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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 21 novembre 1996 - Vol. 35 N° 56

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous invite à quelques minutes de réflexion.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires courantes

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 202

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article a, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 202, Loi modifiant la Loi constituant en corporation Les Soeurs de Sainte-Anne. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés, conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.

M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques présente le projet de loi d'intérêt privé n° 202, Loi modifiant la Loi constituant en corporation Les Soeurs de Sainte-Anne.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration et pour que le ministre d'État de l'Économie et des Finances en soit membre.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Rapports annuels du Centre de conservation du Québec, du Conseil consultatif de la lecture et du livre, du Musée des beaux-arts de Montréal et de la Société de développement des entreprises culturelles

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1995-1996 suivants: le Centre de conservation du Québec, le Conseil consultatif de la lecture et du livre, le Musée des beaux-arts de Montréal et la Société de développement des entreprises culturelles.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ces documents sont déposés. M. le ministre des Affaires municipales.

Une voix: Il n'est pas là.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il arrive? Ah! très bien. Alors, nous allons attendre quelques secondes. M. le ministre.


Rapport annuel de la Régie de la sécurité dans les sports du Québec

M. Trudel: M. le Président, avec les excuses pour les quelques minutes de retard, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de la Régie de la sécurité dans les sports du Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 38

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 21 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 38, Loi instituant le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Exempter les personnes à faibles revenus du programme d'assurance-médicaments

M. Copeman: Merci, M. le Président. La veille du congrès d'un parti dit social-démocrate, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 200 pétitionnaires de la région de Montréal, dont principalement le comté Notre-Dame-de-Grâce.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«We the undersigned, residents of the Province of Québec, do hereby petition the National Assembly to instruct that the Government of Québec exempt those individuals and families whose annual incomes are below the poverty line from any payment of a premium, deductible or co-insurance applicable under Bill 33, An act respecting prescription drug insurance.

«Nous, soussignés, résidents du Québec, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement du Québec afin qu'il exempte tout individu ou famille dont le revenu annuel est au-dessous de l'indice de pauvreté du Québec de la prime, de la franchise et de la coassurance applicables selon la loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie. Alors, cette pétition est déposée. Il n'y a pas d'autre dépôt de pétitions.

(14 h 10)

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et réponses Mme la ministre de l'Éducation répondra à des questions posées le 20 novembre 1996 tout d'abord par M. le député de Marquette et puis par M. le député de l'Acadie concernant le programme de mathématiques 436.

Une voix: C'est exactement ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Et je vous avise qu'après la période de questions et réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de Mme la députée de Saint-François proposant que l'Assemblée nationale déplore l'incapacité du gouvernement péquiste d'élaborer une politique cohérente et efficace de relance de l'économie et de création d'emplois.


Questions et réponses orales

Alors, nous sommes rendus à la période des questions et réponses orales. Je vais accorder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Respect de l'engagement d'appauvrissement zéro pris au Sommet sur l'économie et l'emploi

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Dans son discours de fermeture des travaux du sommet socioéconomique, le premier ministre, d'un ton très solennel, nous déclarait, et je cite: «Le gouvernement prend l'engagement zéro appauvrissement pour les personnes les plus démunies de notre société, à savoir celles qui, en raison de contraintes sévères ou permanentes, ne peuvent réintégrer le marché du travail.» On parle ici, M. le Président, des personnes au Soutien financier de la Sécurité du revenu.

Alors, une question toute simple au premier ministre du Québec: Pour respecter sa parole donnée quant à l'appauvrissement zéro, le premier ministre du Québec va-t-il exiger de la ministre de la Solidarité de rétablir pour janvier 1997 l'indexation annuelle versée aux personnes au Soutien financier, indexation, je vous le rappelle, qui a été abolie par la ministre de la Solidarité en août dernier?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, le mémoire est déjà transmis au Conseil exécutif, devrait être inscrit au Conseil des ministres mercredi prochain et il contient évidemment aussi une disposition à l'effet d'être dispensé des 45 jours de prépublication dans la Gazette officielle pour que cela puisse s'appliquer dès le 1er janvier. Alors, je suis contente de la question qui m'est posée, en souhaitant évidemment, comme je l'anticipe, une décision favorable du Conseil des ministres.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, est-ce que le premier ministre, pour respecter son engagement d'appauvrissement zéro, va exiger de son ministre de la Santé que les personnes inaptes au travail soient exemptées de payer l'assurance impôt-médicaments?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, comme je l'ai déjà dit en cette Chambre, la mise en application partielle du programme d'assurance-médicaments depuis le mois d'août nous a permis, avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec et la collaboration des pharmaciens et de l'Ordre des pharmaciens, de suivre la situation à travers tout le Québec et de s'assurer qu'aucune personne ne soit privée de médicaments pour une incapacité de payer et que des ajustements, quand ils étaient nécessaires, sur une base individuelle, pour certaines personnes qui pouvaient avoir des difficultés de liquidités, soient faits.

Les rapports vont nous être donnés au complet. C'est une situation qui est suivie à la semaine avec l'ensemble des pharmaciens, et tous les ajustements pourront se faire avant la mise en place du régime. Tout nous indique, jusqu'à maintenant, qu'il n'y a pas de difficultés insurmontables et que, pour les quelques personnes qui peuvent avoir une difficulté, ça se règle sur une base individuelle, qu'il n'y a pas de changement fondamental à faire au régime, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en complémentaire?

Mme Loiselle: S'il vous plaît, oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): En complémentaire.

Mme Loiselle: Il y a une réalité sur le terrain...

Une voix: Question!

Mme Loiselle: Oui. Un instant, la question s'en vient. Alors, M. le Président, est-ce que le premier ministre sait que, dans la grande région montréalaise, il y a des groupes sociocommunautaires qui sont obligés d'organiser des bingos afin de ramasser des fonds pour aider ces personnes à payer leur portion de frais pour obtenir leurs médicaments? Ça, c'est la réalité que vivent des personnes pauvres, à Montréal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je répète encore que nous suivons la situation sur une base hebdomadaire. Et toute l'information que j'ai jusqu'à maintenant, c'est que les personnes peuvent assumer le coût des médicaments, qu'il y a eu quelques mois qui ont été nécessaires pour l'ajustement dans les budgets des gens et que, quand il y a eu des cas, mais vraiment des cas individuels où, sur une base clinique, il fallait faire des arrangements, comme c'est le cas pour beaucoup de situations dans le réseau de la santé et des services sociaux... Quand on a un régime d'assurance-maladie, d'assurance-médicaments ou autre qui s'applique à plus de 7 000 000 de citoyens, il y a toujours à la limite quelques cas où il faut faire des arrangements particuliers pour aider les gens.

La situation, elle est suivie. Elle est suivie sur le terrain, avec les pharmaciens, les CLSC, et la régie régionale assure une supervision de l'ensemble du programme. Et le programme va continuer à fonctionner, va être appliqué pour l'ensemble des citoyens, en s'assurant qu'ils ont tous accès aux médicaments et que les problèmes sont réglés pour chaque cas selon leurs problèmes, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour une complémentaire.

Mme Loiselle: S'il vous plaît, M. le Président. Avec la réponse du ministre de la Santé, est-ce que le premier ministre réalise qu'il vient de nous confirmer deux choses, que vous n'avez pas l'intention de respecter l'appauvrissement zéro pour les personnes au Soutien financier afin de les soustraire de l'assurance-médicaments et que, par sa réponse, il vient de renier votre parole donnée de soustraire les personnes au Soutien financier à l'appauvrissement zéro?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.

M. Bouchard: En aucune façon. Il était très clair que l'engagement était pris pour des décisions qui n'étaient pas encore prises. Et, lorsque le gouvernement...

Non, non. Il faut être correct par rapport aux faits, n'est-ce pas? Le gouvernement, au Sommet, s'est vu présenter, par un groupe communautaire très élargi qui bénéficiait d'un grand soutien, une demande d'engagement d'appauvrissement zéro par rapport à toute décision éventuelle qui pourrait être prise concernant ce qu'on a appelé le «dernier quintile des personnes à faibles revenus». Et vous savez qu'au Sommet il y a eu une grande discussion à ce sujet et que la solution qui est sortie de cette grande discussion, de façon consensuelle, même au sein des groupes communautaires, pour partie, ça a été d'une part de prendre l'engagement que, pour l'avenir – pour l'avenir – le gouvernement ne prendrait aucune décision qui comporterait un quelconque appauvrissement des personnes qui sont affectées d'un handicap sévère ou permanent quant à leur possibilité de retourner au travail, assortie en plus d'un engagement de lever un fonds de 125 000 000 $ pour que ces gens-là puissent bénéficier de mesures spéciales afin de retourner à l'emploi. Cet engagement a été pris, il est respecté et il le sera.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée, en complémentaire, encore une fois.

Mme Loiselle: Oui. M. le Président, est-ce que le premier ministre réalise que cet engagement-là avait été pris il y a trois semaines au Sommet? Et est-ce qu'il trouve normal qu'on oblige des personnes démunies à aller quémander dans des groupes sociocommunautaires pour pouvoir payer leurs frais de médicaments? Est-ce que, comme premier ministre, il trouve ça normal que nos aînés soient obligés d'aller à l'opération Jeunesse au soleil pour pouvoir aller chercher un petit peu d'argent pour payer leurs médicaments? Parce que c'est ça, la réalité des démunis avec l'assurance-médicaments, M. le Président.

Une voix: La vérité.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: On veut vraiment généraliser, M. le Président, à partir de quelques cas pour lesquels j'ai dit...

(14 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous invite, s'il vous plaît... C'est une période de questions et de réponses, d'informations réciproques et non pas de défoulement collectif. Il y a d'autres lieux pour le faire, vous les connaissez très bien, alors attendez d'y être. M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il faudrait bien se rappeler que le régime qui est mis en place pour ceux qui ont les revenus les moins élevés, ceux dont parlent la députée, au maximum, ce que les gens peuvent être appelés à contribuer, c'est 50 $ par bloc de trois mois, et on recommence à zéro à chaque fois. On sait que, plus des deux tiers des gens qui sont des prestataires de la sécurité du revenu – en autant que je me rappelle des chiffres, bien, c'est de l'ordre de grandeur de plus des deux tiers – consomment de toute façon moins de 100 $ par année de médicaments. Donc, il n'y a pas beaucoup de gens qui sont dans une situation où ils ont à débourser beaucoup d'argent pour leurs médicaments. Ceux pour qui ça arrive, qui sont dans une situation où ils peuvent avoir de la difficulté, ce n'est pas l'ensemble du régime qui est à ajuster, c'est des solutions particulières, cliniques, sur une base individuelle qui sont apportées par les professionnels de la santé.

Si on veut généraliser, comparons aussi ce que ça permet de faire, ce programme-là. Il va y avoir 1 100 000 personnes qui n'avaient pas de couverture qui vont être assurées. Là-dessus, il y a 300 000 enfants qui ne vont rien payer, 500 000 personnes qui ont des revenus assez bas, même s'ils ne sont pas des prestataires de la Sécurité du revenu, qui ne vont payer aucune prime et, parmi les 300 000 autres, il y en a une forte proportion qui vont payer une prime partielle. L'ensemble de la population est très bien desservie par ce régime. Ceux pour qui ça peut poser un problème, encore une fois, on s'en occupe sur une base individuelle et personnelle, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, en complémentaire.

M. Farrah: Oui. Le premier ministre ne convient-il pas que, pour respecter son engagement de pauvreté zéro, il doit éliminer la contribution de 200 $ qui est exigée par le ministère de la Santé à l'égard des assistés sociaux? Sinon, comment peut-on croire le premier ministre alors qu'il s'est engagé justement au Sommet à l'appauvrissement zéro et, dans ce sens-là, qu'il demande aux assistés sociaux une contribution de 200 $ par année, eux qui n'ont pas le moyen de donner cette contribution-là, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre vient d'expliquer avec beaucoup de précision de quelle façon il traitait les cas sur une base individuelle où ça pouvait présenter un problème. Deuxièmement, par rapport à l'engagement contracté, je voudrais rappeler à la Chambre que cette loi et ce régime d'assurance-médicaments ont été adoptés il y a plusieurs mois et que l'engagement du gouvernement par rapport à l'appauvrissement zéro traite de tout ce qui va se passer à partir du moment où il a été pris. On ne peut pas refaire le passé. L'engagement a été pris pour l'avenir, et il est respecté, et il le sera.

Le Vice-Président (M. Brouillet): En complémentaire, Mme la députée.

Mme Loiselle: Oui, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans la réponse du premier ministre. Oui, oui, j'apprends au premier ministre que la décision d'abolir l'indexation a été prise en août dernier...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, voulez-vous rappeler, s'il vous plaît, à la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne qu'il existe des questions complémentaires sans préambule et des questions principales avec préambule.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la députée, vous débuterez par votre question complémentaire.

Mme Loiselle: Est-ce que le premier ministre réalise qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas avec la réponse qu'il vient de me donner, M. le Président, parce que la décision d'abolir l'indexation pour les personnes au Soutien financier a été prise en août dernier et qu'il vient de me dire, il y a quelques minutes, qu'il va accepter le mémoire de la ministre de la Solidarité de redonner l'indexation aux personnes au Soutien financier? Alors, moi, je dis juste au ministre de la Santé: Présentez un mémoire au premier ministre, et, s'il tient sa parole comme il vient de le faire tantôt pour l'indexation, il va vous accorder de soustraire les personnes au Soutien financier du régime d'assurance-médicaments.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense qu'il y a une grande confusion du côté de la compréhension de la situation, peut-être une confusion voulue, n'est-ce pas? En effet, l'inflation est un phénomène qui, d'année en année, ronge le pouvoir d'achat. C'est un phénomène d'appauvrissement en soi qui se répète régulièrement. Le gouvernement, pour maintenir l'engagement de ne pas appauvrir les gens à partir de l'avenir, sait très bien qu'il ne peut pas laisser l'inflation ronger, l'année prochaine, le niveau de vie et le pouvoir d'achat des personnes inaptes, comme on les appelle, et que donc, pour maintenir l'engagement qu'il a contracté justement, il se doit de ne pas mettre en vigueur cette mesure de suppression d'indexation qui devait entrer en vigueur le 1er janvier prochain.

Donc, c'est par logique et par respect des engagements que nous déciderons, j'en suis convaincu, au Conseil des ministres, sur la foi du mémoire qui nous sera présenté, de faire en sorte que l'indexation puisse avoir lieu sur le pouvoir d'achat, afin de le maintenir dans l'avenir et empêcher que l'avenir, par l'inflation, vienne appauvrir les gens touchés par cette mesure.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le premier ministre. M. le député de Laporte, pour une principale?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député.


Fardeau fiscal des contribuables

M. Bourbeau: M. le Président, une pluie de nouvelles taxes s'est abattue sur les Québécois au cours des dernières semaines. Nous avons appris successivement que le coût des permis de conduire était haussé de 2 $; le coût de l'immatriculation des véhicules, de 3 $; qu'une taxe de 2 $ par nuit était imposée sur les chambres d'hôtel; que le gouvernement taxait de nouveau les forfaits touristiques, 10 000 000 $; qu'une nouvelle taxe de 240 000 000 $ sur trois ans sera imposée à la suite du sommet socioéconomique. Et voilà maintenant que le gouvernement, semble-t-il, s'apprêterait à imposer une taxe de 60 000 000 $ sur le tabac.

Toutes ces taxes s'ajoutent à la taxe de 1 % sur la masse salariale pour la formation professionnelle, plusieurs centaines de millions de dollars; à l'augmentation de 2,5 % des tarifs d'Hydro-Québec, alors que le coût de la vie augmentera nettement moins; au coût de l'assurance-médicaments, 196 000 000 $. Sans compter que le ministre des Finances, lors du budget 1996, avait imposé des taxes totalisant 122 000 000 $ en 1997 et 250 000 000 $ l'année suivante, pour les années subséquentes aussi, par l'abolition de certains crédits d'impôt, tels que: pour les personnes vivant seules, 24 000 000 $; pour les personnes âgées, 26 000 000 $; pour les revenus de retraite, 22 000 000 $...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai permis un certain dépassement, mais je vous inviterais à poser votre question le plus rapidement possible. Vous aurez le temps de revenir en complémentaire. Votre question, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas de ma faute, la liste est trop longue. Je ne peux pas arrêter là. Enfin, M. le Président, j'aurais terminé en disant: La limitation d'aide à la retraite fiscale, 10 000 000 $. Je ne parle pas des municipalités, des commissions scolaires à qui on a aussi coupé.

M. le Président, ma question...

Des voix: Ah! Ah!

M. Bourbeau: Compte tenu que, dans le budget Campeau, le budget de l'ancien ministre des Finances, le gouvernement avait haussé les taxes sur la masse salariale et sur le capital d'une somme d'environ 600 000 000 $ par année, le premier ministre est-il conscient que, malgré sa promesse de ne pas hausser les impôts et les taxes des contribuables, le gouvernement du Parti québécois a rehaussé le fardeau fiscal des Québécois, particuliers et entreprises, de tout près de 2 000 000 000 $ par année depuis son accession au pouvoir, et n'est-on pas en droit d'affirmer qu'il y a tout un gouffre entre le discours du premier ministre et la réalité des faits?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, nous avons fait étudier cette question très sérieusement dans les archives du ministère des Finances – c'est facile à faire – plus la Commission de la fiscalité, qui nous a donné des réflexions très pertinentes sur cette question. Et nous nous rendons compte que, si nous avions comme marge de manoeuvre le quart des taxes qui ont été imposées par l'administration précédente, le quart seulement, on n'aurait aucun problème budgétaire.

Non seulement vous avez augmenté les impôts et taxes à un rythme qui diminue largement nos possibilités de le faire nous-mêmes... Je ne parle pas du fait qu'on collecte les impôts, par ailleurs, et ça, c'est vrai. Nous avons une lutte sérieuse au travail au noir. Nous percevons ce qui nous est dû. Le Vérificateur général vous a accusés combien d'années de suite de ne même pas vous pencher pour ramasser l'argent qui vous était dû. Il y en avait à hauteur de 2 000 000 000 $. C'est vrai que cet argent-là va rentrer en plus. Ce ne sont pas des nouvelles taxes, c'est simplement glaner les fruits de votre négligence.

Des voix: Ah! Ah! Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Laporte, en complémentaire.

(14 h 30)

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le premier ministre ou le ministre des Finances a oublié que, sous l'administration précédente, une famille québécoise a vu systématiquement ses taxes baisser? Alors qu'au début on payait des taxes à partir de 10 000 $ par ménage avec deux enfants, à la fin, ce seuil-là avait été élevé à 26 000 $ de revenus. Ça, c'était sous l'administration libérale.

Des voix: Bravo!

M. Bourbeau: Mais, puisque, M. le Président, selon les propos mêmes du ministre des Finances... Je ne vois pas pourquoi le premier ministre rit; ce n'est pas drôle...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, s'il vous plaît, s'il vous plaît! S'il vous «Blais»! Alors, M. le député de Laporte, je vous inviterais à être dans l'ordre des questions et non pas des éléments de débat.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai été interrompu par les rires du premier ministre. Puisque, M. le Président, selon les propos mêmes du ministre des Finances, l'impôt tue l'emploi, selon ses mots, n'y a-t-il pas un grave danger, justement, que l'accumulation de toutes ces nouvelles taxes, charges fiscales, ne vienne étouffer la croissance économique et, par conséquent, tuer les emplois au Québec, comme on l'a vu: une baisse d'emplois de 54 000 depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement du Parti québécois?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, nos actes nous suivent, et ça s'applique singulièrement à ceux qui nous ont forcés à amorcer ce vigoureux redressement des finances publiques. Ça traîne dans tous les journaux. Plusieurs milieux nous accusent d'aller trop vite même et d'aller trop raide; ils voudraient que notre objectif de déficit zéro soit reporté. Et nous avons dit de façon consensuelle, au Sommet de janvier et au dernier, non pas comme objectif de gouvernement mais comme objectif de société, que nous allons corriger votre gabegie. Nous allons remettre de l'ordre dans les finances publiques. Vous nous avez laissé un déficit de 6 000 000 000 $, alors que toutes les provinces du Canada, y compris les plus modestes, s'en allaient vers des surplus. C'est ça que vous avez fait. Et je comprends que c'est ingrat de jouer le rôle de l'opposition, mais, pour poser les questions que l'ancien ministre des Finances vient de poser, il faut avoir un certain culot.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Robert-Baldwin.


Réforme de la santé et des services sociaux

M. Marsan: M. le Président, le ministre de la Santé a enfin déposé hier la liste des autorisations d'emprunt qui atteignent un niveau record de 271 000 000 $ au 30 septembre dernier, ce qui laisse présager des déficits jamais vus dans les établissements de santé d'ici à la fin de l'année. Le gouvernement est en train de pelleter son déficit dans la cour des hôpitaux.

S'ajoutent à cela, M. le Président, selon la Conférence des régies régionales, les alliées du ministre de la Santé, des compressions additionnelles pour l'an prochain de l'ordre de 900 000 000 $, signifiant l'abolition de 8 000 postes. Si la sécurité d'emploi demeure ce qu'elle est dans les conventions, ces 8 000 employés seraient payés à la maison, puisqu'on ne pourrait les replacer ailleurs dans le réseau, toujours selon la Conférence des régies régionales.

Ma question, M. le Président: Le ministre, qui a tout prévu jusque dans les moindres détails, a-t-il prévu renier sa signature et rouvrir les conventions collectives dans le milieu de la santé?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Deux points, M. le Président, vu que la question avait deux volets. D'abord, la liste qu'on a déposée, l'information au sujet des emprunts, j'espère que le député de Robert-Baldwin va être capable de prendre un peu plus de temps pour la regarder comme il faut, parce que toute l'information est là. Mais, encore une fois, il a vu un peu de travers.

Il y a deux éléments qui financent les emprunts que font les établissements, je l'ai très bien expliqué déjà: il y a le roulement normal des immobilisations et des projets qui sont financés sur de l'emprunt autorisé par le réseau, comme toujours, et il y a en plus, depuis la transformation, un programme additionnel d'emprunt pour capitaliser les coûts de la transition du système, soit au titre de la sécurité d'emploi du personnel ou pour pouvoir, effectivement, développer des nouveaux services sur une base ambulatoire, avant de faire la fermeture de lits d'hôpitaux, par exemple. Donc, on paye pendant une période à deux places en même temps pour faire le transfert. Chaque entreprise qui fait une restructuration, une transformation la finance, sa transformation comme telle. Or, dans le chiffre total de 271 000 000 $, qui est le pouvoir d'emprunt qui a été augmenté par le Conseil du trésor pour financer aussi la transition, si on prend la partie normale, courante des immobilisations, ça représente 179 000 000 $. Là-dedans, le 91 000 000 $, c'est le programme spécial de transformation. Si on compare le 179 000 000 $ régulier à ce que ça coûtait avant sous un ancien gouvernement, en mars 1993, par exemple, et mars 1994, mars 1994, c'était à 193 000 000 $, pas 179 000 000 $, le roulement du déficit à emprunter, et en mars 1991, c'était à 228 000 000 $. Alors, le fonctionnement normal du régime, il est très sain, M. le Président, et le nouveau pouvoir d'emprunt finance une transformation selon un plan prévu. Maintenant, en parlant de prévisions en termes de plan...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, en conclusion.

M. Rochon: Je termine. En parlant de respect de signatures, on a justement, parce qu'on avait un plan sur trois ans, prévu, quand on a signé des conventions collectives, à l'automne dernier, une clause où les parties convenaient qu'elles se rassoiraient ensemble après un an, un an et demi pour faire le point sur l'évolution de la transformation, compte tenu du contexte budgétaire, et pour faire des modifications nécessaires pour rencontrer les objectifs, y compris à la présente entente. Alors, c'était prévu, c'est signé, et on va évidemment respecter cette signature.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député, en complémentaire?

M. Marsan: Oui, M. le Président. Est-ce que le gouvernement cessera de tenir son double langage, lui qui promettait dans son spectacle du Sommet de Montréal de créer des emplois, alors que dans les faits ce gouvernement empêche les jeunes diplômés, surtout les jeunes femmes, de travailler, d'avoir accès à des emplois du milieu de la santé? Et, comme si ce n'était pas assez, eh bien, le ministre veut maintenant couper 8 000 postes additionnels dans le réseau, dont plusieurs d'entre eux seraient payés à ne rien faire à la maison.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, 8 000 emplois qui pourraient être perdus, c'est 8 000 emplois qui seraient dans cette situation si on ne faisait rien. Or, on a prévu qu'on va faire quelque chose, et les partenaires l'ont prévu en signant la convention. Alors, on va faire quelque chose. Il y a différentes propositions sur la table. Il y a d'abord la proposition qui a été faite pour l'ensemble des employés de la fonction publique, du réseau de l'Éducation et de celui de la Santé et des services sociaux, qui va permettre de régler une partie du déficit prévu pour l'an prochain, une partie des économies et, pour ce qu'il peut y avoir de plus à faire, il y a déjà une clause de prévue où les parties peuvent faire des accommodements au niveau de l'organisation du travail, de l'organisation des services pour aller chercher des économies additionnelles. C'est déjà présentement en discussion dans l'ensemble du réseau, et il y a des possibilités de ce côté-là.

Maintenant, l'objectif qui est prévu maintenant que la transformation est amorcée, pour le réseau lui-même, c'est de stabiliser la main-d'oeuvre – et c'est ce qu'on a dit lors du Sommet, si le député était là à ce moment-là – avec l'objectif qui est déjà prévu et annoncé, et, avec l'amélioration des mesures de mobilité, vous allez avoir des programmes particuliers pour faciliter à une certaine partie de cette main-d'oeuvre de s'orienter dans d'autres secteurs, de pouvoir développer des carrières ailleurs, et il y a de prévu un potentiel...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre...

M. Rochon: ...de développement d'emplois important à partir de partenariats du système de la santé avec d'autres domaines, par exemple dans le secteur des technologies, où il y a beaucoup de nouveaux types d'emplois qui vont pouvoir se développer à partir du système de santé, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de l'Acadie, en principale?


Dépenses du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration

M. Bordeleau: En principale, oui, M. le Président. Alors, hier, j'ai signalé certaines dépenses gouvernementales qui sont loin de constituer des exemples qui permettent aux citoyens de prendre au sérieux le discours de rigueur administrative de ce gouvernement. Malheureusement, les jours se suivent et se ressemblent. Est-ce que le premier ministre trouve normal qu'un de ses ministres dépense plus de 25 000 $ en frais de voyage dans un seul mois auprès d'une agence de voyage de son propre comté?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Plutôt que de jouer aux devinettes, est-ce que le député pourrait peut-être nommer le ministre, à ce moment-là, pour qu'on puisse donner une réponse adéquate à la question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de l'Acadie.

(14 h 40)

M. Bordeleau: Ah oui! Comme on doit comprendre que ça fait une différence pour le premier ministre, le ministre concerné et non pas le fait, alors je vais préciser: Est-ce que le ministre des Relations avec les citoyens peut expliquer à la population ce qui justifie, selon les engagements financiers de son ministère, encore au mois d'octobre 1996, une dépense de 25 000 $ pour frais de voyage faite auprès d'une agence de voyages dans le comté de Gouin, son comté?

Des voix: Oh!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, d'abord, je reviendrai mardi sur la question des taxis, et, si j'attends jusqu'à mardi pour le faire, c'est que je ferai le relevé des dépenses de la députée de Sherbrooke alors qu'elle était ministre, et l'opposition sera fort surprise des réponses qu'elle va obtenir.

Une voix: Pas Sherbrooke, pas Sherbrooke!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: La députée de Saint-François. Je m'excuse. Je m'excuse, la députée de Saint-François. Et je pense que la députée de Saint-François rougira lorsqu'elle verra ce que son cabinet, ce que le ministère, alors qu'elle le dirigeait, a dépensé en frais de taxi.

Deuxièmement, quant à la question des voyages, je suis bien étonné, M. le Président, d'avoir une question comme celle-là, parce que jamais depuis mon entrée en fonction je n'ai voyagé à l'étranger. Le seul voyage que j'ai fait, c'est dans les Maritimes et à Toronto pour des conférences fédérales-provinciales.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Est-ce que le ministre, qui est supposé être le ministre responsable de son ministère, peut au moins vérifier pourquoi apparaissent 25 000 $ de dépenses de voyage dans un seul mois, octroyées à une agence de voyages de son comté, plutôt que de tenter de se camoufler derrière la responsabilité de ses fonctionnaires?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, ma responsabilité, c'est d'abord de voir aux politiques, aux programmes, de faire en sorte de donner des orientations. Quant au ministère dont j'ai la responsabilité, il y a dans ce ministère une sous-ministre, une équipe qui s'occupe de l'administration. Toutes les dépenses sont visées, elles sont vérifiées par des gens qui sont compétents et qui sont nommés pour voir à ce travail, et tout se fait dans le plus grand, je pense, respect du public et du bien commun.

Quant à la question particulière de savoir qui a voyagé, où les billets d'avion ont été achetés, ou les billets de train ou je ne sais trop ont été achetés, je vérifierai. Mardi, j'aurai l'occasion de revenir sur la question des taxis. Je reviendrai mardi sur la question des voyages. Mais je peux vous dire, M. le Président, qu'encore une fois on constatera que l'incurie, c'est en face de nous qu'elle se retrouve.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de l'Acadie, pour une complémentaire.

M. Bordeleau: Oui. M. le Président, je demande le consentement de la Chambre pour déposer les engagements financiers du mois d'octobre du ministère des Relations avec les citoyens, qui démontrent un montant de 25 995 $ de frais de voyage à l'étranger qui ont été payés à l'agence de voyages Solex Jonica ltée, dans le comté de Gouin.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le document est déposé? Alors, M. le leader de l'opposition, pour une principale?

M. Paradis: Non, en complémentaire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une complémentaire. M. le leader.

M. Paradis: Est-ce que le premier ministre endosse les propos de son ministre, qui refuse d'assumer la responsabilité ministérielle devant l'Assemblée nationale des agissements du ministère, reniant ainsi des propos qui ont été prononcés par son prédécesseur, M. Jacques Parizeau, en cette Chambre?

Une voix: Oui. Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'endosse tout à fait les propos du ministre quand il nous dit qu'il va faire les vérifications qui s'imposent comme ministre et qu'il rapportera à la Chambre mardi prochain les résultats de ses vérifications. Ça me paraît être l'exercice de ses responsabilités ministérielles.

Une voix: Bien oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que le premier ministre endosse la réponse fournie hier en cette Chambre par son ministre à l'effet que ce sont les fonctionnaires qui sont responsables de ces dépenses et la même réponse qu'il a réitérée aujourd'hui à l'effet que ce sont les fonctionnaires qui sont responsables et non le ministre?

Une voix: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je ne pense pas que c'est une grande nouvelle à annoncer que nous reconnaissons la responsabilité ministérielle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Nous savons que tous les ministres sont les chefs de leur ministère, qu'ils doivent répondre devant l'Assemblée nationale et la population aussi bien de la gestion des fonds qui leur sont confiés que de la définition des politiques et de tout, que les ministres, dans l'exercice de ces fonctions et de ces responsabilités, sont assistés de sous-ministres qui sont les sous-chefs des ministères... ce qui va, par exemple, en particulier dans le cas du ministère des citoyens, aider le ministre à faire la vérification qui s'impose et que c'est le ministre qui va répondre à la Chambre et qui est responsable de la totalité de ce qui se passe dans le ministère.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition, pour une principale?

M. Lefebvre: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une principale.


Réorganisation des services de police au Québec

M. Lefebvre: M. le Président, après les étudiants, les enseignants, les travailleurs de la santé et les aînés, voici que d'autres groupes viennent s'ajouter au sommet de la confrontation organisé par le gouvernement puis son premier ministre. En effet, le projet de loi n° 77, loi qui vise à modifier la Loi de police, déposé le 14 novembre par le ministre de la Sécurité publique, a de graves conséquences. Il soulève toutes sortes d'inquiétudes: entre autres, mise en tutelle des municipalités pour l'organisation de leur corps de police; 40 000 000 $ de nouvelles taxes pour payer les services de la Sûreté du Québec; 8 000 000 $ de nouvelles taxes imposées aux municipalités pour financer l'Institut de police de Nicolet; fermeture d'une quarantaine de postes de la Sûreté du Québec, partout en région, qui est toujours dans l'air; baisse dramatique des effectifs de la Sûreté du Québec, sous-budgétisés et, en plus, sous enquête publique.

Est-ce que le ministre de la Sécurité publique, qui a à date totalement ignoré les mises en garde des élus municipaux et dont le projet de loi n° 77 met en confrontation la Sûreté du Québec et les policiers municipaux, peut prendre aujourd'hui l'engagement de tenir des consultations publiques ici, à l'Assemblée nationale, avant même de commencer le débat sur le principe du projet de loi n° 77 qu'à peu près tous les intéressés condamnent déjà? Est-ce que le ministre de la Sécurité publique va avoir l'humilité de consulter, d'écouter avant de s'embourber une autre fois dans une autre crise dont il est passé maître, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. M. le Président, je pense que le député de l'opposition et moi-même ne faisons pas du tout la même lecture de la réalité. J'ai eu l'occasion cet été de parcourir tout le Québec, j'ai rencontré plus de 700 maires et préfets sur tout le territoire, j'ai rencontré l'ensemble des directeurs des corps de police, je suis allé à la Table Québec-municipalités, et ce que je sais, ce sont les choses suivantes: l'Association des directeurs de police du Québec est favorable au projet de loi, le syndicat des policiers de la Sûreté du Québec est favorable au projet de loi. J'ai rencontré les représentants des syndicats des policiers municipaux, qui sont favorables au projet de loi, l'Union des municipalités du Québec, qui représente plus de 5 000 000 des contribuables du Québec, est favorable au projet de loi.

Il est exact que ce projet, cependant, dépasse la réforme de la carte policière du Québec attendue par bien des gens. C'est une réforme majeure, elle n'est pas sans bousculer un certain nombre de choses, mais elle n'est pas non plus sans rétablir de l'ordre dans ce qui en avait besoin, et c'est attendu par la grande majorité des gens. Il est vrai, toutefois, que le projet de loi aborde également d'autres questions, notamment en matière de coût du financement de la formation policière, dans le cas de l'Institut de police du Québec, et il me semblait, dans ce cas-là, nécessaire d'en arriver rapidement à convaincre l'ensemble des corps de police au Québec de concentrer l'essentiel de leur budget de formation à ce qui est la base même de la formation des policiers plutôt que d'assister, comme parfois on assiste malheureusement un peu trop, à des dépenses qui s'en vont dans toutes les directions, et donc de replacer l'essentiel des efforts des municipalités au coeur même des enjeux de la formation des policiers au Québec, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le leader adjoint, en complémentaire.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre comprend, là... En fait, je comprends de sa réponse qu'il ne comprend pas...

Une voix: Sur quelle planète? Quelle planète?

M. Lefebvre: ...qu'il y a urgence, avant même de commencer le débat comme tel, avant même l'adoption du principe, d'entendre, entre autres, l'Union des municipalités du Québec, qui dit que le projet de loi n° 77 est une ingérence gouvernementale inacceptable, d'entendre l'UMRCQ, qui, par sa présidente, a fait les commentaires suivants, et je vais en citer quelques-uns.

Une voix: Non, non. Non, non.

Une voix: Bien oui, il peut.

M. Lefebvre: Il n'y a pas de limite... M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! En complémentaire...

Une voix: En principale.

(14 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): En principale?


Audition des représentants municipaux concernant la réorganisation des services de police au Québec

M. Lefebvre: En principale. Principale, M. le Président. Alors, l'Union des municipalités du Québec, qui parle d'une ingérence gouvernementale inacceptable, Mme la présidente de l'UMRCQ, Jacinthe Simard, qui cite, entre autres... Je vais citer quelques-uns de ses commentaires: «Projet de loi n° 77, il n'y a pas de limite à l'audace du gouvernement Bouchard pour refiler des factures aux contribuables. Les citoyens sont pris en otage. Faire des élus municipaux des percepteurs de taxes, ce n'est pas intelligent. Invoquer la convention collective de la Sûreté du Québec, ce n'est pas intelligent.» M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis. Dernier commentaire de Mme Simard: «Le ministre de la Sécurité publique, il n'est pas intelligent.»

