'expérimentation, que c'est un réseau qu'on va développer. Alors, on est un peu coincés pour travailler avec le nombre de sages-femmes qui existent présentement. Et toutes celles qui existaient, qui avaient une formation, qui ont voulu passer des examens, ont pu se présenter et, même, ont eu quelques examens de reprise pour s'assurer qu'on a l'équipe. Alors, l'équipe est complète, et on ne peut pas la développer avant d'avoir décidé si on va continuer ce type de service.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.

Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en complémentaire.

M. Copeman: Mais est-ce que le ministre ne reconnaît pas que, si le gouvernement du Parti québécois voulait, il pourrait dès maintenant procéder à l'accréditation des nouvelles sages-femmes qui sont dans le bassin? Il y en a assez pour procéder à une accréditation nouvelle. Il y a un manque, simplement, de volonté de la part du gouvernement de le faire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, c'est une loi qui détermine les conditions du fonctionnement du projet-pilote. Alors, en vertu de la loi, il y a d'abord eu examen et formation de recyclage et examen pour toutes les sages-femmes qui existaient et qui voulaient se présenter pour le projet-pilote. Les huit maisons ont été mises en opération, et c'est un projet qui fonctionne pour en permettre l'évaluation. On n'est pas dans des conditions de développer un nouveau réseau, c'est un projet d'expérimentation qui est en cours, dans des règles très strictes et déterminées par une loi. Alors, on va rigoureusement suivre ce que la loi veut. Et on a même accéléré, grâce à la collaboration du comité d'évaluation, les rapports intérimaires qui peuvent nous permettre de nous préparer à prendre des décisions le plus rapidement possible. Procéder autrement, ce ne serait pas respecter la loi que l'Assemblée nationale a votée, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. le député de l'Acadie, c'est bien ça. M. le député de l'Acadie.


Implication de M. Yves Duhaime dans la vente de MIL Davie au Groupe Cedar

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Le ministre des Finances annonçait récemment qu'il y avait une entente de principe sur la vente de MIL au Groupe Cedar. Il mentionnait alors qu'il ne restait que quelques espaces blancs à combler avant de conclure cette vente dans laquelle le gouvernement devra injecter plusieurs dizaines de millions de dollars, payés par les contribuables québécois.

Dans ce contexte, M. Yves Duhaime, ancien ministre péquiste et président du Conseil de la souveraineté lors du dernier référendum, aurait touché une commission de quelque 750 000 $.

Est-ce que le ministre des Finances pourrait nous dire quelle a été l'implication précise de M. Duhaime dans le dossier MIL et confirmer si ce dernier a bel et bien reçu quelque 750 000 $ pour son implication dans le dossier?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): C'est vrai que j'avais répondu, la semaine dernière, qu'il y avait quelques espaces blancs à combler dans le contrat. Ces espaces l'ont été. Il y avait eu une entente de principe, la négociation a continué, une signature finale est arrivée. Et, demain, nous annoncerons en conférence de presse les tenants et aboutissants de la conclusion de cette heureuse transaction qui va permettre au chantier de revivre, de créer de l'emploi, d'être l'objet d'une injection massive de capitaux.

Quant au conseiller utilisé par le gouvernement du Québec, il s'agit d'une firme privée à laquelle M. Yves Duhaime n'est pas associé. Je n'ai jamais entendu mentionner que M. Yves Duhaime ait fait quelque prestation pour le gouvernement du Québec ou de ses agences. Je sais, par ailleurs, qu'il est un des conseillers de Cedar Group, et j'imagine que Cedar Group paie ses propres conseillers, ce qui est normal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. le député de l'Acadie, pour une complémentaire.

M. Bordeleau: Oui. Est-ce que le ministre des Finances peut nous dire si le choix et l'implication de M. Duhaime dans le dossier MIL ne sont que pure coïncidence et n'ont absolument rien à voir avec un retour d'ascenseur pour sa participation à la campagne référendaire?

Une voix: Eh oui!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre d'État des Finances et de l'Économie.

M. Landry (Verchères): M. Yves Duhaime a été membre de cette Assemblée et du Conseil des ministres, il a été même ministre des Finances. Il a servi le Québec pendant 10 ans, et mes collègues qui l'ont connu ici ont vu que jamais dans cette Chambre il n'a tenté de salir quiconque ou de faire des insinuations malveillantes. C'est un parfait gentilhomme dont l'exemple devrait être suivi. Je vois qu'on opine du bonnet, de l'autre côté, et j'espère que son exemple devrait être suivi.

Par ailleurs, il n'est plus membre du gouvernement depuis plus de 10 ans. Le député de l'Acadie, lui, n'a jamais été membre du gouvernement. Mais, s'il advenait qu'il ait été membre du gouvernement, est-ce que, 10 ans après, il aurait le droit de gagner honnêtement sa vie sans qu'on fasse d'insinuations injurieuses à son sujet?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État des Finances et de l'Économie. M. le député de LaFontaine, en principale?

M. Gobé: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Principale.


État des négociations dans le secteur de la construction résidentielle

M. Gobé: M. le Président, en février 1995, le gouvernement convoquait le Parlement d'urgence afin d'adopter la loi 46, loi qui devait permettre aux parties en conflit dans la construction de pouvoir négocier et de régler de gré à gré leurs différends. Le 15 mars dernier, suite à des violences, à des désordres et à des manifestations sur la voie publique, le gouvernement décidait, devant l'échec de la loi 46 à cette époque, de créer un comité de médiation afin de trouver une solution à ce conflit. Nous sommes aujourd'hui le 3 juin 1996 et aucune solution n'a été trouvée. Au contraire, les parties, en commençant par les parties syndicales, déclarent que les mécanismes prévus par la loi 46 n'ont pas fonctionné et ne permettent pas un règlement. La partie patronale déclare: Les problèmes majeurs découlant de certaines dispositions de la loi 46 ne permettent pas de régler le conflit dans la construction.

Devant cette unanimité tant patronale que syndicale de l'échec de la loi 46 adoptée, je le rappelle, de toute urgence avant le référendum par le gouvernement, qu'est-ce que le ministre du Travail entend faire pour permettre aux parties de retourner négocier et de trouver un règlement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, il est peut-être important que les parlementaires apprennent que, dans les trois grands secteurs de l'industrie de la construction, grands travaux, industriel, les parties sont à la table et négocient au moment où l'on se parle. Ça, c'est une bonne nouvelle!

Quant au secteur résidentiel, M. le Président, vous avez sans doute remarqué – peut-être que le député de LaFontaine lit les journaux la tête en bas...

Une voix: Hé!

M. Rioux: ...que les syndicats ont souhaité retourner à la table de négociation. Les syndicats, comme il vient de le dire, ont souhaité retourner à la table de négociation et, la semaine dernière, l'APCHQ faisait de même, tant et si bien qu'à l'heure présente les parties syndicale et patronale dans le secteur résidentiel sont en train d'examiner le mécanisme qui va les ramener à la table. Ça, c'est la réalité et ça devrait réjouir le député de LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre du Travail. M. le député de LaFontaine, en complémentaire.

M. Gobé: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient qu'en parlant des autres secteurs il emmène les députés dans une fausse direction? La question... Et le problème est le suivant: les parties syndicale et patronale... La construction et la médiation sont un échec, selon le côté syndical. Et, selon l'APCHQ, soit les patrons, le ministre réfléchit bêtement tout haut. Voilà le constat et voilà le rapprochement dont il nous parle.

(14 h 40)

La vraie question est la suivante...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Non, c'est pour la prochaine que j'interviens, là, c'est pour ceux qui vont venir plus tard: faire attention, ne pas abuser de ce qui semble être des préambules en période complémentaire. M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: La question, M. le Président, est la suivante: En dehors des considérations philosophiques du ministre, qui, à chaque fois, ont amené des problèmes, qu'est-ce qu'il entend faire rapidement pour faire en sorte que les parties se retrouvent à la table de négociation et qu'entend-il faire pour retrouver sa crédibilité?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, on est ici face à un système de négociation qui a été voulu par les parties. Les parties, dans l'industrie, ont voulu récupérer leur instrument leur permettant de régler eux-mêmes leurs problèmes. On sait aussi, et je pense que ce n'est une nouvelle pour personne, qu'en 1987 il se bâtissait à peu près 75 000 maisons dans le secteur résidentiel, et aujourd'hui, c'est 22 000. Donc, c'est un secteur qui est fragile, c'est un secteur qui est extrêmement fragile, et c'est pour ça, l'attitude du gouvernement découlant du sommet du printemps dernier: il a décidé que, dans ce secteur-là comme dans bien d'autres, on essaierait de responsabiliser les principaux acteurs. Je répète qu'au moment où on se parle, dans l'industrie de la construction, non seulement ça ne va pas si mal que le prétend le député de LaFontaine, mais ça va même relativement bien. Et, pour utiliser une expression du chef de l'opposition, tout le reste n'est que claquage de mâchoires.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre du Travail. M. le député de LaFontaine, pour une autre complémentaire.

M. Gobé: Oui, M. le Président. Est-ce que, devant le constat de la partie syndicale en date du 29 mai et de la partie patronale en date de la même date, du fait que la loi 46 ne fonctionne pas, tel qu'envoyé dans le courrier au ministre, est-ce qu'il va enfin prendre conscience que cette loi ne correspond pas aux besoins des parties et s'engage-t-il à travailler pour faire en sorte de faire changer cette loi-là, permettre aux parties de se retrouver à une table de négociation à forces égales?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député. M. le ministre du Travail.

M. Rioux: Le député de LaFontaine est très nerveux. Il n'avait jamais parlé à des syndicats de sa vie, puis, depuis quelques jours, il parle à des syndicats puis ça l'énerve. On dirait qu'il a de la difficulté à traduire convenablement sa pensée. Ce que je lui dis et lui répète, ce que je lui dis, c'est que non seulement ça va relativement bien, mais c'est qu'on met tout en oeuvre pour en arriver à un règlement négocié. Ce qu'aimerait le député de LaFontaine, c'est que ça aille mal et qu'on soit obligé de procéder par législation, ce qu'ils avaient l'habitude de faire, eux autres. Et, en plus, M. le Président, quand il évoque la loi 46, c'est avec cette loi-là qu'on a corrigé vos erreurs, quand vous avez voté la loi 142. Vous devriez être heureux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre du Travail.

M. Gobé: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de LaFontaine, en complémentaire.

M. Gobé: ...est-ce que le ministre est conscient que ce qui énerve les parties et les citoyens, c'est que, le 1er juillet, il y a des citoyens qui doivent prendre possession de leur maison et qu'elle ne sera pas construite? Voilà ce qui énerve les citoyens, pas le député de LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre du Travail.

M. Rioux: C'est conscients de ces impératifs, M. le Président, qu'on accélère, qu'on aide et qu'on incite les parties à négocier. C'est pour éviter ce dont le député de LaFontaine vient de parler. Et j'espère qu'on a le même optimisme, c'est qu'on en arrive à un règlement. C'est ce que tout le monde souhaite, y compris les syndicats puis y compris les patrons. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre du Travail. M. le député de Richmond, en principale.


Prolongation de l'entente avec la corporation de l'école de Saint-Lucien, dans la région de Drummondville

M. Vallières: En principale, M. le Président. Le 25 avril dernier, la ministre de l'Éducation acceptait de prolonger l'entente entre la corporation de l'école de Saint-Lucien et le ministère de l'Éducation pour l'année 1996-1997, l'école de Saint-Lucien étant ce qu'il est convenu d'appeler maintenant l'expérience de l'école du ministre, héritage du député de Lévis. Cette décision de la ministre, pour prendre son sens véritable, doit, comme elle le sait, être accompagnée d'une aide financière adéquate.

Est-ce que la ministre confirme à cette Chambre qu'elle se prépare à accorder une aide financière se situant aux environs de 2 300 $ par élève, alors que les besoins identifiés par la corporation de l'école de Saint-Lucien se situent plutôt à près du double, soit 4 100 $ par enfant?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Je note la question, M. le Président. Je vais vérifier quant à la hauteur des chiffres, parce que je n'ai ni le dossier avec moi ni en mémoire les données exactes. Je reviendrai dès que possible pour répondre à cette question.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la ministre. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. M. le Président, est-ce que la ministre, qui a déclaré il y a quelques jours, au sujet des écoles de la ministre, qu'elle n'était pas une femme au double langage, a l'intention d'être conséquente avec sa décision de maintenir l'école de Saint-Lucien ouverte et de lui en fournir les moyens financiers, plutôt que d'essayer, possiblement, de l'étouffer financièrement afin de lui permettre un retour forcé dans la commission scolaire?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, on sait qu'il s'agit d'expériences qui se sont faites dans un certain nombre de commissions scolaires quant à l'implantation ou à la conservation de ces petites écoles.

On est actuellement dans un exercice qui mobilise beaucoup de réflexion autour des questions de l'éducation, par l'intermédiaire des états généraux. J'ai demandé d'ailleurs aux états généraux et à leurs représentants de m'éclairer sur ces questions, M. le Président. J'ai cependant accepté de soutenir certaines expériences-pilotes actuellement en cours et, lorsque nous aurons tout l'éclairage utile, je ferai les choix pertinents.

Cependant, M. le Président, je privilégie effectivement le fait que les milieux, dans chacun des cas respectifs, puissent trouver des terrains d'entente où les parents, où les institutions, qu'il s'agisse des municipalités ou des commissions scolaires, trouvent ensemble les solutions les plus pertinentes dans le respect des responsabilités des uns et des autres.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. M. le député de Marquette...

M. Ouimet: Oui, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...en principale ou en complémentaire?

M. Ouimet: En principale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): En principale.

Compressions budgétaires à la commission

scolaire Lac-Témiscamingue

M. Ouimet: Alors, ce matin au lac Témiscamingue, semble-t-il que les parents et les élèves ressentent les effets brutaux des coupures Marois. Ils ont peut-être trouvé leur terrain d'entente...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît. Vous savez... Enfin, je... Bon, bien, c'est assez évident, là... Oui, très brièvement, M. le leader.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président. On ne peut mentionner le nom d'un député autrement que par sa circonscription et le titre ministériel qu'il occupe.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, M. le leader du gouvernement. Alors, je vous demanderais, s'il vous plaît, d'appeler, de désigner les personnes par leur titre. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Alors, M. le Président, ce matin, comme je le disais, au lac Témiscamingue, les élèves et les parents ressentent la brutalité des compressions du gouvernement péquiste. Quelques centaines de parents et d'élèves ont décidé de bloquer les routes pour protester contre ces coupures et pour protester également contre la fermeture de trois écoles: l'école Rémigny, l'école Angliers et l'école Fugèreville. Pourtant, la commission scolaire Lac-Témiscamingue s'est attaquée à ses dépenses administratives en coupant un cadre, deux secrétaires, un technicien, un professionnel, un conseiller et plus de 2 500 000 $ en deux ans. La commission scolaire en est rendue à un conseiller pédagogique pour l'ensemble de ses écoles primaires et secondaires et à un directeur d'école pour cinq écoles.

M. le Président, la ministre de l'Éducation...

Le Vice-Président (M. Brouillet): En conclusion...

M. Ouimet: M. le Président, la ministre de l'Éducation trouve-t-elle que la commission scolaire Lac-Témiscamingue manque d'imagination? Et que va-t-elle répondre aux parents et aux élèves qui bloquent la route actuellement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Mon collègue, le ministre des Affaires municipales, qui représente les gens de cette circonscription, apportera une réponse complémentaire, M. le Président.

Nous demandons des efforts à l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec pour nous permettre de préserver l'essentiel des services que nous nous sommes donnés collectivement, particulièrement dans le secteur de l'éducation, de la santé, des services sociaux. Les commissions scolaires, je crois, font honnêtement, correctement leur travail. Cependant, c'est évident que cela demande que l'on revoie les façons de faire, que l'on regarde du côté de l'administration, bien sûr, mais que l'on fasse sans doute autrement, que l'on organise autrement les services, parce que l'effort demandé est considérable, je n'en disconviens pas.

(14 h 50)

Cependant, dans le cas particulier qui nous préoccupe, ce que je sais, c'est que les intervenants en sont venus à une entente quant à la possibilité de voir comment ils pourraient solutionner le problème qui est soulevé par les efforts demandés à la commission scolaire identifiée. Mon collègue des Affaires municipales apportera un complément de réponse à cet égard.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le temps était écoulé pour la réponse. Maintenant, il y a une dernière complémentaire de la part de... Non, il y a encore une dernière complémentaire de la part du député de Marquette.

M. Ouimet: La ministre est-elle consciente que la solution à laquelle elle fait référence, c'est que les parents et les élèves ont décidé de bloquer les routes au lac Témiscamingue pour protester contre ces coupures et contre la fermeture de trois écoles? Et est-ce qu'elle trouve ça acceptable, elle, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, une dernière réponse, Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Je n'ai pas entendu que le député était d'accord, hein, avec le fait que les gens bloquent les routes? Je n'ai pas entendu ça? Bon, très bien. Mon collègue des Affaires municipales va apporter un complément de réponse, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, effectivement, nous travaillons depuis un bon nombre de mois en concertation avec la commission scolaire, la MRC et la Société de développement du Témiscamingue pour en arriver, comme l'a indiqué la ministre de l'Éducation, à dégager des solutions qui fassent en sorte que nous pourrions maintenir, au cours des prochaines années, sept écoles locales au niveau primaire avec la concertation et l'effort de tous les milieux concernés. Ce matin, en prévision d'une réunion de la commission scolaire ce soir, des parents ont donc décidé de sensibiliser davantage leurs concitoyens à cette problématique en bloquant les routes à Rémigny et à Fugèreville, et je peux vous annoncer, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): En conclusion, M. le ministre.

M. Trudel: ...que déjà les milieux régionaux concernés ont trouvé eux-mêmes la solution pour en arriver à étudier la situation et à maintenir les écoles ouvertes l'an prochain, avec une solution bien régionale à nos problèmes comme contribution au mouvement d'assainissement des finances publiques au Québec.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Chevrette: ...l'opposition pour donner un complément de réponse à la question du député de Chomedey.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y a consentement? S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Alors, y a-t-il des réponses différées? Il n'y a pas de réponses différées pour aujourd'hui. Il pourrait y en avoir pour demain.

Question de règlement, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Article 35.10°. Le député de Rouyn-Noranda induit la Chambre en erreur en disant que depuis plusieurs mois il travaillait à régler le dossier, alors qu'il y a eu...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il n'y a pas eu de question de privilège. Je me suis levé... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Dans ces circonstances, bien que nous soyons tous d'accord qu'il ne s'agit pas d'une question de privilège, s'il y avait, de la part du député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, une question de fait personnel à soulever, nous consentirions, à ce moment-ci, à ce qu'il puisse soulever sa question de fait personnel.

M. Trudel: M. le Président, question de règlement en vertu de 35c.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, étant donné... Oui. Les questions de fait personnel, ça demande un avis, puis c'est le lendemain qu'on revient sur ça. Deuxièmement, si vous me dites qu'il y a des motifs indignes, oui, je le rappelle à l'ordre sur des motifs indignes. Maintenant, étant donné les circonstances, je vous inviterais, très brièvement... Mais ce n'est pas au nom d'une question de fait personnel que je vous donne la parole, et très brièvement, sans engendrer de nouveau débat.

M. Trudel: M. le Président, très brièvement, comme vous m'avez invité à le faire...

M. Paradis: M. le Président... M. le Président... M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. S'il s'agit d'une question de fait personnel, il y a consentement à ce qu'elle soit faite immédiatement, suivant le règlement de l'Assemblée nationale. S'il s'agit, à ce moment-là, d'un complément de réponse, il y aura également consentement à condition que le député de Marquette puisse également, en vertu de notre règlement et conformément à notre règlement, poser une question additionnelle.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, actuellement nous agissons sur des consentements. Alors, concernant un fait personnel, je vous l'ai dit tantôt, au nom du règlement, il n'y aurait pas eu d'intervention possible, mais, avec un consentement de part et d'autre, on peut remettre une question de fait personnel, brièvement donner une explication, et sans susciter de nouveaux débats.

M. Bélanger: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement. Je veux bien qu'on fonctionne sur le mode consentement relativement à ce qui vient de se passer, mais je ne voudrais pas que ça constitue un précédent puis qu'on décide que, ce qui a été soulevé par le député de Marquette, c'est une question de fait personnel. Ce n'est pas une question de fait personnel, et, quand c'est une question de fait personnel, il y a une procédure qui doit être suivie. Alors, si on veut, de consentement, permettre un échange entre le ministre et le député de Marquette, je veux bien, mais je veux que, pour les registres de cette Assemblée, ce ne soit pas perçu comme une question de fait personnel.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, j'ai été assez clair tantôt: Aux termes du règlement, ça ne peut pas être une question de fait personnel, mais, comme il y a eu un consentement, alors j'ai permis à M. le député de donner une brève explication sans susciter de débat, à partir du consentement de cette Assemblée. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Si le leader du gouvernement ne considère pas la question comme une question de fait personnel et ne veut pas que ce soit inscrit comme tel, il n'y a pas de consentement.


Votes reportés

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons passer aux votes reportés.

Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, tous les députés debout, à prendre votre place pour que nous procédions au vote. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je m'en occupe. Il y en a d'autres là-bas aussi.


Motion de censure proposant que l'Assemblée condamne le premier ministre pour avoir renié son engagement en coupant dans les services aux citoyens et en augmentant le fardeau fiscal des contribuables

Tel qu'annoncé précédemment je mets maintenant aux voix la motion de censure présentée le 30 mai 1996 par M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Frontenac.

Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale condamne sévèrement le premier ministre du Québec pour avoir renié son engagement du 28 mars dernier: "c'est les machines, l'administration, les appareils, mais les citoyens ne sont pas touchés" et pour avoir, depuis ce temps, par de multiples mesures, coupé dans les services aux citoyens et augmenté le fardeau fiscal des contribuables.»

Que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

(15 heures)

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Paillé (Prévost), M. Létourneau (Ungava), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions? Pas d'abstentions.

Le Secrétaire: Pour:25

Contre:54

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, la motion est rejetée.

Nous sommes maintenant aux motions sans préavis. Il n'y a pas de motion sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 13, Loi modifiant diverses dispositions en matière de boissons alcooliques, de loterie vidéo et d'appareils d'amusement, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué, soit le projet de loi n° 27, Loi modifiant le Code du travail, et le projet de loi n° 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, de 21 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader du gouvernement.

Nous sommes maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, il n'y a pas de demande de renseignements.


Affaires du jour

Alors, nous mettons fin aux affaires courantes et nous allons entreprendre immédiatement les affaires du jour.

Alors, j'inviterais les députés qui ont à quitter pour aller en commission parlementaire à le faire discrètement.

Et, aux affaires du jour, je vais céder la parole à M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 20


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 13, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 29 mai 1996, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. À l'ajournement du débat, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce avait entamé son intervention. Il reste encore 18 minutes à sa disposition.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, au moment où on a suspendu, à 13 heures mercredi, j'étais en train de faire un bref rappel sur le cheminement du projet de loi 87, maintenant le projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. Et je rappelais à la Chambre, M. le Président, que le projet de loi initial du ministre de la Justice, le projet de loi 87, a soulevé un tollé de réponses, un tollé de réactions de la part d'une énorme quantité de groupes qui travaillent dans le domaine, qui travaillent pour la défense des droits des personnes handicapées, des assistés sociaux, le Barreau.

Il y avait toute une réaction contre le projet de loi 87, pour plusieurs raisons, M. le Président, des excellentes raisons. Et, en fin de compte, au moment, je pense, où vous m'avez arrêté, M. le Président, je disais que le gouvernement, dans un geste d'intelligence plutôt rare, a décidé de ne pas procéder à l'adoption du projet de loi 87. Mais, pour des raisons qu'on connaît, le gouvernement revient avec le projet de loi n° 20, qui diffère d'une certaine partie du projet de loi 87, mais qui reprend les éléments essentiels dudit projet de loi.

M. le Président, mon collègue, le député de Chomedey, a déjà, de façon beaucoup plus éloquente et beaucoup plus savante que moi, décrit les raisons pour lesquelles l'opposition officielle et le Parti libéral du Québec, en l'occurrence, sont contre le projet de loi n° 20. J'aimerais apporter mon humble contribution à ce débat en focussant un tout petit peu sur les gestes que le gouvernement a faits antérieurement, jusqu'à date, parce que nous prétendons, M. le Président, que l'actuel gouvernement attaque... son premier réflexe, le premier geste, quasiment, de ce gouvernement, c'est d'attaquer les services directs à la population, soit d'éliminer, soit de tarifer, soit de baliser. Parce qu'on parle dans des beaux termes, de l'autre côté de la Chambre, M. le Président. J'ai remarqué ça. Le ministre de la Santé, quand il parle de son projet de loi sur l'assurance-médicaments, il parle des paramètres, mais, pour le monde ordinaire, M. le Président, il s'agit des coûts, il s'agit de l'argent que les Québécoises et les Québécois vont être appelés à débourser. Mais, pour le ministre de la Santé, dans son jargon technocratique habituel, c'est des paramètres.

Le ministre de la Justice poursuit ce même langage, M. le Président, en parlant de baliser certaines choses, souvent par pouvoir réglementaire. Et c'est ce pouvoir réglementaire qui, en plus, M. le Président, nous met en garde, de ce côté de la Chambre, parce que les règlements du gouvernement sont relativement faciles à changer. Ça n'occasionne pas un débat à l'Assemblée nationale. On n'a pas, comme parlementaires, la possibilité de scruter à la loupe les changements réglementaires. C'est un autre moyen que le gouvernement actuel utilise pour, je dirais, cacher un peu certaines choses à la population québécoise.

Alors, il y a un an, M. le Président, quand on parle des services directs à la population, il y a un an, le gouvernement a décidé de sabrer dans les services de l'Office de la protection du consommateur pour réduire d'une façon définitive les services directs disponibles aux consommateurs québécois. En plus, avec des amendements au Code de procédure civile l'année passée, je ne sais pas si c'était à la dernière session ou à celle d'avant, on a commencé à obliger à un paiement pour l'exécution des jugements dans la Cour des petites créances. Une autre façon, M. le Président, d'aller chercher de l'argent dans la poche des contribuables québécois et québécoises, et ça s'appelle taxer, c'est des taxes déguisées. Le ministre peut dire que c'est des tarifs, c'est des balises, c'est des paramètres, mais c'est de l'argent, M. le Président, qui sort de la poche des Québécois et des Québécoises.

(15 h 10)

Alors, je me souviens du débat lors de l'amendement du Code de procédure civile sur les petites créances, et en commission parlementaire et en Chambre, où on avait tenté de mettre en garde le ministre de la Justice contre l'effet pervers d'obliger des Québécois et des Québécoises à payer pour des jugements issus de la Cour des petites créances. Ça allait à l'encontre, quant à nous, de la philosophie même de la Cour des petites créances, qui était de tenter, à un niveau de cour, de déjudiciariser à d'autres niveaux plus hauts, où ça prend des avocats, où c'est long, où l'accès à la justice est dépendant en large partie des revenus de la personne impliquée. Et on a dit: Si vous allez exiger un paiement, une taxe, un tarif pour faire exécuter des jugements en Cour des petites créances, vous allez mettre une barrière à l'accès à la justice des Québécois et Québécoises, une barrière assez importante.

Tout récemment, avec un projet de loi dont le numéro échappe à ma mémoire, on a imposé un autre tarif, une autre taxe de 250 $ quand on porte des plaintes devant la Commission des normes du travail. Mon collègue m'informe que c'est le projet de loi n° 31. Bien, là aussi, on dit à une Québécoise ou à un Québécois qui sont lésés dans leurs droits comme travailleurs que ça prend 250 $ de leur poche pour se présenter devant une commission qui s'appelle la Commission des normes du travail, Commission qui est fondamentale quant au respect des droits des travailleuses et travailleurs au Québec. Une autre indication que, depuis son arrivée au pouvoir, ce gouvernement érige des barrières à l'accès à la justice des Québécoises et Québécois moins fortunés que d'autres.

Une voix: Bravo!

M. Copeman: Complètement inacceptable, M. le Président. Une loi pour les riches, une autre pour les pauvres. L'accès à la justice pour les riches facile par le biais des avocats, moins d'accès pour ceux qui ne peuvent pas payer pour les avocats.

Je n'ai rien contre les avocats – on a des collègues en Chambre qui sont des avocats – mais ils seront les premiers à admettre qu'engager les services d'un avocat pour avoir accès à la justice coûte cher, M. le Président. Ça coûte énormément cher. Et, quand on érige des barrières à l'accès à la justice pour des Québécoises et Québécois à bas revenus, à moyens revenus, ça a un impact direct sur, quant à moi, la santé de notre société. On ne peut pas ériger de telles barrières. Et, en fin de compte, c'est exactement ça que le projet de loi n° 20 tente de faire: c'est d'ériger d'autres barrières à l'accès à la justice au Québec.

Oui, le ministre a augmenté certains niveaux d'accessibilité en ce qui concerne l'aide juridique, pour des revenus familiaux. Il tente de dire que ça va couvrir plus de personnes. Il tente de le dire, M. le Président. Peut-être, dans son calcul mathématique, qu'il y aura un bassin de population un peu plus élargi, mais très peu, quant à nous. Et il n'a pas touché aux barèmes au niveau des revenus pour les personnes vivant seules, et ça, ça a un impact direct sur beaucoup de clientèle et, malheureusement, en grande partie une clientèle des personnes handicapées, qui vivent seules en proportion légèrement plus forte que la population générale du Québec. Mais, par une autre façon de faire, M. le Président, en prétendant qu'on élargit le bassin des personnes disponibles au programme, on exclut autre chose: on exclut le type de services auxquels on peut recourir pour avoir de l'aide juridique, et là on le fait souvent par règlement, et c'est ça qui est dangereux. D'un côté, le projet de loi n° 20 dit que... Parce que ça a été une critique du projet de loi 87, qu'on exclue les tribunaux administratifs du Québec. Tous les tribunaux administratifs étaient exclus avec le projet de loi 87.

Là, le ministre nous revient en disant: Écoutez, il y a certaines catégories qui sont incluses dans le projet de loi n° 20. On parle des tribunaux administratifs comme la CSST, la Société de l'assurance automobile du Québec, la Commission des affaires sociales. L'accès à ces tribunaux administratifs est couvert, oui, par le projet de loi n° 20, mais il y a toute une catégorie qui sont exclus, et ça, personne ne peut le nier. Encore une fois, c'est une autre barrière contre l'accès à la justice. Et les tribunaux administratifs qui sont exclus sont nombreux et importants dans leur fonction dans la société québécoise, M. le Président. On parle de la Régie du logement. Pour un millier de défavorisés, pour des familles qui ont souvent des problèmes de revenus, pour les personnes handicapées, pour toutes sortes de clientèles, la Régie du logement du Québec est un tribunal administratif essentiel pour protéger leurs droits. Et on voit que, tel que rédigé, le projet de loi n° 20 exclut la possibilité d'avoir recours à un avocat de l'aide juridique pour aller en appel devant la Régie du logement du Québec.

Également, pour la Commission d'accès à l'information, exclue. Une autre commission qui, de plus en plus, prend une ampleur importante dans la société québécoise. La protection de la vie privée des Québécois et des Québécoises souffre depuis un certain temps d'un assaut important sous le régime du Parti québécois. On a juste à penser au projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments, les informations qui vont être disponibles, reliées par un système de fichier central que plusieurs de la commission des affaires sociales ont décrit comme un exemple de «Big Brother».

And, Mr. Speaker, for those of us who have read George Orwell. When I was a young student, looking towards 1984, as I did then, the specter of Big Brother raised in this famous novel «1984» is a serious one. A grave specter, Mr. Speaker. It is a world, «1984», as described by George Orwell, in which none of us would want to live, Mr. Speaker. But, increasingly, various groups in society have suggested that that is what we are moving towards. We are moving towards the intrusion of various agencies of the Government of Québec into our private lives by linking up information systems: Ministry of Revenue, Ministry of Health and Social Services. All sorts of arrangements being made, being permitted by legislation proposed by this Government. And that is why, Mr. Speaker, that access to something like the «Commission d'accès à l'information» could be important, could be very important. And to eliminate that, possibility in Bill 20, is a serious matter.

La Commission des droits de la personne, même chose, M. le Président, exclue du projet de loi n° 20. On aurait... davantage, si le projet de loi était adopté, pour ne pas avoir les services d'un avocat de l'aide juridique pour aller devant la Commission des droits de la personne.

Et peut-être plus inquiétant, M. le Président, toutes les questions relatives à l'impôt. Le ministère du Revenu du Québec, M. le Président, tente par tous les moyens possibles d'avoir accès à des dossiers personnels des Québécoises et des Québécois. De temps en temps, M. le Président... Et je pense que, si le ministre du Revenu était franc, il dirait que le Revenu fait des erreurs. On cotise des Québécoises et des Québécois sans fondement, basé sur des informations erronées. Ça peut arriver. Ce n'est pas de la malveillance, M. le Président, mais les erreurs sont faites. Il est important, quant à moi, que, quand les erreurs sont faites et quand les Québécois et les Québécoises tentent... les contribuables québécois tentent de corriger ces erreurs, ils peuvent avoir accès au service d'aide juridique pour aller en appel d'une décision du ministère du Revenu, au cas où, M. le Président. Parce que le ministère du Revenu est très vite à juger, M. le Président, très vite à trancher. Essayer de leur faire comprendre qu'ils ont fait une erreur, essayer de leur faire comprendre que les données sur lesquelles ils se sont basés étaient erronées, essayer de faire renverser une de leurs propres décisions est très difficile, M. le Président. Comme députés, on le sait tous.

(15 h 20)

On a un tollé d'appels, chaque année, des commettants qui nous disent: M. le député, Mme la députée, moi, je ne comprends pas, le ministère du Revenu a pris telle et telle décision; ce n'est pas correct, ce n'est pas exact. Pouvez-vous m'aider? J'ai besoin d'aide. De temps en temps, ces types de causes sont portés devant les tribunaux, M. le Président, et nous pensons que les Québécois et Québécoises devraient avoir accès à l'aide juridique pour rectifier toutes les questions qui touchent à leur impôt à payer.

Mr. Speaker, the Minister of Justice can camouflage his intentions, all he wants, he can wrap it up – a parcel up in a beautiful package – put a bow on it, get the best wrapping paper around, no doubt, but fundamentally we're faced once again with a budget measure. The objective is to recover money: $16 800 000 over three years. It's not to revamp our legal aid system, it's not to provide greater access, it's not to improve, it's to save money.

De la même façon, presque tous les ministres, avec des projets de loi importants, devant nous se présentent soit en commission parlementaire ou en Chambre en disant: Il faut faire ça pour des raisons budgétaires. Nous refaisons notre système d'assurance-médicaments pour épargner 200 000 000 $ cette année, 300 000 000 $ l'année prochaine. Nous faisons une réforme de l'aide juridique en prétendant qu'on élargit l'accès, mais on récupère 16 800 000 $ sur trois ans. Ça, c'est l'indication la plus claire qu'on peut avoir que ce n'est pas un bon projet de loi, qu'il ne s'agit pas d'améliorer notre système d'aide juridique, mais, en fin de compte, de sauver de l'argent pour tenter d'équilibrer le déficit du gouvernement du Québec sur le dos des personnes les plus aptes à le supporter, M. et Mme Tout-le-Monde, et c'est ça qu'on reproche au gouvernement du Québec. Prends tes choix ailleurs, ne touche pas aux personnes les plus démunies, ne touche pas aux personnes qui ont besoin d'accéder à la justice, ne touche pas aux personnes malades, ne touche pas aux aînés; mais non, ils font l'inverse. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, c'est un plaisir pour moi de me lever en cette Chambre pour discuter du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, Bill 20, An Act to amend the Legal Aid Act.

Comme député recrue à l'Assemblée nationale, avec une langue maternelle autre que le français, une des choses qui est intéressante pour moi de travailler dans cette Assemblée, c'est d'améliorer ma connaissance de la langue française, et je pense que ce qu'on voit ce printemps m'a vraiment aidé beaucoup, parce que, moi, j'ai toujours eu une vision simpliste qu'une taxe est de l'argent qu'on veut aller chercher dans les poches des contribuables pour aider ou pour financer les travaux de l'État, en fournissant des services et pour supporter l'appareil gouvernemental dans une année. Alors, quand le premier ministre du Québec a dit, au moment de son grand sommet économique au Château Frontenac, au mois de mars, que les Québécois et les Québécoises sont déjà surtaxés, qu'il n'était pas question d'augmenter les taxes, j'ai dit: Au moins, ça, c'est une bonne nouvelle, je peux retourner dans mon comté en me disant que, pour les commettants et les commettantes qui sont inquiets dû au fait qu'ils sont déjà dans une grande insécurité quant à leur emploi et tout ça, au moins, il n'y aura pas de nouvelles taxes cette année.

Mais, depuis ce temps, comme j'ai dit, j'ai commencé à mieux comprendre la langue française, parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont un petit peu cachées, qui sont, semble-t-il, pas des taxes, mais qui, au bout de la ligne, ont le même impact. On a commencé, à la fin du mois de février, avec Hydro-Québec qui a parlé d'un tarif, et le ministre responsable des Relations a avoué dans cette Chambre que leur décision avait été prise au Conseil des ministres, pas liée au coût de fournir le service à la population, mais parce que le gouvernement a besoin d'argent. Alors, j'ai appris qu'un tarif a le même impact qu'une taxe, alors ça doit être un autre mot qu'on utilise en français pour taxer le monde davantage.

Nous avons lu le projet de loi n° 33, et peut-être que les personnes qui ont préparé la loi au ministère de la Santé et des Services sociaux se sont inspirées d'Hydro-Québec, parce que, dans ça, c'est une tarification de 200 000 000 $ à 300 000 000 $ pour payer le nouveau régime de médicaments. Alors, encore une fois, «tarif» chez Hydro-Québec. Maintenant, on parle d'une «tarification» dans le projet de loi sur le régime d'assurance-médicaments. Mais, au bout de la ligne, le gouvernement se désengage de 200 000 000 $ par année, qu'il va aller chercher dans les poches des contribuables québécois et québécoises, et c'est, pour moi, un autre ajout de ressources pour financer le fonctionnement de l'État. Mais, semble-t-il, ce n'est pas une taxe.

La semaine passée, quand nous avons regardé le projet de loi n° 31 sur les changements à la Commission des normes du travail, on a parlé d'une contribution. Alors, encore une fois, ce n'est pas une taxe. Ce n'est même pas un tarif. Maintenant, on parle d'une contribution de 250 $. Encore une fois, les personnes visées sont les non-syndiqués, les personnes qui travaillent à faibles revenus, les personnes qui sont au bas de l'échelle au niveau de la défense de leurs droits comme employés, qui avaient la Commission des normes du travail, là, pour défendre leurs intérêts, leurs droits au moment d'un congédiement sans fondement, mais c'est remplacé maintenant par une contribution.

Mais, dans le projet de loi qui est devant nous, je pense qu'il y a tout un nouveau vocabulaire à apprendre pour le député de Jacques-Cartier, et je cite: «C'est une participation financière de bénéficiaires aux coûts.» Ah, ça, c'est très joli, ça, hein? C'est très emballant. On ne peut avoir peur de ça. Ça, ce n'est pas une taxe. Mais, au bout de la ligne, c'est effectivement ça. Le gouvernement a décidé de solliciter, cette fois-ci, une participation financière des bénéficiaires aux coûts, c'est-à-dire que les personnes, encore une fois, au bas de l'échelle – on parle de personnes avec des revenus familiaux inférieurs à 20 000 $ par année – vont être appelées à payer davantage d'argent à l'État. Alors, c'est, comme j'ai dit, très difficile à suivre, tout ça. On a dit, au mois de mars: Pas de nouvelles taxes. Bonne nouvelle pour tous nos commettants. Mais, depuis ce temps-là, les tarifs, les tarifications, les contributions, les participations financières, on n'arrête pas d'augmenter le nombre de demandes des contribuables à être taxés. Et, moi, je pense qu'il faut parler des choses comme ça. C'est des taxes déguisées pour chercher des revenus.

Et il y a une autre chose que j'ai apprise dans ma formation dans la langue française, c'est que le mot «réforme» est un mot qui veut dire «coupure», parce que, à chaque fois qu'un ministre arrive dans cette Assemblée pour annoncer une grande réforme, curieusement, il y a des épargnes importantes pour l'État. Alors, «réforme», c'est juste une télécommande du ministère des Finances de désengager l'État envers les plus démunis de notre société. Et c'est ça, le résultat.

On a vu ça dans les changements pour les garderies. Et c'est les parents qui gagnent 20 000 $ par année, par exemple, qui sont touchés par les compressions à la fois en milieu scolaire, à la fois à l'exonération et à l'aide financière directe aux parents. En anglais, on appelle ça les «working poor». C'est-à-dire que les personnes qui travaillent au salaire minimum, qui travaillent à un salaire très faible, les personnes qui sont à l'école, qui essaient d'améliorer leur sort, ce sont les cibles de ces mesures, des pressions de ce gouvernement.

(15 h 30)

It is the working poor, Mr. Speaker. The people who are working hard, often at a minimum wage, to try to get ahead, to try to better themselves, perhaps people who have gone back to school that seem to be the targets of this Government in a number of areas in the bill that is before us now, because this so-called reform of legal aid, at the end of the day, is nothing more than a way to claw back 16 800 000 $ from the pockets of the people – or families – who are earning less than 18 000 $ a year. So, it's a direct grab from those people. It's an attempt, on the backs of the people least capable of paying, to go out and help the Government balance its budget. It's an incredible choice, and it's an incredible calculation that this Government, which so often tries to pass itself off as friend of the poor, friend of the disadvantaged, friend of that... knows of the targets of a series of measures that we have seen in a number of important pieces of legislation and regulations that have been tabled this spring.

So, before the referendum, there was money for everybody, there was $900 000 000 for the Civil Service, we were on the gravy train, then. But, since the 30th of October, the Government has turned around and said: It's the people who work hard but who were just getting by, just scraping by, just trying to eke out a living, they are our targets. Those are the people where we are going to see this mass of disengagement of the State towards their betterment. And as I say, the Bill that is before us today is just another example; $16 800 000 will be taken back from these people if the Minister's proposed legislation goes through.

