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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 17 décembre 1996 - Vol. 35 N° 71

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Table des matières

Accueil de la nouvelle députée de Pointe-aux-Trembles

Affaires courantes

Affaires du jour


Annexe
Membres de l'Assemblée nationale du Québec
DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président: Mmes et MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Accueil de la nouvelle députée de Pointe-aux-Trembles

Alors, mesdames, messieurs, avant de procéder aux affaires courantes, j'invite M. le premier ministre à accueillir la nouvelle députée de Pointe-aux-Trembles.

(10 h 10)

Alors, M. le premier ministre.


Allocutions


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, c'est pour moi un grand plaisir et un honneur que de présenter à l'Assemblée la nouvelle députée de Pointe-aux-Trembles.

La nouvelle députée nous arrive ici au terme d'un itinéraire riche, chargé de réalisations, mais qui en même temps lui a fait surmonter des difficultés normales qu'elle a mis beaucoup de courage à dépasser pour réaliser un de ses rêves, celui de siéger à l'Assemblée nationale.

Il faut dire qu'elle y a été précédée par quelqu'un de très connu, son père, qui avait tracé la voie politique, la voie de l'engagement public, et je ne doute pas que ce soit pour elle un grand sujet de fierté que de perpétuer cette belle tradition familiale de la vie élective et des travaux de l'Assemblée nationale.

Mme la députée de Pointe-aux-Trembles a été une femme d'affaires, une enseignante, une souverainiste de tous les instants, engagée dans l'action communautaire; en plus, une femme de culture, une femme du monde de l'enseignement et qui depuis 25 ans n'a plus à faire sa marque. Et, en ce qui concerne l'organisation politique, elle est tombée dedans lorsqu'elle était petite avec le père qu'elle avait. Elle a fondé le Comité des jeunes du Parti québécois et elle a consacré des énergies considérables à des causes humanitaires. Voilà donc un parcours qui témoigne de son engagement profond et indéfectible à servir avec passion les intérêts des Québécoises et des Québécois.

Avec sa venue, c'est une femme de plus qui se retrouve à l'Assemblée nationale, après la députée de La Prairie également élue lors d'une élection partielle. C'est une femme de plus qui saura mettre avec passion ses compétences et son intelligence au service de ses concitoyennes et concitoyens de Pointe-aux-Trembles.

Au nom de la députation ministérielle, M. le Président, je réitère ma fierté de pouvoir compter sur une députée dotée de si grandes qualités. Sa présence parmi nous nous permettra, j'en suis convaincu, d'élever davantage le niveau de nos débats et aura pour effet de stimuler nos travaux parlementaires. Je vous invite à l'accueillir avec toute la chaleur et la solidarité dont cette Chambre est capable.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: J'ai lu les journaux, moi aussi, le lendemain de l'élection pour découvrir, dans Pointe-aux-Trembles, que Mme Léger avait été élue. Mais c'est quand même avec surprise – je dois le dire tout de suite à l'ensemble de nos collègues – que je vois arriver, ce matin, à cette heure-ci, la députée, le gouvernement n'ayant pas choisi de nous alerter sur cette entrée nouvelle d'une députée dont, par ailleurs, je salue, comme je viens de le faire avec tous mes collègues, l'engagement politique réel.

La campagne dans Pointe-aux-Trembles, c'était une campagne de l'est de Montréal, une campagne au ras du sol, une campagne de terrain, une campagne de porte-à-porte. Et je pense que la nouvelle députée a d'ailleurs souligné que, dans son porte-à-porte, elle s'est aperçue que le gouvernement était un petit peu loin des préoccupations des citoyens. Elle vient donc enrichir, c'est évident, l'approche que pratique ou que devrait pratiquer tout gouvernement à l'endroit de l'ensemble de la population.

Ça fait assez longtemps que je suis ici que je peux dire à la députée: J'ai bien connu votre père pour l'avoir entendu moi-même assez souvent. Il est évident, comme l'a souligné le premier ministre, que les traditions familiales peuvent trouver, d'une génération à l'autre, une expression politique – pas nécessairement toujours avec la même étiquette ou le même parti politique, là – et, bien évidemment, dans le cas de Mme Léger, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, il est évident qu'elle peut aller puiser, dans la sensibilité que pratiquait Marcel Léger à l'endroit des citoyens ordinaires, les ressources que ça exige de pratiquer, je dirais, ce métier ou d'occuper ce poste en cette fin de siècle.

Marcel Léger, c'était un organisateur. Moi, je me souviens de lui, là, comme d'un organisateur. Et ce que ça signifie, ça, c'est qu'il faut connaître les gens pour savoir exactement à quoi ils réagissent. Il faut connaître leurs besoins. Il ne s'agit pas simplement de trouver le slogan qui va être le plus accrocheur; il s'agit de trouver la façon de communiquer le message d'un parti de la façon qui correspond le mieux aux véritables aspirations et ambitions de nos concitoyens. Et ça, Marcel Léger, c'est ça qu'il pratiquait. Et on peut penser qu'il y a un petit peu de ces qualités-là qui peuvent avoir déteint sur la génération qu'il laisse derrière lui.

Dans Pointe-aux-Trembles, là aussi, comme on l'a vu par la campagne qu'ont menée les deux candidats principaux – certainement que dans le cas de Bernard Lauzon, c'est vrai, je le connais depuis de nombreuses années – c'étaient des candidats proches des préoccupations des gens de leur comté. Il est évident qu'il y a des défis tout à fait réels dans l'est de Montréal. Ayant été, avec d'autres collègues, responsable de la relance de l'est de Montréal, de tenter de relever ce défi avec les moyens du bord, de faire en sorte que la transformation de l'économie de Montréal, ça soit plus qu'un slogan, que ça soit une réalité pour des milliers, que dis-je, des dizaines de milliers de familles sur l'île de Montréal qui attendent que l'espoir renaisse, on peut, avec tous les collègues, ici, de l'Assemblée nationale, souhaiter que la nouvelle députée de Pointe-aux-Trembles puisse appliquer toutes ses énergies à faire en sorte que les voeux qu'on s'échange, qu'on est à la veille de s'échanger, que l'an prochain soit une meilleure année que cette année, que l'espoir renaisse, qu'on connaisse une plus grande mesure de bonheur, que ça se traduise dans des termes réels, ça, pour les gens de Pointe-aux-Trembles notamment, pour l'ensemble de la communauté montréalaise et pour tous les Québécois.

Alors, au nom de ma formation politique, je souhaite bienvenue, ici, à la députée. Je ne lui souhaite pas nécessairement longue vie avec nous, là, mais je lui souhaite évidemment, en se frottant aux réalités parlementaires, en faisant du bureau de comté, de pouvoir, elle aussi, à sa mesure et avec tous les talents qu'elle a, se dévouer au service des citoyens de Pointe-aux-Trembles.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je veux aussi joindre ma voix à mes collègues pour souhaiter la plus cordiale bienvenue à la nouvelle députée de Pointe-aux-Trembles, celle que les citoyens et les citoyennes du comté ont majoritairement choisie, qui nous arrive à l'Assemblée nationale, aujourd'hui, avec sûrement une foule d'espoirs, une foule de projets en tête, et je pense qu'on doit tous lui souhaiter de rester accrochée à ces espoirs du départ qui sont si importants, en espérant qu'elle pourra, à travers toutes les contraintes de la réalité, en réaliser le maximum.

(10 h 20)

Je veux profiter de l'occasion aussi pour remercier les 40 % d'électeurs qui se sont déplacés, dans le cadre d'une élection partielle où le taux de participation est souvent un peu inférieur, qui ont pris la peine de se déplacer pour aller voter. Un merci particulier, évidemment, aux 17,5 % d'électeurs qui ont fait confiance au candidat de l'Action démocratique du Québec. D'ailleurs, on avait le chef de l'opposition officielle qui parlait de deux candidats principaux. On comprend que, pour se consoler probablement, il a oublié de faire la différence entre ceux qui ont fini deuxième et troisième dans les dernières campagnes, une marge qui était inférieure à celle qui le séparerait de la tête ces derniers temps...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Je pense que les élections partielles des derniers mois ont permis de démontrer que les idées que notre parti met de l'avant vont chercher de plus en plus d'adhésions.

En terminant, je dois aussi, comme l'a fait le chef de l'opposition... Et j'entendais d'ailleurs la députée qui était fraîchement élue, le soir même, dans Pointe-aux-Trembles, dire que l'insatisfaction ne s'était pas manifestée aussi fortement qu'elle l'aurait pu. Elle est sûrement la dernière de son caucus, de son équipe à avoir fait du terrain, puisqu'elle sort tout juste d'une élection partielle. Elle arrive en plus avec une expérience du monde des affaires. C'est à souhaiter que cet apport d'avoir vécu une campagne sur le terrain tout récemment et cette expérience en matière du monde des affaires vont pouvoir être un apport au gouvernement dans ses décisions en matière économique. Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, les gens de mon pays ce sont des gens de parole, dirais-je pour paraphraser Gilles Vigneault. Et, pour moi, ce pays commence à Pointe-aux-Trembles, car ce sont ces gens, fiers d'être de l'est de l'île de Montréal, qui ont, le 29 avril 1970, pour la première fois de notre histoire, élu un député souverainiste à l'Assemblée nationale du Québec: c'était mon père, Marcel Léger, et je veux d'abord aujourd'hui lui rendre hommage.

Pendant plus de 15 ans, il a représenté ces gens et c'est à ses côtés que j'ai appris le métier que j'exerce à partir de ce jour. Quelle école et surtout quel professeur! Dans la même continuité et avec le même respect de la parole, le 9 décembre dernier, ces mêmes gens m'ont choisie pour les représenter. Aux gens du comté de Pointe-aux-Trembles, je veux dire que, moi aussi, je suis une femme de parole et que je partage leur fierté.

Cet appui que l'on m'a accordé il y a tout juste une semaine est aussi un appui clair au gouvernement du Parti québécois et à son chef, M. Lucien Bouchard, un appui à ses actions, un appui à ses intentions. Mais, c'est également un appui qui se fonde sur la certitude que les promesses seront tenues: l'élimination du déficit, la création d'emplois et ultimement la souveraineté du Québec. C'est donc principalement sur ces trois fronts que les gens de Pointe-aux-Trembles m'ont demandé de porter le flambeau.

Vous n'ignorez pas, M. le Président, que ce comté a souffert des décisions du fédéral en matière énergétique, ce qui a entraîné la fermeture de nombreuses raffineries et occasionné la perte de milliers d'emplois. C'est donc dans la foulée des décisions prises lors du récent Sommet sur l'économie et l'emploi que j'entends mener ma lutte. Je verrai à ce que Pointe-aux-Trembles soit partie prenante de ces décisions, que le comté en retire sa part des bénéfices, parce que vous savez que les seuls terrains libres sur la ville de Montréal se situent à l'extrême est de Montréal.

Pour la première fois au Québec, nous nous sommes dotés d'une politique nationale de l'emploi dont les retombées vont redonner leur fierté aux travailleuses et aux travailleurs de l'est de Montréal. En échange de ce mandat exigeant mais combien emballant qui m'a été confié, je ne peux que répondre en étant une députée présente, impliquée et disponible, autant pour le comté que pour le gouvernement dont je suis fière de faire partie. Cette fierté passe par le rassemblement des partenaires économiques et communautaires, par le consensus des forces vives et par une solidarité collective non partisane.

Notre jeunesse, nos citoyens veulent le meilleur et se doivent d'être exigeants auprès de nous, les élus. La communication avec eux et avec elles doit être continuellement maintenue et renforcée. Mais la fierté passe ultimement par l'accomplissement de la plus noble, de la plus engageante des missions, celle de la souveraineté du Québec, car c'est aussi pour la réaliser que les gens de Pointe-aux-Trembles m'ont élue. Ils savent et nous savons que c'est là l'outil essentiel pour nous donner pleinement notre dignité de Québécois et de Québécoises. Là encore, je tiendrai parole, car je vous entends demain parler de liberté! Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, bienvenue dans cette enceinte, bonne chance dans vos nouvelles fonctions. Et j'espère que vous n'intégrerez pas trop vite certains des travers de notre culture institutionnelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Ça m'inclut, bien sûr.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, d'abord, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 88

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre du Travail présente le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de congé annuel et de congé parental. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur les normes du travail afin d'augmenter la durée du congé parental de 34 à 52 semaines.

Ce projet de loi prévoit également la possibilité, pour un salarié justifiant entre un et cinq ans de service continu, de demander le nombre de jours de congé sans solde nécessaire afin de porter la durée de son congé annuel à trois semaines.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

M. Gobé: M. le Président. Comme critique de l'opposition officielle, avant d'accepter, je souhaiterais demander au gouvernement, vu qu'il dépose le projet de loi à la toute dernière minute dans cette session, que nous puissions tenir des audiences publiques et des consultations avec les citoyens qui sont concernés – ça touche leur qualité de vie, ça touche les entreprises – après la session.

Le Président: À ce moment-ci, la tradition veut que vous puissiez demander l'information au leader du gouvernement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je voudrais juste faire remarquer au député de LaFontaine qu'on vient tout juste de déposer le projet de loi. Il n'y a pas de précipitation dans le dossier. Alors, il y aura, à ce moment-là, l'occasion entre le député de LaFontaine et le ministre de se parler.

Le Président: M. le député.

M. Gobé: M. le Président, dans ces conditions-là, c'est avec plaisir que nous acceptons le dépôt du projet de loi.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée est saisie de ce projet de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article b de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 90

Le Président: À l'article b du feuilleton, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce présente le projet de loi n° 90, Loi modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité.

Une coopérative de solidarité regroupera à la fois les utilisateurs des services offerts par la coopérative des travailleurs oeuvrant au sein de celle-ci et, le cas échéant, d'autres personnes ou sociétés qui ont un intérêt économique ou social dans l'atteinte de l'objet de cette coopérative. Chacun de ces groupes de membres aura le droit d'élire au moins un administrateur.

La contribution des membres au capital social de la coopérative pourra varier selon le groupe auquel ils appartiennent.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article c de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 91

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le ministre délégué au Revenu présente le projet de loi n° 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu. M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Alors, il s'agit d'un projet de loi qui donne suite à une mesure prévue dans le discours sur le budget du 9 mai 1996.

Ainsi, le délai de prescription de trois ans applicable aux créances fiscales est remplacé par un délai de prescription de cinq ans.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, simplement pour vérifier s'il s'agit bien du projet de loi en vertu duquel le gouvernement veut changer les règles du jeu pour aller chercher un 300 000 000 $ additionnel dans les poches des contribuable. Et, si c'est le cas, est-ce que le gouvernement a l'intention de bousculer l'Assemblée nationale pour faire adopter ce projet de loi d'ici 48 heures?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. On m'avise que ce projet de loi est une suite directe du discours du budget qui a été prononcé au printemps dernier. Donc, il n'y a pas de surprise là-dedans. Et donc, à ce moment-là, c'est pourquoi il y a un dépôt, et je comprends mal la surprise du leader de l'opposition.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

(10 h 30)

M. Paradis: Juste sur le délai, M. le Président. Nous sommes aujourd'hui le 17 décembre. L'Assemblée nationale, suivant le règlement, met fin à ses travaux dans trois jours, le 20 décembre. Est-ce que le gouvernement a l'intention de bousculer l'Assemblée nationale pour aller chercher 300 000 000 $ additionnels dans les poches des contribuables?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, ce n'est pas de l'argent additionnel qu'on va chercher. C'est tout simplement des sommes qui sont déjà dues au gouvernement, tel qu'il a été annoncé lors du discours du budget au mois de mai dernier. Et c'est tout simplement ça.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Décret concernant une réduction du capital-actions émis et payé de SOQUIP et un remboursement correspondant de capital

M. Landry (Verchères): M. le Président, je dépose, conformément à l'article 5 de la Loi sur la réduction du capital-actions de personnes morales de droit public et de leurs filiales (1994, chapitre 45), le décret 1471-96, adopté à la séance du Conseil des ministres du 27 novembre 1996, concernant une réduction du capital-actions émis et payé de SOQUIP et un remboursement correspondant de capital.


Copie d'un contrat entre le gouvernement et la Banque nationale du Canada concernant la location de locaux pour les délégations

Également, M. le Président, à la demande de la députée de La Pinière, je dépose copie du contrat signé entre le gouvernement du Québec et la Banque nationale du Canada.

Le Président: Merci, M. le vice-premier ministre. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport annuel du ministère de la Santé et des Services sociaux

M. Rochon: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1995-1996 du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Rapport annuel de la Société québécoise de récupération et de recyclage

M. Cliche: Oui, M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport annuel 1995-1996 de la Société québécoise de récupération et de recyclage, mieux connue sous le nom de RECYC-QUÉBEC.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


Réponse à une question inscrite au feuilleton

M. Bélanger: M. le Président, je dépose la réponse à la question n° 22 inscrite au feuilleton du 19 novembre 1996 par le député de Pontiac.


Nouveau diagramme de l'Assemblée

Le Président: Et, de mon côté, je dépose le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale, daté du 17 décembre 1996.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, maintenant, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Étude détaillée du projet de loi n° 61

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 16 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 61, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Justice et d'autres dispositions législatives concernant l'administration et l'aliénation des produits de la criminalité. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. M. le vice-président de la commission du budget et de l'administration et député de Westmount–Saint-Louis.


Étude détaillée du projet de loi n° 128

M. Chagnon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 13 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est également déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 76

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 16 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Au dépôt de pétitions.

Il n'y a pas aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège et il n'y a pas non plus de votes reportés.


Questions et réponses orales

Alors, nous en arrivons immédiatement à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Utilisation des excédents actuariels des régimes de retraite des employés de la fonction publique

M. Johnson: Hier, je me suis entretenu devant tout le monde avec le président du Conseil du trésor sur son opinion, mais ce n'est pas une question d'opinion personnelle au sens du règlement, M. le Président, sur son évaluation et, je dirais, sur sa description de ce qui se passe véritablement dans les discussions qui sont en train d'intervenir, plus ou moins, avec les travailleurs du secteur public.

Ce que j'ai indiqué hier, c'est que, à l'évidence, il y a des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public au Québec qui ont cotisé pour leur régime de retraite pendant cinq, 10, 15, 20, 25 ans où, aujourd'hui, en raison de la conjoncture, prétend-on – à long terme, soupçonne-t-on – il se serait dégagé un surplus, là, au-delà des provisions qui sont nécessaires pour rencontrer les obligations des régimes de retraite pour ces gens-là. Il y aurait, selon des comptables qui sont dans le camp du premier ministre, du gouvernement, un soi-disant surplus ou excédent qui se serait dégagé par rapport à ces provisions.

En temps normal – et ça s'est déjà fait, là – ces sommes-là, contribuées par tout le monde, retournaient à tout le monde parce qu'elles appartiennent à tout le monde. Sauf que ce qu'on voit actuellement, c'est qu'une quinzaine de mille personnes, sur près de 400 000 dans le secteur public, vont bénéficier d'un montant forfaitaire. On va racheter leur emploi, à toutes fins pratiques, là. Ça peut être, en moyenne, 40 000 $, 45 000 $, 50 000 $, 55 000 $ par personne. Ça peut être très variable, on en convient.

Mais est-ce que ça ne signifie pas, pour le premier ministre, qu'en bout de course, en bout de course, pour ces gens qui ont contribué à leur régime de retraite, qui s'attendent à ce que ça leur revienne sous une forme ou sous une autre, ça ne leur reviendra pas et que 96 % des travailleurs du secteur public vont financer le départ de 4 % d'entre eux, leurs collègues qui ne seront plus dans le secteur public?

Est-ce que le premier ministre ne trouve pas qu'à toutes fins pratiques, là, c'est de piquer les régimes de retraite des travailleurs du secteur public qui sont en cause? Et est-ce que le premier ministre ne trouve pas que, dans le fond, il se comporte comme un pickpocket, là? Il va s'appeler «le pickpocket de Jonquière».

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que vous comprendrez qu'en vertu de notre règlement on ne peut attaquer la conduite d'un député. Quand on parle de «pickpocket», je pense que c'est un terme qui n'a pas sa place en cette Chambre, puis le chef de l'opposition ne devrait pas, à ce moment-là, l'utiliser, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Je ne sais pas qu'est-ce qui a piqué le leader du gouvernement, ce matin. Il n'y avait pas de question de règlement là.

Le Président: La question de règlement qui a été soulevée par le leader du gouvernement amène une fois de plus le président à indiquer qu'il a, lui seul, à apprécier le contexte, les propos et les mots qui ont été utilisés.

Dans l'intervention que je viens d'entendre, je pense qu'il fallait voir le mot dans un contexte qui n'était pas le contexte littéral que... Parce que, finalement... Écoutez, je pourrais vous en référer à plusieurs décisions qui ont été rendues par mes prédécesseurs. Et, à chaque fois qu'un président a eu à établir sa ligne de conduite à l'égard de propos antiparlementaires, ce n'est pas d'abord le mot en soi. C'est le contexte dans lequel il est aussi prononcé. C'est le sens général. C'est le sens du débat dans lequel l'échange se fait. Et, à ce moment-ci, je pense qu'on va plutôt permettre au premier ministre de répondre à la question.

M. Bélanger: Question de directive, M. le Président. J'aimerais comprendre la décision que vous venez de rendre, M. le Président. Vous le savez, je ne la contesterai pas. Donc, vous êtes en train de m'expliquer, M. le Président, qu'assimiler un ministre ou le premier ministre à un «pickpocket» – et j'essaie de comprendre comment un «pickpocket» peut être considéré comme un individu respectant la loi, M. le Président – alors vous me dites que c'est parlementaire et que c'est acceptable en cette Chambre? C'est ça?

Le Président: Je pense qu'on peut apprécier différemment, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, le sens du geste d'aller puiser des fonds dans une caisse de retraite pour les utiliser à des fins ou à d'autres. Certains peuvent associer ça à un geste qui peut avoir une...

(10 h 40)

À ce moment-ci, M. le leader du gouvernement, je vous indique que la décision que j'ai rendue, c'était à l'effet que, dans le contexte de l'appréciation que j'ai à faire à ce moment-ci, dans le contexte de l'échange et de la question, je pensais qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir, et je ne pensais pas qu'à ce moment-ci le chef de l'opposition traitait le premier ministre de ce que vous venez d'indiquer.

Je pense qu'on peut utiliser le terme au sens propre et à des sens figurés, et ça c'est vrai pas uniquement dans le débat public, mais également en littérature et dans bien d'autres domaines. Et, dans ce contexte-ci, je demande au premier ministre de répondre à la question.

M. Bouchard: M. le Président, moi, j'ai été élevé à Jonquière, puis ce n'était pas un beau mot, «pickpocket». Peut-être que c'est bien ici, je ne le sais pas, mais à Jonquière ce n'est pas beau.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

Le Président: Je pense, M. le premier ministre, que vous avez suffisamment d'expérience, non seulement en cette Chambre, mais dans un autre forum politique, pour savoir que les termes qu'on utilise dans un débat public, s'ils devaient être toujours pris au sens propre et au sens littéral, on n'en finirait plus de poser des questions de règlement et d'interdire aux députés de prononcer des propos ou de, finalement, faire le débat politique. Et, dans ce contexte-ci, au-delà de l'interprétation qui prévaut à Jonquière ou ailleurs, je pense que ce qui est le plus important, c'est que la réponse vienne maintenant.

Des voix: Oh!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, peut-être pour éclairer les membres de cette Chambre. Dans le dictionnaire, «pickpocket», c'est un voleur à la tire.

Le Président: Une des choses, M. le leader du gouvernement, une des choses que j'ai déjà dites, hein, c'est que le forum politique qu'est l'Assemblée nationale ne peut pas être présidé par personne dans la mesure où, finalement, on n'accepte pas que celui qui a la responsabilité de présider les travaux, finalement, puisse rendre des décisions et que ces décisions-là soient, dans le contexte du règlement, non appelables.

Jamais la présidence n'a prétendu être infaillible, mais, à partir du moment où une décision est rendue, si on conteste et qu'on attaque la crédibilité ou la position du président de l'Assemblée nationale, ça devient finalement intolérable et on est incapable de fonctionner. Dans ce contexte-ci, je pense qu'il y a lieu de mettre un terme à ce débat de procédure pour aller au fond des choses. M. le premier ministre. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Juste pour être clair, M. le Président. Je ne voulais pas contester votre autorité, je voulais juste la comprendre.

Le Président: M. le leader du gouvernement, il y a des façons de contester l'autorité du président, encore une fois, un peu comme le mot, hein, et, dans ce contexte-ci, je pense que ce qui est préférable, c'est que l'Assemblée continue d'être un forum où on va au fond des choses. M. le premier ministre, sur la question de fond.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Le gouvernement a noté et se réjouit du désir de la majorité des regroupements syndicaux de négocier une solution consensuelle avec le gouvernement dans le cadre de discussion que nous avons proposé. Nous avons aussi noté, bien sûr, que, pour certains, cela apparaît plus difficile, mais ce qui est certain, c'est que nous allons continuer, puisque nous avons une voie qui s'ouvre devant nous, à privilégier la voie négociée. Pourquoi? Parce que c'est certainement la plus bénéfique pour l'État, bien sûr, mais c'est aussi, de loin, la solution la plus bénéfique pour les salariés de l'État.

Alors, nous allons entreprendre, dans le délai que nous avons prévu, à compter du début de janvier, M. le Président, avec l'ensemble de tous les syndicats qui sont désireux de le faire avec nous, puis c'est la grande majorité, c'est même l'unanimité des grands regroupements syndicaux, cette négociation qui va durer 60 jours.

Mais il y a une chose qui est claire, c'est que les objectifs budgétaires du gouvernement sont incontournables et qu'en conséquence nous allons tout faire pour trouver une solution négociée à l'intérieur du délai qui est prévu, mais que, dans toutes circonstances, le gouvernement devra en tant qu'État, cette fois-ci, assumer ses responsabilités.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, en espérant que le député d'Anjou va laisser les gens qui posent des questions et ceux qui veulent donner des réponses s'exprimer ici, à l'Assemblée.

Est-ce que le premier ministre, dans le fond, n'est pas en train de dire que, si c'est à l'avantage de tout le monde, c'est que tout le monde dans le secteur public a l'occasion d'acheter l'équivalent d'un billet de Loto pour être parmi le 4 % sur 100 % de ceux qui vont bénéficier du retour des cotisations qui ont été versées par tout le monde pendant un quart de siècle, à peu près, là? Est-ce que, si on ne peut pas dire que le premier ministre – juste pour faire plaisir au député d'Anjou, là – est un «pickpocket», il ne trouve pas qu'il se comporte davantage comme un croupier qui est en train de vendre des billets de loterie, qui est en train de vendre des places autour d'une table de black-jack où il y a juste 4 % des employés du secteur de l'État qui peuvent gagner quelque chose aux frais du 96 % qui reste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai l'impression que le chef de l'opposition n'a pas compris le sens de la proposition gouvernementale qui a été acceptée par la totalité des six regroupements avec qui nous avons traité.

C'est un geste de solidarité que posent l'ensemble des salariés pour s'assurer qu'il y aura une diminution de la masse salariale. Les gens vont accepter de faire un effort pour que sortent 15 000 personnes à temps complet des réseaux, pour que les autres puissent en bénéficier du fait qu'ils n'auront pas, ensuite, à subir de diminution individuelle de salaire et aussi que l'État, leur employeur, puisse apporter la solution qui est requise à l'état des finances publiques.

Autrement dit, c'est la contribution que l'ensemble des salariés veulent faire au problème collectif du Québec. Et je ne sache pas que le chef de l'opposition puisse le leur reprocher. Je ne comprends pas que lui-même ne comprenne pas la solidarité qui est sous-jacente à l'acceptation syndicale.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer comment 80 000 ou 100 000 personnes qui se sont prononcées contre le fait qu'on se saisisse, qu'on confisque les cotisations qu'elles ont versées de bonne foi à leur régime de retraite, croyant qu'un jour elles pourraient en bénéficier, est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer comment ceux qui sont contre manifestent de la solidarité? Ou est-ce qu'il est en train de dire que les gens qui ont l'âme assez basse pour voter contre la confiscation de leur régime de retraite ne méritent pas d'être dans le secteur public, puis c'est eux qu'il veut mettre à la porte?

De quoi parle-t-il, exactement? Est-ce qu'il ne se rend pas compte qu'en réalité, au lieu de prendre à très peu de gens, comme le voudrait d'habitude Robin des Bois, pour remettre à plusieurs qui sont plus pauvres, il est en train de faire le contraire, puis qu'il se comporte comme le shérif de Nottingham, ou le shérif de Jonquière: il l'arrache à 96 % des gens pour le donner à 4 %? Voyons donc!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que le chef de l'opposition s'est égaré dans la forêt de Sherwood.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Premièrement, il dit qu'il y a 100 000 personnes qui se sont prononcées contre. Il fait un bon marché du processus démocratique syndical qui va faire en sorte que les gens se prononceront. Les 100 000 personnes ne se sont pas encore prononcées. Ces 100 000 personnes seront appelées, dans des assemblées syndicales démocratiques, à prendre position. Et alors, je pense qu'on devrait attendre. Peut-être que ces gens-là sont plus solidaires envers le problème du Québec que ne l'est le chef de l'opposition. Attendons de voir la réaction de la base, M. le Président. C'est elle qui décide ultimement.

Deuxièmement, le gouvernement, dans la proposition – puis ça a été très bien vu par les centrales syndicales qui l'ont acceptée – garantit l'intégrité du régime de retraite, M. le Président.

Et, troisièmement, nous allons négocier avec les gens qui veulent négocier. Mais il est évident qu'il n'y aura pas deux traitements de faveur: ceux qui veulent négocier puis ceux qui ne veulent pas négocier, là. C'est que la règle va être commune à la fin de tout ça, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre, d'une part, se rend compte que, s'il est en train d'expliquer aux salariés du secteur public qu'il ne leur volera pas leur régime de pension, il n'en reste pas moins qu'il est en train de leur piquer leurs cotisations? Première des choses. Ça, c'est bien évident.

Et, deuxièmement, quelle est la réponse du premier ministre, quelle est la réponse du premier ministre à un employé, et à plus forte raison à 20 000, ou 50 000, ou 100 000 employés du secteur public qui disent: Moi, ma cotisation que je verse depuis 20 ans, je veux qu'elle me serve à moi; je ne veux pas acheter le départ de certains de mes collègues? C'est ça que 96 % des gens vont reconnaître. C'est ça que des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public sont en train de dire: Qu'est-ce qui arrive à ma cotisation? Qu'est-ce que le premier ministre a à leur répondre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, on vient d'entendre un vibrant appel à l'égoïsme. Mais il se trouve que les salariés de l'État ne le voient pas comme ça. Ils pensent qu'ils doivent se mettre ensemble – les centrales sont d'accord, les syndicats aussi – pour trouver des solutions qui vont partiellement contribuer au règlement du problème de l'État et du Québec. Ce sera leur contribution à eux, en plus de préserver leurs droits fondamentaux dans les régimes de retraite, de préserver leur emploi et de préserver le niveau de leur salaire.

Des voix: Bravo!

(10 h 50)

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis, en principale.


Départ sans remplacement de 15 000 personnes dans la fonction publique

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Le premier ministre est toujours optimiste et il se réjouit toujours de la réponse de ses partenaires syndicaux, malgré le fait qu'il ait fait la première offre le 13 novembre, la deuxième le 19 novembre, la proposition gagnante, et une troisième le 11 décembre. Toutefois, on est obligés de se poser des questions sur le rendement de ses offres, parce que, à chaque fois, il a été obligé de déplacer ses échéanciers. Pas plus tard qu'avant-hier, l'échéancier pour faire en sorte de récupérer 100 000 000 $ de l'entente qu'il a avec les six syndicats a été déplacé, encore une fois, pour après les Fêtes.

Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte que, lorsque la Fédération des affaires sociales suggère à ses membres de voter contre sa proposition – ils sont 95 000, éventuellement, à pouvoir lui dire non – lorsque le Syndicat canadien de la fonction publique, avec ses 20 000 membres, suggère la même chose, il arrive que tout le secteur de la santé risque de lui dire non?

Dans le cas de l'éducation, hier, j'ai soulevé la question à l'effet que la mécanique, la mécanique même de l'organisation de l'éducation à cause des ratios maître-élèves – un professeur par 25 élèves, par exemple – rend impossible le non-remplacement des personnes que sa contre-proposition suggère, M. le Président. Qui le premier ministre cible-t-il dans sa contre-proposition qui cherche à diminuer la réduction des coûts de main-d'oeuvre, qui cherche-t-il à cibler des 15 000 personnes ou des 15 000 postes qu'il veut enlever dans la fonction publique, puisque ça ne peut pas être ailleurs?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Le gouvernement n'a pas désigné de cible, mais nous avons un objectif global de 15 000 personnes au moins de diminution des effectifs et nous allons faire la répartition de tout cela, de consentement, en négociant avec des partenaires qui connaissent bien le dossier eux aussi, ils connaissent bien les réseaux, ils savent comment ça fonctionne, qui en connaissent la diversité et qui, avec nous, vont déterminer l'application de cette solution. Il s'agit, autrement dit, M. le Président, de venir à la table – c'est ce que les syndicats ont accepté de faire – pour opérer cette démarche, et nous sommes convaincus, parce que nous avons des solutions dans les dossiers – puis nous en avons déjà discuté, c'est déjà évoqué dans des discussions préliminaires avec des vis-à-vis – que nous avons les solutions pour arriver aux résultats escomptés. Je demanderais au député de ne pas trop se réjouir à l'avance du rejet de la proposition gouvernementale dans le domaine de la santé, parce que la base va décider. Je doute fort qu'elle entende l'appel qu'il lui lance de la rejeter.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: Le premier ministre, qui veut réduire les coûts de main-d'oeuvre, est-ce qu'il sait qu'en même temps que sa contre-proposition cherche à favoriser le départ sans remplacement, au 1er juillet, de 15 000 personnes, sait-il qu'en même temps, à la fin d'août, nous aurons à engager 2 600 professeurs pour la maternelle, dans chacune des commissions scolaires? Est-ce que ça implique que la contre-proposition du premier ministre estime qu'il faudra augmenter à 17 600 le nombre de postes à être remplacés ou à être coupés, pour permettre le remplacement de 2 600 ou l'augmentation de 2 600 nouveaux postes, qui coûteront 100 000 000 $, dans le secteur de l'éducation?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, j'ai assisté à ces débats, M. le Président, qui ont eu lieu hier soir, en cette Assemblée, entre le député de Westmount–Saint-Louis et le président du Conseil du trésor, où on a essayé d'interpréter, de toute espèce de façon, ces fameux 2 400 postes qui s'ajouteront dans la perspective de l'implantation des maternelles plein temps, de même que de services éducatifs aux enfants de 4 ans dans des milieux défavorisés.

Dans ce sens-là, les postes que nous ajouterons seront assumés par des réallocations de budget que nous investissons déjà, M. le Président, soit par des mesures fiscales ou soit par des allocations que nous versons aux parents. Donc, nous n'ajoutons pas ou nous n'augmentons pas la charge globale de l'État, et, en ce sens, lorsque nous parlons des 15 000 postes que nous voulons éliminer dans l'ensemble de l'appareil et public et parapublic, nous parlons des 15 000 postes à travers les postes existants nous permettant de réduire une portion de coûts de main-d'oeuvre dans l'ensemble des budgets de l'État.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Journée d'étude décrétée par les médecins

M. Marsan: M. le Président, les négociations entre la Fédération des affaires sociales, le Syndicat canadien de la fonction publique et le gouvernement ont lamentablement échoué. Ces syndicats représentent plus de 125 000 employés syndiqués dans le secteur de la santé. S'ajoutent à cela, M. le Président, les médecins radiologistes qui manifestent leur opposition au plafond salarial imposé par le ministre de la Santé en fermant leurs cabinets privés d'ici la fin décembre. De plus, les médecins omnipraticiens, les médecins spécialistes et les médecins résidents seront en grève demain pour évaluer la baisse de 6 % dans leurs salaires et dans leurs dépenses que le gouvernement veut leur imposer.

En somme, M. le Président, comme le dit souvent le ministre de la Santé, tout ça, ça a été planifié dans les moindres détails, même les grèves, M. le Président.

M. le Président, ma question au ministre de la Santé: Quelles mesures le ministre de la Santé a-t-il prises pour qu'il n'y ait pas de grève de médecins demain?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, j'ai rencontré la semaine dernière les représentants des deux fédérations de médecins, les médecins spécialistes et les médecins omnipraticiens. J'ai eu l'assurance, dans la conversation, la discussion que nous avons eue, que la journée d'étude que tiennent les médecins demain se fera dans le plus grand respect des droits aux services de la santé pour tous les gens du Québec et qu'on va assurer, dans les hôpitaux, dans les CLSC, dans l'ensemble des établissements, l'accès aux services de santé pour les cas d'urgence ou les besoins qui ne peuvent pas attendre pendant 24 heures.

De plus, je dois dire, M. le Président, qu'avec les deux fédérations de médecins, nous n'avons aucune difficulté dans les discussions. Ils n'ont pas besoin d'aller chercher des mandats, ils ont déjà des mandats. Nous avons déjà un agenda complet de discussions pour regarder l'ensemble de la situation et voir comment les médecins peuvent en toute équité contribuer avec l'ensemble des travailleurs et des professionnels du Québec pour assainir les finances publiques et pour relancer le système de santé et de services sociaux vers l'an 2000, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: M. le Président, comment le ministre peut-il nous dire que tout est sous contrôle ici, à l'Assemblée nationale, alors que sur le terrain rien ne va plus? Est-ce que le ministre peut descendre de sa tour d'ivoire, retourner dans les hôpitaux, écouter le mécontentement des employés, des médecins et non pas fuir comme il l'a fait à la Cité de la santé de Laval?

Des voix: Bon.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je l'ai déjà dit dans cette Chambre, en répondant à des questions dans les derniers jours, qu'au cours des dernières semaines je suis retourné dans huit des régions du Québec, et il y a un complément de tournée qui est prévu pour le mois de janvier. Et il ne se passe pas un mois, M. le Président, sans que je passe quelques jours dans différentes régions du Québec pour rencontrer les travailleurs de la santé dans les établissements, les médecins dans les hôpitaux au niveau des commissions médicales et les régies régionales. Et je peux assurer la population du Québec, M. le Président, que présentement les professionnels de la santé font un effort énorme, font un témoignage de conscience professionnelle et de sens de l'éthique très élevé pour être capables de faire valoir leurs droits et leur point de vue correctement, mais en respectant les clients, les patients et en assurant et en maintenant les services dont ils ont besoin. C'est ça qu'est l'état sur le terrain présentement. Les gens discutent, sont prêts à faire valoir leurs droits, mais en respectant ceux des autres, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: Est-ce que le ministre peut cesser de jouer à l'endormeur de serpents et, si tout va si bien, comme il l'a dit, pourquoi les médecins font-ils la grève demain?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, les médecins ont annoncé – c'est ce qu'on voit dans tous les journaux ce matin – qu'ils font une journée d'étude demain. Ça veut dire qu'il y a un bon nombre d'entre eux qui seront en réunion. Je pense qu'on ne peut pas les empêcher de réunir l'ensemble des médecins pour les informer de la situation actuelle et pour discuter entre eux. Ils ont assuré, et c'est partout qu'ils l'ont répété, que les services qui sont requis, qui doivent être maintenus seront maintenus. Je pense, M. le Président, que, si le député de Robert-Baldwin, quand il circule un peu sur le terrain, comme il semble nous le dire, écoutait ce que le monde dit...

Des voix: ...

(11 heures)

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la bonne foi se présume, alors, s'il dit qu'il va sur le terrain, jusqu'à preuve du contraire, je vais le croire. Mais, s'il écoutait vraiment le monde quand il circule au lieu de s'écouter parler, M. le Président, il reviendrait avec un message différent.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Rivière-du-Loup.


Objectif de compressions budgétaires à réaliser

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Au départ de son processus de négociations, le premier ministre avait fixé le montant de récupération espéré à 1 400 000 000 $. Aujourd'hui, on sent que l'urgence a un peu diminué depuis la rencontre de négociations et que la somme espérée a diminué aussi; on parle maintenant de 800 000 000 $. Alors, si on fait la différence entre les deux, rapidement on s'aperçoit qu'il y a un 600 000 000 $ qui manque et qui est disparu en cours de route. Par hasard, c'est un ordre de grandeur, 600 000 000 $, qui n'est pas très loin de ce que ça donne, au Québec, d'augmenter de 1 % la taxe de vente du Québec.

Ma question au premier ministre est bien simple: Où le premier ministre compte-t-il trouver les 600 000 000 $, sinon dans les poches des contribuables?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, là, je pense que c'est uniquement une question d'arithmétique. Il dit qu'il ne retrouve plus le 1 400 000 000 $; il est encore là. Le gouvernement va récupérer 1 400 000 000 $ dans sa masse salariale. Il y a 400 000 000 $ qu'il va réaliser par son droit de gérance, qui est le sien, à même des personnels où il peut agir; deuxièmement, il y a un autre 200 000 000 $ qu'il va réaliser sur d'autres personnels, comme les médecins, comme les juges, comme les députés – parce qu'on va en parler aux députés – comme les ministres, comme le personnel politique; et un autre 800 000 000 $ qu'on va récupérer de nos négociations qu'on entreprend maintenant avec les partenaires syndicaux. Ça, ça fait 1 400 000 000 $, et ça va se réaliser certainement!

Une voix: C'est ça.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Alors, est-ce que, dans ce cas-là, le premier ministre peut nous expliquer comment la consultation prébudgétaire sur les revenus, qu'il a annoncée, qu'il a promise aux syndicats, comment il a pu les convaincre d'accepter l'offre, de rentrer en négociations s'il ne leur a pas déjà promis, dans cette consultation prébudgétaire sur les revenus, d'augmenter les taxes et les impôts des contribuables, tel qu'eux-mêmes l'avaient demandé?

M. Landry (Verchères): M. le Président...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): ...il a été dit de façon très claire par les leaders syndicaux eux-mêmes que le budget du Québec n'est pas négociable. Par ailleurs, les syndicats et autres agents économiques ont collaboré d'une façon extraordinaire à la commission D'Amours sur la fiscalité, qui a eu six mois pour examiner la question, et certains aspects des recommandations de cette commission auraient intérêt à faire l'objet d'un plus vaste débat et d'un plus vaste forum. C'est comme ça que la démocratie québécoise est en oeuvre.

Cependant, regardez le texte même de l'offre gouvernementale, il n'est pas question que quoi que ce soit soit négocié, des privilèges de cette Assemblée d'approuver les budgets.

Le Président: En complémentaire? En complémentaire, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, dans sa longue série de postes, est-ce que le premier ministre a pensé ou a oublié la Sûreté du Québec, dans les gens ou le groupe de ceux de qui il veut récupérer 6 %, entre autres, de leur salaire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il n'y aura pas de distinction de faite au Québec entre les citoyens, c'est un effort collectif que nous faisons. Vous n'avez pas compris, dans l'opposition, que c'est tout le monde qui va être mis à contribution. Il y a la masse salariale qui est en cause, il y aura le budget qui va intervenir pour répartir les efforts de l'ensemble de la population. Le Québec est convié à une corvée nationale, une corvée de solidarité pour qu'on sorte du trou où des gens comme vous autres nous ont mis.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en complémentaire.

M. Dumont: Oui. Est-ce que le premier ministre, quand il parle du budget qui va impliquer un effort collectif de l'ensemble de la population, est-ce qu'il parle d'un effort fiscal, donc encore des augmentations de taxes dans le prochain budget?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le budget ne sera pas un document clandestin, il va être lu avec fierté par le ministre des Finances, et j'invite le député de Rivière-du-Loup à être présent quand il sera lu.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Utilisation par les commissions scolaires de la subvention allouée au programme Lait-école

M. Ouimet: Merci, M. le Président. M. le Président, le Lait-école est un symbole important au Québec et c'est une mesure inscrite dans le Plan d'action sur la réussite éducative. Selon le ministère de l'Éducation, cette mesure vise à contrer en partie les effets de la sous-alimentation chez les élèves du préscolaire et du primaire dans les milieux les plus défavorisés.

Récemment, des parents m'informaient que les commissions scolaires n'utilisent pas tout l'argent prévu pour la mesure Lait-école pour l'achat de lait. J'ai effectué des vérifications. Selon les chiffres officiels du ministère de l'Éducation, voici la situation pour l'ensemble des commissions scolaires au Québec: pour l'année scolaire débutant en septembre 1994, 5 900 000 $ ont été alloués pour la mesure Lait-école et seulement 4 900 000 $ ont été utilisés pour l'achat de lait, soit un écart de près de 1 000 000 $; pour l'année scolaire débutant en septembre 1995, 5 900 000 $ ont été alloués pour la même mesure et seulement 4 000 000 $ auraient été utilisés pour l'achat de lait, soit un écart de près de 2 000 000 $. Les données pour l'année scolaire 1996-1997 ne sont pas encore disponibles.

Ma question: La ministre de l'Éducation peut-elle nous expliquer pourquoi le montant alloué aux commissions scolaires pour la mesure Lait-école ne semble pas entièrement utilisé pour l'achat de lait pour les élèves de milieu défavorisé?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: M. le Président, je remercie le député de sa question, ça me permettra d'informer les membres de cette Assemblée. Je pense que lui-même le sait sûrement, peut-être quelques collègues d'entre nous l'ignorent, mais vous savez que nous avons ajouté, cette année, au budget particulier qui est géré par le Conseil scolaire en collaboration avec les commissions scolaires, 2 000 000 $ pour venir en aide aux enfants montréalais qui fréquentent l'école montréalaise et qui vivent des situations de pauvreté plus importantes que d'autres enfants à travers le Québec. Donc, nous avons ajouté des ressources à cet égard.

D'autre part, sur la question plus pointue et plus précise du député, je dois dire qu'à ce moment-ci je vais prendre avis et je vais vérifier si effectivement les sommes affectées ont bien été versées, si elles ne l'ont pas été aux fins pour lesquelles elles sont prévues et, si elles ne l'ont pas été, pourquoi elles ne l'ont pas été, et je répondrai au député, M. le Président, dans les prochains jours.

Le Président: En principale, M. le député de Châteauguay.


Appui à la candidature de Moncton pour la tenue du Sommet de la francophonie de 1999

M. Fournier: Oui. Merci, M. le Président. Le 27 mai 1994, l'actuel premier ministre était à Shediac, au Nouveau-Brunswick, il prononçait un discours. Je vais en citer quelques extraits: «Nous devons puiser dans l'inspiration généreuse qui alimente notre destin commun en terre d'Amérique au moment même où la francophonie internationale s'ouvre à toutes les possibilités.»

Un autre extrait: «Nous appuierons dans toutes les instances internationales appropriées la revendication de vos droits historiques et constitutionnels.»

Un dernier extrait, M. le Président: «Je pense au nécessaire renforcement du rôle et de la visibilité des bureaux du Québec au Canada, tout en assurant aux communautés francophones et acadiennes une plus grande visibilité non seulement au Québec, mais dans la communauté francophone internationale. En ce sens, il importe de favoriser leur représentation dans les forums internationaux.»

(11 h 10)

M. le Président, comment le premier ministre, après ce vibrant témoignage, peut-il expliquer que son gouvernement ait refusé hier, alors que le ministre responsable de la francophonie canadienne était présent, de donner son consentement à une motion visant à appuyer la candidature de Moncton, au Nouveau-Brunswick, en vue du Sommet de la francophonie de 1999, reniant ainsi ses engagements à l'égard du rayonnement de la langue française au Canada et prouvait encore une fois que, bien qu'il soit un homme de beaucoup de mots, il n'est pas un homme de parole, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'étais à Montréal hier avec une centaine de gens d'affaires qui partent avec moi en mission en Asie pour créer de l'emploi au Québec; j'ai donc raté cet échange courtois entre le député et un vis-à-vis ministériel. Mais je suis très heureux de dire que ce gouvernement réitère son appui à la francophonie internationale, accueille favorablement la candidature de Moncton pour la tenue du Sommet de la francophonie de 1999, que le gouvernement du Québec appuiera lors du choix de la ville hôte qui aura lieu en novembre 1997, à Hanoi, au prochain Sommet de la francophonie. Donc, je suis très heureux de le dire, de l'annoncer, parce que, en effet, il faut que le Québec appuie la place de nos frères et soeurs francophones hors Québec dans la francophonie internationale, internationale, je dis bien, M. le Président. Et l'un des gages qu'on peut donner en effet, c'est d'accueillir favorablement cette demande de tenir le prochain sommet francophone, après celui de Hanoi, à Moncton. Et le gouvernement aura tout à l'heure l'honneur de présenter une motion en ce sens.

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, est-ce que le premier ministre, qui nous a fait état de la motion qu'il veut présenter, peut constater qu'elle est différente de celle d'hier, dans la mesure où ce que nous demandions au gouvernement et à cette Assemblée d'accepter, c'est que le gouvernement ne se limite pas à appuyer en novembre, mais appuie dès aujourd'hui les démarches du Nouveau-Brunswick, l'accompagne dans ses démarches pour faire en sorte que le rayonnement de la langue française au Canada soit un objectif qui est prioritaire pour tous, et non pas d'attendre en novembre? Est-ce que le premier ministre peut s'engager à cela?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: C'est vrai qu'il y a une légère différence de formulation, mais, en ce qui concerne l'appui, il est là. Il est acquis, l'appui. Mais nous savons bien, par exemple, que la décision va se prendre à Hanoi. Donc, c'est un geste, et c'est un conseil que je donne à nos amis d'Ottawa et de Moncton, que, pour réussir, il faut être polis avec nos collègues internationaux, il faut donc réserver la décision à Hanoi, mais nous serons tous là avec eux pour les appuyer dans leur demande. Mais la grande différence, c'est que la motion du Parti libéral, M. le Président, restreignait à la francophonie canadienne le rôle des Acadiens et des francophones. Ce n'est pas vrai qu'on se limite au Canada quand on est francophone. On est universel, M. le Président, et nous voulons l'universalité également pour les gens de Moncton.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Enquête relative au décès de deux Montagnais sur la rivière Moisie en 1977

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre de la Sécurité publique a annoncé hier qu'il n'y aurait pas d'accusation relativement au décès de deux Montagnais survenu en 1977; il ferme le dossier. À l'émission Enjeux , cependant, Radio-Canada a révélé, en février 1996, des faits extrêmement troublants dans toute cette affaire, M. le Président.

Selon le ministre de la Sécurité publique, le substitut du Procureur général, Me André Vincent, serait arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de porter d'accusation au criminel. La communauté montagnaise de Sept-Îles dénonce le processus d'enquête de la Sûreté municipale de Québec, qui s'est passée à huis clos. La communauté montagnaise est intimement convaincue que toute la vérité n'a pas été faite, et le chef montagnais a fait les commentaires suivants, le chef montagnais Jacques Jourdain: «Il y a trois justices: une pour les gens fortunés, une pour les pauvres et une troisième pour les Indiens.»

M. le Président, ma question au ministre de la Sécurité publique: Est-ce qu'il ne considère pas qu'il y a dans ce dossier tous les éléments exceptionnels qui justifient la tenue d'une enquête publique pour garantir que toute la justice et toute la lumière, M. le Président, auraient été faites?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, effectivement, nous avons rendu publiques hier les conclusions de l'enquête policière qui a été faite par le service de la police de Québec. C'est une enquête que j'ai commandée immédiatement après l'émission Enjeux qui faisait état d'un certain nombre d'allégations nouvelles dans le cas du dossier de la rivière Moisie.

Il faut rappeler, M. le Président, qu'il y avait déjà eu, bien sûr, en 1977 – c'est des événements qui remontent loin en arrière – une première enquête policière, une enquête du coroner. Elle avait été suivie, en 1978, d'une deuxième enquête, à la demande du coroner. Elle avait été suivie, en 1984, d'une enquête de la Commission des droits de la personne, M. le Président, et à chaque fois ces enquêtes s'étaient avérées négatives.

Dans le cas présent, nous avons donc procédé, je pense, avec diligence. Les résultats de l'enquête ont été communiqués, à ma demande, à la famille hier et au conseil de bande, avec les policiers. Et donc, les principales conclusions de cette enquête ont été rendues publiques.

M. le Président, à la demande même de la famille, que j'ai rencontrée au mois d'août dernier, nous avons convenu avec le ministère de la Justice d'affecter à l'étude des conclusions de l'enquête policière un procureur. Ç'a été le substitut du procureur pour le district judiciaire de Montréal, Me Vincent. Et sa conclusion est la suivante – elle va dans le même sens que le rapport policier; je me permets d'en lire un extrait rapidement – «Je suis d'opinion que les éléments de fait que vous avez recueillis ne nous permettent pas de conclure à la commission d'un acte criminel, et nous vous suggérons en conséquence de clore votre dossier.»

M. le Président, tout en sympathisant avec la famille, je crois, dans les circonstances, qu'à moins que des éléments nouveaux ne surgissent ou ne surviennent ce qui devait être fait pour établir ce qui s'est passé a été fait et que les conclusions de quatre enquêtes, dont la dernière enquête policière, l'étude faite par le substitut du procureur, mènent au fait que les deux personnes, M. Volant et M. Régis, sont mortes par noyade. Et je m'en tiens pour l'instant à cela.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre ne reconnaît pas qu'il y a des circonstances, des faits troublants qui demeurent sans réponse, qui soulèvent toutes sortes de questions, toutes sortes de spéculations, et que la seule façon – comme le ministre l'a fait dans d'autres dossiers semblables – pour que la vérité soit établie de façon totale, hors de tout doute, et surtout de convaincre et de rassurer plein de gens interpellés, concernés par ces événements-là, c'est qu'il n'y a pas d'autre choix, justement, que d'ordonner l'enquête publique?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: Oui, M. le Président. J'ai vu que M. Jourdain, le chef du conseil de bande, avait demandé à me rencontrer. J'ai déjà indiqué que j'accepterais de le rencontrer. Je pense, là-dedans, que la volonté du gouvernement est de mettre les choses les plus claires possible. C'est dans cet esprit-là également que, hier, quelqu'un du ministère, avec les policiers qui ont fait l'enquête, a rencontré la famille et le conseil de bande. Mais, en même temps, je suis obligé de dire qu'à moins de recommencer pour une cinquième fois une enquête il faut se rendre, à un moment donné, à un travail qui a été fait, qui a été fait correctement, de l'avis même du substitut du procureur.

Je dois ajouter, M. le Président, que, tout au cours de l'enquête policière, il y a eu également un procureur du ministère de la Justice qui a accompagné le travail policier. À cette étape-ci, je n'ai pas de raison de croire que le travail n'a pas été fait correctement. Et l'enquête policière reprend toute une série des allégations qui ont été faites par l'émission Enjeux , a revu plus de 45 nouveaux témoins, a interrogé ces gens-là. L'enquête policière fait état, par exemple... est très claire sur toutes les questions autour de la peinture, autour des questions de nouveaux témoins. Et, encore une fois, M. le Président, à cette étape-ci, pour aujourd'hui, à moins que des faits nouveaux n'émergent de tout ça, je m'en tiens aux conclusions de ces enquêtes.

Le Président: En complémentaire?

Mme Frulla: En principale.

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Conséquences pour Montréal du projet de loi n° 67 instaurant une procédure de révision en matière d'évaluation foncière

Mme Frulla: M. le Président, je me vois encore aujourd'hui dans l'obligation de me lever relativement à un autre dossier majeur pour la métropole, sur lequel notre ministre de la Métropole brille par son silence.

Nous aimerions savoir... Au ministre de la Métropole: Qu'est-ce que le ministre de la Métropole... ou, enfin, quelle est la position du ministre de la Métropole concernant l'article 53 du projet de loi n° 67?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: M. le Président, je suis dans la même ignorance que vous et que madame. Je veux dire, dites-moi de quoi il s'agit puis je vais vous répondre.

Maintenant, je voudrais signaler encore une fois les préambules qui sont sujets à discussion. La critique de l'opposition ne semble pas comprendre ce qu'est le rôle d'un ministre. Le rôle d'un ministre, lorsqu'il défend ses dossiers, ce n'est pas de les défendre dans les journaux, c'est de les défendre dans les comités ministériels où il siège puis ailleurs. Et, quand, justement, il réussit, les problèmes ne paraissent pas. Mais il n'y a pas beaucoup de problèmes qui ont paru, n'est-ce pas, d'incohérence gouvernementale, à date...

(11 h 20)

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée pour aujourd'hui. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Sur la dernière réponse du ministre responsable de la Métropole, est-ce qu'on doit comprendre qu'il prend avis de toute la question touchant la désynchronisation de l'évaluation municipale à Montréal?

Le Président: Vous savez très bien, M. le leader de l'opposition officielle, que ce n'est pas une question de règlement. Non.

Alors, il n'y a pas de réponses différées.

Il n'y a pas non plus de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons à l'étape des motions sans préavis. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


Appuyer la candidature de Moncton pour la tenue du Sommet de la francophonie de 1999

M. Brassard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale réitère son appui à la francophonie internationale et accueille favorablement la candidature de Moncton pour la tenue du Sommet de la francophonie de 1999, que le gouvernement québécois appuiera lors du choix de la ville hôte qui aura lieu en novembre 1997 à Hanoi, lors du prochain Sommet de la francophonie.»

Le Président: Avant de demander s'il y a consentement pour débattre de cette motion, je demanderais à ceux et celles qui doivent quitter l'enceinte de le faire pour que nos discussions puissent se faire correctement.

Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, il y aurait consentement pour un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Une intervention de chaque côté. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. D'abord, une remarque qui s'impose à la suite de l'interrogation, tout à l'heure, du député de Châteauguay à l'endroit du premier ministre. Il convient de mentionner, et je pense que c'est important de le faire, que le seul gouvernement du Québec qui a conçu, élaboré et mis en oeuvre une politique articulée à l'égard des francophones hors Québec et des Acadiens, c'est ce gouvernement-ci, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois.

Des voix: Bravo!

M. Brassard: Et j'en profite pour rendre hommage à ma collègue ministre de la Culture qui, à ce moment-là, était ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes. C'est elle qui a annoncé cette politique et qui en a enclenché la mise en oeuvre.

Des voix: Bravo!

M. Brassard: La semaine dernière, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Nouveau-Brunswick nous ont informés de leur décision de présenter la candidature de Moncton pour le Sommet de la francophonie qui aura lieu, comme je le disais dans la motion, en 1999. Il va sans dire, M. le Président, que les liens historiques qui lient le peuple québécois au peuple acadien nous imposent en quelque sorte un devoir, je dirais, de solidarité envers nos voisins, un devoir de fraternité envers nos voisins.

Depuis plusieurs mois, cependant, certains de nos amis de la francophonie – et le Québec en compte de nombreux – ont émis certaines réserves non pas sur la qualité de la candidature de Moncton, mais quant au moment choisi ou à l'année, soit 1999. Certains affirment, dans certains pays, que d'autres régions attendent toujours la possibilité de recevoir les pays francophones. C'est le cas du Maghreb, l'Europe de l'Est aussi et le Moyen-Orient, alors que l'Amérique du Nord, on le sait, a déjà eu, à Québec, en 1987, l'occasion de recevoir les chefs d'État et de gouvernement des pays qui ont le français en commun, en partage.

Alors, c'est des arguments qui ne sont pas sans intérêt, qui ont du mérite, et nous comprenons qu'ils doivent être soupesés, évalués et considérés lors des débats qui auront lieu à Hanoi l'an prochain sur cette question, et non pas à Marrakech où sont réunis présentement les ministres des pays francophones. Ce n'est pas à ce moment-là que le débat doit se faire. Le choix pour 1999, ça doit se faire à Hanoi en novembre. Il me semble que ce n'est pas de bonne politique ou de bonne stratégie, oui, que d'indisposer certains amis de la francophonie en voulant forcer le débat à ce moment-ci, c'est-à-dire à Marrakech. Il y a une question de stratégie là-dedans. Si on veut avoir le plus d'appuis possible pour Moncton, je ne pense pas que ce soit le moment d'indisposer nos amis francophones. Bon.

