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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 10 décembre 1996 - Vol. 35 N° 66

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, d'abord, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement, présentation de projets de loi?

M. Bélanger: Article a, M. le Président.


Projet de loi n° 85

Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la ministre de l'Éducation présente le projet de loi n° 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie certaines conditions d'admissibilité au programme de prêts et bourses institué par la Loi sur l'aide financière aux étudiants.

Il permet notamment au gouvernement de déterminer, par règlement, le niveau d'endettement maximum que ne peut dépasser un étudiant pour être admissible à un prêt et modifie les conditions que doit remplir l'étudiant pour ne pas être réputé recevoir une contribution de ses parents ou de son répondant. Il permet de majorer ou de réduire le montant maximum des prêts dans certains cas et à certaines conditions déterminées par règlement et réduit de un mois la période d'exemption pour le remboursement des prêts.

Ce projet de loi supprime les dispositions de la loi permettant le remboursement, par le ministre de l'Éducation, d'une partie de l'emprunt contracté par un étudiant pendant ses études de deuxième ou de troisième cycle.

Par ailleurs, ce projet de loi permet au ministre de l'Éducation d'accorder une aide financière anticipée, sous forme de prêt. Il introduit un processus de révision des décisions du ministre.

Ce projet de loi modifie également la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel afin de prévoir que l'étudiant ayant échoué plus d'un cours d'un programme d'études collégiales, à sa dernière session à temps plein, doit acquitter des droits spéciaux pour s'inscrire à nouveau à temps plein.

Enfin, ce projet de loi comporte des dispositions de nature transitoire.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 84

Le Président: À l'article b du feuilleton, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité et ministre de la Sécurité du revenu présente le projet de loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu. Mme la ministre de la Sécurité du revenu.

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce projet de loi modifie...

Des voix: ...

Le Président: Je m'excuse, Mme la ministre. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur la sécurité du revenu afin de permettre de fixer dorénavant par règlement les cas et conditions permettant à une personne qui a la garde et la charge d'un enfant de bénéficier du barème de non-disponibilité du programme Actions positives pour le travail et l'emploi.

Le projet de loi permet également au ministre de la Sécurité du revenu de réclamer, dans les cas et selon les conditions et modalités prévus par règlement, des intérêts sur des prestations d'aide de dernier recours qu'il a versées à une personne qui était dans l'attente de la réalisation d'un droit.

Le projet de loi prévoit, en outre, des mesures reliées au recouvrement des prestations d'aide de dernier recours en introduisant, notamment, des dispositions relatives à des frais et des intérêts, ainsi qu'une disposition octroyant au ministre un pouvoir d'annuler ou réduire l'intérêt calculé pour une période sur une somme recouvrable ou de permettre au débiteur de rembourser un montant mensuel moindre que celui fixé par règlement.

Des modifications sont aussi apportées en conséquence aux dispositions d'habilitation réglementaire.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité et ministre de la Sécurité du revenu.


Document de consultation sur la réforme de la sécurité du revenu ainsi que sa synthèse

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer un document de consultation, ainsi que sa synthèse, sur la réforme de la sécurité du revenu, intitulé «Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi».


Rapports de missions confiées à des membres de l'Assemblée nationale et concernant l'accueil de visiteurs à l'Assemblée

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Au dépôt de documents également, je dépose, de mon côté, 12 rapports concernant des missions confiées à des membres de l'Assemblée nationale et effectuées entre le mois de juin dernier et le mois d'octobre. Je dépose également deux rapports concernant des accueils de visiteurs à l'Assemblée nationale, en août et octobre 1996.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.

M. Paquin: M. le Président, en remplacement du député de Bonaventure.

Le Président: M. le député de Saint-Jean.


Étude détaillée du projet de loi n° 130

M. Paquin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 30 mai, 4, 10, 11 et 14 juin, 3 septembre, 30 et 31 octobre, 5, 6, 20 et 21 novembre ainsi que le 3 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative. La commission n'a pas complété l'étude détaillée du projet de loi.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.

(10 h 10)


Étude détaillée du projet de loi n° 66

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 9 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 75

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 6 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 75, Loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, le rapport est déposé. M. le vice-président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Bourget.


Étude détaillée du projet de loi n° 12

M. Laurin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 26 novembre et les 3, 5 et 6 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Très bien. Ce rapport est également déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions maintenant, M. le leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi.


Maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires, augmenter leur nombre et assurer la protection des HLM

M. Paradis: Oui. M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 55 pétitionnaires du comté de Brome-Missisquoi.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Abolition du remboursement d'impôts fonciers, RIF, afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; maintenir et augmenter le nombre de logements réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers; assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires de ces logements où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Brome-Missisquoi. La pétition est déposée. M. le député de Robert-Baldwin, maintenant.


Arrêter le projet de fermeture du Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île de Montréal

M. Marsan: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 326 pétitionnaires de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île dessert la communauté depuis presque 30 ans;

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de Pointe-Claire est le seul tribunal du genre dans la province de Québec qui possède un comité de justice à la jeunesse reconnu en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants;

«Considérant que le gouvernement planifie la fermeture du Tribunal tout en éliminant graduellement les services de protection à la jeunesse et aux jeunes contrevenants, et ce, malgré le nombre élevé de jeunes résidant dans l'Ouest-de-l'Île;

«Considérant qu'aucune consultation n'a eu lieu auprès de la communauté à propos de la fermeture du Tribunal de la jeunesse et qu'aucune explication n'a été apportée pour justifier la fermeture du Tribunal;

«Considérant que la communauté du West Island possède un long et riche passé et qu'elle a beaucoup investi au niveau de ces jeunes et des familles, et ce, avec beaucoup de créativité et de coopération;

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île offre des services facilement accessibles pour les familles dans le besoin;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il arrête son projet de fermeture du Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île et entreprenne une consultation complète auprès de la communauté avant qu'une décision finale soit prise à ce sujet.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, M. le député. La pétition est déposée. M. le député de Nelligan, maintenant.

M. Williams: J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 265 pétitionnaires de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île dessert la communauté depuis presque 30 ans;

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de Pointe-Claire est le seul tribunal du genre dans la province de Québec qui possède un comité de justice à la jeunesse reconnu en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants;

«Considérant que le gouvernement planifie la fermeture du Tribunal tout en éliminant graduellement les services de protection à la jeunesse et aux jeunes contrevenants, et ce, malgré le nombre élevé de jeunes résidant dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal;

«Considérant qu'aucune consultation n'a eu lieu auprès de la communauté à propos de la fermeture du Tribunal de la jeunesse et qu'aucune explication n'a été apportée pour justifier la fermeture du Tribunal;

«Considérant que la communauté du West Island possède un long et riche passé et qu'elle a beaucoup investi au niveau de ces jeunes et des familles, et ce, avec beaucoup de créativité et coopération;

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île offre des services facilement accessibles pour les familles dans le besoin;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il arrête son projet de fermeture du Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île de Montréal et entreprenne une consultation complète auprès de la communauté avant qu'une décision finale soit prise à ce sujet.»

And in english, it reads:

«Whereas the West Island Youth Court has served the West Island community for nearly 30 years;

«Whereas the Youth Court in Pointe-Claire is the only court in Québec which has a Youth Justice Committee recognized by the Government by virtue of the Young Offenders Act;

«Whereas there are plans to close the Youth Court by removing Young Offenders Act and Youth Protection Services in stages, despite the large number of young people living in the West Island;

«Whereas there has been no community consultation regarding the closure of the West Island Court and no explanation offered in favor of the closure;

«Whereas the community has a long and rich history of dealing with youth and family issues in a creative and cooperative manner;

«Whereas the West Island Youth Court helps to keep court services closer to families in need;

«We, the undersigned, request that the National Assembly demand that the Government of Québec stop the closure of the West Island Youth Court and undertake a full and public review prior to any final decision.»

M. le Président, je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci. La pétition est déposée. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1 100 pétitionnaires de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île dessert la communauté depuis presque 30 ans;

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de Pointe-Claire est le seul tribunal du genre dans la province de Québec qui possède un comité de justice à la jeunesse reconnu en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants;

«Considérant que le gouvernement planifie la fermeture du Tribunal tout en éliminant graduellement les services de protection à la jeunesse et aux jeunes contrevenants, et ce, malgré le nombre élevé de jeunes résidant dans l'Ouest-de-l'Île;

«Considérant qu'aucune consultation n'a eu lieu auprès de la communauté à propos de la fermeture du Tribunal de la jeunesse et qu'aucune explication n'a été apportée pour justifier la fermeture du Tribunal;

«Considérant que la communauté du West Island possède un long et riche passé et qu'elle a beaucoup investi au niveau de ces jeunes et des familles, et ce, avec beaucoup de créativité et de coopération;

«Considérant que le Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île offre des services facilement accessibles pour les familles dans le besoin;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il arrête son projet de fermeture du Tribunal de la jeunesse de l'Ouest-de-l'Île et entreprenne une consultation complète auprès de la communauté avant qu'une décision finale soit prise à ce sujet.»

In English, Mr. Speaker:

«Whereas the West Island Youth Court has served the West Island community for nearly 30 years;

«Whereas the Youth Court in Pointe-Claire is the only court in Québec which has a Youth Justice Committee recognized by the Government by virtue of the Young Offenders Act;

«Whereas there are plans to close the Youth Court by removing Young Offenders Act and Youth Protection Services in stages, despite the large number of young people living in the West Island;

«Whereas there has been no community consultation regarding the closure of the West Island Court and no explanation offered in favor of the closure;

«Whereas the community has a long and rich history of dealing with youth and family issues in a creative and cooperative manner;

«Whereas the West Island Youth Court helps to keep court services closer to families in need;

«We, the undersigned, request that the National Assembly demand that the Government of Québec stop the closure of the West Island Youth Court and undertake a full and public review prior to any final decision.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.


Questions et réponses orales

Il n'y a pas, aujourd'hui, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, ce qui fait que nous en arrivons, maintenant, rapidement, à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Proposition de réduction de la masse salariale dans la fonction publique

M. Johnson: Suite aux interventions de M. Larose, M. Godbout et Mme Pagé et d'autres chefs syndicaux, on est obligé de constater que le gouvernement a été l'artisan de son propre malheur, alors qu'on nous prédit le chaos social du côté des employés de l'État. On voit que le gouvernement, lors du Sommet, a mis la table pour le consensus du chaos plus que pour d'autre chose.

(10 h 20)

Est-ce qu'il n'est pas évident, incidemment, M. le Président, que c'est le gouvernement qui a aboli la loi 102, qui avait assuré un plafonnement de la rémunération dans le secteur public? Est-ce que ce n'est pas son gouvernement qui a remis plus de 900 000 000 $, en fait près de 1 000 000 000 $, aux employés du secteur public avant le référendum? Est-ce que ce n'est pas son gouvernement qui a retardé les discussions essentielles avec les partenaires de l'État? Est-ce que ce n'est pas son gouvernement qui retarde et reporte constamment des décisions en invoquant un sommet au mois de mars, un sommet au mois de novembre? Est-ce que, dans le fond, le gouvernement ne s'est pas trouvé coincé et forcé d'improviser et qu'à la fin, devant la situation qu'il connaît, il augmente les taxes et il nous coûte 200 emplois par jour depuis son assermentation en janvier dernier? Est-ce que le gouvernement, devant cette situation-là, ne s'est pas carrément condamné à légiférer sur le dos des employés de l'État, à déchirer sa signature et à prouver encore une fois qu'il est un maître en matière de double langage?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition porte un jugement sévère sur le gouvernement, mais tout le monde ne pense pas comme lui, notamment les électeurs du comté de Pointe-aux-Trembles.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Alors, je voudrais en profiter, M. le Président, pour féliciter Mme Nicole Léger de cette brillante victoire et je voudrais remercier les électeurs et les électrices de Pointe-aux-Trembles de cet appui à Mme Léger, au Parti québécois et au gouvernement, M. le Président.

Concernant la situation qui prévaut relativement aux rapports entre le gouvernement et ses salariés, je voudrais dire à cette Chambre que, pour le gouvernement, il y a deux impératifs incontournables: le premier, c'est l'atteinte du déficit zéro en l'an 2000; et le deuxième, c'est le respect intégral du budget qui est en cours. Alors, compte tenu de ces impératifs, je constate que le cadre de discussions qui a été proposé hier par nos partenaires syndicaux ne nous permet pas d'arriver aux résultats que nous poursuivons, puisqu'il n'y a, dans la proposition d'hier, aucune garantie de contenu, aucune garantie de résultat, aucune garantie d'échéancier.

Cependant, il y a deux éléments positifs dans la réaction d'hier, deux éléments nouveaux qui sont positifs: le premier, c'est la reconnaissance de la légitimité d'utiliser le surplus actuariel à la condition que ça se fasse, bien sûr, comme nous le ferons si nous y arrivons, sans affecter l'intégrité, en aucune façon, de la protection du régime de retraite pour ses bénéficiaires; et, deuxièmement, dans le cadre des discussions proposées hier par la partie syndicale, il y a le consentement d'utiliser ce surplus actuariel pour réduire les effectifs au sein de la fonction publique et ainsi apporter un élément structurant de diminution des coûts de main-d'oeuvre.

Alors, compte tenu de tout cela, M. le Président, nous allons, au cours d'un Conseil des ministres qui aura lieu aujourd'hui, examiner s'il est possible, à l'aide des éléments nouveaux qui apparaissent dans le dossier, proposés par la partie syndicale, de proposer à notre tour un autre cadre de discussions qui permettrait de lancer une négociation dans des conditions qui satisferaient aux impératifs financiers qui sont en cours.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, en notant, avec le premier ministre, que c'est la première fois qu'il y a moins de monde qui vote pour le premier ministre et son gouvernement que pour les partis d'opposition, étant donné que c'était 53 % à 47 % contre le gouvernement dans Pointe-aux-Trembles, est-ce que le... Bien, c'est ça. Grâce, notamment, à la qualité de notre candidat, Bernard Lauzon, qui a très bien fait dans les circonstances qu'on connaît.

Une voix: Bravo!

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre, dans le dossier qui nous occupe maintenant et qui occupe le gouvernement, se rend compte que, s'il entend respecter l'objectif budgétaire, respecter les impératifs financiers, respecter son échéancier, il n'entend aucunement respecter sa signature? Il n'en a pas parlé.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais apporter un élément de réflexion à l'analyse du chef de l'opposition, aux résultats électoraux du comté de Pointe-aux-Trembles. Il constatera que, malgré ses attaques incessantes contre le gouvernement, son parti n'a pu obtenir aucun vote de plus que ceux qu'il avait aux élections de 1994.

Mais, M. le Président, si ce n'était pas aussi tragique, on pourrait être tenté de rire en écoutant le chef de l'opposition, qui a l'audace, aujourd'hui, de nous parler de respecter nos objectifs budgétaires. Je voudrais, M. le Président...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, comme si un budget présenté par un gouvernement ça ne l'engageait pas, M. le Président. C'est voté à l'Assemblée nationale, c'est la pierre d'assise même de la gestion d'un gouvernement. Or, parlant de respect d'engagements budgétaires, en 1990-1991, gouvernement libéral, le président du Conseil du trésor, l'actuel chef de l'opposition, déficit prévu: 1 750 000 000 $, déficit réel: 2 842 000 000 $; en 1991-1992, déficit prévu: 3 480 000 000 $, déficit réel: 4 202 000 000 $; en 1992-1993, M. le Président, chaque année c'est pareil: 3 790 000 000 $ de déficit prévu, déficit réel: 4 932 000 000 $; en 1993-1994, M. le Président, déficit prévu: 4 145 000 000 $, déficit réalisé, réel: 4 894 000 000 $; et le feu d'artifice, 1994-1995, déficit prévu: 4 425 000 000 $, déficit réel: 5 700 000 000 $, M. le Président.

C'est comme ça, M. le Président, qu'on a quasiment détruit la crédibilité financière de l'État du Québec. C'est comme ça qu'on a presque réussi à doubler, en cinq ans, la dette du Québec. Le gouvernement que je préside, M. le Président, n'ira pas dans cette spirale d'horreurs.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre ne trouve pas que le respect de la signature du gouvernement est également important dans ses relations avec les employés du secteur public et qu'on peut comprendre que, si, en 1982, il a fait partie d'une équipe qui a déchiré la signature de l'époque, il est en train, encore, de faire la même chose, malgré une motion du député de Westmount–Saint-Louis, qui a été déposée ici, sur laquelle le premier ministre a voté lui-même, pour le respect de la signature du gouvernement? Est-ce qu'il n'est pas en train de nous dire qu'à quelques jours d'intervalle il est capable de changer de chemise puis de changer de langage, là aussi?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ces conventions ont été signées par deux parties. Et il y a, dans ces conventions, des dispositions qui obligent les deux parties à s'asseoir pour rediscuter l'ensemble des paramètres de la convention, notamment ceux qui ont des impératifs, qui ont des aspects financiers, si la situation budgétaire devait le requérir. Nous sommes dans cette situation, nous avons invoqué ces clauses pour que la partie syndicale s'assoit en face de nous, et je crois que les syndicats ne pourront pas refuser de venir s'asseoir avec nous, devant une proposition qui est responsable, qui va respecter l'esprit des ententes intervenues et qui va faire en sorte que l'État du Québec va assumer ses responsabilités vis-à-vis de l'ensemble de la population, vis-à-vis de la nécessité de redresser les finances publiques et de mettre fin à des politiques de gouvernement qui font en sorte qu'il n'y a plus de marge de manoeuvre pour un gouvernement.

(10 h 30)

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre pourrait déposer les clauses de réouverture dont il se gargarise depuis des semaines? Est-ce qu'il pourrait également nous dire comment il se fait qu'il n'était absolument pas au courant des impératifs qu'il est en train de nous décrire et de faire endurer au secteur public le 30 octobre, le 31 octobre et le 1er novembre derniers, à l'occasion du sommet de la solidarité? Et est-ce que le premier ministre n'est pas en train de nous dire que ce qui a changé, c'est son arrivée, puis 200 jobs par jour qui sont perdues au Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement s'est comporté avec la plus grande transparence et la plus grande franchise... J'aimerais pouvoir répondre, M. le Président, aux questions qui sont posées.

Le Président: Oui.

M. Bouchard: Le gouvernement s'est comporté avec la plus grande transparence et la plus grande franchise avec ses partenaires syndicaux. Dès le mois de mars, alors que nous étions en train de préparer le budget qui est en cours et que circulaient les rumeurs voulant que la situation financière de l'État du Québec pourrait nécessiter des réductions de coûts de main-d'oeuvre, nous avons rencontré les syndicats, nous leur avons dit: Nous pourrons faire le budget cette année sans toucher aux coûts de main-d'oeuvre, de façon, en tout cas, qui respecte totalement l'esprit des ententes intervenues. Nous vous le disons, nous pourrons. Cependant, nous vous disons que l'an prochain ce sera difficile à faire, qu'en conséquence il faut se préparer à diminuer les coûts de main-d'oeuvre, notamment par des diminutions d'effectifs et à l'aide, en particulier, de programmes de départs assistés.

Et, avant le Sommet, M. le Président, avant le Sommet, parce que nous ne voulions pas que les centrales syndicales viennent au Sommet pensant qu'il n'y avait pas de problèmes budgétaires au gouvernement du Québec, nous avons rencontré les centrales syndicales et nous leur avons dit qu'effectivement il y avait des problèmes budgétaires, un effort budgétaire de 3 000 000 000 $ à peu près qu'il fallait consentir, que tout le monde au Québec serait interpellé pour participer à l'effort et qu'en particulier nos partenaires syndicaux le seraient également, à la mesure de leur contribution.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: À part toutes ces grandes déclarations et ces grandes manoeuvres du secteur public, qui ressemblent à s'y méprendre à ce que M. Parizeau faisait, le prédécesseur du premier ministre actuel, est-ce que ce qui ne manque pas dans le portrait, ce n'est pas une politique de création d'emplois, et ce qui manque dans le discours, et surtout dans les décisions du premier ministre et de son gouvernement, c'est de porter attention au sort des chômeurs, des gens qui n'ont pas de job dans toutes les régions du Québec, et à faire en sorte qu'au lieu d'avoir 60 000 jobs de moins aujourd'hui il y en ait 60 000 de plus, et ça, ça réglerait son problème financier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les politiques économiques du gouvernement sont telles que nous avons, cette année, cinq fois plus d'investissements étrangers au Québec qu'en 1994. Ça, c'est un signe de confiance dans l'économie du Québec. Mais, surtout, nous savons quel est le cancer qui ronge la création d'emplois, nous savons ce qui empêche l'économie du Québec de décoller et de prendre toute sa place...

M. Bélanger: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: ...je pense que, quand le leader de l'opposition pose ses questions, de ce côté-ci de cette Chambre on respecte le silence, on respecte, à ce moment-là, le droit de parole du député. Alors, je pense qu'à ce moment-là l'opposition pourrait peut-être respecter le droit de parole du premier ministre, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, tout le monde sait quel est l'obstacle, l'obstacle principal à l'avancement du Québec sur la route de son développement économique, c'est la dette, c'est le fait que, chaque année, nous empirons la situation. Par exemple, l'année où le gouvernement qui nous a précédés, dirigé par l'actuel chef de l'opposition, a fait un déficit de 5 700 000 000 $; l'année d'après, ça a été 500 000 000 $ de plus en intérêts qu'il a fallu verser, ça a été 500 000 000 $ de plus de coupures, 500 000 000 $ de plus d'entraves, de menottes, d'asphyxie pour le gouvernement du Québec. C'est fini, tout ça. C'est fini!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président: Je viens d'entendre, même si c'était prononcé alors que la personne n'avait pas le droit de parole, des propos qui, à mon avis, risquent encore une fois de nous amener dans une spirale qui ne serait à l'avantage de personne dans cette Assemblée. Alors, je demanderais aux députés de faire attention à leur façon de s'exprimer, même quand ils n'ont pas la parole, parce que, finalement, ça fait en sorte que non seulement on ne respecte pas l'article qui concerne le décorum, mais, quelque part, encore une fois, on risque de faire en sorte que l'Assemblée devienne autre chose que ce qu'on veut qu'elle soit. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Si le premier ministre persiste à citer, à l'appui de sa politique financière, un chiffre dont on sait pertinemment qu'il a été soufflé et gonflé artificiellement par son prédécesseur, et si c'était vrai, même là, en quel honneur est-ce que le gouvernement qu'il dirige maintenant a offert 1 000 000 000 $ aux travailleurs du secteur public, si ça allait si mal que ça dans ce temps-là? Voyons donc!

(10 h 40)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): ...le chef de l'opposition est aussi mauvais archéologue en matière financière qu'en matière constitutionnelle quand il va chercher dans le passé des solutions éculées et des explications fausses. Premièrement, depuis...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Mais le chef de l'opposition nous rend service, parce qu'il faut en parler, de ce 6 000 000 000 $ qu'ils nous ont laissé en déficit la dernière année, en parler presque à tous les jours dans cette Chambre tant que le Québec ne sera pas rendu au déficit zéro; alors, vaste programme. Le député de Laporte a commencé en commission parlementaire à essayer de faire oublier son passé, mais les faits sont têtus et nos actes nous suivent.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, question de règlement.

M. Paradis: C'est une tradition qu'il y a une latitude qui est accordée soit au premier ministre, soit au chef de l'opposition. La question était brève, elle était directe: Pourquoi avoir accordé...

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur la question de règlement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que c'est important de rappeler les déficits qu'ils nous ont laissés. Alors, je pense que c'est...

Le Président: Alors, MM. les leaders, vous comprendrez que ni l'un ni l'autre n'avait une question réglementaire à l'égard... Je m'excuse, mais, à partir du moment où la question a été posée, le gouvernement, et en l'occurrence, actuellement, c'est le vice-premier ministre qui a la parole, a la liberté de répondre comme il veut. Alors, M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Ils veulent parler de 1 000 000 000 $; nous préférons parler de 6 000 000 000 $, c'est plus important en termes de finances publiques. Le député de Laporte a essayé de se dépêtrer de tout ça. Deux ans après avoir quitté le pouvoir, effacer les chiffres dans l'ancien registre, c'est difficile.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

M. Landry (Verchères): Il s'est fait orateur, il s'est fait...

Le Président: Je m'excuse. Pour le moment, la réponse à la question n'a pas encore atteint le point de non-retour, c'est-à-dire qu'elle est encore dans le temps permis, d'une part; et, deuxièmement, je ne crois pas, à ce moment-ci, qu'il y ait lieu d'appliquer d'une façon stricte, comme vous voulez le faire, l'article 79. Je pense que le ministre répond à la question comme le gouvernement l'entend, de la même façon que les questions sont posées aussi. Jusqu'à maintenant, je pense qu'il n'y a pas lieu d'appliquer d'une façon stricte l'article 79. M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, je disais donc, M. le Président, qu'il s'est fait orateur, il s'est fait écrivain. Mais là il est encore dans la tombe, il regarde Caïn. Il y a 6 000 000 000 $ qui vous regardent et vous contemplent. Comme on disait en droit pénal, la preuve d'acte similaire est très importante. Ils se sont trompés six ans de suite dans leur déficit, le premier ministre l'a dit, six ans de suite, de l'ordre de 1 000 000 000 $ chaque année. Ce n'est pas la marge d'erreur, c'est des erreurs grossières. Alors, nos actes nous suivent.

Et, deuxièmement, si le gouvernement qui les a suivis n'avait pas de façon vigoureuse limité les dégâts, ce n'est pas de 6 000 000 000 $ qu'on parlerait, c'est de plus que ça, parce qu'on a été obligés de poser des gestes d'élimination de dépassements de dépenses de 264 000 000 $, de programmes spéciaux de perception de revenus de 100 000 000 $, alcools et loteries vidéo, 47 000 000 $. Et, en plus, pour sauver la réputation du Québec à l'étranger, on a comptabilisé des revenus de sociétés d'État sur 15 mois au lieu de 12, non pas pour vous sauver la mise, mais dans l'intérêt du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Johnson: Est-ce que non seulement, dans le cas du premier ministre, on peut invoquer une preuve d'acte similaire, comme dit le vice-premier ministre, mais on peut également invoquer une preuve de caractère, que c'est le même premier ministre, que c'est le même député, que c'est la même personne qui a déchiré sa signature en 1982 et que c'est un gouvernement de la même couleur qui prétend aujourd'hui que ça allait bien mal, les finances publiques, qui a aboli la loi 102 puis donné 1 000 000 000 $ avant le référendum aux travailleurs du secteur public, puis qui essaie de leur enlever aujourd'hui en déchirant sa signature? C'est ça, le double langage. C'est ça.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les ajustements qui ont été faits l'an dernier ont été faits de bonne foi, de part et d'autre. Et les parties, pour s'assurer que la suite des choses serait correcte en fonction des impératifs d'intégrité des finances publiques, ont inséré, dans des cas, des lettres d'entente, dans d'autres cas, des clauses de convention, pour se permettre de réexaminer la situation budgétaire à la lumière de ce qui prévaudrait par la suite des choses.

Alors, nous sommes dans ce contexte et nous nous prévalons de ces choses. Et l'État du Québec a les responsabilités qu'il va assumer, mais il privilégie, à l'extrémité, de façon exhaustive tout ce qui pourrait être fait par négociation. Et c'est ce que nous allons tenter jusqu'à la dernière minute, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Richmond.


Perspectives de création d'emplois en région

M. Vallières: Oui, M. le Président, suite à la publication des plus récentes données sur l'emploi, on constate que les résultats escomptés par les projets qui devaient démarrer au lendemain du Sommet sur l'économie et l'emploi ne se sont pas concrétisés.

Nous sommes dans la troisième année de mandat d'un gouvernement péquiste qui, ironiquement, M. le Président, avait brandi tout au long de la campagne électorale un problème... un programme sur lequel on pouvait lire – c'était aussi un problème – «Pour le plein-emploi et la prospérité des régions», document qui est devenu un problème pour le présent gouvernement, effectivement.

M. le Président, où est le gouvernement aujourd'hui avec sa promesse de plein-emploi et de prospérité, lorsqu'on constate que, comparativement au mois de novembre de l'an dernier, le taux de chômage est passé de 9,6 % à 12,5 % en Mauricie–Bois-Francs, de 10 % à 12,9 % dans la région de Québec, de 10,5 % à 14,1 % dans le Bas-Saint-Laurent, de 12,2 % à 14,9 % dans la région de Montréal, de 12,1 % à 15,3 % en Côte-Nord? Bref, 13 régions sur 16 ont vu leur taux de chômage augmenter en novembre dernier. Un bel exemple du double langage péquiste: des promesses mais pas de résultats.

Maintenant que le gouvernement est dans sa troisième année de mandat, que fait-il de ses engagements électoraux vis-à-vis de toutes ces régions qui attendent toujours le plein-emploi et la prospérité promis par ces marchands de rêve en campagne électorale?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles et responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, il y a beaucoup de projets, effectivement, qui ont été adoptés lors du sommet économique. Il y en a qui ont été adoptés concrètement et acceptés pour démarrer dans les meilleurs délais. Ça a été le cas, par exemple, à Montréal, où on a annoncé, dans le quartier Saint-Henri, je crois – Centre-Sud, en tout cas – un investissement de Kruger de 23 000 000 $. Bientôt, j'irai sur la Côte-Nord annoncer un projet d'envergure. Le député du Saguenay en sait quelque chose.

Il y a des projets également qui ont eu une portée nationale. Je prends, par exemple, la tranche de 500 MW qu'Hydro-Québec a dégagée pour ce qu'on appelle l'efficacité énergétique au niveau de l'enveloppe thermique. Ça va avoir des retombées positives au niveau de l'économie, parce que, en rénovation, quand on s'attaque à la rénovation, c'est encore plus créateur d'emplois que la construction elle-même. Au niveau de la cueillette sélective, il y a des emplois qui vont être au niveau de l'économie sociale. Il y a l'élargissement de la consigne qui a été adoptée en principe. Il y a une foule de projets sur lesquels on travaille. Mais, nous, on essaie de contribuer à effacer cet état de morosité parce qu'on a confiance en l'avenir. On appuie les promoteurs. On a même institué, à partir du bureau de l'Exécutif même, un mécanisme rapide de soutien aux développeurs, et c'est M. Jean Pronovost qui en est le patron. Je suis persuadé que les régions du Québec croient en leur capacité de se prendre en main. L'État est là pour le coup de pouce, et c'est ce qu'on va faire.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre du Développement des régions vit sur la même planète que nous autres? M. le Président, est-ce que le ministre, au lieu de jouer dans les structures comme il l'a fait depuis les deux dernières années, au lieu d'éteindre les feux allumés par son premier ministre dans les congrès du Parti québécois, au lieu de jouer au sauveur du Bloc, pourrait trouver un peu de temps et d'énergie pour remplir adéquatement le mandat que lui a confié le premier ministre: s'occuper des régions, de la création d'emplois en région, ce qui est un échec lamentable depuis les deux dernières années de ce gouvernement?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, les régions du Québec... Je suis prêt à faire le tour du Québec avec le député de Richmond, moi, pour confronter les thèses des deux formations politiques en matière de développement des régions. D'abord, les régions du Québec sont conscientes qu'il faut mettre fin au cafouillis de structures, des structures qui s'adressent à l'individu citoyen en matière de recherche d'emploi et qui s'adressent à l'entrepreneur au niveau de celui qui est un développeur qui veut ou bien créer un emploi, consolider ses emplois ou connaître de l'expansion dans son entreprise.

On va mettre de l'ordre là où vous avez semé le désordre. Et on va également présenter un plan d'action, un plan d'action concerté où, au lieu d'agir avec 957 programmes, il y aura des enveloppes budgétaires au niveau des régions qui permettront précisément de bâtir des programmes adaptés exactement aux réalités du milieu plutôt que d'avoir semé un paquet de programmes dont une balise, un critère ne correspondait pas. C'est à ça qu'on s'est attaqué. C'est ça qu'on va régler. Et on n'enviera jamais la présence du Parti libéral, de ce côté-ci de la Chambre, dans les régions.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le premier ministre, à part les guichets uniques qui vont être créés dans les régions, est conscient d'un taux de chômage qui dépasse les 23 % chez les 15 à 24 ans au Québec? Et qu'est-ce que le premier ministre fait dans sa propre région, dans l'agglomération Jonquière– Chicoutimi, avec un taux de chômage qui dépasse les 15 %? Il faut maintenant comparer cette région du Québec à Saint-Jean, Terre-Neuve.

Alors, qu'est-ce que le premier ministre fait de concret? Et est-ce qu'il est satisfait à ce jour du travail et des résultats obtenus par son ministre du Développement des régions qui nous conduit et qui nous condamne à une augmentation du chômage dans chacune des régions du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le problème est de fond. Le problème est structurel et ça prend des solutions de fond. C'est pour ça que le gouvernement s'est engagé dans ce grand combat pour faire en sorte que les conditions dans lesquelles il y aura de l'investissement et de la création d'emplois soient créées.

On voit que l'évolution commence à être positive, M. le Président. Par exemple, les grands signes de redressement apparaissent: les ventes au détail au Québec sont plus élevées qu'elles n'ont jamais été, niveau record; les livraisons manufacturières, niveau record; le taux d'intérêt, le plus bas depuis 40 ans; M. le Président, on sait qu'à Montréal présentement les mises en chantier résidentielles connaissent une expansion remarquable, nouvelle que nous avons apprise ce matin.

Il y a des signes encourageants, parce que c'est en profondeur que nous agissons, et ça va paraître, M. le Président, de façon très rapide à la condition que nous ayons l'appui de la population pour redresser les finances publiques et faire disparaître ce cancer qui sape à la base la capacité du Québec de réagir et de prendre sa place sur les marchés financiers.

Le Président: En principale, M. le député de LaFontaine.


Menace de déménagement de certaines entreprises en Ontario

M. Gobé: Merci, M. le Président. La semaine dernière, la compagnie Maple Leaf a annoncé la fermeture de son usine montréalaise et la perte de 110 emplois de travailleurs qui étaient à son emploi depuis très longtemps. Elle a annoncé aussi que son centre de distribution serait relocalisé, M. le Président, à partir de Toronto.

(10 h 50)

M. le Président, hier, on parlait en cette Chambre d'une autre entreprise, située à Boucherville, sur la rive sud, qui envisageait de déménager à l'extérieur du Québec. Aujourd'hui, M. le Président, nous apprenons qu'une compagnie bien connue de Montréal, la compagnie Reckitt & Colman, fabricant des produits alimentaires Schwartz et French's, fermait son usine, déménageait la production aux États-Unis et son centre de distribution en Ontario, licenciant ainsi la totalité de ses travailleurs et les mettant au chômage, des travailleurs qui étaient là depuis 40 ans, pour certains.

M. le Président, ma question très importante au ministre du Travail: Qu'est-ce qu'il fait, qu'est-ce qu'il a fait puis qu'est-ce qu'il entend faire pour sauver ces emplois avant Noël?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, on me posait une question hier sur les entreprises du Naturiste Brunet. On a constaté dans ce cas, et j'aimerais apporter quelques compléments d'information, que le ministère du Travail a offert ses services aux deux parties et, à chaque fois, on les a refusés. Lorsque les 560 travailleurs de chez Brunet, qui sont non syndiqués, ont fait face à une situation difficile, l'employeur leur a demandé un gel de salaire, ce qu'ils ont accepté. Les huit travailleurs d'entrepôt, qui sont syndiqués, eux, ont refusé le gel de salaire, et, étant donné que le bail de l'entreprise prenait fin, on a décidé de transporter l'entrepôt à Cornwall, en Ontario. Ce que je dis, non seulement à l'entreprise de chez Brunet, mais aux autres entreprises qui sont en difficulté ou encore qui sont en négociations: N'attendez donc pas la dernière minute pour demander les services du ministère pour vous aider dans vos négociations.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, je pense que nous ne sommes pas à la période de questions d'hier mais à celle d'aujourd'hui. Montréal connaît actuellement un taux de chômage... Est-ce que le ministre est conscient qu'avec un taux de chômage de 14,5 % à Montréal on n'a pas les moyens de perdre une entreprise comme Maple Leaf, comme Schwartz, French's, de les laisser partir en Ontario? Puis, au lieu de nous faire des grandes discussions sur son ministère du Travail, est-ce qu'il ne pourrait pas nous dire ce que, lui, il fait personnellement, c'est quoi, les résultats qu'il obtient, au lieu de toujours déplorer qu'il n'y a personne qui ne fait rien puis ils s'en vont pareil?

M. le Président, il y a des jobs qui se perdent et des travailleurs qui ont des comptes à rendre à leur famille puis qui attendent que le ministre prenne ses responsabilités puis prenne leur défense. C'est le ministre du Travail, pas le ministre du Chômage, jusqu'à nouvel ordre!

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, dans le cas qui nous occupe, la situation est à l'étude au ministère et on est en train d'essayer par tous les moyens possibles de faire en sorte que cette entreprise-là demeure au Québec. Au moment où l'on se parle, il y a des décisions d'affaires qui se prennent, qui ne sont pas gérées sous l'empire du Code du travail, ce sont des décisions d'entreprise. Et, à un moment donné, il y a des décisions qui se prennent qui nous échappent.

Mais, M. le Président, il y a une chose qu'il faut comprendre, il y a des lois du marché, puis, à un moment donné, quand il arrive des décisions qui ne sont pas d'ordre de relations de travail, ça s'examine dans d'autres circonstances. Mais j'estime, M. le Président, que dans tous les cas qui nous sont soumis on fait notre travail et on s'en occupe.

Le Président: M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Est-ce que le ministre, qui vient de nous dire que les lois du marché, il ne les contrôle pas, pourrait nous dire s'il entend faire des recommandations à son gouvernement pour qu'il arrête de parler de la séparation, pour que les compagnies arrêtent de quitter le Québec?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, s'il fallait qu'on évoque les pertes d'emplois de 1992, 1993 et 1994 au Québec, c'était le musée des horreurs! Des milliers et des milliers d'emplois ont été perdus, et les libéraux ont regardé partir les jobs sans bouger, jamais: 1992, 1993 et 1994. C'était le musée des horreurs. Et, aujourd'hui, on essaie de nous faire la morale!

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Effets de la réforme des services d'aide juridique

M. Mulcair: M. le Président, tout comme dans le dossier de la nomination de Richard Therrien à titre de juge à la Cour du Québec, où le ministre de la Justice a blâmé à peu près tout le monde sauf lui-même pour sa propre erreur, dans le dossier de l'aide juridique, il a recours à la même pratique afin de ne pas admettre sa responsabilité quant aux effets désastreux de sa propre réforme.

En effet, M. le Président, le 2 décembre dernier, en entrevue sur les ondes de Télé-Québec, le ministre a dit, et je le cite textuellement, M. le Président: «Ça fait deux mois et demi qu'ils utilisent des moyens pour "foquer" – et le ministre a insisté là-dessus, il a dit que c'était vraiment l'expression qu'il faut utiliser – le système.» Est-ce que le ministre de la Justice et Procureur général du Québec peut nous informer s'il s'agit d'un terme juridique ou technique et quel est son sens exact?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, aux mois de mai et de juin derniers, lorsque nous avons procédé à l'étude du projet de loi n° 20 concernant l'aide juridique, le Barreau a demandé que l'on puisse faire des comités de suivi de certaines dispositions qui étaient adoptées là, parce qu'on savait tous qu'il y aurait des impacts importants et on se disait qu'il serait important de suivre, justement, l'évolution des choses pour s'assurer qu'on n'ait pas un impact plus grand que celui qu'on désirait en adoptant le projet de loi. Malheureusement, le Barreau n'a pas voulu compléter ce travail au mois de septembre, parce que, disait-il, il y avait eu publication d'un décret donnant suite à ces choses-là.

Alors, M. le Président, je pense que le comité de suivi de ces questions-là pourrait évaluer si effectivement les impacts ont été différents de ceux qui ont été anticipés. Malheureusement, dans le cadre de mouvements où les gens ne se présentent pas, dans le cas de mouvements où on dit qu'on ne veut plus recevoir de mandat – c'est ce qu'on appelait le désengagement, et le député de Chomedey a déposé lui-même le nombre de personnes qui s'étaient désengagées – dans le cadre d'un système où on disait qu'on allait engorger le système, M. le Président, il est difficile d'évaluer exactement les impacts. J'invite le Barreau à assister au comité de suivi pour vérifier l'impact réel des mesures, et, s'il y a lieu de faire des corrections, elles seront faites.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, on veut savoir comment le ministre de la Justice, qui est la personne qui a sabordé le travail de ces différents comités là, peut aujourd'hui insulter et traiter d'une manière aussi cavalière des milliers d'officiers de la justice qui ne cherchent qu'à défendre le public contre les effets néfastes de sa réforme.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, on l'a déclaré dès le dépôt du projet de loi, outre le fait que certains accommodements ou différences étaient faits dans la loi, il y avait aussi un rendement budgétaire atteint de 1 000 000 $ la première année et de 3 000 000 $ sur trois ans. Malheureusement, les avocats n'acceptent pas que la tarification qui a été imposée arrive aux résultats qui avaient été prévus. Je peux comprendre que l'impact chez certaines personnes est important. C'est pour ça que je dis qu'il faudrait que le comité de suivi siège et que l'on puisse évaluer si, en adoptant certaines dispositions, on a eu un impact plus grand que celui voulu. Et je dis encore au Barreau que je suis prêt, avec les sous-ministres et les officiers de mon ministère, à discuter pour voir, mesurer l'ampleur de l'impact et corriger le tir s'il y a lieu.

Le Président: En principale, M. le député de Hull.


Services spécialisés en cardiologie au Centre hospitalier régional de l'Outaouais

M. LeSage: Merci, M. le Président. Les patients de l'Outaouais qui ont besoin d'une dilatation coronarienne devront dorénavant se rendre à Montréal pour recevoir leur traitement, l'Hôpital civic d'Ottawa ayant décidé de ne plus offrir ce service aux Québécois et Québécoises en raison de contraintes budgétaires. Selon le directeur du laboratoire d'hémodynamie du Centre hospitalier régional de l'Outaouais, au moins trois patients par semaine devront être transportés en ambulance et traités à Montréal, des manoeuvres qui entraîneront des frais hebdomadaires d'environ 15 000 $, sans compter les coûts humains qu'implique une hospitalisation prolongée.

Ma question s'adresse au ministre de la Santé et des Services sociaux: Est-ce que le ministre a l'intention de permettre au Centre hospitalier régional de l'Outaouais d'aller de l'avant avec la pratique de la dilatation des artères, et ce, d'ici la fin de l'année 1996?

(11 heures)

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, l'an dernier, nous avons mis en oeuvre une deuxième phase pour le plan de rapatriement des services de santé de l'Outaouais que les gens de l'Outaouais doivent requérir à Ottawa. On est rendu, de mémoire, peut-être à 80 % ou 85 % à peu près de rapatriement de services qui sont maintenant accessibles et donnés dans l'Outaouais, y compris les services spécialisés et surspécialisés, et ce plan continue, M. le Président.

J'étais, il y a 15 jours, dans la région de l'Outaouais. On a fait le point avec les gens du Centre hospitalier et de la Régie régionale. Nous étudions présentement, dans le cadre de ce rapatriement, la possibilité de développer encore plus les services en cardiologie et plus spécifiquement les services qui ont trait à toute l'investigation des gens qui ont un problème cardiaque qui peut nécessiter une chirurgie éventuellement.

Je ne saurais vous dire, ce matin, quand exactement on sera en mesure de donner le type de service d'angioplastie. J'attends très prochainement, d'ici quelques semaines au maximum, un dernier avis du Conseil d'évaluation des technologies de la santé à ce sujet-là. Si la décision ne peut pas être prise avant la fin du mois de décembre, elle pourrait être prise et son échéancier pourrait être annoncé au tout début de 1997, probablement avant la fin de janvier, M. le Président.

Le Président: M. le député de Hull.

M. LeSage: Est-ce que le ministre est conscient que, au rythme où coûterait le transport par ambulance à Montréal, ça monterait à une facture de 3 000 000 $ par année et qu'on pourrait offrir le service pour beaucoup moins cher que le 3 000 000 $ tel qu'avancé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, le ministre en est très conscient, et c'est justement cette évaluation, entre autres, que nous sommes à compléter. Si le député a déjà fait toute l'analyse, qu'il l'a au complet et que ça peut nous permettre d'avancer les travaux, je serais heureux qu'il la dépose en cette Chambre, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Services offerts aux enfants autistes et à leurs parents

M. Copeman: Merci, M. le Président. Après avoir fui devant les travailleurs et travailleuses du réseau de la santé à Laval, voilà que le courageux ministre de la Santé fuit également devant les parents d'enfants autistes. En effet, ceux-ci n'ont eu droit, jusqu'à maintenant, qu'à l'indifférence souveraine du ministre devant leurs multiples demandes de rencontre, dont la première date remonte à 18 mois. Suite au décès du jeune Charles-Antoine Blais et aux multiples manifestations des parents afin d'obtenir le soutien et les ressources dont ils ont besoin, une rencontre a été organisée jeudi dernier avec les fonctionnaires du ministère de la Santé et des Services sociaux. Malheureusement, M. le Président, selon le président de la Société québécoise de l'autisme, cette rencontre n'a permis aucun progrès. Insatisfaits, les représentants demandent toujours de rencontrer le ministre.

M. le Président, pourquoi le ministre de la Santé fuit-il encore ses responsabilités? Est-ce que le ministre attend qu'une autre tragédie se produise pour accéder aux revendications criantes des parents d'enfants autistes, des parents qui sont désespérés devant l'inaction de son gouvernement?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, ou bien le député ne connaît pas du tout le problème de l'autisme dont il parle ou bien il est un peu, pas mal de mauvaise foi.

Le Président: M. le ministre, je voudrais vous rappeler les dispositions de l'article 35: on ne peut pas prêter d'intentions indignes et de motifs à un collègue de l'Assemblée.

M. Rochon: Alors, je présume que le député, non plus, ne va pas prêter d'intentions au ministre, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Rochon: Le problème de l'autisme est un problème très complexe, très complexe, dont beaucoup de composantes sont mal connues. Il y a beaucoup de gens qui travaillent très fort présentement pour trouver une solution. De dire qu'il n'y a rien qui a été fait, c'est complètement en dehors de la réalité, M. le Président.

Après plusieurs années de travail, des équipes du ministère ont sorti récemment – et ç'a été rendu public, le député doit le connaître, le document – un document qui fait le point, qui donne des orientations et qui lance un programme dans ce domaine-là. La régie régionale de Montréal y a affecté des sommes importantes. De mémoire, je ne pourrais pas les rappeler, mais il est question de millions de dollars qui ont été réalloués, dans le cadre du virage ambulatoire, pour avoir des services préventifs, des services d'encadrement, des services aux familles et des services plus médicaux aux personnes qui souffrent de ce problème présentement.

Les gens qui ont demandé à me rencontrer ont eu toute l'attention, tous les contacts avec les gens du ministère, de la Régie régionale et du cabinet du ministre. Et, si c'est nécessaire que je les rencontre moi-même, c'est prévu que je le ferai, lorsque requis, éventuellement. C'est un problème complexe qui est pris en charge par beaucoup de gens, et laisser entendre et suspecter qu'on ne s'en occupe pas et qu'on en n'est pas conscient, c'est ne pas être soi-même au courant de la vraie situation.

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée pour aujourd'hui.

Il n'y a pas de réponses différées.

Il n'y a pas non plus de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons aux motions sans préavis, à ce moment-ci. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration.


Souligner le 10e anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée en vue de présenter la motion suivante:

«Qu'en cette journée internationale des droits de l'homme, l'Assemblée nationale du Québec souligne le 10e anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales adoptée le 10 décembre 1986.»

Le Président: Il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Pour confirmer l'entente qu'il y aurait un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Très bien. Alors, avant que le ministre prenne la parole, je demanderais aux membres de l'Assemblée qui ont à quitter l'enceinte pour aller travailler à l'extérieur, de le faire immédiatement, s'il vous plaît.

Alors, M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Je voudrais, d'entrée de jeu, rappeler l'adhésion du gouvernement du Québec aux principes soutenus dans cette Déclaration adoptée à l'unanimité à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme, le 10 décembre 1986. Rappelons cette Déclaration signée à l'époque par le défunt premier ministre, M. Robert Bourassa, ainsi que par la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones, le ministre de la Justice et le ministre des Relations internationales de l'époque. Soulignons, d'entrée de jeu, que cette Déclaration a fait école. Je tiens à souligner, à l'occasion de ce dixième anniversaire, que les grands principes auxquels le gouvernement du Québec souscrivait dans cette Déclaration transcendent le temps mais transcendent aussi la politique partisane.

Permettez-moi de vous rappeler quelques-uns de ces engagements. Dans cette Déclaration, nous condamnons sans réserve le racisme et la discrimination sous toutes leurs formes. Nous nous engageons également à continuer de promouvoir le respect mutuel entre tous les groupes de la société et la représentation des différents groupes ethniques, raciaux et culturels dans tous les secteurs de la vie nationale. Nous nous engageons aussi à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour favoriser la pleine participation de toute personne, indépendamment de sa race, de sa couleur, de sa religion, de son origine ethnique ou nationale au progrès économique, social et culturel du Québec. Nous prenons aussi la responsabilité de faire respecter le droit à l'égalité dans les domaines du travail, du logement, de la santé, des services sociaux, éducatifs ou des autres services offerts à la population. Dans la foulée, donc, de ces principes, le gouvernement du Québec s'engage à favoriser le développement de mesures destinées à encourager l'épanouissement économique, social et culturel des différents groupes ethniques, raciaux et culturels, de même que le développement de programmes d'accès à l'égalité.

(11 h 10)

Il est évident, je tiens à le souligner, qu'on ne peut s'en tenir à une déclaration. Il faut aussi, avant que le député de Laurier-Dorion me le rappelle, l'appuyer par des actions tangibles. L'égalité veut dire la possibilité pour tous les membres d'une même société de partager les mêmes droits sociaux, politiques et économiques. Dix ans après cette Déclaration, différents indices montrent pourtant qu'il faut maintenir des efforts dans plusieurs domaines. La représentation et la participation des Québécois de toutes origines à la société en est un bon exemple. Aussi, pour assurer les droits et la protection et l'égalité entre les personnes au Québec, nous avons opté, depuis plusieurs années déjà, pour la mise en place de mesures et de différents éléments d'un dispositif démocratique et d'intégration visant la pleine participation de toute la population.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse constitue, à travers la Charte des droits et libertés de la personne et le Tribunal des droits de la personne, l'assise du dispositif de lutte au racisme en soutenant le respect des droits. M. le Président, j'annonce que nous allons revoir, dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la clause d'obligation contractuelle pour faire en sorte que les entreprises qui reçoivent des subventions du gouvernement mettent en place un véritable programme d'accès à l'égalité. Cette clause d'obligation contractuelle sera revue dans le cadre de l'année 1997-1998, et je souhaite rapidement agir sur cette question.

C'est aussi à travers des mesures visant le rapprochement, la participation, la responsabilisation de tous les citoyens et l'intégration d'immigrants que le gouvernement a choisi de lutter contre le racisme et la discrimination raciale. Le pari est fort simple. C'est en favorisant l'ouverture de la société et en étant garant du respect des droits de la personne qu'on peut le mieux assurer que chacun puisse, en toute égalité et en toute dignité, participer à plein titre et pleinement à l'essor du peuple québécois. Les organismes communautaires voués à la défense des droits et au rapprochement interculturel sont, pour nous, des partenaires privilégiés pour relever ce défi. Le ministère dont j'ai la responsabilité soutient, à l'aide de subventions, depuis plusieurs années, ces mouvements. Je suis heureux de confirmer, M. le Président, que, malgré des choix difficiles auxquels nous sommes confrontés, aucune coupure n'a été faite dans le Programme de rapprochement interculturel. Je rappelle que le budget original du Programme de rapprochement interculturel est passé de 1 100 000 $ en 1994-1995 à 1 598 000 $ en 1995-1996 et qu'il a été maintenu, pour 1996-1997, à 1 598 000 $.

Aussi, nous sommes conscients que les organismes de défense des droits, de lutte au racisme et de promotion du rapprochement, qui, par leur vigilance, sont en quelque sorte les garde-fous de notre démocratie, ont besoin d'être davantage appuyés dans leur fonctionnement. J'indique aujourd'hui aux membres de cette Assemblée que le Secrétariat à l'action communautaire autonome, à la demande même des organismes, en partenariat avec eux, examine présentement diverses propositions qui permettront de mieux les soutenir. J'indique que tout le secteur de la défense des droits a été reconnu par l'ensemble des partenaires du milieu communautaire comme étant un secteur prioritaire d'action, et j'ai confiance que la nouvelle politique de financement des organismes communautaires nous permettra de faire en sorte de mieux soutenir ceux et celles qui, à chaque jour, oeuvrent à lutter contre le racisme et la discrimination.

Oui, M. le Président, il reste encore du chemin à parcourir avant que nos institutions publiques et privées ne reflètent l'idéal que nous désirons atteindre. Mais je suis heureux, M. le Président, de constater que, dans le domaine des relations interpersonnelles, nous sommes sur la bonne voie. Les résultats d'un récent sondage indiquent que les Québécois de toutes origines ont de plus en plus de contacts entre eux dans tous les domaines de la vie sociale et qu'ils sont de plus en plus satisfaits de la qualité de ces rapports. Ces résultats très positifs nous encouragent à faire de l'ouverture au pluralisme et de la lutte à la discrimination une préoccupation constante du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, et, avec la création de ce ministère, le gouvernement envoyait un message clair à la population: il témoigne d'une volonté de mettre l'accent sur le citoyen comme membre à part entière de la communauté qu'il partage et qu'ensemble nous partagions les mêmes droits civils, politiques et sociaux ainsi qu'un certain nombre de responsabilités.

M. le Président, il est clair que des zones d'ombre subsistent, particulièrement quant à l'endroit des jeunes des minorités visibles, quant à l'endroit aussi de groupes racisés, quant à l'endroit de certaines minorités. Il nous faut mieux cibler nos programmes. C'est là un des objectifs stratégiques du ministère dont j'ai la responsabilité.

Et je voudrais, en dernier lieu, réaffirmer que, 10 ans après, les principes de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales sont toujours vivants et pertinents. Ils doivent nous servir de guide dans la construction sans cesse réitérée de notre société. Toute la population est invitée, M. le Président, à soutenir ces principes et ces efforts par une attitude de respect de la dignité et des droits de toutes les personnes.

J'invite donc, M. le Président, tous mes collègues, à voter en faveur de cette motion. Je vous remercie.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Il est évident que nous allons voter en faveur de cette motion. C'est une motion qui avait été adoptée, comme l'a bien souligné le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, il y a 10 ans maintenant, par le précédent gouvernement, un gouvernement qui avait aussi fait adopter la Charte des droits et libertés du Québec, la Charte québécoise des droits et libertés, un gouvernement qui a toujours été très attaché à toute cette question d'acceptation de l'autre, d'acceptation du fait pluraliste qui nous caractérise comme société moderne, ouverte, aujourd'hui.

Je suis heureux de constater que le ministre a compris qu'il fallait souligner ces gestes, mais, en même temps, mettre de l'avant des gestes concrets pour les appuyer. Parce que, en fin de compte, M. le Président, si nous sommes tous d'accord avec les objectifs que nous poursuivons, de voir de plus en plus la société québécoise rester et demeurer davantage une société ouverte et pluraliste... Et j'ai constaté, si vous me permettez ce petit aparté, qu'à cet effet le ministre semonçait, à bon droit, les membres de son parti. Il a ce besoin constant de les semoncer et de leur apprendre comment être tolérants. J'espère qu'il va réussir un jour. J'ai des doutes.

Cela étant dit, M. le Président, il est évident qu'il y a trois façons par lesquelles on peut faire en sorte que, de plus en plus, les valeurs qui sont véhiculées à l'intérieur de cette motion, qui a été adoptée il y a 10 ans, soient ancrées dans notre façon de faire et notre façon d'être au Québec.

La première façon, c'est une approche positive, d'approuver, de donner des signes ouverts d'approbation quand il s'agit de gestes qui sont posés qui vont dans le sens des objectifs qu'on a. Et on le fait. On a institué le prix, par exemple, des communautés culturelles, le Prix du rapprochement interculturel. Ce sont des gestes qui ont valeur de symbole, des gestes qui soulignent l'importance qu'on attache et des gestes qui donnent une certaine récompense, entre guillemets, à ceux qui se font un devoir d'agir selon les valeurs qu'on tient si chères, M. le Président.