Mais ce n'est pas surprenant, M. le Président, parce qu'on a vu, dans les décisions qui étaient prises dans les garderies, dans les définitions, un enfant de six ans est maintenant un adulte. Alors, on n'a plus besoin d'assurer une place dans une garderie en milieu scolaire après et avant les heures de travail. Alors, c'est la clé au cou au lieu d'avoir l'engagement de l'État envers la garde de nos enfants.

Riches. Selon les barèmes dans les différentes mesures, on parle des personnes de 18 000 $ à 20 000 $ qui commencent à être riches dans notre société, et même dans le projet de loi n° 20. C'est facile. On voit, dans les premières provisions, qu'on remplace la notion des personnes économiquement défavorisées. Quelle belle lutte contre la pauvreté! On va juste dire que les personnes qui sont économiquement défavorisées n'existent plus. Alors, ça règle le problème de la pauvreté. On va les remplacer avec «financièrement admissibles à l'aide juridique». On a vraiment changé les affaires, on a vraiment fait avancer.

The same thing in English. What a wonderful way to have a war against poverty to try to move it! Economically underprivileged. Since it is causing problems to this Government to cut our support to the people who are economically underprivileged, in article 2, we abolish the notion. So they are not people who are economically underprivileged anymore, the problem is solved. What we do instead is we just say «persons financially eligible for legal aid». It's nice, it's tidy, it doesn't have the same sort of urgency to what is economically underprivileged, so we take the notion out of our law.

Mais le fait, M. le Président, c'est que ces familles et ces personnes demeurent dans notre société. Ces personnes cherchent accès pour défendre leurs droits devant nos juges et nos cours, et on ne peut pas, avec cet exercice cosmétique, enlever la notion de «économiquement défavorisé», nier le fait qu'on a des personnes qui sont économiquement défavorisées dans notre société. Et ce gouvernement se désengage envers ces personnes.

Il y a un an presque jour pour jour, le 31 mai 1995, j'ai fait une intervention sur le projet de loi 87, qui était la dernière version de cette loi qui a été retirée par le ministre. J'ai parlé dans le cadre d'une motion de rapport de mon collègue le député de Frontenac. Une très bonne motion, et, je pense, le gouvernement a tout intérêt à suivre les bons conseils de mon collègue le député de Frontenac en tout temps. Mais, au moment de la discussion que nous avons eue à ce moment, j'ai soulevé une série de questions sur le manque de précisions dans la loi 87. Et c'est une grande déception pour moi de retrouver ces mêmes imprécisions, ces mêmes expressions qui sont très difficiles à comprendre, reprises dans le projet de loi n° 20.

Alors, après un an de réflexion, après un an que les juristes du ministère de la Justice ont essayé de mieux cerner, mieux définir les expressions et les termes qui sont dans le projet de loi, on n'a aucun progrès. Et je cite un exemple... Je sais que ça va être plutôt en commission parlementaire qu'on pourra avoir les réponses du ministre à ces questions, mais je veux juste les souligner, parce que je pense que c'est très important.

Selon tout l'article 4 et les subséquents, il y a beaucoup de choses qui sont très difficiles pour le législateur à commenter. Dans 4.3, par exemple, on parle d'un pouvoir du directeur général d'un centre régional qui peut, s'il considère les circonstances exceptionnelles... Mais sans idée, sans balise du tout, c'est quoi, une circonstance exceptionnelle? Et, dans la justice, je pense qu'il faut avoir une certaine clarté pour essayer une équité, aller un petit peu de l'avant en décidant c'est quoi exactement les circonstances exceptionnelles. Mais ça semble donner au directeur général de ces centres régionaux un énorme pouvoir discrétionnaire, sans balise. Alors, si le directeur général d'un centre régional est très généreux, peut-être que les personnes défavorisées d'une région auront un meilleur accès à la justice que les personnes d'une autre région à cause de l'imprécision de la langue qui est dans la loi, ici.

Allez un petit peu plus loin. À l'article 4.7, aux huitième et neuvième alinéas, on trouve qu'on peut avoir accès à l'aide juridique dans toute autre affaire «si la personne à qui l'aide juridique serait accordée subit ou subira vraisemblablement une atteinte grave à sa liberté, notamment une mesure de garde ou de détention». Mais c'est, encore une fois, très discrétionnaire de définir, de préciser «vraisemblablement une atteinte grave à sa liberté». Et on trouve la même notion au neuvième alinéa: «si cette affaire met en cause ou mettra vraisemblablement en cause soit la sécurité physique ou psychologique d'une personne». Alors, qui va décider de ça? Est-ce qu'il faut consulter un psychologue, un psychiatre pour décider de tout ça? Il semble qu'il y ait un pouvoir, encore une fois, très large, très imprécis et très vague, entre les mains des directeurs généraux des centres régionaux à travers le Québec.

Un petit peu plus loin, dans tout l'article 4.11, qui est la reprise de l'ancienne loi, on trouve, encore une fois, beaucoup de ces expressions. On dit qu'on peut abandonner une cause si les coûts sont déraisonnables. Mais, moi, quand, des fois, je regarde le prix de la justice au Québec, je dis souvent que les prix sont déraisonnables. Et on est facilement capable de dégager des sommes très, très importantes pour plaider une cause en toutes circonstances. Alors, c'est quoi «déraisonnable»? On voit aussi: «si la personne qui en bénéficie refuse, sans motif valable». C'est quoi un motif valable, une proposition raisonnable? Alors, qui a décidé qu'une proposition est raisonnable ou non?

So, Mr. Speaker, all through article 4, which is the key article in this bill, because it suggests to us who will be admissible to legal aid, it is full of expressions that are very imprecise. I go to the English version and I'm no further ahead, because I look at: Exceptional... People can have... There can be an exception made in exceptional circumstances if the person would suffer irreparable harm. But there is no idea in the law what these exceptional circumstances might be, there is no idea of this notion of what is irreparable harm. So, it leaves a great deal of discretionary powers in the hands of the civil servants who are going to administer this law.

If you look a little bit further: «For any other case, if the freedom of the person to whom legal aid would be granted is or is likely to be seriously restricted, due to the possibility of committal to custody or detention, particularly; or – subparagraph 9° – for any other case if the matter threatens or will in all likelihood threaten a person's physical or mental safety, livelihood or ability to provide for his essential needs or for those of his family.» Very vague, imprecise notions that will give an enormous power to decide what is exactly someone's mental safety. How do you define that? How are the people who administer the system going to be trained and qualified to evaluate someone's mental safety?

I think the worst example you find is in article 4.11: «The applicant cannot establish the probable existence of his right». Words like «in all likelihood», «very little chance», «the costs would be unreasonable», «would probably not be susceptible of execution», «without valid cause, refused a reasonable proposal». All sorts of judgment calls, all sorts of expressions in article 4.11 which will make it harder for the citizen to get a fair hearing, because, at the end of the day, he will be at the mercy of the civil servant who will be applying this to decide, in all likelihood, which is, in English, the moment you get into, in all likelihood, you are trying to set up a smoke screen, you are trying to make things more difficult to understand and follow, I suppose...

So I look at article 4.11, these are all questions I raised a year ago in this House, and I see in Bill 20, which is before us this afternoon, we are no further ahead.

(15 h 40)

Dernièrement, M. le Président, il y a toute la présomption du pouvoir des juges qui est incluse dans le projet de loi qui est ici. Si je comprends bien notre système de justice, c'est le juge qui décide si quelqu'un est coupable ou non; et, si oui, c'est le juge qui doit imposer une sentence. Alors, je ne vois pas comment, par exemple, par l'article 4.5, troisième alinéa, on va être capable d'avancer sur... Si l'accusé est reconnu coupable, il en résultera pour ce dernier soit une peine d'emprisonnement ou une mise sous garde. Alors, on va baser l'application à l'aide juridique sur ce qu'on devine qui va être le résultat de la cause.

On ne peut pas demander à un fonctionnaire, avec tout le respect que j'ai pour les fonctionnaires, de se substituer à un juge. Alors, comment est-ce qu'un fonctionnaire peut regarder une cause avant qu'elle soit plaidée, avant de rencontrer l'autre côté, et dire: Ah! ça, c'est quelque chose pour lequel il est probable que l'accusé soit reconnu coupable et il résultera pour ce dernier une peine d'emprisonnement? On ne sait jamais, on ne peut pas le présumer. C'est vraiment le pouvoir des juges, de prendre cette décision. Mais on a mis dans le projet de loi qui est ici – on trouve la même chose dans l'article 4.9 – qu'il est probable que, si cette personne est condamnée pour outrage au tribunal, il en résultera pour elle soit une peine d'emprisonnement ou de mise sous garde.

Encore une fois, je ne vois pas comment le fonctionnaire peut évaluer la sentence probable d'une cause avant qu'on n'ait plaidé la cause. Ce n'est vraiment pas sa place, c'est impossible de le faire. On tombe encore dans un pouvoir discrétionnaire et des normes pour les gestionnaires de ce système.

Également, dans une des raisons de refus, dans l'article 4.11, «la personne qui demande l'aide ne peut établir la vraisemblance d'un droit». Encore une fois, je pense que c'est au juge de décider et pas au gestionnaire.

«2° cette affaire ou ce recours a vraisemblablement très peu de chance de succès.» Ça, c'est la décision du juge. Le juge va prendre les faits, va prendre la cause et c'est lui qui va décider du succès ou non d'une cause. Alors, on demande aux fonctionnaires de remplacer les juges et de décider pour les personnes à faibles revenus: Votre cause n'est pas bonne. Si un citoyen ou une citoyenne se sent lésé dans ses droits, c'est vraiment à cette personne d'avoir l'accès à la cour, de faire la preuve de la justice de sa cause.

On m'indique que mon temps est maintenant éliminé, mais je vais suivre le cheminement de ce projet de loi avec intérêt et j'aimerais questionner le ministre en commission parlementaire sur ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Y a-t-il d'autres intervenants? Est-ce que vous voulez intervenir, M. le député de Verdun?

M. Gautrin: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Verdun, je vous cède la parole.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci. J'avais cru que la députée de Terrebonne voulait intervenir, mais... J'aurais tellement aimé l'entendre sur ce projet de loi important.

Alors, M. le Président, si j'ai bien compris la lecture de ce projet de loi, c'est qu'on diminue le panier de services pour augmenter le nombre de personnes qui peuvent bénéficier de l'aide juridique. Alors, je résume: à peu près, on va avoir deux types de personnes qui peuvent bénéficier de l'aide juridique, ceux qui vont avoir l'aide juridique gratuitement et ceux qui auront l'aide juridique avec contribution, c'est-à-dire qu'ils devront contribuer pour obtenir les services de l'aide juridique. Il y a évidemment, par ce biais-là, une augmentation des personnes qui deviennent admissibles à l'aide juridique. Et c'est le résultat d'une réflexion qui avait été commencée par, je crois, le ministre de la Justice lorsque c'était le député de Jean-Talon qui était ministre de la Justice, et ça s'est poursuivi, c'est-à-dire de permettre deux choses: d'augmenter les barèmes d'accessibilité à l'aide juridique, premièrement; et, deuxièmement, d'avoir une espèce de volet contributoire au début, de manière à avoir une progression dans la contribution des gens à l'aide juridique.

Ça, c'est le point du projet de loi sur lequel on ne peut pas être en désaccord. Mais le prix à payer pour augmenter les personnes qui ont droit à l'aide juridique, c'est qu'on va diminuer le panier de services ou, autrement dit, ce pourquoi les citoyens les plus démunis avaient droit à un avocat. C'est sur ce point-là, M. le Président, que l'opposition se lève et critique le projet de loi. Ce n'est pas parce qu'on augmente l'accessibilité à l'aide juridique. Bien au contraire, c'est parce que ce qui est accessible à l'aide juridique va aller en diminuant. Ce qui fait, M. le Président, que, demain, parmi les gens les plus démunis qui, avant le projet de loi, pouvaient avoir accès à l'aide juridique pour pouvoir se payer les services d'un avocat, dans certains cas ne pourront plus le faire, et c'est essentiellement cela qu'on trouve éminemment pernicieux.

Je vais vous en donner deux, M. le Président, si vous me permettez, deux éléments, par exemple, où actuellement les citoyens et les citoyennes qui ont droit à l'aide juridique pouvaient utiliser les avocats de l'aide juridique et qui ne le pourront plus demain. Ceux qui étaient poursuivis par voie sommaire étaient jusqu'à maintenant, lorsqu'on était à l'intérieur des barèmes, admissibles à l'aide juridique, c'est-à-dire pouvaient bénéficier des services d'un avocat. Demain, ils ne le pourront plus. Alors – et ça a été soulevé par le député de Chomedey bien des fois – ça peut donner lieu à des effets tout à fait pervers.

L'exemple qui a été soulevé maintes fois par le député de Chomedey et que je voudrais rappeler parce qu'il me semble important, c'est qu'en matière de violence conjugale quelqu'un qui va être poursuivi par voie sommaire, les voies sommaires n'étant plus couvertes, va donc être obligé de se défendre lui-même, puisqu'il n'a pas les revenus suffisants pour pouvoir se payer les services d'un avocat. C'est lui, donc, qui va être amené à contre-interroger sa propre victime. C'est un élément pervers qui se trouve actuellement à l'intérieur du projet de loi n° 20 et qui... Je crois et je suis sûr que le député de Louis-Hébert, qui est ministre de la Justice, n'a pas voulu une telle perversion, mais elle est quand même incluse à l'intérieur du projet de loi.

Un deuxième élément: tout ce qui était du préventif. Vous savez à quel point, M. le Président, dans ce qu'on touche d'une manière judiciaire, il peut être important de régler les conflits avant de les judiciariser, c'est-à-dire de faire en sorte que les parties s'entendent avant d'aller devant un juge ou devant le tribunal.

Jusqu'à maintenant, en matière préventive, les personnes les plus démunies – bien sûr, je parle actuellement des gens qui étaient admissibles à l'aide juridique suivant l'ancien régime – pouvaient, dans ce qui touchait tout le préventif, avoir droit aux services d'un avocat. Malheureusement, avec le projet de loi n° 20, ces personnes-là n'auront plus le droit d'utiliser l'aide juridique et de bénéficier des services gratuits d'un avocat.

(15 h 50)

Alors, qu'est-ce qu'on a fait, essentiellement, par ce projet de loi? Il faut bien comprendre que, oui, on a élargi les balises qui permettaient au nombre de citoyens d'avoir accès à l'aide juridique, mais on a considérablement réduit les sujets pour lesquels on pouvait avoir droit à l'aide juridique, ce qui fait, et vous allez le comprendre facilement, M. le Président, ce qui fait qu'un citoyen démuni qui était en dessous des barèmes de revenus qui lui permettaient d'avoir droit à l'aide juridique, pour certaines causes, et en particulier pour ce qui touche toutes les poursuites sommaires et tout ce qui touche le droit préventif, avait et a actuellement, avant le passage de la loi n° 20, droit à l'aide juridique mais n'aura plus droit pour ces causes-là au soutien et à l'appui gratuits d'un avocat.

Alors, ceci, nous le trouvons éminemment pernicieux, parce que ça touche les plus démunis de notre société, ceux qui avaient un revenu annuel inférieur, de l'ordre de 15 000 $. Les plus démunis de notre société, qui étaient donc admissibles aux barèmes de l'aide juridique pour certaines causes, pour certaines actions où ils avaient jusqu'à maintenant droit à l'aide d'un avocat, n'auront plus droit à l'aide gratuite d'un avocat, et nous trouvons ça éminemment critiquable, même si le fait d'étendre le nombre de personnes accessibles à l'aide juridique pour d'autres causes est une chose qui correspond à la pensée et à l'évolution de la pensée des deux côtés de la Chambre en ce qui touche l'aide juridique.

Je voudrais aussi situer... Alors, en lisant la loi, je suis retombé sur une définition, une de plus – et là, réellement, on est en train de les multiplier et ça devient très drôle – de «conjoint». Ce coup-ci, dans cette loi-là, on est conjoint... Et ce n'est pas les mêmes conjoints que dans le Régime de rentes, ce n'est pas les mêmes conjoints que dans le RREGOP, puis là on a des nouvelles définitions de «conjoint». Et on pourrait multiplier à travers les lois du Québec les définitions de «conjoint». Je vous rappellerai ici ce que c'est, des conjoints: c'est soit des époux qui cohabitent, bien sûr – et ça, tout le monde le dit – soit des personnes vivant maritalement qui sont les père et mère d'un même enfant.

Je vous rappellerai que, par exemple, pour la Loi sur le régime de rentes du Québec et pour le RREGOP, on est conjoint lorsqu'on vit maritalement, lorsqu'on a un enfant, mais où la période, la durée de vie maritale dépasse un an. Ça, c'est actuellement dans la Loi sur le RREGOP. Alors, vous comprenez, M. le Président, avec ce qu'on appelle les conjoints de fait et les différentes lois qui ont des définitions différentes des conjoints de fait, vous voyez à quel point il serait nécessaire d'harmoniser les différentes lois et en particulier d'harmoniser celle-ci.

Troisième élément, sont conjoints les personnes majeures – parce que, quand on est mineur, on n'est plus conjoint – qui vivent maritalement et qui, à un moment donné, ont cohabité pendant une période d'au moins un an. Je vous rappellerai que la durée de cohabitation est une durée, pour le régime de rentes et le RREGOP, de trois ans. Trois ans pour devenir un conjoint de fait, tandis que, dans la loi n° 20, on demande une cohabitation d'un an et même pas une cohabitation continue, alors qu'à l'intérieur de la Loi sur le régime de rentes du Québec, actuellement, la cohabitation doit être continue pour pouvoir donner droit au statut de conjoint.

Alors, c'est un exemple encore de l'improvisation dans laquelle ceux qui écrivent nos lois sont en train de mélanger entre les différentes lois, les différents statuts de conjoint. Et, à cet effet, je rappellerai l'intervention du député de Chomedey qui avait demandé qu'on «uniformalise», uniformise – excusez-moi le terme – les différentes définitions de «conjoint» dans les lois.

M. le Président, pour terminer et pour résumer, ce projet de loi, même s'il va étendre l'accessibilité à l'aide juridique pour un certain nombre de gens avec un volet contributoire, est éminemment pernicieux, parce qu'il prive des citoyens les plus démunis dans certaines actions juridiques, et je vous donne deux exemples, à savoir les cas de poursuite sommaire et les cas reliés au droit préventif de droit à un avocat, et ça touche essentiellement les personnes les plus démunies. Et, pour cela, parce que ça touche les plus pauvres de notre société, nous devons être contre le projet de loi n° 20, même si on reconnaît que l'élargissement de l'assiette est quelque chose qui était intéressant à poursuivre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, nous allons mettre aux voix. Le principe du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté...

Des voix: Sur division, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Motion proposant que la commission des institutions tienne des consultations particulières

Mme Caron: Oui, M. le Président. De consentement, je présenterais la motion suivante:

«Qu'en vertu de l'article 146 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des institutions, dans le cadre du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques le mercredi 5 juin 1996 ainsi que le jeudi 6 juin 1996 et, à cette fin, qu'elle entende les organismes suivants: Commission des droits de la personne, Protecteur du citoyen, Barreau du Québec, Association des avocats de la défense, centre communautaire juridique Pointe-Saint-Charles et Petite Bourgogne, Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, Association québécoise de défense des retraités et préretraités, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, Fédération des femmes du Québec, Ligue des droits et libertés, Association des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec, Association des avocats en droit carcéral, Fédération des associations coopératives d'économie familiale, Chambre des notaires, Association des juristes de l'État;

«Que la durée de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission, 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de la Justice soit membre de la commission pour la durée du mandat.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, de consentement unanime. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. On désirerait, avec votre indulgence, juste prendre quelques secondes pour prendre connaissance de la liste et on répondrait dans les plus brefs délais.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, nous allons suspendre quelques instants pour permettre au groupe de l'opposition de prendre connaissance de la liste. Ils vont revenir pour nous donner leur consentement par la suite. Alors, nous suspendons pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

(Reprise à 15 h 59)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, il y a consentement? Alors, très bien.


Mise aux voix

Donc, cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 3 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 8


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 3, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 23 mai dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives. Alors, il y a des interventions?

Mme Caron: Nous étions rendus à mettre aux voix.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien, il n'y a pas d'autres interventions.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

(16 heures)

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté, sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 22 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 32


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 22, M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu. M. le ministre délégué au Revenu, je vous cède la parole.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je soumets aujourd'hui à cette Assemblée, pour qu'elle en adopte le principe, le projet de loi n° 32, intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu. Ce projet de loi propose l'introduction de modifications en matière de communication et de renseignements. En substance, les dispositions qui se retrouvent dans ce projet de loi sont reliées à l'utilisation et à la communication de renseignements fiscaux aux fins fiscales, de même qu'à l'obtention par le ministère du Revenu de renseignements nécessaires à l'application des lois fiscales auprès d'autres organismes publics.

Ces mesures répondent aux objectifs fixés par le gouvernement en vue de combattre le travail au noir et l'évasion fiscale, tout en permettant d'accroître l'équité entre les contribuables québécois soumis au même fardeau fiscal. Elles ont également pour but d'augmenter l'efficacité du ministère du Revenu tout en préservant la vie privée des particuliers et des personnes morales.

Les modifications proposées par le projet de loi n° 32 correspondent à la volonté exprimée unanimement le 28 février 1996 par les membres de la commission du budget et de l'administration, à l'effet de reconnaître la prédominance des lois fiscales sur les dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, de manière à permettre au ministère du Revenu d'obtenir plus efficacement des renseignements auprès des organismes publics. Elles répondent, de plus, aux recommandations formulées par le Vérificateur général dans son dernier rapport général, alors qu'il incitait le ministère du Revenu à rechercher plus activement des renseignements auprès d'autres organismes gouvernementaux et à communiquer à d'autres organismes ceux qui sont nécessaires à l'application de leur propre loi. Parmi l'ensemble des mesures contenues dans ce projet de loi, permettez-moi, M. le Président, d'insister sur les mesures suivantes.

Une première mesure concerne l'application des mesures d'affectation gouvernementale à l'égard des particuliers. Certaines dispositions de la Loi sur le ministère du Revenu permettent actuellement d'affecter au complet ou en partie au paiement d'une dette fiscale un montant payable par un organisme public à la personne redevable de cette dette. Toutefois, dans la mesure où elles requièrent la communication de renseignements par des organismes publics, ces dispositions ne sont actuellement applicables qu'à l'égard des personnes morales. Or, M. le Président, cette limitation réduit considérablement la rentabilité des mesures d'affectation gouvernementale et leur efficacité. De plus, le ministère du Revenu ne pouvant recourir à cette mesure qu'à l'égard d'une certaine catégorie de contribuables, elle engendre donc un traitement inéquitable dans l'application des lois fiscales.

Le projet de loi n° 32 propose d'étendre l'obligation qui incombe aux organismes publics assujettis à l'affectation gouvernementale d'informer le ministère du Revenu qu'un montant doit être versé à un contribuable de même que des montants devant être versés à une personne physique. Cette modification permettrait d'accroître les recettes et les revenus du gouvernement, de diminuer les frais engagés pour le recouvrement des créances fiscales et de contrôler davantage les comptes à recevoir du ministère du Revenu. Il est estimé, M. le Président, que cette mesure, en plus de simplifier le mécanisme d'application de l'affectation gouvernementale, devrait inciter un plus grand nombre de contribuables à respecter les lois fiscales.

Une deuxième mesure concerne le droit d'accès explicite du contribuable à son dossier fiscal. Alors, en vertu de l'actuelle Loi sur le ministère du Revenu, le ministère est habilité, à la demande expresse du contribuable, à communiquer des renseignements à un tiers désigné. Toutefois, cette loi ne prévoit pas explicitement un droit d'accès du contribuable à son dossier fiscal. Il est donc proposé de codifier un tel droit d'accès et d'en définir la portée. Ceci faciliterait la gestion de l'accès aux renseignements fiscaux.

Une troisième mesure, M. le Président, concerne l'étendue du secret fiscal. Les dispositions de la Loi sur le ministère du Revenu établissent le principe général de la confidentialité de tout renseignement obtenu dans l'application d'une loi fiscale. Toutefois, M. le Président, cette législation empêche le ministère du Revenu d'utiliser ou de divulguer des renseignements fiscaux, même si, ce faisant, l'identité du contribuable ou du mandataire qui les fournit n'est pas dévoilée. En conséquence, M. le Président, l'introduction d'une disposition permettant la communication des renseignements ne permettant pas d'identifier la personne à laquelle ils se rapportent ou qui ne veut pas y être associée est proposée.

Quatrième mesure, elle est reliée à la communication de renseignements à certains ministères et organismes publics. Il apparaît, M. le Président, que la communication de certains renseignements détenus par le ministère du Revenu serait profitable aux fins de l'accomplissement du mandat de plusieurs organismes publics. Il s'agit du Bureau de la statistique du Québec, du ministère des Affaires municipales, du ministère de l'Éducation, de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et de la Régie des rentes du Québec.

En conséquence, M. le Président, le projet de loi n° 32 propose d'apporter une modification législative permettant à ces organismes publics d'obtenir du ministère du Revenu les renseignements nécessaires à l'application de leur loi. En ayant ainsi accès à certains renseignements obtenus dans l'application des lois fiscales, les organismes visés par cette mesure disposeront des renseignements nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

Une cinquième mesure concerne l'obtention de renseignements auprès d'autres ministères et organismes publics. Pour permettre au ministère du Revenu d'intensifier ses échanges de renseignements en vue de contrer efficacement l'évasion fiscale et le travail au noir, il est impératif que la Loi sur le ministère du Revenu soit modifiée de manière à favoriser ces échanges entre les composantes du gouvernement. Les mesures nécessaires doivent également être prises pour que les échanges de renseignements soient orientés vers une perception efficace des montants dus à l'État et ne soient pas entravés par des formalités qui en retardent l'application, en augmentent le coût et en diminuent l'efficacité. Il est donc proposé, M. le Président, d'introduire dans la Loi sur le ministère du Revenu une disposition permettant de déroger à certaines dispositions spécifiques de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. À noter que d'autres organismes se sont déjà prévalus de cette possibilité; il ne s'agit donc pas d'un précédent.

Certaines mesures qui se retrouvent dans cette loi entravent considérablement l'efficacité administrative. Mentionnons, notamment, l'obligation de tenir un registre de communication obéissant à des prescriptions particulières et de soumettre pour avis les projets d'entente dont l'étude peut nécessiter des délais importants. À la suite de consultations intervenues avec la Commission d'accès à l'information, le ministère du Revenu propose donc d'exclure l'application de certains articles de cette loi, mais uniquement pour favoriser la communication de renseignements avec d'autres ministères ou organismes publics. Je rappelle, M. le Président, que les dispositions qui seraient ainsi écartées visent notamment à établir des prescriptions et des modalités particulières en matière d'échange de renseignements.

(16 h 10)

Afin d'assurer la transparence des échanges de renseignements, les discussions entre le ministère du Revenu et la Commission d'accès à l'information ont également permis de convenir, sur une base administrative, de l'établissement d'un registre administratif plus souple indiquant la liste des organismes qui transmettent des fichiers au ministère du Revenu et de rendre disponible une vue d'ensemble des couplages, appariements ou comparaisons des fichiers détenus au ministère du Revenu avec ceux des autres organismes publics. En conséquence, cette dérogation n'écarte aucunement les principes généraux relatifs à la protection des renseignements personnels contenus dans la loi d'accès.

Il importe de rappeler que, dans le cadre des modifications législatives envisagées, les renseignements concernant les individus continuent de bénéficier, par surcroît, de la protection que leur confère la loi d'accès. Cette dérogation ne consiste, à toutes fins utiles, qu'à exempter le ministère du Revenu de certaines formalités qui s'avèrent administrativement coûteuses et génératrices de délais dans le traitement des renseignements. Cette modification a l'avantage d'être peu coûteuse et de résoudre simplement et rapidement les problèmes décrits précédemment.

Enfin, M. le Président, une telle mesure ne heurte pas les principes établis par la loi sur l'accès, car celle-ci prévoit spécifiquement ce type de dérogation.

En conclusion, M. le Président, j'invite donc les membres de cette Assemblée à adopter le projet de loi n° 32 modifiant la Loi sur le ministère du Revenu. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué au Revenu. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je n'ai pas du tout la même impression ou la même évaluation du projet de loi n° 32 que le ministre délégué au Revenu vient juste d'expliquer. Le projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu, c'est une loi dangereuse. Le ministre trouve ça surprenant, là, mais... Je vais essayer d'expliquer, pendant ce bref exposé, M. le Président, les aspects dangereux et les aspects sur lesquels je vais questionner et m'assurer, pendant l'étude de ce projet de loi, que nous avons bel et bien protégé la vie privée de la population québécoise.

Le projet de loi n° 32, c'est un autre projet de loi d'une série de projets de loi qui cherchent plus de pouvoirs, plus d'informations confidentielles. C'est un autre projet de loi qui est potentiellement dangereux, comme les projets de loi nos 29, 20, 31, 33, pour en nommer juste quelques-uns.

Le ministre, dans son court exposé, cet après-midi, a essayé de dire que les dérogations sur le projet de loi sur l'accès à l'information, ce n'est pas nécessairement grave, mais je vais certainement questionner le ministre sur cette question. M. le Président, le ministre et le gouvernement essaient de cacher tout leur appétit insatiable pour l'information privée sur la vie privée de la population québécoise. Ils sont en train de cacher ça en arrière de la lutte contre le marché au noir.

Je pense, M. le Président, qu'il n'y a pas un député et une députée ici, dans cette Chambre, qui est contre l'idée qu'on doit assurer que tous les payeurs de taxes paient les taxes qu'ils doivent payer. Nous sommes tous fâchés, je pense, quand nous voyons un citoyen qui n'a pas payé ses taxes, qui doit payer ses taxes. Mais, avec ce projet de loi n° 32... C'est un exemple, mais il y a les autres qui s'en viennent aussi, M. le Président. Le gouvernement Bouchard, le gouvernement péquiste, le ministre délégué au Revenu sont en train de dire à la population québécoise: Vous êtes tous des fraudeurs. C'est ça qu'ils sont en train de faire. Ils veulent avoir l'information, ils veulent avoir le pouvoir et la vitesse d'avoir ce pouvoir, d'une façon non questionnable.

M. le Président, le ministre délégué au Revenu, quand il a lu ses notes préparées par son équipe, j'accepte sa bonne volonté qu'il pense être en train de proposer un projet de loi intéressant, mais je demande au ministre de lire son projet de loi, de lire ça et peut-être qu'à ce moment-là il va commencer à se questionner sur ce qu'il est en train de faire, M. le Président.

Vous voyez, juste à l'article 2, il y a toute la protection – que vous pouvez voir vous-même, M. le Président, dans le projet de loi – pour les fonctionnaires qui présentent l'information devant les commissions, ils sont tous protégés. Je demande, M. le Président: Où sont les protections pour les citoyens?

M. le Président, je vais citer deux articles du projet de loi. Et je sais que le ministre essaie de dire: Il n'y a pas de problème, ne vous inquiétez pas, «don't worry», mais je suis inquiet. L'article 3 dit que le ministère peut, et je ne cite pas tout l'article: «communiquer à une personne un renseignement confidentiel qu'il est raisonnable de considérer comme nécessaire à l'application ou à l'exécution d'une loi fiscale à son égard». Ce pouvoir, M. le Président, il peut avoir tout ce pouvoir d'amasser l'information confidentielle et l'information qu'il pense qui peut être nécessaire pour son projet de loi et pour l'application de la loi fiscale.

Il y a aussi, M. le Président, l'article d: «communiquer à un ministère ou à un organisme du gouvernement du Canada». Encore une fois, là, je peux continuer, mais c'est clair: il veut communiquer l'information confidentielle partout. Et nous avons vu des exemples assez récents, M. le Président, des exemples de quand un département d'un gouvernement passe l'information qui n'est pas correcte.

M. le Président, on doit assurer qu'on protège la vie privée de la population québécoise. Tout le monde, je répète, tout le monde est contre le marché noir, tout le monde est pour un gouvernement efficace qui peut assurer qu'on ramasse les fonds nécessaires. Et c'est un peu la logique de la motion que le ministre a mentionnée, qui vient de la commission du budget et de l'administration. Mais je pense, M. le Président, qu'il exagère, ses fonctionnaires exagèrent. Ils cherchent à avoir le pouvoir... Et le ministre lui-même dit qu'il veut faire quelques dérogations parce que ce sont certaines formalités, c'était trop cher, il ne veut pas avoir les questions. Mais je pense, M. le Président, qu'on doit s'assurer qu'on prend toutes les choses nécessaires pour s'assurer que la vie privée de la population québécoise est protégée.

M. le Président, si ça coûte un peu plus cher, si ça passe quelques étapes d'assurer que la vie privée est protégée, peut-être, M. le Président, que ça va être une bonne dépense, peut-être que c'est quelques bonnes étapes, parce que je ne veux pas avoir un gouvernement qui peut aller dans ma vie, qui peut savoir toute l'information privée sur moi. Moi, M. le Président, je paie mes taxes, j'ai toujours payé mes taxes. Moi, j'ai toujours payé mes taxes. Peut-être qu'il y en a quelques autres, de l'autre côté, qui n'ont pas payé les taxes, ou peut-être que le ministre a dit qu'avec le pouvoir qu'il va avoir avec le projet de loi il va vérifier, merci beaucoup.

Il peut aller, il peut fouiller dans toute l'information. Il peut avoir l'information du ministère des Affaires municipales. Il peut avoir l'information du réseau de distribution de gaz, de télécommunications, énergie électronique. Il peut aussi avoir l'information de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Mais il ne s'arrête pas là, il peut avoir aussi l'information de la Régie des rentes du Québec. Il ne s'arrête pas encore, M. le Président, il peut aller au ministère de l'Éducation, s'assurer qu'ils ont eu un prêt et une bourse. Mais l'article 4 dit qu'il peut aller dans le Bureau de la statistique, qu'il peut avoir des échanges avec le ministère des Affaires municipales, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec, le ministère de l'Éducation. Et ce n'est pas assez bon encore pour le ministre délégué au Revenu: l'article 5 dit qu'il peut aller dans chaque municipalité, il peut aller dans chaque organisme public.

Il a assez de pouvoirs, M. le Président. Jusqu'à quel point ce gouvernement va arrêter quand il veut avoir l'information sur la vie privée de la population québécoise? Tout ça en guise de lutte contre le marché noir. Avec ça, ça va être bien difficile d'être contre ça, M. le Président, sauf quand vous commencez à demander les questions: Pourquoi? Est-ce que c'est vraiment nécessaire? Jusqu'à quel point ils sont prêts à aller pour avoir l'information? Et comment il va protéger cette information? C'est entré dans son propre projet de loi, M. le Président; ce n'est pas moi qui essaie de trouver les exemples exagérés, c'est dans sa propre loi. Il peut aller dans quatre ou cinq départements, ministères, il peut échanger l'information avec les niveaux de gouvernement municipal, provincial ou fédéral. Jusqu'à quel point ça va arrêter?

(16 h 20)

Et comment il peut protéger cette information? On sait maintenant que ce gouvernement veut amasser une vaste, une énorme quantité d'informations sur la vie privée. On doit demander ce qu'il veut faire avec toute cette information. Quand la vaste majorité du peuple québécois est des bons payeurs de taxes, quand la vaste majorité de la population québécoise n'a jamais fraudé le système, avec ça, il est en train, pour une minorité de personnes, de traiter tout le monde comme des fraudeurs et de donner un pouvoir accru, un pouvoir exagéré, à mon opinion, au ministère du Revenu pour avoir l'accès à toute information.

Le ministre délégué au Revenu va dire: Ah! pas de problème, tout va être protégé, sauf que, lui-même, il va déroger à certains articles de la loi qui protègent l'accès à l'information. Et, quand j'ai vu l'article 6, j'ai eu mes questions sur jusqu'à quel niveau cette protection de l'information privée est importante pour le ministre. Je voudrais citer l'article 6: «Aux fins des articles 69.1 à 71, une entente peut, le cas échéant, être conclue avec un organisme pour préciser notamment les renseignements transmis, les moyens mis en oeuvre pour en assurer la confidentialité ainsi que les mesures de sécurité.» Il y a un mot assez important dans ce projet de loi. Vous dites «peut». Pas «doit», «peut». «Peut.» Où est l'obligation? Pourquoi il n'y a pas une entente obligatoire? Voilà une démonstration, à mon opinion, de la protection superficielle que je vois dans ce projet de loi pour la vie privée de la population québécoise.

M. le Président, vous voyez maintenant une tendance assez claire de ce gouvernement: dans plusieurs projets de loi, dans plusieurs ministères, il cherche l'information privée sur la population québécoise. Où est cette grande vision sociale-démocrate? Où est la protection de la vie privée de la population québécoise?

Moi, quand j'ai vu le principe de ce projet de loi, quand j'ai écouté le ministre délégué au Revenu, j'ai dit: Oui, effectivement, on doit s'assurer que le ministre du Revenu est utile pour faire le travail. Mais, maintenant, il demande d'avoir tout le pouvoir sans permettre d'aller dans... de passer l'information confidentielle sur vous, sur moi et sur tous les Québécois.

Je voudrais juste ouvrir une parenthèse avant de continuer mon intervention sur le projet de loi n° 32 et mentionner que nous avons tous lu dans les journaux, la semaine passée, l'intervention de l'ACEF et de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Je suis heureux qu'ils aient fait leur intervention, et je voudrais féliciter ces groupes, les premiers groupes qui ont sonné la cloche et dit qu'il y a un problème avec ce projet de loi. Il y a un problème assez important, et ils questionnent ce que le projet de loi est en train de faire.

Nous avons pris connaissance avec inquiétude du projet de loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu, le projet de loi n° 32 qui permettrait au ministère du Revenu de procéder à des couplages de fichiers sans obtenir l'autorisation préalable de la Commission d'accès à l'information. Voilà un point assez important. Il n'y a pas nécessairement beaucoup de groupes qui suivent la question de la protection de la vie privée de la population québécoise, et je suis heureux que l'ACEF et la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec aient sonné cette cloche, parce que, une fois que nous avons brisé cette entente, ce partnership, ce contrat social entre l'État et les individus, les particuliers, on peut avoir des problèmes. C'est une piste glissante.

Quand le gouvernement dit: Pour le bien-être de la société, pour faire la bataille contre le marché noir, nous avons besoin d'avoir l'accès à toute l'information privée – ministère des Affaires municipales, Régie de l'assurance maladie du Québec, Régie des rentes, ministère de l'Éducation et d'autres groupes – nous avons besoin de tout ça, mais ne vous inquiétez pas, nous allons protéger cette information, mais je suis tellement inquiet. J'ai peur que nous soyons en train de créer un fichier central, que nous soyons en train de créer une quantité énorme d'informations dans une place et j'ai peur que nous n'ayons pas de protection bien établie.

Je ne mets pas en doute la bonne volonté du ministre délégué au Revenu, mais je mets en doute notre capacité de protéger tous ces systèmes. Peut-être que les mécanismes que nous avons utilisés jusqu'à maintenant, M. le Président, étaient efficaces – j'ai mes doutes sur ça aussi – mais, certainement, quand nous sommes en train de passer un projet de loi qui donne le pouvoir presque illimité au ministère du Revenu, je pense qu'on doit, si nous sommes responsables, arrêter pour quelques minutes, on doit questionner: Est-ce que nous avons vraiment besoin de toute cette information, un? Et, si oui, bien, nous allons avoir une bonne discussion. Est-ce que c'est vraiment oui, que nous avons besoin de toute cette information? Mais, si oui, comment allons-nous protéger cette confidentialité? D'avoir quelques articles dans le projet de loi, M. le Président, qui disent que la confidentialité va être protégée, me cause des problèmes, particulièrement quand il y en a un qui est assez clair et qui dit qu'il n'y a aucune obligation d'avoir cette protection, comme j'ai déjà dit que l'article 6 dit qu'une entente peut être conclue.

M. le Président, ce projet de loi, comme je l'ai déjà dit, est dangereux. C'est une exagération, c'est une exagération de pouvoir que le ministère du Revenu cherche. Nous avons déjà reçu un avis aussi de la Commission d'accès à l'information du Québec, un avis sur ce projet de loi, qui questionne certains aspects de ce projet de loi. De plus, il est prévu des échanges récemment... échappant à l'application des articles 65 à 70 de la loi sur l'accès. En d'autres termes, le ministre n'aurait plus à soumettre pour avis à la Commission d'accès à l'information les ententes d'échanges récemment conclues avec des ministères ou organismes.

Dans un premier temps, l'organisme tient à signaler que la lutte au travail au noir ou l'évasion fiscale ne doit pas se faire au détriment des droits d'accès et de rectification reconnus aux contribuables par la loi sur l'accès et l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu. Par contre... Je cite quelques phrases de cet avis: «Par contre, la Commission s'oppose à l'introduction d'une disposition dérogatoire à l'article 75 de la loi sur l'accès. Cet article, qui reprend les principes de "fair information practices" doit être respecté par le ministre du Revenu. Considérant l'ampleur des échanges projetés, la Commission croit essentiellement à la mise en place de règles qui assureront la transparence des actions entreprises par le ministère du Revenu.»

Ça touche un point assez important, M. le Président. Le ministre dit que ces dérogations ne causent pas vraiment problème, ne mettent rien en doute. Mais, si ça ne change pas vraiment grand-chose, pourquoi veut-il faire ces dérogations? Pourquoi veut-il déroger de la Commission d'accès à l'information, si ce n'est pas nécessaire?

Il me semble qu'il y a deux dynamiques qu'on doit protéger: un, on doit avoir le pouvoir... on doit avoir le pouvoir de faire la bataille contre le marché au noir, mais on doit aussi avoir tous les mécanismes pour protéger la vie privée de la population québécoise.