Une voix: Tu ne connais rien là-dedans.

M. Brassard: Alors, oui, je pense que c'est une remarque judicieuse. Je la répète et je la reprends. Disons à l'opposition: Laissez faire le gouvernement. Je pense que ça va être pas mal plus judicieux comme action, puis ça va aider pas mal plus le peuple acadien et l'Acadie.

Des voix: Bravo!

M. Brassard: D'autant plus que ça vient d'un parti qui a été neuf ans au gouvernement puis qui n'a pas jugé utile, pendant tout ce temps-là, d'initier un embryon de politique à l'égard des francophones hors Québec et du peuple acadien. Alors, vous n'avez pas vraiment de leçon à nous donner.

Donc, je conclus en disant que, si la francophonie doit retenir et choisir Moncton pour 1999, nous croyons – et c'est pour ça d'ailleurs que nous y sommes favorables – que ce sera un formidable tremplin pour faire connaître au monde, au monde entier, la ténacité, la vitalité, la créativité du peuple acadien. Et le gouvernement du Québec sera, bien sûr, à ce rendez-vous.

Une voix: Très bien!

Des voix: Bravo!

Le Président: Sur la même motion, M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. C'est avec beaucoup de plaisir que je me lève sur cette motion, qui diffère de celle d'hier. Je vais l'expliquer, les modifications, au cours de ce débat, M. le Président. Simplement pour noter que c'est assez étrange, toute cette nouvelle énergie à appuyer Moncton aujourd'hui était absente hier. Le même ministre, M. le Président, était là, est resté silencieux. Aujourd'hui, il nous explique que la raison pour laquelle il est resté silencieux hier, c'est une question de stratégie. Il fallait attendre novembre, à Hanoi. Puis, aujourd'hui, le lendemain, le 17, il se lève à Québec, et là, tout à coup, il rompt le silence. Alors, il y a toujours cette incohérence qu'on retrouve au sein du gouvernement.

Mais je passe rapidement là-dessus, M. le Président, parce que l'important ici, ce n'est pas vraiment de savoir s'il y a incohérence de la part du gouvernement...

Une voix: On le sait.

M. Fournier: ...ils sont revenus à une piste qui me semble celle qui doit être dite tout le temps, à tous les jours. Hier, on aurait dû commencer. Aujourd'hui, on les a rappelés à l'ordre, ils sont revenus, on est bien contents que l'ensemble de l'Assemblée nationale puisse se lever debout et dire: Nous accompagnons nos frères acadiens, M. le Président.

D'ailleurs, je note ce passage qui est changé de la motion d'hier, alors que le premier ministre s'est levé tantôt pour dire qu'il en appelait à l'universalité, hein, puis que c'était la francophonie internationale. Je dois lui rappeler que le Nouveau-Brunswick est au Canada, que le Québec est au Canada, que Jonquière est au Canada, M. le Président, et c'est la francophonie canadienne qui s'exprime, et on n'a pas à avoir honte de ça. On a voté non, et le référendum, vous l'avez perdu. Ça s'appelle la francophonie canadienne!

Des voix: Bravo!

M. Fournier: On sait bien, M. le Président, que le premier ministre aimerait dire des Acadiens qu'ils constituent la francophonie internationale, qu'ils sont des étrangers. Ce sont nos frères. Avant de parler des cousins de France, vous devriez parler de nos frères acadiens, M. le Président. C'est de ça dont on devrait parler, M. le Président.

Quand je vois le premier ministre, qui est ici, qui est en train de nous dire – puis qui applaudit son collègue responsable de la francophonie canadienne – que cet appui se manifestera à Hanoi en novembre, bien sûr, M. le Président, que c'est à ce moment-là que le choix sera fait. Bien sûr. Mais est-ce qu'on ne devrait pas appuyer les démarches du gouvernement du Nouveau-Brunswick dès aujourd'hui? Hein? Est-ce qu'on ne devrait donc pas appuyer la motion telle qu'elle était libellée: d'enjoindre le gouvernement du Québec à soutenir vigoureusement les démarches entreprises à cet égard par le gouvernement du Nouveau-Brunswick? On essaie de reporter un peu, dans la motion, cet appui à plus tard. Je crois comprendre de la réaction du gouvernement et du premier ministre en Chambre en ce moment qu'il nous dit qu'il faut lire sa motion, qu'il faut interpréter sa motion comme étant un engagement dès aujourd'hui de son gouvernement à accompagner la démarche du gouvernement du Nouveau-Brunswick pour avoir le Sommet à Moncton.

Nous savons tous, nous, francophones d'Amérique, qu'il serait à notre avantage que ce Sommet ait lieu ici. Nous savons tous que nous devons y apporter notre concours le plus entier, le plus total, M. le Président, et de tous les jours. Pas un appui qui commence aujourd'hui, qu'on avait oublié hier puis qu'on va peut-être oublier demain. Je comprends bien que ce gouvernement change d'idée souvent, a de la difficulté avec la cohérence. Dans ce dossier-là, M. le Président, j'en appelle au premier ministre à rester sur une ligne à partir d'aujourd'hui, toujours la même. Et le premier ministre nous indique, M. le Président: Votez pour la motion. Nous voterons pour la motion, même si elle nous indispose sur certains points.

(11 h 30)

Des voix: Bravo!

M. Fournier: M. le Président, je suis très étonné de les voir applaudir la motion que nous présentions hier et sur laquelle ils n'étaient pas disposés à voter. Vous êtes d'une incohérence la plus totale, c'est du théâtre!

Des voix: Oui.

M. Fournier: M. le Président...

Le Président: Alors, j'en appelle à l'article 32, puis je demanderais aux députés qui ne sont pas à leur fauteuil de regagner leur place, surtout s'ils se mettent à intervenir, en plus, sans avoir le droit de parole. Alors, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, la motion qu'on a présentée hier, le gouvernement a choisi qu'on n'en débatte pas; en présente une autre. Elle est, dans le libellé, assez différente; l'essentiel est là. À partir d'aujourd'hui...

Une voix: ...

M. Fournier: Ça vous dérange beaucoup, cette motion-là, on dirait, hein! Hein! Ça a l'air à vous déranger beaucoup. Ça indispose le gouvernement, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, M. le député de Sainte-Marie.

M. Fournier: M. le Président, ça semble indisposer le gouvernement. Pourtant, lorsqu'on parle de la francophonie canadienne... Et je relatais tantôt des extraits de discours du premier ministre alors qu'il était chef du Bloc, je pourrais relater des discours du ministre des Affaires canadiennes, bon, les deux qui sont devant moi et qui se sont succédé, et qui ont parlé de la francophonie qui persistait, se développait. Et, moi, je pense qu'il faut appuyer ça à 100 %. Cette francophonie doit avoir notre plus entier soutien. Et justement, justement, comme il faut les écouter aussi, les francophones à l'extérieur du Québec, que nous disent-ils? Ils disent au Québec: Votre participation à l'expérience canadienne est encore le meilleur soutien qu'on peut avoir de la francophonie canadienne, et ce, M. le Président, personne ne peut le nier.

Je sais bien qu'en face on veut essayer de faire croire que le Nouveau-Brunswick, c'est déjà international. Mais je dois rappeler que le Nouveau-Brunswick fait partie de la fédération canadienne, M. le Président, que c'est de la francophonie canadienne qu'on parle et que, lorsqu'on appuie Moncton, on appuie nos concitoyens. Ça peut faire mal, en avant, mais, puisque c'est l'essence de la motion qu'on avait hier et qu'on peut y retrouver, bon, avec quelques nuances – ça a l'air bien difficile d'arracher des mots... Ce n'est pas pour moi, ici, le but de commencer à faire des amendements pour des détails, l'important étant qu'aujourd'hui nous avons réussi à arracher du gouvernement un appui à la francophonie canadienne, un appui à la candidature de Moncton, et j'en suis très heureux, M. le Président. Et je sais que les gens du Nouveau-Brunswick vont maintenant être très heureux. Sans doute, dans leurs conversations avec le ministre des Relations internationales à Marrakech, sont-ils très heureux ce matin. Je leur souhaite et j'espère que l'ensemble des Acadiens seront heureux de cet appui.

Je voudrais, en terminant sur cette motion, peut-être relever un des points que le ministre des Affaires canadiennes a soulevés tantôt. J'ai avec moi... Le ministre essayait de me rappeler la proposition de politique que la ministre qui avait été là avant lui avait produite. Il n'avait pas besoin de me le rappeler, je suis très au courant, je l'ai avec moi. Et on se souvient que cette politique a pris un an, après qu'elle a été déposée, un an à être mise en branle par le nouveau ministre des Affaires canadiennes, où on avait proposé, là-dedans, des tables sectorielles, des forums triennaux. Mais, M. le Président...

Des voix: ...

M. Fournier: Je dois avouer, M. le Président, que, lorsque c'est le premier ministre qui...

Le Président: Je vous demanderais, M. le député de Châteauguay, de rester sur votre motion.

M. Fournier: Le respect des institutions, c'est possible pour tout le monde, M. le Président, j'imagine. Cette politique a pris un an. Il s'agissait de créer des tables sectorielles, de lancer des forums. Un an qu'elle a attendu sur la table. Vous savez pourquoi, M. le Président? Parce que ce qui était important, c'était la séparation du Québec. Ce qui était important, c'était d'avoir une petite politique sur le «side» pour montrer que, oui, «by the way» les francophones ça pouvait être important au Canada. Mais ce n'est pas ça qui est important, ce n'est pas l'appui à la langue française en terre d'Amérique qui est important. Malgré que vous en parliez dans vos discours, vos gestes vont à l'encontre de vos discours, comme dans toutes les matières.

Une voix: Exact.

M. Fournier: Vous n'appliquez pas ce que vous dites. Vous faites de beaux discours. M. le Président, il y a de beaux discours, il y a du beau théâtre, mais, lorsqu'on arrive dans l'action concrète, il faut s'y prendre à deux jours pour rappeler au premier ministre les discours qu'il a faits, rappeler la solidarité à laquelle le ministre des Affaires canadiennes... Il n'y a pas si longtemps, en octobre, il était au Nouveau-Brunswick, il saluait les gens du Nouveau-Brunswick pour la solidarité qu'ils avaient eue à l'égard de sa région. Il en a profité pour dire ça. Hier, où était-il le ministre des affaires canadiennes? Ici. Que faisait-il? Il gardait le silence. Il n'avait pas le courage d'accompagner de gestes les discours qu'il fait.

Aujourd'hui, à compter d'aujourd'hui, et je termine là-dessus, je le répète pour que le premier ministre l'entende: Je termine là-dessus, et je le dirai autant de fois qu'il ne m'écoutera pas...

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Je termine là-dessus, M. le Président. L'événement du Sommet au Nouveau-Brunswick, à Moncton, en 1999, sera un événement pour la francophonie canadienne. Le Sommet sera international. Moncton est au Canada, nous sommes au Canada, et, lorsqu'on parle de la francophonie canadienne, M. le Président, on parle aussi de la francophonie québécoise, comme on parle de la francophonie du Nouveau-Brunswick, de l'ensemble des francophones canadiens que nous devons appuyer. Pas couper sous le pied tout l'appui qui peut être donné à la francophonie canadienne; la développer, la faire rayonner dans le monde, cette francophonie canadienne.

C'est pourquoi je suis heureux aujourd'hui, M. le Président, que le gouvernement du Québec appuie la francophonie canadienne, appuie la proposition de Moncton pour le Sommet de 1999. Et je demande, puisque c'est ce que j'ai compris de ce qui a été dit du côté ministériel, que le gouvernement du Québec accompagne les démarches à tous les jours, sans attendre novembre, mais qu'à tous les jours son appui qu'il nous annonce pour novembre se manifeste sur la scène internationale pour faire en sorte que la francophonie canadienne prenne toute la place qui lui revient sur la scène internationale. C'est pourquoi j'attends du gouvernement du Québec qu'il accompagne cette motion de gestes conséquents à tous les jours par la suite, qu'il accompagne la francophonie canadienne et, comme ça, la francophonie rayonnante poursuivra sa croissance au Canada. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Alors, la motion est-elle adoptée? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Compte tenu de l'importance de la motion, vote par appel nominal.

Le Président: Qu'on appelle les députés.

(11 h 39 – 11 h 44)

Le Président: À l'ordre, Mmes et MM. les députés! Alors, si vous voulez vous asseoir.


Mise aux voix

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons mettre aux voix la motion du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale réitère son appui à la francophonie internationale et accueille favorablement la candidature de Moncton pour la tenue du Sommet de la francophonie de 1999, que le gouvernement québécois appuiera lors du choix de la ville hôte qui aura lieu en novembre 1997 à Hanoi, lors du prochain Sommet de la francophonie.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: Pour.

Le Président: Pour, pardon. Allez-y.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever. Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:96

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement. Mais auparavant, je demanderais aux collègues qui ont à travailler à l'extérieur de l'enceinte du salon bleu de quitter l'enceinte rapidement. Ceux qui doivent quitter... M. le leader du gouvernement.

(11 h 50)

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'éducation poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 62, Loi modifiant le Code des professions concernant les comités de discipline des ordres professionnels, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué: le projet de loi privé n° 242, Loi concernant la Municipalité régionale de comté du Domaine-du-Roy; le projet de loi privé n° 225, Loi modifiant la Charte de la Ville de Hull; le projet de loi privé n° 250, Loi concernant la Municipalité régionale de comté de Charlevoix-Est et la Municipalité de la rivière Malbaie; le projet de loi public n° 82, Loi reportant l'élection générale de 1996 à la Ville de La Baie; le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives; le projet de loi public n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, de midi à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué: le projet de loi privé n° 214, Loi concernant le Groupement des chefs d'entreprise du Québec; le projet de loi privé n° 238, Loi concernant la conversion de l'Entraide assurance-vie, société de secours mutuels, en une compagnie mutuelle d'assurance; le projet de loi privé n° 209, Loi concernant des fédérations, conseils centraux et syndicats affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (C.S.N.); le projet de loi privé n° 210, Loi concernant la Congrégation Shaar Hashomayim (Porte du Ciel); le projet de loi privé n° 202, Loi modifiant la Loi constituant en corporation Les Soeurs de Sainte-Anne; et le projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Très bien. M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir du leader du gouvernement pour quelle raison, depuis – sauf erreur – jeudi, vendredi, hier lundi, aujourd'hui mardi, on n'a pas appelé le projet de loi n° 77 – le projet de loi sur la réorganisation policière, mais qui en est un strictement fiscal; l'objectif, c'est d'aller chercher 48 000 000 $ dans les poches des contribuables? Comment se fait-il que la commission des institutions, M. le Président, n'a pas siégé depuis quatre jours sur un projet de loi d'une telle importance? On sait qu'à date, M. le Président, on n'a même pas abordé l'article 1. En deux mots, est-ce que le gouvernement a décidé de reculer sur ce projet de loi là, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que le député de Frontenac est assez mal placé pour poser cette question, parce que c'est lui-même... Il était tous les jours à cette commission. Il sait très bien pourquoi le projet de loi n'a pas avancé du tout en commission parlementaire. Le député de Frontenac, même dans son premier discours l'a dit, il va tout faire pour qu'il n'avance pas, ce projet de loi là, il va tout faire pour ne pas qu'il passe, ce projet de loi là. Il l'a dit dans sa première intervention en Chambre, M. le Président. Donc, maintenant, il est en train de s'étonner que ça n'avance pas en commission parlementaire. Il l'a dit dès sa première intervention en Chambre: Je vais tout faire pour que ça ne passe pas, ce projet de loi là, pour que ça n'avance pas, ce projet de loi là. Alors, maintenant, il me demande pourquoi on ne reconvoque pas la commission parlementaire. Ça prend un sacré culot, M. le Président!

M. Lefebvre: M. le Président, comment le leader du gouvernement, lui qui a été vice-président de l'Assemblée nationale, peut-il faire injure, comme il vient de le faire, aux parlementaires? Il présume, il a décidé, là, qu'on n'avait plus rien à dire, ni d'un côté ni de l'autre, M. le Président, puisque, depuis quatre jours, où on aurait pu procéder à l'étude du projet de loi n° 77, on attend. Est-ce qu'il présume qu'on n'a plus rien à dire?

Et, ceci étant dit, M. le Président, est-ce qu'on ne doit pas plutôt comprendre que le projet de loi n° 77 va faire l'objet de la motion de suspension des règles, la motion matraque qui s'en vient probablement demain, M. le Président? Et c'est comme ça que le leader du gouvernement respecte les droits des parlementaires. Pendant quatre jours, on est silencieux, on attend, on ne parle pas; tout à coup, bang, on va avoir ça dans le front demain M. le Président! C'est ça qu'il faut comprendre du leader du gouvernement?

M. Bélanger: M. le Président, je ne présume rien. Je lis les galées de l'Assemblée nationale et je lis la déclaration qu'a faite le député de Frontenac à l'effet que ça n'avancerait pas et qu'il ferait tout pour que ça n'avance pas. Alors, qu'il se relise tout simplement pour se souvenir de ce qu'il a dit. Je comprends que les paroles s'envolent, mais les écrits restent, M. le Président, et il l'a dit, M. le Président. Je ne dis pas qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il a fait; tout parlementaire a le droit d'utiliser les temps de parole qu'il a en commission parlementaire et dans cette Chambre. Mais qu'il ne vienne pas s'étonner que ça n'avance pas en commission parlementaire alors que lui-même a dit que ça n'avancerait pas.

M. Lefebvre: Je reviens à la question, M. le Président. M. le Président, est-ce qu'on peut espérer que le... Bien, écoutez, il ne faut pas que je me contredise, là. Est-ce qu'on comprend qu'il va reculer, puis le projet de loi n° 77... Non, puis, si c'était ça, M. le Président, ça voudrait dire que le leader du gouvernement et son ministre de la Sécurité publique ont compris le message des milliers d'élus municipaux, des millions de Québécois et de Québécoises et de l'opposition officielle. Sinon, M. le Président, j'inviterais le leader du gouvernement à bien relire ce que j'avais dit. Ce que j'avais indiqué au leader, c'est qu'on considère que ce projet de loi n'a pas de bon sens puis qu'on allait faire tout ce qu'il fallait, en respectant évidemment les règles, M. le Président, pour bloquer le projet de loi.

Alors, M. le Président, essentiellement, puis je me répète, pourquoi le leader du gouvernement nous refuse-t-il, et à nous et à ses propres collègues, la discussion dans le forum idéal qu'est une commission parlementaire, M. le Président, en présumant que, d'un côté comme de l'autre, y compris ses propres collègues, on n'a plus rien à dire? Ce n'est pas correct, ça, M. le Président.

M. Bélanger: M. le Président, encore là, je ne peux pas présumer que le député de Frontenac n'a rien à dire. Au contraire, on peut le lire abondamment pendant les 20 heures qu'il a, je crois, à peu près passées en commission parlementaire, où il a parlé pendant des heures et des heures. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'avait rien à dire, M. le Président. Mais, malheureusement, il ne voulait pas que le projet de loi avance. C'est son droit, mais qu'il ne s'étonne pas maintenant que je ne le rappelle pas.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Très bien. Alors, on en arrive maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

En ce qui me concerne, juste avant, Mme la députée de La Pinière, je vous informe qu'en application des articles 193 et 194 du règlement j'ai retiré du feuilleton, pour motif de caducité, la motion du ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor qui apparaissait à l'article 61 du feuilleton du 16 décembre 1996. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le ministre d'État de l'Économie et des Finances a déposé aujourd'hui l'entente intervenue entre le gouvernement du Québec et la Banque Nationale du Canada en ce qui a trait aux services des bureaux du Québec à l'étranger. J'ai reçu effectivement aujourd'hui, six mois plus tard, copie du contrat. Malheureusement, je pense que le ministre n'a pas lu l'ensemble des documents, il manque les annexes qui déterminent, entre autres, les modalités financières de cette entente, M. le Président. J'espère que je vais pouvoir les avoir demain parce que le document est incomplet.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'ai transmis à cette Chambre les documents qui m'ont été donnés par le ministre. Maintenant, si la députée n'est pas satisfaite ou trouve que c'est incomplet, elle peut toujours faire une autre question, à ce moment-là, au feuilleton puis demander d'autres documents s'il y a des documents qui lui manquent. Mais, quant à moi, j'ai transmis...

Et, en cette Chambre, M. le Président, quand il y a une réponse – parce que, quand c'est une question au feuilleton, à ce moment-là il y a une réponse qui est donnée – on ne peut se déclarer insatisfait de la réponse qui est donnée. Ce qu'on peut faire à ce moment-là: on peut reposer la question si on le veut. Mais, moi, en tout cas, ce que je dois dire, s'il y a eu omission de documents – je vais demander au ministre – je vais les déposer. Mais, s'il n'y a pas eu omission, à ce moment-là, eh bien, ces documents-là sont déposés.

Le Président: Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je fais référence à des annexes qui sont mentionnées dans le contrat. Ce n'est pas quelque chose qui est à part. Ça fait partie du même document. Je prends bonne note de la bonne foi du ministre, qui peut-être n'a pas fait attention et n'a pas joint les annexes. Et je les demande pour demain, si c'est possible.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vais faire la vérification. Mais, encore là, le rôle du leader, c'est de déposer les réponses qui sont données par les ministres, et c'est ce que j'ai fait.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Pour avoir occupé ces fonctions pendant un certain temps, M. le Président, le rôle du leader ne s'arrête pas là. Lorsque les documents déposés sont incomplets, le rôle du leader, c'est de prendre note de la question qui est posée par le député qui veut les renseignements, de s'enquérir auprès du ministre, de prendre les documents qui manquent, de les amener en Chambre et de les fournir à la députation. Ça va jusque-là, le rôle d'un leader du gouvernement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je prends bonne note que le député de Brome-Missisquoi a entendu ce que je viens de dire et il vient de le répéter.


Affaires du jour

Le Président: Très bien. Alors, nous en arrivons maintenant à l'étape des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 31 de notre feuilleton.

(12 heures)


Projet de loi n° 50


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: L'article 31. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 50, un projet de loi extrêmement important, création de la Régie de l'énergie; un projet de loi qui a une implication directe sur ce qu'est notre quotidien à nous tous, Québécois et Québécoises, à savoir une régie qui va entendre et déterminer les tarifs d'électricité, régie qui va entendre et déterminer les tarifs de gaz naturel, régie qui va décider quelles vont être les mesures, les frais d'administration qui vont être ajoutés au prix de l'essence, régie qui découle, si vous voulez, de la table de concertation qui a siégé au-delà d'une année.

Et, découlant de ce projet, ceux qui y ont travaillé ont exprimé de différentes façons, par déclaration dans les médias ou autrement, regretté de ne pas retrouver le respect de l'ensemble des consensus qui avaient fait l'objet de ces travaux, M. le Président. Bien sûr, la création de la Régie fait l'objet d'un consensus, mais l'ensemble... En d'autres mots, les fonctions, les pouvoirs que les intervenants avaient décidés ou fortement suggérés, qui devaient se retrouver dans le fonctionnement des pouvoirs de la Régie... ils ont fait des commentaires qui commandaient de la part de l'opposition officielle et de celui qui vous parle des préoccupations sérieuses. C'est à partir de ces déclarations d'experts, des gens qui font de l'aspect de l'énergie une préoccupation quotidienne, c'est pour cette raison qu'au moment où le projet de loi était déposé j'ai demandé au gouvernement la tenue d'audiences publiques.

Le ministre avait répondu par des audiences particulières. Il avait indiqué une liste, là, d'une dizaine d'organismes, mais finalement, en échangeant entre nous, en suggérant des groupes, en écoutant les interventions de gens qui entraient en communication avec nous pour nous dire: «Nous souhaiterions» ou «Nous avons participé à la table, notre opinion a déjà été sollicitée»... ce qui a fait que, finalement, nous avons entendu des groupes en audiences, et une vingtaine – 27, pour être exact – sont venus en commission parlementaire, ont déposé des mémoires, ont fait des recommandations.

Alors, M. le Président, cette consultation-là s'est avérée d'une utilité extrêmement importante. D'ailleurs, suite à ces consultations... Parce que, quand vous serez à même de comparer le fruit, le produit de ce qu'a été l'étude article par article du projet de loi par rapport à son dépôt initial, vous serez personnellement à même de constater l'importance... Parce qu'il y a des mots, avant que nous puissions entendre les groupes, qui étaient aussi durs à accepter. C'est pour ça que les gens, par exemple, utilisaient... certains de ces gens utilisaient dans leur déclaration le mot «déception» de ne pas retrouver dans le projet de loi l'ensemble des consensus. Certains utilisaient même le mot «trahison», d'autres parlaient de «réaction mitigée». Alors, voici certaines des déclarations qui venaient des intervenants du monde énergétique.

Devant ce tollé de protestations, on a cru qu'il était de notre responsabilité d'entendre ces experts-là pour qu'ils viennent nous expliquer les affirmations qu'ils faisaient par la voie des médias, par la voie de communiqués. Leur plus grande inquiétude – et je le répète, ils l'exprimaient de différentes façons – c'était pourquoi ils ne retrouvaient pas dans le projet de loi n° 50 tous les consensus. Et je le souligne: tous les consensus.

Le ministre disait: La création d'une régie fait l'objet d'un consensus. Bien sûr, mais ce n'était pas le seul que la table de concertation avait dégagé, M. le Président. Alors, ces gens-là avaient de bonne foi travaillé, comme je le disais, pendant au-delà d'une année à l'idée de la création d'une régie avec une série de pouvoirs. Ils ne retrouvaient pas dans le projet de loi n° 50 l'ensemble des pouvoirs, et dans certains cas des gens disaient: Ça a été charrié. On a abusé. Je pense, entre autres, au mémoire de la FTQ, qui disait: On a abusé du mot «consensus», de la façon dont il est utilisé.

Alors, il y a des gens qui disaient que le projet de loi n° 50 met en péril la planification des ressources. Certains soulevaient que le recours plus grand à la production privée représentait le début... Vous vous en souviendrez, M. le Président, ils disaient: Est-ce que le recours plus grand à la production privée d'électricité représente le début de la privatisation d'Hydro-Québec? Des gens ont soulevé ça parmi des gens qui avaient travaillé à la table de concertation, des experts en la matière. Bien sûr, le gouvernement dit: Il n'est pas question de privatisation, pour, bien sûr, s'assurer également d'ajouter que, si jamais il en était question, ça devra d'abord faire l'objet de débats publics. Alors, comme vous voyez, ce n'est pas: Non à jamais, c'est: Dans le moment, non. Mais il faut en être bien conscient.

Et je me permets, M. le Président, de vous citer... Je vous citais tantôt des déclarations, là, de gens dans le domaine. Parmi les éditoriaux, là, qui ont été écrits sur le sujet, permettez-moi d'en citer un, M. le Président, parce qu'il y avait de l'inquiétude à la lecture de certains de ces éditoriaux. Permettez-moi d'en citer un, et je le fais de la façon suivante: «Le gouvernement est à prendre un virage radical, bien différent de celui suggéré par la table de concertation de l'énergie.» On se souviendra que des propos en cette Chambre ont été tenus, à savoir: Bien, voyons donc! Ceux qui utilisent ces mots-là, c'est parce qu'ils ne se sont pas rendus plus loin que la page 11. Mais pourtant c'est Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir , qui dit: «Le gouvernement est à prendre un virage radical, bien différent de celui de la table de la concertation de l'énergie, un virage, dit-il, qui rendrait presque impossible la planification de l'énergie sur le territoire.» Pourtant, je suis convaincu que Jean-Robert Sansfaçon a bien lu le projet de loi et a bien lu le rapport de la table de concertation sur l'énergie. Alors: «Un virage, dit-il, où la pression à la baisse sur les prix par les futurs clients industriels américains inciterait Hydro-Québec à se rattraper par des hausses des tarifs à ses clients locaux captifs du secteur résidentiel.»

Donc, ce que dit Jean-Robert Sansfaçon, M. le Président, c'est que, à cause de la pression à la baisse sur les tarifs qu'on vendrait aux industriels américains, pour se rattraper – ce sont les mots de l'éditorialiste – la seule façon qu'il lui reste, à Hydro-Québec, ou la façon, si vous voulez, la plus facile, c'est la clientèle résidentielle captive d'Hydro-Québec, celle qui ne peut pas aller à d'autres formes d'énergie parce que sa construction domiciliaire est organisée de cette façon-là. Alors, à ce moment-là, c'est tellement plus facile de se rabattre sur une clientèle qui n'a d'autre choix que de payer la facture, puisqu'elle ne peut pas faire autrement.

M. le Président, cette consultation aura donc été utile, et je le dis, là, à tous les parlementaires et, par conséquent, à l'ensemble de la collectivité québécoise. Pendant ces journées d'audiences, M. le Président, on a été à même non seulement d'écouter la présentation des mémoires, mais de questionner, d'échanger avec eux, de se faire préciser certains aspects, pourquoi certaines inquiétudes, pourquoi certaines appréhensions, quels étaient les enjeux véritables, quels pouvaient être les impacts. Alors, vous comprendrez, M. le Président, quand il est question d'énergie, c'est la population québécoise qui est touchée par les dispositions de ce projet de loi et, bien sûr, il faut ajouter à ça aussi la consommation de l'essence, l'électricité ou même le gaz naturel.

(12 h 10)

Dans le cadre de nos travaux, l'étude article par article, M. le Président, le projet de loi n° 50, qui compte 164 articles, a pu être bonifié de façon substantielle, et ce, bien sûr, dans le sens des meilleurs intérêts des Québécois et des Québécoises. La liste officielle vous indiquera que 48 amendements sur 164 articles ont été apportés, et ce, afin de mieux répondre aux doléances entendues, 48 sur 164.

Mais également, ceux qui ont suivi les travaux de la semaine dernière, de jeudi et vendredi dernier, vous diront qu'à de très nombreuses reprises, pour ne pas ajouter de nouveaux amendements, nous permettions au gouvernement de faire siens des amendements déjà inscrits que nous modifiions. Plutôt que de déposer un contre-amendement, on disait au gouvernement: Si vous voulez modifier votre amendement... Donc, si on faisait le total de tout ça, je suis convaincu que le chiffre de 48 serait extrêmement conservateur.

Parmi les amendements apportés... Mais, avant d'aller aux amendements apportés, vous vous souviendrez que, les 27 et 28 février dernier, en commission parlementaire, lorsque pendant 13 ou 14 heures les parlementaires accueillaient les représentants d'Hydro-Québec, nous avions, je pense – et les médias avaient été unanimes à cet effet-là – vraiment fait savoir, en des termes on ne peut plus clairs, des deux côtés de la Chambre, que nous souhaitions des changements majeurs, et non cosmétiques, mais vraiment majeurs à la direction d'Hydro-Québec, au niveau de ses structures. Nous souhaitions fortement que le poste de président en soit un à temps plein. Nous souhaitions que le nombre de 34 ou 35 – dans certains journaux, on nous disait même 38 vice-présidents – on souhaitait que ça aussi... Nous avions également profité de l'occasion pour donner un message très clair, très, très clair à l'ensemble d'Hydro-Québec, de son personnel, de son syndicat, de profiter des messages que nous leur donnions pour que vraiment ils s'attaquent, mais de façon substantielle, à la réorganisation qu'Hydro-Québec a besoin de subir.

Et, dans ce sens-là, M. le Président, je crois que l'Assemblée nationale peut se féliciter que les partenaires syndicaux, comme patronaux, à Hydro-Québec, aient bien saisi le message, et le résultat a fait qu'ils ont signé une convention collective d'une durée de cinq ans – j'y vais de mémoire – avec l'objectif de répondre à ça, ce qui a valu à cette Assemblée, vous vous en souviendrez, le dépôt du projet de loi n° 70, qui permettait la création de programmes de départs assistés à Hydro-Québec et d'assurer que le Vérificateur général ne pourrait reprocher à Hydro-Québec de comptabiliser ces départs, les échelonner sur de nombreuses années plutôt que d'avoir à les comptabiliser à l'intérieur d'une seule année financière.

Alors, M. le Président, le message a été entendu, et là on parle, à Hydro-Québec, de l'objectif de départs assistés, de non-renouvellements. On parle de... Les chiffres qui ont circulé, c'est 6 400 postes. Donc, pour une entreprise qui compte, au moment où on se parle, environ 23 000 ou 24 000 employés, on parle d'une réduction d'environ 25 % de la population d'Hydro-Québec, et ça, M. le Président, je suis convaincu que les échanges que nous avons eus entre nous, tant la partie ministérielle que l'opposition, ont été reçus par l'administration d'Hydro-Québec, et ils ont compris la volonté des élus que ce travail s'effectue. Et, dans ce sens-là, je profite de l'occasion pour les féliciter d'avoir saisi cette occasion et de donner le message qui reflète très bien la préoccupation des gens de l'Assemblée nationale qui... Nous avons le mandat de représenter la population.

Parmi les amendements qui ont été apportés, entre autres, concernant l'essence, le montant à payer sera fixé selon la région et la zone d'exploitation. Et, comme je vous le disais tantôt, M. le Président, la Régie décidera d'inclure les frais d'exploitation ou non dans le prix de vente. Et pourquoi on a référé ça à la Régie? C'est des échanges qu'on a eus durant ces deux jours pour indiquer au gouvernement la volonté de la création d'une régie de l'énergie. L'objectif, c'est de choisir au Québec les sept personnes les plus compétentes dans le domaine de l'énergie pour s'assurer, que ce soit un problème d'électricité, de gaz ou d'essence, de trouver les personnes les plus compétentes avec le support technique pour pouvoir bien comprendre, bien analyser ce qui est dans le meilleur intérêt de la collectivité québécoise et de ses citoyens.

Alors, M. le Président, vu qu'il y a là la volonté de recruter les personnes les plus qualifiées, nous avons jugé, les parlementaires... C'est dans ce sens-là qu'on a proposé au gouvernement: Pourquoi ce ne serait pas les régisseurs qui décideraient, eux, avec la compétence, avec tout l'appareil qui sera le leur, de bien pouvoir évaluer? On a discuté franchement entre nous. Les gens étaient là, les intervenants, et parfois nous abordions des aspects qui étaient un petit peu délicats pour certains d'entre eux. Ils tentaient toujours de nous proposer un débat – par exemple, dans celui de l'essence – en opposant les indépendants versus les majeurs. Est-ce qu'en protégeant les indépendants on protégeait plus d'emplois que si on protégeait les majeurs? Est-ce les majeurs par rapport à leurs investissements et au nombre de leurs employés? Tout le débat semblait se faire entre les indépendants versus les majeurs.

Mais, on a rappelé – et là-dessus le ministre a été heureusement sensible à nos arguments – que la préoccupation qu'on doit avoir comme législateurs dans ce dossier-là, c'est qu'il ne faut pas restreindre la présentation de ce dossier entre les indépendants et les majeurs, mais il faut regarder quel est l'intérêt du consommateur. Vous, votre famille, vos électeurs, les nôtres, ceux qui doivent faire les pleins d'essence, quelle est la meilleure législation pour les protéger? Alors, il a fallu faire un véritable débat, et on l'a fait de façon ouverte, devant eux.

Je prends quelques minutes pour vous sensibiliser à ça. Au degré où on fait monter les frais d'exploitation pour qu'ils soient inclus dans le prix de base en ajoutant le prix au quai de chargement, en y ajoutant les taxes, en y ajoutant les frais de transport – et là il s'agit de ce qu'il est convenu d'appeler les frais d'exploitation – à chaque fois que les régisseurs vont accepter que des sommes soient ajoutées ainsi aux frais d'exploitation pour chaque litre d'essence, vous venez de comprendre que, dans un marché où 25 % est contrôlé par les indépendants et 75 % par les majeurs, à chaque fois que vous ajoutez 0,01 $ le litre dans les frais d'exploitation, vous venez de permettre aux majeurs de percevoir 75 %. Et, quand on parle de milliards de litres d'essence au Québec... écoutez, les chiffres qui circulaient, ils disaient: Vous allez, par exemple, obliger les multinationales et les majeures, comme il est convenu de les appeler... peut-être au-delà de 200 000 000 $, 250 000 000 $ de revenus additionnels. Mais ces millions-là viennent des poches de nos contribuables, M. le Président.

Donc, on s'est dit: Comme on va choisir des régisseurs extrêmement compétents, bien équipés, bien documentés, qui pourront poser les vraies questions, pas seulement un débat entre nous, restreint par l'horloge, même avec plein de bonne volonté comme nous avons tous, on ne possède pas tout ce qu'il faut pour bien pouvoir analyser ça... Alors, on a dit: Ce sont les régisseurs qui vont décider.

(12 h 20)

Alors, M. le Président, ça, ça a fait l'objet d'échanges entre nous. À un moment donné, le ministre nous indique: Écoutez, là, j'ai entendu ce qui s'est passé, j'ai fait les échanges, j'ai accepté des représentations, je vais mettre sur la table quatre scénarios, et nous allons prendre le temps qu'il faut pour, entre nous, échanger sur lequel est le meilleur par rapport au dossier: les indépendants versus les majeurs. C'est là qu'on a fait intervenir qu'il faut élargir ce débat et toujours avoir à l'esprit la protection du consommateur. C'est lui qui paie en bout de ligne.

Alors, M. le Président, de l'échange, on en a modifié... on aurait pu dire que c'est une cinquième, ou une sixième, ou un amalgame, une partie de une avec l'autre. Alors, finalement, on a modifié ça dans le sens que je vous l'ai indiqué tantôt. Et je vous dirai que, à la fin des débats, quand les gens quittaient l'Assemblée nationale vendredi soir – je les ai croisés, ils étaient au vestiaire en bas – des gens de l'industrie ont fait le commentaire qu'ils avaient été impressionnés par les échanges, la franchise. Même que un a ajouté: Ça revalorise, dans mon esprit, le rôle du législateur, je ne croyais pas que ça se passait comme ça. Parce que, bien souvent, la perception qu'ont les gens, c'est ce que les médias leur transmettent: la période de questions entre nous.

On a convenu là-dessus, dès le début des audiences – et j'ai fait de ça dans mes remarques préliminaires et je les ai refaits dans mes remarques finales – qu'il ne s'agit pas, sur un projet de loi comme la loi n° 50 sur la Régie de l'énergie, de faire un débat sur le dossier constitutionnel, le rôle du Québec à l'intérieur ou pas du Canada. Ce n'est pas ça, là. Il s'agit de quelle façon on peut prendre les meilleures décisions concernant l'énergie pour permettre à Hydro-Québec d'être compétitive, pour permettre à Hydro-Québec de pouvoir avoir accès à des marchés, mais, en même temps, en s'assurant que, quand on rouvre pour aller à d'autres marchés, d'autres veuillent venir chez nous également. Il s'agit d'ententes de l'ALENA. Il s'agit de nous assurer: Est-ce qu'on va avoir des exigences envers Hydro-Québec qu'on n'aurait pas envers le gaz naturel? Est-ce qu'on va exiger d'Hydro-Québec qu'ils aient l'obligation de donner le service partout à la grandeur, mais qu'on permettrait au gaz, par exemple, de n'avoir que des endroits sélectifs pour aller donner le service? Vous voyez là, M. le Président, un déséquilibre. Donc, il s'agissait de traiter les deux de façon extrêmement équitable. Donc, il s'agissait que tout ça se retrouve dans le projet de loi. Tout ça, M. le Président, extrêmement important.

Alors, ça a fait l'objet, comme je vous l'explique, d'échanges très enrichissants. Je vous dis que c'est un véritable beau défi, parce qu'on a là le sentiment qu'on touche au quotidien de nos électeurs. Alors, il était important que nous prenions le temps, et ça s'est fait dans un excellent climat.

Un amendement majeur, c'est que la Régie devra faire rapport dans un an, en commission parlementaire, sur les effets de la fixation des prix dans le secteur de l'essence. Voici: La Régie va décider, une fois que ça fera une année que c'est en application... Il est important qu'ils reviennent devant nous, pas, comme législateur, qu'on prenne une décision puis on n'en entende plus parler... Non. On a dit: À la fin d'une année, il faudra que ça fasse l'objet, en commission parlementaire... qu'on se penche sur le dossier: Est-ce que les souhaits, les volontés du législateur, dans la pratique, ça s'est révélé ce qu'on souhaitait? Est-ce que ça va commander d'autres modifications? Avons-nous été trop précautionneux? Avons-nous plutôt été trop libéraux? C'est dans ce sens-là, M. le Président. Alors, comme on crée dans du neuf avec une régie, on a exigé que ça revienne devant nous pour s'assurer que nous puissions vérifier la validité des modifications apportées, également, comme je vous ai souligné tantôt, afin d'établir une véritable forme d'équité entre les différentes formes d'énergie.

Amendement important aussi, M. le Président, pour les résidents et résidentes des Îles-de-la-Madeleine: ils auront droit au même tarif que les habitants du reste du Québec. Précisons que cette demande a été à maintes fois réclamée par mon collègue des Îles-de-la-Madeleine.

Au chapitre du gaz naturel, les règles du jeu seront similaires à celles de l'électricité, et ce, à la demande de Gaz Métropolitain. Désormais, l'entreprise ne sera plus obligée de desservir un service.

Par ailleurs, il a été retenu de donner des mandats aux différents régisseurs de la Régie afin d'assurer une plus grande continuité. Il y a déjà des dossiers qui sont en cours devant des régisseurs au gaz naturel. Il s'agit de nous assurer que des décisions pourront être maintenues, que les gens qui ont commencé à se pencher sur les dossiers puissent continuer à terminer leurs dossiers, maintenir une continuité. Ces mêmes régisseurs se sont vu donner la possibilité de terminer ou de poursuivre l'étude d'une demande même si leur mandat est terminé. À noter que ces derniers seront alors rémunérés sur une base horaire. Il a fallu tout prévoir ça, M. le Président.

De plus, lorsque le président l'estimera nécessaire, trois régisseurs pourront étudier un même dossier, et ce, pour éviter qu'un seul régisseur soit victime de pressions extérieures. Hé! c'est des dossiers majeurs pour l'économie du Québec. En raison d'un problème de juridiction ministérielle, la Régie ne pourra – vous m'indiquez qu'il me reste trois minutes, merci, M. le Président – tenir des audiences publiques conjointement avec le BAPE. C'est quelque chose qui a été souhaité à la table, mais apparemment, pour des problèmes de juridiction ministérielle, ce n'est pas possible. Mais précisons que ceci était une demande de la table de concertation. Malheureusement, le ministre des Ressources naturelles, le ministère, a refusé que la Régie tienne des audiences publiques sur le plan des ressources. Toutes ces décisions de cette nouvelle Régie devront être publiées dans la Gazette officielle .

Le principal amendement apporté touche l'article 164 du projet de loi, qui visait à déréglementer l'électricité dans six mois. J'en fais lecture pour que vous saisissiez bien, M. le Président: «Sur proposition d'Hydro-Québec, la Régie doit, dans les six mois de l'entrée en vigueur du présent article, donner son avis au gouvernement sur les modalités d'établissement d'implantation des tarifs de fourniture d'électricité pour un consommateur ou pour une catégorie de consommateurs visés à l'article 52. Le gouvernement détermine par décret, aux fins notamment des articles 1 et 52, les modalités d'établissement d'implantation.» Alors, comme vous voyez, ils voulaient y aller puis ils voulaient y aller rapidement. Ils voulaient que tout ça se fasse en six mois.

Alors, on a amené, par les mémoires qu'on a entendus, par nos interventions, M. le Président, que ça ne se fasse pas, que le gouvernement ne s'attache pas à ça, parce que l'ensemble des partenaires qui se sont exprimés, à l'exception d'Hydro-Québec, disaient tous que c'était s'imposer un calendrier qui ne pouvait que rendre le plus mauvais des services à la Régie. Alors, tout au long des travaux, l'opposition officielle n'a pas hésité à apporter sa collaboration positive, monsieur, contribuant à la bonification et à l'avancement de l'étude de ce projet de loi.

En terminant, M. le Président, vous me permettrez de remercier de façon plus particulière mon collègue de Laurier-Dorion et mon collègue d'Argenteuil pour l'appui et le travail en équipe que nous avons fait pour le plus grand bénéfice des Québécois et des Québécoises du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Nous cédons maintenant la parole au ministre des Ressources naturelles et député de Joliette. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je serai très bref, puisque je préfère garder mes commentaires pour la troisième lecture de ce projet de loi, qui sera sans doute adopté, avec la collaboration de l'opposition, avant l'ajournement des Fêtes.

Je voudrais, dans un premier temps, remercier tous mes collègues du côté ministériel ainsi que les représentants de l'opposition pour le travail magnifique, je crois, que nous avons fait en commission parlementaire. Le député de Saint-Laurent y faisait allusion, et je dois vous dire personnellement que c'est fort intéressant quand des parlementaires de part et d'autre décident de travailler sur un projet de loi pour le bonifier davantage au profit de la collectivité québécoise.

Et je pense que, effectivement, les audiences nous ont permis de mettre le doigt sur plusieurs petites coquilles que nous avons corrigées de bonne foi en commission parlementaire. Et je pense qu'aujourd'hui, M. le Président, il en restera sans doute, des coquilles dans un projet de loi, c'est évident. Mais, en règle générale, je pense qu'on a un projet de loi, on a un outil maintenant qui nous permet de présenter quelque chose qui se tient, quelque chose de cohérent, un tout, en tout cas, qu'on pourra réviser. Et on s'est même engagé à le réviser au bout de trois ans d'expérience, donc, et au besoin on le fera avant s'il y avait des choses majeures.

(12 h 30)

On taille dans le neuf. Il n'y avait pas de régie. Il y avait une régie du gaz, mais l'électricité, c'était nous, les parlementaires, qui fixions les tarifs, c'était nous qui analysions le plan de développement. Dorénavant, ça s'appellera le plan de ressources et ça sera la Régie. Et, au besoin, il pourrait y avoir des audiences publiques; au besoin, il pourrait y avoir des directives du ministre pour modifier des choses.

Véritablement, je crois qu'on s'est doté d'un outil assez intéressant, et pas dans des choses très faciles, pas des choses très faciles. Quand on pense à la question du pétrole sur laquelle on s'est interrogé. Mais on s'est interrogé collectivement. On a dit: Qu'est-ce qu'on veut un peu? On veut permettre la concurrence, tout le monde était d'accord. D'ailleurs, on s'était rendu compte assez facilement, les parlementaires, qu'on ne percevait pas du côté des intervenants ce qu'on voulait faire. Nous, on veut que les pétrolières... Si elles sont capables de se concurrencer, tant mieux, pour le plus grand bénéfice des consommateurs. D'ailleurs, on a ajouté ça dans les critères: dans le respect des intérêts des consommateurs. Parce qu'on a dit: Écoutez, tant mieux s'il y a de la concurrence, sauf qu'elle ne peut pas être déloyale; ne prenez pas de mesures, de pratiques commerciales déloyales. Je vais vous voir, vous me vendez mon pétrole à 0,40 $ le litre, au prix du gros. J'arrive chez nous, puis vous avez une station, vous, en face de moi, vous vendez 0,38 $. C'est bien sûr que vous les vouez à crever. Ce n'est même pas de l'agonie, ça, c'est: il crève carrément. Donc, on dit: On va établir des critères minima, au moins pour respecter cela.

Ce n'est pas facile. Ce n'est pas trop plaisant, d'ailleurs. Des deux côtés de la Chambre, je vais vous dire qu'on n'était pas à l'aise de parler de pratiques commerciales. L'idéal, ça aurait été qu'ils se disciplinent eux-mêmes. Ça, c'est clair. Puis je pense que tout le monde était d'accord avec ça. Mais il est arrivé des choses, puis les députés ont été vus un à un, puis on leur a demandé: Écoutez, bougez. Puis là les parlementaires, on représente ce monde-là qui vient nous voir, puis on se penche puis on adopte des mesures qu'on aurait aimé bien mieux ne pas toucher, mais on a été obligés de les toucher. Puis on espère qu'on aura le moins à s'en servir à part de ça, de cette dimension-là. Mais on n'a pas le choix. Donc, ça, c'est assez intéressant.

Le plan de développement... toute la question de la déréglementation sera vue par la Régie. Et je suis persuadé qu'on aura, comme parlementaires, à se repencher sur toute la question de la déréglementation, c'est évident. Mais je crois qu'on a un outil de base, en tout cas, intéressant. Le consommateur va pouvoir dorénavant se présenter devant la Régie quand il y aura des augmentations tarifaires puis dire ce qu'il pense. Avant, ce n'était pas ça. C'était nous autres, entre nous autres, qui écoutions Hydro pendant 13 heures. Puis là ça dépendait de nos humeurs. C'est arrivé quelques fois qu'on avait les humeurs égales, en tout cas, des deux côtés de la Chambre, mais c'est arrivé quelques fois où les parlementaires se confrontaient plus que d'autre chose devant la société d'État.

Et ça, moi, j'ai trouvé ça... En tout cas, personnellement, je vous avoue que c'est un exercice qui m'a beaucoup plu. Le travail de législation, dans l'atmosphère et dans le style où on l'a fait, est très valorisant pour un homme et une femme politiques. Et je suis convaincu que les concitoyens qui ont suivi les travaux savent une chose en tout cas. C'est que c'est de bonne foi, de part et d'autre, qu'on a essayé de se doter d'un outil nous permettant d'être prêts à toute éventualité. Parce que tout le marché de la déréglementation, il se prépare, on le sait. On le sait qu'ils sont prêts ailleurs, ils ont des régies. Il ne fallait pas traîner la patte au cas où on aurait, en tout cas, à prendre des décisions.

On avait l'outil comparable, un outil qui a été bonifié. Je pense à la question des régisseurs. Je sais que le député de Saint-Laurent en a parlé, mais, pour ne pas qu'il y ait un renouvellement massif... On avait eu des remarques, on en a tenu compte dans la loi. On a dit que ça prendrait un cadre réglementaire pour définir les spécialités que ça nous prend pour ne pas se ramasser avec sept régisseurs avec une même préoccupation. Il y a des valeurs environnementales, il y a des valeurs de respect des consommateurs, la capacité de payer des consommateurs. Il y a véritablement des connaissances techniques pour évaluer ce que c'est qu'un plan de ressources.

Donc, on aura un règlement qui va nous permettre de regrouper ensemble des régisseurs, sept au total, qui vont pouvoir analyser véritablement un plan de ressources puis dire: La tarification, cette année, c'est tant. Et ce sera justifié, puis il pourra y avoir des experts pour contre-expertiser une demande d'un fournisseur ou d'un producteur. Donc, moi, je pense, dans l'ensemble, M. le Président, qu'on s'est doté d'un outil extrêmement intéressant.

En troisième lecture, j'essaierai de démontrer plus, secteur par secteur, les pouvoirs de la Régie, mais, pour l'instant, je me réjouis du travail qu'on a fait. Je remercie à nouveau... Je réitère mes remerciements à l'ensemble des parlementaires et je suis persuadé qu'on pourra, après les Fêtes, commencer à former cette Régie-là, à la mettre sur pied, à former l'Agence d'efficacité énergétique aussi, la mettre sur pied. On aura doté le Québec, en moins d'un an, d'outils extraordinaires de développement. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre des Ressources naturelles. Nous cédons maintenant la parole au député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Il me fait également plaisir de participer à ce débat. J'ai pu assister, lors des commissions parlementaires, à des échanges différents de ceux qu'on connaît habituellement dans nos commissions parlementaires ou à l'Assemblée, où il y avait vraiment un effort, de part et d'autre, d'améliorer le projet de loi qui était devant nous; un projet de loi qui découle d'une volonté, je pense, exprimée depuis plusieurs années, même avant l'arrivée de ce gouvernement, de créer, au Québec, comme il existe ailleurs au Canada puis à d'autres endroits aussi en Amérique du Nord, une régie de l'énergie, une régie de l'énergie qui pourrait être et sera responsable de l'établissement des tarifs d'électricité pour les différentes catégories de consommateurs, une régie qui aura l'expertise nécessaire pour contre-interroger les intervenants, d'Hydro-Québec en particulier ainsi que ceux de Gaz métropolitain, M. le Président, qui viendraient devant elle pour demander des tarifs.

Il faut quand même être conscient que, à terme, ça va vouloir dire, cette décision, qui est une décision d'enlever toute possibilité de retour au gouvernement pour une ultime décision quant aux tarifs... Ça aura nécessairement comme conséquence pour le consommateur une augmentation des tarifs. Le ministre disait tantôt que, par le passé, c'étaient les parlementaires qui décidaient du niveau des tarifs. S'il y avait des désavantages à ça, dans le sens que le processus se faisait à l'intérieur de tout l'impératif politique qui nous gère également, l'avantage était justement qu'à titre d'actionnaires, et d'actionnaires qui représentent le public – parce que Hydro-Québec appartient à nous tous, M. le Président – on avait quand même, prioritairement, je dirais, en tête l'intérêt des consommateurs.

Et c'est peut-être pour cette raison-là que les tarifs résidentiels ont été longtemps gardés bien en bas de ce que le coût réel, selon ce qu'Hydro-Québec nous dit, de toute façon, est, par rapport à la livraison de cette électricité. Alors, une des conséquences – et il ne faut pas se le cacher, il ne faut pas se leurrer – réelles à court, moyen et certainement à long terme, dépendant de comment on va l'étaler dans le temps, va être nécessairement l'augmentation du coût de l'électricité pour les consommateurs québécois.

M. le Président, il y a d'autres aspects de ce projet de loi qui ont aussi une importance capitale sur l'évolution de notre politique énergétique et de nos décisions énergétiques dans l'avenir. Et les décisions énergétiques comprennent aussi des incidences extrêmement importantes sur d'autres fronts, que ce soit sur le front du développement économique, que ce soit sur le front environnemental, pour ne nommer que ces deux-là.

Les choix qu'on prend, les orientations qu'on se donne à travers les choix énergétiques qu'on fait influencent directement et l'un et l'autre de ces deux éléments, M. le Président. C'est dans ce sens-là que la Régie, en autant qu'elle se donne et s'assure d'un processus transparent et public, pourra permettre une meilleure compréhension et, je dirais même, un meilleur contrôle par le public, par le citoyen, des choix que nous voulons exercer en tant que société, des choix qui auront des conséquences extrêmement lourdes au niveau, par exemple, de l'environnement, du développement économique.

(12 h 40)

Alors, c'est dans la mesure où la Régie sera véritablement un instrument de protection du public, dans ce sens-là, qu'elle aura trouvé sa valeur, toute sa valeur, M. le Président. Et on souhaite... Moi, de toute façon, de notre côté et personnellement, et plusieurs autres personnes souhaitent que ce ne soient pas seulement les quatre items ou les demandes d'augmentation ou les demandes d'établissement de tarifs qui soient des instances lorsque la Régie siège de façon publique. Mais, par exemple, il y a d'autres moments, comme le dépôt pour approbation du plan de ressources d'Hydro-Québec, par exemple, un plan de ressources qui doit décrire comment l'entreprise, notre entreprise en l'occurrence, une entreprise publique qui appartient à l'État et qui, de surcroît, est un monopole... Donc, il n'y a pas de problème par rapport aux concurrents qui vont savoir des choses ou connaître des choses qui pourraient les avantager. Il n'y a pas de concurrents, c'est un monopole, et ce monopole d'État va être appelé à soumettre pour approbation à la Régie son plan de ressources.

Un plan de ressources, c'est le plan qui décrit comment l'entreprise envisage dans le temps d'assurer l'équilibre entre l'offre et la demande en ce qui concerne l'énergie. Donc, c'est le plan de ressources qui va identifier quelles sont les filières énergétiques qu'on va favoriser pour rencontrer les demandes projetées, qui va expliquer et valider comment on est arrivé à établir tel ou tel niveau de demande et pourquoi, en conséquence, on propose telle ou telle façon de faire.

Alors, ce plan de ressources, à l'heure actuelle, va être soumis à la Régie. La Régie va l'approuver ou demander des modifications, mais à huis clos, M. le Président. Le public ne sera pas convié à participer à ce débat, un débat extrêmement important par rapport aux choix qui seront pris, par exemple, sur les filières énergétiques. Et chacun de ces choix-là a des conséquences importantes sur les items que j'ai mentionnés tantôt; l'environnement, par exemple. Et c'est là où il y a une certaine inquiétude qu'on a exprimée par rapport à l'autre orientation qui est incluse dans ce projet de loi, qui n'est pas, proprement dite, reliée directement à la Régie mais qui relève plutôt d'une décision gouvernementale en tant qu'orientation qui est donnée.

La déréglementation. On a beau parler de la nécessité de déréglementer, M. le Président... Parce que c'est devenu un «catchword» en quelque sorte. Déréglementer est bon, donc déréglementer dans le secteur de l'énergie doit être bon. Sauf que ce n'est pas certain que cette équation se fasse de la même façon que pour la déréglementation quand on parle d'enlever les entraves au commerce dans d'autres secteurs, par exemple les entraves bureaucratiques qui sont souvent des règlements inutiles, dépassés, archaïques, souvent. Ici, on parle de la déréglementation d'une situation qui, à l'heure actuelle, fait partie d'un monopole.

C'est vrai qu'on a juste 10 minutes, à ce moment-ci, M. le Président. Il va falloir qu'on se reprenne. Mais...

Des voix: Ha, ha, ha! À la troisième lecture.

M. Sirros: À la troisième lecture, effectivement. Alors, on va pouvoir revenir. M. le Président, il est essentiel qu'on procède tranquillement dans le domaine de la déréglementation en électricité. Je suis heureux, d'une certaine façon, de voir qu'on a fait un certain progrès vis-à-vis du ministre et du gouvernement, qui a changé les six mois qui avaient été donnés comme limite dans laquelle la Régie devrait recommander comment déréglementer pour se donner une flexibilité en identifiant une date qui serait déterminée par le gouvernement.

Il reste pourtant une chose préoccupante et qui relève un peu d'une contradiction, parce que l'amendement qui a été apporté dit que la Régie doit maintenant, dans le délai qui sera déterminé par le gouvernement, donner un avis sur la pertinence, les conditions et les modalités de la libéralisation des marchés de l'électricité. On aurait dû ajouter «le cas échéant», parce que, si on est pour donner un avis sur la pertinence et en même temps dire au gouvernement comment procéder, bien, pourquoi examiner la pertinence si la décision est prise? Et l'important, c'est d'examiner la pertinence. Parce que les conditions qui régissent le Québec en matière énergétique ne sont pas les mêmes que celles qui existent au nord-est des États-Unis, où la déréglementation a cours. Et ce n'est pas exactement certain que les décisions commerciales que les États-Unis pourraient prendre, par exemple par l'entremise de leur Federal Energy Regulatory Commission, auraient véritablement les impacts qui sont brandis devant nous par Hydro-Québec.

Alors, cet examen n'a pas été fait, et les conséquences d'une telle décision sont sérieuses et importantes. C'est pour ça qu'il va falloir que je revienne en troisième lecture, M. le Président, demain ou après-demain, semble-t-il, pour essayer de convaincre, une fois de plus, le ministre d'aller encore plus tranquillement par rapport à ces déréglementations. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Laurier-Dorion. Nous cédons maintenant la parole au député d'Argenteuil. Alors, M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Moi aussi, M. le Président, j'ai participé avec beaucoup de plaisir à cette commission. Comme le disait Bernard Shaw, il y a ceux qui voient les choses telles qu'elles sont et se demandent pourquoi, et pourtant il y a ceux qui imaginent les choses telles qu'elles pourraient être et se demandent pourquoi pas.