Une deuxième façon, c'est l'inverse, de désapprouver ouvertement, clairement les gestes qui vont dans le sens contraire. Je ne reviendrai pas sur le débat qu'on a eu l'année passée. Je remarquerais que, en dépit du fait que le ministre nous dit que ces valeurs doivent transcender et transcendent la partisanerie, il y a eu quand même refus de désapprouver certains gestes qui ont été commis par ceux qui étaient proches et prêts de l'actuel gouvernement. Et je ne reviendrai pas sur ça. Mais, quand on peut, on doit désapprouver les gestes qui vont dans le sens de la discrimination, du racisme et de l'intolérance, parce que la seule chose vers laquelle ont doit absolument montrer une intolérance totale, tolérance zéro, c'est l'intolérance. Et je pense que c'est la députée de Saint-François qui l'avait bien souligné dans cette Chambre aussi que, comme gouvernement, comme société, on doit donner un message clair que l'intolérance n'est pas tolérée par cette société, M. le Président.

La troisième façon dont on doit agir pour promouvoir l'ancrage de ces valeurs dans notre façon d'être, c'est effectivement de mettre de l'avant des programmes d'appui aux initiatives qui soutiennent les objectifs dont on fait la promotion, M. le Président. Dans ce sens-là, on sait tous qu'on se trouve, à ce moment-ci, dans des situations où le financement peut être revu dans l'ensemble des programmes, mais jamais ça ne doit venir pour, en quelque sorte, miner la survie des organismes qui sont voués à la défense des droits et libertés.

Aujourd'hui, si mes informations sont correctes, la Ligue antifasciste de Montréal souligne le fait qu'il y a de moins en moins d'organismes communautaires qui oeuvrent dans ce domaine et, dans ce sens-là, qu'il y a de moins en moins d'argent qui est mis à leur disposition comme groupe oeuvrant dans ce domaine.

(11 h 20)

Mais, au-delà de la stricte question financière, ce qui a attiré mon attention dans le communiqué et dans les textes qui nous ont été remis par la Ligue antifasciste de Montréal, c'était plus un genre de plainte qu'elle semble avoir par rapport à la façon de faire vis-à-vis des organismes communautaires, un genre de... je ne sais pas trop quel est le mot exact, mais une plainte à l'effet que le ministre, le gouvernement ne valorise pas autant qu'il pourrait le faire l'apport des groupes communautaires. Il souligne, par exemple, que les groupes communautaires n'ont jamais été remerciés dans cette constatation qu'on a faite quant à l'acceptation de l'autre que le sondage publié il y a quelques semaines par le ministre semble démontrer. Ça, c'est peut-être quelque chose qui est facilement corrigeable. Il ne faudrait pas prendre ces critiques-là pour des choses qui nous amènent à être sur la défensive. Dorénavant, je suis certain que les partenaires que sont les groupes communautaires feront donc l'objet aussi des remerciements de la part du ministre, et tous ceux qui doivent les recevoir. On m'indique même que ça a été fait par la suite.

L'autre chose qui a attiré mon attention par rapport au sondage qui a été publié et dans lequel, à bon droit, on a pu souligner qu'il y a une acceptation, à sa face même, de la part des Québécois sur cette question des relations interethniques, interraciales et interculturelles... Il y a quand même, tout en voulant toujours accentuer le positif, M. le Président... Il faut quand même faire attention. Ce que j'ai remarqué, c'est que, dans la comparaison qui a été faite avec le sondage précédent, ce qui a beaucoup diminué, c'est le nombre de personnes qui ne savent pas ou qui n'ont pas répondu. Et les personnes qui ont ainsi réparti, en quelque sorte, leurs réponses, qu'avant elles avaient retirées, se sont réparties plus vers celles qui étaient mal à l'aise en présence de personnes d'autres groupes ethniques que vers celles qui étaient à l'aise avec. Le résultat net, c'est que les personnes qui affichent une aise en relation avec des personnes de diverses origines ont augmenté, chose qui a été amplement soulignée, et, je pense, à bon escient, mais l'inverse est aussi vrai. Celles qui ont affiché un malaise en présence de personnes d'origines différentes, et ça a été réparti selon les diverses origines dans le sondage, ont aussi augmenté.

Alors, ça, ça nous dit que plus le phénomène prend racine dans notre réalité quotidienne et plus les gens entrent en contact avec des personnes de diverses origines, leurs réactions continuent à être à peu près comme c'était auparavant, c'est-à-dire qu'il y en a qui se sentent mal à l'aise, d'autres trouvent en ça une source d'enrichissement, donc se disent à l'aise. Ce qu'on devrait dégager de ça, M. le Président, c'est que, effectivement, les efforts des groupes communautaires, en particulier ceux qui oeuvrent dans le sens d'appui à ces valeurs d'ouverture qu'on doit transmettre à nos concitoyens, doivent trouver les appuis nécessaires par les actions du gouvernement, M. le Président.

C'est une lutte qui ne finira jamais. Dans ce sens-là, M. le Président, nous devrons toujours nous assurer et veiller à ce que, comme on disait, les bons gestes soient approuvés, les mauvais gestes, désapprouvés, et que le tout soit encadré à l'intérieur des programmes et des sources de financement qui doivent suivre ces programmes pour qu'on puisse faire la promotion des valeurs d'acceptation, d'ouverture, de tolérance vis-à-vis de l'autre, qui sont foncièrement, M. le Président, des valeurs d'une philosophie libérale. C'est peut-être pour ça qu'au Parti libéral du Québec on n'a jamais senti le besoin de semoncer personne, de faire à personne l'apprentissage sur comment être tolérant. Et le véritable sens de l'inclusion, tant au Canada qu'au Québec, M. le Président, c'est une approche qui se dit: On est ce qu'on est, on est fier de ce qu'on est, puis on n'a pas besoin de se sortir de nos relations avec les autres pour revenir dans une relation de force, mais on peut le faire en interrelation, en acceptant l'interdépendance, si je peux terminer ainsi, M. le Président, qui caractérise le monde moderne d'aujourd'hui.

En espérant donc que l'ensemble des membres de cette Assemblée vont épouser ces valeurs libérales qui doivent caractériser nos relations comme membres de la société, je vous signale, M. le Président, que nous voterons donc en faveur de cette motion, et c'est avec plaisir que nous le ferons, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, la motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Vote par appel nominal.

Le Président: Vote par appel nominal. Alors, que l'on appelle les députés sur cette motion.

(11 h 25 – 11 h 34)

Le Président: Bon, alors, nous allons passer au vote de la motion présentée par M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration. La motion se lit comme suit:

Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Journée internationale des droits de la personne et, par la même occasion, souligne le 10e anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales, adoptée le 10 mars 1986.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), M. Baril (Berthier), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Une voix: M. le Président, je demanderais la permission de voter, même si je suis arrivé après le début du vote.

Le Président: Alors, la même chose pour le député d'Outremont?

Des voix: Oui.

Le Président: Alors, les deux votes sont enregistrés. O.K.

Le Secrétaire: Pour:88

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. Nous sommes toujours aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement... Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce. Mais, auparavant, je demanderais aux députés qui doivent quitter l'Assemblée pour aller travailler à l'extérieur de le faire rapidement.

Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.


Rendre hommage aux lauréats des Prix du Québec 1996

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

(11 h 40)

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende hommage aux lauréats des Prix du Québec 1996 dans les domaines culturel et scientifique pour leur remarquable contribution à l'essor de notre société et félicite plus particulièrement Mme Monique Bosco pour le prix Athanase-David, M. Melvin Charney pour le prix Paul-Émile-Borduas, M. Jacques de Champlain pour le prix Wilder-Penfield, M. Jacques Genest pour le prix Armand-Frappier, M. Jacques Giraldeau pour le prix Albert-Tessier, M. Stephen Hanessian pour le prix Marie-Victorin, M. Michel Lessard pour le prix Gérard-Morisset, M. Henry Mintzberg pour le prix Léon-Gérin et M. François Morel pour le prix Denise-Pelletier.

«Ces personnes rayonnent à l'échelle du globe, mais leur identification est québécoise. Leur travail, leur persévérance...»

Le Président: Mme la...

Une voix: Ça fait partie de la motion.

Le Président: Ça fait partie de la motion? Très bien.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, je reprends:

«Ces personnes rayonnent à l'échelle du globe, mais leur identification est québécoise. Leur travail, leur persévérance et leur réussite devraient nous inspirer tous à poursuivre nos projets avec passion et courage. Je les félicite et les remercie, au nom de tous les Québécois et de toutes les Québécoises pour leur contribution à notre société.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, il y aurait...

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, vous le savez comme nous, on n'a pas souvent l'occasion d'entendre Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce s'exprimer au salon bleu. Alors, dans ce sens-là, moi, je ne sais pas si je m'exprime au nom de tous mes collègues...

Des voix: Oui, oui.

M. Lefebvre: ...j'aimerais entendre son intervention, ne serait-ce que trois, quatre minutes, M. le Président. J'aime le son de sa voix, mais on n'a pas souvent le privilège de l'entendre, M. le Président.

Le Président: Donc, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Oui.

Le Président: Il y a consentement. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, les Prix du Québec sont une occasion d'honorer des grands Québécois et des grandes Québécoises. Et cette année nous avons eu le privilège d'honorer une Québécoise également, ce qui a été assez impressionnant pour toutes les femmes qui ont écouté cet événement.

Les Prix du Québec, c'est l'occasion de féliciter des hommes et des femmes qui rayonnent à l'échelle internationale, mais dont le champ d'activité est une spécialité dans une discipline scientifique ou culturelle. Les Prix du Québec, c'est aussi l'occasion de confirmer notre personnalité québécoise et de rayonner au niveau international, mais à partir du Québec.

Le Président: Alors, sur la motion, M. le député de Papineau.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mme la ministre d'avoir discuté avec moi de la motion. On vient de m'annoncer qu'on a une motion. Alors, encore une fois, on a été avertis à la dernière minute. Mais, quand même, j'aimerais, de la part de notre parti, de l'opposition, rendre hommage à ces gens-là pour les prix internationaux.

J'aimerais prendre l'occasion, M. le Président, pour mentionner qu'il serait temps de continuer aussi pas seulement sur le côté international. Mme la ministre semble avoir un gros, gros, gros penchant pour l'international puis oublier nos gens du Québec, comme disent si bien les gens de l'autre côté. Eux aussi font du travail quand on reçoit tous ces gens-là au Québec. Alors, je pense qu'on devrait lever nos chapeaux aux gens du Québec qui s'occupent du tourisme international. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Aux avis touchant les travaux des commissions... Oui?


Motion proposant que la commission des affaires sociales procède à des consultations particulières sur le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu

M. Bélanger: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des affaires sociales procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le livre vert intitulé "La réforme de la sécurité du revenu, un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi" à compter du 21 janvier 1997 et, à cette fin, entende les organismes énumérés en annexe;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la ministre de la Sécurité du revenu soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour présenter cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. La motion sans préavis du leader du gouvernement est accompagnée d'une liste d'organismes invités à la commission parlementaire. Ma question s'adresse au leader du gouvernement: Est-ce qu'il s'agit d'une liste fermée ou d'une liste ouverte?

M. Bélanger: M. le Président, c'est 59 organismes qui sont inclus dans cette liste. On me dit qu'on est ouvert à des suggestions pour, à ce moment-là, qu'il y ait d'autres organismes qui soient entendus.


Mise aux voix

Le Président: Alors, la motion est adoptée dans ces conditions?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Très bien. Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 30, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 131, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

J'avise également cette Assemblée que l'avis relatif aux projets de loi d'intérêt privé de la commission du budget et de l'administration donné le jeudi 5 décembre 1996 est modifié de la façon suivante:

La commission du budget et de l'administration entendra les intéressés et procédera à l'étude des projets de loi d'intérêt privé suivants: le projet de loi n° 214, Loi concernant le Groupement des chefs d'entreprise du Québec; le projet de loi n° 238, Loi concernant la conversion de l'Entraide assurance-vie, société de secours mutuels, en une compagnie mutuelle d'assurance; le projet de loi n° 209, Loi concernant des fédérations, conseils centraux et syndicats affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (C.S.N.); le projet de loi n° 210, Loi concernant la Congrégation Shaar Hashomayim (Porte du Ciel); le projet de loi n° 202, Loi modifiant la Loi constituant en corporation Les Soeurs de Sainte-Anne.

L'étude de ces projets de loi d'intérêt privé se déroulera à la salle Louis-Joseph-Papineau, le mardi 17 décembre 1996, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures.

Le Président: Très bien. Ça complète les avis touchant les travaux des commissions.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

Alors, nous allons passer maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Article 10 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 76


Adoption du principe

Le Président: À l'article 10, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du principe du projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. J'espère que le député de Frontenac va m'écouter, puisqu'il aime bien m'entendre.

(11 h 50)

Alors, M. le Président, j'ai le plaisir de déposer ce matin, pour adoption du principe, le projet de loi n° 76. Comme vous pourrez le constater, le projet de loi instituant le Fonds de partenariat touristique présente un changement important de par son caractère innovateur pour tous ceux et celles pour qui le développement de l'industrie touristique québécoise est une priorité.

Le tourisme, c'est un secteur en pleine croissance à l'échelle internationale. Les recettes du tourisme à l'échelle mondiale ont dépassé le cap des 300 000 000 000 $ en 1993, alors qu'elles s'élevaient à 115 000 000 000 $ en 1985. Selon l'Organisation mondiale du tourisme, l'industrie touristique serait la première industrie mondiale en l'an 2000. Sous l'impulsion notamment de la mondialisation des marchés, l'Organisation mondiale du tourisme estime également que le nombre de touristes internationaux à destination de l'Amérique du Nord doublera, de 1990 à l'an 2010, passant de 72 000 000 à 150 000 000 de personnes. M. le Président, les perspectives de croissance du tourisme international sont excellentes, et il importe que le Québec, qui possède des atouts touristiques indéniables, devienne une destination recherchée par tous les touristes internationaux. Pour s'accaparer une partie de cette croissance, le Québec devra toutefois batailler ferme, car la compétition s'annonce des plus féroces.

Au Québec, l'industrie touristique représentait, en 1995, une activité économique d'une valeur de 5 100 000 000 $ imputable aux dépenses des touristes. C'est plus, en valeur, que l'industrie pharmaceutique et presque autant que toute l'industrie de l'imprimerie. Près de la moitié de ces dépenses sont faites par des étrangers qui visitent le Québec. Ainsi, ces argents nouveaux équivalent à des exportations. En conséquence, avec 2 000 000 000 $ de revenus en provenance de l'étranger, l'industrie touristique est au même rang que l'industrie aérospatiale comme source d'exportation québécoise, c'est-à-dire au sixième rang.

Les 29 000 entreprises qui composent l'industrie touristique québécoise fournissaient des emplois directs à plus de 100 000 Québécoises et Québécois. Les secteurs de l'hébergement et de la restauration, avec 42 % des revenus de l'industrie, bénéficient largement des retombées touristiques. Les secteurs du transport, des services d'agences de voyages, des divertissements et des loisirs récoltent également une partie importante des dépenses effectuées par les touristes.

Les résultats que nous avons obtenus au cours des dernières années sur le plan du tourisme international sont dignes de mention. À titre d'exemple, M. le Président, vous me permettrez de souligner une augmentation remarquable de 22 % du nombre de touristes japonais au Québec, en 1995. Et, selon les premières estimations de 1996, nous pourrions connaître cette année encore une nouvelle hausse de 12 % du nombre de touristes en provenance du Japon. Les touristes français sont également en hausse de 10,7 % pour les huit premiers mois de 1996, et le Québec pourrait accueillir, en 1996, plus de 400 000 touristes français pour la première fois de son histoire.

Ces résultats sont attribuables aux stratégies mises en oeuvre par Tourisme Québec et ses partenaires en matière de promotion touristique. En effet, le développement de promotions conjointes avec un nombre croissant de partenaires a permis au Québec d'améliorer la force de frappe commerciale sur plusieurs marchés. De plus, l'ouverture de nouveaux attraits touristiques jumelée à la consolidation de manifestations touristiques tels le Festival de jazz de Montréal, le Festival d'été de Québec et le Grand Prix du Canada a favorisé un achalandage touristique accru.

Pourquoi faut-il, M. le Président, développer notre industrie touristique? D'abord et avant tout, cette industrie possède cette capacité de créer de l'emploi rapidement et à faible coût. En effet, des dépenses touristiques de 50 000 $ suffisent pour créer un emploi, ce qui est très peu si on le compare au secteur manufacturier ou à d'autres secteurs plus intensifs en capital, c'est-à-dire en équipement et en outillage, qu'en main-d'oeuvre. Cette capacité de créer de l'emploi, elle est présente dans toutes les régions du Québec, qui offrent toutes des produits touristiques qui répondent à une demande des clientèles domestiques autant qu'internationales.

En 1994 et 1995, les dépenses des touristes internationaux au Québec ont augmenté de 425 000 000 $, soit une hausse de 36 %, un record historique de croissance. En 1995, pour la première fois de son histoire, le Québec a accueilli plus d'un million de touristes de pays autres que les États-Unis. Cette croissance du tourisme international a contribué à créer à elle seule plus de 7 500 emplois additionnels dans l'industrie touristique. Pour maintenir la croissance de l'industrie touristique et, comme nous l'avons vu un peu plus tôt, sa contribution à la création d'emplois au Québec, nous devons trouver de nouvelles sources de financement. En effet, l'exploitation des marchés internationaux lucratifs autant que celle des marchés québécois impliquent d'importants investissements.

Vous me permettrez, M. le Président, de souligner quelques-uns des défis que nous devrons relever au cours des prochaines années si nous voulons maintenir, voire même augmenter notre part du marché touristique dans un environnement qui se veut de plus en plus concurrentiel. Sur le marché américain, si l'on tient compte de la dépréciation du dollar canadien et de l'augmentation des coûts de promotion et de publicité, il en coûtait en 1995 environ 45 % de plus qu'en 1991 pour maintenir le même niveau d'effort promotionnel. Le Québec, avec le niveau de financement actuel, n'est pas en mesure d'exploiter plus intensivement le potentiel de nouveaux marchés tels que l'Europe, l'Asie, l'Amérique latine et certains marchés éloignés des États-Unis.

Le maintien et l'essor de nos manifestations touristiques qui constituent l'un des éléments marquants du caractère distinct de l'offre touristique québécoise et qui contribuent à la visibilité et au rayonnement du fait québécois à travers le monde exigent maintenant un effort de financement accru. Il faut aussi se rappeler que le marché québécois est lui-même sollicité de toutes parts et que nos concurrents risquent d'accroître leur part de marché au détriment du Québec si nous ne continuons pas à inciter les Québécoises et les Québécois à prendre leurs vacances ici même, au Québec.

Ces défis ont conduit Tourisme Québec, dans son plan d'action 1996-1997, à identifier trois axes d'intervention stratégique en vue de consolider la croissance des recettes touristiques et donc de l'emploi engendré par l'industrie touristique. D'abord, promouvoir la qualité de la destination en accélérant le développement d'une offre touristique de calibre international et en accentuant la promotion du Québec comme une destination internationale, quatre saisons, moderne et dynamique. Tourisme Québec vise aussi à accroître les investissements tant en matière de promotion touristique que de développement de l'offre touristique en accentuant le partenariat avec des investisseurs privés, qu'ils soient Québécois ou étrangers, et en faisant appel à des sources inédites de financement. Finalement, Tourisme Québec a choisi de démontrer, en développant des alliances avec des partenaires non traditionnellement associés au tourisme, que nous pouvions miser principalement sur l'industrie qui tire profit de l'activité touristique.

Comme vous le savez, M. le Président, il appartient au gouvernement de créer des conditions favorables à la croissance de l'industrie touristique québécoise, et nous avons choisi d'innover en matière de financement de l'industrie et d'élargir le partenariat actuel qui a jusqu'à maintenant largement contribué à l'essor de notre industrie touristique. Le gouvernement a l'intention, par ce projet de loi, d'instituer un fonds de partenariat touristique afin de renforcer et de soutenir la promotion et le développement touristique du Québec. Ce fonds, qui associera Tourisme Québec, les associations touristiques régionales et le secteur privé, dotera le Québec d'un outil d'intervention qui lui permettra d'abord d'être plus concurrentiel sur la scène touristique internationale; ensuite de consolider et de stabiliser le financement de notre industrie touristique; aussi de renforcer nos liens entre différents partenaires de l'industrie; et, enfin, de consolider les facteurs d'achalandage des manifestations touristiques et des projets structurants de calibre international. Et l'on pense à des projets comme le mont Tremblant et, pour la région de l'Outaouais, le casino, bien sûr.

(12 heures)

Ce projet de loi vise à constituer un fonds unique dans lequel Tourisme Québec pourra notamment déposer et gérer un montant de 10 000 000 $ provenant de l'abolition de la mesure de détaxation de certains forfaits hôteliers. On se souviendra que cette mesure, qui avait été introduite sous le gouvernement libéral en 1994 et reprise par nous, abolissait la TVQ sur les forfaits hôteliers avec repas de deux nuitées et plus. Cette mesure, malheureusement, n'a pas eu l'effet escompté sur la demande touristique. Le budget additionnel de 10 000 000 $ permettra notamment à Tourisme Québec de renforcer la promotion touristique du Québec sur les marchés internationaux. Nous pourrons exploiter plus intensivement certains marchés éloignés des États-Unis: le marché européen, le marché japonais et peut-être le marché de l'Amérique latine. Nos efforts de promotion s'étendront également à de nouveaux marchés internationaux à potentiel élevé; je pense bien sûr à l'Asie et à l'Amérique du Sud. Finalement, une partie de ce budget supplémentaire de 10 000 000 $ permettra à Tourisme Québec de s'associer à des partenaires privés pour assurer le financement de projets touristiques structurants d'envergure internationale et créateurs d'emplois.

Le Fonds de partenariat touristique comprendra également les revenus d'une contribution de 2 $ par chambre occupée par jour. Les sommes recueillies serviront au soutien des activités touristiques en région. Cette contribution sera utilisée pour la promotion, pour la commercialisation, pour le soutien des manifestations touristiques, pour l'accueil et pour l'information. Cette mesure a été développée et initiée pour répondre aux besoins de la métropole. Les partenaires touristiques de Montréal et de Laval ont déjà donné leur accord à cette contribution, ce qui leur permettra de bénéficier d'un budget d'environ 8 700 000 $ qu'elles pourront investir pour la prochaine saison touristique.

Mais notre gouvernement ne veut pas limiter cette mesure à la métropole, parce que la question du financement de l'industrie touristique n'est pas propre à la métropole seulement. Aussi, cette formule de financement inédite au Québec jusqu'à ce jour est offerte et sera également disponible pour les autres régions touristiques. Cela signifie que les régions touristiques qui auront, avant le 1er janvier 1997, développé les consensus nécessaires pourront profiter de cette nouvelle formule de financement et ainsi disposer de budgets additionnels pour la prochaine saison touristique estivale. C'est une occasion inédite pour que les régions touristiques les plus dynamiques se manifestent.

Vous me permettrez, M. le Président, d'insister aussi sur le fait que cette contribution est volontaire. En termes clairs, le gouvernement n'impose d'aucune façon aux régions cette contribution de 2 $ sur l'hébergement. Toutefois, si toutes les régions touristiques du Québec choisissaient d'adhérer à cette mesure, il s'agira d'un changement majeur dans le financement de l'industrie touristique québécoise, puisque les revenus de cette contribution totaliseraient 25 000 000 $ par année, si la mesure s'appliquait à l'ensemble du Québec, ce que je souhaite.

Cette formule de financement est tout à fait compatible avec les politiques gouvernementales de développement et de responsabilisation des régions. D'une part, la décision de se prévaloir de cette mesure incombe entièrement aux régions touristiques, qui doivent établir les consensus nécessaires. D'autre part, les fonds recueillis seront entièrement retournés aux associations touristiques régionales qui auront fait ces consensus. Une enveloppe régionale sera disponible pour chacune des régions sur la base des revenus qui seront perçus par Revenu Québec. Chaque région disposera, en quelque sorte, de son compte dans le Fonds de partenariat, et les sommes non dépensées pourront s'y accumuler.

J'ai souligné tantôt le caractère inédit de cette formule de financement pour le Québec. Elle est toutefois déjà utilisée dans plusieurs villes américaines, notamment New York, Boston, Chicago et Houston. Au Canada même, la Colombie-Britannique a introduit une mesure similaire, en 1990, pour soutenir le développement touristique. Les résultats de cette mesure en Colombie-Britannique n'ont pas tardé à se faire sentir, puisque, de 1990 à 1994, la part de la Colombie-Britannique dans les recettes touristiques canadiennes provenant des pays autres que les États-Unis est passée de 24 % à 30 %. Pendant ce temps, la part du Québec restait stable, alors que celle de l'Ontario diminuait de 7 %. Heureusement, après notre élection, l'augmentation touristique du Québec s'est fait sentir, avec les résultats dont j'ai parlé plus tôt.

La contribution sur l'hébergement aura un impact réduit sur les consommateurs québécois, puisque les touristes provenant de l'extérieur du Québec fourniront près de 50 % des revenus résultant de cette contribution. En effet, la moitié des dépenses touristiques, je le rappelle, sont faites par des touristes étrangers. Il appartiendra évidemment aux hôteliers de percevoir cette contribution de 2 $. Et je sais pertinemment que certains d'entre eux ont exprimé des inquiétudes quant à cet ajout de 2 $ au prix de la chambre.

Je suis cependant convaincue que cette mesure n'affectera pas la position concurrentielle du Québec, et ce, pour les raisons suivantes. D'abord, parce que le prix de l'hébergement au Québec est inférieur à celui observé aux États-Unis et dans les provinces canadiennes concurrentes. À titre d'exemple, en 1995, le prix moyen des chambres d'hôtel était de 102 $ dans le centre-ville de Toronto et de 100 $ à Vancouver, comparativement à 87 $ à Montréal et 81 $ à Québec. Ensuite, parce que chaque nouveau dollar investi en promotion se traduit par une augmentation des recettes touristiques et d'achalandage dans les établissements hôteliers. Le ratio expérimenté au cours des dernières années est à l'effet que 1 $ de promotion rapporte environ 4 $ de recettes touristiques. Donc, ce sont les établissements hôteliers et tous les autres partenaires de l'industrie touristique qui vont profiter des retombées de cette mesure qui, ne l'oublions pas, créera des emplois dans toutes les régions du Québec.

Voilà, pour l'essentiel, M. le Président, les grandes lignes de ce Fonds de partenariat touristique. Vous conviendrez facilement qu'il s'agit de sources de financement innovatrices qui offrent à toutes les régions touristiques du Québec la possibilité de consolider et de stabiliser leurs revenus, bien sûr, si elles le veulent. L'injection de fonds dans la promotion touristique permettra à Tourisme Québec et à ses partenaires de se positionner plus efficacement, autant sur le marché québécois qu'international, et d'attirer des clientèles qui, je le rappelle, sont fortement convoitées par d'autres destinations. Cela vaut aussi pour la clientèle québécoise, qui est très internationalisée et qui est aussi très sollicitée par les destinations touristiques concurrentielles au Québec. La promotion internationale rejoindra aussi les Québécois, qui, je l'espère, retrouveront le goût de la nature, de la culture et de l'aventure à la québécoise. C'est pourquoi je demande à cette Assemblée d'adopter le principe du projet de loi instituant le Fonds de partenariat touristique du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Papineau.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. C'est pour moi un très grand plaisir de prendre la parole dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique.

Je dois vous avouer, M. le Président, qu'à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de tourisme, c'est seulement la deuxième fois que j'ai l'occasion de débattre en cette Assemblée d'un projet de loi présenté par Mme la ministre. C'est donc un grand moment pour moi. À cet effet, permettez-moi de rappeler que le seul projet de loi proposé par la ministre, modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement relativement aux navires de croisière internationale, un projet de loi qui contenait deux articles, cette pièce législative, quoique adoptée avec la collaboration de l'opposition officielle, n'est pas encore en vigueur, puisque des modifications au Code criminel sont nécessaires. À ce sujet, Mme la ministre, j'aimerais vous rappeler – M. le Président, excusez – qu'on avait promis aux parlementaires, en commission, de les informer sur l'avancement de ce dossier et de leur transmettre la correspondance échangée avec son homologue fédéral. Nous l'attendons toujours.

(12 h 10)

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à souligner que, à l'instar des intervenants, je déplore que la ministre retarde l'entrée en vigueur du projet de règlement sur les établissements touristiques réglementant les établissements d'une chambre et plus. Nous sommes en droit de savoir si ce projet de règlement, qui avait reçu l'assentiment du milieu, est toujours le même ou bien s'il est en voie d'être modifié. En un mot, la ministre peut-elle nous dire qu'est-ce qui se passe?

Ceci étant dit, M. le Président, j'affirme sans hésiter que la raison d'être de ce fonds, soit la promotion et le développement du tourisme, est fort louable. Je dois vous avouer que je ne suis pas surpris par l'annonce faite en grande pompe au Sommet sur l'économie et l'emploi, puisque cela fait plusieurs années qu'une telle initiative est en préparation. Ce qui me surprend, toutefois, c'est que la ministre annonce d'abord la création de ce fonds et indique ensuite la tenue d'un Forum de l'industrie touristique. Il me semble que la logique aurait commandé le contraire. «Réunissant l'ensemble des intervenants du secteur touristique, ce forum annoncé pour février prochain permettra – et je cite la ministre, M. le Président – de mettre en place une nouvelle stratégie de développement économique qui nous permettra de relever d'ici la fin du siècle le défi de la concurrence internationale.» Communiqué de presse par la ministre, le 15 novembre 1996.

M. le Président, une discussion sur le Fonds de partenariat touristique à ce moment-ci est contraire à toute logique, puisque ce fonds est l'un des éléments qui composera cette stratégie de développement touristique. Lorsque nos actions sont guidées par le gros bon sens, on détermine et discute d'abord sur la stratégie globale pour poursuivre avec les différents éléments qui la composent. Le Forum de l'industrie touristique est donc la meilleure occasion de prendre le pouls de l'industrie quant aux différents volets du fonds. Tous les intervenants seront là.

Force est de constater que la ministre procède à l'envers du gros bon sens. C'est d'ailleurs le message livré par la presque totalité des groupes lors des deux jours de consultations particulières: Adoptons premièrement – M. le Président, les gens qui sont venus dans ces consultations-là et beaucoup de mes collègues de l'autre côté étaient présents, dont le député de Charlevoix, c'est très important pour lui – le règlement sur les établissements touristiques, numéro un; deux, profitons du Forum de l'industrie touristique pour discuter de la mise en place d'un tel fonds – vous vous rappelez, M. le député de Charlevoix, c'est très important et c'est des gens de chez vous qui ont mentionné ça – et, ensuite, mettons-le en place. Cette façon de faire est nécessaire. Comme l'ont dit les intervenants touristiques entendus, trop de questions sont demeurées sans réponse.

En voici quelques-unes, de ces interrogations, M. le Président. Parlons-nous d'une taxe de 2 $ par nuitée, ou de 2,13 $, ou de 2 %? Très important. Comment s'effectuera la perception de cette taxe? Comment sera-t-elle redistribuée à l'industrie? Pourquoi le gouvernement ne versera-t-il que la moitié de la taxe sur les forfaits touristiques? Qu'arrivera-t-il de la subvention gouvernementale versée aux ATR? C'est une question sur laquelle je vais revenir tantôt. C'est important. Qu'arrivera-t-il de la subvention gouvernementale versée aux ATR? Y aura-t-il des mesures transitoires pour le forfait et les chambres déjà retenues?

M. le Président, quand nous avons eu nos deux jours de consultations, il y a eu plusieurs mémoires qui nous ont été présentés par différentes associations qui sont affiliées en long et en large avec le tourisme, et plusieurs de mes collègues, tantôt, le député de Bertrand, l'ancien ministre du Tourisme, auront sûrement la chance de vous exprimer la peur et les questions qu'on doit se poser soit sur le 2 $ la nuitée, soit sur la détaxation. J'aimerais prendre l'occasion, M. le Président, pour discuter avec vous et avec mes collègues, ici, en cette Chambre, et ceux qui nous écoutent présentement, pour vous donner les opinions, les mémoires qui ont été déposés par les différents groupes touristiques du Québec, en commençant par la Fédération québécoise des offices de tourisme.

M. le Président, les offices de tourisme sont d'accord avec la mise sur pied du Fonds de partenariat touristique. Toutefois, ils désirent porter à l'attention du gouvernement les inquiétudes et les demandes suivantes: un taux uniforme de 2 $ fera préjudice au contexte concurrentiel des régions du Québec en rapport avec les grands centres où les prix des chambres sont plus élevés. Le volontarisme n'est pas souhaitable et les gens de la Fédération québécoise des offices de tourisme suggèrent que cette mesure soit étendue à tout le Québec. Tout le Québec. Tous les établissements d'hébergement devraient, sur une base équitable, contribuer au Fonds de partenariat. Le gouvernement tarde, M. le Président, à aller de l'avant avec le projet de modification de la Loi sur les établissements touristiques, ce qui porte préjudice aux établissements actuellement compris. De plus, il se prive d'un nombre sans cesse grandissant d'établissements d'hébergement pour contribuer au Fonds de partenariat.

Plusieurs membres suggèrent même d'étendre la contribution au fonds aux éléments de soutien de l'offre touristique, entre autres les secteurs de la restauration et de l'amusement. Tous les membres souhaitent que les montants retournés dans les régions ne le soient pas uniquement par le biais de l'association touristique régionale. C'est la Fédération québécoise des offices de tourisme, M. le Président. Ils demandent au gouvernement de considérer la situation particulière des offices de tourisme qui interviennent dans les villes-centres. En effet, ces offices déploient des efforts considérables de promotion auprès de la clientèle d'affaires et de congrès, qui est une clientèle très importante pour le tourisme, pour les hôtels, pour les restaurants dans chacune des régions, M. le Président.

Un autre mémoire qui a été présenté aux consultations, c'est celui du Regroupement de l'hospitalité québécoise, soit l'Association des hôteliers de la province de Québec, la Fédération des agricotours du Québec et l'Association hôtelière de la région de Québec. Et on se rappelle – sûrement que le député de Charlevoix va se rappeler – M. Jean-Guy Alain, qui disait: Réimposer la TVQ nuira au tourisme. Dans Le Soleil de la semaine passée: Ceux qui ont trouvé l'été 1996 bien court n'ont qu'à bien se tenir pour les prochaines saisons. Ce sera un combat pour le maintien de nos acquis plutôt qu'une période de développement. Puis ce sont principalement les régions qui seront touchées par l'abolition de la détaxe sur les forfaits, puisque, dans les centres urbains comme Montréal et Québec, le marché principal est composé d'une clientèle de transit et corporative. Nous allons y revenir tantôt, M. le Président.

Le Regroupement de l'hospitalité québécoise se demande pourquoi on n'a pas inscrit, dans le projet de loi, la définition des activités touristiques qui deviendraient admissibles, M. le Président. En outre, le caractère facultatif de la participation des régions, en plus de ne pas être inscrit dans le projet de loi, nous laisse songeurs. Est-ce qu'on veut donner un chèque en blanc pour percevoir de l'argent et en autoriser les sorties? En instituant une taxe spécifique liée à un fonds dédié, le gouvernement s'écarte considérablement de sa politique fiscale et va entièrement à l'encontre des recommandations de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics.

Est-il normal de charger une taxe sur une taxe, M. le Président? Cette taxe ne pourra être considérée comme intrant par les entreprises, selon les informations, alors que 44 % de nos chambres d'hôtel sont louées par les entreprises et le gouvernement. L'association s'oppose donc immédiatement à l'adoption de ce projet de loi n° 76 instituant le Fonds de partenariat touristique parce qu'il est à la fois inéquitable et non viable, et demande au gouvernement d'attendre la tenue du forum sur le tourisme, prévu à l'hiver 1997, alors que seront connus les résultats des nombreuses consultations qui sont en cours et qui devraient permettre de trouver des solutions plus équitables et efficaces. Et, je me rappelle, la journée des consultations, nous, de l'opposition, notre caucus, avions pris position dans ce sens-là, M. le Président. La loi qui est ici, la loi n° 76, Mme la ministre du Tourisme veut, à partir du 1er janvier... et elle sera en effet à partir du mois d'avril. Ça ne donne vraiment pas le temps aux gens du tourisme des Laurentides, de l'Outaouais, de Charlevoix, de l'Estrie, vraiment, de pouvoir faire une bonne consultation, de discuter, pour une fois, ensemble, partenaires. Le nom du fonds le dit: «partenariat», un mot très populaire pour les gens d'en face. Comme le futur chef, peut-être, du Bloc québécois à Ottawa a dit que le partenariat, ça voulait dire un partenariat avec les gens du fédéral ensemble sans le mot «souveraineté»... Je pense que c'est un M. Turp ou... j'ai oublié son premier nom. Je ne voudrais pas faire de publicité, parce que, moi, si j'étais un gars du Bloc, je voterais pour M. Chevrette, en passant.

(12 h 20)

Il est important de revenir et de parler de partenariat avec les gens du tourisme. Mme la ministre, les deux jours de cette consultation, quand les gens n'étaient pas d'accord avec elle, elle n'allait pas les voir pour les féliciter et les remercier d'avoir assisté. Ce n'est pas faux, c'est vrai, c'est la vérité, on l'a vu nous autres mêmes. C'est terrible, ça. Ça ne devrait pas être le gouvernement qui dit aux gens du tourisme quoi faire; ce n'est pas comme ça que ça marche. Quand nous étions au pouvoir, par l'entremise de notre ministre le député des Îles-de-la-Madeleine, il y en a eu, des consultations. On ne met pas une loi sur la table, M. le Président, puis après ça, on dit: Bien, si tu veux l'avoir, prends-la; si tu n'en veux pas, bien, Montréal puis Laval vont s'en servir, eux autres. Ce n'est pas comme ça que ça se passe.

On n'est pas contre le 2 $, mais je pense qu'on devrait consulter les gens du tourisme, pas prendre une décision, carrément, de fonctionnaire. Il faut consulter tout le monde pour donner l'accord. Les gens qui sont venus nous voir en consultation, seulement Montréal et Laval ont carrément indiqué qu'ils étaient d'accord avec ça; les autres gens voulaient aller consulter sur le terrain. Et, nous aussi, on veut ça. Et c'est pour ça qu'on dit qu'on devrait aller au forum avant de passer la loi, comme l'association du Regroupement de l'hospitalité québécoise nous ont dit en consultation.

Les Associations touristiques régionales associées du Québec, qui profitent des ATR dans chacune des régions, qui veulent adhérer au 2 $, elles aussi se posent des questions. Exemple: plusieurs principes énoncés et modalités d'opération devront être revus et analysés attentivement, notamment montant fixe ou pourcentage, facturation aux clients, catégorie d'établissement visé, mesure transitoire, entente entre le ministère du Revenu et les ATR. Le ministère du Revenu, qui va percevoir cette taxe dans chacune des régions – on parle de 10 000 000 $ qui vont revenir dans les coffres dans chacune des régions, à Montréal, dans l'Outaouais et d'autres régions bien connues du Québec – va aller chercher quel pourcentage, quelle commission, si vous voulez, dans les coffres, de ce 2 $? La question est posée; aucune réponse.

De plus, les membres des ATR, l'ATRAQ, ils ont entrepris ou vont entreprendre une consultation de leurs membres avant de se prononcer plus précisément sur le sujet. Le point le plus important, M. le Président, pour les ATR de chacune de nos régions et qui a été posé par les gens de l'ATRAQ, c'est: La création de ce fonds ne doit pas être une mesure de remplacement du financement actuel des ATR par Tourisme Québec, sur une base de protocole d'entente triennale.

Déjà, dans les corridors du ministère, ou de l'ancien ministère, ou dans les corridors de Tourisme Québec ou de l'agence Québec, déjà, on parle d'enlever, dans trois ans, les montants d'argent, un total de 7 000 000 $, proche 8 000 000 $ par année, aux ATR. Déjà, on irait chercher, sur le 2 $, la partie pour aider à financer chacune de nos régions. Et je le dis, ici, à l'Assemblée nationale, j'avertis les gens de l'ATRAQ, dont son président, que je connais bien, M. Jean Thiffault, de notre région de l'Outaouais, vous allez perdre totalement la part du ministère, de Tourisme Québec – le montant, exemple, dans l'Outaouais, 350 000 $, je ne sais pas, 400 000 $ par année. Dans trois ans, une fois que l'entente va être terminée, plus une cenne de Tourisme Québec! C'est encore la taxe. C'est une taxe, le 2 $. C'est encore la taxe de ce 2 $ là qui va être enlevée, et ça veut dire que ça va couper... On veut avoir ce 2 $ là pour faire de la promotion touristique internationale, mais alors, si c'est 350 000 $ dans notre région, on va être obligé de prendre, sur le 700 000 $, 800 000 $ ou 1 000 000 $ par année, 300 000 $ pour s'administrer. On s'en va vers ça, M. le Président. On ne veut pas le dire, mais on s'en va vers ça.

On avait déjà demandé antérieurement pourquoi on n'était pas pour fermer les maisons de tourisme en Europe, en France. Ah non! on ne voulait pas nous répondre. Boum! Deux semaines après, la clé dans la porte. On s'en va vers ça, avec le 2 $, je vous le dis, les ATR vont perdre leur subvention de la part de Tourisme Québec, dans toutes les régions qui ont une ATR. C'est ça, dans trois ans. Je vous le garantis, on va revenir, dans trois ans, ici, et je vais vous dire: Je vous l'avais dit. Mme la ministre ne veut pas nous le dire, elle ne veut pas avertir les gens. Mais, moi, je vous le dis immédiatement, aujourd'hui, le 10 décembre 1996, à l'Assemblée nationale, à 12 h 25, que Tourisme Québec va enlever ces montants d'argent là dans toutes les ATR du Québec, à cause du 2 $ qu'on va commencer... ceux qui veulent... Mais ceux qui ne le prennent pas vont avoir un autre problème. Alors, des gens avertis... Comment on dit ça? Des gens avertis en valent deux? Mme la ministre, on les a avertis.

L'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine de Québec. Hum! Mme la ministre n'était pas vraiment d'accord avec ces gens-là. Eux autres, ils ne sont pas prêts, ils veulent absolument consulter. À Québec, ce n'est pas seulement le Château Frontenac, Le Concorde, le Hilton, l'Auberge qui contrôlent le tourisme. Tous dans le Vieux-Québec, tous les gens, comme moi, qui demeurent dans ce coin-là, tous les petits hôtels, les petites auberges qui chargent 40 $ par soir, à 2 $, le pourcentage est plus élevé, c'est 5 % au lieu de 2 % ou 3 %. Ces gens-là sont contre ça. Ces gens-là, l'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine, veulent avoir le temps de consulter totalement les gens de Québec. Et Dieu sait qu'au Québec, Québec, c'est probablement la place, sans rien enlever à d'autres régions du Québec, une place qui est très attrayante pour les touristes de l'extérieur, il ne faut pas s'en cacher; le Vieux-Québec, on va au Mont-Saint-Anne, on va à Charlevoix qui est proche, les environs. Et on veut enlever... Ça peut être difficile pour ces gens-là, et la détaxation aussi, pas seulement le 2 $, des forfaits de deux soirs et plus qu'on veut remettre et faire payer par les Québécois et les Québécoises.

(12 h 30)

Ces gens-là se demandent qui va administrer le Fonds de partenariat touristique et à quel coût, comme on mentionnait tantôt, comment se fera le transfert des sommes d'argent aux ATR, à quels projets servira le Fonds de partenariat touristique, événements, infrastructures, projets privés, projets publics. Va-t-il servir à financer des projets pouvant concurrencer les établissements touristiques actuels? Est-ce que le fonds va être dédié à la gestion d'équipements déjà construits, exemple centres de congrès, ou à la promotion de ceux-ci? Est-ce que l'accès au Fonds de partenariat touristique sera lié à la participation d'une ATR à la collecte d'une taxe spécifique sur l'hébergement? Par exemple, est-il possible que deux ATR puissent partager à elles seules le Fonds de partenariat, si elles sont les seules à appliquer une taxe d'hébergement? Quelles sont les sommes retenues par le gouvernement du Québec pour gérer cette nouvelle taxe? Comment seront calculés les frais administratifs de cette nouvelle taxe et de quel ordre seront-ils? Quel lien existe-t-il entre l'ancien crédit touristique et le nouveau Fonds de partenariat? Outre les 10 000 000 $ qui proviennent des taxes des forfaits, d'où proviendra le reste du Fonds de partenariat touristique, M. le Président?

L'impact. Est-ce qu'on a une étude d'impact financier de cette taxe? Mme la ministre trouve ça drôle. Est-ce qu'on a une étude? C'est caché; on ne veut pas le voir. C'est important. Pour une fois, le tourisme pourrait être ensemble; pour une fois, le forum... Et je dois féliciter Mme la ministre de l'idée du forum. Pendant qu'on apprenait à parler l'espagnol, on a eu l'idée d'organiser un forum au Québec, très important. C'est la première fois, la première chance qu'on a – en tout cas, moi, depuis que je suis à Québec, sept ans et demi – que quelqu'un amène sur la table de se rencontrer tous ensemble, le tourisme.

Mais ça, avant de passer une loi, il faut absolument que les gens se regroupent ensemble pour vraiment prendre les points, les bons points, et revenir sur la table avec la loi que les gens du tourisme vont travailler ensemble pour le développement et la promotion. C'est ça qu'on devrait faire, M. le Président, et c'est ça que les gens demandent du tourisme. C'est pour ça que la plupart des gens étaient en faveur, oui, pour le fonds. Mais la recette magique, c'est d'avoir le forum avant et de revenir ici au mois de mars, avoir une vraie loi sur le tourisme et partir de là, à partir du 1er avril, pour compétitionner, comme Mme la ministre disait tantôt.

L'UMQ. Cette mesure soulève des inquiétudes et des déceptions chez les membres de l'Union des municipalités du Québec, à cause des sommes qui sont perçues sur leurs territoires et des municipalités qui investissent beaucoup, par leur office du tourisme, pour la promotion du tourisme dans chacune de leurs régions, dans chacune des régions. L'UMRCQ, eux, leur position est très directe par Mme la présidente, Mme Simard. Ces gens-là veulent prendre l'argent de ce 2 $ là et le redistribuer aux offices du tourisme et des congrès via leurs MRC.

Alors, voilà, M. le Président, une partie des mémoires qui ont été déposés en consultation, que les gens du tourisme, les gens qui s'occupent vraiment du tourisme... leur inquiétude envers la loi n° 76, une inquiétude dans le sens qu'on veut vraiment consulter avant de passer la loi, et un peu, nous, du côté de l'opposition, nous voulons aller au forum avant que cette loi soit déposée.

Avant de terminer, il y a un point que j'ai mentionné depuis que M. le chef de l'opposition m'a demandé d'être le porte-parole du tourisme, c'est le capital de risque, M. le Président. Étant moi-même homme d'affaires et propriétaire d'un bar, si vous voulez, d'une disco depuis 25 ans bientôt, tous les gens qui travaillent côté touristique, côté hôtel, côté restauration n'ont absolument aucun endroit où aller s'asseoir pour développer ou augmenter, si vous voulez, ces revenus de la construction, de la rénovation. Les banques, les caisses populaires, quand on va les voir, c'est un non catégorique. Si vous voulez avoir un emprunt de 100 000 $, vous êtes obligé de donner des garanties de 300 000 $ ou de 400 000 $ pour un hôtelier, un restaurateur, un propriétaire d'auberge, un propriétaire de motel.

C'est un point qui est très important, et j'y tiens, M. le Président. Et j'espère que, dans le 20 000 000 $ qui est sur la table, une partie avec la détaxation aussi, au lieu de prendre 10 000 000 $ et de l'envoyer dans le fonds consolidé, suite au sommet de l'emploi à Montréal, on en profite, une fois que la loi et une fois que les gens du tourisme... On doit prendre une partie de ces argents-là et avoir un capital de risque pour aider à développer. Si on veut avoir du tourisme, on doit les recevoir en sécurité premièrement, c'est important. Les règlements n'ont jamais été mis encore; la loi n'a pas été déposée. On doit prendre une partie de ces argents-là pour aider à développer le tourisme au Québec, aider ces gens-là, ces personnes d'affaires à développer leurs propres auberges, les petits motels dans chacune de nos régions, les restaurants. On n'en a pas, de fonds pour ça.

Alors, M. le Président, il faut, au forum, discuter de capital de risque pour aider à recevoir tous ces touristes-là. Si on veut compétitionner avec les autres provinces, on doit aider aussi les gens qui reçoivent ces touristes-là, aider à rénover ou à améliorer et à créer des emplois, comme on le mentionne depuis deux ans ici. Je pense que la base de tout ça, c'est: si on investit, nous allons créer des emplois, le côté des revenus va augmenter et la richesse du Québec va augmenter.

Alors, M. le Président, l'opposition officielle est en faveur d'une plus grande prise en charge par le milieu et de l'autodiscipline, mais pas à n'importe quel prix, et en toute transparence. En voulant adopter trop rapidement ce projet de loi, la ministre fait preuve d'un manque de transparence. Pourquoi la ministre ne laisse pas le forum se tenir, ce forum qui permettra d'ailleurs d'établir une stratégie d'avenir en matière touristique? En fait, de la façon dont on procède, on ne sait pas où le fonds s'inscrira dans toute cette stratégie à définir.

Je le répète, nous n'avons rien contre le fait que soit instauré un fonds dédié à la promotion et au développement touristique, comme le souhaite l'industrie. Nous sommes, par contre, entièrement en désaccord avec le détournement de 10 000 000 $ dans le fonds consolidé. C'est tout à fait inacceptable. Nous ne pouvons accepter que ce fonds permette au gouvernement de garnir ses coffres avec au moins 10 000 000 $ provenant des visiteurs et des poches des Québécois eux-mêmes. Il ne faut pas perdre de vue que c'est encore les contribuables québécois qui vont payer, que c'est une taxe, une autre de plus, qui a été imposée aux Québécois et aux Québécoises, qui en ont déjà assez. Ces derniers n'en peuvent plus, ils plient sous le fardeau de taxes imposées par ce gouvernement. On n'a qu'à penser à l'augmentation de la facture de l'électricité, 2,5 %, à l'augmentation du coût du permis de conduire, de l'immatriculation, à l'instauration d'une taxe sur les médicaments.

En terminant, je réitère notre accord sur le principe, Mme la ministre, de mettre en place un fonds dédié à la promotion et au développement touristique. Toutefois – toutefois – nous demandons à la ministre, et ce, en faisant appel au gros bon sens, de poursuivre l'étude de cette pièce législative après son forum de l'industrie touristique. Je le répète, il en va du gros bon sens et surtout du meilleur intérêt de l'industrie touristique québécoise et de l'ensemble de la collectivité. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Papineau. Je vais reconnaître un autre intervenant, M. le député de Rousseau.

Une voix: De Bertrand.

Le Président: Bertrand. Je m'excuse. M. le député de Bertrand.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Je suis d'abord fier de prendre parole sur un projet de loi qui va avoir effet sur un comté que je représente et qui est exclusivement touristique. Et, avant de prendre parole, comme je fais d'habitude, comme, j'imagine, vous faites dans votre comté, j'ai appelé deux, trois hôteliers. Il n'y a pas meilleure façon d'être un bon porte-parole que d'appeler les personnes qui vont avoir à vivre avec ce genre de projet de loi. Et je vous citerai tantôt leurs réponses.

Mais, juste avant, je veux juste rappeler ma très grande déception lorsque le nouveau premier ministre a pris les commandes du Parti québécois et du gouvernement. Dans son discours d'ouverture, on n'a même pas prononcé le mot «tourisme», même pas. Aucune orientation sur le mot «tourisme», sur l'industrie économique, quand on sait que l'industrie du tourisme est génératrice d'emplois et – je ne suis pas un spécialiste en statistique – je pense, le deuxième générateur d'emplois au Québec. Même pas une parole du nouveau premier ministre sur l'industrie du tourisme.

Aujourd'hui, on a un projet de loi – et j'étais fier, j'ai dit: Enfin un projet de loi sur le tourisme! – mais un projet de loi qui taxe. Bien entendu, M. le Président, on commence à comprendre le jeu puis les citoyens aussi commencent à comprendre le jeu du Parti québécois, lorsqu'on regarde les objectifs d'un projet de loi. Les objectifs du projet de loi, c'est louable. Comme mon collègue et responsable du dossier disait: Que le monde touristique se prenne en charge, bravo! Ça, c'est la vertu. Ça, c'est l'orientation. Mais, dans la plupart des projets de loi du gouvernement du Parti québécois, l'objectif est louable, mais la mise en place et la réalisation sont tout à fait le contraire.

(12 h 40)

Le résultat de mes hôteliers, c'était non. Pas non à se prendre en charge; c'était non à payer une taxe sans savoir qui va l'administrer, ce qui va arriver, s'il va y avoir des retombées pour ces gens-là. Et je vous dis bien – ces hôteliers-là sont dans le comté de Bertrand, sont en région: Pas contre la prise en charge; contre une taxe pour laquelle on ne connaît pas les aboutissements. Comment voulez-vous que ces gens-là aient confiance en la ministre, qui nous dit: Écoutez, payez, après ça on va vous consulter dans un forum, puis, une fois que vous allez avoir payé, on va vous dire où va aller votre argent? C'est exactement ça.

Regardez, je vais vous donner d'autres exemples, M. le Président. Comment voulez-vous que le monde du tourisme croie ce monde-là? L'aide juridique. L'aide juridique, c'était fait... Oui, je prends cet exemple-là parce qu'il faut que le monde du tourisme... Parce que, quand on parle de partenaires, le mot «partenaires», ça veut dire deux personnes qui décident de réaliser des choses positives pour l'industrie. Mais, dans le vocabulaire du Parti québécois, le mot «partenaires», c'est un qui dicte puis l'autre qui réalise.

Je vois arriver le ministre des Affaires municipales, c'est exactement le bon cas. Il dicte aux municipalités qu'il faut se renforcir, se fusionner, puis, si ça ne fait pas l'affaire des municipalités, il va fort probablement – il ne l'a pas fait encore – dicter la ligne de conduite. C'est ça, le partenariat dont ces gens-là nous parlent. C'est exactement ça.

L'aide juridique, c'était fait pour aider les citoyens; les avocats disent le contraire. L'assurance-médicaments, c'est fait pour aider un plus grand nombre de personnes; ce n'est pas encore évident. Je vois le ministre de l'Agriculture, le droit de produire. Bravo sur les intentions! Les résultats: négatifs lorsqu'on le met en application. Les municipalités, dont le ministre est ici aussi, la fusion chez nous, dans le comté de Bertrand, tout le monde l'a refusée. Pourquoi tout le monde l'a refusée? Parce qu'il n'y a aucun avantage pour les citoyens. Et ce que le député de Papineau disait tantôt, c'est exactement: Est-ce que ça va donner des répercussions positives à l'industrie touristique? Bien, là, on a des doutes.

Moi, l'hôtelier me disait ce matin: Donner 2 $ pour qu'il y ait une promotion efficace, pour qu'il y ait des retombées, bravo! Mais je n'ai pas la certitude de ça. Pourquoi la ministre est tant pressée de déposer... Puis ils sont pressés de collecter des sous, c'est incroyable. Ce matin, on a fait la preuve... Oui, ils sont pressés, dans tous les domaines. Autant à l'aide juridique, autant dans n'importe quoi, on dépose une loi pour économiser et non pour améliorer le vécu des citoyens. C'est ça.