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: M. le Président... Non, non...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je suis certain que vous avez été à même de constater que le député de Frontenac s'est emporté, qu'il a utilisé des propos antiparlementaires. Et je voudrais vous rappeler, M. le Président, une décision qui a été rendue – j'ai la décision ici – par Jean-Pierre Saintonge, en 1986, à l'effet qu'on ne peut pas lire un extrait de journal dans lequel il y a des propos antiparlementaires. On ne peut pas permettre ça en Chambre, M. le Président. Et alors, je vous réfère à la page 18 de notre Recueil des décisions: On ne peut pas faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement. Donc, c'est tout à fait antiparlementaire, ce qu'a fait le député de Frontenac. Et je suis certain qu'en gentleman qu'il est il va retirer les paroles qu'il a faites.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, je pense que je suis assez éclairé sur la situation. Il faudrait éviter des débats à l'occasion de rappels au règlement. Brièvement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Tout en reconnaissant, M. le Président, que la compétence de la présidence peut s'étendre, je ne vois pas comment vous pourriez ordonner à Mme Jacinthe Simard de retirer ses paroles.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Écoutez, là! Je reconnais qu'on ne peut pas non plus abuser des citations et employer des citations avec des propos antiparlementaires. Je crois que le respect mutuel qu'on se doit... Nous devons respecter cette ligne. Maintenant, quant à retirer, je ne le demanderai pas, parce que, en l'occurrence, c'est assez difficile de dire que ça n'a pas été écrit, finalement. Vous l'avez dit, donc on le sait, et ce n'est pas vous qui l'avez dit. Donc, à ce moment-là...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader, je vous demanderais de ne pas récidiver.

M. Lefebvre: M. le Président, je ne peux pas évidemment retirer les propos prononcés par Mme Jacinthe Simard. Elle parle au nom de 1 400 municipalités au Québec.

M. le Président, de tels propos, globalement, est-ce que ça n'oblige pas le ministre de la Sécurité publique, d'urgence, avant même d'adopter le principe du projet de loi n° 77, d'entendre tous les intervenants? C'est ça que je demande au ministre. C'est ce que ces gens-là attendent partout au Québec, de pouvoir s'expliquer, d'écouter le ministre avant que le débat commence comme tel. C'est ça que je demande au ministre de la Sécurité publique.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je vais essayer de faire la réponse la plus intelligente possible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perreault: M. le Président, je suis probablement le seul ministre de la Sécurité publique qui a eu l'occasion de rencontrer sur le territoire autant de maires, tous les préfets et tous les directeurs des corps de police du Québec et les directeurs de districts. Je ne suis pas fermé à ce que, dans le cadre du travail qui se fera sur l'étude du projet de loi, on puisse réentendre certains des points de vue. Je ne suis pas fermé à ça, bien au contraire.

En terminant, M. le Président, je voudrais dire ceci. Je ne doute pas que la présidente de l'UMRCQ ait pris une décision extrêmement intelligente lorsque, contrairement à ce qu'elle prêche pour les autres municipalités du territoire du Québec, elle a décidé de choisir les services de la Sûreté du Québec pour assurer les services policiers à Baie-Saint-Paul.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, en complémentaire.

Mme Frulla: Oui, est-ce que le ministre de la Métropole peut prendre partie en faveur des payeurs de taxe de l'île de Montréal et exiger que le ministre de la Sécurité publique entende, avant l'adoption du projet de loi et non pas quand le projet de loi est dans le collimateur, les responsables de la CUM qui ont fermé leur budget en 1997, le budget 1997, et qui sont découragés parce qu'ils se voient obligés d'appliquer une facture de 3 200 000 $ en fonction de la future taxe Perreault qui servira à financer l'Institut de police de Nicolet?

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys vient d'enfreindre notre règlement, je pense. On ne peut désigner, on ne peut nommer un député en cette Chambre autrement que par son titre ou par le comté qu'il représente. Donc, c'est tout à fait antiparlementaire, je vous le soumets respectueusement, et on ne peut le faire, on ne peut procéder ainsi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Tout le monde sait qu'on ne doit pas désigner les membres par leur nom mais par le titre de leur fonction. Alors, je vous inviterais à ne pas revenir sur cela. Alors, vous pouvez terminer votre question, et nous céderons la parole à M. le ministre après.

Mme Frulla: M. le Président, question de vocabulaire. Parfait, vous avez raison. Alors, est-ce que le ministre de la Métropole pourrait demander à son collègue, s'il vous plaît, d'entendre la CUM, parce que, le 3 200 000 $, les contribuables vont être obligés de le payer pour le budget 1997, qui est fermé?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: J'ai peine à comprendre la question. C'est vrai que je n'ai pas compris les derniers mots qui venaient après la taxe du nom que vous avez nommé tout à l'heure.

Des voix: ...

M. Ménard: Non, au contraire, la réforme entreprise par le ministère de la Sécurité publique m'apparaît rétablir plus de justice dans le paiement des contribuables à travers le Québec pour les frais de police. Alors que les contribuables de la CUM paient des services policiers complets, c'est-à-dire les escouades spécialisées, la réforme du ministre de la Sécurité publique actuellement vise à amener les municipalités qui ne paient pas ces services à une contribution plus grande que ce qu'elles fournissaient avant. Et ça fait longtemps que les autorités de la CUM demandent, sous forme de compensation, qu'on rétablisse cette justice. Plus la réforme va avancer, moins ces compensations seront nécessaires, ce qui ne veut pas dire qu'on ne pourrait pas songer à les donner à un moment où à un autre, l'idée étant que chaque citoyen du Québec paie une part comparable des services de police dont il bénéficie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. C'est la fin de la période des questions orales et écrites.


Réponses différées

Alors, nous allons passer aux réponses différées. Mme la ministre de l'Éducation répondra maintenant à des questions posées le 20 novembre 1996, tout d'abord, par M. le député de Marquette. Mme la ministre.


Matériel requis pour le cours de mathématiques 436 au secondaire

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être brève, d'être précise. En réponse à la question, donc, du député de Marquette sur le fait que, depuis cinq jours, il me questionne sur un programme que j'ai approuvé, dit-il, et dont je n'étais pas au courant des implications, je reprends donc la démonstration suivante.

D'abord, si le député avait clairement posé une question le premier jour au lieu d'aller d'insinuations emberlificotées en suppositions incompréhensibles, il m'aurait été facile de lui répondre. Au lieu de cela, il a fait faire des recherches et a, pour ce faire, mobilisé des fonctionnaires du ministère et gaspillé les deniers publics.

Des voix: Ah!

M. Paradis: M. le Président.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition.

(15 heures)

M. Paradis: Oui, un simple rappel à l'article 35, particulièrement au sixième alinéa de l'article 35 de notre règlement, M. le Président. Au lieu de tenter de faire de la diversion, est-ce qu'elle peut répondre clairement et avec transparence à la question, elle qui a favorisé l'achat de calculatrices?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous demanderais de répondre à la question, s'il vous plaît, Mme la ministre.

Mme Marois: Bien sûr, M. le Président, mais je ne fais que rapporter les faits, évidemment. Je répète donc au député que le programme n'impose pas l'utilisation de la calculatrice à affichage graphique et que le choix de demander aux parents de l'acheter est venu de l'initiative des commissions scolaires ou des écoles. D'ailleurs, le député peut vérifier auprès des commissions scolaires Harricana, Sainte-Croix – et celle-là, je crois qu'il l'a déjà vérifiée – de La Jeune-Lorette et Chomedey de Laval. Ces dernières offrent le programme de mathématiques 436 sans utiliser la calculatrice comme complément à l'enseignement et à l'apprentissage, M. le Président. Des fonctionnaires de mon ministère ont vérifié spécifiquement dans ces cas précis. De plus, c'est lors de la conception d'un programme qu'il faut se pencher sur ce genre de question et évidemment lorsqu'il est terminé.

En outre, je voudrais souligner au député de Marquette que nous avons dépassé le stade du boulier chinois et qu'il faut de plus en plus que nous nous tournions vers les nouvelles technologies. Je présume que le député ne souhaite pas plus que moi que les jeunes sortent de nos écoles inadaptés aux nouvelles réalités informatiques.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Non, M. le Président, les jeunes ne sont pas tenus d'acheter la calculatrice à affichage graphique, je me tue à le répéter. Cependant, je trouve que cela est fort intéressant pour eux d'avoir la chance d'apprendre à manipuler du matériel nouveau qui est internationalement reconnu et utilisé. Je ne fais pas référence à la TI 80 ni à la TI 82 mais à toutes les espèces de calculatrices à affichage graphique qui existent, quelle que soit la marque de commerce. C'est pourquoi je répète que je trouve intéressante l'idée des commissions scolaires – et c'est ce que j'ai déjà dit – de mettre à la disposition des enseignants et des jeunes des trousses de calculettes. Le fait que deux élèves partagent une même calculette ne pénalise pas ces derniers. Les parents sont alors libres, bien sûr, d'en acheter ou d'en louer s'ils le souhaitent, mais il n'y a nulle part, nulle part obligation ou nécessité en ce sens, M. le Président.

Enfin, je crois que toutes et tous ici me trouveraient complètement irresponsable, et je vous dirais même démagogue, si j'avançais que l'État pourrait maintenant, dans le contexte des finances publiques, et même plus tard, dans le contexte du développement et du renouvellement rapide des nouvelles technologies, fournir à chacun des élèves tous les nouveaux outils pédagogiques, M. le Président. Nous utilisons des moyens collectifs de les rendre disponibles au moindre coût.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Marquette, pour une complémentaire.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre n'a-t-elle pas compris la préoccupation des parents? Lorsque la ministre dit qu'elle va acheter 5 000 calculatrices pour 40 000 élèves, calculatrices obligées par son programme d'études, les parents ont compris qu'ils vont devoir compenser s'ils veulent que leur enfant réussisse le cours de mathématiques 436. C'est ça qui est le fond du problème. Si elle lisait la lettre des parents, elle l'aurait déjà compris.

Une voix: Exact. Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre, pour une dernière réponse.

Mme Marois: M. le Président, c'est bien sûr que j'ai lu attentivement la lettre des parents, mais le député n'a absolument mais rien compris de la réponse que je viens de lui donner. Je suis complètement estomaquée et découragée. Je viens de lui dire qu'on n'en a pas besoin, de la calculatrice. Cependant, évidemment c'est souhaitable qu'on en ait, si on ne veut pas revenir au boulier chinois. Mais, à partir de là, le programme n'a pas été conçu pour la calculatrice; les parents n'ont pas à l'acheter. Je rassure les parents, les commissions scolaires vont offrir du matériel à ceux... c'est-à-dire que, dans les commissions scolaires, certaines offriront du matériel, tant mieux! Parce que je crois que c'est souhaitable qu'il en soit ainsi. Mais ce n'est pas obligatoire dans le programme. Est-ce que le député va finir par comprendre, M. le Président?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons, s'il vous plaît, passer à l'autre réponse différée. S'il vous plaît, je vous inviterais à quelque temps, là, de silence, à écouter. Mme la ministre, une réponse à une question posée par M. le député de l'Acadie.


Conflits d'intérêts possibles liés à la mise en place du cours de mathématiques 436 au secondaire

Mme Marois: À la première question du député de l'Acadie, à savoir si je trouve normal que M. Smith, un des concepteurs du programme de mathématiques 436, connaissait M. Breton, coauteur d'un des manuels, je répondrai ceci: les lignes directrices de ce programme, je le répète, ont été initiées alors que le député de Westmount–Saint-Louis était ministre de l'Éducation.

Des voix: Oh!

Mme Marois: La question des calculatrices à affichage graphique a été considérée au moment de la tenue du premier comité consultatif du programme, toujours au printemps 1994, M. le Président...

Des voix: Ah!

Mme Marois: ...alors que le député de Westmount–Saint-Louis était ministre de l'Éducation.

Des voix: Ah!

Mme Marois: Il faudrait alors demander...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon! S'il vous plaît! On va se ressaisir un peu pour terminer la période, là. Alors, Mme la ministre, si vous voulez continuer votre réponse. Question de règlement, rapidement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, l'article qui prévoit les réponses prévoit qu'on doit assumer ses responsabilités. Le député de Saint-Louis n'a jamais rien signé. C'est vous qui avez signé, et vous avez dit qu'en signant vous favorisiez...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une question de règlement, ce n'est pas l'occasion d'entreprendre une réponse à une réponse. Vous le saviez, M. le leader, vous le saviez. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, effectivement, j'ai bien dit, M. le Président, que j'essayais d'être très précise et très claire. Je dis «a été initié». Je ne renonce pas à mes responsabilités, je les assume plutôt pleinement. Alors, est-ce que, à ce moment-là, cependant... Parce que c'est important. N'oubliez pas, là, qu'il y a la tenue d'un premier comité consultatif au printemps 1994, et on se questionne sur les outils didactiques qui pourraient être souhaitables pour l'application du programme. Alors, je dis: Il faudrait alors demander au député de Westmount– Saint-Louis si à ce moment il s'était assuré qu'il n'y avait pas de collusion entre le concepteur choisi par le ministère et d'éventuels vendeurs de calculatrices, puisqu'il est le seul qui peut répondre à cette question, M. le Président.

Des voix: Oh!

Mme Marois: Ceci étant dit et pour me porter à la défense du député de Westmount–Saint-Louis, que ses collègues vont finir par mettre dans l'eau chaude s'ils continuent...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: ...j'aimerais ajouter que le monde des mathématiciens, et son collègue de Verdun le sait très bien, n'est pas si grand, au Québec, et qu'il me semble normal qu'ils se connaissent entre eux. Tous les autres programmes que j'ai approuvés ont tous d'ailleurs été initiés lorsque l'opposition était au pouvoir: le député de Westmount–Saint-Louis, Mme Robillard, M. Ryan. Alors, quand l'opposition aura des interrogations au sujet de programmes, avant de saisir la Chambre d'affaires aussi transcendantes que celle de la mathématique 436, je me permets de lui suggérer une séance d'auto-interrogation.

Maintenant, la deuxième question du député de l'Acadie, à savoir si je peux m'assurer que, en approuvant d'autres programmes, par ma signature, je n'ai pas autorisé d'autres concepteurs à se mettre dans une telle situation de conflit d'intérêts, je vais expliquer le fonctionnement de l'adoption d'un programme, ce qui permettra à toute cette Chambre d'être mieux informée et ainsi de pouvoir poser des questions, je dirais, plus réalistes, finalement.

Alors, je commence, et ce sera court, M. le Président. Quand le ministère décide d'entreprendre le remaniement d'un programme d'études, une évaluation du programme est faite à partir de recommandations de commissions scolaires et du Conseil supérieur de l'éducation. Par la suite, une consultation est menée dans le milieu pour déterminer les attentes de ce dernier à l'égard du contenu. Il y a donc rencontre d'un comité d'orientation. Ce comité est formé de membres d'associations professionnelles, de cadres scolaires, de conseillers et de conseillères pédagogiques, d'enseignantes et d'enseignants, de didacticiens, de chercheurs et d'étudiants universitaires. Suite à cette rencontre, le responsable du programme d'études au ministère de l'Éducation choisit celles et ceux qui seront concepteurs du programme en fonction, et je tiens à le préciser, de leur compétence reconnue dans leur milieu et du type de programme à élaborer. Par la suite, un comité de consultation est constitué et rencontré à quatre reprises par le ministère... J'ai terminé, M. le Président.

(15 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je reconnais que la réponse commence à être longue, mais il n'y a pas de temps limite imposé par le règlement. C'est le temps nécessaire, et, étant donné que ça fait quatre à cinq séances que nous en parlons et que nous avons des questions, j'ai toléré une réponse un peu plus longue. Terminez, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je reprends le début de ma phrase. Par la suite, un comité de consultation – s'ils écoutaient, par exemple, ça les aiderait pour les questions suivantes – est constitué et rencontré à quatre reprises par le ministère et les concepteurs afin, bien sûr, on le comprendra, de valider le contenu du programme et d'y apporter les changements si besoin y est. Une invitation est alors faite, et seulement à ce moment-là, à toutes les maisons d'édition de rencontrer le ministère afin de les renseigner sur le programme d'études, parce que les maisons d'édition, c'est normal, ont besoin d'une année pour élaborer le matériel. Puis il y a une première approbation administrative, c'est-à-dire que le sous-ministre et le sous-ministre adjoint approuvent le programme et non, je le rappelle, les manuels.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre, je vous inviterais à...

S'il vous plaît! Mme la ministre, je vous inviterais à vous en tenir aux têtes des chapitres qui restent, s'il vous plaît, à conclure.

Mme Marois: Le programme est donc renvoyé en révision et en relecture et doit obtenir l'avis des comités confessionnels du Conseil supérieur de l'éducation: le Comité confessionnel protestant et le Comité confessionnel catholique. Sa version finale est alors présentée au ou à la ministre pour approbation. Alors... M. le Président, c'est mes deux dernières phrases. Le député conviendra que, s'il y a collusion, beaucoup de gens sont impliqués. Le député de l'Acadie souhaite-t-il aussi insinuer que tous ces gens sont de mèche pour tenter de vendre des calculatrices?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Rapidement, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, afin que toute la lumière soit faite sur la genèse de ce programme, il y aurait consentement à ce que le député de Westmount– Saint-Louis puisse répondre quant à son ex-responsabilité ministérielle.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, là, il ne faut pas tout mêler les choses. On a souvent exigé et revendiqué que c'était le gouvernement qui répondait aux questions et non pas l'opposition. Il ne faudrait pas commencer à exiger que ce soit l'autre qui réponde à nos questions. Alors, écoutez, je vous invite, s'il vous plaît – et, je pense, pour l'ensemble des membres de cette Chambre – à l'avenir, dans les réponses différées, à avoir un esprit de synthèse un peu plus marqué. J'ai été tolérant au point de départ parce que c'était un sujet qui revenait depuis plusieurs jours, mais ça a même débordé un peu la limite. Alors, je vous inviterais à l'avenir, tous ceux qui auront à préparer des réponses, à être un peu plus raisonnables dans votre temps.

Alors, nous sommes maintenant... Ah! il y a aussi une complémentaire possible de la part du député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, une belle tentative de noyer le poisson.

Une voix: Oui, oui.

M. Bordeleau: Habituellement, ce qui est clair s'énonce clairement et de façon succincte. M. le Président, est-ce que la ministre de l'Éducation, qui est aujourd'hui responsable du ministère de l'Éducation – alors, j'espère qu'elle le sait – peut nous dire quel est le degré d'indépendance qui existe – dont elle a la responsabilité de s'assurer – entre les concepteurs de programmes, les auteurs de manuels, les maisons d'édition et les vendeurs d'équipements? De quelle façon, concrètement, s'assure-t-elle qu'il y a indépendance au niveau des conditions d'engagement des concepteurs de programmes?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, depuis le début de l'affaire de la mathématique 436, le député de l'Acadie est allé d'insinuation en insinuation: l'adresse de M. Breton dans mon comté...

M. Paradis: M. le Président.

Mme Marois: ...la collusion entre M. Smith et M. Breton, et j'en passe. La liberté d'expression des parlementaires, M. le Président, l'immunité parlementaire, j'en conviens, sont essentielles à l'expression de la démocratie. Cependant, lorsque, par insinuation, on attaque la réputation d'individus qui n'ont d'autre choix que de se taire, je trouve le procédé odieux, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: J'invite donc le député de l'Acadie à s'excuser.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme la ministre n'a réfuté aucun des faits mentionnés par le député de l'Acadie, consentirait-elle, à ce moment-ci, à retirer les derniers propos qu'elle a prononcés...

Des voix: ...

M. Paradis: ...M. le Président, qui briment les droits de parole d'un député en cette Chambre qui a énoncé des faits, et aucun fait n'a été contredit, et qui s'est acquitté de son devoir de parlementaire de questionner une ministre qui a admis avoir favorisé la calculatrice?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Rapidement, M. le leader...

M. Bélanger: M. le Président je tiens à corriger les faits. Elle n'a pas dit que c'était le député qui était odieux, c'est le procédé.

Une voix: Voilà! Exactement!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la ministre a parlé d'insinuation, je crois que c'est un mot qui est assez acceptable parce que nous parlons tous assez souvent par insinuation. Le dernier mot, j'aurais préféré qu'elle ne le prononce pas, «odieux». C'est vrai qu'elle a qualifié le procédé, mais, comme on dit souvent en expression latine: Operatio sequitur esse.

Des voix: Oh! Oh!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Un grand principe de philosophie. Ha, ha, ha! Alors, j'ai toujours préféré qu'on ne qualifie pas d'odieux le résultat d'une opération ou d'une intervention d'une personne, parce que ça glisse facilement vers la personne. Alors, j'aurais préféré. Maintenant, je laisse chacun, si vous voulez, avec sa conscience et sa philosophie. Alors, ceci met fin à cette longue période de questions et réponses.


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée déplore l'incapacité du gouvernement d'élaborer une politique de relance de l'économie et de création d'emplois

Nous sommes maintenant aux votes reportés. Tel qu'annoncé précédemment nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de Mme la députée de Saint-François. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale déplore l'incapacité du gouvernement péquiste d'élaborer une politique cohérente et efficace de relance de l'économie et de création d'emplois.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François).

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Très bien. Une petite minute, s'il vous plaît, pour le temps que le calme revienne, et tout ça, là, et qu'on puisse entendre l'appel. Très bien, M. le secrétaire adjoint.

Le Secrétaire adjoint: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés qui sont contre la motion veuillent bien se lever.

(15 h 20)

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:30

Contre:68

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est rejetée.

Les motions sans préavis.

M. Copeman: Oui. M. le Président, je sollicite le consentement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous... Si vous voulez attendre une petite minute, s'il vous plaît, pour permettre aux députés qui ont à vaquer à d'autres occupations de le faire diligemment et calmement.

Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour votre motion sans préavis.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je sollicite donc le consentement de cette Assemblée afin de déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec s'associe aux plus de 100 députés fédéraux du Parti libéral du Canada, du Bloc québécois, du Nouveau Parti démocratique et du Parti réformiste, qui demandent aux banques et aux grands magasins qu'ils réduisent de 50 % le taux d'intérêt sur les cartes de crédit, et ce, dans les plus brefs délais.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement?

M. Bélanger: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Mardi, je serai en mesure de donner mon consentement à cette motion.

M. Paradis: M. le Président.

Une voix: C'est quoi, le problème?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, brièvement.

M. Paradis: Est-ce qu'il me serait permis à ce moment-ci de faire une proposition au leader du gouvernement? C'est sans doute parce qu'il a un agenda chargé aujourd'hui. Nous pourrions l'adopter, si c'est le cas, là, s'ils sont en faveur, unanimement, sans débat, de façon à ce que le message envers les institutions bancaires soit très clair et du Parlement fédéral et de l'Assemblée nationale du Québec.

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. C'est une motion qui est très importante, celle du député, et nous désirons la soumettre à notre caucus de députés. Alors, c'est pour ça que mardi, à ce moment-là, je serai en mesure de donner mon consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, nous y reviendrons mardi.


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 22 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué, soit le projet de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur les assurances, et le projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, le mardi 26 novembre 1996, de 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'économie et du travail procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, le mardi 26 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 47, Loi modifiant la Loi sur le paiement de certaines amendes, le mardi 26 novembre 1996, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Consentement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je vous rappelle que l'interpellation de demain, vendredi, 22 novembre 1996, portera sur le sujet suivant: Les compressions anticipées pour 1996-1997. M. le député de Westmount–Saint-Louis s'adressera alors à M. ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.

Je vous avise de plus que l'interpellation prévue pour le vendredi 29 novembre 1996 portera sur le sujet suivant: Les conséquences des compressions dans le domaine de l'éducation au Québec. M. le député de Marquette s'adressera alors à Mme la ministre de l'Éducation.

Avis de sanction

Je vous avise enfin qu'il y aura sanction de plusieurs projets de loi au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur aujourd'hui, à 22 heures. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, concernant ces avis, est-ce qu'on peut obtenir du leader du gouvernement l'assurance que le président du Conseil du trésor sera présent demain et qu'il ne fera pas ce que le ministre de la Santé a fait la semaine passée, au grand déplaisir de tous les membres de la commission, dont le président de la commission, le député de Lévis, se défiler devant ses obligations parlementaires?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le leader de l'opposition sait très bien que, en particulier lors de la dernière interpellation, s'il y a eu un autre ministre qui a répondu à l'interpellation, c'est suite à plusieurs offres qu'on avait faites à ce moment-là de déplacer l'interpellation. Le ministre était disponible à d'autres périodes. Et je peux vous dire que, quand nous étions dans l'opposition, d'une façon très courante, nous faisions ce genre d'accommodement pour faire en sorte que le ministre et le porte-parole puissent être présents lors de l'interpellation. Alors, je pense qu'il est plutôt mal placé, le leader de l'opposition, pour faire un reproche sur ce sujet. Je pense que c'est la simple courtoisie, à ce moment-là, de pouvoir s'entendre là-dessus. Il n'a pas voulu le faire, eh bien, maintenant, il y a des conséquences à gérer, et ce sont ces conséquences-là qu'il y a eu.

Maintenant, M. le Président, pour ce qui est de la prochaine interpellation, oui, le ministre sera présent pour répondre aux questions. Il peut en avoir l'assurance.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, simplement, est-ce que vous auriez l'obligeance de rappeler au nouveau leader du gouvernement une décision de vos prédécesseurs? Entre autres, je me souviens de la décision de Richard Guay qui avait, dans des circonstances très analogues, rappelé au leader du gouvernement que son rôle était de s'assurer de la présence des ministres et que les ministres devaient prioriser les travaux à l'Assemblée nationale par respect de ce qu'est l'institution. Si on embarque dans les propos du leader du gouvernement, on n'aura plus de respect de l'institution. Les ministres vont planifier leurs travaux en fonction d'autres priorités qui sont questionnables ou discutables, mais c'est le Parlement qui y perd comme tel, et, comme c'est votre rôle, M. le Président, de vous assurer que le Parlement conserve sa crédibilité, conserve son rôle comme institution dans l'opinion publique, je vous demande tout simplement de rappeler à ce moment-ci cette décision de votre prédécesseur Richard Guay au leader du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Brièvement, M. le leader.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je voudrais juste rappeler au leader de l'opposition que, quand son parti était au pouvoir, à 13 reprises nous avons permis de déplacer l'interpellation. À 13 reprises. Donc, si, peut-être, le leader avait des problèmes, c'était peut-être à ce moment-là qu'il avait un problème, puisque, à 13 reprises, nous avons dû l'accommoder, lui ou son prédécesseur qui était le député de Portneuf. Alors, à ce moment-là, je pense que ce que je disais est tout à fait normal.

Maintenant, quand il y a une interpellation, c'est les règles qui font en sorte que, quand une question est posée, c'est le gouvernement qui décide qui va répondre à cette question. Mais je peux cependant l'assurer que le président du Conseil du trésor sera là pour répondre aux questions.

(15 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Très bien, à la satisfaction de tout le monde, M. le président sera là. Maintenant, pour ce qui est de la directive, écoutez, oui, c'est vrai, c'est une directive de M. Richard Guay et, je crois, une directive que l'ensemble des présidents de l'Assemblée devraient assumer. Il faut prioriser les travaux parlementaires, même de la part des ministres, mais je laisse, si vous voulez, à chacun des partis de juger des circonstances particulières dans des cas particuliers, et ça, je n'ai pas à sévir, moi, parce que je n'ai pas à intervenir dans ce domaine-là plus que de rappeler l'importance de privilégier, si vous voulez, prioriser les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

Alors, nous allons mettre fin aux affaires courantes avec ceci et entreprendre les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 43 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 35


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 43, Mme la ministre responsable de la Condition féminine propose l'adoption du projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale. Mme la ministre, je vous cède la parole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Vous allez me permettre, M. le Président, d'utiliser une voix un peu chevrotante, compte tenu de la fièvre et de la grippe qui me tenaillent toujours.

Alors, M. le Président, je suis fière et heureuse de conduire à terme ce projet de loi qui a été initié par ma collègue Mme la députée de Chicoutimi, à qui je veux rendre hommage ici, et soutenu par un très grand nombre d'hommes et de femmes dans ce parlement, au-delà même de leur allégeance partisane. Le défi était de taille étant donné les divergences de points de vue qui se sont exprimés au cours de son élaboration, jamais à l'encontre du principe d'équité salariale cependant, mais toujours en désaccord avec son application. Cependant, depuis 20 ans, l'adhésion volontaire au principe d'équité... M. le Président, je vais vous proposer une chose.

Une voix: Je vais le lire, ton discours.

Mme Harel: Je ne suis vraiment pas en état de le faire.

Une voix: Je vais le faire, moi.

Mme Harel: Et, si vous me permettez, j'apprécierais si un collègue pouvait le lire. Je sais que mon collègue, le ministre des Finances, se propose. Et je l'apprécierais beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre, nous n'y voyons absolument aucun inconvénient. Je tiens à remercier le vice-premier ministre de prendre la relève. Alors, M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, je ne sais pas si je serai digne de défendre aussi bien ce projet de loi que ma collègue de la Solidarité et de l'Emploi, mais je le fais quand même de mon mieux et avec grand plaisir parce que je crois que cette pièce de législation est d'abord exemplaire, est une des plus avancées qu'aucun Parlement du monde n'ait jamais adoptée et que ça doit être une grande fierté, comme commençait à le dire ma collègue, pour les hommes et les femmes des deux côtés de cette Chambre, de s'associer à un monument législatif aussi audacieux et d'une portée aussi considérable.

Le défi était de taille étant donné les divergences de points de vue qui se sont exprimés. Cependant, depuis 20 ans, l'adhésion volontaire au principe d'équité salariale reconnue par la Charte des droits et libertés de la personne n'a pas suffi à assurer sa mise en oeuvre. Reconnaître un principe est une chose, faire qu'il passe dans la réalité en est une autre. Il était donc pressant d'établir dans leurs droits les personnes qui subissent encore le préjudice de la discrimination systémique parce qu'elles occupent des emplois à prédominance féminine. Pour être conséquent avec le principe, il était devenu nécessaire d'avoir recours à une loi, qu'on nomme, dans de cas, loi d'application parce qu'elle assure sur le plan pratique la reconnaissance et le respect du principe d'équité salariale.

La conquête par les femmes de leur droit à l'égalité salariale s'est étalée sur tout le siècle qui s'achève. Permettez-moi, M. le Président, un bref retour dans le temps. Entre 1900 et 1940, la participation des femmes au marché du travail croît lentement, la majorité se retrouvant dans les manufactures, les services ou le travail de bureau. Elles touchent en moyenne la moitié des salaires masculins. À Montréal vers 1930, les hommes de plus de 20 ans gagnent environ 26 $ par semaine et les femmes, 13 $, rapport d'un à deux, 1930, même si le nombre d'heures travaillées est plus élevé chez les femmes. Même si le gouvernement a adopté, à partir de 1919, une série d'ordonnances sur le salaire minimum des femmes, aucune loi ne visait à corriger les écarts salariaux entre les hommes et les femmes. L'inégalité des salaires selon le sexe était ignorée sinon justifiée.

Dans la première moitié du siècle, la discrimination est à la base des négociations collectives, et, même lorsqu'elles sont syndiquées, les femmes ne sont pas considérées au même titre que leurs collègues masculins. Pour le même travail, en 1940, un presseur gagne 0,1825 $ de plus l'heure qu'une presseuse, ceci dûment spécifié dans la convention collective. Ce n'est qu'au milieu des années soixante qu'on commence à réclamer la parité salariale entre les hommes et les femmes, et, à la fin des années soixante-dix, femmes et hommes reçoivent encore un salaire horaire différent pour un travail identique. Le salaire des femmes à cette époque atteint environ 60 % de celui des hommes. La parité salariale est maintenant acquise.

Revenons maintenant à 1996. Les femmes ne gagnent encore que 70 % du salaire des hommes. Les causes de cet écart sont bien documentées, et, parmi celles-ci, la discrimination salariale systémique est la plus profonde et la plus difficile à combattre parce qu'elle est enracinée dans des stéréotypes réducteurs issus d'une longue tradition quant à la valeur du travail féminin. Nous avons pris l'engagement de combattre ce type de discrimination en légiférant en matière d'équité salariale, et aujourd'hui nous touchons au but, grâce d'ailleurs au travail de la députée de Chicoutimi qui a initié le projet, on le sait, mais aussi au travail très valeureux de ma collègue la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui, au Conseil des ministres et ailleurs dans notre société, a porté ce débat – car il y avait quand même un débat sur les modalités – avec un brio et un courage exceptionnels, et il sera retenu parmi les réalisations nombreuses dont elle aura été responsable comme membre de cette Assemblée et membre du Conseil des ministres. C'est pourquoi je réitère que je suis honoré de lire un très beau texte que je lis pour elle. Je le lis pour la première fois, mais il m'enchante à mesure que je le lis et que je me pénètre de chacune des idées qu'il contient, quand ce n'était déjà fait.

Dans notre société, il va maintenant de soi que les femmes et les hommes qui occupent des emplois identiques dans une entreprise doivent recevoir un salaire identique. «À travail égal, salaire égal» est un principe largement reconnu et appliqué dans les professions où on retrouve autant d'hommes que de femmes ou une majorité d'hommes. La situation est bien différente dans les professions exercées surtout par des femmes. On se rappellera que l'entrée des femmes sur le marché du travail s'est d'abord orientée vers des professions qui étaient percues comme un prolongement des tâches et des habiletés traditionnellement reconnues comme féminines. Pensons, par exemple, à l'éducation des enfants et aux soins infirmiers. Dans la vie domestique, ces tâches n'étaient pas directement rémunérées. Dans la vie publique, elles étaient généralement accomplies par les membres des communautés religieuses et rétribuées sans égard à leur valeur réelle, on s'en souviendra.

Les autres tâches auxquelles les femmes étaient surtout employées – cuisinière, couturière ou servante – étaient aussi en grande partie considérées comme une extension des travaux domestiques, c'est-à-dire vues comme subalternes et sans grande valeur. L'apprentissage de ces tâches n'était pas tenu pour une formation. On estimait qu'il s'agissait d'occupations réservées aux femmes et pour lesquelles elles étaient naturellement douées. Il s'agit là d'une première cause de la sous-estimation de la valeur économique du travail des femmes. Les professions de services dans lesquelles elles sont restées cantonnées subissent encore ces préjugés insidieusement enracinés.

(15 h 40)

À cela s'ajoute, entre autres facteurs, que la contribution des femmes au marché du travail a été traitée longtemps soit comme un phénomène marginal, un événement épisodique dans l'attente d'un mariage ou un ajout au travail du mari, de sorte qu'il ne s'agissait, dans l'opinion générale, que d'un revenu d'appoint. Cette marginalité a également contribué à la sous-évaluation du travail des femmes, la masse salariale étant avant tout réservée aux hommes en tant que principaux pourvoyeurs des familles. En fait, on assumait que le salaire d'un homme était un salaire familial lui permettant de faire vivre femme et enfants. Selon cette logique, le salaire de la femme n'était pas nécessaire pour faire vivre la famille. Le principe sous-jacent à la détermination de la rémunération était la responsabilité financière plutôt que le contenu des tâches.

De nos jours, il serait inacceptable que ce principe soit invoqué, puisque l'un et l'autre sexe exerce des responsabilités financières du même ordre. En 1991, près d'une famille sur cinq était de type monoparental au Québec, et 82 % de ces familles étaient dirigées par une femme. Dans les familles à deux revenus, ceux-ci sont souvent essentiels à la sécurité financière de la famille. Dans une société moderne où le droit de tous à l'autonomie financière est maintenant reconnu et où les femmes participent de plus en plus largement à l'activité économique, il est intolérable que certaines catégories d'emplois traditionnellement féminins supportent encore le fardeau d'anciens préjugés et ne soient pas rémunérés à leur juste valeur, ce qu'on nomme la discrimination systémique fondée sur le sexe.

Vous me permettrez ici, M. le Président, de rapporter quelques données fort éloquentes sur la participation des femmes au marché du travail. L'augmentation de cette participation est considérée comme un des phénomènes sociaux les plus marquants des dernières décennies. Le taux d'activité des femmes de 15 à 64 ans a plus que doublé entre 1961 et 1995 pour s'établir à 64 % en 1995, comparativement à un taux d'activité de 79 % chez les hommes. Le taux d'emplois masculins et féminins est passé de 34 points de pourcentage d'écart en 1976 à 13 points en 1995. Cette différence est plus élevée chez les groupes plus âgés: 23 % chez les 55-64 ans, alors que chez les jeunes les taux d'emplois masculins et féminins sont pratiquement identiques: moins de 3 % chez les 15-24 ans.