Bien, ça fait longtemps que tous les partis politiques ont recherché la mise en place de la Régie de l'énergie. Aujourd'hui, on peut se féliciter d'avoir accompli le travail en commission parlementaire d'une façon très civilisée et d'échanges. Mais je dois aussi manifester l'intérêt que nous avons apporté, puisque le ministre a accepté 48 amendements, M. le Président, sur les 168 articles. Donc, il y a eu une contribution importante des parlementaires à essayer de modifier le projet de loi pour le rendre plus important, mais aussi plus plausible aux yeux des consommateurs.

Malheureusement, en commission parlementaire, M. le Président, les multiples représentations que nous avons eues des différents groupes, elles se sont faites relativement rares, pour protéger le consommateur. Et c'est ce sur quoi, nous, du côté de l'opposition, nous nous sommes attardés, parce que le consommateur est absent de ce niveau-là. Nous y avons porté beaucoup d'intérêt, puisque, en particulier dans le secteur du pétrole où, de part et d'autre, du côté de l'opposition comme du côté ministériel, nous aurions préféré nous abstenir de réglementer le marché puisque c'est un peu mettre le bras dans le tordeur, on savait très bien que ce n'est pas la meilleure façon de protéger le consommateur, d'aller légiférer et de réglementer alors qu'on est dans une ère de déréglementation.

Toutefois, la situation qui a prévalu au cours de l'été avec les problèmes et la compétition sauvage dans le secteur du pétrole ont motivé sans doute le ministre à introduire une réglementation pour fixer un certain prix du pétrole. Par ailleurs, nous avons souhaité ardemment que la réglementation et toute l'évaluation qui serait mise en place pour les coûts d'exploitation soient transmises aux régisseurs qui seront les personnes compétentes. Et le député de Saint-Laurent, en particulier, a beaucoup insisté sur le fait que ces gens qui devront être les membres omnipotents de la Régie soient des personnes compétentes qui connaîtront le milieu de l'énergie, que ce soit de l'électricité, du gaz ou des produits pétroliers, de sorte qu'ils seront capables d'analyser et d'évaluer en toute quiétude et en toute compétence les éléments qui devront peser sur le prix qui sera fixé à la pompe aux consommateurs.

Alors, vous allez comprendre que cette préoccupation nous était très chère, parce que tous les coûts qui seront engendrés par l'évaluation du coût d'exploitation des stations de pétrole vont, en définitive et en dernière analyse, se retrouver à la pompe, et c'est encore le consommateur qui devra assumer le coût. Nous avons tenté, par nos démarches qui, je pense, ont été faites avec succès, de minimiser l'impact auprès des consommateurs, parce que, étouffés qu'ils sont actuellement par les taxes, d'ailleurs une grande partie dans le coût du pétrole, c'est des taxes... Le consommateur y retrouvera son compte.

Il y a un autre élément important qui va jouer de façon significative dans la Régie, c'est la dépolitisation du dossier. On a connu au cours du printemps dernier une hausse de tarif; hausse de tarif qui avait été fixée par les besoins du gouvernement d'aller chercher de l'argent additionnel de la part d'Hydro-Québec. Dans cette situation nouvelle où la Régie devrait évaluer l'inflation et les coûts inhérents à la population pour déterminer l'augmentation de tarif s'il y a lieu, bien, M. le Président, le ministre de l'Énergie aurait dû s'inspirer des critères que nous avons demandé à la Régie d'utiliser pour déterminer les hausses de tarif, au lieu d'imposer à la population un 2,5 % d'augmentation de tarif d'électricité. Et, s'il s'était inspiré à ce moment-là des critères que nous avons mis de l'avant, les consommateurs à nouveau auraient joui d'une hausse moins importante que celle que le gouvernement leur a imposée.

(12 h 50)

Alors, la dépolitisation de la Régie va jouer son rôle important, parce que ce ne seront plus les politiciens qui vont déterminer la hausse de tarif, mais la Régie, en prenant en considération les besoins d'Hydro-Québec, son plan de ressources – tel que le député de Laurier-Dorion l'a mentionné – ses plans stratégiques et ses besoins. Alors, je pense que, devant une telle situation, le consommateur se verra protégé par la Régie de l'énergie. Je suis aussi assuré que les citoyens qui auront accès à un régisseur de plaintes, auquel ils pourront faire appel lorsqu'ils auront des problèmes avec les différentes sociétés énergétiques, auront l'oreille attentive des régisseurs; un régisseur en particulier qui sera responsable des plaintes qui seront faites à la Régie.

Vous allez comprendre, M. le Président, que, pendant les deux jours que nous avons passés en commission à revoir article par article la Loi sur la Régie de l'énergie, le projet de loi n° 50 – il y a des articles qui étaient plus importants que d'autres – ça a été fait dans un climat de sérénité et d'échanges; d'échanges intéressants et productifs, où des pans complets de législation ont été changés et modifiés grâce aux interventions de part et d'autre, que ce soit du côté ministériel ou du côté de l'opposition, et en particulier dans les articles 59, 72, 73 et aussi le 164.

Comme on l'a déjà mentionné, on avait, dans l'article de loi 164, fixé six mois pour revenir au gouvernement et donner toute la possibilité de déréglementation. Bien, avec l'amendement qui a été proposé à l'article 164, au moins le gouvernement pourra déterminer un délai encore plus long pour permettre l'évaluation à la Régie de cette déréglementation qui s'en vient. Est-ce qu'elle est souhaitable? Est-ce qu'elle est aussi favorable au consommateur et aussi à l'entreprise? Parce qu'il n'y a pas que le consommateur, il faut regarder aussi les bienfaits que la déréglementation va apporter à l'entreprise.

Alors, je pense que les amendements que nous avons apportés vont nous donner un délai de temps plus logique, il me semble, que les six mois qui ont été fixés. Parce que la majorité des intervenants, si ce n'est Hydro, nous ont tous dit, sans exception, que le six mois leur apparaissait très court, même trop court, et qu'il faudrait quelques années avant d'arriver à soumettre les éléments susceptibles et les modalités de fonctionnement et les conditions dans lesquelles les milieux énergétiques pourraient fonctionner avec une déréglementation qui est déjà en chemin.

Alors, M. le Président, c'est avec plaisir que j'ai participé à l'élaboration du projet de loi n° 50, tel qu'il sera soumis en troisième lecture. Et, comme l'a mentionné mon confrère de Laurier-Dorion, en ajoutant, s'il y a lieu, à l'article 164, la pertinence, je pense que nous aurions des deux côtés de cette Chambre l'unanimité pour que ce projet de loi aille de l'avant, tel que nous l'avions souhaité et tel que nous l'avions entrevu. Comme je le disais au départ, ceux qui imaginaient les choses telles qu'elles pourraient être, eh bien, ils se disent: Pourquoi pas? Eh bien, aujourd'hui, on se dit: Ce n'est plus pourquoi pas, elle est là et on n'aura qu'à la voter lorsqu'elle sera présentée en troisième lecture. Et je vous remercie.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Comme il n'y a plus d'autres intervenants sur le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, compte tenu que l'appel du prochain article et la prochaine intervention dépasseraient le temps prévu pour nos travaux, je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons donc nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons reprendre nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais Mme la leader adjointe du gouvernement à nous indiquer le menu.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 28 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 3


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 28, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire.

Alors, je suis prêt à entendre les intervenants. M. le député de Laporte, je m'en vais vous céder la parole.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, nous en sommes à l'étape du rapport de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 3, projet de loi qui, comme vous le savez, vise à s'assurer que le déficit du gouvernement du Québec sera éliminé sur une certaine période d'années. Je suis étonné de voir que personne, de la part du gouvernement, ne prend la parole sur ce projet de loi à cette étape-ci. Enfin, on verra, peut-être qu'il y aura une réplique plus tard.

On se rappellera que c'est l'opposition officielle qui, lors de la dernière campagne électorale, avait suggéré de proposer, après l'élection, une loi pour forcer le gouvernement, les gouvernements quels qu'ils soient, à s'imposer une discipline visant à réduire le déficit du gouvernement jusqu'à ce que nous atteignions l'équilibre budgétaire, c'est-à-dire le déficit zéro.

(15 h 10)

Dans le dernier budget que le gouvernement libéral avait proposé, nous avions également déposé une cédule de réduction du déficit année après année de façon à ce qu'au bout de quatre ans on ait atteint le déficit zéro, à l'année 1998-1999. C'était donc une idée, une proposition du Parti libéral du Québec.

Après l'élection, lorsque le gouvernement Parizeau a été élu, le chef de l'opposition officielle, le député de Vaudreuil, s'est levé ici, en cette Chambre, à plusieurs reprises, pour inciter le gouvernement à préparer et à déposer en Chambre pour adoption une loi visant à forcer le gouvernement, dans les années à venir, à réduire son déficit de façon à atteindre le déficit zéro ou l'équilibre budgétaire. Le gouvernement du Parti québécois, en 1995, avait refusé à plusieurs reprises d'obtempérer à cette demande de l'opposition officielle, pour finalement y consentir au cours des derniers mois et nous déposer ce projet de loi, le projet de loi n° 3, dont nous avons fait l'étude ici, en Chambre, à l'Assemblée nationale, l'étude de principe. Il a été adopté il y a quelques semaines, le principe de ce projet de loi là. Nous avons fait en commission parlementaire une étude article par article. Ce n'est pas un très long projet de loi – il contient 17 articles – mais nous avons quand même mis au-delà de deux jours à en faire l'étude, ce qui indique que ça n'a pas passé comme une lettre à la poste.

L'opposition a proposé une bonne série d'amendements, plusieurs amendements. Je dois dire, d'ailleurs, que le gouvernement les a presque tous refusés. Les amendements que l'opposition officielle proposait à la considération du ministre et de la commission parlementaire, ces amendements-là visaient à resserrer la loi, à la rendre un peu plus contraignante à l'endroit du gouvernement. Et je le dis, M. le Président, gouvernement quel qu'il soit, cette loi-là, elle vaut aujourd'hui, elle vaudra demain, elle vaudra l'an prochain, elle vaudra dans cinq ans. Donc, ça liera tous les gouvernements du Québec qui viendront dans l'avenir.

Or, il nous apparaissait et il nous apparaît toujours que cette loi-là est assez timide dans sa conception, dans sa préparation. C'est une loi qui indique bien l'intention du gouvernement de réduire le déficit à zéro, mais qui ménage au gouvernement une très grande quantité de portes de sortie. Des portes de sortie qui vont faire en sorte de permettre au gouvernement de ne pas atteindre le déficit zéro si toutes sortes d'événements se produisent. Je comprends, M. le Président, que, s'il se produit des cataclysmes ou des circonstances absolument dramatiques, le gouvernement puisse, une année donnée, ne pas pouvoir atteindre sa cible budgétaire. Ce sont des choses qui arrivent, des choses qu'on comprend et qu'on ne peut pas prévoir, mais on peut prévoir des mécanismes pour faire face à des situations semblables.

Mais il nous apparaît que, dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi là a été rédigé comme si on instituait en système la possibilité de déroger à la loi. C'est comme si on disait: Bien, voici, je fais une loi qui aura pour objet de réduire le déficit, mais, par contre, je m'attends à ce que, régulièrement, je ne pourrai pas atteindre l'objectif recherché. Et donc, je prévois des mécanismes qui, régulièrement, permettront au gouvernement de se soustraire à la loi. Il y a à peu près la moitié des articles de ce projet de loi là qui prévoient comment le gouvernement pourra ne pas respecter la loi, comment le gouvernement pourra faire pour encourir des déficits ou, s'il en a en cours, pour amortir sur une période d'années ces déficits-là.

Nous aurions souhaité que le gouvernement soit un peu plus rigoureux dans sa rédaction, de sorte qu'il y ait moins de portes de sortie que ce que le gouvernement s'est ménagé. Malheureusement, c'est le choix du gouvernement. Et je ne dis pas, M. le Président, que ce projet de loi là n'est pas bon, je ne dis pas que ce n'est pas un pas en avant. C'est un pas en avant, c'est certainement mieux que rien. Mais de toutes les provinces canadiennes qui ont adopté des projets de loi semblables, de ce type-là, c'est de loin le plus timide, mais c'est quand même mieux que rien. Alors, l'opposition n'est pas pour s'objecter à un projet de loi qui va dans le sens de ce que nous avons proposé. Nous aurions aimé que le gouvernement aille un peu plus loin. Je sais que, dans la société québécoise, il y a des gens, des organismes qui souhaiteraient que le gouvernement aille moins loin que ça. Alors, notre action aura au moins servi à faire le contrepoids auprès du gouvernement et à faire en sorte d'au moins protéger le minimum que constitue la loi n° 3 sur l'élimination du déficit.

Et, parlant de déficit, M. le Président, on doit dire que, par les temps qui courent, des débats ont cours dans la société sur, justement, les déficits présents et passés qu'ont pu ou n'ont pas pu offrir à la population les divers gouvernements, ou présenter les divers gouvernements qui s'en sont suivis. Dans des articles de journaux qui ont été publiés récemment, on a prétendu que le dernier budget du gouvernement libéral s'était soldé par le plus grand déficit de l'histoire du Québec. Je suis content de voir qu'aujourd'hui même, dans les journaux, un éditorialiste bien connu ramène les pendules à l'heure et indique que ce n'est pas vrai; que les plus grands déficits de l'histoire du Québec, ce n'est pas le Parti libéral du Québec qui les a présentés, qui les a encourus, mais que vraiment ces déficits ont été encourus par le Parti québécois.

M. le Président, quand on fouille attentivement l'histoire, on se rend compte qu'il y a eu des déficits énormes qui ont été encourus dans le passé. Et, quand on parle d'un déficit, évidemment c'est le montant par lequel on excède les prévisions, mais ça doit toujours s'apprécier par rapport au budget. Autrement dit, faire un déficit de 3 000 000 000 $ quand le budget est de 20 000 000 000 $, c'est beaucoup plus gros qu'un déficit de 3 000 000 000 $ quand le budget est de 40 000 000 000 $, on comprend ça. Plus le budget est petit et plus le déficit est gros, si c'est le même montant qu'on compare d'un déficit à l'autre.

Or, quand on regarde les déficits, on les compare par rapport au produit intérieur brut; c'est la façon de le faire, comme on dit dans le langage commun, pour comparer des pommes avec des pommes. Un déficit donné par rapport au produit intérieur brut de cette année-là, on a l'étendue, l'importance de ce déficit-là. Et, quand on fait cette comparaison-là, on se rend compte que les trois pires déficits de l'histoire du Québec ont tous été concoctés sous l'administration du Parti québécois entre 1976 et 1985, sous un ministre des Finances qui s'appelait Jacques Parizeau. M. le Président, on peut le nommer, puisqu'il n'est maintenant plus député en cette Chambre.

Et le plus gros déficit, c'est l'année 1980-1981, où on avait atteint 4,8 % du PIB. Le plus gros déficit de l'histoire du Québec. Il y en a eu un autre de 3,6 %, un autre de 3,5 %, M. le Président, et je ne le dis pas pour le plaisir de le faire, c'est pour faire en sorte que les Québécois sachent que, quand on accuse le gouvernement libéral d'avoir fait le plus gros déficit de l'histoire du Québec, ce n'est pas exact; et ce matin on le voit dans les journaux, quelqu'un en parle.

Le ministre des Finances aussi se paie ce matin une chronique dans le journal La Presse , où il revient sur le même budget dont je parlais tout à l'heure et dit un certain nombre de choses. Entre autres, il accuse le Parti libéral du Québec d'avoir inscrit dans le budget 1994-1995 des revenus qui ne se sont pas matérialisés. Fort bien, j'en conviens, qu'il y a environ 500 000 000 $, 600 000 000 $ de revenus qui ne se sont pas matérialisés. Mais pourquoi ne se sont-ils pas matérialisés? Pour la simple raison que le gouvernement qui était là à ce moment-là, c'était un gouvernement du Parti québécois pour les sept derniers mois de cette année-là, et ce gouvernement-là a posé des gestes concrets qui ont empêché le gouvernement de percevoir des revenus.

(15 h 20)

À titre d'exemple, on avait prévu des revenus de 166 000 000 $ de privatisations. Or, ce gouvernement-là a stoppé immédiatement les privatisations à son arrivée au pouvoir et les a retardées de quelques mois pour que ces sommes d'argent là tombent dans l'année fiscale suivante. Et c'est arrivé: on a privatisé quelques mois après le début de l'année suivante les intérêts du gouvernement dans les mines d'aluminium, l'usine d'aluminium d'Albecour – Albecour, M. le Président, c'est dans la région de Trois-Rivières, dans le parc industriel de Bécancour – et ça a rapporté au gouvernement au-delà de 200 000 000 $, ce qui était même plus que ce qui avait été prévu dans le budget de l'année courante.

On aurait aussi pu privatiser Domtar. Je sais que l'ancien ministre des Finances avait regardé ça de très près, de tellement près d'ailleurs que, semble-t-il, ça lui a coûté son poste de ministre des Finances, puisque, après ça, on l'a changé de poste, mais à ce moment-là les actions de Domtar étaient très élevées, et c'était le temps de le faire, au printemps 1995. Mais, malheureusement, on a retardé, et finalement les actions de Domtar ont baissé, et c'est devenu moins intéressant de procéder avec cette privatisation-là. Mais on aurait pu le faire, et c'était dans les visées de l'ancien gouvernement.

On nous dit également que le gouvernement n'avait pas mis en place les mécanismes pour percevoir des revenus additionnels au ministère du Revenu du Québec ou dans le système des vidéopokers. M. le Président, il restait sept mois dans l'année, et c'est justement ce que nous nous proposions de faire dès après l'élection: commencer à mettre en place le réseau des vidéopokers, sortir les machines illégales – on avait amplement le temps de le faire au cours de ces sept mois-là – et également faire en sorte de mettre en place les mesures pour que le ministère du Revenu puisse percevoir des créances qui étaient en retard. Ça se faisait, puisque le nouveau gouvernement l'a fait. Il a fait ça et il a fait aussi le vidéopoker. Alors, quand on nous dit qu'on ne l'avait pas fait, c'est bien évident, les élections sont arrivées, et on n'était plus là pour le faire. Mais c'est des choses qui auraient été faites et qui auraient rapporté les sommes d'argent qui éventuellement ont rapporté ce qu'il fallait pour que le gouvernement ait des revenus.

Mais ce qui est le plus drôle là-dedans, c'est que récemment – en fait, la semaine dernière, oui, la semaine dernière, ou enfin à la fin de la semaine dernière – le gouvernement a déposé des crédits supplémentaires ici, en Chambre, et, dans ces crédits supplémentaires là, le gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale de voter des sommes d'argent pour faire en sorte que le gouvernement puisse prévoir les... J'ai ça devant moi ici, M. le Président, je vais vous en faire lecture. Ce sont les crédits supplémentaires n° 1 de 744 000 000 $ qui sont requis suite à une modification qui a été apportée aux conventions comptables du gouvernement en ce qui concerne les coûts relatifs aux congés de maladie et de vacances accumulés par les employés du gouvernement.

Alors, on nous explique que, jusqu'à maintenant, la pratique qui était utilisée par le gouvernement consistait à comptabiliser une dépense au moment de l'utilisation ou du paiement des congés de maladie et des vacances. En d'autres mots, au gouvernement, jusqu'à maintenant, quand un travailleur, un fonctionnaire accumulait des vacances ou des congés de maladie, c'était accumulé, mais ce n'était pas inscrit dans les livres de l'année où c'était gagné. Le gouvernement accumulait ça et, quand le fonctionnaire prenait des vacances ou un congé de maladie, c'était inscrit dans l'année où c'était dépensé. C'est un système, comme on dit en anglais, «pay as you go». C'est un petit peu comme le système des pensions de vieillesse, pensions que paie le gouvernement fédéral, où il n'y a pas de sommes d'argent qui sont prévues dans un fonds à part, c'est versé au fur et à mesure que c'est dépensé et c'est pris dans le fonds consolidé. Alors, c'est ce qu'on faisait jusqu'à maintenant. Au fur et à mesure que les congés de maladie et de vacances étaient utilisés par les fonctionnaires ou pris, le gouvernement les comptabilisait dans cette année-là.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, qu'avec un gouvernement qui se propose d'inciter fortement 15 000 fonctionnaires à prendre leur retraite en même temps, ça veut dire, ça, que l'an prochain, il va y avoir passablement de congés de maladie et de vacances qui vont devenir payables dans la même année. Ça aurait fait en sorte d'obliger le gouvernement à inscrire, l'an prochain, des sommes importantes dans ses dépenses à ce titre-là.

Alors, qu'est-ce qu'il fait, le gouvernement? Il nous a dit ceci: Plutôt que de procéder comme ça, nous allons changer les conventions comptables. Et c'est l'espèce de proposition qu'on nous a faite cette semaine et qui a été votée aujourd'hui lors du vote de ce matin. À partir de maintenant, le gouvernement va inscrire à la dépense un compte qui reflétera les coûts relatifs aux congés de maladie et de vacances des employés dans l'année même où ils sont gagnés. Dorénavant, si c'est gagné dans une année, c'est inscrit dans cette année-là. Très bien, M. le Président, moi, je n'ai aucun problème avec ça. C'est gagné dans l'année courante, c'est inscrit aux dépenses de l'année courante. Bon, très bien. Le principe de la comptabilité d'exercice est maintenant étendu à ces dépenses. Fort bien.

Mais qu'est-ce qu'on fait pour le passé? Alors, là, pour le passé, le gouvernement a décidé de constituer, au passif des états financiers du gouvernement, un compte en date du 1er avril 1996, donc rétroactivement au début de l'année fiscale, pour les congés gagnés par les employés avant cette date. Donc, pour le passé, M. le Président, on constitue, au passif, un compte, et le montant de 744 000 000 $, qui est la somme des montants qui ont été accumulés jusqu'à maintenant, ce montant-là, il y aura une rubrique spéciale pour ces sommes-là.

Les crédits qui sont requis pour effectuer des déboursés qui n'entraînent pas de dépenses... Ces crédits, dis-je, sont requis – les crédits qu'on demandait, là – pour effectuer des déboursés qui n'entraînent pas de dépenses cette année, puisqu'elles auraient dû être inscrites aux années antérieures. Le montant serait donc porté à la dette nette. Alors, on prend la somme d'argent et on la passe directement à la dette du gouvernement, 744 000 000 $, et les dépenses – c'est ça qui est important, M. le Président – des années antérieures, c'est-à-dire le 744 000 000 $, feront l'objet de redressements appropriés.

Qu'est-ce que ça veut dire, des «redressements appropriés»? Ça veut dire que ce 744 000 000 $ là, on le met à la dette du gouvernement et on va aller retourner dans les années financières précédentes et inscrire, dans chaque année, les sommes d'argent qui sont relatives aux congés de vacances et de maladie pour chaque année auparavant. Donc, on va rouvrir les résultats des années précédentes et aller inscrire, pour chaque année, les montants qui avaient été gagnés pour les congés de maladie et de vacances. Très bien, M. le Président, moi, je n'ai pas d'objection avec ça.

Mais là où ça se complique, c'est que, dans le budget de l'an dernier, le gouvernement du Québec nous a dit qu'au cours de l'année dernière le gouvernement du Québec avait reçu 200 000 000 $ de plus en transferts du fédéral pour la péréquation. Vous savez que la péréquation, c'est un programme canadien par lequel les provinces qui sont plus à l'aise, c'est-à-dire l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique, transfèrent à toutes fins pratiques, par l'entremise du gouvernement fédéral, des sommes d'argent aux provinces les moins riches, dont surtout le Québec. Le Québec retire à chaque année, enfin cette année, au-delà de 4 000 000 000 $ de ce programme-là. C'est à peu près la moitié du programme que le Québec reçoit, et ces sommes d'argent là viennent, essentiellement, des provinces riches. C'est le programme le plus important, M. le Président, pour le Québec et celui que perdrait littéralement le Québec s'il devait se séparer. C'est des sommes d'argent qui n'appartiennent pas au Québec, qui ne viennent pas du Québec, mais qui lui sont versées pour permettre d'avoir un équilibre, si vous voulez, à travers la fédération canadienne, entre les provinces les moins à l'aise et celles qui le sont plus.

Or, l'an dernier, le fédéral a versé au-delà de 200 000 000 $ de plus que prévu au Québec pour les années antérieures. Pas pour l'an dernier, pour l'année 1994-1995 et 1993-1994 surtout. Or, la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que le gouvernement du Québec, recevant ces sommes d'argent là, va faire comme il vient de faire pour les dépenses, c'est-à-dire faire des redressements dans les années financières antérieures? La réponse est non, M. le Président. On l'a su, le député de Westmount–Saint-Louis a posé la question, et on ne redressera pas les années antérieures. N'est-ce pas, M. le député?

(15 h 30)

M. Chagnon: Exact.

M. Bourbeau: Exact. Alors, M. le Président, c'est drôle de voir ça. Quand le gouvernement a des dépenses qu'il veut enlever de ses livres pour ne pas que ça nuise trop à ses équilibres financiers, il va les reporter dans les années antérieures si ça vient des années antérieures; mais, quand c'est des revenus qui lui arrivent qui viennent des années antérieures, pour ça, il ne va pas corriger les anciennes années antérieures. Il garde ces fonds-là dans l'année courante et il bonifie son budget de l'année courante. Alors, c'est donc deux poids, deux mesures. Quand ça fait l'affaire du gouvernement, quand ce sont des revenus additionnels, il les garde dans son année courante. Quand ce sont des dépenses dont il ne veut pas, il va les reporter dans les années antérieures pour ne pas endommager ses états financiers de l'année courante. Et c'est bien clair, on le voit dans le budget du gouvernement du Québec, annexe B, le budget de l'an dernier.

Et je vous cite le paragraphe pour qu'on ne m'accuse pas d'inventer des choses. Alors, il est dit dans le budget du ministre des Finances: «La hausse des revenus sur base de caisse en 1995-1996 – donc, l'année dernière par rapport à 1994-1995, qui était l'année précédente, où nous étions encore aux affaires pour quelques mois – provient principalement de l'augmentation des paiements de péréquation – donc, le programme fédéral. Cette hausse reflète notamment les révisions apportées aux données de population, dont celle à l'égard de la répartition interprovinciale des résidents non permanents et aux indicateurs de capacité fiscale utilisés pour le calcul de la péréquation, principalement à l'impôt des sociétés et aux taxes de vente. Les révisions aux données relatives à 1993-1994 et 1994-1995 ont ainsi donné lieu au paiement d'un montant non récurrent de plus de 200 000 000 $ en 1995-1996.»

Bon. Alors, 200 000 000 $ non récurrents et qui s'appliquent aux deux années précédentes, des années sous administration libérale essentiellement. Est-ce que le gouvernement va faire, pour ces revenus-là, comme il a fait pour les dépenses, c'est-à-dire que ce montant fera l'objet de redressements appropriés? C'est ce qu'on a fait pour les dépenses. Est-ce qu'on va faire des redressements appropriés dans les bilans des années 1993-1994, 1994-1995? La réponse est non, M. le Président.

Et ça indique que ce gouvernement-là, comme je le disais tout à l'heure, joue avec les chiffres, joue avec les conventions comptables, fait en sorte que, quand ça fait son affaire, il présente les chiffres d'une manière et que, quand ça ne fait pas son affaire, il les présente d'une autre manière. Et c'est comme ça qu'on vient dire après ça que le précédent gouvernement a fait des déficits plus élevés que ce qui avait été prévu.

M. le Président, mais, si on peut revenir au projet de loi n° 3, qui traite, comme vous le savez autant que moi, du déficit et de l'intention qu'a le gouvernement de ne pas en faire dans l'avenir, nous avons donc, dans ce projet de loi là, proposé un certain nombre d'amendements, et un des amendements portait sur la définition de ce que c'est qu'un dépassement. Dans le projet de loi, il est dit «un excédent».

Une voix: ...

M. Bourbeau: Oui, oui, oui, oui. Alors M. le Président, je vais prendre, ici, là, pour être bien sûr qu'on ne fait pas d'erreur... Alors, le projet de loi nous proposait une définition de ce qu'est un dépassement et également des définitions des dépenses et des revenus. Quand on dit «les dépenses», on dit les dépenses du gouvernement. Qu'est-ce que c'est qu'une dépense? On entend par dépenses les dépenses du gouvernement comptabilisées conformément à ses conventions comptables. Ça, c'est dans le projet de loi. Et, un peu plus loin, le ministre nous a proposé une définition qui dit que le mot «dépenses» signifie les dépenses comptabilisées dans les états financiers du gouvernement conformément à ses conventions comptables. Bon, très bien. Et les revenus, c'est la même chose, les revenus comptabilisés dans les états financiers du gouvernement conformément à ses conventions comptables.

Or, M. le Président, vous savez que les conventions comptables, c'est des choses qui peuvent varier d'une année à l'autre – et on vient de le voir, le gouvernement joue avec ça régulièrement – et l'Ordre des comptables agréés du Québec, dans le mémoire qu'il avait proposé à la Commission sur la fiscalité, avait proposé de modifier, si vous voulez, les définitions dans le sens suivant: Que des mécanismes soient prévus dans la loi sur l'élimination du déficit pour assurer la continuité des pratiques comptables actuellement en vigueur, afin d'augmenter la crédibilité des résultats périodiques du plan d'élimination du déficit.

Il est bien évident que, si on change de conventions comptables à chaque année, on peut présenter, une année, un budget avec des conventions comptables, des façons de présenter les chiffres; l'année suivante, on modifie les conventions comptables – et j'en donnais l'exemple tout à l'heure – et là, à ce moment-là, on peut avoir des chiffres qui ont l'air de respecter la loi. Mais, si on a fait varier des conventions comptables, si on les a modifiées, on peut très bien avoir fait des pirouettes comptables qui font en sorte qu'à toutes fins pratiques on n'a pas atteint les objectifs. Alors, l'Ordre des comptables agréés demandait qu'on mette dans la loi sur l'élimination du déficit des mécanismes pour assurer la continuité des pratiques comptables.

Et nous avons proposé un amendement, nous, l'opposition du Parti libéral, qui disait que, justement, le gouvernement devrait respecter les conventions comptables, et on référait spécifiquement aux conventions comptables qui sont en vigueur à la fin de l'année courante, 1996-1997. Donc, si on s'attache à des conventions comptables qui sont en vigueur à une date donnée, là on sait que dorénavant le gouvernement, quand il va présenter ses documents, devra le faire en référant toujours aux mêmes conventions comptables, donc on ne changera pas la méthode. Bon, le ministre n'a pas accepté cette modification-là.

Par contre, il nous en a proposé une autre, qui n'est pas, à mon avis, aussi contraignante mais où il est dit qu'il devrait faire rapport à l'Assemblée nationale éventuellement du changement des conventions comptables. J'ai ici, M. le Président, l'amendement que le ministre a proposé. Je peux peut-être en faire la lecture. On dit que «le ministre fait rapport annuellement à l'Assemblée nationale de l'impact sur les résultats financiers du gouvernement des modifications aux conventions comptables relativement à celles en vigueur pour l'année financière 1996-1997». Espérons, M. le Président, que cet impact-là, que ce document-là qui va être déposé fera en sorte de bien présenter les résultats année après année, de façon à ce qu'on puisse s'assurer qu'il n'y a pas eu, en cours de route, un dérapage qui ne nous permettrait pas d'apprécier réellement les résultats par rapport aux conventions comptables qui existaient.

Nous avons également proposé d'autres amendements qui feraient en sorte d'augmenter les montants d'argent que le gouvernement devrait résorber dans l'année suivante. Dans la loi qui est devant nous, c'est assez simple: si le gouvernement fait un dépassement, dans une année donnée, de 1 000 000 000 $ ou moins, ce dépassement-là doit être résorbé dans l'année suivante. Fort bien. C'est le système qui existe présentement dans les municipalités au Québec. On fait, à la fin de l'année, un dépassement. Ce dépassement-là devient la première dépense du budget de l'année suivante, et c'est résorbé dans l'année suivante. C'est clair, on ne traîne pas de déficit, c'est résorbé l'année suivante. Et, si c'est un revenu, c'est la même chose.

Or, le gouvernement, dans le projet de loi, ici, a prévu autre chose. Il a prévu que, si le déficit d'une année ou le dépassement est supérieur à 1 000 000 000 $, là on peut étaler, si vous voulez, sur une période de cinq ans le remboursement de ce dépassement-là. Ça fait en sorte qu'on peut s'engager dans une spirale de déficits, année après année, de dépassements qui ne seront pas remboursés tout de suite mais dont le paiement sera étalé sur une période d'années. Et ça peut donner suite à une espèce de cercle vicieux, où on va retomber dans la technique des dépassements et des déficits à répétition. M. le Président, le gouvernement n'a pas accepté notre proposition et s'en est tenu à son 1 000 000 000 $. Ce n'est pas rien. C'est quand même un geste dans la bonne direction. On aurait préféré qu'il fasse un peu mieux, qu'il garantisse 1 500 000 000 $, mais le gouvernement a refusé.

Alors, M. le Président, je termine là-dessus. Il y a un grand nombre d'autres amendements que nous avons proposés qui n'ont pas trouvé grâce aux yeux du ministre. Mais reste quand même, en fin d'analyse, que ce projet de loi là, c'est un pas en avant. Et j'espère que le gouvernement va le faire adopter, d'abord, qu'il ne le retirera pas en fin de course, sous la pression des centrales syndicales, et que, finalement, le gouvernement pourra aussi le respecter. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Il n'y a pas d'autres intervenants? Oui. Alors, il y a le député de Westmount–Saint-Louis qui veut intervenir.

M. Chagnon: Combien de temps, M. le Président?

(15 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Dix minutes. Je vous cède la parole. Maximum, 10 minutes.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je tiens à participer aux discussions sur le projet de loi n° 3, comme je l'ai fait en commission parlementaire. La Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, en fait, on nous l'a présentée comme étant presque la huitième merveille du monde. Toutefois, elle est quand même assez différente de ses petites soeurs, je dirais, qui ont déjà été adoptées en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick. Je me suis fait un tableau de ces différentes législations.

Je pourrais, M. le Président, vous signaler que la loi du Québec ne comprend aucune pénalité pour les membres du gouvernement qui ne l'appliqueraient pas, contrairement, par exemple, à la loi pour faire en sorte de retrouver l'élimination du déficit du Manitoba qui, elle, a fait en sorte de prévoir une diminution de 20 % du salaire des ministres et du premier ministre, si le cabinet venait à contrevenir à la loi. Je reconnais que ces pénalités ne se retrouvent ni dans la loi de l'Alberta, ni dans la loi du Nouveau-Brunswick, ni non plus dans celle du Québec.

En ce qui concerne l'inclusion de l'ensemble des activités gouvernementales, eh bien, dans toutes les autres lois, à l'exception de celle du Québec, M. le Président, on peut penser qu'elle est élevée. J'ajouterai que la loi de la Colombie-Britannique n'est pas une loi antidéficit mais plutôt une loi visant à geler les taxes et les tarifs. Mais, au Québec, l'inclusion de l'ensemble des activités gouvernementales est limitée. Le projet de loi n° 3 limite effectivement la portée des activités gouvernementales qui sont affectées.

L'utilisation de surplus budgétaires en Alberta est appliquée à la réduction de la dette. Au Manitoba, elle est dirigée au fonds de stabilisation ou au fonds de remboursement de la dette. Au Nouveau-Brunswick, ce n'est effectivement pas défini. Mais, au Québec, rien ne force le gouvernement à appliquer des surplus à la réduction de la dette; même le contraire: on pourrait présumer que les surplus pourraient aller à de nouvelles dépenses gouvernementales.

En ce qui concerne la protection des contribuables, la Colombie-Britannique prévoit un gel formel des taxes et tarifs à partir du 1er avril 1996 jusqu'au 31 mars de l'an 2000. Le Manitoba, lui, a aussi une protection des contribuables qui empêche l'augmentation de taxes et d'impôts à moins qu'il y ait un référendum. En ce qui concerne la législation du gouvernement actuel, il n'y a aucune protection des contribuables qu'on puisse retrouver là-dedans, à tel point qu'on a pu remarquer, au cours des derniers mois, que les contribuables du Québec ont été matraqués à gauche et à droite par le biais éventuellement de leurs taxes scolaires, de leurs taxes municipales, par le biais de sommes qui ont été pelletées dans la cour des municipalités, je pense entre autres au dossier du paiement de la Sûreté du Québec et à d'autres. Finalement, les citoyennes et citoyens du Québec auront pour plusieurs centaines de millions d'augmentations d'impôts ou d'augmentations de taxes via des décisions qui sont prises ici. Quant à l'équilibre du budget, l'obligation en est une dans chacune des législations: albertaine, celles de la Colombie-Britannique, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, sauf au Québec.

M. le Président, le projet de loi n° 3 comporte encore certaines carences. Cette loi prévoit, par exemple, que le gouvernement du Québec peut encourir des dépassements pour plus d'une année financière, s'il prévoit encourir, lors d'un discours sur le budget et avant l'application d'un plan financier de résorption, un dépassement d'au moins 1 000 000 000 $. Ce n'est pas rien, cette espèce de marge de manoeuvre énorme que se donne le ministre des Finances dans le dépassement éventuel de ses prévisions budgétaires d'au moins 1 000 000 000 $ qu'il pourrait résorber sur cinq ans.

Il se donne trois raisons circonstancielles pour faire en sorte de démontrer qu'il pourrait éventuellement revenir en Chambre pour nous signifier qu'il y aurait eu, par exemple: premièrement, une catastrophe ayant un impact majeur sur les revenus ou les dépenses; deuxièmement, une détérioration importante des conditions économiques; troisièmement, une modification dans les programmes de transfert fédéraux aux provinces qui réduirait de façon substantielle les paiements de transfert versés au gouvernement. Bref, le carquois des arguments pouvant permettre au gouvernement de dépasser de plus de 1 000 000 000 $ ses prévisions économiques est complet et bien rempli.

À peu près toutes les situations possibles et impossibles pourraient découler de la formulation de ces trois arguments ou de ces trois raisons, de ces trois circonstances qui sont énumérées par le gouvernement.

M. le Président, un projet de loi sur l'élimination du déficit, et c'est le deuxième qui est présenté dans cette Chambre, j'ai eu l'occasion... Je vais vous montrer une pièce de musée quasiment. C'est la seule copie qui reste du projet de loi 197, Loi sur la limitation des dépenses budgétaires, que j'avais eu le plaisir, je dirais, de présenter en 1991 et qui cherchait à limiter les dépenses budgétaires du gouvernement, qui prévoyait limiter les déficits du gouvernement aux seules dépenses d'immobilisation à compter de l'exercice financier 1995-1996: «Et, à cette fin, le déficit relié aux autres dépenses sera réduit de façon progressive à compter de l'exercice financier 1992-1993.»

Le projet de loi qui est devant nous est un peu dans la même veine que celui qui avait été présenté à l'époque, en 1991, mais qui avait été contesté par le ministre des Ressources naturelles d'aujourd'hui, qui était le leader de l'opposition de l'époque, et le député d'Abitibi-Ouest, qui était à l'époque leader adjoint de l'opposition, et qui avaient plaidé pour l'irrecevabilité du projet de loi. Finalement, après quelques semaines de recherche, votre prédécesseur, le député de La Prairie de l'époque, M. Saintonge, avait agréé et obtempéré aux arguments de l'opposition.

M. le Président, revenons à aujourd'hui. Il y a des éléments que devrait couvrir une législation sur la limitation des dépenses et le recours au déficit budgétaire. Les quatre provinces qui ont déjà écrit et qui ont déjà adopté des projets de loi dans ce sens-là vont... Et l'étude de leur législation permet d'estimer qu'on doit chercher, dans un projet de loi de ce type-là, à avoir une inclusion la plus large possible de l'éventail des activités gouvernementales. On doit chercher à identifier les manoeuvres comptables particulières, que ce soit la création des fonds spéciaux, comme plusieurs ont été créés dans les dernières années, le transfert de dépenses aux municipalités, etc., la nécessité d'établir des règles strictes à l'égard des responsables politiques pour qu'ils se conforment à la loi, contrairement à ce qu'on retrouve dans le projet de loi, pénalités envisageables, imputabilité accrue des hauts fonctionnaires.

Heureusement, à l'époque où on a fait adopter le projet de loi 198, qui était le frère jumeau ou la soeur jumelle du projet de loi 197, on a réussi à élargir le rôle des parlementaires de façon à ce que les parlementaires puissent convoquer les sous-ministres, les administrateurs d'État, les dirigeants d'entreprises d'État en commission parlementaire pour que ces derniers puissent faire part de leur administration dans les dossiers qui les concernent.

M. le Président, un projet de loi comme celui-là doit aussi définir des mécanismes qui permettent d'atteindre les objectifs budgétaires fixés, même s'il y a dérapage pendant une année financière. Or, le projet de loi, lui, prévoit, contrairement à cela, que, s'il y a dérapage dans une année financière, on a cinq années, par la suite, puis avec l'amendement apporté par le ministre même presque une sixième année, pour permettre justement de ramener le déficit à l'objectif initial mais cinq ans plus tard.

La protection du contribuable dans l'exercice d'équilibre budgétaire est, à notre avis, importante. Malheureusement, le projet de loi ne prévoit aucune protection du contribuable dans l'exercice d'équilibre budgétaire. Cette protection serait une garantie pour lui éviter d'avoir à recevoir les taxes directes et indirectes, comme celles qu'il reçoit depuis les trois derniers mois, soit les augmentations de permis de conduire, d'immatriculation...

À peu près tout ce qui peut bouger a été augmenté depuis les trois derniers mois. Le fardeau de taxes a été envoyé sur le dos des municipalités et des commissions scolaires à un rythme sans précédent. Et les citoyens, les contribuables évidemment écoperont de ce coup de pelletage vers d'autres gouvernements locaux. Alors, la protection du contribuable, donc, dans l'exercice de l'équilibre budgétaire, n'est pas démontrée et n'est pas recherchée dans ce projet de loi, et c'est une de ses plus grandes faiblesses, je dirais.

Quant à l'utilisation des surplus budgétaires, M. le Président, je crois que l'utilisation des surplus budgétaires devrait servir au financement de la dette passée, c'est-à-dire de la dette accumulée. Mais, si ces arguments avaient pu permettre ou avaient pu avoir un certain écho chez le ministre des Finances, évidemment ça lui aurait permis de bonifier substantiellement le projet de loi n° 3 que nous avons devant nous. Mais, malheureusement, ça n'a pas été le cas. Merci.

(15 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Il n'y a pas d'autres intervenants.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, est-il adopté? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 30 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 43


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 30, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route. Alors, je vais céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Pontiac, je vous cède la parole.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Comme vous l'indiquiez, nous sommes à la prise en considération du rapport du projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route. M. le Président, je dois dire que l'opposition officielle est fière d'avoir participé à l'étude détaillée de ce projet de loi qui crée une toute nouvelle législation sur les véhicules hors route. Vous savez – peut-être que vous êtes un amateur de ce sport, soit la motoneige soit le Quad – donc, M. le Président, que, depuis nombre d'années, ça devient de plus en plus populaire.

Cette nouvelle pièce législative était nécessaire, M. le Président, afin de mieux encadrer la pratique de la motoneige et des véhicules tout-terrains. On sait, et je l'indiquais, que l'utilisation de ces véhicules est de plus en plus populaire mais, malheureusement, cause aussi de nombreux accidents, dont un trop grand nombre sont fatals. Et, aussi, c'est certainement la vie et la santé des individus qui nous préoccupent, mais il y a aussi le respect de la propriété, le respect de l'environnement qui est en jeu. Et c'est certain qu'une loi qui vient encadrer l'exercice de ce sport va certainement aider à sensibiliser les adeptes de ce sport-là à être plus respectueux et à les responsabiliser. Et il y a certainement des conséquences pour les gens qui, malheureusement, voudraient encore pratiquer ce sport-là, disons, de façon irrespectueuse.

De 1986 à 1992, 135 personnes sont mortes en conduisant un véhicule hors route, dont 53 % étaient âgées de moins de 20 ans. Donc, M. le Président, il était temps qu'on puisse procéder pour avoir le projet de loi, et je dois dire que c'est un projet de loi qui a eu sa naissance... Il y a quelques années, le gouvernement précédent avait réussi à avoir une consultation à travers la province auprès des gens qui pratiquent ces sports, dans le but d'arriver avec un projet de loi qui collerait à la réalité. De plus, de 1987 à 1990, le ministère de la Santé et des Services sociaux a répertorié 1 730 personnes hospitalisées pour un accident relié à la pratique de cette activité, ce qui totalise 12 562 journées d'hospitalisation. Donc, il était temps qu'on pose des gestes dans le but d'améliorer cette performance.

M. le Président, sans hésiter, l'opposition officielle a estimé essentiel que l'utilisation et la circulation des véhicules hors route, tant sur les chemins publics que privés, soient mieux réglementées. Même, j'avais indiqué tantôt qu'il y avait eu une consultation en région, mais, même si on avait eu cette consultation-là qui datait de trois ou quatre ans, on a tenu à rappeler à ce moment-ci... Et je tiens à rappeler à ce moment-ci que nous avons insisté au moment de l'étude du principe pour entendre en commission parlementaire les principaux groupes concernés par cette nouvelle législation. Et, je dois vous dire, heureusement que le ministre a acquiescé à notre demande et que nous avons eu des consultations. D'ailleurs, nos travaux, lors de cette consultation particulière, nous ont permis d'adopter des amendements et, par le fait même, d'améliorer le projet de loi que nous avions devant nous. Ces amendements contribuent à mieux répondre aux intérêts des groupes et des personnes qui utilisent les véhicules hors route.

M. le Président, une des réactions que le caucus libéral avait eues au moment du dépôt de la loi n° 43, c'était que les gens des régions, les gens qui sont près des agriculteurs ou les gens qui travaillent dans la forêt privée ont dit: Regardez une minute, là, beaucoup d'agriculteurs, beaucoup d'exploitants forestiers utilisent le quatre-par-quatre, le Quad pour faire leurs travaux. Et, à ce moment-là, ils étaient certainement inquiets que ce genre d'équipement qui est utilisé pour les travaux d'agriculture ou en forêt soit soumis aux mêmes lois. Et c'est ça, M. le Président. On n'a qu'à penser aux agriculteurs et à ces exploitants forestiers qui utilisent régulièrement leur VTT.

Et, à mon sens, et ce, après avoir entendu l'Union des producteurs agricoles, qui réellement reflétait ce que notre caucus nous avait dit, nous autres, en caucus avant d'avoir étudié le principe, de faire attention de ne pas soumettre les véhicules utilisés par les agriculteurs et les forestiers sous la même loi... Parce que les gens qui utilisent les véhicules hors route pour des raisons de sport... On n'a certainement pas besoin des mêmes contrôles lorsque c'est pour les agriculteurs, et c'est pour ça que, lorsqu'on a entendu l'Union des producteurs agricoles, il fallait absolument que le législateur fasse une distinction entre ceux et celles qui utilisent ces véhicules de manière récréative et utilitaire.

Et, heureusement, M. le Président... Et je suis heureux que, au début de l'étude détaillée, le ministre ait répondu à ma demande, qu'il allait tenir compte du témoignage de l'UPA, ce qui nous a permis d'apporter un amendement à l'article 46 qui fait la distinction entre l'utilisation, disons, d'un véhicule tout terrain pour des raisons de récréation, de loisir... Eux, il sont soumis à la loi. L'agriculteur ou l'exploitant forestier qui, lui, l'utilise pour exécuter ses travaux de tous les jours, il n'est pas touché par ça. Donc, je suis convaincu que le monde agricole et les exploitants forestiers sont bien heureux de cette distinction-là.

(16 heures)

Diverses modifications ont aussi été apportées visant à bonifier ce projet de loi, et ce, afin de mieux protéger les utilisateurs de ce véhicule. Et, M. le Président, en voici quelques-unes: un amendement, le remplacement d'«odomètre» par «cinémomètre», parce que la distinction... C'est qu'on avait indiqué un odomètre, ce qui n'était pas nécessairement un indicateur de vitesse, mais plutôt un indicateur de la distance qui a été parcourue. Donc, ce qui était le plus important, c'était d'avoir le cinémomètre, parce que, dans le projet de loi, on limite la vitesse de ces véhicules-là. Donc, c'était certainement plutôt un cinémomètre qui était nécessaire. Aussi, M. le Président, inclusion des MRC, parce que l'utilisation de ces véhicules tout-terrains hors route ne se fait pas nécessairement seulement à l'intérieur des municipalités locales, ça s'exerce aussi au sein des MRC. Donc, à l'article 8, et ça, suite à une demande de l'UMRCQ en consultation, on a apporté un amendement pour inclure aussi les MRC.

M. le Président, c'est bien important, un dépôt d'un projet de règlement signé conjointement par le ministre des Transports et son collègue de l'Environnement et de la Faune et visant à protéger les milieux fragiles. Donc, comme je vous disais, c'est un nouveau projet de loi qui veut encadrer certainement l'exercice de ce sport-là, mais dans le respect de toutes les choses et aussi dans la sécurité. Et, selon le ministre, ce règlement saura répondre aux craintes des environnementalistes entendus en commission parlementaire et ainsi devrait être en vigueur au même moment que le projet de loi lui-même, et ça, ça devrait certainement enlever un peu de l'inquiétude que les environnementalistes ont exprimée au moment de la consultation.

C'est avec sérieux et rigueur que l'opposition officielle a étudié ce projet de loi n° 43. C'était, je crois, et c'est notre responsabilité d'obtenir des réponses à chacune de nos interrogations, d'autant plus que l'on instituait une toute nouvelle législation. Et, maintenant que nous sommes rendus à cette étape-ci, espérant qu'on pourra passer à l'étape de l'adoption, les gens qui vont exercer ces sports-là devront le faire à l'intérieur d'un cadre qui ne devrait pas leur causer trop de contraintes, mais au contraire les assurer que tout va être fait dans le respect et surtout au point de vue sécuritaire. Donc, nous comptons sur le ministre des Transports pour nous faire connaître dans les meilleurs délais les importantes dispositions réglementaires découlant de ce projet de loi.

M. le Président, je pense que c'est un projet de loi qui nous a permis réellement d'apprécier le fait qu'on a eu des consultations particulières. Je pense que tous les groupes, au nombre de sept, qui ont pris le temps de venir nous expliquer ce qu'il y avait dans le projet de loi qui ne semblait pas favorable, malheureusement, comme dans toute chose... Il y a certains amendements qui n'ont pas pu être acceptés, mais au moins les parlementaires ont été sensibilisés que, oui, il y avait un problème et que, si malheureusement nous n'avions pas à ce moment-ci des solutions à ces problèmes-là, au moins on était sensibilisés et on pourrait, avec le temps, regarder et peut-être éventuellement apporter des changements qui pourraient répondre de façon plus positive aux préoccupations des gens qui seront touchés par ce nouveau projet de loi.

En terminant, l'opposition officielle tient à indiquer qu'elle apportera sa collaboration à tout projet de loi qui vise à accroître la sécurité des Québécois et des Québécoises, un peu comme on l'a fait pour le projet de loi n° 12, encore un projet de loi qui ressemble un peu au n° 43, parce que c'est encore là un domaine de sécurité où on fait des amendements, des changements au Code de la sécurité routière, tout ça ayant comme objectif de vouloir améliorer notre bilan sur nos routes et ainsi de réduire le nombre de pertes de vies, le nombre de blessés dans les accidents sur nos routes. Donc, nous attendons avec impatience le moment où le ministre viendra nous parler, au moment de l'adoption, s'il y a d'autres choses qu'il veut y apporter, des changements qui pourraient en soi bonifier ce projet de loi. Et, sur ce, M. le Président, je vous dis merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Il y a d'autres intervenants? Il y a M. le député de Bertrand. Alors, je vous cède la parole, M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Souvent, le parti ministériel accuse le parti de l'opposition de parler constamment contre les projets de loi déposés. Je pense que c'est très important aussi de manifester notre accord dans un projet de loi, comme le porte-parole officiel, le député de Pontiac, disait tantôt, même si le ministre avait ça tout cuit dans les mains, parce que la consultation que j'ai eu l'honneur de présider en 1993 avait déposé les grandes lignes de conduite dans ce genre d'activité, qu'il fallait encadrer. Et on félicite le ministre d'avoir poursuivi dans cette ligne-là, qui vise particulièrement la sécurité des citoyens et surtout l'encadrement d'une activité qui est fort populaire, qui est peut-être méconnue au Québec.

Vous savez, un des problèmes, c'est simple, c'est qu'il y a 150 000 véhicules, et, dans bien des cas, ces véhicules-là sont la possession de personnes qui sont des citadins qui vont faire du VTT, qui vont faire cette activité. Où vont-ils le faire? Le problème était là, il n'y avait pas d'endroit et il n'y avait pas de réglementation. L'exemple qui a été pris, ça été, bien entendu, un exemple qui a été marquant au Québec et qui a été un excellent tracé, qui est les clubs de motoneige. La fédération des motoneiges du Québec, qui, par ses clubs, par ses membres et par ses sentiers au Québec, a donné un exemple évident, a tracé la voie à comment rendre opérationnel ce genre d'activité là.

Vous savez, M. le Président, autant les motoneigistes se sont disciplinés, autant c'est devenu une activité récréative, une activité familiale dans bien des cas, autant le VTT. Les VTT étaient connus par les agriculteurs, les chasseurs. Je vois le ministre de l'Environnement, qui est un chasseur... C'est un instrument, je pense, je dirais, pas essentiel, mais presque complémentaire essentiel, et je ne pense pas que ces gens-là qui utilisent les VTT – je prends les chasseurs à titre d'exemple – veulent détruire d'abord l'environnement, veulent tout saccager, veulent saccager les terres d'autrui. Je pense qu'ils veulent l'utiliser dans un encadrement réglementaire et je pense qu'on a l'exemple ici d'une loi qui va améliorer énormément, pas l'activité de la chasse, mais l'utilisation de 150 000 véhicules.

C'est quelque chose, là. Il y a des gens, il y a 150 000 personnes qui décident de faire de cette activité-là, et, contrairement aux motoneigistes, les VTT, les véhicules tout-terrains, c'est une activité familiale beaucoup plus que la motoneige. J'ai été surpris, moi, de voir jusqu'à quel point les gens vont là en famille, font des pique-niques en pleine forêt, vont sur le bord des lacs, et il n'y avait pas de réglementation.

Lors de la consultation de 1993, ça a été une consultation assez facile. Les gens étaient d'accord pour mettre une réglementation, et c'est ce que le ministre a bien décidé. Il a bien voulu reprendre cette consultation, l'orchestrer au niveau de la législation et décider de la présenter ici.

Il y a des règlements là-dessus, par exemple il y a des articles de la loi sur lesquels je veux quand même prévenir le ministre qu'il y a des choses à retenir et surtout à peut-être faire attention. Je prends particulièrement l'article 21, et je tiens à vous le lire, M. le Président, parce que c'était un des problèmes majeurs. Un véhicule tout-terrain, c'est marqué sur la plupart des machines «un seul passager». Je dis «la plupart», sur presque la totalité, c'est marqué «un passager», et la plupart des gens qui utilisent des véhicules tout-terrains, ils utilisent ce véhicule-là pour deux personnes. Même, on vend de l'équipement pour asseoir quelqu'un en arrière. Ça, ça a été le problème à travers toute la consultation. Et ces gens-là ne font pas ça pour déjouer la loi, ils font ça tout simplement pour faire une utilisation maximale.

(16 h 10)

Mais l'article 21, il y a un problème à mon point de vue, et je pense que le ministre, lorsqu'il va en être conscient, peut peut-être l'aménager. Donc, l'article 21: «Ne peuvent être transportés sur un véhicule hors route plus de passagers que la capacité indiquée par le fabricant.» Ça, il n'y a pas de problème. «À défaut d'indication du fabricant, un seul passager peut être transporté sur une motoneige et aucun sur les autres véhicules hors route.» Le problème vient du paragraphe après: «Un passager supplémentaire peut être transporté si le véhicule est muni d'un équipement additionnel, prévu à cette fin et installé selon les normes du fabricant.»

Là, il faut faire attention. Il faut faire une distinction entre fabricants et dépositaires, parce que les fabricants ne font pas d'articles supplémentaires pour les véhicules hors route. C'est-à-dire, pour ceux qui connaissent le véhicule, il y a une espèce de, je dirais de sac – pas de sac – de porte-paquet, en arrière, qu'on coussine et où on peut asseoir quelqu'un. Quand on parle de fabricants, on parle des grandes compagnies comme Honda, Suzuki, Yamaha – je ne veux pas faire de publicité. Ces gens-là ne fabriquent pas d'équipements additionnels, et c'est là le danger. Vous allez chez votre dépositaire; lui, il en a. Mais le dépositaire, ce n'est pas le fabricant. Ça fait que le dépositaire, il va dire: Bien, écoutez, vous mettez cet équipement-là; nous, on vous le recommande; nous, on pense qu'il est légal – bien on ne pense pas, on va dire – il est légal, il s'adapte à votre véhicule. Et les gens vont, de bonne foi je pense, faire installer ça.

Je demande au ministre de regarder l'article 21 parce que ça peut induire en erreur énormément les gens qui utilisent cette activité-là. C'est tout simplement dans le but où les familles ou les gens qui font un achat... Ce n'est pas tout le monde qui fait la différence entre un fabricant et un dépositaire, parce que la plupart des gens pensent que le représentant Yamaha ou Honda, dans son coin, lui, il a l'autorisation de vendre ce genre d'équipement là. Moi, je vous le dis en toute humilité, lorsqu'on a fait la consultation, les grandes compagnies nous suivaient, et c'était ça, leur problème. Eux, ils n'ont pas le droit de fabriquer ce genre d'appareil supplémentaire parce que ce n'est pas légal. Mais, ici, je pense qu'il y aurait lieu de se pencher là-dessus, puis je crois qu'on aura l'occasion d'en parler au ministre.

Ce n'est pas fait dans le but d'induire les gens en erreur, c'est peut-être juste la connotation. Et automatiquement, lorsqu'on achète de l'équipement supplémentaire, bien là, on assoit le bébé, ou on assoit l'épouse, ou on assoit d'autres personnes, et ça déstabilise le véhicule, et ça peut être dangereux lorsque vous montez dans les sentiers, et la pesanteur n'est pas nécessairement sur la devanture. Moi, je vous parle au point de vue légal.

Au point de vue pratique, allez dans les sentiers de VTT, la plupart des véhicules hors route, il y a deux personnes sur le véhicule. Ça, je vous dis, c'est pour ça qu'il peut y avoir un problème, si la Sûreté du Québec arrive puis applique la loi, et là on prend ces gens-là, on dit: Tu as le droit juste à une personne sur le véhicule. Bien non, il dit, moi, j'ai acheté de l'équipement additionnel. Mais il n'y en a pas d'équipement additionnel Suzuki, il n'y en a pas Honda, il n'y en a pas Yamaha, ça n'existe pas. Ça fait que c'est juste ça que je dis... Il me reste seulement deux minutes?

Tout simplement pour vous dire qu'on a hâte à l'adoption. J'avais peut-être une autre chose, et il faudrait être prudent sur ça, lorsqu'on a mis le 70 km sur les sentiers de motoneiges, dans les faits... M. le Président, je ne sais pas si vous en faites, mais, si vous prenez la Transcanadienne, au niveau de la motoneige, il n'y a pas une motoneige qui va à 70 km à l'heure, elles vont toutes plus haut parce que le véhicule peut le faire et le sentier peut correspondre à l'acclimatation d'une vitesse plus grande.

Pour le VTT, 50 km, vous êtes dans des sentiers qui sont plus ou moins cahoteux, possiblement. Mais, mettre un chiffre au niveau de la motoneige, je pense qu'on peut avoir un problème. Quand vous avez une délégation qui part de Chicoutimi ou de Jonquière et qu'ils descendent tous à 100 km, et les policiers les mettent sur le côté... Il y a des routes qui peuvent s'adapter, avec un pourcentage de vitesse beaucoup plus élevé. Moi, je laisserais ça avec la capacité des routes comme au Québec. Au Québec, vous avez des autoroutes à tant de kilomètres, des routes plus moyennes à moins de kilomètres.