Le premier ministre s'était engagé au Sommet dans le sens que, pour chaque loi qui serait déposée, il y aurait en annexe les impacts financiers. Le député de Papineau l'a bien dit: Quels sont les impacts financiers? Mme la ministre doit avoir ça, les impacts financiers d'une telle loi. Mais l'impact financier est simple, M. le ministre, M. le Président – je m'excuse, je vous ai nommé ministre, mais c'est de la même catégorie – Tourisme Québec va se retirer. Absolument. Qu'on soit donc assez honnête et transparent pour dire au monde touristique – qui est habitué, d'ailleurs, à se prendre en charge: Écoutez, le gouvernement du Québec n'a plus l'argent, et ces gens-là vont s'y préparer. Mais non pas leur faire accroire qu'ils vont devenir partenaires. Avez-vous déjà vu un partenaire, vous? Je vois le député de Charlevoix qui va sûrement en parler avec plaisir, parce que ses hôteliers vont se faire collecter un 2 $ par nuitée, c'est-à-dire quatre personnes, deux personnes, deux fois 2 $, puis on multiplie tout ça. Ici, on n'a même pas la certitude de comment ça va se faire.

Donc, pourquoi la ministre ne dépose pas les impacts financiers d'un tel projet de loi? Il me semble que le premier ministre l'a dit: Maintenant, on ne fera plus de loi lorsque l'étude d'impact ne sera pas réalisée ou déposée. Si l'impact est positif, si l'impact favorise le monde du tourisme, on va voter avec vous, Mme la ministre. Mais il y a toujours quelques petites cachotteries, et cette petite cachotterie, à un moment donné, on se fait dire après... Parce qu'on a essayé de faire définir... Puis regardez les résultats. On a essayé de faire définir au premier ministre c'est quoi, le mot «équité». Je peux vous dire que, dans la définition, il est bon, mais, dans les faits, lorsqu'on regarde les faits et la définition, c'est tout à fait le contraire.

Je ne veux absolument pas faire tout l'étalage des nouvelles taxes, mais, écoutez, on veut tarifer déjà une taxe, mettre 2 $ sur la taxe. Et, quand le premier ministre a déjà dit qu'il n'y aurait plus d'augmentation de taxes... Puis, écoutez, ici, je pense que c'est les gens du tourisme, ce n'est pas un parti politique qui le dit. En instituant une taxe spécifique, liée à des fonds dédiés, le gouvernement s'écarte considérablement de la politique fiscale et va entièrement à l'encontre des recommandations de la Commission sur la fiscalité. Moi, ma crainte, et elle est justifiée jour après jour... On fait des commissions, on fait des sommets, on beurre les journaux de bonnes intentions, mais, dans les faits, c'est tout à fait le contraire. Comme mon collègue le disait, ce n'est pas le 2 $, c'est l'escalade du 2 $, le pourquoi du 2 $, puis le résultat du 2 $.

Et vous savez qu'on est... Puis, peut-être que, fort probablement, la ministre du Tourisme le sait très bien, la ministre déléguée au Tourisme le sait très bien. Il y a une compétition féroce dans le domaine de l'hébergement, et au niveau régional et au niveau provincial, mais au niveau d'autres pays aussi. Quand ça devient moins cher d'aller dans d'autres pays que de rester dans notre province, je peux vous dire qu'ils ont une compétition féroce. Et on ne se pose même pas la question qu'on peut nuire, justement, à l'expansion, sous l'étiquette d'un voeu qu'il va y avoir un fonds, qu'on va mieux annoncer notre produit puis qu'on va le vendre mieux. Mais, si le produit n'est pas compétitif par rapport à d'autres produits, on ne le vendra pas, peu importe l'annonce qu'on fait, peu importe la publicité qu'on fait.

Donc, M. le Président, je pense que la ministre aurait dû puis devrait attendre le forum. C'est une première. Moi, je vous avoue que mon collègue, bien gentiment, a salué l'initiative d'un forum. Bravo! Mais, moi, je ne leur fais pas confiance. Ils ont toutes sortes de rencontres comme ça que j'appelle la «salle de maquillage». On fait toutes sortes de sommets, de rencontres, on maquille les événements, puis il ne se passe rien. Un jour ou l'autre, on voit l'individu sous sa vraie nature.

J'aurais peut-être, à ce moment-ci, une question de directive: Ça se termine à 13 heures? Non, c'est parce que je veux juste voir s'il y a d'autres collègues qui veulent intervenir.

Une voix: ...

M. Thérien: Ah bon! Ma collègue me dit... Parce que je souhaite que ma collègue de Montréal, qui est responsable de la région de Montréal, puisse intervenir, mais elle me dit qu'elle va intervenir plutôt à 15 heures, et on l'écoutera, on va s'enrichir de ses propos, et j'imagine que la ministre déléguée aussi va le faire.

Donc, il y a des gens qui sont venus pendant deux jours à la commission parlementaire et qui ont indiqué clairement à la ministre que son objectif est louable mais qu'elle serait mieux de retarder puis d'attendre le forum. Peut-être qu'au forum il va y avoir des orientations qui vont changer, des principes qui vont changer. Je l'ai dit hier dans cette même Chambre au ministre de la Justice: Attendez donc les consultations avant de voter le principe, parce que les consultations orientent nécessairement les principes.

(12 h 50)

Une des questions d'un mémoire – puis c'est une question fondamentale – le mémoire présenté par le Regroupement de l'hospitalité québécoise, l'Association des hôteliers, ainsi de suite: Pourquoi ne pas avoir inscrit dans le projet de loi la définition des activités touristiques qui deviendraient admissibles? Ça, ça veut dire qu'on ouvre la porte à collecter toutes sortes de choses. On a besoin d'argent, on a de l'appétit, on taxe délibérément. Pourtant, c'est facile. La ministre doit être au courant que c'est facile de définir pour quelles activités on veut taxer, on veut faire participer. Je vais enlever, même, le mot «taxe». Pour être le plus positif possible, je vais enlever le mot «taxe» pour dire «de contribution». Pourquoi la ministre ne le fait pas? Et ce qui est fondamental aussi: Le gouvernement veut-il se donner un chèque en blanc pour percevoir de l'argent et en autoriser les sorties?

Écoutez, il y a un problème majeur. Le gouvernement veut percevoir de l'argent, pas l'argent à lui, l'argent des industries du tourisme. Par contre, c'est le gouvernement qui va autoriser les sorties. Expliquez-moi ça, vous. Expliquez-moi en quoi les gens de l'industrie sont partenaires. Ils paient, puis ce n'est même pas eux qui vont autoriser les sorties; c'est la ministre, c'est le gouvernement.

Bien, moi, je ne leur fais pas confiance. Je ne leur fais pas confiance, non, comme mes hôteliers ce matin qui disaient: Au moins, les sorties d'argent devraient être autorisées par nous. Bien oui! C'est eux autres qui paient. Ils paient pour être partenaires. Parce que je pense que, quelles que soient les régions du Québec, quels que soient les partis politiques qui vont parler, on souhaite tous que le monde touristique soit en développement, on souhaite tous que le monde touristique performe. Là, on les fait payer, puis ces gens-là n'ont même pas l'autorité de savoir quoi faire avec leur fonds. Je vais vous dire une affaire: C'est le monde à l'envers. Et tout ça maquillé au point de dire: On veut faire un partenariat avec le monde touristique. M. le Président, être partenaires, c'est plus que ça.

Ces mêmes gens là disaient: Est-ce normal de charger une taxe sur une taxe? Écoutez, on avait déjà dit qu'on ne mettait pas de taxes supplémentaires, mais là on taxe une taxe. Imaginez-vous! On est rendu loin. Et là on est juste à la troisième année du mandat; la quatrième année, on va taxer la taxe de la taxe. C'est exactement ça qu'on va faire. Et il y a des gens qui sont à l'aise avec ça de l'autre bord. Ce n'est pas grave, on paie, il y a des gens pour payer. Mais c'est le résultat.

Ce matin, à la période des questions, le collègue responsable, le député de Richmond, parlait des régions et du taux élevé de chômage. On s'est levé de l'autre bord et on a dit: On fait des efforts. C'est beau faire des efforts, mais ça prend des résultats. Et il n'y en a pas, de résultats, M. le Président. C'est ça qui est gênant. La ministre nous dit: Vous allez payer 2 $ par nuitée – et on ne sait pas trop si c'est par nuitée, pourcentage, et ainsi de suite. Et elle nous dit: Je vais avoir des résultats. Bien, on peut douter. On peut douter. Si vous étiez à la première année ou même au premier mois du mandat, parfait. Ça fait au-delà de deux ans que vous êtes là, et les résultats ne sont pas tangibles. Les chiffres ce matin, on parlait de la Mauricie, de l'Estrie, quand on parlait des régions: des bonds de 2 % à 3 % de chômage. Quand on voit que, dans d'autres provinces, ces gens-là ont réussi à réduire le chômage! Le chômage, c'est une façon tangible de percevoir si les actions gouvernementales ont été concrètes, se sont réalisées, si les voeux pieux égalent des actions.

Et, si je passe, M. le Président, à d'autres groupes, je pense aux Associations touristiques associées du Québec qui, eux, sont très mitigés aussi. Ils disent: Plusieurs questions demeurent sans réponse – ça, c'est après les deux jours – nous ne pouvons pour l'instant préciser notre position en ce sens. Ça veut dire que cette association-là veut participer. Elle pose des questions à la ministre et elle n'a pas de réponses. Même l'association, dans un esprit positif dit: On n'est pas contre, là, mais on n'est pas capable de donner de position, on n'a pas de réponses.

Écoutez, les questions qui se posent. La notion d'hébergement comprend quel type d'établissement? On n'a même pas défini ça. Le montant ou le pourcentage doit-il être indiqué séparément sur la facture? Ça a l'air anodin ça, mais ça ne l'est pas. C'est une question pratique, d'efficacité.

Il y a des gens de l'autre bord qui se sont levés à maintes reprises disant que c'était trop compliqué au Québec, qu'on va réduire tout ça. Mais là on ne réduit pas ça, on rajoute quelque chose. On rajoute quelque chose dont on n'est même pas capable de savoir si le montant ou le pourcentage va être indiqué séparément sur la facture. Le coût sera-t-il un montant fixe de 2 $ ou un pourcentage sur les tarifs des chambres?

Et une question que le député de Papineau a posée tantôt: Combien le ministère du Revenu va-t-il garder à titre de frais administratifs? On sait qu'ils sont gourmands. On va collecter 2 $ puis il va y en avoir juste 50 % ou 75 % ou 40 % qui va aller directement à la promotion? C'est la question qu'on se pose, M. le Président. Et c'est la question à laquelle la ministre ne peut pas répondre ou ne veut pas répondre. Est-ce qu'elle va répondre, au forum? Si on se fie aux réponses qu'elle donne à la période de questions, on ne peut pas s'attendre à beaucoup de réponses.

L'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine de Québec, de nombreuses questions. Eux aussi sont venus deux jours... Vous savez comment ça se passe, une consultation, l'atmosphère est toujours bonne. Ce n'est pas une loi. Une consultation, M. le Président, les gens viennent parler, ils viennent parler avec le gouvernement, ils viennent parler avec la ministre, ils viennent parler avec l'opposition. Et, même après ces deux jours-là, les questions demeurent sans réponse.

Donc, vous m'indiquez que mon temps s'écoule, qu'il est presque écoulé. Je vous dis, M. le Président, que... Le député de Limoilou voudrait parler fort probablement sur sa position de taxation sur le 2 $. Ça me fera plaisir de l'écouter... pas Limoilou, excusez-moi, je me suis trompé de comté. Je m'excuse envers mon collègue, je me suis trompé de comté.

Certaines réactions pour vous dire, M. le Président, que la ministre aurait avantage à faire son forum puis, après, à demander aux vrais partenaires d'être des partenaires actifs pour la promotion du tourisme au Québec. Merci.

Le Président: Très bien. Alors, après cette intervention du député de Bertrand, nous allons suspendre le débat et nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 9)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons reprendre à l'article 10 le débat que nous avons entrepris avant le dîner. Mme la leader adjointe, vous avez une intervention?

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

(15 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Je vous demande de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 63


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 6, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. M. le ministre des Affaires municipales, je vous cède la parole.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président, donc, d'appeler – pour employer l'expression courante – le projet de loi n° 63, la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Ce projet de loi vise d'abord, en tout premier lieu, à mieux instrumenter les municipalités, et il faut revoir ici, à cette première étape du véritable débat, la possibilité que le secteur privé puisse, à l'intérieur de balises extrêmement strictes, de balises extrêmement précises, oeuvrer dans le champ de la production et de la livraison de services publics municipaux.

Alors, M. le Président, il faut se rappeler le processus que nous avons utilisé. À l'automne de 1995, l'ex-ministre des Affaires municipales et député de Joliette avait introduit un avant-projet de loi sur la possibilité d'avoir des sociétés d'économie mixte dans le monde municipal. Un avant-projet de loi parce que nous sommes à franchir une étape extrêmement importante dans l'instrumentation du monde municipal pour mieux produire à moindre coût et au bénéfice des citoyens des services publics qui relèvent du niveau municipal, du niveau local. Donc, l'ex-ministre, au nom du gouvernement, tout en indiquant que nous désirions aller de l'avant, a indiqué que nous allions d'abord déposer un avant-projet de loi. Et un avant-projet de loi appelle des consultations larges, M. le Président, et c'est ce qui m'a été amené de discuter, et c'est ce qui m'a amené, donc, en commission parlementaire en mars dernier, quelques semaines après la désignation d'un nouveau titulaire au ministère des Affaires municipales, pour entendre tout près d'une trentaine de groupes représentant différentes catégories de travailleurs, d'associations, de partenaires intéressés dans cette nouvelle formule venir nous indiquer, à l'égard de l'avant-projet de loi qui avait été déposé, quels sont les éléments que nous devrions réviser, que nous devrions renforcer, sur lesquels nous devrions insister. Il y a des gens qui nous ont également dit évidemment les aspects les plus novateurs que nous retrouvions dans ce projet de loi pour l'économie québécoise. Et c'est dans ce sens-là, donc, qu'on a entendu une trentaine de groupes de toutes espèces d'horizons à l'égard de la possibilité que nous donnions un cadre législatif pour établir des sociétés économiques dans le secteur municipal au Québec.

M. le Président, le projet de loi qui est devant nous est donc le résultat de cet avant-projet de loi: des consultations larges qui ont eu lieu et qui nous ont amenés à prendre un certain nombre de décisions. Des consultations larges, dans le domaine du monde municipal comme dans d'autres domaines, cela ne veut pas dire que quelque chose qui nous est indiqué à l'égard de certaines dimensions d'un projet de loi, c'est automatiquement retenu. Mais il y a un bon nombre d'éléments que l'on doit retenir, parce que généralement, et ça a été le cas en rapport avec cet avant-projet de loi, les intervenants sont les intéressés, les acteurs, ceux et celles – pour employer un anglicisme, M. le Président – qui vont faire avec, qui vont travailler avec cet instrument. Parce qu'il ne s'agit pas, pour le gouvernement du Québec, à l'égard du monde municipal, de mettre sur pied des sociétés d'économie mixte, c'est plutôt un cadre législatif pour s'habiliter, pour donner le parcours, le processus qui va nous amener à l'établissement de sociétés d'économie mixte dans le monde québécois, en particulier au niveau des services municipaux.

M. le Président, le projet de loi s'inscrit aussi dans une tendance, une tendance continentale, puisque cette formule des sociétés d'économie mixte est expérimentée et est actuellement utilisée dans un bon nombre de pays. Les expériences ou les législations à cet égard les plus connues sont les expériences françaises, de la Belgique et de l'Angleterre. Il y a aussi l'Allemagne qui, jusqu'à un certain point, utilise cette formule. Tous ont évidemment une même base de principe, c'est, en matière de production et de livraison de services publics, peu importe le niveau: Est-ce qu'on peut faire intervenir l'entreprise privée avec des règles spécifiques qui ne soient pas les règles de l'administration publique, eu égard au secteur dans lequel on oeuvre, municipal, scolaire, au niveau national ou encore qui oeuvre à titre de secteur privé dans la production des services municipaux, dans le sens où, oui, des administrations locales peuvent confier, par contrat de répartition, la responsabilité de la production et de la livraison de certains services publics, moyennant évidemment rémunération et rétribution à l'égard des règles du secteur privé, pour produire ces services municipaux mais par contrat?

Cette tendance dans le monde occidental, qui est plus ou moins utilisée avec un certain nombre de résultats qu'il faut bien évaluer et qu'il faut précautionneusement regarder, M. le Président, c'est l'introduction d'une nouvelle formule: le secteur privé qui s'introduit dans le secteur public des services municipaux, mais à l'intérieur d'un certain nombre de règles. C'est l'objet du projet de loi en matière de société d'économie mixte.

On a procédé à de vastes analyses, à beaucoup de consultations et également, évidemment, à beaucoup de recherches sur l'expérience des autres pays et on ne réinventera pas la roue tous les matins, M. le Président. Si on pense que cette formule peut être profitable pour les citoyens d'abord, il faut s'inspirer des expériences étrangères en pareille matière, ne pas commettre les mêmes erreurs – si tant est que nous puissions déceler des erreurs dans les formules des autres pays – se donner des balises extrêmement sévères quant au ministre responsable, suffisamment sévères pour s'assurer de la protection des intérêts des citoyens, qui ici, le cas échéant, sont des contribuables au niveau municipal, et faire en sorte que ces balises nous permettent d'obtenir le résultat escompté et que nous puissions, au meilleur de notre connaissance, avec tous les éléments que nous pouvons connaître sur la situation, éviter quelque effet pervers que ce soit pour en arriver à ne pas atteindre, à cet égard, les objectifs originellement poursuivis au niveau de la production et de la livraison des services publics.

Il était donc, M. le Président, pleinement justifié, à mon avis, de privilégier le dépôt d'un avant-projet de loi plutôt que de procéder directement et plus rapidement avec un projet de loi. Le sujet n'était pas facile; on se trouvait à innover en ouvrant un volet nouveau dans notre droit municipal. Il y avait donc lieu de faire place à un débat où les personnes intéressées auraient l'occasion de se faire entendre. Je dois dire que j'ai beaucoup appris de ces mémoires et des entretiens avec les participants, lesquels sont venus nombreux, puisque 24 des 27 mémoires déposés ont été présentés par leurs présentateurs, évidemment, devant la commission parlementaire, il faut le noter ici. Et j'ai apprécié leur franchise et pris bonne note de leurs préoccupations et de leurs suggestions. Cette consultation s'est avérée d'une aide précieuse. Elle a permis de découvrir qu'à travers la diversité des intérêts représentés par les intervenants se dégageait un appui solide à l'option d'un partenariat entre le secteur public et le secteur privé.

La conjoncture économique, M. le Président, dans laquelle nous nous trouvons actuellement n'est pas étrangère à l'intérêt que le gouvernement manifeste à l'égard du partenariat qu'on l'on pourrait développer entre le secteur public et le secteur privé. Cette idée de permettre aux instances municipales de s'impliquer dans des sociétés d'économie mixte – comme on les désigne plus familièrement, les SEM – constitue une façon parmi d'autres de développer un tel partenariat.

Comme c'est le cas pour les particuliers, pour les entreprises et même pour les gouvernements, divers facteurs contemporains limitent de plus en plus de façon importante la marge de manoeuvre des municipalités. Je réfère ici évidemment à des phénomènes comme la faible croissance économique, les changements structurels des économies, le remboursement des dettes nationales, les rationalisations budgétaires et évidemment la stagnation des revenus des particuliers. Je voudrais, à cet égard, dire quelques mots sur le cheminement qui nous a conduits à proposer cette forme de partenariat entre les municipalités et les entreprises privées comme une façon moderne et efficace de gérer certains services publics.

(15 h 20)

M. le Président, parlons du contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi qui va faire du droit nouveau dans le monde municipal. Bien que les municipalités présentent des bilans financiers relativement satisfaisants, leur marge de manoeuvre devient de plus en plus étroite. Les contribuables réagissent de plus en plus aux hausses de taxes et sont mieux organisés d'ailleurs non seulement pour s'y opposer, mais pour faire comprendre que nous devons tout mettre en oeuvre pour travailler sur la réduction des dépenses et non plus travailler sur une augmentation des revenus via les différents moyens qui sont à la disposition des gouvernements, à quelque niveau que ce soit. La situation est assez claire à cet égard-là.

Les municipalités doivent s'attendre, dans les prochaines années, à assumer des responsabilités nouvelles et accrues, au sens où le principe de la subsidiarité est un courant largement partagé maintenant, où la réalisation des actions, la livraison des programmes doit s'effectuer le plus près possible du lieu où sont soit les consommateurs, soit les usagers, soit les personnes qui peuvent organiser les services, parce que, livrés de cette façon à partir de ce lieu, eh bien, ça amène des économies et surtout de l'efficacité au niveau de la production et de la livraison de ces services.

Ces municipalités, elles vont devoir fournir de nouveaux services pour lesquels elles ne posséderont pas toujours une expertise appropriée. Elles devront trouver d'autres façons de produire des services municipaux et surtout de réaliser des programmes de renouvellement de leurs infrastructures. Elles ne pourront pas ou ne pourront que difficilement s'engager seules pour remplir leurs obligations et concrétiser leurs projets majeurs. Les façons de faire qui hier pouvaient nous apparaître insensées, lorsqu'elles sont étudiées dans un esprit dégagé de préjugés puis appliquées adéquatement, nous surprennent par des résultats qu'elles peuvent apporter aux problèmes qui nous semblaient peut-être sans issue à l'époque.

À titre d'exemple, on est arrivé à la conclusion, lors des discussions sur la décentralisation, que l'aide à la petite et moyenne entreprise et à l'entreprise en phase de démarrage pouvait être mieux utilisée si elle était gérée par le palier régional ou le palier local. Dire cela aujourd'hui nous semble une chose tout à fait raisonnable, dans l'ordre des choses, mais cela n'a pas toujours été le cas. Et on sait aujourd'hui que l'aide qui provient du milieu et qui est apportée à des jeunes entrepreneurs et qui est administrée par le milieu local, on pourrait dire, est plus profitable parce qu'elle responsabilise davantage le milieu, qui fait confiance, par exemple, à de jeunes entrepreneurs pour en arriver à développer les entreprises.

Alors, dans ce contexte, il est une somme d'idées reçues qui doivent d'abord, je dirais, subir l'expression de la critique, de l'analyse avant de passer à un stade supérieur de pensée, pour organiser et développer les services publics, en particulier au niveau local. Et le mode de pensée qui était peut-être adéquat il y a cinq, 10, 15 ou 20 ans passés ne l'est plus, compte tenu des forces, des directions et des éléments avec lesquels nous sommes en présence. Et, pour tout cela, il faut être créatif, il faut avoir le regard porté sur l'avant et ne pas avoir peur de regarder de nouvelles formules. Ne pas avoir peur pour regarder de nouvelles formules, mais, quant à celui qui vous parle, poser des balises suffisamment sévères cependant pour que les résultats escomptés, les résultats recherchés ne soient pas le contraire, au niveau du résultat obtenu, lorsqu'on met en action, lorsqu'on met en oeuvre ces mesures.

On s'entend dans tous les milieux pour dire que tous les intervenants, quel que soit leur champ d'action, sont appelés à faire leur part en matière de développement économique et de création d'emplois. À cet égard, on doit s'intéresser davantage au développement qui émerge des initiatives des communautés locales et qui, par la concertation et la mobilisation des groupes d'intérêts et des individus, donne lieu à la création de microentreprises et de petites et moyennes entreprises qui sont adaptées aux contraintes ou au potentiel des différents milieux. L'implication locale, la preuve en est de plus en plus faite, c'est de plus en plus le fait, ça donne des résultats d'impliquer les acteurs locaux directement le plus près de l'action. Et à cet égard, donc, il ne faut jamais s'empêcher, au contraire, de réfléchir sur de nouveaux paradigmes, de nouveaux paramètres, de nouvelles balises, de nouvelles formules pour mettre toutes les ressources à contribution, pour produire et livrer des services publics de qualité à moindre coût, où le gagnant est toujours le citoyen.

À cet égard, le gouvernement entend donc explorer divers moyens qui permettront aux municipalités de tirer davantage profit des ressources et des capacités administratives et techniques du secteur privé. C'est pourquoi, en plus de la présente ouverture sur le partenariat entre les secteurs privé et public que constituent les sociétés d'économie mixte, il faudra continuer graduellement à mettre à la disposition des collectivités locales et régionales une gamme plus complète de nouveaux outils d'intervention leur permettant de contribuer plus adéquatement à l'effort collectif de développement auquel toutes les ressources de la société québécoise doivent être associées.

À l'égard spécifiquement de ce moyen, de cette nouvelle intervention, de cette nouvelle possibilité qui s'appelle les sociétés d'économie mixte, spécifions pour ceux et celles d'entre nous qui ne seraient pas familiers avec ce nouveau concept que les sociétés d'économie mixte, ce sont des entreprises dont le financement et la gestion émanent à la fois du secteur municipal et du secteur privé et qui se spécialisent dans la production et la gestion de biens et de services publics municipaux. Au départ, ce concept de société d'économie mixte a été développé en France pendant l'entre-deux-guerres pour suppléer à l'inertie de l'entreprise privée en matière de logement, préoccupation immense, on le comprendra, dans cette immédiate période d'après-guerre. Aujourd'hui, ces sociétés sont répandues dans certains pays industrialisés, comme je le disais il y a quelques moments, mais ajoutons à ces pays que j'énumérais tantôt le Japon et l'Italie, qui ont eux aussi de nombreux projets publics qui ont été réalisés grâce à des sociétés d'économie mixte liant la participation du secteur municipal à la participation du secteur privé dans une formule particulière.

Bien que les municipalités et les entreprises privées ne poursuivent pas les mêmes buts – l'objectif des municipalités étant d'offrir des services publics de qualité à leurs citoyens, et ce, au moindre coût possible, celui, par ailleurs, de l'entreprise privée étant d'obtenir le meilleur rendement qui soit sur ses investissements – je crois que les deux partenaires peuvent tirer avantage de s'associer. Cette formule est gagnante, car elle marie la logique de l'entreprise et la préoccupation pour l'intérêt public. Le secret, quant à moi, M. le Président, réside dans les règles qui vont présider à l'établissement de ce partenariat. Pour les municipalités, une telle association leur permettra de profiter de l'expertise développée par leurs partenaires privés grâce à ces investissements passés. Elles pourront également, si elles savent choisir judicieusement leurs partenaires, avoir accès à des méthodes de gestion d'avant-garde et efficaces tout en acquérant une connaissance précise des coûts de production, information qui fait souvent défaut dans les municipalités. On ne peut pas toujours dire que c'est le cas. C'est souvent le fait dans les municipalités. Mais, pour cette catégorie de situations, eh bien, c'est pour cela qu'il faut préconiser la mise au point de nouvelles formules de production, de gestion et de livraison des services publics au niveau municipal.

Par ailleurs, les municipalités pourront obtenir une partie du financement du secteur privé, ce qui leur permettra de réaliser un projet qui n'aurait pu l'être autrement ou encore de devancer la réalisation d'un projet attendu ou simplement de ne pas retarder la réalisation d'un autre projet, faute de capital, faute de fonds, faute de possibilités financières pour réaliser ce projet-là.

Mais, pour qu'une entente réussisse, il faut deux gagnants. Le partenaire privé devra donc, lui aussi, y trouver son compte. Ainsi, le partenariat municipal privé ouvre des champs d'activité nouveaux aux entreprises. Le partenaire municipal est solvable, et le bien ou le service public produit par une société d'économie mixte se caractérise généralement par sa pérennité, donc sa poursuite dans le temps. Ces particularités constituent pour les partenaires privés des garanties contre les risques financiers. Les actionnaires privés pourront obtenir des institutions financières des conditions de financement plus intéressantes que celles qui leur sont habituellement accordées lorsqu'ils agissent seuls. Ces partenaires privés, ils seront liés aux municipalités par des contrats à long terme, ce qui facilite une meilleure stratégie de développement et une meilleure planification des investissements.

M. le Président, avant d'aborder la présentation du modèle québécois de la société d'économie mixte, j'aimerais apporter une autre précision: le gouvernement ne vise absolument pas une privatisation massive des services et des équipements municipaux. Il nous faut en effet procéder avec prudence à cet égard. Les mesures que propose le projet de loi n° 63 tiennent compte de cette réserve et s'inscrivent dans une perspective d'élargissement des modes de gestion des affaires municipales.

(15 h 30)

Je tiens à être très clair à cet égard. La nouvelle formule mise de l'avant, je dirais, vise davantage à assujettir le secteur privé aux règles de production et de livraison des services publics par les pouvoirs publics que l'inverse. Mais soyons extrêmement clairs: le gouvernement, à quelque niveau que ce soit, ne vise absolument pas une privatisation massive des services ou des équipements municipaux.

À l'occasion des consultations particulières que nous avons eues autour de cet avant-projet de loi, j'avais indiqué, M. le Président, à l'égard de toute la question de l'eau, et de l'eau potable en particulier, au Québec... j'invitais toutes les municipalités, de façon beaucoup plus spécifique la ville de Montréal, à agir avec très grande prudence à cet égard, puisqu'il s'agissait là d'éléments qui font partie du patrimoine des Québécois dans chacune des municipalités. Et j'indiquais même que l'invitation à la prudence à cet égard, au niveau municipal, nous allions nous appliquer la même méthode, la même approche, c'est-à-dire davantage de sévérité, davantage de balises, davantage de précisions, peut-être – certains nous le diront – davantage de sévérité dans les conditions, pour permettre au secteur privé d'intervenir avec le secteur public, mais à partir d'un principe, d'une prémisse absolument fondamentale et incontournable: le contrôle du public sur la production de ces services publics à partir d'une formule mixte.

Et, deuxièmement, M. le Président, la règle d'or à placer au tout début de nos travaux et des règles qui vont présider à l'établissement de cette nouvelle forme de partenariat, il faut que le gagnant à tous les points de vue, ce soit le citoyen au niveau municipal. Et, quand on est au niveau municipal, dans le cas qui nous intéresse, il s'appelle un contribuable.

Alors, M. le Président, je veux que cette mise en garde soit bien saisie, qu'elle soit extrêmement claire et que l'on puisse affirmer haut et clair, haut et fort que le modèle québécois de la société d'économie mixte ne vise pas la privatisation; il vise à définir une nouvelle forme de partenariat pour que les citoyens soient gagnants, pour qu'on puisse partager tous ensemble, à partir de là où est l'expertise, là où est l'expérience, les meilleures formules, les meilleures possibilités pour en arriver à produire nos services publics au niveau municipal.

Au Québec, on a déjà adopté d'ailleurs quatre lois privées permettant la création d'autant de sociétés d'économie mixte à titre de projets-pilotes. Je ne pense pas que l'on doive continuer d'accorder ainsi des autorisations à la pièce, d'où la volonté du gouvernement de procéder par une loi-cadre qui permettra de résoudre les quelques difficultés ou les difficultés qui sont apparues dans la mise en oeuvre de ces projets-pilotes, tout en fournissant l'encadrement général et des balises appropriées.

Le projet de loi comme tel, M. le Président, au niveau du modèle. D'abord, la nature juridique du partenariat qui sera permis. La nature juridique des sociétés d'économie mixte reposera sur les règles du droit des compagnies et plus particulièrement de la première partie de la Loi sur les compagnies. Toutefois, cette formule, qui cadre davantage avec le secteur privé, sera assortie de dispositions spécifiques qui mettront également en harmonie ce partenariat avec certains principes et devoirs propres à l'administration de la chose publique: le secteur privé avec le secteur public, le secteur privé dans le secteur public, mais les règles du public qui s'appliquent au secteur privé en lui permettant cette entrée. Parce que, toujours, le contrôle démocratique, le contrôle des citoyens obligatoire à tous les niveaux et à tous les points de vue, c'est un élément essentiel et une prémisse incontournable de notre projet de loi.

D'autres structures de société ont également été analysées relativement à ce partenariat, dont celle de la société en commandite, M. le Président. Cette dernière, dont les règles de constitution et de fonctionnement sont déjà prévues dans le Code civil du Québec, nous éloignerait trop, nous semble-t-il, de la scène administrative leur partenaire municipal, qui, comme commanditaire, ne serait qu'un bailleur de fonds de cette société. D'autre part, le commandité, véritable administrateur de la société, se verrait confronté à une responsabilité envers les tiers en cas de mauvaise administration, ce qui, à notre avis, n'encourage pas cette prise en charge.

L'avantage fiscal inhérent à cette structure juridique de la société en commandite – donc l'avantage fiscal inhérent à cette structure juridique pour les commanditaires, dont serait le partenaire municipal – ne justifie pas l'éloignement du centre de décision que ce type de partenariat occasionnerait. La municipalité, à toutes fins utiles, disparaîtrait du portrait, donc serait trop loin du centre de décision. Or, comme notre prémisse fondamentale est toujours le citoyen, le contrôle démocratique, la majorité de la part du public dans cette forme de partenariat, nous n'avons pas retenu cette forme spécifique de partenariat avec le secteur privé.

Les sociétés d'économie mixte pourront oeuvrer dans tous les domaines d'activité qui relèvent de la compétence municipale, sauf en matière de sécurité incendie, de police. Mais également, M. le Président, toujours au niveau de la sévérité et des balises nécessaires quant aux domaines d'intervention des sociétés d'économie mixte, les sociétés d'économie mixte pourront oeuvrer dans le domaine de l'alimentation en eau potable et de l'assainissement des eaux. Cependant, il y aura une balise extrêmement restrictive: on devra au préalable obtenir l'assentiment du gouvernement par décret de son Conseil des ministres, ce qui suppose donc qu'il y aura débat public, que la question se posera au plus haut niveau. Il y aura possibilité, mais c'est une possibilité qui est extrêmement restreinte et qui accompagne donc l'avertissement de prudence que j'émettais à l'occasion de l'ouverture de la commission parlementaire sur les sociétés d'économie mixte. Et j'ai dit il y a quelques instants que nous allions nous appliquer la même médecine, et voilà le résultat ici, au niveau des services, des activités en matière d'alimentation en eau potable et d'assainissement des eaux: eh bien, on pourra intervenir, mais ce sera sur demande et autorisation spécifique du gouvernement, par décret de son Conseil des ministres.

À ce moment-ci de notre réflexion, M. le Président, cette limitation m'apparaît sage. On aura l'occasion d'en discuter en commission parlementaire, mais c'est donc une prudence que nous nous appliquons. Je conçois mal que les municipalités puissent être autorisées à investir des fonds publics, par ailleurs, pour la production des biens de nature privée ou dans des services que les citoyens veulent maintenir sous la gouverne directe de leurs élus. Alors, possibilité de sociétés d'économie mixte dans les domaines d'activité qui relèvent déjà des municipalités et non pas leur permettre d'intervenir par ailleurs dans le champ de la production des biens de nature privée ou des services que les citoyens veulent maintenir sous leur gouverne directe: sécurité incendie, police ne pourraient faire l'objet de l'établissement d'une société d'économie mixte, et, dans le cas de l'eau potable et de l'assainissement des eaux, autorisation spécifique du gouvernement par décret de son Conseil des ministres.

Qui peut être un fondateur municipal pour la mise sur pied de ces sociétés, M. le Président? Une municipalité locale, une municipalité régionale de comté, une communauté urbaine ou encore tout ensemble formé de ces organismes municipaux peuvent être l'un des fondateurs d'une société d'économie mixte. Ce pouvoir n'est pas accordé aux institutions municipales comme une régie intermunicipale ou un organisme de transport, puisque de tels organismes agissent dans le cadre d'un pouvoir délégué et qu'on éloignerait encore davantage les élus des citoyens. D'ailleurs, lors de l'audition des mémoires en commission parlementaire, ni les organismes de transport en commun ni les autres intéressés n'ont proposé l'élargissement du droit de créer une SEM aux organismes municipaux ou supramunicipaux mandataires.

À l'égard du fondateur privé, maintenant, M. le Président, le projet de loi prévoit aussi qu'au moins un des fondateurs auquel le fondateur municipal doit se joindre pour fonder une SEM doit être une personne qui exploite une entreprise dans le secteur privé ou doit être une compagnie à fonds social qui est mandataire du gouvernement du Québec. Sauf s'il s'agit d'un mandataire du gouvernement, au moins un des partenaires privés devra détenir au moins 20 % du capital-actions de la société d'économie mixte. Cette exigence est apparue indispensable pour témoigner du sérieux de la participation du secteur privé dans la prise en charge d'un bien ou d'un service public.

(15 h 40)

L'avant-projet de loi n'établissait aucune modalité quant au choix du partenaire privé. En commission parlementaire, plusieurs intervenants ont souhaité la mise en place d'un processus qui favorise un grand nombre de candidatures et un cadre d'analyse de propositions qui assure le meilleur rapport qualité-prix. Je partage cette préoccupation pour un processus de sélection transparent et équitable. Aussi, je vais demander que le choix d'un partenaire privé se fasse à la suite d'un appel de candidatures, M. le Président. Et, dans ce contexte, le fondateur municipal sera tenu de publier un avis dans un journal diffusé sur son territoire afin d'inviter toute personne à soumettre son expérience et ses réalisations relatives à la fourniture de biens ou de services reliés aux activités de l'éventuelle société d'économie mixte.

La participation, maintenant, du fondateur municipal au capital-actions de la société d'économie mixte. L'avant-projet de loi prévoyait une participation majoritaire du partenaire municipal à toute catégorie d'actions de la société d'économie mixte. Un grand nombre d'intervenants, lors de la commission parlementaire, ont suggéré de ne maintenir que l'obligation faite au fondateur municipal de détenir en tout temps – et je répète, M. le Président, parce que c'est la clé dans notre projet de loi – l'obligation faite au fondateur municipal de détenir en tout temps la majorité des voix rattachées aux actions votantes de la société d'économie mixte, de façon à contrôler les orientations et les décisions prises lors de l'assemblée des actionnaires. Voilà une manifestation du principe que nous avons énoncé il y a quelques minutes: assujettir l'intervention du privé dans le domaine de la production des services publics aux règles du public pour le secteur privé dans cette intervention à l'intérieur d'une formule mixte. Par ailleurs, on s'est montré favorable à ce que le fondateur privé puisse prendre une participation financière majoritaire dans tous les autres types d'actions, ce qui aurait pour effet de diminuer éventuellement l'effort financier du partenaire municipal.

Quant à la stabilité au niveau des membres du conseil d'administration, puisqu'il nous faut faire, bien sûr, du droit nouveau à l'intérieur de cette formule mixte, lors de la consultation sur l'avant-projet de loi, plusieurs intervenants m'ont demandé de prévoir un moyen d'assurer la poursuite normale des travaux du conseil d'administration d'une société d'économie mixte, lorsque le mandat d'un administrateur élu prend fin parce qu'il cesse d'être membre d'un conseil municipal. Cette préoccupation m'est apparue suffisamment importante pour réviser la règle initiale de l'avant-projet de loi et permettre à une personne qui perd son titre d'élu de continuer à représenter le fondateur municipal jusqu'à la fin normale de son mandat au conseil d'administration de la société d'économie mixte. Le projet de loi prévoit également qu'une personne non élue peut être choisie pour représenter le fondateur municipal au conseil d'administration d'une société d'économie mixte. Mais je me suis par ailleurs assuré que des élus forment la majorité des administrateurs désignés par le fondateur municipal.

Enfin, M. le Président, la partie municipale pourra désigner des personnes autres que des élus au conseil d'administration de la société d'économie mixte, mais, dans cette catégorie de personnes qui représentent le monde municipal, une majorité de personnes devront être des élus, toujours pour conserver le sacro-saint principe du citoyen gagnant de l'administration publique et de l'imputabilité au niveau de ces élus qui auront choisi, par la société d'économie mixte, un nouveau véhicule pour rendre, produire, gérer et livrer des services publics aux citoyens des collectivités concernées.

On m'a également demandé à plusieurs reprises de m'assurer que les citoyens soient informés lors de la création d'une société d'économie mixte et également sur ses activités une fois qu'elle sera constituée. Certains m'ont proposé que les citoyens soient consultés par référendum sur un projet de création d'une société d'économie mixte et qu'un bilan annuel de ces activités soit rendu public dans un journal ou soit présenté par le maire à l'occasion de son discours sur le budget municipal. D'autres m'ont aussi demandé que la transcription des délibérations du conseil d'administration soit transmise aux municipalités partenaires de la société d'économie mixte. Et aussi on m'a demandé que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels s'applique aux sociétés d'économie mixte.

J'ai indiqué précédemment de façon extrêmement claire que le but de ce projet de loi était de concilier les moyens de production du secteur privé avec les préoccupations reliées à l'intérêt public. L'utilisation automatique du référendum comme étape préliminaire à la création d'une société d'économie mixte m'est apparue excessive. J'y préfère les pouvoirs ponctuels du ministre responsable la possibilité d'exiger du fondateur municipal qu'il consulte les personnes habiles à voter sur son territoire lorsque les circonstances l'exigent.

De plus, le projet de loi, et j'y ai tenu, fait obligation d'informer et de convoquer les citoyens à une assemblée publique lorsque la création d'une société d'économie mixte vise une activité qu'accomplissent des salariés du fondateur municipal qui sont visés par une accréditation syndicale. En somme, lorsqu'il y a des employés qui sont déjà à l'oeuvre dans la municipalité et qu'on désire mettre sur pied une société d'économie mixte pour produire et gérer ces services publics municipaux, on devra en informer dès le départ largement le public et singulièrement les travailleurs concernés pour que le débat ait lieu.

En ce qui concerne l'accès aux documents de la société d'économie mixte, je tiens à vous indiquer, M. le Président, que la société sera considérée comme un organisme municipal, donc public, pour l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Ainsi, certains documents provenant de la société d'économie mixte seront accessibles aux citoyens, mais il sera possible à cet organisme de refuser l'accès à certains autres documents pour des motifs que reconnaît cette loi. Assujettir la société d'économie mixte à la Loi sur les documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ne signifie pas que toute l'information de la société soit publique. Il y a des règles qui s'appliquent à l'égard de certaines catégories d'information. Ça va s'appliquer dans ce cas-là, comme ça s'applique pour une municipalité ou un organisme municipal.

En commission parlementaire, par ailleurs, certains ont affirmé que les contrôles, dans l'avant-projet de loi, étaient rigides et trop nombreux. D'autres nous ont dit, au contraire, que ces contrôles étaient insuffisants. Évidemment, ces points de vue reflètent la pensée des porte-parole des organismes qui les expriment. Vu ces divergences, j'ai dû trancher, dans plusieurs cas, et je crois que le projet de loi n° 63 représente un compromis équitable qui assurera d'abord la protection de l'intérêt public, mais qui tentera dans la mesure du possible de ne pas nuire et de favoriser l'introduction du secteur privé dans le domaine de la production et de la livraison des services publics, mais à l'intérieur de balises, je le reconnais, au départ, qui sont sévères.

Comme j'y faisais référence plus tôt, l'évolution du contexte économique dans l'ensemble des pays occidentaux fait en sorte que nous devons procéder à une révision de la façon de livrer les services publics et de stimuler concurremment l'activité économique. En plus de ce défi, nous devons supporter une dette publique qui exigera de nous des sacrifices majeurs, on le voit bien. Si nous voulons honorer nos dettes, préserver nos acquis, continuer à offrir aux citoyens des services de qualité, nous devons faire autrement. Tous les intervenants seront appelés à faire leur part, dont les municipalités. Elles auront à assumer davantage de responsabilités et devront, elles aussi, faire plus avec moins de moyens ou faire différemment. C'est pourquoi je veux mettre à leur disposition de nouveaux outils de gestion, des outils qui leur permettent justement de diversifier leurs modes de gestion, des outils qui leur permettent de s'associer avec divers partenaires pour rencontrer leurs obligations.

Il faudrait imaginer des solutions originales et explorer différentes formules de gestion. À mon sens, il y a lieu d'examiner toute une série d'hypothèses en vue d'élargir les possibilités de partenariat, que ce soit avec le secteur privé, avec d'autres institutions municipales, ou avec des employés, ou avec des syndicats, ou avec d'autres types de regroupements de travailleurs. Des pouvoirs habilitant les municipalités à intervenir dans le cadre de ces nouveaux partenariats pourraient être accordés, sous réserve naturellement de sauvegarder certains principes fondamentaux de la gestion du domaine public, de façon à s'assurer que les choses seront faites au bénéfice des citoyens d'abord. L'idée de permettre aux instances municipales de s'associer au secteur privé dans le cadre de sociétés d'économie mixte constitue un premier pas.

Je tiens à vous faire remarquer encore une fois qu'il ne s'agit pas d'une opération visant à permettre aux institutions municipales de se départir de biens et de services d'intérêt public, mais plutôt d'un exercice visant à mettre à la disposition des collectivités locales et régionales un nouvel outil d'intervention leur permettant de contribuer à l'effort collectif de développement.

(15 h 50)

M. le Président, en conclusion, oui, nous ferons du droit nouveau. Oui, M. le Président, on va tailler dans le neuf. On va regarder de nouvelles formules. Je souhaite vivement que nous soyons davantage animés de l'esprit d'un entrepreneur, de l'esprit de développement, de l'esprit de doter les collectivités locales et régionales de nouveaux outils, de nouveaux instruments plutôt que d'une attitude contraire. Je sais déjà qu'on nous trouve un peu sévères à l'égard des règles que nous établissons dans ce projet de loi. Nous préférons un excès de prudence à des erreurs qui nous conduiraient dans des couloirs ou à des résultats non souhaités, non espérés. On fait dans le neuf, on fait dans l'entrepreneurship, on fait dans le nouveau, on taille un instrument pour l'avenir.

Je souhaite qu'on puisse compter sur la collaboration de l'opposition comme nous l'avons eue à la première étape de l'étude de l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte et qu'on soit vraiment en mesure de saisir, comme on dit souvent, l'avenir à bras-le-corps et qu'on puisse dire aux administrations municipales responsables: Voici une autre forme, voici un autre instrument, un autre outil que vous pouvez utiliser, parce que les défis qu'on leur demande au niveau local sont des défis immenses. Nous devons, oui...

Je sors, depuis quelques heures, d'une rencontre avec les maires des six plus grandes villes, des six plus grandes agglomérations urbaines du Québec, et c'est le message qu'on nous lance constamment. Ces représentants de la majorité des citoyens du Québec, quant à moi, ont bien raison. Ces municipalités, ces villes, ces municipalités locales, ces intervenants au niveau régional réclament de nouveaux instruments, des instruments modernes, qui respectent toujours et qui prennent toujours appui sur un principe absolument fondamental: le citoyen d'abord, le contribuable en tout premier lieu; s'assurer que nous pouvons produire des services publics de qualité, que nous ne dilapidons pas notre patrimoine ou les infrastructures qui constituent ce patrimoine dans l'ensemble de nos municipalités, mais qu'on soit aussi organisé de bonne façon pour être capable de livrer ces services publics à moindres coûts au profit des citoyens.

À chaque fois que nous aurons à nous poser une question, M. le Président, sur cette formule-là et que nous mettrons de l'avant notre esprit et nos dispositions pour en faire davantage, voilà l'élément commun, le dénominateur commun qui doit nous habiter: Est-ce que le citoyen va profiter de cette nouvelle formule? Si ce n'est pas le cas, il faudra ajouter davantage de balises, ajouter davantage de possibilités. Nous irons en commission parlementaire avec cet esprit, avec grande ouverture. Je suis même prêt à écouter encore une fois un certain nombre de groupes qui pourront nous dire ce qu'ils pensent maintenant de cette nouvelle formule qui a été mise de l'avant pour nos sociétés d'économie mixte et je suis assuré qu'on va d'abord regarder vers l'avenir et laisser de côté un certain nombre de formules peut-être trop vieillottes de stéréotypes qui nous empêcheraient d'explorer des sentiers nouveaux au profit des citoyens qui habitent nos communautés locales partout sur le territoire du Québec.

Voilà l'objectif poursuivi par le projet de loi n° 63, que nous souhaitons adopter le plus rapidement possible au profit des collectivités locales. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui relativement à l'adoption du principe du projet de loi n° 63, qui est la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. D'entrée de jeu, il me semble tout à fait approprié de faire l'historique de ce projet de loi qui a été déposé par le ministre des Affaires municipales le 13 novembre dernier. Je ne parcourrai par le même chemin que le ministre des Affaires municipales, il vous a fait état de l'ensemble du projet de loi, des dispositions qui concernent toutes les étapes conduisant à la création de la société d'économie mixte. Je m'attarderai à d'autres éléments, puisque le ministre a quand même fait état assez longuement de l'ensemble du projet de loi.

On sait que ce projet de loi fait suite à l'avant-projet de loi qui avait été déposé par le député de Joliette, qui était à l'époque ministre des Affaires municipales. Ce dépôt avait été fait le 14 décembre 1995. Cet avant-projet de loi sur la constitution des sociétés d'économie mixte visait particulièrement à permettre aux secteurs privé et public de s'associer dans une nouvelle forme de partenariat, un type de partenariat qui est appliqué partout en Europe. Il souhaitait, par cet avant-projet de loi, en arriver à une loi-cadre qui définirait les grands principes du maillage public-privé dans le domaine municipal.

La commission permanente de l'aménagement et des équipements a tenu une consultation générale sur l'avant-projet de loi les 5, 6, 7, 13 et 19 mars 1996. Vingt-six mémoires ont été déposés auprès de la commission de l'aménagement et des équipements, et autant d'intervenants ont été entendus. Fait intéressant à noter: suite au changement de titulaire, donc le député de Joliette, c'est l'actuel ministre des Affaires municipales qui a participé à cette consultation. L'analyse réalisée à partir des commentaires entendus lors de la consultation générale révèle, dans la législation qui nous a été proposée, un nombre important de problèmes et d'imprécisions.

De façon générale, M. le Président, on s'interrogeait sur l'encadrement proposé pour le choix du partenaire privé ainsi que pour le processus de transparence et d'équité dans le choix de celui-ci. Pour leur part, les instances syndicales auraient souhaité plus de précision sur les conditions de transfert de la main-d'oeuvre. En particulier, elles souhaitaient le respect intégral des dispositions prévues aux articles 45 et 46 du Code du travail. Nombreux sont les intervenants qui ont fait part de leur inquiétude par rapport au contrôle démocratique sur les sociétés d'économie mixte. Enfin, il y a eu de nombreuses discussions sur la pertinence d'encadrer par une loi publique la création des sociétés d'économie mixte.

M. le Président, je dois en toute honnêteté dire que, dans le projet de loi qui est sur la table actuellement, on retrouve de nombreuses corrections. On voit que le ministre et le ministère ont tenu compte des éléments qui ont été soulevés lors de la consultation sur l'avant-projet de loi. Alors, là-dessus, je pense que l'ouverture qu'en a faite le ministre, elle était sincère. Maintenant, ça c'est pour les fleurs; le pot s'en vient.

Ceci étant dit, M. le Président, on sait qu'il y a quatre projets de loi d'intérêt privé autorisant la création des sociétés d'économie mixte qui avaient été adoptés à titre de projets-pilotes par l'Assemblée nationale. Deux avaient été adoptés par le gouvernement précédent en 1994, et les deux autres ont été adoptés par le gouvernement actuel. Ces projets de loi privés permettaient à la municipalité régionale de comté du Haut-Richelieu et à la ville de Laval de créer une société d'économie mixte pour la gestion des déchets. Les deux autres, la municipalité de Saint-Romuald ainsi que la paroisse de Saint-Anselme, visaient à créer une société d'économie mixte pour la gestion de leurs parcs industriels respectifs.

De ces quatre projets, M. le Président, un seul est opérationnel et il ne l'est que depuis à peine un an. Il m'apparaissait important de rappeler aux collègues de cette Assemblée que la première société d'économie mixte a pu voir le jour grâce au gouvernement libéral, qui a effectivement voulu ouvrir la porte à l'esprit entrepreneurial des municipalités, ce à quoi faisait référence le ministre des Affaires municipales il y a quelques minutes. Mais, au-delà de la volonté de permettre aux municipalités – j'en conviens, je suis parfaitement d'accord avec ça – d'avoir accès à un nouvel outil de développement économique, je pense sincèrement qu'il y a une marge entre la loi-cadre et la possibilité pour les municipalités de pouvoir présenter des projets qui seraient acceptés par l'Assemblée nationale par le biais des lois privées.

Le 13 novembre dernier, le ministre des Affaires municipales a présenté devant cette Chambre le projet de loi n° 63. Aujourd'hui, on doit se prononcer sur le principe de ce projet de loi, M. le Président. J'aimerais, si vous le permettez, traiter de la pertinence du projet de loi n° 63, de ses particularités et de l'application qu'il pourrait trouver dans certains secteurs.

(16 heures)

Afin de se prononcer sur la pertinence de ce projet de loi, il me semble important de revenir sur les nombreuses promesses de décentralisation des activités gouvernementales envers les municipalités que ce gouvernement a fait miroiter depuis son élection. Certaines de ces promesses ont fait l'objet d'un accord de principe concernant la décentralisation d'activités vers les instances municipales, entre le ministre des Affaires municipales, le député de Joliette et les unions municipales, le 11 octobre 1995.

On se rappellera qu'une enveloppe de 155 000 000 $ devait être transférée aux municipalités par le biais de cette entente. Étrangement, c'était 19 jours avant le 30 octobre 1995. Tout le monde se rappelle ce qui s'est passé cette journée-là: il y a eu un référendum. Je suis obligée de vous dire, M. le Président, que, depuis ce temps-là, il n'y a absolument rien qui a été transféré ni décentralisé aux municipalités. Je pense qu'il faut revoir chacun des commentaires qui ont été émis par les ministres des Affaires municipales de ce gouvernement.

Pendant la dernière campagne électorale, donc, le Parti québécois a fait miroiter aux municipalités de nombreuses possibilités de décentralisation d'activités gouvernementales en leur faveur. La décentralisation avait pour but de confier aux instances municipales des responsabilités actuellement exercées par le gouvernement. Elle vise aussi à revoir les modalités d'exercice des compétences qui sont déjà assumées par les municipalités afin de leur conférer une plus grande autonomie en ces matières.

L'accord de principe auquel j'ai fait référence, celui du 11 octobre 1995, portait sur les activités pouvant faire l'objet de la première phase de décentralisation et pour lesquelles il importait de déterminer les modalités de mise en oeuvre. J'insiste sur la première phase de décentralisation, puisque celle-ci comprenait une décentralisation des activités gouvernementales pour une valeur de 155 000 000 $. C'était, en somme, la petite décentralisation qui donnait le goût d'une plus grande décentralisation si on obtenait un vote favorable au projet référendaire du gouvernement. Dans l'éventualité, disait-on, d'un Québec souverain, la deuxième phase de décentralisation aurait été d'une valeur de plusieurs milliards de dollars. Les municipalités et la population, vous vous en rappellerez, n'ont pas été dupes de ces artifices, et l'on connaît les résultats du vote référendaire.

Si l'on faisait le bilan de la première phase de décentralisation, on se rendrait bien compte qu'il y a moins de 50 000 000 $ d'activités gouvernementales décentralisées en faveur des municipalités. De façon plus particulière, on pourrait constater que les mesures d'appui qui avaient été prévues à cet accord de principe du 11 octobre 1995 n'ont pas été respectées.

Parmi ces mesures, l'allégement des contrôles ministériels devait occuper une place importante. Cet exercice visait à accorder aux municipalités une plus grande marge de manoeuvre dans l'exercice de leurs responsabilités actuelles et de celles qui leur seraient confiées le cas échéant. Sur ce point comme sur bien d'autres, la performance du gouvernement du Parti québécois est insatisfaisante.

Cette performance est si médiocre que l'Union des municipalités du Québec réclamait le 25 octobre dernier une commission extraordinaire sur la déréglementation en milieu municipal. Le président de l'Union des municipalités du Québec et maire de Laval, M. Gilles Vaillancourt, indiquait ce qui suit, et je le cite: «Depuis près de trois ans, nous n'obtenons que très peu de résultats concrets quant à la simplification des lois et règlements régissant les municipalités. C'est pourquoi l'UMQ réclame du gouvernement qu'il crée une commission extraordinaire pour faire progresser ce dossier en confiant à des élus plutôt qu'à des fonctionnaires l'examen de la législation s'appliquant aux municipalités ou le contrôle qui en découle.» Fin de la citation.

M. le Président, je vous signalerais que, depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois et malgré l'engagement des deux ministres des Affaires municipales qui se sont succédé et malgré le dépôt du projet de loi n° 68 sur les allégements des contrôles ministériels et le projet de loi n° 24, il n'en demeure pas moins qu'il y a une multitude de lois qui existent, il y a de nombreux allégements de contrôle qui ont été demandés par les Unions et qui ne trouvent pas réponse. Ça serait tellement peu compliqué d'accéder à ces demandes-là et ça simplifierait évidemment la gestion municipale. D'ailleurs, j'aimerais faire remarquer que le fameux comité qui s'occupait des allégements des contrôles ministériels a très peu siégé depuis l'arrivée de l'actuel ministre des Affaires municipales.