La chose qui me frappe dans ce projet de loi, et peut-être que le ministre n'est pas d'accord avec ça, mais la chose qui me frappe beaucoup est qu'il traite tous les Québécois et Québécoises comme des fraudeurs, et je n'accepte pas ça. Je n'accepte pas ça. Il y a un petit pourcentage de la population québécoise qui ne paie pas ses taxes, mais la grande, grande majorité de la population québécoise paie ses taxes. Elle veut avoir plus de valeur pour ses taxes, particulièrement après le 12 septembre 1994, mais elle paie ses taxes.

Mr. Speaker, Bill 32 is a dangerous bill. Bill 32 is a dangerous bill, Mr. Speaker.

Je m'excuse... Merci beaucoup, M. le Président.

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, excusez-moi. En tant que porte-parole de votre groupe, vous avez droit à... Je vous ai indiqué pour 20 minutes, mais vous avez droit à 60 minutes en tant que porte-parole de votre groupe parlementaire. Excusez-moi. Je vous cède la parole.

M. Williams: Merci beaucoup. Je sais qu'ici, à l'Assemblée nationale, le temps passe vite, mais je n'ai pas pensé que ça passait aussi vite que ça. Merci beaucoup, M. le Président.

As I was saying, Bill 32 is a dangerous bill, a dangerous bill because it gives too much power, too much power to the «ministère du Revenu». The Bill says he needs the tools to do his job correctly, he needs the tools to fight the battle against the black market. Nobody's against that, but this is an exaggeration, it's an exaggeration of power in which Bill 32 gives an enormous amount of power to the Ministry of Revenue to collect information from the people of Québec on their private lives.

Let me give you a few examples of that. My sight of them was in French so let me just go through them again in English. Article 3, and this is not just political rhetoric, this is not the Opposition saying political evaluation of this «projet de loi», these are the words in the law. It allows the Ministry to «use confidential information to compile information in a form that does not directly or indirectly reveal the identity of the person to whom it relates». It's collecting information.

But then it goes on. Article c: «communicate to a person confidential information that can reasonably be considered to be necessary for the administration or enforcement of a fiscal law in his respect.» That's possibly a blank cheque, Mr. Speaker. «Communicate to a person»: Who? «Confidential information»: Who decides that? «That can reasonably be considered»: Who decides what is reasonably considered? And it is far reaching, because it talks about enforcement of a fiscal law, any fiscal law.

I continue to point out, Mr. Speaker, another problem. There's a communication between departments, bodies or departments and bodies of other governments, including the Government of Canada. We have seen quite recently problems of passing on not correct information, false information. And then once one Government installs it in their computers, it's information that follows people constantly. We have to fight to make sure there's a right protection for the private life of people.

The other thing that is concerning me in this «projet de loi», Mr. Speaker, is the enormous amount of exchange of information between various departments within our Government. Whether it's the Bureau de la statistique, whether it's the Minister of Municipal Affairs or any other municipalities or telecommunication companies, gas distribution companies, electric power systems, or the Régie de l'assurance-maladie du Québec, or the ministère de l'Éducation, this is all areas in which the Government can collect information. The Government can collect this information about you, about me, about everybody else. I don't like to be treated as a fraudster, I don't like that somebody has the power to go into my private life. Where will this Government stop in it's invasion, in it's attack on the private life of the people of Québec?

The Minister is going to say: Don't worry! Things are protected, information is protected. Well, I hit article 6, and it says: «For the purposes of sections 69.1 to 71, an agreement may be made with a body to specify, among other things, the information to be transmitted, the means to be used to ensure that the information transmitted remains confidential as well as security measures.» Mr. Speaker, there's a keyword there that is missing. The keyword is «must», not «may». On doit avoir «doit», pas «peut».

Mr. Speaker, when there's such lack of attention given to some basic fundamental principles, I get worried. I get worried when the information is passed on to the archives 75 years, in terms of a... so remain confidential for 75 years. I'd like to know just how far this invasion on the private lives is going to be.

And then I also see that this Government, as a number in the tax law says... they come out with articles that say: Notwithstanding the last article we're going to have exceptions. I get very worried when this Government says: notwithstanding the previous article, we're going to do something completely different.

M. le Président, comme je l'ai mentionné dans mon premier 20 minutes, je suis tellement inquiet de ce pouvoir que le ministre du Revenu est en train de chercher. Vous pouvez voir, dans l'Annexe A du Discours du budget, page après page, l'intensification de l'échange d'informations. Vous pouvez voir qu'il est en train d'accentuer la vérification relative à l'évasion fiscale. Vous pouvez voir par plusieurs autres gestes que le gouvernement veut avoir le pouvoir d'avoir toute l'information sur la vie privée de la population québécoise.

M. le Président, une des pierres angulaires d'une société démocratique, c'est la protection de la vie privée. Peut-être qu'il y a quelques ministres de l'autre côté qui sont en désaccord avec ça, mais une des premières pierres angulaires de notre société est la protection de la vie privée. Et j'ai peur que, maintenant, ce gouvernement soit en train d'essayer de convaincre tout le monde et dise: On doit tout faire pour faire la bataille au marché au noir. Et tout le monde va dire: Oui, effectivement, on veut s'assurer que tout le monde paye les impôts dus. On doit s'assurer que, si vous avez besoin de payer des impôts, vous les payiez. Mais à quel prix, M. le Président? On doit assurer que la vie privée, que les informations confidentielles sont bel et bien protégées.

M. le Président, ce gouvernement péquiste est en train de donner une nouvelle définition de «Big Brother», Big Brother by which we're watched all the time, we're checked all the time. We want to know what information you have. We want to know whether you've got student loans. We want to know what medication you have taken. We want to know if you have a pension plan. We want to know whether you have been paying your gas bills, your Hydro bills, your telephone bills. We want to know everything.

C'est ça que ce gouvernement veut avoir, et, si vous mettez en place l'un à côté de l'autre les projets de loi n° 32, n° 29, n° 36 – pour juste en nommer quelques-uns – vous allez voir que ce gouvernement est en train de s'assurer d'avoir tout le pouvoir d'entrer dans la vie privée des citoyens québécois. Et, M. le Président, je sais qu'il reste au moins un ou deux démocrates de l'autre côté de la Chambre, au moins un ou deux.

Une voix: Le député de Richelieu, par exemple.

M. Williams: Oui, peut-être le député de Richelieu. On verra. J'espère que, au moins, il y a une...

Une voix: Et la députée de Terrebonne.

M. Williams: Je pense qu'ils en ont compté au moins deux. O.K. Il y en a deux. J'espère que ces deux-là vont essayer de convaincre leur caucus que c'est une mauvaise loi. Ils doivent essayer de le convaincre. Nous n'avons pas le droit de donner à nos fonctionnaires et au ministère du Revenu le pouvoir d'entrer dans la vie privée de la population québécoise. Il me semble, comme la Commission d'accès à l'information l'a dit, qu'il y a d'autres façons de protéger la vie privée. Lui-même a dit qu'il y a des choses qu'il peut faire. Lui-même a dit qu'il n'est pas contre la lutte contre la travail au noir, mais il me semble qu'on doit... Je pense que le ministre délégué du Revenu a interprété la motion de la commission du budget et de l'administration d'une façon exagérée, et peut-être parce qu'il a la responsabilité – et j'accepte ça – de chercher de l'argent, d'assurer que tout le monde paye leurs taxes. Il n'y a personne qui est contre ça, M. le Président, mais il me semble qu'on doit protéger la vie privée de la population québécoise.

Big Brother is a term that maybe people smile at on the other side, but it's a dangerous term when we're in the process of giving this Government the capabilities of going in the Ministry of Education, the Ministry of Municipal Affairs, the Ministry of Health and Social Services, and altogether, at one central place that they want, collect information on the private lives of Quebeckers. If that doesn't worry you, I don't know what does. If the collection of information about how you pay your taxes, or what medication you have, or what student loans you might have had, or what pension plan you might have, the collection of that information by a government with unlimited powers to collect it, with no recourse or no appeal, with a law that derogates from the protection of the Commission d'accès à l'information, if that doesn't bother you, I don't know what does.

(16 h 40)

M. le Président, le ministre délégué du Revenu a dit: Ça va être bon pour nous, ce projet de loi. Je ne comprends pas comment ça va être bon pour nous. Je comprends mal ça, parce que je pense que le ministre est en train d'essayer de nous convaincre qu'il doit avoir tous les pouvoirs nécessaires pour faire la bataille contre le marché noir et qu'on doit mettre nos droits de côté. On doit mettre nos droits et la protection de la vie privée de côté, et c'est pour le bien-être de la société québécoise. Je suis contre ça, M. le Président.

On peut, d'une main, avec fierté, protéger la confidentialité et la vie privée de la population québécoise et, de l'autre, on peut avoir une stratégie pour faire la bataille, la lutte contre le marché noir. Nous n'avons pas besoin de faire l'un au prix de l'autre. On peut faire les deux ensemble.

Le problème, M. le Président, c'est que vous ne voyez pas cet équilibre en ce projet de loi n° 32. Vous avez vu juste le côté du ministère du Revenu qui cherche tout le pouvoir, tout le pouvoir de faire la collecte d'informations sur la vie privée de la population québécoise. Le projet de loi n° 32, attaché au projet de loi n° 29, et aussi avec la loi 36, c'est des lois dangereuses. C'est des lois qui, dans mon opinion, méritent une bonne consultation et une chance d'explorer toute la dynamique de ce projet de loi.

C'est pourquoi, M. le Président, nous n'avons pas encore d'entente avec le ministre du Revenu, le ministre délégué au Revenu, mais je voudrais recommander que nous ayons la chance d'écouter, pendant la consultation publique, plusieurs groupes comme... Certainement, nous avons déjà entendu la Commission d'accès à l'information du Québec. Nous avons déjà reçu un avis. J'espère qu'on pourra profiter de son expertise. Je pense que nous avons besoin certainement d'écouter la Commission des droits de la personne et la Commission de protection des droits de la jeunesse du Québec, parce que j'ai peur qu'il y ait une évasion de la confidentialité et de la vie privée. Je voudrais aussi vérifier si c'est vraiment contre la Charte.

Est-ce que nous avons besoin peut-être d'une nouvelle façon de protéger la vie privée de la population québécoise? Avec tous les changements électroniques, l'autoroute informatique et toutes les choses... logiciels, on sait qu'on peut essayer de bel et bien protéger beaucoup d'informations. Mais est-ce que nous avons vraiment fait ça dans de bonnes façons qui vont protéger l'information jusque dans le futur?

Je voudrais aussi écouter le Protecteur du citoyen, qui joue un rôle assez important dans la protection du bon comportement du gouvernement pour les citoyens. Il y a les deux groupes qui ont eu la sagesse et la créativité, et je suis heureux qu'ils aient présenté, la FNACQ et l'ACEF – ils nous ont déjà écrit une lettre, à nous – et, comme je l'ai déjà dit, je voudrais féliciter ces groupes pour sonner cette cloche. J'espère qu'il y a plusieurs autres groupes qui vont demander à se présenter devant notre commission.

Le projet de loi n° 32 demande ou recherche le pouvoir pour faire de l'échange d'informations entre le ministère des Affaires municipales, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et le ministère de l'Éducation. Avec ça, il me semble qu'on doit avoir au moins la chance de rencontrer tous ces groupes-là, incluant le Bureau de la statistique du Québec. Il y a cinq groupes. Il y a plusieurs groupes qui sont tellement frappés par ce nouvel appétit insatiable pour l'information sur la vie privée. Avec ça, je pense qu'on peut inviter plusieurs associations de payeurs de taxes du Québec, la Fédération des étudiants, parce qu'ils cherchent de l'information sur les prêts et bourses, la Coalition des aînés, parce qu'ils cherchent sur les régimes de rentes. Mais aussi – je ne sais pas si vous avez eu une chance, M. le Président, de voir – ils veulent avoir de l'information qui vient de plusieurs autres sources. Dans 4 l): le ministre des Affaires municipales, à l'égard des noms et adresses de la personne qui exploite ou a exploité un réseau de distribution de gaz, de télécommunication ou d'énergie électrique». Avec ça, il me semble que, si j'ai bien compris le projet de loi, M. le Président, nous allons demander à plusieurs secteurs privés, peut-être comme Bell Canada ou Gaz Métropolitain ou Hydro-Québec, d'avoir un échange d'informations. Le Barreau du Québec, il me semble qu'il doit avoir quelque chose à dire sur ce projet de loi, et aussi le Conservateur des archives nationales du Québec, qui est mentionné dans le dernier paragraphe de ce projet de loi. Le ministre délégué du Revenu a déjà cité le Vérificateur général comme un des exemples. Avec ça, il me semble qu'on doit en profiter pour lui demander: Est-ce que, effectivement, le projet de loi n° 32 respecte ce qu'il a demandé?

Je ne peux pas nommer tous les groupes, M. le Président, parce que c'est assez vague, le projet de loi. L'article 5 parle de tout organisme public dans le sens de l'article 31.1.4. Avec ça, il me semble qu'on ne peut pas inviter tous les groupes qui peuvent être touchés par cette vaste loi, mais peut-être qu'on peut avoir quelques groupes qui peuvent au moins éclairer l'impact de ce projet de loi sur la façon dont ils peuvent faire leur travail.

Mr. Speaker, I have listed quickly... a small list, «une petite liste pour un projet de loi aussi important que ça». It's a list of approximately 20 groups, 20 groups that are directly touched or mentioned, cited in the law, 20 groups that have a direct interest in terms of the Ministry of Revenue, our fiscal laws and the protection of private information.

Il me semble qu'on doit profiter de la place privilégiée que nous avons ici, à l'Assemblée nationale, pour s'assurer que, avant de passer un projet de loi qui peut faire mal à la vie privée de la population québécoise, on tienne des consultations publiques sur ce projet de loi. On doit donner la chance aux groupes, aux interlocuteurs privilégiés du gouvernement du Québec, comme le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information et les autres que j'ai déjà mentionnés, et les groupes communautaires, et le secteur privé qui peut être impliqué dans cette chose, on doit leur donner une chance de nous dire ce qu'ils pensent de ce projet de loi et ce qu'ils pensent.

Et est-ce qu'ils pensent... C'est pourquoi j'ai mentionné l'association des payeurs de taxes du Québec. Est-ce que ce groupe pense que, avec le pouvoir accru qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 32, c'est aussi nécessaire, dans son opinion, d'avoir tout ce pouvoir et est-ce que, dans son opinion... Parce que ce groupe-là est un groupe qui veut insister pour qu'on réduise les taxes, effectivement, mais nous allons avoir un bon système de taxation. Je voudrais demander à ces personnes-là: D'après leur évaluation, est-ce que nous allons avoir les moyens de faire la lutte contre le marché noir? Mais est-ce que nous allons avoir aussi – et c'est une chose tellement importante – une bonne protection de la vie privée de la population québécoise?

En conclusion, M. le Président, je voudrais utiliser le temps, j'espère, pendant les consultations publiques pour questionner les groupes à savoir ce qu'ils pensent de ce projet de loi, mais aussi pour m'assurer que la vie privée de la population québécoise est bel et bien protégée. Et j'espère que, une fois que nous aurons commencé l'étude article par article de ce projet de loi, le ministre va être ouvert comme quand j'ai questionné le ministre des Finances sur ce même projet de loi. Lui était ouvert. Si la vie privée de la population québécoise est mise en doute, si cette vie privée est placée dans une situation à risque, j'espère que le ministre délégué du Revenu va être prêt à amender son projet de loi, à s'assurer que, dans une main, il va avoir les moyens de faire la lutte contre le marché noir. Mais aussi, avec toute sincérité, je demande que ce gouvernement s'assure avec la même vigueur, avec la même énergie, que la vie privée du simple citoyen soit bel et bien protégée.

(16 h 50)

Mr. Speaker, in conclusion. I'm going to work very hard with the «ministre délégué» to make sure that we answer the following questions: Do we have the necessary tools to complete our task, that those people who should be paying taxes are paying taxes? Nobody wants to see somebody ripping off the system, nobody wants to see that. The examples in the budget speech are self evidence. You see people living way beyond their means. You want them to pay their taxes, but what is fundamentally wrong with this «projet de loi» is that it goes far beyond what is necessary, it goes right into the homes of people, it goes right into all kinds of information. And, even if the Minister says that isn't so, he can fix the law. What is shown here is a tip of an iceberg, a tip of a very hideous problem of the thinking of this Government. They will go to whatever link they can, whatever link they think is necessary to go into the private life of Quebeckers.

They will go and take information about what? Medication you use, what pension you're on, what taxes you're paying, right into your Hydro bills and your telephone bills. Now, once you have that power, where does it stop? Big Brother phenomena that we all know about, read about, is not out of the question with this Government. They are omnipresent, they want to know what and where you are, how much you pay, and I get extremely worried, Mr. Speaker, with this kind of information because this Government, as any government, can make mistakes. And where is the responsibility for the State in this «projet de loi»? Where is the check and balance?

Si ce gouvernement a fait une autre erreur, et ils sont habitués de faire des erreurs, mais s'ils font une erreur sur une information privée, une information confidentielle sur la vie privée d'un citoyen québécois, où est la protection dans ce projet de loi? Comment sont protégés ces contribuables? Avec ça, c'est un pouvoir dangereux. Quand vous voyez qu'ils peuvent communiquer avec n'importe quelle personne, qu'ils peuvent communiquer des renseignements confidentiels qui sont raisonnablement considérés comme nécessaires, c'est un chèque en blanc que les fonctionnaires cherchent. Peut-être que ce n'est pas le ministre qui cherche ce pouvoir, mais ses fonctionnaires cherchent ça. Mais, avec ça... Moi, je pense que c'est une loi qui a été écrite comme ça à cause d'une négligence politique. Ce gouvernement est aussi obsédé par son option sur la séparation. Ils n'ont pas vraiment étudié les projets de loi et, maintenant, ils arrivent et disent: On doit faire tout, on doit avoir tous les pouvoirs pour faire la bataille contre le marché au noir, on doit faire la lutte contre le marché au noir, c'est un slogan, c'est 1 400 000 000 $. C'est de l'argent, on veut supporter toutes les choses utiles et raisonnables. Mais d'avoir le pouvoir, un chèque en blanc, de chercher l'information sur le simple citoyen québécois, c'est inacceptable.

Mr. Speaker, as I said, this is serious. This law and many others that this Government is starting to put forward, that are tabled here in the House, you put them together, it can mean invasion on the private life of Quebeckers, and we, in the Liberal Party of Québec, we'll make sure that we question this Government to make sure that the private life of citizens is protected, to make sure that they do have the protection that they deserve. In a democratic society, Mr. Speaker, you don't say: Put aside fundamental rights and freedoms. You don't say: Your private life is secondary. But this Government is trying to get away by saying: Well, if you don't have anything to hide, why don't you tell us all the information? That's not democracy.

Part of the fundamental premisses of democracy, you say: You have a private life. There is a social contract between people, there is a social contract between the State and the citizens. So, Mr. Speaker, this is the beginning of the breakdown of this contract, this is the beginning of the Government, along with these other laws, going so far... derogation of access guaranties, derogation of some basic fundamental protections to get to the tools that they think are necessary. Mr. Speaker, we're going to question this law, we're going to demand public hearings, we're going to make sure that the people of Québec have a chance.

Je pense qu'on ne peut pas passer ce projet de loi, M. le Président, sans avoir de consultations publiques. C'est pourquoi, quand le ministre a déposé ça, juste avant la date limite pour cette session, si ma mémoire est bonne, le 14 mai, j'ai tout de suite soulevé et j'ai demandé d'avoir une consultation publique. En ce temps-là, le ministre n'était pas contre, et je présume qu'il n'est pas contre encore... Ah! il est encore ouvert; j'espère qu'il l'est aussi pour ma petite liste de 20 groupes. Ah! Maintenant, il a déjà commencé à limiter les choses. Voilà, là il est ouvert, mais pas vraiment. Il est ouvert à écouter le monde, mais juste ceux et celles qui veulent, juste ceux et celles qui sont d'accord, peut-être, avec son projet de loi. Mais le projet de loi est assez important qu'on doive insister.

Moi, je n'ai pas insisté nécessairement sur une consultation générale, mais je pense que nous avons plusieurs... Et je n'ai pas nommé ma deuxième liste, parce que j'essaie aussi de dire... Parce qu'il y a plusieurs autres lois. J'ai pensé: Au moins, on peut demander les groupes qui sont directement touchés par ce projet de loi, ce projet de loi qui peut être une invasion importante dans la vie privée de la population québécoise. Je ne peux pas répéter cette phrase trop souvent: une invasion dans la vie confidentielle de la population québécoise. Ils mettent la vie privée en risque avec ce projet de loi. Avec ça, il me semble que ça mérite une chance, ça mérite une chance avant qu'on commence l'étude détaillée de ce projet de loi, d'écouter les groupes.

Moi, j'en ai nommé une vingtaine, M. le Président, parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qui sont au courant de ce projet de loi. C'est un truc du gouvernement d'arriver à la toute dernière minute avec plusieurs projets de loi. Ils sont tous déposés en même temps. C'était difficile d'avoir ça quand nous l'avons demandé. Il appelle un, il appelle l'autre. Il a essayé d'appeler ce projet de loi, je pense, jeudi passé, mais, finalement, nous n'avons pas eu la chance de faire ça. L'idée, c'est: si on peut passer ça vite, peut-être que le monde ne va pas se lever. Peut-être, comme dans le discours du ministre, qu'il va essayer de parler de ça calmement. Il va essayer de dire juste: Ce n'est pas grave, il n'y a rien en danger. La dérogation aux règles de l'accès à l'information, ce n'est pas grave. «Anyway», on doit faire tout ça parce qu'on doit faire la lutte contre le travail au noir.

M. le Président, il me semble qu'une simple règle de démocratie, c'est aussi de laisser le temps aux personnes qui sont intéressées, qui sont touchées par ce projet de loi, laisser les personnes avoir la chance d'exprimer ce qu'elles pensent de ce projet de loi. C'est une chose bien simple, c'est une chose assez minimale que je demande, et j'espère, peut-être pendant le débat sur le principe de ce projet de loi, que le ministre va reconsidérer sa liste, parce qu'il me semble que je n'ai pas nommé les groupes qui ne sont pas touchés par ce projet de loi, j'ai nommé les groupes qui sont... S'ils ne sont pas nommés, ils sont directement mentionnés, au moins leur rôle dans ce projet de loi... Et j'espère, M. le Président, pour la bonne protection de la vie privée, la bonne protection de l'information confidentielle dans la population québécoise, que le ministre délégué au Revenu va prendre ma suggestion et va prendre ce groupe de 21.

J'espère aussi qu'il va accepter les groupes communautaires, parce qu'on ne veut pas avoir juste les instances gouvernementales qui parlent entre elles. C'est un des problèmes de ce projet de loi n° 32, M. le Président, que c'est un département du gouvernement qui parle à l'autre département du gouvernement. Il y a un vaste échange d'informations, et c'est un des problèmes. Est-ce qu'on veut avoir ce libre échange d'informations? S'il veut vérifier sur vous, M. le Président, il peut téléphoner à Saint-Jean – je pense à la ville de Saint-Jean – il peut téléphoner, effectivement, à la ville de Saint-Jean, il peut téléphoner à la ministre de l'Éducation, il peut demander de l'information de la Régie des rentes, il peut demander à la Régie de l'assurance-maladie, il peut demander d'avoir beaucoup d'informations sur vous. Je suis convaincu qu'il ne trouvera rien, M. le Président, mais, effectivement, il peut aller loin. Il peut aller loin. Et peut-être que le ministre va dire: Ce n'est pas du tout ça. Mais lisez la loi. C'est le pouvoir exagéré d'avoir de l'information sur vous, sur moi, sur le député de Verdun, sur tout le monde. Et là je suis loin d'être convaincu que ça va être juste quand il y a vraiment un cas exceptionnel, quand il y a un cas aussi évident, et c'est ça que le ministre a dit.

(17 heures)

Mais je pense, dans le discours du budget, qu'il a dit: Si vous êtes sur le bien-être social et que vous avez une Mercedes, une grande maison, il y a quelque chose qui ne marche pas correctement, effectivement. Mais ce n'est pas ça que le projet de loi dit. Il donne le pouvoir, comme un chèque en blanc, de communiquer à une personne des renseignements confidentiels qu'il est raisonnable de considérer comme nécessaires à l'application ou l'exclusion de lois fiscales à son égard. Toutes les lois fiscales.

Avec ça, il me semble, M. le Président, qu'on doit mettre notre pied sur le frein. On doit demander à ce ministre délégué: Arrêtez, prenez le temps de vous assurer que, avec votre énergie d'avoir le pouvoir d'aller chercher de l'argent, vous n'êtes pas en train de briser le contrat social entre la population québécoise et l'État, que vous n'êtes pas en train de donner un bazooka, de «blaster» un trou sur les règles qui protègent la vie confidentielle de la population québécoise.

This is not something, Mr. Speaker, that is a limited power that the Minister is looking for, it is an extended power. It is all information that they deem reasonable on fiscal laws. That could mean almost anything, and that, we must stop. We must question and find a way to protect the citizens of Québec.

M. le Président, j'espère que, cet après-midi, nous allons avoir la chance de parler ensemble, le ministre et moi, de trouver au moins une liste, peut-être, de 19 ou 20, que nous allons avoir la chance de vraiment discuter ensemble, de donner la chance à ceux et celles qui veulent s'exprimer sur cet important projet de loi de nous visiter bientôt. Parce que, si on profite de cette expérience, je pense qu'après ça on pourra avoir un échange, un dialogue article par article de façon plus utile et plus efficace. Et c'est pourquoi, encore une fois – et je ne vais pas déposer officiellement ma liste à l'Assemblée nationale – je vais certainement, pendant les discussions, cet après-midi, discuter de ça avec le ministre, parce que ce n'est pas une liste d'une centaine de groupes, c'est une liste de 20 groupes qui peuvent avoir quelque chose à dire sur ce projet de loi.

Merci, M. le Président, pour la chance de parler quelques minutes sur ce projet de loi n° 32. C'est un projet de loi qui touche potentiellement toute la population québécoise, et j'espère que, à la fin de l'exercice de l'étude de ce projet de loi, il va y avoir 125 députés à l'Assemblée nationale qui vont être convaincus que nous avons protégé la vie privée de la population québécoise. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres intervenants sur le principe du projet de loi n° 32? M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et le discours du ministre et la réponse du critique, à l'heure actuelle, sur un projet de loi qui semble mineur en apparence mais qui est fondamental. Et je vais essayer de vous expliquer les craintes que nous avons de ce côté-ci de la Chambre.

Il est évident qu'il n'y a pas un citoyen qui trouve normal que les gens fraudent l'impôt. Tout le monde est d'accord, à l'heure actuelle, pour que le ministère du Revenu soit en mesure d'aller percevoir réellement ce que chacun doit. Donc, sur l'objectif, il n'y a pas de divergence. Il faut que le ministère du Revenu, quels que soient les partis qui sont là, ait l'obligation d'aller chercher les sommes qui lui sont dues suite aux différents discours du budget. Ça, on est bien d'accord là-dessus.

Il faut néanmoins être conscient que s'établissent de plus en plus d'énormes banques informatiques ayant à l'intérieur des renseignements de plus en plus confidentiels sur chacun d'entre nous. Il y a la banque informatique de la Régie de l'assurance automobile, il y a la banque informatique du ministère de l'Éducation, il y a la banque informatique de la régie de l'assurance-médicaments lorsqu'elle sera créée, il y aura la banque informatique de la Régie de l'assurance-maladie.

La question de fond que nous avons ici à discuter, c'est: Jusqu'à quel point les renseignements qui sont contenus dans ces différents fichiers doivent pouvoir être mis les uns avec les autres, doivent pouvoir être comparés l'un avec l'autre?

Il y a, dans notre société, deux principes qui sont assez fondamentaux, M. le Président, et vous le savez. C'est que, premièrement, on fait confiance à l'individu. L'individu est présumé innocent tout le temps. Et, deuxièmement, le lien entre les citoyens canadiens et l'impôt est basé sur la déclaration volontaire, c'est-à-dire que volontairement chacun des citoyens et citoyennes du Québec et du Canada fait tant à l'impôt provincial qu'à l'impôt fédéral une déclaration volontaire de ses revenus et, sur cette déclaration de revenus et de sa situation, est en mesure d'être taxé, c'est-à-dire de devoir payer son impôt.

Le projet de loi semble vouloir étendre à tout le monde le principe que tout le monde pourrait être fraudeur. Pour repérer les quelques fraudeurs qui existent certainement face à l'impôt, on va amener la constitution, au niveau du gouvernement, d'énormes banques de données contenant des renseignements individuels sur chacun d'entre vous, et ça, c'est ce que nous craignons.

Le député de Nelligan l'a bien répété tout à l'heure, ce que nous craignons dans ce projet de loi, c'est la constitution d'énormes banques de données dans lesquelles les renseignements sont échangés, c'est-à-dire où on a une intrusion dans la vie privée de chacun. C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir en comparaison fichiers et fichiers et qu'on pourrait savoir à la fois quels sont vos résultats, votre vie académique, votre vie de santé, vos contributions, vos taxes que vous avez payées, ce que vous avez reçu comme salaire et tout. Cette vision du monde où chaque personne est fichée par le gouvernement, où chaque personne devient un numéro à l'intérieur d'un fichier central, c'est une vision que, de ce côté-ci de la Chambre, nous ne partageons pas, et je suis sûr que nos collègues ne la partagent pas non plus.

Ce que nous voulons dire, à l'heure actuelle, dans le débat que l'on fera après, article par article, du projet de loi, c'est que la rédaction du projet de loi peut ouvrir la porte à ce monde extrêmement dirigiste que je viens de décrire où il y aurait un fichier central ayant toutes les informations sur tout le monde. Je ne prétends pas que c'est l'objectif du gouvernement, mais ce que je dis, c'est qu'il y a des risques, à l'heure actuelle, avec ce qui est dans le projet de loi, de faire un pas dans cette direction-là, et ce pas-là me semble extrêmement dangereux, et je ne suis pas sûr qu'il soit absolument nécessaire pour atteindre l'objectif énoncé par le ministre du Revenu tout à l'heure, à savoir faire en sorte que le gouvernement perçoive la totalité des impôts et taxes qui lui sont dus.

(17 h 10)

Simplement pour vous donner des exemples, M. le Président, et je voudrais rentrer sur certains articles qui pourraient porter à craindre et que nous aurons certainement, en commission parlementaire, l'occasion de discuter. L'article 2, deuxième alinéa, qui vient modifier, se lit comme suit: «N'est pas confidentiel le renseignement qui ne révèle pas, même indirectement, l'identité de la personne concernée ou ce qui peut y être associé.» Alors, vous voyez que, par ce choix de rédaction en double négatif, on est en train d'étendre considérablement ce qui n'est pas confidentiel. Et la majeure partie des renseignements, même si ça touche deux ou trois individus, même si ça touche un petit groupe, parce que ça ne peut pas... Une lecture qu'on pourrait faire de ce texte-là, et on aura à discuter là-dessus, pourrait étendre considérablement, d'après moi, le sens à accorder à la confidentialité.

Vous reverrez même, M. le Président, et ça, vous le voyez après à l'article 3, paragraphe c, que, une fois même qu'on a déjà étendu, restreint le concept de renseignement confidentiel, vous retrouvez à l'article c: «communiquer à une personne un renseignement confidentiel...» Alors, comprenez-moi bien. Déjà, les renseignements confidentiels, on a eu une vision extrêmement restreinte de ce qu'est un renseignement confidentiel. Mais, malgré le fait que l'on a eu cette vision restreinte d'un renseignement confidentiel à l'intérieur du projet de loi, on énonce à l'article 3, paragraphe 69.0.1c, «communiquer à une personne un renseignement confidentiel qu'il est raisonnable de considérer comme nécessaire à l'application ou à l'exécution d'une loi fiscale à son égard».

Cher monsieur, écoutez, c'est l'ouverture, là-dedans. Alors, je ne veux pas prétendre, parce que je connais nos collègues d'en face et que je sais aussi... Et je connais particulièrement le député de Portneuf, parce qu'on a déjà siégé en commission parlementaire, particulièrement lorsqu'il était aussi dans l'opposition. Il n'est pas quelqu'un qui veut la multiplication des fichiers et des examens, des comparaisons de fichier à fichier et avoir une vision de surveillance de tout le monde. J'ai souvenance particulièrement des interventions qu'il faisait en commission parlementaire lorsque, de ce côté-ci de la Chambre, on voulait parfois transmettre la gestion des fichiers informatiques du ministère du Revenu à l'entreprise privée, à quel point il a été contre ce transfert de responsabilités, parce que, disait-il, la sécurité et la confidentialité desdits fichiers risquent d'être mises en question.

Je ne referai pas ici le débat, mais je dois reconnaître qu'il y a, chez eux, j'en suis sûr, une volonté de ne pas créer une vision «Big Brother», comme disait mon collègue de Nelligan, du gouvernement, c'est-à-dire d'un gouvernement qui contrôle tout, qui surveille tout et qui sait tout. Néanmoins, je dois vous dire que la rédaction du projet de loi telle qu'elle est... Je vous ai cité, tout à l'heure, M. le Président, ces deux articles. Les deux articles, pour moi, sont l'article 2, deuxième paragraphe, page 4 du projet de loi, et l'alinéa c du troisième paragraphe. Ce sont deux articles qui, d'après moi, si on ne les balise pas, si on ne met pas des balises extrêmement rigides à la communication des fichiers, peuvent laisser, tels qu'ils sont écrits actuellement, la porte ouverte à énormément d'excès.

Alors, vous comprenez le rôle de l'opposition dans l'étude d'un projet de loi, et je crois que le député de Nelligan l'a très bien exprimé, à ce moment-là. Le rôle de l'opposition va être de s'assurer que les libertés individuelles soient protégées, que les libertés de chacun soient protégées, que le principe de la déclaration volontaire au ministère du Revenu soit lui aussi protégé. Nous acceptons, et je suis sûr que le député de Nelligan l'accepte, qu'il faut faire en sorte que le ministère du Revenu puisse aller chercher toutes les sommes qui sont dues au gouvernement du Québec, mais nous ne sommes pas prêts, pour atteindre cet objectif, à renier des principes fondamentaux de liberté individuelle qu'une lecture, et je dis bien une lecture, parce que je ne veux pas accuser indûment nos collègues, un certaine lecture du projet de loi pourrait nous conduire à penser.

M. le Président, je dois dire notre extrême réserve sur ce projet de loi, à l'heure actuelle, car il ouvre la porte à des bris de confidentialité, à des bris de la protection de la vie privée, il ouvre la porte à la constitution d'un énorme fichier central, il peut mettre en danger des principes fondamentaux de libertés individuelles. Et, pour ça, M. le Président, nous avons énormément de difficultés à accepter le projet de loi n° 32 tel qu'il est, tout en – et je voudrais bien le répéter ici à l'heure actuelle – suivant à l'heure actuelle la démarche du gouvernement lorsqu'il dit: Je veux être en mesure de collecter toutes mes taxes et tous les impôts qui me sont dus. Et je dis: On ne peut pas collecter, on ne doit pas collecter toutes les taxes et tous les impôts en créant un énorme régime qui serait non vivable, avec un fichier central contenant les informations de tous et chacun depuis le début de sa naissance jusqu'à la dernière minute de sa mort.

M. le Président, je suis sûr que ce n'est pas ce que cherchent les collègues d'en face, mais je vous dirai qu'une lecture peut-être biaisée du projet de loi pourrait nous amener à conclure qu'on s'en va dans cette direction-là. Et vous comprendrez qu'en commission parlementaire les parlementaires de l'opposition, et en particulier le député de Nelligan, nous allons faire en sorte que les droits individuels, la protection de la vie privée soient protégés tout en soutenant l'objectif du gouvernement d'aller chercher tous ses impôts et toutes ses taxes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres interventions sur le principe du projet de loi? M. le ministre, est-ce que vous voulez vous prévaloir de votre droit de réplique, conformément à l'article 216 de notre règlement? M. le ministre.


M. Roger Bertrand (réplique)

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Très brièvement, je remercie mes collègues de l'opposition pour leurs remarques à cette étape-ci de l'examen de notre projet de loi.

J'aimerais tout simplement revenir sur un aspect qui a été abordé par le député de Nelligan en ce qui regarde l'impression que laisserait dans son esprit le projet de loi à l'effet qu'on semble considérer que toute la population ou que tous les citoyens et toutes les citoyennes sont potentiellement des fraudeurs.

Bien au contraire, M. le Président, notre objectif, par ce projet de loi, c'est de faire en sorte, justement, qu'on puisse donner au ministère du Revenu et à l'État le moyen d'identifier ceux et celles qui font défaut de payer leur dû, leurs taxes et leurs impôts. Et c'est une question, pour nous, simplement d'équité à la base. À partir du moment où un citoyen paie ses taxes, il doit avoir l'assurance raisonnable que son voisin ou sa voisine paie également ses taxes. Pour nous, c'est un aspect important parce que, même s'il y a seulement une fraction de la population – très minoritaire, j'en conviens tout à fait avec le député de Nelligan – qui fait défaut de payer son dû, on est toujours devant le risque de voir s'étendre cette plaie que sont le travail au noir et l'évasion fiscale, parce que c'est autant de mauvais exemples qui sont donnés au sein de notre société, que ces personnes-là qui font défaut d'assumer leurs obligations sur le plan fiscal.

Et il y a une question de solidarité qui m'apparaît assez fondamentale, et de confiance également. À partir du moment où on accepte, dans une société, qu'il y ait quelques pour cent de la population qui ne paient pas leurs impôts, c'est finalement légitimer le fait qu'on puisse, comme ça, se promener impunément sans payer ses taxes et ses impôts. Et il y a une question de solidarité qui, je pense, peut être facilement étiolée par ces exemples-là.

Alors, il faut éviter, donc, que ces quelques pour cent, qui représentent quand même, en pertes fiscales, quelque chose de l'ordre de 1 000 000 000 $ à 1 400 000 000 $ par année, c'est quand même des montants importants, il faut éviter que ces quelques mauvais exemples ne finissent par contaminer l'ensemble. Et, quand je dis «contaminer l'ensemble», c'est important. Qu'on pense qu'uniquement 1 % de réductions, je dirais, dans les rentrées fiscales représente entre 250 000 000 $ et 300 000 000 $ annuellement. Alors, on voit tout de suite l'importance que peut avoir un certain effritement de notre base de taxation simplement parce que de nos concitoyens jugeraient qu'à voir, comme ça, un certain nombre de leurs semblables ne pas payer leurs impôts, ça pourrait les légitimer d'en faire autant.

(17 h 20)

Alors, pour nous, c'est une question, je dirais, de nécessaire solidarité qui doit être maintenue en se donnant les moyens, justement, de lutter plus efficacement contre le travail au noir et l'évasion fiscale. Donc, une question de solidarité qui va permettre, je pense, si on arrive à mieux intervenir sur le travail au noir et l'évasion fiscale, va faire en sorte que notre solidarité collective va pouvoir s'exprimer franchement à travers les taxes et les impôts, solidarité qui permet, par ces taxes et ces impôts-là, de se concrétiser dans le financement de services publics. O.K. C'est important, ça.

Il y a une question d'équité aussi à atteindre par ce qu'on aura fait, par le genre d'intervention efficace que nous permettra éventuellement l'adoption du projet de loi... va nous permettre d'intervenir efficacement pour que chacun et chacune paie son dû.

Le député de Nelligan ou le député de Verdun parlait de négligence politique. Est-ce qu'on devrait conclure à une négligence politique? Absolument pas, M. le Président. J'ai, de façon très, très serrée, suivi l'évolution de la préparation de ce projet de loi là. J'ai moi-même eu l'occasion d'échanger directement avec les représentants au plus haut niveau de la Commission d'accès à l'information et le projet de loi qu'on a sous les yeux tient compte des recommandations et des suggestions que nous a faites cette instance tout à fait correctement.

Le député de Nelligan a référé également au «social contract». Je pense qu'il est important. Justement, l'outil que représente ce projet de loi va permettre au gouvernement de maintenir ce contrat social qui nous lie autant au niveau de l'accessibilité aux services publics requis qu'au niveau de la façon de financer ces services-là.

Alors, je remercie, bien sûr, mes collègues pour leurs suggestions. Ça annonce très certainement d'excellents échanges au niveau de la prochaine étape de l'adoption de ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu.


Mise aux voix

Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader du gouvernement. Excusez-moi. Excusez-moi. M. Boisclair, si vous le permettez, M. le député, je vais poursuivre moi-même. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

M. Williams: Question de règlement ou de directive.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Je voudrais savoir, pour l'étude détaillée, est-ce que nous allons effectivement avoir ces consultations publiques dont nous avons discuté avant? Est-ce que nous allons avoir des consultations publiques?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre délégué au Revenu, si vous désirez répondre.

M. Bertrand (Portneuf): Je comprends, M. le Président, qu'il s'agit d'une question d'information et non pas de règlement. Il est bien de mon intention, effectivement, de faire en sorte de tenir des consultations auprès de groupes intéressés. Maintenant, nous en sommes toujours à nos échanges sur la liste de ces groupes-là. Je vous indique simplement qu'on doit tenir compte également de l'agenda pour l'ensemble des projets de loi soumis à la commission du budget et de l'administration. Alors, il s'agit en même temps d'entendre le plus de monde possible tout en tenant compte des contraintes de temps que nous avons nécessairement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 20 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 29


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Article 20. Alors, M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? Alors, M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Alors, je soumets effectivement aujourd'hui à cette Assemblée, pour qu'elle en adopte le principe, le projet de loi n° 29 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

Ce projet de loi propose d'introduire diverses modifications à la Loi sur le ministère du Revenu ainsi qu'à d'autres lois fiscales. L'adoption de ces modifications est essentielle pour assurer l'application concertée et efficace de l'ensemble de nos lois fiscales.

Les changements proposés découlent principalement de l'identification de problèmes spécifiques relevés dans le cadre de l'application de la législation fiscale. Et, parmi ces mesures contenues dans le projet, permettez-moi, M. le Président, d'insister davantage sur certaines d'entre elles.