L'évolution de cette situation de l'emploi rend d'autant plus urgent d'évaluer sans discrimination les caractéristiques des emplois féminins et celles des emplois masculins pour établir la juste valeur du travail accompli et ensuite comparer les emplois de même valeur pour déterminer si leur rémunération est équitable. Dans une entreprise, les emplois de même valeur ou équivalente doivent recevoir la même rémunération en toute équité. C'est là l'application du principe «À travail équivalent, salaire égal».

Les femmes sont plus présentes que jamais, nous l'avons vu, sur le marché du travail. Elles font des percées remarquables dans différents domaines. Cependant, elles touchent encore un salaire inférieur à celui des hommes. Par exemple, en 1994, les gains moyens des femmes occupant un emploi à temps plein durant toute l'année étaient de 26 734 $, comparativement à 38 201 $ pour les hommes. Ainsi, pour chaque dollar que gagne un homme, une femme ne reçoit que 0,70 $. Divers facteurs expliquent l'écart de 30 %: la profession, le niveau de scolarité, l'âge, l'expérience de travail, un plus faible taux de syndicalisation et un nombre d'heures travaillées moins élevé. Cependant, ces facteurs n'expliquent qu'environ la moitié des écarts salariaux.

La ségrégation professionnelle constitue l'autre moitié des écarts salariaux persistant entre les hommes et les femmes. La ségrégation professionnelle, c'est le déséquilibre prononcé entre la répartition des femmes et des hommes à travers les diverses professions. Les femmes sont toujours cantonnées dans une gamme restreinte de professions telles que secrétaire et sténographe, caissière, teneuse de livres, infirmière, commis de bureau, réceptionniste. Ce sont des emplois sous-évalués, étiquetés comme des professions féminines et, par conséquent, non rémunérés à leur juste valeur. Cette sous-évaluation des emplois féminins est issue d'une forme de discrimination cachée et profondément incrustée dans le fonctionnement de l'économie. Si elle n'est ni intentionnelle ni délibérée mais repose sur des facteurs historiques et culturels, les emplois typiquement masculins, tels que conducteur de camion, directeur de vente, mécanicien et charpentier, sont généralement des emplois mieux payés.

Selon les données du recensement de 1991, 42 % des femmes travaillent dans les 10 principales professions féminines, et 23 % des hommes oeuvrent dans les 10 principales professions masculines. Ce phénomène de la concentration de la main-d'oeuvre féminine et masculine dans des emplois étiquetés féminins et masculins est d'une ampleur considérable. On estime que près d'une travailleuse ou un travailleur sur deux devrait changer de profession si l'on voulait obtenir une répartition professionnelle qui corresponde à la représentation des femmes et des hommes au sein de la population active. C'est dire l'ampleur du phénomène qui ne pourra se résorber de lui-même.

Bien que les femmes intègrent de plus en plus les métiers non traditionnels, il n'en demeure pas moins que les professions traditionnelles féminines restent socialement utiles et économiquement nécessaires et doivent être évaluées et rétribuées sans préjugés fondés sur le sexe. Il ne faudrait pas cependant penser que l'écart salarial entre les hommes et les femmes sera entièrement comblé grâce à la Loi sur l'équité salariale. Une loi sur l'équité salariale fera en sorte que les emplois occupés principalement par les femmes soient rémunérés à leur juste valeur et éliminera la discrimination salariale causée par la sous-évaluation des emplois étiquetés féminins. Elle permettra ainsi de réduire l'écart salarial entre les femmes et les hommes mais ne peut combler la partie de cet écart attribuable à d'autres facteurs.

Comme il fut mentionné, le droit à l'équité salariale fait partie intégrante du droit à l'égalité reconnu à toutes les citoyennes et à tous les citoyens du Québec. En effet, l'article 19 de la Charte établit que tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit. Pour sa part, l'article 10 de la Charte énumère les motifs de discrimination illicites, dont le sexe. Le Québec a également adhéré à différentes conventions internationales reconnaissant le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale. Signalons la convention n° 100 de l'Organisation internationale du travail de novembre 1973, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, août 1976, et enfin la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, celle-là en janvier 1992.

À partir de ces engagements, l'équité salariale ne devrait pas rester une simple intention. Le recours prévu par la Charte, soit le mécanisme de plainte que pouvaient utiliser les personnes qui s'estimaient lésées, a rapidement démontré ses limites. Il est en fait mieux adapté aux cas de discrimination individuelle qu'aux cas de discrimination systémique, puisque le fardeau de la preuve repose uniquement sur l'employé. Les procédures sont longues, coûteuses, ce qui, dans les faits, rend ce recours inaccessible aux personnes non syndiquées recevant un salaire modeste, qui sont souvent celles qui en auraient le plus besoin, évidemment.

Par ailleurs, on ne peut escompter que la discrimination salariale disparaisse d'elle-même, car elle date d'aussi loin que l'entrée des femmes sur le marché du travail et est ainsi profondément ancrée dans les mécanismes d'évaluation des emplois et de la fixation des salaires. Il est d'autant plus impératif d'agir rapidement compte tenu de la restructuration en cours du marché du travail. C'est à l'État qu'il revient de protéger les droits des personnes qui en subissent préjudice en utilisant son pouvoir d'établir des lois, comme il l'a d'ailleurs déjà utilisé dans d'autres domaines de relations du travail. Le gouvernement s'est donc fermement engagé à adopter une loi sur l'équité salariale qui obligera les employeurs à corriger les écarts salariaux entre les emplois masculins et les emplois féminins équivalents et fixera les moyens appropriés d'y parvenir. Le projet de loi déposé à cet effet tient compte de la situation des entreprises et comporte des délais de mise en oeuvre réalistes.

Avant de présenter les principaux amendements qui ont été apportés au projet de loi suite à la consultation d'août dernier et à l'occasion de l'étude article par article, je vais rappeler que plusieurs consultations publiques conduites au cours des cinq dernières années ont précédé l'élaboration de ce projet. Les associations les plus représentatives d'employeurs, de femmes, de syndicats, de même que les experts du domaine ont étudié attentivement un avant-projet de loi en février 1996. Des améliorations ont successivement été apportées en tenant compte de l'expérience des provinces et des pays qui ont légiféré en matière d'équité salariale. Ces expériences et ces compétences ont été notamment mises à profit pour développer le projet de loi sur le plan technique et ainsi faciliter son application en milieu de travail.

Les employeurs évaluent déjà les emplois dans leur entreprise. Il leur est demandé de s'assurer que ces évaluations soient neutres, c'est-à-dire exemptes de discrimination fondée sur le sexe, ainsi, que les personnes salariées qui font un travail équivalent reçoivent une rémunération égale. Il est d'ailleurs prévu que la Commission de l'équité salariale assistera les employeurs en conduisant des recherches et en développant des outils pour faciliter l'atteinte de l'équité salariale dans les entreprises. Si on ajoute à ces conditions favorables la bonne foi et la bonne volonté de toutes les parties concernées, le Québec pourra sans trop de difficulté donner réalité au principe de l'équité salariale.

Quant à son champ d'application, cette loi s'applique à tout employeur dont l'entreprise compte 10 salariés ou plus et traite tous les employeurs sur le même pied, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé. Toutefois, les obligations sont modulées en fonction de la taille de l'entreprise. Pour les entreprises qui comptent moins de 10 personnes. Bien qu'exclues de l'application de la loi, les entreprises comptant moins de 10 personnes salariées demeurent visées par le principe d'équité inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne. Elles doivent en conséquence accorder un salaire égal pour un travail équivalent. De plus, un recours est institué auprès de la Commission de l'équité salariale pour toute personne salariée qui s'estimerait lésée par une discrimination raciale ou fondée sur le sexe. La très grande majorité de ces petites entreprises n'ont pas une structure adaptée à une démarche systématique d'équité salariale.

(15 h 50)

Ces entreprises, particulièrement celles qui sont de type familial, où la répartition des tâches est souvent très flexible, les variations saisonnières de charge de travail importantes et les fonctions administratives de gestion de personnel limitées sont donc, en général, peu adaptées à un exercice rigoureux de comparaison de salaires entre les catégories d'emplois à prédominance féminine et masculine. Par effet d'entraînement, elles seront appelées, à plus ou moins long terme, à ajuster leur salaire en fonction de ceux qui sont versés pour les mêmes types d'emplois dans les entreprises de taille plus grande.

Voyons maintenant les entreprises de moins de 50 personnes salariées mais de plus de neuf. Quant aux entreprises comptant de 10 à 49 personnes salariées, le projet de loi leur impose d'atteindre l'équité salariale dans le même délai que les plus grandes, selon une façon de procéder exempte de discrimination salariale fondée sur le sexe, sans toutefois que des modalités précises ne leur soient prescrites à cette fin, compte tenu que ces entreprises partagent souvent des caractéristiques similaires aux très petites entreprises dont j'ai parlé précédemment.

Les employeurs devront déterminer et verser les ajustements salariaux dans la même période que les autres entreprises. Dans les cas où n'existent pas dans leur entreprise des catégories d'emplois à prédominance masculine permettant d'établir des comparaisons aux fins de l'équité, ils seront assujettis aux règlements que la Commission adoptera à cet égard. Bien que l'employeur d'une entreprise de cette taille aura seul la responsabilité d'établir l'équité salariale, il doit rendre disponible à son personnel salarié les résultats de l'exercice. Toute personne salariée aura la possibilité de faire des observations et de demander des renseignements additionnels. Elle pourra aussi s'adresser à la Commission si elle estime que l'équité salariale n'est pas atteinte ou qu'elle est victime de représailles.

Les entreprises, maintenant, de moins de 100 personnes salariées mais de plus de 49. L'employeur dont l'entreprise compte de 50 à 99 personnes salariées sera tenu d'établir un programme d'équité applicable à l'ensemble de son entreprise, conformément aux règles prévues à cet effet, à savoir: absence de discrimination fondée sur le sexe, étapes et méthode prescrites, affichage, etc. Cet employeur pourra agir seul, sauf s'il y a présence d'une association accréditée. Dans ce cas, il devra établir de concert avec cette dernière le programme d'équité applicable aux personnes salariées représentées par cette association. Cette discrimination dans les obligations applicables à cette catégorie d'entreprises est rendue nécessaire par le fait que les entreprises non syndiquées de cette taille n'ont généralement pas de mécanisme formel de représentation de leur personnel. Ainsi, le gouvernement prend en compte leur capacité d'absorber des exigences qui impliqueraient la modification en profondeur des relations de travail dans leur entreprise.

Maintenant, les entreprises de plus de 100 personnes salariées. L'employeur dont l'entreprise compte 100 personnes salariées ou plus sera tenu d'établir un programme d'équité salariale applicable à l'ensemble de son entreprise et de permettre la participation de son personnel salarié en instituant un comité d'équité. Toute association accréditée pourra obtenir la formation d'un comité distinct pour les personnes salariées qu'elle représente si elle en manifeste l'intention à l'employeur. De plus, une telle association pourra convenir avec l'employeur d'établir un programme d'équité applicable à un ou plusieurs établissements de l'entreprise. Certes, un effort particulier est exigé des entreprises de cette taille dont bon nombre devront aussi modifier leurs pratiques en matière de relations du travail. Ce choix est imposé par l'enjeu en cause et par la capacité des entreprises de cette taille, qu'elles soient du secteur public ou privé, d'agir comme chef de file pour l'implantation concrète du droit à l'équité salariale.

Les fonctions de la Commission, maintenant. La Commission, qui sera composée de trois membres, aura comme principales fonctions de surveiller l'établissement des programmes d'équité salariale, de déterminer les orientations et les politiques en matière d'équité salariale, de faire enquête, de prêter assistance aux entreprises dans l'établissement des programmes d'équité et de développer des outils pertinents, notamment pour les entreprises de moins de 50 salariés. Elle aura aussi comme fonction de favoriser la constitution de comités, de favoriser la concertation, d'aider à la mise en place des comités sectoriels, de diffuser l'information nécessaire et d'effectuer les recherches et les études sur toute question relative à l'équité salariale.

Le projet de loi a été raffiné, il a été rendu le plus parfait possible pour concilier au mieux les positions divergentes, voire contradictoires, quant aux moyens à prendre pour atteindre l'équité salariale, objectif que nul ne conteste par ailleurs.

L'étude détaillée en commission parlementaire a permis d'adopter 40 amendements qui faciliteront l'application de la loi et éviteront, je le souhaite, les litiges relatifs à son interprétation. Je ferai état ici des principaux amendements apportés, les autres consistant en des ajustements d'ordre mineur, d'ordre technique et de concordance.

L'équité à l'intérieur des entreprises. L'objet du projet de loi sur l'équité salariale est de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'intérieur d'une entreprise. Il s'agit d'équité interne. Il est apparu approprié de bien mettre en évidence cette notion d'équité interne en apportant une précision dans le libellé de l'article 1 portant sur l'objet du projet de loi. Les écarts salariaux entre les catégories d'emplois à prédominance masculine et les catégories d'emplois à prédominance féminine s'apprécient en comparant ces catégories d'emplois sur le plan de leur valeur et de leur rémunération. En conséquence, lorsqu'il n'existe pas, dans une entreprise, de catégories d'emplois à prédominance masculine pouvant permettre d'effectuer une telle comparaison, des catégories d'emplois types devront être déterminées par règlement de la Commission de l'équité salariale pour établir s'il y a discrimination salariale systématique.

Dans le cas des organisations coopératives d'épargne et de crédit, un amendement a été apporté pour permettre à une fédération ou à une confédération de caisses d'épargne et de crédit d'être réputée constituer un employeur unique pour l'ensemble des caisses et ainsi d'élaborer un seul programme d'équité salariale. Par un tel amendement, le projet de loi reconnaît les particularités des organisations coopératives d'épargne et de crédit sur le plan de la détermination de leur politique salariale.

Programme d'équité salariale par établissement, maintenant; ce sont les articles 9 et 10. Le projet de loi prévoyait que l'employeur et une association accréditée puissent s'entendre sur l'établissement d'un programme distinct applicable à un ou plusieurs établissements de l'entreprise. Il y avait lieu d'envisager aussi la possibilité de programmes distincts dans une entreprise où il n'existe pas d'association accréditée ou lorsqu'il n'en existe que dans un ou certains des établissements de l'entreprise, les disparités régionales pouvant justifier de telles distinctions entre les établissements d'une même entreprise. Des modifications à cet effet ont été apportées aux articles 9 et 10 s'appliquant aux entreprises de 100 salariés et plus pour permettre à un employeur de s'adresser à la Commission de l'équité salariale pour obtenir l'autorisation d'établir un programme distinct dans l'un ou plusieurs de ses établissements si des disparités régionales le justifient. De plus, il a été précisé qu'un programme distinct établi pour une association accréditée ne s'applique qu'aux seuls salariés qu'elle représente. Des modifications identiques ont été apportées aux articles 26 et 27 s'appliquant aux entreprises qui comptent 50 à 99 salariés.

Un paragraphe a été ajouté à l'article 87 pour conférer à la Commission de l'équité salariale le pouvoir d'autoriser un programme distinct en cas de disparités régionales. Un article a été ajouté pour permettre à des employeurs de s'associer dans l'élaboration des modalités communes de l'établissement d'un programme d'équité salariale. Même dans les cas où, en raison de la taille de son entreprise, l'employeur n'est pas tenu d'établir un programme d'équité salariale – dans le cas de moins de 50 employés, par exemple – un tel employeur pourrait, en s'associant avec d'autres, identifier des outils qui l'aideraient à déterminer les ajustements salariaux dans son entreprise et éventuellement à minimiser les coûts administratifs reliés au processus de l'équité. Cette association d'employeurs sera cependant conditionnelle à l'accord des comités d'équité salariale de chaque entreprise, le cas échéant.

Nombre de représentants des salariés dans un comité d'équité et désignation de ceux-ci; ce sont les articles 15 à 18. Selon le projet de loi, un comité d'équité salariale doit être institué dans une entreprise comptant 100 personnes salariées et plus. Mais les indications étaient initialement minimales concernant le nombre de membres d'un tel comité et leur mode de désignation, particulièrement en présence de plus d'une association accréditée au sein de l'entreprise. Plusieurs réaménagements ont été apportés aux articles traitant de la composition du comité d'équité salariale, de la désignation des membres en présence de plusieurs associations accréditées et du nombre limite des représentants de personnes salariées.

La commission des affaires sociales a adopté un nouvel article indiquant la procédure à suivre pour désigner les représentants des salariés lorsqu'il existe plusieurs associations accréditées dans une entreprise ainsi que des salariés non syndiqués, le groupe qui constitue une majorité de salariés ayant le droit de disposer d'une majorité de membres au sein du comité.

Un autre article a été ajouté pour fixer à 12 le nombre maximal de représentants des salariés et préciser des règles applicables s'il advenait que le nombre d'associations accréditées conduise à excéder ce nombre maximal. En concordance, un ajout a été fait à l'article 87 pour donner à la Commission de l'équité salariale le pouvoir de vérifier si ces règles sont respectées.

Formation et rémunération des membres d'un comité d'équité salariale. L'employeur doit fournir au salarié membre d'un comité d'équité salariale la formation lui permettant de s'acquitter adéquatement de ses tâches relatives à l'établissement d'un programme d'équité. Un deuxième alinéa a été ajouté à l'article 21 pour permettre que les coûts engendrés par cette formation soient considérés au titre des dépenses admissibles en vertu de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre, une loi que nous devons d'ailleurs aussi à ma collègue, qui a joint dans le projet de loi sur l'équité les fruits de son action dans divers secteurs de notre vie collective. Une précision a été apportée à l'article 23 pour indiquer que, lorsqu'un salarié membre d'un comité d'équité salariale vaque aux occupations requises par ce comité, il doit être rémunéré au taux normal.

(16 heures)

Établissement conjoint d'un programme d'équité salariale. L'article 27 du projet de loi a été modifié pour spécifier que l'établissement conjoint d'un programme d'équité salariale ne se fera que si une association accréditée en fait la demande à l'employeur. Un ajout a été fait à cet article pour préciser que les obligations faites pour établir un programme d'équité salariale au comité d'équité salariale s'appliqueraient également à l'employeur et à l'association accréditée qui établissent un programme conjoint.

Maintien maintenant de l'équité salariale. Les obligations de l'employeur à la suite de l'aliénation de la modification de la structure d'une entreprise ont été clarifiées. S'il y a fusion de deux entreprises de tailles différentes antérieurement soumises à des obligations différentes, les obligations de la nouvelle entreprise seront déterminées en fonction de celles de l'entreprise comptant antérieurement le plus grand nombre de salariés. Un nouvel article a été adopté pour préciser les dispositions applicables au cas où une association accréditée prend naissance après le début de l'établissement d'un programme d'équité salariale ou des ajustements salariaux dans une entreprise.

Méthode d'estimation des écarts. Une seule méthode globale et une seule méthode individuelle d'estimation des écarts sont dorénavant reconnues par la loi, la Commission de l'équité salariale ayant la possibilité d'en prévoir d'autres par règlement si l'évolution des connaissances et les expériences dans ce domaine le rendaient opportun. La suppression de l'une des deux méthodes globales d'estimation des écarts salariaux évitera les mésententes relatives au choix d'une méthode au sein d'un comité d'équité.

Les écarts salariaux non discriminatoires, maintenant. Les écarts salariaux entre les personnes qui occupent des catégories d'emplois à prédominance féminine et celles qui occupent des catégories d'emplois à prédominance masculine ne sont pas tous dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe. Le projet de loi prévoyait déjà que certains facteurs ne devaient pas être pris en compte aux fins de l'estimation des écarts salariaux. D'autres exceptions ont été ajoutées: les uniformes ou vêtements requis par l'emploi, le salaire étoilé découlant d'une rétrogradation ou d'un accommodement particulier pour une personne handicapée, l'absence d'avantages à valeur pécuniaire justifiés par le caractère temporaire, occasionnel ou saisonnier d'un emploi.

Rôle décisionnel maintenant de l'employeur concernant les modalités de versement des ajustements salariaux. Une précision a été apportée pour traduire clairement le rôle décisionnel de l'employeur lors de la quatrième et dernière étape du programme d'équité salariale, soit la détermination des modalités de versement des ajustements salariaux.

Nomination des membres de la Commission. L'amendement apporté fera que les trois membres de la Commission seront nommés par le gouvernement après consultation d'organismes les plus représentatifs d'employeurs, de salariés et de femmes. La version première ne prévoyait pas la consultation pour la nomination du président.

Fonctions et pouvoirs de la Commission. Bien, outre les pouvoirs ajoutés concernant l'autorisation d'établir des programmes distincts et des avis sur la composition des comités d'équité, le paragraphe 87.2 a été reformulé pour éviter toute ambiguïté entre le rôle de la Commission et le rôle du ministre responsable de l'application de la loi.

Le rapport à la Commission à l'article 89. Un amendement à l'article 89 a pour effet de préciser que la Commission peut exiger un rapport d'un employeur pour vérifier l'atteinte de l'équité salariale, une fois écoulé le délai fixé par la loi pour l'établissement d'un programme d'équité ou la détermination des ajustements salariaux, et non en cours de processus.

Délais pour l'exercice du recours. Dans le but de ne pas retarder indûment le processus d'équité salariale, des délais ont été fixés pour certains recours qui n'en comportaient pas: en cas de mauvaise foi de la part de l'employeur, de l'association accréditée ou d'un membre d'un comité d'équité salariale, dans les 60 jours du manquement ou de la date où les salariés ont pu en prendre connaissance; en cas de représailles, dans les 30 jours de celles-ci; et en cas de contestation par un employeur de la décision de la Commission relative à la non-conformité à la loi de son programme d'équité, et cela, dans un délai de 90 jours de la décision.

Les comparateurs externes. Dans les milieux de travail exclusivement ou presque exclusivement féminins, ce qu'on appelle les ghettos féminins d'emplois, l'équité interne ne peut être réalisée, faute de catégories d'emplois à prédominance masculine permettant la comparaison avec les catégories d'emplois à prédominance féminine. Le projet de loi prévoit une disposition selon laquelle la Commission de l'équité salariale déterminera par règlement des catégories d'emplois types pouvant servir de comparateurs dans les entreprises où n'existent que des catégories d'emplois à prédominance féminine. Une précision a été apportée à l'article 108 à l'effet que ces comparateurs externes seront établis en tenant compte, notamment, des caractéristiques propres aux entreprises dont les catégories d'emplois seront ainsi comparées. Le projet de règlement qui sera élaboré pour permettre l'application de cette disposition sera en outre soumis à l'examen d'une commission parlementaire, avant sa mise en vigueur.

Le dernier article du projet de loi, l'article 128, indique maintenant que la loi entrera en vigueur au plus tard un an après sa sanction, sauf les dispositions du chapitre V créant la Commission de l'équité salariale, qui entreront en vigueur le jour de la sanction.

Nous allons maintenant, M. le Président, parler un peu de l'impact sur les entreprises. À la lumière des amendements qui sont présentés, on peut constater que le gouvernement a tenu compte des réalités propres aux entreprises québécoises. Je suis particulièrement heureux de faire la lecture, au nom de ma collègue, de ce chapitre. Le malheureux hasard qui l'a rendue incapable de donner son texte a quelques compensations parce que c'est un ministre économique qui va maintenant parler de l'impact de la loi sur les entreprises. À la lumière des amendements, donc, présentés, voici comment ça se présente.

L'obligation des employeurs. Une loi sur l'équité salariale doit être souple et adaptée au fonctionnement des entreprises tout en permettant de corriger efficacement les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe. Tous les employeurs sont tenus d'agir selon le principe d'équité salariale, puisqu'il s'agit d'un droit reconnu à toutes les personnes en emploi.

Cependant, je vous rappelle que le projet de loi crée des régimes d'obligation différenciés selon le nombre de personnes salariées des entreprises. On l'a vu à diverses catégories. Ainsi, aucune exigence ne s'applique aux entreprises qui comptent moins de 10 personnes salariées, tandis que celles de 100 personnes et plus sont assujetties à l'établissement d'un programme d'équité comportant la participation des personnes salariées à un comité d'équité. Des obligations moins lourdes sont prévues sous ce seuil et sous le seuil de 50 personnes salariées.

En outre, pour respecter le système des relations du travail qui a cours dans les entreprises, la participation du personnel est adaptée selon qu'il y ait ou non présence des syndicats dans l'entreprise. Pour atteindre l'objectif d'équité salariale qui leur est fixé, toutes les entreprises bénéficieront du soutien de la Commission de l'équité salariale, qui veillera à développer des outils bien adaptés à chaque situation.

Le coût estimé pour les entreprises. Pour établir de façon précise le coût des ajustements salariaux qu'auront à assumer les entreprises visées par le projet de loi, il faudrait disposer dès à présent des résultats qui seront obtenus de sa mise en oeuvre, ce qui est une impossibilité, évidemment, scientifique et mathématique. Il va de soi que certains paramètres sont encore inconnus et que l'estimation des coûts globaux demeure spéculative.

À partir des premiers résultats obtenus de l'application de la loi ontarienne au secteur privé, dont s'inspire largement le projet de loi du Québec, le ministère des Finances, après avoir fait les transpositions et les ajustements requis par la structure industrielle du Québec, a estimé à 690 000 000 $ les coûts annuels d'ajustements salariaux qui incomberaient au secteur privé, ce qui représente environ 1 % de la masse salariale assujettie.

Ce coût estimé peut paraître modéré, surtout si on le compare aux 3,1 % qui ont été versés dans les catégories d'emplois à prédominance féminine suite à l'exercice de la relativité salariale du secteur public. Il faut cependant rappeler que l'essentiel de ces coûts était attribué au secteur de la santé et des services sociaux, avec une hausse de 4,1 %. Dans les commissions scolaires, la majoration de ces catégories a été de 1,74 %; dans les collèges, de 0,7 %; et, dans la fonction publique, de 1,1 %. Si l'on considère en outre la proportion relativement plus élevée de femmes dans la main-d'oeuvre totale du secteur public, 61 %, par rapport au secteur privé, 42 %, il apparaît plausible que les coûts d'ajustements salariaux dans les catégories d'emplois à prédominance féminine du secteur privé puissent se situer entre le montant estimé de 690 000 000 $ et 1 000 000 000 $, compte tenu de la prudence qui s'impose dans de telles prévisions. Vous savez que les prévisions du ministère des Finances sont toujours d'une extrême prudence.

Une autre estimation des coûts du projet de loi a été effectuée par le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie et pose comme hypothèse que les 900 000 personnes travaillant dans les catégories d'emplois visées verraient leur rémunération augmenter en moyenne de 20 %. L'étude évalue donc ce coût à 2 000 000 000 $, coût reflétant l'impact maximum, et ce, dans une situation extrême, le niveau plafond, comme l'avait dit ma collègue la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce. En effet, à titre de comparaison, l'exercice réalisé dans le secteur public révèle que le facteur d'ajustement salarial moyen versé aux emplois à prédominance féminine est de 5,6 %, facteur près de quatre fois inférieur à celui qui a été utilisé par le ministère de l'Industrie et du Commerce.

Dans le dernier discours du budget, vous vous souvenez, pour 1997 à 1999, on prévoyait une augmentation annuelle moyenne de 3,2 % des salaires et traitements. En raison des délais qui leur sont accordés, les employeurs pourront modifier leur stratégie pour répartir la hausse de leur masse salariale. Selon un sondage SOM–journal Les Affaires , 49 % des employeurs considèrent qu'un délai de quatre ans pour étaler les versements d'ajustements salariaux est raisonnable; seulement 6 % estiment qu'il est trop court. Il apparaît donc globalement que les employeurs seront en mesure de corriger la discrimination fondée sur le sexe, qui entache leur système de rémunération, sans mettre en péril l'équilibre financier de leur entreprise. On a vu qu'au début certaines entreprises, comme c'est souvent le cas pour des législations sociales avancées, ont émis des protestations un peu vocales et que, par la suite, l'examen des chiffres et la réflexion ont remis les choses en perspective.

(16 h 10)

Maintenant, les répercussions et l'impact de la loi sur le salaire des femmes, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Les répercussions les plus intéressantes d'une loi de l'équité salariale sont bien sûr des augmentations salariales reçues par les femmes dont les emplois étaient sous-évalués. Il importe cependant de préciser quelques éléments importants à ce sujet.

Le projet de loi n'a pas comme objectif ni comme conséquence d'établir un niveau de salaire ou une échelle de salaire unique applicable à un emploi donné au Québec. L'exercice d'équité salariale se fait au sein de chaque entreprise visée par le projet de loi, qui exige que l'on compare à l'intérieur de cette entreprise les emplois principalement et généralement exercés par des femmes avec des emplois différents, généralement et principalement exercés par des hommes. Ainsi, dans une entreprise donnée, si une catégorie d'emploi à prédominance féminine a la même valeur qu'une catégorie d'emploi à prédominance masculine ou une valeur comparable, elle doit être rétribuée de la même façon. Ce travail d'évaluation et celui de comparaison se font dans le cadre du programme de la démarche d'équité salariale propre à chaque entreprise. Les caractéristiques d'emploi des secrétaires de l'entreprise EFG inc., par exemple, pourraient être comparées à celles des magasiniers de la même entreprise.

Si cette comparaison démontre que les secrétaires gagnent 1,30 $ de moins l'heure alors que la valeur de leur travail a été reconnue comme étant équivalente à celle des magasiniers, leur salaire devra être augmenté d'autant. Supposons que, dans une autre entreprise, DEF inc., les mêmes comparaisons d'emplois conduisent à des conclusions identiques mais que les salaires entre secrétaires et magasiniers sont les mêmes, la situation évidemment ne sera pas traitée de la même manière. Dans ce cas, les secrétaires de l'entreprise ne bénéficieront pas d'ajustement salarial, et ce, même si elles gagnent beaucoup moins que les secrétaires des entreprises ABC – on en a parlé avant – ou EFG inc.

L'effet, maintenant, sur les emplois à prédominance féminine. Les femmes ne sont pas les seules bénéficiaires d'une loi sur l'équité; les hommes exerçant des emplois dits féminins en bénéficieront également. La prédominance tant féminine que masculine dans des catégories d'emplois s'établit notamment lorsque soit les femmes soit les hommes représentent au moins 60 % de l'effectif d'une catégorie d'emploi dans une entreprise. Ainsi, les personnes qui bénéficieront d'ajustements salariaux sont non seulement les femmes, mais aussi les hommes qui exercent une profession à prédominance féminine, cela va de soi. Donc, comme il y a une minorité d'hommes qui occupent des emplois traditionnellement assumés par des femmes, leur salaire sera aussi ajusté, si un constat de discrimination est établi. On peut penser aux infirmiers, aux hommes qui occupent des postes de secrétariat ou aux éducateurs en services de garde.

Selon les données du recensement de 1991, on estime qu'au Québec quelque 900 000 personnes, dont plus de 80 % sont des femmes, travaillent dans 17 catégories de professions à prédominance féminine. Ces catégories professionnelles sont principalement liées aux emplois de bureau, à la vente, au service, à l'enseignement et à la santé. Les femmes seront donc les principales bénéficiaires mais non pas les uniques bénéficiaires de l'adoption du projet de loi sur l'équité salariale. L'expérience ontarienne révèle que le montant d'ajustement du salaire relié à l'équité salariale a varié de 400 $ à 13 450 $, le montant moyen se situant environ à 4 000 $.

L'exercice de relativité salariale réalisé dans le secteur public québécois a, quant à lui, entraîné une majoration salariale moyenne d'environ 2 000 $. Tout dépend du degré de sous-évaluation des emplois féminins dans une entreprise. Les ajustements varient selon les milieux de travail, selon les types d'emplois et selon les secteurs industriels.

Pour concrétiser, voici des exemples de comparaison en Ontario. Emploi de directrice de personnel comparé à celui de directeur de services dans une manufacture de produits culinaires: ajustement de 4,65 $ l'heure pour la directrice; l'emploi d'infirmière en santé au travail comparé à celui de comptable dans une usine de produits pétroliers: ajustement de 4,81 $ pour l'infirmière; emploi de caissière et d'emballeuse de viandes comparé à celui de commis à l'approvisionnement: ajustement de 1 477 $ par année pour les caissières et les emballeuses.

Par ailleurs, on ne peut négliger l'impact que les augmentations salariales auront éventuellement sur, entre autres, les prestations de retraite, d'accident de travail et de maternité. Ce projet de loi contribuera à plusieurs égards à assurer aux personnes qui bénéficieront d'ajustements salariaux un meilleur niveau de vie, et conséquemment un meilleur niveau de vie aux personnes à leur charge. On a constaté en Ontario que, dans bien des cas, ce supplément de salaire a permis à des femmes monoparentales de sortir de la pauvreté. L'augmentation de leur salaire a également incité des femmes qualifiées à demeurer sur le marché du travail lorsqu'elles avaient des enfants.

Impact sur le marché de l'emploi, maintenant. Devant cette nouvelle loi surgit immédiatement la question de son impact sur la situation de l'emploi. La création de l'emploi compte, en effet, au rang des grandes priorités actuelles du gouvernement, et de notre société en général, et de bien d'autres sociétés dans le monde. En Ontario, où une loi sur l'équité salariale, étroitement apparentée au projet québécois, a été adoptée en 1987, une étude effectuée en 1994, auprès de différentes entreprises, révèle que dans l'ensemble les effets sur l'emploi ont été neutres. Par ailleurs, des recherches menées en 1990 sur le processus d'équité salariale dans l'État américain du Minnesota, mis en oeuvre par une loi de 1982, ont conclu qu'il n'y avait pas de rapport significatif entre les pertes d'emplois et l'application de la loi sur l'équité salariale. Vraisemblablement, la situation devrait être similaire au Québec, les mêmes causes engendrant généralement les mêmes effets.

Le marché de l'emploi fluctue constamment, on le sait, en fonction de facteurs multiples. Au Québec, on estime qu'une personne sur quatre change d'emploi, en perd un ou en trouve un, chaque année, pour un total de 800 000 changements par année. Selon Pierre Fortin, professeur d'économie à l'Université du Québec à Montréal, une maison extrêmement sérieuse comme vous le savez, M. le Président, la mondialisation des marchés et les changements technologiques sont au nombre des facteurs qui ont créé beaucoup d'emplois. À son avis, pour créer encore plus d'emplois et stimuler l'investissement, il faudra baisser les taux d'intérêt pendant plusieurs années.

Si l'on considère l'envergure de ces facteurs d'influence, on comprend que les exigences d'équité salariale n'aient pas eu d'effet sensible sur la situation de l'emploi en Ontario et au Minnesota. Compte tenu de l'impact très limité anticipé sur la masse salariale globale des entreprises au Québec, sans effet direct sur les autres coûts de production, il n'y a pas lieu de croire que le projet de loi québécois puisse entraîner une situation différente.

La grande entreprise au Québec, celle de 100 employés et plus, a connu un solde négatif de création nette d'emplois entre 1979 et 1989. C'est un mal de notre temps, comme on le sait, que l'investissement massif dans les grandes entreprises souvent nous amène à la diminution d'emplois plutôt qu'à l'augmentation. C'est donc essentiellement à la vitalité des PME que le Québec doit, au cours de cette période, la totalité de la création nette d'emplois, celle-ci résultant du bilan global de la création et de la perte d'emplois. C'est principalement l'implantation de nouvelles PME qui est à l'origine des 953 000 emplois bruts créés par les PME au cours de cette période.

Même si les grandes entreprises sont soumises à des obligations plus strictes en vertu du projet de loi, elles peuvent difficilement invoquer l'effet de l'équité salariale pour expliquer la non-création d'emplois. Par ailleurs, les exigences à respecter pour atteindre l'équité salariale dans les PME ont été modulées, dans le projet de loi, selon la taille des entreprises, on l'a vu, expressément pour éviter de nuire à leur implantation et à leur expansion et, par effet d'entraînement, à la création d'emplois. Au-delà de ces considérations de première importance, une entreprise ne pourrait pas être justifiée d'asseoir sa rentabilité sur la sous-évaluation du travail des femmes. C'est un droit incontestable, que l'on soit homme ou femme, de recevoir un salaire équitable pour son travail.