Autre mesure que le gouvernement devait prendre pour soutenir la mise en oeuvre de l'accord de principe du 11 octobre 1995 sur la déréglementation, c'est la consolidation des institutions municipales. Le gouvernement indiquait qu'il convenait de reconduire tout en l'adaptant la politique de regroupement volontaire des municipalités. D'abord, il faut indiquer que le caractère volontaire de la procédure de fusion a été oublié dans la fameuse carte des fusions du ministre. C'est tellement apparent que le président de la commission O'Bready, M. Jacques O'Bready, chargé de consulter les municipalités sur la carte des fusions déposée par le ministre, s'est fait dire à chacune des séances que cette politique contenait des mesures punitives à l'encontre des municipalités.

Ainsi, si le gouvernement avait pour but d'appuyer les municipalités en proposant une politique de consolidation des institutions municipales, on peut encore une fois reconnaître qu'il s'est grandement fourvoyé. Le seul résultat obtenu jusqu'à présent, c'est le mécontentement des élus municipaux dans toutes les régions du Québec, M. le Président. Pas seulement dans nos villes-centres, mais dans le Québec le plus profond, tout le monde est choqué.

Enfin, on prévoyait une dernière mesure d'appui, soit la révision des relations de travail dans le monde municipal. On peut lire dans l'accord de principe, et je le cite: «Les parties reconnaissent, d'une part, que l'état actuel de rémunération en milieu municipal peut constituer un obstacle important à la décentralisation de certaines activités et, d'autre part, qu'il est nécessaire de revoir le régime particulier des relations de travail en milieu municipal. Qu'on pense à la Loi de police, services essentiels, régime d'arbitrage de différends, sous-traitance, etc.» Fin de la citation.

Si l'on s'attarde aux mesures que le gouvernement a prises pour réviser les relations de travail dans le monde municipal, en particulier pour la Loi de police, on doit considérer deux actions. D'abord, le dépôt du projet de loi n° 27 par le ministre du Travail. La grande trouvaille de ce projet de loi était de permettre d'ajouter à la liste des critères décisionnels rendus obligatoires en arbitrage un critère à teneur économique obligeant l'arbitre à considérer la situation et les perspectives salariales et économiques du Québec.

Le ministre du Travail indiquait de façon plus précise, et je cite: «Ce nouveau critère – la situation et les perspectives salariales et économiques du Québec – n'est rien d'autre qu'un critère de pondération propre à insuffler davantage de réalisme au moment d'accorder un rattrapage dans les conditions de travail d'un groupe de salariés qui, quoique légitime, pourrait s'avérer disproportionné ou trop rapide lorsque les conditions générales sont difficiles pour l'ensemble des Québécois au plan économique et au plan salarial.» Fin de la citation. La citation est tirée du Journal des débats de l'Assemblée nationale, le 23 mai 1996, page 1321.

Cette mesure est tellement efficace que, à la suite d'une augmentation de salaire de 4,5 % sur trois ans accordée aux policiers de Baie-Comeau, le ministre des Affaires municipales indiquait dans un article du journal Le Soleil du 21 novembre 1996 que l'exemple de Baie-Comeau démontre l'urgence de prendre en considération les moyens des contribuables. Je n'ai donc pas besoin, M. le Président, de commenter plus longuement l'efficacité de la mesure proposée par le ministre du Travail. Son collègue des Affaires municipales s'en est chargé.

(16 h 10)

Autre mesure d'appui du gouvernement envers les municipalités, plus précisément sur les activités des services policiers, c'est la réorganisation policière proposée par le ministre de la Sécurité publique. Je fais ici référence au projet de loi n° 77 qui est présentement en commission parlementaire devant la commission des institutions. M. le Président, je ne pense pas avoir, à ce point, à commenter très longtemps ce projet de loi. Qu'il me suffise de rappeler la dernière intervention de la présidente de l'UMRCQ, Mme Jacinthe Simard. Cette intervention était très éloquente, puisqu'elle s'est prononcée devant le parlement, devant 300 élus qui l'ont accompagnée de façon très pacifique et qui avaient un message très clair pour le gouvernement: Assez, c'est assez; les factures et les coupures, on n'en veut plus. On est bien prêt à participer à l'assainissement des finances publiques – j'interprète ce qu'elle dit – on aimerait bien aussi participer à ces décisions-là.

M. le Président, s'il était de l'intention du gouvernement du Parti québécois de proposer des mesures d'appui à la décentralisation d'activités gouvernementales pour les municipalités, je l'ai dit tout à l'heure, ce gouvernement s'est grandement trompé. Ses agissements ont carrément nui aux municipalités. Si j'ai pris une bonne partie du temps qui m'est alloué pour me prononcer sur le principe de ce projet de loi et pour vous parler de l'accord de principe du 11 octobre 1995, c'est pour vous démontrer que la pertinence de ce projet de loi repose sur une décentralisation des activités gouvernementales qui, bien qu'annoncée pour 155 000 000 $, ne s'est toujours pas réalisée pour le montant indiqué.

J'ai parlé du bilan des expériences de décentralisation, j'ai fait référence au fait que ça s'élevait à environ 50 000 000 $ et qu'on avait beaucoup de difficultés, du côté des unions municipales, à obtenir d'autres ententes avec le gouvernement. Est-ce que ça justifie pour autant le dépôt d'une loi-cadre sur la création des sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal? Je ne le crois pas. Vous verrez toutefois que, pour le ministre des Affaires municipales, c'est un des arguments qui militent en faveur de la création des sociétés d'économie mixte.

D'ailleurs, tous ceux et celles qui sont présents en cette Chambre cet après-midi l'ont justement entendu, le ministre des Affaires municipales – puisqu'il m'a précédée – dire qu'un des éléments qui ont conduit à la réflexion et au dépôt d'abord d'un avant-projet de loi et ensuite de ce projet de loi ci sur les sociétés d'économie mixte, c'est justement cette volonté du gouvernement de décentraliser les activités gouvernementales, celles qui sont le plus près des municipalités, vers les municipalités, puisque ce sont elles, ces municipalités, qui sont les plus près des citoyens. On appelle ça de la «subsidiarité». Mais à date on n'a pas décentralisé grand-chose et on a pondu un projet de loi en fonction d'une décentralisation qui ne s'est pas encore faite.

Alors, ça m'a pris peut-être un petit 20 minutes, mais je vais continuer. Il y avait de la pertinence dans ce que je tentais de démontrer. C'est que, en ce qui regarde ce volet de décentralisation, ce n'était pas nécessaire de pondre un projet de loi, puisque, de toute façon, il n'y en a pas eu, de décentralisation.

Lors de la consultation publique sur l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal, le ministre indiquait, dans ses notes préliminaires, les raisons qui militaient en faveur de ce nouvel outil de développement économique pour les municipalités. Il indiquait d'abord que la conjoncture économique n'était pas étrangère à l'intérêt que le gouvernement manifeste à l'égard d'un partenariat qu'il est possible de développer entre le secteur public et le secteur privé.

Par ailleurs, il indiquait, et je le cite: «Les municipalités doivent donc s'attendre, dans les prochaines années, à assumer des responsabilités nouvelles et accrues. Elles seront appelées à devoir fournir de nouveaux services pour lesquels elles ne possèdent pas toujours l'expertise requise. Elles devront trouver de nouvelles façons de livrer les services municipaux et, concurremment, de réaliser des programmes de renouvellement de leurs infrastructures. À ce titre, elles pourront difficilement compter sur le soutien du gouvernement, déjà occupé à solutionner ses propres problèmes financiers.» Fin de la citation. C'est ce qu'il nous a dit en mars dernier, mars 1996, et c'est ce qu'il a répété ici, en cette Chambre, cet après-midi dans des mots à peu près semblables.

Des responsabilités nouvelles et accrues qui devaient être assumées par les municipalités dans les prochaines années, ce sont celles que l'on retrouve à l'accord de principe du 11 octobre 1995 et auquel j'ai fait référence tout à l'heure. Vous voyez donc, M. le Président, la pertinence du lien que j'établissais entre l'accord de principe et la possibilité d'obtenir une décentralisation des activités gouvernementales. De l'aveu même du ministre, les sociétés d'économie mixte seraient un outil important pour les municipalités dans le contexte de la décentralisation.

Puisqu'il n'y a pas eu décentralisation, est-il encore pertinent de procéder à un projet de loi qui établit des cadres de la création des sociétés d'économie mixte? Nous répondons qu'il n'est pas pertinent de déposer... Il est déjà déposé, le projet de loi, mais nous trouvons qu'il n'est pas pertinent de procéder à l'étude d'un projet de loi cadre sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal, puisqu'il n'y a pas eu d'activité de décentralisation. Je peux motiver ma position par des arguments qui considèrent plutôt le domaine limité d'application des sociétés d'économie mixte.

L'article 2 du projet de loi n° 63 indique qui peut former une société d'économie mixte et dans quel domaine elle peut évoluer. Il est donc important de citer cet article: «Tout organisme municipal ou tout ensemble formé exclusivement d'organismes municipaux peut, conformément à la présente loi, être l'un des fondateurs d'une société d'économie mixte.

«La compétence exercée par une telle société peut être l'une de celles qu'exerce l'organisme municipal, à l'exception de sa compétence en matière de police ou de sécurité-incendie et de toute compétence dont l'exercice lui a été délégué temporairement.» Fin de l'article. Ainsi, l'organisme municipal peut être une municipalité, une MRC ou une communauté urbaine.

L'article 2 indique par ailleurs que la protection des personnes et des biens de la municipalité, comme la sécurité publique et la protection contre les incendies, ne peut être confiée à la gestion des sociétés d'économie mixte. Nous n'avons pas entendu de justification pour l'exclusion de ces deux secteurs d'activité. Toutefois, on peut facilement comprendre que, pour des mesures de protection du public, on les ait exclus. On doit cependant reconnaître que ce sont deux secteurs d'activité qui accaparent une forte proportion des budgets municipaux.

L'article 3 du projet de loi n° 63 est un article fort important. Il prévoit, à son dernier alinéa, un régime particulier pour la création d'une société d'économie mixte dans le secteur de l'eau. On indique, au dernier alinéa, et je cite: «Toute résolution prévoyant comme compétence de la société d'économie mixte l'alimentation en eau potable ou l'assainissement des eaux doit, pour avoir effet, être approuvée par le gouvernement.»

Pour moi et pour mes collègues, le coeur du projet de loi, il est là. La mécanique, c'est une chose, mais, quant à nous, avoir exclu, d'une main, l'alimentation en eau potable ou l'assainissement des eaux, et se donner l'autorisation de le faire par le biais d'un décret nous indique tout le débat qui doit se faire, tout le débat entourant actuellement la privatisation de l'eau et qui n'a pas été fait. D'un coup de baguette magique – j'exagère peut-être un peu – le ministre et ses collègues du cabinet pourraient, à l'encontre d'une population, à la limite, accorder la privatisation de l'eau et l'assainissement des eaux, alors qu'on a exclu des domaines tout aussi importants finalement pour nos citoyens et nos citoyennes. Je pense ici à la sécurité publique et à la protection contre les incendies.

(16 h 20)

Ce qu'il faut comprendre de cet article, c'est qu'il donne le pouvoir au gouvernement d'autoriser la participation du secteur privé en matière d'alimentation en eau potable et en matière d'assainissement des eaux. Pourquoi le ministre a-t-il exclu l'alimentation en eau potable de même que l'assainissement des eaux du projet de loi, tel qu'il l'a fait? Pourquoi l'a-t-il fait alors qu'il ne l'a pas fait pour les deux autres responsabilités? Les services d'alimentation en eau et de distribution de l'eau sont les services les plus importants dans une municipalité, avec la sécurité publique et la protection contre les incendies.

Il faut avoir assumé des responsabilités au niveau municipal – et vous en savez quelque chose, M. le Président – pour savoir quelle est la sensibilité des citoyens à un service déficient au niveau de l'alimentation en eau. Par expérience – et je sais que vous la partagez – je peux vous indiquer que, dès que l'eau est brouillée, qu'elle est impropre à la consommation, qu'il y a une fuite dans les canalisations, de nombreux appels, quand ils ne sont pas acheminés à l'hôtel de ville, sont acheminés chez M. le maire ou chez Mme la mairesse afin qu'on puisse intervenir dans les plus brefs délais.

Les municipalités ont toujours offert un très bon service en alimentation en eau potable et en assainissement des eaux à leurs citoyens. J'ai de la difficulté à comprendre la logique gouvernementale. Pourquoi n'a-t-on pas exclu l'alimentation en eau potable comme la sécurité publique et la protection contre les incendies? Est-ce qu'on veut favoriser certains projets avec l'entreprise privée, et ce, sous l'unique approbation du Conseil des ministres?

Je veux le dire tout de suite, M. le Président, je n'ai aucun problème avec l'entreprise privée, qui travaille évidemment dans les municipalités, qui réhabilite les réseaux, qui obtient les contrats, c'est comme ça que ça marche. Je n'ai pas de problème avec ça. Que l'entreprise privée puisse créer de l'emploi, tant mieux, j'en suis. Je pense qu'on a besoin d'elle comme partenaire. Là où j'ai un problème, c'est que le débat n'a pas encore été fait, et j'y reviendrai, et je pense qu'on ne peut pas confier à l'entreprise privée pour le moment, sous le couvert des sociétés d'économie mixte, que ça s'appelle privatisation, partenariat privé-public, peu importe... Les gens, il y a une confusion dans la population là-dessus, et on n'est pas prêt, sans avoir fait de débat public, à aller de l'avant avec ça.

Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que l'opinion publique est grandement préoccupée par la révélation des dernières études sur les possibilités de privatisation de l'eau potable. Le ministre des Affaires municipales, il y a quelques minutes, nous a dit qu'il fallait être très prudent, faire bien attention et surtout pas parler de privatisation. On ne peut pas exclure de parler de privatisation, puisque tout le débat sur la privatisation de l'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux s'est fait concurremment avec l'avant-projet de loi, les consultations publiques en mars dernier. Et d'ailleurs, vous comme moi, M. le Président, ainsi que tous mes collègues, avons pu lire... Je pense qu'il ne se passe pas une semaine sans qu'on ait une étude sur l'eau, sur la privatisation des réseaux.

Donc, c'est un dossier qui est très pertinent, c'est un dossier qui est à fleur de peau, c'est un dossier qui est étudié partout actuellement. Mais il est tellement important qu'au lieu de l'exclure du projet de loi le ministre lui donne une place d'honneur, puisqu'il se donne le privilège, avec ses collègues au cabinet des ministres, d'autoriser des projets de privatisation ou de partenariat public-privé, en ce qui regarde l'eau potable.

Il y a eu d'abord – parce que j'ai fait référence à des études, M. le Président – une étude qui a pour titre «Proposition d'un modèle québécois de privatisation des services d'eau», qui a été produite par le ministère des Affaires municipales, qui est datée de février 1996 et qui émane de la Direction générale des infrastructures et du financement municipal du ministère des Affaires municipales. Elle a été rendue publique par des sources anonymes et non pas par le ministre des Affaires municipales. Les médias en ont dévoilé l'existence pendant la période de préparation des projets soumis au gouvernement pour le sommet sur le devenir social et économique du Québec, en particulier ceux proposés par le rapport Coutu, notamment celui de Gaz Métropolitain.

Le document du ministère des Affaires municipales traite de la situation du Québec en regard de différentes questions qui touchent la privatisation des infrastructures d'eau et des problématiques qui s'y rattachent. Il expose des raisons majeures en faveur de la privatisation des services d'eau, analyse les modes de privatisation possibles et recommande un modèle qui pourrait être envisagé pour le Québec.

Les auteurs de l'étude indiquent que l'eau est un bien patrimonial et une responsabilité municipale, et je cite: «Au Québec, toutes les infrastructures nécessaires à la production des services d'eau appartiennent aux municipalités et, par extension, aux citoyens qui les ont payées avec leurs taxes municipales. Un sentiment d'appartenance anime les Québécois en ce qui concerne l'eau, qui est considérée à juste titre comme l'une des plus grandes richesses du Québec. On peut donc se questionner sur l'opportunité de vendre cette ressource à une entreprise privée qui pourrait être étrangère et qui, de surcroît, aurait la mainmise sur une ressource patrimoniale. Une conclusion s'impose: Il serait très hasardeux de procéder à une privatisation totale des services d'eau au Québec avec le transfert des actifs au secteur privé, comme cela s'est fait en Angleterre. Un corollaire important suit: Quel que soit le type de privatisation retenu et même si la gestion des services échoit au secteur privé, les municipalités seront toujours imputables face aux citoyens.» Fin de la citation.

Une section résume les principaux points à considérer. On y fait état notamment du fait que le concept de privatisation est nouveau, qu'il ne fait pas partie de la culture québécoise. On indique qu'un transfert trop drastique de la gérance du service d'eau du secteur public au secteur privé pourrait s'avérer délicat politiquement en raison du changement culturel important que cela implique, et je cite: «Tout changement devra s'opérer en douceur.»

Cette conclusion m'inquiète au plus haut point, car je crois que ces changements en douceur se concrétisent présentement, d'abord par la mise en place d'un régime particulier pour accorder la privatisation de l'eau sous la seule autorité du Conseil des ministres; par la suite, par les propositions qui émanent de certains organismes liés aux affaires municipales, entre autres de la Société québécoise d'assainissement des eaux, et je reviendrai plus longuement sur ce point; enfin, par l'intérêt qu'ont manifesté certaines entreprises privées, notamment Gaz Métropolitain, qui a déposé devant le comité Coutu une proposition concernant la gestion du réseau d'alimentation en eau potable lors du Sommet, et par d'autres propositions faites par des compagnies canadiennes ou étrangères. Je pourrais ajouter aussi l'importance pour les entreprises de génie québécoises d'obtenir des contrats...

Une voix: Chut! Chut!

Mme Delisle: ...parce que le gouvernement a beaucoup de difficultés, actuellement, avec la création d'emplois.

On sait que tout ce que ce gouvernement a fait, M. le Président, ça a été de «référender» et de «sommeter». Mais ce qui est encore plus inquiétant, c'est que la conclusion à laquelle en arrivent les auteurs de l'étude est à l'effet que le modèle de privatisation qui serait applicable au Québec est celui de la privatisation de la gestion des services d'eau. Ce modèle s'apparente étrangement à celui qui est proposé à l'article 3 du projet de loi n° 63 sur la création des sociétés d'économie mixte. Le gouvernement a prévu un régime particulier pour la création d'une société d'économie mixte qui aurait compétence dans le domaine de l'alimentation en eau potable et de la distribution, et cela serait vraisemblablement l'unique raison justifiant la pertinence d'un projet de loi sur les sociétés d'économie mixte.

Certaines études continuent à alimenter cette inquiétude face au projet gouvernemental de privatisation de l'eau potable, notamment l'étude de la Société québécoise d'assainissement des eaux. Elle a été transmise au ministre, cette étude, le 21 octobre dernier par le président du conseil d'administration de la SQAE et son P.D.G. On peut y lire dans la lettre de transmission, et je cite: «D'importance primordiale, la gestion de l'eau sera très certainement au coeur des grands débats de société, et ce, pour de nombreuses années à venir. Dans ce contexte, les membres du conseil d'administration de la Société ont jugé opportun de mettre à la disposition du gouvernement les éléments de réflexion que lui inspire l'expérience qu'elle a acquise dans le domaine de l'eau depuis sa création, il y a cinq ans.» Fin de la citation.

(16 h 30)

Cette étude a été rendue publique lors du Forum international des villes partenaires pour la gestion de l'eau qui se tenait à Montréal au début du mois dernier. Ce rapport de la Société québécoise d'assainissement des eaux préconise l'établissement d'une véritable politique de l'eau comme condition préalable à toute privatisation. De plus, elle recommande la création d'une agence nationale de l'eau. Ce qu'il est intéressant de constater, c'est la similitude des conclusions des deux études précédentes sur la privatisation de l'eau. Chacune recommande la réglementation soit par une régie de l'eau soit par un organisme national de l'eau, ce qui représente, M. le Président, la même chose pour le citoyen. De plus, chacune met en évidence une politique sur la gestion de l'eau. Le gouvernement devrait instituer une politique sur la gestion de l'eau. On est donc porté à conclure que le gouvernement a déjà entamé sa réflexion sur la privatisation de l'eau, qu'il a déjà établi certaines mesures préliminaires à la privatisation de l'eau potable et que de plus le projet de loi n° 63, notamment l'article 3, qui lui permet d'accorder une société d'économie mixte sur ce sujet, est un des éléments favorisant la privatisation de l'eau potable. Je vous l'ai dit, M. le Président, le ministre s'objecte, il l'a encore dit aujourd'hui, à l'utilisation du mot «privatisation», comme il l'a fait d'ailleurs dans un article qui est rapporté par La Presse canadienne , le 9 octobre 1996. On y indiquait que le ministre des Affaires municipales préférait parler de partenariat – notion qui lui est tellement chère – plutôt que de privatisation.

Je dois vous indiquer que je suis inquiète des commentaires qui ont été émis par le ministre des Affaires municipales, depuis quelque temps, sur la privatisation de l'eau. Il a d'abord indiqué qu'il ne connaissait pas l'étude de son ministère, à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure, sur l'eau potable. Par la suite, il a indiqué que cette étude avait été commandée par son prédécesseur, qu'il n'en avait pas pris connaissance, sauf au moment où on l'a divulguée. Le ministre a tenté de nous rassurer toutefois qu'il n'était pas question de procéder à la privatisation de l'eau potable sans un vrai, sans un vaste débat public. Par la suite, il a nuancé ses propos en disant que la gestion de l'eau potable pourrait être confiée à des sociétés d'économie mixte regroupant l'entreprise privée et les municipalités. Toutefois, pour nous rassurer, il a indiqué que cette gestion demeurera sous le contrôle du public. Il a enfin indiqué que la privatisation de l'eau potable ne pourrait être l'objet de la constitution d'une SEM, donc d'une société d'économie mixte, que sous l'autorisation expresse du Conseil des ministres.

M. le Président, je vous avoue bien franchement que je demeure sceptique et inquiète face aux propos tenus par le ministre des Affaires municipales relativement à la privatisation de l'eau. Ses propos ne sont sûrement pas de nature à rassurer la population sur la possibilité de la privatisation, d'autant plus, il faut le reconnaître, que des études ont démontré que ces privatisations n'ont jamais été à l'avantage des citoyens alors qu'elles ont été effectuées dans d'autres pays.

J'ouvre une parenthèse, ici. Le ministre des Affaires municipales, qui m'a précédé sur ce propos, faisait allusion à la création des sociétés d'économie mixte qui ont géré des responsabilités municipales, surtout l'eau, dans des pays comme la France, l'Angleterre, la Belgique; il a même, je crois, signalé qu'il y en avait eu en Allemagne. On sait qu'il y a eu des problèmes majeurs avec les sociétés d'économie mixte en France. Pour quelque raison que ce soit – puis, moi, je ne veux accuser personne de malveillance – on sait qu'il y a des sociétés qui se sont ramassées devant les tribunaux, que les élus se sont ramassés devant les tribunaux et que les gestionnaires se sont ramassés devant les tribunaux. Je vois mal comment on peut citer en exemple les sociétés d'économie mixte en France, d'autant plus que la France, actuellement, fait marche arrière. La France, actuellement, est en train de démanteler certaines de ses sociétés d'économie mixte justement parce qu'elle en a jusqu'ici de tous les problèmes de patronage, de tous les problèmes qui ont été occasionnés, au fil des ans, par de la très mauvaise gestion, de la malveillante gestion. Alors, je ne vois pas pourquoi on s'inspirerait de ce qui va mal quand on pourrait certainement s'inspirer de ce qui va bien chez nous.

Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de problème avec l'eau potable, qu'on n'a pas de problème avec nos conduites souterraines; il y en a. Je veux bien qu'on puisse développer de nouveaux outils pour les municipalités. D'ailleurs, on l'a fait par le biais des projets de loi privés. Mais je pense que, avant de déposer un projet de loi cadre, de l'imposer à tout le monde... Et je vous signalerais, après avoir fait le tour un petit peu, qu'il y a plusieurs intervenants qui, malgré le dépôt de la loi-cadre, trouvent encore très difficile l'encadrement très serré de la loi en ce qui regarde la création des sociétés d'économie mixte. Il faut les comprendre, puisqu'on a ici des lois qui ont toujours protégé les municipalités, des lois qui ont toujours très bien protégé les citoyens. Alors, plus l'encadrement est serré – et je suis d'accord avec ça, il faut protéger l'argent des contribuables – moins il y a une pertinence finalement pour le privé d'embarquer; il n'y en aura pas parce que le privé finalement ne pourra pas aller de l'avant avec des projets. Le privé représente un milieu très particulier; les municipalités, un autre milieu très particulier. Quand vous faites un joint-venture avec ces gens-là, ça devient une compagnie, mais une compagnie qui est gérée à la fois par la fiscalité des compagnies et par la fiscalité municipale. Donc, c'est la tour de Babel. Et les gens viendront nous le dire en commission parlementaire. Je sais que le ministre a accepté de rencontrer certains intervenants.

M. le Président, il y a eu une autre étude de faite, qui est importante, qui a été réalisée par le professeur Léo-Paul Lauzon et les chercheurs François Patenaude et Martin Poirier, en octobre dernier. Cette étude s'intitulait «La privatisation de l'eau au Québec», première partie: «Les expériences dans le monde». Dans cette étude de 80 pages, réalisée à la demande des 11 syndicats d'employés de la ville de Montréal et des associations professionnelles d'avocats et de notaires, des chercheurs arrivent à la conclusion que la privatisation de l'eau potable, en Grande-Bretagne et ailleurs, a accru la richesse des détenteurs de capitaux au détriment des citoyens et du gouvernement.

Les chercheurs indiquent par ailleurs, après avoir fouillé les rapports financiers des plus grandes compagnies britanniques d'eau, rapports couvrant les cinq dernières années, que le prix de l'eau payé par les citoyens a augmenté de 13 % en 1991 et de 15 % en 1992. Dernière trouvaille du rapport: les usagers doivent payer leur eau avant consommation au moyen d'une carte de débit bancaire fonctionnant à la maison grâce aux fibres optiques. Le gouvernement britannique aurait perdu de l'argent. Les bénéfices des compagnies de l'eau auraient augmenté d'année en année. Une toute petite fraction des bénéfices auraient été réinvestie dans les usines et les réseaux de services d'eau et d'égout. La privatisation aurait entraîné également une chute de l'emploi.

Vous comprendrez, M. le Président, que ces propos ne sont pas en mesure de rassurer l'opposition, les citoyens non plus, face aux conséquences découlant d'une privatisation de l'eau potable. Mais le professeur Lauzon indiquait encore plus dans une entrevue qu'il accordait au journaliste André Noël, de La Presse , et je le cite: «Compte tenu des expériences à l'étranger, M. Lauzon ne comprend pas pourquoi le gouvernement québécois, la ville de Montréal et d'autres envisagent la privatisation de l'eau. Le professeur ne comprend surtout pas l'intérêt manifesté par le Fonds de solidarité de la FTQ à investir en partenariat dans l'eau. Il ne croit pas non plus à une régie qui réglementerait les nouveaux monopoles et qui serait, selon lui – évidemment toujours selon le professeur Lauzon – aussi inefficace que le CRTC avec Bell Canada ou avec Vidéotron.» Fin de la citation. Qu'ajouter de plus à ces révélations fracassantes par des chercheurs émérites qui se sont penchés sur les effets d'une privatisation de l'eau potable?

M. le Président, j'aimerais vous rappeler et rappeler au ministre des Affaires municipales les résultats d'un récent sondage effectué par la firme de sondage SOM pour le compte du quotidien Le Soleil , qui a été réalisé pendant la période du 13 au 23 octobre 1996 et pour lequel 1000 entrevues ont été complétées auprès d'un échantillon représentant la population adulte du Québec. À la question «Le gouvernement du Québec devrait-il privatiser certaines activités comme la gestion de l'eau potable?», 36 % de l'échantillon ont répondu oui et 55 % ont répondu non. Le taux de personnes qui n'avaient pas d'opinion ou qui ne se sont pas prononcées était de 9 %. Je pense que le ministre des Affaires municipales devrait prendre en considération ces résultats et revoir la pertinence d'exclure des sociétés d'économie mixte la privatisation de l'eau pour l'amener avec lui au cabinet des ministres.

(16 h 40)

Et ça, c'est important, parce que le ministre exclut l'alimentation en eau potable du projet de loi en disant: Je me réserve le droit, avec mes collègues du Conseil des ministres, de l'autoriser et je peux même demander ou exiger un référendum. Vous savez comme moi que les villes, actuellement, qui souhaitent la privatisation de l'eau... Le dossier qui est sur la table, c'est celui de Montréal. Or, il n'y en a pas, de référendum à Montréal, pour toutes sortes de raisons. La charte l'interdit, sans doute parce que ce serait un coût absolument prohibitif. Remarquez que c'est un outil démocratique que Montréal devrait sûrement avoir dans sa charte, et je pense que les citoyens sont largement privés de cet outil de démocratie là; mais enfin, Montréal et Québec sont exclues de référendums.

M. le Président, comme dernier argument sur ce sujet, une résolution qui a été adoptée lors du dernier congrès du Parti québécois – et je pense que c'est important de le souligner – le congrès du Parti québécois, le dernier qui s'est tenu à la fin de novembre... On rapporte dans le journal Le Devoir du 25 novembre, et je cite: «Allant à l'encontre du voeu du gouvernement, les délégués ont adopté par une forte majorité une résolution d'urgence demandant au gouvernement d'empêcher la privatisation de l'eau, notamment à Montréal où le projet est dans l'air depuis quelques mois. La proposition mentionne – et je cite – que "tous les services publics ayant un effet direct sur la santé de la population doivent rester sous contrôle public" – ça, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les délégués au congrès du Parti québécois – et que "tous les secteurs qui sont structurellement des monopoles devraient être publics". Ce deuxième élément a amené le ministre de la Métropole, Serge Ménard, à qualifier la motion de "beaucoup trop vaste" et nuisible en ce qu'elle empêcherait "systématiquement" le gouvernement d'explorer de nouvelles avenues en matière de privatisation.» Fin de la citation.

«De son côté, le ministre des Affaires municipales, [...] parrain du projet de loi sur les sociétés d'économie mixte, a tenté en vain de convaincre le congrès de l'inutilité de la résolution, vu le cadre strict qu'entend mettre en place Québec.» Ainsi, M. le Président, le ministre a été incapable de rassurer ses propres sympathisants à un congrès des militants du Parti québécois. Comment donc peut-il rassurer la population sur ses intentions, alors qu'il n'a pu le faire pour les militants du Parti québécois qui ont cru bon d'insérer cette proposition dans le cadre de leur congrès national?

M. le Président, j'ai tenté de vous démontrer depuis le début de mon allocution que le projet de loi n° 63 est basé sur la promesse d'une décentralisation des activités gouvernementales qui n'a pas été réalisée et qui, quant à nous, ne justifie pas la présentation de ce projet de loi. Je vous ai indiqué qu'on y excluait deux principales activités des municipalités: la sécurité publique et la protection contre les incendies. Je vous ai indiqué par ailleurs de façon très détaillée, j'en conviens, que l'eau potable était probablement la raison qui justifiait la pertinence de ce projet de loi, mais que les conséquences d'une privatisation de cette ressource seraient néfastes pour les citoyens. Elle est néfaste à ce moment-ci, puisqu'elle n'a pas fait l'objet d'un débat public au cours duquel on aurait présenté toute la problématique que les municipalités doivent assumer ou que le gouvernement doit rencontrer. De façon symbolique, c'est donc la signature d'un chèque en blanc que le gouvernement nous demande par l'approbation du projet de loi n° 63.

En ce qui concerne les applications de ce projet de loi, il est toujours possible d'appliquer les sociétés d'économie mixte à des domaines de compétence municipale autres que la sécurité publique, la sécurité incendie et le régime d'eau potable, qui fait l'objet d'une considération particulière. Toutefois, on doit le faire en respectant les dispositions légales qui existent présentement. En ce sens, je fais référence à l'article 45 du Code du travail qui pose problème, on le sait.

Cet article, je le cite, l'article 45 du Code du travail: «L'aliénation ou la concession totale ou partielle d'une entreprise autrement que par vente en justice n'invalide aucune accréditation accordée en vertu du présent code, aucune convention collective, ni aucune procédure en vue de l'obtention d'une accréditation ou de la conclusion ou de l'exécution d'une convention collective.

«Sans égard à la division, à la fusion ou au changement de structure juridique de l'entreprise, le nouvel employeur est lié par l'accréditation ou la convention collective comme s'il y était nommé et devient par le fait même partie à toute procédure s'y rapportant, aux lieu et place de l'employeur précédent.» Fin de l'article.

De façon concrète, l'application est la suivante. Lorsqu'un employeur est déclaré lié par l'accréditation en vertu de l'article 45, il hérite des conditions de travail prévues à la convention collective, qui devaient être appliquées aux salariés de l'employeur précédent. Et, si cette convention collective comporte un plancher d'emplois, ce plancher est automatiquement transféré au nouvel employeur.

Il y a deux caractéristiques importantes dont il faut tenir compte pour les relations de travail dans le secteur municipal. D'abord, le secteur municipal est fortement syndiqué. De plus, une recherche publiée par l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération nous indique que la fonction publique québécoise accuse un retard, par rapport au secteur municipal, de 17,8 % sur les salaires et de 27,3 % sur la rémunération globale.

M. le Président, comment pensez-vous qu'une entreprise puisse être intéressée à créer avec un organisme municipal une société d'économie mixte pour laquelle elle va exercer une compétence municipale qui était régie par une convention collective et qu'elle pourra faire des profits, alors qu'elle doit payer son personnel 27 % de plus que celui de la fonction publique? Vous comprendrez aisément que le partenaire privé, qui a pour but de faire des profits, et c'est tout à fait légitime, ne pourra espérer en faire, alors qu'il doit payer sa main-d'oeuvre à un prix qui dépasse de loin la rémunération offerte par la même entreprise privée à ses employés.

À l'occasion d'un mémoire qu'elle présentait devant le groupe de travail chargé d'étudier l'application des articles 45 et 47 du Code du travail, le 26 juin dernier, l'Union des municipalités du Québec indiquait, et je cite: «L'application de l'article 45 aux sociétés d'économie mixte limitera certainement les avantages financiers et l'intérêt pour les municipalités et le partenaire privé de développer des partenariats. Il en est de même concernant la création des sociétés paramunicipales.» Fin de la citation.

M. le Président, ce groupe de travail auquel j'ai fait référence et qu'on appelle le comité Mireault n'a toujours pas fait ses recommandations au gouvernement. Et le ministre procède actuellement à la présentation d'un projet de loi sur les sociétés d'économie mixte qui n'aura que très peu d'applications. Je repose donc la question que j'ai posée deux, trois fois pendant mon allocution: Qu'est-ce qui justifie de proposer une loi-cadre, alors qu'on aurait très bien pu procéder par des projets de loi privés, tel qu'on l'a fait auparavant?

M. le Président, avant de terminer, j'aimerais remercier tous ceux et celles qui ont présenté des mémoires lors de l'avant-projet de loi, parce que, effectivement, ces gens-là nous ont beaucoup éclairés, nous ont fait cheminer. Je parlais pour l'opposition, le ministre l'a fait tout à l'heure pour son propre groupe ministériel. Et je suis obligée de vous dire que tous les éléments qu'ils ont mis sur la table et qu'ils jugeaient opportuns de voir dans une loi-cadre, on les retrouve dans le projet de loi en très grande partie.

Et, quand on fait le tour de ces intervenants et qu'on leur demande si le projet de loi, tel qu'il est déposé actuellement, s'ils avaient pu l'utiliser – surtout les quatre qui ont obtenu un projet de loi privé, qui ont obtenu une société d'économie mixte par le biais d'un projet de loi privé... On s'aperçoit que ça va prendre des amendements pour chacun des projets ou pour d'autres projets qui sont en gestation – je sais qu'il y en a d'autres sur la table de travail du ministre.

(16 h 50)

Alors, on se demande pourquoi on n'a pas maintenu ce qu'on fait depuis quatre ans, c'est-à-dire oui à la création des sociétés d'économie mixte, on n'a rien contre ça, on est parfaitement d'accord avec ça. La preuve, c'est que c'est le Parti libéral du Québec qui est celui qui a accordé, par le biais d'un projet de loi privé, en 1993 ou 1994, la première société d'économie mixte, et je fais référence à Compo-Sortium Haut-Richelieu, pour la gestion des déchets. Mais ça fait juste un an qu'ils sont opérationnels et, de l'aveu même de ceux qui ont été les parrains ou les pères fondateurs – et je vous dirais, je fais référence ici à Yves Ménard, qui est l'ex-maire de Carignan et qui est celui à qui on doit, finalement, la première société d'économie mixte... Lui-même dit que ce projet de loi là, on a l'impression qu'on a fait un projet de loi pour faire un projet de loi. La grande difficulté qu'on trouve, c'est que le public et le privé ne se connaissent pas. Et il y fait référence ici: la protection de l'actionnaire minoritaire, la fiscalité de la société d'économie mixte et le règlement des litiges entre actionnaires ne lui paraissent pas suffisamment traités, si bien que la porte de sortie la plus commode sera la dissolution. On aura réussi peut-être à intéresser un partenaire public et un partenaire privé pour finalement s'apercevoir que les fiscalités ne sont pas adaptées et que la seule porte de sortie, c'est la dissolution. Il prétend que le public et le privé ne se connaissent pas.

Il y a eu une demande de la part du préfet de la MRC Haut-Richelieu, donc un des partenaires fondateurs, et c'est signé par le préfet, M. André Barrière, qui dit: «Vous n'êtes pas sans savoir que notre MRC a mis en oeuvre, depuis plus d'un an, un projet-pilote constituant la première société d'économie mixte opérationnelle au Québec, dans le domaine de la gestion intégrée des déchets. M. le ministre, il est dommage que vous ayez procédé sans consultation préalable des intervenants du seul projet-pilote opérationnel au Québec. Il est primordial que nous soyons entendus. Nous regrettons vivement que vous n'ayez pu accéder à notre demande de rencontre privée avant le dépôt du projet de loi, ce qui nous aurait évité ces interventions coûteuses et urgentes.»

M. le Président, le préfet et bien d'autres nous disent – parce que, là, vous me faites signe que le temps presse, donc je ne peux pas vous lire tous ces articles de journaux – qu'ils ne se reconnaissent pas dans ce projet de loi là, qu'il y a des éléments qu'ils auraient souhaité y voir et d'autres, ils ne comprennent pas pourquoi ils y sont. Donc, on aura l'occasion de les consulter.

Je récapitule donc, M. le Président. Nous aurions souhaité – et je l'avais dit lors de la consultation sur l'avant-projet de loi – nous aurions préféré, nous, de ce côté-ci, continuer avec des projets privés, des lois privées qui auraient permis de prendre chacun des projets, de les étudier au mérite et de les accepter. De toute façon, ils ont été acceptés par l'Assemblée nationale. Il y en a eu quatre. Ça n'a pas été le choix du ministre. Nous trouvons, nous, de ce côté-ci, que le projet de loi ne correspond pas vraiment à ce qu'auraient souhaité les intervenants du milieu. Et je vous ajoute qu'une des raisons majeures pour lesquelles nous nous objectons à ce projet de loi là, c'est que le ministre s'autorise, par le biais du Conseil des ministres, à aller de l'avant avec la privatisation de l'eau potable dans un projet qui pourrait lui être présenté, dont on n'aurait pas pris connaissance, et on trouve que c'est inacceptable en ce qui a trait à la démocratie. Donc, M. le Président, nous sommes contre le principe de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon et critique officielle de l'opposition en matière d'affaires municipales. Nous cédons maintenant la parole au député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Ma consoeur du comté de Jean-Talon et critique officielle aux Affaires municipales a très bien résumé, à la fin de son exposé, le problème que nous allons avoir à vivre avec les sociétés d'économie mixte et l'apartheid, je devrais dire, que le ministre des Affaires municipales a fait avec la gestion des eaux, et ce problème est un problème de démocratie. Oui, la démocratie. Parce que l'Assemblée nationale a des institutions très bien établies, qui fonctionnent très bien dans leur sagesse. Les pairs qui ont mis ce genre de fonctionnement en place avaient très bien prévu les possibilités de conflits.

Loin de demander à la démocratie de s'exercer, le ministre a très bien mis en place un mécanisme par lequel il pourra, en catimini avec le Conseil des ministres, décider du mode de fonctionnement d'une société d'économie mixte qui déciderait de gérer son eau ou de la vendre en «by- passant», en contournant les institutions parlementaires que nous avons. Nous avons des commissions parlementaires, qui sont là pour écouter les citoyens, écouter les groupes qui veulent faire des représentations, mais le ministre fait fi de ce mécanisme qui est bien en place et qui fonctionne, pour nous dire qu'il n'y en aura pas, de privatisation de l'eau. Et je pourrais le citer, c'est dans un article de La Presse du 14 novembre: «Les services policiers, les services d'incendie et la gestion de l'eau ne pourront être gérés par des sociétés d'économie mixte [...]. M. Trudel laisse tout de même une porte entrouverte: un éventuel projet de privatisation de l'eau devrait obtenir l'aval de la plus haute instance gouvernementale, le Conseil des ministres.»

M. le Président, nous avons été élus par la population, justement pour écouter les revendications des citoyens, pour écouter les revendications des groupes qui veulent venir nous présenter leurs arguments, et le ministre nous dit tout simplement: Bien, écoutez, vous autres, là, on va vous contourner puis on va décider ça en petite réunion particulière du Conseil des ministres. Je pense que c'est de tourner au ridicule la démocratie au Québec, qui a toujours bien joué son rôle, et je ne comprends pas la démarche du ministre, aujourd'hui, d'essayer de la contourner.

D'ailleurs, M. le Président, un sondage qui a été fait il y a déjà quelques semaines nous révélait l'intérêt et l'attachement que la population a pour son eau potable. Et on est prêt à privatiser en tout ou en partie les institutions comme Hydro-Québec, les autoroutes, mais, lorsque l'on touche à l'eau potable, ça devient une toute autre affaire. Les gens ne sont pas prêts à accepter ce genre de mécanisme. Et, comme je le disais, l'attitude du ministre... En ramenant cette décision-là au Conseil des ministres, il contourne le processus démocratique, il contourne les commissions parlementaires, il contourne les groupes qui sont impliqués et il contourne aussi la décision ultime qui est celle de l'Assemblée nationale. Et l'Assemblée nationale devrait être l'autorité ultime pour décider si on veut privatiser l'eau ou pas.

Et, dans ce document, bien, on ne se prononcera pas sur la privatisation de l'eau parce que ce n'est pas dans le projet de loi, elle est exclue. Mais il se garde le privilège de pouvoir décider au Conseil des ministres si ça fonctionne ou pas. Moi, je vous dis, M. le Président, je trouve ça anormal comme procédé démocratique et je pense qu'on doit s'opposer à une telle forme de situation. Non pas que je sois contre la privatisation de l'eau, on pourrait en discuter longuement, mais, si on est pour la privatiser, que l'on en discute dans les institutions parlementaires qui sont appropriées et assujetties à ce genre de démarche. Et ça, je ne peux pas accepter que l'on «by-pass», que l'on contourne l'Assemblée nationale ou les commissions parlementaires.

La SQAE, d'ailleurs, nous le disait très bien dans un article de Mme Lévesque et de M. Francoeur, le 5 novembre, où on disait que «la Société québécoise d'assainissement des eaux recommande au gouvernement du Québec de mettre en place une politique intégrée et une agence nationale de l'eau pour établir un contrôle serré et une mise en valeur de cette richesse naturelle, et ce, avant que ne s'enclenche le mouvement de privatisation des réseaux d'aqueduc sur tout le territoire québécois». Et je continue, M. le Président, et je cite: «La SQAE souhaite que les municipalités et les éventuels gestionnaires privés de l'eau soient assujettis à des normes nationales. Considérant l'ampleur colossale des investissements actuels et futurs, il est urgent de réorganiser en profondeur la gestion de l'eau au Québec.»

M. le Président, tout ce que ça me dit, c'est: utilisons les procédés et les processus démocratiques mis en place par l'Assemblée nationale pour faire l'étude de cette privatisation, si elle a lieu, et nous déciderons en tant qu'élus s'il est bien fondé de privatiser l'eau et, si oui, de quelle façon nous l'administrerons et nous la gérerons. Le processus que le ministre nous met en place aujourd'hui, c'est un processus de détour, un détour dans lequel nous, les élus, n'aurons plus un mot à dire pour défendre les opinions de nos citoyens et citoyennes qui nous ont demandé de les représenter à l'Assemblée nationale.

(17 heures)

Moi, quand je vois ça, je suis très inquiet que, par une telle loi – d'ailleurs pour laquelle il n'y a pas l'urgence d'une telle loi aujourd'hui, il n'y a rien qui pousse que ce soit mis en place demain matin – fasse fi de nos institutions gouvernementales. D'ailleurs, M. le Président, dans ce document, évidemment qu'on n'a pas fait appel à la fiscalité des SEM, des sociétés d'économie mixte. On n'a pas non plus amené dans les détails les règlements des litiges qui auront lieu, parce qu'il va sûrement y avoir des problèmes. S'il y a des hommes, il y a de l'hommerie. Alors, quand il y aura des gens qui seront d'un bord d'une table et de l'autre, il va y avoir des conflits. Et comment on va les résoudre, ces conflits-là? Comment arriverons-nous à régler les litiges qui se présenteront?

M. le Président, les gens qui seront face à face dans un affrontement où le plus fort, qui aura 51 %, est par nécessité les municipalités, la municipalité se verra dans l'obligation de dissoudre la société d'économie mixte qui a été fondée x, y, z jours ou mois avant. Mais à quel coût? À quel coût cette dissolution se fera-t-elle? On connaît les entreprises privées, qui savent très bien s'organiser, puis c'est tout à fait normal: lorsqu'elles voient venir les mauvais coups, elles se préparent, elles se garent, elles se mettent en position de défense et elles se préparent à une telle éventualité. Évidemment, elles vont avoir vidé les coffres de leur côté. Et, comme c'est une société qui s'apparente à une société publique, elle ne pourra pas faire faillite. Et le secteur public, la municipalité, comme elle est majoritaire, devra assumer les responsabilités à l'égard des créanciers.

Cette responsabilité, M. le Président, elle n'est pas banale. Elle est très importante, parce que la municipalité pourra s'endetter d'une façon très importante, parce que, le secteur privé se détachant de la société d'économie mixte qui sera dissoute, bien, à ce moment-là, la municipalité actionnaire à 51 % devra assumer les créances laissées par la dissolution de la société. Et je pense qu'on ne dessert pas bien les citoyens si on n'est pas capable de mettre en place aujourd'hui... lors du dépôt de ce projet de loi, de nous dire comment ça va se régler, les litiges, comment on va assumer la charge à l'égard des créanciers le moment venu.

Si les sociétés d'économie mixte ne s'apparentaient pas à une entité de droit public, il n'y aurait pas de problème, M. le Président. On fait faillite, ça finit là. Ça va mal, on a des pertes, on ne peut pas les assumer, on ne peut pas assumer la responsabilité à l'égard de nos créanciers, puis on fait faillite. Mais on ne peut pas faire faillite lorsque ça s'apparente à du droit public. Et, dans une situation où l'actionnaire majoritaire a 51 %, c'est une municipalité, l'entreprise ou la SEM ne pourra pas faire faillite, et la municipalité responsable devra assumer à l'égard des créanciers la charge financière de l'endettement qu'elle devra assumer.

Quand on parle de la municipalité, M. le Président, on parle des citoyens. On parle des citoyens. On nous dit que les citoyens sont déjà étouffés par les taxes, puis là on doit ajouter les taxes que le gouvernement leur a pelletées récemment: la diminution de la demande de la TVQ, la police, et on pourrait en ajouter bien d'autres, en éducation, aux commissions scolaires. Et c'est toujours le même payeur; ils fouillent toujours dans la même poche. Puis on va lui demander à ce moment-là d'assumer une responsabilité sur laquelle il n'aura rien dit. Il n'aura rien dit. Moi, je me dis: Est-ce qu'on peut aujourd'hui se précipiter à voter sur ce projet de loi, alors qu'on n'a même pas mis en place les mécanismes qui vont réglementer les litiges, qu'on n'a même pas discuté de la fiscalité?

La fiscalité, M. le Président, vous et moi, vous qui avez été maire, moi en affaires, on comprend comment ça marche: une municipalité, elle ne fait pas de profits; un entrepreneur, il fait des profits. C'est ça qu'il cherche. C'est ça, son but pour réinvestir, augmenter ses capitaux, augmenter la création d'emplois. C'est ça, le but d'une entreprise privée. Une municipalité, ce n'est pas de faire des profits, c'est de donner des services au meilleur coût possible avec la meilleure qualité possible aux citoyens. Ce n'est pas ça qu'on va leur demander. On va dire: Bien, là, il y a 51 %. Moi, je ne veux pas de profits, je ne veux pas en avoir, je suis une municipalité. Puis l'autre qui en aura 49 % va dire: Moi, je veux des profits. Comment est-ce qu'on va agencer ce genre de partenariat? On n'a rien de sorti. On lit ça, là, puis, je vous le dis, j'ai lu, j'ai regardé, j'ai souligné, je ne suis pas capable de trouver. Je ne trouve pas de règlement qui nous permette aujourd'hui de dire comment va se résoudre la fiscalité d'une cent. Je ne l'ai pas. Je n'ai pas plus la réglementation pour les litiges. Alors, je me dis: Comment... Et en plus on pourrait ajouter: Si c'est une société qui va très bien, la municipalité majoritaire pourrait écraser l'actionnaire minoritaire. Et comment ça va se résoudre encore comme problème ou comme litige?

Je sais qu'il y a des lois, il y a des lois existantes qui protègent les actionnaires minoritaires. Elles sont toutes là. Je peux vous dire, M. le Président, que, quand vous êtes un actionnaire minoritaire, en général, c'est parce que vous avez moins de ressources. Vous avez moins d'argent, moins de capacité. C'est difficile d'aller vous battre contre le plus fort, parce que le plus fort a toujours accès à de plus grandes ressources, à de plus grandes facilités. Alors, finalement vous finissez par abandonner parce que vous allez y passer votre chemise, puis vous vous en allez. Ça non plus, ce n'est pas dans le projet de loi.

Alors, vous comprendrez que, nous, comme parti d'opposition, comme opposition officielle, on se questionne sur la nécessité d'essayer de nous faire voter sur un projet de loi de façon aussi rapide, puis ce n'est pas... Et je suis sûr que ma consoeur de Jean-Talon, notre critique officielle, voit les choses de la même façon. Ce n'est pas qu'on en a contre la privatisation de certains secteurs, ce n'est pas qu'on en a contre la privatisation de l'eau comme telle, sauf qu'on ne sait pas comment ça va se passer, et ça, ça m'apparaît essentiel que le ministre, dans des termes clairs, simples, et avant de voter là-dessus, nous dise: Voici comment on va régler les litiges entre les partenaires, voici comment on va appliquer la fiscalité.

Peut-être qu'il serait souhaitable qu'une municipalité qui investit dans une SEM fasse des profits. Qu'est-ce qu'il a contre le fait de faire des profits? Qu'elle en fasse, des profits, qu'elle paie de l'impôt. Il va lui en rester, à elle aussi, puis elle pourra répartir, à l'avantage de ses citoyens, une diminution de taxes si elle a des profits. Mais non. On ne trouve rien dans ce projet de loi. On n'a rien là-dessus. On n'a rien sur les litiges. Alors, vous comprendrez qu'on est inquiet, d'autant plus qu'on entend parler, depuis maintenant 25 ou 26 mois, des régions, combien c'est important pour les régions, la décentralisation. Bien, on n'en a pas vu, de la décentralisation.

On nous parle de création d'emplois. On nous parlait ce matin, à la période de questions, des emplois, des pertes d'emplois. Ce n'est pas compliqué, créer des emplois au Québec: qu'on change la réglementation. Les entreprises, au lieu de quitter ou de s'abstenir de venir, vont courir pour venir au Québec. C'est tellement compliqué de venir s'établir au Québec puis d'essayer de produire quelque chose au Québec, par toutes les réglementations qui sont en place. C'est là qu'on peut agir rapidement. Là, on va en mettre d'autres, on va s'en mettre d'autres. Alors, vous comprendrez que, quand on nous parle de décentralisation puis d'envoyer ça aux municipalités...

Puis tout ce qu'on a décentralisé dans les derniers mois, M. le Président, c'est des taxes. C'est des taxes qu'on a envoyées aux municipalités, des impôts additionnels à aller prélever. C'est invraisemblable. Si c'est ça, la décentralisation, on n'en veut pas, puis je suis sûr que les municipalités n'en veulent pas non plus. Ce n'est pas ça qu'elles voulaient avoir, elles voulaient avoir des pouvoirs additionnels leur permettant d'aller voir leurs constituants, leurs citoyens puis de leur dire: Voici, nous, on est plus proches de vous, on va être capable de vous comprendre; on va s'adapter à vos besoins, on va vous donner les services que vous recherchez à un moindre coût. Ce n'est pas ça qu'on leur a donné, aux municipalités: on leur a donné des taxes. Allez donc chercher de l'argent de plus. Vous êtes les plus proches du citoyen? Allez chercher de l'argent de plus dans leurs poches. C'est ça qu'on leur a donné comme décentralisation. Mais ils n'en veulent pas, M. le Président, ils n'en veulent vraiment pas.

Vous savez, quand on nous parle de la privatisation de l'eau, bien, les citoyens, oui, ils sont hésitants, puis je les comprends. Ils s'inquiètent, ils ne savent pas ce qui va arriver. C'est important, de l'eau, c'est essentiel. Mais aujourd'hui, en 1996, l'électricité, c'est tout aussi essentiel, vous le savez. On vient d'avoir une tempête de neige. Il y a des gens qui ont été privés d'électricité. Tout le monde s'acharne afin de rétablir l'électricité rapidement parce que c'est important d'avoir l'électricité, aujourd'hui. On ne peut vivre sans électricité, aujourd'hui, pratiquement pas plus qu'on peut vivre sans eau. Alors, c'est essentiel d'avoir accès à de l'eau, tout comme c'est essentiel d'avoir accès à l'électricité, tout comme c'est pratiquement essentiel d'avoir accès au téléphone ou à la radio ou à la télévision.

(17 h 10)

Pourtant, les gouvernements ont été capables de mettre en place un système de gestion par lequel l'électricité, ce n'est pas nécessairement public. Ça l'est au Québec, ça ne l'est pas partout. Il y a des endroits où l'électricité est privée. Ça l'était, d'ailleurs, privé, au Québec avant l'année 1962. Alors, ça fonctionnait. Et le téléphone, c'est privé, à ce que je sache; ça appartient à Bell Canada ou à d'autres, à Cantel. Alors, il y a des réglementations qui ont été mises en place pour permettre l'utilisation d'un service public, mais dont la propriété est privée.

Alors, oui, on peut mettre en place la même chose, probablement, pour l'eau. On peut vraiment le mettre en place. Mais, M. le Président, qu'on n'essaie pas de «by-passer» ou de contourner les institutions démocratiques que nous avons établies au Québec depuis des dizaines, et des dizaines, et des dizaines d'années. Qu'on les laisse fonctionner comme elles ont toujours bien fonctionné, et elles ont toujours bien servi les citoyens au Québec. Et c'est ça qu'il ne faudrait pas perdre de mémoire, que, par ce projet de loi, en se réservant la possibilité de décider de la gestion privée des eaux par une SEM via une municipalité et un groupe privé, le ministre se réserve ce pouvoir-là en contournant les institutions démocratiques. Et ça, M. le Président, j'ai de la difficulté à accepter ce genre de phénomène.