C'étaient deux articles sur lesquels j'aimerais peut-être que le ministre se penche, pour une utilisation plus facile pour les gens qui vont avoir à l'utiliser. Donc, on est d'accord avec la loi puis on a hâte qu'elle entre en vigueur, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bertrand. Il n'y a plus d'autres intervenants.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements portant sur le projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route, est-il adopté? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 32 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 66


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 32, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés. Y a-t-il des intervenants? Alors, M. le député de Viger, je vous cède la parole.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Oui, M. le Président. On se rappellera que ce projet de loi a été institué par le ministre du Conseil du trésor pour avoir un départ assisté de certains fonctionnaires du gouvernement du Québec. Le ministre, il nous disait qu'il y avait déjà au-delà de 2 489 fonctionnaires qui s'étaient prévalus de ce départ assisté là et que la somme totale dans ce fonds est autour de 161 000 000 $ que le gouvernement va débourser pour ces départs assistés, pour en économiser apparemment autour de 490 000 000 $ d'ici l'an 2000.

M. le Président, nous espérons que ces départs assistés là vont se faire dans le volontariat, que ça se fera vraiment d'une façon raisonnable, et c'est la raison pour laquelle nous sommes d'accord avec le projet de loi. Nous allons suivre quand même le gouvernement de très près pour voir si les informations qu'il nous a données vont se vérifier pendant le temps qu'on aura devant nous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le député de Viger. Alors, nous étions bien, oui, à l'article 32, projet de loi n° 66. Alors, il n'y a plus d'autres intervenants.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi n° 66, Loi instituant le Fonds de gestion des départs assistés, est-il adopté? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 29 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 41


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 29, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 41, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les contrats d'assurance de responsabilité de certains établissements. Y a-t-il des intervenants? Alors, M. le député de Robert-Baldwin, je vous cède la parole.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Le projet de loi n° 41 est un projet de loi relativement technique. Si vous me permettez, j'aimerais signifier à l'Assemblée que ce projet de loi modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin de permettre à la Corporation d'hébergement du Québec de garantir l'exécution de toute obligation à laquelle une association est tenue dans le cadre de la gestion d'une franchise afférente à un contrat d'assurance négocié et conclu à l'avantage de ses membres. Ce projet de loi prévoit en outre que le ministre de la Santé et des Services sociaux pourra, aux conditions déterminées par le gouvernement, rembourser à la Corporation d'hébergement du Québec les sommes que cette dernière pourra être appelée à verser en application d'une telle garantie.

Ce qu'il faut savoir, M. le Président, c'est que, historiquement, les différentes associations d'établissements avaient décidé d'un commun accord d'avoir un fonds, un fonds qui était devenu relativement important – on parle de plus de 70 000 000 $ – et, tout à coup, au dernier budget, eh bien, le ministre des Finances a décidé de se l'approprier, ce qu'il a fait. Cependant, pour permettre aux établissements de santé de pouvoir continuer de remplir leurs obligations, eh bien, il demande à la Corporation d'hébergement de pouvoir suppléer auprès des établissements à tout problème lié à un litige regardant les assurances.

(16 h 20)

Nous en sommes aujourd'hui à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales qui procédait vendredi dernier à l'étude du projet de loi n° 41, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les contrats d'assurance de responsabilité de certains établissements. Le ministre a modifié le titre de son projet – Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux – pour y inclure une omission contenue dans la loi n° 116. Je vous rappelle, M. le Président – ce n'est pas la première fois qu'on le dit en cette Chambre – qu'il y a eu beaucoup d'improvisation dans les trois lois que le ministre de la Santé a passées ici, à l'Assemblée nationale. Toutes ces lois ont été passées sous le bâillon, toujours au milieu de la nuit, et je me suis engagé, à chaque fois que j'en ai l'occasion, à rappeler, par exemple, que la loi sur l'assurance-médicaments a été passée à 5 heures du matin – la loi n° 33 – et qu'à minuit le ministre déposait pour 120 pages d'amendements.

La loi n° 116, c'est un peu la même modification, elle a été acceptée sous le bâillon – acceptée, c'est relatif – acceptée par le gouvernement, mais nous y étions opposés parce que cette loi était un véritable monument aux régies régionales et à la bureaucratie. Eh bien, déjà, une loi qui a été acceptée au mois de juin, le ministre a décidé d'en faire un amendement.

Vous savez, M. le Président, le ministre et moi, on se parle rarement, sauf ici, en cette Chambre. Alors, il a choisi de m'écrire pour être sûr de voir, là, à ce que son amendement puisse être lu par l'opposition. Alors, le ministre m'écrit, en date du 12 décembre: «Comme vous le savez, le projet de loi n° 116 – celui qui a été accepté sous le bâillon au mois de juin – a été adopté.» La date, c'est le 19 juin.

«Il modifie entre autres la composition du conseil d'administration des régies régionales. Le paragraphe 3° de l'article 397 précise notamment pour la Régie régionale de Montréal-Centre que trois personnes sont élues par la Communauté urbaine de Montréal et choisies parmi les élus municipaux des municipalités autres que celle de la ville de Montréal et qu'une autre est nommée par la ville de Montréal et choisie parmi ses élus municipaux. Or, depuis – c'est toujours le ministre de la Santé qui parle – il a été porté à mon attention qu'en matière de représentation une règle de parité entre la ville de Montréal et les municipalités de la Communauté urbaine de Montréal fait déjà consensus sur l'île de Montréal.»

Ça, M. le Président, pour quelqu'un qui est habitué au réseau de la santé sur l'île de Montréal, c'est une règle qui remonte à l'année 1982. Ça a été difficile pour nous de pouvoir l'apporter au moment de l'étude en commission parlementaire. On n'a jamais étudié article par article: ça a été fait sous le bâillon. Cette fameuse règle de parité permet déjà à la ville de Montréal de nommer deux personnes parmi ses élus municipaux au sein du conseil d'administration de la régie et deux personnes représentant les autres municipalités de la communauté urbaine. C'est ce qui s'est fait depuis le début des années quatre-vingt.

«Suite aux représentations qui m'ont été faites – c'est toujours le ministre qui parle – par la ville de Montréal, par la Conférence des maires de la banlieue, par la Régie régionale de Montréal-Centre et par le ministre d'État à la Métropole, j'ai l'intention – le ministre – d'introduire officiellement cette règle de parité pour la régie de Montréal dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Compte tenu du peu de temps qui nous sépare du début du processus de renouvellement des conseils d'administration des régies régionales...» Vous savez, M. le Président, qu'on vient d'avoir les élections des différents établissements de santé. Eh bien, maintenant que ces conseils d'administration là sont formés, c'est au niveau des conseils d'administration des régies régionales... Ce sont eux qui, maintenant, doivent aller en élections sous la nouvelle loi n° 116.

Alors, le ministre écrit: «J'ai l'intention de soumettre, au moment où nous étudierons article par article le projet de loi n° 41, un amendement établissant cette parité ainsi que deux amendements de concordance.» Et le ministre nous demande sa collaboration.

Alors, M. le Président, je pense que de confirmer dans la loi ce qui existe déjà dans les faits, eh bien, c'est quelque chose qui est assez important. De nouveau, c'est dommage qu'on n'ait pas été en mesure de faire les corrections nécessaires au mois de juin dernier. Cependant, pour être certain que ce que le ministre écrivait était véridique, je me suis permis de vous présenter les recommandations de différents intervenants de la région de Montréal, la première dans une lettre datée du 23 septembre et signée par un des maires extrêmement influents, M. Peter Trent. Alors, il écrit au ministre: «Le 20 juin dernier, l'Assemblée nationale sanctionnait le projet de loi n° 116. À la lecture de la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les membres de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal ont été étonnés d'apprendre que les modalités de formation et de composition du conseil d'administration de la régie régionale de la santé et des services sociaux avaient dû être substantiellement modifiées.» De nouveau, là, c'est un des maires, celui qui préside la Conférence des maires de la banlieue qui dit: Bien, écoutez, au mois de juin, le ministre a été trop vite.

Alors, «le troisième alinéa de l'article 397 de cette loi stipule maintenant que le conseil d'administration de la régie est composé, dans le cas de la régie régionale de la santé instituée pour la région de Montréal, de trois personnes élues par la Communauté urbaine et choisies parmi les élus municipaux autres que ceux de la ville dont le territoire est compris dans celui de cette municipalité urbaine, et une autre est nommée par la ville de Montréal et choisie parmi ces élus municipaux.» De nouveau, le président de la Conférence des maires de la banlieue nous dit, nous indique que le projet de loi n° 116 a été fait à la dernière minute, sous le bâillon, vous le savez, M. le Président, j'insiste encore une fois.

«Nous tenons à vous aviser que la modification apportée à la loi – c'est toujours M. Peter Trent qui nous écrit – introduit une répartition injuste et inéquitable du pouvoir de représentation des municipalités au sein du conseil d'administration de la régie de Montréal-Centre. Cette nouvelle règle contredit le consensus auquel adhèrent les municipalités environnantes et la ville de Montréal. Nous souhaitons que la Loi sur la santé et les services sociaux reflète ce consensus et rétablisse la pratique courante. Vous trouverez donc ci-joint copie certifiée conforme de la résolution adoptée à l'unanimité par le conseil de la Conférence des maires de banlieue, où siègent tous les maires des municipalités de banlieue de l'île de Montréal.»

Il ajoute: «Le conseil d'administration de la Régie de Montréal-Centre a également adopté, le 22 août dernier, une résolution unanime – je vais y faire référence tantôt. En conséquence, nous vous prions – il s'adresse toujours au ministre – de bien vouloir entreprendre les démarches législatives afin de rétablir le droit fondamental pour les municipalités de désigner elles-mêmes leurs propres représentants, ainsi que la représentation équitable de la ville de Montréal et des autres municipalités de l'île au conseil d'administration de la Régie régionale de Montréal-Centre.»

Alors, c'est la première lettre sur laquelle je voulais faire rapport à l'Assemblée, le président de la Conférence des maires de banlieue qui demande au ministre de faire un amendement à sa loi n° 116, donc au projet de loi que nous étudions actuellement.

M. le Président, pendant qu'on parle des maires de banlieue, j'apprécierais saluer un des maires de mon comté qui siège au conseil de la Régie régionale de Montréal-Centre, le maire Ovide Baciu, qui est maire de Roxboro et qui est un bénévole qui représente bien les intérêts de la population de la ville de Roxboro.

Ceci étant dit, j'ai la copie de la résolution; je ne sais pas si vous êtes intéressé à l'entendre rapidement. C'est un extrait du procès-verbal d'une assemblée du conseil de la Conférence des maires de banlieue tenue le 20 août à 19 heures, en la salle du comité de l'hôtel de ville de Saint-Laurent. Vous me faites signe que oui, M. le Président, vous voulez l'entendre. Alors, la résolution et le numéro, ce sera disponible pour vous.

«Représentations des élus au conseil d'administration de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre.

«Considérant que les élus municipaux détenaient et détiendront toujours quatre sièges au conseil d'administration de la régie de Montréal;

«Considérant que la ville de Montréal et la Conférence des maires de banlieue de Montréal ont convenu de se répartir équitablement le nombre de sièges audit conseil d'administration, deux étant désignés par la ville puis deux autres par la Conférence des maires de banlieue;

(16 h 30)

«Considérant que cette entente reflétait le principe de l'équité dans la représentation des élus de l'île de Montréal qui guide la location de sièges entre la ville et la Conférence des maires au sein de plusieurs organismes».

Et le dernier considérant, M. le Président:

«Considérant que l'Assemblée nationale adoptait le 20 dernier – alors je crois que c'est le 19 juin – la loi n° 116 établissant un mécanisme complexe, inefficace et non conforme à la pratique et à la réalité géopolitique sur l'île».

M. le Président, ce n'est pas le député de Robert-Baldwin qui le dit, je trouve le considérant tellement important que je vais vous le répéter: «Considérant que l'Assemblée nationale adoptait le 19 juin dernier la loi n° 116 établissant un mécanisme complexe, inefficace et non conforme à la pratique et à la réalité géopolitique sur l'île». Je pense que c'est quand même des commentaires qui arrivent d'un peu partout. Il me semble que les lumières rouges devraient commencer à s'allumer du côté du gouvernement, du côté des ministériels et particulièrement du côté des députés. Alors, la résolution comme telle après tous ces considérants dont celui sur les pratiques complexes et inefficaces.

«Il est résolu:

«Que la Conférence des maires de la banlieue de Montréal sollicitent une modification législative afin de modifier le paragraphe 3 de l'article 397 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour prévoir que, dans le cas de la régie régionale de la santé instituée pour la région de Montréal-Centre, deux personnes soient élues et choisies parmi les élus municipaux des municipalités, autres que la ville de Montréal, dont le territoire est compris dans celui de la Communauté urbaine de Montréal et deux autres soient nommées et élues par la ville de Montréal et choisies parmi ses élus municipaux;

«Que la Conférence des maires de la banlieue intervienne officiellement auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux afin de solliciter cette modification;

«Qu'une telle demande de résolution d'appui soit faite auprès de la ville de Montréal, de la régie régionale de la santé; et

«Que copie de cette résolution soit transmise au maire de Montréal, au président de la régie ainsi qu'au ministre de la Santé.»

Et la copie est certifiée conforme par M. Marc Vaillancourt, vice-président exécutif et directeur général.

M. le Président, je voulais être certain, lorsque le ministre nous disait qu'il avait fait des consultations, qu'il les avait vraiment faites. On se souvient que, dans d'autres dossiers, en commission parlementaire particulièrement, il y a eu des gens qui ont été quand même rencontrés et qu'on n'a pas retenu ce qu'ils ont eu à nous dire. Je pense à l'assurance-médicaments. Plusieurs groupes, plus d'une quarantaine, étaient venus nous saluer, nous expliquer les doléances, les améliorations qu'ils voulaient apporter au projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments, et le ministre ne les a pas retenues. Donc, je voulais absolument avoir des écrits à vous présenter cet après-midi, lorsqu'on discutait du projet de loi n° 41.

Alors, ici, j'ai un extrait du procès-verbal de la neuvième réunion extraordinaire du conseil d'administration de la régie régionale de Montréal, tenue à la salle 107 du siège social, le 22 août 1996, et à laquelle il y avait quorum.

«Recommandations au ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le collège électoral des municipalités au conseil d'administration de la régie régionale.

«Considérant l'équilibre démographique de la région de Montréal-Centre et la pratique des dernières années quant à la préparation des municipalités au conseil d'administration de la régie régionale;

«Il est proposé, dûment appuyé et unanimement résolu de demander au ministre de la Santé et des Services sociaux de modifier le paragraphe 3 de l'article 397 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, pour prévoir que deux personnes soient nommées par la ville de Montréal et deux personnes élues par les autres municipalités de la région de Montréal-Centre.» La copie aura été certifiée conforme le 26 août 1996. Elle est signée par Marcel Villeneuve, secrétaire du conseil d'administration. Il est également le directeur général de la régie de Montréal-Centre. M. le Président, si vous voulez les documents, ils vont être à votre disposition.

Alors, maintenant qu'on a une confirmation de la Conférence des maires de la banlieue, qu'on a la confirmation de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, il nous resterait à savoir si la ville de Montréal et le maire de Montréal sont d'accord avec l'amendement qui a été proposé par le ministre.

Et ici j'ai également une lettre de M. le maire, M. Pierre Bourque, qui écrivait au ministre le 11 septembre dernier. En passant, c'est presque, jour pour jour, deux mois après l'entrée en vigueur de la loi n° 116. Alors, M. le maire disait au ministre: «À ma grande déception, j'apprenais dernièrement que le projet de loi n° 116, sanctionné le 29 juin 1996, n'accordait qu'un siège à la ville de Montréal parmi les quatre sièges attribués au milieu municipal au sein du conseil d'administration de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre. Ma déception – là c'est le maire qui parle – est d'autant plus grande que la ville de Montréal vous a fait part à maintes reprises de sa position sur ce chapitre dans les différents mémoires déposés à la régie de Montréal-Centre et dans une lettre que je vous adressais en avril 1995.»

M. le Président, je sais qu'il y a peut-être une question de technicalité, mais, si celui qui va vous remplacer sur le banc veut avoir les documents, ils sont disponibles pour lui aussi. Alors, le maire de Montréal écrivait au ministre: «La règle de parité entre Montréal et les municipalités de banlieue constitue une formule de représentativité qui fait consensus sur l'île de Montréal. Cette règle doit inspirer, en conséquence, toute modification à la Loi sur les services de santé et les services sociaux en ce qui concerne les quatre sièges municipaux du conseil d'administration de la régie de Montréal-Centre. Cette règle, adoptée au comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal en 1982, a servi de référence lorsque les municipalités ont établi la composition des sièges municipaux du premier conseil d'administration de la régie de Montréal-Centre. Comme je vous le rappelais aussi dans ma lettre, cette règle de parité entre Montréal et les municipalités de banlieue a aussi été adoptée pour le conseil d'administration du Conseil régional de développement de l'île de Montréal, constitué en 1994.»

Alors, M. le maire de Montréal continue, dans sa lettre au ministre de la Santé: «Ce modus vivendi régional, qui a fait ses preuves à la Communauté urbaine de Montréal et, depuis quatre ans, au conseil d'administration de la régie de Montréal-Centre, a été confirmé à nouveau le 22 août dernier, alors que le conseil d'administration de la régie de Montréal-Centre adoptait à l'unanimité une résolution vous demandant de modifier l'article 397 de la loi n° 116 afin que la ville de Montréal puisse nommer deux élus municipaux. Il va de soi que j'appuie cette démarche. À l'approche de l'élection du prochain conseil d'administration de la régie de Montréal-Centre annoncée pour le début novembre, une telle modification devient urgente.» Alors, il demande au ministre de traiter le dossier avec diligence.

Eh bien, M. le Président, nous avons, cette fois, une lettre écrite par le maire de Montréal, qui demande au ministre, déjà, d'apporter un changement à une loi qui a été passée sous le bâillon au mois de juin dernier. Nous avons une lettre du président de la Conférence des maires de la banlieue et nous avons une résolution de la Régie régionale de la santé et des services sociaux.

Alors, pour toutes ces raisons... Nous avons également eu à en discuter en commission parlementaire, nous avons demandé des éclaircissements, mais ce que nous retenons surtout, c'est: Pourquoi ça n'a pas été fait au bon moment, c'est-à-dire au moment où l'Assemblée nationale étudiait le projet de loi n° 116? Et, de nouveau, nous croyons vraiment qu'en déposant le projet de loi dernièrement on fait preuve, du côté ministériel, encore une fois, d'improvisation.

(16 h 40)

Alors, M. le Président, c'était, pour le moment, l'ensemble des différents commentaires que nous avons souhaité apporter à ce projet de loi. De nouveau, nous sommes d'accord avec la position du maire de Montréal, des maires de banlieue et également de la régie de Montréal quant à la différenciation des représentants des différentes mairies de Montréal ou de la Communauté urbaine, à savoir, au lieu d'avoir trois représentants des maires de banlieue et un représentant de la ville, eh bien, d'avoir deux représentants des maires de banlieue, deux représentants de la ville, comme ça a toujours existé dans un modus vivendi depuis les années quatre-vingt, le début des années quatre-vingt, je crois que c'est 1982.

Quant aux autres amendements... non, pas les amendements, mais les articles, les trois articles du projet de loi, eh bien, il ne suffit, en conclusion, que de rappeler qu'il y a eu une récupération de fonds, un fonds important qui était à la disposition des établissements, un fonds d'autour de 70 000 000 $, mais que, pour que les établissements puissent remplir leurs obligations, la Corporation d'hébergement pourra donner les argents nécessaires, selon les règlements des différents litiges. Par exemple, s'il y avait un règlement hors cour au moment où les gens discutent soit au palais de justice ou ailleurs, eh bien, la Corporation d'hébergement aurait les liquidités nécessaires pour que les établissements de santé puissent remplir leurs différentes obligations.

M. le Président, c'était l'ensemble des commentaires que je voulais porter à votre attention. Je vous remercie vraiment de toute l'attention que vous avez donnée. Et, comme je vous l'ai dit tantôt, si vous avez besoin de photocopies ou de documents additionnels, ça va me faire plaisir de vous les faire parvenir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. M. le député de Bertrand.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Je salue le ministre, qui me regarde. M. le Président... Oui. On n'a pas le droit de signaler l'absence de quelqu'un, mais on a le droit de signaler la présence. Non?

Une voix: Non.

M. Thérien: Ça me fait plaisir qu'il soit... Non? Ah bon! Si on n'a pas le droit de signaler la présence, c'est fait, M. le ministre, vous êtes là. Je m'en excuse, M. le Président.

Vous savez, je le disais tantôt dans la loi précédente, lorsqu'on parlait des véhicules tout-terrains, qu'on était d'accord avec le ministre. Vous savez que ça fait partie aussi du parlementarisme de se lever lorsqu'on est d'accord avec un principe, qu'on est d'accord avec une loi. Mais c'est aussi quelque chose d'important de se lever, de manifester notre accord, mais dans quel encadrement c'est, aussi.

Lorsqu'on parle de lois de santé, les gens ont été pas mal bousculés, au Québec, depuis deux ans. Je pense que le ministre peut être comparable à une espèce de bulldozer qui rentre dans une forêt, qui met tous les arbres à terre et qui décide de faire de la plantation après parce qu'il a réalisé qu'il fallait garder des arbres. Mais, au départ, il décide de mettre tout à terre, et c'est un peu l'histoire du projet de loi n° 41.

Vous savez, quand on arrive à un projet de loi puis qu'on l'amende quelques mois après, ça veut dire bien des choses, M. le Président. Ça veut dire que, lorsqu'on a passé le projet de loi, on n'a pas été assez attentif à ce que d'abord l'opposition disait, mais d'abord aussi à ce que les intervenants disaient. Parce que vous savez qu'il y a presque une règle ici, en Chambre: lorsque l'opposition parle, le parti ministériel pense que, dans bien des cas, c'est anodin et que ça n'a pas de pertinence, particulièrement lorsqu'on s'oppose à une loi. Mais, lorsqu'on est d'accord avec une loi... C'est peut-être de dire au ministre: Au lieu de modifier des lois, ça serait peut-être important qu'il fasse attention avant de les faire. En plus quand cette loi-là a été passée sur bâillon... Et là on se prépare fort probablement ce soir à vivre d'autres bâillons.

Moi, ça me rappelle une quantité de souvenirs. Je vois des gens du parti ministériel qui étaient dans l'opposition. Je ne les nommerai pas, mais il y a bien des gens qui déchiraient leur chemise et leur rob e – parce qu'il y avait des femmes aussi là-dedans – et qui disaient que c'était effrayant, que le gouvernement pouvait faire des choses sur bâillon. J'en vois sourire parce qu'ils étaient de ceux-là, ces gens-là. Ils étaient de ceux-là qui disaient: C'est effrayant, c'est effrayant que le parti ministériel puisse le faire. Une loi aussi importante que la loi n° 116, où on parlait des responsabilités des conseils d'administration... Et on parlait particulièrement de donner toute l'autorité voulue, tous les pouvoirs au magnanime ministre de la Santé du Québec où lui pouvait se donner les pouvoirs de juger telle ou telle situation.

Peu de temps après, M. le Président, il décide d'amender parce qu'il s'est aperçu qu'il n'avait pas écouté correctement les gens ou qu'il n'avait pas pris assez de temps. Mais, on le sait, le truc est simple: les lois qui sont faites en vapeur ici, particulièrement, ne sont pas faites en fonction des citoyens; elles sont faites pour aller récupérer de l'argent. On s'aperçoit de ça.

On vient de parler sur une loi, tantôt, avec laquelle on était d'accord, puis le ministre la dépose, puis on est d'accord puis on l'étudie assez rapidement. On sait que c'est pour le bien des gens. Mais on ne récupère pas d'argent. Quand c'est le temps de récupérer de l'argent, je peux vous dire que les objectifs sont louables. Mais je peux vous dire aussi que la collection est facile. Je l'ai dit, le ministre des Finances dit à chacun des ministre: Faites votre collection. On se croirait un peu dans le temps où le seigneur passait dans ses colonies, puis tout ça, puis décidait: Tu me dois tant, tu me dois tant, on va donner tel service. C'est un peu ça qui se passe.

Bien entendu, la loi n° 41 vient corriger ce que le député responsable du dossier nous disait. Écoutez, quand les maires de banlieue, quand la régie régionale... Puis Dieu sait que la régie régionale était à genoux, est encore à genoux devant le ministre de la Santé! Il se cache derrière, toujours, la régie régionale. Je n'ai pas vu sa voiture reculer, moi, en arrière d'une régie régionale. Je l'ai vue devant un hôpital, mais, devant la régie régionale, absolument pas. Et, devant les instances politiques de la ville de Montréal... Tous ces gens-là avaient dit au ministre que la façon dont la loi n° 116 était faite ne donnait pas justice à cette agglomération aussi importante.

Bien, écoutez, faire un mauvais geste, c'est quelque chose. Ne pas le répéter, c'est aussi quelque chose. Le modifier, on salue la modification, mais on lui dit: Écoutez, il y a eu une loi sur l'assurance-médicaments qui a été faite à la vapeur, il y a eu plusieurs lois qui ont été faites à la vapeur au niveau de la santé, et on va arriver avec plusieurs modifications. Le temps de l'Assemblée nationale, c'est sûr qu'il est à la disposition des parlementaires pour venir corriger un geste peut-être de cette ampleur-là, mais on voudrait que le parti ministériel dépose les lois, justement, qui sont génératrices d'emplois, qui sont créatrices d'espoir. Ce n'est pas ça qu'on dépose. Là, on vient de déposer une correction qui était souhaitée par la plupart, et ce que le député responsable disait, c'est que c'est une loi qui confirme ce qui existe dans les faits. Bien, ça, on salue ça, mais comment ça se fait que, dans la loi n° 116, on n'a pas réussi à voir la nécessité émise par des gens qui représentent... Écoutez, l'agglomération des maires de banlieue, la régie régionale de Montréal – on a tellement parlé de la régie régionale – ces gens-là ont dit au ministre... Le ministre a écouté, pour une fois. Peut-être qu'il est sur la bonne pente.

Hier, je l'ai écouté dans une émission et j'ai essayé de comprendre comment on pouvait diminuer 15 000 fonctionnaires puis en engager en même temps. C'était bien complexe, là. C'est pour ça que je vais vous dire: Je ne sais pas s'il est fort en calcul, mais il est fort en démonstrations où on ne connaît pas le résultat. Absolument.

Donc, on nous a passé le bâillon sur la loi n° 116. On l'a dit, ça. On l'a dit à ce moment-là que c'était d'abord trop rapide, que ça donnait une autorité au ministre, que ça changeait les règles du jeu, que ça débalançait un peu les forces importantes dans ces conseils d'administration là. Et quelques mois après... J'espère qu'il va se lever lorsqu'il va avoir son droit de réplique puis qu'il va nous dire qu'on avait raison puis qu'il aurait dû le faire à ce moment-là. L'humilité, c'est quelque chose d'important, puis particulièrement en politique parce que les choses reviennent rapidement.

Donc, pourquoi il ne l'a pas fait? Vous me dites que mon temps passe rapidement, mais je vais essayer de conclure en vous disant que... Pourquoi le ministre s'entête à faire les choses rapidement si ce n'est qu'il a justement une commande du ministre des Finances? Écoutez, on a eu sa note aujourd'hui – sa note ministérielle – qui semblait bonne. C'est un gars qui est capable de livrer la marchandise. Mais, vous savez, la meilleure note, c'est qui? C'est les citoyens. Puis je ne suis pas convaincu... Et c'est les travailleurs dans le domaine de la santé.

Les travailleurs dans le domaine de la santé, M. le Président, ils sont malheureux. Ils sont malheureux puis ils vont commencer, puis ils l'ont déjà dit au ministre... Le ministre, lui, est au-dessus de ça. Présentement, il n'use pas de souliers. Il est pas mal au-dessus de ça, mais va venir le temps où la population va le rattraper, les faits vont le rattraper. Il ne peut pas dire que les services vont bien tout le temps, que tout va bien dans le système. Les faits vont le rattraper.

Donc, concernant la loi n° 41, ça rétablit un déséquilibre qui avait été créé lors du bâillon, lors de la loi n° 116. Ils ont dit au ministre: Mais, écoutez, la prochaine fois, soyez donc plus attentif, on ne prendra pas le temps de l'Assemblée nationale, la législation, pour ce faire. Merci, M. le Président.

(16 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Nous allons céder maintenant la parole au député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Bonjour, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 41, qui vise à modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les contrats d'assurance de responsabilité de certains établissements.

On apprenait aujourd'hui que le ministre de la Santé, par le biais de ce projet de loi là, tente de modifier un autre projet de loi qui a été adopté à toute vapeur au mois de juin dernier – et je m'en souviens fort bien, M. le Président, parce que j'avais pris la parole sur ce projet de loi là – et où le ministre de la Santé doit corriger une erreur commise l'été dernier.

M. le Président, certaines personnes, ce matin, disaient, dans les journaux, que le ministre de la Santé est un ministre qu'on ne peut pas traverser. Moi, je pense qu'on est plutôt face au ministre Titanic. Il pense qu'il ne peut pas être traversé, mais on voit que le bateau, à un moment donné, va frapper des icebergs et il va couler.

Et on se rend compte assez bien qu'au niveau de la correction qu'il veut apporter au projet de loi n° 41 il a commis une erreur et une erreur assez importante. Au niveau de la composition du conseil d'administration de la régie régionale de Montréal-Centre, son projet de loi – et on le lui avait dit à ce moment-là – ne respectait pas la tradition qui existe à Montréal, au niveau de la parité par rapport aux représentants qui siègent sur un conseil d'administration.

Alors, aujourd'hui, on a, ni plus ni moins, deux projets de loi devant nous, un amendement au projet de loi n° 116 et le projet de loi n° 41 qui vise à corriger le trop grand appétit, la gourmandise du ministre des Finances, qu'on pourrait même appeler la «bouchardise» du gouvernement; gouvernement qui tente d'aller chercher et qui est allé chercher 70 000 000 $ dans le fonds qui était dévolu au niveau de l'ensemble des hôpitaux de la province pour prévenir certaines situations qui peuvent survenir, par exemple un feu, un incendie ou une action qui est intentée par un citoyen. Et des fois, l'hôpital décide de régler hors cours, l'hôpital a besoin d'avoir des fonds pour pouvoir payer ces réclamations-là qui ne sont pas prévues. Alors, il existait, dans chacun de ces établissements-là, des fonds que le ministre des Finances a tout simplement décidé d'aller récupérer et de rapatrier au niveau de son ministère, pour pouvoir indiquer à la population quel effort budgétaire le gouvernement est en train de faire.

Or, lorsqu'on regarde de plus près ce qui se passe dans ce dossier-là, on se rend compte qu'il va continuer d'y avoir des réclamations au Québec. Et, quelque part, s'il y a des personnes morales qui sont fautives, il va falloir indemniser les citoyens qui ont été lésés ou il va falloir apporter des correctifs par rapport aux situations qui se sont déroulées. Et donc, ça va impliquer nécessairement un déboursement de fonds.

Le projet de loi vise ni plus ni moins à rapatrier du ministre des Finances ce qu'il était allé chercher. En d'autres termes, le projet de loi va permettre à la Corporation d'hébergement du Québec de garantir l'exécution de toute obligation – c'est ce que le projet de loi dit – à laquelle une association reconnue par le ministre – et on sait comment le ministre aime jouer un rôle important au niveau des services de santé – en vertu de l'article 267 et tenue relativement à la gestion d'une franchise afférente à un contrat d'assurance.

Mais, M. le Président, fait étonnant, on dit ceci: «Le ministre peut, aux conditions déterminées par le gouvernement, rembourser la Corporation.» On ne dit pas que le ministre doit rembourser la Corporation, on dit que le ministre peut rembourser la Corporation. Donc, on a transféré cette obligation-là au niveau de la Corporation d'hébergement du Québec. Cependant, le ministre s'est bien gardé de ne pas être obligé de rembourser toute réclamation qui pourrait être acquittée par la Corporation d'hébergement. Et on ajoute également que le tout se fera selon les conditions déterminées par le gouvernement. Donc, on constate, lorsque le gouvernement détermine les conditions... Ce ne sont plus les établissements de santé qui vont déterminer ces conditions-là.

Donc, tout le discours par rapport à la décentralisation, par rapport à l'autonomie des instances régionales, dont les régies régionales de la santé, bien, ce discours-là est quelque peu mis en péril par un tel projet de loi. On voit encore une fois que les gestes ne suivent pas les discours du gouvernement. Le gouvernement tient un certain discours, qui est peut-être intéressant, mais, lorsqu'on évalue les gestes qu'il pose, pour déterminer si ces gestes-là sont en conformité avec le discours gouvernemental, eh bien, on se rend compte, dans ce cas-ci comme dans bon nombre d'autres cas, qu'il y a un écart important.

Et, on sait, M. le Président, nous, de l'opposition... Chaque fois qu'un projet de loi est déposé en cette Chambre, la question que nous nous posons: Combien ça va coûter aux contribuables? Combien d'argent est-ce que le gouvernement va aller piger cette fois-ci dans la poche des contribuables pour pouvoir démontrer, sur le plan politique, que le gouvernement est en train d'assainir ses finances? Alors qu'on sait fort bien ce qui se passe. Le gouvernement n'est pas véritablement en train d'assainir ses finances, il est tout simplement en train de pelleter son déficit dans la cour d'autres instances, d'autres intermédiaires.

Et le parallèle que je ferais à ce moment-ci, M. le Président, c'est au niveau scolaire. Au niveau scolaire, on le sait, le gouvernement a l'intention de déplafonner le taux de taxe scolaire pour permettre aux commissions scolaires d'aller chercher plus d'argent dans les poches des contribuables. C'est tout simplement ce qu'on est en train de faire. Et ça va être vrai au niveau du transport scolaire: on veut transférer la gestion de ce service-là au niveau des commissions scolaires. Alors, ici, on voit que c'est le même pattern. Je vois la leader adjointe de l'opposition qui semble comprendre ma direction. Elle comprend fort bien, elle reconnaît le pattern, permettez-moi l'expression. On ne parle pas de commissions scolaires, ici, on parle de la Corporation d'hébergement du Québec. On est allé siphonner 70 000 000 $, hein? On est allé siphonner 70 000 000 $ pour remettre ça dans les coffres de l'État, et puis, par la suite, on dit aux instances intermédiaires: Organisez-vous avec le reste.

(17 heures)

Et on dit bien, dans le projet de loi: «Le ministre peut, aux conditions déterminées par le gouvernement...» Le ministre peut; il se garde toute une marge de discrétion. Je vois le ministre du Travail qui regarde, on dirait, avec intérêt. Il doit se poser la question: Si c'est bon pour le ministre de la Santé, c'est peut-être bon pour moi aussi. Est-ce qu'il y a une façon pour moi d'aller récupérer des sommes d'argent? Je vois l'intérêt sur son visage, M. le Président. C'est un jeune parlementaire. Il est en train d'apprendre les trucs des vieux parlementaires, ceux qui reçoivent les félicitations dans les bulletins. Ah oui! Peut-être que c'est un bon truc sur le plan gouvernemental, mais, pour les citoyens, ce n'est carrément pas acceptable de tenter de transférer, de se délester de ces responsabilités-là, d'aller récupérer des sommes d'argent qui avaient été prévues pour répondre à certaines réclamations. On va récupérer ça. Par la suite, on dit aux instances régionales: Organisez-vous si jamais il y a des réclamations, et, nous, on déterminera si on doit rembourser ou pas.

M. le Président, beaucoup de difficultés par rapport aux orientations du gouvernement dans son intention d'assainir les finances publiques. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Nous cédons maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes à l'étape de la prise en considération du projet de loi n° 41, et chacun sait ici, en cette Chambre, que c'est un projet de loi qui est important pour l'administration des services de santé dans la région de Montréal.

En effet, tout le monde... Et peut-être, pour les citoyens qui nous écoutent et qui nous regardent maintenant, faire un bref rappel. On sait que le gouvernement a créé, le gouvernement précédent a créé il y a quelques années, il y a trois ans maintenant, ce qu'on appelle les régies régionales de la santé. C'était afin de régionaliser et de donner aux représentants, ou aux municipalités, ou aux élus des différents milieux régionaux en particulier, le pouvoir et l'administration dans leur région des services de santé et des services sociaux. Alors, c'est une réforme assez majeure qui correspondait aux voeux et aux demandes d'un certain nombre de personnes qui, au fur et à mesure des années, nous disaient, au Québec: Bon, bien, écoutez, les services de santé sont concentrés sur Québec, la grosse administration. Nous aimerions prendre en main toute cette administration, la rendre plus efficace, plus proche des citoyens de notre région, peut-être plus concrète ou collant plus à la réalité que nous connaissons chez nous.

M. le Président, c'était une loi, donc, qui a permis de créer ces régies régionales et, bien sûr, il a fallu modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Par la suite, bien sûr, un certain nombre d'ajustements ont dû être amenés, ou vont être amenés dans le futur, au fur et à mesure que nous découvrons, par expérience, ce qui se passe concrètement sur le terrain.

En ce qui concerne la région de Montréal – car je suis un député de la région de Montréal et de la ville de Montréal en particulier, étant député de Rivière-des-Prairies, dans le bout de l'île de Montréal, et un bout de Pointe-aux-Trembles, bien sûr, le comté de LaFontaine – j'ai été impliqué dans la formation de la régie régionale de Montréal. Pourquoi? Parce que j'étais membre du gouvernement qui a créé cette régie. Alors, nous avons eu, bien sûr, de nombreuses discussions entre les élus, avec la collaboration des gens d'en face – qui d'ailleurs, à l'époque, étaient l'opposition et qui aujourd'hui se retrouvent au gouvernement – mais aussi avec les élus municipaux en particulier, car, s'il y a une richesse dans les régions, bien souvent c'est les élus municipaux et leur connaissance du milieu et des problèmes qu'ils ont.

Et, M. le Président, j'ai aussi toujours donné une certaine attention à ces projets de loi qui touchent la santé des gens parce que, comme députés, c'est là notre responsabilité de voir à ce que le système fonctionne bien et que nos citoyens soient traités d'une manière correcte, d'une manière humaine, rapide et efficace dans les services de santé. Ce qui n'est malheureusement pas le cas ces temps-ci, car de nombreuses personnes se plaignent et nous disent que les services sont embouteillés, qu'elles ont une baisse de la qualité, qu'elles ont beaucoup de difficultés à obtenir des soins dans les hôpitaux, elles sont obligées de partir rapidement. En tout cas, elles ne sont pas satisfaites. Les gens éprouvent un certain nombre de problèmes ou de difficultés peut-être dues à la structure actuelle qui est en mouvement, qui est en mutation, aussi peut-être dues aux coupures fortes et importantes qui sont faites par le ministre dans les services de santé de Montréal.

On sait qu'on a fermé des hôpitaux, particulièrement dans le nord-est de Montréal, alors qu'il était prévu d'en ouvrir un dans la région de Rivière-des-Prairies–Anjou–Pointe-aux-Trembles. On a décidé de le déménager et de l'amener dans une région avoisinante, dont, certes, les citoyens ont probablement des besoins, eux aussi. Et point n'est mon intention de le nier, mais je dis cela pour illustrer un peu le cafouillage qui se produit dans l'organisation des services hospitaliers dans la région de Montréal depuis bientôt deux ans.

Et, M. le Président, j'ai une copie d'une lettre et j'ai eu la surprise de rencontrer, il y a quelque temps, le maire de Montréal, qui me faisait part d'une lettre qu'il a envoyée au ministre, car il n'était pas satisfait. On sait que Montréal, c'est la grosse ville, là, dans l'île de Montréal. Il y a les municipalités de banlieue, 27 municipalités, des petites villes comme ville d'Anjou, Beaconsfield, Dollard-des-Ormeaux, Pierrefonds, enfin on pourrait toutes les nommer, mais je pense que les gens comprennent très bien où je veux aller. Mais il y a la grosse ville de Montréal. Le maire de Montréal a envoyé une lettre au ministre de la Santé, et j'aimerais peut-être en lire quelques paragraphes pour que les gens comprennent le but de nos interventions et bien sûr la dynamique du projet de loi.

«M. le ministre, à ma grande déception, j'apprenais dernièrement que le projet de loi n° 116, sanctionné en juin 1996, n'accordait qu'un siège à la ville de Montréal parmi les quatre sièges attribués au milieu municipal au sein du conseil d'administration de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre.»

Déjà, le premier paragraphe indique de quoi il relève, car nous nous retrouvons avec un conseil d'administration où les élus municipaux sont représentés, ont une influence et une importance très grandes, et la principale composante de cette région, qui est la ville de Montréal, n'a qu'un seul élu, qu'un seul représentant à ce moment-là, en septembre 1996, au conseil d'administration de la Régie régionale. Il y avait donc là quelque chose qui n'était pas normal et qui demandait à être corrigé. Alors, c'est tout à fait simple à expliquer, la parité. Montréal, la ville, c'est la moitié en termes de population. En termes de territoire, c'est aussi très vaste, et il ne viendra à l'idée de personne de penser que la ville devrait être confinée, avoir seulement un représentant à cette Régie.

M. le Président, le projet de loi, bien sûr, corrige cela, le projet de loi fait en sorte de régulariser et donne au maire de Montréal satisfaction. Alors, je pense que, à ce titre-là, le ministre de la Santé a certainement écouté les gens dans l'île de Montréal, dans Montréal, y compris les députés de son propre parti, mais ceux aussi de l'opposition, le député de Robert-Baldwin, la députée de Marguerite-Bourgeoys, le député de LaFontaine, le député de Sauvé, les députés qui ont fait des recommandations et des représentations pour inciter le ministre à régler cette iniquité ou cet anachronisme.

Alors, on se rend compte que, si c'est arrivé, c'est parce qu'il y a eu une erreur quelque part. Et, lorsque M. le maire de Montréal – et on sait qu'un maire à Montréal, ce n'est pas n'importe quel citoyen, là, c'est le premier citoyen de la ville de Montréal, reconnu internationalement, un homme de grande valeur, en général, qui a une image, qui retransmet l'image de cette société – se permet de dire au ministre qu'il doit recommencer ses devoirs avec un autre projet de loi parce que, dans la loi qu'il a passée précédemment, soit la loi n° 116, qu'il a passée à toute vitesse au mois de juin dernier, eh bien, il a omis cette reconnaissance de sa ville, il y a lieu de s'inquiéter quant à la connaissance sur le terrain, de la part du ministre, des composantes avec lesquelles il travaille, et ça démontre très bien... Ou alors peut-être pas du ministre, mais des fonctionnaires qui le conseillent en arrière ou de ses conseillers politiques. Nul ne le sait, nul ne le saura jamais. Peut-être un jour, quand le ministre écrira ses mémoires, s'il les écrit, il dira: Bien, j'avais oublié de mettre deux représentants à Montréal parce que mon sous-ministre Untel ou bien mon conseiller Untel ou ma députée Unetelle m'avait conseillé de ne pas le faire ou avait oublié de me le dire.

Il n'en reste pas moins que nous devons légiférer pour régulariser cela, et force est de constater que c'est là quelque chose qui n'aurait pas dû avoir lieu. Il aurait dû être reconnu tout de suite que la ville de Montréal, de par sa forme, par sa force, par son nombre de population, par son importance politique, avait droit à deux représentants sur le conseil d'administration.

Il y a maintenant un ministre responsable de la région de Montréal, et nous aurions été heureux qu'il fasse aussi ses recommandations. Peut-être les a-t-il faites, nous ne le savons point. Il disait cet après-midi, en Chambre, qu'il ne réglait pas les problèmes de Montréal en public, qu'il les réglait en coulisses. Bien, on a vu ça avec le Centre Molson: on s'apprêtait à régler en coulisses une baisse de taxes de 4 500 000 $. Si ça n'avait pas été d'un journaliste qui l'a mis dans le public, ça aurait été fait. Et là je m'inquiète, parce qu'on se retrouve avec un projet de loi qui n'a pas deux représentants pour Montréal, et ça s'est réglé en coulisses.

(17 h 10)

M. le Président, c'est ça qui est inquiétant, et je pense que l'opposition se doit d'être vigilante, d'être attentive et de faire en sorte de ne pas permettre à ce gouvernement, ou par manque de connaissances, ou par laisser-aller, ou alors par accointance avec des intérêts supérieurs ou particuliers, de prendre des positions, de passer des lois, ou des règlements, ou des amendements à des lois qui iraient à l'encontre du bien de l'ensemble des Montréalais. Pas de quelques corporations ou de quelques organisations, pour des raisons politiques, à qui nous ferions des ententes particulières. On doit gouverner pour le bien de l'ensemble des Montréalais, des payeurs de taxes, à la base, M. le Président, les gens qui ont des petits appartements, des petits bungalows, des petites maisons, qui gagnent durement leur vie, qui paient leurs taxes de la même manière que ceux qui ont de grands buildings, de grands blocs-appartements. Il doit y avoir une équité, il doit y avoir une attention particulière du gouvernement envers les citoyens et envers les gens.

Alors, M. le Président, malheureusement ce n'est pas le cas, nous sommes obligés d'en convenir. On l'a vu encore, je vous disais, hier, dans les journaux. Nous voyons que ce projet de loi, il a fallu réparer le manque de considération du ministre envers les citoyens de la ville de Montréal. C'est maintenant réparé, et nous en sommes satisfaits. Mais nous sommes quand même un peu amers de voir qu'il a fallu, quelques mois après, ramener un projet de loi pour faire ce qui aurait dû être fait dès le départ, soit reconnaître l'importance et la grandeur de la ville de Montréal dans l'ensemble de l'île de Montréal.

Alors, M. le Président, bien sûr, c'est là l'essentiel de mes propos, et je vous remercie de m'avoir accordé tout ce temps pour les tenir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous céderons maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À date, quatre projets de loi ont été présentés en cette Chambre par le ministre de la Santé: le projet de loi n° 83, le projet de loi n° 116, le projet de loi n° 33 et, cette semaine, le projet de loi n° 41. Sur ces quatre projets de loi, il y en a trois qui ont été adoptés par le bâillon, par la suspension de nos règles. Le ministre de la Santé n'a pas réussi, trois fois sur quatre, à faire adopter un de ces projets de loi parrainés par lui avec la procédure normale, ici, à l'Assemblée nationale. Normale dans le sens de: l'adoption du principe, l'étude détaillée en commission parlementaire et l'adoption finale. Le ministre de la Santé n'a pas été capable, trois fois sur quatre, de faire adopter des lois en suivant la procédure normale. Ça a pris des mesures extraordinaires, le bâillon, suspension des règles, pour faire adopter ces projets de loi.

M. le Président, je veux bien que le ministre de la Santé soit décrit comme un bon technocrate. Je veux bien. Oui, oui, gérer un système. Il parle rarement des patients; ce n'est pas grave, il gère des systèmes, des établissements. C'est un technocrate sans âme. Mais le pire, M. le Président, c'est qu'il est un très mauvais législateur, un très mauvais législateur. La preuve est très simple, M. le Président: en plus du fait qu'il faut qu'il fasse adopter ces projets de loi en écrasant l'opposition, en bâillonnant l'opposition, il faut qu'il corrige des fautes à droite et à gauche, lui. En matière législative, le député de Charlesbourg et ministre de la Santé ne fait que corriger ses propres fautes. Il faut le faire, M. le Président! Ça prend du talent. À chaque fois qu'on propose un projet de loi, il faut corriger les fautes des projets de loi que lui a présentés précédemment. Il faut le faire!

Dans toutes les occasions, M. le Président: le projet de loi n° 83, qui visait la fermeture des hôpitaux à Montréal, adopté par bâillon, suspension des règles, écrase par la majorité ministérielle les droits de l'opposition, en pleine nuit; le projet de loi n° 116, qui, lui, a amené des amendements à 83 – alors, déjà il y a un problème, M. le Président – bâillon, pas d'étude article par article, le ministre qui sait tout. Oups! Erreur, parce qu'il a fallu quelques mois plus tard, avec son projet de loi n° 116, corriger des erreurs dans 83. Déjà. Là, avec le curieux cheminement du projet de loi n° 41, on corrige des erreurs qui étaient à la loi n° 116.

C'est ça qu'il fait, là. Le ministre de la Santé, quand il présente des projets de loi, ne fait que corriger ses propres erreurs. M. le Président, le projet de loi n° 116, quand il a été adopté par bâillon, on n'a pas eu le temps d'étudier le projet de loi article par article. Et c'est ça qui arrive quand la majorité ministérielle écrase l'Assemblée nationale du Québec. C'est ça qui arrive quand la majorité ministérielle ne nous permet pas de faire notre travail comme il faut. Ils sont en train de commettre des erreurs. Le ministre de la Santé est en train de commettre des erreurs. Il va faire d'autres erreurs, M. le Président, je vous préviens.

Le projet de loi n° 116 – qui a été adopté par bâillon, suspension des règles – à l'article 37, indiquait que, dans le cas de la régie régionale instituée pour la région de Montréal-Centre, trois personnes sont élues par la Communauté urbaine de Montréal et une personne par la ville de Montréal; trois, un. Alors, l'enjeu n'était pas compliqué. L'enjeu était quatre sièges sur la régie régionale. Ce n'est pas compliqué, ça, M. le Président, l'attribution de quatre sièges sur le conseil d'administration de la régie régionale, et le ministre de la Santé a réussi à – j'étais à la veille de prononcer un mot antiparlementaire, tel que prononcé par le ministre de la Justice, mais je me retiens – se mêler avec quatre sièges, juste quatre. Ce n'est pas compliqué, même ma fille de 18 mois est capable de compter jusqu'à quatre: un, deux, trois... Et elle le fait, je vous assure.

Semble-t-il, le ministre de la Santé, lui, n'est pas capable, parce qu'il ne sait pas la différence entre deux pour la Communauté urbaine de Montréal et deux pour la ville, et trois pour la Communauté urbaine de Montréal et un pour la ville. Il ne connaît pas la différence, lui, quant à ça; deux et deux, trois et un, c'est pareil pour lui. Il a besoin de parler avec des mathématiciens, là. Il a peut-être besoin de parler avec le député de Verdun. Il a besoin d'utiliser la calculatrice TI 82, quelque chose, pour que ce soit clair dans son esprit que la situation qui prévalait au moment où il a adopté la loi n° 116 était deux sièges pour la Communauté urbaine de Montréal et deux sièges pour la ville de Montréal. C'est assez clair, M. le Président. On ne demande pas trop au ministre de la Santé. On lui demandait de préserver quelque chose qui marchait: deux pour la ville, deux pour la Communauté urbaine de Montréal.

Lui, qu'est-ce qu'il fait? Non, non, il ne maintient pas deux-deux, il indique dans son projet de loi n° 116, adopté par bâillon, qu'il faut que ce soit trois pour la Communauté urbaine de Montréal et un pour la ville de Montréal. Mais là, parce qu'on n'a pas pu l'étudier en commission parlementaire, cette erreur s'est glissée par le bâillon, personne ne s'en est rendu compte – Oups! – sauf le maire de Montréal; lui, il s'en est rendu compte. Même, à un moment donné, enfin, six mois plus tard, le ministre de la Santé s'en est rendu compte. Il a écrit à mon collègue le député de Robert-Baldwin, le 12 décembre: Oups! j'ai fait une petite erreur, là, moi, avec le projet de loi n° 116, qui disait – lui, le 116 – que ça prenait trois de la Communauté urbaine de Montréal, un pour la ville. Oups! j'ai fait une erreur, moi.

«Or, depuis, il a été porté – c'est le ministre de la Santé qui écrit – à mon attention qu'en matière de représentation, une règle de parité entre la ville de Montréal et les municipalités de la Communauté urbaine de Montréal fait déjà consensus sur l'île de Montréal.» Il ne savait pas ça au moment où ils ont adopté la 116 évidemment, parce qu'il l'a fait par bâillon. Il n'était pas au courant parce qu'il a privé la commission des affaires sociales de la possibilité de faire son travail comme il faut.

Ça fait que c'est quoi, sa réponse? C'est une astuce, là. C'est assez intéressant comme réponse: On va prendre un projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 41, qui touchait des mécanismes d'assurance. C'était, jusqu'à tout récemment, la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les contrats d'assurance de responsabilité de certains établissements. Bien, le ministre a dit: Ah! bon, écoute, je peux réparer ma gaffe en douce. J'ai un petit projet de loi de six articles devant l'Assemblée nationale, qui n'a rien à faire avec les conseils d'administration des régies, mais, quand même, on va le prendre, ce petit projet de loi là qui touche des assurances, et on va changer son nom, on va ajouter des articles et on va corriger ma gaffe en douce.

(17 h 20)

M. le Président, le ministre de la Santé était mal pris, je comprends, et, nous, de ce côté de la Chambre, on a consenti à ces ajouts qui ont été faits effectivement le vendredi 13 décembre à la commission des affaires sociales. On a consenti, M. le Président. C'était, je pense, de bonne foi. Le maire de Montréal souhaitait cette parité, souhaitait corriger cette gaffe. Le ministre, dans sa lettre du 12 décembre au député de Robert-Baldwin, a quasiment admis – c'est un autre ministre qui n'admet pas quand il fait des erreurs, le ministre de la Justice est à peu près pareil – qu'il a fait une erreur et qu'il comptait sur la collaboration du député de Robert-Baldwin pour corriger sa gaffe pour la troisième fois. C'est sa troisième gaffe législative. Eh oui, nous, de ce côté de la Chambre, on a consenti à ça. On a consenti à ça pour le bien-être de la ville de Montréal, de la Communauté urbaine de Montréal et de la Régie régionale de santé et des services sociaux de Montréal-Centre. On ne l'a pas fait pour débarrasser le ministre de la Santé de son embarras, mais c'est ça, les conséquences.

M. le Président, oui, on a consenti et on va l'accepter, mais, moi, comme législateur, je ne peux, en terminant, que déplorer le fait que, à chaque fois que le ministre de la Santé et des Services sociaux, le député de Charlesbourg, se présente en cette Chambre, c'est soit pour faire adopter ses projets de loi par bâillon, suspension des règles, ou pour corriger des gaffes qu'il a faites précédemment. Ça n'a pas d'allure! Il faut qu'il arrête, qu'il prenne le temps qu'il faut, lui, pour faire ses projets de loi de façon correcte. Étude détaillée en commission parlementaire, c'est ça que ça veut dire. On est prêt à le faire, on va le faire, mais il faut qu'il fasse son travail et qu'on arrête ce bâillon qui est l'épée de Damoclès autour de cette Assemblée nationale presque à chaque session parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Y a-t-il d'autres interventions sur le rapport de la commission des affaires sociales?


Mise aux voix du rapport

Donc, le rapport de la commission des affaires sociales portant sur le projet de loi n° 41, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les contrats d'assurance de responsabilité de certains établissements, est-il adopté?

Une voix: Par appel nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vote nominal demandé. Veuillez appeler les députés, s'il vous plaît... Excusez-moi.

Mme Caron: M. le Président, selon l'article 220 de notre règlement, il faut qu'il y ait cinq députés de l'opposition qui demandent un vote nominal...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez parfaitement raison...

Mme Caron: ...et ils sont trois.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...Mme la leader adjointe du gouvernement.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc...

M. Copeman: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...est-ce que c'est adopté sur division? Sur division.

M. Copeman: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je dois d'abord régler la question du vote et je vous reviens par la suite.

M. Copeman: C'est sur le vote, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député.

M. Copeman: Oui. Si j'ai bien compris le règlement, M. le Président, il s'agit de cinq députés qui demandent le vote. Peut-être qu'il y en a des députés du côté ministériel qui veulent le vote nominal. Nous, on est trois, c'est vrai, mais il y en a peut-être de l'autre côté qui le veulent.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, j'enregistre que le rapport de la commission des affaires sociales est adopté sur division.

M. Marsan: Ce n'est pas sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Non? C'est adopté. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 35 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 78


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements transmis

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 35 de notre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, ainsi que les amendements transmis, en vertu de l'article 252 du règlement, par M. le ministre du Travail et M. le député de LaFontaine. Les amendements du ministre sont déclarés recevables ainsi que l'amendement de M. le député de LaFontaine.

Alors, y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur ces amendements? M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, je fais juste porter à l'attention de l'Assemblée que les amendements qui ont été présentés ont été adoptés à toutes fins utiles par la commission parlementaire qui a fait l'étude du projet de loi article par article. C'étaient des dispositions importantes, puisque ça prévoyait des recours qu'on aurait pu perdre. Mais, étant donné qu'on a eu une entente, je pense que toutes les parties signataires à la demande qui avait été faite sont satisfaites, de même que l'opposition officielle.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. En effet, le projet de loi n° 78 a été longuement discuté en commission parlementaire et nous avons eu l'occasion d'y rencontrer aussi, d'y faire témoigner les différents groupes qui étaient intéressés par différents aspects de ce projet de loi là.

On sait que ce projet de loi a différentes composantes, dont une en particulier qui est celle de la mobilité des travailleurs entre le Québec et l'Ontario. M. le Président, on sait que c'est un dossier très important. C'est, pour les Québécois et les Québécoises qui habitent dans cette région de l'Outaouais, quelque chose qui était primordial. Pourquoi? C'est très simple. Parce que vous comprendrez, et je pense que les gens qui nous écoutent vont être d'accord avec nous, que, lorsque l'on habite près d'une frontière et que, pour travailler, on doive la franchir, et que, de l'autre côté, il y a des réglementations différentes, des organisations patronales, syndicales ou ouvrières différentes, à un moment donné, surtout dans les périodes de restrictions de l'emploi comme nous connaissons actuellement, il puisse arriver, entre les différentes parties, des frictions occasionnées par cette mobilité.

En clair, lorsque quelqu'un traverse une frontière ou une région pour aller travailler ailleurs, bon, qu'est-ce qui se passe? Eh bien, les autres peuvent dire: Bien, tu viens prendre ma job, ou: Moi, je ne peux pas aller chez toi. Et ça crée toute une situation qui, à l'occasion, peut s'envenimer et empoisonner le climat des relations entre ces deux régions et faire en sorte que les travailleurs ne puissent plus aller travailler. Et, dans la région de l'Outaouais, tout le monde sait qu'il y a un grand nombre de travailleurs qui vont à chaque jour travailler...

Prenons les employés du gouvernement fédéral, ceux qui travaillent dans les différents ministères, les différentes agences gouvernementales, qui habitent du côté québécois et vont travailler du côté ontarien. Pour ne prendre que ceux-là. Il y a aussi, bien sûr, tous ces gens qui travaillent dans des commerces qui sont établis de l'autre côté et qui, chaque jour, prennent leur automobile, franchissent un pont et vont exercer leur activité dans ce coin-là.

Il y a aussi, bien sûr, les travailleurs de la construction. Les travailleurs de la construction, nous savons tous qu'au Québec ils sont régis par un certain nombre de règlements, en particulier en ce qui a trait à la mobilité. La mobilité des travailleurs au Québec, elle est, pour les travailleurs québécois, sujette à certaines réglementations. Par exemple, un travailleur québécois qui oeuvre dans la construction, prenons l'exemple, qui habite dans la région de Joliette, la région administrative de Lanaudière, si je la nomme bien, ne peut travailler que sur les chantiers dans cette région-là, à moins que, dans la région avoisinante, il y ait une pénurie d'emplois dans le secteur dans lequel il oeuvre normalement. C'est ce qu'on appelle la régionalisation et le contingentement des travailleurs de la construction au Québec.