Selon certains, l'intervention de l'État en matière d'équité salariale, en empêchant le libre jeu des mécanismes du marché, rendra le Québec moins compétitif sur le plan international et nuira finalement aux personnes salariées dont elle devait, au départ, améliorer la situation. Une telle allégation appelle quelques commentaires pour bien cerner l'enjeu et le placer dans une juste perspective.

En règle générale, bien qu'une situation particulière puisse créer des exceptions, la plus ou moins grande disponibilité de main-d'oeuvre est en relation avec le niveau de compétence et l'exigence d'emploi. Plus une catégorie d'emploi exige des aptitudes et des connaissances de haut calibre, plus le bassin de main-d'oeuvre est réduit. À l'inverse, moins les tâches sont complexes et spécialisées, plus le bassin de main-d'oeuvre apte à les remplir s'élargit.

(16 h 20)

On va parler maintenant un peu de l'équité salariale dans le monde, M. le Président. Certains pays, notamment l'Australie, ont réduit considérablement l'écart salarial entre les femmes et les hommes grâce à des lois relatives à l'équité salariale. Il faut savoir qu'en Australie le ratio du salaire féminin, par rapport au salaire masculin, se situait à 90,8 % en 1994, donc un écart assez mince. D'autres pays ont aussi agi en ce sens. Mentionnons à titre d'exemple que, depuis 1972, la France possède une loi sur l'égalité des salaires entre les femmes et les hommes, la loi du 22 décembre 1972, selon le principe du travail équivalent, salaire égal. Le Royaume-Uni, quant à lui, a amendé en 1983 sa loi sur l'équité salariale pour obliger les employeurs à établir des comparaisons d'emplois en utilisant le critère de valeur égale.

Aux États-Unis, le Minnesota a été à l'avant-garde en adoptant en 1982 une loi sur l'équité salariale obligeant l'ajustement des salaires des catégories d'emplois à prédominance féminine sur le principe du salaire égal pour un travail équivalent. Les législations adoptées dans divers États selon ce principe couvrent généralement le secteur public. Cependant, on comptait, en 1986, 15 États ayant adopté des lois antidiscrimination imposant aux employeurs du secteur privé qu'ils versent le même salaire aux hommes et aux femmes pour un travail équivalent.

En Finlande, la loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes, mise en vigueur en 1987, défend expressément de verser des salaires différents aux femmes et aux hommes, sur la base du sexe, pour un travail égal ou équivalent, le fardeau de la preuve reposant sur l'employeur. Enfin en Suède, on applique, dans le cadre de l'«Equal Opportunity Act» de 1994, des dispositions sur l'équité salariale en plusieurs points semblables à celles que le gouvernement du Québec propose de mettre en oeuvre dans le projet de loi déjà déposé.

Quant au Canada, quatre provinces, soit le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, ont déjà adopté des lois proactives dans le secteur public, assorties d'un calendrier en matière d'équité salariale. L'Ontario a adopté une loi proactive visant également le secteur privé, on le sait.

Les lois proactives ont l'avantage d'éviter la confrontation individuelle entre l'employeur et le personnel et rendent possible l'identification de pratiques discriminatoires considérées naturelles par la force de l'habitude. C'est là l'esprit du projet de loi québécois sur l'équité salariale.

L'adoption de la Loi sur l'équité salariale n'est qu'une étape, donc, sur la voie de l'égalité et non le point d'arrivée. Il faudra veiller à ce que cet outil puissant dont nous disposons pour lutter contre les inégalités salariales ne perde pas de son efficacité sous l'effet de la restructuration économique. Il faudra que les femmes syndiquées s'investissent dans les négociations collectives. Il faudra que les milieux non syndiqués s'informent des effets de la loi sur leur entreprise et collaborent à la mise en oeuvre de l'équité salariale en se familiarisant avec le processus. Il faudra que les employeurs respectent leurs obligations et se dotent de moyens appropriés pour atteindre l'équité salariale dans leur organisation.

En outre, on ne peut ignorer le défi particulier qui consiste à réaliser l'équité salariale dans les milieux de travail exclusivement ou presque exclusivement féminins. Le projet de loi prévoit des dispositions réglementaires permettant à la Commission d'établir des comparateurs types, dans les cas où il n'existe pas de comparateurs au sein d'une entreprise donnée.

Il a été bien précisé qu'une telle réglementation serait soumise à l'examen d'une commission parlementaire avant son adoption. Une des priorités de la Commission de l'équité salariale sera d'ailleurs de conduire les études, les recherches et les consultations permettant d'identifier les meilleurs moyens de surmonter le problème de la sous-évaluation du travail dans les ghettos féminins en emploi.

Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que tous les facteurs qui concourent à la situation économique difficile de bien des femmes ne peuvent pas être modifiés par une seule loi. D'autres actions demeurent nécessaires pour aider les travailleurs et les travailleuses à bas salaire dont la majorité sont des femmes.

Enfin, M. le Président, je vais faire une chose très exceptionnelle dans cette Assemblée, je vais solliciter, pour ce discours, des applaudissements nourris des deux côtés de la Chambre, puisque ce n'est pas mon discours, c'est une malheureuse grippe, le rhume qui a empêché ma collègue ministre de l'Emploi de prononcer un très beau texte. Et je voudrais qu'on lui rende hommage pour son texte, d'une part, mais non seulement pour son texte, mais pour son action au soutien de l'élaboration de ce texte et de son acceptation par la société québécoise dans toutes ses composantes des deux côtés de la Chambre – je le souhaite vivement – et dans tous les segments de l'activité économique.

Les milieux dits patronaux ont été un peu plus lents, il faut le reconnaître, à comprendre le bien-fondé de cette approche, mais ils l'ont fait. Et je pense qu'il faudra aussi leur rendre cette lucidité d'avoir compris qu'une des injustices les plus cruelles, les plus graves de notre temps – parce que 51 % des êtres humains sont des femmes – ne peut pas se régler sans que des interventions progressistes se fassent.

Ensuite, je serai reconnaissant à ce malheureux hasard de pouvoir dire en souriant à mes deux petites-filles, Camille et Gabrielle, que c'est leur grand-père qui avait lu le discours d'un ministre de l'Emploi sur la Loi sur l'équité salariale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le vice-premier ministre. Merci, madame. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus maintenant à la dernière étape, l'étape cruciale de l'adoption du projet de loi n° 35, projet de loi visant la Loi sur l'équité salariale. Je sais que la ministre est ravie que son projet de loi ait franchi toutes les étapes et qu'elle aurait souhaité faire elle-même son discours, son dernier discours sur le sujet. Par contre, M. le Président, connaissant son habileté, tout à l'heure, pendant quelques instants, je me suis dit: Quel heureux hasard et quelle coïncidence que son porte-parole soit maintenant le ministre des Finances pour endosser ses propos!

Mais, vous savez, le ministre des Finances a eu beau prendre sa voix la plus douce, M. le Président, je ne suis pas certaine qu'il a tout à fait réussi l'examen. De toute façon, j'ai eu l'occasion de travailler avec la ministre sur deux dossiers, entre autres, concernant les femmes, deux dossiers d'importance, et je reconnais tous les efforts qu'elle a dû déployer pour les mener à terme, mais je reconnais aussi sa détermination. Je sais qu'on peut lui attribuer la qualité de fonceuse, et aujourd'hui c'est sûrement pour elle une grande réussite.

Plusieurs étapes ont été franchies, et on a vraiment l'impression d'avoir tout dit. Ce matin, je discutais avec ma recherchiste et je me disais: Mais est-ce que je vais recommencer encore à tout dire? Parce que je ne me souviens pas du nombre de discours que j'ai dû faire sur le sujet. Mais, pour les fins d'enregistrement, je me suis dit: C'est important que l'on puisse faire ce dernier discours et faire un peu le bilan de tout ce qui s'est dit depuis le début. Alors, bien sûr, au risque de me répéter et au nom de tous mes collègues, je ferai un bref retour depuis le dépôt de l'avant-projet de loi, date à partir de laquelle ce projet a fait couler beaucoup d'encre, a soulevé bien des passions et va probablement continuer à en soulever encore.

On se souvient qu'en janvier dernier la ministre de la Condition féminine déposait un avant-projet de loi sur l'équité salariale et qu'une consultation générale s'est tenue sur cet avant-projet de loi. Loin de faire consensus, cet avant-projet de loi avait suscité de vives réactions et déceptions autant de la part des employeurs, des groupes de femmes que des syndicats et avait suscité un mécontentement généralisé. On parlait alors d'un projet de loi dénaturé, d'un piège pour les femmes. On dénonçait notamment l'intention à peine voilée du gouvernement de s'exclure de l'application de sa propre loi et de permettre à d'autres organisations de travail qui étaient en voie... ou qui avaient complété des programmes de relativité salariale de s'en exclure également.

D'autre part, les employeurs comme le Conseil du patronat, la Fédération des caisses populaires Desjardins et la Conférence des recteurs et des principaux des universités s'inquiétaient des investissements qui avaient déjà été consentis pour compléter l'exercice de relativité salariale et souhaitaient que le gouvernement ne les oblige pas à reprendre la démarche à zéro. La Coalition en faveur de l'équité salariale dénonçait vivement le fait que le gouvernement avait laissé tomber plus de 25 % des travailleuses du Québec, travailleuses qui oeuvrent dans des entreprises de moins de 10 salariés. Permettez-moi de rappeler, M. le Président, que ces travailleuses sont les plus démunies et les moins protégées, puisqu'elles ne sont pas syndiquées. La Coalition réclamait donc une loi universelle qui protégerait toutes les travailleuses du Québec.

(16 h 30)

De plus, la majorité des groupes avait dénoncé le choix de l'organisme responsable de l'application de la Loi sur l'équité salariale, à savoir la Commission des normes du travail, et réclamait à juste titre la création d'un nouvel organisme indépendant. Des inquiétudes également avaient été soulevées concernant l'absence d'études d'impact quant au coût d'implantation de l'équité salariale, quant aux effets sur la croissance de l'emploi et quant au processus complexe et à la lourdeur administrative reliés à l'application de ladite loi. La ministre a donc été obligée de retourner à sa table de travail et, le 15 mai dernier, elle déposait la nouvelle version de sa Loi sur l'équité salariale, soit le projet de loi n° 35. Ce projet de loi a pour objet de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine.

En effet, de nombreuses recherches socioéconomiques ainsi que des analyses statistiques ont mis en évidence l'existence de disparités salariales entre les hommes et les femmes. Le ratio brut des salaires féminins comparé à celui des salaires masculins se situe à environ 70 %, soit un écart de 30 %. Les études démontrent également qu'environ la moitié de cet écart s'explique soit par les caractéristiques des travailleurs, c'est-à-dire l'ancienneté, l'expérience et le niveau de scolarité plus faible de même qu'un taux de syndicalisation moins élevé chez les femmes que chez les travailleurs de sexe masculin. L'autre moitié serait liée en grande partie à la ségrégation professionnelle, c'est-à-dire au fait que les femmes sont concentrées de façon majoritaire dans des emplois faiblement rémunérés. De plus, M. le Président, différentes analyses démontrent que les salaires des emplois qui sont attribués aux femmes sont davantage déterminés par des caractéristiques stéréotypées que l'on associe au travail féminin que par une estimation rigoureuse de leur valeur.

Le principe qui sous-tend l'équité salariale est le salaire égal pour un travail équivalent. On doit admettre, cependant, qu'il existe encore beaucoup de confusion – peut-être un peu moins, mais qu'il en existe encore – au sein de la population quant à l'interprétation de ce que c'est, l'équité salariale. Ce principe n'est pas nouveau, puisqu'il est inscrit à l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne depuis même 20 ans, et, toutefois, il faut bien l'admettre, le bilan de l'application de cet article de la Charte des droits et libertés démontre qu'il n'est pas suffisant pour éliminer la discrimination salariale dont les femmes sont victimes.

Je l'ai mentionné souvent, M. le Président, mais je crois qu'il est quand même utile de le rappeler: la Loi sur l'équité salariale va bien au-delà du principe «à travail égal, salaire égal». L'employeur devra évaluer les emplois à prédominance féminine et masculine, en faire la comparaison tout en prenant compte, entre autres, de la formation, des responsabilités du poste, des qualifications et des efforts qui s'y rattachent. Il devra ensuite déterminer l'équivalence afin de procéder aux ajustements salariaux pour les emplois dits traditionnellement féminins.

Rappelons que, depuis les 10 dernières années, de nombreuses initiatives ont été mises de l'avant afin d'établir une véritable équité envers les femmes au sein du marché du travail, et l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, en 1975, a permis à plusieurs entreprises de revoir leur politique d'emploi afin de se conformer aux articles 10 et 19 de la dite Charte. En 1986, le gouvernement du Parti libéral a mis sur pied des programmes d'accès à l'égalité en emploi qui s'appliquaient au secteur privé, aux commissions scolaires, aux collèges, aux universités, aux établissement de santé et de services sociaux et aux organismes municipaux. Ces programmes visaient deux objectifs, soit l'augmentation de la représentation des femmes dans leurs organisations et l'élimination de la discrimination dans les pratiques de gestion des ressources humaines, incluant, évidemment, la rémunération. Des investissements financiers de plus de 13 000 000 $ avaient été consentis et touchaient près de 900 établissements et plus de 150 000 personnes.

En 1989, le gouvernement du Parti libéral du Québec, à titre d'employeur, s'était engagé dans une démarche de relativité salariale, c'est-à-dire un exercice d'évaluation des emplois féminins par rapport à l'ensemble des emplois des secteurs public et parapublic. On se rappelle que des comités paritaires avaient été formés, et plus de 900 corps d'emplois ont été évalués. Des ajustements salariaux de près de 375 000 000 $ ont été versés aux personnes, particulièrement des femmes travaillant dans les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux.

En 1989, également, l'établissement d'un programme d'obligation contractuelle est entré en vigueur. Ce programme obligeait les entreprises de 100 employés et plus qui obtenaient du gouvernement une subvention ou un contrat de biens et de services de 100 000 $ et plus à implanter un programme d'accès à l'égalité.

Malheureusement, malgré que l'implantation de programmes d'accès à l'égalité ainsi que l'obligation contractuelle soient de bons outils, il faut reconnaître qu'ils ont été insuffisants pour régler les problèmes d'inéquité salariale qui persistent plus particulièrement dans le secteur privé.

Ce projet de loi sur l'équité salariale, M. le Président, est attendu depuis fort longtemps de la part des groupes de femmes, beaucoup moins de la part du monde patronal, cependant. Le gouvernement, malgré de vives oppositions dans le contexte économique actuel, a décidé d'aller de l'avant avec ce projet. L'opposition officielle a apporté son humble contribution à l'amélioration dudit projet afin d'atteindre les objectifs fixés, soit qu'il réponde à une meilleure équité envers les femmes tout en minimisant les impacts, les lourdeurs administratives et bureaucratiques pour les entreprises.

Il y a sûrement des articles qui nous ont échappé, mais il appartiendra au gouvernement d'en faire une évaluation et d'y apporter des changements, s'il y a lieu.

Permettez-moi, M. le Président, d'aborder quelques éléments contenus dans ledit projet de loi n° 35. Au niveau du champ d'application, la présente loi s'applique à tout employeur dont l'entreprise compte 10 salariés et plus. Alors, tout salarié travaillant dans une entreprise de moins de 10 employés ne sera pas couvert par la Loi sur l'équité salariale. Et il ne faut pas oublier que l'on retrouve majoritairement dans ces entreprises des employés qui ne sont pas syndiqués et qui sont majoritairement des femmes. Sont exemptés de l'application de la loi également, M. le Président, les étudiants qui occupent un travail d'été, les stagiaires dans un cadre de formation ou d'intégration professionnelle, les cadres supérieurs, les pompiers, les policiers ainsi que les travailleurs autonomes.

Toutefois, contrairement à l'avant-projet de loi sur l'équité salariale, le projet de loi n° 35 introduit trois niveaux d'obligation modulés selon la taille de l'entreprise. Le premier niveau, les entreprises de 100 salariés et plus auront l'obligation de mettre sur pied un comité d'équité salariale qui établira un programme d'équité salariale. Ce comité sera formé d'au moins trois membres, dont les deux tiers représenteront les salariés et le tiers restant représentera l'employeur. Chacun des membres du comité aura droit à un seul vote. De plus, l'employeur aura l'obligation de fournir à l'employé toute la formation requise pour remplir son mandat, et ce, aux frais de l'employeur. Le coût de cette formation a été toutefois allégé par la ministre, qui a apporté un amendement afin que les coûts de formation soient inclus dans le déboursé de 1 % qui est alloué à la formation de la main-d'oeuvre. Et, comme je le mentionnais hier lors de l'étape de la prise en considération du rapport, tout en saluant cet assouplissement pour les employeurs, je ne peux que déplorer le fait que ces sommes ne serviront pas à atteindre l'objectif initial de cette mesure, c'est-à-dire le perfectionnement continu des travailleurs et des travailleuses du Québec.

Deuxième niveau, pour les entreprises de 50 à 99 salariés, il y aura obligation d'établir un programme d'équité salariale à l'ensemble de son entreprise, sans toutefois être obligé de mettre sur pied un comité d'équité salariale. Cet employeur pourra donc agir seul, sauf s'il y a présence d'une association accréditée. Dans ce cas, un programme devra être établi conjointement avec celle-ci.

Pour les entreprises de 10 à 49 salariés, aucune modalité précise n'est prescrite pour l'établissement d'un programme d'équité salariale. Seul l'employeur aura la responsabilité d'établir l'équité salariale, et ce, conformément aux règles prévues dans le projet de loi, afin de respecter l'absence de discrimination fondée sur le sexe. De plus, il devra rendre disponibles les résultats de cet exercice à ses employés, qui auront, eux, la possibilité de s'adresser à la Commission de l'équité salariale s'ils estiment que l'équité salariale n'est pas atteinte. Ces entreprises ont donc une obligation de résultat, c'est-à-dire qu'elles auront l'obligation de verser les ajustements salariaux au cours de la même période que les autres entreprises, et ce, conformément aux articles 64 à 68 dudit projet de loi.

Par l'introduction de ces trois niveaux, la ministre a voulu alléger le processus pour les entreprises, mais l'introduction de ces trois niveaux est contraire aux revendications initiales des femmes. Cette mesure risque d'oublier près de 50 % de la main-d'oeuvre féminine, généralement des femmes non syndiquées. J'espère que l'obligation de résultat pour les entreprises de 10 à 49 salariés, qui est visée dans le projet de loi, permettra d'atteindre l'équité salariale dans les faits et non pas seulement sur papier.

(16 h 40)

Quant aux délais, le projet de loi vise un délai de quatre ans pour l'implantation d'un programme et un autre délai de quatre ans pour le versement des ajustements salariaux, délai d'ailleurs qui peut être prolongé de trois années supplémentaires si la Commission juge qu'un employeur a des difficultés financières. Ce délai a d'ailleurs été augmenté d'un an de plus lors de l'étude détaillée article par article, puisque la ministre a apporté un amendement à l'article 128 du projet de loi qui prévoit que les dispositions relatives à la création de la Commission de l'équité salariale entreront en vigueur dès la sanction du projet de loi n° 35, tandis que l'ensemble des autres dispositions de la loi entreront en vigueur au premier anniversaire du jour de la sanction de la présente loi, ce qui signifie une année supplémentaire pour permettre aux entreprises de se familiariser avec le concept et d'apprivoiser les nouveaux règlements qui seront mis en vigueur.

Tous les intervenants que nous avons entendus en commission parlementaire réclamaient la création d'une commission sur l'équité salariale. Le projet de loi prévoit la création de cette Commission. Elle détiendra plusieurs mandats. Laissez-moi les énumérer: ainsi, elle devra surveiller l'établissement des programmes d'équité salariale, déterminer des orientations et des politiques, faire enquête, prêter assistance aux entreprises en développant des outils permettant de faciliter l'implantation des programmes; la Commission devra également favoriser la constitution des comités sectoriels d'équité salariale puis les assister dans leurs travaux, favoriser la concertation au sein des entreprises, diffuser l'information et effectuer des recherches et des études. De plus, une partie insatisfaite de la décision de la Commission pourra en appeler au Tribunal du travail. Les décisions du Tribunal du travail seront finales et sans appel.

À cet égard, M. le Président, je partage les inquiétudes soulevées par le Barreau, qui se lisaient comme suit, et je cite: «Si nous accueillons favorablement l'instauration d'un organisme spécialisé pour veiller à l'application de la loi, nous ne comprenons pas pourquoi ses modes de financement et ses budgets ne sont toujours pas définis dans le projet de loi. Les ressources humaines et financières risquent de fluctuer au fur et à mesure de l'implantation de cette loi. Il ne faudrait pas que l'austérité financière entourant l'appareil gouvernemental influe sur le financement initial nécessaire à la Commission de l'équité salariale.» Fin de la citation.

Bien sûr, M. le Président, si cette Commission n'est pas dotée des effectifs humains et budgétaires nécessaires pour accomplir son mandat efficacement, cette Commission deviendra une coquille vide. On sait que, pour l'année 1996-1997, cette Commission sera financée à même les crédits du ministère du Travail, mais nous ne savons pas encore les sommes qui y seront injectées. Mais qu'arrivera-t-il pour les années subséquentes? Le projet de loi est muet à ce sujet. Combien de personnes travailleront à cette Commission? Est-ce que les experts de la Commission des droits de la personne, qui ont une bonne expertise en la matière, seront transférés à cette nouvelle Commission? Beaucoup de questionnement au sujet des ressources humaines et financières subsistent quant à la création et à la survie de cette Commission.

Tous reconnaissent, M. le Président, que l'équité salariale est un objectif de justice sociale pour toutes les femmes du Québec, et c'est ce qui doit guider notre action. Les enjeux sont majeurs, et l'équité salariale est un grand pas pour l'obtention par les femmes de leur sécurité économique. J'espère que les coûts administratifs reliés à l'application de cette loi ne dépasseront pas les écarts salariaux qu'on pourrait verser aux femmes. Je souhaite vivement que ce projet de loi bénéficie pleinement aux femmes du Québec et qu'il ne vienne pas aggraver davantage la fragilité déjà existante de la situation des femmes sur le marché du travail en créant de nouvelles résistances de la part des employeurs, notamment face à l'embauche des femmes, qui en seraient, vous en conviendrez, M. le Président, les premières pénalisées.

L'adoption d'une telle loi et son application arrivent dans une période où la situation économique est extrêmement difficile, et je n'apprendrai rien aux membres de cette Chambre à cet égard. Je dois souligner cependant que ça fait trop longtemps que les travailleuses font les frais de la sous-rémunération du travail, entraînant ainsi un manque à gagner important.

Ce projet de loi apportera des modifications majeures dans l'organisation du travail, d'où l'importance d'avoir la collaboration de tous les intervenants des organisations du travail. Il ne faut pas se le cacher, les entreprises du Québec vivent des moments difficiles. En raison des taxes et de la situation économique fragile, leur marge de manoeuvre est limitée. Il est important que tous les travailleurs et les travailleuses du Québec comprennent, reconnaissent, mais surtout acceptent à l'avenir que l'entreprise devra réorganiser sa masse salariale afin de prioriser l'application de l'équité salariale des femmes dans l'entreprise.

Quant au niveau des secteurs public et parapublic, nous savons tous que des coupures budgétaires importantes ont été appliquées et que le gouvernement s'apprête à réclamer des employés de l'État tout près de 1 400 000 000 $, et ce, dans le contexte d'enveloppes budgétaires fermées. Il serait intéressant de savoir comment le gouvernement entend respecter son engagement d'équité salariale envers les femmes dans le secteur public.

M. le Président, l'adoption de ce projet de loi est un grand jour pour les femmes du Québec. Et j'espère sincèrement que le projet de loi sur l'équité salariale que nous adoptons aujourd'hui permettra vraiment aux femmes d'atteindre cette équité sociale tant recherchée depuis de nombreuses années. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la députée de Saint-François. Je cède maintenant la parole au député de Saguenay. M. le député.


M. Gabriel-Yvan Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président. C'est avec un réel plaisir que j'interviens sur le projet de loi relatif à l'équité salariale. Celles et ceux qui soutiennent cette pièce législative ont, j'en ai la conviction, le désir de mettre fin à une injustice profonde qui, dans une société civilisée, doit être corrigée. Ce projet de loi est important pour les femmes, mais il est d'abord et avant tout fondamental pour notre société. À toutes les fois que ce sujet fut abordé chezmoi, dans mon comté, ou ailleurs, j'ai préféré poser le problème dans sa plus simple expression: Y a-t-il injustice? Si oui, corrigeons-la.

Nous avons entendu tout le tremblement des opposants sur les répercussions d'une semblable législation sur l'économie du Québec, les difficultés que des employeurs auraient à s'en remettre, à demeurer concurrentiels. Une telle approche, une telle opposition me laisse un peu abasourdi, perplexe sur les valeurs qui animent cette résistance. On voudrait ainsi nous faire croire qu'il faudrait perpétuer un système qui ultimement enrichit une partie de la population au détriment de l'autre. C'est là quelque chose de profondément révoltant. Le sens commun, le sens inné de la justice qui nous habite nous commande de redresser ce tort que tous les gouvernements antérieurs ont refusé de régler. C'est donc avec fierté que je participe à l'adoption de cette législation.

Comme la plupart d'entre nous ici, je suis issu d'une famille modeste dont les parents, par leur exemple, nous ont inculqué des valeurs de respect; d'abord, dans nos familles, le respect des personnes dans leur intégrité. C'est cette notion de respect qui fonde une semblable législation. J'ai toujours eu une profonde incompréhension en observant le fait que mes soeurs, mes amies, nos conjointes n'ont pas, dans notre société, les mêmes chances que nous, et ce, même si elles sont bardées de diplômes et bourrées de talents.

L'inéquité est dans le système, et c'est l'environnement de travail où nous évoluons qui doit être modifié. C'est à cela que s'attaque ce projet de loi. Nous allons modifier cet environnement en instaurant des mécanismes réparateurs. Nous franchirons ensemble un grand pas. L'objectif final des gestes de cette nature est de nous conduire à un contexte où l'autonomie économique des femmes sera une réalité. Cette loi progressive, dans la foulée des grandes lois de justice sociale, n'est qu'un jalon dans le rattrapage que nos conjointes, nos soeurs, nos filles doivent pouvoir accomplir.

Il est évident que l'application d'une semblable législation ne se fera pas sans heurt. Nous rencontrerons des difficultés. Des entreprises vacillantes pointeront du doigt des coûts de main-d'oeuvre additionnels qui réduiront leur marge bénéficiaire. La période de transition est suffisamment longue, elle est, je crois, à la limite du tolérable, lorsqu'on veut redresser ces torts.

Cette législation permettra une redistribution différente de la richesse. Elle permettra ainsi un redéploiement des revenus permettant l'acquisition de biens nécessaires au mieux-être des familles. Les femmes participeront ainsi davantage à l'ensemble de l'économie.

Quand on s'attaque à la pauvreté ou lorsqu'on s'attaque à des comportements inhérents au système, on ébranle les colonnes du temple, nous en sommes conscients. Et nous devons demeurer déterminés. À cet égard, j'éprouve une réelle fierté et je tiens, au nom des milliers de femmes de mon comté, à remercier sincèrement Mme Harel, députée de Hochelaga-Maisonneuve, et toutes celles qui l'ont accompagnée dans cette longue lutte d'avoir su si brillamment et si vaillamment permettre l'avènement de cette loi. Mes remerciements vont aussi au premier ministre du Québec et député de Jonquière qui, nous pouvons en témoigner, a appuyé l'adoption de cette loi remédiatrice. Pour mes filles Marie-Claire et Sophie, je vous remercie.

(16 h 50)

Nos pensées vont aussi à toutes ces personnes qui, tout au long de notre histoire, ont maintenu très haut nos idéaux de justice et qui, à leur façon, ont préparé le terrain pour l'adoption de cette législation. La patience et la détermination démontrées auront vaincu des préjugés séculaires. Quoi qu'il advienne, nous pourrons, la tête haute, rappeler à toute la population que nous avons été du Parlement, de l'Assemblée nationale qui, à l'automne 1996, a adopté cette loi. C'est dans des moments comme celui-ci que l'institution à laquelle nous participons prend toute sa signification. Comment une nation peut-elle prétendre à cet attribut lorsqu'elle ignore, ou ignorait, une condition de vie de la moitié de la population qu'elle représente? Nous participons à un geste d'une grande portée historique. Nous témoignons aussi par notre action à nos électeurs et à nos électrices que les engagements pris sont respectés. Nous restaurons et réhabilitons progressivement la confiance ébranlée par la fracture sociale de l'inéquité. Notre action est en parfaite concordance avec les valeurs profondes qui nous animent.

Plusieurs l'ont rappelé, des femmes occupent de façon prépondérante des emplois différents. Les mesures antérieures visant à éliminer la discrimination salariale n'ont pas permis de réduire les écarts salariaux entre les deux sexes. La ségrégation professionnelle, qui prend également racine dans des comportements culturels et sociaux, est une des réalités du marché du travail. Il faut s'y attaquer. En fin de semaine dernière, je participais à la table sectorielle des femmes organisée sous l'égide du Conseil régional de développement de la Côte-Nord. Une représentante de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre portait à l'attention des participants des données sur les choix de carrière des filles et des garçons de ma région. Je leur faisais observer, à la lecture des tableaux, que la concentration de garçons se faisait dans des emplois plus rémunérateurs et que les filles, généralement, se dirigeaient dans des champs d'emploi moins payants. Nous nous butons à des phénomènes sociaux et culturels qui perpétuent le clivage et, par le fait même, concentrent la pauvreté et limitent l'autonomie financière des femmes. Une telle législation amorcera la modification des comportements. Elle contribuera à restaurer l'équilibre.

L'analyse des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes met aussi en évidence un phénomène qui, je crois, nous interpelle tous: les femmes se retrouvent majoritairement dans des milieux de travail non syndiqués. Les femmes sont concentrées dans des métiers, des professions traditionnellement sous-évalués et par conséquent sous-rémunérés. Il y a un lien entre la sous-syndicalisation et la sous-rémunération. Le déséquilibre dans le rapport des forces en présence ne permet pas aux travailleuses non syndiquées recevant un salaire modeste d'obtenir justice. Il est donc impérieux qu'elles puissent bénéficier d'une législation vigoureuse instaurant le principe de l'équité salariale. Nous amorçons un redressement fondamental.

Le nombre d'emplois au sein d'une entreprise guidera la modulation des obligations de celle-ci. Il faut aussi, je crois, anticiper un effet d'entraînement dans la région immédiate. Ceci nous amène à préciser que cette loi traite de l'équité salariale interne à l'entreprise. Toutefois, des comparateurs externes et des considérations locales et régionales pourront être pris en compte dans les mécanismes de restauration et les méthodes d'estimation des écarts salariaux. De façon plus générale, il faudra aussi observer le comportement dans les emplois non traditionnels et réfléchir aux mesures de soutien et d'accompagnement permettant l'accès à des champs d'activité où les femmes pourront, elles aussi, se réaliser et soutenir leur famille.

Mais, plus fondamentalement encore, nos efforts devront porter sur la scolarisation. Vous savez, dans une région comme la mienne, la main-d'oeuvre active a comme caractéristique que les femmes, pour 25 % d'entre elles, ont une scolarisation moindre qu'un secondaire II. Ça fait partie de notre drame. C'est aussi pourquoi notre soutien est acquis à toute mesure favorisant la conciliation du travail et de la famille pour que les personnes qui ont la charge d'enfants puissent aussi avoir la chance d'oeuvrer sur le marché du travail. De telles mesures doivent aussi permettre la scolarisation des personnes qui désirent réintégrer le marché du travail. On peut se réjouir de percées spectaculaires de femmes, mais ces percées ne doivent pas nous faire oublier la dure réalité qui nous confronte à tous les jours. C'est pourquoi, M. le Président, nous faisons oeuvre utile et responsable pour la société en adoptant cette Loi sur l'équité salariale. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saguenay. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. En abordant la question de l'équité salariale, permettez-moi de vous dire que mes premières pensées sont pour toutes les femmes du comté de Rimouski. Aujourd'hui, nous vivons un moment très important, un moment que je qualifierais d'historique pour les femmes du Québec et, je le crois très sincèrement, pour l'ensemble de la société québécoise. Le projet de loi qui fait l'objet de nos travaux aujourd'hui constitue en quelque sorte l'aboutissement d'une revendication majeure des femmes du Québec depuis plusieurs générations: l'obtention de l'équité salariale.

Je profite de cette occasion qui m'est offerte pour souligner le travail remarquable qu'a effectué Mme la ministre Louise Harel afin que ce projet de loi prenne forme et soit adopté. Je salue sa détermination et son grand courage. Il faut aussi souligner, M. le Président, que, sans l'appui inconditionnel du premier ministre, M. Bouchard, ce projet de loi aurait probablement été mis au rancart en raison de multiples pressions dont il a fait l'objet depuis son arrivée au menu législatif.

Je m'en voudrais de passer sous silence le travail considérable de tous mes collègues des deux côtés de la Chambre qui ont appuyé le principe du projet de loi et qui l'ont porté bien haut. Je pense notamment à Jeanne Blackburn, députée de Chicoutimi, à Marie Malavoy, députée de Sherbrooke, à Lyse Leduc, députée de Mille-Îles, à Céline Signori, députée de Blainville, à Mme Gagnon-Tremblay, députée de Saint-François. Je salue toutes les femmes et tous les hommes de cette Assemblée qui ont travaillé depuis de nombreux mois pour peaufiner ce projet de loi afin qu'il réponde aux attentes des différents milieux interpellés par son application. J'espère aussi que ce projet de loi recueillera un vote unanime des membres de cette Assemblée, puisqu'il s'inscrit, de par sa nature, au-delà de toute partisanerie politique. Ce projet de loi constitue une question d'éthique.

M. le Président, mes collègues ont eu l'occasion de parler de long en large de ce projet de loi, tant en commission parlementaire qu'ici d'ailleurs, dans cette enceinte. J'ai la nette impression que tout a déjà été dit sur le sujet tant le processus qui nous a menés jusqu'à aujourd'hui a été long et a fait couler beaucoup d'encre. Mais j'aimerais quand même insister sur l'apport extraordinaire qu'aura ce projet de loi pour la vie des femmes, des hommes, des familles et des enfants du Québec. Il s'agit presque d'une révolution en soi, révolution tant sur le plan social et économique que sur le plan des perceptions individuelles et des valeurs collectives. Ce projet de loi vient corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine. À ce titre, je dirais tout simplement: Enfin! À la bonne heure!

M. le Président, cette discrimination systémique à l'égard du salaire versé aux femmes peut s'expliquer de multiples façons. Je dis à l'égard des femmes, mais il ne faut surtout pas oublier que des hommes sont aussi victimes de cette discrimination parce qu'ils occupent un emploi dans un secteur où les femmes prédominent. Cette discrimination tire ses origines des perceptions, des valeurs et de la culture globale de notre société. On a longtemps considéré le travail effectué par les femmes comme étant de moindre importance par rapport à celui effectué par les hommes. On a longtemps considéré le salaire versé aux femmes comme un simple revenu d'appoint pour la famille. L'homme en étant le chef et le pourvoyeur attitré, il était normal que son salaire soit supérieur. Question de rôles sans aucune autre considération.

Dans certains milieux, il était difficilement acceptable qu'une femme travaille, voire encore davantage si celle-ci osait occuper un emploi catégorisé comme étant de type masculin. Il n'y a pas si longtemps, les cloisons étaient étanches. Les femmes devaient se confiner dans des secteurs donnés. Dans un passé encore relativement récent, les femmes étaient considérées comme étant inférieures aux hommes. Quelle horreur! Pensons-y. Replacée dans une perspective historique, la bataille des femmes pour l'obtention du droit de vote est encore bien près de nous, et il ne faut pas remonter trop loin en arrière pour comprendre que les valeurs et les stéréotypes de l'époque, fortement influencés par la culture judéochrétienne, eurent tôt fait de se cristalliser et de se transposer à tous les niveaux de la vie sociale et économique.