Une première mesure concerne la détermination des modalités de télétransmission de documents et de renseignements. La Loi sur le ministère du Revenu permet actuellement aux contribuables et aux mandataires du Québec qui satisfont aux conditions déterminées par règlement de transmettre par voie télématique ou sur support informatique des documents au ministère du Revenu. Compte tenu de l'évolution rapide et du caractère fort diversifié des nouvelles technologies de l'information, l'application efficace des mesures relatives à la transmission électronique de renseignements nécessite une souplesse que le mode réglementaire ne permet pas. En conséquence, le projet de loi n° 29 propose de modifier la Loi sur le ministère du Revenu afin d'accorder au ministre du Revenu le pouvoir d'identifier les situations permettant la transmission par voie électronique ou sur support informatique d'un document au ministère du Revenu, le pouvoir également de déterminer les modalités d'application de telles télétransmissions. Cette mesure illustre la volonté du gouvernement de favoriser la déréglementation.

Une deuxième mesure concerne la renonciation à la production de renseignements et de documents. Actuellement, M. le Président, seuls les contribuables et les mandataires qui transmettent des documents au ministère du Revenu par voie électronique ou sur support informatique sont dispensés, par renonciation du ministre du Revenu, de l'obligation de produire certaines pièces justificatives. Ce pouvoir de renonciation est donc limitatif quant aux personnes qui peuvent s'en prévaloir. Afin de faciliter l'application des lois fiscales ainsi que la gestion de l'information transmise au ministère du Revenu, le projet de loi n° 29 propose de conférer au ministre du Revenu le pouvoir de renoncer à la production d'un document qui serait autrement exigible, et ce, sans égard au mode de production de ce document.

Une troisième mesure concerne le délai de cotisation lorsqu'une déclaration est produite tardivement. Selon la loi en vigueur, une personne tenue de percevoir un montant de taxes peut, en théorie, ne pas produire de déclaration à cet égard, et le ministre du Revenu peut être empêché, par l'application des délais prévus dans la loi, de cotiser cette personne pour les montants payables. Le projet de loi n° 29 propose donc de modifier la loi actuelle afin de s'assurer que les personnes qui produisent tardivement leur déclaration de revenus ne soient pas avantagées par rapport aux personnes qui remplissent leurs obligations fiscales. Ainsi, à la suite de l'adoption du projet de loi n° 29, le cas échéant, le délai à l'intérieur duquel le ministre du Revenu pourra cotiser tiendra compte du moment où une personne produit sa déclaration de revenus.

Une quatrième mesure concerne le taux d'intérêt applicable lorsqu'une personne se prévaut du mécanisme de dépôt volontaire. Ce projet de loi n° 29 prévoit également, donc, le calcul d'un intérêt au taux légal lorsqu'une personne débitrice envers le ministère du Revenu se place sous le régime du dépôt volontaire. Jusqu'à maintenant, cette personne s'exposait au taux d'intérêt prévu par la Loi sur le ministère du Revenu, alors que les dispositions concernant le dépôt volontaire prévoient expressément que l'intérêt ne peut excéder le taux légal, soit 5 %. Le taux d'intérêt chargé par le ministère du Revenu se trouvait dans cette situation incompatible avec l'objectif du mécanisme de dépôt volontaire destiné à aider les personnes ayant des difficultés financières, mais qui désirent malgré tout rencontrer leurs obligations. La législation fiscale sera donc modifiée afin de prévoir que toute personne se trouvant dans cette situation ne soit assujettie qu'à un intérêt au taux légal sur ses dettes fiscales. Je suis pas mal sûr, M. le Président, d'avoir l'appui de l'opposition officielle sur cette question.

Une cinquième mesure concerne l'assouplissement à l'égard des frais de recouvrement. La Loi sur le ministère du Revenu prévoit, de plus, l'imposition de frais de recouvrement de 10 % dans des circonstances où le ministère du Revenu doit prendre des mesures de perception pour assurer le recouvrement des droits prévus par une loi fiscale. Toutefois, le ministère du Revenu n'a pas dans la loi le pouvoir de réduire de tels frais lorsque ceux-ci doivent être annulés en raison de situations exceptionnelles.

(17 h 30)

Pourtant un tel pouvoir de renonciation existe déjà à l'égard des intérêts et des pénalités. La loi est donc modifiée, selon ce projet de loi, pour donner ce pouvoir au ministre du Revenu à l'instar de ce qui existe déjà relativement aux intérêts et aux pénalités. À l'égard de ce même pouvoir et compte tenu que son exercice relève de l'entière discrétion du ministre du Revenu, appuyé par une politique claire et publique, le projet de loi propose également de modifier la Loi sur le ministère du Revenu afin de préciser que la discrétion du ministre du Revenu ne peut faire l'objet d'une opposition ou d'un appel de cotisation.

Une sixième mesure concerne les biens pouvant être saisis lors d'une perquisition. Outre les mesures déjà annoncées dans le discours sur le budget du 9 mai dernier prononcé par le ministre d'État de l'Économie et des Finances, pour contrer l'évasion fiscale, il est proposé de modifier la Loi sur le ministère du Revenu en éliminant l'énumération limitative actuelle des choses pouvant être saisies lors d'une perquisition pour que puissent également être saisies des choses de toute nature pouvant servir de preuves d'une infraction.

Une septième mesure concerne le délai de prescription de huit ans en matière de fraude fiscale. Donc, en cette matière, M. le Président, le sous-ministre du Revenu peut actuellement prendre une poursuite pénale plus de cinq ans après la commission d'une infraction pourvu que la poursuite soit intentée moins d'un an après la date où une preuve suffisante pour la justifier a été soumise à la connaissance du ministre du Revenu ou du sous-ministre. Dans ces circonstances, une poursuite pénale relative à une fraude fiscale est en quelque sorte imprescriptible, c'est-à-dire qu'elle peut être intentée en tout temps. La modification proposée par le projet de loi n° 29 établit le délai de prescription à huit ans en matière de fraude fiscale, de sorte qu'aucune poursuite pénale ne pourra être intentée au-delà d'une période de huit ans après la date de la commission de l'infraction dans les cas de fraude.

Une neuvième mesure concerne le Fonds de financement du Centre de perception fiscale. Depuis 1990, M. le Président, le nombre de comptes à recevoir du ministère du Revenu a considérablement augmenté alors que la qualité des créances s'est grandement dégradée, haussant ainsi la provision pour créances irrécouvrables de façon importante. Une première étape en vue de résoudre cette problématique a été la création d'une unité autonome de service, soit le Centre de perception fiscale. Toutefois, la seule création du Centre est insuffisante pour atteindre nos objectifs. La modification proposée consiste en la création d'un fonds spécial pour financer la totalité des activités du Centre. Elle permettra de résoudre définitivement la problématique décrite précédemment, en plus de fournir au Centre la flexibilité nécessaire pour s'adapter à des situations exceptionnelles qui génèrent des augmentations ponctuelles de comptes à recevoir, telles des opérations spéciales de vérification fiscale.

Une dixième mesure porte sur l'harmonisation du régime de perquisition en carburants. Enfin, donc, le projet de loi n° 29 modifie la Loi concernant la taxe sur les carburants pour rendre le régime de perquisition et de saisie qui en découle semblable à celui prévu par l'actuelle Loi concernant l'impôt sur le tabac.

En conclusion, M. le Président, j'invite donc les membres de cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur la ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu. J'accorde maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Le deuxième projet de loi déposé par le ministre délégué du Revenu aujourd'hui est... Encore une fois, je n'ai pas la même interprétation que lui. Cette fois-ci, il y a quelques articles qui peuvent être bons, mais il y en a plusieurs autres pour lesquels j'ai plusieurs questions. Mais d'abord, avant d'embarquer dans mes commentaires sur le principe du projet de loi n° 29, je voudrais juste souligner mon insistance sur la consultation publique que nous allons avoir sur le projet de loi n° 32. L'excuse de l'agenda de l'Assemblée nationale n'est pas bonne. Quand nous sommes en train de discuter de la vie privée, des informations confidentielles du peuple québécois, je pense qu'on doit s'assurer que tout le monde qui veut se présenter sur ce projet de loi n° 32, que nous avons discuté, puisse avoir une chance de parler. Et, moi, je suis disponible. Je sais que l'opposition est disponible. Avec ça, il a déjà sorti les excuses pourquoi il ne peut pas écouter les groupes. J'ai mes réserves, et j'espère que le ministre délégué va donner tout le temps nécessaire afin d'avoir un bon échange avec tous ceux et celles qui veulent se présenter sur le projet de loi n° 32.

Mais nous sommes en train de discuter le principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. Une chose qui m'a frappé, un commentaire avec lequel j'ai besoin de commencer, c'est: trop de pouvoirs. C'est encore une fois un ministre et un ministère qui cherchent beaucoup de pouvoirs, et je vais expliquer pourquoi je dis ça pendant mes remarques sur le principe du projet de loi n° 29.

C'est un autre exemple du «juggernaut» du ministre délégué au Revenu, un bulldozer qui veut avoir tout le pouvoir de faire ce qu'il veut quand il veut et comment il veut. J'ai déjà parlé de mes inquiétudes sur la vie privée. Maintenant, je vais mentionner les problèmes que je trouve dans le projet de loi n° 29. Et ce n'est pas nécessairement, M. le Président, que nous sommes contre toutes les choses que le ministre veut faire dans le projet de loi n° 29, mais nous sommes tellement inquiets par le manque de balises, le manque de paramètres, le manque de limites. Il y a le pouvoir illimité, dans ce projet de loi, et c'est toujours, dans mon opinion – j'attends d'écouter le contraire – en faveur du ministère du Revenu. Ce n'est presque jamais en faveur des contribuables. De temps en temps, effectivement, il y a quelques articles, mais la grande tendance de ce projet de loi, quand nous sommes en train de redistribuer la balance du pouvoir, c'est du côté du ministère du Revenu. Et, M. le Président, avez-vous jamais essayé de faire une bataille contre le ministre du Revenu comme simple citoyen? Je vois déjà les avocats comprendre le comportement du ministère du Revenu, mais je vais mentionner ça à la fin de mon intervention, parce qu'eux-mêmes, je pense, ont eu des problèmes avec le ministère du Revenu.

Avec ça, il me semble que... Pourquoi, chaque fois que nous sommes en train de redistribuer la balance du pouvoir, est-ce que nous avons besoin de donner plus de pouvoirs au ministre ou aux fonctionnaires du ministère du Revenu? Il y a plusieurs exemples, M. le Président, et je voudrais en citer quelques-uns; pas tous, là, mais juste quelques-uns pour essayer de faire mon point.

Article 21: «Le ministre peut, aux conditions qu'il détermine, renoncer à la production d'un formulaire prescrit, d'un renseignement prescrit, d'une pièce justificative ou d'un autre document qui serait par ailleurs à produire.

«Toutefois, le ministre conserve le droit de révoquer sa renonciation et peut exiger d'une personne la production d'un renseignement ou d'un document visé au premier alinéa dans le délai qu'il fixe.»

Il donne tout le pouvoir au ministère. Il peut établir les conditions et il peut révoquer la renonciation, jamais avec un appel, jamais avec les paramètres, jamais avec les règles claires pour la population québécoise afin de savoir ce que le ministre est en train de faire.

Il y a aussi, M. le Président, un peu plus loin dans le projet de loi, l'article 26: «Le fonctionnaire ou la personne désignée qui s'introduit et perquisitionne conformément à l'article 40 peut saisir et emporter, outre ce qui y est prévu, les choses qu'il croit, pour des motifs raisonnables...» Pour des motifs raisonnables. Qui décide des motifs? Encore une fois, M. le Président, c'est un pouvoir presque non défini que vous trouvez dans le projet de loi n° 29.

Il y a plusieurs autres exemples, quand on parle des cas déterminés, des exemples déterminés. Je voudrais savoir, avant qu'on passe le projet de loi n° 29: Ça va être quoi, les critères? Ça va être quoi, les paramètres? Ça va être quoi, les balises de ce pouvoir?

(17 h 40)

Il y a un autre exemple, dans l'article 27, que, après que le ministère aura saisi les choses, si le contribuable veut avoir une copie des choses qu'il aura saisies, il peut avoir une copie, mais à ses frais. Encore une fois, M. le Président, je me demande pourquoi il y a toute cette tendance à donner ce pouvoir au ministère du Revenu. Il y a d'autres articles, 28 et 29, qui donnent le pouvoir au ministre de décider les formulaires, la façon dont le travail est exécuté, et il y a une pénalité pour les personnes qui n'ont pas fourni l'information tel que demandé par le ministère et de la façon demandée par le ministère. Mais il y a un paragraphe assez intéressant, dans les articles 28 et 29, qui dit: «Le paragraphe 1 s'applique à l'égard de travaux exécutés après le 30 juin 1995.» Ça donne un pouvoir au ministre d'aller rétroactivement dans l'enquête pour l'information, et je vais avoir des questions sur ces deux projets. Pourquoi il peut aller jusqu'au 30 juin 1995? Je peux questionner le pouvoir tel quel, dans les articles 28 et 29, mais certainement que je vais demander pourquoi il cherche le pouvoir d'aller jusqu'au 30 juin 1995. Pourquoi nous n'avons pas un projet de loi qui dit: Bien, effectivement, il y a les changements de règles? Il y a une autre façon de faire les choses, mais ça va être en vigueur en même temps que le projet de loi sera en vigueur.

Il y a un autre article de ce projet de loi, M. le Président, qui m'a frappé beaucoup, article 34. L'article 34 dit: «Le ministre peut renoncer, en tout ou en partie, à un intérêt, une pénalité ou des frais prévus par une loi fiscale... La décision du ministre ne peut faire l'objet d'une opposition ni d'un appel.» M. le Président, si j'ai bien compris cet article de la loi, article 34, où le ministre peut renoncer, en tout ou en partie, à un intérêt, une pénalité ou des frais prévus par une loi fiscale, et où la décision du ministre ne peut pas faire l'objet d'une opposition ni d'un appel, c'est le pouvoir illimité. Si j'ai bien compris, et j'attends de savoir le contraire par le ministre, ça donne tout le pouvoir au ministre de renoncer à ce à quoi il veut renoncer. Il peut renoncer, en tout ou en partie, à un intérêt, une pénalité ou des frais prévus par une loi fiscale. Basé sur quoi, M. le Président? Est-ce que c'est... Et je sais que ce ne sera pas ce ministre délégué qui va faire ça, mais c'est à cause de ses amis qui le demandent. Sur quel critère? Où sont les balises?

Je vois là qu'on donne, dans le projet n° 29, le pouvoir au ministre – et ce n'est pas une attaque personnelle contre le ministre délégué au Revenu, parce que je le connais – mais il donne le pouvoir au ministre de renoncer quand il veut à ce qu'il veut. Et, plus que ça, là, si vous voulez essayer de le questionner, le deuxième article dit: Non, la décision du ministre ne peut faire l'objet d'une opposition ni d'un appel. Juge, jury, tout. Il est en charge de tout. Il peut décider ce qu'il veut. Mais, effectivement, pour les cas comme les personnes, les contribuables qui ont mis de l'argent de bonne volonté, de bonne foi, dans les projets de recherche et développement, le pouvoir de renoncer en tout ou en partie à un intérêt, à une pénalité, ça peut être intéressant. Mais, avec ça, le principe d'avoir le pouvoir de renoncer, ce n'est pas un principe que je mets en doute, mais je mets clairement en doute ce pouvoir illimité. Où sont les balises? Où sont les paramètres? Où sont les règles du jeu? Où est la transparence? Où est la comptabilité? Où est l'imputabilité? Où est le contrôle? Ça n'existe pas dans ce projet de loi. C'est le pouvoir illimité pour le ministre et pour ses fonctionnaires.

M. le Président, il me semble que cet exemple, l'article 34 de ce projet de loi n° 29, c'est un bon exemple des questions que je vais poser pendant l'étude détaillée de ce projet de loi. C'est impensable de donner ce pouvoir. Si j'ai bien compris ce pouvoir tel qu'écrit dans le projet de loi n° 29, c'est impensable de donner ce pouvoir sans avoir les paramètres, sans avoir les contrôles, sans avoir les règlements, sans avoir un «check and balance», une façon d'assurer peut-être ici, à l'Assemblée nationale... Je sais que le député de Verdun a beaucoup avancé la cause d'imputabilité, mais peut-être qu'on doit s'assurer, effectivement... C'est vrai, mais peut-être qu'ici nous avons besoin d'un système d'imputabilité sur cette affaire-là, parce que, maintenant, quand je lis la loi, il n'y a aucune contrebalance, il n'y a aucune imputabilité, il n'y a aucun contrôle sur ce projet de loi. Et je vais certainement questionner le gouvernement et le ministre sur ce projet de loi, sur cet article de ce projet de loi parce qu'il me semble que, encore une fois, c'est un pouvoir exagéré.

Vous voyez ça souvent, avec la tendance de ce gouvernement, M. le Président, qu'il y a un gouvernement qui voit un problème. Effectivement, peut-être qu'il a besoin de plus de moyens, le ministère du Revenu, pour faire son travail, mais il voit un problème et il essaie d'avoir tout le pouvoir possible. S'il y a un problème juste ici, ça ne fait rien, il veut avoir tout le pouvoir de faire tout ce qu'il veut. Mais, si j'ai bien compris ce projet de loi, on doit vigoureusement questionner cet article de loi. On ne doit pas mettre en doute le pouvoir du ministre de renoncer en tout ou en partie à un intérêt, à une pénalité ou à des frais prévus par une loi fiscale, parce que, souvent, nous avons vu qu'un projet de loi qui essaie d'être égal pour tout le monde cause quelques problèmes ou qu'il y a des inéquités. Ça ne me dérange pas, comme politicien, de donner à un ministre le pouvoir de prendre des décisions et qu'il renonce à certaines parties d'une dette comme ça si c'est mérité, s'il a la preuve qu'il y a des problèmes. Et je voudrais savoir tout le temps combien de fois le ministre va faire ça, pourquoi, c'est quoi les règles. On doit s'assurer d'abord et avant tout qu'il y a transparence pour ça.

Le ministre délégué au Revenu a mentionné qu'il veut, avec l'ancien projet de loi, s'assurer qu'il y ait équité pour tout le monde, tous les payeurs de taxes. Moi aussi, particulièrement avec l'article 34, je voudrais m'assurer que, s'il y a un ministre qui a ce pouvoir de doubler une dette, comme payeur de taxes, comme citoyen, je voudrais m'assurer qu'effectivement il y a une bonne explication et que les règles ont été suivies. Et le ministre – et je suis certain que ça ne va pas être ce ministre – n'a pas fait ça pour des raisons qui ne sont pas correctes, il n'a pas fait ça juste pour ses amis ou pour les membres du Parti québécois ou pour les autres choses. Je voudrais savoir qu'il a vraiment une raison pour ce pouvoir.

M. le Président, le ministre a juste proposé ce projet de loi la semaine passée, juste avant la date limite, et il y a déjà une lettre que nous avons reçue du Protecteur du citoyen qui questionne quelques parties de ce projet de loi. Je voudrais le citer: «Dans les cas où cette disposition – parce qu'il parle de l'article 36.1 proposé par l'article 21 du projet de loi – serait appliquée individuellement, il serait sans doute simple que les conditions déterminées par le ministre soient portées à l'attention du contribuable visé. Cependant, si le ministère du Revenu entend utiliser cette disposition à des fins plus étendues – exemple, aux fins de déclarations télétransmises – n'y aurait-il pas lieu que ces conditions soient précisées dans la loi ou, à tout le moins, soient prescrites par le règlement afin de les officialiser et permettre aux intéressés de les bien connaître?» Il continue: «De plus, compte tenu du droit que conserve le ministre en vertu du deuxième alinéa de cette disposition, il sera très important que les contribuables bénéficiant de la renonciation soient adéquatement avisés de la possibilité que celle-ci soit révoquée et qu'ils devront, par conséquent, conserver les formulaires, renseignements, pièces et d'autres documents qu'ils ont été dispensés de produire. La loi devrait d'ailleurs, à cet égard, préciser le délai à l'expiration duquel le ministre ne pourrait plus exiger la production de ces documents.»

(17 h 50)

Avec ça, quelques questions assez importantes que le Protecteur du citoyen soulève, M. le Président. Et j'espère que nous allons avoir la chance aussi, peut-être, d'échanger avec le Protecteur du citoyen sur son point de vue sur ce projet de loi.

M. le Président, le ministre a parlé, dans le projet de loi, de la création d'un fonds de perception. Le Fonds de perception qu'il est en train de créer, moi, j'ai plusieurs questions sur ça. Je ne veux pas nécessairement utiliser tout mon temps aujourd'hui ou ce soir, questionner tout sur le Fonds de perception, mais avec la façon que j'ai interprété le Fonds de perception, je demande pourquoi nous sommes en train de créer ce Fonds, qui contrôle ce Fonds, ça va être quoi, l'imputabilité, comment on peut assurer qu'il a certainement les bonnes lignes de contrôle sur ce projet de loi.

Moi, je n'ai pas eu beaucoup de réponses quand j'ai lu le projet de loi ni quand j'ai écouté le ministre avec ses remarques préliminaires sur ce projet de loi. Mais il me semble qu'on doit être prudents avant de créer les autres fonds, avant d'être en train de créer d'autres instances qui peuvent causer les problèmes aux citoyens. Avec ça, je vais certainement demander beaucoup de questions sur cet aspect du projet de loi.

À l'article 43, au moins ceux et celles qui ont écrit ce projet de loi, je pense qu'ils ont eu une expérience avec le fameux ministère du Revenu, parce que je vois qu'ils ont déjà mis dans ce projet de loi enfin quelque chose pour le citoyen: «Toutefois, le juge peut réduire ce montant s'il est convaincu que le ministre a indûment tardé à intenter la poursuite ou a causé sans raison suffisante un délai pour qu'elle soit instruite.» Au moins, je pense qu'il a compris le comportement du ministère du Revenu, dans ce projet de loi. Et je pense qu'on doit peut-être aller un peu plus loin dans ça et dire pourquoi nous avons eu besoin de mettre ce type d'article dans un projet de loi, comme nous l'avons trouvé avec le projet de loi n° 29.

Mr. Speaker, as I mentioned before, the Bill 29, as in Bill 32, is a grab for power. It is a grab for power by the Ministry of Revenue. It attempts to change the balance of power, one more time, in favor of the Ministry of Revenue on a number of issues that I think we have to question very carefully. Let me highlight just a few of them as we go through the study of principle of this law, and I certainly hope that the «ministre délégué» of Revenue won't stand up and say proudly he helped write this law too, because I have some very serious concerns about it.

There's a number of concerns, and let me tell you a couple of them, Mr. Speaker. Article 34 gives the power to the Minister. Let me read it: «The Minister may also cancel, in whole or in part, any interest, penalty or charge exigible under a fiscal law.» And: «A decision of the Minister under this section is not subject to opposition or appeal.» I get very concerned of this kind of power. I get very concerned that the Ministry is looking for unlimited power that allows the Minister to decide things the way he wants to. He can renounce certain, he can waive, in whole or in part, interest, penalties or charges and nobody can challenge him on that. There's no opposition or appeal. Don't you, Mr. Speaker, think that's dangerous, especially when you start looking at the power that this Government is looking for under Bill 36, Bill 32, Bill 20, Bill 31 and Bill 29? This is a very dangerous precedent this Government is showing today.

Mr. Speaker, you also see, in article 21: «The Minister may, on the conditions he determines, waive the filing of a prescribed form, prescribed information, a voucher or any other document the filing of which would otherwise be required.» Right after that: «However, the Minister retains the right to revoke his waiver and to require the filing of any information or document referred to in the first paragraph within such time as he may determine.» Complete power, Mr. Speaker. Complete power that the Minister is looking to be able to decide what he wants when he wants.

But I have to say, Mr. Speaker, when I was reading Bill 29, An Act to amend the Act respecting the Ministère du Revenu and other legislative provisions, I was insulted. I was shocked that obviously there was not a great deal of effort given to the translation of this bill when all of a sudden, in a bill, in the National Assembly of the Province of Québec, in the English translation, we start talking about the «functionary» of the Minister of Revenue, «the functionary who lays the information must have reasonable grounds...» The functionary, I presume that is a new translation from «fonctionnaire». I presume that's what it means.

In every other law, in every other law of Québec, as far as I know, when we say «fonctionnaire» in French, we say «civil servant» in English. And again, this is a fundamental point, and I am not trying to be picky here, Mr. Speaker. We are talking about passing our laws, tax laws, and when I talked of Bill 8 last week, I talked about the complexities of the laws, and I am convinced they are designed in a way to make sure nobody understands them. But there is a new way of doing it, I don't know, in some dictionary, somewhere, that these people, the people who wrote this law, came up with the word «functionary», but I have never seen it used anywhere other than tonight in the National Assembly.

In the other laws, tabled – not laid – in the National Assembly, at least the Ministry had the right words. But I am very concerned, Mr. Speaker, and I had to bring this to attention today, as we are often sensitive about language debates. When I read, as critic of Revenue, «projets de loi», when I read them in French, when I read them in English, we look for precision, we look for an understanding that, in fact, the effort has been done to make sure that everybody understands what we are trying to say, and particularly when we are talking about tax laws. Particularly when we are talking about increased powers of the Minister of Revenue, I would think we should take every, every effort to make sure, particularly in such simple things, that the proper words are used. And I would really ask the Minister, I sincerely ask the Minister, when he is going through, word by word, as he did with Bill 32, as he said, he asked somebody to make sure that the English is double-checked.

Moi, là, je ne suis pas un linguiste. Moi, je pense – je ne veux pas minimiser l'effort que le député de Portneuf fait aussi – qu'il ne dit pas qu'il est 100 % bilingue non plus. Mais il me semble que quand nous sommes en train, ici, de déposer nos lois devant l'Assemblée nationale, la loi particulièrement qui touche La loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, on peut s'assurer qu'on utilise les propres mots dans les deux langues, parce que nous allons... et il y a plusieurs personnes qui étudient ce projet de loi en anglais. Il y a tout ça en français aussi, mais il y a tout ça en anglais. Et j'ai voulu cibler que c'était une erreur, que j'ai trouvé ça assez sérieux que, pendant mes remarques sur le principe, j'ai voulu mentionner que j'espère que ça ne va pas être une nouvelle tendance de ce gouvernement de ne pas mettre assez d'importance sur la traduction de nos projets de loi. J'espère que c'était une erreur.

(18 heures)

Et, si c'était juste une erreur, ça peut arriver de temps en temps, M. le Président, je peux accepter ça. Mais j'espère qu'avec une erreur aussi importante que ça le ministre va tenir compte de mes remarques ce soir et s'assurer que nous allons corriger ce projet de loi, pas après le fait, mais avant que le projet de loi ne soit adopté, et s'assurer que la communauté d'expression anglaise soit actuellement au courant de ce projet de loi et du grand sens de ce projet de loi.

M. le Président, j'ai effectivement mentionné mes questions sur ce projet de loi. Je vois qu'il y a un cocktail de modifications qui peuvent toucher plusieurs articles de nos lois fiscales. Mais, chaque fois que j'étudie les articles et l'impact sur les articles, M. le Président, je vois qu'il y a un pouvoir accru pour le ministère du Revenu. Et on doit se demander, avant que nous passions ce projet de loi: Est-ce que c'est vraiment nécessaire, est-ce que c'est nécessaire de continuer à donner pouvoir après pouvoir au ministère du Revenu et est-ce qu'on peut... Mais, s'il ne reste pas plus de temps, M. le Président, je vais continuer un peu plus tard.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Nelligan, il reste environ 35 minutes à votre intervention. Alors, comme il est maintenant 18 heures, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons suspendre les travaux de l'Assemblée nationale jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Une voix: Ah oui?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 12 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 19


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 12, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec. M. le ministre des Finances et vice-premier ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, comme vous l'avez dit, le projet de loi n° 19 modifie la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec. Ce projet de loi vise à permettre la mise en marché de nouveaux produits d'épargne émis par le gouvernement. En effet, le processus de recours à l'épargne des Québécois et des Québécoises doit être revu. Notre seul produit – les obligations d'épargne du Québec – ne répond plus aux besoins et aux exigences de nos concitoyens et concitoyennes, et ne permet de combler qu'une part de plus en plus faible des besoins d'emprunt du gouvernement.

On a vu, d'une année sur l'autre, la position relative des obligations d'épargne du Québec dans les sources de financement du gouvernement décroître. Une démarche visant à réorganiser l'actuelle formule d'accès à l'épargne a donc été entreprise et cette nouvelle approche permettra au gouvernement de diversifier ses sources de financement et ses instruments d'emprunt, d'émettre des produits qui correspondront mieux aux besoins des citoyens et qui leur donneront un meilleur accès aux produits de long terme à rendement plus élevé. Et, enfin, notre but est de moderniser le processus de gestion et de distribution de façon à en améliorer l'efficacité, notamment par la mise en place d'un système d'inscription en compte.

(20 h 10)

Pour se donner toutes les chances d'avoir accès à des sources de fonds à coût raisonnable en tout temps, le gouvernement diversifie ses sources de fonds et emprunte sur divers marchés de capitaux au Canada comme à l'étranger. Pour les gros emprunteurs que sont les gouvernements, l'accès à l'épargne des particuliers fait partie d'une saine stratégie de gestion financière. La diversification des sources de financement minimise la dépendance face à un marché ou à un autre et rend ces emprunteurs moins vulnérables devant des événements incontrôlables faisant réagir chacun de ces marchés.

L'ambition du gouvernement du Québec en modernisant sa formule d'accès à l'épargne est, somme toute, modeste. Celui-ci ne vise, à l'aide de moyens technologiques éprouvés moins coûteux, qu'à redonner à ces produits la place qu'ils occupaient par le passé dans le portefeuille de placement des épargnants du Québec. Au milieu des années quatre-vingt, le gouvernement finançait environ 12 % de sa dette à même l'épargne des Québécois. Récemment, ce taux atteignait le chiffre modeste de 3 %. Il y a 10 ans, l'en-cours des obligations d'épargne du Québec constituait environ 4,4 % des dépôts des institutions financières au Québec. Nos estimations indiquent qu'en 1995 il représentait moins de 1,5 %. Alors, on voit que la dégradation relative est importante.

La plupart des pays du monde industrialisé font appel à l'épargne des particuliers pour financer une portion de leur dette. La France, la Grande-Bretagne et la Suède, notamment, sont des pays où cette source de financement est fortement sollicitée. Les États-Unis disposent aussi d'une formule d'accès direct à l'épargne, qu'ils appellent les «Treasury direct». Mentionnons aussi que le Québec et le gouvernement fédéral ne sont pas les seuls gouvernements au Canada qui se préoccupent d'améliorer leur formule d'accès à l'épargne des particuliers. À peu près toutes les provinces qui commercialisent des produits sur ce marché expérimentent les mêmes difficultés d'accéder à cette source de financement et sont intéressées à développer des avenues pour remédier à cette situation.

Le stock des obligations d'épargne se situe actuellement à 1 600 000 000 $. L'objectif visé est d'augmenter la proportion de la dette gouvernementale financée sur le marché de l'épargne de 3 % à 9 % en trois ans, ce qui représentera, à ce moment, à la fin du processus, un en-cours de 5 000 000 000 $ en obligations d'épargne du Québec. Nous voulons éviter de drainer ainsi une trop forte partie de l'épargne québécoise. Notre objectif se traduit par des cueillettes annuelles représentant seulement 15 % de l'augmentation annuelle de l'épargne placée auprès des institutions de dépôt. Alors, vous voyez qu'il ne s'agit pas là d'une opération monstrueuse qui bouleverserait les destinations finales des épargnes de la population. Il s'agit d'un rétablissement convenable de cette façon de nous financer dans la population québécoise.

Traditionnellement, le Québec, comme le Canada, fait appel à l'épargne des particuliers au moyen d'une campagne annuelle de souscription aux obligations d'épargne d'une durée très limitée. Cette façon de faire correspond de moins en moins aux besoins diversifiés et de plus en plus sophistiqués des citoyens en matière de finances personnelles. Nous avons donc comme objectif d'offrir des produits qui s'adapteront mieux aux nouvelles conditions de la demande. Les marchés financiers ont évolué depuis les années soixante. Par exemple, les régimes enregistrés d'épargne-retraite suscitent de plus en plus l'intérêt des Québécois et les instruments qui y sont placés sont de plus en plus variés.

Le gouvernement veut faciliter aux citoyens l'accès à des produits offrant un excellent rapport au niveau de la sécurité du capital et du rendement. Nous voulons également assurer le traitement efficace et sécuritaire des transactions qui seront effectuées par les détenteurs de nos produits et mettre à leur disposition un guichet unique d'information. Ainsi, les détenteurs, sur un simple appel téléphonique, pourront, par exemple, acheter un nouveau produit, demander un remboursement ou encore transférer des fonds de leur compte régulier à leur compte d'épargne-retraite. Ils bénéficieront aussi du prolongement du service téléphonique jusqu'à 20 heures, du lundi au vendredi. Pour ceux et celles qui travaillent, évidemment ce sont des horaires beaucoup plus faciles à gérer.

Dans sa quête d'efficacité, le gouvernement se doit de moderniser le processus de gestion et de distribution des produits de l'épargne. D'abord, le système de distribution actuel des obligations d'épargne est trop complexe et coûteux pour y vendre plusieurs produits. En faisant appel à la technologie moderne, par exemple en dématérialisant les titres, en favorisant les transferts électroniques de fonds et en utilisant un centre d'appels qui complète le réseau de distribution actuel, nous pourrons accroître l'efficience du processus tout en diminuant les frais. Par ailleurs, la commercialisation sur une base continue de nouveaux produits dématérialisés nécessite la mise en place d'un régime d'emprunts comportant un système unique d'inscription en compte. La dématérialisation des titres et des opérations juridiques exigent des dispositions légales spécifiques, notamment en matière de preuve et à l'égard de la détermination des conditions de vente applicables à ces nouveaux titres d'emprunt.

Puisque la Loi sur l'administration financière réglemente actuellement tous les produits d'emprunt de façon indistincte, y compris aux fins de l'émission des produits de l'épargne, il est nécessaire d'y ajouter une section spécifique portant sur les nouveaux produits d'épargne, ceux-ci étant des emprunts d'un type particulier qui requièrent l'application de règles différentes. Cette section spécifique portant sur les produits d'épargne précise les pouvoirs devant être accordés au gouvernement pour lui permettre de créer un régime d'emprunts aux fins de l'émission et de la vente des produits d'épargne, et d'en déterminer les conditions et modalités qu'il estime nécessaires. Le régime permet l'inscription en compte des titres. Les modifications introduites permettent également la vente de rentes à terme fixe et déterminent certaines caractéristiques applicables à ce produit.

Le gouvernement pourra également, par règlement, définir le système d'inscription en compte et en déterminer le mode de fonctionnement, ses caractéristiques et les règles de propriété et de preuve relatives aux inscriptions qui y sont effectuées, déterminer les conditions d'adhésion et les catégories d'adhérents et d'acheteurs admissibles, déterminer les conditions relatives à la cession, au transfert, au rachat et au paiement des titres, interdire ou restreindre la cessation ou l'exercice du droit de disposer des titres. Cette nouvelle section permet également au ministre de prescrire des formulaires et de déterminer les informations requises des adhérents au système d'inscription en compte, d'établir les montants et les autres conditions, modalités et caractéristiques applicables à chaque émission et vente de produits d'épargne effectuées dans le cadre d'un régime d'emprunts.

La nouvelle structure que le gouvernement a récemment entrepris de mettre en place pour lui permettre de commercialiser à l'année une gamme de produits d'épargne mieux adaptés aux besoins des Québécois et fonctionnant sous la bannière gouvernementale Placements Québec devrait avoir pour effet de faire passer l'en-cours des produits d'épargne de 1 600 000 000 $ à 5 000 000 000 $ d'ici trois ans, comme je l'ai dit. En plus de favoriser une plus grande diversification des sources de financement, la mesure proposée pourrait contribuer à abaisser le service de la dette publique, ce qui évidemment, quand on sait que ce service de la dette nous coûte 6 000 000 000 $ par année, est un objectif non négligeable de la présente législation.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances et vice-premier ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laporte. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le ministre des Finances, comme il vient de le dire, nous propose, par le projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec, un changement significatif dans la façon de traiter les obligations d'épargne du Québec. On sait que, depuis de nombreuses années, les Québécois qui voulaient investir le produit de leurs épargnes dans un véhicule qui apportait une sécurité garantie et aussi une grande flexibilité avaient pris coutume d'acheter ces obligations d'épargne du Québec. Ceux qui voulaient avoir des instruments liquides pouvaient le faire parce que, en tout temps, on peut les encaisser. D'ailleurs, ça faisait partie de la publicité gouvernementale: «encaissables en tout temps».

(20 h 20)

Le gouvernement avait pris l'habitude, également, de rajuster les taux d'intérêt depuis quelques années, de sorte que, si, en cours d'année, les taux d'intérêt, par exemple, augmentaient sur l'ensemble des produits en circulation, le gouvernement du Québec, de peur de voir les gens venir encaisser rapidement leurs obligations parce qu'ils pouvaient trouver des taux d'intérêt plus élevés ailleurs, avait pris l'habitude de rajuster les taux d'intérêt en cours de route pour permettre aux Québécois, en tout cas à ceux qui détiennent des obligations d'épargne, de ne pas perdre sur les taux d'intérêt.

Mais inversement, en général, ça ne se faisait pas. Si vous aviez un taux d'intérêt garanti de 8 % sur une obligation d'épargne et que les taux d'intérêt baissaient, là, on vous laissait le bénéfice de vos obligations d'épargne. Ça a permis au gouvernement, au cours des années, de pouvoir financer une partie de la dette du Québec à des taux concurrentiels, tout en allant chercher l'épargne des Québécois, n'ayant pas, donc, à emprunter sur les marchés étrangers pour cette partie de la dette du Québec qui était financée par les obligations d'épargne.

Or, voici que le gouvernement décide de faire un changement très important dans cette façon de procéder. L'objectif qui est recherché, M. le Président, est louable. C'est certain qu'on a intérêt, comme société et comme gouvernement, à augmenter la proportion de l'épargne des Québécois dans le financement de la dette du Québec. Plus il y aura de Québécois qui participeront au financement de la dette du Québec, moins nous serons tributaires des étrangers, donc de ceux qui ne sont pas québécois, là, pour le financement de cette dette-là.

On veut aussi, nous dit-on, moderniser la gestion et la distribution de ces produits d'épargne. Encore là, rien à redire, M. le Président. On n'arrête pas le progrès, et ce n'est certainement pas nous qui allons nous objecter à ce que le gouvernement veuille améliorer la gestion et, nous dit-on, moderniser aussi la gestion.

Maintenant, il y a des questions à se poser sur les décisions qui sont prises. Est-ce que vraiment c'est sage, par exemple, d'abandonner les certificats? Beaucoup de personnes, surtout les personnes âgées, aiment bien avoir entre les mains un papier, un document. Ça fait partie un peu – ha, ha, ha! – de la tradition et parfois c'est sécurisant de pouvoir dire: J'ai mon obligation d'épargne de 5 000 $, je la mets dans mon coffret de sûreté. Ça, c'est comme de l'argent en banque. Bon. Remarquez, M. le Président, si jamais le créancier ou le débiteur de l'obligation, le gouvernement du Québec, n'est plus capable de payer ses dettes, qu'on ait un papier ou non, ça ne change rien. Mais là n'est pas mon propos; je ne mets pas en doute – ha, ha, ha! – la capacité de payer du gouvernement. Mais, sur le plan de la symbolique, on peut se poser quelques questions: Est-ce que vraiment il est sage d'abandonner cette formule qui est de détenir un document? On verra avec l'expérience ce que ça va donner.

On nous dit aussi qu'on veut moderniser l'administration, la gestion. Jusqu'à maintenant, les Québécois avaient coutume de souscrire – enfin, un certain nombre d'entre eux – par voie de retenue sur les salaires. On disait à l'employeur: Moi, je veux souscrire tant d'argent en obligations d'épargne; veuillez donc soustraire de ma paie à chaque 15 jours, à chaque semaine ou à chaque mois un certain montant. Et beaucoup de Québécois trouvent ça pratique, parce que ça permet d'épargner sans véritablement s'en rendre compte. On épargne à chaque semaine, à chaque paie, puis, à la fin de l'année, on a mis de côté un certain montant d'argent.

Là, ça ne sera plus possible, semble-t-il. On ne pourra plus procéder par retenue sur les salaires, mais il y a d'autres façons. On devra dorénavant indiquer à Placements Québec quel est son numéro de compte de banque et là on pourra organiser des transferts de notre compte de banque à un compte qu'on détiendra chez Placements Québec, et les sommes d'argent seront transférées, semble-t-il, périodiquement, encore qu'il y ait des gens qui n'ont pas de compte de banque. Alors, pour ceux-là, ça créera un problème. Peut-être que ça serait une bonne chose qu'ils s'en ouvrent un, compte de banque, donc créer des habitudes d'épargne. Mais il y aura peut-être des petits problèmes de ce côté-là.

D'autre part, il y a des gens aussi qui n'aiment pas tellement – ça, il faut le dire – confier au gouvernement les numéros de compte de banque. Encore là, ce n'est pas non plus un gros problème, je pense, parce que, si le gouvernement décide de savoir quel est votre compte de banque, si vous avez des comptes de banque, si vous avez de l'argent dans vos comptes, le ministère du Revenu a des pouvoirs d'enquête qui lui permettraient éventuellement et assez rapidement de le retracer. Mais ça facilite évidemment l'accès aux comptes de banque, aux informations que le gouvernement peut recevoir sur les épargnes, les comptes de banque des Québécois. Et, là encore, M. le Président, ça fait en sorte que certaines personnes, et non les moindres, se posent des questions sur cette façon de procéder.