Pour ce qui est des travailleurs de l'Ontario, ça n'existe pas. L'entente va permettre à un travailleur québécois d'aller travailler en Ontario, certes, à un travailleur de l'Outaouais d'aller travailler en Ontario. Mais elle va permettre aussi à un travailleur de l'Ontario d'aller travailler n'importe où dans le Québec, contrairement au Québécois qui, lui, reste pris, est localisé dans sa région.

(17 h 30)

Alors, nous avons pensé qu'il y avait là un peu d'iniquité et qu'il faudrait voir cela, et ça nous a été mentionné par l'ensemble des organisations qui sont venues: les gens de l'APCHQ, les gens de la FTQ-construction, le Conseil provincial des métiers de la construction ainsi que la CSN-construction et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Ce que ces gens-là disaient et disent encore, c'est que nous devrions tendre à ce que les travailleurs québécois puissent travailler partout à l'intérieur du Québec et de la même manière que nous le permettons pour les travailleurs ontariens. Ce n'est pas un problème à régler avec les Ontariens, c'est un problème à régler entre nous, les Québécois. C'est un des aspects qui est ressorti de ce projet de loi là et qui est très important.

Il y avait aussi dans ce projet de loi des obligations pour un travailleur québécois... Au Québec, un travailleur est obligé de passer des examens à chaque année, d'obtenir sa carte de compétence et de payer 100 $ pour son renouvellement. Dans l'entente, un travailleur ontarien ne sera pas obligé de passer ces examens pour venir travailler au Québec, contrairement au Québécois, qui est obligé, et il ne sera pas obligé de payer non plus son 100 $.

Aussi, pour les entrepreneurs ontariens qui vont venir travailler au Québec... Parce que, si les travailleurs peuvent venir, les entrepreneurs aussi. L'entrepreneur québécois est obligé de passer une licence et puis des examens puis de payer les frais qui viennent avec. Pour l'entreprise ontarienne qui vient au Québec, elle n'est pas obligée, elle prend un certificat de compétence qu'il y a en Ontario. Mais, en ce qui les concerne, ce n'est pas les mêmes règles qu'au Québec, et elle n'est pas obligée de le faire.

Maintenant, aussi, au niveau de la santé et sécurité, nous avions certains questionnements. Au Québec, un cours de 30 heures pour un travailleur, au niveau de la sécurité sur les chantiers au travail, est obligatoire. Pour l'Ontario, c'est 15 heures. La question que nous avons posée, c'est: Est-ce qu'un travailleur ontarien a besoin seulement de 15 heures et un québécois 30 heures pour acquérir une bonne formation de sécurité sur les chantiers? C'est là une des questions qui aussi s'est posée. Et pourquoi ne pas uniformiser pour tout le monde?

Alors, c'étaient des questions, en ce qui a trait à l'entente Québec-Ontario, qui ont été soulevées, qui ont été posées et auxquelles les parlementaires ont essayé de trouver des réponses, pas toujours satisfaisantes dans l'ensemble, mais, pour certaines, qui étaient compréhensibles et nous semblaient acceptables, en tenant compte du contexte, qui, je le dis, est de favoriser la mobilité de nos travailleurs québécois qui vont de l'autre côté de la frontière pour exercer leur profession dans la construction.

M. le Président, il y a aussi, bien sûr, dans ce projet de loi, un volet très important qui touche la formation professionnelle. On sait que les travailleurs de la construction payent 0,20 $ de frais de formation; c'est mis dans un fonds. Et ce projet de loi nous a permis de lancer le débat d'une manière très intéressante, entre les différents partenaires, sur le problème qui existe avec le fonds de formation. On sait qu'une des organisations patronales, soit l'APCHQ, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations, a pris des recours juridiques vis-à-vis l'utilisation de ce fonds, son utilisation ou sa répartition, ce qui a eu pour résultat de geler, par décision judiciaire, 47 000 000 $, depuis deux, trois années, qui étaient destinés à la formation professionnelle et qui, là, ne sont pas utilisés.

Personnellement, nous, de l'opposition, et je pense du côté gouvernemental – c'est l'impression que j'ai cru avoir – nous trouvons ça totalement scandaleux, à une époque où les Québécois et les Québécoises sont obligés de chercher, de gratter pour trouver les ressources financières disponibles, qui sont de plus en plus rares étant donné le fardeau fiscal de nos concitoyens et la situation économique qui n'est pas facile. À une époque comme celle-là, il me semble totalement inadmissible que, pour des raisons de chicane, pour des raisons de concurrence ou de compétition entre organisations, une somme comme celle-là, destinée à former nos travailleurs, ne soit pas débloquée. Une des organisations a réussi à obtenir une injonction ou a réussi à faire débloquer une petite partie, 7 000 000 $, 8 000 000 $, dans un premier temps, mais le litige reste entier.

Et cette commission, ces audiences publiques qui ont été demandées par l'opposition et acceptées par le ministre avec bonne grâce, je dois le reconnaître, ont eu cet avantage d'obliger les gens à faire le débat, qui n'était pas prévu forcément dans le projet de loi. Mais, comme tout débat, comme toute discussion, dans tout forum, il arrive que l'on passe d'un sujet à un autre et qu'à un moment donné on arrive à un sujet essentiel qui concerne l'ensemble des gens qui sont présents. Et qu'est-il sorti de ce débat? Tout d'abord, c'est que la grande majorité des gens qui participent à ce fonds, qui représentent près de 80 %, ont convenu et nous ont fait savoir qu'eux aussi trouvaient ça tout à fait inadmissible et qu'il serait temps de s'entendre et de trouver des solutions pour rapidement donner une fin honorable à ce conflit qui perdure et à cette situation que je qualifie moi-même d'assez scandaleuse, en effet.

Pour l'autre partie, ils ont fait valoir quelques points. Ils ont essayé, eux aussi, de faire quelques ouvertures, et on doit dire que, lorsque l'audition s'est terminée, l'espoir n'était pas perdu. Mais, au-delà de ces intentions de chacun, nous avons pu voir la FTQ-construction, par son vice-président, M. Paré, faire des suggestions très, très intéressantes, nous avons pu voir le Conseil provincial ainsi que la CSN, l'ACQ aussi, l'Association de la construction du Québec, amener des idées, faire des ouvertures publiques. Ce qu'il faudrait maintenant, c'est que, suite à cette étude et à ces auditions en commission parlementaire, nous en retirions quelque chose de concret, car trop souvent toutes ces discussions restent lettre morte. Une fois que c'est fini, une fois que le focus n'est plus sur ce problème-là, nous passons à d'autres choses, et le problème perdure.

Point n'est dans mon intention de blâmer le ministre sur cette situation. C'est une situation qui a commencé avant qu'il soit ministre et dont il a hérité. Ce que nous déplorons de ce côté-ci, c'est que peut-être... Vous savez, lorsqu'on est un nouveau ministre et qu'on arrive dans un ministère – moi, j'ai 11 ans de vie parlementaire, je parle un peu par expérience – c'est un peu comme lorsqu'on arrive dans un nouvel emploi: on a le goût puis on a l'intention de faire beaucoup de choses. C'est ce qu'on appelle l'«état de grâce» que nous avons. Et ce que je déplore, ce que je regrette, c'est que le ministre n'ait pas profité de cet état de grâce qui lui était donné en arrivant comme nouveau ministre du Travail – poste très important ici, au Québec, un poste de prestige, un poste de leader, un poste de conciliateur dans le milieu du travail – qu'il n'ait pas profité de cette période pour agir plus rapidement. Ça, je peux le lui reprocher, M. le Président. Je ne lui reproche pas la situation. Agir au lieu d'attendre que la cour rende son jugement.

On sait que les parties font savoir que, si, dans cinq, six mois – le ministre nous disait trois, quatre mois – il y a jugement, déjà les parties nous ont dit que, si ça ne faisait pas leur affaire, eh bien, elles iraient en appel. Puis là, en appel, ça peut être un autre deux ans, un autre trois ans, nous ne le savons point. Nous serons rendus à l'aube de l'an 2000. Alors, je souhaiterais, étant donné qu'il y a eu devant cette commission ouverture d'esprit, intention des gens de mettre fin rapidement à cette situation désastreuse, que M. le ministre saisisse au passage cette chance, cette situation positive et réunisse rapidement, après les Fêtes, l'ensemble des intervenants en tenant compte de ce qui a été dit de part et d'autre ou de ce qui a été avancé comme propositions d'amendement, à un moment donné, suggérées par l'opposition et non pas imposées au ministre, parce que nous avions décidé, dans certains cas, de sensibiliser le ministre à des demandes qui étaient faites par des groupes et non pas de déposer l'amendement fermement, sachant qu'il ne pouvait y accéder. Nous comprenions à ce moment-là qu'il nous disait qu'il se pencherait par la suite sur les suites à donner à ce message qui lui était envoyé.

Alors, moi, je souhaiterais beaucoup qu'après les Fêtes, comme nous l'avons évoqué en commission parlementaire, le ministre puisse faire, pas un sommet mais au moins des rencontres, un colloque, je ne sais pas, avec tous ces gens-là, discuter avec eux, regarder les pistes de solution – et il y en a – et puis solutionner ça. Moi, je serais le plus heureux, lorsqu'on va reprendre la session au mois de mars – vous voyez, janvier, février, deuxième quinzaine de mars – de voir le ministre se lever en Chambre et nous annoncer, suite à une question d'un député de son groupe ou du député de LaFontaine sur ce sujet, qu'en effet ils en sont venus à une entente et que ça a été solutionné, et pas seulement pour dire que le ministre a réglé quelque chose ou que le député de LaFontaine a posé les bonnes questions ou a fait les bonnes recommandations, mais pour les jeunes et les moins jeunes qui sont actuellement dans la construction et qui ont besoin de formation professionnelle.

On sait que c'est une industrie qui est en pleine évolution, qui a besoin de recyclage, de gens qui vont devoir retourner apprendre des nouvelles technologies, des nouvelles techniques pour pouvoir continuer à être à la fine pointe de la technologie dans la construction, et on sait qu'au Québec les Québécois sont reconnus généralement dans beaucoup de pays pour être des spécialistes de la construction. Moi, je me souviens d'avoir été dans des voyages à l'étranger et de m'être fait dire, à titre d'exemple, en Algérie: Bien, vous voyez, telle ville, telle cité, c'est des travailleurs canadiens qui l'ont faite. Et, quand je grattais un peu, je me rendais compte que ces travailleurs canadiens étaient des Canadiens d'origine québécoise, des Québécois.

(17 h 40)

M. le Président, notre habileté, comme Québécois, à construire des villes, des maisons, des buildings, des édifices et des monuments n'est plus à faire, sauf qu'il faut continuer à les former, à les faire évoluer, à l'entretenir, et ce fonds est fait pour ça.

Il y a aussi les jeunes, M. le Président. Un grand nombre de jeunes qui sortent de l'école, secondaire V, secondaire IV, et qui ne demandent pas mieux que de prendre des connaissances dans des métiers intéressants, pleins de défis. Ceux de la construction, d'après moi, sont des métiers qui sont abordables et faciles d'approche pour un grand nombre de ces jeunes qui quittent l'école.

Donc, il se pourrait, M. le Président, que, grâce à cette entente que le ministre pourrait conclure rapidement au lieu d'attendre les jugements, eh bien, nous puissions, en collaboration avec l'industrie, avec les partenaires de l'industrie, l'APCHQ, l'ACQ, les centrales syndicales et les autres, mettre des programmes en collaboration avec les commissions scolaires, avec les écoles pour aller chercher des jeunes pour leur apprendre ce beau métier qu'est celui de la construction. C'est pour ça qu'il est fait, ce fonds-là. Il n'est pas fait pour d'autres choses. Il n'est pas fait pour payer des avocats qui vont se chicaner. Il n'est pas fait pour faire vivre des compagnies de communication qui vont émettre des communiqués pour défendre la partie de l'un puis la partie de l'autre. Il est fait pour former des Québécois et des Québécoises au métier de la construction et, particulièrement, il est fait pour former des jeunes. Bon.

Alors, vous me direz: Qu'est-ce que ça a à voir avec le projet de loi n° 78? Bien, ça a à voir qu'on aura au moins, dans ce projet de loi là, avancé un autre point en plus de celui de l'entente Québec-Ontario: celui de la reconnaissance de l'obligation de la formation professionnelle. Et je sais que le ministre y tient beaucoup. Je sais qu'il y tient. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec lui dans d'autres projets de loi, de la formation professionnelle. On en a parlé sur les projets de loi qui touchent la CSST. M. le Président, lorsque nous avons parlé des projets de loi qui touchent la CSST, nous nous sommes rendu compte qu'il était important de mettre l'accent sur la formation professionnelle pour une des raisons très simples, c'est que, lorsque des jeunes sont bien formés, lorsque les travailleurs connaissent très bien le fonctionnement de leurs équipements, de leur machinerie, eh bien, il y a beaucoup de chances qu'ils aient moins d'accidents, qu'ils soient moins blessés. Et cela, c'est donc une importance de plus pour faire ce fonds de formation.

Il y avait aussi, dans ce projet de loi là, un autre volet qui était le volet, bien sûr, des sommes qui étaient perçues – je le disais au début avant de parler de l'utilisation du fonds – et le projet va permettre de déduire, en tenant compte de l'obligation de verser 1 % de la masse salariale pour la formation des jeunes, les sommes qui sont de 0,20 $ par rapport au 1 % de la masse salariale. Alors ça, c'est un amendement, c'est un ajout à la loi qui va permettre aux travailleurs, aux entrepreneurs de la construction, pas aux travailleurs, aux entrepreneurs de pouvoir ne plus être cotisés en double. Car, en effet, avant ils cotisaient avec le 0,20 $ et ils cotisaient aussi avec le 1 %. Il y avait là une iniquité. Nous en avions parlé à la ministre, la prédécesseure du ministre du Travail, lors de l'adoption du projet de loi n° 46, et nous avons malheureusement été incapables de la convaincre ou de la faire évoluer dans ce sens-là. Maintenant, le ministre a donné suite, le milieu s'y est impliqué, et ça, pour nous, c'est certainement un des très bons côtés positifs, parce que cette industrie qu'est la construction n'a pas besoin d'avoir de charges supplémentaires. On sait qu'actuellement elle éprouve un certain nombre de problèmes, un certain nombre de difficultés, et il ne faudrait pas que, nous, par des lois, nous concourions à l'augmentation de taxes, de frais supplémentaires.

Déjà, je dois le déplorer, alors que nous étudiions ce projet de loi là, nous ne le savions pas, mais nous avons appris que la CSST... Et les travailleurs de la construction, les entrepreneurs sont très sensibles à cela, l'inspection sur les chantiers en milieu de travail, et Dieu sait si ça en prend dans la construction, les inspecteurs étaient avant payés par le gouvernement, par le ministère du Travail. Malheureusement, mercredi dernier, le Conseil des ministres, alors que nous étudiions un projet de loi qui avait trait au financement de la CSST, aux cotisations, a décidé de faire en sorte que le ministre du Travail soit obligé d'amener un papillon. Un papillon en jargon politique, c'est un amendement, un changement à la loi. Et, dans ce changement, on abroge un article de la loi n° 74, la loi sur le financement de la CSST, et l'article 249, malheureusement, va faire en sorte que, maintenant, les sommes qui étaient payées par le gouvernement pour cette inspection ne le seront plus, elles seront à la charge des entrepreneurs. Alors, on voit que c'est là une taxe importante qui va arriver sur les petites entreprises, sur les petits chantiers. Et, bien sûr, ça sera refilé au consommateur, il ne faut pas se conter d'histoires, là. Lorsqu'il y a une taxe sur une entreprise, bien, la taxe, l'entreprise, là, l'argent, il ne vient pas du ciel, il vient du produit de la vente de ce qui a été bâti, de ce qui a été fabriqué. Donc, c'est une augmentation encore un peu plus.

Alors, M. le Président, c'est malheureux. D'un côté, on essaie d'aider les entreprises puis, de l'autre côté, le Conseil du trésor, dans sa recherche sans cesse plus assoiffée d'argent public, vient compromettre les efforts. Je ne sais pas si c'est le ministre lui-même qui est responsable de cela ou si c'est le ministre des Finances. Nous ne pouvons simplement que le déplorer; je pense que tout le monde en cette Chambre ne peut que le déplorer. Et c'est la première fois en plus qu'une situation se produit comme ça dans une province canadienne.

M. le Président, bien sûr, nous pourrions aussi parler des demandes qui ont été faites par d'autres groupes. Il y a eu des groupes, comme la FTQ-construction, qui ont émis un certain nombre de réserves, en particulier sur la mobilité d'une province à l'autre, sur les ateliers fermés du côté ontarien en ce qui concerne les grands chantiers. Nous ne pouvons pas le passer sous silence, bien sûr.

Il y a eu aussi des amendements, un amendement important qui était soumis par nous, qui était un amendement qui avait pour but d'abord de changer un peu le vocable «décret» par «convention collective» et de permettre aux entreprises, aux syndicats et aux organisations, la CCQ, de gérer leur administration, et c'est une entente qui a des incidences pénales et financières. Le ministre a décidé de prendre les amendements de l'opposition, de les fondre dans un autre amendement et, bien sûr, nous y souscrivons parce que ce qui nous a été communiqué nous semble correspondre à ce qui a été demandé.

Et je rappellerai que ces demandes-là à l'article 120 du projet de loi étaient faites par l'ensemble des organisations, et c'est là la preuve d'un bon consensus parce qu'il y avait l'APCHQ, il y avait l'ACQ et la FTQ, la CSN-construction, la FTQ-construction et, bien sûr, le syndicat international qui y étaient représentés et qui ont signé tous en bas de la feuille. Et je dois dire que je trouvais ça formidable parce que c'est là un regroupement d'intervenants dans un milieu, dans une industrie particulière qui s'entendent entre eux et qui nous démontrent que bien souvent le gouvernement n'a pas besoin de leur dicter ses lois, de leur dicter ce qu'ils doivent faire, mais simplement de mettre le cadre dans lequel ils peuvent agir et fonctionner, et que le rapport des forces et la bonne volonté de tous et chacun permettent de s'entendre.

Il y avait aussi un amendement qui a été demandé, M. le Président, par l'opposition, et je l'avais annoncé lorsqu'on avait discuté sur le principe, je l'ai annoncé en commission parlementaire et cet amendement a été adopté. Alors, j'en suis très heureux. Il a été demandé par l'ensemble des partis aussi. C'est sur le maraudage. Le maraudage, en termes clairs, pour ceux qui ne connaissent pas cette mécanique, c'est la période pendant laquelle les travailleurs, les syndicats sont un peu en campagne électorale, un peu, là, en recrutement. Et le vote devait se tenir dans la dernière semaine de juin. Ça compliquait les choses, ce n'était pas dans une bonne période, et tout le monde s'est entendu pour faire des propositions au gouvernement, et le gouvernement a été saisi, par le biais de l'opposition, d'amendements.

(17 h 50)

Et je dois dire qu'il les a acceptés. Le ministre s'est plié de bonne grâce, et maintenant le vote après les périodes de maraudage se prendra à l'intérieur des deux premières semaines de juin, ce qui est déjà une nette amélioration par rapport à ce qu'il y avait précédemment.

Puis pourquoi ça, M. le Président? Parce que c'est important que cette période de maraudage, qui est sujette à pression... On sait que, lorsqu'on veut attirer chez soi des travailleurs, des nouveaux membres, des nouveaux adhérents, eh bien, il y a toujours un peu de surenchère de la part d'un et de l'autre au niveau des organisations et il est important que cela se passe dans un cadre très pacifique, que cela se passe dans le cadre le plus paisible possible, car tout excès ou tout débordement a un effet direct sur la compétitivité et la qualité de cette industrie de la construction.

Or, M. le Président, bien sûr, nous avons aussi abordé en cette commission parlementaire une situation particulière, qui est celle du plan de garantie des maisons. On sait que, dans l'entente Québec-Ontario, les fabricants de maisons, les constructeurs pourront venir construire des maisons au Québec s'ils en ont le loisir. Alors, ils n'auront pas les mêmes catégories, les mêmes obligations que les entrepreneurs québécois parce qu'ils ne passent pas d'examen, comme vous le savez, et qu'ils n'ont peut-être pas toujours les mêmes normes. Il va y avoir des ajustements qui devront se faire. Mais ce qu'ils n'auront pas, contrairement à ce qu'ils ont là-bas, c'est qu'en Ontario il y a un plan de garantie obligatoire pour la construction, ce que nous n'avons pas encore ici.

Je sais que l'ancienne ministre, la prédécesseure du ministre actuel, avait fait un plan de garantie. Elle l'avait travaillé avec ses fonctionnaires. Moi, je me méfie toujours un peu des fonctionnaires. Je suis un peu comme le ministre, parce que le ministre nous avait déclaré à un moment donné, dans une interpellation, qu'il ne l'avait pas trouvé satisfaisant à sa manière à lui de le voir et qu'il ne retrouvait pas forcément là le meilleur intérêt du consommateur. Soit. Alors, maintenant, ça fait quand même quelques mois, et je crois que nous allons devoir procéder dans des délais assez rapides à l'introduction de ce plan de garantie obligatoire.

Car, ne l'oublions pas, ce sont les jeunes couples, les Québécois et les Québécoises qui achètent des maisons, qui peuvent se retrouver pénalisés, qui peuvent se retrouver avec des difficultés, d'autant plus que nous avons maintenant des constructeurs ontariens et que les recours devront se faire contre eux en Ontario, à leur siège social. Ça va compliquer un peu plus les choses. Alors, il serait souhaitable que M. le ministre, qui ne trouvait pas satisfaisant le plan de garantie bâti par sa prédécesseure ou par les fonctionnaires de sa prédécesseure, vienne rapidement déposer son projet de plan de garantie pour que les parlementaires, si c'est nécessaire, puissent en prendre connaissance, l'étudier et le bonifier. Nous, de l'opposition, bien sûr, nous sommes prêts à concourir avec le ministre. C'est lui qui le disait, et je le cite, M. le Président, parce que j'ai toujours apprécié cette citation de sa part: «En m'en allant un jour à Matane, dans ma voiture, j'ai décidé de lire ce plan de garantie et je me suis rendu compte qu'il ne correspondait pas aux meilleurs intérêts du consommateur.»

Et c'est là certainement des paroles nobles de la part du ministre, qui ne s'est pas laissé emmener dans, peut-être, de la technocratie. Mais là, je pense que maintenant il a eu le temps de le faire, il a eu le temps de refaire les devoirs qui, semble-t-il, étaient mal faits ou pas faits à sa convenance, et je dois l'en féliciter. Dire non à une ministre plus senior que lui, dire: Non, ton plan, même s'il a été prépublié, je l'enlève parce que moi, je trouve que ce n'est pas un bon plan pour le monde ordinaire, pour les gens qui achètent des maisons, ça prend du courage, ça prend du culot. Et, là-dessus, je dois l'en féliciter. Je ne sais pas si sa collègue le félicite; mais ça, c'est une autre histoire qui se règle à l'interne, dans ces cas-là. Mais, en ce qui nous concerne, de l'opposition, si c'est vraiment le cas – et nous le verrons, parce que nous avions eu le projet prépublié et nous verrons par la suite quel est le projet que le ministre va amener – il nous fera plaisir de dire au ministre que nous sommes fiers de ce qu'il a fait et des responsabilités qu'il a prises, n'hésitant pas à défaire ce qui avait été mal fait par une collègue précédemment à lui.

Nous souhaiterions qu'il fasse pareil pour les taxes qui lui sont imposées, par le Conseil du trésor, dans d'autres projets de loi. Mais peut-être va-t-il le faire, nous ne perdons pas espoir, vous savez. Tant que les choses ne sont pas faites, nous, de ce côté-ci, de l'opposition, surtout moi qui travaille avec le ministre depuis presque une année maintenant, je dois dire que, tant que les choses ne sont pas décidées finalement, j'ai toujours confiance dans l'ouverture d'esprit du ministre, dans le bon sens qu'il a acquis en 40 ans ou 35 ans de vie publique, syndicale et patronale aussi pour comprendre ce que les groupes, ce que les gens veulent et bonifier ainsi les projets de loi, les règlements et ces choses-là.

M. le Président, bien sûr, nous avons concouru à ce projet de loi là. Nous avons des réserves. Nous souhaitons – et ça va être là peut-être la fin, parce que je pense qu'il reste peut-être deux minutes, trois minutes – que ce travail en commission parlementaire ait bonifié l'entente. Nous souhaitons qu'elle puisse fonctionner, qu'elle soit efficace, qu'elle tienne la route aux différents tests que les groupes vont essayer de lui faire prendre, comme ça a été mentionné dans certains journaux. Nous souhaitons que le ministre puisse contribuer à régler le problème du Fonds de formation.

M. le Président, dans tous ces domaines-là, d'une manière positive, nous ne pouvons, vu que c'est dans l'intérêt des Québécois et des Québécoises, que l'assurer de notre collaboration et de notre support tant que ça ira dans cette direction et dans l'intérêt général de la population du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Y a-t-il d'autres interventions sur le rapport de la commission de l'économie et du travail?

M. Gobé: Oui. M. le Président, question d'information.

Mme Caron: M. le Président, compte tenu qu'il ne nous reste pas suffisamment de temps pour la prochaine intervention, je vais vous demander de suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la leader adjointe du gouvernement. Je suspends donc... Est-ce que cette motion est acceptée, M. le député de LaFontaine?

M. Gobé: Oui, absolument, M. le Président.

Des voix: Ce n'est pas un vote nominal?

Des voix: Vote nominal?

Le Vice-Président (M. Pinard): Non. Ce soir. Alors, il y aura d'autres interventions à la reprise de nos travaux, ce soir, à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président: Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, l'Assemblée continue le débat sur la prise en considération du rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre du Travail et M. le député de LaFontaine. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Chapleau.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Merci, chers collègues. C'est avec plaisir que j'ai accepté de prendre la parole sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, visant à créer une entente entre le Québec et l'Ontario sur la mobilité des travailleurs de la construction.

Je reviens et je fais un bref historique. Le gouvernement du Parti libéral, en décembre 1993, adopta la loi 142. À ce moment, j'étais présidente de la Commission de planification et d'aménagement de la la Communauté urbaine de l'Outaouais et j'ai dû piloter ce dossier qui était la mobilité des travailleurs de la construction chez nous, dans l'Outaouais. Cette loi prévoyait notamment la déréglementation partielle du secteur résidentiel de la construction. Cette déréglementation partielle s'inscrivait dans la poursuite d'une politique visant à favoriser l'abolition des barrières non tarifaires entre les provinces. Le gouvernement cherchait à protéger, à améliorer la mobilité des entreprises et des travailleurs québécois et à assurer un climat propice à la création d'emplois, notamment pour les jeunes.

En mai 1994, le Québec et l'Ontario signaient l'entente sur la reconnaissance mutuelle des compétences dans l'industrie de la construction, mettant un terme aux tensions qui existaient à l'époque entre les deux provinces. Cette entente favorisait la mobilité de la main-d'oeuvre et des entreprises d'une province à l'autre.

En février 1995, le gouvernement du Parti québécois, suite à un engagement électoral, adopta la loi 46. Cette loi ramenait la réglementation dans le secteur résidentiel. La ministre de l'Emploi de l'époque garantissait à l'opposition que son projet de loi n'aurait aucun impact sur l'entente Québec-Ontario dans l'industrie de la construction et qu'il était possible de conjuguer syndicalisation et mobilité.

(20 h 10)

J'avais siégé, M. le Président, avec Mme la ministre sur cette commission-là et j'étais un peu inquiète parce que, à maintes occasions, nous avions demandé à Mme la ministre si elle avait une entente signée entre les gens de l'Ontario et elle, du gouvernement québécois, et elle nous disait: Oui, oui, ça va bien, il y a des discussions de part et d'autre, mais elle n'a jamais mentionné si l'entente avait été signée, et c'est ce que nous, de l'Outaouais, attendions avec inquiétude, parce que c'est plus de 5 000 emplois qui étaient en doute, s'il n'y avait pas d'entente avec la province ontarienne.

La réalité a été bien différente. Au cours du printemps et de l'été 1996, un député de l'opposition de l'Ontario, M. Jean-Marc Lalonde, déposait un projet de loi au Parlement de l'Ontario, le projet de loi n° 60, qui vise à interdire l'accès des travailleurs et des travailleuses du Québec sur le territoire de l'Ontario et l'émission de permis de travail pour pouvoir y avoir accès.

En juin dernier, étant vice-présidente de l'Association parlementaire Ontario-Québec, j'ai rencontré, avec mon collègue le député de Marguerite-D'Youville, dans l'Outaouais, plusieurs représentants parlementaires de la province et du gouvernement de l'Ontario, et ce dossier-là était un dossier qui était à l'ordre du jour. Entre autres, M. Lalonde était présent à ce moment-là, et nous lui avons demandé de tranquilliser un peu ses troupes parce que, à ce moment-là, nous avions des problèmes – des blocages de ponts, des blocages de traversiers – parce que, chez nous, dans l'Outaouais, on est la troisième plus populeuse région et on est la première région frontalière la plus populeuse entre deux provinces.

Les manifestations se sont multipliées, des ponts bloqués, les chicanes et les prises de bec chez nos voisins qui menacent encore une fois de bloquer les frontières aux entreprises et aux travailleurs du Québec, c'était le blocus québécois et un triste retour en arrière à cause de la loi 46, qui n'avait pas été claire, je pense. Et ça nous démontre qu'elle n'était pas claire, cette loi-là, parce qu'on a dû présenter un autre projet de loi, le projet de loi n° 78.

Et c'est avec plaisir, le 10 octobre 1996, que j'ai entendu du ministre du Travail, M. Matthias Rioux, qui nous annonçait une entente de principe avec l'Ontario afin de dénouer l'impasse et d'assurer le maintien de la mobilité des travailleurs et des entreprises de la construction du Québec et de l'Ontario. M. le ministre du Travail du Québec accepte que les travailleurs et les entreprises de l'Ontario ne soient pas soumis aux mêmes obligations que les entreprises et les travailleurs du Québec. Cette partie-là, je ne l'aime pas plus qu'il faut, mais, par contre, dans l'entente que M. le ministre du Travail a eue avec sa collègue de l'Ontario, je pense qu'on a dû faire certaines concessions. Dans les faits saillants ici, on élimine l'obligation pour les entrepreneurs de l'Ontario d'obtenir une licence de la construction émise par la Régie du bâtiment et de passer certains examens; je trouve ça tout à fait normal. On ouvre aussi le territoire du Québec aux apprentis de l'Ontario.

Et, M. le Président, pendant les quelques heures que nous avons vécues en commission, nous avons rencontré certains groupes du Québec ici et nous avons eu la chance de poser plusieurs questions. Ça m'a permis de comprendre une foule de choses. On a eu la chance de voir M. le ministre du Travail déposer son entente, entente écrite avec la ministre de l'Ontario, ce qui nous satisfaisait, et nous avons eu la chance de discuter avec les différents groupes que nous avons rencontrés. Et je peux vous dire que je suis tout à fait satisfaite; pour moi, ce qui est important, c'est de garantir pour les gens de chez nous... On parle ici des travailleurs de la construction, les 5 000 et plus, mais il n'y a pas seulement que les travailleurs de la construction, il y a au-delà d'une quarantaine de mille autres travailleurs qui demeurent au Québec, chez nous, et qui traversent pour travailler du côté d'Ottawa, soit dans les hôpitaux, soit dans l'entreprise privée, soit pour le gouvernement fédéral. Et ces postes-là, si on n'avait pas eu d'entente entre les deux régions... On aurait peut-être eu des problèmes avec ces gens-là. Et c'est une des raisons pour lesquelles...

Je termine en vous disant que j'ai été aussi très heureuse d'avoir rencontré les gens des différentes centrales syndicales, entre autres lorsque j'ai entendu M. Lemieux dire: Bien, la CSN-construction a toujours été d'accord pour que les travailleurs de la construction puissent travailler autant au Québec qu'en Ontario, qu'ils soient résidents d'une province ou de l'autre, à condition que des normes identiques soient appliquées dans les deux provinces. Et si on en est venu à un accord, à une entente, c'est parce qu'il y a eu des échanges.

Et ça me fait plaisir, M. le Président, de vous dire que je vais voter pour cette loi-là parce que je me dois de préserver les emplois des gens de chez nous, parce que ça me tient à coeur. Et je remercie encore M. le ministre du Travail pour la belle commission que nous avons eue.

Le Président: Merci, Mme la députée de Chapleau. M. le député de Papineau, maintenant.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il nous fait plaisir, encore une fois, de parler du projet de loi n° 78, qui est le projet de loi qui modifie diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, l'entente entre le Québec et l'Ontario.

Et tellement qu'on dit la même chose, le même discours que Mme ma collègue de l'Outaouais, Mme la députée de Chapleau, qui nous dit tout l'historique du problème qu'on a vécu, nous, dans l'Outaouais, depuis 1989... Mme la députée de Chapleau, qui est ici depuis 1994, comme elle a dit tantôt, a piloté le dossier depuis 1994 avec les gens de chez elle, dans son comté, sa circonscription, qui voulaient passer un message assez direct aux gens d'un côté ou de l'autre de la rivière.

Je pense que ce qu'il est important de mentionner, c'est que... On l'a mentionné à l'adoption de principe, ici, dans le débat, le 4 décembre je crois, comment il est important de penser à nos 4 000 ou 5 000 travailleurs du côté du Québec qui travaillaient du côté de l'Ontario. Et il y en avait seulement 400 ou 500... Et on a parlé de statistiques très différentes durant la commission. J'ai demandé d'avoir ces statistiques-là. Malheureusement, je ne les ai pas encore. Je n'ai pas demandé ça au ministre du Travail, il faut être bien clair là-dessus. Mais je n'ai pas eu les statistiques pour prouver vraiment. Mais, quand même, on sait, nous autres, chez nous, qu'il y a 4 000 à 5 000 personnes, hommes et femmes, dans la construction, quand il y a de la construction. Il faut quand même dire qu'au moment où on se parle si on avait des gageures à faire, je ne suis pas si sûr qu'il y a 4 000 ou 5 000 personnes qui travaillent du côté de l'Ontario, ou 400 ou 500 de l'autre côté.

Ça a été vraiment un problème. Ça a été un débat pour nous, les députés de l'Outaouais, depuis 1989. Nous, on avait déréglementé, si vous voulez, la construction résidentielle, pour améliorer, pour surtout ouvrir le champ de la construction résidentielle pour nos jeunes, la formation professionnelle, pour avoir la chance, à cause des fameux bassins que tout le monde connaît... L'assurance-chômage est à 4 %, ou 5 %, ou 15 %, dans le bassin. Ça veut dire qu'on ne peut engager personne de l'extérieur ni de la région pour travailler. Mais on n'entrera pas dans ces détails-là: c'est un autre débat.

Mais, suite à ce projet de loi là, les gens de chez nous, de l'Outaouais, de l'entente entre l'Ontario et le Québec... et on doit remercier, on doit le faire... Au début du débat, on a demandé de voir l'entente avant de vraiment pouvoir voter soit pour ou soit contre le projet de loi n° 78. Et nous avons eu la chance, suite aux interventions de notre critique, de notre porte-parole du Travail, qui, tout le monde reconnaît son acharnement, versus le ministre qui travaille avec, a continué et lui a demandé régulièrement d'avoir l'entente entre l'Ontario et le Québec, et on a pu travailler. Notre collègue le député de Pontiac a pu passer une fin de semaine à regarder ça. Et finalement, dans notre caucus, après maintes discussions, nous avons décidé de donner notre accord au projet de loi n° 78. Et je dois vous le dire honnêtement: ça n'a pas été facile.

(20 h 20)

Parce que, il faut quand même être honnête, dans tout ce projet de loi là, il y a des gens du Québec qui n'ont pas la même chance que les gens de l'Ontario vont avoir pour travailler au Québec; et il faut le dire, il ne faut pas se cacher de ça. Mais les gens de notre caucus nous ont aidés, dans ce débat-là, à nous dire: Oui, dans l'Outaouais, 4 000 ou 5 000 travailleurs et travailleuses qui travaillent du côté de l'Ontario, il faut qu'ils aient la mobilité, la chance de continuer à travailler de l'autre côté de la rivière. Et on doit remercier notre caucus. Et je suis sûr que les collègues de l'Outaouais, s'ils sont à l'écoute, ou les gens de l'Outaouais... On doit dire merci au caucus de nous avoir donné la chance de se ranger du côté du gouvernement et de dire: Oui, on est d'accord parce que, nous, on veut aider les gens de l'Outaouais à travailler. C'est la pure vérité.

Ça n'a pas été facile. Il y a eu des négociations, des discussions, des engueulades, au deuxième, pour discuter de ce projet de loi là. Mais finalement on en est venu à une entente. On est venu à une entente chez nous. On a eu l'entente, on est d'accord, c'est réglé. On va sûrement avoir la chance dans le futur de pouvoir améliorer encore une fois ce projet de loi là, pas seulement pour les travailleurs de l'Ontario, pour les travailleurs du Québec, pour le reste de la province. C'est très important. On ne peut pas empêcher les gens de chez nous de vouloir travailler sous les mêmes règlements que les gens de l'Ontario ont au Québec. Je pense qu'on doit revenir, à un moment donné, sur le projet de loi, l'améliorer ou le réglementer, qu'on appelle ça comme on veut. À un moment donné, on aura certainement la chance.

Mais l'historique de ça, on a senti que le côté du gouvernement était vraiment... Parce qu'on se rappelle, à l'élection de 1994, tous les députés, surtout les députés de l'Outaouais et de beaucoup d'autres places avaient, excusez l'anglicisme, un «sticker» – je ne sais pas comment dire ça en français – ...

Des voix: Un autocollant.

M. MacMillan: ...pardon? un autocollant dans leur beau visage. Loi 46 ou loi 142 ou... C'était quoi, là? C'était ça?

Une voix: Loi 142.

M. MacMillan: Loi 142. C'était bien effrayant. On devait passer une loi qui empêchait le monde dans l'Outaouais de travailler de l'autre côté de la rivière. Alors, on a fait une campagne, les syndicats, contre tous les députés.

Grâce à ça, au lieu de gagner par 600, M. le Président, j'ai gagné par 3 500. Alors, je veux remercier les gens de la FTQ, de la CSN et d'autres qui ont fait une campagne contre les gens de l'Outaouais, parce qu'on avait aidé à passer une loi qui déréglementait complètement le résidentiel. On a tout gagné dans l'Outaouais, avec des pourcentages énormes. Cinq comtés dans l'opposition aujourd'hui, mais on a gagné quand même, parce que les gens ont senti que les cinq députés de l'Outaouais du temps et d'aujourd'hui défendaient les dossiers de l'Outaouais. Aujourd'hui on a le résultat: on est ensemble pour passer une loi pour aider les 4 000 à 5 000 travailleurs qui vont continuer à travailler. C'est difficile, la construction, aujourd'hui, il n'y a pas de construction qui se réalise; je parle de la résidentielle strictement. On a sûrement des contrats. On parle de l'ambassade des États-Unis qui va créer des emplois énormes dans la région, et les Québécois vont avoir la chance de pouvoir travailler sur un bord ou sur l'autre, la même chose.

Alors, M. le Président, je ne sais pas si j'ai terminé ou combien de temps j'ai à discuter avec vous pour vous informer de l'Outaouais. J'ai eu la chance dernièrement d'aller dans votre circonscription et de discuter avec les gens de chez vous, de la circonscription de Borduas, et là, maintenant, moi, j'ai la chance de vous redonner des nouvelles de chez nous, dans l'Outaouais – ha, ha, ha! – et c'était un problème. La construction a toujours été, pour chez nous, un problème parce que ça empêchait les gens de traverser la rivière, si vous voulez, pour travailler avec une permission, et, grâce à cette loi-là que nous avons défendue, nous, les gens de l'Outaouais, avec notre porte-parole, nous allons avoir une entente.

Je pense qu'on doit être content de ça, et sûrement que le ministre du Travail aussi a d'autres choses à passer. On va passer cette loi-là. Tant mieux pour les travailleurs et les travailleuses de l'Outaouais, et il faut passer à d'autres choses. Il faut passer à d'autres choses dans le sens qu'il faut créer des emplois, avoir une croissance ici, au Québec, pour baisser l'assurance-chômage et que, dans l'Outaouais, les gens puissent travailler, traverser du côté de l'Ontario comme au Québec et avoir le libre-échange de pouvoir travailler où ils veulent. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Papineau. Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, dont le but est d'alléger certaines contraintes applicables aux personnes et aux entreprises dans l'industrie de la construction. Ce projet de loi modifie huit lois du Québec, notamment la Loi sur le bâtiment, la Loi sur la promotion et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre, la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre.

Il s'agit essentiellement d'une pièce législative qui vise à diminuer les irritants entre le Québec et l'Ontario de façon à faciliter l'accès au marché de la construction aux travailleurs et aux entreprises des deux provinces respectives. Concrètement, cela doit se traduire par une diminution des exigences liées à la délivrance de licences limitées à des catégories de travaux. Le projet de loi a également pour but de favoriser des ententes intergouvernementales pour faciliter la mobilité des personnes et la reconnaissance mutuelle des compétences et des expériences de travail.

Ce projet de loi fait suite à une entente de principe annoncée le 10 octobre dernier par le ministre du Travail en rapport avec le différend qui oppose l'Ontario et le Québec dans le domaine de la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Il a fallu insister pour avoir accès à cette entente parce que le ministre du Travail n'a pas jugé bon, au départ, d'en dévoiler le contenu, se contentant de faire connaître ses intentions par voie de communiqué émis le 10 octobre dernier, où l'on peut lire à la page 2, et je cite: «Ceci concrétise une fois de plus la volonté de partenariat des deux gouvernements résolus à maintenir et à développer entre eux des liens économiques privilégiés.» Je ne peux passer sous silence cet aveu du ministre, qui reconnaît lui-même par voie de communiqué officiel que le partenariat interprovincial existe déjà, que le fédéralisme est assez flexible pour que le Québec puisse le mettre en action sans avoir à se séparer du reste du Canada.

Il faut se rappeler, M. le Président, que le projet de loi n° 78 vient réparer les dégâts causés par la loi 46, adoptée en pleine nuit, en février 1995, par le gouvernement péquiste et qui a eu pour effet de réglementer à nouveau le secteur résidentiel de l'industrie de la construction. Auparavant, en décembre 1993, le gouvernement du Parti libéral du Québec avait adopté la loi 142. Cette loi s'inscrivait dans le cadre d'une stratégie de création d'emplois et visait à protéger et à améliorer la mobilité des entreprises et des travailleurs québécois dans le domaine de l'industrie de la construction. En plus de favoriser la création d'emplois, notamment chez les jeunes, la loi 142 a eu pour effet d'assainir le climat de méfiance et de concurrence qui existait entre les travailleurs de la construction du Québec et de l'Ontario, ce qui a conduit à la signature d'une entente, en mai 1994, entre les deux gouvernements, en vue de la reconnaissance mutuelle des compétences respectives dans l'industrie de la construction.

Cette entente bilatérale Québec-Ontario a accentué la mobilité de la main-d'oeuvre et des entreprises d'une province à l'autre, et si, de nos jours, 4 000 à 5 000 Québécois travaillent en Ontario, contre 600 Ontariens au Québec, dans l'industrie de la construction, il n'est pas exagéré de dire que cet avantage comparatif est dû en grande partie à cette loi 142 qui a été adoptée par le gouvernement libéral.

La loi 46, que j'ai eu l'occasion de dénoncer tant ici à l'Assemblée nationale que dans les médias locaux et régionaux de la Montérégie, n'a fait qu'attiser les tensions entres les travailleurs de la construction des deux provinces voisines, ce qui a amené un député de l'opposition du Parlement ontarien, Jean-Marc Lalonde, à introduire un projet de loi privé, le projet de loi 60, ayant pour objectif de soumettre les travailleurs québécois à l'exigence de posséder un permis de travail en Ontario comme condition préalable à leur accès aux chantiers de construction.

(20 h 30)

À cause de cette loi 46 et des tensions qu'elle engendrait dans les milieux de l'industrie de la construction, des manifestations ont été organisées pour dénoncer les entreprises québécoises oeuvrant en Ontario, qu'on a accusées de n'embaucher que des travailleurs du Québec. Le projet de loi n° 78 vient donc réparer les dégâts de la loi 46 à ce chapitre.

M. le Président, en tant que députée de La Pinière, j'ai l'occasion de rencontrer régulièrement des entrepreneurs de ma circonscription, notamment ceux qui oeuvrent dans l'industrie de la construction. Plusieurs d'entre eux réalisent des contrats dans d'autres provinces, particulièrement en Ontario. Ils se plaignent de la morosité et de l'instabilité politique qui règnent au Québec depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Ils voient dans la déréglementation et la mobilité interprovinciale des travailleurs et des entrepreneurs une porte de sortie de ce climat d'insécurité et d'incertitude engendré par le gouvernement péquiste. En effet, alors que l'industrie de la construction enregistre un sérieux retard au Québec à cause du contexte politique défavorable, les entrepreneurs québécois cherchent des opportunités d'affaires ailleurs au Canada. L'Ontario, avec son dynamisme économique, est une destination privilégiée de nos entrepreneurs et travailleurs québécois. J'aurais souhaité que ces entreprises créent des emplois chez nous au lieu d'aller les créer en Ontario. Mais c'est la dure réalité que ce gouvernement nous fait vivre. On n'a qu'à regarder les chiffres: alors que l'Ontario a enregistré une hausse de 86 000 emplois depuis le début de cette année, le gouvernement péquiste, lui, a fait perdre aux Québécois 60 000 emplois pour la même période.

Face à ce constat désastreux, l'ouverture du marché québécois aux entrepreneurs et travailleurs ontariens et la réciproque pour l'ouverture du marché ontarien au Québec ne peut que favoriser les échanges et créer une dynamique économique qui bénéficierait à nos sociétés respectives. Il faut cependant exercer beaucoup de vigilance et s'assurer que nos entreprises et nos travailleurs de la construction ont un véritable accès aux grands chantiers ontariens. Or, si l'on croit la CSN–construction, tel n'est pas le cas.

Dans un communiqué émis le 10 octobre dernier, on peut lire ce qui suit: «La CSN–construction a toujours été d'accord à ce que les travailleurs de la construction puissent travailler autant au Québec qu'en Ontario, qu'ils soient résidents d'une province ou de l'autre, à condition que des normes identiques soient appliquées dans les deux provinces. Ce qui cause problème dans l'entente annoncée – celle du ministre du Travail, ajoute le communiqué de la CSN – c'est que les différends entre les deux provinces dans l'industrie de la construction sont toujours là, à savoir notamment qu'en Ontario les gros chantiers ne sont pas accessibles aux travailleurs québécois, car leurs conventions collectives, une par chantier, ont des clauses d'exclusivité. Au Québec, la syndicalisation couvre l'ensemble de la construction et est accessible à tout travailleur ontarien qui se conforme aux normes et signe une carte d'adhésion syndicale. Mais, avant tout, le véritable problème de la construction, c'est l'emploi. S'il y avait du travail dans l'industrie on ne parlerait peut-être même pas d'entente interprovinciale.»

Voilà le vrai défi auquel nous sommes confrontés comme société: la création d'emplois. Il faut s'assurer que le projet de loi n° 78 protège les emplois que les Québécois occupent en Ontario dans l'industrie de la construction et dont le nombre oscille entre 4 000 et 5 000. Il faut également voir à ce que le projet de loi favorise des relations commerciales harmonieuses entre le Québec et l'Ontario, car le partenariat est rentable pour le Québec, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la députée de La Pinière. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants à ce moment-ci? Alors, M. le ministre, est-ce que vous souhaitez intervenir à ce moment? Ça va?


Mise aux voix des amendements du ministre

Alors, est-ce que les amendements proposés par M. le ministre du Travail sont adoptés?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix de l'amendement du député de LaFontaine

Le Président: Est-ce que l'amendement proposé par M. le député de LaFontaine est adopté?

Une voix: Rejeté.

Une voix: Sur division.

Le Président: Donc, adopté sur division.

Des voix: Rejeté.

Le Président: Rejeté sur division. C'est ça, là. Je m'excuse. On ne s'énervera pas ce soir, à 20 h 30.


Mise aux voix du rapport amendé

Et le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui. M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 34 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 75


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement transmis

Le Président: Alors, à l'article 34, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 75, Loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective, ainsi que sur l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le député de LaFontaine à l'article 10 du projet de loi.

Décision du président sur la

recevabilité de l'amendement

Avant de donner la parole à M. le ministre, je voudrais établir la recevabilité, en fait, de l'amendement de M. le député de LaFontaine. Après analyse de l'amendement qui a été présenté, la présidence considère que cet amendement ne concerne pas le même sujet que l'article 10 du projet de loi n° 75, qui modifie les articles 9 et 10 de la Loi sur les décrets de convention collective. Ces deux derniers articles concernent les effets des décrets, ils déterminent les conséquences de l'adoption et de l'application d'un décret. L'article 10 du projet de loi n° 75 ne régit pas les conditions de travail des salariés qui gagnent un salaire supérieur à celui que fixe un décret.

L'amendement proposé par M. le député de LaFontaine, qui vise à introduire un nouvel article, 9.2, concerne davantage une situation régie par la Loi sur les normes du travail, soit celle d'un salarié qui gagne un salaire supérieur à celui que fixe un décret et qui doit faire du temps supplémentaire. Cette situation est d'ailleurs déjà prévue à l'article 55 de la Loi sur les normes du travail, qui d'ailleurs se lit comme suit: «Tout travail exécuté en plus des heures de la semaine normale de travail entraîne une majoration de 50 % du salaire horaire habituel que touche le salarié à l'exclusion des primes établies sur une base horaire.»

En conséquence, l'amendement proposé par M. le député de LaFontaine est jugé irrecevable. Alors, à ce moment-ci, je suis prêt à reconnaître M. le ministre du Travail.

Débat sur la prise en considération du rapport


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir pour parler de ce projet de loi extrêmement important, le projet de loi sur les décrets de convention collective. C'est une loi qui a pris de l'âge; il fallait donc procéder à une modernisation. Et, adoptée en 1934, on peut dire, s'agissant d'une loi, qu'elle est devenue désuète et qu'elle avait grandement besoin d'une cure de rajeunissement.

Mais d'abord j'aimerais clarifier une chose. J'ai rencontré, ces derniers temps – puis probablement le député de LaFontaine aussi – beaucoup de gens qui me posaient la question fort simple: C'est quoi, un décret de convention collective? Ça a l'air de rien, mais, lorsqu'on l'a compris, ça nous aide à cheminer à travers un projet de loi aussi complexe et aussi important que celui-là. Un décret de convention collective, c'est en quelque sorte une convention collective qui, plutôt que de s'appliquer à une seule entreprise, s'applique à tout un secteur d'activité. En fait, un décret de convention collective est la résultante d'une négociation collective, à l'échelle d'une entreprise, qui souvent est suivie d'une négociation entre plusieurs représentants d'un secteur d'activité et qui donne lieu à une entente dont les dispositions sont étendues par la suite à toutes les entreprises de ce secteur d'activité, ou la plupart d'entre elles, par règlement du gouvernement.

Plusieurs pourront se demander comment le gouvernement en vient à adopter ce genre de règlement, ou plus précisément quel est le mécanisme qui entraîne une intervention gouvernementale étendant une convention collective à tout un secteur. Il y a des gens qui pourraient penser que ce n'est pas correct ou que ça vient changer les règles du jeu dans une industrie, changer le rapport de force, ou que c'est une intervention où le gouvernement n'a tout simplement pas d'affaire, dans un secteur où le gouvernement ne devrait pas être là du tout.

(20 h 40)

La réponse est simple, puis on la retrouve évidemment formulée dans la partie de la convention, et adressée au ministre du Travail... Parce qu'il y a une demande qui est acheminée au ministre du Travail qui, lui, en évalue la pertinence et décide de recommander au gouvernement l'extension ou pas de cette convention à tout le secteur d'activité qui est visé. Mais, si le mécanisme est simple, il manque cependant de transparence puis il comporte bien des lacunes, puis ce n'est pas étonnant. Ce qui convenait en 1934, vous comprendrez bien que ça convient un peu moins bien en 1996. Après de nombreuses tergiversations afin de moderniser cette loi, on n'est jamais arrivé finalement au bout de notre peine, la loi n'a jamais été changée.

Alors, il fallait donc agir. Les représentants de l'opposition, et ça j'en suis certain, étaient d'accord depuis longtemps pour qu'on fasse des choses précises dans ce secteur-là. D'ailleurs, j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec eux lors de l'étude du projet de loi article par article. N'eût été de la curiosité intellectuelle du député de LaFontaine et de ses collègues, je pense qu'on n'en serait pas arrivé à un cheminement aussi important. Il y a des principes, dans ce projet de loi, qui sont fondamentaux et qui doivent être examinés avec une attention très particulière. Et l'étude du projet de loi article par article nous a permis d'apprécier, et ce, en étroite collaboration avec l'opposition, des idées généreuses dont il fallait tenir compte.

Je voudrais ici aborder peut-être l'aspect que j'avouerai honnêtement être le plus délicat. Des représentants du mouvement syndical, des représentants du patronat québécois, des représentants aussi d'autres secteurs et les représentants de l'opposition officielle ont dit: Il faut tenir compte d'une revendication qui est fondamentale chez ces groupes, c'est de faire en sorte que l'on modifie, à l'article 1 du projet de loi n° 75, qu'on remplace le paragraphe g afin d'enlever le mot «habituellement», un adverbe qui a l'air bien insignifiant, mais qui change toute la dynamique et qui change, à mon avis, aussi l'esprit de la loi, l'esprit surtout de la réglementation et de la dynamique de l'industrie ou du service où les décrets s'appliquent.

Alors, il me fait plaisir ce soir de dire aux députés de l'opposition que j'accepte l'exclusion du mot «habituellement» du texte de la loi, qui a fait l'objet d'un bon débat entre nous. Et j'estime que le moment était venu de le faire. Je vous dirai, M. le Président, parce que le législateur doit travailler avec un minimum de sagesse, que je me donne jusqu'au mois de juin pour examiner l'impact pratique ou les conséquences pratiques de l'enlèvement du mot «habituellement» dans le texte de la loi, pour voir si, dans la vraie vie, ça vient changer des choses au désavantage des tiers, par exemple. Parce qu'il faut en tenir compte: les tiers, c'est eux qui ne sont représentés par personne, au fond. Et on a essayé, pendant la commission parlementaire, de se faire les interprètes de ces gens-là. Et je crois que, là-dessus, le député de LaFontaine a fait un travail magnifique et je l'en remercie.

Vous savez, M. le Président, que les idées généreuses viennent de l'opposition ou du parti au pouvoir. Moi, ce qui m'importe, c'est que les lois s'améliorent et que les premiers à en bénéficier soient les travailleurs eux-mêmes. Et, dans le cas qui nous préoccupe, les employeurs vont être heureux aussi, je pense, de la nouvelle qu'on leur annonce aujourd'hui. Entre autres, j'aimerais rappeler l'ouverture que nous avons montrée aussi envers les groupes. Moi, j'ai écouté attentivement. Dans la vie il ne faut pas avoir trop de prétention, il faut être capable d'écouter puis de comprendre. Et j'aimais beaucoup ce que disait la députée de Chapleau tout à l'heure, lorsqu'on a parlé du projet de loi n° 78, qui disait: J'ai écouté beaucoup de monde et j'ai appris beaucoup de choses; j'ai saisi les enjeux. C'est ce qu'on a fait dans l'étude de ce projet de loi là. Et ce qu'on a essayé, au fond, de réaliser tous ensemble, c'est de faire en sorte qu'on dépose un projet de loi qui reçoive l'appui de l'unanimité de l'Assemblée nationale. Ça donne plus de force à une loi et ça lui permet de prendre son envol avec beaucoup plus d'efficacité.

Vous me trouverez des projets de loi qui reposent sur un consensus aussi large des milieux patronaux, syndicaux, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre – ce n'est pas rien – qui a donné son appui au fait qu'on devait enlever ce mot «habituellement». Bien sûr, le gouvernement doit faire certains arbitrages, puis parfois il faut trancher. Alors, c'est ce qu'on a essayé de faire en toute justice et en toute équité. En déposant ce projet de loi, M. le Président, le gouvernement du Québec a montré qu'il avait le courage d'agir en posant les gestes qu'il fallait pour moderniser un régime de relations de travail qui en avait grand besoin. J'espère que c'est à l'unanimité que l'Assemblée va l'adopter, ce projet-là, et j'ai confiance. En tout cas, d'après les informations – et je regarde le député de LaFontaine qui opine du bonnet – j'ai l'impression que les choses se présentent assez bien.

L'option que je propose aujourd'hui, M. le Président, donnera au gouvernement les moyens de faire le ménage de fond en comble de tous les 29 décrets qu'on a au Québec, et j'ai assuré l'opposition officielle que, d'ici la fin de juin, on aura passé au crible les 29 décrets et qu'en priorité on met le bois ouvré, le verre plat et le vêtement. Là-dessus, également, on a fait consensus en commission parlementaire.

M. le Président, je suis également très heureux de dire à cette Assemblée que tout le cadre de révision des décrets, tous les décrets qui nuisent au développement industriel du Québec, tous les décrets qui bloquent le progrès vont être examinés, modifiés et certains abrogés. Il est temps qu'on passe ça au crible et qu'on prenne des décisions. De plus, il s'agit d'un élément extrêmement important parce que l'adoption du projet de loi va permettre au gouvernement de placer les comités paritaires sous haute surveillance. C'est fini les folies dans ce secteur-là également. Je peux donc vous garantir qu'en appuyant ce projet le législateur fera preuve de sagesse et que tous y trouveront leur compte.

Je voudrais, en terminant, remercier les collègues de l'opposition pour leur excellent travail. Nous avons abordé ensemble une pièce législative complexe qui a demandé beaucoup de rigueur de la part de tous les membres de la commission. Et je voudrais aussi rendre hommage à la parole que le député de LaFontaine a donnée à plusieurs occasions, et il l'a tenue. Et ça, la parole tenue, ça vaut une signature, M. le Président. Merci.

Le Président: M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. En effet, comme le ministre l'a si bien dit, le projet de loi n° 75 était un projet de loi qui était nécessaire. Moderniser, humaniser, décloisonner, regrouper: c'est là un peu des mots, des vocables que nous avons employés durant cette commission, durant ce travail important. Car, en effet, les décrets – et le ministre le mentionnait très bien – datent de 1934, ont été bâtis, ont été créés à une autre époque: les relations de travail n'étaient pas les mêmes, l'industrie n'était pas la même, les systèmes de production ou d'échanges internationaux n'étaient pas les mêmes non plus. Et nous devons donc nous moderniser constamment, comme société, sous peine de devenir non compétitifs et de disparaître, et de voir disparaître des milliers d'emplois. Et c'est, je pense, M. le Président, une priorité qui doit être une priorité commune, du gouvernement comme de l'opposition, de faire en sorte de favoriser au Québec la création d'emplois, et particulièrement dans des secteurs névralgiques pour nos exportations, mais aussi sensibles des fois par rapport à des importations ou d'autres compétiteurs qu'on peut avoir à l'extérieur.

(20 h 50)

Et là je fais allusion, entre autres, au bois ouvré ou au verre plat, car tout le monde sait ici les revendications qui ont été faites par les manufacturiers qui oeuvrent dans ce domaine-là. Alors, M. le Président, nous avions demandé en cette Chambre au mois de mai dernier – et nous l'avions repris au début de l'automne – à ce que l'on touche et qu'on regarde certains décrets, allant même jusqu'à demander l'abrogation possible... à regarder deux décrets: le bois ouvré et le verre plat. Et le gouvernement s'était engagé lors du sommet à tenir cette commission.