D'ailleurs, on a eu beaucoup de revendications de la part de l'Union des municipalités, de la part des municipalités régionales de comté qui se sont objectées à ce genre de phénomène. D'ailleurs, elles ont vu, dans toute leur sagesse, les difficultés avec lesquelles les sociétés auront à fonctionner avec l'article 45 du Code du travail. Vous le savez, M. le Président, combien de difficultés on a eues, juste à la vente d'un hôtel à Montréal, à cause de l'article 45 du Code du travail. Qu'est-ce qu'on va faire avec un société d'économie mixte alors que la municipalité transférera à un groupe, supposément ni public ni privé, ou moitié-moitié, ou à peine... Comment ça va fonctionner?

Le ministre n'a pas adressé ce problème-là, qui est un problème vital et crucial, qui a créé des problèmes à Montréal, dans la vente d'un hôtel. On n'était même pas capable de la faire parce que l'article 45 empêchait le nouveau propriétaire, qui disait: Bien, moi, je ne suis pas pour embarquer là-dedans; si je suis pour être pris avec l'article 45, je ne le veux pas. La raison, c'était que l'hôtel avait mal fonctionné parce qu'il avait des charges trop importantes. Il voulait diminuer ses charges, mais on lui imposait les même charges par l'article 45. Il a dit: Je n'en veux pas. On va faire la même chose dans ce projet de loi, M. le Président.

Alors, que le ministre s'adresse à tous ces problèmes-là, qu'il les règle tous, qu'il les mette dans le projet de loi, M. le Président, et, oui, nous serons prêts à l'étudier à nouveau son projet de loi, avec les commissions parlementaires appropriées et non pas en contournant le système démocratique qu'on a si bien établi au Québec et qui nous a si bien servis.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, on ne peut pas être d'accord avec ce projet de loi, parce que, moi, j'ai été élu démocratiquement par mes électeurs, dans le comté d'Argenteuil, et ce serait mal les servir aujourd'hui que d'accepter que, par une décision du ministre, je ne puisse pas jouer le rôle qu'on m'a demandé de jouer, c'est-à-dire de les protéger, de les défendre devant un projet de loi. Alors, M. le Président, on ne peut pas accepter une telle situation, et ensemble nous allons nous élever contre ce projet de loi n° 63. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Nous allons maintenant céder la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, c'est un plaisir pour moi de me lever dans cette Chambre pour parler sur le projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal; Bill 63, An Act respecting semi-public companies in the municipal sector.

D'entrée de jeu, je veux faire un commentaire qu'on ne fait pas toujours dans l'opposition, mais je veux féliciter le ministre pour le processus qu'il a adopté à date, dans la réflextion sur ce projet de loi. Qu'est-ce qu'il a fait? Il a déposé un avant-projet de loi. Nous avons tenu des audiences publiques; je pense que 26 groupes sont venus témoigner. Il a fait une réflexion sur ce qu'il a entendu. Il arrive maintenant avec un autre projet de loi. Mon souhait, c'est peut-être que le ministre puisse prendre le temps de prendre le téléphone et de donner un coup de fil à son collègue le ministre de la Sécurité publique. Parce qu'on est dans une autre commission sur le projet de loi n° 77, où le ministre a refusé de respecter ce même genre de processus, c'est-à-dire de consulter avant de procéder. Je pense que le ministre des Affaires municipales a pris le temps de consulter le milieu et je veux le féliciter pour cette initiative. Comme je dis, c'est dommage que son collègue le ministre de la Sécurité publique n'ait pas pris la peine de consulter davantage avant de procéder avec la réforme sur l'organisation policière.

Ceci étant dit, M. le Président, nous avons un sujet qui est fort compliqué devant nous, et je pense qu'une certaine prudence est nécessaire avant de procéder à la création de sociétés d'économie mixte. Je pense, avant d'embarquer... Parce qu'on voit les manchettes, surtout dans des revues d'affaires, et c'est vraiment la voie de l'avenir, il faut embarquer. Les grandes compagnies qui risquent d'être des partenaires dans les sociétés d'économie mixte prennent des publicités, avancent les thèses qu'il faut aller de l'avant rapidement et que c'est le modèle pour le XXIe siècle.

Il faut regarder dans le passé avant de procéder dans l'avenir. Ça fait à peu près 100 ans qu'à Montréal un homme d'affaires très, très impliqué dans le mouvement progressif, Herbert Ames, a publié un livre «The City Below the Hill». Je pense que ça fait exactement 100 ans, la publication était en 1896. C'était un portrait très, très sombre des conditions qui existaient à Montréal il y a 100 ans. Et le manque d'équipements publics quant aux conditions sanitaires, le manque de services d'incendie, le surpeuplement surtout des quartiers ouvriers de la ville de Montréal, l'absence de normes dans l'habitation, c'était vraiment un portrait dévastateur. Je pense qu'un chiffre vient toujours à l'esprit, suite à la lecture de ce livre: le taux de mortalité des nouveaux-nés à Montréal était le plus élevé dans le monde industrialisé. Alors, c'était la ville la plus dangereuse pour venir au monde, à travers l'Occident. Alors, je pense, à partir de cette analyse, qu'il y a eu des mouvements, the City Beautiful Movement, le mouvement pour promouvoir les parcs et également les équipements publics, pour améliorer, pour enfin mettre un système d'égout dans la ville de Montréal, pour avoir l'eau potable dans toutes les maisons, tous les appartements, tous les logements à travers la ville. Et effectivement, parce que le secteur privé... Parce qu'il n'y avait pas de contrôle, il y avait uniquement des gens des services publics dans les quartiers peut-être plus aisés. Et ce sur quoi le mouvement progressiste a insisté à travers l'Amérique du Nord, c'est l'importance pour la ville, pour le gouvernement, au nom des citoyens, au nom de la population, d'imposer un certain niveau de qualité des services publics rendus à travers une ville ou un région.

Moi, je pense que c'est une leçon très importante, qu'il faut toujours donner une voix aux besoins de la population, aux besoins des citoyens et citoyennes d'une région, d'une ville et ne pas laisser aller les choses. Ça, c'est des services essentiels, des choses qui, si elles ne sont pas gérées, auront une incidence sur la santé publique pour tout le monde, auront une incidence sur la qualité de vie de tous nos concitoyens.

Alors, il faut agir avec prudence. Ce n'est pas une raison de ne pas procéder. Et surtout il faut voir à la fois l'expérience que nous avons eue, dans le secteur privé – dans le passé et des fois dans le XXe siècle – dans les services publics, ne pas avoir la population à la merci d'un monopole... Ça, c'est une des choses qu'on a vécues des fois, maintenant même avec nos services publics, et les notions de service à la clientèle et les notions d'équité et tout ça sont des fois perdues.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt à améliorer la qualité des services rendus à la population. Et, si les partenariats, si des choses comme ça pouvaient fournir un meilleur service à moindre coût à la population, on ne peut pas les écarter. On ne peut pas dire a priori qu'on ne veut pas procéder comme ça. Mais, comme je dis, il faut agir avec prudence parce qu'il y a un vécu à Montréal, il y a 100 ans, où il y avait le laisser-faire à peu près complet, et il y avait des ratés, il y avait des lacunes importantes.

Alors, il faut agir avec prudence. Il faut regarder, première des choses, toute la notion de contrôle sur ces sociétés d'économie mixte. Je pense que ça, c'est un des enjeux fondamentaux dans ce projet de loi. Comment est-ce qu'on va les contrôler? J'ai écouté, tantôt, le ministre a dit qu'il n'y a pas de problème, le contrôle va être exercé parce que 51 %, comme minimum, ou la majorité des parts de ces sociétés va être détenue par la municipalité ou la MRC.

(17 h 20)

Mais il faut être très, très prudent parce qu'il y aura toujours le contrôle du savoir, le contrôle de l'expertise, et, pour une municipalité qui va d'une certaine façon déléguer la gestion à son partenaire qui a l'expertise, mettons dans la gestion des déchets, ce n'est pas les élus nécessairement et peut-être que ce n'est même pas le gérant de la ville qui a l'expertise directe dans la gestion des déchets. C'est pourquoi il y a avantage à faire un partenariat avec une entreprise qui a comme vocation le contrôle et la collecte des déchets, et tout ça. Mais, en cédant cette moitié de contrôle à un partenaire, au niveau du contrôle du savoir et du contrôle de ce qui se passe à l'intérieur de cette société d'économie mixte, il risque, avec l'usure, avec le temps, d'y avoir moins de contrôles exercés par les élus.

Et il faut voir qu'un des grands enjeux, une des choses que nous avons entendues dans la commission, c'est que les préoccupations des deux moitiés de ces partenariats ne sont pas toujours les mêmes. C'est évident, le secteur privé, il aura un souci d'efficacité. Je pense que tout le monde cherche ces partenariats, effectivement, parce qu'on cherche des moyens plus efficaces pour rendre les services disponibles à la population. Mais, pour les municipalités, peut-être que le souci d'équité est plus important. Peut-être que ça va coûter un petit peu plus cher, mais, pour améliorer les services à travers la ville, peut-être qu'il faudra augmenter les coûts. Au niveau de l'efficacité, ici, ça va rendre les services un petit peu moins bons à la fin de la rue ou dans un certain quartier, mais, si c'est plus efficace dans son ensemble, peut-être qu'on va laisser tomber un quartier ou un secteur de la ville. Alors, ces soucis ne sont pas toujours les mêmes choses.

Également, on a deux intérêts différents parce que le partenaire privé, avant tout, aimerait tirer un profit. Comme toute entreprise, la motivation va être d'être capable de faire le maximum de profits avec l'entreprise. Pour le partenaire public, ça va être la transparence, la saine gestion des fonds publics. Alors, ces intérêts ne sont pas tout à fait les mêmes. Alors, qui contrôle? Laquelle des deux cultures? Parce que, dans les commissions parlementaires, on a vraiment parlé d'un genre de mariage de deux cultures très différentes. Alors, il faut s'assurer, surtout avec les grandes sommes de fonds publics qui risquent d'être impliquées dans ça, qu'on a un contrôle suffisant et que les intérêts des contribuables sont bien protégés avant d'embarquer dans les sociétés d'économie mixte.

Et un des enjeux que nous avons vus – et il y a des changements entre l'avant-projet de loi et la loi qui est devant nous – mais qui me préoccupe toujours, c'est la question de l'accès à l'information et de la confidentialité des renseignements. Ça a été soulevé devant la commission, et il y a eu un mémoire déposé par la Commission d'accès à l'information. Il y a des changements dans la loi, mais je veux juste attirer l'attention de cette Assemblée que c'était un enjeu majeur. Il y avait une énorme réticence des compagnies privées à être assujetties à cette loi. Elles ont invoqué beaucoup de raisons: «trade secrets», les secrets du métier, qu'il faut à tout prix protéger parce que, sinon, un de leurs concurrents va apprendre comment ils sont organisés; également, il y avait «the competitive advantage», l'avantage concurrentiel, où je dois garder quelques données privilégiées pour avoir un avantage quand je dois concurrencer avec une autre compagnie privée.

Alors, encore une fois, en parlant de ce mariage de deux cultures, c'était un des grands enjeux qu'effectivement le secteur privé, avec ses règles de jeu, veut protéger ce genre de renseignements. Mais, dans le secteur public, il faut rappeler avant tout que c'est des fonds publics, et, avec la règle de la transparence, c'est très, très important que, si, moi, je dois payer des impôts qui vont indirectement dans une ou des sociétés d'économie mixte, j'aimerais savoir ce que ses gestionnaires vont faire avec mon argent, tout comme au mois d'avril, dans cette Assemblée, on passe 200 heures en commission parlementaire pour questionner les ministres et les fonctionnaires sur comment nos impôts québécois sont dépensés par le gouvernement. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à avoir cette transparence et à avoir une certaine imputabilité des gestionnaires des SEM.

Une des choses que j'aimerais savoir, où j'insisterais beaucoup, c'est si le ministre va reconvoquer la Commission d'accès à l'information pour s'assurer que les changements qui ont été faits entre l'avant-projet de loi et le projet de loi n° 63 vont répondre aux exigences de la protection de l'accès à l'information requises par les contribuables dans ces municipalités.

Juste une parenthèse. Il faut rappeler aussi que c'est une autre commande qu'on va faire à la Commission d'accès à l'information. Dans le dernier rapport du Vérificateur général, on parle des difficultés à la Commission, qu'elle n'a pas les moyens de surveiller tous les mandats qui lui sont consacrés, et ça limite sa capacité de fonctionner comme un chien de garde quant à l'accès à l'information et à la protection des renseignements confidentiels dans notre société. Alors, avant de procéder, une autre question peut-être qu'il faut savoir, c'est: Est-ce que, dans la gestion des sociétés d'économie mixte, la Commission d'accès à l'information aura les moyens de s'assurer que les contribuables dans les municipalités pourront savoir si leurs impôts sont dépensés comme il faut, si les règles de transparence sont respectées par les sociétés d'économie mixte?

Une autre question qui m'a préoccupé dans la commission parlementaire est toute la notion de la concurrence. Moi, j'ai questionné la compagnie Laidlaw, une des grandes compagnies de collecte des déchets au Québec, sur le fait de la concurrence, le prix aux municipalités pour la collecte des déchets. Surtout, moi, je parle de la région de Montréal. Il y a une trentaine d'entreprises. Alors, il y a toujours les offres, les contrats, les soumissions qui sont faits dans les appels d'offres. C'est concurrentiel, et les municipalités, comme ça, sont assurées que les règles du marché vont assurer un prix moins dispendieux pour la population.

J'ai parlé au représentant de Laidlaw, qui m'a dit qu'effectivement on va laisser tomber tout ça dans un système où les municipalités deviendront partenaires dans un SEM pour la collecte des déchets avec Laidlaw ou un des autres, Waste Management – il y a plusieurs compagnies, comme je l'ai dit, il y en a une trentaine dans la région de Montréal. Mais on va perdre le frein sur les coûts, parce que, dès que la municipalité a décidé en permanence qu'elle va faire affaire dans un partenariat comme ça, le fait de limiter l'augmentation des coûts que le système d'appels d'offres a maintenant va tomber à terre. Alors, on risque... Pas tout de suite, c'est évident. À court terme, les prix vont être comparables, mais à moyen terme ça va coûter aux contribuables d'une municipalité plus cher ou ça risque de coûter aux contribuables d'une municipalité plus cher dans un de ces partenariats. Alors, c'est une autre question à suivre, comment on va assurer qu'ils gardent cette concurrence et que les contribuables ne soient pas à la merci d'un monopole. Parce que, au moment où les contribuables sont à la merci d'un monopole, c'est beaucoup plus facile d'augmenter les coûts. Qu'est-ce qu'on peut faire? Il faut enlever les déchets. On ne peut pas les garder dans le sous-sol pour des années et des années, il faut les sortir une fois par semaine au moins. Alors, on ne peut pas contourner cette réalité. Et, si les contribuables sont à la merci d'un monopole, il risque d'y avoir des problèmes.

Il y a toute la question de l'eau qu'on voit dans ce projet de loi, aussi. Le ministre dit: Il n'est pas question de ça, mais «water is where the action is». Si on voit les manchettes dans les journaux: «Privatisation de l'eau: tout est sur la table»; «La privatisation de l'eau est envisagée pour tout le territoire»; «Le pays décentralise la gestion de l'eau mais avec grande prudence»; «SNC-Lavalin et Tecsult veulent aussi gérer l'eau»; «Le ministre des Affaires municipales – parce que je ne veux pas utilisé son nom de famille – commande une étude sur l'état des réseaux». Alors, c'est... vraiment beaucoup d'intérêt. Je pense c'est là qu'il y a beaucoup d'intérêt, et je veux partager les inquiétudes de mon collègue d'Argenteuil.

Comment ça se fait que cette question névralgique ne sera pas assujettie à un débat de l'Assemblée nationale? Le ministre va regarder ça lui-même, il va être capable, par décret, sans débat, sans aller devant une commission parlementaire, de décider s'il y aura des partenariats entre les municipalités et les sociétés dans la gestion de l'eau. Moi, je trouve ça regrettable. Je pense qu'il faut toujours avoir un débat pour assurer que les intérêts des contribuables sont protégés.

(17 h 30)

Finalement, un autre point qui a été soulevé à maintes reprises, quelque chose que nous avons regardé, c'est tout le débat autour de l'article 45. Et, encore une fois, je dois commenter le double langage de ce gouvernement. Quand la ministre de la Culture était prise avec un problème, qu'elle cherchait des économies, qu'elle cherchait de nouvelles façons de faire, qu'elle cherchait à réduire ses coûts pour Radio-Québec, qui est devenu Télé-Québec, c'est quoi, la première chose qu'elle a faite? Elle a enlevé l'obligation de respecter l'article 45. Mais, en anglais, on dit: «What's good for the goose is good for the gander.»

Alors, si on veut encourager les municipalités à aller aussi chercher d'autres façons de faire, de réduire les coûts, pourquoi on n'accepte pas une réexamination de l'article 45? Mais il n'est pas question de ça. Il faut accepter, malgré le fait qu'avec la façon dont le travail est organisé dans nos municipalités les salaires sont de 27 % plus élevés que dans le secteur privé... Alors, peut-être que, si on veut vraiment aider les municipalités à réduire les coûts, il faut avoir une certaine souplesse, il faut avoir une flexibilité. Il faut avoir ce débat. On a commencé dans les discussions de l'avant-projet de loi, mais je pense qu'il y a là le coeur du débat. Moi, il y a une couple de municipalités dans mon comté qui ont un plancher de travail: il faut avoir une cinquantaine d'emplois. Alors, elles peuvent faire les sociétés d'économie mixte. Mais, si elles sont toujours prises avec un plancher de travail, s'il faut toujours avoir une cinquantaine d'employés, il n'y a aucun intérêt pour elles d'embarquer dans les SEM.

Alors, il y a beaucoup de questions. J'espère qu'on va continuer d'avoir le temps de regarder ça en commission mais surtout à cause du fait que, comme j'ai dit, l'enjeu principal, c'est-à-dire la gestion de l'eau, le ministre retirerait ça du domaine. Il veut garder ça comme son endroit privé; il veut faire les ententes sans venir à l'Assemblée nationale. Il faut s'opposer à ça. Et, moi, je pense que, si on veut faire des règles, soit que c'est les mêmes règles, et, si on veut regarder les ententes pour la création des sociétés d'économie mixte pour la gestion de l'eau potable, etc., on va le faire ici, à l'Assemblée nationale, où on va le mettre dans la liste des choses écartées, c'est-à-dire la sécurité publique et les services d'incendie. Mais de trouver cette troisième catégorie, alors le ministre peut aller sur le terrain négocier des ententes sans que... On peut assurer ici, comme parlementaires, que les intérêts des contribuables, les règles de transparence et les règles qui assurent la saine gestion des finances publiques sont respectées. Je pense qu'on a tout intérêt à changer ça.

Alors, pour cette raison et à ce moment, dans l'étude de ce projet de loi, je joins ma voix à celles de mes collègues pour voter contre cette loi, en principe aussi longtemps que ces questions n'auront pas de réponses. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Nous céderons maintenant la parole au député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Toujours dans le cadre du projet de loi n° 63, la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal, je pense qu'à ce moment-ci je vais reprendre où mon collègue a laissé, le député de Jacques-Cartier, pour vous exprimer justement les réserves qu'on se doit d'avoir avec ce projet de loi, bien qu'à certains égards il pourrait être... Et certains groupes, certaines personnes viendront vous dire ou viendront nous dire, dans chacun de nos comtés, qu'il serait souhaitable d'avoir une structure comme celle-là pour gérer certains services.

Mais pourquoi on se doit, M. le Président, d'avoir certaines réserves, pour ne pas dire des réserves certaines, basées sur des témoignages qui nous ont été présentés en commission parlementaire, à l'occasion d'auditions, quand nous avons reçu en entrevue certains groupes, des représentants des unions municipales, des représentants des municipalités et des MRC et aussi des représentants du secteur privé qui, plus souvent que pas, souhaitaient devenir partenaires, comme je vous le mentionne si bien, avec certaines municipalités, avec les municipalités qui l'auraient souhaité, dans des cas bien spécifiques, pour soit donner des services ou développer des services qu'on ne connaît pas aujourd'hui?

Évidemment, moi, je représente une région où il y a un secteur qui est fortement industrialisé. Il n'est pas impossible que, dans la grande région de Montmagny, on puisse retrouver, à certaines occasions, certains égards, et peut-être au moment où on se parle, des gens qui y pensent déjà, dans le secteur privé, à venir supporter la ville de Montmagny ou la grande région de L'Islet, ville de L'Islet, pour développer davantage, améliorer ou revoir certaines structures de services.

Mais, pour l'ensemble du Québec, ce que l'on a reçu comme témoignages en commission parlementaire, M. le Président... C'est des organismes, des groupes et des municipalités qui venaient de toutes les régions du Québec. Comme le mentionnait mon collègue de Jacques-Cartier, député de Jacques-Cartier, tantôt, justement, nous avons abondamment reçu des témoignages de groupes qui venaient de la grande région de Montréal, des représentants de la ville de Montréal, des représentants de la Communauté urbaine de Montréal. Et je vois le ministre qui a statué. Il a déclaré récemment, et il continue, et je pense que c'est avec prudence aussi... Mais on doit s'interroger sur un petit passage de la déclaration de M. Trudel, M. le ministre des Affaires municipales, député de la région de Rouyn-Noranda. M. Trudel est contre la privatisation.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous n'avez pas le droit de nommer... Ça va.

M. Gauvin: Non. Je comprends, M. le Président. Je voulais justement me référer... Mais c'est au ministre des Affaires municipales que je faisais allusion, tout le monde le connaît, avec tout le respect qu'on lui doit, évidemment. M. Trudel est contre... c'est-à-dire... Je dois reprendre. M. le ministre des Affaires municipales est contre la privatisation.

Le Vice-Président (M. Pinard): Voilà. C'est ça.

M. Gauvin: Mais on le citait, on le citait, mais c'était à l'occasion d'un échange. Et je pense que c'est intéressant que je vous rappelle, mot pour mot, ce qu'on citait. Donc, le ministre est contre, a nié formellement hier que le gouvernement du Parti québécois ait l'intention de permettre la privatisation des services d'eau partout au Québec. C'est-à-dire partout, à part là où le ministre ou le gouvernement va le souhaiter, va le souhaiter dans des situations bien particulières. Et je pense que ça pourrait se retrouver, et c'est ce qu'on décèle, dans la région métropolitaine de Montréal.

Ça inquiète les gens, et on y a fait allusion tantôt, évidemment, parce que c'est possible que les services, avec les années, soient meilleurs – ça n'a pas clairement été démontré – mais c'est aussi possible, et c'est ce que plusieurs pensent, que ça pourrait, avec le temps, coûter plus cher. Donc, est-ce qu'on doit... En fait, c'est ce qui nous inquiète, c'est ce qui inquiète plusieurs personnes, quand le ministre dit: Oui, là où le ministre des Affaires municipales ou le gouvernement du Québec va en décider autrement.

J'aimerais entendre de nos collègues ici, de l'Assemblée nationale, qui ont une expérience au niveau des affaires municipales. Je vois justement le député de Bellechasse, qui a une très bonne expérience au niveau des affaires municipales; avoir ses commentaires. Je pense qu'il y a d'autres personnes aussi qu'on retrouve dans cette Assemblée qui ont vécu de très bonnes expériences. Et j'ose croire, si l'information est bonne, que le député d'Ungava aussi a déjà milité au niveau des affaires municipales dans un secteur du Québec, dans une région du Québec qui est très particulière.

Donc, un projet de loi sur la société d'économie mixte, on a traité, et mes collègues l'ont fait abondamment, de ce que ça pouvait comporter pour le service d'alimentation en eau de la région de Montréal. J'ai fait référence aux réserves que M. le ministre avait – et évidemment je l'avais identifié à ce moment-là, mais tout le monde le connaît. Je pense que le ministre connaît très bien, M. le ministre des Affaires municipales connaît très bien la problématique des régions. Et c'est peut-être moins vrai pour la grande région de la Communauté urbaine de Montréal, mais il y a suffisamment de gens qui sont en mesure de conseiller M. le ministre à ce niveau-là. Les représentants de la ville de Montréal sont aussi en mesure de faire la démonstration, hors de tout doute, de ce que comportent les services d'alimentation en eau pour la région de Montréal.

(17 h 40)

Le projet de loi n° 63 pourrait donner justement aux municipalités régionales de comté, et c'est ce à quoi je faisais allusion tantôt, pour la région... dont celle que je représente, celle de Montmagny, communauté urbaine, on en a traité sur des compétences particulières. Donc, les municipalités régionales de comté s'associent au privé pour donner des services.

M. le Président, à mon avis, la population québécoise – du moins dans les régions que je connais – n'est pas prête à ça, et on doit aller beaucoup plus loin. On doit tenter de vérifier auprès de la population et prendre le temps nécessaire pour vérifier auprès de la population et apporter des exemples de ce que pourraient donner certains services. On peut penser à l'administration de parcs industriels, on pourrait penser à l'administration de sites d'enfouissement et à la cueillette des ordures dans des régions données, d'une part.

Donc, dites-vous que ce n'est pas exagéré, de la part de nos collègues, ici, de l'opposition, de moi-même, de demander au gouvernement, de demander au ministre des Affaires municipales de prendre le temps nécessaire, de recevoir à nouveau des gens pour nous faire la démonstration sur les projets souhaités... en fait, les projets et déjà la structure proposée à être mise en place au niveau de certains services, que ce soit pour les grandes villes comme pour les régions ou les plus petites villes au niveau d'une municipalité régionale.

Je reviens et j'aurai la chance à nouveau de vous faire part de notre inquiétude quand on nous dit que le ministre des Affaires municipales devra reconnaître certains projets au niveau de l'alimentation en eau avec l'approbation gouvernementale. C'est une subtilité qui pourrait être inquiétante. Il va falloir s'attarder aux articles 10 et 11, articles qui déterminent les conditions selon lesquelles la municipalité régionale de comté peut se prévaloir du droit de retrait, c'est-à-dire que, quand on va proposer une société d'économie mixte pour une grande région, une région donnée, il va falloir permettre à certaines municipalités de s'en retirer, de ces services-là, si c'est le souhait de sa population. Et ça va devoir être la même chose pour une municipalité régionale, là où il y aura un projet d'une grande région.

Et je vais me référer encore à une région que je connais bien – bien que votre région, celle que vous représentez, la région de la Mauricie, ce soit le centre du Québec; tous les Québécois et Québécoises la connaissent normalement assez bien – bon, bien, je vais vous parler de la région de la Côte-Sud, qui peut regrouper trois ou quatre municipalités régionales de comté où ça pourrait être tout à fait naturel de proposer des services régionalisés, régionalisés dans le sens que je vous disais tantôt. L'administration d'un nouveau parc industriel dans la grande région de Montmagny avec la complicité de plusieurs municipalités environnantes, municipalités en périphérie, ça pourrait être un exemple. Et le privé commence justement à imaginer, à proposer et à réfléchir à des propositions de partenariat avec le monde municipal.

On nous dit, et ça, ça a été confirmé justement en commission parlementaire quand des groupes sont venus à d'autres occasions le préciser: Le financement, dans certains cas, pourrait être plus facile parce qu'on connaît le dynamisme du privé dans certains secteurs, d'une part, et les problèmes que ça pose, de mettre en place des structures comme celles-là pour le monde municipal. On doit y aller avec toutes les réglementations qu'on connaît, et c'est une bonne chose que le monde municipal, dans ces situations-là, procède avec une très grande prudence, parce qu'il procède au nom des payeurs de taxes de chacune de leurs municipalités, d'abord. C'est des gens qui ont été élus pour administrer des services, mais ce sera une expérience nouvelle. C'est une expérience nouvelle et ce sera une expérience nouvelle de donner des services en partenariat avec le privé.

Il y a quelques structures d'économie mixte qui ont été approuvées par le gouvernement du Québec depuis quelques années, quatre ou cinq, ou peut-être, sans se tromper, six, sauf exception. Il y en a qui ont eu assez de facilité à se structurer, à être mises en place, mais il n'y en a qu'une ou deux. Il y en a même qui n'ont jamais pu démarrer et il y en a d'autres qui y ont renoncé, justement, à procéder au projet proposé dans la structure, dans la reconnaissance de la société mixte, et on a eu des exemples en commission parlementaire.

Il va falloir être assez prudent en commission parlementaire, si jamais le ministre des Affaires municipales veut l'amener dans les meilleurs délais, et s'arrêter à l'article 32, qui précise les éléments obligatoires que doit contenir la convention de l'organisme municipal conclue relativement à l'exercice de leurs compétences communes, d'une part. Et il y a d'autres articles où on va devoir vraiment s'arrêter abondamment.

J'aimerais faire quelques commentaires à ce moment-ci. Au moment du dépôt de l'avant-projet de loi sur la constitution de sociétés d'économie mixte, le député de Joliette voulait permettre – et c'était M. le député de Joliette qui était à ce moment-là titulaire du ministère des Affaires municipales – aux secteurs privé et public de s'associer dans une nouvelle forme de partenariat – c'était le but visé et c'était souhaitable – qui est appliquée avec succès en Europe, disait-il. Il souhaitait, par cet avant-projet de loi, en arriver à une loi-cadre qui définirait les grands principes de ce maillage public-privé dans le domaine municipal. Donc, vous voyez, il y a déjà deux ans, et ça avait été aussi, je pense, développé quelques années auparavant, mais plutôt il y a une couple d'années. Il est important de mentionner que quatre projets de loi d'intérêt privé, comme je vous le mentionnais tantôt, ont été autorisés.

Dans l'ensemble, on peut dire que le ministre a tenu compte de nombreux commentaires des différents intervenants, lors de la consultation générale qui a eu lieu. Toutefois, ce qui est questionnable, c'est la célérité avec laquelle il procède pour déposer ce projet de loi qui aurait une application très restreinte, compte tenu de l'application des articles 45 et 46. C'est là que je vous disais, M. le Président, qu'on va devoir vraiment s'arrêter et vérifier avec les milieux concernés la portée de ces articles.

Quelle entreprise privée pourrait être intéressée à s'associer à une municipalité pour exécuter des activités dont elle a la compétence, alors que la rémunération versée en milieu municipal est plus élevée de 27 %? Ce problème est toujours revenu lors des auditions. Si une municipalité veut se décharger, veut abandonner... ou veut intéresser un partenariat privé pour donner certains services publics, ils vont devoir respecter les conventions collectives qu'il y a déjà au niveau des municipalités, et, on doit le reconnaître, c'est tout à fait normal. Comment est-ce qu'ils vont faire pour faire la démonstration que, avec une société d'économie mixte où il y aura un partenariat privé, les coûts seront moins élevés, s'il doit y avoir une majorité d'élus municipaux qui vont former le conseil d'administration de la structure, si on doit aussi respecter les conventions collectives existantes?

Donc, où est la marge de manoeuvre de cette nouvelle structure pour faire la démonstration à la population et l'intéresser à embarquer dans cette société mixte, dans ce nouveau partenariat pour donner des services existants? Parce qu'on sera toujours en mesure de faire la comparaison avec la structure qu'on avait qui était municipalisée, qui était une structure municipale, les services qu'on avait par rapport aux coûts et faire la démonstration qu'ils peuvent conserver les mêmes services à des coûts moindres. Donc, la démonstration ne sera pas nécessairement facile à faire, mais ça, ça sera le problème du temps. Donc, tout ça pour vous démontrer, M. le Président, qu'on se doit d'avoir les réserves nécessaires.

(17 h 50)

Il y avait un autre point qui a été soulevé que j'aimerais soulever ici. Est-ce que ça aura pour effet de créer des emplois? Aujourd'hui, tout le monde dit que la priorité numéro un du gouvernement du Québec – ce qui est souhaitable – ce serait d'avoir une politique de création d'emplois. Est-ce que cette nouvelle façon, cette nouvelle approche aurait pour effet de créer des emplois? Ce n'est pas évident parce que, je viens justement de vous le mentionner, la nouvelle structure va devoir respecter les conventions collectives.

Si on ajoute des services, oui, il y aura probablement création d'emplois. Si, en plus de donner les services existants dans la municipalité, dans la MRC ou dans une communauté urbaine, on ajoute des services à l'occasion de la formation de cette nouvelle structure, c'est possible que ça crée des emplois. À ce moment-là, je pense que ça devrait être le critère numéro un qui devrait être retenu, parce que, au Québec, je pense que c'est ce que la population souhaite, que c'est ce que les élus souhaitent, et que ça serait un bienfait pour notre économie, si on pouvait trouver des formules, des structures avec un financement plus facile qui permettraient de créer des emplois parce qu'on développerait des services, d'une part.

Mais, encore une fois, nous avons les réserves qu'il se doit à cette occasion-ci, et ce qu'on demande au ministre des Affaires municipales – sans le nommer, M. le Président, parce que, comme vous me l'avez si bien fait remarquer, tout le monde le connaît – et au gouvernement du Québec, c'est de prendre le temps nécessaire pour vraiment approfondir la portée d'une telle loi, soit la loi n° 63. Et nous souhaitons de ce côté-ci, du côté de l'opposition, que le ministre ait la sagesse de reporter le projet de loi n° 63, et il aura la collaboration des députés de l'opposition pour lui permettre de mieux comprendre et approfondir la problématique et la portée d'une telle loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Gauvin: La motion d'ajournement? On a bien compris?

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, ajourner le débat. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Alors, compte tenu de l'heure, je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous allons poursuivre les affaires du jour. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 8 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 69


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 8 de notre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Y a-t-il des interventions? M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, le secteur financier du Québec subit présentement d'importantes transformations en raison principalement de l'évolution rapide de la technologie des télécommunications et de l'informatique. Un des aspects de cette révolution est la course au plus grand et au plus gros à l'aide d'acquisitions, de fusions, de concentrations. Mais, malgré une concentration plus forte, la concurrence est plus grande que jamais. Les produits financiers offerts se multiplient et s'adaptent aux besoins changeants de la population. La distribution des produits et services financiers emprunte désormais des moyens de plus en plus variés et possiblement mieux adaptés aux besoins ou désirs de consommateurs plus exigeants. Grâce au désir des différents gouvernements québécois d'innover et d'établir des précédents dans la réglementation, le secteur des caisses d'épargne et de crédit du Québec a bénéficié d'une législation qui lui a permis jusqu'à maintenant de tenir sa place au Québec et ailleurs, si je puis dire. Une structure administrative plus efficace est essentielle au maintien de cette place. Notons cependant que la caisse fonctionne toujours dans une structure administrative adoptée au début du siècle malgré l'importante transformation de la nature de ses opérations.

Les caisses doivent de plus pouvoir bénéficier des ressources mises en commun au sein d'une fédération et d'une confédération et ainsi évoluer sous des mécanismes de surveillance et d'intervention qui leur permettront de maintenir une solidité financière optimale. De plus, comme le secteur des caisses d'épargne et de crédit évolue dans un environnement où la concurrence est de plus en plus forte, il a besoin d'un moyen plus performant pour assurer sa présence sur certains marchés, et ce, au bénéfice des Québécoises et des Québécois qui en sont membres, c'est-à-dire des millions d'entre eux et d'entre elles, comme chacun sait.

(20 h 10)

Dans un cadre réglementaire adéquat, les caisses effectueront une intermédiation plus efficace de l'épargne vers l'investissement, ce dont bénéficiera finalement l'ensemble de l'économie québécoise. Ainsi, notre projet de loi portant le n° 69 comporte trois volets. Le premier consiste en l'allégement et en la modernisation de la structure administrative des caisses et des fédérations. Le deuxième améliore la capacité d'une fédération et d'une confédération d'adopter des règles de gestion et de déontologie, de veiller au respect de ces règles et d'intervenir lorsqu'elles ne sont pas respectées. Le troisième prévoit l'élargissement de la capacité d'offres de services du secteur en mettant à contribution la confédération et en permettant à plusieurs entités appartenant à un réseau – confédération, fédération, caisse – d'investir dans une même entreprise. Le projet de loi n° 69 vise aussi à introduire certaines modifications de concordance avec le Code civil ainsi qu'à simplifier et à clarifier certaines dispositions de la loi.

Du côté des structures administratives, comme chacun sait, la structure administrative d'une caisse est constituée d'un conseil d'administration, d'un conseil de surveillance et d'une commission de crédit. Ce sont là les antiques rouages de nos caisses pop. Celle d'une fédération comprend, en outre, un comité de déontologie. Chacun de ces organes, comme la loi les désigne, a un rôle précis à jouer dans la conduite des affaires de la caisse. La modernisation de ces structures passe par l'abolition de la commission de crédit, tant au niveau des caisses que des fédérations. Ainsi, la fonction d'octroyer du crédit pourrait être confiée par le conseil d'administration aux employés spécialement formés à cette fin – à des spécialistes, en vérité.

Par ailleurs, toujours dans le but de favoriser le fonctionnement efficace de la caisse, il serait permis au conseil d'administration de constituer un comité exécutif, comme peut le faire actuellement le conseil d'administration d'une fédération. L'assemblée générale élirait donc les membres de deux organes, le conseil d'administration et l'actuel conseil de surveillance, qui prendraient la désignation de «conseil de vérification et de déontologie» pour refléter l'élargissement de ses responsabilités à la surveillance du respect des règles de déontologie et de saine gestion dont il sera question un peu plus tard.

Dans le cas d'une fédération, le conseil de surveillance serait fusionné au comité de déontologie, et ce nouvel organe prendrait la désignation de «conseil de vérification et de déontologie». Il reprendrait les fonctions de l'actuel comité et jouerait à l'égard de la fédération le même rôle que joue le conseil de vérification et de déontologie de la caisse auprès de celle-ci.

Parlons maintenant un peu des pouvoirs normatifs internes. Comme on le sait, la quasi-totalité du secteur des caisses d'épargne et de crédit au Québec fonctionne au sein d'un important réseau constitué de caisses affiliées à des fédérations, elles-mêmes affiliées à une confédération. L'union faisant la force, comme on le dit si bien dans le milieu coopératif, les caisses, au Québec, forment un ensemble beaucoup plus fort que la somme de chacune de leurs composantes. En effet, la mise en commun de ressources, tant au niveau d'une fédération que d'une confédération, permet à chacune des caisses d'offrir des produits et services qu'elles ne pourraient individuellement offrir. La solidarité financière qui unit l'ensemble des caisses lui garantit une stabilité financière accrue, chacune des composantes soutenant celles qui connaissent des moments difficiles. On comprend aisément que toute caisse qui sera mise à contribution pour en aider une autre qui connaît des difficultés financières tiendra à ce que toutes les caisses gèrent leurs affaires de façon saine et prudente. C'est d'ailleurs dans ce contexte de solidarité financière que le gouvernement avait, en 1988, on s'en souvient, confié aux fédérations et à la confédération la capacité d'assurer, au sein du mouvement coopératif, le respect de certaines règles de gestion prudente.

Aujourd'hui, il apparaît nécessaire d'apporter certains ajustements à cette capacité. Il convient d'abord de renforcer chez les caisses la responsabilité d'adopter une gestion saine et prudente, obligation d'ailleurs très répandue dans la réglementation d'institutions financières en Amérique du Nord. Il convient ensuite d'assouplir le mode d'adoption des règles applicables aux caisses par une fédération. On sait qu'aujourd'hui les conditions économiques changent rapidement et que les produits financiers et les méthodes de gestion changent encore plus rapidement. La réglementation doit donc pouvoir être modifiée au même rythme. Ainsi, les autorités de réglementation, un peu partout, délaissent les règles strictes pour adopter une réglementation beaucoup plus flexible, qui peut être ajustée rapidement. Le mode de réglementation interne des caisses n'offre pas cette flexibilité présentement.

En effet, actuellement, les règles sont établies par règlement adopté par l'assemblée générale annuelle de la fédération. Le processus d'adoption et de modification des règlements est donc soumis à une rythme jugé trop lent. Ainsi, afin de permettre l'adoption rapide des règles de gestion des caisses, de telles règles seront dorénavant adoptées par le conseil d'administration de la fédération plutôt que par son assemblée générale. Puisque les caisses et les fédérations agissent au sein d'un même grand réseau, il est normal que l'intérêt du réseau soit pris en considération lors de l'élaboration des règles par une fédération.

Pareillement, la confédération doit pouvoir faire valoir l'intérêt de l'ensemble des fédérations qui lui sont affiliées et des caisses affiliées à ces fédérations. Il sera donc prévu d'une part qu'une fédération doit adopter les normes pour les caisses qui lui sont affiliées portant sur tout sujet financier ou administratif, lorsque requis, dans l'intérêt de la fédération et de l'ensemble des caisses qui lui sont affiliées. Il sera aussi prévu, d'autre part, qu'une confédération puisse adopter des normes sur tout sujet financier ou administratif d'intérêt pour l'ensemble des fédérations qui lui sont affiliées et des caisses qui sont affiliées à ces fédérations.

Toujours dans le même esprit, la confédération pourra faire des recommandations aux fédérations qui lui sont affiliées pour favoriser et soutenir des pratiques financières et administratives saines et prudentes. Étant donné la responsabilité de réglementation qui repose sur les épaules d'une fédération à l'égard de ces caisses membres, il convient d'assurer un mécanisme de relève en cas de défaut de cette fédération de s'acquitter adéquatement de ses responsabilités. Il sera donc prévu qu'une confédération pourra édicter elle-même des règles applicables aux caisses, à défaut de la fédération de le faire. Elle devra aussi approuver les fondations, fusions et modifications de statut des caisses appartenant au réseau afin d'en assurer une évolution harmonieuse.

Il n'est pas tout d'établir des règles, il faut aussi s'assurer qu'elles seront suivies, ce qui nécessite, d'une part, un mécanisme de surveillance adéquat et, d'autre part, des moyens d'intervention efficaces. C'est à la caisse elle-même qu'il convient de confier les premiers devoirs de surveillance et les premiers pouvoirs d'intervention. La caisse devra gérer ses affaires de manière saine et prudente, et c'est au conseil de vérification et de déontologie qu'il appartiendra de vérifier si les règles de déontologie et de gestion de la fédération sont respectées.

Ce conseil aura d'ailleurs le pouvoir de suspendre un dirigeant ou un employé de la caisse en cas de manquement aux devoirs de sa fonction ou de demander l'intervention de la fédération à cette fin. Il pourra aussi demander que la fédération donne des instructions écrites à la caisse. Le conseil de vérification et de déontologie, en cas de défaut du conseil d'administration, pourra lui-même faire appliquer les règles de déontologie ou régler un cas de conflit d'intérêts ou bien demander à la fédération de le faire.

Deuxième niveau d'intervention, la fédération. La fédération devra évaluer et veiller à l'application des règles par une caisse affiliée et pourra, à cette fin, procéder aux examens et recherches en tout temps. La fédération pourra, de sa propre initiative, suspendre temporairement un dirigeant en cas de manquement grave aux devoirs de sa fonction. Elle pourra aussi donner des instructions écrites à une caisse lorsque celle-ci n'exerce pas une gestion saine et prudente ou ne respecte pas les règles de déontologie, ou encore lorsqu'elle ne règle pas un cas de conflit d'intérêts. Finalement, la fédération pourra, avec l'autorisation de l'Inspecteur général toutefois, assumer temporairement l'administration d'une caisse si elle a des raisons de croire qu'il y a détournement de biens, faute ou manquement important à leurs obligations de la part d'un ou de plusieurs dirigeants ou que le contrôle sur les biens de la caisse est insuffisant pour protéger adéquatement les droits des membres. La confédération constituera le troisième niveau d'intervention. Celle-ci pourra exercer les pouvoirs d'intervention d'une fédération affiliée en cas de défaut de cette dernière de les exercer.

(20 h 20)

Un mot maintenant sur l'offre de service et la compétitivité. Le secteur des caisses fait face à une forte concurrence. Le membre exige que sa caisse puisse offrir les mêmes services que les autres institutions financières à des coûts comparables. C'est pourquoi la mise en commun de ressources est si importante au sein de ce secteur. Par conséquent, il sera désormais permis à une fédération de participer plus activement à l'offre centralisée de produits et services, à titre de mandataire des caisses du réseau. De même, les limites actuelles qui interdisent les investissements conjoints dans une entreprise seront levées, ce qui permettra à plusieurs caisses ou autres entités du mouvement coopératif d'investir auprès d'une même entreprise, augmentant l'accès de ces entreprises au capital tout en permettant une meilleure répartition du risque.

Voilà, M. le Président, l'essentiel de ce que vise notre projet de loi n° 69. Je le soumets donc à l'Assemblée et j'invite l'Assemblée évidemment à appuyer cette réforme importante pour un secteur qui est une des caractéristiques majeures de l'économie québécoise et qui fait largement son originalité. Je ne crois pas qu'il y ait dans le monde, pour autant que je sache, un pays plus marqué par la coopération que le Québec ne peut l'être. Dans le secteur bancaire en particulier, où ce genre de coopératives se sont illustrées, c'est près de la moitié du marché qui est desservi par cette forme originale, qui n'est ni étatique ni purement capitaliste et qui a démontré qu'elle pouvait répandre dans notre économie et notre collectivité des bienfaits certains. Sauf que, lorsque des structures, des lois, des institutions sont dépassées par les événements et ne correspondent plus à la réalité, il est temps de les réviser. Et c'est ce à quoi nous invitons notre Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances et vice-premier ministre. Nous allons accorder maintenant la parole au député de Laporte. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, nous en sommes à l'adoption du principe d'une loi, d'une loi importante, en tous les cas pour le Mouvement Desjardins, la Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Le ministre des Finances vient de nous faire un résumé de ce que propose le gouvernement par cette loi-là, et je n'ai pas l'intention de reprendre tous les aspects techniques du projet de loi. On l'a déjà fait avant moi et on aura certainement l'occasion d'étudier ce projet de loi là en commission parlementaire, lorsque nous en ferons l'étude article par article.

Qu'il me suffise de dire, M. le Président, que ce projet de loi là est un projet de loi qui est ardemment souhaité par le Mouvement Desjardins. Le Mouvement Desjardins a tenu, au printemps dernier, des assises, le 16e congrès du Mouvement Desjardins, assises au cours desquelles on a entériné la plupart des modifications qui sont contenues dans ce projet de loi et que le Mouvement Desjardins nous demande donc de faire entrer dans la législation.

Ce qui me surprend un peu, M. le Président, c'est le peu d'intérêt que le gouvernement du Québec semble apporter à ce projet de loi là. Nous sommes aujourd'hui au 10 décembre. Le 10 décembre, ça, c'est à peu près une semaine, 10 jours au maximum, de ce qui est normalement la fin de la session. En général, on termine la session un peu avant Noël, autour des 18, 19 décembre. On est au 10 décembre, disons qu'il reste huit, neuf jours, sept, huit jours – à moins que le gouvernement veuille prolonger la session entre Noël et le jour de l'An pour des projets de loi importants ou spéciaux qu'il est en train de concocter et dont il a le secret... Sauf que, à l'exception de circonstances absolument extraordinaires, nous devrions donc terminer nos travaux dans les prochains jours. Et c'est aujourd'hui, en toute fin de session, que le gouvernement, disons, se réveille et décide de nous proposer l'adoption du principe de cet important projet de loi.

M. le Président, je me pose de sérieuses questions. Ou bien le gouvernement ne croit pas à l'intérêt ou à l'importance de son projet de loi ou bien il y a quelqu'un quelque part qui a dormi, parce que ce projet de loi là, ce n'est pas un projet mineur. Il compte 178 articles; 178 articles, c'est probablement le plus gros projet de loi. En tous les cas, c'est le plus gros que le ministre des Finances a déposé en cette Chambre au cours de la présente session, probablement un des plus volumineux d'ailleurs déposés par tous les ministres au cours de la présente session. Étudier ce projet de loi là en commission parlementaire, article par article, ça va prendre un bon nombre d'heures, un grand nombre d'heures, et j'espère qu'on aura le temps de passer à travers cette brique, parce qu'il y a quand même des choses là-dedans qui sont passablement techniques, et on aura besoin d'explications au fur et à mesure qu'on progressera.

Et on sait qu'en commission parlementaire il y a d'autres projets de loi qui sont sur les rails, entre autres le projet de loi sur le déficit, que le ministre des Finances nous a proposé aussi, l'établissement d'une loi qui va faire en sorte d'obliger le gouvernement à cesser de faire des déficits. C'est un projet de loi important qu'on est en train d'étudier avec beaucoup de célérité en commission parlementaire, mais le projet de loi est important et on doit y mettre le temps. Et le temps, justement, il passe. Il passe, et, quand on en arrivera avec ce projet de loi ci, bien, il faudra qu'on ait terminé l'autre sur le déficit. Alors, comme il reste à peine quelques jours, c'est à se demander pourquoi le gouvernement a tant tardé. Ce projet de loi là, il a été déposé à l'Assemblée nationale certainement, en tout cas, avant le 15 novembre parce que la date limite, c'était le 15 novembre. On est au 10 décembre, donc bientôt un mois. Un mois, et le gouvernement, depuis un mois, n'a pas trouvé le temps de demander à la Chambre d'étudier le principe de ce projet de loi là.

M. le Président, connaissant les relations privilégiées que le gouvernement entretient avec le président du Mouvement Desjardins, on peut se demander où était le président du Mouvement Desjardins, où était M. Béland au cours du dernier mois pour rappeler à ses amis du gouvernement l'importance d'étudier ce projet de loi là. Où était-il? Je présume qu'il était en train de s'occuper de la souveraineté du Québec, puisque c'est un adepte de cette religion-là. Moi, ça ne me fait rien, mais, si le président du Mouvement Desjardins est occupé à autre chose que son projet de loi – son projet de loi important – il ne faut pas venir blâmer l'opposition après ça de douter de la volonté du gouvernement de faire adopter ce projet de loi là et de douter aussi de la capacité de l'Assemblée nationale de digérer en si peu de temps un projet aussi important.

M. le Président, je dois dire que nous nous sommes alarmés au cours des derniers jours. J'ai regardé ce projet de loi là à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, et, comme le Mouvement Desjardins n'a jamais communiqué avec nous pour nous signaler une seule fois l'importance qu'il attachait à ce projet de loi là... Et ils ont signalé le peu d'importance qu'ils attachaient à l'opposition, parce qu'on n'a jamais entendu parler du Mouvement Desjardins ni de son président. Il a fallu que, moi-même, le député de Laporte, porte-parole de l'opposition en matière de finances, je prenne le téléphone et appelle le bureau du président pour savoir s'il avait un intérêt à faire adopter ce projet de loi là avant la fin de la session, si on devait se préparer en conséquence ou si on pouvait attendre au printemps prochain pour l'adopter. On nous a répondu que c'était très important, urgent. Alors, heureusement que nous avons nous-mêmes pris l'initiative de contacter le bureau du président du Mouvement Desjardins, parce que, n'eût été de ce fait-là, je pense qu'on n'en aurait jamais entendu parler.

Toujours est-il qu'on nous a confié, on nous a affirmé et confirmé que le Mouvement Desjardins est tout à fait intéressé à ce que ce projet de loi là soit adopté avant la fin de la session. Tant mieux, M. le Président, c'est donc qu'on ne travaillera pas pour rien. Et on nous dit que ce projet de loi là est essentiel pour le Mouvement Desjardins.

Le ministre, tantôt, a décrit un peu certaines modalités de ce projet de loi là. Par exemple, on abolit des structures qui existent depuis très, très, très longtemps. Les commissions de crédit du Mouvement Desjardins, qu'on connaît depuis toujours, vont céder la place. On va également abolir le conseil de surveillance, qui va être remplacé, tant au niveau local qu'au niveau des fédérations, par un conseil de vérification et de déontologie. Tant mieux, M. le Président, la déontologie, on en a toujours besoin, ce n'est jamais superflu. D'autant plus qu'avec tout ce qui se passe présentement dans le monde des affaires on a toujours besoin de quelqu'un qui surveille cet aspect-là, la déontologie.

(20 h 30)

Quant à la commission de crédit, on comprend que le Mouvement Desjardins veuille mettre fin à cette structure qui datait quand même depuis très longtemps et qui faisait en sorte que certains individus, qui étaient des bénévoles à toutes fins pratiques, devaient se pencher sur des dossiers de crédit d'autres personnes de leur voisinage, parfois c'étaient leurs voisins d'en face qui venaient faire une demande de crédit, un emprunt à la caisse, et ça mettait des gens un petit peu dans l'embarras. Et je comprends qu'on est toujours un peu mal placé pour juger des finances de ses voisins. On en revient donc à une formule qui est plus contemporaine, où ce sont vraiment des employés, des experts en crédit, des employés des caisses qui verront, comme dans les banques d'ailleurs, à faire en sorte d'établir le crédit ou les emprunts de ceux qui se présentent à la caisse pour ces fins-là. Alors, au niveau des fédérations, évidemment, c'est la même chose, on remplace les conseils de surveillance par un conseil de vérification et de déontologie.

Le projet a aussi pour objet de renforcer les responsabilités d'une caisse quant au respect des normes de gestion et également des règles de déontologie édictées par une fédération ou, le cas échéant, même par la confédération. La fédération et la confédération, d'ailleurs, devront toutes deux s'assurer que les normes qu'elles édictent au niveau des caisses soient suivies.

Le projet de loi prévoit également des pouvoirs d'intervention d'une fédération ou même d'une confédération directement même auprès des caisses pour leur donner des instructions ou pour assumer temporairement, même, leur administration. Et ça, c'est important, M. le Président, parce que, en regardant un peu dans les journaux, dans les revues de presse, comme plusieurs d'entre vous, j'ai été à même de constater qu'il est arrivé, au cours des derniers mois, que le Mouvement Desjardins a dû prendre des décisions très énergiques à l'endroit de quelques caisses. Sur le nombre de caisses que compte le Mouvement Desjardins, il peut arriver parfois que certaines aient des problèmes plus que d'autres, et les pouvoirs n'existaient pas, à toutes fins pratiques, d'intervention ou même de mise en tutelle de caisses. On a dû procéder par voies extrêmement compliquées, dans un cas précis en tous les cas, pour faire en sorte de soumettre une caisse à la tutelle.

M. le Président, il y a dans ce projet de loi là un grand nombre d'articles justement qui font en sorte de resserrer le contrôle des fédérations sur les caisses et de la confédération sur les caisses et sur les fédérations. Nous pensons que cette restructuration-là, elle est nécessaire. Elle est nécessaire parce que nous vivons dans un monde de plus en plus compétitif, où les caisses populaires doivent affronter sur le terrain des institutions financières qui, elles, sont bien structurées, qui, elles, ont fait ce genre de réaménagement là au cours des années. Et vous savez que nous vivons dans un monde de plus en plus compétitif où les marges bénéficiaires sont de plus en plus serrées, de plus en plus difficiles à maintenir, et le Mouvement Desjardins doit, comme toutes les institutions financières, se mettre à la page.

Il arrive cependant que cette proposition-là ne fasse pas l'affaire de tout le monde, et je reviendrai à ça tout à l'heure. Ou même je peux en parler tout de suite. M. le Président, nous avons eu des représentations d'un groupe de caisses qu'on appelle la Fédération des caisses d'économie. La Fédération des caisses d'économie, c'est un regroupement de, je crois, 121 caisses – c'est quand même assez important – qui se sont jointes au Mouvement Desjardins il y a à peine une vingtaine d'années, un peu moins d'une vingtaine d'années, et qui ont une caractéristique propre. Les caisses d'économie ne sont pas des caisses populaires comme celles qu'on retrouve en général, en ce sens que ce sont des caisses de groupes. Elles sont formées auprès, en général, d'entreprises. Alors, une entreprise donnée, un peu importante, peut avoir sa propre caisse, de sorte que les membres de cette caisse-là peuvent résider un peu partout sur le territoire.

Contrairement aux fédérations du Mouvement Desjardins, qui ont chacune leur territoire, les caisses d'économie n'ont pas de territoire; elles sont à la grandeur de la province de Québec. Elles sont donc horizontales, si je peux m'exprimer ainsi, contrairement aux autres fédérations, qui sont territoriales. Ces caisses d'économie regroupent, comme je l'ai dit tout à l'heure, un grand nombre de participants, 300 000 participants. Leur actif est de 2 300 000 000 $ – c'est quand même important – et elles ont leur spécificité propre, en ce sens qu'elles sont composées de membres qui ont tous un intérêt commun, en général, dans une entreprise. Alors, c'est un peu différent de ce que le Mouvement Desjardins représente en général.