Maintenant, parlant de la gestion en compte de banque, de quoi parle-t-on ici? On parle – et le ministre pourrait peut-être, en commission parlementaire, nous éclairer un peu plus – d'abolir carrément les obligations d'épargne du Québec telles qu'on les connaît depuis très longtemps. Il n'y a plus d'obligations d'épargne du Québec. Dorénavant, on forme un organisme, Placements Québec, un nouvel organisme, M. le Président. Donc, on pensait que l'État voulait s'amincir, mais on voit que, là, d'un seul coup, on vient de nous ajouter un autre organisme parmi les dizaines ou les centaines d'organismes que compte le gouvernement du Québec dans son environnement. Et cet organisme-là vous ouvrira un compte de banque.

Alors, moi, je veux être quelqu'un qui veut souscrire à ce genre de nouvelles obligations. Alors, là, je donne mon nom; on ouvre un compte, et je fais des transferts d'argent, bon, dans ce compte-là. C'est à se demander pourquoi on crée un nouveau... En fait, c'est comme une banque, dans le fond, hein, une banque d'épargne qui va recevoir nos fonds et puis qui va les placer, enfin, qui va les prêter au gouvernement, bien sûr, qui, lui, va payer des intérêts. Donc, on se trouve à créer, dans le fond, une nouvelle banque, une banque d'épargne, un compte, enfin, un organisme qui va prendre des dépôts et qui vient faire concurrence à d'autres organismes que nous avons, là, le Mouvement Desjardins, par exemple, les caisses populaires, les caisses de crédit, autant d'endroits où on peut également déposer son argent et où on pouvait, jusqu'à maintenant, souscrire des sommes d'argent pour venir en aide aux finances publiques par la voie des obligations d'épargne du Québec.

Ce qui est étonnant là-dedans, c'est que le gouvernement a décidé de créer ce nouvel organisme, donc on grossit encore la machine gouvernementale, avant même de déposer le projet de loi. Là, M. le Président, on nous met devant le fait accompli. Le ministre des Finances a décidé de créer Placements Québec, il l'a mis en vigueur et, subséquemment, il vient nous voir ici, devant le Parlement, devant l'Assemblée nationale, pour ratifier a posteriori la décision qu'il a prise.

Bon. On sait que le ministre des Finances a beaucoup de pouvoir. En matière de fiscalité et en matière de finances, M. le Président, il peut prendre des décisions et les faire ratifier après coup par l'Assemblée nationale. Mais la création d'un organisme semblable mis sur pied sans, en aucune façon, consulter l'Assemblée nationale, venir nous demander après coup de ratifier ça, c'est un peu étonnant, un peu surprenant. On aurait préféré certainement procéder de la façon inverse, c'est-à-dire consulter un peu les députés, si tant est que les députés peuvent apporter un certain éclairage au ministre des Finances ou au gouvernement sur ce genre de choses, et peut-être même aussi consulter d'autres personnes, d'autres organismes qui ont quelque chose à dire sur la mise sur pied d'un organisme comme Placements Québec.

Mais non, tout est fait, tout est réglé. Non seulement Placements Québec est déjà en marche, on a fait une énorme campagne de publicité à la télévision sur le thème de Mission impossible pour faire en sorte, là, d'inciter les Québécois à déposer leurs fonds dans leur compte chez Placements Québec. Tout ça a été mis en place, on a signé un contrat avec la Banque Nationale, le nouveau partenaire fétiche du gouvernement, qui, dorénavant, va administrer, semble-t-il, Placements Québec. Donc tout est fait, tout est signé, tout est ficelé. C'est réglé et l'Assemblée nationale, bien sûr, est informée après coup des décisions gouvernementales. M. le Président, tout ce qu'on peut dire, c'est que le gouvernement, dans cette affaire, ne s'est pas beaucoup forcé pour consulter. Et, si jamais ça tourne mal, bien, il n'aura que lui-même à blâmer.

D'ailleurs, ça me fait penser qu'il y a un journaliste économique qui justement titrait récemment «Québec se tire dans le pied». C'est exactement ce que je viens de dire, Québec se tire dans le pied en mettant sur pied justement Placements Québec, en fondant cet organisme qu'on appelle Placements Québec. Et les propos du journaliste, que je ne reprendrai pas au complet, M. le Président... Bon, le journaliste décrit ce qu'on vient de dire, que le gouvernement a mis sur pied l'organisme en question et les objectifs. Mais il pose des questions quand même intéressantes.

(20 h 30)

Le journaliste, Michel Van de Walle, dit: «Le maintien du prélèvement sur les salaires aurait été d'autant plus intéressant que, cette année, les obligations d'épargne du Québec pourront être enregistrées sans frais dans un régime d'épargne-retraite. De nombreux employeurs offrent déjà à leurs employés de prélever des sommes REER sur leur paie – par exemple contributions au Fonds de la FTQ – en faisant automatiquement les ajustements pour les déductions d'impôt. La contribution au REER devient encore plus facile.»

Et le journaliste conclut en disant: «En abandonnant le prélèvement sur le salaire, le gouvernement du Québec se privera donc d'un attrait additionnel au moment où il en aurait eu besoin plus que jamais. Car cette année, avec un taux d'intérêt microscopique – le mot est du journaliste; je crois que c'est 4,5 %, là; peut-être que le ministre pourrait nous le dire: 4,5 %, bon 4,5 % – on ne se bousculera pas au portillon pour en acheter. Au lieu d'augmenter la portion de la dette financée ici, du moins pour cette première étape de Placements Québec, le gouvernement risque plutôt de la voir diminuer.»

M. le Président, je ne souhaite certainement pas que ce soit le cas parce que j'ai dit tout à l'heure que nous souscrivons absolument à l'objectif d'augmenter la proportion d'épargne des Québécois. Mais, dans sa hâte de mettre sur pied Placements Québec avec le concours de la Banque Nationale, le nouveau partenaire chouchou du gouvernement, peut-être que le gouvernement s'est tiré dans le pied. Peut-être qu'on verra à la réflexion que le ministre aurait eu avantage à consulter avant de prendre sa décision et non pas à prendre sa décision et à informer par après.

Maintenant, M. le Président, un autre aspect qui est un petit peu inquiétant dans cette affaire-là, c'est que l'organisme qu'on crée, Placements Québec, un genre d'organisme qui dépend du ministère des Finances mais qui est géré par la Banque Nationale, c'est un organisme qui, finalement, va échapper, semble-t-il, à la Loi sur les valeurs mobilières et aux contrôles qui sont assortis à cette loi-là; et là c'est de nature à inquiéter un peu les gens qui sont actifs dans le milieu des valeurs mobilières, entre autres l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, qui a émis des commentaires pertinents, je crois, quant à la création de Placements Québec, dans le mémoire qu'elle a déposé à la commission du budget et de l'administration sur le rapport quinquennal, sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières, justement. L'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières se demande si Placements Québec, finalement, ce n'est pas un nouveau concurrent que le gouvernement introduit lui-même dans le marché. Vous savez que ce n'est pas toujours agréable pour ceux qui oeuvrent dans le secteur privé de voir le gouvernement venir faire concurrence au secteur privé avec des moyens, bien sûr, que les autres n'ont pas, avec la puissance de la machine gouvernementale derrière ses actions et se demander si le gouvernement est intéressé à maintenir un secteur privé fort.

Le gouvernement sait et nous dit qu'il sait que la plupart des emplois sont créés par le secteur privé. Donc, on compte sur le secteur privé pour créer des emplois, le gouvernement, lui, devant créer les conditions qui permettent la création d'emplois par le secteur privé. Or, ici, le gouvernement crée un nouvel organisme qui vient concurrencer, justement, le secteur privé, et l'Association canadienne des courtiers, dans son mémoire, dit ceci: «L'Association adhère sans réserve aux mesures de dématérialisation des obligations d'épargne du Québec. Mais l'intention avouée du gouvernement d'offrir éventuellement, par l'entremise de Placements Québec, d'autres produits financiers directement aux épargnants constitue à notre avis une ingérence injustifiée de la part de l'État dans le commerce des valeurs mobilières. La création de Placements Québec s'inscrit à contre-courant de toutes les tendances récentes de restreindre les initiatives de l'État au profit du secteur privé.

«D'autre part, cette initiative nous étonne compte tenu des préoccupations du gouvernement à l'égard de la santé de l'industrie des valeurs mobilières au Québec exprimées à la page 17 du document d'accompagnement.»

M. le Président, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières poursuit dans son document: «Il nous semble pour le moins paradoxal qu'au moment où se tient devant la commission parlementaire un débat sur l'égalité de traitement des intermédiaires de marché, commencent, à ce moment-là, les activités de Placements Québec, un intervenant privilégié, non assujetti à la Loi sur les valeurs mobilières, donc échappant à tout cadre réglementaire et qui fera désormais concurrence aux courtiers comme intermédiaire à l'égard des obligations d'épargne du Québec et des autres produits financiers que le ministère des Finances pourra éventuellement mettre au point. Cet organisme, Placements Québec, offrira également un REER qui, à l'égard des titres à revenus, fera concurrence aux régimes d'épargne retraite autogérés offerts par nos membres», dit l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.

Et de conclure: «Il existe dans notre industrie des règles fondamentales comme le devoir du courtier de ne conseiller à un client que l'acquisition de titres qui lui conviennent. Compte tenu de ce que nous savons, à l'heure actuelle, de la façon dont Placements Québec exercera ses activités, il lui sera impossible d'adhérer à de telles normes. Nous recommandons donc que le rôle de Placements Québec soit réduit aux aspects administratifs de la distribution des obligations d'épargne du Québec.» On le voit, M. le Président, la création de Placements Québec ne s'est certainement pas faite avec beaucoup de consultation dans le marché, dans le milieu.

Un autre aspect de ce projet de loi là est de nature à nous inquiéter encore davantage; c'est la question du fait que le gouvernement, par l'intermédiaire de Placements Québec, va dorénavant avoir la possibilité de connaître les sommes d'argent qu'un individu peut avoir dans son compte de banque puisqu'on va donner le numéro du compte de banque à Placements Québec. Et ça, ça arrive exactement, l'étude de ce projet de loi là, quelques minutes avant que le leader du gouvernement, tout à l'heure, appelle le projet de loi n° 36 qu'on devra étudier dans quelques minutes. Et le projet de loi n° 36, lui, modifie la Loi sur l'administration financière et d'autres dispositions législatives dans le but de permettre la compensation des dettes gouvernementales. Autrement dit, si vous devez de l'argent au gouvernement, si vous devez de l'argent au ministère du Revenu, pour des impôts non payés par exemple, le gouvernement peut se payer à même d'autres argents que lui vous doit. Je vous donne un exemple: si, moi, je dois 2 000 $ à l'impôt sur le revenu pour des impôts non payés et que j'ai droit, d'autre part, à une somme d'argent qui me revient du gouvernement pour une subvention quelconque ou un retour d'argent, le gouvernement peut prendre l'argent qu'il me doit et se payer, compenser sa dette.

Là, ce qui va se poser comme question, c'est: Est-ce que le gouvernement pourra aller piger dans mes obligations d'épargne du Québec pour compenser les dettes que je lui dois? La réponse, c'est non, je présume, et le ministre va certainement nous assurer qu'en aucune façon le gouvernement ne se permettra d'aller lui-même compenser ses créances à même les sommes d'argent qu'on pourra avoir dans nos nouvelles obligations d'épargne du Québec. Mais ça crée un soupçon. Ça crée un soupçon, parce que les deux projets de loi nous arrivent l'un après l'autre et que, dans un, le gouvernement se donne des pouvoirs très étendus d'aller de toutes les façons possibles chercher des sommes d'argent qui lui sont dues en faisant des couplages de fichiers électroniques, par exemple, en se faisant donner des listes de noms de plusieurs ministères, en allant voir un peu partout quelles sont les sommes d'argent que le gouvernement doit payer à des individus pour aller chercher ces sommes d'argent là pour se rembourser; et, d'autre part, dans la même soirée, à quelques minutes d'intervalle, on nous amène ce projet de loi là, n° 19, sur l'établissement de Placements Québec, où on nous dit: Mettez votre argent dans un compte de banque, vous pourrez faire des placements dans Placements Québec où, là, on vous paiera des taux d'intérêt, etc., mais vous devrez donner les détails de vos comptes de banque.

(20 h 40)

M. le Président, disons que, comme timing, si vous me permettez l'expression, expression assez connue, c'est un peu paradoxal qu'au même moment on nous présente les deux projets de loi. C'est de nature, certainement, à inquiéter ceux qui se préoccupent beaucoup de la présence et de l'envahissement du gouvernement dans nos vies privées. Le phénomène «Big Brother» dont on parle tellement, là, on en voit ici aujourd'hui un exemple patent.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, il me semble qu'on aurait intérêt, lorsque nous serons en commission parlementaire, et le ministre va certainement nous donner des explications en commission parlementaire, on aurait peut-être intérêt à entendre certaines personnes. Je ne souhaite pas, M. le Président, multiplier les auditions en commission parlementaire et faire parader 250 000 organismes pour venir nous redire des choses, intéressantes parfois, mais peut-être qu'on aurait intérêt à entendre, par exemple, l'Association des courtiers en valeurs mobilières, qui ont dit des choses pertinentes à ce sujet-là, de façon à ce qu'on puisse se rassurer sur, non pas les intentions du gouvernement, mais la façon dont ça va atterrir dans le marché, le projet de loi n° 19. Et, si le ministre était d'accord, et je le lui demande, là, quant à moi, j'aimerais bien avoir l'occasion d'avoir l'éclairage de quelques organismes, pas tellement, là, peut-être deux ou trois qui seraient particulièrement compétents en cette matière-là et qui pourraient nous faire valoir le point de vue, en fait, du marché. Et ça permettrait peut-être de mieux comprendre ce projet de loi et aussi peut-être d'apporter des amendements ou des suggestions pour le bonifier.

Alors, M. le Président, tout ça est dit de très bonne foi, comme toujours, dans un but d'apporter une critique constructive au projet de loi. Et, M. le Président, nous verrons après l'étude du principe du projet de loi, après l'étude en commission parlementaire, de quelle façon ce projet de loi là pourra être bonifié de façon à rassurer non seulement l'opposition, mais tous ceux qui se posent aujourd'hui des question sur le projet de loi n° 19. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je tenais à participer au débat sur le projet de loi n° 19, la Loi modifiant la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec. Essentiellement, M. le Président, je pense qu'il s'agit effectivement d'un projet de loi qui n'est pas volumineux comme tel, mais qui a des incidences quand même relativement importantes compte tenu des traditions de financement du gouvernement, qui sont bien connues du public.

Le projet de loi n° 19, M. le Président, vise à introduire des nouvelles dispositions relatives aux produits d'épargne du Québec et établit aussi des régimes d'emprunt, prévoit qu'à cette fin... c'est-à-dire l'établissement de régimes d'emprunt par le gouvernement et un encadrement réglementaire pour déterminer les conditions applicables à ces nouveaux produits et à leur gestion. Alors, comme je le mentionnais, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi, essentiellement, comme le mentionnait le ministre tout à l'heure, qui vise à diversifier les sources de fonds d'emprunt dans le but de financer les opérations du gouvernement. Et ce qu'on veut faire ici, c'est trouver des moyens de faire appel de plus en plus à l'épargne des Québécois pour pouvoir financer les opérations du gouvernement. Mais, comme l'a mentionné tout à l'heure le député de Laporte, on amène ici des changements qui sont des changements extrêmement importants, qui changent les habitudes, là. Pensons à l'abolition des obligations d'épargne du Québec, c'est quand même quelque chose de relativement important.

Alors, on veut créer, émettre et vendre des nouveaux produits d'épargne dans le cadre de régimes d'emprunt et on veut établir des conditions, des modalités, des caractéristiques. Essentiellement, ces nouveaux produits seraient vendus par une nouvelle institution qu'on appelle Placements Québec, un organisme qui relève effectivement du ministère des Finances et qui sera géré, administré pour une période de cinq ans par la Banque Nationale du Canada. Alors, on espère, de cette façon-là, comme je l'ai mentionné, attirer l'épargne des Québécois et augmenter le pourcentage de financement venant du Québec dans le contexte des dettes du gouvernement du Québec.

Cet objectif-là, M. le Président, évidemment, je pense qu'on est loin d'être contre ce fait-là, mais le moyen qu'on prend ne semble pas nécessairement aller chercher l'appui de toutes les personnes impliquées. Et je vais revenir sur certaines de ces représentations. Alors, il y a des opinions qui sont assez partagées, il y a beaucoup de réserves, il y a beaucoup de craintes par rapport à cette modification-là. Quand on parle d'augmenter la part du financement au niveau québécois, je pense que c'est, comme je l'ai mentionné, quelque chose de louable. D'abord, il faut souligner que, actuellement, seulement 3 %, ou 1 600 000 000 $ des quelque 55 000 000 000 $ de dette accumulée sont financés par des obligations d'épargne du Québec. Alors, 1 600 000 000 $ sur 55 000 000 000 $ de dette accumulée. Effectivement, ce n'est pas beaucoup. L'objectif, c'est qu'on souhaite hausser cette portion à 5 000 000 000 $ d'ici trois ans. Et, pour ce faire, le gouvernement a choisi le moyen de mettre en place cette institution qu'on appelle aujourd'hui Placements Québec. Alors, voilà, essentiellement, pour l'objectif qui est visé et le contenu du projet de loi n° 19.

Maintenant, il y a quand même plusieurs réserves qui ont été mentionnées, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Mon collègue le député de Laporte, tout à l'heure, a fait référence aux représentations qui nous viennent de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, section du Québec, qui a posé des questions, je pense, importantes. Ce qu'on peut déplorer, c'est que ces gens-là n'aient peut-être pas été consultés suffisamment au moment de la préparation du projet de loi. Je pense que les questions qui sont soulevées sont quand même de nature assez sérieuse pour qu'on y apporte des réponses claires.

Effectivement, ce que l'Association canadienne mentionne, c'est que le gouvernement crée une nouvelle institution, Placements Québec, qui échappera aux normes auxquelles sont confrontés les courtiers en valeurs mobilières et qui sera sur le marché pour concurrencer exactement ce que font les courtiers en valeurs mobilières actuellement. Alors, ils ne seront pas assujettis aux mêmes normes, aux mêmes contraintes que les courtiers en valeurs mobilières et ils pourront, à ce moment-là... Ils sont perçus, à tout le moins actuellement, comme des compétiteurs sur le marché.

Il y a aussi le fait qu'on crée une nouvelle institution. Au moment où, vous savez, la population demande au gouvernement de simplifier, de faire subir une cure d'amaigrissement à l'appareil gouvernemental, bien, on vient créer une nouvelle institution, Placements Québec. C'est aussi inquiétant dans le sens que, généralement, les gouvernements ont une tendance à se retirer de plus en plus de l'implication qu'ils pouvaient avoir dans des organismes, disons, de nature plus privée et de se recentrer sur les missions essentielles de l'État. Là, on forme une institution, comme je l'ai mentionné, et cette institution-là va aller sur le marché privé apporter une certaine compétition aux courtiers en valeurs mobilières. Alors qu'on aurait pensé que la tendance était à l'effet contraire, c'est-à-dire qu'on devait se retirer et laisser le marché jouer de façon libre, ici on introduit un compétiteur qui n'est pas assujetti aux mêmes règles, aux mêmes normes et qui va évidemment apporter une certaine difficulté au marché des valeurs mobilières.

Alors, je pense que les représentations qui ont été faites par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, section du Québec, sont très sérieuses et auraient mérité à tout le moins que le ministre, peut-être, ait des consultations plus élargies à l'étape de la préparation du projet de loi. Il faut au moins supposer et souhaiter que, comme l'a fait le député de Laporte tout à l'heure, au moment de l'étude en commission parlementaire, il y aura possibilité d'entendre cet organisme et de voir d'une façon plus concrète quelles sont ses craintes, si elles sont justifiées ou non. Et le ministre pourra profiter de cette occasion pour apporter des réponses, les éclaircissements nécessaires.

(20 h 50)

Il y a une autre réserve. Tout à l'heure, je parlais des réserves. Il y a des réserves aussi qui sont mentionnées par des chroniqueurs spécialisés dans le domaine des finances. Dans ce sens-là, il y a un premier changement qui est effectivement important – c'est ce qu'on a mentionné tout à l'heure – la disparition des obligations d'épargne du Québec. Alors, ce qui va arriver, c'est qu'on va fixer le montant à acheter et on va recevoir à tous les trimestres un compte, au fond, qui va nous dire où on en est rendu et, dans ce contexte-là, comme l'a mentionné tout à l'heure le député de Laporte, on devra aussi donner son compte d'épargne, son compte de banque, son compte de chèques, et c'est à ce niveau-là que le gouvernement va faire les transactions entre la personne qui voudra investir l'argent et Placements Québec.

Alors, la méfiance à laquelle on a fait référence tout à l'heure, ce n'est pas une méfiance qui est imaginée par l'opposition. Les chroniqueurs dans le domaine y ont fait référence. Je pense à M. Michel Van de Walle, qui y fait référence et qui dit que les citoyens craindront probablement de voir l'État détenir leur numéro de compte de banque.

Alors, l'autre élément, aussi, qui est important et qui est un changement assez radical, c'est le fait que, quand un Québécois ou une Québécoise voulait se procurer des obligations d'épargne du Québec, il pouvait le faire, disons, souvent à l'intérieur même de ses revenus en permettant que le montant soit retiré hebdomadairement de son salaire et que ce montant soit versé dans des obligations d'épargne du Québec, comme ça se fait, entre autres, pour le fonds de la FTQ, et ces montants-là, ces investissements apportaient un ajustement immédiat au niveau de l'imposition. Alors, on déduisait les impôts qui correspondaient aux investissements. Alors, immédiatement, le citoyen voyait une partie de ses investissements payée par l'impôt parce que l'impôt était rajusté en conséquence.

Maintenant, comme ça ne sera plus permis pour le citoyen de permettre que ses investissements soient retirés sur son salaire, évidemment, il signera un formulaire qui permettra à Placements Québec d'aller chercher dans son compte de banque ce montant-là, mais il n'y aura pas d'ajustement immédiat au niveau de l'imposition. Donc, cet ajustement-là arrivera à la fin de l'année. Ce qui veut dire que le citoyen aura à supporter d'une façon très différente son investissement comparativement à ce qui était le cas quand une personne achetait des obligations d'épargne du Québec et que c'était déduit directement de son salaire avec ajustement du taux d'imposition. Alors, voilà, M. le Président, un autre aspect du projet de loi qui peut nous laisser relativement songeurs actuellement.

Il y a également l'autre aspect qui a déjà été signalé tout à l'heure, c'est le fait que cette façon de faire l'épargne va permettre au gouvernement d'avoir accès, disons, quand même à des informations qui peuvent être assez confidentielles. Je pense qu'il ne faut pas non plus présumer a priori qu'il y a de la mauvaise foi au niveau du projet de loi, ce qui n'est évidemment pas le cas, mais il reste que c'est le même ministre qui présente le projet de loi n° 19 qui veut également mettre en place un mécanisme systématique de compensation financière interministérielle qui va permettre au gouvernement de se payer en allant puiser directement dans les paiements dus à une personne ou à une entreprise par un ministère, un organisme public ou un autre organisme paragouvernemental.

Alors, les informations qui vont apparaître sur les formulaires que les gens vont remplir quand ils vont vouloir faire des investissements, à ce moment-là, sont des informations quand même assez cruciales. Ce que rapporte le journaliste Michel Girard, c'est que, selon le ministre des Finances, on voulait exploiter au maximum ces renseignements notamment en ayant davantage recours à des jumelages de renseignements informatisés.

Alors, on voit très bien, M. le Président, ici une tendance qui peut laisser les contribuables assez inquiets. D'ailleurs, dans le budget, à l'Annexe A, à la page 79, on peut y lire, et je cite: «étendre la communication de certains renseignements fiscaux à d'autres ministères et organismes publics, soit la Régie de l'assurance-maladie du Québec, le ministère des Affaires municipales, le ministère de l'Éducation, la Régie des rentes du Québec et le Bureau de la statistique du Québec, pour l'accomplissement de leur mission; permettre à un fonctionnaire d'utiliser et de communiquer des renseignements confidentiels lorsqu'une telle communication s'avère essentielle pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale ou pour des fins de statistiques.»

Alors, c'était déjà inscrit dans l'annexe au budget, à la page 79. Alors, c'est certain. M. le Président, que le gouvernement veut saisir ou prendre les moyens pour aller se faire remettre ce qui est dû au gouvernement au niveau des mauvais payeurs, des fraudeurs; je pense que, là-dessus, on est totalement d'accord. Mais là, ici, M. le Président, on est en train d'étendre un système à l'ensemble des contribuables, et là ce n'est pas un système qui sera ciblé sur des catégories de personnes qui peuvent être en défaut. On met un système d'échange d'informations, on permet de fouiller dans les dossiers avec des informations relativement confidentielles, et, ça, ça s'appliquera à l'ensemble des contribuables. Alors, M. le Président, ça, c'est certain que ça ne peut pas rendre les contribuables très, très confiants.

Le même journaliste, M. Michel Girard, mentionnait, et je le cite ici parce que je pense que c'est important: «Alors, quand je vois que le gouvernement Bouchard, par le biais de la création de Placements Québec, veut maintenant régir de A à Z la vente de ces produits d'épargne, permettez-moi d'émettre de sérieuses réticences. En effet, qui dit que le gouvernement Bouchard ou son successeur ne va pas, dans le cadre d'un prochain budget, adopter une loi qui permettra, cette fois, de geler nos placements jusqu'à ce qu'on lui verse les sommes qu'on lui devrait.» Alors, voilà, M. le Président, d'autres points de vue qui ont été émis et qui sont relativement sérieux.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur un dernier point, c'est la question du niveau de retour de ce nouvel outil de financement. Alors, on parle d'un rendement de 4,5 %, et il semblerait que c'est le rendement le plus faible jamais offert par le gouvernement du Québec sur ses obligations d'épargne. Alors, on a fait, comme on l'a mentionné tout à l'heure, une campagne de publicité très ronflante où on fait vibrer la corde nationaliste tout en demandant aux gens d'investir au Québec pour absorber la dette du Québec. Je pense que, sur l'objet comme tel de favoriser l'investissement des Québécois et d'assumer une plus grande partie de la dette, là-dessus, on n'en est pas. Sur le ton qu'a pris cette campagne de publicité, je pense qu'on pourrait en rediscuter. Et on se retrouve effectivement avec un véhicule financier qui va avoir des rendements relativement modestes et qui ne sera peut-être pas de nature à attirer autant qu'on le souhaiterait les contribuables.

On dit que ce rendement de 4,5 % est un demi-point de moins que le rendement offert sur les coupons détachés des obligations du Québec et des obligations municipales à échéance dans un an. Alors, ce n'est pas particulièrement payant à ce niveau-là. Ce qui est aussi assez surprenant, c'est que les avantages que va fournir ce nouveau système sont inférieurs à ceux qu'offre la Banque Nationale, qui est le gestionnaire de Placements Québec, le gestionnaire attitré, alors que la Banque Nationale elle-même offre des certificats de placements garantis d'un an à 4,5 % encaissables sans pénalité après 30 jours. Et les nouvelles obligations d'épargne du Québec sont encaissables en tout temps, mais les épargnants vont perdre leurs intérêts s'ils les encaissent avant un délai de 90 jours.

Alors, déjà, la Banque Nationale offre des produits plus attrayants que ce que veut offrir le gouvernement, et ça va être son gestionnaire. Alors, je me demande comment le gestionnaire va... Est-ce que le gestionnaire va être intéressé à suggérer à ses clients de placer leur argent dans Placements Québec ou d'acheter des obligations que lui met en circulation et qui sont plus avantageuses?

Au niveau du Mouvement Desjardins, M. le Président, le Mouvement Desjardins offre un certificat d'épargne rachetable d'un an. Le rendement est le même, 4,5 %, mais il est encaissable en tout temps sans pénalité. En plus, Desjardins émet un certificat, ce que le Québec ne fait plus dorénavant avec le nouveau système.

(21 heures)

Alors, voilà, M. le Président, un certain nombre de points que je voulais signaler concernant le projet de loi n° 19. Évidemment, on l'a mentionné, il y a beaucoup de réticence, beaucoup d'interrogations, beaucoup de questions qui ne sont pas encore clarifiées et que le ministre n'a pas clarifiées, non plus, tout à l'heure, dans sa présentation. Je pense qu'il faudra voir à la prochaine étape, c'est-à-dire à l'étape de l'étude du projet en commission article par article, si le ministre peut apporter des réponses, des clarifications à ces nombreuses interrogations qui sont soulevées et qui feront peut-être que, malgré le fait que l'objectif que le gouvernement cherche à atteindre est un objectif valable, il faudra peut-être voir si les moyens que le gouvernement se donne sont appropriés ou ne le sont pas. Mais, présentement, je pense, M. le Président, que c'est difficile pour l'opposition, pour les contribuables et pour les chroniqueurs spécialisés dans le domaine des finances de porter un jugement définitif. Il y a, à tout le moins, beaucoup d'interrogations qui demeurent encore actuellement sans réponse. Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre d'État...

M. Morin (Dubuc): L'article 213, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Dubuc.

M. Morin (Dubuc): L'article 213 me permet de poser une question au dernier intervenant.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Dubuc, posez votre question.

M. Morin (Dubuc): Oui. Alors, au cours de son... Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il faut tout d'abord demander au député s'il accepte que vous lui posiez une question. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous acceptez?

M. Bordeleau: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Alors, M. le député de Dubuc, vous pouvez la poser.

M. Morin (Dubuc): Alors, au cours de son intervention, M. le Président, le député de l'Acadie a fait référence à ce qu'il a qualifié de bon fraudeur et de mauvais fraudeur. Alors, je lui demanderais d'être plus précis par rapport à ce qu'il entend par cette nouvelle notion de bon et de mauvais fraudeur.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Bordeleau: Oui. M. le Président, j'ai mentionné les fraudeurs et les autres contribuables qui ne sont pas des fraudeurs. Et, si le député de Dubuc a des choses intéressantes à dire sur le projet de loi n° 19 – sur le contenu – je l'inviterais également à faire sa présentation.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): M. le Président, comme l'opposition l'a souligné à plusieurs reprises, nous aurons une commission parlementaire pour travailler article par article et aller en profondeur avec chacun des éléments de ce projet de loi. Mais il y a quelques urgences qui doivent être traitées ce soir même. Au cas où un doute pourrait subsister, l'opposition nous a prêté la bonne foi, nous en faisons autant dans son cas, mais elle a flirté avec le danger, là. Quand ses porte-parole ont laissé entendre que le gouvernement du Québec pouvait se payer des sommes dues à même des obligations détenues à Placements Québec, c'est de la haute fantaisie. J'espère que c'est un lapsus qui leur a fait dire ça, surtout que le député de Laporte est juriste. Il sait très bien que la compensation est une vieille institution de notre Code civil, qu'elle doit remplir certaines conditions et que les dettes doivent être liquides, elles doivent être constatées. Et, avant d'aller chercher de l'argent dans des institutions financières, il faut un jugement de cour non seulement sur le fond, mais également sur la possibilité de saisie. Alors, ça, je veux bien qu'on en rediscute en commission parlementaire, mais je veux que personne n'aille se coucher ce soir en pensant qu'une chose aussi fantaisiste, proférée par le député de Laporte, puisse être vraie.

Quelques réponses rapides aussi pour les gens qui s'interrogeraient sur la pertinence de leur réponse à Placements Québec. D'abord, je ferai remarquer que, en plus des bons fraudeurs et des mauvais fraudeurs, là, il s'est glissé une erreur assez grave dans ce qu'a dit le député de l'Acadie: les obligations d'épargne du Québec n'ont jamais donné lieu à une déduction d'impôts. Jamais. Contrairement à ce que vous avez dit, ceux qui achetaient les obligations d'épargne à travers une déduction à la source ne voyaient aucunement leur impôt réduit dans leur chèque de paie. C'était le montant du prélèvement à la source, mais ça n'avait rien à voir avec l'impôt qui se réglait à la déclaration fiscale en fin d'année.

Sur la dématérialisation aussi, je ne fais que quelques remarques, M. le Président, pour éviter certaines craintes à des gens qui auraient pu être effrayés par les propos de l'opposition. Il n'y a plus, c'est vrai, de documents matériels constatant l'obligation, comme ça se faisait depuis des siècles. Les anciens bons des anciennes républiques françaises sont devenus des pièces de collection aujourd'hui, des pièces de musée. Ça fait des siècles qu'on fait ça. Mais ce n'est plus la façon de faire, et tout le monde le sait. Tout le monde qui paie avec des cartes de crédit, qui n'utilise même plus le numéraire et les billets de banque sauf pour exceptions, doit bien se rendre compte que certains instruments matériels de paiement sont devenus désuets.

C'est vrai qu'ils pouvaient, comme l'a dit le député, apporter certains réconforts à certaines personnes qui pouvaient les palper dans leurs mains, mais ça pouvait aussi exciter la convoitise. Ça exposait à divers accidents de la destruction matérielle de la pièce, ce qui aurait aussi, évidemment, alarmé celui qui la détenait, qui la perdait dans un incendie, qui se la faisait voler au cours d'un cambriolage. Alors, la dématérialisation, même en termes de sécurité et de réconfort de l'épargnant, est supérieure, je crois, à l'ancienne formule.

C'est aussi beaucoup plus simple, beaucoup plus simple que la retenue à la source. Le cas de l'employeur, par exemple, qui commençait une retenue à la source, et l'épargnant décidait d'interrompre et de ne pas se rendre jusqu'à l'achat global de la tranche qu'il devait acheter, là il fallait reprendre l'opération à rebours. C'étaient des paperasses, des ennuis pour les entreprises, alors qu'aujourd'hui, dans la vie moderne, pratiquement tout le monde a un compte de banque et, comme le député l'a dit, il serait souhaitable, en tout cas, pour développer des aptitudes d'épargne, qu'ils en aient. Alors, ça simplifie les choses et, surtout, cela coûte moins cher.

La gestion des obligations ancienne manière coûtait, pour employer le jargon du métier, 40 points de base; la nouvelle façon n'en coûtera que 30. Alors, on sait que c'est des dizaines et des dizaines de millions de dollars qui seront ainsi épargnés, d'autant plus que le député de Laporte a erronément qualifié de nouvelle institution et de nouvel organisme du gouvernement Placements Québec. Placements Québec, c'est une bannière qui est gérée par une institution financière qui l'a obtenue à la suite d'un appel d'offres, et cette institution financière gère Placements Québec avec son personnel plus un transfert de fonctionnaires des Finances qui géraient l'ancien système aux Finances, donc qui étaient payés, et qui émargeaient à la feuille de paie de l'État, et qui maintenant travaillent physiquement à Placements Québec. Ils ont franchi la rue, et ça ne change absolument rien à la comptabilité des salaires de ces employés, mais, globalement, c'est beaucoup moins coûteux pour l'État.

Enfin, et je le dis en terminant ces remarques – et on reprendra tout ça en profondeur en commission parlementaire – le but de l'opération n'est pas de bouleverser le marché de l'épargne. Les obligations d'épargne, qui autrefois faisaient autour de 10 % de l'en-cours, de la dette publique du Québec, étaient tombées à 3 %, et nous n'avons pas l'intention de rétablir en une seule année le niveau antérieur justement pour ne pas faire de vagues. Ce que nous souhaitons, c'est prendre 15 % de l'augmentation avec des titres dont le taux d'intérêt est tout à fait, ah bien, là, par ailleurs, ciblé: 4,5 %, ce qui a d'ailleurs forcé la concurrence, comme vous l'avez signalé. Vous avez fait la publicité de produits concurrents; très bien. À offrir plus à l'épargnant, ils ont réagi immédiatement à la promulgation de notre 4,5 % en offrant des produits intéressants mais induits par le fait que notre taux était de 4,5 %. Et 4,5 % pour quoi? Pour un instrument d'une liquidité totale, un instrument assis sur la crédibilité du débiteur le plus solvable du Québec, puisque c'est la cote du Québec qui fait la cote des autres, et, enfin, avec un service que jamais aucune vieille présentation matérielle des obligations n'a donné, celui du rapport trimestriel.

Donc, avec une même bannière gérée par le secteur privé après appel d'offres, une bannière pratique, utile, concurrentielle et qui permet en même temps d'acquérir d'autres produits d'épargne, parce que c'est aussi dans le projet de loi et dans la réalité. Obligations du Québec, oui, et autres produits financiers attrayants à diverses conditions de liquidité.

(21 h 10)

Alors, nous croyons que, encore une fois, sans vouloir bouleverser le marché d'épargne au Québec, ce nouvel instrument et ces nouveaux instruments sont un service aux contribuables, permettent aux Québécois et aux Québécoises de revenir à un niveau de financement un peu plus important de leur propre état et constituent une façon économique et moderne de gérer un segment de notre dette publique.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances. Le principe du projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Bourbeau: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 25 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le renvoi à la commission, excusez-moi.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Bélanger: Oui, oui, M. le Président, je m'excuse, oui. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Bélanger: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Maintenant, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 25 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 36


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 25, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et d'autres dispositions législatives. M. le ministre des Finances, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 36, que je vous présente aujourd'hui, apporte diverses modifications à la Loi sur l'administration financière afin, d'une part, d'en faciliter l'application et, d'autre part, de donner suite, en partie, au Discours sur le budget du 9 mai dernier.

Le projet de loi n° 36, aux articles 1, 2 et 9 en particulier, vise à rendre obligatoire l'exercice de la compensation gouvernementale. Le mécanisme à mettre en place est fort simple. Il s'agit d'assurer l'échange des informations nécessaires pour éviter que le gouvernement n'émette un paiement à une personne physique ou morale – donc, une compagnie – ayant une dette payable envers le gouvernement.

Conformément aux intentions exposées dans le discours sur le budget, que j'ai eu l'honneur de présenter en mai dernier, la Loi sur l'administration financière doit être modifiée pour, notamment, soumettre à la compensation gouvernementale les paiements faits par les ministères et organismes publics, préciser que le Contrôleur des finances détient le mandat d'opérer la compensation gouvernementale pour le compte du ministre des Finances et permettre au Contrôleur des finances d'avoir accès à tout renseignement nécessaire à l'exercice de la compensation, tant pour les personnes physiques que morales.

J'aimerais également souligner que le mécanisme automatique de compensation qui sera mis en place respectera les principales règles relatives à la protection des renseignements personnels et à la protection de la vie privée des citoyens. Plusieurs dispositions du projet de loi visent cet objectif et tiennent compte des préoccupations exprimées par les représentants de la Commission d'accès à l'information qui avaient été consultés dans le cadre de la préparation du discours sur le budget. Ainsi, les dérogations à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels prévues au projet de loi afin de permettre la transmission de renseignements ont été réduites au minimum et des dispositions pour en assurer la confidentialité ont été incluses.

Le projet de loi n° 36 comprend plusieurs modifications qui visent à faciliter l'application de la Loi sur l'administration financière et qui constituent des allégements en matière de gestion financière. De tels allégements sont devenus nécessaires, étant donné qu'au cours des deux dernières années le gouvernement a engagé l'administration publique dans une démarche globale de responsabilisation des gestionnaires publics qui demandent plus de flexibilité dans leurs opérations courantes. Cette flexibilité additionnelle peut être accordée en limitant l'exercice des contrôles du Conseil du trésor sur les moyens d'action aux seuls enjeux majeurs, tout en conservant la transparence du processus.

Un amendement est également proposé, à l'article 13 du projet de loi n° 36, à compter du deuxième alinéa, qui introduit une nouvelle section portant sur le processus de création de fonds spéciaux. Essentiellement, un fonds spécial constitue une entité comptable distincte du fonds consolidé du revenu et est institué par un amendement à la loi de son ministère responsable. Le recours à ce mécanisme de gestion permet de tenir compte, d'une manière distincte, de l'utilisation des revenus et dépenses reliés à une activité. Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires et d'enveloppes fermées, les ministères et organismes sont souvent dans l'incapacité de satisfaire la demande à l'égard de biens et services qu'ils produisent faute de crédits pour faire face aux hausses de la demande, et ce, même lorsque certains clients externes sont prêts à payer pour les biens ou services produits par ces entités gouvernementales. La formule de fonds spécial semble, dans plusieurs cas, s'avérer la solution à la problématique des ministères et organismes.

Cependant, la lourdeur des démarches juridiques et comptables reliées à la création d'un fonds spécial fait en sorte que cette formule était jusqu'à maintenant réservée aux activités ayant un poids budgétaire important. C'est pourquoi, afin de favoriser une gestion plus efficace et responsable des revenus provenant de la vente de biens et services, il est proposé d'introduire cette nouvelle section à la Loi sur l'administration financière, visant à permettre au gouvernement de créer, sur recommandation du président du Conseil du trésor et du ministre des Finances, des fonds spéciaux affectés au financement des activités de vente de biens et services d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement.

Il est également suggéré que cette procédure s'applique également au financement des technologies de l'information, ce qui permettrait de capitaliser et d'amortir sur leur durée de vie utile de tels investissements. En vertu de l'amendement proposé, il ne serait toutefois pas possible de créer un fonds spécial lorsque les biens ou services visés sont offerts exclusivement à des ministères ou organismes, dans le cas d'absence de clientèle externe, ou encore lorsque ceux-ci sont les seuls à offrir de tels biens ou services à des clientèles captives ou monopolistiques. Les dispositions proposées pour encadrer la création de ces fonds spéciaux sont similaires à celles apparaissant dans les lois spécifiques des fonds spéciaux actuellement en opération dans l'administration publique québécoise, et le Conseil du trésor déterminera les modalités de gestion applicables à ces fonds.

Dans le contexte d'une plus grande responsabilisation de l'administration publique et de budgétisation dans le cadre d'enveloppes fermées, il est opportun d'apporter des correctifs pour assurer une plus grande souplesse et offrir aux ministères et organismes une plus grande latitude dans l'exécution de leur budget. C'est pourquoi plusieurs mesures d'allégement en matière de gestion financière sont prévues au projet de loi.

Un amendement, article 3 du projet de loi, permet au Conseil du trésor d'émettre une directive plus générale en matière de détermination des modalités opérationnelles du processus d'élaboration des prévisions budgétaires.