(17 heures)

Subtilement mais sûrement, la discrimination à l'égard des femmes a revêtu et revêt encore plusieurs formes. Et cette discrimination est plus qu'évidente lorsque l'on compare l'échelle de rémunération entre les hommes et les femmes. Encore aujourd'hui, le salaire versé aux femmes porte encore les stigmates indélébiles de ce passé peu glorieux. Les écarts discriminatoires doivent être corrigés. Malgré une évidente progression de la cause des femmes, mesurable par les nombreux gains qu'elles ont pu obtenir au cours des années, force est de constater qu'il faille malgré tout intervenir et légiférer.

M. le Président, encore aujourd'hui, dans certains secteurs, l'écart entre le salaire versé aux hommes par rapport à celui versé aux femmes se situe autour de 30 %. L'égalité entre les sexes doit dépasser le cap théorique, les principes et les idéaux des chartes. L'égalité entre les sexes ne doit pas n'être qu'un concept éthéré que l'on évince dès qu'il s'agit de le traduire concrètement dans la vie de tous les jours; l'égalité doit s'exprimer de facto de manière réelle et tangible dans toutes les dimensions de la vie sociale, et notamment par la rémunération. La loi n° 35 sur l'équité salariale vient en quelque sorte renforcer ce principe d'égalité inscrit dans la Charte des droits et libertés.

La Loi sur l'équité salariale sera bénéfique pour l'ensemble de la société québécoise et servira de modèle, j'en suis certaine, aux autres peuples qui voient le Québec comme un modèle de social-démocratie. Je suis d'autant plus fière que cette loi soit l'oeuvre de notre gouvernement. Malgré les obstacles, nous avons voulu qu'elle vienne au monde parce qu'elle correspond aux valeurs qui nous animent et qui animent notre parti politique depuis sa fondation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles.


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Merci, M. le Président. Je me réjouis de voir l'Assemblée nationale du Québec réunie aujourd'hui pour procéder à l'adoption finale de la Loi sur l'équité salariale. Pour mon gouvernement issu du Parti québécois, cela signifie la réalisation d'un engagement inscrit dans le programme de notre parti. Cela signifie aussi la réalisation d'un engagement pris devant la population québécoise lors de la campagne électorale de 1994 et réitéré aux milliers de femmes qui ont participé à la marche «Du pain et des roses».

Je tiens à remercier le premier ministre du Québec, M. Bouchard, d'avoir fait sien cet engagement. Je voudrais aussi remercier mes collègues, hommes et femmes, du caucus des députés pour leur appui unanime à la présente Loi sur l'équité salariale. Je voudrais également souligner le travail phénoménal de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et ministre responsable de la Condition féminine, Mme Harel, qui en paie un peu le coût aujourd'hui. Évidemment, il a été nécessaire d'avoir la collaboration de la députée de Saint-François et porte-parole de l'opposition officielle pour que cette loi en faveur des femmes du Québec puisse être adoptée unanimement aujourd'hui, et je l'en remercie.

M. le Président, l'équité salariale constitue un droit incontestable. C'est en 1975 que le Québec a reconnu ce droit dans la Charte des droits et libertés de la personne. Le mécanisme retenu à l'époque était fondé sur la plainte. Malheureusement, 20 ans après son entrée en vigueur, force fut de constater que le recours fondé sur la plainte du salarié n'a pas produit les résultats escomptés. Le temps était donc venu d'implanter un autre mécanisme pour s'assurer que l'équité salariale devienne réalité. Au terme de son implantation, la Loi sur l'équité salariale aura pour effet d'accorder des hausses salariales aux travailleuses touchées par cette loi. Ceci contribuera à leur assurer un meilleur niveau de vie et, de cette façon, à réduire la pauvreté chez les femmes et les familles.

M. le Président, au cours des différentes consultations, on s'est beaucoup inquiété de l'impact négatif que l'équité salariale pourrait avoir sur la création d'emplois. Comme l'a mentionné mon collègue le ministre des Finances et vice-premier ministre précédemment, tant en Ontario qu'au Minnesota, qui ont adopté des lois sur l'équité salariale, l'impact sur l'emploi a été négligeable. Alors, il est évident qu'il en sera de même au Québec, on peut le croire, je crois, avec certitude. D'autre part, j'ajouterai aussi qu'une partie des ajustements salariaux qui seront versés aux travailleuses touchées par la loi seront sans aucun doute réinvestis dans l'économie à travers les dépenses de consommation et contribueront par le fait même à la création d'emplois.

M. le Président, j'aimerais maintenant attirer votre attention sur certaines dispositions qui me semblent particulièrement importantes et qui pourraient nous aider à clarifier ou à mieux comprendre la Loi sur l'équité salariale. Cette loi – et c'est essentiel – est fondée sur une approche proactive, c'est-à-dire qu'elle stipule que les entreprises ont la responsabilité et l'obligation de parvenir à l'équité salariale dans leur politique de rémunération. Sans cette approche proactive, je doute très fortement que la situation puisse se redresser d'elle-même. Elle ne l'a pas fait au cours des 20 dernières années.

Toute la bonne volonté du monde ne peut permettre de corriger une situation que l'on ignore, car il est certain qu'un grand nombre d'employeurs ne réalisent pas que leur structure salariale est discriminatoire à l'égard de leurs travailleuses. Des études révèlent que la ségrégation professionnelle est la cause, comme on le soulignait tantôt, d'au moins la moitié des écarts salariaux entre les femmes et les hommes. Les professions ou les catégories d'emplois où sont concentrées les femmes sont traditionnellement, pour toutes sortes de raisons culturelles, sociales, historiques, sous-évaluées et, par conséquent, sous-payées. Ainsi apparaît-il normal que les emplois féminins soient moins bien payés que les emplois masculins. C'est l'effet de ce qu'on nomme la discrimination systémique involontaire mais bien cachée, bien réelle et bien enracinée dans le fonctionnement de notre économie.

J'ajouterai que nous avons tout mis en oeuvre pour faciliter l'application de la Loi sur l'équité salariale en l'adaptant à la structure industrielle du Québec. Ainsi, les obligations des employeurs ont été modulées en fonction de la taille de l'entreprise. En cela, nous avons répondu aux représentations des employeurs qui souhaitaient une plus grande souplesse et flexibilité mais tout en maintenant la substance et la portée de la loi. La création de la Commission de l'équité salariale répond plus particulièrement aux demandes des groupes de femmes et des syndicats. Cette Commission aura notamment pour fonction de surveiller l'établissement des programmes d'équité salariale, de prêter assistance aux entreprises ainsi qu'aux employés dans l'établissement des programmes. Et, je crois qu'il est important de le souligner, de le rappeler, la Commission sera un organisme indépendant.

M. le Président, il ne fait aucun doute que le bilan de l'action gouvernementale en faveur des femmes, de l'équité et de la social-démocratie au Québec est positif. Nous avons adopté plusieurs lois progressistes depuis notre arrivée au pouvoir en 1994, et la Loi sur l'équité salariale viendra s'ajouter à cette liste.

Enfin, je voudrais souligner le fait que l'adoption de cette loi est en grande partie due aux efforts et à la détermination des groupes de femmes, qui, depuis 1989, ont sans relâche, avec patience, fait la démonstration de la nécessité de corriger l'injustice subie par les travailleuses québécoises. Merci et bravo à elles, M. le Président!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mille-Îles. Avant de céder la parole au prochain ou à la prochaine intervenante, j'ai deux avis à vous donner, et nous reviendrons.


Avis de débats de fin de séance

Tout d'abord, je vous fais part qu'il y aura un débat à la fin de la séance d'aujourd'hui. M. le député de Frontenac questionnera le ministre de la Sécurité publique concernant les consultations qu'il entend tenir relativement au projet de loi n° 77, la Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives.

Je vous avise également que la commission de l'Assemblée nationale se réunira le mardi 26 novembre 1996, à compter de 10 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de voir à la formation des commissions parlementaires, en application des articles 121 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale.


Reprise du débat sur l'adoption du projet de loi n° 35

Alors, je suis prêt à céder la parole. Mme la députée de La Prairie, je vous cède la parole.


Mme Monique Simard

Mme Simard: Alors, M. le Président, c'est avec un immense plaisir que je prends la parole aujourd'hui, dans les minutes qui précèdent l'adoption du projet de loi sur l'équité salariale, une loi qui va enfin corriger une injustice grave. Je ressens du plaisir, de la fierté et aussi beaucoup d'émotion, puisqu'il y a maintenant plus de 20 ans que je travaille personnellement avec d'autres femmes à la réalisation de cet objectif.

(17 h 10)

M. le Président, je me suis rendu compte de l'inéquité salariale que subissaient les femmes lorsque, après avoir gagné la bataille de l'égalité salariale, on a réalisé qu'il subsistait un écart salarial considérable encore entre les emplois occupés par les femmes et les emplois occupés par les hommes et combien la société en général accordait peu de valeur aux emplois dit féminins, notamment dans le secteur des services auprès des personnes. Je pense ici aux préposées aux malades, aux infirmières, aux enseignantes, aux secrétaires, et j'en passe. L'équation était simple à faire: femme égale peu de reconnaissance sociale, égale salaire de misère ou, à tout le moins, salaire moindre. Aucune catégorie d'emploi n'y échappait, des professionnelles aux travailleuses non qualifiées.

Je pense qu'aujourd'hui on peut être fier, enfin, d'être sur le point de se donner un instrument, parce que cette loi devient un instrument pour qu'on puisse appliquer un principe qu'on a adopté il y a plus de 15 ans maintenant. Attendre autant d'années pour enfin avoir un outil qui va réaliser un des principes les plus fondamentaux de justice sociale. Ça fait 15 ans que les femmes du Québec attendent sa concrétisation. J'aurais souhaité, évidemment, comme d'autres, que les délais de la mise en oeuvre soient plus courts, compte tenu de toutes ces années d'attente, mais, avec le souci de rechercher le plus grand nombre d'accommodements possibles, je les accepte. Mais je profite de l'occasion pour inviter les entreprises, les entrepreneurs, les employeurs qui le veulent bien... qu'ils peuvent aller plus vite que les délais que la loi leur indique et qu'ils ne se sentent pas gênés de déployer leurs efforts pour corriger la discrimination salariale dont seraient victimes, peut-être même malgré eux, leurs employés féminins.

Chaque dollar qui est dû aux femmes en vertu du principe de l'équité salariale devrait pouvoir leur être versé le plus rapidement possible. Les femmes du Québec sont en déficit depuis trop longtemps, et rappelons-nous que d'autres ont profité de l'argent qui ne leur a pas été versé. Et pensez, M. le Président, que, si les femmes réclamaient une rétroactivité salariale, combien ces coûts seraient infiniment plus grands que les corrections du futur. S'il est vrai que le droit à l'équité salariale a pris longtemps à être reconnu, il est aussi vrai aujourd'hui que la société québécoise l'embrasse largement. Bravo! Nous devrions nous en féliciter, car d'autres sociétés modernes et riches ont encore à le faire. Je pense ici notamment aux États-Unis. Devenons un exemple pour d'autres, comme d'autres plus avant-gardistes l'ont été pour nous.

Je suis fière de ce que nous avons accompli ici, à l'Assemblée nationale. Je veux, moi aussi, joindre ma voix à mes collègues, à celles de mes collègues qui ont félicité Mme Harel et mes collègues députées des efforts qu'elles ont déployés depuis plusieurs mois pour réaliser ce qu'on s'apprête à faire dans quelques instants. Je veux aussi féliciter les femmes députées de l'opposition officielle qui ont été des alliées dans la réalisation de cet objectif. Mais il faut le reconnaître, M. le Président, que nous avons été les dernières artisanes d'un projet, d'une oeuvre travaillée au corps par les femmes du Québec, les groupes de femmes, les femmes des syndicats, les féministes, les militantes du Parti québécois. Je veux leur rendre hommage et dire combien leur détermination et leur acharnement ont porté fruit. Je les salue, ces femmes, ces féministes qui, il y a plus de 20 ans maintenant, ont commencé à lever leur voix pour réclamer cette mesure d'équité salariale. Je rends hommage également aux fonctionnaires qui ont collaboré à la réalisation de ce projet de loi. Et comment ne pas saluer nos collègues masculins qui nous ont appuyées dans cette démarche. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Prairie. Y a-t-il d'autres intervenants? Mme la députée de Matapédia, je vous cède la parole.


Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Oui, merci, M. le Président. Je n'interviendrai pas longtemps, mais je trouvais primordial de le faire parce que ce projet de loi n° 35 m'apparaît majeur dans, je dirais, même j'oserais dire dans l'histoire du Québec parce que, par ce projet de loi... Et d'ailleurs je veux en profiter pour féliciter Mme la ministre responsable de la Condition féminine. Ce projet de loi que nous adopterons dans quelques minutes, unanimement je l'escompte bien, il est majeur pourquoi? Parce que, par ce projet de loi, nous rétablissons, je dirais, un équilibre salarial qui a été causé par des biais historiques dus à la condition des femmes.

Alors, M. le Président, l'an passé, j'ai participé au départ de la marche «Du pain et des roses» dans la région du Bas-Saint-Laurent, plus précisément à Saint-Jean-Port-Joli. Sur notre parcours, plusieurs femmes, hommes et enfants sortaient pour saluer les femmes qui marchaient et nous encourageaient à poursuivre cette marche. Dans le fond, je suis députée, je l'étais l'an passé, et je participais à cette marche, et les femmes s'en allaient à l'Assemblée nationale pour nous lancer plusieurs messages. Parmi ces messages, il y avait celui lié à la Loi sur l'équité salariale.

Alors, nous portions et nous portons encore une lourde responsabilité, comme parlementaires. Il ne fallait pas que le principe de l'égalité des sexes enchâssé dans la Charte des droits et libertés depuis plusieurs années reste lettre morte. Elle devait prendre tout son sens dans la réalité, principalement dans le domaine du travail, cette égalité.

M. le Président, c'est en pensant à toutes les femmes de mon comté, qu'elles soient au travail, qu'elles soient dans quelque domaine du travail que ce soit, ou qu'elles travaillent chez elles, dans leur foyer, que je me réjouis de l'adoption de ce projet de loi, parce que toutes ces femmes, où qu'elles soient, elle sont actives, productives, socialement parlant. Nous avons des filles, nous avons des petites-filles, et c'est pour elles que nous passons aujourd'hui ce projet de loi.

Nous n'avons rien à gagner en perpétuant l'inéquité salariale. Au contraire, je suis persuadée que nous serons plus riches de ce rééquilibrage salarial. Nous ramenons dans le système salarial ce nouvel équilibre, comme je le disais tantôt, qui prend en compte des biais historiques dont, dans le fond, nos filles et nos petites-filles ne sont pas responsables et qui pèsent lourdement sur les niveaux de salaire.

Alors, moi, j'en profite pour remercier tous les groupes de femmes, toutes les personnes et les groupes, quels qu'ils soient, qui nous ont appuyées dans notre démarche à laquelle nous allons donner le sens par notre vote tantôt. Alors, je suis extrêmement heureuse de m'associer à tous mes collègues, de quelque côté de la Chambre qu'ils soient. Et c'est fièrement que je vais me lever en Chambre, tantôt, pour voter ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Matapédia. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Sherbrooke. Est-ce que vous intervenez en réplique ou si c'est une première intervention?

Mme Malavoy: C'est une première intervention...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une première intervention. Ah! bon, très bien.

Mme Malavoy: ...mais je pense que ce sera la dernière, de toute façon, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à ce moment-là, vous pourrez disposer d'un temps de 20 minutes, parce que la dernière pour votre parti peut être en tant que réplique à ce moment-là. Très bien.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Je vous remercie. J'aurais évidemment des choses à dire pour 20 minutes et plus même, si c'était nécessaire, mais, comme je sens que nous sommes impatientes et impatients de passer au vote, soyez sûrs que je prendrai moins de temps que cela.

J'aimerais dire, tout d'abord, M. le Président, que je suis particulièrement fière de mon métier aujourd'hui. Je pense qu'il y a des moments dans l'histoire d'une société où l'on sent que des projets sont mûrs, où l'on sent que, quel que soit le côté où l'on est dans cette Chambre, on partage une même vision du bien commun. Et, si l'on constate ce qui s'est passé tout simplement cet après-midi, où le vice-premier ministre a pris le relais de la ministre de la Condition féminine et où la porte-parole officielle de l'opposition, la députée de Saint-François, a, elle aussi, manifesté son appui au projet de loi, je pense qu'on avait, ces dernières minutes, dans cette même enceinte, la manifestation qu'il y a autour de ce projet de loi une solidarité qui est magnifique.

Le rôle d'une loi dans une société, pour ce que je peux en comprendre, c'est bien évidemment de se porter garante des valeurs d'une société à un moment de son histoire. C'est une façon de se dire collectivement ce que nous pensons être bien, ce que nous pensons être la justice, ce que nous pensons être le mieux pour les citoyennes et les citoyens d'un pays. Et il se trouve que, parce que le bien n'était pas assez visible, nous avions à produire une loi qui soit proactive en matière d'équité salariale.

Dans d'autres domaines, il y a des valeurs qui étaient acquises depuis longtemps. Il y a un exemple que nous avons utilisé les unes et les autres en discutant avec des gens pour les convaincre d'adhérer à ce projet de loi, un exemple dont je voudrais simplement me servir parce que je crois qu'il illustre bien mon propos.

(17 h 20)

Notre société, depuis fort longtemps, a condamné le travail des enfants. Et nous n'avons pas besoin de loi pour cela parce que c'est quelque chose qui est acquis. Il y a des parties du monde où ce n'est peut-être pas acquis, mais chez nous c'est acquis.

Notre société a aussi admis depuis moins longtemps, depuis plus récemment, que, pour un travail égal, les femmes devaient recevoir un salaire égal à celui des hommes. Mais nous aurons l'assurance, à partir d'aujourd'hui, qu'à cela nous ajoutons une pièce importante dans la défense et la reconnaissance des droits des travailleuses, le fait que maintenant, pour un travail équivalent, elles auront droit à un salaire égal à celui des hommes.

Qu'y a-t-il dans cette loi? Il y a des choses qui sont relativement simples, si on prend bien la peine de les comprendre. Cette loi, essentiellement, elle expose les obligations des employeurs et elle explique la démarche pour rencontrer ces obligations. C'est une démarche que nous avons voulu souple, bien adaptée, comme d'autres personnes l'ont fait remarquer, à la structure industrielle du Québec et qui procède donc – c'est un élément sur lequel il faut insister – par paliers, c'est-à-dire que les exigences vont croissant selon la taille de l'entreprise.

Je tiens à insister sur un aspect parce qu'il me semble que, dans les médias tout au moins, ça ne ressort pas de façon suffisante: les entreprises qui ont entre 10 et 49 employés sont bel et bien assujetties à la loi, et il serait donc faux de dire ou de croire que les entreprises de moins de 50 employés échappent à cette loi proactive. Elles y sont assujetties, elles ont ce qu'on appelle une obligation de résultat. Puis, entre 50 et 99 employés, obligation d'avoir aussi un programme d'équité salariale. Et, finalement, pour les entreprises de 100 employés et plus, obligation additionnelle d'avoir un comité d'équité salariale.

Je crois qu'il faut insister aussi sur le fait que, dans ce projet de loi, on a reconnu – et c'était fort important de le faire – le rôle des salariés et le rôle des unités d'accréditation. Il était important que les salariés se retrouvent à parts égales dans les comités d'équité salariale avec les employeurs. C'est une affaire d'équité interne à l'entreprise. C'est bien entendu une responsabilité de l'employeur, mais, pour les étapes qui vont permettre d'identifier les catégories d'emplois, de les évaluer et d'en faire la comparaison, il est important, essentiel que les salariés et les syndiqués fassent partie de la démarche.

J'aimerais insister également sur le fait que nous avons introduit dans cette loi des mesures qui vont permettre aux entreprises de ne pas se sentir isolées avec cette démarche qui pourrait à première vue leur apparaître peut-être un peu complexe. C'est pourquoi dans la loi il y a un chapitre qui porte sur les comités sectoriels, d'autres articles qui portent sur le regroupement d'employeurs. Je ne veux pas en expliquer le détail, mais je veux simplement mentionner que, par ces deux moyens, il y a un moyen pour les entrepreneurs, pour les entreprises de se regrouper et d'avoir des instruments de travail mis en commun, reconnus par la Commission de l'équité salariale, qui vont leur permettre d'accélérer le travail de façon beaucoup plus efficace.

Je crois qu'il faut également insister sur la création d'une commission de l'équité salariale. Vous savez que, dans l'avant-projet de loi, on ne se permettait pas d'aller aussi loin, parce que, étant prudent dans les dépenses des finances publiques, on se disait qu'il fallait peut-être raccrocher ça à un organisme existant. Finalement, et je dois dire que ça a été la recommandation du premier ministre lui-même, on a dit: C'est une loi qui est suffisamment importante pour justifier bel et bien une commission de l'équité salariale.

Certaines personnes vont dire que le cadre est coercitif et qu'on les oblige à des résultats dans un temps relativement restreint. D'autres personnes – nous en avons entendu et nous en entendrons peut-être encore – vont nous dire que le temps est trop long, que quatre ans pour faire l'étude diagnostique puis quatre autres années pour faire les versements, c'est trop long pour arriver à des résultats.

J'aurais simplement envie de faire remarquer, M. le Président, que, dans une démocratie comme la nôtre, une décennie, ce n'est pas très long pour qu'un progrès comme celui-là s'accomplisse. Le progrès, ce n'est jamais instantané dans une société. Nous ne sommes pas devant des consoles, à appuyer sur des boutons pour que le progrès arrive. Pour qu'un progrès comme celui que nous allons franchir ensemble dans quelques minutes arrive, il faut d'abord que des dizaines et des milliers de personnes se préoccupent d'une question, il faut ensuite que des dizaines et des centaines de personnes prennent le relais et fabriquent les projets de loi.

Et je me permets, en passant, de rendre hommage à celles et à ceux qui, patiemment et parfois avec des mandats qui étaient difficiles et avec des agendas et des calendriers qui étaient très difficiles à respecter, ont fabriqué ce projet de loi, qui l'ont revu et corrigé et qui ont essayé maintes et maintes fois de traduire dans des mots de législation les valeurs de société que nous voulions défendre dans le projet de loi sur l'équité salariale.

Nous franchissons donc aujourd'hui une étape qui est très importante, comme d'autres l'ont mentionné, dans l'histoire des femmes du Québec. Et je voudrais rendre hommage à celles qui nous ont précédées. Je pense qu'une des personnes qui ont le mieux exprimé ce que je ressens aujourd'hui, c'est Mme Payette, qui disait, alors qu'elle était ministre de la Condition féminine: Dans l'histoire des femmes et dans l'histoire des progrès qui concernent les femmes, nous devons faire une course à relais. Et je pense aujourd'hui... Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous ai parlé de droit de réplique, tantôt. Mme la députée de Chicoutimi, vous avez l'intention d'intervenir. Alors, je dois vous rappeler, à ce moment-là, que votre temps d'intervention devra se limiter à... Comme vous n'êtes pas intervenue, vous pouvez vous limiter à 10 minutes, et à ce moment-là je pourrai poursuivre, parce que le droit de réplique... Si vous avez déjà pris la parole, je ne pourrai pas agir ainsi. Mais je vous fais part qu'il y a...

Une voix: ...consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...qu'il y a consentement, avec madame, oui.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Je voulais quand même en faire part. Alors, vous pouvez poursuivre.

Mme Malavoy: Je vous remercie, M. le Président. De toute façon, j'étais proche de la fin parce que je n'étais pas au courant qu'il y avait une autre intervention. Mais plus nous serons de personnes à parler aujourd'hui et plus nous serons collectivement fiers de l'avoir fait.

Je reprends donc que je pense important de manifester qu'il y a beaucoup de personnes qui ont mis la main à la pâte pour ce projet de loi. Et je crois qu'il faut mentionner que, comme je le disais, nous faisons partie de cette immense course à relais et qui fait qu'il y a aujourd'hui des députés en cette Chambre qui ont le bonheur, je pense, de voter en troisième lecture une loi sur l'équité salariale. Mais je n'oublie pas que ce projet a été porté par bien des personnes avant nous et je tiens à leur rendre hommage.

Je tiens aussi à rendre hommage à mes collègues masculins particulièrement. Je tiens à ce que vous sachiez, chers collègues, que, dans ce projet de loi, où vous représentiez pour plusieurs ce qu'est tout simplement notre société, à aucun moment je pense qu'on n'avait de reproches à faire à des gens, s'ils avaient besoin d'un peu plus de temps pour comprendre les bien-fondés d'une loi sur l'équité salariale. Je pense que ce qui compte, ce n'est pas le temps que l'on prend pour comprendre, mais c'est la conviction avec laquelle on prend les décisions au bon moment et on va jusqu'au bout de ses idées. Je tiens à manifester que, dans un projet comme celui-là, il fallait absolument que le premier ministre, en tête, que le Conseil des ministres et que le caucus des députés se retrouvent parfaitement solidaires pour que nous arrivions aujourd'hui à franchir cette étape.

Je me permettrai d'ajouter – et je termine bientôt – que le rôle de l'opposition, pour moi, a aussi été remarquable dans ce dossier. Je vois ma collègue la députée de Saint-François devant moi. J'ai assisté avec elle à sa participation lors de la commission des affaires sociales qui faisait l'étude article par article. Et je tiens à redire aujourd'hui, au moment où nous allons franchir ensemble cette étape importante, que le rôle de l'opposition, pour moi, a été tout à fait fructueux et que ça représente, je dirais, le meilleur exemple de ce que nous pouvons faire, je crois, comme des élus dans une Assemblée nationale.

Je termine simplement en disant, M. le Président, que c'est vrai, je suis députée depuis environ deux ans et c'est aujourd'hui qu'avec le plus de fierté je suis heureuse d'avoir été élue dans le comté de Sherbrooke, le 12 septembre 1994. Je vous remercie.

(17 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Sherbrooke. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Chicoutimi.


Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je vais être brève, pour deux bonnes raisons: la première, je pense que tout ou presque a dû être dit ou a été dit; la seconde raison, je pense que, tous et toutes ici, on a hâte vraiment de passer à l'adoption d'un projet de loi qui marquera l'histoire du Québec et qui inscrira dans les annales parlementaires le fait que, sur une question aussi capitale, les partis se sont entendus, des deux côtés de la Chambre. Et c'est toujours réjouissant parce que, quand on examine, quand on observe les travaux de l'Assemblée nationale, plusieurs expriment une certaine forme de cynisme, parce qu'il est rare qu'on puisse amener les deux partis à s'entendre sur un projet de loi. Ça a été le cas sur la perception des pensions alimentaires, c'est le cas aussi aujourd'hui avec la Loi sur l'équité salariale et c'est ce qui, j'allais dire, nous réconcilie, je pense, tous un peu, beaucoup avec les activités parlementaires.

L'adoption de ce projet de loi, c'est la conclusion d'un long processus qui aura exigé la contribution de nombreuses personnes. On a souligné cette contribution à plusieurs reprises. Je pense qu'il faut rappeler la détermination des organismes de femmes, également, qui ne nous auraient pas laissé aller sans respecter l'engagement que nous avons pris là-dessus. Nous avions l'intention de le faire, j'avais initié le processus, mais je pense que, à la fois la volonté du gouvernement du Québec, mais également la ténacité des Québécoises, des Québécois dans une certaine mesure, nous aura permis aujourd'hui de fermer la boucle d'un long processus qui a exigé compétence, ténacité, persévérance.

Je me permettrais quand même de souligner, pour les en remercier, deux personnes qui ont travaillé dans les tout premiers débuts de la démarche qui nous amène aujourd'hui à l'adoption de cette loi, et c'est Mmes Esther Déom et Marie-Thérèse Chicha. J'avais confié à ces deux personnes le mandat de préparer un document de consultation et de mener une consultation sur ce que pourrait être un projet de loi sur l'équité salariale. Elles l'ont fait dans les délais qui étaient impartis de façon extrêmement compétente – il s'agit en fait d'expertes en ces matières, en matière de rémunération et d'évaluation des tâches – et je puis dire que l'esprit et la lettre de la loi qui est adoptée aujourd'hui, on doit beaucoup aux démarches de débroussaillage qui ont été faites par ces deux personnes, et je tenais à les en remercier.

Je voudrais également rappeler brièvement, parce qu'on l'a fait beaucoup en rappelant que c'était une loi d'équité... Effectivement, c'est une loi d'équité, mais c'est aussi une loi qui va contribuer à lutter contre la pauvreté des femmes, des enfants et des familles. Non seulement ça exigeait qu'on intervienne pour corriger ces écarts, mais il faut toujours se rappeler que, lorsqu'on améliore la condition féminine, on améliore la condition de toute la société. Et je trouvais, M. le Président, que ces deux choses-là méritaient d'être dites et d'être rappelées, et je voudrais féliciter à nouveau mes collègues des deux côtés de la Chambre qui ont contribué à rédiger, à modifier ce projet de loi, plus particulièrement – vous allez me le permettre aussi, du côté de l'opposition – mes collègues de la partie ministérielle dont je connais le dévouement, la ténacité et la détermination lorsqu'il s'est agi d'appuyer la ministre dans sa démarche pour faire adopter le projet de loi. Alors, félicitations à tous mes collègues et bravo à la ministre responsable de la Condition féminine. Alors, évidemment, je souhaite que tous et toutes, à l'unanimité, nous adoptions ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Chicoutimi. Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants, nous allons mettre aux voix le projet de loi. Le projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Bélanger: Non, M. le Président. Vote par appel nominal, M. le Président. Vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! vote par appel nominal. Alors...

M. Paradis: M. le Président.

M. Bélanger: Vote par appel nominal, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Je ne veux pas être formel. Vous aviez mentionné «adopté» compte tenu que vous aviez constaté l'unanimité. Mais, sans vouloir être formel, je demanderais à ce moment-ci au leader du gouvernement de bien vouloir, si vous décidez qu'il y a vote par appel nominal, remettre le vote à mardi de la semaine prochaine compte tenu – je le dis tel que c'est – que le chef de l'opposition est retenu dans l'Ouest canadien et qu'il m'a très clairement manifesté qu'il souhaitait voter en faveur de cette importante législation, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, je crois que, sans être trop formel, je dois accepter le vote par appel nominal. Maintenant, pour ce qui est du reste, ça ne relève pas de la volonté du président de décider, à ce moment-là, du moment. Alors, je laisse le leader du gouvernement décider quand il souhaiterait qu'on prenne le vote par appel nominal.

M. Bélanger: M. le Président, je comprends que le chef de l'opposition officielle aurait voulu contribuer, aurait voulu voter en faveur de ce projet de loi important, et je sais qu'il voulait le faire. Cependant, nous désirons voter immédiatement sur ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, que l'on appelle les députés. Nous allons prendre le vote par appel nominal.

(17 h 36 – 17 h 51)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.


Mise aux voix

Alors, nous allons mettre aux voix le projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale. Que les députés en faveur de ce projet de loi veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière)...

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il d'autres députés en faveur de ce projet de loi?

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Cusano (Viau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), Mme Vaive (Chapleau).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des députés contre le projet de loi? Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:88

Contre:0

Abstentions:0

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le projet de loi est adopté. Alors, étant donné l'heure, nous allons suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Avant de poursuivre aux affaires du jour, j'aimerais vous faire part que la commission de l'Assemblée nationale, dont j'ai annoncé une réunion pour le mardi 26 novembre, est remise à plus tard. On ne m'a pas mentionné la date. Je l'annoncerai plus tard parce qu'on ne m'a pas indiqué la date de la remise à plus tard pour le moment. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 59


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du principe du projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. M. le ministre de l'Environnement, je vous cède la parole.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Alors, en cette fin de la saison de la chasse au chevreuil, il me fait plaisir aujourd'hui de proposer l'adoption du principe de la loi n° 59, une autre loi importante qui vise à modifier et à moderniser la Loi sur la conservation de la faune, parce que la faune, au Québec, on l'oublie, malheureusement, c'est très important. Il y a 72 % des Québécois et des Québécoises qui, annuellement, font des activités relatives à la faune, soit pour son observation ou pour sa récolte qui se fait, bien sûr, dans un cadre de gestion de la faune pour la pérennité des ressources.

En 1992 – c'est l'année où on a les dernières statistiques – près de 4 000 000 de Québécois ont eu des activités relatives à la faune. Ces activités fauniques génèrent des impacts économiques directs, des retombées économiques directes de 2 400 000 000 $ et elles soutiennent, ces activités, M. le Président, environ 34 000 personnes-année au niveau de l'emploi, ce qui signifie l'importance de la faune dans l'économie québécoise et, bien sûr, l'importance de cette économie surtout en région, dans toutes les régions du Québec.

Inutile de vous rappeler la mission du ministère de l'Environnement et de la Faune, et je cite cette mission en vertu de la loi constituante du ministère: C'est «d'assurer, dans une perspective de développement durable, la protection de l'environnement, la conservation et la mise en valeur de la faune et de son habitat.»

Dans une perspective de partenariat, nous avons élaboré ce projet de loi qui répond à des attentes maintes fois répétées par les gens du milieu. Il m'a été permis de réaliser, dans le cadre des Forums faune, de ces réunions que nous tenons sur une base régulière avec les partenaires dans le domaine de la faune, que cette loi va répondre à des besoins maintes fois répétés et qui sont synonymes d'un véritable partenariat et qui signifient que le partenariat, ça veut dire des gens qui travaillent ensemble pour une meilleure conservation et mise en valeur de la faune.

Voici donc les éléments essentiels de cette loi, de ce projet de loi, qui portent sur une autre mise à jour de la Loi sur la conservation de la faune. D'abord, un des éléments essentiels de cette loi, c'est que nous allons revoir l'aide, la façon dont nous voyons à la conservation de la faune au Québec.

Quelques mots sur la situation actuelle. Dans la situation actuelle, il y a, d'abord et avant tout, les agents de conservation de la faune, qui sont des agents de la paix, qui sont rémunérés par le ministère de l'Environnement et de la Faune, et qui sont plus de 300 dans 75 bureaux répartis correctement, judicieusement sur l'ensemble du territoire du Québec, et qui non seulement voient effectivement à la protection et à la conservation de la faune, mais également ils sont nommés agents de pêche en vertu de la loi fédérale sur les pêches. Et ils appliquent, sur le territoire québécois, les lois, les dispositions relatives à la loi fédérale sur les pêches. Ces 312 agents de conservation de la faune, si ma mémoire est bonne, dans ces 75 bureaux, constatent en moyenne près de 9 000 infractions par année. Il m'a été possible de passer une journée avec ces agents de conservation de la faune pour les voir à l'oeuvre, les voir à l'action et réaliser l'importance qu'ils ont dans la mise en oeuvre de la conservation de la faune. C'est donc près de 9 000 cas annuellement qui sont des infractions et qui sont notés comme infractions. Et il est à remarquer le travail remarquable de ces agents de conservation qui, du premier constat d'infraction, souvent mènent leur dossier jusqu'au jugement de la cour et à son exécution.

À ces agents de conservation de la faune, qui sont des agents de la paix, se greffent, s'ajoutent ce que nous appelons maintenant des agents de conservation auxiliaires. M. le Président, il faut se souvenir qu'en 1978, dans ce vaste exercice de démocratie et de démocratisation de l'accès aux ressources fauniques du Québec, année à laquelle nous avons aboli, souvenons-nous-en, les clubs privés de chasse et pêche et que nous avons créé les zecs, c'est à ce moment-là que les 1 200 gardiens de territoires privés, de pourvoiries privées, de clubs privés sont devenus des agents de conservation auxiliaires. Ils ne sont pas nommés par le gouvernement. Ils ne sont pas reconnus par le ministre de l'Environnement et de la Faune. Ils ne sont pas des agents de la paix et ils ne sont pas rémunérés en vertu des lois de la fonction publique. Certains le sont par les organismes qui les engagent, d'autres ne le sont pas, et plusieurs font du bénévolat.