On connaît le Mouvement Desjardins, ce sont des caisses qui sont situées dans des endroits, dans des régions. Alors, chaque caisse d'une région est regroupée dans une fédération – et c'est logique, on comprend ça – sur le territoire. Et tout à coup, à travers ça, un autre réseau qui, lui, couvre l'entièreté du territoire du Québec et qui comprend ces caisses d'économie. C'est donc la onzième fédération qui s'est jointe au Mouvement Desjardins, qui s'est affiliée au Mouvement Desjardins il y a un peu moins de 20 ans et qui en fait partie. Or, M. le Président, cette Fédération des caisses d'économie – les caisses de groupe, si vous voulez, on les appelle les «caisses de groupe» – a fait des représentations au gouvernement quant au projet de loi qui est devant nous. Cette fédération-là, elle s'inquiète du projet de loi. Elle s'inquiète de plusieurs aspects du projet de loi, et ses inquiétudes sont partagées par les dirigeants des grandes centrales syndicales du Québec.

Alors, nous avons reçu – et le ministre a reçu et nous aussi, d'ailleurs – une lettre qui est signée par les présidents des trois grandes centrales ouvrières du Québec, la FTQ, la CSN et la CEQ, et dans laquelle lettre, datée du 9 décembre, ces chefs syndicaux s'objectent à toutes fins pratiques à certaines des caractéristiques de ce projet de loi là et demandent au gouvernement de modifier le projet de loi de façon à maintenir intact le réseau des caisses d'économie du Québec. C'est une objection qu'on ne peut pas écarter du revers de la main. Quand un réseau composé de 121 caisses, de 300 000 adhérents, qui est supporté par les trois grandes centrales syndicales du Québec, demande au gouvernement de considérer la possibilité d'amender son projet de loi pour tenir compte de leur point de vue, on ne peut pas prendre à la légère une intervention comme celle-là, et c'est pourquoi j'ai demandé au ministre des Finances de tenir des auditions particulières pour entendre en commission parlementaire les représentations de ce groupe-là.

Cette demande que j'ai faite au ministre des Finances et qui, je crois, est acceptée – enfin, le ministre des Finances pourra nous le dire dans sa réplique – ne vise pas à retarder le projet de loi, mais à l'accélérer, en ce sens que, si on est pour adopter ce projet de loi là au cours de la présente session, on ne peut pas rejeter du revers de la main l'objection qui est devant nous. On doit y faire face, on doit rencontrer ces gens-là en public et connaître quelles sont leurs objections, de façon à ce qu'on puisse comprendre exactement les motifs qui sont derrière ça et qu'on puisse les apprécier. Nous ne préjugeons de rien, M. le Président. Nous sommes ouverts à toute représentation faite de bonne foi, et je présume qu'il en est ainsi pour le gouvernement.

Je pense qu'il faudrait aussi, également, entendre les représentations des dirigeants du Mouvement Desjardins. J'incite le ministre à convoquer le comité exécutif du Mouvement Desjardins. Je pense que le ministre me fait signe que c'est fait, donc on pourra prendre connaissance des deux points de vue, et la commission parlementaire pourra procéder immédiatement après. Mon but n'est pas d'entendre 25 groupes ou 15 groupes, ces deux-là seulement. C'est ce que nous demandons, et je ne pense pas que ça soit de nature à retarder les travaux. Je pense même que ça pourra les accélérer.

(20 h 40)

Alors, ça, c'est un point de vue, et les objections principales de ce groupe-là, je peux les énumérer parce qu'on les a dans un document ici. La première objection porte sur l'épuration de la dénomination sociale des caisses, certains articles qui obligeraient dorénavant les caisses à ne pas utiliser une certaine dénomination ou encore à utiliser une certaine dénomination. Elle porte également sur le contrôle de la confédération, sur la modification des statuts des caisses et sur les fusions de caisses; c'est une autre objection. Une troisième préoccupation porte sur l'élargissement de la notion de membre d'une caisse; une quatrième, sur les pouvoirs normatifs d'une fédération. Et finalement le dernier sujet de préoccupation, c'est l'offre de service d'une confédération. Alors, ces points-là, ce sont des points importants qui sont couverts par des articles spécifiques du projet de loi, et il me semble que, dans un espace d'une heure ou d'une heure et demie, on pourrait entendre facilement ces représentations-là et porter un jugement sur l'opportunité d'y donner suite ou non.

Le projet de loi qui est devant nous, le Mouvement Desjardins nous l'assure, est capital, enfin est presque essentiel pour la bonne marche des affaires du Mouvement Desjardins. Il est donc évident qu'on ne peut pas, disons, de gaieté de coeur, retarder l'adoption de ce projet de loi là. Les jours qui viennent sont des jours qui risquent d'être un peu perturbés par le calendrier législatif, et j'espère qu'on aura le temps de passer à travers tout ça. Parce que le Mouvement Desjardins, c'est quand même une institution qui est très importante ici, au Québec, et qui est unique d'ailleurs, comme le ministre lui-même en faisait état tout à l'heure.

Ce mouvement-là a à compétitionner tous les jours avec des institutions financières qui sont importantes, bien organisées et qui ont des antennes un peu partout au Canada et même dans le monde et qui sont financièrement beaucoup plus solides d'ailleurs, dans le cas de plusieurs d'entre elles, que le Mouvement Desjardins. On doit donc prendre toutes les dispositions pour s'assurer que le Mouvement Desjardins a les moyens d'affronter la concurrence.

Le Mouvement Desjardins, M. le Président, offre, comme vous le savez, une gamme de services financiers. Je regardais tout à l'heure la brochure «Un portrait du Mouvement Desjardins», c'est assez impressionnant, quand on regarde la gamme des services offerts, que ce soit des services de financement, des services d'épargne et de placement, des services automatisés, des services complémentaires, des services d'assurance, de courtage, d'escompte et même des services internationaux.

Le Mouvement Desjardins a été fondé, comme vous le savez, au début du siècle. Et, une chose intéressante, en plus des 10 fédérations dont je parlais tantôt et de la Fédération des caisses d'économie dont on a parlé également, il y a aussi une affiliation. À travers le Canada, il existe des membres auxiliaires du Mouvement Desjardins, qui sont la Fédération des caisses populaires de l'Ontario, la Fédération des caisses populaires du Manitoba et la Fédération des caisses populaires acadiennes. Alors, nos amis acadiens également sont membres auxiliaires du Mouvement Desjardins, ce qui quand même donne une perspective nationale au Mouvement Desjardins.

Le Mouvement Desjardins comporte 10 fédérations, j'en parlais tout à l'heure, des fédérations qui sont distribuées sur le territoire, que ce soit la Fédération du centre du Québec ou de Québec même, de Montréal, de l'ouest du Québec, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, de l'Estrie, du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, celle de l'Abitibi, de Richelieu-Yamaska, de Lanaudière ainsi que la Fédération des caisses d'économie dont je parlais tout à l'heure. Je parlais aussi de l'affiliation de certaines caisses populaires ou de fédérations qui sont hors Québec, comme celles de l'Acadie, du Manitoba – j'en ai parlé tout à l'heure, M. le Président – de l'Ontario.

Le Mouvement Desjardins est composé de deux secteurs, le secteur coopératif ainsi que le secteur des sociétés. Alors, dans le secteur coopératif, on note la présence de la confédération, qui est un genre de point de ralliement du mouvement, elle est la caisse centrale qui est l'agent financier du mouvement; la corporation de fonds de sécurité, l'organisme qui est responsable des fonds de sécurité; Capital Desjardins, qui est l'agent de capitalisation du réseau des caisses populaires; ainsi que quatre sociétés rattachées à la confédération qui ajoutent d'autres dimensions à l'action du Mouvement Desjardins, soit la Fondation Desjardins, la Société historique Alphonse-Desjardins, le Centre de formation Desjardins et la Société de développement international Desjardins.

Quant au secteur des sociétés, il est assez impressionnant, M. le Président, et il comprend un secteur de l'assurance des personnes, Assurance-vie Desjardins-Laurentienne et sa filiale Laurier Life ainsi que L'Impériale, qui regroupe la Laurentian Capital Corporation aux États-Unis et le Laurentian Financial Group au Royaume-Uni. Dans l'assurance générale, on compte la société de portefeuille du Groupe Desjardins assurance générale, qui regroupe les assurances générales des caisses Desjardins, et La Sécurité, compagnie d'assurance générale du Canada.

Dans le secteur de la gestions de fonds, il y a Canagex; dans l'investissement, Investissement Desjardins, par l'intermédiaire de son portefeuille d'entreprise et de ses fonds d'investissement. Dans les services bancaires, M. le Président, on compte la Banque Laurentienne du Canada. Dans les services spécialisés, la Société immobilière Place Desjardins, Location Desjardins, Services financiers La Laurentienne et Trustco Desjardins, qui regroupent les activités de la Fiducie Desjardins et du Crédit industriel Desjardins.

Dans le traitement de cartes et informatique, il y a le Centre Desjardins de traitement de cartes, le Centre d'autorisation et de paiement des services de santé, mieux connu sous le nom de CAPSS, et le Service de paie Desjardins. Finalement, dans le transport des valeurs, on compte SECUR. Tout le monde a déjà vu passer les camions de SECUR. Et, dans les valeurs mobilières, Valeurs mobilières Desjardins et sa division Disnat.

Alors, M. le Président, c'est assez impressionnant comme structure, et je pourrais continuer en faisant une description encore plus élaborée de ce qu'est le Mouvement Desjardins. Qu'il me suffise de dire que cette institution-là est née chez nous, qu'elle a grandi chez nous, et aujourd'hui elle a besoin de nous pour se moderniser et mieux affronter l'avenir.

Alors, l'opposition officielle est tout à fait d'accord avec le principe de ce projet de loi là, qui vise justement à donner à Desjardins la possibilité de se moderniser et d'affronter la concurrence. Il y a des problèmes, quand même. Moi, j'en ai fait état tout à l'heure. Je pense qu'on aura l'occasion en commission parlementaire d'identifier ces problèmes-là, peut-être même d'aider à trouver des solutions, si tant est qu'on puisse en trouver. Et je peux assurer le gouvernement que, même si le gouvernement a dormi jusqu'à maintenant, même si le gouvernement semble ne pas avoir trouvé très important ce projet de loi là, pour attendre si longtemps avant de nous le présenter, nous allons quand même faire tous les efforts pour tenter de trouver le temps d'adopter ce projet de loi là en dépit des quelques heures et des quelques jours qui nous restent. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laporte. Alors, votre droit de réplique est à la toute fin. Donc, je cède maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 69 est un projet de loi qui a – le ministre l'a bien expliqué et mon collègue de Laporte l'a rappelé – pour effet de vouloir moderniser le fonctionnement du réseau des caisses Desjardins, et, sur cela, je pense qu'il n'y a personne dans cette Chambre qui peut s'y opposer. Cette volonté, disons, de permettre un meilleur contrôle à la confédération, c'est un point de vue que l'on peut partager, mais – et le député de Laporte l'a rappelé – ce projet de loi est déposé dans une situation où une des fédérations se sent menacée. Une des fédérations, qui est – le critique, le député de Laporte l'a rappelé – la Fédération des caisses d'économie, se sent menacée par le projet de loi. Elle se sent menacée parce qu'elle est une société distincte à l'intérieur de la confédération du Mouvement Desjardins. Elle se sent menacée parce que, loin d'être une fédération territoriale, c'est une fédération qui regroupe, sur l'ensemble du territoire, des caisses qui sont des caisses d'entreprise ou des caisses de groupe. Elle se sent menacée, et je suis sûr que mes collègues les parlementaires ministériels peuvent comprendre cette situation de menace à l'intérieur d'une confédération.

(20 h 50)

M. le Président, bien sûr, la Fédération des caisses d'économie aurait pu choisir, comme les ministériels dans une autre situation, de quitter la confédération. Elle ne veut pas quitter la confédération, elle veut continuer à travailler à l'intérieur de la confédération, mais elle sent et elle perçoit, à l'intérieur des pouvoirs qui vont être transmis au conseil d'administration de la confédération, une menace latente, particulièrement dans ce qui va permettre à la confédération de modifier les statuts des caisses affiliées et de pouvoir provoquer des fusions.

Il est clair que, sur un même territoire, les caisses populaires de territoire et les caisses d'économie peuvent être en compétition. Il n'y a rien de mal à être en compétition, mais évidemment, lorsqu'il y a compétition, les uns essaient de vouloir accaparer, ou dominer, ou étrangler – merci, mon collègue de Crémazie – les autres. Soyez sûrs que, de ce côté-ci de la Chambre, du moins en ce qui me concerne personnellement, j'ai un biais favorable aux caisses d'économie. Dans mes vies antérieures, j'ai vu fonctionner les Credit Unions, qui ont été à l'origine de leur affiliation au Mouvement des caisses Desjardins, et j'ai un biais favorable envers ce type de caisse qui, à certains moments, dans des situations tout à fait particulières, peut permettre à des travailleurs d'une certaine usine ou d'un certain secteur d'activités, d'avoir des accès au crédit qu'ils ne pourraient pas avoir dans d'autres caisses populaires parce qu'ils se trouvent dans des situations tout à fait particulières et que la caisse d'économie connaît mieux le fonctionnement, la situation des travailleurs à l'intérieur d'une usine.

Alors, on va aborder, du moins, moi, je vais, comme parlementaire dans cet Assemblée, aborder de plain-pied l'étude du projet de loi n° 69 avec cet esprit-là. Oui, il est important pour moi que la confédération du Mouvement Desjardins se modernise. Je pense qu'il n'y a personne ici, dans cette Chambre, qui va refuser les éléments de modernisation. Mais nous allons être extrêmement vigilants quant au fait que les articles de loi ne donnent pas à la confédération le pouvoir d'annihiler virtuellement la Fédération des caisses d'économie. Et, M. le Président, soyez sûr que, si c'est le but du projet de loi, à ce moment-là, nous allons nous trouver contre ce projet de loi.

Si le but du projet de loi est de moderniser actuellement le fonctionnement du Mouvement Desjardins tout en protégeant... et même si des articles peuvent laisser à double interprétation, s'il y a lieu de les améliorer pour permettre réellement un meilleur fonctionnement tout en protégeant la Fédération des caisses d'économie, on ira très vite dans l'étude du projet de loi. Si, par contre, le projet de loi, à l'intérieur, peut mettre en danger l'existence de la Fédération des caisses d'économie, soyez assuré, M. le Président, que l'étude de ce projet de loi va être longue.

Alors je ne parlerai pas plus longtemps. Je crois que le député de Laporte a très bien résumé la situation. Pour synthétiser en quelques mots ma pensée, oui en faveur de toutes les modifications législatives qui vont permettre au Mouvement Desjardins d'avoir les structures modernes nécessaires pour pouvoir compétitionner, non à tout mouvement, à toute modification législative qui risquerait de mettre en danger la Fédération des caisses d'économie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous cédons maintenant la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Il est un peu étonnant de voir que nous n'allons étudier que ce soir ou que nous ne commençons à étudier que ce soir le projet de loi n° 69 concernant les modifications à la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Le projet de loi a été déposé il y a déjà quelques moments, et nous commençons en fin de compte, en fin de session, à regarder un projet de loi de 178 articles, si je me souviens bien exactement. Ce projet de loi arrive à la demande, est une demande finalement de la Confédération des caisses, qui a tenu son dernier congrès, 16e congrès général, à Montréal, où 10 000 participants ont participé. Et j'y étais, j'ai participé à une partie des assises du mouvement. Et, bien entendu, un mouvement comme celui-là nécessite et mérite des modifications à sa charte, à ses statuts et, dans ce cas-là, à sa loi constitutive, qui sera profondément modifiée par la loi n° 69.

Les dirigeants comme tels ont remis en question plusieurs anciennes traditions. S'il y a une façon de faire depuis Alphonse Desjardins, on avait inventé localement, dans chacune des 1 500 caisses au Québec, la commission de crédit. La commission de crédit, c'était une espèce d'institution où siégeaient des gens qui vérifiaient la possibilité d'émettre ou non un prêt à vous, par exemple, M. le Président, qui avez dû connaître ça dans votre milieu, dans la région de Saint-Maurice. La commission de crédit, c'était l'endroit où on acceptait ou refusait le prêt d'un client de la caisse populaire.

Avec le temps, cette mesure a évidemment pris un peu de plomb dans l'aile, semblait avoir un facteur de désuétude, je dirais, qui était assez évident, sans compter, M. le Président, le fait qu'il est arrivé malheureusement quelques fois où la commission de crédit avait un mot à dire qui dépassait largement la capacité d'emprunt du client qui voulait emprunter. Il y eut quelques malheureux accrocs à l'éthique, quelques malheureux accrocs, ah oui! carrément à l'éthique et puis parfois même quelques conflits d'intérêts qui se sont posés au sein de ces commissions de crédit.

Les commissions de crédit, vous imaginez un peu, dans un petit milieu, dans un village où tout le monde se connaît puis tout le monde fait affaire avec la caisse, où il y a 1 100 sociétaires à la caisse puis une commission de crédit qui vient évaluer le crédit de mon oncle Machin puis de Jos Bleau, puis tout le monde se connaît, là: ça fait un peu particulier. En tout cas, aujourd'hui c'était sûrement moins acceptable, si peu acceptable que le 16e congrès a demandé l'abolition, a résolu finalement, après de nombreuses discussions, l'abolition des commissions de crédit.

L'objectif qui est recherché par les caisses, c'est que la facilité ou le rôle de l'émission de l'emprunt sera désormais consenti à un membre du personnel des caisses, un permanent du milieu des caisses populaires, mais il en demeurera toutefois... Quand même, on fait affaire avec une société qui est une coopérative et qui est fondée aussi sur l'apport bénévole de gens qui s'en occupent.

(21 heures)

Alors, dans le projet qu'on a devant nous, et ce qui avait été voté, ça correspond fidèlement à ce qui a été voté au mois de mars l'an dernier. Le conseil d'administration sera composé de gens qui ne seront pas des permanents, là; il sera composé de gens qui seront des sociétaires de la caisse. Et le conseil de vérification et de déontologie, une nouvelle application, qui sera aussi un des deux éléments, un des deux chapeaux de chaque caisse, sera aussi composé de gens élus parmi les sociétaires. Alors, parmi ces sociétaires-là, il y aura des gens qui seront sur le conseil, puis des gens qui feront la vérification et la déontologie s'assureront que les accrocs ou les entorses à l'éthique ou encore aux conflits d'intérêts sont évités dans chacune des caisses.

Vous savez que, même récemment, il y a eu un problème assez important au sujet d'une caisse dans la Fédération de Montréal, la Caisse de Saint-Henri, M. le Président, où la Fédération a perdu 20 000 000 $ d'un coup avec ce dossier. Mais il y avait véritablement, dans ce cas-là, un problème majeur et particulier pour la Confédération et la Fédération, par rapport à leur Caisse. Les vérifications d'usage en ce qui concerne la déontologie ou l'éthique, dans le cas précis de la Caisse de Saint-Henri, n'ont sûrement pas servi la cause du Mouvement Desjardins puis n'ont sûrement pas servi non plus la cause des sociétaires de Saint-Henri, qui ont vu fondre 20 000 000 $ d'économies de la Caisse. Heureusement qu'ils sont, eux aussi... Mon collègue le député de Verdun parlait des caisses de crédit comme étant un exemple de société distincte. Eh bien, sachez, M. le Président, que les sociétaires de la Caisse de Saint-Henri, qui ont perdu 20 000 000 $ avec leur Caisse, parce qu'ils étaient membres d'une fédération et qu'ils avaient une péréquation, une assurance collective leur a permis de ne pas perdre leurs biens, de ne pas perdre leurs fonds dans cette Caisse-là. Alors, la Fédération comme telle a accusé le coup et va financer le 20 000 000 $ perdu par sa Caisse. C'est un principe fédératif que nous reconnaissons non seulement dans les caisses populaires, mais dans l'ensemble des sociétés ou des organisations qui sont fédérées, dans le mouvement coopératif ou ailleurs.

Le dossier de Saint-Henri, par contre, était aussi éclairant et a nécessité des problèmes de vérification assez particuliers pour non seulement les gens de Saint-Henri, mais pour les gens de la Fédération des caisses de Montréal. Et, compte tenu de l'expérience de Saint-Henri, c'est évident que la Fédération et la Confédération demandaient d'avoir des modifications à leur loi constitutive pour permettre de pouvoir prendre des décisions ou de pouvoir éviter qu'on puisse laisser une caisse aller à la dérive sans qu'aucuns moyens techniques légaux puissent empêcher quelqu'un, quelque part, de pouvoir arrêter l'hémorragie. Alors, le projet de loi vient répondre à cette question-là. Donc, on peut parler d'une société qui sera désormais une organisation toujours démocratique mais ayant un type et une approche décisionnels.

Il y a toutefois quelques écueils, semble-t-il, dans le projet de loi, et je ne sais pas si des ententes ont été conclues, M. le Président, mais, personnellement, je souhaiterais que nous puissions rencontrer quelques groupes qui ont fait part de leurs inquiétudes à ce sujet-là. Je pense, entre autres, à la Fédération des caisses d'économie Desjardins du Québec. C'est assez curieux que la Fédération des caisses d'économie Desjardins, qui a des actifs de près de 2 500 000 000 $, ait senti la nécessité de venir nous rencontrer et de venir discuter des problèmes que le projet de loi lui crée en ce qui regarde sa capacité de pouvoir prendre des décisions à l'intérieur du Mouvement comme tel, sa capacité d'être trop encadrée, selon elle, avec le projet de loi qui est déposé devant nous, sa capacité de perdre de ses moyens, sa vision qui serait modifiée substantiellement par le projet de loi et par les pouvoirs accrus que la Confédération prendrait sur cette Fédération. Et je pense, M. le Président, que les arguments qu'ils ont apportés méritent une attention tout à fait particulière et méritent d'être étudiés, méritent d'être entendus d'abord, et méritent une réflexion, et méritent aussi, de la part du gouvernement, une étude sûrement tout à fait en profondeur, d'autant plus, je tiens à le souligner, les propos du président de la Fédération des caisses d'économie Desjardins, M. Michel Parent, qui mentionnait qu'il y a 300 000 travailleuses et travailleurs dans ces caisses d'économie qui sont des sociétaires de ces caisses d'économie et qui souhaitaient être entendus par les membres de la commission avant que débute l'étude de ce projet de loi.

Les syndicats ont même apporté leur concours à cette demande. J'ai ici une lettre d'abord adressée au ministre des Finances, dont une copie conforme est parvenue au premier ministre et au chef de l'opposition, une lettre signée par les chefs des centrales syndicales CEQ, CSN et FTQ qui demandent non seulement d'entendre la Fédération des caisses d'économie Desjardins, mais aussi de surseoir et...

D'abord, ils nous demandent de surseoir à l'adoption du projet de loi, M. le Président. Surseoir à l'adoption du projet de loi, personnellement, je pense que la culture Desjardins, la culture du Mouvement Desjardins est relativement lourde, et faire en sorte de surseoir à l'adoption du projet de loi risquerait de remettre en question et d'avoir un impact très sérieux sur l'ensemble du Mouvement parce que, même si on adopte ce projet de loi n° 69, j'imagine assez facilement qu'il serait impossible de l'appliquer dans l'ensemble des caisses populaires avant entre 12 à 18 mois d'application, même si on l'adoptait avant Noël. Alors, ça implique qu'une grande partie de la mise en place des structures nouvelles qui devront être entrées, qui devront être intégrées dans l'organisation de chacune des caisses, après assemblée générale de chacune des caisses, qui devra se faire dans le cours de l'année, ça implique que ça va prendre au moins 12, 14, 16 mois, peut-être même 18 mois avant qu'on puisse appliquer réellement les effets et qu'on puisse voir les effets du projet de loi n° 69 dans le milieu des caisses populaires.

Alors, je n'irais pas, comme les chefs syndicaux le suggèrent, suggérer de surseoir à l'adoption du projet de loi, de le renvoyer au printemps, de le renvoyer aux calendes grecques, je souhaite plutôt qu'on puisse l'étudier le plus rapidement possible. Mais je souhaite aussi, et je le répète, entendre les gens des caisses d'économie sur le sujet. Je souhaite entendre, s'ils le veulent bien, les chefs syndicaux qui ont accompagné les gens des caisses d'économie sur cette question et aussi de faire en sorte que nous puissions avoir...

J'aimerais aussi entendre les gens qui sont les premiers intéressés, les gens de la Confédération, qui devraient, eux aussi, nous éclairer sur le pourquoi de leur approche et comment ils pourraient vivre avec des modifications dans leur projet de loi qui pourraient permettre, par exemple, si c'est possible, à la Fédération des caisses d'économie Desjardins de pouvoir sentir une capacité d'épanouissement à l'intérieur du Mouvement tout en ayant justement assez d'espace pour pouvoir respirer à l'intérieur du Mouvement, donc à l'intérieur du projet de loi qui nous est confié.

Suite à différentes demandes, je pense qu'il y a de multiples corrections qui vont être apportées par le ministère des Finances. Je sens qu'il y a des papillons qui vont s'en venir dans le projet de loi. J'ai remarqué à quelques endroits des corrections qui devront être faites. Je pense, entre autres, à... Il y a au moins une trentaine d'articles où il y a des modifications qui devront être faites, soit pour des corrections de type strictement de concordance qui ont été oubliées dans le projet de loi, ou encore des corrections qui seront évidemment pour changer le sens de certains des articles du projet de loi.

Mais il n'en demeure pas moins, M. le Président, que, malgré les corrections que le ministère des Finances voudra apporter, ce projet de loi là aura une incidence sur la vie interne du Mouvement pour des années et des années. Alors, il y a une importance capitale, je dirais, à bien étudier ce projet de loi là, à faire en sorte que l'étude article par article des 178 articles se fasse sérieusement. Mais, préalablement, j'insiste encore une fois, je voudrais qu'on entende les groupes que j'ai mentionnés tout à l'heure, et j'incite le ministre des Finances à le faire, et je souhaite que nous puissions commencer l'étude de ce projet de loi là dans les plus brefs délais, si on veut essayer et finalement faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l'adopter avant Noël, si c'est possible. Merci, M. le Président.

(21 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Nous cédons maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais prendre, à mon tour, la parole sur le projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous sommes réunis ici ce soir, et on doit déplorer que ce gouvernement social-démocrate, qui essaie bien évidemment de créer de l'emploi, de créer de la richesse collective, ne s'y prend pas toujours de la bonne façon. Et, peut-être, comme ouverture, alors qu'on a un projet de loi qui est purement économique ici, leur rappeler à ces gens-là qu'ils avaient, dans leur cabinet, qu'ils avaient, dans leurs plus hauts échelons, trois gens qui avaient réussi en affaires: M. Le Hir, qui venait d'un regroupement de gens d'affaires, M. Campeau, qui venait de la Caisse de dépôt, et M. Paillé, qui venait de Quebecor, M. le Président. Alors, on doit déplorer...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez. Excusez-moi, là. M. le député d'Orford, vous êtes un homme d'expérience ici même et vous savez que vous n'avez pas le droit de parler du député Pinard, mais vous devez parler du député de Saint-Maurice. Alors, concernant le député Le Hir, c'est le député d'Iberville. Je vous prierais de vous plier à ce règlement. Merci.

M. Benoit: Merci, M. le Président. J'étais après rappeler que l'ex-député Paillé, lui, est un homme d'affaires ainsi que les deux autres, l'ex-président de la Caisse de dépôt et l'ex-président d'un regroupement de gens d'affaires. Ces trois gens-là étaient, dans le cabinet de ce gouvernement social-démocrate, les gens qui avaient le plus de réalisations économiques. Or, on doit réaliser, deux ans après un référendum, qu'aucune de ces trois personnes n'est encore sur le Conseil des ministres. Et on doit le déplorer parce qu'on a maintenant un conseil des ministres avec beaucoup de professeurs, beaucoup de penseurs, beaucoup de pelleteurs de nuages, j'irais même jusqu'à dire, mais des vrais gens qui ont travaillé dans le monde des affaires, je dois avouer qu'on n'en a plus sur ce Conseil des ministres là. Et ça ne doit pas donner bien, bien confiance aux gens qui regardent ce gouvernement-là aller de voir qu'il y a très peu de gens qui viennent du milieu des affaires, dans une situation économique où on aurait tellement besoin de ces gens-là.

M. le Président, on sera d'accord avec le projet de loi n° 69, sur le principe. Desjardins, l'oeuvre d'Alphonse Desjardins est une très grande oeuvre, on le reconnaît du côté libéral, et nous allons voter en faveur. Maintenant, pour les gens qui nous écoutent ici, ce soir, ce n'est pas parce que nous votons en faveur que nous ne poserons pas une série et une multitude de questions. Et j'aimerais ici donner un aperçu des questions qu'on devrait poser et qu'on devra poser, parce que c'est le devoir du législateur dans l'opposition.

Dans une autre vie, avant d'être législateur, j'étais conseiller financier et j'ai appris, dans mes 25 ans de carrière, qu'on me disait bien des choses positives mais qu'on oubliait, à l'occasion, de me parler des points un peu moins positifs dans une présentation qu'on me faisait. Et j'ai appris à développer, avec le temps, essayé de comprendre ce qu'on avait peut-être oublié de me dire sur le projet. Or, il y a des aspects sur lesquels il nous faut questionner Desjardins dans ce projet de loi, M. le Président, et dans leurs opérations.

D'abord, il n'y a aucun doute, du plus simple membre du Mouvement Desjardins jusqu'à ses plus grands cadres, Desjardins est maintenant une opération qui est lourde et qui est onéreuse. Et, quand on la compare à toute autre institution financière sur le continent, on doit arriver à la conclusion que c'est une opération qui est lourde, avec des structures multiples et qui est onéreuse aussi.

On doit aussi rappeler, M. le Président, que Canagex, qui a été leur fonds d'investissement avec une équipe de gestion, a quitté pour Toronto. Ce n'est pas la médaille la plus reluisante au Mouvement Desjardins. Et non seulement Canagex a quitté pour Toronto, mais, pire que ça, leur fonds d'actions Desjardins a obtenu un rendement de 8,1 % en cinq ans, la situant au 91e rang des fonds mutuels sur 121, selon certains barèmes – je ne rentre pas dans les détails.

Il faut voir que les gens qui déposent leur argent chez Desjardins vont certainement... Et je vois l'ex-président de la Caisse de dépôt, ici; un rendement, il sait ce que c'est, lui. Un rendement, il sait ce que c'est parce que tout l'univers économique de la Caisse de dépôt fonctionnait alentour des rendements et de la sécurité du placement. Alors, chez Desjardins, quand on me dit qu'on est au 91e rang sur 121 après cinq ans avec un rendement de 8,1 %, il faut comprendre que les gens chez Desjardins qui ont mis leur argent dans ce fiduciaire vont poser des questions. Et, si les gens posent ces questions-là, nous, législateurs, en commission parlementaire, même s'il y a 100 et quelques articles, même si nous sommes quelques jours avant Noël, nous nous devrons de poser ces questions-là à Desjardins. C'est pour le bien de la communauté que nous le ferons, bien sûr.

Nous devrons aussi, comme l'a si bien fait mon confrère, tantôt, de Westmount, poser ces questions sur, appelons-les comme on voudra, des conflits d'intérêts ou autres dans la Caisse populaire de Saint-Henri. C'est 20 000 000 $ qui ont disparu comme ça, sans vous parler de celle de Laval, à Pontmain où, là, on parle de 8 000 000 $ qui furent prêtés juste avant la faillite extraordinaire d'un entrepreneur là-bas; 8 000 000 $. Et, quand on regarde toute l'histoire de cette Caisse populaire de la ville de Laval, là ce n'est pas des conflits d'intérêts, c'est un conflit d'intérêts organisé entre le comptable, etc. Je ne rentre pas dans les détails, encore là, mais je pense que Desjardins doit répondre à ces questions-là pour les gens qui déposent leurs avoirs et améliorer...

Je pense que, quand on lit le sondage de Desjardins qu'ils ont eu au congrès des membres, les gens veulent des améliorations chez Desjardins. Nous savons aussi que Desjardins ne paie à peu près pas d'impôts, à toutes fins pratiques. Il y a eu, à travers les temps, des lois qui ont permis à Desjardins d'aller chercher du capital à bon marché. On sait que, caisse par caisse, ils ont une exemption de 300 000 $. Alors, il y a des études qui démontrent que, sur une base comparative, avec le capital que Desjardins, etc., Desjardins devrait payer un minimum de 55 000 000 $ d'impôts. Alors, vous imaginez qu'on a des rendements inférieurs, et on ne paie pas d'impôts, ou très peu, finalement, chez Desjardins. Et là on doit poser des questions aussi, parce que, si on payait les mêmes impôts chez Desjardins que le système bancaire paie, les rendements seraient moins élevés. Donc, le réinvestissement ou le paiement aux gens qui sont partie prenante du Mouvement Desjardins, eux seraient plus élevés.

L'autre point qui est important dans le cas de Desjardins, M. le Président... Et on devra questionner, on devra même inviter, je pense, ce groupe ou le représentant de ce groupe, le Regroupement des victimes des caisses. Alors, là, il y a un regroupement au Mouvement Desjardins qui est maintenant présidé par un bonhomme du nom de Gary Caldwell. Gary Caldwell, ce n'est pas exactement le dernier des venus. M. Caldwell, il est sociologue, il a été élu président des victimes des caisses. Il a été nommé par le PQ sur le sommet de l'éducation, donc le Parti québécois le connaît très bien. Vous savez qu'au sommet la grande réflexion qu'on a menée au Québec... Il y avait une vingtaine de personnes qui siégeaient là, et une de ces personnes, c'était Gary Caldwell, nommé par le PQ.

Alors, M. Caldwell, il est maintenant président du Regroupement des victimes des caisses, et je pense qu'il a beaucoup de choses à dire. On a pu voir ses écrits dans différents journaux, magazines, revues, et, lui, il dit qu'il y a une centaine de cas, franchement, où on doit regarder ce qui se passe là. M. Béland, d'ailleurs, ne dément pas le chiffre de 100. M. Béland lui donnera raison en disant que, dans un empire comme le leur, ils ont probablement plus près de 200 cas où il y a vraiment problème.

Ce Regroupement – et je ne veux pas vous lire tout son communiqué, c'est trop long – des victimes des caisses, le mot qu'il prend, finalement, c'est de dire que Desjardins agit avec complaisance, et on aimerait, nous, je pense, poser des questions aux gens de Desjardins, quand ils seront là, sur ce Regroupement. Mais ce que nous aimerions surtout, c'est que ce Regroupement soit invité à la commission parlementaire et que nous puissions l'entendre.

Donc, il y a problèmes, avec un s, chez Desjardins, il y a une multitude de problèmes. Il ne faut pas non plus s'en offusquer. C'est immense, Desjardins, c'est 1 300 caisses, c'est divisé sur le territoire, c'est des structures très importantes. On peut revoir, ici, un organigramme de Desjardins. Ce sont des structures très importantes, M. le Président, le Mouvement Desjardins. Qu'il y ait des problèmes, c'est probablement dans la normalité des choses. Mais je pense que ça fait partie de la job de l'opposition de s'assurer que non seulement on entendra les bons coups mais aussi les moins bons coups pour que les législateurs, quand ils auront à voter, quelques jours avant Noël, votent avec un éclairage complet du projet de loi n° 69.

(21 h 20)

M. le Président, un des points, et tous mes confrères qui ont parlé avant moi sur ce projet de loi là... le ministre a semblé ne pas être au courant, c'est celui de la Fédération des caisses d'économie. La Fédération des caisses d'économie représente 2 000 000 000 $ à l'intérieur du Mouvement. Pourquoi elle est venue au monde, cette Fédération des caisses d'économie, M. le Président? Il y a une histoire. C'est à une époque où Desjardins ne prêtait pas aux gens qui, dans leur milieu de travail, allaient en grève, on ne voulait pas faire ce genre de prêt là, et il s'est créé à l'intérieur des shops, et je vois l'ancien président du syndicat de Canadair, qui est notre bon député de Saint-Laurent, qui est avec nous, il a vécu ça à l'intérieur de Canadair, on vit ça dans plusieurs shops ici, au Québec, M. le Président... Alors, il y avait une grève et puis, là, les employés n'avaient pas la possibilité d'emprunter chez Desjardins. Et il s'est créé à ce moment-là cette Fédération des caisses d'économie.

Je traversais le complexe G aujourd'hui et je voyais qu'ils sont installés exactement où sont les ouvriers. Je veux dire, les ouvriers – et d'ailleurs c'était l'autre raison – parce que les ouvriers devaient quitter les shops à l'heure du midi pour aller rembourser leurs hypothèques, etc. Et, à un moment donné, ces gens-là se sont dit: Coudon, on a un pouvoir, nous; pourquoi on ne la créerait pas sur notre milieu de travail, cette caisse-là?

Alors, la Fédération des caisses d'économie veut rester dans la Fédération. Ils sont comme le Parti libéral du Québec; eux, ils pensent que c'est bon, les fédérations. Mais ils voudraient être distincts à l'intérieur de la Fédération, comme le Parti libéral du Québec, d'ailleurs. Alors, nous, on demande au ministre... lui n'a pas semblé nous en parler tantôt, peut-être qu'il a échappé cette page-là, je ne sais pas. Mais je pense qu'on devrait inviter les gens de la Fédération et entendre ce qu'ils ont à dire. Je pense que ce sont des gens sérieux, qui ont prouvé leurs points auprès des travailleurs et qui ont très bien géré ce 2 000 000 000 $ là.

Bien sûr, l'abolition de la commission de crédit, le député de Westmount en a parlé, je pense que c'était un des voeux souhaités des 10 000 membres qui étaient réunis au 16e congrès. Alors, nous irons dans le sens de cette volonté-là, M. le Président.

Alors, en finissant, nous aussi, on lève notre chapeau à la grande oeuvre de Desjardins. On pense qu'au Québec on a à se réjouir. On a à se réjouir. D'autre part, il y a des points plus faibles et, dans les points plus faibles, j'en ai oublié un, et certainement pas le moindre, celui du président qui, je pense, n'a pas représenté tous les membres de cette caisse-là quand il est allé se prononcer pour l'indépendance du Québec. Moi, j'ai un compte là, chez Desjardins. L'Association libérale d'Orford a un compte là. Le bureau du député libéral d'Orford a un compte à la caisse populaire. J'espère que M. Béland n'a jamais pensé pour un instant qu'il a parlé en mon nom cette journée-là parce que je n'ai jamais été d'accord avec ce qu'il a dit. Et beaucoup de gens lui ont signifié au Québec que sa job, c'était d'être fiduciaire des dollars des Québécois. Ce n'était pas de faire de la politique, c'était de laisser la politique aux politiciens, aux gens qui voulaient faire de la politique. Sa job, c'était de gérer les avoirs de Desjardins, et ça, M. le Président, c'est un message qui doit être bien clair pour tous les gens de Desjardins.

M. le Président, on va être d'accord avec le principe. On a des questions, j'en ai cité une série. Mon temps est terminé; je ne pourrai pas poser d'autres questions. Mais je pense qu'on veut avoir tous les éclairages et on va collaborer avec le ministre, en temps et en lieu, d'ici Noël, mais on a plein de questions à poser. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. M. le député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 69, qui est la Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, c'est un projet de loi, M. le Président, qui est composé de 178 articles et qui a pour objet, bien sûr, de modifier les structures administratives d'une caisse et d'une fédération. On sait que ces modifications furent orientées par les réflexions du dernier congrès du Mouvement Desjardins qui était tenu en mars dernier. On sait que le projet de loi prévoit l'abolition de leur commission de crédit. L'effet recherché est de faire en sorte que, comme les banques finalement, le crédit soit consenti par des employés d'une caisse ou les tiers auxquels le conseil d'administration aurait confié un mandat en ce sens. J'écoutais mon prédécesseur, le député d'Orford, qui rappelait l'origine de la création des caisses d'économie et, au moment où j'étais un employé à l'usine, chez Canadair, et que la Caisse d'économie des employés d'avionnerie, local 712, a été mise sur pied... Et un de ses principaux artisans, celui qui en a été, si vous voulez, le fondateur, est celui qui, à l'époque, présidait les destinées du syndicat chez Canadair, soit Louis Laberge, qui par la suite est devenu président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Et on se souviendra qu'à l'époque – et mon collègue d'Orford en a invoqué les raisons – le pourquoi que les travailleurs et travailleuses se sentaient obligés de se doter d'un instrument comme celui-là, c'est parce que, bien sûr, la Fédération des caisses, pas certaines, les caisses refusaient de prêter à des travailleurs qui étaient dans une situation de conflit de travail. Et, bien souvent, les institutions prêteuses, que ce soit les caisses, que ce soit quelques banques ou bien souvent les compagnies de finance à l'époque, du moment qu'un travailleur se retrouvait en difficulté, elles ajoutaient la pression additionnelle de réclamer les remboursements au moment où le travailleur passait temporairement par une période difficile.

Et de là est né, dans l'esprit des travailleurs et des travailleuses, de se doter de leur caisse, M. le Président. Dans des périodes difficiles, les caisses comprenaient, les caisses acceptaient de retarder les paiements, les caisses prenaient des arrangements avec les travailleurs qui étaient en conflit ou qui étaient en situation de mise à pied temporaire, une sorte de compréhension que les travailleurs et les travailleuses ne retrouvaient pas auprès des institutions financières, auprès des banques et auprès de certaines caisses Desjardins à l'époque. Ce n'était pas dans la façon; ce n'était pas l'approche. Tu devais, ta date de remboursement arrivait, on te la réclamait sans tenir compte de la situation particulière dans laquelle tu pouvais te trouver temporairement.

Donc, les travailleurs et les travailleuses ont jugé nécessaire de se doter d'un outil comme celui-là, et au fil des années, bien sûr, M. le Président, le Mouvement s'est étendu. Et aujourd'hui on sait que, des caisses d'économie de la nature de celle que je vous décris, le Mouvement Desjardins, c'est un réseau de 121 caisses d'économie appartenant à 300 000 travailleurs et travailleuses dans 700 entreprises et organismes et cumulant un actif de 2 300 000 000 $. Donc, vous conviendrez qu'avec ces chiffres, 121 caisses, 300 000 adhérents à l'intérieur de 700 entreprises et organismes, et avec un actif comme je viens de vous décrire, 2 300 000 000 $, ces gens-là ont droit au chapitre. Bien sûr, ils sont minoritaires à l'intérieur de l'ensemble du Mouvement Desjardins, mais ils ont été, à l'intérieur de leur activité, des pionniers qui ont obligé Desjardins à avoir un regard différent sur ce type d'activité.

Alors, parmi les lettres, M. le Président, vous me permettrez de vous citer comme première celle qui était adressée, le 9 décembre dernier, au ministre des Finances et qui dit: «Nous avons été saisis de l'impact majeur – majeur, M. le Président – qu'aura le projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, et ce, pour l'ensemble du réseau des caisses d'économie.» Ils ajoutent: «Si les dispositions actuelles du projet de loi devaient être adoptées intégralement, elles résulteraient en l'élimination du seul et unique réseau de caisses de travailleuses et de travailleurs au sein du Mouvement Desjardins.» Donc, un statut distinct, bien important. Alors, je continue, ils disent: «Non seulement nous ne comprenons pas que le gouvernement peut, avec ce projet de loi, permettre l'annihilation par le Mouvement Desjardins d'un réseau – et là les chiffres que je vous ai cités – 121 caisses, 300 000 travailleuses et travailleurs, 700 entreprises et organismes et des actifs de 2 300 000 000 $. Ce réseau coopératif distinct entièrement voué aux intérêts économiques des travailleuses et des travailleurs, qui agit au coeur même du milieu de travail, a été laborieusement construit depuis de nombreuses années et représente aujourd'hui un instrument performant du développement économique et social indispensable.»

(21 h 30)

C'est vrai que les caisses d'économie ont une culture particulière, ont une relation avec leurs membres qu'on ne retrouve pas nécessairement dans l'ensemble des autres divisions – si vous me permettez l'expression – de Desjardins. Il s'agit de collègues de travail. Il s'agit bien souvent d'une caisse qui est sur les lieux de travail, où on a accès le plus rapidement possible, qui facilite les heures, après ou pendant, pour accommoder les gens qui sont sur des horaires autres que celui régulièrement du huit à quatre ou du neuf à cinq, M. le Président. Important: travailleurs et travailleuses qui y contribuent et qui ont besoin d'y avoir accès, et, à ce moment-là, ils ont une influence directe sur la sorte de services que leur donne leur caisse, parce que c'est né, la très vaste majorité, à partir du mouvement syndical.

Alors, la lettre dont je vous fais teneur, M. le Président, dit: «Tenant compte des graves lacunes de ce projet de loi, nous vous demandons instamment de surseoir à son adoption, d'autant plus qu'il a été déposé sous le couvert de modifications techniques alors qu'en réalité il transforme, et ce, profondément la structure coopérative et décisionnelle du Mouvement des caisses Desjardins – et ils ajoutent, M. le Président, je vous fais toujours la lecture – menaçant ainsi directement le réseau des caisses d'économie. Nous avons mis sur pied ce réseau. Nous l'avons toujours supporté et nous continuerons à nous battre pour assurer non seulement son existence, mais également son développement. La menace qui pèse sur un réseau qui fait la fierté des travailleuses et des travailleurs du Québec doit être éliminée – la menace qui pèse sur le réseau qui fait la fierté des travailleuses et des travailleurs du Québec doit être éliminée. C'est le sens du geste que nous vous demandons de poser.»

Et cette lettre, M. le Président, adressée au ministre des Finances, est signée par Mme Lorraine Pagé, la présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec, par M. Gérald Larose, le président de la Confédération des syndicats nationaux, et, bien sûr, par Clément Godbout, le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Donc, comme vous voyez, M. le Président, la façon dont le projet de loi a été introduit, c'est pour des modifications d'ordre technique, en voulant dire là: Inquiétez-vous pas, là, énervez-vous pas avec ça, c'est très peu, ça fait suite au congrès en mars dernier, on présente ça en fin de session, tranquillement, un petit projet de loi, là, sans problème. Mais, quand on regarde les gens qui, de près, ont bâti ce réseau-là et quand eux font la lecture de l'implication de ce qu'on retrouve dans le projet de loi, vous comprendrez, M. le Président, pourquoi ils s'émeuvent.

D'abord, bien sûr, ils disent: Retardez-en l'adoption. Est-ce que le ministre a indiqué qu'il a l'intention d'entendre des gens sur ce projet de loi, M. le Président? Je pense que les centrales ont le devoir, ont la responsabilité d'exiger de ce gouvernement qu'il les entende avant de poursuivre avec une législation qui a ses effets sur quelque chose qui leur appartient en propre. Et ça, dans ce sens-là, M. le Président, j'espère que le ministre profitera du moment qu'il choisira pour indiquer s'il a l'intention d'entendre, d'avoir des audiences, M. le Président. Les gens des centrales, non seulement ils parlent au nom de leurs membres comme ils le font souvent, mais, quand on comptabilise et quand on totalise le nombre de travailleurs et de travailleuses au Québec qui sont membres des 121 caisses, on parle de 300 000 personnes au Québec qui ont un compte ouvert dans chacune de ces caisses. Certains y ont là leur hypothèque, certains y ont là les emprunts personnels. Alors, M. le Président, ces gens-là ont le sentiment que quelque chose qu'ils ont bâti, qui leur appartient, qui est près de leur milieu de travail, au point de vue physique, où ils connaissent les gens qui y travaillent, par cette législation, pourrait échapper à leur influence. Alors, il me semble que, dans ce sens-là, le ministre aurait tout intérêt à nous indiquer s'il a l'intention d'entendre ces organismes.

Une autre lettre que je dois attirer à votre attention, elle, est sous la signature de M. Michel Parent, qui est le président de la Fédération des caisses d'économie Desjardins du Québec. Vous, M. le Président, qui êtes familier avec la Fédération des caisses d'économie, comprendrez que celui qui vous parle, non seulement parce que la caisse chez Canadair a été fondée par Louis Laberge, un illustre collègue membre de ma section locale, mais parce que le premier président de la Fédération des caisses d'économie du Québec, et j'y vais de mémoire, est M. Robert Soupras, qui, pendant de très nombreuses années, a réussi à regrouper les caisses d'économie pour en faire une fédération... M. Robert Soupras a été, pendant de très nombreuses années, un collègue de travail de celui qui vous parle. Avec la formation qui lui a été donnée, il est d'abord devenu le gérant de la caisse, pour ensuite accéder à des fonctions très élevées au sein de la Fédération des caisses. Donc, il y a là des liens, des liens affectifs, des liens, je vous dirais, presque historiques de l'organisme, de la Fédération des caisses d'économie. Alors, dans ce sens-là, vous comprendrez pourquoi ça a une résonnance particulière.

Alors, la lettre dit, M. le Président: «La commission du budget et de l'administration devrait être saisie prochainement de l'étude du projet de loi n° 69. Ce projet de loi a été déposé – et ce sont ses mots – sous le prétexte de modifications techniques, alors qu'en réalité plusieurs de ses dispositions auront un impact majeur et irréversible pouvant aller jusqu'à l'élimination complète, au sein du Mouvement Desjardins, de notre réseau de 121 caisses regroupant 300 000 travailleurs et travailleuses au sein de 700 entreprises, avec un chiffre d'affaires de 2 300 000 000 $.» Et je répète, M. le Président, les mots qu'il a utilisés: «...auront un impact majeur et irréversible pouvant aller jusqu'à l'élimination complète, au sein du Mouvement Desjardins, de notre réseau.»

Et il continue: «Si ce projet de loi était adopté intégralement, cela ferait du législateur l'instrument de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec dans le différend qui l'oppose à notre Fédération.» Oups! je suis loin d'être convaincu qu'au moment où la rédaction de ce projet de loi là a été faite le ministre en connaissait toutes ses dimensions, M. le Président. Je ne suis pas certain. Alors, dans ce sens-là, ils disent, et je le répète, parce que ça me semble très important. Ils disent, M. le Président: «...cela ferait du législateur l'instrument de la Confédération des caisses populaires et d'économie dans le différend qui l'oppose à notre Fédération.» Ce serait important que le ministre puisse nous dire s'il était au courant et si le projet de loi a pour effet de prendre parti pour l'une des deux parties qui sont en conflit ou en opposition présentement. Il me semble que c'est quelque chose d'extrêmement important pour le législateur.

(21 h 40)

«En effet, le projet de loi contient des dispositions qui auront pour conséquence de permettre à la Confédération de redéfinir unilatéralement nos relations contractuelles. Alors, c'est pourquoi, disent-ils, nous souhaiterions être entendus par les membres de la commission avant que ne débute l'étude de ce projet de loi.»

Alors, M. le Président, encore une fois, un autre organisme qui dit: Est-ce que le gouvernement a l'intention de nous entendre? Nous aurions des choses à lui dire. Ils craignent que l'orientation n'ait été suggérée au gouvernement uniquement par une des parties. Alors, ils souhaiteraient pouvoir se faire entendre.

«Nous pourrions – et je continue – ainsi leur exposer clairement l'impact des principales modifications proposées et permettre aux membres de la commission de jouer pleinement leur rôle de parlementaires en étant parfaitement informés des conséquences des décisions qu'ils auront à prendre.»

Alors, M. le Président, vous me permettrez de vous indiquer que je crois que la lettre est très claire. Il ne s'agit pas de s'opposer au principe de cette loi-là, mais il s'agit bien sûr, pour nous, comme législateurs, de nous assurer que les gens qui nous indiquent que cette loi aura un impact direct – vous m'indiquez que mon temps achève, M. le Président – que l'impact qui est direct pour ces gens-là... Ils ont besoin d'être entendus et, nous, comme législateurs, après les avoir entendus, ça – vous en conviendrez, M. le Président – facilitera le travail que nous avons à faire, ce qui nous permettra de bonifier cette loi-là et ce qui nous permettra de nous assurer, au nom de ces 121 caisses, de ces 300 000 travailleuses et travailleurs au Québec, que leur législateur de l'Assemblée nationale aura eu à sa disposition l'ensemble des arguments qui nous permettront d'améliorer ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Merci. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 10 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 10 du feuilleton, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du principe du projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique. Y a-t-il des interventions? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: J'interviens à ce moment-ci, M. le Président. Nous ne nous attendions pas aussi immédiatement à un ajournement du débat. Ce qui avait été convenu, c'est que, suite à la loi sur le Mouvement Desjardins, ce serait la Loi sur les fabriques comme telle. On comprend que le ministre des Finances a un contretemps. Ce qu'on demande, c'est quelques minutes de suspension des débats de façon à permettre au critique en matière touristique de se déplacer. Si on nous refuse ce consentement, M. le Président, nous devrons prendre d'autres moyens procéduraux qui ne feront pas avancer le déroulement des travaux.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je pense que, à ce stade-ci, on pourrait demander à la leader adjointe du gouvernement...

Mme Caron: M. le Président, il n'y a pas de problème avec le consentement, mais je tiens à préciser que nous avions bien prévenu l'opposition que le prochain projet de loi qui était appelé, c'était bel et bien le projet de loi n° 76 et non le projet de loi n° 57.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, nous allons suspendre les travaux, question de vous permettre, M. le leader de l'opposition, d'aller quérir le critique officiel en matière de tourisme. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Pour spécifier, il faudrait que les messages entre les bureaux des leaders soient les mêmes qu'entre les critiques.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, nous suspendons pour quelques instants les travaux de l'Assemblée nationale.

(Suspension de la séance à 21 h 45)

(Reprise à 21 h 54)

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, si vous voulez vous asseoir.


Projet de loi n° 76


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Nous étions à l'adoption du principe. Alors, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du principe du projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique.

Alors, nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et critique officielle en matière de tourisme.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Bien, c'est justement sur l'application de ce projet de loi pour la métropole, M. le Président, que je voudrais intervenir. Je vais le scinder en trois, en fait, le projet de loi, et, aussi, un aparté sur un autre sujet qui concerne le tourisme.

Quant au projet de loi, pour moi, ce projet de loi comporte deux choses bien spécifiques. La première chose, c'est un 2 $, qui est facultatif pour ceux qui veulent se servir de ce privilège, par nuitée, et ce 2 $, c'est un fonds que l'on crée et qui serait administré par, entre autres, l'office de tourisme du Grand Montréal.

L'autre, M. le Président, c'est de taxer les forfaits, qui étaient détaxés, de plus de deux jours. Donc, de taxer ces forfaits-là, de scinder, finalement, les sources de revenus, par la taxe, en deux et de créer un fonds avec le 10 000 000 $. En fait, ça fait 20 000 000 $, ça. Alors, le 10 000 000 $ s'en irait dans un fonds et l'autre 10 000 000 $, tout simplement, s'en irait au fonds consolidé.

Donc, M. le Président, j'aimerais, avant de débuter... Parce que, c'est sûr que, le 2 $ de la nuitée, pour la région métropolitaine, nous sommes pour. Je dois vous avouer aussi, M. le Président, que, quand j'étais directrice générale de CKAC et vice-présidente de Télémédia, l'office de tourisme et des congrès a été fondé et je siégeais, une des premières, sur le conseil d'administration. Alors, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on en parle. Je me souviens que, en 1990, entre autres, le président de l'office des congrès, Charles Lapointe, était, avec son conseil d'administration, un véhément promoteur de ce moyen, c'est-à-dire 2 $ la nuitée, pour créer un fonds. Il y a eu aussi beaucoup de consultations de faites avec les divers intervenants de la région de Montréal pour que cette mesure s'applique spécifiquement dans la région.

Maintenant, M. le Président, on peut comprendre que, hors Montréal, c'est-à-dire en région, où les tarifs, par exemple, sont de 35 $, 37 $ pour les gîtes, si on ajoute un 2 $, les gens sont peut-être un peu craintifs. Ça, on peut comprendre ça. Et c'est peut-être ça, la vertu de cette mesure, c'est qu'elle est facultative, c'est-à-dire que ceux qui veulent s'en prévaloir, qu'ils le fassent. Mais, avant, M. le Président, j'aimerais un peu éclairer sur la problématique même de Montréal et du tourisme pour prouver aux divers intervenants qui vont venir après moi pourquoi c'est important, cette mesure du 2 $. D'abord, parce que l'industrie touristique à Montréal, évidemment c'est un secteur qui est très important, et il faut, et c'est impératif, renforcer le rôle du Montréal métropolitain comme pôle culturel et touristique unique en Amérique.