Une autre modification, article 5, permet au Conseil du trésor d'autoriser les ministères et organismes à procéder à des transferts de crédits entre éléments et entre supercatégories d'un même programme.

Une autre modification, articles 6 et 8, confie aux ministères et organismes la responsabilité relative à la délégation d'autorité en matière de gestion financière.

Un amendement, article 7, permettra de rendre automatiques les virements de crédits afférents au transfert de personnel entre ministères et organismes budgétaires au lieu d'être soumis à l'approbation du Conseil du trésor.

Le Fonds de financement, comme vous le savez, a été créé en vertu de la Loi sur l'administration financière. Il a pour objet de permettre au ministre des Finances d'effectuer des prêts aux organismes des réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux, aux entreprises du gouvernement, à d'autres organismes publics et aux fonds spéciaux désignés par le gouvernement, et ce, à même les sommes empruntées à cette fin par le gouvernement. Le financement regroupé effectué par le Fonds de financement permet de réaliser des économies d'intérêts sur les emprunts et de réduire les frais d'émission.

Afin de maintenir et même d'augmenter les bénéfices découlant de ces activités et de protéger le Fonds de financement contre les ruptures d'approvisionnement en financement à court terme provenant du gouvernement, des amendements – articles 4, 10, et premier alinéa de l'article 13 – prévoient la diversification de ces sources de financement en permettant notamment au ministère des Finances d'effectuer la titrisation – c'est un mot rare, M. le Président, je vais l'épeler: t-i-t-r-i-s-a-t-i-o-n; il s'agit de la mobilisation par une banque des créances qu'elle détient, une banque ou une institution financière – des prêts du Fonds et d'utiliser des produits dérivés pour la gestion de ses risques financiers, tout comme il peut le faire pour la gestion du fonds consolidé, la dette publique et les fonds d'amortissement.

(21 h 20)

Une autre modification affectant le Fonds de financement – article 11 du projet de loi n° 36 – permet que les avances puissent être autorisées par le ministre lorsque l'emprunt à partir duquel l'avance doit être effectuée a été conclu à même un régime d'emprunt. Ceci permettra de réduire le délai et de profiter de conditions plus avantageuses.

Le projet de loi n° 36 comprend également une série d'amendements – articles 14 à 16 – à la Loi sur l'administration financière pour faciliter la gestion de la dette et du financement des organismes du secteur public. Dans le cadre de cette gestion, des délais d'exécution de plus en plus courts sont exigés, les marchés financiers ayant réduit sensiblement les délais de conclusion de leurs opérations de financement. Les délais occasionnés par les processus d'approbation actuellement prévus, auxquels s'ajoutent ceux résultant de l'adoption d'une résolution du conseil d'administration de l'organisme dans le cadre rigide actuel, peuvent empêcher l'obtention des meilleures conditions possible et augmentent les coûts d'émission. Ainsi, il est proposé d'instituer des régimes d'emprunt pour les organismes du secteur public et de prévoir la délégation de pouvoirs d'autorisation de façon à réduire les délais qui nuisent aux négociations relatives aux conditions d'emprunt.

Le projet de loi modifie aussi la Loi sur le ministère du Revenu pour permettre l'échange de renseignements avec le Contrôleur des finances aux fins de l'exercice de ses pouvoirs et pour assurer la concordance avec les dispositions relatives à la compensation gouvernementale. Je soumets donc pour étude par la commission ce projet de loi qui modifie la Loi sur l'administration financière et donne lieu à certaines mesures du discours du budget.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laporte. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, nous voici donc rendus au projet de loi n° 36 dont on a parlé tout à l'heure lors de l'étude du projet de loi n° 19, projet de loi n° 36 qui veut amender la Loi sur l'administration financière de façon à permettre au gouvernement de rendre obligatoire la compensation gouvernementale en regard des paiements des ministères, organismes et organismes publics qui doivent être effectués à des débiteurs, des paiements qui devraient être effectués à des débiteurs d'autres ministères et organismes, et qui confie l'exercice de la compensation au Contrôleur des finances, qui dépend évidemment du ministre des Finances, et également qui modifie la Loi sur le ministère du Revenu pour permettre l'échange de renseignements avec le Contrôleur des finances. Donc, le ministère du Revenu va dorénavant pouvoir et même devoir transmettre des renseignements au Contrôleur des finances de façon à ce qu'on puisse apparier les créances du gouvernement avec les dettes des contribuables.

Le projet de loi comprend également d'autres éléments, comme, par exemple, certains éléments concernant les fonds spéciaux, la constitution de fonds spéciaux affectés au financement des activités de vente de biens et de services et au financement des technologies de l'information. Des fonds spéciaux, ce n'est pas nouveau, c'est un animal qui est connu au gouvernement, mais je vois que le gouvernement a tendance de plus en plus à multiplier ces fonds spéciaux, donc à rendre un peu plus difficile la compréhension du financement général des activités de l'État. Je présume que, avec l'annonce du gouvernement, dans le dernier discours sur le budget, visant à faire en sorte de capitaliser des dépenses, par exemple, de pavage des routes, ces dépenses-là vont être financées à même un fonds semblable qui va faire en sorte que le gouvernement pourra paver nos routes québécoises, les réparer, mettre des couches de pavage d'usure dès maintenant et en payer le montant sur cinq ans. C'est ce qui me faisait dire, le soir du budget: Pavez maintenant et payez plus tard. Alors, si c'est ce véhicule-là qu'on veut utiliser, bien, voilà, le gouvernement, maintenant, se donne les moyens de le faire.

Mais la partie centrale de ce projet de loi là, M. le Président, c'est bien la décision du gouvernement d'instituer comme obligatoire la compensation des dettes des contribuables à même les sommes d'argent que le gouvernement doit à ces mêmes contribuables. Donc, le gouvernement va se payer lui-même à même les sommes d'argent qu'il nous doit. Là encore, je ne m'objecte pas comme tel à ce que le gouvernement prenne tous les moyens légaux pour récupérer les sommes qui lui sont dues. Et, si le gouvernement me doit une somme d'argent et que je lui en dois une, je n'ai pas d'objection à ce qu'il effectue la compensation; pas d'objection. Tout est dans la manière, dans la manière de faire. Et, là, M. le Président, nous avons de sérieuses réserves sur la manière. Et il faut bien réaliser que, dans le budget du ministre des Finances, qui nous a été présenté il y a environ un mois, trois semaines, justement, on annonçait la mise en place d'un mécanisme systématique de compensations interministérielles qui permet au gouvernement de recouvrer les dettes qui lui sont dues en allant puiser directement dans les paiements qui sont dus à une personne ou une entreprise par un ministère, un organisme public ou autre organisme gouvernemental. Donc, c'est que dorénavant le gouvernement va se servir lui-même et va effectuer la saisie de l'argent où il pourra le trouver.

Et, d'autre part, M. le Président, dans le même projet de loi, je l'ai dit tantôt, Revenu Québec, c'est-à-dire le ministère du Revenu, lui, reçoit le mandat – pas dans le projet de loi mais dans le discours sur le budget, plutôt – d'intensifier ses mesures et ses activités de vérification des déclarations de revenus des contribuables, des particuliers. Et on dit ceci: «Les informations apparaissant sur les différents formulaires qu'il reçoit des contribuables et des mandataires seront – et c'est le ministre des Finances qui parlait, M. le Président – exploitées au maximum, notamment en ayant davantage recours à des jumelages de renseignements informatisés.» Et, dans le budget du ministre des Finances, le ministre affirmait, en outre, que des modifications seraient apportées à la Loi sur le ministère du Revenu, notamment celle-ci: «Étendre la communication de certains renseignements fiscaux à d'autres ministères et organismes publics, soit la Régie de l'assurance-maladie du Québec, le ministère des Affaires municipales, le ministère de l'Éducation, la Régie des rentes du Québec et le Bureau de la statistique du Québec, pour l'accomplissement de leur mission.» Et, de poursuivre: «Permettre à un fonctionnaire d'utiliser et de communiquer des renseignements confidentiels lorsqu'une telle communication s'avère essentielle pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale ou pour des fins de statistique.»

Là, je commence à trouver qu'on va un peu loin, quand on dit que le fonctionnaire pourra communiquer des renseignements confidentiels lorsque cette communication-là s'avère essentielle – essentielle dans l'esprit de qui? il faudrait le savoir, là – pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale ou pour des fins de statistique. M. le Président, nos statisticiens vont se pourlécher les babines certainement avec une mesure comme celle-là. Rien, dorénavant, ne pourra échapper à la statistique, puisque les fonctionnaires devront obligatoirement transmettre des renseignements confidentiels.

Alors, ce qui faisait dire au journaliste de La Presse , Michel Girard: «Que le gouvernement Bouchard parte à la chasse des vrais fraudeurs, des travailleurs au noir. Bravo! Aucun problème avec ça. Mais qu'il mette tous les contribuables sur le même pied, qu'il se dote de mécanismes extraordinaires pour intensifier la vérification des déclarations de tous les contribuables, qu'il se lance dans de vastes opérations de recoupage d'informations sur les individus, là, je dis: Un pas de plus et il tombe dans la "parano".» M. le Président, et de conclure Michel Girard: «Un coup parti, pourquoi ne pas faire du recoupage avec les listes électorales, par exemple, et, tant qu'à faire, avec les listes des donateurs des partis politiques?»

Il n'y aurait là qu'un seul pas que le ministre des Finances ne veut certainement pas franchir, j'en suis convaincu, mais que d'autres, après lui ou subséquemment, pourraient peut-être être tentés de franchir. Et nous avançons tranquillement vers cet État dont je parlais tout à l'heure, cet État envahisseur qui s'introduit tranquillement dans nos vies privées, dans nos affaires et qui veut connaître absolument la totalité de toutes les informations concernant tous les individus. Et je sais qu'il y a des gens de l'autre côté, M. le Président – pas seulement de ce côté-ci – qui s'inquiètent de cet envahissement continuel de l'État dans les affaires privées des citoyens, et ça m'étonne que le gouvernement procède ainsi, d'une façon aussi complète et sans prendre les précautions d'usage.

(21 h 30)

Je voudrais attirer votre attention, M. le Président, et celle du ministre des Finances. Je ne sais pas si le ministre des Finances a pris connaissance de ça, mais, dans le projet de loi qui est devant nous, il y a un article qui me laisse extrêmement songeur. C'est l'article 2 du projet de loi qui modifie l'article 14.9 de la Loi sur l'administration financière. Or, dans cet article-là, on dit: «Les articles 14, 14.1 et 14.6 s'appliquent malgré les articles 65 à 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.» M. le Président, il s'agit là de l'équivalent d'une clause «nonobstant». Autrement dit, ce que le législateur nous dit, c'est qu'il y a une loi qui existe au Québec et qui s'appelle la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Cette loi-là, elle oblige le gouvernement à mettre des gants blancs quand on joue avec la vie privée des gens et le gouvernement est tenu, en vertu de cette loi-là, de suivre les prescriptions de cette loi-là. Or, qu'est-ce que vient de nous dire le ministre des Finances? Que la loi n° 36 s'applique malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Donc, on met de côté cette loi-là, on la jette par terre et on dit: Le projet de loi n° 36 va passer en dépit – c'est ce que ça veut dire, en dépit – de la loi sur l'accès à l'information.

Le ministre des Finances, M. le Président, se rend coupable d'un geste assez étonnant. Moi, je dois dire que j'ai eu une certaine expérience avec ce domaine-là, lorsque j'étais ministre responsable de la Sécurité du revenu. Nous avions régulièrement l'occasion de déposer des projets de loi pour tenter de renforcer les contrôles à l'aide sociale et, chaque fois que je voulais déposer une loi ou un article de loi qui avait pour but de renforcer les contrôles à l'aide sociale, j'avais toujours pris l'habitude de demander l'avis de la Commission d'accès à l'information, l'avis de la Commission des droits de la personne et, la plupart du temps, du Protecteur du citoyen. D'ailleurs, je dois dire que nous entretenions une correspondance régulière avec ces organismes-là. Les fonctionnaires du ministère de la Sécurité du revenu avaient le mandat d'être en communication continuelle avec le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne de façon à ce que les gestes que nous posions étaient en harmonie avec les lois qui régissent ces organismes-là. Ce n'est pas ce que fait le ministre des Finances aujourd'hui, là. Le ministre des Finances n'a cure de la loi d'accès à l'information. Il ne nous parle pas du tout, d'ailleurs, des deux autres, le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne. Aucune mention. Mais, ici, là, pour l'accès à l'information, le ministre des Finances nous dit qu'il va nous passer sur le corps.

M. le Président, le projet de loi et les articles que j'ai nommés tantôt s'appliquent malgré les articles de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Une clause «nonobstant», ça; c'est le rouleau compresseur qui se met en marche et qui va faire en sorte que le gouvernement veut faire adopter sa loi à l'encontre des objections que pourrait avoir la Commission d'accès à l'information. M. le Président, c'est inacceptable. Le ministre des Finances doit déposer en cette Chambre l'avis de la Commission d'accès à l'information. Tout à l'heure, il a tenté de nous rassurer à ce sujet-là en nous disant: Nous avons discuté avec la Commission d'accès à l'information. Nous avons apporté des modifications et il ne resterait, en termes d'accrocs à la loi, que des accrocs réduits au minimum, nous a-t-il dit. J'ai noté ces mots-là tout à l'heure. On a réduit au minimum. Mais quel est ce minimum? Est-ce que le minimum pour le ministre, ce ne serait pas le maximum pour d'autres, M. le Président? Je veux le savoir, nous voulons le savoir. Quels sont ces accrocs à la loi sur l'accès à l'information que le ministre ne veut pas régler et dont il veut maintenir dans son projet de loi des dispositions qui vont à l'encontre? M. le Président, c'est très préoccupant et le ministre devra, s'il veut obtenir l'aval de l'opposition, nous donner des assurances en ce qui concerne ces problèmes d'harmonisation avec la loi d'accès à l'information, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Et, justement, M. le Président, c'est parce qu'on veut faire des couplages de fichiers informatiques. Alors, là, les couplages de fichiers informatiques, on sait ce que ça peut avoir comme effets. On prend une bande informatique, des listes de noms, par exemple, et on les compare avec d'autres listes de noms dans d'autres domaines, d'autres secteurs, et de ce couplage de fichiers là ressortent des informations. Ça peut être très puissant comme moyen d'information, effectivement. On pourrait mettre une liste de débiteurs d'un côté, une liste de créanciers du gouvernement de l'autre et, en les mettant ensemble, on obtient des informations très précieuses, bien sûr, pour le gouvernement qui veut effectuer la compensation de ses dettes. Le principe, M. le Président, pourrait être acceptable si, en le faisant, on prend les précautions d'usage. Parce que la loi dont j'ai parlé tantôt prévoit des précautions, précautions pour garantir la vie privée des gens, pour sécuriser la vie privée des gens, autrement dit pour s'assurer que les fonctionnaires qui vont jouer là-dedans n'iront pas prendre ces renseignements-là et les transmettre à d'autres personnes, comme on a vu dans le passé. Il y a des fonctionnaires, M. le Président, qui ont utilisé – j'ai été témoin de ça, moi, je l'ai vu... je ne l'ai pas vu personnellement mais je l'ai lu – d'une façon malhonnête, je dois dire, ont vendu des informations qui provenaient de ces fichiers-là à, par exemple, des agences de crédit. Ça, M. le Président, ça prend des contrôles très sévères. Ça prend des cadenas, ça prend des serrures pour éviter que ces renseignements-là puissent être utilisés par des gens qui n'y ont pas accès, n'y ont pas droit et, d'autre part, pour s'assurer que ceux qui vont y avoir accès vont faire un usage extrêmement limité de ces informations-là et qu'on pourra contrôler ces usages-là.

Il y a des codes de sécurité, M. le Président, qui existent. Il y a des façons de procéder, et c'est ça, justement, que contrôle la Commission d'accès à l'information. Elle s'assure que le gouvernement, avant de donner son aval, a pris ces dispositions-là et qu'il va les respecter. Or, nous n'avons aucune assurance que le gouvernement a obtenu de la Commission d'accès à l'information ces avis positifs dont nous avons besoin pour être rassurés et pour que la population soit rassurée également.

Et, quant à y être, M. le Président, il faudrait aussi nous dire ce qu'en pense le Protecteur du citoyen, ce qu'en pense également la Commission des droits de la personne parce que, dans le passé, nous, nous avons pris ces précautions-là lorsque nous étions là, M. le Président. C'est plus astreignant pour le ministre de négocier avec ces organismes-là. Ce n'est pas drôle. Parfois, il faut faire des compromis, mais au moins c'est plus sécurisant, M. le Président, pour les contribuables.

M. le Président, il faudrait donc trouver des accommodements pour faire en sorte que nous soyons rassurés quant au dispositif que le ministre veut mettre en place pour assurer la compensation. Et il m'apparaît évident que, dans un dossier comme celui-là, on ne pourrait pas éviter d'entendre en commission parlementaire certains organismes qui auront certainement des choses importantes à nous dire. M. le Président, il est essentiel qu'en commission parlementaire le ministre convoque la Commission d'accès à l'information, puisque le ministre n'a pas déposé les avis de la Commission, les avis positifs. Donc, nous devrions entendre la Commission d'accès à l'information pour voir si elle est d'accord avec la méthode proposée et, sinon, quels sont les changements qu'elle souhaiterait voir apporter. Il faudrait aussi entendre le Protecteur du citoyen pour savoir si le Protecteur du citoyen est également d'accord, de même que la Commission des droits de la personne. Il y a d'autres organismes également qui ont écrit au gouvernement et qui ont demandé à être entendus sur ce sujet-là.

M. le Président, c'est trop important pour que le ministre tente de faire adopter ce projet de loi là à la vapeur. L'objectif est louable, percevoir les créances de l'État, mais les moyens doivent être vérifiés parce que, M. le Président, de plus en plus, comme je le dis, on se questionne sur cette intrusion de plus en plus importante et grandissante de l'État dans la vie privée des citoyens. Et, d'une certaine façon, M. le Président, quand le gouvernement se lance comme ça tous azimuts dans les vérifications, il y a un moment où on en vient à penser que tous les payeurs de taxes, tous les contribuables sont présumés être des fraudeurs. M. le Président, quand quelqu'un remplit son rapport d'impôts et l'envoie au gouvernement, il y a une présomption, au départ, en tous les cas, que ce citoyen-là est un citoyen honnête. Il ne faudrait pas qu'on en vienne à penser qu'on est présumés des fraudeurs jusqu'à ce que la preuve soit faite. Au contraire, il me semble que la bonne foi là-dedans se présume.

(21 h 40)

Alors, M. le Président, il faudrait donc que des balises, à notre avis, soient instituées pour faire en sorte que les citoyens soient rassurés quant à ces pouvoirs énormes que le gouvernement se donne de s'introduire comme ça dans la vie privée des gens. C'est pourquoi, je le dis tout de suite au ministre, à moins que le ministre ne donne des assurances quant à l'opinion ou l'avis de la Commission d'accès à l'information et de la Commission des droits de la personne, du Protecteur du citoyen, à moins que le ministre, bien sûr, accepte notre suggestion de les entendre en commission parlementaire, ce sera bien difficile pour nous de lui donner notre aval à moins d'avoir ces assurances-là. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. S'exprimer sur le principe du projet de loi n° 36, c'est un peu s'exprimer sur le principe même de l'État tout-puissant, un peu s'exprimer sur ce que certains pourraient appeler avec une certaine image littéraire l'État «Big Brother», c'est-à-dire l'État qui doit tout savoir, tout contrôler, mettre ensemble tous les renseignements sur les individus, avoir toute l'information, d'une certaine façon, pour mieux contrôler la vie privée des gens.

On a l'impression, à voir comment cette tendance-là... Puis ça fait des années qu'on entend des discours de part et d'autre, quand les partis sont dans l'opposition, disant: L'État est de plus en plus présent dans la vie privée des gens. Mais il n'y a pas une année complète qui se passe sans qu'il y ait un autre projet de loi pour qu'on aille un peu plus loin. Il y a eu la mise en place de la loi sur l'accès à l'information, la Commission d'accès à l'information qu'on a mise en place justement dans cet objectif-là de protéger la vie privée des gens. Puis, depuis que ça a été mis en place, bien, année par année, session parlementaire après session parlementaire, un parti comme l'autre transgresse la loi sur l'accès à l'information.

On a l'impression que ce n'est pas véritablement sous une impulsion politique que ces mesures-là sont prises. On a l'impression que c'est la machine, la machine des fonctionnaires qui veut se donner plus de pouvoirs et qui génère des projets de loi pour se donner plus de pouvoirs, pour contrôler plus d'informations. Et, dès qu'il y a relâchement des élus politiques, dès qu'il y a relâchement des gouvernements, bien, on laisse passer ces projets de loi là qui viennent accroître le pouvoir, parce que l'information, c'est le pouvoir. Quand on ramasse autant d'informations sur les citoyens, on vient accroître ce que j'appelle, moi, le pouvoir de la machine. Mais je pense que, comme élu – et là je m'adresse à tous élus de tous les partis – on a cette responsabilité d'agir d'une certaine manière comme rempart face à une machine qui veut prendre de plus en plus de place, contrôler de plus en plus l'information, servir de rempart au nom de l'intérêt public, au nom des citoyens et des citoyennes du Québec.

On veut, par le projet de loi qui est devant nous, accroître les pouvoirs du ministère du Revenu. Les pouvoirs du ministère du Revenu sont déjà énormes. Nos concitoyens qui ont eu affaire avec le ministère du Revenu, plusieurs le savent comment déjà ce ministère-là a agi d'une façon qui est assez unique. On pourrait prendre le cas des investisseurs en recherche et développement, de gens qui ont, au fil des années, investi en 1989, 1990, 1991. Ils ont investi dans un programme qui leur était donné par le gouvernement. Déjà, le ministère du Revenu, par des pouvoirs à peu près extraordinaires, des pouvoirs à peu près magiques qu'aucun autre acteur de la société n'a... Il n'y a pas une entreprise privée qui peut faire ça, il n'y a pas un citoyen qui peut faire ça, il n'y a personne d'autre qui peut faire ça comme le ministère du Revenu, revenir après coup effacer les contrats qui ont été signés et prendre des gens qui ont été de bonne foi, prendre des gens qui ont agi honnêtement puis les traiter comme des fraudeurs. Qui dans notre société a ce pouvoir-là, hein, de revenir sur ses contrats, de revenir sur ses engagements, de redéfaire ce qui a été fait, d'aller cotiser des gens? C'est déjà des pouvoirs énormes qu'a le ministère du Revenu, puis là on veut en ajouter d'autres.

On veut ajouter des pouvoirs sur l'information, on veut ajouter des pouvoirs sur la comparaison des fichiers, on veut ajouter encore au ministère du Revenu une capacité d'aller dans la vie privée des gens, de contrôler des informations sur la vie privée des citoyens et des citoyennes, des payeurs de taxes du Québec, avec une philosophie qui est relativement apparentée à ce qui a été le cas des investisseurs en recherche et développement, c'est-à-dire qu'on prend a priori tout le monde comme des fraudeurs, on se dit: On a une impression qu'il y a de l'évasion fiscale qui existe et, sur la base qu'on a l'impression qu'il existe une évasion fiscale, bien, on prend pour acquis que l'ensemble des citoyens et des citoyennes, c'est tous des fraudeurs, c'est de cette façon-là qu'on les traite.

Quand on lit le projet de loi n° 36, quand on regarde ce qu'il nous présente, on est obligé de se poser la question: Jusqu'où ça pourrait aller, jusqu'où ça pourrait nous mener? Poser une question, par exemple: Si des parents sont dans un processus de contestation, contestation des sommes qu'ils ont à payer au ministère du Revenu, est-ce que, par exemple, leurs jeunes, leurs enfants qui sont aux études pourraient voir leurs prêts et bourses coupés? Quand les informations circulent qu'on peut aller piger de l'argent, est-ce qu'on pourrait aller jusque-là, que des jeunes voient leurs prêts et bourses coupés pour la simple, unique et bonne raison que leurs parents ont des contestations devant le ministère du Revenu? Prenons le cas de ces investisseurs-là en recherche et développement, des gens, je le répète, qui ont investi de bonne foi dans un programme et qui se font aujourd'hui... D'ailleurs, le premier ministre a été ferme là-dessus, quand il était chef de l'opposition à Ottawa, sur la façon injuste dont ces gens-là sont traités. Alors, si ces gens-là, qui ont investi honnêtement, aujourd'hui sont en contestation devant le ministère du Revenu ou vont l'être sous peu, quand ils vont se voir cotiser, est-ce que ça pourrait vouloir dire que, par exemple, les femmes de ces couples-là verraient leurs allocations familiales coupées parce que le gouvernement, dans ses vases communicants, vient chercher l'argent pour supposément se payer? Est-ce que ça pourrait dire que différents programmes gouvernementaux auxquels ils auraient normalement droit, le ministère du Revenu, par sa toute puissance, le ministère du Revenu, par son contrôle extraordinaire de l'information, pourrait venir leur enlever? Alors, c'est des questions, M. le Président, qui se posent, puis c'est des questions qui se posent logiquement, parce qu'on regarde, quand on veut savoir comment le ministère du Revenu va agir dans le futur, et sans prêter même d'intentions au ministre actuel, mais quand on regarde comment il évolue, le ministère du Revenu, quand on regarde comment ces choses-là évoluent, on ne peut pas faire autrement qu'être inquiet.

J'entendais tout à l'heure... J'aurais aimé, M. le Président... Je m'étais levé pour intervenir sur le projet de loi n° 19, mais je vais quand même en dire un mot maintenant parce qu'ils sont reliés. Le ministre nous disait: C'est fantaisiste de penser qu'on puisse aller aussi loin que penser qu'une fois centralisé Placements Québec puisse être repris, selon les termes du projet de loi n° 36, que ces sommes-là puissent être utilisées ou gelées, entre guillemets, par le gouvernement pour d'autres fins. Mais ça aurait été fantaisiste aussi – et je pense que le ministre actuel était au gouvernement à l'époque – de dire, en 1977, que la Société de l'assurance automobile du Québec, le régime de l'assurance automobile, allait devenir une façon de détourner des fonds dans le fonds consolidé. On aurait dit: Bien non, c'est fantaisiste, c'est un programme d'assurance, c'est mis en place pour offrir aux gens une assurance, on va fixer leur cotisation en fonction de ce qui est nécessaire pour payer les indemnités. Pourtant, 10 ans plus tard, même pas 10 ans plus tard, il y avait un surplus accumulé. Dans le surplus accumulé, le gouvernement a changé ses pratiques puis le gouvernement a légiféré, puis, depuis ce temps-là, chaque année, on a pigé constamment dans la caisse de l'assurance automobile du Québec, on a pris l'argent des assurés de l'assurance automobile du Québec, on l'a détourné. Alors, c'est comme ça que le gouvernement a procédé. C'est pour ça qu'il ne faut pas seulement regarder ce qui peut avoir l'air fantaisiste aujourd'hui à première vue, mais il faut voir plus loin. Il faut voir où ça pourrait nous mener, il faut voir, les principes qu'on pourrait adopter aujourd'hui, quel genre d'application ils pourraient avoir dans l'avenir. Et c'est encore plus dangereux d'adopter le projet de loi n° 36 quand on connaît l'approche – et, là, tous ceux qui ont eu affaire au ministère du Revenu, et je pense que tous les parlementaires, dans nos bureaux de comté, on en a eu des gens qui sont venus nous voir avec ces cas-là – quand on connaît la procédure du ministère du Revenu qui a une approche, là, à peu de choses près, on pourrait dire qu'il a une approche assez contraire à l'ensemble de notre système judiciaire.

(21 h 50)

Dans notre système judiciaire, on dit: Les gens sont innocents jusqu'à ce qu'on démontre leur culpabilité. Jusqu'à temps que la culpabilité soit prouvée, on présume de l'innocence. Au ministère du Revenu, c'est un peu différent. On présume plutôt que les gens sont coupables. On présume plutôt que les gens sont fraudeurs quitte à ce que, après démonstration, on les rembourse. Bien, quand on connaît cette procédure-là et qu'on voit le projet de loi n° 36, ce qu'il pourrait amener, c'est d'autant plus inquiétant, et les abus de pouvoir, comme dans le cas, que j'évoquais tout à l'heure, des investisseurs en recherche et développement, sont déjà dans la culture du ministère du Revenu du Québec. C'est déjà senti par beaucoup de citoyens du Québec, depuis de nombreuses années.

Les abus auprès des citoyens. Il faut avoir travaillé dans un bureau de comté, il faut avoir reçu des citoyens et des citoyennes pour voir comment les abus de pouvoir sont parfois déjà ce que les fonctionnaires font sentir aux citoyens. Quand des fonctionnaire sont en situation de pouvoir par rapport à des citoyens, ils veulent forcer un peu la note; on le voit, des fois. Ils n'hésitent pas, ils utilisent les informations qu'ils ont pour essayer de tasser un peu les citoyens et de les faire plier.

Or, là, avec les immenses échanges d'information qu'on s'apprête à permettre, avec les communications de renseignements confidentiels qui vont se promener d'un ministère à l'autre librement, c'est des outils nouveaux. C'est du pouvoir nouveau pour des fonctionnaires, pour des gens qui sont en position, déjà, parfois, par rapport à des citoyens qui sont un peu démunis... Pour des gens qui sont déjà en position de pouvoir, c'est des outils nouveaux pour les tasser, pour leur serrer la vis, et je ne pense pas que, dans un esprit de respect du citoyen, c'est ce qu'on souhaite. Et je ne pense pas que, comme parlementaires, ce soit notre rôle de donner suite à ces propositions-là, je suis convaincu, qui viennent de la fonction publique. Je pense que, au contraire, notre rôle, comme parlementaires, c'est de servir de rempart, de poser des questions, de défendre le citoyen ordinaire qui, lui, à chaque année, essaie de payer le plus honnêtement possible son dû, essaie de payer ses impôts, paie ses taxes.

Et, d'ailleurs, c'est sur lui qu'on vise, hein? C'est sur lui qu'on vise parce que l'objectif de récupération d'évasion fiscale provient principalement de la lutte dans la vérification, dans les perceptions du ministère du Revenu du Québec. Or, c'est les gens qui paient déjà, les gens qui font déjà honnêtement un rapport d'impôts, c'est ces gens-là qu'on veut toucher. C'est chez ces gens-là qu'on veut aller chercher l'argent. Ce n'est pas les contribuables qu'on veut toucher, pas tellement le travail au noir sur la construction; c'est une faible somme. Ce n'est pas tellement le commerce illégal des boissons alcooliques. Mais non, c'est l'évasion fiscale des gens qui font déjà, dans bien des cas, le plus honnêtement possible, leur rapport d'impôts, qui paient leur dû. C'est ces gens-là qu'on veut aller voir, qu'on veut aller fouiller, qu'on veut aller vérifier, contre-vérifier. C'est ces gens-là qu'on veut aller gratter, comme on dit.

En conclusion, sous un prétexte noble, un prétexte valable qu'est la lutte à l'évasion fiscale, je pense qu'on est en train d'aller un peu loin. Je pense que la lutte à l'évasion fiscale, comme toute bonne cause, n'est pas une justification à des abus de pouvoir, n'est pas une justification à la mise en place, dans notre système, de principes que tout le monde dénonce plus ou moins. On dit: Le gouvernement est de plus en plus présent dans nos vies privées. Le gouvernement prend trop de place dans nos vies privées. Mais, même si on répète ça, même si on a mis la Commission d'accès à l'information, même si on a mis une loi pour encadrer l'accès à l'information, ça continue et ça va de plus en plus loin, et la lutte à l'évasion fiscale ne peut pas être une justification pour donner tous les pouvoirs pour faire une circulation plus ou moins ordonnée d'informations à l'intérieur de la fonction publique concernant la vie privée des gens.

Sur la lutte à l'évasion fiscale, M. le Président, pour ne pas faire de cachette, il faut voir le taux d'imposition, les taux de taxation, les taxes déguisées qui arrivent en rafales, à gauche et à droite, encore dans le dernier budget du gouvernement du Québec, encore avec l'assurance-médicaments qui se discute dans le salon rouge pendant qu'on est ici. Il ne faut pas se demander pourquoi les gens, les familles honnêtes, classe moyenne, les travailleurs ordinaires, quand ils arrivent à la fin du mois, ils sont serrés. Et, comme dans toutes les sociétés du monde où on a mis des taux d'imposition aussi élevés, comme dans toutes les sociétés du monde, tous ceux qui ont étudié un tant soit peu d'économie le savent, il y a une courbe là-dessus, puis, quand on dépasse les taux d'imposition, on régresse. On va chercher moins de revenus parce qu'on provoque l'évasion fiscale. Les gens viennent à se dire: Bien, ça me coûte tellement cher de taxes et d'impôts, de permis, de toutes sortes de choses, bien, j'aime autant prendre le risque. Les gens viennent à faire ce raisonnement-là, c'est malheureux. Puis, quand, en plus, ils voient la façon dont leur argent est gaspillé dans bien des cas, puis ça les choque de payer puis de voir leur argent dans une bureaucratie puis ne pas revenir en services aux citoyens comme, eux, ils l'espéraient, ils en viennent à se justifier puis à se dire: Bien coudon, coudon. Je vais faire – comme on entend des fois dans la rue – je vais faire comme les autres, je ne suis pas plus fou qu'un autre. Puis c'est comme ça que les gens arrivent à des raisonnements qui sont malheureux, à des raisonnements qui sont dommageables pour la confiance en notre système, mais dont la seule conclusion qu'on peut tirer, c'est que les Québécois sont comme d'autres gens ailleurs: quand les taux d'imposition sont trop élevés, quand les taux de taxation sont trop exorbitants, bien, ça crée de l'évasion fiscale.

Alors, si on veut lutter vraiment contre ça, avant de mettre en place l'État «Big Brother», avant de passer le bulldozer dans les droits des citoyens, il faudrait commencer par se poser une question sur les taux d'imposition, les taux de taxation et se demander, comme nos voisins de l'Ontario l'ont fait: Est-ce qu'on n'est pas allé trop loin de ce côté-là? Est-ce qu'on n'a pas tout simplement pris à la gorge notre classe moyenne, puis nos gens ne sont juste plus capables? Puis, une partie de nos gens, pour cette raison-là – comme ça c'est produit partout dans le monde avec des taux exagérés – bien, il y a une partie de nos gens qui tombe dans l'évasion fiscale.

Alors, c'était, M. le Président, ma position sur le projet de loi n° 36. Vous aurez compris que je n'ai pas, à moins de changements extrêmement importants, l'intention d'appuyer le projet de loi n° 36. A priori, je suis contre une intrusion aussi massive du gouvernement dans la vie privée des gens et des contrôles d'information aussi grands. Et je conclus en vous disant que je n'ai pas l'impression que ce projet de loi là en est un qui vient d'une impulsion politique. J'ai l'impression qu'il ne vient que d'un affaiblissement du politique, des élus face à une machine qui veut prendre de plus en plus de pouvoirs sur le dos des citoyens du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Je cède maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais ajouter mon nom sur la liste des personnes qui veulent faire leurs commentaires sur le projet de loi n° 36, un peu comme le député de Laporte l'a déjà mentionné.

Ce soir, nous avons un autre clou dans le cercueil de la protection de la vie privée de la population québécoise. C'est une véritable attaque à la protection de la vie privée de la population québécoise et il me semble que, comme dans les autres projets, c'est à cause de la négligence politique que nous avons vue de l'autre côté de la Chambre. À cause de leur obsession sur la séparation, ils n'ont pas vraiment suivi les dossiers et, maintenant, nous avons un autre projet de loi qui est mené par le ministère, les fonctionnaires, qui donne beaucoup trop de pouvoirs au ministère, et toujours la première victime, c'est la vie privée de la population québécoise. Je suis heureux que le député de Rimouski ait fait ses interventions ce soir. Excusez. Excusez-moi, là. Rivière-du-Loup. Peut-être que plus souvent vous pourriez passer des soirées avec nous, si vous voulez continuer de faire des interventions comme ça. Parce que j'ai vu que le ministre des Finances a déjà quitté ce débat, et je trouve ça dommage.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader, si vous me permettez. M. le député de Nelligan, vous avez une longue expérience des travaux de cette Chambre et vous savez pertinemment que vous n'avez point à soulever l'absence de quelqu'un en cette Chambre. Alors, je vous prierais de vous en tenir aux us, coutumes et règlements. M. le député.

(22 heures)

M. Williams: Effectivement, M. le Président, je m'excuse de soulever cette absence.

M. le Président, ce projet de loi n° 36 est un projet de loi tellement dangereux. C'est un projet dangereux parce que, particulièrement ce soir, comme nous sommes ici, à l'Assemblée nationale... nous sommes en train de discuter d'un programme d'assurance-médicaments au salon rouge, le projet de loi n° 33. Nous avons aussi discuté les projets de loi nos 29, 32 et, comme j'ai déjà mentionné, 33. C'est une invasion sur la vie privée de la population québécoise. Particulièrement, M. le Président, si vous mettez tout ça ensemble, ça donne le pouvoir au ministre du Revenu, au ministre des Finances et Contrôleur, un pouvoir exagéré.

Et je voudrais juste, parce que ce n'est pas juste des commentaires partisans, M. le Président... Encore une fois, comme j'ai fait avec les autres projets de loi, je voudrais citer quelques articles de ce projet de loi.

L'article 2, qui est en train de modifier l'article 14 de la loi: «Tout ministère et organisme visé au premier alinéa de l'article 14 et tout fonds spécial doit fournir au contrôleur, sur demande, tout renseignement que celui-ci juge nécessaire aux fins de l'application des articles 13, 13.1 et 14.

«Tout organisme public visé à l'article 31.1.4 de la Loi sur le ministère du Revenu doit fournir au contrôleur, sur demande, tous renseignements relatifs aux paiements à être effectués par eux aux fins de l'application de l'article 13.1.»

M. le Président, c'est une obligation de tous les départements gouvernementaux de transférer de l'information. Le projet de loi n° 32, dont je parlais avant, cet après-midi, c'est une obligation et un pouvoir de faire des échanges entre le ministre des Affaires municipales, le ministre de l'Éducation, la Régie des rentes, la Régie de l'assurance-maladie et plusieurs autres organismes publics. Mais, maintenant, je vois, M. le Président, un pouvoir illimité et une obligation que, une fois que c'est demandé, il doit transférer cette information. M. le Président, c'est une bonne définition, une définition vivante d'un État omniprésent, comme on dit en anglais, et je pense que c'est pas mal en français maintenant, «Big Brother». C'est un gouvernement interventionniste qui veut avoir toute l'information qu'il peut avoir sur la vie privée de la population québécoise.

Je vais continuer, M. le Président. L'article 2 amende encore 14.2: «Les renseignements prévus aux articles 14 et 14.1 peuvent être transmis par communication de fichier de renseignements que le contrôleur peut comparer, coupler ou apparier avec tout autre fichier qu'il détient.» M. le Président, il peut collecter toute cette information, il peut comparer ça, il peut coupler, il peut faire une vérification avec l'autre information. Où est la protection de la vie privée de la population québécoise, M. le Président?

Mais le pire, c'est l'article 14.9. Comme le ministre a dit dans son budget, il est en train de passer cette loi nonobstant, malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Il est en train de déroger à ce projet de loi, et c'est ça qu'il a déjà mentionné dans son budget, M. le Président... élargissement de l'application des concepts et compensations – ici, à la page 84, M. le Président – ces modifications à la Loi sur l'administration financière exigent cependant une dérogation à certains articles de la loi sur l'accès – une dérogation de certains articles de la loi sur l'accès – concernant les modalités de transmission des renseignements et d'accès, puisque, d'une part, cet accès est encore plus restreint en ce qui concerne les renseignements recueillis par le Contrôleur des Finances, et, d'autre part, assouplissement des modalités de transmission rendu nécessaire à des fins d'efficacité des processus de compensation. Ces modifications s'appliqueront malgré les articles 57, 62, 65 à 67.1, 68 et 70 de la loi sur l'accès et entreront en vigueur à la date de la sanction du projet de loi.

M. le Président, il est mis à côté de la loi que nous avons passée pour protéger la vie privée de la population québécoise. M. le Président, je trouve ça inacceptable. Est-ce que c'est correct d'avoir un État qui puisse savoir qu'un membre de votre famille a acheté une voiture ou doit payer pour un permis de pêche? Est-ce que ça va être bon que le gouvernement puisse savoir que vous avez emprunté pour votre éducation ou que vous avez reçu un prêt et une bourse? Et, comme l'autre exemple que j'ai déjà entendu: Est-ce que nous allons donner ce pouvoir à un gouvernement qui traite tous les Québécois comme des fraudeurs? Un bon exemple assez récent, c'est effectivement le projet de recherche et développement, où il y a plus de 8 000 personnes qui ont mis leur argent d'une façon... avec de la bonne volonté et de bonne foi. Mais, maintenant, ils sont tous traités comme des fraudeurs.

Il y a plusieurs exemples comme ça, il y a plusieurs exemples que nous avons nous-mêmes soulevés pendant l'étude des crédits. Mais vous savez, M. le Président, que le ministre du Revenu... le ministère, pas nécessairement le ministre... le ministère du Revenu n'est pas nécessairement connu pour être le plus flexible, le plus ouvert des ministères de notre gouvernement. C'est pourquoi j'ai corrigé. Je ne parle pas du ministre, je parle du ministère.

Mais, M. le Président, effectivement, je ne sais pas si vous avez essayé d'avoir une discussion ou d'avoir une différence d'opinions entre vous, votre compte de dépenses ou votre compte d'impôts et le ministère du Revenu. Je vous souhaite bonne chance parce que, M. le Président, la façon dont il vous traite, la façon dont le ministère du Revenu traite tous les contribuables, c'est comme si vous étiez tous coupables – je parle d'une façon hypothétique, pas de vous-même, M. le Président – vous êtes tous coupables, vous êtes tous des fraudeurs.