Après près de 18 ans de l'exercice du travail de ces agents de conservation auxiliaires, certains constats ont été posés. Ces constats m'ont été représentés de vive voix par ceux et celles qui engagent ou font affaire avec des agents de conservation auxiliaires. Le premier élément, c'est que, compte tenu d'une défaillance dans leurs pouvoirs, leur productivité, si je peux m'exprimer ainsi, la productivité de ces auxiliaires pour agir efficacement est faible, sinon très faible et, dans certains cas, inexistante. Certains agents de conservation auxiliaires, au fil des dernières années, n'ont pu amener aucune contravention ou n'ont pas pu agir comme ils voudraient le faire. Ceci est dû notamment au fait que ces pouvoirs ne sont pas ajustés et ne sont pas les pouvoirs nécessaires à ce qu'ils puissent faire exactement la fonction pour laquelle, au début, nous les avions nommés ou nous les avions reconnus, c'est-à-dire de voir à l'application de la Loi sur la conservation de la faune. En fait, la majorité des 1 200 auxiliaires de la faune actuellement sont surtout utilisés à titre de gardiens de territoire et se contentent de demander aux gens d'exhiber leur permis d'accès aux territoires comme les zecs ou d'exhiber leur permis de chasse et pêche, encore là, dans certaines conditions uniquement.

(20 h 10)

Voici donc l'essentiel de cette loi. C'est que le nouveau modèle que nous allons proposer est un modèle d'associé à la conservation de la faune. Ainsi, dans le but de pallier aux lacunes que je viens d'exprimer, je propose dans cette loi n° 59 un nouveau cadre légal qui vise à remplacer les auxiliaires agents de conservation de la faune par deux nouveaux intervenants en matière de conservation de la faune: d'abord, l'assistant à la conservation de la faune, et le gardien de territoire. Le premier, l'assistant de conservation de la faune, aura bien sûr comme fonction de protéger la faune, ses habitats, mais il aura le devoir d'appliquer certaines dispositions de nos lois sur le territoire sur lequel nous lui reconnaîtrons ce pouvoir. Et ces pouvoirs couvriront notamment, en plus de celui de pouvoir exiger de voir les permis de chasse et pêche, les pouvoirs d'inspection et de saisie.

Et, là-dessus, M. le Président, je pense qu'il y a lieu de dire quelques mots, parce que cette question, je pense, peut être soulevée par le critique officiel de l'opposition, qui pourrait s'inquiéter de l'utilisation de ce pouvoir. Le pouvoir d'inspection, essentiellement, sera uniquement limité au pouvoir d'immobiliser un véhicule, de faire immobiliser une embarcation, que ce soit un canot ou une embarcation à moteur, de demander d'immobiliser un aéronef – un hydravion, la plupart du temps – lorsqu'il se retrouve amerri sur les cours d'eau, pour y faire une inspection visuelle de son contenu. Le pouvoir de l'agent de conservation assistant pourra également être celui de saisir, mais saisir uniquement un animal, un poisson ou un animal à fourrure qu'il est nécessaire de saisir dans la volonté de monter un constat d'infraction.

Nous estimons que le nombre total d'agents de conservation assistants, d'assistants à la conservation de la faune, comme nous allons les appeler, serait de l'ordre de 250. Naturellement, ils seront formés comme il se doit pour pouvoir exercer des pouvoirs au niveau de la conservation de la faune, au niveau de l'application de la Loi sur la conservation de la faune. Ils recevront une formation initiale nécessaire et une formation annuelle. Notamment, je pense au centre Duchesnay, qui est le centre de formation actuel qui vise à former les agents de conservation de la faune.

Le deuxième type de personne que nous pourrons éventuellement reconnaître pour la conservation de la faune, celui-ci, ce sera le gardien de territoire. Le gardien de territoire aura, comme le dit son nom, le pouvoir essentiellement d'assurer l'intégrité du territoire pour lequel on lui reconnaît ses pouvoirs, notamment les zecs, les réserves fauniques et d'autres territoires dont je parlerai plus loin. Il aura à ce titre le pouvoir d'exiger de voir les permis de chasse et pêche et également les permis d'accès sur ces territoires et, à ce titre, de pouvoir exiger de voir les permis. Il pourra, lui aussi, demander à un véhicule qu'il s'immobilise. Que ce soit un véhicule tout-terrains ou un autre véhicule motorisé, il aura, lui aussi, le pouvoir d'immobiliser les véhicules pour s'assurer que les conducteurs de ces véhicules possèdent les permis d'accès et les permis d'autorisation d'accéder au territoire sur lequel ils pratiquent leurs activités de prélèvement ou leurs activités fauniques. Eux aussi seront formés, et nous pensons que les gardiens du territoire seront au nombre de 800.

Je tiens à le dire, M. le Président, parce que c'est important, ni l'un ni l'autre, soit des assistants à la conservation de la faune ou des gardiens de territoire, n'auront les pouvoirs suivants, soit les pouvoirs d'arrestation et de perquisition, qui, eux, seront uniquement et demeureront le privilège des agents de conservation de la faune, qui, eux, sont des agents de la paix.

Dans un contexte de partenariat, dans un contexte où nous faisons appel à nos partenaires, les conditions de sélection de ces assistants et gardiens, les conditions de nomination de ces assistants, les conditions, également, de révocation et les champs de responsabilité que je viens de nommer seront fixés administrativement par le ministère de l'Environnement et de la Faune. J'ai l'intention, dès que cette loi sera adoptée par l'Assemblée nationale – nous l'espérons – et j'en fais l'annonce ce soir, immédiatement de demander au ministre fédéral des Pêcheries de faire en sorte que ces assistants à la conservation de la faune, dans le cadre d'une délégation du ministre canadien des Pêcheries – une délégation administrative de la gestion de la pêche des poissons d'eau douce, anadromes et catadromes – soient nommés gardes-pêche et qu'ils puissent effectivement agir dans la conservation des ressources piscicoles.

J'ai eu le plaisir, cet été, d'aller à la pêche au saumon sur la rivière Bonaventure, de voir de beaux grands saumons, sans avoir le plaisir d'en prendre un, mais les auxiliaires, à ce moment-là, m'ont expliqué qu'ils manquaient de pouvoirs pour pouvoir agir directement. La seule chose qu'ils peuvent faire en ce moment, c'est de prendre des photographies. Et ils sont maintenant rendus des experts dans les vidéos de nuit, M. le Président, le long des fosses à saumon. Mais, même lorsqu'ils prennent les braconniers sur vidéo, ils ne peuvent intercepter ces braconniers, ils ne peuvent inspecter ces véhicules et ils ne peuvent saisir les saumons que malheureusement ces braconniers prennent encore dans nos belles fosses à saumon.

Ce projet de loi, également, permet de nouvelles modalités de gestion de territoire, et, encore là, ceci répond à un besoin du milieu, des milieux régionaux, qui demandent d'avoir de plus en plus de possibilités de gérer efficacement les territoires fauniques qui sont, disons-le, des sources de plaisir, des sources de récréation et qui sont dans beaucoup de cas également des sources de développement économique dans les régions.

Nous venons de vivre une expérience, l'été dernier, expérience-pilote qui nous a convaincus qu'il y a maintenant lieu de progresser dans la mise en place d'un nouveau type de territoire faunique que nous appelons un territoire à droits exclusifs de pêche à des fins autres que des pourvoiries, ce que nous appelons maintenant des territoires dédiés.

Vous avez peut-être entendu parler, l'été dernier, de l'expérience du lac Saint-Jean, où tous les utilisateurs de cette richesse qu'est le beau poisson la ouananiche avaient décidé de se regrouper pour faire en sorte qu'il y ait non seulement un contrôle de l'accès sur ce grand plan d'eau, mais également un contrôle du prélèvement de la ressource et un contrôle de son habitat, pour les utilisateurs et gestionnaires de ce grand plan d'eau.

Cette expérience-pilote fut un succès incommensurable. Alors qu'on espérait, dans le meilleur des mondes, que 100 000 utilisateurs du lac acceptent de payer leur droit d'accès, c'est plus de 120 000 utilisateurs du lac qui non seulement ont accepté de payer un droit d'accès au lac, mais, grâce à ce droit d'accès au lac, ils se sont réjouis de mesures de conservations améliorées et ils entrevoient le jour où la ressource ouananiche redeviendra ce qu'elle était dans le lac Saint-Jean, une ressource importante.

(20 h 20)

Je signale à cette Assemblée que cette corporation de gestion du lac Saint-Jean regroupe les représentants d'à peu près tous les secteurs qui ont de l'intérêt à l'amélioration de la gestion de cette ressource ouananiche, notamment la section régionale de la Fédération québécoise de la faune, les villégiateurs autour du lac Saint-Jean, les représentants de la population, naturellement, les MRC représentées, la communauté montagnaise également, les entreprises forestières, les entreprises touristiques et également le secteur commercial du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

À partir de cette expérience-pilote qui fut un succès, nous voulons maintenant encadrer cette pratique, cette façon de faire et nous voulons pouvoir donner, octroyer un bail de droits exclusifs de pêche sur des grands plans d'eau québécois, sans appels d'offres, dans la mesure où ces corporations regroupent l'ensemble des utilisateurs de ces grands plans d'eau et des gestionnaires de territoires afférents à ces grands plans d'eau et dans la mesure où ces corporations nous soumettent un plan de gestion et nous remettent au minimum un rapport annuel pour faire état de la gestion de ces grands plans d'eau. Cette mesure, elle est attendue par l'ensemble des utilisateurs des grands plans d'eau du Québec qui, comme vous le savez, M. le Président, se plaignent d'une mauvaise utilisation des ressources. Et je peux vous parler des utilisateurs du réservoir Gouin, où on note une diminution de la qualité de la pêche au doré, tant en quantité qu'en qualité. Je peux vous parler également des utilisateurs du réservoir Baskatong, où, là aussi, ces utilisateurs qui sont venus me rencontrer me disent noter une baisse importante de la qualité et de la quantité de la pêche sur ces grands plans d'eau. Or, le fait que ce projet de loi puisse accorder des baux exclusifs de pêche à des corporations à but non lucratif qui auront le mandat à la fois de contrôler l'accès sur ces grands cours d'eau, mais en plus de contrôler la gestion des ressources et de l'habitat de ces ressources...

Une autre mesure qui est attendue dans le milieu, c'est la possibilité d'accorder des baux de droits exclusifs de pêche sur des petits lacs qui sont – et ceci, ce sera une des conditions avant que nous accordions ces baux – des petits plans d'eau sans potentiel halieutique, c'est-à-dire où on ne retrouve aucun poisson en ce moment, ou des poissons qui ne sont pas de bonne qualité, ou qui ne sont pas intéressants, attrayants pour la pêche, et des petits lacs de moins de 20 ha. Ceux et celles dans cette Assemblée qui sont des amateurs de chasse et de pêche sont souvent allés dans des pourvoiries à droits non exclusifs et souvent, au retour d'une partie de pêche peu fructueuse sur les grands plans d'eau, se sont fait offrir une petite pêche sur des petits lacs ensemencés, entretenus par ces pourvoyeurs sans droits exclusifs. Malheureusement pour ces pourvoyeurs, ces gens qui investissent temps et argent dans ces petits plans d'eau de moins de 20 ha, n'importe qui peut arriver en disant: Vous n'avez pas de droits exclusifs, et si vous n'avez pas le droit de propriété autour de ces lacs, les gens, à ce moment-là, peuvent s'adonner à la pêche.

Or, avec cette mesure, avec l'allocation des droits exclusifs de pêche sur ces plans d'eau, nous aurons la possibilité de faire en sorte que les gens qui investissent temps et argent dans ces plans d'eau puissent en retrouver les bénéfices. Et nous avons donc l'intention d'exclure, pour ces petits plans d'eau, la procédure usuelle d'appels d'offres publics.

Également, certaines lacunes de la loi seront corrigées par cette loi n° 59, dans la mesure où, en ce moment, M. le Président, en ce qui concerne les permis de pourvoirie, il y a seulement deux possibilités lorsqu'un pourvoyeur est en infraction: soit que l'on renouvelle le permis tout simplement ou que l'on annule tout simplement. Il n'y a aucune possibilité de modifier le permis pour faire en sorte que le permis puisse être modifié en ajustement des nouvelles pratiques ou tout simplement des usages différents du milieu. Donc, cette loi permettra de faire en sorte que les permis de pourvoirie, en plus possiblement d'être annulés, pourront être modifiés par le ministre titulaire de l'Environnement et de la Faune.

De plus en plus, le partenariat se fait également avec les municipalités responsables d'immenses territoires au niveau de la gestion de la faune. Or, en ce moment, les municipalités qui possèdent des territoires qui se retrouvent à l'intérieur de réserves fauniques, qui se retrouvent à l'intérieur de zecs, ne peuvent les inclure dans ces territoires fauniques et accepter qu'ils soient inclus dans ces territoires fauniques à gestion contrôlée. Or, le projet de loi n° 59 vise à corriger cette lacune et portera tant sur les zecs, les réserves fauniques, les refuges fauniques que sur les ententes en terre privée, aux fins de la gestion de la faune.

Vous avez souvent entendu parler, M. le Président, de ces ententes en gestion faunique sur les terres privées – les premières ont été implantées dans les Cantons-de-l'Est – qui permettent à un ensemble de propriétaires privés de se regrouper et de faire en sorte non seulement qu'il y ait un contrôle au niveau de l'utilisation de la ressource pour éviter qu'il y ait des dommages à la propriété privée, mais également qu'il y ait une sécurité accrue et pour permettre une meilleure gestion de la faune. Or, avec ce projet de loi, M. le Président, nous pourrons faire en sorte que cette forme de gestion faunique puisse se faire en partenariat avec les municipalités. Et je sais que le critique officiel de l'opposition, qui est originaire des Cantons-de-l'Est, connaît bien ces formules qui sont des regroupements et qui permettent une meilleure gestion de la faune en territoire privé et en territoire municipal.

Certaines dispositions porteront également sur l'intégrité des territoires fauniques pour faire en sorte que, si une terre publique qui se retrouve actuellement à l'intérieur d'une zec, à l'intérieur d'une réserve faunique ou à l'intérieur d'un refuge, si cette terre publique se voit vendue, ou cédée, ou aliénée autrement, elle demeure à l'intérieur de ces territoires à gestion faunique et qu'ainsi, malgré le changement de statut de propriété de ces terres, nous conservions l'intégrité du statut faunique des territoires concernés à l'intérieur desquels se retrouvent ces terres publiques.

Quelques petites mesures qui peuvent paraître anodines mais qui, pour le milieu, sont très importantes. D'abord, il sera permis maintenant, pour une zec, de s'entendre, par libre cours des négociations avec soit une association récréative, soit une autre zec ou un pourvoyeur, en ce qui concerne un forfait annuel pour permettre à ses membres, à ses clients soit de zecs, soit d'associations récréatives ou de pourvoiries d'avoir accès aux routes qui sont maintenues et entretenues par les zecs. Nous avons l'intention d'enlever les balises financières qui existaient précédemment dans la loi pour faire en sorte que les coûts soient déterminés uniquement sur la base de réelles négociations.

Ce projet de loi, M. le Président, comporte également des modifications législatives qui vont nous permettre de mieux gérer les ensemencements. Actuellement, quelqu'un qui a un chalet dans une zec sur le bord d'un lac peut décider, selon ce qui lui apparaît être son bon jugement, d'ensemencer son lac pour son bon plaisir et pour le plaisir des autres usagers. Or, ces ensemencements, souvent mal faits, amènent une forme de pollution, amènent une contamination du milieu halieutique, de sorte que ce projet de loi, cette loi, lorsqu'elle sera acceptée, nous permettra de gérer les ensemencements et, pour des motifs d'intérêt public, nous permettra de refuser un ensemencement qui irait à l'encontre d'un plan de gestion faunique et ainsi de conserver non seulement la pérennité des ressources, mais la biodiversité qui est si importante.

(20 h 30)

Finalement, M. le Président, des dispositions d'ordre financier vont permettre à la Fondation de la faune de hausser de 100 000 $ à 500 000 $ le montant des emprunts à court terme qu'elle pourra faire spécifiquement pour nous permettre de relancer les activités de la pêche en ville, qui demandent des flux financiers sur certaines courtes périodes, flux financiers importants pour la Fondation de la faune du Québec.

Également, je propose, avec ce projet de loi, que nous augmentions les pénalités en ce qui concerne les pourvoiries illégales. En ce moment, le coût, le montant annuel d'un permis de pourvoirie, c'est 200 $, auquel il faut ajouter un autre 200 $ aux fins de la classification de cette pourvoirie, ce qui fait un total de 400 $. Or, actuellement, les pénalités pour un pourvoyeur qui voudrait agir sans permis sont de 500 $. Il nous apparaît donc justifié d'augmenter cette pénalité minimale à 1 825 $, ce qui aura certainement un effet dissuasif sur ceux et celles qui voudraient opérer des pourvoiries illégales, ce qui sera, par la même occasion, un message très clair pour les pourvoyeurs qu'il n'est pas de notre intention de permettre à des gens de mettre en péril le réseau des pourvoyeurs du Québec. Je note qu'entre 1993 et 1995 il y a 163 cas d'infraction qui ont été associés à la pourvoirie illégale.

Finalement, M. le Président, cette loi permettra de créer une pénalité minimale de 200 $ à l'encontre d'une personne qui refuserait de donner les renseignements nécessaires dans l'application de cette loi et dans l'exercice des pouvoirs des personnes que j'ai identifiées et dont j'ai décrit les fonctions précédemment.

Ce projet de loi répond à des attentes du milieu. Il est le fruit d'un partenariat réel entre le ministère de l'Environnement et de la Faune et les divers gestionnaires de territoire. C'est un projet de loi attendu, et je suis assuré que le critique officiel de l'opposition, dans son enthousiasme général habituel, se fera un plaisir de souligner l'appui de l'opposition à ce projet de loi attendu par le milieu de la faune qui représente un domaine important pour l'économie québécoise. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. C'est toujours avec plaisir que j'ai l'occasion d'écouter le ministre de l'Environnement et de la Faune et, je pense, comme plusieurs citoyens, d'apprendre, mais aussi de répondre avec enthousiasme, comme il l'a si bien dit. Il y a certains aspects de ce projet de loi qui sont moins enthousiasmants que d'autres. Vous comprendrez que, comme porte-parole de l'opposition, j'insisterai un peu plus sur les aspects où nous sommes moins enthousiastes que sur ceux où nous sommes plus enthousiastes. C'est pour ça que nous avons été élus, c'est pour ça que nous avons prêté serment, afin de faire voir aux gens qui nous écoutent ici ce soir, entre les deux versions, où se situe la vérité et où se situe ce qu'il faut vraiment comprendre. Et c'est ce que je vais essayer de faire ici, ce soir, M. le Président.

Le projet de loi n° 59, dans sa forme, il est correct, il est bien bâti. Il y a un aspect qui nous fatigue d'une façon particulière, et j'y reviendrai. Il est divisé en cinq secteurs, ce projet de loi. Rapidement, la première partie du projet de loi a trait aux agents de conservation, et c'est avec cette partie que nous avons énormément de difficultés. La deuxième partie, c'est, finalement – et je pense qu'on était rendus là – où le projet précise qu'une municipalité, une communauté urbaine peut conclure diverses ententes avec le ministère, etc. Je pense qu'il va de soi, rendu en 1996, au moment où on parle, de ramener vers les régions plein de choses. Il faudrait voir comment tout ça se finance et il faudrait écouter l'UMRCQ. Mme Simard, ces temps-ci, semble vous passer beaucoup de messages avec beaucoup d'enthousiasme, là aussi. Et il faut peut-être écouter ce que la présidente de l'UMRCQ a à dire à cet égard-là.

La troisième partie du projet de loi: le pouvoir de refuser un permis de transport et d'ensemencement. Je pense que, dans la loi, on avait déjà ce qu'il fallait pour le faire. Je crois comprendre que le ministre veut aller un peu plus loin, veut se donner un peu plus de mordant pour le faire. C'est parfait. On n'a pas de problème avec ça. Quatrième partie du projet de loi: payer des droits de circulation quand les gens passent sur les terres publiques. C'est un peu compliqué, là. Je ne veux pas rentrer dans la nomenclature; je veux insister sur d'autres aspects. Finalement, la cinquième partie, permettre à la Fondation de la faune d'acquérir des obligations du Québec; ça non plus, ça ne cause pas de problème, M. le Président.

Je dois, d'abord, dire au ministre qu'après deux ans comme porte-parole de l'Environnement, et de la Faune depuis à peu près un an, c'est le premier projet de loi qu'on dépose avec une cinquantaine d'articles. Moi, je m'ennuyais. J'étais un peu comme le réparateur de laveuse Maytag, M. le Président. On avait des projets de loi à l'Environnement d'un article, deux articles, des fois trois. Une grosse journée, on a eu un projet de loi de sept; ça a été le plus gros en deux ans. Alors, j'étais un peu comme le réparateur Maytag, j'espérais un bon jour qu'une laveuse brise quelque part puis qu'on m'appelle. Enfin, enfin, on a un projet de loi sérieux qui est déposé avec 50 articles. Vous m'en voyez enthousiaste. Toute notre gang de l'opposition, on va travailler avec le ministre et on va essayer de faire avancer... Et le ministre nous dit qu'il y a eu une grande consultation. Très bien. Ça aussi, on va y revenir dans quelques minutes.

Maintenant, avant d'aller plus loin, il faut insister sur certains aspects. En fin de semaine, il y a un congrès des membres du parti, un congrès national que vous appelez – je m'excuse, un congrès national – et je pense que vos membres – et j'espère qu'ils vont le faire; il ne faut pas qu'il y ait rien que l'opposition qui vous pose des questions – ont beaucoup de questions à vous poser en environnement et en faune. Je pense que, d'abord, plein de mesures sociales-démocrates que vous aviez proposées n'ont tout simplement pas été mises en place, ont été évacuées complètement et je pense que vos membres vont vous poser des questions là-dessus.

Dans le cas de l'environnement, je ne peux pas concevoir qu'il n'y ait pas un de vos membres qui aille au micro demander au ministre de l'Environnement... Le plus grand engagement qu'on avait pris au PQ en environnement, c'était sur les sites privés. On sait que 60 % des déchets vont dans neuf sites privés au Québec. Pas un mot là-dessus. Pas un mot là-dedans sur la générique, M. le Président. J'espère qu'il y a un membre, que ceux qui ont travaillé à écrire ce programme-là, ils vont y aller et dire au micro: Qu'est-ce qui est arrivé du programme sur lequel vous vous êtes faits élire? Le programme des porcheries, je ne peux pas faire un discours en cette Chambre sans en parler. D'ailleurs, j'annonce au député, là, en face que j'irai dans son comté, en fin de semaine, à Grand-Mère. J'irai manger avec les gens là-bas, et on va aller voir de quel...

M. Gaulin: C'est le comté de Jean Chrétien.

M. Benoit: Non. Bien, c'est ça. Je ne veux pas, ici, nommer les députés de la province qui sont là. Je suis sûr qu'on va être bien accueilli, d'ailleurs. On va aller voir les gens qui ont fait la vigile pendant sept jours et sept nuits. Si le député n'a pas compris qu'il y avait un problème, des gens ont fait une vigile pendant sept jours et sept nuits le long d'une route parce qu'il y avait un problème de porcherie. Alors, on va aller dans ce comté-là en fin de semaine. Sur la perte des emplois au Québec, j'espère que les membres vont poser des questions. Depuis neuf mois, il se perd 200 et quelques jobs par jour au Québec, M. le Président. Je ne peux pas concevoir que, dans un congrès comme le vôtre, en fin de semaine, il n'y ait pas un membre qui va aller au micro dire: Coudon, y «a-ti» quelque chose qui se passe au Québec là-dessus?

Et cette multitude de consultations qu'on a faites, là, je les ai déjà énumérées, ça ne finit plus, sur l'éducation, sur les déchets, sur le loisir, sur la police, sur les affaires municipales. Ça ne finit plus. Puis là on s'aperçoit qu'ils font à leur tête en bout de ligne. Et le plus bel exemple de ça, c'est celui sur les déchets. Sur les déchets, la consultation n'est pas encore finie, ils sont encore réunis ce soir à Montréal, et là le ministre nous annonce plein de mesures. Il nous annonce des mesures sur les pneus à droite, d'autres mesures à gauche, alors que la consultation n'est pas finie. Ou bien on va écouter le monde, puis, une fois que la consultation va être finie, M. le Président, on va passer aux mesures. Mais là, ce n'est pas ça qu'on fait. On consulte, mais au même moment on annonce les mesures. Une cacophonie totale. Et puis, bien sûr, il y a tout l'aspect des taxes, la liste à n'en plus finir des taxes. J'espère qu'à ce congrès national, en fin de semaine, les membres vont venir dire comment ils trouvent qu'il y a eu bien des taxes.

Alors, M. le Président, j'avise tout de suite le ministre qu'en commission, à laquelle on va collaborer avec enthousiasme, il y a différents groupes qu'on aimerait entendre. Je les ai énumérés plus tôt, mais il y en a un en particulier qu'on veut entendre, c'est le Syndicat des agents de conservation de la faune du Québec, parce que le projet de loi, dans son esprit même, les affecte personnellement. Ils sont 300 au Québec, un peu plus de 300, et ils nous disent: Écoutez, il y a un problème là et il faut absolument qu'on dise au ministre qu'il y a un problème.

Plus que ça, M. le Président, je vous annonce que ces gens-là, qui sont affectés au premier chef par ce projet de loi là, savez-vous à quel moment ils ont eu le projet de loi? Ils l'ont eu à 12 h 20 aujourd'hui. Savez-vous comment ils l'ont eu, le projet de loi? Parce que le porte-parole de l'opposition en matière d'environnement l'a remis aux agents de la faune. Ces gens-là n'avaient pas le projet de loi. On est après en discuter ce soir, ils sont les premiers concernés. Oui, ils ont été consultés, mais je pense qu'il serait d'éthique, il serait de morale qu'à ces gens-là ait été déposé un projet de loi. Ils sont faciles à rejoindre. Je pourrai donner au ministre toutes les coordonnées du Syndicat, s'il ne les avait pas. Moi, ça m'a pris trois minutes pour les rejoindre quand j'ai voulu les appeler, M. le Président. Alors, c'est malheureux qu'ils n'aient pas le projet de loi. Comment voulez-vous qu'on statue sur ces employés de l'État qui ont fait dans l'histoire un ouvrage extraordinaire?

(20 h 40)

Et ici je vais me permettre une parenthèse sur ces gardes forestiers. Je vous invite à regarder dans le livre «L'homme qui plantait des arbres». On pense souvent que ce livre-là ne parle que de ce vieillard, Elzéar Bouvier, qui plantait des arbres, mais il y a trois ou quatre pages qui parlent de ce qu'eux appellent le «capitaine forestier». Je vous en lis quelques phrase pour vous donner comment ces gens-là sont aimés sur le territoire, M. le Président. Alors, Elzéar Bouvier dit, à un moment donné: «Ce capitaine forestier n'était pas mon ami pour rien. Il connaissait la valeur des choses. Il sut rester silencieux.»

Un peu plus loin, il nous dira qu'il a marché pendant des heures et qu'il reconnaît dans sa sagesse ce garde forestier, comment Elzéar Bouvier avait la sagesse. Plus loin, il nous dira aussi qu'il veut préserver ces forêts-là: «Au bout d'une heure de marche, l'idée ayant fait son chemin en lui, il ajouta: Il en sait beaucoup plus que tout le monde. Il a trouvé un fameux moyen d'être heureux. C'est grâce à ce capitaine que non seulement la forêt, mais le bonheur de cet homme fut protégé. Il fit nommer trois gardes forestiers pour cette protection. Il les terrorisa de telle façon qu'ils restèrent insensibles à tous les pots-de-vin que les bûcherons pouvaient proposer.»

M. le Président, nous qui avons été élevés dans des régions rurales, autant le ministre que moi, des gardes forestiers, ça faisait partie de notre quotidien et c'étaient des gens estimés, c'étaient des gens appréciés. Alors, là, on est après statuer sur leur devenir et puis on ne leur donne pas le projet de loi. Ça ne tient pas debout. Ce n'est pas des ennemis de la race, ça, là; c'est du monde qui jour après jour nous a aidés un peu partout.

À 12 h 20, ils n'avaient pas le projet de loi. C'est le porte-parole de l'opposition qui l'a remis, tellement que, avant de le remettre, je me suis demandé si légalement j'avais le droit de le leur donner. J'ai dit: Coudon, il doit y avoir quelque chose de pas correct là-dedans s'ils ne l'ont pas. J'ai vérifié, ils ont dit: Non, non, c'est public, tu peux le donner, bien sûr, à ces gens-là. Alors, là, j'invite le ministre à, d'abord, leur remettre officiellement le projet de loi et puis qu'on les invite en commission parlementaire pour qu'il efface un peu cette erreur-là et puis qu'on les entende.

D'ailleurs, il ne les a pas valorisés beaucoup dans les dernières années, M. le Président. En cinq ans, le nombre des employés, des gardes forestiers, là, il a baissé de 20 % et puis les budgets, eux, ont baissé de 33 % dans la même période. Vous comprendrez peut-être qu'il aime mieux ne pas trop leur parler, et puis là, avec tout ce qui s'en vient dans la fonction publique... Alors, ils y ont goûté passablement, ces gens-là, puis je ne pense pas qu'ils méritaient ça. Le ministre nous a dit qu'il y avait 312 agents. À moins qu'il y en ait eu d'autres qui aient pris leur retraite dans les dernières heures, là, les derniers chiffres que j'avais – et je pense qu'ils sont très valables – c'est 365 exactement, et puis ils font un très bon travail, je tiens à le souligner, particulièrement dans les zones de chasse, de pêche. Ce sont des gens grandement appréciés.

Là, on est allé un petit peu plus loin que ça dans leur cas, on a dit: Là, vous ne ferez plus de temps supplémentaire. Nous aussi, on est d'accord avec la rationalisation des dépenses de l'État. Il y avait peut-être du monde qui abusait un peu du temps supplémentaire. Mais là, j'ai des affidavits ici de toutes sortes de gardes-chasses qui nous écrivent dans l'opposition et là qui nous racontent... Je vous conte un cas, c'est le dernier que j'ai entendu. Alors, ça se passe à Windsor. Il y a un chevreuil qui a été braconné, et puis le gars est allé le porter chez un boucher pour le faire décapoter...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: ...décapiter, et là le boucher en avise les gardes forestiers, les gardes-chasses. Alors, le garde-chasse, lui, il doit quitter à 16 heures. Les braconniers viendront chercher le chevreuil vers 16 h 30. Alors, là, est-ce que le gars, il a le droit de faire du temps supplémentaire ou s'il n'a pas le droit? Et là je n'entre pas dans les détails du dossier, mais c'est les situations que vivent en ce moment les gardes forestiers du Québec avec cette histoire d'aucun temps supplémentaire. Alors, on ne poigne pas les bandits parce qu'à 16 heures tu arrêtes de travailler. C'est à peu près ça qui se passe.

Imaginez-vous s'il fallait que, dans la ville de Québec, on arrête d'arroser les feux à 17 heures parce que les pompiers ne font pas de temps supplémentaire à partir de 17 heures; ça fait que les pompiers, on n'arrose plus. C'est un peu ça qui s'est passé avec les gardes-chasses, et j'ai un dossier ici, j'ai un dossier. Ceux qui voudraient prendre la parole à ma place, là, je peux leur passer le dossier; ils pourront lire les affidavits de gens qui nous écrivent pour dire que ça n'a ni queue ni bon sens sur le terrain.

M. le Président, il y a du braconnage qui se fait sur le territoire. Il faut vivre un peu dans les régions, en «périurbanité», dans l'Ungava, Sept-Îles. Je salue le député d'Ungava qui est ici; il sait de quoi je parle. Les gens qui rentrent en hydravion, les gardes-chasses nous en parlaient aujourd'hui, là, du manque de contrôle sur tout ça. Alors, il y a du braconnage qui se fait au Québec. C'est un patrimoine national et puis je ne suis pas sûr qu'on donne à ces gens-là tous les moyens nécessaires.

Bon. Une fois ça dit, là on va créer des assistants à la conservation de la faune puis des gardiens du territoire. On change les mots, mais finalement, en bout de ligne, là, on arrive à peu près aux mêmes affaires. On veut remplacer tout ça par des auxiliaires à la conservation. Et c'est là, M. le Président... Franchement, j'aurais voté pour ce projet de loi là parce que je pense qu'il n'est pas pire. Mais il y a deux phrases de trop, puis je vais vous les expliquer. Vous allez tous comprendre, puis vos membres qui s'en viennent au congrès national, qui nous écoutent ce soir, vont aussi comprendre ça.

Je vous lis, finalement, le paragraphe qui est particulièrement fatigant. Alors, on parle, bien sûr, de ces nouveaux assistants qu'on va nommer, là. Alors, on dit: «Cet agent, cet assistant ou ce gardien peut, à cette fin, exiger de toute personne qu'elle immobilise – retenez ces mots-là – son véhicule, son embarcation ou son aéronef. Toute personne visée au premier ou au deuxième alinéa doit se conformer sans délai à l'exigence qui y est prescrite.»

Prenons un cas, là, ce soir. Ce soir, M. le Président, ma jeune fille, qui a 18 ans, finit de travailler à Magog et s'en vient sur une route dans les Cantons-de-l'Est. Les gardes forestiers, normalement, ne sont pas sur les rues Sainte-Catherine et Peel à Montréal. Ils sont dans des régions où il y a des lacs, des forêts, de la brume. Alors, ma jeune fille, ce soir, qui a fini de travailler, s'en vient, 18 ans, nouvelle voiture aidant. Son père lui a dit: N'arrête jamais si ce n'est pas un policier qui t'arrête.

Alors, elle s'en vient en pleine forêt, traverse le beau village d'Austin, descend la grande côte, passe par-dessus la rivière, et, soudainement, il y a un gars sur le bord de la route, avec une barbe, cigarette au bec, vêtements de chasse, bâton de marche, qui lui fait signe de s'arrêter sur le bord de la route. Est-ce que vous, M. le Président, est-ce que vous, le ministre de l'Environnement, votre fille de 18 ans, ce soir, dans la brume, dans la forêt, arrêterait parce qu'un individu lui dit de s'immobiliser? La réponse, c'est non. Il y a des centaines et des centaines de cas, aux États-Unis, recherchés où il y a des phares après les voitures, où on arrête des gens seuls sur les autoroutes et là on fait bien ce qu'on veut de ces gens-là.

M. le Président, le parlementaire responsable doit avoir une approche de bon père de famille. Et c'est un peu ça que je vais essayer de faire ici, ce soir. Et, encore une fois, fondamentalement, le projet de loi, c'est un bon projet de loi, si ce n'est que l'immobilisation des véhicules... Et je vois que vous comprenez très bien ce que je vous dis. Permettez-moi de vous citer une petite phrase d'un poème d'Édouard Chauvin. Édouard Chauvin, dans un poème, disait: «Chapeau blanc, boutons dorés, c'est la force constabulaire.» Eh bien, oui, M. le Président, chapeau blanc, boutons dorés, c'est la force constabulaire. Là, on est après donner des pouvoirs à une force constabulaire qui n'a pas le chapeau blanc, qui n'a pas le bouton doré, puis on lui donne des pouvoirs d'arrêt sur le bord de la route. Ça ne tient pas debout, M. le Président. Comme bon père de famille, permettriez-vous à quelqu'un qui vous fait signe sur le bord de la route, en plein soir, d'arrêter... Et la réponse, c'est non.

J'ai bien confiance dans ces bénévoles. Je fais moi-même partie d'un club de chasse et pêche. J'ai demandé au ministre d'en rencontrer un président, pas plus tard qu'il y a quelques mois, le président des présidents de l'Estrie. On les connaît, ces gens-là; c'est du bon monde. Pas de problème avec la majorité de ces gens-là. Mais, à un moment donné, une journée de chasse aidant, la température un peu froide, l'enthousiasme, comme disait si bien le ministre tantôt, de vouloir faire exercer la loi absolument, qu'est-ce qu'on fait quand la voiture n'arrête pas? Parce que, si on est en forêt, probablement qu'on a des armes avec nous. Qu'est-ce qu'on fait? Alors, là-dessus, M. le Président, il y a des rapports. Je vais en parler dans quelques minutes.

(20 h 50)

Je voudrais vous rappeler qu'on est après donner des pouvoirs à des gens, qui sont équivalents à ceux qu'on donne à des policiers. Réalisez-vous, M. le Président, qu'un policier, au Québec, ça fait un primaire, un secondaire, ça fait deux ans de cégep et, plus souvent qu'autrement, parce que c'est tellement difficile de rentrer en sciences policières, on leur fait faire un an en histoire, ou un an en psychologie, ou en criminologie. La grande moyenne fait trois ans. Après ça, ils font trois mois à Nicolet, lequel stage va maintenant être payé par les municipalités, qu'on apprenait. Et puis là on les met normalement stagiaires dans une force constabulaire. Ils sont assis à droite dans la voiture, puis ils vont gagner leurs galons éventuellement, et puis il y a un senior à côté d'eux.