Alors, pour nous c'est un travail qui est positif. Je pense que M. le ministre du Travail, qui avait ce mandat, a fait en sorte de le faire au mieux des intérêts de l'ensemble de la société québécoise. Il a tenu à prendre le temps; il a tenu à ne pas bousculer les événements. Nous avons pris le temps nécessaire, nous avons parlé, nous avons tenu des consultations hors commission parlementaire. Nous avons pu recevoir des représentations de représentants de différents groupes qui, même s'ils n'étaient pas à témoigner officiellement, étaient proches de nous et communiquaient aussi bien avec le porte-parole de l'opposition et mes collègues qu'avec les collaborateurs de M. le ministre et aussi, à l'occasion, certainement aussi avec lui, pour faire valoir certains points.

Et je pense que c'est sain, car, en effet, M. le Président, lorsque nous faisons des projets de loi, lorsque nous légiférons pour permettre une meilleure activité dans la société, il est important que nous ne le fassions pas en vase clos, mais que nous le fassions avec les gens qui vont être concernés, qui vont devoir vivre avec ou qui vont devoir en subir les effets positifs ou négatifs. Et c'est là, je pense, une manière très saine de légiférer et de fonctionner dans ce Parlement, et je pense qu'elle devrait faire marque, faire preuve d'exemplarité pour l'avenir. Collaboration, discussions avec les différentes parties, avec les groupes concernés et aussi, bien sûr, avec les différents députés. Moi, j'ai eu l'occasion d'avoir, en cette commission parlementaire, d'excellents contacts avec les députés du gouvernement qui étaient sur la commission de l'économie et du travail de même qu'avec certains membres du personnel du cabinet du ministre qui partageaient aussi les préoccupations des groupes que nous rencontrions et que j'essayais de répertorier ou de répercuter vu que ces gens-là choisissent généralement la voix de l'opposition pour se faire entendre, et c'est là quelque chose de tout légitime et fait à visage découvert et en toute bonne foi. Or, je tiens à faire remarquer cela.

M. le Président, ce projet de loi, bien sûr, il va ouvrir la voie à une commission qui va, dans le courant de l'année, à partir du début de janvier jusqu'au mois de juin, faire une révision totale des 29 décrets que nous avons, et c'est tant mieux. Mais, si j'ai un souhait à émettre – et nous l'avons abordé en commission parlementaire – c'est qu'il ne faudrait pas que ce comité se déshumanise. Il faut tenir compte des conditions de travail des petits travailleurs. Bien souvent, les gens qui sont régis par ces décrets, ce sont des gens qui sont à la limite de bas salaires ou au salaire minimum et, s'ils n'avaient pas ces décrets, je peux vous assurer que ces gens-là seraient tellement à la limite du salaire minimum, et, des fois, de ce qu'on peut recevoir à ne pas travailler avec l'aide sociale, qu'il pourrait y avoir à l'occasion désenchantement de ces gens-là, et qu'ils disent: Bien, à quoi me sert-il de faire tous ces efforts, alors que j'en retire un gain qui, somme toute, est peu différent de ce qu'on pourrait retenir peut-être sans travailler ou en travaillant peut-être en dehors du système légal?

Alors, il faut tenir compte de cela, et je pense que ça doit être une des préoccupations du comité. Et je serais le plus déçu comme député, après le travail que nous avons fait avec M. le ministre et les députés de l'opposition et du gouvernement, que cela finisse par des décisions qui seraient contre nature, qui ne seraient pas intéressantes et qui seraient difficiles à vivre pour des salariés. Je souhaite beaucoup que, au contraire, cela soit positif pour les salariés, que nous puissions faire en sorte que, s'il y avait des dédoublements, de regrouper; s'il y avait une modernisation, de moderniser. Si on doit abroger, certes, que nous le fassions, mais peut-être que ça devrait être fait dans des secteurs où il y a un taux de syndicalisation important, par exemple dans le verre plat et le bois ouvré. On sait que ces secteurs sont syndiqués à peu près à 80 %. Alors, s'il n'y a pas de décret, il y a là une contrebalance qui peut permettre certainement certaines garanties pour ces travailleurs, mais il faut donc quand même être très prudent.

Le ministre a parlé de certains secteurs. Oui, en effet, verre plat, bois ouvré, nous en sommes. En ce qui concerne la confection et les vêtements pour dame, nous émettons certaines réserves, M. le Président. Tout le monde sait, ici, les conditions de travail que certains ou certaines de nos travailleurs québécois et québécoises, particulièrement dans la région de Montréal, qui oeuvrent dans le domaine de la confection, les conditions difficiles qu'ils ont. On a vu dans les médias, dernièrement encore, des luttes épiques menées par des travailleurs pour être représentés par une association syndicale ou une autre. On a entendu des histoires d'horreur. Quelquefois elles sont fondées, des fois elles ne le sont pas, mais il y a toujours quelque chose de vrai dans le cri de détresse d'un groupe de travailleurs des entreprises qui emploient le genre de main-d'oeuvre qu'il y a dans le textile.

Alors, M. le Président, je dis: Attention! Danger! Soyons très prudents, avançons à petits pas, en ce qui concerne les travailleurs du textile. Ne créons pas de drames humains, ne faisons pas en sorte de désintéresser ces travailleurs, ces salariés de ce qu'ils font, car le textile, au Québec, c'est une de nos richesses. Nous avons des entreprises qui exportent à travers l'Amérique du Nord, qui ont conquis des marchés. Et, que je sache, actuellement les conditions de travail qui les régissent par les décrets ne sont pas si mauvaises pour la compétitivité, car, sans cela, nous n'aurions pas ces marchés.

Il y a le secteur des services automobile, il y a beaucoup de petits employés, de petits garages. Là aussi, je dis: Il faut faire attention parce qu'on pourrait se retrouver avec des abus, si nous agissions d'une manière drastique, en partant du principe qu'il faut absolument abroger le décret. C'est là des considérations très importantes, les petits travailleurs. C'est évident que les travailleurs de l'automobile qui sont chez un concessionnaire automobile, dans un garage important, qui ont un syndicat, qui sont représentés, à ce moment-là c'est plus facile pour eux, ils ont des salaires à la hauteur de la prospérité de ce secteur de l'automobile. Mais il y en a d'autres, dans les petits garages, qui pourraient être touchés durement. Alors, je pense qu'il faut être très, très prudent, lorsqu'on va toucher à ce décret-là.

Un autre comité paritaire qui est très important, le secteur de l'entretien des édifices publics. Nous avons tous vu, ici, et particulièrement en ces périodes de sessions intensives où nous quittons très tard cette Assemblée après des travaux parfois ardus et très longs, des gens, dans les édifices, en train de nettoyer, de frotter, de faire reluire, de vider les corbeilles, des gens qui travaillent à l'entretien. Il y en a dans tous les édifices et tous les bureaux que le Québec peut comporter. Je pense que, là aussi, nous touchons une catégorie de travailleurs vulnérables, parmi certainement les plus fragiles et aussi parmi les plus courageux de vouloir travailler. Parce que ce n'est pas facile, passer la nuit, alors que la famille dort, alors que les enfants sont couchés, après certainement une journée à s'occuper d'eux, aller passer une partie de la nuit à travailler dans un édifice à bureaux, à l'air climatisé, à la lumière artificielle, pour gagner un salaire. Et là, je dis: Pour ces travailleurs-là, nous devons faire preuve d'une attention très, très particulière.

Et il y a le secteur des agents de sécurité, aussi un secteur particulier. On retrouve beaucoup de personnes à leur retraite, qui, après une vie de labeur important, dans des usines, des entreprises, bénéficiant d'une petite pension, d'une petite retraite, décident d'aller gagner un surplus d'argent et font des activités d'agent de sécurité. Ce n'est pas le cas de tous, mais pour une partie d'entre eux. Là, encore, il faut être prudent et il faut être attentionné.

M. le Président, je pense que le projet de loi peut être un projet de loi très positif, qui peut faire progresser les choses, améliorer la situation, qui peut être très important pour tous ces secteurs économiques, à condition de faire attention à la manière dont nous allons le traiter, de ne pas agir avec précipitation, mais d'agir avec un intérêt particulier pour les travailleurs et aussi en tenant compte des entreprises, en faisant en sorte de comprendre que certaines entreprises ont besoin d'oxygène, ont besoin aussi d'ouverture. Et ça, je pense que même les travailleurs de ces entreprises qui sont régies par ces décrets le comprennent.

(21 heures)

En ce qui concerne les demandes, bien sûr, qui ont été faites par l'opposition et que le président a rejetées comme étant non recevables, l'amendement pour le temps supplémentaire, nous pensions que l'amendement permettrait de clarifier certaines dispositions, car, en effet, dans le projet de loi, il n'était pas clair que, lorsqu'un travailleur qui était assujetti à un décret faisait du temps supplémentaire, l'employeur était obligé de le payer au salaire auquel il le payait.

À titre d'exemple, pour que les gens nous comprennent, ce soir, les téléspectateurs qui nous écoutent, si un décret fait un taux de salaire pour un mécanicien de 12 $ de l'heure, si un garage, en particulier, dit: Moi, mon mécanicien, il est très bon, je veux le garder, je le paie 18 $ de l'heure – donc, je le paie 6 $ de l'heure de plus que ce à quoi le décret m'oblige, on se comprend? parce que je veux le garder – et que cet employé fait du temps supplémentaire, ce n'était pas clair dans la loi, pour nous et selon des recommandations ou des représentations que nous avons eues de l'industrie, que l'employeur était obligé de lui payer son salaire supplémentaire, selon la loi des normes – vous l'avez lue, M. le Président – 50 % au-dessus du salaire qu'il gagnait, donc, du 18 $. Nous pensions – selon ce qu'on nous a dit, ça se fait; peut-être, il faudra voir – qu'il était payé à partir du taux horaire décrété dans le décret de convention collective, et c'était là une amélioration que nous voulions apporter.

M. le Président, vous avez lu la Loi sur les normes du travail, à l'article 55. Nous invitons les gens de l'industrie qui nous ont fait ces recommandations, les travailleurs, les représentants à vérifier, à voir si cela correspond vraiment. Si ce ne l'est pas, bien, nous aurons l'occasion de revenir un peu plus tard, car, en effet, on a eu une autre demande du milieu, répercutée par l'opposition, celle d'enlever le mot, lorsqu'on parlait, à l'article 1, et le ministre l'a dit... Lorsqu'on désignait quel était l'employeur professionnel, avant, on disait: Un employeur qui a habituellement à son emploi un ou des salariés visés par le champ d'application d'un décret. Nous avions des demandes, de la part de l'ensemble – et M. le ministre l'a très bien démontré, et je suis très heureux qu'il l'ait aussi bien expliqué – des intervenants patronaux, syndicaux, comités paritaires et autres personnes qui gravitent autour de ce secteur d'activité, pour enlever le mot «habituellement», car ces gens disaient: Cela peut créer des problèmes de compétition un peu non réglementée, ou illégale, ou du travail au noir. Et donc, nous demandions cela.

M. le ministre a fait valoir que cela pourrait peut-être créer problème à des tiers, à des gens non organisés, non représentés, ceux pour lesquels nous avons beaucoup de préoccupation, nous aussi, les députés. Et le ministre et moi avons l'occasion d'en reparler souvent en commission parlementaire sur d'autres projets de loi. Et j'apprécie qu'il ait pris la peine de penser à ces gens-là, parce que, à l'occasion, j'ai eu l'opportunité de lui dire qu'il n'y portait pas assez attention sur d'autres projets, et je vois que, cette fois-ci, il y est allé. Mais je pense que c'est la solution que nous avons trouvée qui est d'enlever ce mot «habituellement», de satisfaire l'ensemble des intervenants ou des gens de tous ces secteurs du décret et de prendre une période de six mois d'application pour voir si cela n'a pas créé d'effets pervers. Cette décision de M. le ministre me satisfait, satisfait les groupes que nous avons voulu représenter. Je sais, ce soir, qu'ils sont satisfaits et heureux de la décision que vous prenez, M. le ministre.

Nous savons, en outre, que la décision n'a pas été facile à prendre pour vous, car vous avez dû subir le lobby de la fonction publique, un peu comme tous les ministres qui passent dans les gouvernements, qui sont encadrés par des technocrates, par des gens qui, eux, n'agissent que selon des règlements et selon des bouquins, et qui ne vivent pas toujours dans la vraie vie de tous les jours sur le terrain. Vous avez dû faire face à cette opposition. Et je sais moi, personnellement, M. le ministre, que vous avez eu une attention, dès le début, particulière pour l'enlever, ce mot, mais que, de fait, vous êtes ministre, vous étiez retenu par un certain nombre de démarches légales et administratives et que vous ne pouviez, de vous-même, décider.

Mais vous avez continué, je vous en rends hommage. Je rends hommage à votre bureau, à vos collaborateurs qui ont oeuvré pour faire avancer cette revendication et faire en sorte que vous puissiez l'annoncer ce soir. Alors, je tiens à vous en remercier au nom de tous les intervenants et je dois vous dire que cela permet à l'opposition de collaborer avec ce projet de loi, d'avoir certaines réserves, comme je viens de le mentionner, mais aussi de se donner rendez-vous dans six mois, je l'espère, pour réévaluer un peu tout cela, et ça, c'est une autre méthode aussi. C'est très bien.

On dit souvent que les projets de loi, ils sont là pour quatre, cinq ans, six ans, 10 ans puis que c'est compliqué de revenir dessus. Eh bien, là, on voit, M. le ministre, que vous venez d'amener quelque chose aussi de nouveau. Vous dites: Bien, dans six mois, là, on va le revoir; je m'y engage. Bien, si vous êtes d'accord, nous serons aussi avec vous pour faire le bilan de tout ça et, j'espère, les députés de la commission parlementaire de l'économie et du travail d'un côté comme de l'autre, pour faire un peu ce bilan. Et c'est certainement très sage de votre part d'avoir pris cette décision.

Alors, je tiens à dire ce soir que nous sommes satisfaits de tout ce travail qui a été fait et du cheminement que le projet de loi a pris, et j'espère que ce sera pour le meilleur intérêt des entreprises québécoises et des travailleurs et des travailleuses du Québec. Encore cette fois-ci, quand ça va dans leur sens, M. le ministre, nous sommes tout enclins à collaborer, à travailler avec vous pour faire oeuvre d'utilité publique. Et je tiens, en terminant, à remercier tout le monde qui a participé, tous les collègues députés, à cette étude et à cette évolution du projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de LaFontaine. M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Moi aussi, je me lève pour célébrer un peu l'événement, que le ministre nous a annoncé tantôt, du retrait du mot «habituellement». La loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective évidemment a fait l'objet de plusieurs heures de délibérations en commission parlementaire, a suscité beaucoup d'intérêt de la part de plusieurs groupes et les a incités et stimulés à faire des représentations importantes en particulier à l'opposition. Ce soir, je dois rendre hommage à deux personnes qui, par leurs efforts, leur persistance de part et d'autre – une en voulant faire changer et introduire cet amendement et l'autre en y résistant – ont fini, toutes les deux, par gagner. L'opposition, qui a insisté depuis le tout début pour faire retirer le mot «habituellement», n'avait pu réussir à convaincre le ministre du bien-fondé de sa démarche. Et pourtant, ce soir, le ministre se rend à la demande de l'opposition et à la demande des différents groupes qui avaient demandé cette modification, dans le projet de loi, à l'article 1g. Et finalement le ministre aussi doit avoir des félicitations pour avoir cédé aux instances de l'opposition, cédé aux demandes de plusieurs groupes d'intervention qui avaient demandé le retrait de ce mot.

M. le Président, il y a longtemps, dans la loi des décrets, que la loi crépuscule aurait dû s'appliquer pour les revoir. Lorsqu'on parle d'une loi crépuscule, on parle de trois, quatre ou cinq ans, et on parle déjà d'une loi sur les décrets qui date des années trente. Il y a longtemps qu'on aurait dû la modifier de fond en comble. Alors, c'est une loi qui est importante et qui a suscité beaucoup d'inquiétude et d'intérêt dans la population et les groupes concernés. Les différents représentants ont fait des revendications, plusieurs groupes, les syndicats, les patrons, l'opposition, et finalement, sur les 29 décrets qui sont présents, tous sont à revoir.

Je vois ma consoeur du comté de Blainville qui s'informe et lit justement sur les décrets pour les modifier; donc, elle trouve beaucoup d'intérêt dans sa lecture, et je suis sûr qu'elle progresse dans ses connaissances justement dans le but de modifier ces différents décrets qui seront appelés dès le mois de janvier, si j'en crois le ministre, avec le comité qui sera mis en place afin de procéder à une évaluation de tous les décrets pour revoir leur mode de fonctionnement, pour s'assurer que ces décrets assurent la protection des travailleurs.

Et j'espère que, par la mise en place de ce comité, ça ne deviendra pas d'une lourdeur bureaucratique telle que l'appareil sera écrasé sous le poids des fonctionnaires, de la paperasse, des règlements de fonctionnement. Je pense que, si on peut maintenir la capacité de fonctionnement sur le terrain pratique de ce comité, on verra des modifications importantes de tous les décrets qui sont actuellement présents.

Nous avions dès le départ assuré le ministre de notre collaboration. Malheureusement, je n'ai pu assister à toutes les séances d'échanges sur cette loi en commission parlementaire étant retenu dans une autre commission, mais je suis assuré que le ministre et les députés de l'opposition qui y ont participé ont eu des échanges vigoureux qui se sont soldés ce soir par une entente, qui m'apparaît être correcte de part et d'autre, par laquelle les deux partis supporteront la démarche.

(21 h 10)

Et, comme le ministre, tantôt, souhaitait que ce soit d'une façon unanime, j'ai l'impression que son souhait sera exaucé. Comme on approche la période des fêtes, ce sera peut-être son cadeau des fêtes. M. le Président, lui aussi aura son cadeau. Lui-même n'est pas toujours un cadeau, mais ce soir je pense qu'il va avoir son cadeau et que le projet de loi, selon son souhait, sera probablement adopté à l'unanimité des deux partis, du côté ministériel et du côté de l'opposition.

Je mets le ministre en garde, quand même, sur le comité qui sera en place. Ce comité, le ministre devra y porter une attention particulière, parce qu'on sait comment ça dérape facilement. Il ne faudrait pas que le comité devienne plus gros que le ministère. Et on connaît la facilité avec laquelle ce genre de comité, lorsqu'il est laissé le moindrement seul à son erre d'aller, grossit pour toutes sortes de raisons. On a besoin d'un petit comité ici, d'un petit comité là et finalement on se ramasse avec une structure de fonctionnaires énorme pour essayer de régler un problème. Et finalement, au lieu de solutionner le problème, on en ajoute.

Alors, le ministre aurait à s'assurer que ce comité demeure bien sous sa juridiction, sous sa surveillance directe et qu'il y porte une attention particulière. Il pourrait peut-être les rencontrer une fois tous les deux, trois ou quatre semaines pour s'assurer que, dans leur fonctionnement, ces gens du ministère, ces experts dans les lois du travail porteront vraiment une attention particulière à l'orientation que le ministre a bien voulu donner à la Loi sur les décrets.

Parce que tout ce qu'on dit ce soir n'a de sens que parce que le ministre a voulu y mettre la main. Et, si le ministre dérape dans l'orientation qu'il va donner à son comité, on aura fait tout ce travail-là de façon inutile. Alors, je pense qu'il est important que le ministre porte une attention particulière à ce comité. À la fin du mois de juin ou avant de terminer la session du mois de juin, on pourra se revoir là-dessus et réévaluer la position quant aux décrets, quant à l'évaluation qui en aura été faite par le comité mis en place et aux résultats qui pourront sortir de cette étude.

Alors, oui, M. le Président, la loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective était depuis longtemps due. Elle a subi un brassage important en commission parlementaire. Elle va jouir d'une douceur d'atterrissage de la période des fêtes où les deux partis vraisemblablement supporteront la démarche du ministre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le leader du gouvernement.


Motion d'ajournement du débat

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, comme il s'agit d'une motion qui est débattable, à ce moment-ci, les articles 100 et suivants de notre règlement doivent recevoir une application. Je ne sais pas si l'auteur de la motion peut justifier son geste, à ce moment-ci.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat, tout simplement parce que je veux présenter une autre motion qui va suivre et qui va être importante. Alors, à ce moment-là, nous pourrons reprendre le débat. Une motion d'ajournement du débat, M. le Président, il n'y a rien d'absolument exceptionnel là-dedans. Alors, je peux comprendre que le leader de l'opposition a, quant à lui, des arguments à faire savoir relativement à ma demande de motion d'ajournement du débat et je vais l'écouter avec beaucoup d'attention. Mais, quant à moi, je veux tout simplement ajourner le débat pour pouvoir, à ce moment-là, présenter une motion.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. M. le Président, c'est peut-être, à première vue, surprenant que le leader du gouvernement interrompe un projet de loi qui touche les travailleurs et les travailleuses québécois dans ce qu'ils ont de plus précieux, leur job et leur qualité de vie au travail, pour nous annoncer qu'il va procéder à d'autre chose. M. le Président, quand vous êtes le leader d'un gouvernement qui, depuis 10 mois, n'a aucune politique de création d'emplois, quand vous êtes le leader d'un gouvernement qui a présidé à la perte de 60 000 emplois au cours des 10 derniers mois, quand vous êtes le leader d'un gouvernement qui a présidé à la perte de 6 000 emplois par mois pendant 10 mois consécutifs, quand vous êtes le leader d'un gouvernement qui continue de servir un gouvernement qui fait en sorte qu'à chaque jour, sept jours par semaine, il y a 200 personnes au Québec qui perdent leur emploi, vous n'hésitez pas à ajourner un débat sur un projet de loi qui peut répondre à des besoins des travailleurs et des travailleuses du Québec pour donner priorité à d'autres débats qui n'ont aucunement pour objet de créer des emplois au Québec.

M. le Président, moi, je soupçonne le leader du gouvernement, à ce moment-ci, de vouloir introduire dans notre procédure parlementaire de nouvelles taxes qui vont frapper les plus démunis de notre société, des gens qui vivent de la sécurité du revenu. Je soupçonne le leader du gouvernement d'interrompre un projet de loi qui touche le travail au Québec pour introduire de nouvelles taxes qui vont s'ajouter aux taxes sur la masse salariale. On sait déjà combien ces taxes coûtent en matière d'emploi au Québec. Le ministre du Travail devrait, à ce moment-ci, s'il était un homme d'honneur et fier de ses responsabilités, s'élever contre cette stratégie de son leader qui le bâillonne, lui aussi, M. le Président, lui qui tente désespérément, avec les moyens du bord, de s'inscrire dans une tout autre politique.

Il y a eu un éditorial qui a été écrit dernièrement dans un grand quotidien québécois, qui nous aide peut-être à comprendre pourquoi le leader du gouvernement agit comme il agit au moment où un projet de loi qui touche les droits des travailleurs est discuté en cette Chambre de façon sereine par les députés de l'opposition et par le gouvernement, par le député de LaFontaine qui a tenté d'apporter des modifications constructives. On dit: Arrêtez, là, ce n'est plus ça qui importe. Ce n'est pas le sort des travailleurs et des travailleuses qui sont régis par la Loi sur les décrets de convention collective, à peine plus élevés, généralement, que le salaire minimum.

On a des taxes à aller chercher dans les poches des Québécois et des Québécoises: aide sociale, prêts et bourses aux étudiants. Il y en a combien, de l'autre côté, qui auraient pu compléter leurs études s'ils n'avaient pu bénéficier d'un régime de prêts et bourses aux étudiants qui répondait à leurs besoins minimums à ce moment-là de leur vie? Ils ne s'en souviennent plus. Ils sont aujourd'hui députés, au-dessus de la mêlée et des préoccupations des gens qui en ont besoin. Au niveau des accidentés du travail, M. le Président, on est prêt à aller chercher 15 000 000 $ dans leurs poches. On est prêt à faire financer l'inspection par les patrons. On est prêt à toutes sortes de compromis qui n'ont plus aucune logique dans la société québécoise et qui ne respectent plus aucun équilibre des forces dynamiques qui doivent animer une société équilibrée, libre et démocratique.

Est-ce que le leader du gouvernement veut interrompre ce débat pour nous présenter un projet de loi et forcer son adoption sur une ponction de 300 000 000 $ dans la poche de tous les Québécois et Québécoises en modifiant la loi de l'impôt? M. le Président, ça, ça veut dire que les Québécois et les Québécoises vont recevoir des comptes: 200 $, 300 $ chacun. Pas assez pour les contester, juste assez pour les écoeurer, M. le Président. Juste assez pour faire en sorte qu'ils fassent leur chèque, mais ça va permettre au ministre des Finances de mettre ses avis de cotisation du ministère du Revenu dans ses comptes à recevoir et de prétendre qu'il a atteint, à la fin de l'année, l'équilibre financier.

M. le Président, les gens qui nous ont bien connus sont souvent les gens qui sont le mieux capables de nous analyser. Les gens qui proviennent de notre idéologie politique sont parfois ceux et celles, dans la vie, qui sont le mieux capables d'analyser les conséquences des gestes irresponsables qui sont posés par un gouvernement.

(21 h 20)

Pierre Bourgault, dans un éditorial paru dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec , s'exprimait ainsi face à ce gouvernement qui agit de cette façon ce soir, et je cite Pierre Bourgault. Il parlait du premier ministre du Québec: «La fonction semble le dépasser et il dirige ce qui semble [...] être un des pires gouvernements des 40 dernières années» au Québec. Le leader du gouvernement est le leader d'un gouvernement qui est le pire que le Québec ait connu au cours des 40 dernières années, suivant Pierre Bourgault, un des leurs. «En effet – je continue à citer M. Bourgault; je ne dirai pas "M. Bouchard", là; je vais le remplacer – si le premier ministre sait où il va, il est bien le seul à le savoir.» Il continue: «Il tire tous azimuts sur tout ce qui bouge, il se fait des ennemis de plus tous les jours et chaque mouvement qu'il fait sent l'improvisation à plein nez.»

M. le Président, le leader du gouvernement est à l'image du chef du gouvernement: ça sent à tous les jours l'improvisation à plein nez. Des projets de loi déposés à la dernière minute, des projets de loi où on n'a pas le temps de discuter même des principes qui les sous-tendent. C'est un bâillonnement de l'Assemblée nationale, et il le fait même dans un projet de loi amené par un ministre du Travail.

M. Bourgault, bon ami de nos amis d'en face, continue: «En effet, tout se déroule comme si – lui, il dit "M. Bouchard"; moi, je vais dire "le premier ministre" – le premier ministre se disait, en se levant le matin: Il me semble qu'on a oublié de frapper sur quelqu'un hier, alors on va s'en occuper aujourd'hui.» On va s'occuper des gens sur la sécurité du revenu, on va s'occuper des étudiants puis on va s'occuper des honnêtes payeurs de taxes. On va leur envoyer des impôts qu'ils n'ont pas à payer, on va changer les limites de prescription, on va fouiller dans leur passé, on va les traiter comme des gens qui sont carrément des bandits, M. le Président. C'est ce à quoi le gouvernement nous convie.

M. Bourgault, leur ami, continue: «C'est pourquoi tout le monde est en beau maudit, dans tous les dossiers. Un jour, ce sont les municipalités régionales de comté qui écopent, le lendemain, ce sont les étudiants, puis les agriculteurs, puis les assistés sociaux, puis les transporteurs scolaires, puis les commissions scolaires.» Il n'oublie personne, comme en témoignent les réponses aux questions apportées par le premier ministre ce matin en cette Chambre. Personne ne sera épargné de ce rouleau compresseur du gouvernement qui n'est plus en mesure de prendre des décisions en fonction de l'équité sociale.

M. le Président, vous m'indiquez qu'il me reste à peine une minute.

M. Lefebvre: Consentement.

M. Paradis: À ce moment-ci, je vais vous lire peut-être la conclusion de l'article de M. Bourgault. Il y a d'autres passages que vous auriez aimé entendre, je le sais, M. le Président, parce que vous ne partagez pas l'opinion du gouvernement sur ces questions fondamentales.

Le Président: M. le leader de l'opposition, je vous invite à ne pas prêter d'intentions au président.

M. Paradis: Absolument pas, mais ce n'était pas au président; c'était à l'homme que je parlais. M. Bourgault disait ce qui suit: «Je vous prédis que, d'ici un an, ce gouvernement aura implosé [...]. En effet, on ne peut imaginer que tous les ministres et tous les députés souffriront éternellement de jouer le rôle d'ennemis du peuple. On ne peut imaginer que les militants se feront faire deux fois le coup de la dernière fois.»

M. le Président, à ce moment-ci, si le leader du gouvernement veut réellement se préoccuper des intérêts des travailleurs et des travailleuses, qu'il continue à laisser aller la discussion sur un projet de loi qui touche la Loi sur les décrets de convention collective qui assure un minimum de revenus à des gens qui en ont besoin dans notre société plutôt que de tenter de suspendre ce débat, plutôt que de tenter de profiter de la nuit pour aller piger des millions et des millions de dollars dans les poches des honnêtes contribuables qui en ont soupé des pickpockets gouvernementaux. Merci.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, votre temps était écoulé. Je vous inviterais, vous et vos collègues, pour l'avenir, à faire attention à l'utilisation de ce terme qui a été ce matin autorisé dans un contexte particulier, mais ce n'est pas mon intention de faire en sorte qu'à chaque jour on revienne avec l'utilisation de ce terme-là. Alors, M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger (réplique)

M. Bélanger: M. le Président, j'écoutais calmement la longue tirade du leader de l'opposition. Je l'ai vu déchirer sa chemise, enlever son velcro après, parce qu'à force de la déchirer, c'est une fermeture éclair qu'il va avoir après. Et je me demandais – il l'a déchirée de si admirable façon, sa chemise, le leader de l'opposition: Comment était-il, quel était son discours quand les libéraux ont mis l'impôt rétroactif, une invention libérale? Jamais le leader de l'opposition, qui était à ce moment-là au gouvernement, ne s'est levé pour protéger le droit des contribuables. Tout le monde a dénoncé ça. C'était absolument effrayant, un principe jamais vu dans l'histoire du parlementarisme: de l'impôt rétroactif. On disait à des citoyens aujourd'hui: Vous auriez dû payer l'année dernière tant d'impôt. On a passé ça.

On s'en souviendra – je vois la députée de Marie-Victorin qui était avec moi en Chambre, à ce moment-là – on était scandalisés. Le Barreau était scandalisé. Parce que j'entends souvent les députés libéraux citer le Barreau. Et je me souviens que le bâtonnier de l'époque – d'ailleurs, je pense qu'il avait un lien de parenté avec l'actuel leader de l'opposition – avait dénoncé son frère. Il l'avait dénoncé pour dire que c'était effrayant, l'impôt rétroactif. L'impôt rétroactif, c'était feu Gérard D. Levesque qui avait mis ça, qui avait donné ça comme cadeau à la population du Québec, un cadeau libéral. Fierté libérale, impôt rétroactif.

Et, à ma connaissance, à moins que le député de Brome-Missisquoi me corrige, il ne s'est pas levé pour dire: C'est effrayant. Puis on parlait de centaines de millions de dollars qui étaient mis sur le dos des contribuables québécois. Et on a vu la réaction que ça a eu par la suite dans la population. Je n'en ai pas vu un se lever à ce moment-là. Et là on est en train de prêter des intentions à ce gouvernement. Encore là, pour le député de l'opposition, le leader de l'opposition qui était membre du gouvernement qui a battu tous les records au niveau de déficit d'un gouvernement québécois, c'est correct ça. Ce n'était pas scandaleux ça, à l'époque. Mais quant à nous, hein? Là, on nous en met épais, comme on dit, sur le dos et on oublie, à ce moment-là, ce qu'on a fait il y a quelques années à peine.

Alors, j'ai fait une motion d'ajournement du débat, toute simple, tout en étant conscient que c'est un projet de loi important et qu'on va y revenir. C'est un projet de loi où le ministre du Travail et le porte-parole de l'opposition officielle ont travaillé dans le même sens pour le bonifier, je crois, et faire en sorte qu'il soit quelque chose qui va être attendu par la société. On va y revenir. Mais, encore là, laissez-moi m'étonner de la longue tirade du député de Brome-Missisquoi de l'opposition officielle. Et quel beau discours il aurait fait à cette époque où son propre ministre des Finances a écrasé les Québécois avec des nouvelles taxes, M. le Président!


Mise aux voix

Le Président: À ce moment-ci, est-ce que la motion du leader du gouvernement est adoptée? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Président: Alors, que l'on appelle les députés.

(21 h 29 – 21 h 37)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Mise aux voix

Alors, nous allons procéder au vote sur la motion d'ajournement du débat du leader du gouvernement.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:61

Contre:32

Abstentions:0

(21 h 40)

Le Président: Alors, la motion du leader du gouvernement pour ajourner le débat est adoptée. M. le leader du gouvernement.


Motions du gouvernement


Motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée en vue de l'adoption de projets de loi


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Alors, je fais la motion suivante en vertu des articles 182 et 183 de notre règlement:

«Qu'en raison de l'urgence et de la situation et en vue de permettre l'adoption des projets de loi suivants: le projet de loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu, le projet de loi n° 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, le projet de loi n° 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal, le projet de loi n° 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, le projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les...

Le Président: Je voudrais rappeler aux députés les dispositions de l'article 32 sur le décorum. À ce moment-ci, il n'y a que le leader du gouvernement qui a la parole. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: ... – oui, M. le Président – maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail;

«Le deuxième paragraphe de l'article 19, les articles 20 à 22, les mots "ou sur un fait personnel" au 4e paragraphe et le 7e paragraphe de l'article 53, les 1er, 2e, 3e et 5e paragraphes de l'article 54, les articles 71 à 73, les 2e et 3e alinéas de l'article 84, les mots "ou à la demande d'un député" au 1er alinéa de l'article 86 ainsi que le 2e alinéa du même article, les 2e, 3e et 8e paragraphes de l'article 87, les articles 88 à 94, 100 et 101, 105 à 108, 110 à 114, 157, 164 et 165, 175 et 176, les mots "et, le cas échéant, de ses observations, conclusions et recommandations" à l'article 177, les articles 194 et 195, 205 à 209, les articles 212, 213, 215, 216, 220, 230, les articles 236 et 237, le 2e alinéa de l'article 239, les articles 240 et 241, 243, le 2e alinéa de l'article 244, les articles 245 et 246, 247, les mots "et l'adoption du projet de loi est fixée à une séance subséquente" au 2e alinéa de l'article 248, les articles 249 à 251, le 1er alinéa de l'article 252 ainsi que les 1er et 3e alinéas de l'article 253, l'article 254, les 2e et 3e alinéas de l'article 256, l'article 257 et les articles 304 à 307 soient suspendus jusqu'à l'adoption desdits projets de loi et que;

«Il soit permis, dès l'adoption de la présente motion, de procéder à l'étude des projets de loi nos 84, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu, 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal, 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives et 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail;

«Il soit permis à tout député de prendre la parole une seule fois lors du débat sur l'adoption du principe des projets de loi nos 84, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu, 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal et 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu; les temps de parole soient limités à 20 minutes pour le ministre qui présente le projet de loi de même qu'à un représentant de l'opposition officielle et à cinq minutes pour tout autre député, une réplique de cinq minutes pouvant être exercée par le ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du principe soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Après l'adoption du principe d'un projet de loi, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer de l'envoyer en commission plénière pour étude détaillée; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer que l'Assemblée se constitue en commission plénière; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée de l'étude détaillée des projets de loi nos 84, Loi modifiant la Loi sur la Sécurité du revenu, 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal et 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, en commission plénière soit fixée à un maximum d'une heure après le début de ses travaux;

«Le président de la commission plénière, à expiration de ce délai, mette aux voix immédiatement, sans débat et sans appel nominal, les articles et les amendements dont la commission n'aurait pas disposé, y compris les amendements que le ministre qui présente le projet de loi n'aurait pas pu proposer en cours d'étude mais dont il saisira le président de la commission à ce moment, le titre et autres intitulés du projet de loi et fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission, ni l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse plus d'une fois au cours d'une même séance proposer de faire rapport à l'Assemblée que la commission plénière n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la permission de siéger à nouveau; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée du débat sur l'adoption des projets de loi nos 84, Loi modifiant la Loi sur la Sécurité du revenu, 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal et 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, soit fixée à un maximum de 30 minutes, dont 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cinq minutes pour les députés indépendants et une réplique d'une durée maximale de cinq minutes au ministre qui présente un projet de loi; le vote sur l'adoption des projets de loi soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Dès l'adoption de la présente motion, la commission permanente des institutions mette fin à ses travaux quant à l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, et dépose son rapport à l'Assemblée, malgré l'article 53;

«Tout député puisse, au plus tard une heure après le dépôt du rapport concernant l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, transmettre au bureau du secrétaire général une copie des amendements qu'il entend proposer;

«La durée du débat sur la prise en considération du rapport de la commission permanente des institutions sur le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, soit fixée à un maximum de 30 minutes, dont 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement et 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle et cinq minutes pour les députés indépendants; le ministre qui présente le projet de loi puisse exercer un droit de réplique d'une durée maximale de cinq minutes;

«Une fois terminé le débat sur la prise en considération du rapport de la commission permanente des institutions, les amendements soient mis aux voix successivement sans appel nominal, de la manière indiquée par le président; les articles du projet de loi sont ainsi amendés, les articles du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, dont la commission permanente des institutions n'avait pas disposé, le titre et les autres intitulés du projet de loi et le rapport de la commission, amendés ou non, soient ensuite mis aux voix sans appel nominal;

«La durée du débat sur l'adoption du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, soit fixée à un maximum de 30 minutes, dont 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition, cinq minutes pour les députés indépendants et une réplique d'une durée maximale de cinq minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption des projets de loi soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«La durée du débat sur la prise en considération du rapport de la commission permanente de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, ainsi que sur les amendements déjà transmis, soit fixée à un maximum de 30 minutes, dont 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle et cinq minutes pour les députés indépendants, le ministre qui présente le projet de loi puisse exercer un droit de réplique d'une durée maximale de cinq minutes;

«Une fois terminé le débat sur la prise en considération du rapport de la commission permanente, les amendements soient mis aux voix successivement sans appel nominal, de la manière indiquée par le président; les amendements adoptés soient intégrés au rapport et celui-ci soit ensuite mis aux voix sans appel nominal;

(21 h 50)

«La durée du débat sur l'adoption du projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, soit fixée à un maximum de 30 minutes, dont 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cinq minutes pour les députés indépendants et une réplique d'une durée maximale de cinq minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du projet de loi soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Au cours des débats sur l'adoption des projets de loi nos 84, Loi modifiant la Loi sur la Sécurité du revenu, 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal, 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives et 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse faire motion pour qu'ils soient envoyés en commission plénière, en vue de l'étude des amendements qu'il indique; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal; en commission plénière, l'étude soit limitée aux amendements proposés; la durée du débat en commission plénière soit fixée à un maximum de 15 minutes, dont cinq minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, cinq minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, trois minutes pour les députés indépendants et deux minutes de réplique au ministre qui présente le projet de loi, au terme de laquelle les amendements seront mis aux voix immédiatement et sans appel nominal, y compris les amendements que le ministre qui présente le projet de loi n'aurait pas pu proposer en cours d'étude; après quoi le président de la commission plénière fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission ni l'Assemblée; ce rapport soit aux voix immédiatement sans débat et sans appel nominal;

«L'ajournement du débat puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«L'ajournement de l'Assemblée puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Le retrait d'une motion puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Outre les dispositions prévues à la présente motion, tous les votes soient faits à main levée à moins qu'un ministre ou un leader adjoint du gouvernement n'exige un vote par appel nominal;

«L'Assemblée puisse siéger tous les jours, à compter de 10 heures, jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux;

«Sous réserve de ce qui précède, les dispositions du règlement particulières aux mois de juin et décembre soient appliquées;

«Les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption des projets de loi nos 84, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu, 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal, 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, et 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail.»

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, vous avez, tout comme nous, écouté la lecture de cette motion qui, à toutes fins pratiques, élimine le Parlement du Québec. M. le Président, je veux vous indiquer tout de suite que je ne plaide pas sur la recevabilité et ce sera probablement... ce sera la conclusion à laquelle j'arriverai. M. le Président, c'est la motion la plus agressive, antiparlementaire, antidémocratique que j'aie entendue depuis 11 ans que je suis ici à l'Assemblée nationale. M. le Président, je veux juste vous rappeler que la motion vise, entre autres, à adopter le projet de loi n° 91 déposé ce matin. Ce n'est pas à peu près, ça, M. le Président. Alors, quatre principes, quatre motions... La motion vise à adopter quatre projets de loi dont le principe n'a même pas encore été adopté.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président. Sur la recevabilité? C'est sur quoi? Je voudrais juste savoir sur quoi intervient le leader?

M. Lefebvre: Non, non. Je l'ai dit. Je l'ai dit, M. le Président. Deux ou trois minutes, M. le Président, deux ou trois minutes, puis le leader va comprendre.

M. Bélanger: Je veux juste savoir.

M. Lefebvre: Qu'il me laisse au moins deux ou trois minutes après ce qu'il vient de nous servir, là. M. le Président, c'est une motion qui bafoue les droits des plus faibles.

Le Président: Juste pour qu'on se comprenne bien parce que je connais un peu la pratique qui s'est installée depuis un certain nombre d'années. À ce moment-ci, est-ce que vous voulez immédiatement intervenir sur la motion ou plaider sur la recevabilité, à ce moment-ci? C'est parce que je pense qu'il faut qu'on s'entende sur l'objet de l'utilisation du droit de parole à ce moment-ci.

M. Lefebvre: M. le Président, si vous êtes déjà convaincu qu'il y a lieu de donner à l'opposition le temps qu'il faut pour vérifier la recevabilité d'une telle matraque, dites-le-moi tout de suite, puis je m'arrête. Mais ce n'est pas deux ou trois minutes qu'on vous demande, M. le Président. On vous demande le temps nécessaire pour vérifier la recevabilité de la motion du leader du gouvernement qui, essentiellement, n'a comme seul objectif que d'aller chercher 400 000 000 $ et un peu plus dans les poches des contribuables du Québec.

Le Président: Bon. Là, je comprends...

M. Lefebvre: Alors, je vous demande, M. le Président, le temps nécessaire pour qu'on puisse de notre côté, dans le but de protéger les Québécois puis les Québécoises contre une telle arrogance, vérifier la recevabilité, M. le Président, de la motion.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, juste relativement à ce que le député de Frontenac a dit, que c'est la première fois qu'il écoutait une telle motion. M. le Président...

Une voix: ...

M. Bélanger: Non, mais je voulais juste comprendre, M. le Président. Je suppose qu'il n'avait pas entendu quand le leader actuel de l'opposition en avait fait une. J'ai à peu près... Il a des droits d'auteur quasiment... Je me suis inspiré beaucoup du député de Brome-Missisquoi dans ses motions qu'il nous a présentées pour faire la mienne. Alors, à ce moment-là, je comprends qu'il n'avait pas écouté celle du député de Brome-Missisquoi quand il était leader du gouvernement puis qu'il en avait fait une.

Alors, M. le Président, tout simplement, je dirais que, oui, il est normal, M. le Président, que vous suspendiez afin de permettre, à ce moment-là, à l'opposition de pouvoir prendre connaissance de la motion que je viens de déposer. Mais vous comprendrez, M. le Président, que je crois qu'une quinzaine de minutes, ce serait tout à fait suffisant. Si on regarde les précédents, de toute façon, M. le Président, où il y a eu des suspensions, une quinzaine de minutes, je crois que ce serait tout à fait suffisant. Surtout, je suis convaincu que le leader de l'opposition va retrouver beaucoup d'éléments de sa motion qu'il nous a faite dans le passé.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, s'il y avait des droits d'auteur à recevoir, je saurais volontiers gré de les recevoir. Jamais, M. le Président, et je le dis de mon siège, je n'ai présenté de motion en cette Chambre sur un projet de loi déposé le matin, sur lequel les parlementaires ne se sont jamais exprimés, qui vise à aller voler ou piquer dans la poche des contribuables 300 000 000 $, et le faire en pleine nuit, M. le Président. C'est un précédent en cette Chambre.

Maintenant, M. le Président, moi, je veux bien, là, 15 minutes pour étudier ça. À chaque fois que le leader du gouvernement a présenté une motion, il y avait des vices de fond, il y avait des vices de forme, du travail bâclé, du travail mal fait, à l'image du leader du gouvernement. Ça prend plus que 15 minutes pour passer à travers tout le règlement. Ce qu'il a suspendu, M. le Président, si j'ai bien compris, c'est à peu près tout, sauf les pages couverture du règlement de l'Assemblée nationale du Québec. Si c'est ça le but de sa réforme ou l'esprit dans lequel il s'embarque dans une réforme parlementaire, M. le Président, nous sommes loin d'en arriver à un but qui va satisfaire les institutions démocratiques que nous avons connues au Québec au cours des 200 dernières années.

Le Président: Au-delà des arguments qui ont été présentés, puisqu'il y a demande de suspension pour examiner et qu'il y a accord sur cette demande, je demanderais d'abord aux députés de rester à leur place jusqu'à ce que la décision soit rendue. Nous allons suspendre le temps raisonnable, compte tenu des précédents. En regard des motions de suspension, je vais accorder 30 minutes de suspension pour qu'on puisse regarder la recevabilité de la motion. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...j'insiste sur le fait qu'il y a quatre projets de loi qui sont contenus dans cette motion qui n'ont pas été adoptés au niveau des principes, qu'il y en a un qui...

Le Président: À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition officielle, j'ai vérifié les précédents à l'égard du temps qui était normalement accordé pour qu'on puisse vérifier la recevabilité. Compte tenu aussi de l'expérience parlementaire de part et d'autre, je pense que le temps que je viens d'indiquer serait un temps raisonnable. Alors, les travaux sont suspendus pour 30 minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 59)

(Reprise à 22 h 34)


Débat sur la recevabilité

Le Président: Je vais recevoir des représentations sur la recevabilité de la motion. Juste avant, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, je voudrais vous rappeler que, bon, «le président – puisque c'est, dans le fond, des remarques sur la recevabilité, c'est des remarques lors d'un appel au règlement – peut autoriser quelques remarques à l'occasion d'un rappel au règlement. Elles doivent se limiter à l'article invoqué et au point soulevé.»

Mon intention n'est pas de restreindre d'une façon exagérée les propos sur la recevabilité, mais, en même temps, je voudrais faire en sorte qu'on s'en tienne au fond des choses sur la recevabilité de la motion. Et je vous indique immédiatement, pour qu'il n'y ait pas de quiproquo, que, compte tenu des précédents que j'ai étudiés pendant la période de suspension, en ce qui concerne les motifs qui ont été invoqués jusqu'à maintenant dans les argumentations, puisque la notion d'urgence a été invoquée par le leader du gouvernement, là, il n'est pas question, en ce qui me concerne, de recevoir l'argumentation sur la question de l'urgence, puisque ça a été clairement établi par de nombreuses décisions de la présidence, à plusieurs reprises, de plusieurs présidents différents. Alors, je vous demanderais de faire en sorte de tenir compte de cette remarque-là dans les propos qui vont être prononcés. M. le député de Frontenac.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Sans vouloir me compromettre pour l'avenir, je ne voudrais pas qu'on renonce, de notre côté, à pouvoir éventuellement plaider l'urgence. Ceci étant dit... Non, M. le Président, je ne veux pas que ce soit considéré comme un aveu, mais il n'est pas de l'intention de l'opposition de soulever l'urgence comme argument quant à la non-recevabilité de la motion, parce qu'on pourrait plaider qu'il n'y a pas d'urgence. C'est clair dans notre esprit qu'il n'y a pas d'urgence.

Cependant, M. le Président, je vais vous plaider quelque chose, je vais soumettre à votre attention un article de notre règlement, qui existe... Évidemment, notre règlement existe toujours intégralement, comme aussi – et ça, on s'entend là-dessus – la Loi sur l'Assemblée nationale existe en tout temps. Il n'y a rien qui peut modifier la Loi sur l'Assemblée nationale, d'aucune façon, jamais. Nos règlements pourraient éventuellement être modifiés, entre autres, si jamais, par hypothèse, la motion de suspension des règles était adoptée mais jamais la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est important que je vous le rappelle parce que je vais revenir avec ça un petit peu plus tard.

Je vous soumets l'article 184, M. le Président, que le leader du gouvernement a sans doute oublié. Et ce n'est presque pas surprenant qu'on l'oublie parce que c'est un article qui est à l'endos de la page 59, il est dans le haut de la page, puis, si on n'est pas attentif, on l'oublie, M. le Président, puis ça peut être fatal. Et, en l'occurrence, dans le présent cas, c'est fatal.

M. le Président, si vous permettez, on va le lire ensemble, avec nos collègues. L'article 184, M. le Président, qui est évidemment dans le chapitre des règles d'exception, de suspension des règles, 179 et suivants, mais particulièrement 182, c'est en vertu de 182 que la présente motion est déposée... M. le Président, 184 dit ceci: «Si la motion – motion présentée par M. le leader du gouvernement – tend à permettre l'étude d'un projet de loi – je pense que c'est assez évident, là, on va débattre d'un projet de loi tout à l'heure et même de six projets de loi, M. le Président – celui-ci – le projet de loi – doit être distribué au moment où la motion est présentée.» M. le Président, vous avez, comme chacun et chacune d'entre nous, constaté qu'il n'y a eu aucune distribution du ou des projets de loi visés par la motion. Je vois le député de Joliette rigoler et j'imagine qu'il est un peu mal à l'aise pour son leader. Je lui demanderais un peu de délicatesse à l'égard du député d'Anjou, M. le Président.

Le Président: M. le député de Frontenac, je voudrais simplement demander à tout le monde la collaboration des membres de l'Assemblée pour faire en sorte que la discussion se fasse correctement. Je peux comprendre que les vétérans dans l'Assemblée en ont vu d'autres, mais néanmoins ça ferait en sorte que le débat et la discussion se déroulent selon l'article 32, c'est-à-dire la règle du décorum. Alors, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, l'objectif de l'article 184, évidemment, en imposant cette règle de la remise, de la distribution du projet de loi qui fait l'objet de la motion, c'est de s'assurer que chaque parlementaire sache sur quoi il vote. M. le Président, on le sait, voter, c'est le geste le plus important dans la vie d'un législateur. Alors, il faut qu'on sache sur quoi on vote, c'est pour ça que 184 existe. Et 184 existe qu'on soit dans une situation d'exception, comme celle qu'on vit présentement, ou en tout autre moment de nos travaux de l'Assemblée. Qu'on soit en commission parlementaire, M. le Président, qu'on soit ici, au salon bleu, 184 existe. Et le législateur que nous sommes doit pouvoir savoir sur quoi il exprimera son vote.

(22 h 40)

M. le Président, la motion de suspension oblige donc la distribution de chacun des projets de loi visés par ladite motion. On est, M. le Président – puis ça, c'est très, très important, vous le savez, j'en suis convaincu, vous êtes un parlementaire d'expérience – là en matière d'exception, et il n'y a pas plus situation exceptionnelle que celle qu'on vit présentement, M. le Président, la suspension des règles.

Comme mon collègue de Brome-Missisquoi faisait remarquer tout à l'heure, on veut suspendre à peu près tout ce qu'il y a dans nos règlements, on suspend tout ce qu'il y a dans nos règlements, de sorte que, M. le Président, vous devez, vous, comme gardien des droits de l'opposition, vous assurer... parce que c'est rien qu'à cette étape-ci qu'on peut plaider. Est-ce que la motion visant à suspendre, à toutes fins pratiques, tous les droits de l'opposition est recevable et doit être reçue? Parce qu'à partir du moment où elle aura été reçue, compte tenu du jeu parlementaire, la force du nombre, on n'aura plus, à toutes fins pratiques – je me répète – aucun droit. Vous devez être extrêmement vigilant. Vous êtes, M. le Président, à la dernière étape de la protection de nos droits. Vous êtes, en vertu de la loi – plus en vertu de la loi qu'en vertu de nos règlements – le gardien des droits de la minorité en cette Chambre, M. le Président. Il faut s'assurer que toutes les règles prévues au règlement et à la loi sont respectées intégralement.

On a fait tout à l'heure, et mon collègue de Brome-Missisquoi et moi-même... Et, d'ailleurs, vous le savez, parce que la motion du leader du gouvernement fait référence aux projets de loi, vous savez qu'on parle d'un montant d'argent qui dépasse les 400 000 000 $. Il faut que la règle qui gouverne le processus d'adoption ou de présentation, c'est-à-dire, de la motion soit respectée intégralement, M. le Président, parce que, après – je l'ai répété tout à l'heure, je le mentionnais tout à l'heure – ce sera le pouvoir absolu du gouvernement.

M. le Président, la loi de l'Assemblée nationale, elle est prépondérante en tout temps, et je voudrais vous rappeler, dans le préambule de la loi de l'Assemblée nationale, les considérants 2, 3 et 4. Le préambule n° 2, M. le Président: «Considérant que l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire des représentants élus qui la composent, est l'organe suprême et légitime d'expression et de mise en oeuvre de ces principes;

«Considérant qu'il incombe à cette Assemblée, en tant que dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et inaliénables du peuple du Québec, de le défendre contre toute tentative de l'en spolier ou d'y porter atteinte;

«Considérant qu'il convient, en conséquence, d'affirmer la pérennité, la souveraineté et l'indépendance de l'Assemblée nationale et de protéger ses travaux contre toute ingérence...»

On comprend ce que ça veut dire, M. le Président. L'ingérence, ce n'est pas une attaque de l'armée canadienne, là. L'ingérence, c'est tout geste du pouvoir que représente le gouvernement, l'Exécutif, qui ne serait pas conforme et de façon absolument intégrale aux règles prévues à la Loi sur l'Assemblée nationale et à nos règlements.

Alors, je vous soumets que c'est incontournable. Le leader du gouvernement, dans la confusion, dans la précipitation, s'est inspiré, quant à moi de façon un peu malhabile, des précédents, ses propres précédents, les précédents de son collègue de Joliette. On sait, M. le Président, qu'il y a eu six ou sept motions de suspension des règles depuis le 12 septembre 1994. Et peut-être que le leader du gouvernement a pris pour acquis que les prescriptions contenues à 184 n'étaient pas de rigueur absolue. Mais ce n'est pas le cas. Il avait l'obligation; il ne l'a pas fait. C'est fatal.

Et je vous rappelle en terminant, M. le Président – on y a fait tout à l'heure rapidement allusion – que le projet de loi n° 91 a été déposé ce matin et que pas un seul parlementaire ici ne l'a lu. Pas un seul parlementaire n'a pris connaissance du texte du projet de loi n° 91. Et tout à l'heure, si la motion du leader était votée majoritairement, ça voudrait dire qu'on s'exprimerait, qu'on voterait pour ou contre sur un projet de loi dont on n'a jamais pris connaissance, qui vise essentiellement à récupérer, pas des bagatelles, 300 000 000 $.

M. le Président, le projet de loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu, est à l'étape strictement du dépôt. Jamais le principe n'a été discuté. Même commentaire pour le projet de loi n° 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la CEPGM par la CECM: dépôt du projet de loi le 13 décembre 1996, pas de discussion à date sur le principe. Et également je vous fais le même commentaire pour ce qui est du projet de loi n° 85, loi modifiant l'aide financière aux étudiants. C'est une diminution en regard du Programme de prêts et bourses de 46 200 000 $. Étape à date: dépôt seulement, M. le Président. Aucun des parlementaires n'a pris connaissance, au moment où le leader... Évidemment, il a manqué à la règle. Il a manqué à la règle. On n'a pas pu prendre connaissance, M. le Président, de chacun de ces projets de loi visés par la motion de suspension des règles.

Et, vous savez, 184, ce n'est pas: si la motion tend à permettre l'étude d'un projet de loi, celui-ci peut être distribué. Non. C'est «doit être». «Doit être», M. le Président. Ce n'est pas interprétable, c'est fatal, au moment où la motion est présentée. Et on est en matière – je termine là-dessus – de droit absolument, absolument exceptionnel. Parce qu'on est en matière de droit exceptionnel, à savoir la suspension des règles, vous devez être un gardien extrêmement vigilant de la recevabilité de la motion qui vise à nous enlever nos droits, M. le Président.

Alors, je vous soumets très respectueusement que vous devez rejeter la motion présentée par le leader en vertu de l'article 182 de nos règlements, M. le Président.

Le Président: Juste un instant, M. le leader du gouvernement. Je voudrais rappeler une règle que j'ai déjà appliquée lors, je pense, de la session parlementaire, la partie de la session qui était au mois de juin dernier, lorsque j'ai eu à recevoir ou à entendre des points de règlement sur des questions de recevabilité. À ce moment-là, j'avais établi une certaine règle qui avait été suivie à quelques reprises: je donnais un droit de parole à peu près équivalent pour la première intervention principale, et possibilité de réplique de chaque côté, ce qui fait à peu près deux interventions de chaque côté sur la question de la recevabilité. Après ça, je prendrai la question en délibéré, puis... Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous dites: Je donne à peu près. Je pense que chaque circonstance est unique, et l'usage des mots que vous avez utilisés est tout à fait juste lorsqu'il n'y a pas d'argument nouveau de soulevé.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, je dois, en commençant mon intervention, saluer l'originalité du député de Frontenac quant à l'article qu'il a soulevé. Parce que je me demandais, tout à l'heure, pendant la demi-heure que nous avons eue, ce qu'il allait me plaider. Alors, première surprise: on n'a pas plaidé l'urgence. Je pense qu'il comprendra pourquoi je suis content qu'il ne l'ait pas plaidée, M. le Président.

Maintenant, 184. Alors, 184, je vous avoue que là c'est original de plaider 184, M. le Président. J'aimerais, en premier lieu, corriger peut-être... Et je suis certain que le député de Frontenac me remerciera pour cette correction. Il a parlé de la loi de l'Assemblée nationale. C'est le règlement de l'Assemblée nationale, 184, qu'il nous a lu. C'est le règlement de l'Assemblée nationale. Parce que la Loi sur l'Assemblée nationale, nous ne pouvons la suspendre. On ne peut suspendre la loi, mais on peut suspendre le règlement de l'Assemblée nationale. Alors, ce qu'il m'a lu, le député de Frontenac, premièrement, c'est l'article 184 du règlement de l'Assemblée nationale, le règlement. Cet article n'est pas suspendu, c'est vrai, M. le Président, et cet article 184, ce qu'il dit, c'est que le projet de loi doit être distribué. Mais dans quels cas il doit être distribué, M. le Président?

(22 h 50)

Et j'ai trouvé des précédents. Le député de Brome-Missisquoi, quand il était leader du gouvernement, avait fait une loi spéciale relativement à un problème qu'il y avait dans le domaine de la construction. C'était le projet de loi 158, qui était une loi – je suis certain que le député de Saint-Laurent va s'en souvenir, ça doit lui dire quelque chose un peu relativement à cette situation-là, en 1993, 13 décembre 1993 – qui n'était pas au feuilleton, qui n'avait pas été déposée. À ce moment-là, on suspendait les règles afin de permettre l'adoption de cette loi. C'était la loi 158. Et c'est pour ça que 184 est prévu, c'est quand la loi n'a fait l'objet d'aucun dépôt préalable. Évidemment, si on demande la suspension des règles afin de permettre l'adoption d'une loi que personne n'a vue, qui n'a jamais été déposée, qui n'a jamais été au feuilleton, bien, oui, il faut, à ce moment-là, distribuer, en vertu de 184, une copie du projet de loi.