En 1994, M. le Président, les retombées directes et indirectes générées par ce secteur assuraient à la région métropolitaine l'équivalent de 30 900 emplois à temps plein; plus de 690 000 000 $ étaient versés en salaires; et les retombées fiscales pour les seules municipalités de l'île étaient estimées à 64 200 000 $. On a évalué aussi à 5 200 000 le nombre de touristes sur l'île de Montréal en 1994, soit une augmentation de 7,7 % par rapport à 1993 et de 13,1 % par rapport à 1992. Évidemment, on est toujours tributaires de la température, c'est sûr. Excepté qu'on s'aperçoit que Montréal offre une destination et un très beau potentiel touristique autant pour les grossistes et agents de voyages que pour, évidemment, les touristes.

Montréal, par contre, est en concurrence avec les autres grandes agglomérations urbaines nord-américaines, puis ses concurrentes, M. le Président, sont Boston, New York, Toronto, Philadelphie, Vancouver et San Francisco. Et plusieurs secteurs de l'activité économique qui en retombe, évidemment, sont des activités connexes comme, par exemple, le transport, l'hébergement, la restauration, les agences des grossistes en voyages ou commerces de détail, les loisirs, divertissements culturels et sportifs, le développement des affaires et des milieux associatifs.

Donc, M. le Président, c'est tout un moteur, si on veut, économique, quand on parle de tourisme spécifiquement pour la région du Grand Montréal. Probablement pour le reste du Québec aussi, c'est sûr, mais, comme j'interviens pour Montréal, on s'aperçoit que c'est fondamental d'avoir une activité qui est bien contrôlée et aussi bien adaptée, si on veut, à la métropole.

(22 heures)

Il y a autre chose aussi, M. le Président, c'est que Montréal possède un produit qui est touristique d'envergure internationale, et près de 1 000 000 000 $ ont été investis dans l'amélioration du produit touristique ces dernières années. C'étaient d'ailleurs les recommandations du rapport Picard, du plan stratégique – parce qu'on formait évidemment un comité ministériel du Grand Montréal – alors c'était aussi inscrit et les investissements aussi ont suivi le plan stratégique du Comité ministériel permanent de développement du Grand Montréal. Et aussi ces investissements se sont faits avec l'avis, en collaboration avec Tourisme Québec. Évidemment, M. le Président, on s'aperçoit qu'investir dans le tourisme, bien c'est sûr que, par rapport à ce que j'ai dit auparavant, donc aux retombées économiques, c'est payant et c'est important.

La viabilité future de l'industrie touristique dépend évidemment de la publicité et de la promotion. Et c'est là que j'y viens, M. le Président, pour les 2 $ la nuitée qui doivent être réalisés auprès des clientèles potentielles. Et malheureusement, comparée à ses rivales, Montréal fait figure de parent pauvre. Non pas en termes de diversité et de qualité du produit touristique qu'elle offre, mais en termes d'importance des ressources financières qu'elle accorde à la promotion pour les faire connaître. Parce que c'est bien beau d'avoir de beaux équipements, d'avoir un beau produit à offrir à des avantages très compétitifs, si on compare notre dollar par rapport au dollar américain, mais, encore là, c'est un produit qui est, je dirais, non seulement peu connu, mais surtout méconnu. Alors, évidemment, il faut absolument qu'on investisse en publicité et en marketing davantage, parce qu'on a le produit, mais il faut le renforcer et le faire connaître. Donc, de là l'importance au niveau de la promotion.

Quand on parle d'activités de promotion, évidemment on parle de financement. La présence sur les marchés étrangers d'une destination touristique dépend évidemment des ressources financières mises à la disposition de l'organisme pour la représenter. À Montréal, l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal ne compte, pour le moment, que sur l'appui financier stable de la ville de Montréal et de Tourisme Québec. À cela s'ajoute la part du milieu via les campagnes conjointes que l'on fait avec Air Canada, par exemple, Air France, Via Rail Canada, Société des casinos du Québec, les Aéroports de Montréal et Canadien International.

Donc, M. le Président, on s'aperçoit qu'il y a une activité promotionnelle et marketing qui se fait indépendante, indépendante en soi par l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal, mais il y a aussi un effort d'activité conjoint avec soit les grands transporteurs ou encore d'autres annonceurs qui sont très actifs sur la scène internationale.

L'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal, qui a été fondé, si ma mémoire est bonne, en 1987-1988 à peu près, disposait, en 1994 – quand on a commencé, on était très pauvre – d'un budget comparable, pour la première fois, à celui de ses concurrentes. On parlait de Toronto, entre autres; on parlait de Boston, on parlait de New York. Mais notre grand compétiteur, évidemment, sont nos villes canadiennes aussi, Toronto et Vancouver. Pourquoi? Parce qu'on veut attirer les gens chez nous, mais, à Montréal, on veut aussi attirer les congrès. Ce qui fait qu'en 1994 le budget de l'Office des congrès et du tourisme était de 10 499 000 $ grâce au support exceptionnel de 2 000 000 $ en provenance de la Communauté urbaine de Montréal.

Donc, pour la première fois, la Communauté urbaine de Montréal... enfin, la première fois, c'est-à-dire que le budget, finalement, a augmenté d'année en année et, en 1994, pour la première fois, la Communauté urbaine de Montréal allait jusqu'à financer 2 000 000 $ dans l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal. Ce budget équivalait pour la première fois, comme je le disais, à celui de l'Office du tourisme du Grand Toronto, ce qui était d'autant plus important parce que, je me souviens, à l'époque, quand on analysait nos budgets par rapport à Toronto – et là je parle de 1987, 1988, 1989 – on faisait vraiment figure de parent pauvre, parce que Toronto a toujours eu un budget aux alentours de 7 000 000 $ à 9 000 000 $, tandis que Montréal, à l'époque, disposait d'un budget d'à peine 1 500 000 $. Donc, on a fait du progrès, M. le Président.

On a fait du progrès et on s'aperçoit que, quand on investit en marketing, eh bien, les résultats sont probants, comme je le disais tantôt, puisqu'il y a eu une augmentation du tourisme d'année en année, en 1993 et en 1994. Initialement, pour l996, l'Office des congrès et du tourisme comptait sur un budget de 3 800 000 $, dont une subvention de la ville de Montréal, et de 2 000 000 $... c'est-à-dire, 3 800 000 $ pour l'Office des congrès et du tourisme, plus un ajout de 2 000 000 $ consenti par la ville de Montréal et une subvention du ministère du Tourisme de 1 000 000 $.

Donc, M. le Président, cette somme, à l'époque, était nettement insuffisante pour réaliser une promotion adéquate, de sorte que le Conseil régional de développement de l'Île, le CRDIM, a consenti 1 000 000 $ supplémentaire pour justement maintenir les budgets de l'Office des congrès et du tourisme aux alentours de 9 000 000 $, comme je le disais tantôt. Donc, en 1994, on avait un budget comparable, c'est-à-dire un budget comparable d'à peu près 10 000 000 $, et, cette année, en 1995, on s'est aperçu qu'on avait peut-être un peu moins. Donc, tous les intervenants ont décidé de contribuer au budget de l'Office des congrès et du tourisme pour maintenir les niveaux d'investissements.

Mais, par contre, pour les années subséquentes, sachant que l'on dépend ou des municipalités, ou de la ville, ou de la CUM, ou encore du CRDIM, on est toujours tributaires, finalement, des budgets des villes et de leur capacité d'investissements. Alors, c'est pour ça que, pour les années 1996, 1997, 1998, le problème du financement des campagnes de promotion demeure précaire compte tenu, comme je le disais tantôt, du manque de sources de financement stables.

Donc, M. le Président, à notre avis, il était important d'assurer une stabilité au budget de l'OCTGM, encore une fois pour toujours demeurer compétitifs dans le comparable, c'est-à-dire compétitifs aux grandes villes canadiennes et américaines en termes de financement de la promotion. Et on sait très bien que, dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, c'est difficile de compter ou de se fier sur une contribution supplémentaire, par exemple, M. le Président, du gouvernement ou encore, comme je le disais tantôt, des villes.

Alors, ce qui fait qu'il fallait rechercher un moyen pour assurer cette stabilité financière du budget de l'Office des congrès et du tourisme. Donc, le meilleur moyen proposé, sans pénaliser aussi les résidents, c'était d'augmenter légèrement les frais relatifs à l'hébergement, c'est-à-dire la nuit passée dans une chambre d'hôtel. Mais il semble, M. le Président, qu'il faut aussi comparer l'activité de Montréal par rapport à l'activité hors Montréal. Montréal, l'activité, bien, il y a beaucoup de tourisme en transit, il y a beaucoup de congrès, il y a aussi beaucoup, évidemment, là, de gens de l'extérieur qui viennent à Montréal soit par affaires ou encore par pur plaisir, ce qui fait que le 2 $ de la nuitée ne paraît pas une somme exagérée sur le tarif initial de la chambre d'hôtel. Quand on calcule que, au Quatre Saisons, par exemple, une chambre d'hôtel peut aller – au Ritz, c'est la même chose – de 125 $ à 150 $, tu sais, 127 $ ou 152 $, surtout pour un tarif d'affaires, ce n'est pas majeur, mais c'est important pour justement assurer ce fonds dont l'Office des congrès et du tourisme a besoin pour faire ses activités promotionnelles.

En Amérique du Nord, d'ailleurs, plus de 75 % des offices des congrès et de promotion ont recours à ce moyen pour financer ces activités, ce qui fait que, M. le Président, ce n'est pas une exception à la règle. On ne peut pas taxer, par exemple, Montréal et le Québec, mais Montréal entre autres, d'avoir recours à un moyen exceptionnel parce que, effectivement, tout le monde s'en prévaut, de ce moyen-là, et, pour la métropole, c'est probablement la meilleure façon de s'assurer, encore une fois, d'un fonds stable pour nos activités.

(22 h 10)

M. le Président, je disais que je scindais le projet en deux. Donc, en ce qui a trait au 2 $ de la nuitée, pour la région de Montréal, je suis pour. Et je peux comprendre d'ailleurs mon collègue, qui représentait, lui, les Laurentides, qui était un peu inquiet. Mais, encore une fois, je pense que la flexibilité qui fait en sorte que ceux qui veulent se prévaloir de ce droit le fassent, bien, finalement, c'est quand même une bonne prévision dans la loi. Ça fait en sorte que, pour une région qui n'est pas confortable, par exemple, avec ce moyen, bien, justement et tout simplement, ils passent outre et n'appliquent pas le 2 $ de la nuitée.

Quant à la détaxe, ça, c'est autre chose, c'est-à-dire à retaxer les forfaits, ça, M. le Président, je dois vous dire que je suis contre. Je suis contre parce qu'il y a, dans ce principe, d'abord, le fait qu'on ajoute, veux veux pas, une taxe. On se donne bonne bouche en disant: Oui, mais la moitié de ça va s'en aller à un fonds et ce fonds sera géré par Tourisme Québec. 10 000 000 $ à peu près. Moi, je veux bien, mais il y a un autre 10 000 000 $ qui s'en va dans le fonds consolidé, ce qui fait qu'on abolit un principe qui était de détaxer les forfaits de deux jours et plus. Et, M. le Président, encore une fois, pour le tourisme de loisir, c'est peut-être un risque parce qu'on ajoute à peu près, quoi, 13,5 % sur la facture globale.

Alors, M. le Président, quant à ce principe, je dois vous dire que je suis inquiète. Je suis inquiète à deux niveaux; d'abord, parce qu'on augmente effectivement les prix; deuxièmement, parce qu'on ajoute une taxe supplémentaire à des gens, au Québec, qui sont déjà surtaxés; troisièmement, parce que, sur les forfaits de deux jours et plus, comme cette taxe s'applique à la grandeur du Québec, là, on touche les résidents locaux, parce que les étrangers peuvent se prévaloir de la détaxe, ce qui fait qu'on touche nos Québécois qui visitent les régions du Québec, bien souvent, et, comme on encourage de plus en plus à visiter, à rester chez nous, bien les mesures d'encouragement devraient être maintenues. Donc, c'est sur le principe même d'ajouter une taxe, de taxer davantage que, je dois vous dire, je suis très inconfortable.

Autre chose aussi. C'est qu'au lieu de dire: Bon, bien, parfait, le 20 000 000 $, on le prend dans un fonds de capital de risque... Mon collègue l'expliquait ce matin, au moins un capital de risque pour aider les entreprises, les petits hôtels, les restaurants, etc., qui, en temps de période économique difficile, en arrachent, mais créent de l'emploi aussi, là. Évidemment, on le disait tantôt – et là je parlais juste pour les chiffres montréalais – le tourisme crée automatiquement de l'emploi, et de l'emploi chez l'ensemble de nos concitoyens, dont nos jeunes. Et c'est sûr que, pour ces gens-là qui ont des petits gîtes ou enfin des petites auberges de charme ou encore des restaurants, c'est sûr que tous les moyens sont bons pour les aider à se maintenir actifs, parce que, évidemment, en temps et en période économique difficile, les gens coupent. La première chose que tu fais, c'est que tu coupes tes dépenses. Tu ne coupes pas dans le maigre, tu coupes dans le gras, et, bien souvent, on peut se priver facilement d'un voyage. Pourquoi? Parce qu'on doit payer pour aller au nécessaire, ou enfin au plus nécessaire. Donc, le principe de retaxer, spécialement au niveau du tourisme, spécialement taxer l'activité, ça, c'est un principe avec lequel je suis particulièrement inconfortable.

Autre chose aussi. Encore une fois, au lieu, au moins, tu sais, pour quand même dorer la pilule, de dire: Bon, bien, le 20 000 000 $, on le met en capital de risque pour soutenir, bien non, ce qu'on fait, c'est qu'on en prend 10 000 000 $ et on prend l'autre 10 000 000 $ et on l'envoie à Tourisme Québec pour la promotion internationale. M. le Président, vous savez, Tourisme Québec a son propre budget publicitaire, a son enveloppe publicitaire. On y ajoute un fonds. Qu'est-ce qui empêche, à un moment donné, le ministre des Finances ou le président du Conseil du trésor, qui cherche soit des périmés soit des revenus, de dire ou de penser – ah! pas cette année, parce que cette année on applique le principe, alors il faut quand même montrer qu'on a une bonne volonté – dans les années futures, arriver et dire tout simplement à Tourisme Québec: Bon, vous avez des beaux budgets. Ils ont un fonds qui arrive automatiquement. On va parler de la perception tantôt, parce que ça, ce n'est pas clair. Alors, on a besoin de coupures. On a beaucoup coupé dans la santé, on a beaucoup coupé dans l'éducation, on a beaucoup coupé ailleurs, et donc on va couper maintenant dans d'autres secteurs.

Et, habituellement, les premiers secteurs qui passent sous la hache – et ça, je suis bien placée pour vous en parler – sont souvent le secteur du tourisme et le secteur de la culture, ce qui fait que c'est très tentant pour un ministre des Finances, entre autres, ou un président du Conseil du trésor, sachant qu'il y a un 10 000 000 $ automatiquement qui est détenu, si on veut, par Tourisme Québec, de couper dans le budget même promotionnel et publicitaire de Tourisme Québec. Et je vous dis, M. le Président, pas cette année, ce ne sera pas cette année, mais l'année prochaine ou l'année après. C'est vrai que Tourisme Québec a un contrat quand même balisé pour cinq ans, là, mais, quand même, ça n'empêche pas le ministre des Finances de dire: Mesure exceptionnelle, et puis voilà, on décide de mettre la hache. Et c'est pour ça qu'en plus d'avoir une taxe dont la moitié s'en va dans le fonds consolidé et l'autre moitié, évidemment, s'en va dans un fonds pour Tourisme Québec, on risque de voir d'autant les budgets de Tourisme Québec, dans l'avenir, réduits et, évidemment, on se retrouve avec une taxe, point final.

Donc, taxer l'activité, M. le Président, c'est difficile à accepter. Donc, là-dessus, encore une fois, M. le Président, on est contre. On est contre, encore une fois, non pas pour le tourisme étranger, parce que, eux, ils peuvent se prévaloir de la détaxe, mais pour notre tourisme local, notre tourisme local qui doit être encouragé fois après fois à visiter le Québec. Pourquoi? Parce qu'il y a toutes sortes de tentations aussi à aller ailleurs. Donc, M. le Président, voilà un peu l'ensemble des propos et des critiques qui se font par rapport... enfin que j'ai par rapport à ce projet de loi là.

Au niveau de la perception aussi, ça, c'est autre chose. On taxe, et la perception, qui c'est qui va percevoir, qui c'est qui va gérer ce fonds-là, et ça va coûter combien pour le percevoir, c'est-à-dire pour le ministère du Revenu, par exemple, de percevoir ce 20 000 000 $, de le diviser en deux, de le garder, de l'envoyer à Tourisme Québec? Qui fait ça, là? Qui fait ça? Qui va percevoir ces taxes-là? Les ATR, par exemple, ont aussi des craintes de voir leur budget, entre autres, diminuer d'autant. Alors, encore une fois, donc, sur les deux parties du projet de loi, oui pour la nuitée, oui pour le 2 $ pour la nuitée – bien, enfin, pour la région métropolitaine, là, je pense que c'est une très bonne mesure – et non pour la taxation des forfaits.

Donc, M. le Président, on sait aussi qu'il y a de l'inconfort. Il y a du questionnement et il y a de l'inconfort par rapport à... Bon, par rapport à la taxation, ça, c'est général. C'est général. Il y a un très grand inconfort par rapport à cette méthode. Et une taxe supplémentaire pour les Québécois, c'est une taxe supplémentaire pour les Québécois, d'une part. Et, deuxièmement, au niveau du 2 $ de la nuitée, on voit que ça ne fait pas l'unanimité. Pourtant, encore une fois, si c'est une bonne mesure pour Montréal, ça pourrait être une bonne mesure pour Québec ou ailleurs. Mais j'ai l'impression que, peut-être, les gens ne le comprennent pas suffisamment, ou ne comprennent pas... enfin peut-être parce qu'on ne leur a pas suffisamment expliqué, lors de rencontres, la portée de ça. À Montréal, c'est sûr qu'il y en avait même qui étaient réticents pour le 2 $ de la nuitée, il y en avait qui étaient réticents. Les plus petits hôtels l'étaient, excepté que l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal a fait aussi un travail de fond pour convaincre tout le monde. Et ce n'est pas d'aujourd'hui qu'ils font un travail de fond. Je pense que Charles Lapointe travaille là-dessus depuis quatre à cinq ans. Alors, ils font vraiment un travail de fond, ils ont réussi à convaincre tout le monde, puis même les plus réticents se sont dit: O.K., parfait, on va embarquer.

Il serait peut-être important aussi de faire ce même travail de fond là au niveau de la province, tout en laissant facultative cette mesure-là, mais au niveau de la province. Il me semble que l'idée de dire d'attendre peut-être le Forum de l'industrie touristique en février et d'évaluer avec les milieux concernés les impacts, les modalités de tout ça et aussi – d'une part, oui, pour le 2 $ – au niveau de la perception, de la taxation, du fonds, alors d'en discuter avec les partenaires, de voir aussi et d'attendre de savoir comment ça va être perçu, comment ça va être redistribué au niveau des ATR, quelle sera leur liberté d'action... Enfin, il y a beaucoup de questionnement encore. On sent ça beaucoup, surtout au niveau des régions hors Montréal.

(22 h 20)

Il y avait une suggestion de dire: Pourquoi ne pas attendre ce Forum en février pour... Au lieu d'imposer ce projet de loi là, qui, dans une partie en tout cas, est positif, pourquoi ne pas attendre en février, de telle sorte que l'ensemble des intervenants seraient convaincus du bienfait, enfin, de certaines mesures puis peut-être que le gouvernement aussi et les partenaires de la ministre de l'Industrie et du Commerce, dont le ministre des Finances, seraient eux aussi convaincus que, dans le fond, une taxation sur ces nuitées-là, ça va peut-être faire plus de tort que de bien et que, dans l'ensemble du budget du gouvernement de 43 000 000 000 $, ce n'est pas un 10 000 000 $ qui peut faire une très grosse différence, mais ce fameux 10 000 000 $ là peut faire une grosse différence – dans le fonds consolidé, on s'entend – dans l'activité touristique et l'activité économique qu'elle génère.

Donc, M. le Président, encore une fois, si on entendait les intervenants au Forum, la ministre aurait probablement, je dirais peut-être, deux arguments majeurs: sur le 2 $ de la nuitée, évidemment, elle se sentirait forte de l'appui du milieu montréalais entre autres et ça lui donnerait le temps aussi de pouvoir expliquer cette mesure-là aux autres et expliquer comment ces argents-là sont générés et à quoi ils peuvent servir au niveau des régions, puis tout en leur disant que c'est facultatif; et argument aussi face à son collègue le ministre des Finances, face à la retaxation des forfaits, parce que les intervenants, quand les intervenants vont s'exprimer et vont peut-être mettre sur table l'ensemble des conséquences, bien, peut-être que le ministre des Finances pourrait reconsidérer deux fois le fait de retaxer les forfaits et, ce faisant, de taxer les Québécois encore une fois pour leurs loisirs et de taxer l'activité économique en région.

Alors, voilà, M. le Président, un peu l'ensemble des propos, c'est-à-dire une suggestion à la ministre, c'est d'attendre en février, lors du forum, pour représenter un peu le projet de loi, discuter avec l'ensemble des intervenants. Et, justement, forte des arguments, encore une fois, soit pour une mesure qui est positive, le 2 $ de la nuitée, ou encore des arguments face à son collègue et ministre des Finances, peut-être que surseoir pour quelques mois ne serait pas majeur, enfin dommageable.

C'est sûr que, si je mets mon chapeau de Montréal seulement, je dirais à la ministre: Vite le 2 $ de la nuitée. Ça, c'est certain. Je l'encouragerais à quasiment scinder le projet en deux et à dire: Le 2 $ de la nuitée, bien, ça, on pourrait peut-être l'appliquer le plus tôt possible pour que l'Office des congrès et du tourisme puisse bénéficier le plus rapidement possible de cette source de revenus qui est stable. Mais, évidemment, M. le Président, il faut aussi penser à l'ensemble de l'activité du Québec, il faut aussi penser aux régions, et je ne peux pas me permettre d'être égoïste au point de dire: Bien, on va penser à Montréal seulement.

Alors, pour le bien de la chose, s'il le faut, pour que le projet soit reçu positivement et pour convaincre le ministre des Finances de vraiment revenir sur sa décision de retaxer, alors, à ce moment-là, je pense qu'on peut tous attendre quelques mois, puisqu'il risque d'y avoir du positif par rapport à cette attente.

Donc, M. le Président, voilà l'ensemble des propos que j'avais sur le projet de loi n° 76.

J'aimerais faire un aparté, M. le Président, sur un autre sujet, mais rapide, qui reste aussi au niveau du tourisme, et c'est ce qu'on a vu dans les journaux ce matin, c'est-à-dire dans l'article de La Presse , entre autres, qui dit: «Pas de tabac sur les voitures, pas de Grand Prix à Montréal.»

M. le Président, comme ancienne directrice du marketing de la Brasserie Labatt, hein, et ex-propriétaire – évidemment, Labatt était propriétaire du Grand Prix – il était évident que la mesure ou enfin l'espèce de bannissement du tabac au niveau promotionnel va faire en sorte que l'activité sportive et culturelle du Québec va en être affectée, surtout au niveau de certains événements tel le Grand Prix. Et, quand Normand Legault, un homme que je connais très bien, dit que Bernie Ecclestone va tout simplement prendre son Grand Prix et l'amener ailleurs, M. le Président, ce ne sont pas des mesures de pression et ce ne sont pas des menaces, M. le Président. Ce ne sont pas des mesures de pression, ce ne sont pas des menaces. Et, M. le Président, ça va se faire. Pourquoi? Parce que, au niveau du Grand Prix, ils ne sont pas obligés de venir à Montréal, ils ne sont absolument pas obligés de venir à Montréal, et il y a je ne sais pas combien de villes qui voudraient bénéficier du Grand Prix, non seulement des retombées économiques, mais aussi des retombées médiatiques.

En ce qui nous concerne, parce que le ministre de la Santé n'a pas encore déposé son projet de loi, et je pense que le ministre de la Santé va réfléchir parce qu'il s'aperçoit que le projet de loi d'Ottawa crée énormément d'inquiétude, et il faut quand même apprendre de l'expérience des autres... Alors, ça, je me fie sur le ministre de la Santé pour avoir une vision quand même éclairée de la chose et des conséquences. Mais, quant à Ottawa, je me surprends que la ministre de l'Industrie et du Commerce ne se soit pas exprimée à ce sujet, et autant que le ministre de la Métropole, entre autres. Encore une fois, je suis obligée de demander: Où est mon ministre de la Métropole? Parce que...

Une voix: Il est au travail.

Mme Frulla: Il est au travail, mais il est silencieux. Encore une fois, il se montre extrêmement discret. Mais, cela dit, M. le Président, je pense sincèrement, sincèrement, qu'il faut avoir une action concertée pour faire de la pression, entre autres à Ottawa, pour justement que ce projet de loi là soit allégé quant à la commandite, et spécialement la commandite d'événements internationaux tels que le Grand Prix de Montréal. Et, M. le Président, en ce sens, nous offrons notre collaboration à la ministre de l'Industrie et du Commerce, au ministre de la Métropole. Comme on s'aperçoit, M. le Président, je suis déjà sortie dans le journal pour aider la ministre de la Culture, et on est prêt à le refaire. Mais, M. le Président, pour la région... enfin pas la région, mais l'activité québécoise, pour la région de Montréal entre autres, perdre ces activités-là, c'est extrêmement dommageable et, M. le Président, croyez-moi, une fois qu'on les a perdues, elles sont irrécupérables. Et je sais de quoi je parle. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président et chers collègues. J'ai voulu faire une intervention ce soir sur le projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique, Bill 76, An Act to establish a tourism partnership fund, parce que, M. le Président, je pense que, comme la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a dit, ça va faire plus de tort que de bien au monde touristique. Il me semble que, comme plusieurs lois déposées en cette Chambre par ce gouvernement péquiste, c'est une loi qui est en train d'augmenter le fardeau de taxation de la population québécoise. Je pense que c'est un autre exemple de l'hypocrisie fiscale de ce gouvernement. C'est, encore une fois, une autre taxe du premier ministre Bouchard. Ah non! je m'excuse, M. le Président, une autre taxe du gouvernement du Parti québécois. Merci beaucoup pour cette correction. Et, souvent dans cette Chambre, j'ai fait une brève lecture d'un nouveau lexique que nous sommes en train de créer ici, en cette Chambre, un lexique qui cache le mot «taxe», qui cache le mot «impôt», et on trouve une autre façon créative d'augmenter les taxes sans dire les mots «augmentation de taxe». On trouve ça dans la fameuse phrase «abolition de la mesure de détaxation»; c'est effectivement une augmentation de taxe, et le gouvernement est en train de faire, jour après jour, une augmentation de taxe.

Je voudrais citer quelques autres mots dans ce lexique, auquel le ministre, maintenant, est en train d'ajouter celui que je viens juste de mentionner. Nous avons toujours les mots «taxe» et «impôt», mais nous avons aussi «tarif». Nous avons le ministre de la Santé qui connaît bien les mots suivants: copaiement, prime, franchise. Nous avons aussi: frais d'usagers, participation, contribution, déplafonnement, abolition des crédits d'impôt, surcharge, création d'un fonds, qu'on trouve ici dans ce projet de loi, frais de permis de conduire ou de chasse et pêche. Il y a une autre chose pas mal créative aussi: transfert aux municipalités du fardeau fiscal, transfert aux commissions scolaires. Il me semble que, maintenant que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce est un membre du comité spécial, le comité ministériel, elle essaie de trouver d'autres façons de fouiller dans les poches de la population québécoise.

(22 h 30)

Le premier ministre a dit que nous sommes trop taxés, il a dit que le trou dans la poche des Québécois doit être plus petit. Il est en train d'ouvrir ce trou. Chaque matin, il me semble qu'il se lève et dit à son Conseil des ministres: Comment je peux taxer la population québécoise d'une autre façon? Comment je peux prendre leur argent? Peut-être que chaque fois qu'il trouve une idée, c'est un bon jour pour le premier ministre, mais c'est une mauvaise journée pour la population québécoise. C'est un mauvais jour pour la population québécoise parce que ça ne fait rien, les mots, et j'ai énuméré dans ma longue liste des mots qui représentent des taxes cachées, des taxes déguisées. C'est vous, toi et moi qui payons les taxes chaque jour. Et ce n'est pas surprenant. On parle de tourisme ce soir, mais nous avons besoin, ceux et celles qui travaillent, d'avoir assez d'argent pour faire des activités récréatives. Nous sommes au courant que, depuis l'entrée du premier ministre actuel, et je ne le nommerai pas, nous avons perdu 200 jobs par jour, 200 emplois par jour; 200 Québécois de moins chaque jour qui travaillent à cause de lui. Quand je fais un calcul, M. le Président, incluant les nouvelles taxes qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 76 ce soir, je peux voir facilement plusieurs millions par jour, peut-être 3 000 000 $, 4 000 000 $ par jour de taxes additionnelles. C'est incroyable, M. le Président, que la seule chose que ce gouvernement peut faire, c'est d'augmenter les taxes.

Dans le secteur touristique, tel que la députée de Marguerite-Bourgeoys a mentionné, nous n'avons pas besoin d'autres taxes. Nous avons besoin de support. Nous avons besoin d'un gouvernement qui comprend ce dont nos propriétaires d'établissements touristiques ont besoin. Ils n'ont pas besoin, comme les contribuables québécois n'ont pas besoin, d'une autre taxe, une autre taxe qui est exactement contre les intérêts du Québec. C'est exactement contre ce que le premier ministre a dit. Il a dit que nous sommes trop taxés. M. le Président, nous sommes tous taxés jusqu'ici. Il est en train de taxer tout ce qui bouge. On doit arrêter d'avoir le premier réflexe... Je sais qu'ils sont économiquement et moralement vides. Comment on peut avoir plus d'argent? Ah! Nous allons taxer les hôtels, nous allons taxer les forfaits hôteliers. C'est une bonne façon de taxer le monde. Peut-être que le monde ne suit pas les débats à 10 h 30 le mardi soir, nous allons pousser ce projet de loi et on pourra avoir un autre 10 000 000 $.

M. le Président, le monde touristique a besoin de support plus que d'une autre taxe. Le Fonds de partenariat touristique. Il me semble que le titre de ce Fonds est intéressant: partenariat touristique. Oui, effectivement, je pense que le secteur touristique a besoin d'un partenaire qui est plus au courant de leurs besoins. Peut-être que le Fonds va être bon, peut-être que ça peut être utile, mais j'ai plein de questions: Qui paie et comment? Qui contrôle ses fonds? Et je vais citer quelques exemples de ce projet de loi un peu plus tard parce que je n'ai pas beaucoup confiance en ce gouvernement, particulièrement quand ça arrive au sujet d'avoir l'accès à notre argent. Qui prend les décisions de l'utilisation des fonds? C'est quoi, le système de chien de garde? Est-ce que ça va être une excuse, une fois qu'ils auront collecté tout cet argent, pour couper le budget de Tourisme Québec? Avec ça, ça va être une autre façon indirecte de nous taxer.

M. le Président, je suis un homme pratique. Je suis un homme de mon coin. J'aime travailler avec les personnes de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. J'aime travailler avec toutes les personnes du Québec, mais, d'abord et avant tout, je travaille avec les groupes dans mon comté. Et j'ai écrit une lettre au Bureau touristique de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, de West Island: West Island Tourism Office. Et j'ai demandé leurs commentaires sur ce projet de loi. Et je voudrais juste lire une brève réponse: «À la lecture de cette loi, nous constatons que le Bureau touristique de West Island n'est pas admissible parce que les sommes d'argent du Fonds de partenariat sont versées, en vertu de l'article 17.7, seulement aux associations touristiques régionales, les ATR.»

Le Bureau touristique de West Island joue un rôle tellement important. Il est en train de faire la promotion de nos établissements, de nos facilités dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, et il y a plusieurs coins tellement intéressants. Et, si vous voulez, une fois, M. le Président – je vois votre intérêt – vous pourrez certainement visiter mon coin: il y a les écluses, il y a des espaces verts, il y a plein de choses historiques. Vous serez le bienvenu, et notre Bureau touristique va vous donner tous les guides. Et j'espère qu'on peut encourager le monde à visiter le coin de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Ce Bureau est en train de cataloguer, créer la promotion pour le tourisme de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, mais il n'a pas accès, selon le ministère, à ce Fonds. J'espère que c'est dû à une mauvaise compréhension de ce projet de loi, et qu'il peut avoir accès à de l'argent, parce qu'il fait un excellent travail.

Je voudrais juste continuer à lire la lettre que nous avons reçue du Bureau touristique de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, signée par Jacques Vézina, le président de ce Bureau, écrite à Mme Rita Dionne-Marsolais. Je cite la lettre: «Nous avons écrit à la ministre – correct, M. le Président – et nous lui avons présenté le projet d'un kiosque d'information et accueil de touristes sur l'autoroute 40 à Kirkland, qui permettrait de donner de l'information sur l'ensemble des territoires de l'île et qui aiderait tout particulièrement les hôtels, les restaurants, les commerces de West Island.»

Notre lettre est restée sans réponse. Nous vous transmettons une copie de ces lettres, y compris celle transmise au ministre à la Métropole. Il est inconcevable que la ville de Québec dispose de trois kiosques: un à l'est, un au centre et l'autre à l'ouest, alors que l'île de Montréal a juste un kiosque centralisé.

Avec ça, M. le Président, à la fin de mon intervention, je voudrais déposer le mémoire présenté par le Bureau touristique de Montréal, parce que, peut-être, si je dépose ça ici, en Chambre, nous aurons une chance d'avoir une réponse de la ministre. Parce que, ce soir, nous sommes supposés être en train de discuter d'un projet de loi sur le partenariat touristique. Mais, comme j'ai mentionné dans mon évaluation, le grand but de ça, c'est une autre taxe déguisée. C'est une autre taxe de 10 000 000 $, qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter. Les choses qui sont potentiellement bien, dans ce projet de loi, mes collègues en ont mentionné quelques-unes, dans mon opinion, sont secondaires par rapport au mal que ce projet de loi peut faire: permettre d'augmenter les taxes dans le secteur touristique.

M. le Président, mon collègue le député de Papineau a parlé du besoin d'avoir un capital de risque. Effectivement, nous avons besoin d'un fonds et d'un système qui est assez souple et flexible pour avoir accès à de l'argent de capital de risque, «venture capital in this sector». Ce n'est pas facile, maintenant, avec l'économie qui est assez difficile, toujours avec l'avalanche des nouvelles taxes que nous avons trouvées et que nous avons reçues de ce gouvernement péquiste. Les propriétaires ont besoin d'aide, et je voudrais m'assurer, avant de procéder avec ce projet de loi, qu'on connaît exactement comment le fonds va être utilisé et de quelle façon les personnes qui ont besoin du capital de risque peuvent avoir accès à de l'argent.

Le député de Papineau et aussi la députée de Marguerite-Bourgeoys ont mentionné le forum prévu pour le mois de février. Il me semble que c'est tout à fait logique – et, quand j'ai une chance de parler personnellement avec la ministre déléguée, j'ai toujours pensé qu'elle était une femme tellement logique. Je plaide donc sur son sens de la logique – si elle veut consulter le secteur touristique au mois de février, je trouve ça, si elle écoute ces personnes-là, potentiellement bon. J'espère que ce ne sera pas une consultation bidon que nous avons vue souvent de la part de ce gouvernement. Mais, si elle veut vraiment écouter, il me semble que ça va être beaucoup plus logique de retarder un peu ce projet de loi et d'écouter les personnes qui sont impliquées dans ce secteur, qui savent l'impact de ce projet de loi n° 76; avec leur expérience, elles ont les suggestions qui peuvent améliorer ce projet de loi. Il me semble que d'être responsable, c'est d'écouter ces personnes.

(22 h 40)

Mais il me semble, M. le Président, que la ministre est en train de dire la même chose que le ministre de la Justice hier soir. Ils sont prêts à faire la consultation, mais après que la loi aura été ratifiée. Il me semble que c'est exactement renverser la façon de faire. «They're putting the cart before the horse».

Je pense que la ministre a la responsabilité de déposer une étude sur l'impact financier de ce projet de loi. Avant qu'elle demande aux 125 députés de cette Assemblée de décider sur le principe de ce projet de loi, j'espère qu'elle va déposer une étude sur l'impact financier de ce projet de loi n° 76.

M. le Président, quand j'ai mentionné aussi les problèmes de l'abolition de la mesure de détaxation, je voudrais savoir ce que ça va coûter au ministre du Revenu – je suis heureux qu'il soit ici ce soir pour écouter mes commentaires – parce que chaque geste prend de l'argent, et avant d'assurer... Parce que j'ai vu un appétit insatiable, au ministère du Revenu, pour l'information et aussi pour chercher partout de l'argent, et, de temps en temps, avec un comportement exagéré. De temps en temps, oui, je pense que le ministre va être d'accord, avec un comportement exagéré, et je suis heureux qu'il soit d'accord avec moi.

J'ai déjà entendu, M. le Président, avec le ministère du Revenu, sur la question de détaxation, le ministre du Revenu, selon une information que j'ai reçue, dire que, les hôtels, pour un forfait hôtelier, quand ils ont fait le «package» de deux jours et plus, par exemple, si c'est pour une fin de semaine de ski, ils mettent les choses qui sont taxables et non taxables sur la même facture, ils donnent un total. Selon l'information que j'ai reçue, malgré le fait qu'une partie de ça est détaxée, le fisc arrive et dit: Le fait que vous avez sur votre facture un total qui inclut toutes ces affaires, nous allons taxer sur tout le forfait hôtelier. M. le Président, j'espère que l'information que j'ai reçue aujourd'hui n'est pas correcte, parce que, si c'est la façon dont le ministre du Revenu va travailler dans ce dossier, je pense qu'il va faire un désastre au secteur touristique.

Vous le savez, déjà il a commencé sa chasse aux sorcières dans le domaine de la restauration, avec son envoi de 52 000 lettres. Peut-être que ça va être le feu vert pour lui de faire ça dans le secteur des hôtels. Si le chiffre n'est pas exact, M. le Président, je peux toujours être corrigé, mais, selon l'information que j'ai reçue, c'est un vaste envoi de lettres, presque partout, dans chaque restaurant, hôtel et bar de Québec. Presque 20 000, j'ai juste entendu un chiffre.

Quand même, M. le Président, mon point est le même, il est en train de causer des problèmes dans ce secteur. Je lance un avis, un conseil amical à la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce: Soyez prudente, pas sur le niveau personnel, mais entre les deux ministères, parce qu'une fois que le ministère du Revenu a un feu vert il va sauter sur ça assez vite, et nous avons déjà les problèmes des faillites dans ce secteur et on ne veut pas causer plus de problèmes.

M. le Président, c'est évident. Puis j'ai plusieurs questions sur ce projet de loi. Et j'espère que nous pourrons profiter de l'idée de la ministre d'avoir un forum dans le mois de février. On peut travailler ensemble. Peut-être que l'information que j'ai reçue, peut-être que l'information que le Bureau touristique de l'Ouest-de-l'Île a reçue n'est pas 100 % correcte. C'est pourquoi je crois beaucoup aux consultations. J'espère que l'on peut s'assurer que les groupes comme ça, le Bureau touristique de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, peuvent être inclus dans ces démarches, parce que, à la fin de tout cet exercice, j'espère que nous sommes ici pour s'assurer que le secteur touristique avance et peut s'agrandir.

Mr. Speaker, Bill 76 is another tax grab. Bill 76 is a typical «péquiste» law of showing fiscal hypocrisy. It is another tax grab and, clearly, as I have shown in a letter from the West Island Tourism Office, there is concerns about what is happening in this Government. What we would like to do is to make sure that our tourist industry is actually supported, but one of the main measure you find in this bill is an increased tax, and a tax which, incidently, and I'll just finish on this, Mr. Speaker... À l'article 17.6, qui donne le pouvoir au ministre de prendre les argents, on dit: Il peut prendre les argents de ce Fonds. Avec ça, ils ont déjà pensé que le ministre des Finances peut prendre les argents. Avec ça, ce n'est pas surprenant que le monde a beaucoup de questions, mais peut-être que nous allons avoir les réponses.

M. le Président, j'espère que la ministre va accepter l'idée de plusieurs interventions ce soir, qu'elle peut attendre, elle peut attendre avant de procéder avec un projet de loi qui peut faire mal à l'industrie touristique, elle peut attendre le forum, et, si elle écoute bien les interlocuteurs du secteur touristique, peut-être qu'on peut ensemble améliorer ce projet de loi. Mais, avant qu'on puisse améliorer ce projet de loi, elle doit arrêter de taxer ce monde. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Il n'y a pas d'autres intervenants? Alors, je vais céder la parole à Mme la ministre pour son droit de réplique. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais (réplique)

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Je trouve bien intéressants et un peu contradictoires les propos de mes collègues de l'opposition sur le projet de loi dont je recommande l'adoption du principe ce soir. D'abord, le député de Papineau nous a fait part de son accord sur le principe d'un fonds et il a mis beaucoup d'emphase sur le fait qu'il souhaiterait qu'il y ait un peu plus de capital de risque pour l'industrie. Je vais donc en parler un petit peu tout à l'heure. Il a aussi dit qu'il était très heureux de parler pour une deuxième fois sur la question touristique; j'espère que cette réjouissance va se poursuivre jusqu'aux discussions sur le projet de loi en commission parlementaire et qu'il continuera de se réjouir pour qu'on fasse quelque chose pour l'industrie touristique, justement.

Ce qui me frappe dans les propos de l'opposition, c'est qu'on nous dit: Attendez, attendez, attendez. C'est un peu étonnant pour des gens qui veulent voir le développement de l'industrie touristique, parce que si on attend et si on passe notre temps à faire ce qu'ils ont fait eux-mêmes, d'ailleurs, en matière du Règlement sur les établissements hôteliers, ils ont attendu à peu près quatre ans avant de passer un règlement, avant de modifier le règlement, à la demande de l'industrie hôtelière, pour finalement arriver avec un règlement qui ne satisfaisait personne, un règlement qui ne faisait que perpétuer l'inéquité dans l'industrie touristique, un règlement avec lequel aujourd'hui nous travaillons pour justement ramener l'équité et ramener la qualité dans cette industrie-là.

La députée de Marguerite-Bourgeoys nous a fait part, elle, d'un appui pour le Fonds de partenariat, du moins en ce qui a trait aux 2 $ de contribution. Et j'espère, puisqu'elle est critique de Montréal, qu'elle doit se réjouir puisque ce Fonds-là a été développé à la demande de Montréal, pour Montréal, et que ce que notre gouvernement fait, c'est de le rendre disponible aux régions qui, elles, pourraient voir une occasion de retirer des fonds pour appuyer leur développement touristique en région.

La députée de Marguerite-Bourgeoys nous a parlé du grand risque que courait le Grand Prix avec la loi sur le tabac. J'aimerais rappeler à la députée de Marguerite-Bourgeoys que c'est une loi fédérale, ça. La meilleure façon pour elle de s'assurer, avec l'expérience qu'elle a du marketing, que le Grand Prix va rester à Montréal, c'est peut-être de changer de côté de la Chambre, de venir s'asseoir avec nous autres, et de faire pression pour qu'on devienne complètement hors de portée des lois fédérales. Je pense que c'est peut-être une suggestion sur laquelle on pourrait travailler avec elle et la convaincre de poser des gestes concrets pour Montréal, en fait.

(22 h 50)

Le député de Papineau a aussi parlé du projet de loi sur les loteries. Encore là, on attend le fédéral. Alors, je sais que de l'autre côté de la Chambre, on aime ça attendre, mais, de ce côté-ci, on voudrait avancer, et c'est un peu l'objectif de notre projet de loi qui institue le Fonds de partenariat touristique.

Quant au député de Nelligan, il a fait part d'une lettre concernant un bureau d'information touristique de l'Ouest-de-l'Île. J'ai l'impression qu'il n'est pas tout à fait au fait du dossier, puisqu'il y a eu, il y a à peu près deux semaines, une rencontre, justement à Québec, sur cette question-là et que d'autres discussions se poursuivent avec l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal sur toute cette question d'accueil. Une autre suggestion serait peut-être de suggérer à la Communauté urbaine de Montréal de contribuer au financement de l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal, tout comme le fait la Communauté urbaine de Québec. Alors, peut-être que ça serait une façon d'avoir autant de bureaux touristiques à Montréal qu'il y en a à Québec, c'est-à-dire de s'impliquer dans cette activité-là.

Je ne peux pas ne pas parler de la question de la détaxe, puisqu'on en a beaucoup parlé dans l'opposition. Une détaxe, par le fait même, c'est une mesure d'exception. Alors, quand on abolit une détaxe, on n'impose pas une nouvelle taxe, on abolit une exception. Alors, cette proposition d'éliminer cette détaxe sur les forfaits vient tout simplement normaliser les forfaits pour cette industrie-là, comme toutes les autres industries. Et, à cet égard-là, je sais que c'est une mesure qui avait été mise de l'avant par le gouvernement du Parti libéral et je sais qu'ils y avaient vu beaucoup d'espoir. Mais la réalité, c'est qu'elle n'a pas fonctionné. Elle n'a pas donné les résultats anticipés. À l'époque, quand le gouvernement libéral l'avait mise de l'avant, on avait estimé que cette détaxe-là coûterait 12 000 000 $ par année. Mais, dans les faits, ce n'est pas ça qui est arrivé. Dans les faits, il est très difficile d'avoir le coût réel, puisque les entreprises ne sont pas tenues de réduire leur remise, et, donc, dans ce contexte-là, on ne peut pas savoir exactement l'impact. Mais ce qu'on sait, c'est que, dans la promotion et dans la publicité, il n'y a pas un nombre élevé d'hôteliers qui se sont prévalus, qui se sont prévalus, oui, mais qui en ont fait la publicité de cette détaxe.

Et, donc, on pense que le fait d'avoir un fonds de 10 000 000 $ va avoir un impact beaucoup plus grand sur l'industrie. Et une des voies que l'on envisage pour l'industrie par rapport à ce Fonds-là, c'est non pas de créer un fonds de capital de risque – parce qu'il y en a du capital de risque au Québec; ça nous sort par les oreilles, j'oserais dire. On a entre 45 % et 50 % de tous les fonds de capitaux de risque qui sont au Québec, par rapport à l'ensemble du territoire canadien. La question, ce n'est pas la disponibilité du capital de risque. La question, c'est: Est-ce que ces fonds-là sont accessibles aux intervenants de l'industrie touristique? Et, ce que nous voulons faire avec ce Fonds de 10 000 000 $, c'est justement d'appuyer le regroupement de financements, donc de sociétés de capital de risque, et de les diriger, par l'apport de Tourisme Québec à leur financement, vers des projets structurants de l'industrie touristique. Et là l'impact sera beaucoup plus grand, beaucoup plus efficace, et, en plus, on fera oeuvre d'éducation au niveau des institutions financières et des gestionnaires de fonds de capital de risque qui – c'est malheureux, mais c'est vrai – n'ont peut-être pas une connaissance approfondie de la façon d'évaluer un établissement touristique ou une entreprise dans le secteur touristique. Et je pense que l'effet de levier de ce 10 000 000 $ là sera beaucoup plus grand et beaucoup plus efficace dans ce contexte-là.

On a aussi parlé de qui gérerait ces fonds. Je tiens à souligner et à le rappeler parce que c'est important: le fonds du 2 $ qui va être perçu par chacune des régions qui va être d'accord, qui va avoir fait un consensus dans la région pour appliquer la mesure de contribution de 2 $, ce fonds-là va retourner à la région. Il va retourner à la région pour faire de la promotion touristique pour elle et aussi pour appuyer le développement touristique dans la région elle-même. Nous allons procéder, comme nous le faisons toujours avec les associations touristiques régionales, par le biais d'un protocole d'entente. L'année passée, nous avons signé pour la première fois un protocole d'entente de trois ans avec des budgets bien établis pour que les associations touristiques régionales puissent faire la planification de leur développement avec leurs membres. C'est ce qu'on va faire avec ce Fonds-là. On va signer un protocole d'entente, on va établir les indicateurs de performance, qui va faire quoi, comment on va le mesurer, combien ça va coûter, combien chacun va investir, et, à ce moment-là, on pourra planifier le développement touristique dans les régions qui vont se prévaloir de cette mesure.

En résumé, le projet de loi n° 76, c'est une étape, ce n'est pas un aboutissement, qui va permettre de doter une industrie de services, qui est l'industrie touristique, d'un outil d'intervention que nous pensons structurant pour son avenir. Et je pense que ce Fonds deviendra ce que les partenaires de l'industrie voudront qu'ils deviennent. C'est l'industrie qui va décider ce qu'elle veut faire avec ce Fonds-là, où elle veut établir ses priorités, et elle le fera en partenariat, d'où son nom, avec Tourisme Québec.

Alors, en résumé, c'est une contribution volontaire; c'est une contribution qui correspond à une demande qui a fait consensus à Montréal, que nous offrons à toutes les régions du Québec; c'est une opportunité de développement pour les régions du Québec en matière touristique. C'est une mesure que nous planifions pour 1997-1998, mais, si les associations touristiques veulent s'en prévaloir plus tard, elles pourront toujours s'en prévaloir. C'est une mesure-pilote qui va durer cinq ans, de sorte qu'on pourra voir quel impact elle aura effectivement et faire une évaluation à la suite de ça. C'est un outil.

Il y a un autre point que je veux absolument soulever parce que... Le forum, le fameux forum. Le député de Papineau, je pense aussi la députée de Marguerite-Bourgeoys, ils ont tous dit: Pourquoi ne pas attendre le forum? Le député de Nelligan aussi. Mais on va attendre le forum. Ce que notre projet de loi dit, c'est que l'application se fera au 1er avril 1997. Notre forum va être en février, mars 1997. Mais, par contre, en adoptant le projet de loi aujourd'hui, ce que l'on fait, c'est qu'on peut préparer le financement pour que, quand nous tiendrons notre forum et que nous établirons nos priorités, le Fonds sera disponible pour les régions qui le veulent. Tenir une consultation et travailler au développement de stratégies de développement touristique, ça ne veut pas nécessairement dire ne pas planifier aussi que les fonds devront être disponibles. Si on retarde, ça reporte d'une année. Alors, même si on faisait un beau forum et des consensus sur les axes principaux de développement de l'industrie touristique du Québec, on n'aurait pas les moyens de réaliser nos stratégies.

Alors, c'est pourquoi, M. le Président, je recommande à cette Assemblée d'accepter le principe du projet de loi instituant le Fonds de partenariat touristique. Merci beaucoup.

Une voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Le principe du projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique, est-il adopté? Adopté sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

(23 heures)

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 63


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 6, vous avez bien dit, hein? Alors, l'article 6. M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, le principe du projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, oui, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Je m'excuse. J'ai juste fini une intervention avant. Est-ce que vous avez demandé: Est-ce qu'il peut y avoir d'autres interventions sur 63, sur le projet de loi? Je n'ai pas entendu. Je m'excuse, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur le projet de loi n° 63, oui, je l'ai demandé à ce moment-là, parce que, avant de mettre un projet de loi aux voix, je demande toujours s'il y a d'autres intervenants. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, vous êtes arrivé. Alors, vous intervenez? Très bien. Je vous cède la parole.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Je suis heureux d'avoir le privilège de pouvoir m'adresser devant cette Assemblée nationale ce soir pour exprimer ma vive opposition à l'adoption du principe du projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal; Bill 63, An Act respecting semipublic companies in the municipal sector.

The Government, in the explanatory notes preceding this bill, explains that the purpose of this bill is to allow local municipalities, regional county municipalities and urban communities to create semi-public companies.

Il est entendu que les activités de la société porteront sur l'exercice des compétences déterminées par l'organisme fondateur, à l'exception toutefois des compétences en matière de police et de sécurité-incendie. De plus, une société d'économie mixte ne pourra être créée en vue d'activités en matière d'alimentation en eau potable et en matière d'assainissement des eaux, sans autorisation préalable du gouvernement.

Ce projet de loi prévoit aussi d'autres cas d'exception dans certains domaines. Premièrement, il indique qu'un organisme municipal devra, avant d'octroyer l'exercice d'une compétence relative à la fourniture de biens ou de services effectuée par les salariés à son emploi et visés par l'accréditation accordée en vertu du Code du travail, tenir une assemblée publique sur cette question et adopter une résolution à cet effet qui sera alors transmise au ministre des Affaires municipales.

De plus, le ministre des Affaires municipales pourra, s'il le désire, ordonner la consultation des personnes habiles à voter d'une municipalité lorsque celle-ci a, par résolution, décidé d'être l'un des fondateurs d'une société d'économie mixte.

We learn from the bill that semi-public companies shall be created on the jurisdiction of Part IA of the Québec Companies Act, and that the incorporators must include, in addition to the municipal founder, an enterprise from the private sector or a joint-stock company that is mandatory of the Government. We also learn that the co-founder from the private sector may be chosen by the municipality in question only after a call for tenders. Also, the municipal founder must hold the majority of the voting shares of the new semi-public company. And furthermore, the board of directors of the new semi-public company must be composed in majority by persons elected by the municipality in question. Also, the semi-public companies, which shall be formed by virtue of this bill, will be subject to the Act respecting Access to documents held by public bodies and the Protection of public information.

Les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal existent déjà en Europe, mais le projet de loi déposé devant nous n'en est qu'une pâle imitation et n'est en fait qu'une piètre tentative de créer un partenariat entre les secteurs public et privé.

L'Assemblée nationale du Québec a déjà, dans le passé, constitué et approuvé des sociétés de cette nature sur la base du cas par cas. Que l'on pense, par exemple, à la Municipalité régionale de comté du Haut-Richelieu et aux municipalités de Saint-Romuald, Laval, Saint-Anselme. Il est toutefois important de noter, M. le Président, que, de toutes ces sociétés d'économie mixte, seule celle de la Municipalité régionale de comté du Haut-Richelieu est toujours en opération.

Mr. Speaker, as has become a usual practice with this Government, we have been presented a bill which is not totally complete, and, consequently, there are a number of areas of concern.

Comme cela semble être devenu la pratique habituelle du gouvernement, on nous a présenté un projet de loi qui n'est pas totalement préparé et suscite beaucoup de questions qui demeurent à ce jour sans réponses. Nous avons devant nous un gouvernement qui n'a aucun projet propice à instaurer un climat favorisant l'économie, aucune mesure créatrice d'emplois, et vide d'idées, en général, et qui doit, pour combler le temps alloué dans cette session intensive de travail, présenter des projets de loi mal foutus et ainsi donner l'impression à la population du Québec qu'il est en train de gouverner.

However, I can assure you, Mr. Speaker, that the people of Québec will not be fooled and they will know the Government hasn't presented legislation that can put people back to work. We all know that since the swearing in of the PQ MNA for Jonquière, one year ago, more than 60 000 people are not at work who were at work one year ago. That's 200 people a day.

Je peux vous assurer, M. le Président, que la population du Québec se souviendra de ce cas. Elle sait que le gouvernement du Parti québécois ne fait pas ce qu'il doit faire, soit donner de l'emploi à toute la population. Elle sait aussi que, depuis l'assermentation du député de Jonquière, le gouvernement du Parti québécois a vu plus de 60 000 travailleurs perdre leur emploi, et on sait que c'est 200 personnes par jour qui manquent de travail.

Vous vous demandez pourquoi, M. le Président, et laissez-moi vous donner un exemple. Pendant la commission parlementaire étudiante, l'avant-projet de ce projet de loi que nous avons devant nous ce soir a porté à l'attention du gouvernement les problèmes que pourrait soulever l'application limitée des dispositions de ce projet de loi à l'égard de l'application des articles 45 et 46 du Code du travail. En effet, l'article 45 prévoit que la vente d'une entreprise n'invalide pas l'accréditation accordée en vertu du Code du travail ainsi que les conventions collectives. Cet article continue en disant que le nouvel employeur, en l'occurrence la société d'économie mixte, est lié à une convention collective comme si elle était intervenue au contrat original. Quant à l'article 46, celui-ci nous dit comment toute partie intéressée pourrait facilement contester la non-application de l'article 45.