Ici, ce qu'on est après faire, c'est la même chose. Mais là, on va leur donner trois à quatre jours de formation; c'est ça qu'on nous dit. Pas habillés, hein, pas habillés, à moins que la zec ou le club de chasse veuille bien leur acheter chapeau blanc et boutons dorés, hein? Alors, là, ils auront trois, quatre jours de formation. Je ne suis pas sûr, moi, M. le Président, que je me sentirais bien confortable avec ça.

Il y a eu des négociations au ministère et il y a des rapports là-dessus. Je ne vous lirai pas le rapport parce que ça a quatre pages. Je n'étais pas trop sûr, quand j'ai commencé à étudier ce projet de loi là, que je devais vraiment insister sur ce point de vue là, mais, quand j'ai mis la main sur le rapport du ministère, «associé à la protection de la faune: pouvoir d'immobilisation d'un véhicule», c'est clair, M. le ministre, fouillez dans vos filières, vous allez retrouver ça en quelque part; «encadrement requis», là, on ne parle pas de trois jours de formation, M. le ministre; «équipement requis: les assistants et gardiens ne porteront pas d'uniforme et, à la rigueur, si l'employeur fournit un uniforme quelconque, il ne sera pas standardisé au niveau provincial, ce qui peut porter à confusion chez le citoyen qui refuse d'immobiliser son véhicule». C'est le porte-parole de l'opposition qui dit ça, mais à partir d'un rapport du ministère.

Là, on fait toute une autre page sur les gyrophares. Alors, est-ce qu'il faut que le gyrophare soit portatif? Est-ce que ce n'est pas plus dangereux d'en mettre que de ne pas en mettre? Là, on nous cite les expériences américaines de gyrophares, la loi sur les gyrophares, etc., et bien plus souvent les gyrophares jaunes sont l'apanage de véhicules de remorquage. C'est à peu près comme ça qu'on finit. Ça fait qu'on dit: Les gyrophares, là, peut-être qu'on serait mieux de ne pas en mettre, en bout de ligne.

Alors, là, on va lâcher quelqu'un lousse sur le territoire, avec des pouvoirs très grands, très grands. Je comprends que le ministre a un problème et je comprends que ces gens-là avaient un problème aussi. Et moi, je suis prêt à dire au ministre: Écoutez, sur le principe, on va voter contre à cause de cet article 13.2. Maintenant, il y a une commission parlementaire qui s'en vient. Si le ministre est capable de nous démontrer que ces gens-là vont être formés, mais vraiment formés, là – formés, là, on n'aura pas de doute – qu'ensuite ils vont être habillés de la tête aux pieds standard à travers le Québec, qu'on va les reconnaître, moi, je suis prêt à reconsidérer mon vote là-dessus. Mais il va falloir que le ministre démontre ça. À l'heure actuelle, je vous le dirai, M. le Président, vous l'avez entendu comme moi, il n'a pas démontré ça, bien sûr.

Il y a un autre problème, dans ce projet de loi là, et il est presque aussi important que le premier. Prenons le cas suivant, M. le Président. Vous vous en allez à la chasse dans une pourvoirie. Vous payez, bien sûr, votre pourvoirie pour aller là, et normalement le guide est payé par la pourvoirie. Ce qu'on découvre en fouillant un peu dans ces histoires-là, c'est que le guide est plus souvent qu'autrement aussi l'assistant à la conservation de la faune.

Alors, là, imaginez-vous à peu près la situation. Vous êtes dans la pourvoirie. Vous avez payé la pourvoirie. Vous êtes un client de la pourvoirie. Le guide à qui vous allez donner un bon pourboire, s'il vous trouve un chevreuil, le soir, lui, c'est lui qui fait appliquer la loi. Alors, comme les gars disent dans le milieu: On poigne juste des gros chevreuils, nous autres. On poigne juste des gros chevreuils. Nos clients, ils sont bien heureux, ils ont juste poigné des gros chevreuils. Il n'y a pas un conflit d'intérêts pas à peu près, là? C'est plus qu'évident, M. le Président, quand le guide est aussi le garde-chasse.

Je vous raconterai ce petit incident où, dans mon village d'Austin, à un moment donné, on avait un garde-chasse auxiliaire – c'est peut-être le cas extrême que je vais vous raconter, mais enfin – et puis, lui, il empêchait le monde de chasser sur le territoire, hein; bien sûr, c'était son job. Un bon jour, ils sont rentrés dans sa grange. Il y avait 20 chevreuils d'attachés par les cornes dans sa grange. C'était facile, il empêchait les autres de chasser. Lui, il était le garde-chasse auxiliaire. Ça fait que c'est lui qui les tuait. Il avait compris comment ça marchait, le système, lui, M. le Président. C'est un cas extrême. Je ne doute pas de ces gens-là, je pense qu'ils sont de bonne volonté, ce sont des bons volontaires. Mais il y a des cas extrêmes, et c'est à ceux-là que, comme parlementaires, on doit s'adresser, je pense, entre autres.

Alors, le ministre, j'aimerais ça, qu'il nous réponde. Le conflit d'intérêts, dans la zec ou dans le... comment il va régler ça, ce conflit d'intérêts là? Est-ce qu'à partir du moment où tu es guide tu ne peux pas être un assistant à la conservation? Est-ce que ce n'est pas la pourvoirie qui doit te payer? Parce que imaginez que, dans les pourvoiries, plus il y a de monde, mieux ça va, hein! Plus tu as du monde qui prend bien des gros poissons, mieux ça va, ton affaire. Mais, s'il fallait que l'assistant en conservation que tu paies se mette à dire au monde: Écoutez, là, ça n'a pas d'allure, bien, là, je ne le sais pas, il me semble qu'il y a un conflit d'intérêts, moi, M. le Président. J'aimerais ça que le ministre nous parle de ça éventuellement.

Alors, ça, c'est les problèmes les plus flagrants à ce point-ci, et je pense que, pour nous éclairer un peu... Je pense que, sur le terrain, en date d'aujourd'hui, là, ceux qui font appliquer la loi ne l'ont pas vue, ils n'ont pas eu la loi. Alors, je pense qu'il est temps qu'on les invite et j'aimerais qu'on entende en commission – on en fera la proposition en commission, bien sûr – le Syndicat des agents de conservation. Ce sont des gens tout à fait responsables, connus. Je pense que la Fédération des gestionnaires de zecs devrait être invitée aussi, M. le Président. Ces gens-là, ils trouvent leur compte là-dedans. On aimerait entendre le point positif de ces gens-là. La Fédération des pourvoyeurs, très bel organisme; moi, je pense qu'il faudrait qu'il soit entendu. La Fédération québécoise de la faune, l'UMRCQ, l'UMQ, là, on est prêt à leur déléguer des pouvoirs. Est-ce qu'ils en veulent, de ces pouvoirs-là? Est-ce qu'on va déléguer l'argent aussi avec ces pouvoirs-là? Je pense qu'il faut les entendre.

Alors, M. le Président, les policiers des forêts, je l'ai dit plus tôt, c'est une espèce en voie d'extinction. On va faire le projet de loi n° 56 dans quelques jours, le ministre et moi, sur les espèces en voie d'extinction. On pourrait peut-être mettre les gardes-chasses comme des espèces en voie d'extinction. En 1996, ils sont 365; en 1991, ils étaient 691, et le Québec, c'est sept fois grand comme la France. On a le député d'Ungava avec nous, ici, ce soir; il pourrait nous dire combien de fois rentre la France juste dans son comté.

Une voix: Deux fois et demie.

M. Benoit: Deux fois et demie. Alors, imaginez-vous, pour tous ces territoires-là, on a 360 agents. Ça n'a pas d'allure, puis là on coupe encore puis on veut mettre des bénévoles pour faire ça.

Il y a d'autres constats qu'il faut faire sur ces bénévoles-là. Encore une fois, ce sont des gens extraordinaires, mais il y a des constats qu'il faut faire. Il y a une autre étude qui est faite, puis je demande au ministre... Il va la trouver dans ses filières chez lui, «Révision de la structure des auxiliaires de la conservation de la faune du Québec», présentée aux autorités le 16 décembre 1993. Alors, le constat des auxiliaires, c'est qu'en 1993 – c'est les derniers chiffres qu'on a – il y a eu 1 065 constats d'émis dans les 10 régions administratives. Le ministre nous a dit tantôt combien de millions de Québécois, 2 400 000 Québécois, allaient en forêt. Bien, il y aurait eu rien que 1 000 constats émis par les auxiliaires. Ça, ça représente moins d'une infraction par auxiliaire par année, 0,65, puis ce sont des constats très techniques.

Le ministre a peut-être raison en disant: Oui, mais ça nous prend le permis d'immobilisation des voitures. Il a peut-être raison quand il dit ça. Mais, une fois qu'il dit ça, il ne règle pas le problème, parce qu'il va en créer un autre: celui de tous ces gens qu'on va immobiliser, mais qui ne voudront pas s'immobiliser parce que ces gens-là ne sont pas identifiés, qu'ils sont mal formés, etc.

M. le Président, c'est peut-être les deux principaux points que je voulais faire valoir au ministre, et insister sur le fondement même de l'idée de ce projet de loi là. Je pense qu'on ne peut pas être contre, mais il y a un article qui est vraiment trop fort et, à cause de ça, on votera contre. Maintenant, si le ministre est capable, pendant la commission parlementaire, d'arriver à nous démontrer comment il peut régler cet aspect-là, bien, moi, en tout cas, je suis bien prêt à reconsidérer mon vote.

Maintenant, pendant qu'on a le ministre avec nous, je ne peux pas passer sous silence les derniers développements dans une industrie qui, elle, se porte très bien. On apprenait aujourd'hui qu'elle va créer 6 000 jobs au Québec. Les gens appellent à nos bureaux pour avoir ces jobs-là, et cette industrie-là a créé beaucoup de problèmes. Je veux juste souligner au ministre les derniers appels d'imploration qu'on a, nous, de l'opposition, sur les mégaporcheries, vous aurez bien compris.

D'abord, la rivière Fouquette. Le ministre nous a parlé des beaux grands poissons qu'il est allé pêcher dans la vallée de la Matapédia. Je salue les gens de la vallée de la Matapédia. Je ne les ai pas pêchés; je suis allé les saluer l'an passé. M. Fitch, là-bas, fait une job extraordinaire. Je le salue. Maintenant, la rivière Fouquette, il ne nous en a pas parlé. Non, il a comme oublié de nous parler de la rivière Fouquette. J'aimerais ça lui en parler, moi.

(21 heures)

La rivière Fouquette, en ce moment, elle est tellement polluée par l'agriculture que les plus belles espèces d'arc-en-ciel sont après y mourir. Le phosphore dépasse seulement de sept fois le niveau de phosphore acceptable dans une rivière. Les poissons, ils n'aiment pas bien, bien ça. Les éperlans arc-en-ciel, le phosphate, ça a l'air qu'ils n'aiment pas bien, bien ça après sept heures le soir. Et puis vous avez là une des plus belles frayères, la plus importante du bas du fleuve Saint-Laurent, mais, même à ça, notre bon ministre de l'Environnement, notre très bon ministre de l'Environnement, qui va créer 6 000 jobs grâce aux mégaporcheries – je le félicite – bien, là, il va permettre une porcherie, si je ne me trompe pas, de 3 000 porcs. Ça, c'est le premier cri de désespoir que j'ai eu ce matin en entrant au bureau.

Le deuxième, c'est Sainte-Luce. Il y a eu une pétition de signée. Ils sont allés voir la députée, elle a dit: Ah! Non, non, non, juste une porcherie, moi, je suis d'accord avec ça. C'est les trois ou quatre autres avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Mais là on parle juste de la première, ici, ce soir. Alors, eux autres, ils ont parlé au ministre aujourd'hui et, demain matin, ils veulent le rencontrer. Ça n'a pas d'allure, ce qui se passe là. Dans le rapport que le ministre a pour autoriser cette porcherie-là, ça se dit, ça se lit et ça se voit qu'il y a de bien bonnes chances que les puits des citoyens vont être pollués. L'industrie touristique peut démontrer hors de tout doute les conséquences. On a émis, là comme ailleurs...

Et c'est ça qui est le drame, M. le Président. Alors que le ministère des routes, au Québec, veut passer une petite route sur le bord d'une rivière, on va en audiences publiques, on loue des salles, communications dans les journaux. Le gars veut ouvrir une porcherie de 7 000 porcs, il va à l'hôtel de ville, demande son bout de papier, le maire n'est pas au courant, émet le permis, le ministère de l'Environnement, envoie donc par là, première nouvelle que tu sais: 6 000 porcs qui arrivent dans un camion dans la municipalité, et le feu poigne à chaque fois. C'est comme ça que ça se passe dans tous les projets de mégaporcheries.

Le ministre, pendant ce temps-là, est à un colloque, gros colloque sur les porcheries à Montréal. Ils étaient 40, puis il y a 3 200 producteurs de porcs. Gros colloque, M. le Président: ils vont créer 6 000 jobs. Soudainement, ils ont mis le drapeau vert bord en bord pendant deux jours. Là, tout le monde se tape sur l'épaule. Il n'y en a plus de problème. Bien, je m'excuse, ce soir, je dis aux citoyens du Québec: Il y a autant de problèmes ce soir qu'il y en avait avant-hier, puis avant-hier, puis avant-hier, chers citoyens du Québec, des mégaporcheries, que ce soit à Grand-Mère, que ce soit à Sainte-Luce, et je vais continuer... Alors, celui-là, le permis a été émis. C'est dans le comté pas loin du député...

Une voix: Mais il n'y en a pas à Grand-Mère.

M. Benoit: M. le Président, pire que ça, dans le projet de Sainte-Luce, ils ont convoqué la députée...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Une petite minute, s'il vous plaît, là!

Vous aurez tous l'occasion d'intervenir si vous le désirez en temps et lieu. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de respecter le droit de parole du député d'Orford.

M. Benoit: ...dans Sainte-Luce, M. le Président, 300 citoyens dans un petit village. Savez-vous où est Sainte-Luce? C'est grand comme ma main, Sainte-Luce. Trois cents citoyens se sont réunis à l'hôtel de ville; ils ont convoqué la députée, et elle ne s'est jamais présentée. Elle ne veut pas en entendre parler: juste une porcherie, ce n'est pas grave. C'est les trois ou quatre qui l'inquiètent.

Pintendre, ça c'est un beau cas, M. le Président. C'est ici, l'autre bord du pont de Québec. Extraordinaire! Vous avez là la plus grande tourbière en Amérique du Nord, la seule qui n'a pas été exploitée, richesse naturelle extraordinaire, richesse touristique extraordinaire. Là aussi, le permis a été émis tout croche, en catimini. Les gens apprennent ça deux, trois semaines après. Mais, pire que ça, une fois que les permis sont émis, on s'aperçoit que la porcherie, elle est trop près des limites. Alors, là, on se met à amender les règlements de zonage, et le ministère embarque là-dedans. Vous savez tous les problèmes que le ministère a dans Chaudière-Appalaches; bien, là, c'est un beau cas. À Pintendre, les citoyens ne sont pas très heureux, ils ne savent plus quoi faire.

Je vais vous parler d'un autre sur la route 221, à Napierville, Saint-Cyprien exactement, un autre beau village. Celui-là, on est après permettre une mégaporcherie de 3 000 à côté d'un restaurant de 200 places. Oui. Lui, le Protecteur du citoyen va se mettre le nez dedans. Il est déjà rendu là, d'ailleurs, comme dans celui de Pintendre, je pense. Là, la municipalité ne s'en occupe pas, le ministère de l'Environnement ne s'en occupe pas, l'Agriculture s'en fout, alors là les citoyens ne savent plus où aller. Alors, ils sont rendus au Protecteur du citoyen. C'est grave, M. le Président. C'est grave qu'on ne prenne pas nos responsabilités plus que ça.

Alors, j'arrêterai ici en disant au ministre qu'on aimerait ça qu'il prenne en considération les aspects, d'abord, de l'immobilisation d'une voiture le long d'une route, par des gens qui sont peu formés... Et on n'a pas d'assurance qu'ils le seront; on n'a pas d'assurance qu'il y a de l'argent. Il a bien dit que c'étaient des bénévoles dans son discours. Donc, ces gens-là devront être payés par une zec, une pourvoirie ou un club de chasse et pêche. Est-ce qu'ils ne deviennent pas automatiquement en conflit d'intérêts? Peut-être pas dans les clubs de chasse et pêche, mais plus dans les pourvoiries puis dans les zecs. Est-ce qu'ils ne deviennent pas en conflit d'intérêts? Ensuite, quand on voit le suivi... Je vous ai démontré comment peu d'amendes ces gens-là avaient données. Alors, on a à se questionner.

Sur les autres aspects, on n'a pas de problème. Et le ministre de l'Environnement, connaissant ma collaboration dans tous les dossiers... Moi, je suis prêt à collaborer encore une fois, mais il va falloir qu'on ait plus que des assurances là-dedans, certainement pas des assurances comme on a eues dans le porc, où il y a eu bien des discours, où on nous a dit qu'il y aurait une table de consultation puis une table de concertation – qui ont fini à peu près en tables à café – où il ne s'est rien passé. Il ne s'est rien passé, et on laisse les citoyens au plus fort la poche, en ce moment, contre des mégaporcheries. Et, si encore c'était juste un entrepreneur du coin. Mais, dans aucun des cas que je vous cite, ce n'est des entrepreneurs du coin. C'est des gars de l'extérieur, c'est des multinationales, c'est des gars qui arrivent avec des pouvoirs épouvantables.

Dans un des cas que je vous ai cités, ils vont être en cour vendredi, les citoyens. Ils amènent le promoteur en cour parce que la ville ne veut pas s'en occuper, parce que le ministère de l'Environnement ne veut pas s'en occuper. Les citoyens vont être obligés, eux, de ramasser 7 000 $ pour défendre l'environnement. Il faut le faire, hein? Il faut vouloir vraiment défendre l'environnement pour se cotiser puis dire: On va aller en cour pour aller faire la job que le ministère ne veut pas faire. C'est incroyable, ça, M. le Président. Bien, c'est ça, en ce moment, la situation des citoyens qui ont à faire face à des porcheries au Québec.

Moi, je vous dirai ce que j'ai fait. Je suis allé à mon hôtel de ville, je suis allé voir la secrétaire puis j'ai dit: Je vais vous expliquer, mademoiselle, comment ça marche, les demandes de permis dans les municipalités. Ils font tous leur inspection puis là ils s'aperçoivent qu'il y a un hôtel de ville où c'est un peu plus fragile, où la pauvre secrétaire, elle travaille là à temps partiel puis elle est nouvelle. Puis là ils arrivent là puis ils disent: Le règlement 243, vous êtes obligée de nous émettre un permis après-midi. Alors, elle émet le permis. Personne n'est au courant. Il y a une municipalité dans mon comté, le maire ne le savait pas. «C'est-u» assez fort? Puis il est préfet de la MRC. Il l'a appris par les journaux qu'une porcherie avait eu son permis dans sa municipalité, M. le Président. C'est ça, la situation.

Pendant ce temps-là, les études du Sommet à Montréal, on nous prédit... André Croteau, à Radio-Canada, hier matin, nous prédisait 25 000 000 de porcs. Il y en a à peu près 5 000 000, au Québec, de porcs en ce moment. Il nous prédisait, André Croteau de Radio-Canada – je ne sais pas quelle est sa source, mais on sait que c'est un environnementaliste de grande réputation – il nous prévoyait, pour les prochaines années, 25 000 000 de porcs au Québec; 25 000 000, M. le Président, c'est une très forte croissance.

Et il nous faut, avant de permettre cette croissance-là, organiser les choses. Vous n'avez pas un antiproducteur porcin devant vous, loin de là. Il y a 3 000 000 000 $ de retombées économiques et il y a 30 000 jobs. La dernière fois, j'ai inversé ces chiffres-là, et il y en a qui se sont empressés de me dire que je ne connaissais pas mon dossier. Alors, je les répète: il y a 2 700 000 000 $ de retombées – c'est beaucoup d'argent – et il y a 30 000 jobs. On ne peut pas être contre ça au Québec, en ce moment, la création d'emplois.

Et je serais le premier à me réjouir s'il y avait 6 000 emplois, demain matin, de plus au Québec, que des citoyens pourraient contribuer au devenir collectif du Québec. Je serais le premier. On a tous des enfants qui se cherchent des jobs. On a tous des chums de nos blondes... de nos filles qui se cherchent des jobs. On a tous un voisin qui est venu nous voir, qui se cherche une job. C'est le quotidien d'un député en ce moment, M. le Président. On voudrait que ces gens-là s'en trouvent, des jobs; on ne peut pas être contre ça. Mais, avant de laisser cette industrie-là s'emballer jusqu'à 25 000 000 de porcs au Québec, mettons-lui des balises, mettons-lui des règlements même si elle nous dit qu'elle va venir faire un tour sur la Grande Allée avec 10 000 camions de purin avant le sommet socioéconomique. Mettons nos culottes, tenons-nous debout puis disons-leur que c'est nous, le ministère de l'Environnement, qui avons raison dans ce débat-là. Mais ce n'est pas ça qu'on fait. Ce n'est pas ça qu'on fait, M. le Président, malheureusement.

Alors, j'arrête ici et je suis sûr que le ministre de l'Environnement, comme d'habitude, m'a bien écouté comme il écoute les environnementalistes qui vont le rencontrer. Mais là il faut qu'il fasse plus que nous écouter; il faut qu'il nous comprenne. Les gens sont exaspérés avec ces mégaporcheries-là, M. le Président. Dans le cas de son projet de loi, je l'assure que là, sur le principe, je vais voter contre. Mais je vais l'écouter bien attentivement, parce qu'on a à coeur, nous aussi, tous ces bénévoles qui travaillent dans les clubs de chasse et de pêche, dans les zecs et dans les pourvoiries du Québec. Merci, M. le Président.

(21 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre de l'Environnement et de la Faune, pour une réplique de 20 minutes.


M. David Cliche (réplique)

M. Cliche: Oui, M. le Président, je serai bref. Je vais répondre quelques mots sur la saga de l'industrie porcine et revenir sur la question de la rivière Fouquette, parce que la rivière Fouquette soulève une question faunique. Effectivement, c'est sans doute la dernière grande frayère d'éperlans qui reste dans le Bas-Saint-Laurent, et on connaît l'importance de cette industrie de la pêche à l'éperlan. Alors, voici un bon exemple où le cadre d'examen que nous avons émis à la fin septembre, suite à l'arrêt momentané de réflexion durant laquelle 334 demandes de permis, selon L'actualité – ils ont les bons chiffres – s'étaient empilées sur mon bureau. Nous avons émis un nouveau cadre d'examen. Et, grâce à ce cadre d'examen, nous sommes en mesure, en ce moment, d'étudier correctement les demandes d'autorisation sur la rivière Fouquette. Et, au moment où on se parle, les promoteurs, grâce à ce nouveau cadre d'examen, ont à répondre à des questions spécifiques quant aux impacts cumulatifs de l'implantation de ces porcheries le long de la rivière. Et c'est uniquement lorsque nous serons assurés que l'implantation supplémentaire de nouvelles industries porcines le long de cette rivière... que ces porcheries seront autorisées.

Ceci étant dit, je n'ai toujours pas abandonné l'idée d'aller au fond de ce dossier-là. Et aller au fond de ce dossier, ça signifie deux choses. D'abord, c'est de s'assurer que, dans un avenir très rapproché, l'ensemble des producteurs agricoles du Québec doivent se doter d'un plan de fertilisation qui fait en sorte que les fertilisants qu'ils épandront sur leur sol et sur les plantes qui y poussent seront en équilibre avec les besoins de ces plantes et de ces sols, au niveau de la fertilisation.

L'autre élément que nous allons bientôt avoir le plaisir de discuter en commission parlementaire avec le critique officiel de l'opposition, c'est la question des nuisances et des odeurs. Alors, il ne faut pas penser que, parce que nous n'avons pas fait de déclarations récentes sur ce dossier, ce dossier est mort. Au contraire, il est très actif. Et toutes les mesures prises par mon ministère visent à s'assurer que l'implantation de nouvelles porcheries se fasse dans le respect de l'environnement et de la santé des gens, qui est l'élément essentiel de la protection de l'environnement, et que cette industrie porcine des suidés au Québec puisse continuer à progresser, mais uniquement dans le respect de l'environnement et de la santé de la population.

Mais je veux revenir quelques minutes sur des éléments soulevés par le député d'Orford en ce qui concerne le projet de loi n° 59. D'abord, je veux rassurer les agents de conservation de la faune – les gardiens forestiers, comme il les dénomme encore, et nous les avons subséquemment appelés les gardes-chasses, et maintenant ce sont les agents de conservation – parce que non seulement ils ont des pouvoirs et des responsabilités en matière de conservation de la faune, mais ils ont également des responsabilités en matière de conservation des plantes et ils ont également des responsabilités en matière de conservation et de protection de l'environnement.

J'ai beaucoup de respect pour ces gens. Je les ai d'ailleurs rencontrés – et les représentants du syndicat, dans les quelques jours qui ont suivi ma nomination, m'avaient alors, à ce moment-là, témoigné que c'était la première fois qu'ils étaient convoqués si rapidement – pour que je puisse connaître leurs préoccupations, pour que je puisse connaître leurs besoins. Également, j'ai passé des heures avec eux, toute une journée complète pour mieux comprendre leurs besoins. Les besoins les plus criants auxquels on n'avait pas répondu, auxquels l'ancien gouvernement avait oublié de répondre, c'est des besoins aussi essentiels que des nouveaux camions. Il faut réaliser que les agents de conservation de la faune se promènent dans de véritables minounes de 350 000 km et qui sont sur le point de briser en deux. Alors, cette année, malgré les difficultés financières et budgétaires de notre gouvernement et du ministère, nous avons dégagé, nous dégagerons 1 500 000 $ pour renouveler la flotte de véhicules.

Donc, j'ai beaucoup de respect pour les agents de conservation de la faune, ils le savent. Et la nomination d'assistants à la conservation de la faune en aucun cas ne remet en question le poste et le travail de ces 365 agents et en aucun cas ne remet en question leur rôle. Au contraire, ces assistants vont permettre aux agents de conservation de la faune de mieux travailler, parce que, si les auxiliaires actuels ont posé si peu de cas d'infraction, ont posé seulement 1 000 plaintes – et les chiffres du critique officiel de l'opposition, qui est bien informé, qui connaît bien son dossier, sont exacts – si c'est le cas, c'est parce qu'ils manquent de pouvoirs. Ils manquent de pouvoirs, les auxiliaires, et c'est en créant les assistants, en leur donnant plus de pouvoirs qu'ils pourront effectivement aider les agents de conservation de la faune à protéger ce joyau de notre patrimoine québécois.

Je suis également préoccupé par le fait que les pouvoirs qui seront reconnus à ces assistants de la faune puissent l'être en toute prudence. L'image donnée par le critique officiel de l'opposition, du barbu qui arrête sa fille, sans doute bien vêtue, c'est plutôt le contraire que j'ai entendu de la part des auxiliaires, qui, eux, portent l'uniforme, mais n'ont pas les pouvoirs pour immobiliser les véhicules, où des gens moins bien vêtus réussissent à s'enfuir avec du poisson braconné. Donc, l'objectif, ce n'est certainement pas d'immobiliser d'honnêtes citoyens. Il y a une question de bon jugement là-dedans. L'objectif, en cas de doute raisonnable, c'est de donner à ces assistants de la conservation de la faune le pouvoir d'immobiliser le véhicule pour voir si ce véhicule, cet aéronef ou cette embarcation contient des gibiers qui sont soit en quantité trop grande ou qui ont été ramassés, récoltés illégalement.

Une voix: Bravo!

M. Cliche: C'est sûr que les assistants de conservation de la faune devront être formés correctement, c'est sûr qu'ils devront être équipés correctement pour pouvoir immobiliser des véhicules. Et en commission parlementaire j'invite l'opposition officielle et les autres membres de la commission à nous aider à améliorer le projet de loi pour faire en sorte que les questions fondamentales et légitimes soulevées par l'opposition officielle, on puisse y répondre. Et je m'engage ce soir à demander à mon leader d'inviter les groupes qui ont été nommés par l'opposition officielle ce soir à participer à cette commission parlementaire. Invitons, et je m'engage à demander au leader d'inviter les agents de conservation de la faune. Nous pourrions également inviter ceux et celles qui ont demandé qu'on fasse une loi-cadre qui permette de mettre en place les assistants et les gardiens de territoire, et j'ai nommé les gestionnaires de zec, j'ai nommé les gestionnaires de pourvoirie, j'ai nommé ces membres, ces propriétaires terriens, propriétaires privés qui se sont regroupés dans les regroupements de chasse et pêche. J'ai d'ailleurs rencontré avec grand plaisir les commettants du député d'Orford, responsables de ces clubs de chasse à la chasse au chevreuil. On avait d'ailleurs réalisé, lors de cette rencontre, que j'avais rencontré le président sur le bord d'un petit champ dans le coin de Knowlton, lorsque, les deux, nous étions à la chasse, et, dans la petite brunante, nous nous étions rencontrés...

Une voix: Oh là là!

M. Cliche: ...et nous nous sommes subséquemment reconnus dans mon bureau. Donc, nous inviterons ces gens à... Un bon champ à chevreuil, M. le Président. Nous inviterons ces gens, si vous le voulez. Je comprends que c'est le voeu de l'opposition officielle et je m'engage ce soir à demander au leader de les inviter.

Je termine là-dessus. Travaillons ensemble en commission parlementaire à bonifier ce projet de loi. Ce projet de loi, il est attendu dans le milieu et il permettra de mieux conserver la faune et surtout de mieux mettre en valeur ce joyau du patrimoine québécois.

Une voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le principe du projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Adopté. Unanime.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 16 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 72


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 16, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 72, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que je vais présenter à tous les membres de l'Assemblée cette première étape véritable en termes d'explication à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 72. Je pense bien que nous devrions y arriver avec un peu d'efforts avant 22 heures. Même si j'ai compris que plusieurs membres de l'Assemblée étaient prêts, de consentement, à poursuivre après 22 heures...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...je pense qu'on peut y arriver avant 22 heures, en termes de présentation.

(21 h 20)

Alors, M. le Président, le projet de loi n° 72, qui s'intitule Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives, est un autre projet de loi qui va dans le sens de l'allégement des contrôles pour les municipalités, tel que nous l'avons adopté en juin dernier pour l'ensemble des municipalités du Québec, y compris les municipalités régionales de comté. Et nous devons maintenant poursuivre ce travail pour que ces dispositions, en les ajustant, puissent s'appliquer dans la Communauté urbaine de Québec, la Communauté urbaine de Montréal et la Communauté urbaine de l'Outaouais.

Alors, M. le Président, bien sûr, il s'agit d'apporter un certain nombre d'adaptations, puisque ces communautés urbaines ont des lois constitutives particulières. Et il s'agit de transposer les allégements que nous avons adoptés en juin pour les municipalités pour les communautés urbaines et, ce faisant, de rendre le travail à l'intérieur de ces communautés urbaines plus facile, le travail plus diligent, faire en sorte qu'il y ait de moins en moins, en fait, nous pourrions dire de contrôles qui peuvent apparaître à l'expérience comme étant inutiles. Ça amène aussi comme objectif évidemment une plus grande responsabilisation des élus municipaux qui siègent à ces communautés urbaines. Et nous allons aussi en profiter, dans ce projet de loi, pour adopter d'autres modifications législatives, en particulier pour la Communauté urbaine de Québec.

Pourquoi ces allégements? Parce que, effectivement, on a eu des représentations, au sein des comités conjoints que nous avons avec les unions municipales, pour que nous puissions par ailleurs, pour la Communauté urbaine de Québec, avoir un certain nombre d'adaptations, d'autres allégements, toujours dans le but de faciliter la tâche, en assurant le public, en assurant les contribuables du contrôle des élus municipaux, mais avec un mode de fonctionnement, avec des processus qui soient allégés. Alors, c'est ce que ce projet de loi n° 72 propose.

Une première série de modifications concerne donc l'allégement des contrôles ministériels et l'assouplissement de certaines procédures. D'abord, première série. Actuellement, les communautés urbaines et les sociétés de transport ont l'obligation de publier, au début de chaque année, un calendrier des assemblées régulières devant avoir lieu au cours de l'année. Or, l'expérience nous indique qu'il est difficile de prévoir en début d'année la date de ces assemblées. Le projet de loi supprime donc cette obligation, d'autant que la loi prévoit déjà la publication d'un avis préalable de chaque assemblée régulière.

Alors, on faisait obligation de publier en début d'année le calendrier pour toute l'année. On s'est bien rendu compte, d'abord, qu'il s'agissait d'une dépense qui pouvait apparaître comme inutile. Parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens finalement qui prennent note dans le journal du calendrier de réunion des communautés urbaines de Québec, de Montréal et de l'Outaouais et qui marquent ça à leur agenda religieusement... et qui font en sorte que ce ne soit plus le premier vendredi du mois, mais qu'à la date choisie par les communautés urbaines concernées on prenne en note cette date-là. Et il est difficile, avec les nombreuses responsabilités et la complexité des communautés urbaines, en termes d'échéancier de travail des élus municipaux qui siègent, d'avoir une prévision exacte, fixe, en quelque sorte, des réunions pour toute l'année, d'autant plus que nous ne supprimons pas l'obligation de faire la publication d'un avis préalable avant chaque assemblée régulière.

Alors, une dépense de moins, un contrôle de moins, un allégement. Ça peut apparaître léger, comme modification, mais, lorsqu'on est dans le fonctionnement d'une communauté urbaine, plusieurs petits contrôles finissent par s'accumuler, et non seulement ça occasionne des dépenses, mais on ne pense pas que le citoyen va être lésé si, au lieu de publier le calendrier au début de chaque année, on ne publie qu'un avis préalable annonçant les assemblées régulières.

L'avis de convocation d'une assemblée extraordinaire, selon les termes actuels de la loi, pour une communauté urbaine, doit être livré ou posté à chaque membre du conseil. Aucun autre mode de transmission de cet avis n'est prévu actuellement dans la loi. Notre projet de loi prévoit donc la possibilité d'une convocation par télécopieur d'une assemblée extraordinaire du conseil d'une communauté urbaine ou encore d'une société de transport. Et ce sera dorénavant permis.

M. le Président, la technologie s'est améliorée grandement au cours des dernières années. Il est maintenant reconnu, et c'est un mode de communication largement utilisé. Alors, on faisait obligation de livrer ou de transmettre par la poste l'avis de convocation à une assemblée extraordinaire. Par ailleurs, quand on connaît la rapidité quelquefois... aussi quelques délais que l'on peut souffrir au niveau de la poste, bien finalement il y a une manière beaucoup plus simple, efficace et par laquelle on peut contrôler d'ailleurs si la convocation a été émise et à quelle heure elle a été reçue. Alors, c'est tout simplement la permission d'utiliser le télécopieur pour la convocation d'une assemblée extraordinaire et de supprimer l'obligation, par ailleurs, de livrer cet avis de convocation par la poste.

Une autre modification allégeant, M. le Président... La tenue d'une assemblée extraordinaire doit de plus faire l'objet d'un avis préalable publié dans un journal diffusé sur le territoire de la communauté urbaine concernée ou de la société de transport concernée. Alors, compte tenu qu'une assemblée extraordinaire est parfois convoquée à la dernière minute – par définition, si elle est extraordinaire, c'est parce qu'elle peut être souvent convoquée à la dernière minute – il est alors difficile de satisfaire à cette obligation, vu la date de tombée des journaux, pour la publication de ces avis. Encore là, on a cherché un moyen d'alléger, avec les unions municipales et les communautés urbaines... Et c'est ce que nous avons introduit dans le projet de loi. Et l'on supprime cette obligation lorsque l'avis de convocation est dressé moins de 36 heures avant l'heure fixée pour le début de l'assemblée extraordinaire. Quand c'est au moins 36 heures avant l'heure fixée... Pardon! Lorsque l'avis de convocation est dressé moins de 36 heures avant l'heure fixée, M. le Président, on supprime l'obligation évidemment de la publication dans un journal, puisqu'il y a comme incompatibilité des moyens choisis. On allège.