M. le Président, le projet de loi n° 29, le projet de loi n° 32, le projet de loi n° 33 et maintenant le projet de loi n° 36, c'est une piste glissante. Le gouvernement québécois, le gouvernement de Lucien Bouchard, veut aller le plus loin possible dans la vie privée de la population québécoise. Comme je l'ai déjà mentionné, il n'y a aucune assurance que nous allons avoir la protection de cette vie privée. Pendant une commission parlementaire, j'ai eu la chance de demander au ministre des Finances s'il pouvait s'assurer qu'effectivement la vie privée allait bel et bien être protégée. Il a dit qu'il pensait que c'était déjà dans la loi, mais qu'il allait faire son possible.

Je voulais citer un autre article dans le projet de loi qui démontre, comme j'ai fait avec le projet de loi n° 32, qu'effectivement ce gouvernement n'a pas mis la protection de la vie privée comme un dossier important. Article 14.7: «Aux fins des articles 14, 14.1 et 14.6, une entente peut, le cas échéant, être conclue avec un ministère, un organisme ou un organisme public pour préciser notamment les renseignements transmis, les moyens mis en oeuvre pour en assurer la confidentialité, ainsi que les mesures de sécurité.»

M. le Président, encore une fois, une entente peut, le cas échéant, être conclue avec le ministère. «Peut», pas «doit». Où est l'obligation? Il y a plein d'obligations, dans le projet de loi, de transfert d'informations, plein d'obligations à l'effet que les autres départements doivent envoyer l'information confidentielle, doivent envoyer l'information au Contrôleur des finances, mais il n'y a aucune obligation du gouvernement de protéger la vie privée. Avec ça, je pense que c'est une lacune assez évidente dans ce projet de loi.

Ce n'est pas une exagération, M. le Président, parce que je ne suis pas un député qui fait des exagérations. C'est un grand risque que le gouvernement est en train de mettre devant la population du Québec. Il est en train de demander d'avoir le pouvoir illimité de collecter, d'amasser, souvent dans le fichier central, de l'information sur la vie privée.

(22 h 10)

Au moins, nous avons quelques groupes dans notre société qui étudient ces questions. J'ai reçu une copie de lettre de l'ACEF-Centre et de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec sur le projet de loi n° 36. Je ne lirai pas toute la lettre, mais je vais lire quelques paragraphes. «Non seulement ce projet nous paraît-il troublant au plan de la protection des droits fondamentaux, mais il y a tout lieu de croire que ces mesures telles que les couplages des fichiers que requiert son application sont peu efficaces. Les conséquences à moyen terme que peut avoir ce projet, comme la nécessité d'utiliser une identité unique propre à chaque citoyen, sont également inquiétantes. Un tel projet ne peut qu'inquiéter les citoyens et surtout ceux qui ont constaté au cours des ans que des erreurs ou des abus dans les traitements des données comme celles dont il s'agit peuvent avoir de graves conséquences.» M. le Président, la lettre continue, particulièrement avec l'exclusion de la Commission d'accès à l'information. «Il s'agit là d'une érosion grave du rôle de cette dernière qui constitue un précédent troublant.» Effectivement, les groupes communautaires qui suivent les dossiers aussi importants que ça disent: Vous êtes en train de faire une erreur. Ce n'est pas le temps de déroger à la Loi sur la Commission d'accès à l'information.

M. le Président, comme je l'ai dit, avec les projets de loi n° 29, n° 32 et maintenant avec le n° 36, on peut avoir les moyens nécessaires pour collecter les impôts qu'on doit collecter. On peut établir un système qui peut arrêter le travail au noir. On peut avoir un système qui va s'attaquer à l'évasion des payeurs de taxes qui ne payent pas leurs taxes. Mais la grande majorité de la population québécoise payent leurs taxes. La grande majorité des contribuables sont honnêtes. Pourquoi le gouvernement du Parti québécois veut-il avoir tout ce pouvoir illimité d'amasser cette information?

M. le Président, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais, pendant les derniers trois mois, pendant les mois de février, mars et avril, ce gouvernement, tranquillement, en le cachant, a dépensé 5 000 000 $. Ils ont acheté presque 1 600 micro-ordinateurs pour leurs enquêteurs, pour leurs percepteurs. Mais, maintenant, je comprends pourquoi, en privé, ils ont acheté tous ces micro-ordinateurs. C'est parce qu'ils ont eu quatre projets de loi qui vont faire l'échange d'informations, qui vont changer toute l'information sur notre vie. N'oubliez pas qu'il y a un pouvoir accru dans le projet de loi n° 29. Il y a un échange d'informations dans le projet de loi n° 32 et, maintenant, encore une fois, l'obligation de paiement dans le projet de loi n° 36 et, encore une fois, l'échange d'informations, qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 36.

M. le Président, j'espère que vous pouvez voir ce que le gouvernement est en train de faire. Il est en train d'amasser un arsenal d'outils pour attaquer la vie privée de la population québécoise. Avec tous ces ordinateurs, avec tous ces projets de loi, avec tout ce pouvoir illimité, il va mettre la vie privée de la population à risque.

Mr. Speaker, I hope it's clear to you, with the Bills 29, 32, 36 and 33 that we're debating in the «salon rouge», that the private lives, the confidential private lives of the people of Québec are at risk. The Ministry of Revenue has just spent quietly 5 000 000 $ purchasing close to 1 600 portable computers, computers and portable computers so that they can make sure they exchange information.

Il me semble que c'est assez clair, M. le Président, que ce gouvernement est en train de dire que la vie privée, ce n'est pas important, la vie confidentielle de la population québécoise, ce n'est pas important. Nous avons mis tous les droits acquis, toute la protection de la vie privée de côté. Là, les choses les plus importantes pour nous, c'est de chercher de l'argent, traiter tout le monde comme des fraudeurs, nous assurer que le ministère du Revenu et le Contrôleur des finances ont tous les pouvoirs nécessaires pour questionner l'honnêteté de la population québécoise.

M. le Président, j'espère que, pendant le débat, nous allons au moins clarifier ces questions, et, si vous n'avez pas de meilleures réponses que vous avez maintenant, si le gouvernement n'a pas de meilleures réponses qu'il a maintenant, j'espère qu'il va amender le projet de loi, j'espère que jamais nous n'allons passer une loi ici, dans cette Chambre, qui va mettre la vie privée de la population québécoise en risque. S'il ne peut pas amender ce projet de loi, il doit attendre, il doit mettre ce projet de loi de côté, et peut-être qu'ensemble on peut continuer de bonifier ce projet de loi.

Comme le député de Laporte l'a déjà mentionné, je pense que la première étape de ce projet de loi, c'est d'avoir la chance d'écouter les interlocuteurs privilégiés qui comprennent les dossiers de la protection de la vie privée de la population québécoise, comme la Commission d'accès à l'information, comme le Protecteur du citoyen. Mais, aussi, j'ai juste nommé, M. le Président, deux groupes qui ont déjà écrit une lettre, ACEF-Centre et la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, qui ont déjà soulevé des questions assez importantes. Encore une fois, je voudrais féliciter ces deux groupes-là de soulever ces questions, et j'espère qu'on pourra profiter de leur point de vue. Et, avant de passer une mauvaise loi, j'espère qu'on peut trouver les amendements qui peuvent, d'une façon, assurer que le ministre du Revenu et le Contrôleur des finances aient les moyens nécessaires de faire le travail, mais, d'un autre côté, que la vie privée de la population québécoise soit bel et bien protégée. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. J'accorde maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur ce soir de vous expliquer pourquoi je suis contre le projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et d'autres dispositions législatives. Bill 36, an Act to amend the Financial Administration Act and other legislative provisions. Ce projet de loi déroge carrément à l'article 6 du Code civil du Québec, qui se lit comme suit: «Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi». Nous, comme législateurs, avons l'obligation de rédiger nos lois avec cohérence, et c'est notre devoir de maintenir, dans les projets de loi devant nous, les grands principes qui ont été établis dans les lois de base qui ont reçu l'approbation de cette Assemblée.

Certainement, aucune personne ne peut nier que le Code civil du Québec est une loi de base avec de grands principes. Cette Assemblée a délibéré longtemps, après beaucoup d'années de réflexion et d'études par les grands juristes de notre société. Nous pouvons être fiers de notre Code civil du Québec qui va guider les relations entre citoyens dans tout domaine de notre société et de notre vie pour les décennies à venir.

M. le Président, la base du Code civil, les méthodes d'interprétation par nos cours, notre jurisprudence, notre doctrine seront basées sur la bonne foi que nous avons dans nos relations ensemble et dans l'exercice de nos droits et de nos obligations. C'est un principe de base et un principe d'importance. Et pourquoi pas, nous, comme êtres humains, chacun de nous a quelque chose de bon en nous, quelque chose de bon à offrir l'un à l'autre et à offrir à notre société.

(22 h 20)

Il y a une présomption de la bonne foi qui nous régit et qui nous guide. Nous sommes tous membres d'une société, nous avons un pacte social de continuer, selon nos moyens, par les impôts, les taxes et les efforts envers la collectivité. Mais, M. le Président, la loi devant nous fait des accusations très graves contre notre société. Il y a une présomption que chaque personne est capable de commettre des fraudes, que chaque personne peut, à n'importe quel moment, prendre de l'État ce qui ne lui appartient pas, que chaque personne ne donnerait pas sa part à notre société. Où ce gouvernement péquiste nous amène? Aucune compassion pour les plus démunis de notre société, aucune compassion pour nos aînés, quand on regarde les prévisions dans le budget en ce qui concerne les aînés, aucune compassion pour ceux qui n'ont pas les moyens de se défendre et, maintenant, la pire, une accusation de mauvaise foi.

La première partie du projet de loi vise donc à établir un système de gestion de la compensation gouvernementale qui permettra au gouvernement de ne pas effectuer un paiement à une personne physique ou morale alors même que cette personne peut avoir une dette payable au gouvernement. C'est encore l'État «Big Brother» qui intervient dans ce projet de loi, puisque, pour y parvenir, des mécanismes seront instaurés afin d'assurer l'échange d'informations nécessaire pour effectuer la compensation entre les paiements effectués par le gouvernement et les dettes payables au gouvernement.

Mr. Speaker, the project of law before us, Bill 36, derogates from the new theme and the principles established by the Civil Code of Québec which was passed by this august Assembly. This theme, good faith, is a guiding light and a guiding principle throughout the Civil Code of Québec. And, yes, Mr. Speaker, this thought of good faith will guide our judicial system for years and years to come, will guide our judgments, our jurisprudence, our doctrine, our way of life and our thoughts. But not this bill. This bill takes away any element of good faith and establishes and creates a presumption of bad faith which is just the opposite of the principles established in the Civil Code of Québec. It makes a presumption that everyone can carry out fraud against his or her government and, consequently, against his fellow citizens. This is an odious suggestion on the part of the PQ Government, a government which has shown little respect for its citizens, its underprivileged, its poor, its senior citizens, a government which lacks direction, a government which has forgotten the social democratic principles upon which it was elected.

The people of Québec will not forget the burden of the PQ Government, they will not forget a government who has just forgotten to create employment, a government which has caused our economy to nose-dive, a PQ Government which presumes that its citizens can be and are of bad faith.

M. le Président, on ne peut pas permettre que ce projet de loi reçoive l'approbation de cette Assemblée nationale. Le Contrôleur des finances, donc le ministre des Finances, obtient la gestion de la compensation gouvernementale, et le projet de loi lui permet de déterminer les organismes affectés par la compensation et de décrire les modalités de transmission de renseignements.

Le projet de loi ne détermine rien de précis et laisse au ministre des Finances le soin de tout prescrire. On peut le voir en lisant les articles 14.3 et 14.4, qui se lisent comme suit: «The Minister shall prescribe an information transfer procedure and the form of the cross-matching code.» This reads in article 14.3. Article 14.4 reads: «The department or body shall advise the debtor of the existence and nature of the claim against him, of the time allotted for payment and of the crossmatching code which will be used in the application of governmental compensation.»

M. le Président, on ne peut pas permettre que la vie privée d'un citoyen n'aura aucune valeur et que le ministre des Finances et ce gouvernement n'auront aucun respect pour la vie privée de ses citoyens.

Mr. Speaker, the opposition to this bill is fundamental. You realize the power that this bill puts in the hands of the Minister of Finance, that this bill puts in the hands of this PQ Government to invade the privacy of its citizens. Our society is proud of how we can live in harmony and respect one for the other, and the respect of the good faith that each and everyone of us has to the other.

Mr. Speaker, the power of cross-matching information which will be put in the hands of the Minister of Finance is odious and sends a terrible message to our citizens and, yes, to those who observe our quality of law.

M. le Président, pour ces raisons, je voterai contre ce projet de loi qui est odieux et qui manque de respect pour les citoyens du Québec. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Je cède maintenant la parole au député de... Alors, comme il n'y a plus d'autres intervenants sur le sujet, le principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 19 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 28


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 19, recommandation du lieutenant-gouverneur. Alors, Mme la ministre de la Culture et des Communications propose l'adoption du principe du projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? Alors, Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, je suis donc fière de proposer aujourd'hui le projet de loi n° 28 sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives. Ce projet de loi vient concrétiser le virage majeur amorcé l'an dernier afin d'assurer la survie de notre télévision éducative et culturelle, de lui donner un nouvel essor et de faire en sorte qu'elle réponde, avec le plus de pertinence possible, aux besoins nouveaux de la société québécoise. Il est important de redéfinir Radio-Québec pour mieux l'adapter aux besoins actuels du Québec: le besoin de diffuser largement les connaissances dans une société où le savoir est devenu une véritable matière première; des besoins importants de formation continue et de formation à distance aussi, tel que nous l'ont rappelé le Conseil supérieur de l'éducation et le Conseil de la science et de la technologie; des besoins, enfin, de contenu éducatif, scientifique et culturel en français et de promotion de nos produits culturels.

Les développements technologiques, je pense, entre autres, aux inforoutes, M. le Président, et à la diffusion directe par satellite, contribuent à l'ouverture au monde, mais accentuent aussi la diffusion de produits culturels en langue anglaise. Dans ce contexte, le développement de notre identité interpelle la télévision éducative afin qu'elle accroisse son rôle de promoteur des produits culturels et qu'elle reflète davantage la réalité québécoise.

(22 h 30)

Permettez-moi de faire référence aux propos récents du philosophe français Michel Serres au sujet de la nouvelle chaîne éducative française, qui se nomme La Cinquième, et je le cite: «Tout change aujourd'hui, nous rappelle-t-il, les sciences, leurs méthodes et leurs inventions, les techniques, donc le travail et son organisation, mais aussi les campagnes et les villes, les nations et la politique, la richesse et la misère. Comment se repérer dans le monde global qui paraît remplacer l'ancien? Par le développement de la formation, d'abord. Dans tous les pays, riches ou pauvres, les solutions à ces problèmes dépendent, en grande partie de l'enrichissement scientifique et culturel des personnes et des groupes. La demande en formation croît chaque année». Michel Serres souligne l'importance de se doter collectivement d'un outil de communication moderne permettant de mettre la formation à la disposition de tous. Partageant cette optique, M. le Président, je vois notre télévision éducative et culturelle, qui deviendra un véritable réseau du savoir, comme un instrument d'éveil, de développement de la curiosité, de valorisation de l'intelligence et de démocratisation de l'éducation. Elle sera un outil privilégié dans la poursuite de la mission éducative et culturelle, qui se situe au coeur même de la raison d'être de l'État.

La redéfinition du mandat et des fonctions de cette institution, telle que proposée dans le projet de loi, prend tout son sens lorsqu'on se remémore l'évolution de Radio-Québec depuis sa création. On peut faire remonter à 1929 les premiers gestes posés par le gouvernement du Québec pour assurer sa présence dans le domaine de la radiodiffusion. Déjà conscient de la puissance de la radio, le premier ministre de l'époque, Louis-Alexandre Taschereau, indiquait, dans ce qu'on appelait alors le discours du trône, et je cite: «La radio est devenue un des grands instruments d'information et d'enseignement. Mon gouvernement a l'intention d'établir un poste d'émission où seraient irradiés vers nos foyers des programmes agréables et instructifs, s'inspirant de sujets québécois et canadiens.» Par la suite, les chefs du gouvernement québécois, que ce soit Maurice Duplessis, Jean Lesage, Daniel Johnson, père, ont défendu la même position: faire en sorte que le Québec garde une responsabilité dans le domaine de la radiodiffusion et qu'il occupe, en entier, le champ de l'éducation, y compris la radiodiffusion éducative. Il faudra toutefois attendre 40 ans, soit 1969, pour voir Radio-Québec inaugurer ses premiers studios. Ses activités sont d'abord limitées à la réalisation d'émissions éducatives de télévision et de radio, dont la diffusion est assumée par d'autres. En 1972, sa programmation, deux heures par jour seulement, est désormais diffusée sur le câble. Les années suivantes, elle se dote progressivement d'antennes qui lui permettent d'être captée par presque tous les Québécois.

Au début des années quatre-vingt, par son slogan «L'autre télévision», Radio-Québec se définit, d'abord et avant tout, en fonction des deux autres réseaux existant alors. Son image est celle de la complémentarité, dans un paysage télévisuel encore relativement peu diversifié. Depuis, le paysage télévisuel s'est modifié considérablement. Au cours des 10 dernières années, on a assisté, sur la scène francophone, à l'apparition d'un nouveau réseau généraliste, Quatre Saisons, et de sept canaux spécialisés. Très bientôt, les Québécois auront accès à des services francophones de télévision à la pièce et de diffusion directe par satellites. Le nombre de signaux étrangers s'est, lui aussi, accru considérablement.

Si le public bénéficie aujourd'hui d'une offre plus importante et d'une variété accrue de contenu télévisuel, les réseaux de télévision les plus anciens, auparavant seuls ou presque, en sortent affaiblis. Ainsi, depuis 10 ans, la part de l'écoute détenue par les trois doyennes de notre système télévisuel, Radio-Canada, TVA et Radio-Québec, a diminué de 20 %. Il faut ajouter à ce portrait l'affaiblissement du marché publicitaire et le phénomène de la mondialisation des marchés. Ce phénomène représente une occasion, pour les médias québécois, d'accroître leurs revenus sur les marchés externes, mais il permet en même temps à des programmations étrangères de venir les concurrencer sur leur propre territoire. À tous ces changements, provoqués par des facteurs structurels, s'ajoutent les bouleversements, déjà survenus et à venir, par le biais de l'évolution de la technologie: numérisation, croissance des capacités de retransmission de signaux, convergence câble-téléphonie, inforoute, création de nouveaux types de produits, tel le multimédia, etc. Les développements technologiques présentent des aspects positifs indéniables. Ils permettent, en effet, la création et la diffusion de produits ou de services plus attrayants et plus nombreux, mais ils augmentent également la concurrence, exigent l'apprentissage de nouvelles façons de faire et requièrent aussi des investissements financiers massifs.

En conséquence, M. le Président, le financement des télévisions conventionnelles connaît des difficultés sérieuses, aggravées, dans le cas des télévisions publiques, par la crise financière des États. Il n'est donc pas étonnant que l'on assiste, ici comme ailleurs, à une remise en question du rôle des télévisions publiques, y compris celui de Radio-Québec. Afin de s'adapter à leur nouvel environnement, nos télévisions révisent ainsi leur mandat et leur façon de faire. En ce qui concerne la télévision publique, on a également pu voir, depuis quelques années, toute une suite de groupes de travail et de comités d'experts se pencher, l'un après l'autre, sur le financement et sur la mission de Radio-Canada. Le plus récent est le rapport Juneau, rendu public fin janvier, qui proposait de modifier radicalement les sources de revenu de la Société tout en maintenant son rôle de télévision généraliste.

Dans ce contexte mondial et québécois en mutation, il nous est apparu essentiel de revoir le positionnement de Radio-Québec, de préciser son rôle spécifique dans le paysage télévisuel et de recentrer sa mission. En avril 1995, le premier ministre et ministre de la Culture et des Communications d'alors, M. Jacques Parizeau, annonçait la création d'un groupe-conseil sur l'avenir de Radio-Québec, présidé par Jean Fortier, et lui confiait le mandat de redéfinir la mission de la Société, de réviser ses modes d'organisation et de gestion, ainsi que de proposer des modes de fonctionnement garantissant une accessibilité maximale à ses services. À cette même époque, Radio-Québec se voyait demander un important effort de compression budgétaire, sa subvention étant réduite d'environ 12 000 000 $.

Dans le cadre de ses travaux, le groupe-conseil a consulté les représentants des artisans de Radio-Québec, des centrales syndicales et de plusieurs institutions oeuvrant dans le domaine de l'éducation. En juin 1995, il déposait son rapport et recommandait que la mission de la Société soit recentrée en vue d'en faire une véritable télévision éducative et culturelle. Il proposait qu'elle joue un rôle majeur dans la promotion des produits culturels et la vulgarisation scientifique, que sa programmation reflète la réalité des régions et de la capitale nationale et qu'elle développe un partenariat étroit avec les autres institutions gouvernementales.

Compte tenu de la réduction de la participation financière de l'État, le rapport recommandait également que, sauf pour des produits d'information et d'habillage de chaîne, la production des émissions soit confiée à des maisons privées de production qui oeuvreraient en étroite collaboration avec les spécialistes en programmation éducative de Radio-Québec. Reconnaissant la difficulté de réaliser ces importants changements structurels dans le cadre des conventions collectives en vigueur, le gouvernement autorisait alors la Société à mettre en oeuvre un plan de mesures exceptionnelles de soutien et à négocier de nouvelles ententes permettant davantage de flexibilité au plan de l'organisation du travail. C'est ainsi que des primes de départ totalisant 23 000 000 $ ont été versées aux employés touchés.

En novembre 1995, la commission de la culture tenait une consultation en vue d'examiner l'adéquation entre les recommandations du groupe-conseil et les besoins de la société québécoise. Dans son rapport qui, je vous le rappelle, M. le Président, a été adopté à l'unanimité, la commission reconnaît que cette institution est un acquis essentiel pour notre société qui doit conserver cet outil fondamental de développement social. La commission appuie les recommandations du groupe-conseil quant à la mission éducative et aux fonctions de la Société. Elle propose toutefois d'accentuer la vocation régionale et le reflet de la diversité du Québec. Elle recommande aussi que Radio-Québec joue un rôle important dans le développement de l'industrie du multimédia au Québec, augmentant les contenus de langue française sur les inforoutes. On sait que les produits multimédias éducatifs et de formation seront, dans un premier temps, les plus en demande.

Bref, les travaux menés au cours de la dernière année ont permis d'établir un consensus sur la nécessité de voir Radio-Québec prendre un virage significatif. Ce virage doit se traduire dans sa loi constitutive. Nous constatons, en effet, que bien que ayant été amendée à quelques reprises la Loi sur la Société de radio-télévision du Québec, qui date de 1969, ne correspond plus à la nouvelle réalité de l'institution et reflète, de façon inadéquate, les besoins nouveaux de la société québécoise, auxquels la télévision éducative doit répondre. Certains changements sont donc requis concernant notamment la mission de l'organisme, la composition de son conseil d'administration et sa dénomination.

Par ce projet de loi, nous voulons donner à cette institution un nouvel essor en recentrant fermement sa mission sur la culture et l'éducation. Nous lui octroyons ainsi un créneau bien spécifique, au coeur même d'un système télévisuel où la concurrence est féroce et où, telle que nous l'avons connue, Radio-Québec n'aurait pu survivre.

Comme je l'ai dit précédemment, les consultations menées par le groupe-conseil et la commission de la culture ont permis d'identifier ce que les Québécoises et le Québécois attendent de leur télévision éducative et culturelle. Notre objectif fondamental est donc d'assurer l'adéquation entre la mission de l'institution, qui deviendra Télé-Québec, et les besoins de la population. Télé-Québec sera non seulement un média, mais aussi une sorte d'école alternative permettant au système d'éducation de rejoindre les clientèles qu'il n'atteint pas efficacement, de relever les défis, au nombre desquels se trouvent la réussite scolaire, l'alphabétisation, l'orientation des jeunes, en fonction des besoins du marché du travail et de la formation professionnelle.

(22 h 40)

Je vous rappellerai, M. le Président, que plusieurs émissions diffusées à Radio-Québec ont, dans le passé, exercé une influence immense auprès des jeunes, en complémentarité avec l'école. Des études du ministère de l'Éducation ont d'ailleurs démontré que, parmi diverses interventions précoces destinées aux enfants de milieux défavorisés, c'est le projet multimédia animation Passe-Partout, qui utilisait entre autres les célèbres émissions du même nom, qui a le plus contribué à contrer le décrochage scolaire. Les statistiques démontrent, au Québec comme ailleurs, que les jeunes passent plus de temps devant la télévision qu'en classe. Il importe donc de conjuguer les forces de l'école et de la télévision, d'en faire des alliées plutôt que des rivales.

Conformément au consensus qui s'est exprimé en commission parlementaire, Télé-Québec s'adressera donc principalement à un large public en conciliant intérêt pédagogique et intérêt télévisuel. Télé-Québec sera un partenaire des institutions ayant des visées éducatives, mais il sera aussi, par son rôle de sensibilisation du public, un maillon déterminant de la politique de diffusion des arts de la scène qui est actuellement, M. le Président, en consultation et que je rendrai publique bientôt.

Un des ressorts fondamentaux d'une culture vivante est la réponse du public. Or, alors que de nombreux efforts sont consentis à la création, trop peu a été fait depuis que l'État s'intéresse à la culture pour répandre le goût des livres, du théâtre, de la musique, de la sculpture, de l'histoire. Le temps est venu de centrer nos efforts sur un rapprochement sensible du public québécois et de la culture. Le ministère de la Culture et des Communications entend, à cet égard, jouer un rôle important de concertation auprès des diverses institutions concernées afin de faire de Télé-Québec un véritable carrefour culturel. Grâce au volet culturel de sa mission, non seulement Télé-Québec sensibilisera-t-elle le public, mais elle augmentera aussi le rayonnement des oeuvres en les rendant plus accessibles. L'accessibilité aux oeuvres de ses créateurs n'est-elle pas, pour une société, un enjeu majeur, puisque celles-ci façonnent son âme, sa mémoire, son identité?

La mission de Télé-Québec comporte aussi une dimension liée aux sciences et aux technologies. Je souhaite que Télé-Québec contribue à la vulgarisation scientifique et technologique, permettant ainsi une meilleure compréhension du monde contemporain et de ses enjeux, compte tenu de l'omniprésence de la science et des technologies dans nos vies quotidiennes. Par ailleurs, le monde de l'éducation sera transformé par les nouvelles technologies. Je souhaite que l'expertise et les équipements de Télé-Québec soient utilisés pour la production et la diffusion de contenus éducatifs utilisant au maximum les technologies nouvelles. Ces contenus, M. le Président, contribueront, d'une part, au déploiement de l'autoroute de l'information au Québec et, d'autre part, ils permettront à la francophonie mondiale de compter sur des produits éducatifs de langue française.

L'adéquation entre la mission de Télé-Québec et les besoins de la population québécoise pose avec pertinence la question de la vocation régionale de la Société. Au cours des consultations de la dernière année, plusieurs groupes, dont les artisans de Radio-Québec en région, sont venus affirmer leur appui à la mission régionale de Télé-Québec. Les régions expriment beaucoup d'attentes et d'espoir envers cette nouvelle télévision. Elles y revendiquent également une place importante. Comme le soulignait le Conseil supérieur de l'éducation, une télévision éducative, comme doit être Télé-Québec, peut faire partie des outils contribuant au développement culturel d'une région. Elle peut être, pour une région, le reflet de la vie culturelle, un moyen d'ouverture et d'enrichissement culturel et, enfin, un levier de création culturelle.

Le gouvernement a, par le passé, démontré son intention de voir les régions prendre en charge leur développement et souhaite une plus grande décentralisation. Cette préoccupation doit se traduire dans la mission de Télé-Québec. La nouvelle télévision sera régionalisée dans le respect de la réalité et des besoins des régions. Pour bien réussir son implantation régionale, Télé-Québec devra développer des liens étroits avec les différents partenaires déjà intégrés dans leur communauté. Cette implantation est d'ailleurs très bien amorcée et, d'ici peu, des bureaux et des équipes de travail seront en place dans plusieurs régions du Québec.

Télé-Québec devra aussi refléter adéquatement la réalité d'une région bien particulière, c'est-à-dire la métropole. Le développement du Grand Montréal pose de multiples défis sociaux, économiques et culturels, notamment en regard de la diversité de sa population. Télé-Québec tiendra compte des enjeux propres à Montréal et contribuera à aider les nouveaux arrivants à mieux comprendre la société québécoise.

L'adéquation entre la mission de Télé-Québec et les besoins de la population pose également la question des relations entre cette télévision et les citoyens. Télé-Québec y attachera une importance particulière, notamment par ses émissions d'affaires publiques.

Le projet de loi stipule également que la Société de radio-télévision du Québec continue son existence sous le nom de Société de télédiffusion du Québec ou de Télé-Québec. Cette nouvelle appellation correspond davantage aux fonctions réelles de l'institution, tout en étant assez large pour englober d'autres activités potentielles liées à l'évolution des nouvelles technologies, dont l'émergence des inforoutes. Le projet de loi prévoit que la gestion de la Société sera confiée à un conseil d'administration désormais composé de 10 membres. La réduction du nombre de postes permettra davantage de souplesse et de flexibilité. De plus, afin d'assurer une représentation des intérêts des régions, au minimum trois de ces administrateurs seront domiciliés dans des régions autres que celle de Montréal. Par ailleurs, les principes de liberté éditoriale et d'indépendance des décisions de programmation à l'égard du gouvernement n'exemptent aucunement Télé-Québec de rendre compte de ses actions au gouvernement et, surtout, à l'Assemblée nationale. Le projet de loi prévoit donc que la Société doit transmettre, tous les trois ans, au ministre de la Culture et des Communications un plan des activités projetées et de ses objectifs, plan qui est déposé à l'Assemblée nationale et examiné en commission parlementaire.

Par ailleurs, étant donné les conséquences de la décision de la Cour suprême dans le jugement Guèvremont, sur la compétence de la Régie des télécommunications, il est opportun d'identifier une instance québécoise pouvant exercer la fonction de déclaration du caractère éducatif de toute programmation radio-télévisuelle soumise par une entreprise de radio-télévision ou de câblodistribution. Rappelons-nous qu'en vertu de la Loi sur la radiodiffusion le CRTC a le mandat de surveiller et de réglementer la radiodiffusion canadienne, donc le pouvoir d'accorder les licences de radiodiffusion. Or, compte tenu de son pouvoir exclusif de légiférer sur l'éducation, le Québec maintient toujours qu'il est seul compétent en matière de programmation éducative. Bien sûr, le CRTC peut, lors de l'attribution des licences, s'enquérir du caractère éducatif de la programmation d'une chaîne de télévision éducative, constituée par le gouvernement d'une province. Cependant, l'existence d'un mécanisme pouvant attester du caractère éducatif de la programmation atténue la perspective et la pertinence d'une telle intervention. Il importe donc de protéger la compétence québécoise en matière de programmation éducative en identifiant un nouveau mécanisme chargé d'assurer cette fonction.

Le projet de loi propose donc de modifier la Loi sur la programmation éducative en vue d'instituer le Comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation, lequel sera chargé de déclarer le caractère éducatif de toute programmation radio-télévisuelle soumise par une entreprise de radio-télévision ou de câblodistribution. Télé-Québec devra soumettre au Comité l'ensemble de sa programmation, conformément à la Loi sur la programmation éducative. Le Comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation sera composé du président de l'Université du Québec, du président du Conseil des arts et des lettres du Québec, du président du Conseil des communautés culturelles et du président du Conseil de la science et de la technologie, qui pourront, pour l'exercice de leurs attributions, s'adjoindre des experts. Le Comité pourra solliciter et recevoir l'appui et les suggestions de toute personne ou organisme intéressé, ou du public en général, sur toute demande qui lui est soumise. La création de cette instance rencontre les exigences contenues dans les instructions du gouvernement fédéral au CRTC, en ce qui a trait à l'indépendance d'un organisme de radiodiffusion par rapport aux autorités gouvernementales. Elle permet également de maintenir la position traditionnelle du Québec quant à sa compétence exclusive en matière de programmation éducative.

(22 h 50)

En conclusion, M. le Président, je tiens à souligner que, contrairement au gouvernement albertain qui a privatisé Access, sa télévision éducative, en la cédant pour un dollar, et au gouvernement ontarien qui a manifesté son intérêt pour la privatisation de TV Ontario, le gouvernement du Québec a choisi de maintenir une télévision éducative publique qui, toutefois, oeuvrera en étroite collaboration avec les producteurs privés. Pour nous, ce recours à l'industrie privée n'est absolument pas une fin en soi, mais plutôt une condition indispensable à l'équilibre financier de Télé-Québec. La nécessité de maintenir une présence de l'État dans le secteur télévisuel et particulièrement en télévision éducative est encore plus évidente ici qu'ailleurs à cause du contexte télévisuel francophone dans lequel nous vivons. Nos citoyens ont accès, grâce au développement technologique, à un nombre grandissant de signaux étrangers, pour la très grande majorité en langue anglaise. Il nous apparaît donc essentiel de ne pas laisser seulement aux réseaux internationaux ou aux lois du libre marché le soin de déterminer ce qui sera ou ne sera pas télédiffusé et offert aux Québécois. Il est de la responsabilité du gouvernement de soutenir Télé-Québec afin d'offrir à un public le plus éclairé possible des contenus qui auraient été exclus par les seules lois du marché. Nous croyons qu'il relève de la responsabilité de l'État de s'assurer qu'un nombre adéquat de produits éducatifs et culturels soient accessibles aux citoyens et aux citoyennes.

Nous avons aussi choisi de maintenir sous la responsabilité de l'organisme public ce qui nous apparaît être son rôle spécifique indispensable, c'est-à-dire les orientations de la télévision éducative, le choix des cibles et des priorités, la conception et le développement des émissions ainsi que la programmation. Nous sommes convaincus que l'État doit intervenir dans le champ de la télédiffusion publique, tout comme il le fait dans le domaine de l'éducation, parce que nous ne croyons pas que cette activité puisse être entièrement prise en charge par l'industrie privée, qui doit prioritairement répondre à des objectifs de rentabilité. C'est pourquoi le gouvernement du Québec injecte quelque 120 000 000 $ chaque année dans l'audiovisuel, ce qui inclut les subventions à Télé-Québec et à TV5, le crédit d'impôt à la production audiovisuelle et l'aide de la SODEQ. À cela s'ajoute maintenant un nouveau crédit d'impôt à la production multimédia.

Bref, le gouvernement tient à assurer une présence significative de l'État en audiovisuel, en particulier par Télé-Québec. Il m'apparaît donc primordial que nous puissions aller de l'avant avec ce projet de loi qui permettra à Télé-Québec de prendre un essor nouveau en tant qu'institution nationale d'éducation et de culture. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Culture et des Communications. J'accorde maintenant la parole à la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives. Avant d'aborder directement les dispositions contenues au projet de loi n° 28, M. le Président, permettez-moi de faire un bref historique portant sur la Société Radio-Québec, notre télévision d'État.

Au fil des ans, Radio-Québec a été l'objet de nombreuses remises en question. De nombreux facteurs ont influencé les difficultés qu'a pu connaître Radio-Québec. Depuis 1986, on a assisté, sur la scène francophone, à la création d'une nouvelle chaîne de télévision et à l'apparition de nombreux canaux spécialisés, dont le nombre a récemment monté à sept. Si cette diversité de contenu télévisuel bénéficie au public, toutefois, les télévisions conventionnelles, qui étaient presque les seules à se partager le marché québécois francophone, en sortent affaiblies, et Radio-Québec a connu une baisse de son auditoire.

Le phénomène de la mondialisation des marchés représente une occasion pour les médias québécois d'accroître leurs revenus sur le marché extérieur, mais permet en même temps à des entreprises étrangères de venir les concurrencer sur leur propre territoire. Ajoutons également à ces phénomènes les difficultés que connaît notre économie, qui tarde à redémarrer. De plus, à tous ces changements structurels s'ajoutent les bouleversements découlant de l'évolution de la technologie. Les développements technologiques présentent des aspects positifs indéniables. Ils permettent la création et la diffusion de produits et de services plus attrayants et plus nombreux, mais, d'autre part, ils augmentent également la concurrence. Ils exigent l'apprentissage de nouvelles façons de faire et, de ce fait, ils requièrent aussi des investissements financiers massifs.

Si le financement des télévisions conventionnelles connaît des difficultés sérieuses, il en est de même dans le cas des télévisions publiques. En effet, en raison de la crise des finances publiques, le budget de Radio-Québec a été amputé de 15 000 000 $. Cette sombre coupure a affecté la survie même de cette télévision, qui ne pouvait plus répondre aux nouveaux besoins de la société québécoise et remplir sa mission et son mandat.

En avril 1995, le gouvernement a mis sur pied un groupe-conseil sur l'avenir de Radio-Québec ayant pour mandat de formuler des recommandations portant sur la redéfinition de la mission de Radio-Québec et sur ses modes d'organisation. En juin dernier, le groupe-conseil dépose son rapport et recommande que la mission de la Société soit recentrée pour en faire une véritable télévision éducative et culturelle, que cette télévision joue un rôle majeur dans la promotion des produits culturels et la vulgarisation scientifique et qu'elle développe, de plus, un partenariat étroit avec les autres institutions gouvernementales.

En novembre 1995, les membres de la commission de la culture se sont donné comme mandat d'examiner l'adéquation entre les recommandations du groupe-conseil sur l'avenir de Radio-Québec et les besoins de la société québécoise. Quatre grands aspects ont retenu l'attention de la commission: la réponse aux défis posés par l'émergence d'une société du savoir, le soutien au développement culturel, le rôle de levier de la télévision éducative et culturelle et le reflet des multiples réalités.

Dans le cadre de ce mandat, la commission de la culture a reçu 27 mémoires et entendu 21 organismes et individus au cours d'auditions publiques qui se sont tenues en commission parlementaire. Suite à cette commission, un consensus s'est dégagé, à savoir que Radio-Québec est et doit demeurer un outil nécessaire de la mission éducative de l'État, un outil de promotion culturelle, scientifique et technologique, un outil, également, d'intégration sociale qui soit le reflet de l'ensemble de la réalité de la société québécoise.

De plus, la commission de la culture propose d'accentuer la vocation régionale et souligne la nécessité d'une meilleure représentation des communautés culturelles. Également, la commission de la culture, comme la majorité des intervenants qui ont été entendus, croit qu'il est possible de maintenir une télévision publique de grande qualité avec un budget annuel de 53 500 000 $. Toutefois, tous reconnaissent qu'il est urgent de restructurer Radio-Québec, de revoir son mandat, ses missions et ses façons de faire.

Donc, le projet de loi n° 28 a pour objet de remplacer la Loi sur la Société de radio-télévision du Québec. Il vise également à préciser la mission qui consiste à exploiter une entreprise de télédiffusion éducative et culturelle de même qu'un service de production et de distribution de documents audiovisuels, multimédias et de télédiffusion. Cette mission consiste également à développer le goût du savoir, de favoriser l'acquisition de connaissances, de promouvoir la vie artistique et culturelle du Québec et de refléter la réalité des régions et la diversité culturelle de la société québécoise.

L'article premier vise le changement de nom de la Société de radio-télévision du Québec pour celui de la Société de télédiffusion du Québec ou de Télé-Québec, l'expression «télé», comme le confirme le choix télévisuel, et vient, en quelque sorte, corriger l'appellation antérieure qui ne correspondait plus à la réalité, puisque la Société de radio-télévision du Québec n'offre pas de service radiophonique. Cette nouvelle appellation correspondra davantage aux fonctions réelles de l'institution tout en lui laissant la latitude nécessaire pour englober d'autres activités liées à l'évolution des nouvelles technologies.

Le projet de loi vient redéfinir également le mandat de la Société dans le sens, comme je le mentionnais, d'un recentrage sur sa mission éducative et culturelle. En effet, plusieurs mémoires présentés à la commission de la culture ont souligné l'importance de placer la mission éducative au centre des activités de la télévision publique. Toutefois, il est ressorti à plusieurs reprises qu'il fallait bien définir ce qui est une mission éducative afin de ne pas tomber dans le piège de la mission dite scolaire. Donc, la mission éducative de Télé-Québec doit être entendue au sens large, c'est-à-dire que les émissions doivent donner le goût du savoir, favoriser l'acquisition de connaissances et éveiller la curiosité des téléspectateurs.

Par ailleurs, M. le Président, la commission de la culture était d'avis que la télévision éducative doit, par contre, compléter le système d'éducation, contribuer au développement d'une culture scientifique et technologique et être un outil important de la formation continue.

(23 heures)

D'autre part, la mission culturelle doit être également au coeur de la mission de Télé-Québec. Notre télévision publique doit donc apporter un soutien stimulant au développement culturel de l'ensemble du Québec en jouant un rôle majeur dans la diffusion des produits culturels, en offrant une vitrine aux créateurs, artistes et artisans du Québec afin qu'ils puissent promouvoir leurs oeuvres.

Le projet de loi prévoit que la gestion de la Société sera confiée, comme le mentionnait la ministre, à un conseil d'administration composé de 10 membres: neuf d'entre eux, dont le président du conseil d'administration et le président-directeur général de la Société, seront nommés par le gouvernement. De plus, afin d'assurer une représentation des intérêts des régions, un minimum de trois de ces postes seront réservés à des personnes domiciliées dans les régions autres que celle de Montréal. De plus, un membre du personnel de la Société, qui sera élu par ses pairs, aura également droit de siéger au conseil d'administration. L'article 6 détermine la durée du mandat du président-directeur général de la Société, qui sera de cinq ans, et celui des autres membres, de trois ans. Leur mandat ne pourra être renouvelé consécutivement qu'une seule fois.

La rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail du président-directeur général seront déterminés par le gouvernement, le tout tel que stipulé à l'article 12. Toutefois, l'article 13 du projet de loi stipule que les autres membres du personnel de la Société seront nommés selon un plan d'effectifs et les normes qui seront établis par un règlement édicté par la Société. Ce règlement déterminera également les normes et barèmes de rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail. On peut donc conclure, M. le Président, que la Société Télé-Québec ne sera plus soumise au plan d'effectifs et aux normes de rémunération édictés par le Conseil du trésor.

L'article 14 prévoit également que les membres du conseil d'administration seront soumis à des règles dites de conflit d'intérêts, et ce, afin d'assurer que les décisions seront prises dans l'intérêt de la Société et qu'elles ne seront pas influencées par des intérêts particuliers. Ainsi, le président-directeur général ne peut, sous peine de déchéance de sa charge, avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt personnel et celui de la Société. D'autres membres du conseil d'administration, qui ont un intérêt direct ou indirect dans une entreprise, doivent le déclarer par écrit au président et s'abstenir de participer à toute délibération ou à toute décision portant sur l'entreprise dans laquelle ils ont cet intérêt.

L'article 16, M. le Président, précise que la Société a pour objet d'exploiter une entreprise de télédiffusion éducative et culturelle afin d'assurer, par tout mode de diffusion, l'accessibilité de ses produits au public. La Société peut donc exploiter un service de production et de distribution de documents audiovisuels, multimédias et de télédiffusion. De plus, la Société pourra administrer des bureaux régionaux, conclure des ententes avec des personnes ou des gouvernements, vendre, aliéner ou louer ses biens, recevoir des dons, legs, subventions ou autres contributions.

Le projet de loi propose de modifier la Loi sur la programmation éducative afin de permettre la création d'un comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation. Ce comité aura le pouvoir de déclarer éducative une programmation soumise par une entreprise de radiodiffusion ou de câblodistribution. De plus, la Société de télédiffusion du Québec, Télé-Québec, devra soumettre à ce comité l'ensemble de sa programmation, et ce, conformément à la Loi sur la programmation éducative. Ce comité sera formé du président de l'Université du Québec, du président du Conseil des arts et des lettres du Québec, du président du Conseil de la science et de la technologie ainsi que du président du Conseil des communautés culturelles. Les décisions seront prises à la majorité. Toutefois, lorsque le vote est égal, la décision du président est prépondérante.

La création de cette instance rencontre les exigences contenues dans les instructions du gouvernement fédéral au CRTC en ce qui a trait à l'indépendance de l'organisme de radiodiffusion par rapport aux autorités gouvernementales. L'existence d'un mécanisme provincial pouvant attester du caractère éducatif de la programmation atténue la pertinence d'une intervention au niveau du CRTC et maintient la position traditionnelle du Québec quant à sa compétence exclusive en matière de programmation éducative.

Au niveau de la composition des membres du Comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation – et, M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion de poser la question à la ministre lors de l'étude article par article de ce projet de loi en commission parlementaire – pourquoi n'a-t-on pas nommé un membre de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, la CREPUQ, afin d'assurer une réelle représentativité du milieu universitaire?

Quant au contrôle gouvernemental et ministériel, les dispositions contenues au projet de loi n° 28 confèrent à la Société une plus grande liberté d'expression et de gestion, ainsi qu'une modernisation de ses pouvoirs, sans toutefois la soustraire aux exigences d'imputabilité et de transparence. L'application des règles de saine gestion des fonds publics garantit dans ce projet de loi les dispositions qui assurent un contrôle gouvernemental et ministériel. La Société aura l'obligation de transmettre, tous les trois ans, à la ministre un plan de ses activités et de ses objectifs; ce plan sera examiné par une commission parlementaire de l'Assemblée nationale. De plus, la Société devra produire un rapport sur ses activités et ses états financiers qu'elle devra déposer à l'Assemblée nationale; elle devra également soumettre ses livres et comptes au Vérificateur général.

En terminant, M. le Président, je rappelle à la ministre de la Culture la présence menaçante d'une épée de Damoclès flottant toujours au-dessus de la tête de la Société, soit l'article 45 du Code du travail qui prévoit qu'une convention collective doit être respectée par tout nouvel employeur à qui l'employeur original aurait cédé une partie de ses activités. Comme Radio-Québec a cédé la production de certaines émissions à des producteurs privés, les techniciens syndiqués ont dû renoncer à l'application de l'article 45 pour éviter la fermeture de Radio-Québec. Toutefois, la situation de la Société demeure bien fragile, car l'entente verbale peut être contestée à tout moment. Le problème reste donc entier.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives, donne suite aux principales recommandations du groupe-conseil sur l'avenir de Radio-Québec et fait suite, également, au rapport adopté à l'unanimité par les membres de la commission de la culture. De ce fait, je ne peux qu'offrir ma collaboration à la ministre de la Culture et des Communications pour l'adoption dudit projet de loi. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-François. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, puisqu'il n'y a plus d'interventions, le principe du projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 18 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 25


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 18. Alors, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 25, Loi modifiant le Code civil en matière d'obligation alimentaire. Y a-t-il des interventions sur le principe? M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, vous avez sûrement suivi avec grand intérêt le débat qui a fait la manchette au cours des derniers mois et qui a mis sur la sellette l'une des règles séculaires du Code civil du Québec, soit l'obligation alimentaire entre les grands-parents et leurs petits-enfants. Comme vous le savez, cette obligation résulte des relations étroites existant entre les personnes liées entre elles. Il découle, en effet, de l'existence du lien de parenté, toute une série de droits et d'obligations fondés sur l'interdépendance et la solidarité entre les membres d'une famille.

(23 h 10)

L'obligation alimentaire est l'obligation par laquelle la loi contraint certaines personnes à aider d'autres à subsister, c'est-à-dire à satisfaire à leurs besoins essentiels. Si, entre frères et soeurs, cette obligation est assimilée à une obligation naturelle ou à un devoir moral, entre les parents en ligne directe, donc entre les père et mère et enfants ou entre les grands-parents et les petits-enfants, cette obligation est expressément établie par la loi.

L'obligation alimentaire est cependant plus forte pour les père et mère à l'égard de leur enfant mineur. À titre de titulaires de l'autorité parentale, ils ont le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation de l'enfant, et ils ont l'obligation de le nourrir et de l'entretenir. En regard de cette obligation, la loi ne fait pas de distinction selon que la parenté est légitime, naturelle ou adoptive. Entre parents en ligne directe, seul l'établissement de la filiation est nécessaire. Le divorce ou la séparation de corps ne modifient en rien l'obligation alimentaire puisqu'ils sont sans incidence sur le lien de filiation. Seule la déchéance de l'autorité parentale peut emporter dispense de l'obligation alimentaire et encore cette dispense ne vaut-elle que pour l'enfant à l'égard de son père ou de sa mère.

Si la règle de droit relative à l'obligation alimentaire entre grands-parents et petits-enfants n'avait pas, jusqu'à récemment, suscité de difficultés importantes, à preuve le peu de jugements répertoriés, les changements sociaux survenus au cours des dernières décennies ont modifié la situation et entraîné des comportements différents. L'éclatement de la famille, la modification du contexte socioéconomique et possiblement d'autres facteurs, dont les règles fiscales, les resserrements de l'attribution de l'aide publique, le développement de l'aide juridique, les besoins plus étendus reconnus aux enfants, le vieillissement de la population et l'aisance plus grande des retraités, ont favorisé la judiciarisation de ce recours, et, de ce fait, l'émergence de la problématique.

Le débat entourant l'obligation faite aux grands-parents de subvenir aux besoins de leurs petits-enfants au cas de défaillance des parents a été hautement médiatisé au cours des derniers mois au Québec à la suite de jugements récents condamnant plusieurs grands-parents à payer une pension alimentaire à leurs petits-enfants. Ce débat a porté tant sur l'opportunité de maintenir la règle que sur les balises qui pouvaient y être apportées et avait, en arrière-plan, les incidences de l'intervention de l'État en matière de soutien aux familles.

Des interrogations furent soulevées. Elles portent essentiellement sur l'opportunité du maintien d'une règle de droit dont l'application engendrerait des situations inéquitables, même si, sur le plan des principes, la règle peut sembler juste. Plusieurs groupes, dont une forte proportion d'associations de personnes âgées, ont demandé de restreindre l'étendue de l'obligation alimentaire afin que celle-ci ne soit due qu'entre père, mère et enfant, alors que d'autres groupes, principalement les ordres professionnels, les familles monoparentales et certains intervenants auprès de la jeunesse, ont opté pour le maintien de l'obligation, tout en proposant d'en atténuer la portée et, surtout, la judiciarisation.

Les principales critiques exprimées à l'égard de cette règle ont fait valoir l'absence de contrôle des grands-parents sur le comportement et le choix de vie de leurs enfants majeurs ainsi que le caractère injuste d'une obligation qui ne prend pas en compte la responsabilité effective du débiteur alimentaire. Les opposants ont également dénoncé la judiciarisation d'une obligation légale que l'on voudrait naturelle et souligné la violence inhérente à cette judiciarisation. Ils ont, de plus, fait ressortir l'extension possible de l'obligation en raison de l'éclatement de la famille et de la reconnaissance de la famille naturelle ainsi que le report sur les ascendants des conflits entre conjoints mariés ou de fait.

Leurs représentants ont également dénoncé la trop grande discrétion exercée par les tribunaux. Ils ont souligné, en parallèle, le caractère flou des critères qui permettent, par exemple, de considérer au même titre les revenus et les actifs sans tenir compte de l'ensemble de la situation familiale. Ils ont rappelé aussi l'absence de critères pour évaluer les besoins réels de l'enfant au vu de certaines décisions qui octroient des aliments pour des besoins, qui apparaissent du domaine du superflu, ou encore l'absence de droit de regard quant à l'utilisation de la somme versée ou de la réciprocité dans les gestes posés.

En outre, ils ont invoqué les difficultés d'arrimage entre cette obligation et les interventions de l'État en matière de soutien aux familles. Ces interventions, fondées sur la solidarité sociale, ont, en effet, profondément modifié les rapports de solidarité familiale et, par voie de conséquence, la portée de l'obligation alimentaire entre les membres de la famille. Antérieurement à l'instauration du régime d'aide publique, le devoir de secours s'imposait et obligeait les membres d'une même famille à secourir ceux qui étaient dans le besoin. Mais la prise en charge par l'État d'obligations jusqu'alors assumées par la famille a, dans les faits, allégé la responsabilité pécuniaire du groupe familial, transformé les attentes des personnes qui étaient partie de ce groupe et favorisé de nouvelles attitudes. Dans les cas où l'enfant fait partie d'une famille bénéficiaire des prestations de la sécurité du revenu, on note, à bon droit, que l'aide familiale, si elle est versée sous la forme d'aliments, relève de l'État.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, la question est complexe et soulève un débat tant sur le plan des valeurs sociales que sur celui des émotions. Aussi, avant de recommander une orientation au gouvernement, j'ai cru opportun de procéder à une consultation publique sur le sujet de façon à soumettre à cette Assemblée la solution la plus adéquate dans les circonstances. Nul besoin de rappeler que le débat qui existe présentement a pris rapidement des proportions importantes auprès des grands-parents, tellement il soulève d'interrogations, d'inquiétudes et d'insécurité auprès de ces derniers.

À l'occasion d'une tournée qui m'a mené dans cinq villes du Québec en mars dernier, j'ai été à l'écoute des citoyens qui voulaient exprimer leur opinion sur la pertinence de l'obligation alimentaire des grands-parents. Le fait d'aller vers les personnes concernées, dans leur région, plutôt que de les obliger à se déplacer à Québec présentait, malgré les exigences inhérentes à ce genre d'exercice, un intérêt eu égard aux objectifs que nous poursuivons pour une justice accessible. Les événements nous ont donné raison à ce chapitre puisque ce sont plus de 500 personnes qui ont assisté aux différentes séances de consultation. Pour faciliter la discussion, j'ai rendu public un document de consultation faisant état de la règle actuelle du droit, mettant en lumière les principes sous-jacents à cette règle et les difficultés qui en résultent, tout en esquissant les choix d'avenir et leurs conséquences.

De ces consultations et discussions, de même que de l'examen du droit d'aujourd'hui, des principes qui le fondent et du contexte social, je retiens, M. le Président, que la règle établie par l'article 585 du Code civil ne correspond plus à l'organisation et aux besoins de notre société. Il importe donc d'envisager d'autres choix. Deux voies sont alors possibles: supprimer le caractère légal de l'obligation alimentaire entre grands-parents et petits-enfants ou le maintenir, mais en en restreignant la portée de l'obligation par l'introduction de critères qui limiteraient l'exercice de ce recours.

En effectuant ce choix, il faut s'interroger sur les principes et les enjeux de cette règle, et la place de l'enfant dans ce débat. Il faut aussi bien peser les intérêts en présence, soit ceux de l'enfant, ceux des grands-parents et ceux de tous les membres de la famille. Il faut encore bien considérer les conséquences de ce choix par rapport aux principes évoqués au début de mon discours, à savoir la solidarité familiale, la primauté de l'intérêt de l'enfant et la responsabilité première des parents.

C'est pourquoi, M. le Président, afin d'atteindre ces objectifs, dans l'hypothèse du maintien de l'obligation, j'ai considéré l'atténuation de la règle en suggérant certaines balises, comme, par exemple: préciser la portée de l'obligation alimentaire pour en affirmer le caractère complémentaire; assurer que cette obligation n'est susceptible d'exécution que pour les choses nécessaires à la vie et, eu égard aux grands-parents, que pendant la minorité de leurs petits-enfants; prendre en compte, dans l'appréciation des facultés du débiteur, l'ensemble de la situation familiale, des responsabilités assumées, des liens qui unissent les parties, des attentes légitimes de chacune dans l'organisation de sa vie et, le cas échéant, du statut de retraité et de la planification de la retraite des grands-parents; prévoir qu'aucune action en justice n'est reçue à moins que le créancier alimentaire ne démontre avoir fourni à l'autre partie un préavis d'au moins deux mois et n'ait effectué des démarches sérieuses de conciliation; prévoir, enfin, que, sauf dispense, tous les grands-parents doivent être appelés à la demande.

Toutefois, même si cette option peut sembler compatible avec les objectifs précités, cette solution suscitait de nombreuses difficultés, notamment quant au coût et à la judiciarisation. Elle ne permettait pas, non plus, d'assurer un bénéfice réel pour l'enfant et faisait peu de cas de la détérioration irrémédiable du lien affectif dans la relation grands-parents–petit-enfant.

(23 h 20)

Aussi, malgré l'attachement que je puis avoir envers ce principe de droit civil qui fonde le droit actuel, le projet de loi n° 25 propose de supprimer le caractère légal de cette obligation. Certes, malgré le silence de la loi, l'obligation naturelle subsistera, puisque le devoir moral d'entraide entre proches demeure, mais cette obligation ne sera cependant pas susceptible de contrainte à moins qu'elle n'ait été déjà volontairement exécutée.

Cette solution, qui supprime le caractère légal de l'obligation alimentaire entre les grands-parents et les petits-enfants, mettra un terme aux craintes et aux angoisses que les récents jugements ont suscitées, ce qui permettra d'obvier aux critiques de ces mêmes jugements. Ce choix élimine toute judiciarisation de l'obligation et des relations qui la sous-tendent, et évite d'exacerber les conflits familiaux. Il apaisera, en outre, le sentiment d'insécurité des personnes âgées, tout en affirmant la responsabilité première des père et mère, responsabilité qui est aussi pour eux liée à leur autorité parentale. Enfin, il éliminera la double obligation des grands-parents, soit celle qu'ils ont à l'égard de leurs enfants et celle qu'ils ont envers leurs petits-enfants.

Comme je viens de le mentionner, M. le Président, cette solution représente plusieurs avantages. Pour les grands-parents, notamment, il en résultera un avantage certain, puisqu'en supprimant le caractère légal de l'obligation, qui demeure naturelle, elle apaisera le sentiment d'insécurité des grands-parents, leur évitera la contrainte et éliminera la judiciarisation de leurs rapports avec leurs petits-enfants. À cet égard, elle ne suscitera pas de conflits familiaux et favorisera l'établissement et le maintien de meilleurs liens avec l'enfant. Cette approche s'inscrit dans la tendance d'affirmation de valeurs différentes et est semblable à celle que connaissent les autres provinces canadiennes, à l'exclusion de l'Alberta. Elle rejoint l'avis du Conseil des aînés.

Finalement, cette solution a, de plus, l'avantage de se concilier plus aisément avec les diverses mesures de soutien que l'État accorde aux familles et de ne pas créer de distorsion entre les familles. Ainsi, par exemple, lorsque les créanciers reçoivent de l'aide de la sécurité du revenu et une pension alimentaire, il y a compensation et l'aide est réduite. Ce n'est pas le cas pour les autres familles. Par ailleurs, en l'absence de compensation et lorsqu'il y a aide de la sécurité du revenu, le régime de soutien pourrait inciter à l'exercice du recours, ce qui n'est pas souhaitable. Il importe également de souligner que l'obligation alimentaire entre les grands-parents et les petits-enfants est une obligation qui est réciproque. Aussi, la contrepartie de limiter l'obligation des grands-parents est de limiter celle des petits-enfants.

Avant de terminer, j'aimerais ajouter un bref commentaire pour répondre à des remarques que certains ont soulevées en rapport avec le principe de la primauté de l'intérêt de l'enfant, tel qu'énoncé aux articles 32 et 33 du Code Civil, à l'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne et dans certaines conventions internationales relatives aux droits de l'enfant. Il convient de souligner, M. le Président, que l'intérêt dont il est question à ces dispositions n'est pas seulement un intérêt pécuniaire, mais, tout autant et même plus, un intérêt moral et affectif. Or, la suppression du caractère légal de l'obligation alimentaire entre grands-parents et petits-enfants constitue un aménagement législatif qui respecte la Charte québécoise et les principes en jeu.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi n° 25 propose une solution définitive, juste et adaptée à notre époque au problème délicat que soulève l'article 585 du Code civil qui étend au-delà du premier degré l'obligation alimentaire. Si ce projet est adopté, l'obligation alimentaire sera restreinte aux parents en ligne directe au premier degré. Cette obligation ne portera pas atteinte aux obligations naturelles qui doivent subsister entre les membres d'une même famille.

Je tiens à souligner également la règle de transition qui accompagne la nouvelle disposition. Celle-ci s'appliquera aux instances en cours et propose de mettre un terme, après un certain délai, aux obligations alimentaires résultant des jugements rendus antérieurement. Un tel délai devrait permettre aux personnes qui recevaient des pensions de s'ajuster à la nouvelle situation. C'est en raison de tous ces motifs, M. le Président, que je demande à cette Assemblée d'approuver le principe du projet de loi n° 25. Je vous remercie.

M. Gautrin: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: ...en fonction de l'article 213, j'aurais une question à poser au ministre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre, le député de Verdun désire vous poser une question en vertu de 213. Est-ce que vous acceptez?

M. Bégin: Oui, M. le Président.

M. Gautrin: Dans la définition de la loi que vous présentez, vous avez utilisé le terme «conjoint». Est-ce qu'elle est cohérente avec la définition que vous avez dans la loi que vous avez présentée ce matin, c'est-à-dire la Loi sur l'aide juridique? Est-ce que c'est la même définition?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, je ferais remarquer que, dans le Code civil, le mot «conjoint» n'est pas défini, que l'on retrouve la définition de «conjoint» dans différentes lois sectorielles qui définissent, pour les besoins de cette loi, ce qu'est un conjoint. Dans certains cas, elle va prévoir certaines situations; dans d'autres, d'autres hypothèses. Et c'est un problème qui a été confié à un comité interministériel pour étude afin de faire rapport. Ce comité, je le rappelle, M. le Président, avait été initialement créé par le gouvernement libéral, mais ses travaux avaient cessé au moment où nous sommes entrés en fonction. J'ai remis le comité à l'ouvrage et j'attends incessamment une recommandation à cet égard. Donc, nous serons en mesure, à ce moment-là, de voir quelle est la définition que nous utiliserons désormais dans l'ensemble de nos lois. Mais, d'ici là, nous devons vivre avec la situation créée précédemment.

Le Vice-Président (M. Pinard): J'accorde maintenant la parole au député de Sauvé. M. le député.


M. Marcel Parent

M. Parent: Oui, je vous remercie, M. le Président. Ça me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir sur le projet de loi n° 25, projet de loi qui revêt une immense importance dans la société québécoise. Ce projet de loi, M. le Président, modifie le Code civil du Québec à son titre troisième, «De l'obligation alimentaire». Il vient restreindre l'obligation alimentaire légale aux parents en ligne directe au premier degré. Il prévoit l'application de la nouvelle disposition aux instances en cours. Il édicte enfin que toute obligation de payer des aliments entre parents autres que du premier degré et résultant d'un jugement cessera d'avoir effet 60 jours après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Ce projet de loi, M. le Président – je pense qu'il est bon de le répéter et d'insister – a pour objet d'abolir l'obligation alimentaire des grands-parents à l'égard de leurs petits-enfants, obligation qui était prévue dans l'article 585 du Code civil. L'article 585 du Code civil, M. le Président, ça reprend intégralement l'article 633 de l'ancien Code civil qui datait de 1866. Alors, inutile de vous dire que la situation sociale des Québécoises et des Québécois a changé depuis 1866, et que le public a affaire à une autre situation, à un autre contexte de vie. En 1866, j'imagine bien, M. le Président, que les familles éclatées, telles que nous les connaissons aujourd'hui, étaient beaucoup plus rares.

Cet article 585, M. le Président, obligeait les grands-parents à répondre aux besoins alimentaires de leurs petits-enfants, et, souvent, malheureusement, ces petits-enfants étaient, en fait, des étrangers, à cause justement de l'éclatement des familles. Il arrivait que des grands-parents découvraient, à ce moment-là, qu'ils étaient grands-parents et qu'ils avaient des petits-enfants. Alors, il y avait une espèce de situation loufoque qu'il était absolument nécessaire de corriger, ce que le ministre a vu. Je l'en félicite et je l'en remercie.

Mais ça a pris du temps, M. le Président. Fin août, début septembre 1995, en pleine campagne référendaire, certains journaux, certains quotidiens relatent une nouvelle tendance jurisprudentielle qui interprète l'article 585 au pied de la lettre et, comme on le disait tout à l'heure, oblige les grands-parents à payer une pension alimentaire à leurs petits-enfants, mais pour des besoins plus ou moins vitaux, tels que les traitements d'orthodontie, et ça, sans vraiment tenir compte des ressources financières des grands-parents.

Dès le 14 septembre 1995, l'Association des retraités et retraitées de l'enseignement du Québec saisit officiellement le ministre du dossier et lui demande de modifier la loi. Le ministre prétexte un changement dans son personnel politique pour justifier qu'il ait attendu deux mois avant de répondre et de prendre connaissance du dossier. Le 1er décembre, en cette Chambre, à la période de questions, l'opposition officielle soulève la question et exhorte le ministre à intervenir rapidement; on sentait qu'il y avait urgence. Mais le ministre, à ce moment-là, refuse de s'engager à modifier l'article 585 et renvoie l'affaire à un comité de fonctionnaires pour étude.

Par la suite, le dossier prend rapidement une ampleur médiatique qu'on n'avait pas soupçonnée et oblige le ministre de la Justice, dès le 28 février, à annoncer une tournée de consultations dans laquelle il propose deux solutions qui méritaient d'être étudiées, soit celle d'abroger l'obligation alimentaire ou bien de baliser cette obligation. Tout au long de ces consultations effectuées entre le 9 et le 29 mars, le ministre laisse facilement voir sa préférence pour la deuxième solution, à savoir baliser l'obligation.

(23 h 30)

Selon certaines informations – les caucus, M. le Président, ne sont pas toujours hermétiques – le ministre a présenté au Conseil des ministres, au début de mai, un projet proposant de baliser l'obligation alimentaire des grands-parents. Cette proposition aura été jugée totalement irrecevable par le caucus du Parti québécois qui ne pouvait l'accepter dans le contexte du budget Landry. Ça faisait particulièrement mal aux personnes âgées. Dans le budget du ministre des Finances, on ne ménageait pas les aînés, on ne ménageait pas les personnes âgées, on les frappait de tous bords, tous côtés. Alors, le caucus du Parti québécois a eu la sagesse de rappeler le ministre à l'ordre et de le forcer à prendre le virage à 180 degrés, ce qui donne lieu aujourd'hui à la présentation, d'après moi, d'un très bon projet de loi, le projet de loi n° 25.

Pendant ce temps, malheureusement – on est rendu aujourd'hui au mois de juin – des grands-parents sont traînés devant les tribunaux. Pensez-y, M. le Président. Pensez à votre père, pensez à mon père, des gens qui ont vécu dans la droiture toute leur vie. Ils reçoivent une sommation, et ils se ramassent en Cour. Moi, pour mon père, un gars qui allait en Cour, c'était un bandit, c'était un voleur, c'était un gars qui posait des gestes immoraux, des gestes illégaux. Imaginez le traumatisme que certains grands-parents ont vécu. Pourquoi? Parce que le ministre prenait son temps à agir. On nous a même dit, on nous a rapporté des faits, des gens qui ont déclaré avoir subi des chocs physiques nécessitant l'hospitalisation. Par contre, le ministre nous a dit qu'il a pris une solution favorable au maintien du lien affectif entre grands-parents et petits-enfants par l'élimination de la judiciarisation des conflits. Il nous affirme avoir harmonisé la loi avec les changements sociaux et que l'intérêt des enfants n'est pas mis en cause, car, de toute façon, ceux-ci, nous dit-il, ne profitaient même pas de ces pensions puisqu'elles étaient soustraites de la prestation d'aide sociale dont bénéficiait leur mère.

C'est difficile à accepter, M. le Président, que le ministre ait pris son temps, j'étais pour dire se traîner les pieds, mais, non, je suis trop content de son projet de loi, je ne le dirai pas, mais ça a quand même pris 10 mois, M. le Président, pour pondre un projet de loi de trois articles! Évidemment, aujourd'hui, les gens âgés sont heureux, il s'agit d'un soulagement. Pour l'opposition, c'est une victoire. Mais, par contre, pendant tout ce temps-là, il y a des gens qui ont subi des préjudices.

Le projet de loi, aussi, propose que cette abolition soit applicable aux instances en cours. En outre, le ministre de la Justice propose que les jugements antérieurs à l'entrée en vigueur qui obligeaient les grands-parents à payer une pension à leurs petits-enfants cessent d'avoir effet 60 jours après l'entrée en vigueur de la loi. Ça, je ne suis pas un homme de loi, je ne suis pas un avocat, mais je me pose des questions. Je ne voudrais pas, moi, être dans les souliers du ministre de la Justice, qui décide de faire une loi rétroactive pour annuler des jugements en cours, rendus sur le banc par des juges. Je ne voudrais pas, moi, être à la place du ministre de la Justice vis-à-vis ses collègues du Barreau. Je ne voudrais pas être dans les souliers du ministre de la Justice vis-à-vis le Conseil de la magistrature. Cette loi rétroactive, elle fait plaisir aux grands-parents, elle leur rend justice, mais il me semble que, si j'étais ministre de la Justice, M. le Président, j'aurais trouvé une solution plus imaginative que celle d'abroger ou de ne pas reconnaître les jugements rendus par un juge de la Cour.

Même la bâtonnière du Québec, Me Jocelyne Olivier, s'est dite stupéfaite par la décision du ministre et déclarait, et je la cite: «En annulant tout jugement ayant accordé des aliments à des petits-enfants, la décision affecte un principe intouché jusqu'à maintenant, celui de la chose jugée. Ce geste constitue un accroc au principe de la séparation des pouvoirs et porte atteinte, gravement, à la crédibilité de nos institutions démocratiques et judiciaires.» Et ça, ce qui me fatigue... Si c'était le ministre des Transports, si c'était le ministre de la Culture, mais, quand c'est le ministre de la Justice qui amène un tel élément à l'intérieur d'un projet de loi, je m'interroge, je m'interroge sur sa façon d'imaginer des solutions qui pourraient régler des problèmes sans poser des gestes... je ne dirais pas antidémocratiques, comme le disait Pierre-André Côté... Pierre-André Côté, lui, dans l'interprétation des lois, il disait: La loi rétroactive présente effectivement certains caractères antidémocratiques. Elle se concilie difficilement avec le principe de la primauté du droit, et un recours trop répandu à ce procédé peut effectivement miner l'efficacité même du droit comme instrument de direction des conduites humaines.

Nous croyons, M. le Président, que la rétroactivité du projet de loi n° 25 n'est qu'une mesure destinée à cacher ce que je disais tout à l'heure, le manque de diligence du ministre et du gouvernement dans ce dossier qui était complètement paralysé par le référendum; ils ont laissé traîner un dossier d'une telle importance tout l'automne et on a attendu jusqu'à la fin de février avant de procéder à des consultations.

M. le Président, lorsque le ministre a tranché pour l'abrogation, il a lui-même avoué que cela avait été un choix difficile car l'une et l'autre des positions recevaient sa part d'appuis et d'arguments légitimes. Le fait que l'adoption de l'une ou l'autre des options n'ait pas été clairement manifeste rend encore moins justifiables les positions de ce choix de façon rétroactive.

Par contre, M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, à ce stade-ci, nous voterons pour l'adoption de ce projet de loi en nous réservant l'opportunité d'intervenir en commission parlementaire sur deux éléments du projet de loi, soit l'application de la rétroactivité et la protection des grands-parents devant des recours possibles de la part de leurs petits-enfants dans des situations bien particulières. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Sauvé. Y a-t-il d'autres interventions?

Alors, M. le ministre de la Justice, en vertu de l'article 216 du règlement, vous avez un droit de réplique de 20 minutes. M. le ministre.


M. Paul Bégin (réplique)

M. Bégin: Ce sera très court, M. le Président. Je veux mentionner que, dans le cas d'une pension alimentaire – oublions celle dont on parle – les pensions alimentaires, elles sont toujours modifiables selon les circonstances. Il arrive à tous les jours, devant les tribunaux, qu'une pension qui était ordonnée cesse d'être versée, par une autre décision. En ces matières, il n'y a pas de rétroactivité. C'est des modalités tout à fait différentes et il n'y a pas de rétroactivité. Il y a simplement qu'un jugement cesse d'avoir effet à compter d'une date donnée, comme lorsqu'un jugement dit: Dorénavant, la pension alimentaire sera de 0 $, alors qu'elle était, mettons, de 100 $ au préalable.

Donc, M. le Président, il n'y a pas d'effet rétroactif dans cette loi-là.

Une voix: C'est vrai. Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants sur le principe du projet de loi, alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 25 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, article 20 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 29


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 20. M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

Alors, nous avons procédé aux interventions, et ce, avant notre souper. Donc, M. le ministre du Revenu est intervenu. Également, le critique officiel de l'opposition avait débuté son intervention, qui est d'un temps maximum de 60 minutes. Alors, je vous indique, M. le député de Nelligan, que vous avez utilisé, à ce stade-ci, 27 minutes de votre intervention. Alors, vous devez... puisque vous m'aviez mentionné que vous deviez procéder par la suite, à notre retour, à 20 heures, alors, si vous avez terminé, je vous inviterais à l'exprimer à cette Assemblée de sorte que je pourrai reconnaître un autre intervenant. M. le député de Nelligan.

(23 h 40)

M. Williams: Effectivement, M. le Président, merci beaucoup pour cette opportunité de continuer mon intervention, mais je pense qu'il commence à être tard, et nous allons avoir d'autres chances de parler sur ce projet de loi. Mais je sais que mon collègue, le député de Verdun, veut certainement faire son intervention sur ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je cède, à ce stade-ci, la parole au député de Verdun; et, M. le député, en vertu de l'article 239, vous avez un temps de parole de 20 minutes maximum. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, on a actuellement devant nous un projet de loi, le projet de loi n° 29, qui est un ensemble de modifications qui, elles aussi, sont mises de l'avant pour, comme le projet de loi n° 32, faciliter ou permettre au ministère du Revenu d'améliorer soi-disant sa possibilité de percevoir la totalité des taxes et impôts qui sont dus au gouvernement du Québec.

Là encore, nous avons, M. le Président, les mêmes réserves, et le député de Nelligan l'a exprimé très clairement avant l'ajournement, les mêmes réserves quant au risque de bris de la vie privée, quant au risque de comparaison entre les différents fichiers. Je lisais la Gazette officielle pendant la période de l'ajournement, je remarquais que, par exemple, les demandes de renseignements privés deviennent absolument aberrantes. Savez-vous que, pour faire une demande d'abonnement à Hydro-Québec, il faut donner son nom, bien sûr, son adresse, c'est normal, son numéro de téléphone, mais son numéro d'assurance sociale aussi? Oui, absolument, M. le leader, c'est un décret qui a été passé dans la Gazette officielle du 29 mai. Vous pouvez vérifier.

Donc, il y a une tendance, à l'heure actuelle, dans l'appareil gouvernemental, à vouloir, par souci soi-disant d'efficacité, essayer de pénétrer de plus en plus dans la vie privée. Le député de Nelligan a clairement établi les craintes que nous avons de notre côté. En commission parlementaire, nous allons pouvoir redébattre, et dans le projet de loi n° 32 et dans le projet de loi n° 29, des risques, que l'on voit actuellement dans ces deux projets de loi, à la protection de la vie privée.

Compte tenu de l'heure, M. le Président, je ne donnerai pas les mêmes exemples qu'avec beaucoup de brio le député de Nelligan a apportés, je vais m'arrêter à une spécificité du projet de loi que je trouve de plus en plus vicieux dans la position du gouvernement, et j'appelle ceci les fonds dédiés. Alors, M. le Président, les fonds dédiés. Et si le député de Crémazie était là, je suis sûr qu'il serait totalement d'accord avec moi, parce que j'ai déjà eu une discussion avec lui, il a la même opposition que moi aux fonds dédiés.

Les fonds dédiés, M. le Président, c'est quoi? C'est des fonds qui sont à l'intérieur d'un ministère ou à l'intérieur d'une société d'État dans lesquels sont versés des taxes ou une partie des impôts qui ne sont pas versés au fonds consolidé et qui sont utilisés pour des fins particulières. Et là je pense en termes de gestion de la chose publique, et il y aura un débat de fond à faire entre celui qui veut voir... ou tous les impôts et taxes collectés sont versés dans ce qu'on appelle le fonds consolidé, et le ministre des Finances et le président du Conseil du trésor allouent les crédits aux différents groupes et aux différentes dépenses, ou l'approche qui veut créer, dans chacun des ministères ou dans chacune des fonctions, des fonds qui sont alimentés par une partie de la taxe, ou une partie des revenus, ou une partie des impôts pour des objectifs bien particuliers.

Les fonds dédiés, M. le Président, je les collectionne et je les vois apparaître petit à petit actuellement dans le gouvernement. Je vais vous en citer quelques-uns. On a vu, par exemple, une partie des profits des paris sur les courses aller à l'industrie des chevaux. Alors, on dédiait ceux-ci à l'industrie des chevaux. On a vu une partie, par exemple, de la taxe sur l'essence et de la taxe, actuellement, sur les plaques automobiles pour les citoyens qui habitent dans un pourtour de 30 km autour d'un grand centre, c'est-à-dire dans un endroit où il y a un réseau de transport en commun, être versée dans un fonds soit pour aider, par exemple, l'agence de transport, alors que, normalement, dans ma vision de la gestion de la chose publique, ceci aurait dû aller au fonds consolidé, quitte à ce que le fonds consolidé subventionne l'Agence métropolitaine de transport, par exemple, l'industrie du cheval.

Récemment, on a encore vu, pour un but éminemment louable, la création d'un nouveau fonds dédié qui prenait 5 % des revenus du casino et qui transférait ça au soutien à l'action communautaire. Je suis de ceux qui pensent que l'action communautaire doit être soutenue. Je ne vois pas du tout en quoi il y avait un lien entre les deux et pourquoi il fallait créer à ce moment-là un fonds dédié pour soutenir l'action communautaire, c'est-à-dire lier l'effort collectif que nous faisions pour l'action communautaire au profit éventuel d'un casino ou d'autres choses.

Alors, là, maintenant, on voit apparaître, dans ce projet de loi, encore ce vice fondamental qui est un nouveau fonds dédié, qu'on appelle le fonds de perception et de recouvrement. Alors, comment est financé ce fonds de recouvrement? Je comprends tout à fait, et je crois qu'on aura des divergences profondes, actuellement, sur la gestion de la chose publique. Le fonds dédié est financé par, bien sûr – c'est parce qu'il n'aura probablement pas assez d'argent – des perceptions qui viennent des crédits du ministre du Revenu, mais aussi, tout ce qui aura été les pénalités suite aux recouvrements iront dans ce fonds dédié.

Alors, on voit, petit à petit, M. le Président, secteur par secteur, dans l'action de ce gouvernement des parts, des revenus de l'État, d'aucuns diront minimes. Mais, à chaque fois, je me rappelle tout à fait la discussion que j'avais eue avec le député de Crémazie en commission parlementaire, à l'époque, dans laquelle il me disait que c'est des cas exceptionnels; c'étaient des cas exceptionnels. Et, année après année, loi après loi, je vois réapparaître des fonds dédiés et, je suis sûr, si vous me permettez, M. le Président, que, dans les lois qui vont venir, je vais encore en voir et je vais continuer ma chasse aux fonds dédiés. Je suis un chasseur de fonds dédiés et j'essaie de les repérer où ils sont et j'essaie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Non, parce qu'il y a là, M. le Président, sérieusement, un vice de forme en termes de fonctionnement de l'appareil de l'État. Je suis à peu près sûr que tous les ministres des Finances à qui j'ai pu parler, et le dernier avec qui j'ai parlé de cette question était le député de Crémazie à l'époque où il était le ministre des Finances... Je n'ai pas encore eu l'occasion d'échanger avec le député de Verchères sur la question des fonds dédiés, mais je suis à peu près sûr que, comme ministre des Finances, il partagerait aussi mon point de vue.

Le fait de retirer du fonds consolidé une partie des revenus pour les mettre à l'intérieur de telle ou telle action du gouvernement, aussi méritoire soit l'action... Et je dois dire, par exemple, qu'en ce qui touchait la question de l'action communautaire nous étions, de ce côté-ci, des gens qui supportaient l'action communautaire, mais je ne pense pas qu'il fallait le faire par le biais d'un fonds dédié; je pensais qu'il fallait absolument avoir le courage de voter, dans la période de crédits, les montants nécessaires au fonctionnement du Secrétariat à l'action communautaire.

De la même manière, M. le Président, je pense qu'il aurait été beaucoup plus honnête envers les députés et les parlementaires que nous sommes, dans la période de crédits, d'inclure dans les crédits du ministère du Revenu les fonds nécessaires aux efforts de recouvrement, parce que les efforts de recouvrement ont été comptés à l'intérieur du budget. Vous savez comme moi que l'effort de recouvrement qu'on demande au ministre du Revenu, dans le budget déposé par le député de Verchères, est de l'ordre de 150 000 000 $. On demande 150 000 000 $ au ministère du Revenu en recouvrement de taxes qui n'étaient pas payées actuellement. Il y a un effort important.

(23 h 50)

J'aurais tout à fait accepté, suite à l'effort particulier qui était demandé au ministère du Revenu, qu'on inclue une augmentation de crédits, une augmentation de dotation, éventuellement, en personnel. Mais, là, on fonctionne par une espèce de fonds dédié, ou en disant: Bon, plus vous allez être en mesure d'aller taxer les gens, plus vous allez pouvoir justifier votre existence; plus vous allez être en mesure d'aller compresser ou tordre le citoyen, plus vous allez être en mesure de justifier votre existence. Il y a là un élément extrêmement, d'après moi, pernicieux dans le fonctionnement de l'État et dans le fonctionnement des fonds publics que je ne partage pas, absolument pas.

Alors, M. le Président, je pourrais répéter 10 fois que je ne suis pas d'accord avec les fonds dédiés; je ne le suis pas et je ne le serai absolument jamais. Je vais vous dire, en commission parlementaire, je vais demander au ministre de commencer à m'expliquer réellement pourquoi, à ce moment-là, avoir choisi la voie d'un fonds dédié. Je reconnais parfaitement le droit et la nécessité d'augmenter les recouvrements. J'ai vu aussi qu'il faisait un transfert de l'Office... c'est parce qu'il va y avoir un transfert de personnel pour les questions de recouvrement à partir de l'Office des ressources humaines qui va, évidemment, faire un transfert de crédits à ce fonds dédié, ce qui... Si on prend ce vice de forme... et naturel, j'aurais beaucoup plus aimé, M. le Président, en termes de ce que j'appelle l'imputabilité, c'est-à-dire l'imputabilité devant les parlementaires, que ces transferts de fonds aient été faits au crédit du ministère du Revenu. À ce moment-là, on aurait pu, au moment où on aurait analysé les dépenses du ministère du Revenu... on aurait été en mesure de voir réellement comment les fonds avaient été dépensés.

Alors, il y a, sur la question des fonds dédiés, avec une certaine tendance de rédaction des lois de la part du gouvernement, une divergence de fond de ma part, mais elle n'est pas uniquement de ma part. Je pense que j'ai aussi des alliés de la part des ministériels, mais je ne voudrais pas les mettre mal à l'aise – mais je sais que j'ai des alliés de la part des ministériels, pour avoir parlé avec eux, et des réticences qu'ils avaient par rapport aux fonds dédiés...

Une voix: Oui, oui.

M. Gautrin: Je suis, personnellement, absolument opposé à cette approche des fonds dédiés parce que, d'après moi, ça diminue l'imputabilité de la fonction publique envers les parlementaires.

Alors, M. le Président, ceci est un élément qui, à l'intérieur du projet de loi... Et je n'ai pas voulu répéter, dans mon intervention, parce qu'il était tard, toutes les réticences que le député de Nelligan pouvait avoir quant à la protection de la vie personnelle des individus. Mais, sur les fonds dédiés, il reste réellement que je ne peux pas accepter la création de ce fonds. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, puisqu'il n'y a plus d'autres intervenants sur le principe, est-ce que le principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division.

Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 4 juin 1996, à 10 heures.

Une voix: Dix heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

(Fin de la séance à 23 h 53)


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