J'aimerais dire au député de Frontenac: C'est pour ça qu'on n'a pas suspendu cet article, puisqu'il n'a pas ici comme tel son application. Il n'a aucune application relativement à la présente, puisque, ce matin, le ministre délégué au Revenu a justement déposé la loi dont on suspend maintenant le principe. À partir du moment où une loi est déposée dans cette Chambre, tout député peut en avoir une copie, peut y avoir accès, peut la consulter, elle est du domaine public. Et la preuve, c'est que le député de Frontenac me dit: Aucun parlementaire en cette Chambre n'en a eu connaissance, puis il me dit ce qu'il y a dedans. Alors, ou bien il a des pouvoirs extrasensoriels absolument extraordinaires, devant lesquels je m'incline, M. le Président, ou bien il a lu le projet de loi qui a été déposé par le député de Portneuf et ministre délégué au Revenu. Alors, je pense que là il va lui-même convenir avec moi qu'il s'est peut-être mal exprimé ou, en tout cas, il pourrait dire au moins que, lui, il l'a lu, ce projet de loi. Il l'a lu, ce projet de loi.

Et donc, tout simplement pour dire, M. le Président, que l'article 184, l'argumentaire du député de Frontenac sur 184 ne tient pas. Le projet de loi, tous les projets de loi ont été déposés déjà en cette Chambre, sont disponibles pour l'ensemble des parlementaires. Cette disposition de 184 est uniquement comme dans le cas du 13 décembre 1993. Et le député de Brome-Missisquoi, qui était alors leader du gouvernement, avait utilisé cette disposition, c'est-à-dire qu'il avait, au moment où il avait fait sa motion de suspension des règles, distribué le projet de loi parce qu'il n'avait jamais été déposé en cette Chambre. Donc, c'est ça, M. le Président. Vous comprendrez que cet argument ne tient pas, qu'on ne peut, à ce moment-ci, maintenir que ce projet de loi n'a jamais été distribué. Il est déposé en cette Chambre, et 184, à ce moment-là, n'a pas application dans le cas présent.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, deux éléments, M. le Président. Non, l'urgence n'a pas été discutée parce que c'est évident pour tout le monde qu'il n'y en a pas, d'urgence. Compte tenu que vous nous avez déjà avertis que vous ne comptiez pas exercer votre discrétion sur le sujet, quand même que vous en seriez convaincu autant que nous, qu'il n'y a absolument aucune urgence à aller fouiller dans la poche des Québécois pour pénaliser les plus démunis de la société, les gens sur la sécurité du revenu, les étudiants, là, on perdrait notre temps à vous convaincre. Et, même si vous en étiez complètement convaincu, vous ne pourriez pas, compte tenu de la jurisprudence, M. le Président, décider à l'encontre du coup de tête du leader du gouvernement.

Le Président: C'est la raison pour laquelle je vous inviterais à ne pas vous étendre plus longtemps sur l'urgence, pour ne pas faire indirectement ce qui n'est pas permis directement. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Non, moi, je suis surpris du précédent invoqué par le leader du gouvernement. Le leader du gouvernement vous indique qu'à l'occasion d'une suspension des règles, de l'utilisation des articles 179 et suivants, lorsque j'ai agi comme leader du gouvernement, j'ai déposé, en même temps que la motion, le projet de loi. Oui, je l'ai fait. Je l'ai fait parce que c'est dicté expressément par l'article 184 de notre règlement.

Puis je vous soumets très respectueusement, M. le Président, que cette section de notre règlement ne fait aucune distinction entre une loi qu'il a qualifiée de spéciale ou une loi qu'on pourrait qualifier d'ordinaire. Il n'y a nulle part, dans cette section du règlement, une telle distinction. Toutes les lois, lorsqu'elles tombent sous l'emprise de ce chapitre de notre règlement, deviennent des législations spéciales, parce que ce n'est pas une façon ordinaire d'adopter les lois. Ça fait que toutes les lois deviennent spéciales.

Pourquoi le législateur a-t-il été tellement précis? D'ailleurs, je prends acte, M. le Président, du fait qu'il a reconnu publiquement ne pas avoir déposé la loi ou les lois au moment ou en même temps que sa motion, contrairement aux dispositions de l'article 184. Pourquoi le législateur est-il si spécifique? Chaque mot dans l'article 184 a un sens et ne laisse aucune possibilité d'interprétation à qui que ce soit, M. le Président, je vous le soumets très respectueusement. Si la motion tend à permettre l'étude d'un projet de loi, à moins qu'on me dise que la motion qui est devant nous ne permet pas l'étude d'un projet de loi – je pense que c'est le but visé – celui-ci doit être distribué, pas n'importe quand, pas la veille, pas le matin, pas l'avant-veille, pas le lendemain, M. le Président, au moment où la motion est présentée. Le législateur, l'Assemblée nationale s'est donné des règles très strictes.

Pourquoi, M. le Président? Parce que vous retrouvez... Et là, M. le Président, vous avez à considérer si le singulier l'emporte sur le pluriel, suivant la Loi d'interprétation, parce qu'on est face à six projets de loi. C'est la première décision que vous avez à prendre. Est-ce que la loi ou les lois doivent être distribuées? Est-ce qu'il aurait dû y avoir six motions? C'est une des décisions que vous avez à rendre. Mais, à partir du moment où vous en venez à la conclusion que ça doit être déposé à ce moment-là, vous avez compris l'économie de notre règlement, M. le Président.

Certains projets de loi, au niveau du principe, il est possible que trois députés de l'opposition et deux du gouvernement se soient prononcés, que dans le cas de l'autre loi il n'y en ait aucun qui se soit prononcé, que dans le cas de l'autre loi, au niveau du principe, il y en ait 10 qui se soient présentés. On est dans le cadre d'une motion pour une loi spéciale, on considère que personne ne s'est prononcé. Suivant la motion même du leader du gouvernement, le porte-parole a 20 minutes pour s'exprimer, les autres députés ont cinq minutes, quel que soit l'état dans lequel on retrouve le projet de loi.

Un autre projet de loi, M. le Président, et c'est spécifiquement un cas qui nous concerne, est encore en commission parlementaire, c'est le cas du projet de loi n° 77. Un autre projet de loi est dans une situation différente, mais les mêmes règles, tantôt, vont s'appliquer. Il est au niveau du rapport de la commission à l'Assemblée nationale. On est dans des situations différentes, avec les mêmes règles qui s'appliquent, différentes étapes, mêmes droits de parole.

Ce qu'on veut faire comprendre par cet article du règlement, c'est qu'on veut permettre aux députés qui vont avoir cinq minutes pour s'exprimer, on veut que les députés se prononcent sur le projet de loi tel que le gouvernement le veut, bon gré, mal gré, avec les amendements qui ont été apportés en commission parlementaire ou sans les amendements qui ont été apportés en commission parlementaire. On veut pouvoir se prononcer de façon claire sur des projets de loi qui deviennent tous et chacun des projets de loi spéciaux, à cause de la décision du leader du gouvernement de les introduire non pas en fonction du règlement normal de l'Assemblée nationale, mais en fonction des dispositions des articles 179 et suivants. À ce moment-là, le fait que, dans le passé, j'ai déjà introduit un projet de loi en même temps qu'une motion indique très clairement que je me suis conformé à ce moment-là aux dispositions du règlement. D'ailleurs, le leader de l'opposition de l'époque, le député de Joliette, aurait certainement soulevé cette lacune si je m'étais abstrait des dispositions très impératives du règlement de l'Assemblée nationale.

M. le Président, il y a un autre point en plus de l'article 184 qui vicie dans son fondement même la motion du leader du gouvernement. Je vous souligne que, si vous devez en venir à la conclusion qu'une partie de la motion est viciée, toute la motion doit être emportée par ce vice. M. le Président, en effet, on peut lire dans la motion du leader du gouvernement ce qui suit: «dès l'adoption de la présente motion, la commission permanente des institutions mette fin à ses travaux quant à l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, et dépose son rapport à l'Assemblée, malgré l'article 53 de notre règlement...»

M. le Président, on en a déjà discuté en cette Chambre, vous avez déjà rendu des décisions, vos prédécesseurs ont fait de même, à l'effet que les commissions parlementaires, dans l'organisation de leurs travaux, sont souveraines; elles sont une extension de l'Assemblée nationale comme telle. Comment le leader du gouvernement peut-il, à ce moment-ci, dans une motion, demander de faire rapport à la Chambre quant à l'étude détaillée du projet de loi n° 77 quand cette étude détaillée n'a même pas été débutée en commission parlementaire?

(23 heures)

Dans son empressement, dans son cafouillage, M. le Président, le leader du gouvernement n'a pas pris la peine de vérifier où en était rendu en commission parlementaire le projet de loi comme tel. Je vous réfère, M. le Président, plus spécifiquement, à l'alinéa 2 de l'article 244 de notre règlement qui, également, est très clair: «Avant d'entreprendre l'étude détaillée, la commission peut décider de tenir des consultations particulières dans le cadre de son mandat.» Donc, au moment où le leader du gouvernement est intempestivement intervenu dans le processus parlementaire normal, la commission, qui est souveraine quant à son fonctionnement, n'avait pas entrepris l'étude détaillée du projet de loi. Comment peut-il, dans une motion, à ce moment-ci, M. le Président, parler de mettre fin à ses travaux quant à l'étude détaillée quand elle n'avait pas commencé l'étude détaillée? Je pense que poser la question, c'est y répondre. Les prescriptions de l'article 244, alinéa 2 sont très strictes, M. le Président.

On se retrouve donc devant une motion mal préparée, mal planifiée, une motion qui ne respecte pas les dispositions du règlement quant à deux articles très spécifiques. Nous sommes dans un domaine de droit d'exception, M. le Président, on vise à priver les parlementaires de leurs droits normaux de s'exprimer. Le législateur a parlé, dans les deux cas, avec une clarté qui est exemplaire. On ne parle pas, M. le Président, dans le cas de 184, de déposer le matin, la veille, l'avant-veille, on parle de déposer si ça porte sur un projet de loi – ça peut porter sur d'autre chose, ces motions-là – au moment même où c'est déposé.

M. le Président, je vous demanderais, dans les circonstances, de rendre la décision appropriée, qui est celle qui découle d'une lecture et d'une analyse attentive de ces deux articles. C'est impératif. Le leader du gouvernement a mal fait son travail, il n'a pas déposé, au moment prévu, soit la loi, si ça ne touchait qu'une motion, ou les lois, si ça touchait plusieurs projets de loi, et il n'a pas non plus pris la peine de se renseigner si un projet de loi était rendu, dans le cas du projet de loi n° 77, à l'étude détaillée. Ça n'avait pas été commencé et il commande, par sa motion, de mettre fin à quelque chose qui n'a pas encore été commencé, M. le Président. La caducité ou le défaut sur chacun de ces articles devra entraîner, M. le Président, le rejet de la motion du député, et nous pourrons, en cette fin de session, continuer normalement nos travaux en nous préoccupant davantage des droits des travailleurs, comme c'était le cas, plutôt que de tenter d'aller fouiller dans la poche des contribuables au moment où ceux-ci ont déjà donné à un gouvernement déjà trop gourmand. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous pouvez, à ce moment-ci, comme je l'indiquais tantôt, donner la réplique à l'argumentation maintenant. Le député de Frontenac m'indique qu'il y aurait un élément additionnel. Ça permettrait de clore après les représentations.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, les représentations que faisait le leader du gouvernement tout à l'heure quant à mes propres arguments, m'amenaient à la conclusion qu'il considère à toutes fins pratiques que le législateur a voulu parler pour ne rien dire. Puis, s'il y a un principe qu'on doit respecter, c'est bien celui-là, que le législateur ne parle jamais pour ne rien dire. Là, lorsque le leader disait que les projets de loi sont déposés et, ceci étant dit, que chaque parlementaire en a pris connaissance, ce n'est pas comme ça. On ne peut pas présumer que c'est la situation, que la situation est celle décrite par le leader. C'est pour ça que 184 ne parle pas d'un projet de loi déposé ou présenté; on parle d'un projet de loi distribué. Distribué, c'est un geste purement physique, distribué à chacun des parlementaires.

En boutade tout à l'heure, j'ai indiqué – et je suis convaincu, sans vouloir, M. le Président, être incorrect avec aucun parlementaire – que, sauf de très rares exceptions, j'imagine le ministre, le projet de loi, qui vise à aller chercher 300 000 000 $, il y a à peu près juste le ministre qui l'a lu, j'en suis convaincu. C'est pour ça qu'il faut le distribuer. C'est ça que 184 dit: Le projet de loi doit être distribué – pas présenté, pas déposé. Présenté et déposé, c'est ce à quoi le leader a fait référence, M. le Président. C'est une étape dans le processus; c'est l'article 229.

Alors, l'article 184, incontournable. Pourquoi le distribuer, le projet de loi? Pour qu'on puisse exercer notre responsabilité de législateur de la façon idéale, c'est-à-dire prendre connaissance... Le distribuer, ça ne veut pas dire qu'on va le lire. Après qu'il aura été distribué, si on est trop paresseux pour le lire, M. le Président, le législateur aura fait l'impossible, conformément à la règle prévue à 184. Moi, je trouve ça malheureux pour le leader, c'est fatal. Sa motion, pas recevable.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, M. le Président. En partant, je remercie le député de Frontenac pour sa sympathie. Malheureusement, je crois que je n'en aurai pas besoin parce que 184 s'applique dans des cas... Ce sont des projets de loi qui n'ont jamais été déposés en cette Chambre. Et j'inviterais le député de Frontenac et le député de Brome-Missisquoi à se souvenir de juin 1992.

Juin 1992, 28 projets de loi ont été passés dans une même motion de suspension des règles par le gouvernement libéral de l'époque. Le député de Brome-Missisquoi s'en souviendra, le député de Frontenac s'en souviendra, on n'a jamais distribué 28 projets de loi à l'ensemble des députés parce que ce n'est pas comme ça que ça se fait, M. le Président. L'article 184 est prévu spécifiquement dans les cas où c'est un projet de loi qui n'a jamais été distribué, qui n'a jamais été disponible pour l'ensemble des parlementaires. Puis c'est normal, à ce moment-là, que les parlementaires puissent en prendre connaissance. Mais tous les projets de loi qui font l'objet de cette motion de suspension des règles ont été déposés en cette Chambre et ont été accessibles, sont accessibles pour l'ensemble des parlementaires.

Maintenant, quant à la distinction que faisait le leader de l'opposition relativement aux différents temps de parole au niveau des différentes étapes, malgré que les projets de loi étaient à différentes étapes, bon, dans une motion de suspension des règles, M. le Président, il est permis à ce moment-là de pouvoir modifier et de pouvoir déterminer les temps de parole que nous déterminons comme étant raisonnables. C'est ce qui nous permet les différentes... Il y a des précédents, de nombreux précédents au niveau des motions de suspension des règles.

Maintenant, quant au fait que la commission parlementaire n'avait pas encore supposément commencé ses travaux, puisqu'elle en était encore... Prenons pour acquis qu'elle n'avait pas, comme tel, débuté, peut-être, l'étude article par article. Moi, M. le Président, pour les fins de l'argumentation, prenons ceci pour acquis; il y a des précédents encore là. La Loi sur l'assurance-médicaments, qui a fait l'objet d'une motion de suspension des règles, n'avait pas commencé l'étude détaillée article par article. On a mis une motion de suspension des règles et, à ce moment-là, il y avait la même conclusion qui avait été faite à l'endroit de la commission, de mettre fin immédiatement à ses travaux, et ça avait été jugé tout à fait recevable par la présidence. Donc, il y a des précédents à cet effet-là. Et même, M. le Président, on se souviendra, il y a de la jurisprudence à l'effet que, à un moment donné, il y avait des motions de suspension dans lesquelles on disait qu'une commission doit mettre fin à ses travaux, alors qu'elle ne siégeait même pas. Elle ne siégeait même plus parce qu'il y avait eu une suspension. Elle ne siégeait pas. Et on avait dit, à ce moment-là: Écoutez, à partir du moment où une commission a un mandat, qu'elle est supposée être en train de faire ses travaux, si, effectivement, elle était suspendue au moment où la motion de suspension a été faite, ce n'est pas pertinent parce qu'elle était encore en train de réaliser son mandat. Donc, les trois arguments, 184, les temps de parole et le fait que la commission n'a supposément pas commencé ses travaux n'affectent en rien la recevabilité de cette motion de suspension des règles. Je vous soumets respectueusement, M. le Président, que c'est tout à fait recevable.

(23 h 10)

Et je terminerais tout simplement en rappelant au député de Brome-Missisquoi qu'à un moment donné il a fait des motions de suspension des règles, quand il était leader du gouvernement – je comprends que c'est une époque pour laquelle il a peut-être une certaine nostalgie – et je lui rappellerai le projet de loi 61, qu'il a fait adopter avec une motion de suspension des règles, les projets de loi 59, 57 et 55, quatre projets de loi qu'il a fait adopter avec des motions de suspension des règles, et dans aucun des cas il n'avait fait distribuer les projets de loi lors de la présentation de la motion de suspension des règles, pour la bonne raison, probablement, M. le Président, que ces projets de loi avaient déjà été déposés en cette Chambre.

Le Président: À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition officielle, vraiment, je préférerais m'en tenir aux règles que j'avais édictées, sauf que, si vous m'assurez que ça va être très, très bref... Alors, rapidement.

M. Paradis: Bien oui, M. le Président, ça va être très bref. Sur les arguments invoqués par le leader du gouvernement quant à des précédents, à chaque cas vous avez l'obligation, avant de rendre votre décision, de vous assurer qu'une objection avait été soulevée et qu'une décision de la présidence a été rendue. C'est ça qui constitue ce qu'on appelle des précédents et de la jurisprudence, en termes parlementaires. S'il y a eu du monde, dans le passé, qui a été assez négligent pour ne pas soulever des questions de règlement et ne pas demander à la présidence de rendre des décisions, on ne peut qualifier ces états de fait ou invoquer sa propre turpitude, parce qu'on ne l'a pas soulevé, et dire: Ça constitue un précédent. Lorsque c'est soulevé, vous devez en tenir compte et vous devez rendre une décision en tenant compte des arguments qui sont soulevés. Si, dans le passé, il y a quelqu'un qui n'a pas fait son travail de l'autre côté, moi, M. le Président, je ne veux pas en porter la responsabilité ce soir.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, juste pour répondre très brièvement. Je voudrais vous rappeler l'article 180 de notre règlement qui prévoit que, au besoin, la procédure est déterminée en tenant compte des précédents et des usages de l'Assemblée. Alors, je crois que c'est tout à fait pertinent, à ce moment-là, de rappeler les précédents et les usages de l'Assemblée.

Le Président: Alors, très bien. À ce moment-ci, je vais prendre en délibéré les arguments qui ont été présentés de part et d'autre et je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 23 h 11)

(Reprise à 23 h 40)

Le Président: Si vous voulez vous asseoir.


Décision du président sur la recevabilité

Alors, voici ma décision sur la recevabilité de la motion du leader du gouvernement. D'abord, concernant l'argument relatif à l'application ou à l'interprétation qu'on doit donner de l'article 184 de notre règlement, qui se lit comme suit: «Distribution d'un projet de loi. Si la motion tend à permettre l'étude d'un projet de loi, celui-ci doit être distribué au moment où la motion est présentée.»

Je crois que l'interprétation qu'il faut donner à cet article, c'est la suivante, c'est qu'il s'applique d'abord essentiellement pour des projets de loi qui n'ont pas été présentés à l'Assemblée et cet article est une règle dérogatoire à la règle générale qui veut qu'on ne peut pas rendre public un projet de loi tant que l'Assemblée n'a pas décidé de s'en saisir. L'article 184, à ce moment-là, permet une distribution et de rendre public un projet de loi avant même que l'Assemblée n'en soit saisie, alors que, normalement, le processus, c'est que l'Assemblée est saisie du projet de loi et, par la suite, il y a une façon de distribuer les projets de loi qui sont autorisés une fois que l'Assemblée est saisie du projet de loi. Donc, les projets de loi qui sont concernés par la motion du gouvernement, à ce moment-ci du leader du gouvernement, ont d'ailleurs été distribués selon les usages qui prévalent à l'Assemblée.

Concernant, deuxièmement, l'argumentation du renvoi d'un projet de loi en commission, il faut se rendre compte que le renvoi d'un projet de loi en commission est un ordre de l'Assemblée. Un ordre de l'Assemblée peut être révoqué ou modifié par un autre ordre de l'Assemblée, en vertu de l'article 186 du règlement. Et, en l'occurrence, la motion, à ce moment-là, prévoit ça. Je crois que, dans les circonstances, elle est conforme aux dispositions de notre règlement.

Et, finalement, concernant l'argument relatif au préambule de la Loi sur l'Assemblée nationale, je pense qu'à ce moment-ci il faut en référer à la fois à l'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui se lit comme suit: «L'Assemblée établit les règles de sa procédure et est seule compétente pour les faire observer.» Donc, on lit l'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale avec l'article 182 qui permet, entre autres, la suspension de certaines règles. Donc, à partir du moment où la loi dit que c'est l'Assemblée qui établit ses règles et que les règles prévoient qu'on peut suspendre certaines règles à certaines conditions et que ces conditions sont remplies, ça fait en sorte qu'on ne peut pas, à ce moment-là, invoquer la Loi sur l'Assemblée nationale pour indiquer que la motion serait irrecevable.

En conséquence, pour ce motif, je déclare donc la motion du leader du gouvernement recevable. Et, à ce moment-ci, je voudrais convoquer les deux leaders pour l'organisation du débat restreint qui est prévu selon nos règles. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Quant au premier élément, M. le Président, tout en nous soumettant à la décision que vous venez de rendre, la décision n'est basée sur aucun élément antérieur, sur aucune jurisprudence. Vous créez de la jurisprudence dans un cas de suspension des droits de l'Assemblée nationale. Sans vouloir m'étirer plus longtemps, nous aurions souhaité qu'elle soit motivée dans chacun des mots qui se retrouvent au sein de l'article 184, qui est très bref et très clair. Nous regrettons tout simplement que ça n'ait pas été motivé.

Quant à l'article 244, alinéa 2, tout en nous soumettant à votre décision également, je ne pense pas que vous ayez disposé de l'argumentation très spécifique. Le leader du gouvernement avait le choix des mots dans sa motion. C'est lui qui a choisi les mots «mettre fin à ses travaux quant à l'étude détaillée des projets de loi».

Votre décision est très correcte en disant que l'Assemblée est souveraine: c'est elle qui l'envoie en commission puis elle peut et elle a ces pouvoirs de la rappeler de commission. Si le leader du gouvernement avait dit «suspendre ses travaux» dans des termes généraux, etc., mais il a choisi d'être très spécifique en mentionnant que nous en étions rendus à l'étude détaillée comme telle. Et votre décision n'a pas disposé, je vous le soumets très respectueusement, de cet élément très précis de la motion.

À ce moment-là, nous vous demanderions, M. le Président, de spécifier la décision et de dire que, même si le leader a utilisé ces mots et nonobstant l'utilisation de ces mots par le leader du gouvernement, votre décision s'applique quand même. Si c'est le cas, M. le Président, nous allons nous ranger à votre décision. Je pense que la décision est bonne. Le gouvernement peut l'envoyer en commission, l'Assemblée peut la ramener de commission, mais, quant aux étapes précises, le leader du gouvernement a choisi un vocabulaire et une étape qui faisaient en sorte que ça devient inapplicable dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. Et je vous soumets respectueusement que vous n'avez pas disposé de cet argument.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, votre décision a été rendue à l'effet que vous l'avez considérée comme recevable. Je crois que la formulation qui a été utilisée, de toute façon, dans ma motion, dans la motion que j'ai présentée, reprend des libellés qui ont été maintes fois repris dans d'autres motions.

Le Président: En fait, l'article dont il est question à ce moment-ci par votre intervention, M. le leader de l'opposition officielle, concerne l'article 243: «Après l'adoption du principe du projet de loi, le leader du gouvernement propose sans préavis de l'envoyer à la commission compétente ou en commission plénière pour l'étude détaillée. Cette motion n'est pas débattue.» Je crois que, dans la motion du leader du gouvernement, on retrouve spécifiquement les dispositions qui concernent l'article 243.

D'autre part, je voudrais vous indiquer que, quand vous avez indiqué que la commission n'avait pas débuté l'étude détaillée du projet de loi n° 77 à laquelle elle avait été conviée – parce que c'est ça, votre argumentation – ce qu'il faut savoir, c'est que l'Assemblée, elle, en principe, ignore le déroulement des travaux des commissions, de ses commissions, et elle n'apprend le déroulement et l'état de ces travaux que lorsque les commissions, en l'occurrence, font rapport à l'Assemblée. Et, à ce moment-ci, il n'y a pas eu rapport et l'Assemblée n'a pas à tenir compte ou pas de l'étape où on est rendu au niveau de la commission parlementaire.

Je pense qu'à ce moment-ci il y a un ordre de l'Assemblée. L'Assemblée peut révoquer son ordre et en donner un nouveau en vertu de l'article 186. C'est ce que le leader du gouvernement propose de faire et, en conséquence, je pense, et c'est la décision, que la façon de faire a été correcte et que la motion est recevable.

M. Paradis: M. le Président, avec toute la déférence que l'on doit à la présidence, si le leader avait dit «que la commission mette fin à ses travaux», votre décision serait complètement fondée. Vous avez raison de le dire, là: «l'Assemblée ignore», mais on peut s'informer à quel niveau c'est rendu lorsqu'on procède par motion spéciale visant à suspendre des droits des parlementaires.

Le leader, après ses vérifications, a décidé d'utiliser le vocabulaire non pas «mette fin à ses travaux», mais «mette fin à l'étude détaillée». L'article 244, deuxième paragraphe, est très clair: on ne procède pas à l'étude détaillée du projet avant de terminer ce qu'on appelle les motions sur les consultations comme telles. Si le leader avait choisi l'expression «mette fin à ses travaux», votre décision serait totalement fondée, elle serait conforme à la réalité également. Dans les circonstances où nous nous trouvons, le leader du gouvernement n'a pas dit «mette fin à ses travaux». Ce n'est pas ça qu'il a dit. Il a dit: Moi, j'en connais plus que tout le monde, c'est rendu à l'étude détaillée, puis, à ce moment-ci, je vous dis de mettre fin à l'étude détaillée. Comment pouvez-vous endosser cette décision du leader alors que ce n'était pas à cette étape-là? Le vocabulaire choisi par le leader, il en porte la responsabilité, M. le Président. Vous n'avez pas à en porter la responsabilité.

Encore une fois, s'il avait dit «mette fin à ses travaux», à ce moment-là tout serait clair, tout serait compris. «Mette fin à l'étude détaillée», M. le Président, il n'y a jamais personne qui a procédé à l'étude détaillée de ce projet de loi là. Seul le leader, dans une réalité virtuelle qu'il s'imagine, a choisi ce vocabulaire-là et il vous place dans cette situation inconfortable, M. le Président.

M. Bélanger: M. le Président, vous me permettrez, en tout cas, de constater qu'on est à la limite d'une contestation de votre décision, parce que je crois que votre décision a été rendue à l'effet que la motion est tout à fait recevable. Et, maintenant, il sait très bien que l'expression utilisée «étude détaillée» est une expression consacrée, une expression générale. Alors, à ce moment-là, je crois que c'est assez mal avisé de se servir uniquement de cette expression-là pour dire, à ce moment-là, que la motion a été mal rédigée. C'est un terme consacré qui est tout à fait utilisé et c'est tout à fait recevable de la façon que ça a été fait.

Le Président: Je voudrais simplement indiquer en terminant qu'à cette étape-ci – et c'est pour ça que je citais l'article 243 précédemment – c'est que l'ordre de l'Assemblée, c'était d'envoyer le projet de loi en commission pour étude détaillée. Et, dans la mesure où cet ordre est révoqué par un autre ordre qui serait celui qui serait donné par la motion du gouvernement, je pense qu'à ce moment-là on respecte les exigences que notre règlement impose.

Donc, la décision étant rendue, à ce moment-ci je convoque les deux leaders pour organiser le débat restreint qui est prévu selon nos règles de procédure. Alors, les travaux sont suspendus quelques instants.

(Suspension de la séance à 23 h 50)

(Reprise à 23 h 55)

Le Président: Mmes, MM. les députés, si vous voulez vous asseoir. À la suite de la réunion avec les leaders, la répartition, l'organisation du débat, et donc la répartition des temps de parole serait la suivante: Chaque député indépendant qui voudrait intervenir aurait deux minutes pour le faire et le reste du temps serait réparti équitablement, de façon égale, aux deux groupes parlementaires formant le gouvernement et l'opposition officielle.

Alors, à ce moment-ci, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le leader du gouvernement.


Débat sur la motion


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie M. le Président. Vous comprendrez que jamais aucun leader, je crois, en cette Chambre, peu importe le parti politique dans lequel il a été, n'a éprouvé de la joie ou même de l'enthousiasme à présenter une motion de suspension des règles.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Je dois vous dire, M. le Président: C'est tout à fait la réalité. Je vois le député de Verdun qui rigole. Peut-être que lui rigolait quand son propre parti a présenté une motion de suspension des règles avec 28 projets de loi. Ça, c'est possible. Je n'étais pas là pour le constater à l'époque, M. le Président.

M. le Président, je crois que vous m'avez accordé le droit de parole. Donc, ce que je disais, c'était que ce n'est jamais dans la joie qu'on fait une motion de suspension des règles. Cependant, nous devons convenir, M. le Président, que notre règlement prévoit cette disposition qu'à partir du moment où nous invoquons l'urgence nous pouvons le faire.

Quelle est cette urgence, M. le Président? Parce que c'est sur ça finalement que les députés auront à statuer: Y a-t-il urgence? En votant sur cette motion, à ce moment-là, les députés détermineront si, à leur avis, il y a urgence. Oui, il y a urgence car, comme, bon, nous avons, du côté ministériel, environ 50 et quelques minutes de temps de parole, les différents ministres qui ont présenté des lois qui sont incluses dans cette motion de suspension des règles expliqueront pourquoi ils ont besoin de cette loi avant le 1er janvier 1997.

Car, vous le savez, M. le Président, que normalement nos travaux vont se terminer vendredi. Et je peux vous assurer quelque chose, M. le Président: si j'avais pensé un seul moment qu'en envoyant ces projets de loi, soit devant la Chambre, soit en commission parlementaire, quelques heures ou même une journée, en ayant une certitude qu'à ce moment-là, en suivant toutes les étapes de notre processus législatif, ces projets de loi seraient sortis adoptés de la Chambre, bien, je n'aurais pas mis ces projets de loi dans cette motion de suspension de nos règlements. Donc, ça, je pense qu'il faut qu'on soit clair: Si j'avais pensé un seul moment que ces projets de loi là auraient pu cheminer normalement d'ici à vendredi, ils n'auraient pas été inclus dans la motion de suspension des règles.

Ce n'est pas pour une question de sauver une heure, c'est ça, je pense, que les gens qui nous écoutent doivent comprendre. Ce n'est pas pour sauver une heure, ce n'est pas pour sauver une demi-journée qu'on fait une motion de suspension des règles, c'est qu'on avait acquis la certitude, M. le Président, et le message avait été envoyé clairement de la part de leader de l'opposition officielle, que c'étaient des projets de loi qu'ils ne voulaient pas voir adoptés avant le 1er janvier 1997. À moins qu'il ne vienne me dire en cette Chambre, dans l'heure qui va suivre, qu'au contraire les deux projets de loi de la ministre de l'Éducation, ils sont en faveur puis qu'ils veulent que ces deux projets de loi soient adoptés le plus rapidement possible. Mais, encore là, M. le Président, ce n'est absolument pas les indications que nous avons eues. Et, d'ailleurs, les ministres qui vont expliquer le but des projets de loi qui sont inclus dans cette motion de suspension des règles vont vous expliquer qu'il n'y a rien de spontané dans la problématique qui est visée par ces projets de loi. En particulier, je pense aux projets de loi de ma collègue la ministre de l'Éducation. C'est depuis 1995 qu'on cherche des solutions dans le dossier de la CEPGM. Depuis 1995, M. le Président. Depuis 1995 qu'on a pu constater qu'il n'y avait pas de déblocage et qu'on se retrouve dans cette situation.

(minuit)

Donc, M. le Président, cette motion de suspension des règles est présentée devant l'ensemble des parlementaires. Et vous constaterez, comme vous l'avez constaté à la lecture même de cette motion, que, même au niveau des principes, on va permettre à chaque député de prendre la parole au niveau de l'adoption du principe. Évidemment, nous avons dû limiter à cinq minutes l'intervention des députés, mais tous les députés pourront prendre la parole au niveau de l'adoption du principe en particulier des quatre premiers projets de loi qui sont mentionnés dans la motion de suspension des règles, M. le Président.

Alors, juste pour faire, d'une façon sommaire, M. le Président, un tour de l'urgence relativement à ces projets de loi, le premier de ces projets de loi sur lesquels je voudrais parler, c'est le projet de loi n° 84, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu. Alors, M. le Président, ça avait été annoncé, ces dispositions qui sont incluses dans la loi qui est présentée par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Premièrement, nécessité d'introduire des dispositions relatives à un pouvoir discrétionnaire de la ministre en vue d'annuler les intérêts ou de moduler les compensations. Cette disposition est requise afin d'éviter le dénuement total dans le cas où la charge d'intérêt, dans des situations de fraude, dépasse la capacité de payer des débiteurs. Le report de ce projet de loi impliquerait pour le ministère de la Sécurité du revenu d'identifier d'autres mesures au printemps prochain, à ce moment-là, M. le Président, pour aller chercher certaines sommes d'argent.

Il faut comprendre que l'ensemble des mesures de recouvrement, tant au niveau de la loi que du règlement, font partie d'une stratégie globale visant particulièrement les individus qui agissent de mauvaise foi pour obtenir de l'aide alors qu'ils n'y ont pas droit. Alors, il faut comprendre donc qu'il est urgent, à ce moment-là – et ce projet de loi va trouver son application dès janvier 1997 – qu'il est important que ce projet de loi soit adopté.

Le projet de loi n° 85, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, c'est tout simplement des conditions, M. le Président, qui ont été annoncées par la ministre de l'Éducation aux étudiants relativement aux conséquences d'échecs à certains de leurs cours, des conséquences, on le sait, qui vont être pécuniaires, M. le Président. Je pense qu'il est important que l'ensemble des étudiants, au moment où ils vont faire leur choix d'inscription dans les écoles, soient au courant des conditions qui vont, à ce moment-là, leur être appliquées. Comme pourra l'expliquer tout à l'heure la ministre de l'Éducation, c'est ce que vise ce projet de loi.

Le projet de loi n° 87, Loi concernant les conditions d'utilisation d'immeubles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par la Commission des écoles catholiques de Montréal; je pense que la problématique visée par ce projet de loi a fait l'objet de plusieurs questions à la période des questions, M. le Président. C'est un cas patent d'élèves qui ont besoin de locaux alors qu'il y a une école qui est disponible, M. le Président, et, à cause de deux commissions scolaires qui ne peuvent s'entendre sur l'utilisation de cette école, des étudiants risqueraient de se retrouver sans locaux, M. le Président, en septembre 1997.

C'est une situation que nous jugeons inacceptable dans ce gouvernement et c'est pourquoi la ministre de l'Éducation dépose ce projet de loi, M. le Président, en espérant toujours... Parce qu'il y a une clause dans ce projet de loi qui prévoit que, évidemment, il y a un effort de négociation qui est demandé. On espère qu'il va y avoir une solution négociée. Mais, parce que les inscriptions, c'est à partir de janvier que ça se fait dans les écoles, M. le Président, on ne peut tolérer, à ce moment-là, plus d'attente relativement à cette situation où ce sont des parents, ce sont des enfants qui vont payer pour finalement une non-entente, une mésentente entre deux commissions scolaires. C'est inacceptable.

Le projet de loi n° 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, M. le Président, eh bien, ce projet de loi, qui n'a, je crois, qu'un article, vise tout simplement à faire en sorte que les prescriptions relativement à de l'argent qui est dû à l'État... Et là il faut bien comprendre, parce que j'entends déjà les discours qui vont dire que c'est 300 000 000 $ qui est imposé aux contribuables. Non, M. le Président... C'est de l'argent qui est déjà présentement dû à l'État québécois. Il faut comprendre qu'avant la modification du Code civil les créances de l'État étaient imprescriptibles. Et ça, l'ancien ministre de la Justice, député de Frontenac, va être d'accord avec moi: c'étaient des créances qui étaient imprescriptibles, M. le Président. En vertu de cette loi, M. le Président, la prescription va être ramenée à cinq ans. Et, encore là, il y a des précédents au niveau du cinq ans. La Loi sur la sécurité du revenu prévoit aussi une prescription de cinq ans quant aux créances, je crois, qui sont dues au ministère de la Sécurité du revenu.

Le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives; alors, là, le député de Frontenac, je pense qu'il n'était pas surpris de l'avoir dans la motion de suspension des règles. Parce que, dès le premier discours qu'il a fait sur le projet de loi n° 77, il a annoncé ses couleurs, et c'est correct, M. le Président, c'est franc, il a dit: Je vais tout faire pour qu'il ne passe pas, le projet de loi. Il l'a dit. On peut reprendre les galées, on peut les lire.

Donc, à partir du moment où le député de Frontenac, qui est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, dit: Je vais tout faire pour qu'elle ne passe pas, il ne faut pas s'étonner qu'elle n'ait pas cheminé puis qu'elle n'ait pas avancé en commission parlementaire. On aurait pu la laisser là encore 100 heures en commission parlementaire, puis on n'aurait probablement pas commencé l'article 2 ou l'article 3. Donc, vous comprendrez, à ce moment-là, que le gouvernement, ayant fait son choix relativement à la réorganisation policière au Québec – et le projet de loi n° 77 est un volet important de cette réorganisation policière – nous n'avions pas le choix de le mettre dans une motion de suspension des règles.

Le projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, vous comprendrez que ce projet de loi là, M. le Président, c'est à contrecoeur qu'il se retrouve dans une motion de suspension des règles, parce qu'il a bien cheminé dans les différentes étapes, c'est-à-dire au niveau de l'adoption du principe, au niveau de l'étude détaillée. Cependant, il y a un amendement qui a été proposé par le ministre du Travail et qui, quant à nous, est tout à fait logique, c'est-à-dire que maintenant la CSST devra assumer les frais d'inspection, ce qui représente environ 15 000 000 $ au niveau des entreprises.

C'est sur cet amendement-là que l'opposition officielle n'est pas d'accord. Elle dit: Puisque nous ne sommes pas d'accord sur cet amendement, nous allons, à ce moment-là, faire en sorte de prendre notre temps pour que ce projet de loi ne soit pas adopté, comme ils ont le droit de le faire. Et je ne donne pas de motif indigne à l'opposition; c'est le travail d'une opposition, M. le Président. Mais vous comprendrez que ça a un impact financier de 15 000 000 $ dans le budget du gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui, tant que cette modification législative n'est pas adoptée, paie pour les inspections, et ça représente 15 000 000 $ par année. Donc, nous ne pouvons pas attendre, à ce moment-là, en mars, ou en avril, ou en mai pour une telle disposition.

Donc, M. le Président, j'ai fait le tour sommairement des différents projets de loi qui sont inclus dans la motion de suspension des règles. J'entends déjà le leader de l'opposition qui va dire: C'est effrayant, c'est du jamais vu. Ce qui n'avait jamais été vu, M. le Président, c'est en juin 1992: 28 projets de loi qui avaient fait l'objet d'une motion de suspension des règles et qui avaient été adoptés. Ça, ça avait été du jamais vu, M. le Président, et je peux vous dire que ça ne se reverra pas. Mais ce qui est là, M. le Président, ce sont des projets de loi que le gouvernement juge important d'adopter, qu'il est urgent d'adopter avant le 1er janvier 1997. C'est pour cette raison que j'invite les députés en cette Chambre à voter en faveur de cette motion de suspension des règles, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Nous cédons maintenant la parole au député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, je suis assez surpris, là, d'entendre le leader du gouvernement – je suis surpris puis je trouve ça un peu naïf – commencer son intervention en disant: Je ne trouve pas ça drôle, je ne suis pas fier. Je comprends, M. le Président! Je comprends! J'espère qu'il n'est pas fier de faire ce qu'il est en train de faire, là. Il bûche, M. le Président, depuis un couple d'heures pour essayer de convaincre ses propres collègues, dans un premier temps, que ce qu'il fait au nom du ministre des Finances, au nom du ministre président du Conseil du trésor, au nom du premier ministre, c'est bien correct, c'est bien normal.

Parce que, essentiellement, M. le Président – ça continue, vous savez – tous les ministres, sauf exception, sont des prolongements dans ce gouvernement-là du président du Conseil du trésor puis du ministre des Finances: le ministre de la Sécurité publique, le ministre de la Justice, Mme la ministre de l'Éducation, le ministre de la Santé. Puis là, maintenant, c'est le leader du gouvernement qui est le complice de la plus grosse expropriation, M. le Président, du geste le plus agressif qu'on ait vu depuis bien des années à l'Assemblée nationale. Vous savez, M. le Président, lorsqu'on suspend les règles pour pomper dans les poches des citoyens...

(0 h 10)

Contrairement à ce qu'a dit le leader du gouvernement, dans le projet de loi n° 91, essentiellement, il n'y a rien d'autre que ça. C'est un projet de loi déposé ce matin, M. le Président, déposé ce matin. Puis on nous dit qu'il y a urgence. Le projet de loi est déposé à matin puis on plaide l'urgence! Évidemment, on ne peut pas la plaider, l'urgence; on la soulève et, parce qu'on la soulève, c'est considéré comme étant avéré puis acquis. Mais d'avoir l'audace puis le front de venir nous dire qu'il y a urgence alors qu'on a déposé le projet de loi ce matin, M. le Président, il faut le faire!

Le projet de loi permettra au ministre du Revenu... Ça sera le geste le plus spectaculaire que le ministre du Revenu aura posé à date; il va être un peu plus connu au Québec parce qu'il a déposé le projet de loi n° 91 qui permettra au gouvernement du Québec d'aller chercher, puis il n'y a rien d'autre là-dedans, M. le Président, 300 000 000 $, à sept, huit jours de Noël. C'est ça, le cadeau qu'on fait aux Québécois puis aux Québécoises, M. le Président. Je comprends que le leader du gouvernement ne doit pas être fier. Sauf erreur, c'est une de ses premières motions de suspension, lui, là. Il fait signe que c'est sa deuxième. Il commence en champion, M. le Président. C'est gros, c'est énorme.

Alors, l'urgence, c'est quoi, M. le Président? C'est d'aller taxer les Québécois puis les Québécoises pour 300 000 000 $, plus d'autres factures qui apparaissent dans les différents projets de loi mentionnés dans la motion de suspension. Le leader a passé très rapidement tout à l'heure. Je comprends, il a honte, il est mal à l'aise puis il espère qu'on ne reviendra pas trop là-dessus. M. le Président, le projet de loi n° 91, on vient de le dire, 300 000 000 $. Le projet de loi n° 85, 46 200 000 $ que ceux et celles qui nous écoutent, M. le Président, même s'il est minuit et douze...

Parce que les coups croches du gouvernement – entre guillemets, figure de style, M. le Président – c'est toujours la nuit qu'on les fait avec ce gouvernement-là. Je me souviens, moi, lorsqu'on a passé la législation qui va imposer, à partir du 1er janvier qui vient, une facture absolument exorbitante aux aînés pour les médicaments, on a fait ça en pleine nuit. Le ministre de la Santé s'en souvient, à 4 heures, 5 heures du matin. Les personnes âgées, on les frappe dans le dos la nuit. La nuit, M. le Président. On a fait la même chose cette semaine lorsqu'on a culbuté les municipalités, avec le projet de loi n° 77, la semaine dernière, la nuit. Un gouvernement qui fait son banditisme la nuit, lumières closes, en prenant pour acquis que la population ne s'en rendra pas compte, M. le Président.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Pour un porte-parole en matière de sécurité publique, «banditisme», il va convenir avec moi que c'est un terme antiparlementaire qu'on ne peut utiliser en cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, monsieur...

M. Lefebvre: M. le Président, «banditisme gouvernemental», je vais traduire ça par «ses mauvais coups». «Ses mauvais coups», M. le Président, c'est acceptable, ça? Alors, ses mauvais coups, ses coups bas, il les fait la nuit. Donc, 46 200 000 $; ceux et celles qui nous écoutent doivent comprendre... Il y a peut-être des jeunes qui sont à préparer leurs examens puis ils ont décidé de prendre 15, 20 minutes pour vérifier ce qui se passe à l'Assemblée nationale. Par la Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants, ces jeunes étudiants et étudiantes, M. le Président, auront à leur disposition 46 200 000 $ de moins. C'est ça, essentiellement, le projet de loi n° 85.

Le projet de loi n° 77, on en a parlé abondamment: 48 000 000 $ refilés aux contribuables d'à peu près 1 000 ou 1 100 municipalités au Québec. Il n'y a rien d'autre dans le projet de loi n° 77. C'est pour ça que la suspension des règles est déposée ce soir, on ne veut pas qu'on en parle. Le gouvernement a hâte qu'on arrête de parler. Il n'y a pas que l'opposition qui s'acharne à faire comprendre au gouvernement, même si on sait à peu près tous que c'est une mission impossible, que ces projets de loi là ne sont, en dehors de ce qu'on veut aller chercher comme taxation, que de la poudre aux yeux pour le reste. Donc, 48 000 000 $ dans la loi de la réorganisation policière.

Par le projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail, bien, on vient d'imposer une nouvelle taxe sur la masse salariale: 15 000 000 $. Ça, c'est le cadeau qu'on fait aux PME du Québec, les petites entreprises.

Total? Il n'y a rien d'autre là-dedans; la motion de suspension des règles, M. le Président, ce n'est rien d'autre. Il n'y a pas d'autre urgence que de pouvoir aller chercher dans les plus brefs délais, le plus tôt possible – parce que c'est un gouvernement qui est sous haute surveillance, sous haute surveillance; à toutes fins pratiques, il est en état de faillite – 409 000 000 $, M. le Président, 409 000 000 $.

Si le ministre de la Santé a des choses à dire, M. le Président, il se lèvera tout à l'heure. Ici, les portes sont bien barricadées; il n'aura pas besoin de se sauver, on va l'écouter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: M. le Président, 409 000 000 $ qui s'ajoutent – qui s'ajoutent, c'est très important de le dire – à un autre 700 000 000 $. M. le Président, ce gouvernement-là a imposé, depuis plus ou moins un an – on parle du gouvernement sous la responsabilité du député de Jonquière, le nouveau premier ministre – 700 000 000 $. Ce n'était pas assez, il y avait urgence pour aller en chercher un autre 400 000 000 $. Puis, tout à l'heure, le leader du gouvernement, mais son temps de parole est écoulé... Il y en a peut-être d'autres qui vont prendre la parole; peut-être le ministre de la Métropole ou le président du Conseil du trésor nous contredira sur ces chiffres-là, M. le Président, je vais en faire une liste très rapide.

C'est un gouvernement qui n'a comme seul objectif que de taxer les citoyens, malgré les engagements du premier ministre maintes fois répétés. Puis ça, ça passera à l'histoire, M. le Président, comme trompe-l'oeil, comme tape-à-l'oeil, puis comme volte-face, comme illusion, puis comme cynisme. Je l'ai déjà dit, puis vous avez considéré que c'était correct, que c'était parlementaire parce que ça colle vraiment à l'attitude du premier ministre. Le nouveau premier ministre, assermenté en janvier dernier – on s'en souvient, c'est une phrase maintenant célèbre, M. le Président – a dit: Les citoyens ne seront pas touchés, M. le Président; c'est les machines. L'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne seront pas touchés.

Aïe! M. le Président, jamais le premier ministre ne s'est excusé. Jamais le premier ministre n'a dit: Vous savez, quand j'ai dit ça, j'étais un peu naïf, j'étais dans l'euphorie de l'arrivée au pouvoir, je me suis trompé et, vraiment, je suis obligé de taxer un peu les citoyens. Non, le premier ministre tente encore de nous faire croire, peut-être même à ses concitoyens de Jonquière, que c'est rien que les machines, rien que l'administration. Le député de Rivière-du-Loup, il ne croit plus ça, lui. Il va parler tout à l'heure; il a quatre, cinq minutes, je pense. J'espère qu'il va le dénoncer, le premier ministre, comme il l'a fait à l'occasion de la période de questions.

Les machines, M. le Président? C'est 700 000 000 $: diminution de transferts aux municipalités, 115 000 000 $; coupures de transferts aux commissions scolaires, 77 000 000 $; assurance-médicaments, 196 000 000 $; immatriculation, 13 000 000 $; permis de conduire, 4 300 000 $. Pour le bénéfice de nos collègues d'en face qui ne le savent peut-être pas encore, M. le Président, c'est ce que vous avez fait depuis que vous êtes là, avec le député de Jonquière, M. le Président. Taxe de la solidarité, 80 000 000 $ pour les trois prochaines années.

Des voix: Par année.

M. Lefebvre: Taxe sur le tabac, le ministre des Finances... C'est 80 000 000 $ par année pour trois années de suite, 240 000 000 $; c'est ça, la taxe de la solidarité. Le sommet du consensus, le Sommet de l'emploi et de l'économie; 240 000 000 $, c'est à peu près tout ce qui reste de ce Sommet-là, tout le reste s'est effondré, M. le Président. Le consensus gouvernement-centrales syndicales? C'est ce qu'on a vu depuis deux, trois semaines, M. le Président. Un sacré beau consensus! L'abolition TVQ, on le sait, 76 000 000 $; hausse des frais administratifs des amendes – c'est subtil, ça, M. le Président, il fallait y penser – 14 000 000 $; Hydro-Québec, société d'État, 58 000 000 $. Total, puis j'en oublie, M. le Président: 700 000 000 $ ajoutés aux 400 000 000 $ de ce soir, plus ou moins 1 100 000 000 $. C'est ça qu'a fait le nouveau gouvernement depuis qu'il est dirigé par le député de Jonquière, essentiellement, M. le Président, et rien d'autre.

M. le Président, en deux ans à peine, et particulièrement depuis l'arrivée du député de Jonquière, constat extrêmement sévère par la presse et, entre autres, par le journaliste Jean-Jacques Samson, on l'a dit, on l'a répété. Évidemment, M. le Président, vous savez, l'opposition peut être taxée, à l'occasion, de vouloir en mettre un peu, hein, mais, quand on ne fait que répéter ce qui est observé par les journalistes, les éditorialistes, M. le Président: «Le chaos s'organise». Ça, c'est il y a à peine une dizaine de jours: «Les maires des municipalités descendent dans la rue pour protester contre le pelletage du gouvernement dans leur cour.» «Les agriculteurs répudient leur ministre.» «Les assistés sociaux sont sur un pied de guerre.» «Les avocats de pratique privée ont abandonné l'aide juridique.» «Les administrations scolaires sont en état de panique.» Les médecins, demain, M. le Président, vont être en débrayage. Un gouvernement qui a perdu absolument le contrôle de la société québécoise. Tous les secteurs d'activité sont en effervescence presque dangereuse, une effervescence inquiétante, dangereuse, très préoccupante dans tous les secteurs d'activité.

(0 h 20)

M. le Président, vous savez, il n'y a rien de plus troublant, il n'y a rien de plus humiliant que d'être condamnés par nos alliés. Et on ne peut pas passer sous silence le jugement extrêmement sévère de Pierre Bourgault, un allié de toujours du Parti québécois, avec des soubresauts depuis une vingtaine d'années. Mais, quant à l'essentiel, toujours, Pierre Bourgault a été aux côtés des leaders souverainistes péquistes qui ont dirigé le gouvernement du Québec, soit M. Parizeau ou aujourd'hui le député de Jonquière. Moi, je n'ai jamais vu une condamnation plus sévère d'aucun premier ministre au Québec, d'aucun premier ministre. Le président du Conseil du trésor voudrait que je parle d'autre chose. Il sait avec quoi je m'en viens; il sait ce que je vais lire. Il n'aime pas que je le lui rappelle. Je comprends, M. le Président.

«La fonction semble le dépasser et il dirige ce qui semble devoir être un des pires gouvernements des 40 dernières années.» Il y a des gens qui nous écoutent et qui n'ont pas encore entendu ça. Qui a dit ça? Pierre Bourgault. En parlant de qui? Du député de Jonquière, je vais le dire rien qu'une fois: M. Bouchard. Juste une fois, M. le Président. «Le moins qu'on puisse dire – en parlant de sa façon de diriger le gouvernement, particulièrement avec les municipalités – c'est que le procédé est à la fois cavalier et sournois.» Sournois. Vous chercherez dans le dictionnaire, «Le Petit Larousse» ou le «Petit Robert», M. le Président, ce que ça veut dire, «sournois». Ça, ce n'est pas un compliment. Ce n'est pas un compliment. On parle du gouvernement de M. le député de Jonquière. «On frappe partout, en environnement, en santé, dans la fonction publique, dans les affaires juridiques. On frappe d'abord les grands groupes pour ensuite s'en prendre à leurs composantes plus petites. On a l'impression, nous qui sommes en bas, de subir des bombardements à répétition.»

M. le Président, sentence encore plus sévère lorsqu'on continue la lecture de l'opinion de M. Bourgault. «La consultation est [...] inexistante, on frappe.» Motion de suspension des règles, on frappe. On écrase l'opposition; on écrase les élus municipaux. On oublie les opinions maintes fois répétées du Protecteur du citoyen. Motion de suspension des règles. Consultations? Finies, terminées. La loi, la force du nombre, M. le Président; pas le respect de l'opinion des autres, la force du nombre. «Arrogance, improvisation, cachotteries. Cavalier et sournois.» Il le répète, «sournois». À plusieurs reprises, ça revient dans son texte, en parlant de l'administration toujours du gouvernement de M. le député de Jonquière. «On court en tous sens, comme une poule à qui on vient de couper la tête.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Bonne description.

M. Lefebvre: «Comment voulez-vous que nous y comprenions quelque chose? [...] Je vous prédis que, d'ici un an – au cas, M. le Président, où certaines personnes qui nous écoutent ne le sauraient pas, voici l'analyse globale du gouvernement péquiste qui est faite par M. Bourgault – ce gouvernement aura implosé comme cela est arrivé au moment du "beau risque" de René Lévesque.»

Je n'ai jamais vu une condamnation plus sévère, M. le Président. Un allié de la souveraineté. Ça vaut tous les discours que l'on peut faire. Les élus, les maires ont été traités par ce gouvernement à date avec une arrogance inqualifiable et ils le disent au gouvernement, ils le disent au premier ministre, lorsqu'on parle du projet de loi n° 77: une arnaque pour prendre en otages les citoyens des municipalités les moins bien nanties. Ça, c'était il y a deux semaines.

On pourrait penser qu'avec le temps, au cours des derniers 10 jours, ça s'est atténué. Non. Particulièrement Mme Jacinthe Simard, de l'UMRCQ, est plus agressive que jamais envers le gouvernement du Parti québécois. «La position de votre ministre nous mène à l'affrontement.» C'est incroyable, M. le Président, lorsqu'elle parle du ministre de la Sécurité publique: «La position de votre ministre nous mène à l'affrontement.» C'est Mme Jacinthe Simard, M. le Président, qui n'est pas libérale, qui arrive avec des sentences aussi sévères envers le ministre de la Sécurité publique.

«Nous souhaitons vivement que les relations – je continue de lire Mme Simard – du gouvernement avec les municipalités soient axées sur le partenariat. Toutefois, vous comprendrez qu'il est inacceptable pour nous de prendre simplement connaissance des décisions gouvernementales touchant les municipalités par voie de communiqué de presse.» Voyez-vous comment les municipalités se sentent en regard de leurs relations avec le gouvernement? Elles sont inexistantes. Communiqué de presse, la décision est rendue, vous avez à vous y plier, M. le Président.

Mme Simard disait en conférence de presse, aujourd'hui: «Le gouvernement – du député de Jonquière – ne songe qu'à empocher des revenus à la pelle sans se soucier de saine gestion. La mauvaise foi du ministre de la Sécurité publique est si évidente qu'il impose, par ailleurs, un ratio de 1 % à 1,25 %...» Mauvaise foi, M. le Président, en parlant du ministre de la Sécurité publique.

Alors, moi, le constat global que je fais de l'administration de ce gouvernement-là, à date, ce constat, M. le Président, je n'ai pas à le faire; c'est le leader du gouvernement qui, par sa motion de suspension des règles... C'est une procédure qui parle d'elle-même. C'est le résumé de tout ce que ce gouvernement-là a fait depuis une dizaine de mois, particulièrement au cours des dernières semaines. On a décidé que, coûte que coûte, on allait passer au cash, comme on dit dans le langage de tous les jours, le plus de contribuables possible au Québec. Qu'ils soient dans les grands centres urbains, qu'ils soient dans les petites municipalités, qu'ils soient, M. le Président, peu importe où au Québec, on a décidé qu'on allait les faire payer, malgré les engagements qui ont été pris et répétés par le premier ministre et ses ministres.

Évidemment, l'opposition ne peut faire plus que de dénoncer l'attitude du gouvernement. Tout à l'heure, pour chacun des porte-parole sur les projets de loi respectifs qui touchent la motion de suspension des règles, on aura l'occasion non pas de faire reculer le gouvernement... Son lit est fait, sa décision est prise; on impose, M. le Président, par ce qu'il y a de plus matraque comme procédure: la motion de suspension des règles. C'est encore plus agressif que la motion de clôture, ça, M. le Président.

Contrairement à ce que le député de Joliette avait dit en novembre 1994, deux mois à peine après l'élection du Parti québécois, alors qu'on avait dit: C'est terminé, les suspensions des règles, les clôtures, il y en a eu huit ou neuf depuis l'élection du Parti québécois en septembre 1994. C'est pire que jamais et, surtout, comme objectif recherché par tout ce qu'on a, M. le Président, dans cette motion de suspension des règles, essentiellement – c'était le début de mon intervention, et je termine comme j'ai commencé – il n'y a rien d'autre que des taxes, des impôts additionnels.

C'est très, très important que les Québécois le sachent. On va continuer à se battre encore quelques heures; c'est tout ce qu'il nous reste à faire ici, M. le Président. Mais soyez assuré d'une chose: nous, on sera à l'aise, dans nos régions respectives, pour indiquer à nos concitoyens et concitoyennes ce qu'on a vécu au cours des trois ou quatre dernières semaines ici, un gouvernement de deux ans usé à la corde, à bout de souffle, à bout d'imagination, une équipe décimée, M. le Président, qui n'a comme seule solution que la procédure la plus sauvage qu'on puisse trouver dans nos règlements: la motion de suspension des règles. Pour faire quoi, M. le Président? Pour arracher aux Québécois et aux Québécoises, après une ponction de 700 000 000 $, un autre 400 000 000 $, M. le Président.

Alors, on dénonce ça avec vigueur, et mes collègues vont prendre le temps de parole qu'il reste sur l'heure qui est allouée à l'opposition. Tout à l'heure, nous aurons également l'occasion, M. le Président, de nous exprimer sur chacun des projets de loi pour la très courte période de temps qui est mise à notre disposition. Imaginez, dans une période de plus ou moins une heure, on va décider d'imposer aux Québécois, dans le seul projet de loi n° 91 – je vois le ministre du Revenu qui trouve ça drôle, M. le Président, ça le fait sourire – 300 000 000 $. C'est le cadeau de Noël que le député de Portneuf fait aux Québécois et aux Québécoises, M. le Président. Merci.

(0 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition. Alors, nous allons céder maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup, en vous rappelant, M. le député, que vous avez un droit de parole de deux minutes. Alors, M. le député.