Comment une entreprise privée liée à une municipalité dans la création d'une société d'économie mixte pourrait composer avec les salaires des employés municipaux, alors que ceux-ci sont de 27 % plus élevés que dans le secteur privé? Quel sera donc le véritable impact de ce projet de loi si, dès le départ, on tue le secteur privé? Les gouvernements doivent être innovateurs dans leur législation en vue de favoriser l'accroissement de l'investissement et augmenter les emplois. Les gouvernements doivent rechercher et affronter de nouveaux défis. Si je me mets à la place d'une société d'économie mixte constituée en partenariat entre les secteurs municipal et privé, je n'ai aucune chance... et, pire encore, aucun emploi ne sera créé pour aider les milliers de Québécoises et Québécois condamnés au chômage par l'inaction de ce gouvernement.

(23 h 10)

M. le Président, aussi, le gouvernement du Parti québécois a mandaté le comité Mireault pour lui faire des recommandations sur les modifications à être apportées auxdits articles 45 et 46 du Code du travail. Le rapport de ce comité n'est même pas encore disponible à ce jour. Comment peut-on adopter le projet de loi déposé devant nous aujourd'hui si on n'a même pas encore eu l'occasion d'étudier ce rapport? Je considère que l'obtention de ce rapport est essentielle avant que nous puissions procéder plus avant à l'étude de ce projet de loi, puisqu'il faut obtenir une réponse précise quant à l'application des articles 45 et 46 du Code du travail aux sociétés d'économie mixte.

Mr. Speaker, it is imperative, before we go further with the adoption in principle of this bill, that the members of the National Assembly receive in parliamentary commission the many persons and organizations who could be helpful in rendering their opinions on the bill before us. Certain analytical information which they could bring... and help us in drafting a better legislation would be beneficial for the population of Québec.

M. le Président, je demande au gouvernement de faire entendre, à tout le moins, les personnes et organisations suivantes pour obtenir leurs commentaires sur le projet de loi n° 63. On suggère que les associations suivantes soient invitées: Association des ingénieurs municipaux du Québec, Association des professionnels en développement économique du Québec, Association des entrepreneurs en égouts aqueducs, et je peux vous lister beaucoup d'autres organisations qu'on pense qu'on doit demander pour venir étudier ce projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Une des personnes ci-haut mentionnées est M. Yves Ménard, qui a exprimé de grandes réserves quant au projet de loi n° 63. M. Ménard a été le maire de la ville de Carignan. Vous vous souviendrez que la municipalité de Carignan a une expérience pratique dans les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal, et je suis certain qu'il peut nous aider à étudier ce projet de loi. Alors, je joins ma voix à celles de mes confrères parlementaires libéraux pour voter contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Pas d'intervenants? Nous allons mettre l'adoption du principe aux voix. Le principe du projet de loi n° 63, Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Sur division?

Mme Delisle: Excusez, oui, sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 67


Reprise du débat sur l'adoption du principe


Reprise du débat sur la motion de report

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 7, à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 6 décembre 1996 sur la motion de report du député de Chomedey proposant que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par le mots «soit adopté dans six mois».

Le dernier intervenant a été M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, qui avait terminé son intervention. Je vous rappelle le temps qu'il reste sur cette motion de report: Parti québécois, huit minutes plus cinq minutes réservées aux indépendants, ce qui fait 13, et de même pour le Parti libéral. Il reste 13 minutes pour chaque parti. Alors, le prochain intervenant, M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis heureux que le ministre ait décidé d'entendre mon intervention. Il est ici pour nous écouter, et je vais essayer de le convaincre que la motion du député de Chomedey de reporter le projet de loi n° 67 pour six mois, c'était une bonne motion. Le projet de loi n° 67, juste pour le rappeler à nos téléspectateurs, est la Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. Bill 67 is An Act to establish an administrative review procedure for real estate assessment and to amend other legislative provisions.

M. le Président, c'est un projet de loi qui est assez technique, un projet de loi qui touche quatre autres lois et qui comporte 55 articles. Mais, grosso modo, ce projet de loi est un projet de loi qui fait un gel au rôle d'évaluation pour plusieurs années, qui est une chose tellement questionnable, et je voudrais cibler quelques commentaires sur ça et autre chose. Le deuxième volet de ce projet de loi, c'est un changement dans la façon de faire des révisions, un changement qui peut avoir des côtés positifs mais qui peut aussi avoir des côtés négatifs.

Il me semble, juste le fait que nous ayons les deux volets de ce projet de loi montre la complexité de ce que nous sommes en train de discuter ce soir. Faire le gel d'un rôle jusqu'à 1999, à mon opinion, M. le Président, ça peut faire mal aux contribuables, parce que, en définition, si on gèle ce rôle jusqu'en 1999, nous sommes en train de dire aux payeurs de taxes, dans mon comté et dans les autres comtés, mais à Montréal, comme exemple, dans le comté de Nelligan: Vous allez payer votre taxe basée sur une évaluation de l'année 1993.

M. le Président, il me semble que vous le savez, nous avons eu tout un changement de la valeur de nos propriétés depuis 1993. Avec ça, le député de Chomedey a proposé, je pense, une idée légitime et fort simple: retarder ce projet de loi, donner une chance de six mois. N'oubliez pas que, le prochain mois, ça va être difficile de regrouper les personnes impliquées, à cause de la période de Noël. Laissons le temps à un comité technique, à un comité de professionnels qui peuvent travailler ensemble effectivement de peut-être trouver une solution qui soit plus raisonnable que celle que nous sommes en train de discuter. Est-ce que c'est un autre type de taxe, est-ce que c'est un taux variable ou est-ce que c'est effectivement un rôle annuel, que je vais mentionner un peu plus tard?

Je voudrais souligner, M. le Président, que, quand j'ai vu ce projet de loi, c'est un peu comme quand nous avons discuté de toute la fraude électorale pendant le référendum. Le Directeur général des élections a dit: Ah! j'ai une solution à ça, je vais changer le bulletin de vote. Mais ce n'est pas avec ça que nous avons eu des problèmes, nous avons eu des problèmes avec les personnes qui ont compté d'une façon incorrecte, frauduleuse. Et la façon est de corriger le bulletin de vote? Ce n'est pas corriger le problème de fond.

On arrive ici avec une solution qui est une solution non pas basée sur un principe, mais une solution qui, selon mon opinion, peut faire plus de mal que de bien. Je voudrais expliquer un peu pourquoi j'appuie fortement la résolution du député de Chomedey dans ce débat de reporter pour six mois ce projet de loi. Selon l'information que j'ai reçue, M. le Président – et, si le ministre est en désaccord avec moi, il peut se lever, ce soir, et dire qu'il est en désaccord avec moi; s'ils ne sont pas en désaccord avec moi, je sais qu'ils ne vont rien dire – selon l'information que nous avons reçue, un délai de six mois est faisable pour ce projet de loi. Ça ne change pas les dates limites, les délais nécessaires pour implanter ce projet de loi si, après un long débat, une bonne discussion, il est ratifié. Avec ça, M. le Président, il me semble que c'est tout à fait logique de retarder ce projet de loi, de donner une chance à tout le monde de peut-être trouver une meilleure solution que de geler le rôle.

(23 h 20)

Le Barreau, qui écrit à ce gouvernement presque quotidiennement maintenant – parce que de plus en plus il arrive avec des projets de loi tellement questionnables... Et il y a une lettre signée par le bâtonnier du Québec, le 5 décembre, sur le projet de loi n° 67. Il questionne ce projet de loi, particulièrement sur l'équité. Il a parlé de l'équité qui est généralement considérée comme le plus important de tous les critères de politique fiscale. Il a parlé aussi de l'introduction, en 1988, des rôles d'évaluation foncière triennaux qui ont eu pour effet de diminuer l'équité du régime fiscal municipal ainsi que la confiance du public dans cette... Il me semble, M. le Président, qu'il continue avec un argument fort logique: La stabilisation des finances publiques ne doit pas s'effectuer au détriment de l'équité. Nous croyons qu'il est nécessaire d'amender la Loi sur la fiscalité municipale pour délaisser le régime des rôles d'évaluation foncière triennaux et revenir à un rôle d'évaluation annuel. Il a aussi parlé de quelques questions sur la définition de «vocation unique».

M. le Président, il me semble qu'on peut corriger les problèmes que les municipalités ont maintenant, on peut travailler avec elles à trouver une souplesse, un système qui soit plus efficace. Mais, selon mon opinion, geler un rôle, tel qu'on peut le trouver dans l'article 53 de ce projet de loi, selon mon évaluation ce soir, ce n'est pas une bonne façon de procéder. J'ai peur, M. le Président, que, si on fait ça, nous allons payer un pourcentage trop élevé de taxes municipales sur l'île de Montréal, dans la Communauté urbaine de Montréal. Dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, particulièrement après les élections de ce gouvernement séparatiste, nous avons eu une vague de déménagements. Vous pouvez voir une maison après l'autre à vendre. J'ai entendu, à Beaconsfield, qu'il y a 60 maisons vides. Il y a une chute libre des valeurs de nos maisons, M. le Président.

Des voix: ...

M. Williams: J'ai entendu que nous avons des acheteurs pour nos maisons. Ils sont toujours les bienvenus, M. le Président, mais ce n'est pas quelque chose que...

Des voix: ...

M. Williams: M. le Président, je sais qu'il est tard ce soir, mais c'est une question sérieuse. On ne fait pas de blagues. Quand le monde décide qu'ils ne sont pas les bienvenus ici, quand ils quittent la province, quand ils sont poussés par ce gouvernement...

M. le Président, il y a une chute libre de nos valeurs, et j'ai peur que, si nous faisons un gel, un gel sur l'évaluation, un gel sur le rôle, nous allons payer un fardeau, un pourcentage de taxes municipales qui sera trop élevé... que ce que nous avons besoin de payer. C'est une simple justice. Ça ne va pas être de faire une désynchronisation du rôle. Un simple système, ça va être un rôle annuel, tel que le Barreau l'a mentionné et tel que la Commission sur la fiscalité l'a mentionné.

In the work in the Commission on Taxation and the Financing of Public Services, «Working Together for a Responsible Québec», recommendation 55: The Government should adjust provisions pertaining to the property assessment as indicated below: a) amend the Act respecting municipal taxation in order to eliminate three-year real estate assessment roles and restore annual real estate assessment roles.

La Commission sur la fiscalité est en train de recommander un rôle annuel. Il me semble, M. le Président, que ça va être beaucoup plus logique, transparent et défendable comme système si on fait un rôle annuel. Parce que je ne veux pas, comme payeur de taxes... Ça ne me dérange pas de payer ma juste part, mais je voudrais m'assurer que la valeur de ma maison est bien évaluée et que c'est dans le même contexte que toutes les autres maisons sur l'île de Montréal. Je ne veux pas que mon évaluation soit gelée, que le rôle soit gelé, et qu'une autre puisse baisser. Il me semble que c'est tout à fait injuste. Ce n'est pas surprenant que vous ayez, M. le Président, plusieurs groupes qui se sont prononcés contre cette mesure: Institut de développement urbain du Québec, Chambre de commerce de Montréal, Association des propriétaires de bâtiments commerciaux et Ligue des propriétaires.

M. le Président, je comprends qu'il y a un problème. Il me semble que c'est la responsabilité de cette Chambre de trouver une solution. Mais je doute que la solution telle que proposée par l'article 53 du projet de loi n° 67 soit la bonne solution. Je voudrais plus m'inspirer de quelques articles que j'ai déjà cités à la Commission sur la fiscalité. J'en ai déjà mentionné un, à savoir que c'est un rôle annuel qui peut donner une chance de refléter la valeur actuelle de nos maisons et de nos propriétés commerciales.

Avec ça, M. le Président, je n'ai pas eu assez de temps, aussi, pour parler... Peut-être que, plus tard, je pourrai mentionner mes questions sur les changements des règles de révision. Il me semble que nous avons besoin de tenir compte du fait qu'il y a aussi les lettres que nous avons reçues du Conseil scolaire de l'île de Montréal qui représente huit commissions scolaires et qui veut participer au débat sur le projet de loi n° 67. Vous savez que nos commissions scolaires sont des citoyens corporatifs assez importants et elles veulent participer au débat.

Avec ça, M. le Président, la résolution du député de Chomedey est tout à fait logique. On doit attendre six mois pour améliorer ce projet de loi. On offre nos services, comme une opposition constructive, pour nous asseoir avec ce gouvernement afin de trouver une bonne façon de procéder. Selon moi, nous avons déjà démontré, dans les discours sur ce projet de loi, qu'il comporte des erreurs graves. On peut corriger ça ensemble. S'il vous plaît, M. le Président, j'espère que le côté ministériel va accepter la logique de l'opposition et qu'il va reporter, pour quelques mois, ce projet de loi pour mieux préparer ce projet de loi et s'assurer que ça ne fait pas plus de tort que de bien. Merci, M. le Président, de cette opportunité de discuter de la motion qui vient du député de Chomedey. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres intervenants? Il n'y a pas d'autres intervenants. Est-ce que la motion de report de M. le député de Chomedey est adoptée?

M. Paradis: Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal. Que nous appelions les députés, s'il vous plaît!

(23 h 28 – 23 h 35)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite à regagner vos sièges. S'il vous plaît! Alors, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Mise aux voix

Alors, que les députés en faveur de la motion de report de M. le député de Chomedey veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gobé (LaFontaine), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Lefebvre (Frontenac), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Charbonneau (Bourassa), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vaive (Chapleau).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre la motion de report veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Chevrette (Joliette), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), Mme Malavoy (Sherbrooke), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions? Alors, M. le secrétaire, pour le résultat, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Pour:18

Contre:51

Abstentions:0

(23 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est rejetée.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, nous revenons au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des intervenants? Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet.

Si vous voulez attendre quelques minutes pour permettre aux députés qui ont à quitter d'aller travailler en d'autres lieux. Nous allons attendre quelques minutes. Je demanderais, s'il vous plaît, à ceux qui ont terminé de quitter en silence.

Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Toujours dans le cadre du projet de loi n° 67, comme vous l'avez mentionné, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. Je pense que ce qu'on peut dire, à ce moment-ci, et ce qu'il faut se rappeler aussi, c'est que, à cette période-ci, à l'Assemblée nationale, nous sommes en accord de principe, en débat sur le principe de ce projet de loi. Ce projet de loi touche quatre mesures particulières, dont une mesure, je pense, sur laquelle on devra s'attarder un peu plus, soit l'article 42, M. le Président.

Le projet de loi, comme je le mentionnais, a pour effet d'instaurer une nouvelle procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière. Quand on voudra procéder, le projet de loi prévoit que, pour procéder à une demande de révision qui sera traitée par l'évaluateur de l'organisme municipal responsable de l'évaluation, dans le cadre de ce nouveau processus, il sera possible pour les parties de conclure des ententes sur des modifications à apporter au rôle d'évaluation et au rôle de valeur locative sans faire intervenir le Bureau de révision. Cette partie du projet de loi pourrait être intéressante. Elle pourrait rendre des services, je pense, qui permettent aux gens, comme on le mentionne, de négocier, de s'entendre plutôt que de faire appel au Bureau de révision.

Le projet de loi impose également aux municipalités locales un délai de 60 jours après le dépôt du rôle pour envoyer l'avis d'évaluation au propriétaire d'un immeuble dont la valeur au rôle excède 1 000 000 $. Il y a d'autres parties du projet de loi sur lesquelles on devra aussi s'attarder, parce que ce projet de loi a pour effet de permettre au gouvernement de prescrire une méthode d'évaluation s'appliquant spécifiquement aux immeubles à vocation unique.

Et, comme je le mentionnais tantôt, évidemment, on va abondamment débattre de l'article 42. Il y a des objections, M. le Président, à ce projet de loi, des objections qui nous viennent de plusieurs organismes crédibles comme l'Union des municipalités du Québec. C'est surtout en rapport avec l'article 42, comme je vous le mentionnais, que cet organisme qui représente plusieurs centaines de municipalités au Québec, dont les plus importantes, soit les grandes villes...

Comme le mentionnait le président, M. Vaillancourt: Réunis en conseil d'administration, les administrateurs de l'Union ont résolu – comme en fera foi la résolution dont je vous ferai part tantôt – de dénoncer l'adoption d'une telle disposition et de demander son retrait dans les plus brefs délais. Et la résolution, je pense, est très détaillée, M. le Président, parce qu'elle dit justement que l'Union des municipalités du Québec, dans le cadre de son mémoire présenté devant la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics en septembre... Déjà en septembre 1996, l'Union des municipalités du Québec mettait en garde le ministre des Affaires municipales et son gouvernement des conséquences de ce projet de loi, et ne pouvait donner son accord, disait l'Union à ce moment-là, à cette modification que conditionnellement à une révision complète des régimes fiscaux particuliers qui, à terme, mettrait fin également à un régime d'exception que le gouvernement a lui-même décrété en regard des immeubles de ses réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux. Ça, c'était pour l'organisme qui, comme je vous le mentionnais, représente la très grande majorité des grandes villes du Québec.

Vous avez aussi l'Institut de développement urbain du Québec, qui a des réserves, et il les décrit, qui le déclare discriminatoire envers certaines catégories de contribuables et trompe le principe d'équité – et on aura la chance d'y revenir et de porter attention au principe d'équité. Je pense que c'est justement ce qui est en cause dans une partie de ce projet de loi là – et de transparence que nous recherchons tous sur la taxation municipale. Son maintien est donc une mesure inacceptable dont l'idée devrait être mise de côté immédiatement en faveur d'une recherche concertée pour des solutions durables. Et c'était pourquoi mes collègues qui m'ont précédé, comme le député de Nelligan, demandaient il y a quelques minutes à cette Chambre, par votre entremise, M. le Président, de reporter ce projet de loi pour permettre à plus d'intervenants de collaborer avec le ministre et d'essayer de trouver une solution acceptable pour tous.

Vous avez aussi les évaluateurs agréés, qui ont fait une très bonne présentation des revendications, des démarches auprès du ministre des Affaires municipales. Et c'est ces gens-là qui sont probablement les plus concernés dans ce débat-là, parce que c'est des professionnels qui sont touchés directement par les mesures imposées par le ministre des Affaires municipales dans le cadre de ce projet de loi, parce qu'ils seront probablement ceux qui sont le plus visés. Et ils disent au ministre: Nous vous avions déjà prévenu de ces appréhensions dans une lettre du 28 octobre – eux aussi déjà, il y a plusieurs semaines, avertissaient le ministre des Affaires municipales – qui est restée sans réponse. Ce n'est qu'une réponse législative. Ajoutons à cela que le secret qui entourait la préparation de ce projet de loi laissait présager une position qui serait loin de faire l'unanimité. Et ils disent un peu plus loin: À moins que vous ne considériez qu'en matière de fiscalité municipale l'Ordre des évaluateurs agréés n'est pas un interlocuteur valable, nous vous prions instamment de nous permettre d'exprimer la position de notre organisme qui encadre, est-il utile de vous rappeler, la pratique des signataires de rôles d'évaluation du Québec et de ceux qui les contestent.

Donc, M. le Président, vous voyez que tous ces professionnels s'entendent pour dire qu'on devrait permettre justement, à tous ceux et celles qui pourraient nous aider à mieux comprendre, à bonifier et à adapter ce projet de loi pour une meilleure équité au Québec, de continuer à débattre, de vous supporter, M. le ministre, de collaborer avec vous.

Il y a aussi la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, et c'est là que la portée de l'article 42 est le plus en cause et touche un nombre très important de municipalités, soit la grande région métropolitaine de Montréal. Et, ces gens-là, comme ils le mentionnent, protestent énergiquement contre toute tentative de geler le rôle d'évaluation ou d'en désynchroniser le rôle. L'entrée en vigueur, l'approche envisagée pourrait avoir pour conséquence d'imposer un taux de taxation réel beaucoup plus important aux propriétaires d'immeubles dont la valeur marchande a le plus diminué, alors que ceux dont la valeur des immeubles a le plus augmenté bénéficieraient d'un taux beaucoup plus bas, ont affirmé les représentants de la Chambre de commerce du Grand Montréal.

M. le Président, je pense que, pour imager l'inquiétude et démontrer jusqu'à quel point ces gens-là ont raison, vous prenez un rôle d'évaluation pour une dizaine de municipalités de la grande région de Montréal métropolitain dont le rôle serait refait pour trois ans à partir des années 1998; d'autres, ce serait à partir des années 1999; et d'autres, en l'an 2000. Vous voyez de quelle façon la disproportion, ou l'échéance, ou la grille à échéances très diversifiées apportent un déséquilibre, et de là l'inéquité pour la grande région de Montréal. Et ça peut même avoir des effets sur la compétitivité des entreprises et des commerces dans ces régions données.

(23 h 50)

M. le Président, je pense qu'il y a lieu de faire des commentaires et de reprendre les commentaires de certaines personnes qui sont venues faire des mises en garde en commission parlementaire. Parce que les principaux articles du projet de loi qui pourraient faire problème sont les articles 11 et 25, qui instaurent une nouvelle procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière, comme je le mentionnais. Il sera possible pour les parties de conclure des ententes. Donc, nous avons avantage à échanger avec le ministre, c'est fort probable que ce soit une mesure qui pourrait être considérée intéressante. Mais on ne peut pas, dans un projet de loi, le ministre des Affaires municipales ne peut pas s'attendre que l'opposition, les partenaires du monde municipal que j'ai mentionnés tantôt adoptent ou supportent un projet de loi parce qu'il y a un article ou deux dans le projet de loi qui seraient susceptibles d'améliorer justement les mesures administratives en matière d'évaluation et de gestion municipales, tandis qu'il y a d'autres projets de loi qui démontrent et qui imposent une inéquité flagrante pour la plupart de ces municipalités.

Il y a aussi l'article 53, M. le Président, qui est la mesure législative la plus publicisée dans ce projet de loi et sûrement la plus contestable. Il prévoit l'habilitation pour la Communauté urbaine de Montréal de décider de la séquence. C'est eux autres qui vont décider de la séquence de la désynchronisation des rôles en prolongeant d'un an, de deux ans ou de trois ans, comme je vous le mentionnais tantôt.

Tous ces articles devront faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Quand c'est tous ceux et celles qui sont touchés qui vous le disent, M. le Président, et qui le disent au ministre des Affaires municipales, je pense qu'on doit y porter attention; on ne peut pas l'ignorer. Et j'aimerais vous rapporter ici la liste des organismes qui se sont prononcés contre à ce moment-ci, à part de tous ceux que je vous ai mentionnés tantôt. Vous avez l'Institut de développement urbain et un de ceux que j'ai mentionnés, la Chambre de commerce, mais il y a aussi l'Association des propriétaires de bâtiments commerciaux et la Ligue des propriétaires.

On peut, M. le Président, à ce moment-ci aussi, se poser la question suivante, à savoir: Est-ce que ça aura un impact sur l'activité économique? Pendant qu'on parle que tout le monde demande de la création d'emplois, tout le monde demande de supporter l'activité économique au Québec, de poser des gestes en vue de donner confiance à la population québécoise, aux investisseurs et à tous ceux et celles qui sont les piliers de notre économie, de notre secteur manufacturier et secteur commercial, est-ce que ça aura pour effet d'ajouter des emplois au Québec? Bien, ce n'est pas évident. Personne ne peut démontrer que des mesures comme celles-là auront pour effet d'ajouter à l'emploi au Québec.

Est-ce que ça aura un impact sur les finances publiques au Québec? Bien, ça aura pour effet d'augmenter le fardeau fiscal des contribuables de la Communauté urbaine de Montréal, puisque les revenus municipaux sont artificiellement élevés dans un contexte de baisse économique du secteur immobilier. Ça aura pour effet, de façon artificielle, d'augmenter les revenus.

Est-ce que le service au public sera amélioré avec une mesure comme ça? Je pense que c'est des questions qu'on peut se poser. Est-ce que, pour le gouvernement du Québec, du Parti québécois, en décembre 1996, en fait, la législation qu'ils vont devoir prioriser aura pour effet d'augmenter le service au public? Ce n'est pas évident, M. le Président. Et ça, c'est loin d'être évident, d'une part.

Est-ce que ça aura pour effet d'apporter de la croissance économique? On dit souvent: la population demande au gouvernement du Québec de porter ses priorités dans la législation, dans les secteurs, dans les décisions qui auraient pour effet de redonner confiance, comme je le mentionnais, d'ajouter justement, de poser des gestes qui pourraient supporter le développement de notre économie et de la création d'emplois. Donc, si on nous demande: Est-ce que ça aura pour effet d'ajouter à la croissance économique dans la grande région de Montréal? ce n'est pas évident. Ce n'est évident pour personne.

Donc, M. le Président, après avoir résumé et fait le tour des objections, des groupes qui s'objectent, le questionnement au sujet du projet de loi est surtout le gel. On peut employer carrément ce mot-là. Même si M. le ministre des Affaires municipales insiste pour nous faire comprendre que ça ne devrait pas être considéré comme un gel, c'est carrément geler le rôle d'évaluation pour la plupart des municipalités, et plusieurs d'entre elles jusqu'à deux et trois ans, dans la grande Communauté urbaine de Montréal. Et c'est là la mesure d'inéquité pour les payeurs de taxes. On comprend le ministre des Affaires municipales, ça pourrait paraître être à l'avantage des municipalités, de certaines municipalités, pour ne pas dire la plupart des municipalités, d'une part. C'est peut-être souhaité par ces municipalités-là, mais c'est le payeur de taxes qui est en cause, M. le Président. C'est pour ces raisons que nous avons beaucoup de réserves à supporter le gouvernement à l'occasion du débat sur l'accord de principe du projet de loi n° 67. Je vous en remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Nelligan, je vous cède la parole. J'inviterais, s'il vous plaît, les autres à ne pas... enfin, à être silencieux, là. Si vous avez à parler par nécessité, faites-le discrètement.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et particulièrement merci pour votre dernier commentaire sur le comportement dans cette Chambre.

J'ai voulu parler après le député de Montmagny-L'Islet sur ce projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, Bill 67, An Act to establish an administrative review procedure for real estate assessment and to amend other legislative provisions. Je pense que le député a bel et bien expliqué plusieurs des enjeux que nous avons trouvés dans ce projet de loi. Sans répéter les choses que le député a déjà mentionnées, je voudrais cibler quelques faiblesses que nous avons trouvées dans ce projet de loi, qu'on doit corriger avant qu'on puisse avoir l'appui de l'opposition, et certainement avant nous avons besoin de clarification sur plusieurs articles de ce projet de loi, M. le Président.

M. le Président, je pense que le député a bel et bien mentionné que ce gouvernement aime jouer avec les mots. Est-ce que c'est un gel ou est-ce que c'est une désynchronisation? M. le Président, effectivement, c'est un gel. C'est le même débat que nous avons eu il y a quelques minutes sur un autre projet de loi: quand vous êtes en train de prendre plus d'argent des contribuables, c'est une taxe. On peut trouver d'autres mots, et j'ai listé une longue liste des mots, mais je ne répéterai pas tous les mots ce soir de toutes les taxes déguisées, de toutes les taxes que le gouvernement péquiste est en train de passer aux contribuables. Mais une taxe est une taxe, un gel est un gel, et on discute ce soir d'un projet de loi qui, avec quelques articles, fait un gel du rôle pour plusieurs années. Je vais expliquer ça un peu plus tard.

M. le Président, nous avons eu une motion de report, qui a malheureusement été rejetée par le côté ministériel. Nous avons pensé, avec toute bonne foi, que ce petit délai que nous avons recommandé nous aurait donné une chance de trouver une solution qui soit beaucoup plus efficace et qui réponde mieux aux besoins des villes, mais, d'abord et avant tout, des contribuables. M. le Président, oui, c'est difficile au niveau municipal, et tout le monde cherche les solutions. Mais un des problèmes que chaque citoyen a, à cause de ce gouvernement, c'est que nous sommes trop taxés. Le problème est clair et simple: nous sommes trop taxés. Il y a une chute libre de notre économie, il y a une fuite de notre économie, il y a un déménagement de la population, et je peux citer des chiffres qui sont assez larges, avec le nom des personnes qui déménagent de Montréal à ailleurs, souvent dans l'Ouest, de temps en temps dans l'Est, et dans les autres pays.

(minuit)

M. le Président, le concept de geler un rôle, c'est contre le concept de base d'équité, et je voudrais expliquer ça un peu pendant ma courte intervention. Mais, avant ça, je voudrais aussi discuter un peu de la nouvelle façon de révision, parce que, pendant mon temps sur le débat sur le rapport, j'ai une chance de cibler mes commentaires sur le gel. Je voudrais m'assurer que j'ai le temps aussi de mentionner mes quelques commentaires sur l'autre façon de faire la révision.

M. le Président, il y a les changements d'une façon de faire la révision; il y a quelque chose qui peut être bon. On doit discuter ça comme il faut, d'assurer qu'ils sont efficaces. Mais il y a un changement assez substantiel: une fois qu'il y a une évaluation qui est accomplie chez vous ou dans un commerce, le contribuable, le propriétaire doit négocier, doit visiter le responsable, l'agent responsable pour la municipalité qui a fait l'évaluation et il doit négocier, il doit trouver peut-être un compromis. Et, selon l'information que j'ai reçue, il doit faire ça dans les nouveaux délais. Il a jusqu'au 1er mai pour faire le premier contact avec celui ou celle qui a fait l'évaluation, et il fait la discussion et ça peut prendre du temps. Mais, si ça ne marche pas, s'il veut faire une plainte contre l'évaluation – et vous savez qu'ils ont eu plusieurs plaintes, M. le Président – il doit faire ça avant le 1er septembre. C'est des délais qui sont assez importants pour les contribuables, qui ne sont pas nécessairement au courant de tous les changements. Vous savez que, peut-être dans le mois de mai, juin et peut-être au début de juillet, il peut y avoir des discussions avec les évaluateurs, mais il peut quitter pour l'été. Et, si, par exemple, il n'est pas au courant des délais du 1er septembre, il peut perdre son droit de faire une plainte, un droit, qui est assez important, d'assurer que son évaluation est bel et bien faite par l'évaluateur.

M. le Président, chez nous, là, je voudrais expliquer qu'est-ce que ça veut dire en réalité. Parce que, ici, dans le salon bleu de l'Assemblée nationale, on peut discuter les principes, les grands termes, on peut penser qu'un projet de loi est une bonne affaire qui peut corriger les affaires, mais je voudrais expliquer qu'est-ce qui se passe pour nous. Je vois qu'un de mes commettants est arrivé dans cette salle, et je vais expliquer, s'il y a une plainte sur l'évaluation, qu'est-ce qu'il doit faire maintenant avec ce nouveau projet de loi. Et j'espère que mon commettant va m'écouter comme il faut. S'il y a une plainte, avec cette nouvelle façon il doit aller non pas à la Cour des petites créances de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, comme nous avons maintenant, il doit aller d'abord et avant tout, à cause de notre nouvelle façon, au centre-ville, à la Communauté urbaine de Montréal, parce que la Communauté urbaine de Montréal va être en charge de l'agence qui va faire l'évaluation. Avec ça, le citoyen doit se déplacer. C'est une chose qui est une chose beaucoup plus difficile pour plusieurs contribuables qui n'ont pas nécessairement les moyens d'aller au centre-ville ou le temps d'aller au centre-ville. Parce que, avant ce changement, il avait le droit de faire ça dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, mais maintenant, avec ce projet de loi, il doit aller au centre-ville.

Deuxième chose – c'est un changement assez important – il doit payer la Communauté urbaine de Montréal pour cette réévaluation. Avec ça, nous sommes en train, avec ce projet de loi, M. le Président, de créer ou d'obliger nos municipalités à jouer un rôle comme percepteurs, perceptrices pour le fisc. Il me semble, M. le Président, qu'on doit vraiment étudier l'impact de cette façon de procéder.

Autre chose, M. le Président, j'ai mentionné qu'entre le 1er mai et 1er septembre le contribuable, le propriétaire, le payeur de taxes, si ça ne marche pas avec ses négociations avec l'agence qui a fait l'évaluation, il a le droit de faire une plainte. Maintenant, selon le formulaire qui vient du Bureau de révision de l'évaluation foncière de Québec, il peut déposer sa plainte ou son formulaire de plainte, une fois que c'est bel et bien rempli avec identification et les sujets et si la plainte est bien fondée et d'autres informations et avec toutes les signatures, une fois que tout est bel et bien complété, il peut déposer ça aux petites créances dans l'Ouest-de- l'Île de Montréal, le tribunal des petites créances. Mais quelle grande surprise, M. le Président! Ce gouvernement péquiste est en train de fermer une institution de l'Ouest-de-l'Île de Montréal qui va rendre ce service moins accessible à la population de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, et je sais que le député de Marquette est tellement au courant de ce nouvel enjeu pour les citoyens de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.

M. le Président, je voudrais faire un bref examen maintenant avec ça, et, aussi, avec les décisions des autres ministres. Le propriétaire d'une maison ou d'un commerce de l'Ouest-de-l'Île de Montréal doit aller, première révision, au centre-ville, à la Communauté urbaine; maintenant, il a le droit de faire ça dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Si ça ne marche pas, M. le Président, il doit faire une deuxième visite au centre-ville pour s'assurer qu'il peut déposer sa plainte. Je n'ai pas parlé de continuer à plaider ça, si ça avance dans la procédure, il doit aller au centre-ville, encore une fois, pour plaider sa cause.

Avec ça, M. le Président, nous sommes en train de changer le système d'évaluation, le système de révision d'une façon substantielle qui peut rendre cette démarche beaucoup plus difficile pour nos contribuables. M. le Président, j'ai besoin de sonner une cloche que, avec le système tel qu'il est en train de le proposer, on doit s'assurer que le système d'appel, le système de plainte est tellement accessible pour les payeurs de taxes, parce qu'il est en train de proposer un système qui, dans mon opinion, est tellement inéquitable. Et je voudrais expliquer pourquoi.

M. le Président, l'article 53 prévoit l'habilitation, par la Communauté urbaine de Montréal, de décider de la séquence de désynchronisation des rôles, en prolongeant d'un ou deux ans les rôles triennaux de 1995, 1996 et 1997. Ces rôles pourront donc demeurer en vigueur jusqu'à la fin de l'année 1998 et 1999. M. le Président, en réalité, qu'est-ce que ça veut dire? Ça va être, dans mon cas, comme je l'ai mentionné avant, qu'il va me taxer, et tous mes voisins, sur une valeur de ma propriété basée sur une évaluation de 1993, jusqu'en 1999. C'est inacceptable, M. le Président. Vous le savez. Vous savez qu'à cause de ce gouvernement péquiste nous avons tous perdu la valeur de nos maisons. J'ai actuellement, en cette Chambre, deux de mes commettants et les deux savent qu'ils ont perdu de la valeur de leurs maisons. Ils ont eu une chute libre. Avec ça, s'il y a un gel, moi, mon évaluation est fixée pour l'année 1993, ce n'est pas la même valeur maintenant, particulièrement à cause de ce gouvernement péquiste avec son manque d'énergie sur les questions économiques. Avec ça, M. le Président, c'est injuste pour moi de payer sur une évaluation de 1993.

Le Barreau a dit ça clairement dans une lettre, le 5 décembre, le Barreau qui est en train... Je pense qu'il devrait ouvrir un bureau, une succursale ici. Le Barreau devrait aussi être présent en cette Chambre – je pense que les députés de l'autre côté sont d'accord avec moi – il devrait être omniprésent ici, parce que pour chaque ou presque chaque projet de loi nous avons un avis du Barreau du Québec signé par le bâtonnier, avec des critiques, avec des avis souvent tellement sévères contre les projets de loi. Et voilà un autre exemple. Le Barreau dit: Ce n'est pas un bon projet de loi. Il dit que ça doit être amendé et il dit que ce n'est pas une bonne façon de protéger l'équité. Il a aussi quelques recommandations sur le bureau de révision administratif et d'autres dispositions. Avec ça, M. le Président, on doit tenir compte de l'avis du Barreau.

Je sais que, dans un autre projet de loi, le ministre délégué au Revenu a dit qu'un avis du Barreau n'est pas pertinent – c'est ça qu'il dit, il n'est pas pertinent – moi, je trouve qu'un avis du Barreau est pertinent. On doit tenir compte de ça. On doit s'assurer que nous ne sommes pas en train de mettre en vigueur un système qui est tellement injuste.

Une voix: C'est vrai.

M. Williams: M. le Président, nous avons aussi reçu un communiqué de Pâquet, Galardo & Nantais, qui parle des effets pervers de cette mesure. Ils en ont listé plusieurs effets tellement négatifs. Le Conseil scolaire de l'île de Montréal veut avoir une bonne discussion, M. le Président, sur ce projet de loi avant qu'on décide sur le principe et avant que nous passions le projet de loi n° 67.

(0 h 10)

M. le Président, j'ai entendu plusieurs commentaires sur le problème d'un gel. Je voudrais juste en lire quelques-uns. Je voudrais juste en nommer cinq. Premièrement, ils pensent qu'un gel, tel que proposé par ce gouvernement, peut avoir une réaction tellement négative des citoyens et du milieu des affaires, parce que les citoyens et le milieu des affaires cherchent équité, transparence et justice. Tout le monde est prêt à payer des taxes si le système est juste et équitable. Tout le monde est prêt à payer des taxes si elles sont bien dépensées. Il y a deux exemples dont la réponse est non: ce n'est pas un système transparent et équitable et les dépenses sont mal dépensées par ce gouvernement péquiste.

D'autres choses, M. le Président. Le gel peut accentuer l'écart entre les citoyens. Nous avons déjà un déséquilibre assez substantiel entre les entreprises et le résidentiel. Il y a une dévaluation des maisons, des sites commerciaux dans un taux différent. On doit, en réalité, refléter nos évaluations. On ne veut pas taxer le monde, basé sur l'évaluation de 1993. M. le Président, aussi, un gel du rôle garde les revenus d'une municipalité artificiellement élevés à cause que c'était basé sur l'évaluation de notre propriété quand nous y étions, quand le Parti libéral était au pouvoir, quand nous avons eu une bonne économie.

C'est parce que, depuis le 12 septembre 1994, vous savez, nous avons commencé à chuter. Je sais qu'il va toujours – je comprends, je vois la réaction des députés de l'autre côté – trouver une façon de blâmer les autres. C'est un gouvernement de «faute des autres». Le ministre du Revenu blâme la météo, blâme la température pour le taux de chômage, mais la réalité, c'est à cause de leur obsession de la séparation. C'est une obsession, je pense que tout le monde est d'accord.

Je trouve ça intéressant que les ministres rient quand je parle des pertes de jobs, de chômage. Ça fait mal à la personne. Ça fait mal que l'économie ne marche pas. M. le Président, c'est 200 jobs par jour, sept jours par semaine. Il est en train d'avoir...

M. Gautrin: 365 jours par année.

M. Williams: Merci, M. le député de Verdun. Nous sommes en train d'avoir une perte d'emplois, 60 000 depuis l'entrée du premier ministre actuel. Dans le même temps, il est en train, quotidiennement, d'augmenter les taxes. Selon mon calcul, ça peut être entre 3 000 000 $ et 4 000 000 $ par jour d'augmentation de taxes. Une chute libre des emplois, une augmentation de taxes. Avec ça, M. le Président, il me semble que nous avons trouvé vraiment la vraie cible du problème, et c'est l'incompétence de ce gouvernement, c'est l'obsession de la séparation; ce n'est pas le système tel que nous sommes en train de discuter dans le projet de loi n° 67.

Il me semble que ça serait beaucoup plus utile, comme nous avons pensé, de prendre le temps nécessaire d'étudier ce projet de loi. Peut-être qu'on pourrait trouver des solutions un peu plus intéressantes, peut-être qu'on pourrait utiliser l'expertise de nos interlocuteurs municipaux, peut-être qu'on pourrait actuellement être inspirés par la Commission sur la fiscalité. Te souviens-tu de la Commission sur la fiscalité? Te souviens-tu du grand théâtre du sommet économique? Vous avez tous dit que, voilà, ça va être la bible, ça va être la bible que vous allez suivre. Mais, dans la recommandation 55 que nous avons trouvée dans la Commission sur la fiscalité, ils ont recommandé d'avoir un rôle annuel, pas un gel de rôle. Il me semble que c'est beaucoup plus logique d'avoir un rôle annuel, de faire l'évaluation chaque année, de s'assurer qu'il y a justice et équité.

Mr. Speaker, I've been as succinct as I could be tonight on this bill, this is a bill that needs reworking. This is a bill that is going to put our industries in serious difficulties. Don't forget, I know this Government does not understand it, you just can't keep taxing people, you can't keep taxing them in a way that is driving them to bankruptcy.

This Government shows an incredible level of fiscal hypocrisy. They say one thing and do exactly the other. This bill is another example of this. We should seriously question the bill. We should make sure, Mr. Speaker, that we respond to the interest of the people of Québec, that we find a fair municipal taxation system. And coming up with a system that says to me as a taxpayer: You're going to pay taxes on your property based on 1993 value, when I know full well that, since the «péquiste» Government has come in, the value of my house has plummeted and there is no reason why I should be paying taxes... And my colleague, who lives in the fine county of Nelligan, says the same thing. He says his house has completely... As I already mentioned, I will finish here, Mr. Speaker. We have to make sure that we do not pay unfair taxes, we do not pay taxes based on 1993. We should come up with a better system. Thank you very much for this opportunity to speak.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Il n'y a pas d'autres intervenants? Le principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Vote par appel nominal? Alors, que nous appelions les députés.

S'il vous plaît! S'il vous plaît! Chère Mme la leader adjointe, je vous cède la parole.

Mme Caron: Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la séance suivante, à la période des affaires courantes.

Des voix: Oh!


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le vote sera reporté aux affaires courantes de demain? Les affaires courantes de demain. Aujourd'hui, finalement, oui, à la prochaine séance. Très bien. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 40 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 45


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 40, Mme la ministre de l'Éducation propose l'adoption du projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires. Quel est le prochain intervenant? Mme la ministre. Je vous cède la parole.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. D'abord, d'entrée de jeu, j'aimerais dire que toutes les universités québécoises se réjouissent de ce projet de loi qui, bien sûr, je l'espère, sera adopté par l'Assemblée nationale. En fait, la loi répond à un besoin exprimé depuis octobre 1993 par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. D'ailleurs, en février 1996, lors des auditions en commission parlementaire, auditions qui étaient prévues par la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, plusieurs chefs d'établissement ont souligné l'importance de procéder rapidement à l'adoption d'une telle loi en faveur des universités québécoises.

En me basant sur des échanges fructueux – et je dois dire qu'ils ont été fructueux, M. le Président – qui ont eu lieu en commission parlementaire le 21 octobre dernier, lorsque nous avons étudié en détail le projet de loi n° 45, je puis dire, et je crois que je le fais en toute confiance, M. le Président, que ce projet de loi, en plus de satisfaire les universités, reçoit aussi l'assentiment de tous les parlementaires. Je reviendrai sur ce sujet en résumant les principales améliorations apportées au projet de loi, améliorations qui ont été apportées par la commission parlementaire.

Au préalable cependant, j'aimerais rappeler – je crois que c'est utile à ce moment-ci de nos travaux – les cinq objectifs que le gouvernement du Québec poursuit par cette Loi sur les fondations universitaires. D'abord, bien sûr, établir un régime fiscal qui soit concurrentiel avec celui des autres provinces canadiennes. D'autre part, diversifier les sources de financement des universités; et l'on sait que c'est un grand souhait, un grand désir des universités. Troisième élément, troisième objectif, M. le Président, favoriser le changement des mentalités vis-à-vis des dons, particulièrement, évidemment, ceux faits aux universités...

(0 h 20)

M. Gautrin: M. le Président, sur une question de règlement, si vous me permettez, c'est tellement important...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, Mme la ministre. M. le député de Verdun, s'il vous plaît, je vous cède la parole.

M. Gautrin: Auriez-vous l'amabilité de vérifier le quorum, s'il vous plaît? Ce n'est pas parce qu'on discute des universités qu'on devrait se trouver sans quorum.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, comme il n'y a plus de commissions, je crois, à cette heure-ci, alors...

Mme Marois: C'est bien, quand même...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous avons retrouvé le quorum. Je m'en vais céder la parole à Mme la ministre. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président, d'avoir permis que nos travaux se déroulent en présence de nos collègues.

Alors donc, M. le Président, je rappelais le troisième objectif, qui était de favoriser le changement des mentalités vis-à-vis des dons. Le quatrième objectif, c'est celui d'accroître la synergie entre le milieu des affaires et celui des universités. En effet, M. le Président – et j'aurai l'occasion d'y revenir – bien sûr, ce qui est souhaitable, c'est que nous ayons les meilleures interrelations possible entre les milieux universitaires et l'ensemble, je vous dirais, d'une communauté, en particulier le milieu des affaires, puisque, dans plusieurs circonstances, cela peut être utile aux uns et aux autres, c'est-à-dire autant aux milieux universitaires qu'au milieu des affaires lui-même.

Le cinquième objectif est celui de favoriser une gestion transparente des fonds qui font partie du domaine public, puisque c'est de cela qu'il s'agit. En effet, selon les témoignages que nous avons reçus des universités et du milieu des affaires, je suis certaine que le gouvernement répond aux besoins véritables du milieu. Le gouvernement sera ainsi très entouré dans la poursuite et l'atteinte de ses objectifs. Il pourra, bien sûr, compter sur l'initiative des universités, sur l'appui de nombreuses entreprises, sur la générosité des employés de l'université, sur le vaste réseau de relations que représentent les anciens et anciennes de l'établissement. Nous avons eu d'ailleurs, M. le Président, d'intéressants échanges à la commission parlementaire qui a traité de ces questions, puisque, de part et d'autre, nous avons pu constater que nous étions très fidèles à nos alma mater, aux établissements qui ont permis de faire, en partie, ce que nous sommes devenus, et que nous essayons, chacun à notre façon, de leur rendre ce qu'ils nous avaient permis d'acquérir. Et, en ce sens-là, les fondations vont venir canaliser sûrement une confiance que nous avons, une reconnaissance que nous avons à l'égard des établissements qui nous ont formés.

Il pourra, d'autre part, aussi compter sur l'intérêt des citoyens et citoyennes du Québec envers ces établissements que sont les universités et qui contribuent, bien sûr, à leur manière, au développement du Québec. En somme, je vous dirai qu'au-delà des détails techniques l'adoption de cette loi s'inscrit dans un plus large contexte de reconnaissance, par l'État, des partenaires productifs dont peuvent convenir entre eux divers intervenants socioéconomiques... pardon, de partenariats productifs. Alors, évidemment, le but de ces partenariats est de satisfaire des besoins légitimes de la population. Le gouvernement du Québec n'est pas le seul à s'engager dans cette direction, puisque plusieurs provinces canadiennes ont déjà agi en ce sens. Les fondations universitaires qui seront instituées en vertu de la Loi sur les fondations universitaires seront donc, à leur manière, des outils de développement des universités québécoises.

Quels sont, maintenant, les amendements que nous avons adoptés au moment où nous avons fait l'étude du projet de loi en commission parlementaire? La commission parlementaire responsable de l'étude détaillée du projet de loi n° 45 a apporté des modifications qui bonifient le projet de loi initial. J'aimerais rappeler en cinq points les principales composantes de ces modifications. Je dois dire qu'un certain nombre de ces modifications nous ont été suggérées par le député de Verdun, qui a ainsi contribué à la bonification et, bien sûr, à l'amélioration du projet de loi dont nous terminons l'étude ce soir.

D'abord, et je crois que c'est important de les rappeler, M. le Président, puisque, lorsque j'ai présenté le projet de loi lui-même, on ne faisait pas référence à ces éléments que nous apportons par les amendements, je vais donc me permettre de les rappeler, ici, maintenant. D'abord, les rapports de vérification des comptes de la fondation universitaire seront non seulement transmis à la ministre responsable de l'application de la loi, mais aussi déposés à l'Assemblée nationale. Ainsi, les parlementaires auront accès à toute l'information pertinente relative aux objectifs qui seront atteints par les fondations universitaires. Comme on le sait, chaque fondation a pour mission, et je cite: «de promouvoir et de soutenir financièrement les activités d'enseignement et de recherche de l'établissement d'enseignement concerné.»

Le gouvernement crée des fondations universitaires et non pas des fondations gouvernementales. C'est pourquoi le conseil d'administration de la fondation continue de nommer les vérificateurs externes. Cela coïncide d'ailleurs avec le régime d'autonomie qui caractérise le fonctionnement des universités. Cependant, autonomie ne veut pas dire que l'on n'a pas à rendre de comptes, M. le Président, on en conviendra. Donc, la commission parlementaire a ajouté une disposition indiquant explicitement que le Vérificateur général pourra aussi vérifier les comptes et opérations de la fondation universitaire. Bien sûr, ce pouvoir de vérification était déjà reconnu au Vérificateur général, en vertu de la Loi sur le Vérificateur général, mais il est apparu souhaitable que le Vérificateur général voie son rôle reconnu comme tel, et ce, dans le texte de loi. Je suis d'ailleurs persuadée que les pratiques du Vérificateur général pourront compléter celles des vérificateurs externes et, je vous dirais, ne serait-ce qu'en raison des éléments de synthèse induits par la comparaison des opérations des fondations. La loi québécoise devient donc, à cet égard, identique à la loi ontarienne, qui prévoit aussi ce type de double régime de vérification, autant la vérification externe que la vérification interne, par le biais du Vérificateur général.

De plus, la commission parlementaire a prévu deux articles additionnels, soit les articles 11.1 et 11.2, stipulant explicitement que, lors de la cessation d'existence d'un établissement, la fondation universitaire cesse aussi d'exister. Les biens, les droits, les obligations de la fondation universitaire sont alors répartis selon le mode de répartition applicable à l'établissement. Ces amendements confirment, à nouveau, que les fondations universitaires sont créées pour répondre aux besoins de l'établissement d'enseignement concerné.

Eu égard à la responsabilité des administrateurs publics nommés par le gouvernement au conseil d'administration des fondations universitaires, la loi prévoit que les administrateurs ne peuvent pas êtres poursuivis pour des actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions. Cette disposition apparaît d'ailleurs dans plusieurs lois québécoises; cela ne fait donc pas exception à la loi que nous étudions ce soir, ou plutôt ce matin. La règle de nomination applicable lors des situations de vacance à des postes du conseil d'administration fut arrimée d'ailleurs à la règle prévue par l'article 5 de la loi. Pratiquement, qu'est-ce que cela signifie? C'est-à-dire que les listes de candidatures, qui permettent de recommander des nominations, proviennent de deux sources. D'une part, une liste d'au moins six candidatures, établie par l'établissement concerné et, d'autre part, une liste de noms suggérés par la ministre responsable de l'application de la loi. Ce sont là, M. le Président, les principaux amendements qui bonifient le projet de loi initial.

(0 h 30)

En terminant, donc, j'indiquerai brièvement les trois principaux effets de la loi sur les fondations universitaires. Le premier effet de la loi est d'attribuer à des fondations universitaires le statut de mandataire du gouvernement. Par ce statut, les dons faits par les particuliers et les corporations sont réputés être des dons faits au gouvernement, et ne sont plus limités par le plafond de 20 % du revenu net qui caractérise les dons faits à des organismes de bienfaisance. La totalité du montant du don devient ainsi admissible, pour les particuliers, au calcul des crédits d'impôt non remboursables ou, pour les corporations, au calcul de la déduction du revenu imposable.

Le deuxième effet de la loi est d'établir un régime fiscal concurrentiel avec celui des autres provinces canadiennes. Ainsi, des dons importants pourront être faits au Québec au lieu d'être dirigés vers des universités situées dans d'autres provinces canadiennes. Les universités québécoises détiennent maintenant des leviers d'action leur permettant de demeurer concurrentielles.

Le troisième effet de la loi est de favoriser explicitement la diversification des sources de financement des universités. Plusieurs objectifs particuliers ainsi que les dynamismes du moment favoriseront la diversification des sources de financement des universités, notamment, je le répète, la synergie avec le milieu des affaires, le changement des mentalités vis-à-vis les dons, la gestion transparente des fonds publics et aussi le désir de réussir avec les moyens qui sont les nôtres.

Et j'aimerais, en terminant, M. le Président, rappeler qu'il y a, à l'égard de ce projet de loi, un large consensus, pour ne pas dire unanimité dans les universités québécoises, parce que celles-ci considèrent qu'il s'agit d'une réponse concrète exprimée par les milieux universitaires. Enfin, je termine en rappelant ce que je disais au début de mon intervention. Je dois souligner la contribution très positive tant de mes collègues ministériels et de la députation que ceux de l'opposition et, entre autres, du député de Verdun qui ont contribué, par leurs propos et par leurs propositions, à améliorer le projet de loi que je vous soumets ce soir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Éducation. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, permettez-moi de commencer par une note personnelle. J'ai appris que votre fille, aujourd'hui, était assermentée comme avocate, et je pense qu'il y a tout lieu de vous féliciter à travers elle et de signaler ce fait.

Ceci étant dit, M. le Président, moi aussi, je m'associe à la ministre pour signaler l'esprit de collaboration qui a prévalu dans l'étude de ce projet de loi qui correspond à un désir du milieu. Essentiellement, il s'agit de créer de nouvelles entités – parce qu'il existe déjà des fondations – qui seront des mandataires du gouvernement et, puisqu'elles seront des mandataires du gouvernement, auront le droit à une exemption fiscale de la totalité du don qui sera fait.

M. le Président, je ne reviendrai pas sur les différents articles du projet de loi, je l'ai fait hier dans la prise en considération du rapport. Je voudrais une dernière fois plaider pour un article qui n'est pas dans le projet de loi. Je l'ai fait hier. La ministre m'avait écouté, mais elle ne l'a pas inclus aujourd'hui. Donc, je vais recommencer mon plaidoyer brièvement et je suis sûr que, lorsqu'on aura à réviser cette loi, on pourra, à ce moment-là, l'inclure.

Je vous explique, M. le Président. Il s'agit des articles 12 et 14. Vous savez que les fondations vont pouvoir recevoir des biens immeubles. Les biens immeubles, lorsqu'ils sont possédés par des universités, vous le savez parfaitement, M. le Président, sont exempts de taxes foncières, que ce soient les taxes municipales ou que ce soient les taxes scolaires. Par contre, lorsque le bien immeuble sera géré par la fondation, si on adopte le projet de loi tel qu'il est, il sera soumis à la taxation foncière et à la taxation scolaire.

Alors, vous voyez bien, M. le Président, qu'une des économies du projet de loi aurait été de faire en sorte que les fondations, lorsqu'elles reçoivent les biens immeubles, en assument la gestion et transfèrent à l'université l'usufruit de cette gestion... Si elles font cela, M. le Président, puisqu'il n'y a pas ce petit amendement que je ne pouvais pas présenter parce qu'il a une incidence financière et que, comme vous le savez parfaitement, seul un membre du gouvernement peut présenter un amendement qui ait une incidence financière, donc je ne pouvais pas présenter cet amendement... Je ne pouvais que plaider auprès de la ministre pour qu'elle dépose cet amendement. Il aurait fallu inclure à l'intérieur du projet de loi un amendement pour le rendre meilleur, si vous voulez, qui aurait dit que les biens immeubles d'une fondation sont exempts de toute taxe foncière, municipale et scolaire et que les deuxième et troisième alinéas de l'article 208 de la Loi sur la fiscalité municipale ne s'appliquent pas à de tels immeubles. Ce n'est pas, actuellement, dans le projet de loi. Je suis sûr que, à la pratique de la fondation, on comprendra à quel point un tel article était nécessaire et qu'on m'en accordera éventuellement la paternité. Alors, M. le Président, je ne pense pas néanmoins que l'absence d'un tel article justifierait, de la part de l'opposition, de voter contre le projet de loi. Alors, dans ce sens-là, nous allons voter en faveur du projet de loi, qui aurait pu néanmoins...

Une voix: Bravo!

M. Gautrin: ...merci, messieurs... qui aurait pu néanmoins être bonifié si on y avait inclus cet amendement qui n'est pas inclus. Mais ceci étant dit, compte tenu de l'heure tardive, M. le Président, je terminerai ici mon intervention, et je vous signalerai que nous allons voter en faveur du projet de loi. Merci, M. le Président

Une voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui. M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à aujourd'hui, mercredi 11 décembre, 10 heures.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à aujourd'hui, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 37)