Par ailleurs, le ministre des Affaires municipales doit actuellement, selon les termes de la loi, autoriser les ententes conclues entre les communautés et des organismes publics autres que les municipalités dont le territoire est compris dans celui des communautés. M. le Président, pourtant cette autorisation n'est plus nécessaire actuellement pour les ententes conclues entre une communauté et ses municipalités. Alors, pourquoi les obliger, par ailleurs, à avoir l'autorisation du ministre des Affaires municipales pour des ententes conclues entre la communauté ou les communautés concernées, communautés urbaines, et d'autres organismes publics?

Bon, M. le Président, là, on est en matière de responsabilisation. Il est normal que, à l'égard de certaines dispositions concernant les municipalités ou encore des organismes assimilés comme les communautés urbaines, on ait instauré un certain nombre de contrôles au départ au moment de la création de ces organismes. À l'expérience, avec la pratique, on peut se rendre compte que, finalement, la responsabilité à assumer n'a pas besoin d'un contrôle de la part du ministre des Affaires municipales, qu'il soit si élevé, qu'il soit parfois aussi détaillé. Je le dis pour ne pas être en contradiction avec d'autres dispositions d'un projet de loi qui sera bientôt étudié ici et dont le député d'Ungava attend avec impatience la présentation ici, à l'Assemblée nationale. C'est le projet de loi permettant aux municipalités de mettre sur pied des sociétés d'économie mixte. On verra, à l'occasion de la présentation de ce projet de loi, qu'il y aura de nombreuses balises, de nombreux contrôles qui seront introduits. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'il s'agit d'un secteur... On ouvre tout un secteur d'activité au secteur privé en le soumettant, en quelque sorte, aux règles du secteur public, des règles et des exigences du secteur public.

(21 h 30)

Alors, M. le Président, les balises sont extrêmement sévères. Il y aura davantage de contrôle. Pourquoi? Parce que, lorsqu'on s'introduit dans un champ nouveau, lorsqu'on ouvre toute une nouvelle section d'activité de collaboration avec l'entreprise privée, dans le domaine de la production et de la livraison des services publics au niveau municipal, bien il faut y aller avec prudence, il faut poser des balises qui nous permettent d'être bien sûr de la direction que l'on adopte et de faire en sorte qu'on soit en mesure d'assurer le public que la partie publique contrôlera toujours les services ou le coût des services qui seront ainsi produits et dispensés à la population. Cependant, dans le secteur des communautés urbaines, bien, on a plusieurs années de pratique administrative, ce qui nous amène maintenant à alléger les processus pour rendre le travail plus facile et plus efficace, en quelque sorte.

Actuellement, également, M. le Président, seul le président du conseil d'une communauté ou d'une société de transport peut, sur demande écrite du directeur général, et en cas de force majeure, décréter une dépense nécessaire ou octroyer un contrat requis pour remédier à un problème. L'urgence d'une situation rend la nécessité d'une demande écrite déraisonnable et peut exiger qu'une autre personne que le président puisse intervenir. Nous prévoyons donc de permettre, par ce projet de loi, au directeur général d'une communauté urbaine, à Montréal, à Québec ou dans l'Outaouais, ou d'une société de transport, en cas de force majeure, et lorsque le président est absent ou empêché d'agir et que personne n'est en mesure de le remplacer, de décréter une dépense jugée nécessaire ou d'octroyer tout contrat requis pour remédier à la situation et, de plus, nous supprimons la nécessité de présenter une demande écrite dans les cas qui sont énumérés à la loi.

Alors, M. le Président, écoutez, une société de transport, c'est bien évident qu'il peut se présenter des situations d'urgence, des bris, des situations, je dirais, entre guillemets, mécaniques, compte tenu de l'ensemble du matériel qui doit être utilisé par une société de transport, au nom du service au public, il peut se présenter assez fréquemment des urgences, et si, à chaque fois, le directeur général est obligé de procéder par une demande écrite au président du conseil de la communauté, on risque, M. le Président, non seulement, donc, d'alourdir le processus, mais évidemment d'obtenir un résultat autre que celui recherché en termes d'efficacité. Alors, on va corriger cela aussi dans le projet de loi qui vous est soumis et qui permettra plus de souplesse pour vivre ces réalités administratives.

La compensation concernant la mise à la disposition, pour les municipalités, d'un lieu d'élimination des déchets que peut fixer une communauté urbaine doit être approuvée par la Commission municipale du Québec et, pour la Communauté urbaine de Québec, par le ministre des Affaires municipales. Alors, M. le Président, voilà un autre niveau d'approbation qui avait été introduit au moment de la création de ces communautés urbaines. On croit venu le moment d'alléger tout ça et que de telles approbations vont actuellement à l'encontre de la tendance à alléger les contrôles ministériels et administratifs. Le projet de loi n° 72 va supprimer ces approbations. Cependant, M. le Président, compte tenu de ce que ça signifie pour la municipalité qui est membre d'une communauté urbaine, à Québec, à Montréal ou dans l'Outaouais, on va conserver un droit d'appel de la décision auprès de la Commission municipale. On sera vraiment en termes d'exception. Au lieu d'avoir une règle générale lourde, on aura une règle d'exception qui permet de faire appel et de présenter son point de vue pour la municipalité qui serait touchée, suite à la décision de la communauté urbaine concernée quant à la fixation d'un lieu d'élimination des déchets sur son territoire.

Par ailleurs, M. le Président, les communautés et les sociétés de transport ont l'obligation de transmettre le programme triennal de leurs immobilisations au ministre des Transports, alors que la transmission au ministre des Affaires municipales a été supprimée, elle. L'autorisation du ministre des Transports ne sera plus requise en cette matière, tout comme l'approbation des règlements d'emprunt des sociétés de transport. M. le Président, on veut responsabiliser davantage, pour simplifier. Alors, on va responsabiliser les sociétés de transport, et la transmission de papiers et de rapports, non pas inutile, mais peut-être un peu au-dessus de la normale, ne sera plus exigée.

Chaque membre du Comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal ou de la Communauté urbaine de Québec est tenu de se rendre à l'endroit désigné pour la tenue d'une assemblée du Comité exécutif s'il veut y prendre part. Or, la ville de Québec s'est déjà vu accorder un pouvoir, lorsque les circonstances le justifient, autorisant un membre à prendre part à une telle assemblée par la voie du téléphone. La modification proposée à cet égard permettra donc, dans les circonstances, lorsque les circonstances le justifient, à un membre du comité exécutif des communautés urbaines de délibérer et de voter à une assemblée du comité exécutif par la voie du téléphone ou d'un autre moyen de communication.

Par ailleurs, le projet de loi n° 24, adopté en juin, a apporté de nombreuses modifications aux diverses lois régissant les municipalités, afin d'assouplir certains processus ou d'accorder certains pouvoirs additionnels. Le projet de loi n° 72 va rendre applicables aux communautés urbaines plusieurs modifications déjà apportées pour les municipalités qui sont actuellement régies par la loi des cités et villes et le Code municipal du Québec. Ainsi, le conseil d'une municipalité peut maintenant déléguer, par simple résolution, à un employé de la municipalité, qui n'est pas un salarié au sens du Code du travail, le pouvoir d'engager tout employé qui est un tel salarié. Avec le présent projet de loi, nous assouplissons aussi, pour les communautés urbaines, le processus de délégation du pouvoir d'embaucher des salariés en n'exigeant plus de règlement pour ce faire.

Le projet de loi n° 24 avait permis qu'une municipalité puisse être autorisée par le ministre des Affaires municipales à octroyer un contrat sans demander de soumissions ou à l'octroyer après une demande de soumissions faite par voie d'invitation écrite plutôt que par la voie d'annonce dans un journal. Nous octroyons également cette même possibilité aux communautés urbaines, sauf si, en vertu d'un accord intergouvernemental de libéralisation des marchés applicable à la communauté, les appels d'offres doivent être rendus publics. On a vu, M. le Président, que, suite à l'adoption de la loi n° 24, ça a été éminemment utile suite aux pluies diluviennes du mois de juillet dans la région du Saguenay.

Nous avons aussi permis qu'une municipalité dont le territoire n'est compris ni dans celui d'une municipalité régionale de comté ni dans celui d'une communauté urbaine puisse, au même titre qu'une MRC, donner ou prêter de l'argent à un fonds d'investissement destiné à soutenir financièrement des entreprises en phase de démarrage ou de développement, tout le phénomène des SOLIDE. Nous donnons maintenant cette même possibilité aux communautés urbaines.

En matière d'emprunt par obligation, les règles prévues à la loi des cités et villes et au Code municipal du Québec quant aux principaux aspects des obligations émises par les municipalités ont été supprimées, et ce, afin d'atteindre l'objectif que vise le marché obligataire, de procéder à l'émission des titres municipaux par voie électronique, ce qu'on appelle la dématérialisation des titres municipaux. Avec le projet de loi, nous supprimons aussi, pour les communautés urbaines et les sociétés de transport, les règles relatives à certains aspects des obligations émises par celles-ci. Au total, on pense à des économies de 10 000 000 $, M. le Président.

Et, finalement, M. le Président, des mesures qui concernent spécifiquement la Communauté urbaine de Québec. En ce qui concerne les modifications plus spécifiques à la CUQ, certaines sont d'ordre technique et concernent des questions administratives, alors que d'autres accordent des pouvoirs additionnels. Ces nouvelles dispositions permettent, entre autres, à la Communauté urbaine de Québec, premièrement, de prévoir que l'élection du président de la Communauté urbaine et des vice-présidents puisse se faire par tirage au sort lorsqu'il y a égalité des voix après quelques tours de scrutin – je vous souligne ici, M. le Président, que nous octroyons la même possibilité à la Communauté urbaine de l'Outaouais – deuxièmement, prévoir que le quorum des assemblées du conseil soit de sept membres au lieu de huit – cette modification s'explique par le fait que le nombre de membres requis pour le quorum variait selon les sujets inscrits à l'ordre du jour – troisièmement, adopter les règlements dans le but d'assainir la qualité de l'air sur son territoire et de conserver ou de protéger ses ressources pour favoriser l'élimination de l'ambrosia, la limitation de la population des goélands ou le traitement de la maladie hollandaise de l'orme ou pour mettre en oeuvre tout autre programme de protection de l'environnement et de conservation des ressources; permettre aussi à la Communauté urbaine d'aider, à ces fins, des organismes ayant pour but la protection de l'environnement et la conservation des ressources. D'autres responsabilités que nous confierons à la Communauté urbaine de façon plus spécifique, M. le Président. Et, finalement, donc, nous avons prévu, dans le projet de loi n° 72, à la Communauté urbaine de l'Outaouais, au même titre que les communautés urbaines de Montréal et de Québec, de déléguer à certaines personnes le pouvoir d'autoriser ou de payer des dépenses ou de conclure des contrats.

Alors, M. le Président, on examinera toutes les mesures prévues au projet de loi n° 72 en détail, en commission parlementaire, lorsqu'on fera l'étude article par article, mais, essentiellement, c'est de rendre le processus administratif plus léger, plus efficace dans les communautés urbaines du Québec, au niveau des territoires de Montréal, Québec et l'Outaouais. M. le Président, merci.

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. M. le Président, je n'ai pas l'intention de reprendre l'ensemble des éléments qui ont été expliqués par le ministre des Affaires municipales, puisqu'il a quand même fait une liste assez bien expliquée et assez exhaustive de l'ensemble des articles qui se retrouvent dans le projet de loi n° 72. Par contre, j'ai quand même quelques commentaires à passer. J'aimerais souligner à cette Assemblée certains articles qu'on aurait aimé retrouver dans le projet de loi n° 72, et on s'explique très mal les motifs qui ont fait en sorte que ces articles-là ne s'y se sont pas retrouvés.

Alors, le projet de loi n° 72, comme l'a expliqué le ministre tout à l'heure, modifie les lois constitutives des communautés urbaines, donc la Communauté urbaine de Québec, celle de Montréal et celle de l'Outaouais. On y retrouve au-delà d'une centaine d'articles, et cette loi modifie huit lois.

Ce projet de loi s'inscrit dans la foulée effectivement des allégements qui ont été apportés aux lois municipales, les allégements des contrats ou les suppressions de contraintes qui sont imposées aux administrations municipales et qui ont été amorcées, j'aimerais bien le rappeler à cette Chambre, par le gouvernement libéral, donc le gouvernement qui a précédé celui qui est là. Et aussi, ces allégements-là, on les a retrouvés dans le projet de loi n° 68 et le projet de loi n° 24 qui a été adopté lors de la dernière session parlementaire.

M. le Président, il y a certains articles – je ne voudrais pas les nommer – qui modifient, entre autres, les lois sur la Communauté urbaine de l'Outaouais, celle de Montréal et de Québec en insérant des dispositions qui accordent un pouvoir discrétionnaire au ministre des Affaires municipales pour permettre à une communauté urbaine d'octroyer un contrat sans demande de soumission et aussi pour lui permettre de l'octroyer après une demande de soumission qui est faite par voie d'invitation écrite plutôt que par la voie d'une annonce publiée dans un journal. Ce même pouvoir discrétionnaire avait été accordé par le projet de loi n° 24, aux municipalités, par la Loi sur les cités et villes et le Code municipal. Donc, il s'agit ici d'une concordance.

Je ne reprendrai pas l'ensemble des articles que nous retrouvons dans ce projet de loi là, qui font l'objet justement de concordance avec la Loi sur les cités et villes et le Code municipal. Cependant, vous me permettrez un commentaire, M. le Président. Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Je suis toujours étonnée de voir que lorsqu'on procède à des allégements, en tout cas, certainement depuis que je suis en cette Chambre, depuis que j'ai été élue en septembre 1994, confirmée en octobre 1994... Mais, quand même, disons que je suis toujours très surprise de constater qu'on n'est jamais capable d'inclure dans la même loi les allégements ou les amendements qui concernent à la fois la Loi sur les cités et villes, à la fois les articles qui concernent le Code municipal et les articles qui concernent les communautés, les trois communautés urbaines. Et il va sans dire qu'il ne faut pas oublier les chartes – qu'on pense à celle de Québec, celle de Montréal – qui sont souvent affectées aussi par ces allégements-là ou par ces amendements à ces lois importantes.

On se retrouve toujours avec un projet de loi qui nous arrive la session suivante parce qu'on a oublié d'inclure la communauté urbaine – entre autres, je prends cet exemple-là ce soir. Je ne peux pas concevoir qu'on n'ait pas développé, au fil des ans, ce réflexe de dire: Il ne faudrait pas qu'on oublie les communautés urbaines. Ou des fois c'est le contraire, on amende les lois des communautés urbaines, les lois constitutives et on oublie le pendant, qui est d'amender la Loi sur les cités et villes et le Code municipal. Donc, je vais sans doute obtenir réponse à cette question en commission parlementaire, mais il me semble qu'il n'y a pas tellement d'excuses valables à ne pas avoir inclus certains de ces articles qui émanent de la concordance avec les lois municipales et qui auraient très bien pu se retrouver dans le projet de loi n° 24, celui qui a été adopté en juin dernier.

On retrouve certains articles aussi qui permettront dorénavant aux trois communautés urbaines de ne plus être obligées de publier dans un journal les avis de convocation. Et elles pourront aussi, ces communautés urbaines, utiliser le télécopieur pour la convocation de ces assemblées. Je n'ai pas vraiment de problème avec ça, sauf qu'il y a juste un petit hic – j'imagine que j'aurai réponse à cette question en commission parlementaire – les avis de convocation, évidemment, faisaient partie de l'exercice démocratique et de la transparence. C'est surtout de la transparence dont je veux parler. Les avis étaient dans les journaux. Il est vrai, en tout cas, que les assemblées n'attiraient pas de grandes foules. J'y ai déjà siégé pendant près de 10 ans, je ne me souviens pas d'avoir vu à la Communauté urbaine de Québec une foule énorme, sauf que les gens étaient quand même habitués d'avoir à la fois l'avis de convocation avec l'ordre du jour.

Il doit y avoir une bonne justification. J'ai cru comprendre du ministre qu'il s'agissait de l'ensemble des convocations publiées annuellement. Si c'est ça, je n'ai pas de problème avec. Si c'est l'avis public publié aux deux semaines, il faudrait voir la justification, il faudrait voir pourquoi les communautés urbaines ont demandé à retirer cet avis public là. Il y a sans doute une question d'économie, mais il ne faudrait pas toujours mettre sur le dos de l'économie la disparition de la transparence.

Il y a aussi des articles qui concernent plus spécifiquement, comme l'a mentionné le ministre des Affaires municipales, la Communauté urbaine de Québec. On pense, entre autres, à un pouvoir de réglementation pour l'amélioration de la qualité de l'air. Il y a un article, entre autres, qui lui accorde, à la Communauté urbaine de Québec, la capacité de vendre de l'énergie résultant de l'exploitation d'un ouvrage d'assainissement des eaux.

De nombreux articles, aussi, M. le Président, concernent la dématérialisation des titres obligataires aux communautés urbaines, aux corporations municipales et intermunicipales de transport, à la Société de transport de la Rive-Sud de Montréal et aux villes de Québec et Montréal. Toutefois, on mentionne que leur entrée en vigueur sera fixée par le gouvernement, en vertu de article 104, ce qui constitue un régime particulier pour ces articles.

M. le Président, vous ne m'en voudrez pas trop si je fais un petit peu de chauvinisme et si je vous parle plus particulièrement de la Communauté urbaine de Québec. J'espère qu'on ne trouvera pas que je suis en conflit d'intérêts si je fais ça, mais vous comprendrez que... D'ailleurs, on est deux en cette Chambre à y avoir déjà siégé, et je salue mon collègue le député de Limoilou, qui est ici ce soir. Je suis certaine qu'il est resté ici pour m'entendre!

M. le Président, il y a des amendements qui avaient été demandés par la Communauté urbaine de Québec, plus spécifiquement, entre autres, touchant le fonds de roulement. On s'étonne, à la Communauté urbaine de Québec, de ne pas les retrouver à l'intérieur du projet de loi actuel, et je vous en fais mention, M. le Président, dans la mesure où ça cause un certain préjudice à l'égard de la Communauté urbaine. Entre autres, l'article 85 de la Charte de la Communauté urbaine de Québec a permis depuis plusieurs années à la Communauté urbaine de Québec d'avoir un fonds de roulement. Or, pour contribuer au fonds de roulement, la Communauté urbaine de Québec doit emprunter pour y investir, dans ce fonds de roulement. Toutes les municipalités au Québec qui ont un fonds de roulement peuvent y investir ou y envoyer – si vous me passez l'expression – un surplus qu'elles y affectent sans avoir, évidemment, à emprunter et à alourdir le fardeau de la dette. Alors, la Communauté urbaine de Québec avait demandé au ministre des Affaires municipales cette autorisation qu'ont toutes les municipalités du Québec et lui avait demandé cette autorisation de pouvoir affecter au fonds de roulement tout surplus qu'elle jugeait nécessaire pour y faire ses investissements sans devoir emprunter. Il m'apparaît que c'est d'un illogisme épouvantable d'obliger la Communauté urbaine de Québec ou tout autre organisme municipal d'avoir à emprunter pour investir dans son fonds de roulement. Bon, ça, c'était une des premières demandes.

L'autre, c'était que la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec souhaitait se constituer un fonds de roulement et souhaitait également pouvoir y investir des surplus. Je ne sais pas s'ils en font actuellement, là, avec tous les problèmes financiers que connaît la Société de transport, mais, quand même, c'est un pouvoir que la Société de transport également souhaitait avoir en vertu du projet de loi n° 72, puis d'autant plus qu'on le fait, l'exercice. Alors, moi, je me fais un porte-parole et je compte sur l'aide de mon collègue de Limoilou, ancien président de la Communauté urbaine de Québec, pour essayer de convaincre le ministre des Affaires municipales. Je connais son intérêt particulier, évidemment, pour toutes les lois municipales. Alors, je compte, comme je viens tout juste de le dire, sur l'aide de mon collègue de Limoilou pour tenter de le convaincre d'inclure dans ce projet de loi ces amendements qui sont fort souhaités par la Communauté urbaine de Québec.

(21 h 50)

Je vous dirais, M. le Président, qu'il y a, entre autres, d'autres modifications que la Communauté urbaine aurait souhaité y retrouver. Ça concerne, entre autres, le certificat annuel du trésorier qui doit être envoyé au ministère des Affaires municipales. Ça constitue un document tout à fait inutile et qui requiert beaucoup d'énergie, de temps de la part du personnel de la Communauté urbaine. Ce qui est étonnant, c'est que cette obligation qui est faite à la Communauté urbaine de Québec remonte en fait à une disposition qui se retrouvait dans la charte de la ville de Montréal au milieu des années quarante. À cette époque, peut-être qu'on était plus soupçonneux, peut-être qu'on souhaitait davantage encadrer, mais, si on veut suivre la logique du ministre des Affaires municipales et du ministère des Affaires municipales de vraiment déréglementer, d'alléger les contrôles, je pense qu'il y en a un ici qui aurait été très facile de retirer. C'est complètement archaïque, ça ne sert à personne et ça coûte cher en temps et en énergies à la Communauté urbaine de Québec.

Un dernier point, M. le Président, touchant des amendements qui ne se sont pas retrouvés dans ce projet de loi là et qui touchent encore plus spécifiquement la Communauté urbaine de Québec, c'est qu'ils avaient demandé au ministre de permettre au conseil de déléguer – donc, le conseil des maires – au trésorier l'octroi des emprunts lorsqu'une démarche de soumission avait été suivie. Ce pouvoir a été accordé aux municipalités de toute la province par le projet de loi 68. Je vous rappelle que le projet de loi 68, il a été voté en juin 1995. On achève l'année 1996. Alors, je comprends mal qu'on n'ait pas accepté d'inclure, dans ce projet de loi là, cet amendement-là qui, finalement, rencontre toutes les... ferait en sorte qu'il y aurait concordance, M. le Président, avec ce qui se passe ailleurs.

Alors, je fais appel à la grande compréhension du ministre des Affaires municipales. Je ne vois pas en quoi ces dispositions-là causent préjudice à qui que ce soit, et je m'étonne encore du fait qu'on n'ait pas pu inclure ces demandes-là dans le projet de loi n° 72 et qu'on n'ait pas tenu compte non plus d'autres dispositions qui ont été portées à notre attention.

Alors, M. le Président, je terminerai en vous disant que nous sommes en faveur de ce projet de loi là. Nous allons tenter de le bonifier pour ce qui est des demandes de la Communauté urbaine de Québec. Et s'il y en a qui souhaitent voir d'autres dispositions incluses dans ce projet de loi là, pour ce qui est des autres communautés, ça nous fera plaisir d'être les porte-parole de ces demandes-là. Et nous, comme je l'ai dit, nous sommes en faveur du projet de loi et nous allons voter pour l'accord de principe, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, nous allons mettre aux voix le principe du projet de loi n° 72, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives. Ce principe est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi doit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous avons épuisé l'ordre du jour. Nous allons entreprendre le débat de fin de séance, tel qu'annoncé avant le souper.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pour ceux qui ont soupé, qui ont eu le temps de souper, oui.


Débats de fin de séance


Réorganisation des services de police au Québec

Alors, le débat de fin de séance. M. le député de Frontenac va interroger M. le ministre de la Sécurité publique concernant les consultations qu'il entend tenir relativement au projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives. Alors, M. le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition, vous disposez d'un temps de cinq minutes et vous aurez une réplique de deux minutes à la fin. Je vous cède la parole.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, j'ai cet après-midi questionné le ministre de la Sécurité publique sur ses intentions relativement à sa démarche dans le projet de loi n° 77 qui, en résumé, vise à réorganiser la protection policière au Québec. J'ai demandé, M. le Président, essentiellement, en résumé, au ministre de la Sécurité publique d'accepter de consulter, d'écouter plein d'intervenants qui sont interpellés par cette importante législation en marche, M. le Président, d'accepter de consulter avant le débat en Chambre, c'est-à-dire avant l'adoption de la première étape qui est le débat de principe du projet de loi n° 77, tous les groupes interpellés.

M. le ministre, après-midi, tout comme il l'avait fait lors du dépôt du projet de loi, a fafiné, a taponné et il m'a dit à toutes fins pratiques: Je vais réfléchir; peut-être que oui, peut-être que non. Mais essentiellement, ce qu'il m'a dit, M. le Président, c'est: J'ai fait une tournée cet été et j'ai réalisé que l'intention du gouvernement contenue dans le projet de loi n° 77 était très bien reçue et par les forces policières en général, et également, M. le Président, par les élus municipaux.

Alors, moi, je suis resté absolument estomaqué d'entendre le ministre me répondre quelque chose d'aussi grossier et je me demande si le ministre de la Sécurité publique, M. le Président, vit sur la même planète que les Québécois et les Québécoises. Quand le ministre dit qu'il a été bien reçu, moi, je vais vous lire ce que j'ai ici sous les yeux, là, La Presse le 16 novembre: «Jeudi soir, quelques membres du conseil d'administration de l'Association des directeurs de police et pompiers ont apostrophé le ministre de la Sécurité publique relativement à son projet de loi n° 77. Le ton de la discussion a parfois monté de plusieurs crans. "Ce gouvernement – M. le Président – ne sait réellement pas où il s'en va", dixit un directeur de police que je n'ai pas à identifier. La colère a encore augmenté quand le ministre a ajouté que l'APPQ – l'association des policiers au Québec – ne serait plus représentée avec le projet de loi.»

M. le Président, comment le ministre peut-il oser dire cet après-midi qu'il a été bien reçu, qu'il a été bien compris, avec de tels propos, là, qui viennent essentiellement des chefs de police au Québec? Quand le ministre nous dit également, M. le Président, que, au niveau du monde municipal, son projet de loi est bien perçu, bien accepté, je lui rappelle ce que je lui disais en Chambre cet après-midi. Quand l'UMRCQ dénonce le projet de loi de façon aussi virulente... Et je vous donne quelques exemples. Voici ce qu'on dit ce matin. Ce matin, Mme Jacinthe Simard, la présidente de l'UMRCQ, dit ceci: «Il n'y a pas de limites à l'audace pour refiler les factures aux contribuables. Les citoyens sont pris en otage. Faire des élus municipaux des percepteurs de taxes, ce n'est pas intelligent. Invoquer la convention collective de la Sûreté du Québec, ce n'est pas intelligent.»

M. le Président, oser dire qu'on n'a pas à consulter parce que le projet de loi est déjà bien reçu, c'est être complètement déconnecté de la réalité. Comment le ministre peut-il dire que ce projet de loi n° 77 est bien saisi, est bien compris et que la consultation dont je lui parle depuis une quinzaine de jours n'est pas nécessaire, quand je lis, le 25 août 1996, dans la région de Rimouski: «Les maires attendent le ministre de pied ferme. À prime abord, ce projet ne semble être qu'une nouvelle facture qu'on nous envoie.»? M. le Président, l'Union des municipalités du Québec – ce n'est pas rien, ça, ce n'est pas rien – résume le projet de loi du ministre de la Sécurité publique de la façon suivante: «Une ingérence gouvernementale inacceptable.»

(22 heures)

J'ai ici un journaliste, M. le Président, qui résume: «C'est rare qu'un ministre fait l'unanimité auprès des maires de plusieurs MRC. Le ministre de la Sécurité publique a réussi ce tour de force à Saint-Hyacinthe – un journaliste de la région de Saint-Hyacinthe – il a dressé tous les maires contre lui et sa police régionale.

Comment le ministre peut-il dire que son projet de loi est bien reçu et bien compris quand, de façon unanime, autant les regroupements de police, autant les regroupements d'élus municipaux, M. le Président, disent carrément au ministre: Vous faites fausse route; ça n'a pas de bon sens; vous êtes dans les patates; ça n'a ni queue ni tête? Et comment le ministre – et je m'arrête là-dessus – peut-il encore aujourd'hui résister à la suggestion que lui fait l'opposition, en toute bonne foi, compte tenu de l'importance du projet de loi, de faire des consultations élargies avant qu'on commence le débat comme tel, avant l'adoption de la première étape, c'est-à-dire avant l'adoption du principe? J'espère que le ministre m'a compris. J'espère que le ministre a compris le message qu'on lui envoie d'un peu partout au Québec et qu'il va consentir à ce que ces auditions, ces consultations se fassent dans les plus brefs délais. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Frontenac. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, plaçons les choses dans le contexte. J'ai eu l'occasion – je l'ai déjà dit – de faire, au cours du printemps et de l'été, probablement l'une des plus vastes consultations qui se sont faites en matière de sécurité publique et d'organisation policière au Québec. J'ai rencontré tout près de 600 à 700 des 1 100 maires du Québec, presque la totalité des préfets des municipalités régionales de comté. Probablement que je suis le seul ministre de la Sécurité publique qui a rencontré, à toutes fins pratiques, tous les directeurs des corps de police municipaux, les directeurs des districts de la Sûreté du Québec. Donc, M. le Président, je pense que j'ai eu l'occasion, effectivement, de débattre, avec les intervenants du milieu, du projet de loi.

Maintenant, je n'ai pas fermé la porte à ce que, dans le cadre de l'étude du projet de loi, nous puissions à nouveau entendre les commentaires d'un certain nombre d'organismes qui représentent soit les corps policiers soit les institutions municipales. Je n'y suis pas fermé. Nous verrons dans quel cadre nous le ferons. Il y a diverses façons de le faire. Je ne suis pas fermé à tout ça.

Maintenant, M. le Président, oui, j'ai dit que le projet de loi avait été bien reçu, pour deux, trois raisons. Le projet de loi qui est sur la table contient un corps principal de dispositions qui tiennent à l'organisation de la carte policière au Québec, la nécessité d'apporter un peu de stabilité, d'éviter la concurrence entre les corps de police, de limiter les coûts d'organisation de la police sur l'ensemble du territoire. Ces dispositions sont bien acceptées, et, chaque fois que des gens discutent de mon projet, du projet de loi, ils vont dans le même esprit, dans le même sens quant à l'organisation de la carte policière.

C'est vrai toutefois que le fait que le projet de loi implique une redistribution entre les contribuables du Québec des coûts de police soulève, dans certaines municipalités qui ont joui dans le passé d'une espèce de congé de contribution aux coûts de police... C'est bien sûr, j'en suis bien conscient, qu'il y a là un rééquilibrage du fardeau fiscal qui peut, bien sûr, soulever un certain nombre d'objections. Mais je rappelle, M. le Président, que, lorsque certains contribuables ont un congé de taxes, c'est parce que d'autres, des voisins, paient à leur place, et le gouvernement en est arrivé à la conclusion qu'il fallait rétablir, là-dessus, un peu plus d'équité.

M. le Président, une chose, en tout cas, dans la tournée que j'ai faite, qui, à mon avis, a été très bien accueillie par la très grande majorité des maires du Québec, c'est que, contrairement au gouvernement précédent, contrairement au gouvernement du Parti libéral, le projet de loi ne fait pas que transposer une facture aux municipalités, comme l'avait fait M. Ryan, la fameuse réforme Ryan. Il s'est contenté, M. Ryan, d'envoyer la facture en disant aux gens: Vous n'avez rien à dire. Le projet de loi qui est sur la table, M. le Président, bien sûr, redistribue le fardeau fiscal, mais il donne pour la première fois aux élus locaux la possibilité, à travers le comité de sécurité publique au sein de chaque municipalité régionale de comté, d'avoir leur mot à dire dans l'organisation des services policiers sur leur territoire, ce que le gouvernement précédent n'avait jamais fait. Dans le fond, ce qu'on fait, c'est que, nous, on fait une véritable réforme de l'organisation policière, et pas juste un pelletage de taxes, comme avait fait le gouvernement précédent.

M. le Président, c'est vrai que, dans le projet de loi, il y a d'autres dispositions, des dispositions qui tiennent notamment au financement de l'Institut de police du Québec. Là encore, à notre avis, il s'agit de s'assurer que les ressources financières au Québec en matière de formation policière se concentrent sur l'essentiel de la mission qui est la formation de base. Et, dans un contexte où l'ensemble des administrations publiques ont des ressources limitées, bien, il nous semblait pertinent que ces ressources soient consacrées essentiellement à cette mission de base qui est celle de la formation de base des policiers au Québec.

Alors, M. le Président, il y aura des débats, bien sûr, il y aura des discussions en commission parlementaire. Je ne ferme pas la porte à ce que nous entendions un certain nombre de groupes, les Unions, tout ca. Mais je rappelle que, sur le corps principal du projet de loi, sur ce qui fait l'essentiel de ce projet de loi, le projet de loi a reçu l'appui de l'ensemble des corps policiers, de l'Union des municipalités du Québec, de l'ensemble des intervenants qui connaissent ces questions-là et qui, enfin, se disent que, bon, bien, on en parlait depuis 10, 15, 20 ans, puis enfin il y a quelqu'un qui se décide à bouger là-dedans. Et je pense que le gouvernement du Québec, dans ce cas-là, fait ce que le gouvernement d'avant n'a pas osé faire, M. le Président. Il ne fait pas juste de pelleter des taxes, mais il fait une vraie réforme de l'organisation policière au Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition pour une réplique de deux minutes. M. le député.


M. Roger Lefebvre (réplique)

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre, lorsqu'il parle de sa banquette, il est censé dire la vérité. La vérité a ses droits. Pas plus tard qu'aujourd'hui, M. le Président, l'UMRCQ, l'Union des municipalités régionales de comté, disait en avoir gros sur le coeur devant l'attitude du gouvernement Bouchard de se servir sans vergogne dans les budgets municipaux. L'UMRCQ, M. le Président, disait, contrairement à ce que le ministre a dit tout à l'heure... Contrairement à ce que le ministre a dit tout à l'heure! Il faut avoir un front de boeuf ou ne pas comprendre, ne pas saisir ce qu'on lui dit. Puis ça ne se peut pas. Il y a une limite, M. le Président, à ne pas comprendre. Il y a une limite à faire semblant. C'est l'UMRCQ, ce n'est pas l'opposition officielle. M. le Président, l'UMRCQ, c'est 1 400 municipalités, 1 400 municipalités au Québec.

L'imagination de notre gouvernement se limite à refiler des factures aux contribuables. M. le Président, on parle de combien d'argent que le gouvernement Bouchard veut refiler aux Québécois et aux Québécoises de façon absolument hypocrite? 40 000 000 $ pour la protection policière par le biais de la Sûreté du Québec et 8 000 000 $, M. le Président, 8 000 000 $ que les municipalités du Québec devront payer, 1 % de la masse salariale des corps de police municipaux dans chaque municipalité du Québec pour l'Institut de police. C'est le gouvernement qui finançait jusqu'à date l'Institut de police. À partir de maintenant, si le projet de loi est adopté tel quel, ce sont les municipalités du Québec. Puis le ministre ose dire qu'on ne refile pas de nouvelles taxes aux municipalités! La vérité a ses droits, M. le Président. Je ne comprends pas, sinon que le ministre essaie de conter des sornettes puis il pense que le peuple le croit.

M. le Président, c'est un ministre qui n'a aucun leadership, c'est un ministre qui ne gère pas ses dossiers. La preuve a été faite à date, M. le Président, la preuve a été faite. Trois exemples. Je termine avec trois exemples, M. le Président. Trois exemples. «Combats extrêmes»: il faut s'en souvenir, à la dernière minute, c'est le premier ministre qui avait décidé, puis le bunker. La crise majeure à la Sûreté du Québec: ce n'est pas le ministre de la Sécurité publique qui a décidé, c'est l'entourage du premier ministre, M. le Président. Et, dans ce dossier-là, encore une fois, puis je termine là-dessus... Vous permettez, 30 secondes, M. le Président, 30 secondes...

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est parce que l'heure est dépassée déjà.

M. Lefebvre: Alors, 10 secondes, 10 secondes, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cinq secondes.

M. Lefebvre: Cinq secondes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cinq.

M. Lefebvre: Alors, M. le Président, dans ce dossier-là la consultation, elle est fondamentale, importante. J'espère qu'il y a quelqu'un d'autre qui va se mettre le nez dans le dossier pour qu'on ait une bonne décision. Si le ministre continue à décider, il va encore se tromper, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le débat est clos.

Nous allons mettre fin à nos travaux et nous allons ajourner à mardi prochain, 14 heures.

(Fin de la séance à 22 h 9)