M. Dumont: Oui, sur une question de directive, d'abord, si vous me permettez, M. le Président. Le 18 juin dernier, dans des circonstances exactement pareilles, celui qui siégeait, le député de Chauveau qui siégeait à votre place avait, dans une réunion des leaders, accordé aux députés qui ne faisaient pas partie d'un groupe parlementaire un temps de parole de cinq minutes. Alors, je sais que ce n'est pas vous qui étiez au siège au moment où la décision a été rendue, mais j'aimerais savoir, par rapport au précédent du mois de juin, ce qui a changé, parce que, à ce rythme-là – je faisais des calculs rapides – ça va être 48 secondes au prochain bâillon et...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, je dois vous mentionner que, actuellement, nous faisons un débat restreint de deux heures sur les droits de parole et les nouvelles règles qui vont régir nos débats ultérieurement. Alors, à ce stade-ci, lors de la réunion des deux leaders avec le président, on a déterminé qu'effectivement les droits de parole étaient de deux minutes par député indépendant – donc pour un total de six minutes – que leurs 54 minutes devaient être distribuées en deux parts égales et que le temps non utilisé, soit par les députés indépendants ou soit par un des groupes parlementaires, irait à l'autre groupe parlementaire.

Donc, comme vous n'êtes pas un groupe parlementaire, à ce moment-là, vous avez droit à un temps de parole de deux minutes. Et je vous entends.

M. Dumont: Sur la question de directive toujours. J'ai tout à fait compris ce que vous me dites, M. le Président. Ce que je vous dis, c'est que, dans des circonstances absolument identiques, le 18 juin dernier...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Rivière-du-Loup, on peut faire des questions de directive jusqu'à 8 heures demain matin, puis ça ne changera rien. Au moment où on se parle, le temps a été alloué. Même si vous me revenez avec des questions de directive sur des temps qui ont été accordés il y a deux ans, ou un an et demi, ou six mois, je dois ce soir appliquer les règles du jeu qui ont été fixées par les deux leaders du gouvernement en présence du président, il y a de cela environ 40 minutes.

Alors, à ce stade-ci, la seule chose que je peux vous inviter à faire, c'est de prononcer une allocution de deux minutes. Et je vous invite à la faire immédiatement, sinon votre deux minutes va être transposé: une minute à l'opposition officielle et une minute au gouvernement. M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, je remercie la présidence pour la défense énergique qu'elle a faite des députés qui ne font pas partie des groupes parlementaires lors de la rencontre des leaders.

Sur la question de fond, M. le Président, qui est devant nous, mes premières pensées sont pour la députée de Pointe-aux-Trembles qui est arrivée ce matin à l'Assemblée nationale. Tout le monde a un peu souligné, au moment de son arrivée, les ambitions, les espoirs, les projets avec lesquels elle se présentait à l'Assemblée nationale. Elle sort d'une campagne électorale. Elle est allée cogner aux portes. Elle a senti l'insatisfaction. Malgré tout ça, il y a un pourcentage suffisant de citoyens qui lui ont accordé encore leur confiance pour venir les représenter à l'Assemblée nationale.

Le premier geste significatif, le premier vote significatif qu'elle va faire au nom de ses concitoyens et de ses concitoyennes, c'est de suspendre les règles du Parlement pour venir chercher dans leurs poches un 400 000 000 $ supplémentaire qui s'ajoute à des sommes que son gouvernement est déjà venu chercher alors qu'elle n'était pas encore à l'Assemblée, dont elle ne peut pas être tenue responsable. Mais le premier geste, après quelques semaines de porte à porte, le jour de son entrée au Parlement, le premier vote significatif: un bâillon, suspension des règles pour venir siphonner plus d'argent dans les poches de contribuables qui, tout au long de la campagne, lui ont dit à quel point ils étaient surtaxés.

Alors, sur des projets pour lesquels l'urgence, je pense que tout le monde l'a reconnu, n'existe pas; elle est plaidée par le gouvernement, c'est son droit, mais il n'y a d'urgence. Alors, je m'inscris évidemment tout à fait contre cette action du gouvernement sur des projets dont certains ont été transmis ce matin même et pour lesquels le gouvernement nous plaide que, depuis le dernier budget, il savait que ça devait être présenté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Nous cédons maintenant la parole à la ministre de l'Éducation et députée de Taillon. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il faut vraiment manquer un peu de mémoire quand j'entends le député de Frontenac nous dire que c'est absolument inacceptable, inimaginable que l'on ait à siéger la nuit pour adopter des lois essentielles et utiles, et je reviendrai sur celles que j'ai proposées ici pour en démontrer l'utilité. Il faut vraiment manquer un peu de mémoire. Et je voudrais rassurer mes collègues qui n'ont pas passé quelques années de l'autre côté de cette Chambre, dans l'opposition, lorsque ceux qui sont maintenant l'opposition formaient le gouvernement.

Nous parlons d'à peine quelques lois que nous devons amener devant cette Assemblée à la fin de nos travaux, parce que, évidemment, il faut bien convenir que, dans les commissions parlementaires, certaines lois qui ne satisfaisaient pas le point de vue ou avec lesquelles l'opposition n'était pas d'accord ont été étudiées longuement. Elles le méritaient sûrement, d'être étudiées longuement, mais, comme elles ont été étudiées très longuement, elles ne nous ont pas permis, c'est-à-dire ces débats ne nous ont pas permis d'apporter les lois que nous soumettrons au vote et que nous débattrons dans une période qui sera plus courte que celle qui est prévue normalement, mais que nous aurons l'occasion de débattre.

Alors, le député de Frontenac se souviendra sûrement que le leader de l'époque, au sein du gouvernement dont il était membre, avait apporté ici, à l'Assemblée nationale, en pleine nuit – pas en plein jour – et à plusieurs reprises, d'ailleurs... Parce que, à quelques reprises, j'ai été moi-même assise de l'autre côté dans cette Chambre à plaider, à défendre les droits, mais ce n'était pas de six lois dont il s'agissait, ce n'était pas de sept lois, c'était de 28 projets de loi, dont un, entre autres – et je m'en souviendrai comme si c'était hier – était un projet de loi en environnement. D'ailleurs, le leader de l'époque était aussi ministre de l'Environnement. Et là il y avait urgence parce qu'il fallait adopter un règlement sur les matières dangereuses. Ah, ça c'était quelque chose, hein! C'était absolument... Mais, évidemment, il en allait de la santé, de la sécurité des citoyens. Et, dans le fond, il réussissait presque à me convaincre lorsque j'étais de l'autre côté de cette Assemblée. Alors, il dépose la loi, la fait adopter en catastrophe, personne ne peut plaider, personne ne peut faire valoir son point de vue.

Savez-vous la suite des choses, M. le Président? C'est que jamais aucun règlement découlant de cette loi, qui était une urgence, qui était essentielle, jamais aucun règlement de cette loi ne fut adopté ou, sinon adopté, ne fut appliqué. Mais c'était urgent, il fallait travailler la nuit. Puis il en avait mis 27 autres lois en même temps. Alors, je pense que, de ce côté-ci de la Chambre, pour rassurer mes collègues qui n'ont pas vécu cette période glorieuse, M. le Président, nous n'avons aucune leçon à recevoir des gens d'en face.

Ceci étant, j'aimerais revenir aussi sur quelques propos qu'a tenus le député de Frontenac en parlant de la situation des finances publiques et en nous accusant d'avoir à corriger un certain nombre de choses, d'avoir à redresser le tir. Mais est-ce qu'ils sont conscients qu'ils ont été ici pendant neuf ans, qu'ils nous ont laissé les pots cassés et que c'est nous maintenant qui devons faire le travail de redressement, que cela n'est pas de gaieté de coeur que souvent nous ayons à faire des choix difficiles, à les assumer, parce que nous savons que cela vaut la peine de le faire, que cela est nécessaire de le faire? Mais ce qu'il faut savoir aussi cependant, c'est que c'est le résultat de leur incurie lorsqu'ils étaient au gouvernement. C'est ça la vraie réalité à laquelle on est confronté maintenant.

Dans les projets de loi qui sont devant l'Assemblée et qui me concernent à titre de ministre de l'Éducation, j'aimerais, M. le Président, expliciter pourquoi il nous apparaît nécessaire d'adopter ces projets de loi avant la fin de la session de décembre.

(0 h 40)

Pourquoi il est important de le faire? Dans un premier temps, il semble que ça saute aux yeux. Cela fait un an et demi que deux commissions scolaires à Montréal se disputent, ne réussissent pas à trouver de solutions pour des enfants, des frères, des soeurs, que l'on transporte hors de leur quartier, que l'on divise, M. le Président, à qui on oblige, pour lesquels on oblige à faire... c'est-à-dire, on les amène à devoir circuler hors de leur quartier pendant 30, 35, 40 minutes, M. le Président, ce qui est complètement inadmissible, M. le Président. Et je serais blâmée à titre de ministre de l'Éducation de ne pas chercher à trouver une solution au problème de ces enfants qui viennent de différents groupes ethniques, M. le Président, qui ont besoin d'être, je dirais, soutenus, au contraire, plutôt que d'être éparpillés comme ça ailleurs que dans leur quartier. Ces enfants, donc, qu'on déménage tous les jours, pour lesquels il existe des places dans le quartier, mais, parce que deux commissions scolaires ne s'entendent pas sur la façon de rendre disponibles les places, on pénalise des enfants. Non seulement on pénalise des enfants, M. le Président, mais, en plus, on voudrait qu'on dépense l'argent des contribuables aux fins d'une construction qui est complètement inutile à ce moment-ci, M. le Président.

Et je pense que ça vaut la peine qu'on suggère des solutions. Et la loi qui est devant nous, elle en imposera une, solution, si les parties ne conviennent pas d'une autre avenue que celle qui est dans la loi. Et j'ai voulu en toute honnêteté, en toute transparence, M. le Président, dire aux deux commissions scolaires, dire exactement aux commissions scolaires concernées quelle était la solution que j'allais appliquer si elles ne réussissaient pas à trouver une autre avenue que celle qui était dans le projet de loi. Ç'aurait été simple de dire, M. le Président: J'impose la solution, je ne vous donne aucun moment ou aucune possibilité pour trouver une autre solution, et je l'imposerai à ma façon, de me donner même les moyens d'exproprier, M. le Président, les édifices concernés. Non.

D'abord, premièrement, si les parties en cause souhaitent trouver ou appliquer autre chose que ce qui est au projet de loi, libre à elles de le faire. Je reconnaîtrai leur bonne foi, je signerai au bas de leur entente, et les enfants seront mieux servis dans leur quartier. Aucun problème. Si la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, la Commission des écoles catholiques de Montréal disent: Mme la ministre, votre solution, elle n'est pas la bonne, elle ne nous convient pas, elle utilise mal nos actifs, mais nous avons une meilleure idée, bienvenue, vous êtes les bienvenues, il y a même un mois et quelques semaines pour ce faire. Mais ça va se faire, cependant, avant qu'on inscrive les enfants à l'école. Or, on les inscrit le 27 janvier.

Quand j'ai déposé ce projet de loi, M. le Président, je ne voulais me venger de personne, je voulais surtout répondre aux besoins des enfants qui étaient là. Jusqu'au 20 janvier pour me trouver une solution. Si on n'en trouve pas, M. le Président, comme les inscriptions doivent se faire le 27, j'ai prévu d'avance dans la loi quelle solution pourrait s'appliquer. Et elle apparaît convenir aux parents concernés. J'ai cru comprendre que les parents qui verraient leurs enfants déménager de l'école Coronation, par exemple, vers l'Académie Saad sont tout à fait heureux de ce choix-là. Bien sûr, parce qu'à l'Académie Saad il y a des équipements sportifs particulièrement intéressants. Par contre, les enfants de Saint-Pascal-Baylon, qui sont répartis un peu partout, trouvent intéressant de pouvoir se retrouver ensemble à l'école Coronation, qui est au coeur de leur quartier. Et puis les adultes qui fréquentent l'Académie Saad, eux, pourront se retrouver dans une autre école, un peu plus éloignée, j'en conviens, mais, pour des adultes, faire une ou deux stations de métro de plus, ce n'est pas très grave. Pour de jeunes enfants, c'est très grave. Il faut les déplacer et, souvent, ça présente des risques, en plus, pour leur sécurité, M. le Président.

C'est ça, l'objet du projet de loi. Ça fait un an et demi que ça traîne. On a assis les commissions scolaires ensemble, on a parlé aux présidents des commissions scolaires concernées, on a essayé d'utiliser toutes les influences que l'on pouvait imaginer avoir dans ce milieu, rien n'a bougé, on n'a pas résolu le problème. Et, quand on me dit qu'on appliquerait, dans le cas présent, deux poids, deux mesures par rapport à une situation qu'on a connue dans un quartier de l'est de Montréal, à Rivière-des-Prairies, je rappellerai aux membres de cette Assemblée, M. le Président, qu'il y avait une solution envisageable présentée par la Commission des écoles catholiques de Montréal, que la Commission des écoles protestantes n'a pas aimé cette solution et a décidé d'elle-même de procéder autrement à la construction d'une école, en procédant de façon indirecte par une location en cours, c'est-à-dire une construction qui s'est faite et pour laquelle elle a procédé, par la suite, à une location.

Ce n'est pas deux poids, deux mesures. Je crois que les citoyens et citoyennes de Côte-des-Neiges sont autant des citoyens et des citoyennes qui sont francophones, qui sont anglophones, qui viennent de différents groupes ethniques, M. le Président. Et c'est en pensant aussi à eux qu'on ne construira pas d'école à ce moment-ci. On épargne ainsi leurs sous et, en plus, on répond aux besoins de leurs enfants. Alors, je pense que ce projet, il est urgent, il est justifié, il est nécessaire pour le bien des enfants concernés.

Il y en a un autre, M. le Président, qui concerne certaines modifications à la Loi sur l'aide financière aux étudiants de même qu'à la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel. Ces mesures ont été annoncées il y a déjà un mois, et il est évident que, si nous voulons les appliquer sans préjudice pour les personnes concernées, nous devons maintenant prendre la décision pour les en informer. Les en informer en milieu d'année serait inacceptable. Et je sais que, même, c'est à la limite à ce moment-ci. Donc, on ne peut pas dépasser la fin de l'actuelle année-calendrier pour adopter cette loi, pouvoir en informer les étudiants dans des délais raisonnables, modifier ainsi les règles, permettant aux étudiants de bien les comprendre et ensuite de pouvoir les utiliser.

C'est sûr qu'il y a, à travers ces règles, des économies. On ne l'a jamais caché. On l'a très clairement dit encore avant-hier soir, je crois, si ma mémoire est bonne. J'ai eu une discussion avec le député de Verdun où on a eu l'occasion d'échanger sur certains articles de projet de loi. Et, à des questions très précises qu'il m'a posées: Est-ce qu'il y a des économies? Elles sont de quel ordre? j'ai, à chaque fois, répondu à partir des données que j'avais, M. le Président.

L'une des mesures que l'on retrouve là et qui n'est pas l'aide financière aux étudiants et aux étudiantes mais qui concerne les droits de reprise dans les cégeps, M. le Président, cette décision doit être prise maintenant pour, oui, être opérationnelle à l'automne prochain, de telle sorte qu'on puisse ainsi bâtir les systèmes, prévenir les étudiants. Leurs choix seront peut-être plus judicieux dans certains cas, seront faits différemment parce qu'ils sauront exactement quelles sont les conséquences de ceux-ci s'ils doivent vivre des échecs, s'ils doivent vivre plus d'un échec.

Et, en même temps, bien sûr, jamais cela n'a été caché, il y en a des économies. Il y en a des économies parce que c'est nécessaire, M. le Président. C'est nécessaire si on veut assainir nos finances publiques et si on veut mieux protéger les services essentiels auxquels on croit, dont on a besoin et surtout qui répondent aux besoins de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Nous réparons le gâchis que nous a laissé le parti qui est maintenant à l'opposition et qui était au gouvernement pendant neuf ans. C'est ce gâchis que nous réparons, et les lois que nous devons adopter maintenant, plus rapidement qu'on ne l'aurait souhaité, que mon leader ne l'aurait souhaité, que moi-même je ne l'aurais souhaité, restent des lois utiles, nécessaires qui sont aussi équitables et qui, dans certains cas, sont absolument essentielles parce qu'elles viennent répondre à des besoins criants d'enfants qui n'ont pas de place dans leur école dans leur quartier, M. le Président. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

(0 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation et députée de Taillon. Je cède maintenant la parole au député de Marquette, en lui rappelant que son groupe parlementaire a utilisé 21 min 36 s. Donc, il vous reste approximativement 38 minutes. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. À entendre la ministre de l'Éducation cette nuit, je trouve particulièrement odieux de la voir se servir des enfants pour cacher son incurie, son insouciance, la grossière négligence de son gouvernement qui a ce dossier-là sur sa table de travail depuis le mois de décembre 1994. Ça fait deux ans, deux ans que ça traîne sur vos bureaux.

J'ai moi-même rappelé au ministre de l'Éducation, en avril 1995, qu'il y avait une situation urgente dans le quartier de Rivière-des-Prairies, dans l'est de Montréal, et dans le quartier Côte-des-Neiges. J'ai fait le même rappel en janvier 1996, M. le Président, auprès du ministre de l'Éducation de l'époque, qui disait: Oui, oui, on va régler le problème, on va régler le problème. M. le Président, ça a pris une émission du Point pour attirer l'attention de la ministre de l'Éducation sur les besoins des élèves et comment la ministre ne s'en était pas occupée, ni elle, ni son prédécesseur. Et puis, par la suite, ça a été l'intervention de mon collègue le député de Mont-Royal qui a fait bouger la ministre.

Savez-vous ce qu'a fait la ministre? Au lieu d'admettre sa propre responsabilité et celle de son collègue dans son dossier, elle a tenté de placer la faute sur les épaules d'une commission scolaire, la CEPGM. La réalité, c'est que la CECM s'est adressée au ministère de l'Éducation pour régler le problème. Ils ont demandé au ministère de l'Éducation la construction d'une école, parce qu'ils ont une étude démographique qui démontrait déjà, en décembre 1994, l'urgent besoin de places-élèves, M. le Président.

Normalement, dans toutes les autres circonstances, lorsqu'il y a des études démographiques qui démontrent qu'on a des besoins de places-élèves, normalement, on se dépêche pour tenter de donner aux enfants une école. La ministre, ce n'est pas ce qu'elle a fait. La ministre a tenté de pointer du doigt une autre commission scolaire pour faire passer la faute sur le dos de la CEPGM, alors que ce qui est véritablement en cause, c'est l'incurie du gouvernement. Et c'est même le président de la CECM qui l'a dit ouvertement: «Nous ne sommes pas en chicane avec la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, nous ne sommes pas en chicane avec la CEPGM, nous avons demandé une solution à la ministre de l'Éducation.»

Et, ce soir, la ministre de l'Éducation nous dit: Ça n'a pas de bon sens de construire une nouvelle école. M. le Président, ce qu'elle ne dit pas ce soir et la réalité des choses, c'est qu'elle va donner 1 500 000 $ en compensation monétaire aux deux commissions scolaires parce qu'il va falloir défaire ce qui avait déjà été fait. Et sa participation financière allait être de l'ordre de 2 000 000 $. Elle n'a dit à personne, sauf aux intervenants du réseau, qu'elle allait mettre 1 500 000 $ pour compenser les commissions scolaires. Parce que sa solution, c'est un effet de domino. On prend des élèves d'une école... À l'école Coronation, il y avait 300 élèves inscrits; on les prend, on les transfère à l'Académie Saad. De l'Académie Saad, on prend 300 élèves dans cette école puis on les transfère à l'école Marymount, M. le Président. C'est ça qui se passe dans ce dossier-là.

Et la Gazette a très bien compris la façon avec laquelle un gouvernement péquiste traite la minorité linguistique, M. le Président. C'est de ça qu'il s'agit. Et la Gazette l'a dit ouvertement ce matin dans un éditorial. On n'a pas osé faire ça avec un autre dossier à Rivière-des-Prairies. Même situation...

Des voix: Oh!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! Je vous demanderais... M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vous savez qu'en vertu de notre règlement on ne peut imputer des motifs indignes à des membres de l'Assemblée nationale. C'est un procès d'association qui est fait... un procès d'intention qui est fait, M. le Président. Je pense qu'on ne peut agir ainsi en cette Chambre. C'est antiparlementaire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Je ne vois pas pourquoi le leader se lève. Il s'est senti obligé de se lever parce que ses collègues se sont animés un petit peu. Il y a des vérités qui ont leur place à l'Assemblée nationale comme ailleurs, il faut vivre avec. Il n'y a rien eu d'irrégulier, M. le Président, puis moi, à votre place, j'inviterais mon collègue à continuer.

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, messieurs dames, je vous invite à poursuivre le débat. Bien entendu, il y a des droits de réplique qui peuvent s'exercer de part et d'autre. Je vous demanderais toutefois de bien vouloir agir tout en respectant les bornes, les balises de notre règlement. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Oui. M. le Président, je vais me faire un plaisir de citer l'éditorial qui a paru dans le journal The Gazette , ce matin. Et voici ce qu'on disait: «But Ms. Marois is way out of line to threaten to pass a law imposing her own solution [...]. Her bullying tactics – en français: tactiques d'intimidation – against the PSBGM, if indeed they are legal, are outrageous and have seriously undermined her credibility.» Plus loin, on disait: «Ms. Marois's heavy-handed intervention is not the answer. Indeed, it is impossible to recall any provincial government interfering in such a biased way.» «Biased way», M. le Président. Et voici ce qu'on ajoute: «In a similar case, in which the school boards' roles were reversed, Québec did absolutely nothing to help the PSBGM», M. le Président.

La CEPGM avait un problème identique dans le quartier Rivière-des-Prairies, ils avaient besoin de places-élèves pour les élèves de la Commission scolaire protestante du Grand Montréal. Ils ont tenté d'en arriver à une entente avec la CECM; la CECM a refusé de céder son école. Ils ont fait appel au gouvernement, au député de Lévis et à la députée de Taillon; les deux ministres, M. le Président, ont refusé d'intervenir dans ce dossier-là. Situation identique qui s'est produite tout récemment, M. le Président; là on y va avec une loi spéciale. Voilà comment le gouvernement péquiste traite sa minorité linguistique. C'est la Gazette qui le disait encore ce matin, M. le Président.

Et pourtant, c'est la deuxième fois que la ministre de l'Éducation impose des projets de loi spéciaux. Les deux fois, M. le Président, elle procède avec un bâillon; les deux fois, sans aucune consultation, sans aucune étude du projet de loi, M. le Président. On est face à ça. On est face à ça. Et si au moins on avait la conviction que la ministre de l'Éducation allait solutionner le problème de façon permanente. Eh bien, non. Elle le sait, qu'elle ne solutionne pas le problème de façon permanente. Dans ses propres communiqués, elle dit qu'il va falloir réévaluer la situation d'ici à quelques années, M. le Président. Solution temporaire.

Solution temporaire qu'elle propose. Elle dépossède une commission scolaire anglophone de son école. C'est ce qu'elle fait. Elle dit que c'est parce qu'elle ne veut pas mettre 2 000 000 $. Pourtant, les gens du réseau savent fort bien qu'elle s'apprête à mettre 1 500 000 $ en compensation monétaire. C'est quoi, la différence? Est-ce qu'on veut une solution temporaire? Pourquoi ne pas prendre une solution permanente?

Si on dit qu'on ne veut pas mettre 2 000 000 $, pourquoi met-on 1 500 000 $, M. le Président? Et pourquoi avoir laissé perdurer ce problème pendant plus de deux ans? Après deux rappels de ma part, M. le Président, avant qu'on en arrive là, le gouvernement ne voulait pas solutionner ce problème-là et a préféré pointer du doigt une commission scolaire pour masquer et cacher l'incurie et l'insouciance du gouvernement. C'est un processus vicié. Non seulement ça, et la ministre devrait le savoir, demain, une décision sera prise par le Conseil des commissaires de la CEPGM et les chances de contestation judiciaire de ce projet de loi là sont assez importantes, et elle le sait.

Si jamais ça arrive, ça, M. le Président, si jamais, par malheur, on est face à une contestation judiciaire – parce qu'on n'a toujours pas non plus réglé le problème de l'article 93 de la constitution; elle n'a toujours pas implanté des commissions scolaires linguistiques, M. le Président. Et, si le député de Joliette trouve ça si drôle, c'est parce qu'il ne connaît pas le dossier – la CEPGM va s'appuyer sur l'article 93 de la constitution pour possiblement invalider la législation de son gouvernement, M. le Président.

(1 heure)

Alors, nous, ce qu'on demandait, c'est de pouvoir entendre les deux parties et le médiateur. Dans le rapport du médiateur, il y avait une solution qui était là, qui avait été convenue des deux parties, M. le Président. Les deux parties trouvaient la solution intéressante, c'est à la page 12 du rapport du médiateur.

Alors, comment comprendre le projet de loi spécial déposé par le gouvernement du Parti québécois, M. le Président? La seule conclusion qu'on peut tirer: c'est de cette façon-là qu'on traite la minorité linguistique au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Nous allons céder maintenant la parole au ministre délégué au Revenu et député de Portneuf. M. le ministre.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir effectivement d'intervenir à l'occasion de ce débat relativement à cette motion de suspension des règles qui a été rendue nécessaire pour les raisons que j'expliquerai dans les prochaines minutes.

Je dois rappeler, dans un premier temps, M. le Président, qu'il apparaît urgent effectivement de procéder à l'adoption notamment du projet de loi n° 91, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le ministère du Revenu, et ceci, pour les raisons suivantes. Je dois d'abord rappeler, à l'intention de mes collègues de cette Assemblée – et je souhaite être le plus clair possible dans les explications, puisque, comme on le sait, les lois fiscales sont parfois un peu compliquées, il n'est pas toujours facile de s'y retrouver – j'aimerais donc expliquer, premièrement, que c'est en vertu du Code civil du Bas-Canada que, antérieurement, les créances de l'État étaient imprescriptibles. Ça veut dire, ça, que, quand un contribuable ou un mandataire devait de l'argent au ministère du Revenu, au gouvernement et, donc, à l'ensemble de la collectivité, cette créance-là avait toujours cours. Ça pouvait prendre éventuellement 10, 12, 15 ans, 30 ans avant de récupérer éventuellement, mais la créance subsistait toujours. Donc, il est arrivé cependant que, avec l'entrée en vigueur du Code civil du Québec, les créances fiscales sont devenues prescrites au bout de trois ans, et ceci, en vertu de l'article 2925 du Code civil du Québec, et ceci, à moins que la dette ne soit garantie par une hypothèque immobilière ou qu'un jugement n'ait été rendu contre le débiteur.

Aussi, mon collègue ministre d'État de l'Économie et des Finances, dans son discours sur le budget du 9 mai 1996, annonçait ceci, M. le Président: «Une modification sera apportée à la Loi sur le ministère du Revenu afin que la prescription de telles dettes ne puisse s'accomplir à l'encontre du ministère du Revenu avant l'expiration d'un délai qui, ajouté à celui déjà prévu par le Code civil du Québec et par les dispositions d'entrée en vigueur de ce Code prévues par la Loi sur l'application de la réforme du Code civil, n'excède pas 10 ans au total.»

Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est que, advenant le cas où la modification législative en question ne serait pas effectuée avant le 1er janvier 1997, les options suivantes s'offriraient au gouvernement: soit que, par exemple, on laisse le temps faire son oeuvre, c'est-à-dire que le ministère, et le gouvernement, abandonne les créances en question, et on verra quels en seraient éventuellement les effets; soit qu'il décide d'intervenir par l'application de l'article 13 de la Loi sur le ministère du Revenu, encore là j'en expliquerai les tenants et aboutissants dans quelques instants; ou encore que le ministère inscrive une hypothèque légale à l'encontre ou à l'égard de chacun des mandataires ou des contribuables débiteurs de manière à poursuivre la perception de ces créances.

Alors, justement, c'est dans ce contexte que le projet de loi n° 91 demande d'introduire dans la Loi sur le ministère du Revenu une disposition qui prévoit que ces créances fiscales se prescrivent par cinq ans. J'ai déjà dit tout à l'heure que le discours du budget prévoyait un maximum de 10 ans. Alors, pourquoi cinq ans? C'est que nous estimons effectivement qu'une période de cinq ans est suffisante pour nous permettre de récupérer les créances en question et que d'aller jusqu'à 10 ans aurait été aller au-delà de ce qui nous apparaissait raisonnable. Donc, c'est la raison pour laquelle nous avons proposé que cette prescription soit de cinq ans.

Alors, voici pourquoi il est important et urgent que ce projet de loi soit adopté, M. le Président. Il est important qu'il soit adopté avant le 1er janvier 1997 pour éviter justement la prescription de certaines des créances du ministère du Revenu du Québec, qui pourrait représenter la perte de plusieurs centaines de millions de dollars. En fait, notre estimé actuellement est de 300 000 000 $.

J'aimerais bien clarifier un point. Malgré les prétentions de l'opposition officielle, il ne s'agit pas de taxes additionnelles, M. le Président. Il s'agit de dettes que des mandataires ou des contribuables ont à l'égard du ministère du Revenu, suite à des vérifications qui ont été faites au cours des années antérieures. Donc, il ne s'agit pas d'augmenter les taxes et les impôts, il s'agit tout simplement d'aller récupérer ce qui est reconnu comme étant dû au gouvernement, donc à l'ensemble de la collectivité.

Deuxième motif important, M. le Président. Si ce nouvel article de la Loi sur le ministère du Revenu n'était pas adopté avant le 1er janvier, de façon à protéger ces créances-là, le ministère du Revenu du Québec se verrait dans l'obligation d'émettre environ 100 000 certificats, en vertu de l'article 13 de la Loi sur le ministère du Revenu, afin de protéger justement ces créances, et cette mesure de perception spéciale entraînerait des frais de 3 500 000 $.

Alors, pourquoi dépenser dans des situations financières difficiles qui sont attribuables pour l'essentiel à l'état des finances publiques qu'on nous a légué suite aux 10 années au pouvoir du gouvernement libéral? Qu'on se rappelle, M. le Président, que la dette a doublé en 10 ans pendant qu'il était au pouvoir. Comment être aussi irresponsable que d'ajouter par-dessus ce fardeau-là 3 500 000 $ de dépenses, dans les circonstances, qui serviraient uniquement à protéger nos créances, alors que l'adoption d'un simple projet de loi – celui que nous proposons – permet de faire le tour sans aucune dépense pour le public?

Également, M. le Président, cette mesure, l'adoption de cette loi, est motivée, en plus de la protection des créances et du souci de minimiser nos dépenses, par le fait qu'elle permettra d'éviter de grands inconvénients. Et j'insiste également sur ces deux aspects.

D'une part, éviter l'engorgement des greffes que risquerait de produire le nombre élevé de certificats que le ministère du Revenu délivrerait en vertu de l'article 13 de la loi. Quand on parle de 100 000 certificats, M. le Président, c'est quelque chose, et ceci viendrait s'ajouter au 3 500 000 $ dont je parlais tout à l'heure, bien sûr.

Deuxièmement – et j'insiste sur cette mesure, sur cet aspect, cette prudence qu'il faut avoir parce qu'elle me semble particulièrement importante sur le plan humain – le fait d'adopter cette loi éviterait que la réputation et le crédit d'un nombre important de contribuables et de mandataires ne souffrent de dettes fiscales qui seraient rendues publiques, puisque tel serait l'effet potentiel du recours à ce même article 13 de la Loi sur le ministère du Revenu aux fins de protéger les créances en cause. Il faut comprendre que, si on procédait par l'article 13, c'est l'équivalent d'un jugement. À ce moment-là, ça devient public et vous avez des dizaines de milliers de contribuables qui, pour la plupart, tiennent à rembourser leurs dettes et qui se verraient, à ce moment-là, plus ou moins étalés dans le public... verraient leurs dettes étalées dans le grand public. Pour une simple question humanitaire et, je dirais, de compassion à l'égard de personnes qui sont des personnes responsables et qui tiennent à rembourser leur dû, nous pensons que ce projet de loi devrait être adopté, M. le Président.

(1 h 10)

Alors, je résume. Pour une question d'équité, il s'agit d'aller chercher le 300 000 000 $ qui est dû et faire en sorte que l'ensemble du fardeau fiscal porte équitablement sur l'ensemble des contribuables et des mandataires. Donc, équité. Deuxièmement, pour une raison d'efficacité et de minimiser nos coûts, donc de bonne gestion, de pouvoir sauver 3 500 000 $ qu'on n'est pas obligé d'engager si on adopte le projet de loi. Pour une raison également de mesure humanitaire, qui relève de la simple compassion à l'égard de citoyens qui sont des citoyens responsables et qui veulent payer leur dû effectivement. Je comprends que la compassion ne soit pas, je dirais, la qualité première qui semble être véhiculée par les porte-parole de l'opposition officielle, mais, pour nous, c'est une valeur importante.

C'est la raison pour laquelle nous proposons donc, M. le Président, que cette disposition soit adoptée, c'est-à-dire le délai de cinq ans en ce qui regarde la prescription, qui est un délai, comme le mentionnait tout à l'heure le leader du gouvernement, tout à fait compatible avec celui qu'on retrouve au niveau de la sécurité du revenu.

J'aurais souhaité, M. le Président, au nom de l'ensemble de nos concitoyens, que cette disposition soit adoptée de la façon la plus naturelle possible, par exemple par un amendement au projet de loi n° 42. J'ai offert et j'ai demandé la collaboration de l'opposition officielle de façon à ce qu'on puisse procéder de cette façon ou qu'alternativement on puisse, en utilisant les règles normales, adopter un projet de loi spécial pour nous permettre d'arriver à ces fins-là. Cependant, l'opposition officielle a préféré forcer le gouvernement, au fond, à se prévaloir d'une disposition qui est prévue à notre règlement, c'est-à-dire une motion de suspension des règles, de façon à pouvoir déchirer sa chemise et feindre, d'une certaine façon, mon Dieu, le scandale, comme c'est leur lot, plutôt que de concourir avec le gouvernement à une mesure qui est tout à fait équitable, qui est une mesure de bonne gestion et qui est une mesure qui relève, mon Dieu, d'un simple réflexe de justice, d'humanité et de compassion à l'égard de nos concitoyens. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu et député de Portneuf. Nous cédons maintenant la parole au député de Verdun. M. le député, je tiens à vous rappeler que votre groupe parlementaire bénéficie d'un temps de parole de 25 minutes.

M. Gautrin: Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 84 déposé le 10 décembre, le projet de loi n° 85 déposé le 10 décembre, le projet de loi n° 87 déposé le 13 décembre et, en prime, le projet de loi n° 91 déposé le 17 décembre.

M. le Président, les intervenants, que ce soit la ministre de l'Éducation ou le ministre du Revenu, ont plaidé sur le fond de leurs projets de loi. On aura à débattre de la qualité de leurs projets de loi après. Ce qu'on a à débattre aujourd'hui, c'est: Est-il justifié, à part une absence de planification et une incurie complète de la part du gouvernement, d'en arriver à une suspension des règles?

On aurait pu, M. le Président, clairement étudier, dans les délais prescrits, ce projet de loi. Alors, je le reprends dans le sens inverse. Le projet de loi n° 91... Le ministre du Revenu a plaidé sur l'importance du projet de loi n° 91. Je pense que, lorsqu'on en débattra, on rentrera sur le fond du projet de loi n° 91. Mais il est important de se rappeler quand même que c'est le 9 mai 1996 – le 9 mai, M. le Président – que cette mesure sur laquelle on aura à débattre, et je ne voudrais pas rentrer actuellement sur le fond de la mesure... Le 9 mai, dans le discours du budget, le ministre des Finances annonçait cette mesure. Elle est dans le discours du budget. Alors, par incurie, par oubli, par je ne sais quoi, on n'a pas préparé de projet de loi. Et hier – parce que maintenant on a dépassé minuit, on est rendu le 18 – le 17, M. le Président, on dépose un projet de loi et on dit: Il faut l'adopter de toute urgence. C'est important, etc., il faut l'adopter avant le 1er janvier 1997.

Mais est-ce qu'on n'aurait pas été en mesure de le déposer normalement, en octobre, en novembre, de manière qu'on puisse en faire une étude approfondie? Et je ne nie pas qu'il puisse y avoir des arguments en faveur de ce projet de loi. Je pense qu'on aura à en débattre, si on avait pu en débattre, de la qualité de ce projet de loi. Mais, bon Dieu! M. le Président, il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part. Est-ce que vous avez déjà vu un projet de loi qu'on dépose le 17, alors qu'on l'avait annoncé en mai? Rappelez-vous, on l'a annoncé en mai. On se réveille et on dit: Tiens, la session va finir. Je n'ai pas préparé mon projet de loi, je le dépose et je veux l'adopter en urgence. Écoutez, là, ne charriez quand même pas.

Mais je continue. Alors, le projet de loi n° 87, la ministre de l'Éducation, c'est celui qui touche les écoles, le partage d'une école entre la Commission des écoles protestantes et la Commission des écoles catholiques. Bien sûr qu'on est touché par la situation des enfants dans le bas de Côte-des-Neiges, bien sûr, mais c'est une situation qui perdure depuis un an et demi. Le député de Marquette l'a rappelé à la ministre, ça fait un an et demi qu'elle sait que le problème existe. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi elle n'a pas déposé un projet de loi dans les délais impartis et pourquoi elle n'a pas fait en sorte qu'on puisse l'étudier normalement? Je continue, M. le Président. Après, j'essaierai de répondre à mon pourquoi, parce qu'il y a probablement des raisons derrière le pourquoi. Mais, pour l'instant, je vais seulement faire état des faits. Je répondrai au pourquoi après. Je continue.

Le projet de loi n° 85, qui est toujours aussi dans ce qu'on appelle dans notre langage le bâillon, c'est celui sur l'aide financière aux étudiants. La ministre sait parfaitement qu'elle l'avait déjà annoncé à peu près lorsqu'elle a, après les états généraux, fait sa réaction aux états généraux. Elle aurait pu, en temps normal, déposer le projet de loi. Elle aurait pu le faire. Elle avait le temps de le faire. Non. Le 10 décembre, il est déposé. Et après on nous dit: Il y a urgence; il faut se précipiter. C'est la preuve exacte qu'on a un gouvernement qui ne planifie rien et qui arrive comme ça, qui se réveille à la dernière minute, qui dit: Tiens! On arrive à l'ajournement des Fêtes, et il faut qu'on se dépêche. Et là on suspend la réflexion normale dans le travail législatif. Et la ministre de l'Éducation, dans son intervention, a très justement rappelé à quel point ce travail hâtif en fin de session peut amener l'adoption de projets de loi qui parfois ne correspondent pas... ne sont pas étudiés jusqu'au fond et arrive à faire de la mauvaise législation.

Je reviens sur le projet de loi n° 84, la Loi sur la sécurité du revenu, déposé le 10 décembre. Bien, il n'y avait pas urgence. Ça fait un bout de temps qu'on travaille sur la réforme de la sécurité du revenu. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi ça n'a pas été déposé aussi dans les temps impartis? Une fois qu'on a compris qu'il y a un gouvernement actuellement de pleine incurie, qui oublie des projets de loi, qui oublie de faire son travail législatif, et qui se réveille à la dernière minute et qui dit: Oui, voici, il faut qu'on dépose d'autres projets de loi, on va encore se demander la question: Est-ce qu'il faut, malgré qu'ils aient été déposés en retard...

Pourriez-vous m'expliquer maintenant un certain nombre de choses, M. le Président? Là, le projet de loi, et on va revenir, en somme... Je ne parle pas du projet de loi n° 91, évidemment. Lui, il a été déposé hier, disons ce matin, enfin dans la même période qu'aujourd'hui. C'est bien sûr qu'il ne pouvait pas être étudié en commission parlementaire, donc je n'en parlerai même pas. C'est sûr qu'il ne pouvait pas être étudié en commission parlementaire. Je reviens sur les deux autres, les deux autres de la ministre de l'Éducation, déposés le 10 décembre et le 13 décembre. Qu'on ne me fasse pas croire à l'heure actuelle que la Chambre n'aurait pas pu faire l'étude du principe, qu'on ne me fasse pas croire que la commission de l'éducation n'aurait pas pu commencer l'étude article par article de ces projets de loi.

Alors, je vous le dis tout de suite, M. le Président, on n'aurait pas, nous de l'opposition, particulièrement sur le projet de loi n° 85, été d'accord avec tous les articles qui sont dedans. Mais il y a des articles sur lesquels, comme dans toute étude de projet de loi, on aurait pu débattre, s'entendre. Probablement, la majorité ministérielle les aurait adoptés sur division, mais on aurait pu parfois faire valoir notre point de vue comme ça se fait normalement dans le travail législatif. Le travail législatif, et à la commission de l'éducation et à la commission du budget et de l'administration, il est beaucoup moins partisan, le travail en commission, que le travail qu'on voit ici, en Chambre. Très souvent, les députés – et vous le savez – arrivent, par le travail, l'opposition et les ministériels, à bonifier des projets de loi en faisant bénéficier des projets de loi de l'expérience des deux côtés de la Chambre. On va priver ce projet de loi de cette volonté-là.

(1 h 20)

Et vous me permettez... Je m'adresse spécifiquement au leader du gouvernement. Et la ministre de l'Éducation et moi-même, comme critique, on a demandé bien des fois: On voudrait aller en commission pour pouvoir étudier ce projet de loi. La commission de l'éducation n'a pas fait de législation, n'a pas fait de législation à cette session-ci. Elle aurait pu se pencher sur ce projet de loi. Elle avait le temps de le faire. Peut-être qu'il y a des raisons cachées pourquoi on n'a pas voulu aller en commission. Les raisons peut-être... Pourquoi on se réveille à la dernière minute? Pourquoi on se réveille à la dernière minute? Bien, M. le Président, je n'ai pas de réponse évidente, mais je vais essayer d'en formuler une avec vous, si vous me permettez.

Le projet de loi n° 85, ça, ça va chercher 40 000 000 $ dans la poche des étudiants. Ce n'est pas les gens les plus riches de notre société. Ça va chercher 40 000 000 $ dans la poche des étudiants. Le projet de loi n° 87, c'est moins: 2 700 000 $ d'économie dans la poche, aussi, pas des gens les plus fortunés. Le projet de loi n° 91, bon, on pourra en débattre, etc., mais l'estimé, c'est que ça va chercher dans la poche des Québécois et des Québécoises 300 000 000 $. Alors, je comprends qu'on se réveille à la dernière minute, comme ça, que c'est parti, tout ça, mais 300 000 000 $!

Le projet de loi n° 84, lui, il va imposer des taux d'intérêt sur des montants dus par les gens de l'aide sociale. C'était difficile d'estimer combien on va chercher d'argent dans la poche des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est évidemment les gens les plus riches de notre société, comme vous le savez, M. le Président. C'est les plus démunis, les gens qui actuellement... Dans votre comté comme dans nos comtés, on voit actuellement dans quelle situation ils sont avant les fêtes de Noël. Mais pas du tout! On va aussi chercher de l'argent dans leur poche. Alors, c'est quoi, ça? Pourquoi on nous passe à l'heure actuelle... Pourquoi on veut aller si vite? Quelle est l'urgence de ce gouvernement?

Bien, l'urgence de ce gouvernement, je vais vous le dire, c'est d'aller chercher dans la poche des plus démunis à peu près 400 000 000 $. Alors, on a fait une petite addition de ce côté-ci de la Chambre. On a fait une petite addition depuis que le député de Jonquière est premier ministre. Et le député de Frontenac l'a rappelé, je ne voudrais pas faire un débat très long là-dessus, mais c'est instructif. Depuis que le député de Jonquière est le premier ministre du Québec, il y a 700 000 000 $ de plus en taxes, impôts, tarification directe qu'il a été chercher dans la poche des Québécois et des Québécois, depuis qu'il est premier ministre. On rajoute 400 000 000 $ dans le bilan, ça fait 1 100 000 000 $ de plus qu'on est allé chercher dans la poche de vous, de vous, de vous, dans la poche de chacun d'entre vous. Et souvent aujourd'hui c'est les plus démunis qu'on va chercher, les étudiants, les bénéficiaires de l'aide sociale, l'ensemble des citoyens. C'est eux autres qu'on va chercher aujourd'hui.

Alors, j'ai fait une petite division, M. le Président. Vous êtes capable de faire ça, vous aussi: 1 100 000 000 $, je divise par 300 jours, vous trouvez combien? Ça veut dire que chaque jour, chaque jour, chaque jour depuis que le député de Jonquière est le premier ministre du Québec, il est allé chercher en moyenne 3 600 000 $ dans la poche des Québécois et des Québécoises. Chaque jour, y compris le samedi et le dimanche. J'ai divisé par 300, y compris samedi, dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, 3 600 000 $, tous les jours, dans la poche des Québécois et des Québécoises.

Et, en plus, et en même temps, du même coup, 200 emplois de moins par jour. Alors, on continue. En même temps... Regardez bien le bilan, le bilan brillant. Le bilan brillant. En même temps, on va vous chercher 3 600 000 $ tous les jours, 3 600 000 $ jour après jour, dans la poche des Québécois et des Québécoises et on supprime 200 emplois. En moyenne, 200 emplois. Alors, lundi, 200 emplois, 3 600 000 $. Le mardi, 200 emplois, 3 600 000 $. C'est ça, la réalité actuellement de ce gouvernement depuis qu'il est au pouvoir.

Alors, je comprends, il manquait des sous. Il manquait des sous, alors on a dit: Il y a urgence. On a brimé... Non pas parce que les parlementaires de l'opposition ont refusé de faire le travail législatif d'étudier les projets de loi, de les étudier sérieusement comme on le fait. Et je crois qu'il n'y a pas un parlementaire ici qui peut dire que, du moins, en ce qui regarde le député de Verdun... On n'a jamais fait d'obstruction et on essaie à chaque fois de faire le travail législatif le plus sérieusement possible.

Mais il manquait des sous. Et puis, bon, il fallait les prendre, puis c'est beaucoup plus facile de les prendre dans la poche des démunis. Ça, c'est facile, M. le Président. Alors, les étudiants, 40 000 000 $, je vous le répète. Les 2 700 000 $ dans le 87. On ne sait pas, sur les bénéficiaires de l'aide sociale, par les intérêts, combien ça va être, mais ça ne doit pas être difficile à estimer. Ça va être encore quelques millions de plus.

J'ai oublié de vous dire, il a rajouté aussi le 77: 48 000 000 $. Je ne parle pas des coûts du référendum. Je ne crois pas qu'il a coûté 60 000 000 $, mais enfin, ce n'est pas la place. Il faut évidemment chercher des sous pour payer cette dette du référendum, mais ça, c'est une autre question. On revient ici au 77. Pourquoi on se dépêche tant, là, d'adopter le 77, M. le Président, la loi qui modifie la Loi de police, etc.? Est-ce qu'il y a urgence réellement? Non. Il y en a une. Je vais vous dire où elle est l'urgence. Elle est qu'elle représente, elle, 48 000 000 $. On va chercher 48 000 000 $. On pellette 48 000 000 $ chez les municipalités. Bien évidemment, c'est pour ça qu'il y a urgence.

Tous les projets de loi que j'ai ici, qui sont dans le bâillon, c'est tous des projets de loi qui s'en vont chercher de l'argent supplémentaire dans la poche de vos concitoyens. C'est de l'argent supplémentaire qu'on va chercher dans la poche de vos concitoyens, et c'est pour ça que vous voulez qu'on ne les étudie pas, c'est pour ça que ça vous gêne, bien sûr, qu'on les étudie. C'est bien sûr. C'est pour ça que vous êtes en train de vous presser: urgence d'aller chercher de l'argent dans la poche des Québécois et des Québécoises. C'est ça, à l'heure actuelle, dont on débat: l'urgence d'aller chercher de l'argent dans la poche des Québécois et des Québécoises. 48 000 000 $.

Il est 1 h 30. Il n'y a personne actuellement qui le sait, là. Personne ne sait ce qu'on fait. Tout le monde, les citoyens normaux dorment à cette heure-ci. Eh bien, le citoyen normal va se réveiller demain matin avec un bâillon, une loi passée où on n'aura même pas pu débattre des projets de loi. Demain matin, il va se réveiller, où il devra... Les municipalités, 48 000 000 $; l'aide financière, 40 000 000 $; le 91, déposé ce matin et même pas débattu ou quoi que ce soit, 300 000 000 $. Et c'est le plus beau, hein, je dois vous dire, et c'est le plus gros d'ailleurs: 300 000 000 $ qu'on va chercher comme ça.

Alors, comprenez-moi bien, je sais ce qui s'est passé. Ça avait été bien sûr annoncé dans le discours du budget. Ils se sont réveillés et ils ont dit: Tiens, on n'a pas été chercher ce 300 000 000 $. Dépêchons-nous d'aller le chercher. Et on dépose le projet de loi le 17 pour adoption le 18. Quand même, écoutez. Il y a quand même une limite dans ce qu'on peut faire et ce qu'on doit accepter comme gouvernement.

M. le Président, nous invitons fortement les parlementaires ministériels – je sais que ça ne servira à rien, mais je vais quand même faire mon invite – à réfléchir. Le sain débat à l'intérieur d'une assemblée, ça permet de soulever des questions, ça permet de faire de la bonne législation, de la meilleure législation, ça permet d'aller en commission, de regarder si l'écriture des lois est... Et vous savez, vous, parlementaires ministériels comme parlementaires de l'opposition, à quel point, souvent, en commission, on modifie les projets de loi, on adapte les projets de loi. On se rend compte qu'on a créé des projets de loi barbares, iniques. On les modifie. Des fois on commence à revenir sur ses pensées.

(1 h 30)

Alors, j'invite les parlementaires ministériels, M. le Président, à rejeter cette motion de bâillon. Revenons à l'étude normale des projets de loi. Revenons à l'étude normale. Revenons à l'étude normale, M. le Président, parce qu'on peut faire l'étude. Bien sûr, quand je dis qu'on peut faire l'étude, ça ne veut pas dire qu'on va voter pour, mais on peut faire l'étude article par article du projet de loi n° 85. C'est celui dont je suis responsable, et je peux vous dire qu'on peut la faire, l'étude article par article du projet de loi n° 85. Il y a certainement, et on l'a déjà vu à la période des crédits, à l'intérieur de ce projet de loi – et je vous ferai les exemples au moment où je pourrai vous en parler – il y a à l'intérieur de ce projet de loi des éléments qui sont inacceptables, il y a des éléments qui sont tolérables, il y a des éléments sur lesquels on aurait à échanger, il y a des rédactions qui auraient lieu d'être corrigées. On peut, M. le Président, faire l'étude du projet de loi n° 87. On pourrait, ce qui a été la proposition du député de Marquette, écouter quand même les parties. C'est quand même la fin du monde de ne pas vouloir écouter les parties.

Vous me permettez de dire que lorsque la ministre nous dit: Vous savez, si les parties s'entendent, moi, je les suivrai... Je me rappelle, à un moment où la ministre, justement, avait dit ça, entre la Fédération des commissions scolaires et le monde syndical, et je me rappelle qu'elle avait dit: Si vous vous entendez, on va signer quelque chose, il y aura une manière de fonctionner. Et dans la dernière session, lorsque les parties n'arrivaient pas... étaient arrivées... au lieu d'appliquer ce qui a été l'entente qui aurait dû se faire à ce moment-là, elle était intervenue par loi spéciale pour essayer d'imposer son point de vue. Alors, moi, je doute. J'ai des doutes. J'ai des doutes sur sa parole.

M. le Président, il faut bien comprendre, en terminant, il est bien important de comprendre que nous pourrions, si vous votez actuellement, si vous rejetez cette motion de bâillon, nous pourrions étudier calmement, sérieusement ces projets de loi, faire le travail, le travail législatif, que vous savez qu'on est capables de faire. Mais ce n'est pas ça, le but. Si vous allez voter contre... si vous allez voter avec cette motion de bâillon, vous votez pour quoi? Vous votez pour que l'on cesse, que l'on ne procède pas à l'étude de ces quatre projets de loi. Si vous votez, à l'heure actuelle, pour cette motion de bâillon, vous votez pour le fait qu'on n'étudie pas ces projets de loi.

Il y a peut-être une raison pourquoi vous ne voulez pas les étudier. Il y a peut-être une raison pourquoi vous avez honte de les étudier. Il y a peut-être une raison pourquoi ça vous gêne de les étudier. Ça vous gêne de les étudier, M. le Président, parce que vous savez que ces projets de loi n'ont en particulier comme objectif que d'aller chercher dans la poche des gens qui sont vulnérables et démunis le 400 000 000 $ qu'il vous manque pour arriver au score magnifique de 3 600 000 $ par jour depuis que vous êtes au pouvoir. C'est ça. Et je comprends que c'est gênant. Je comprends que c'est gênant pour vous. Je comprends que ça vous gêne. C'est pour ça qu'on est en train d'en débattre à 1 h 35 de la nuit, en pleine nuit, quand seuls les insomniaques sont en train, encore, de penser à devoir nous écouter. Ils vont se réveiller demain matin avec 400 000 000 $ de plus qu'on ira chercher dans leurs poches, 400 000 000 $ de plus qu'on ira chercher dans vos poches, 400 000 000 $ dans vos poches.

Une voix: Moi, je suis mal à l'aise.

M. Gautrin: Bien, soyez mal à l'aise parce qu'on va prendre aussi 400 000 000 $ dans vos poches. Tout le monde va être traité de la même manière. C'est ça qui vous gêne. Je comprends.

Mais, M. le Président, vous ne pensez pas, vous qui êtes un démocrate, qu'il serait quand même préférable que ce geste, que je qualifierais d'inique, se fasse en plein jour, qu'ils assument ce qu'ils sont en train de faire, qu'ils le fassent réellement au moins en plein jour et qu'on puisse débattre en commission, normalement, devant les journalistes, devant la population, devant le peuple, qu'on débatte réellement ce qu'ils essaient d'imposer à la population. Mais ça, ça, c'est trop facile. Ce serait trop facile. C'est beaucoup plus facile de le faire en cachette, comme on le fait ce soir. Et qu'on ne commence pas à sortir, pour justifier les motions de bâillon, en disant: Ça se fait toujours en fin de session. Toute motion de bâillon m'a toujours paru inique, M. le Président. Mais il y a certains cas dans lesquels mon vote, moi, personnel – on peut le regarder – où je suis sorti, quand j'étais ministériel, sur certaines motions de bâillon à l'époque parce que je trouvais qu'elles étaient iniques à l'époque.

Alors, M. le Président, je n'ai aucune honte et je n'ai pas à retenir, à l'heure actuelle, des leçons ou de dire: Parce que quelqu'un a fait ça, on doit le faire. Elles sont aussi iniques d'un côté comme de l'autre, et je me permets de dire à l'heure actuelle: Rappelez-vous! Vous êtes en train d'aller chercher 400 000 000 $ de plus dans la poche des Québécois et des Québécoises, et c'est pour ça que vous êtes en train de le faire en cachette, la nuit, derrière les rideaux fermés. Pourquoi vous ne le faites pas en plein jour, M. le Président? Pourquoi ne pas le faire en plein jour? Pourquoi ne pas permettre le libre débat devant ces questions-là? Pourquoi ne pas avoir déposé vos projets de loi en temps, de manière qu'on puisse les débattre en temps, devant tout le monde, devant la population complète?

M. le Président, c'est l'image de ce gouvernement qui, en cachette, a été chercher 3 600 000 $ tous les jours depuis qu'il est au pouvoir, dans vos poches, dans la poche de chacun des Québécois, et qui, de surcroît, a l'énorme succès d'avoir réussi à couper 200 emplois par jour depuis qu'il est au pouvoir. Voici leur bilan et voici pourquoi ils se cachent de leur bilan et qu'ils passent ce genre de projet de loi la nuit, à 1 h 35. Voici l'image qu'on a actuellement du gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Verdun. Nous allons céder maintenant la parole à la députée de Hochelaga-Maisonneuve et ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Madame, je tiens à vous mentionner qu'il vous reste un temps de parole de 20 minutes. Alors, Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'apprécierais si vous me signaliez au bout de 10 minutes que mon temps de parole est terminé.

Les propos du député de Verdun seraient crédibles si tant est que ce 400 000 000 $ qu'il a brandi était réel. Mais je ne peux croire que, consciemment, le député de Verdun pourrait inviter cette Assemblée nationale à considérer comme démunis – parce que c'est le mot qu'il a utilisé – des contribuables qui ont pour 300 000 000 $ de créances dues, non payées au ministère du Revenu ou encore des prestataires de l'aide sociale qui, intentionnellement, ont fait de fausses déclarations que, dans d'autres milieux, on appelle de la fraude. Je ne peux pas m'imaginer, là, M. le Président, que l'interprétation hautement fantaisiste du député de Verdun est voulue, est intentionnelle ou est consciente. Je suis convaincue, bien certainement, qu'il n'a pas eu encore le temps de bien s'informer des projets de loi. Il ne pourrait pas certainement conclure, comme il l'a fait, qu'il s'agit pour le gouvernement d'aller chercher de l'argent dans les poches de contribuables qui n'ont rien à se reprocher.

Ça ne fait pas très sérieux, M. le Président, de jongler comme ça, là, avec ces millions qui étaient devenus des milliards à la fin et qui, divisés par 365 jours par année, paraissaient encore plus astronomiques. Ce n'est pas vraiment sérieux – malgré toute l'amitié que j'ai pour le député de Verdun – de la part d'un savant professeur d'université. Il me semble que ces calculs-là ne tiennent pas, surtout quand on sait qu'il s'agit, en l'occurrence, avec le projet de loi n° 91, de récupérer ce qui est dû, ce qui est dû, M. le Président. Et, n'eût été de la prescription du Code civil qui, au 1er janvier prochain, sera réduite de 30 à trois ans, eh bien, ce qui est dû en toute équité par rapport aux autres contribuables ne pourrait pas être récupéré si le projet de loi n° 91 n'était pas adopté.

(1 h 40)

Il en va de même pour le projet de loi n° 84 concernant la sécurité du revenu. L'an dernier, le Québec a versé 83 000 000 $ dû à de fausses déclarations. Ce 83 000 000 $, c'est la moitié des trop-payés, qui le sont pour des motifs différents, des motifs variés. Mais il y a 50 % de ces trop-payés qui le sont à cause de déclarations fausses intentionnellement faites.

Alors, M. le Président, c'est de ça qu'il s'agit: c'est de prendre des moyens plus musclés, j'en conviens, pour récupérer un dû et le faire de sorte de décourager les futurs fraudeurs. Oui, c'est évident que le projet de loi n° 84 a comme objectif d'être dissuasif et d'introduire des dispositions qui, voyant l'intérêt courir... Pour tout de suite, M. le Président, ces fausses déclarations ne sont sanctionnées par rien d'autre qu'un remboursement, lequel remboursement n'est pas assorti d'un intérêt qui pourrait certainement faire réfléchir avant de mentir, M. le Président.

Alors, c'est donc là, essentiellement, l'objet d'un des projets de loi qui est déposé. Et quand on voit le député de Verdun les additionner comme s'il s'agissait d'argent neuf que le gouvernement allait récupérer quasi honteusement, là, je dois vous dire que je trouve que le député de Verdun a vraiment exagéré. Autant dans le cas des créances dues au ministère du Revenu que des trop-payés qui doivent être récupérés au ministère de la Sécurité du revenu, je pense au contraire qu'il y a là une question d'équité à l'égard de l'ensemble des contribuables.

En fait, la question qui était posée par le député de Frontenac était de se demander pourquoi le faire maintenant et pourquoi, par exemple, ne pas attendre. C'est bien évident que, dans le cas des créances au ministère du Revenu, bien, ça veut dire qu'on serait perdants. Ça, on le serait. Mais pourquoi, dira-t-il, comme il le mentionnait d'ailleurs tantôt avec reproche et ressentiment, le gouvernement, lui reprochait-il, a hâte que l'on arrête de parler? C'est vrai, le gouvernement, M. le Président, a hâte que l'on commence à décider. C'est vrai. Depuis le premier jour, du premier après-midi, de la première nuit, de la première soirée de cette session intensive, le 2 décembre dernier, moi, je ne sache pas qu'on ait siégé aussi longtemps dans ce Parlement dans le cadre d'une session intensive depuis une décennie et plus, certainement. Vous vous rendez compte, M. le Président, qu'on a siégé le lundi matin avec une période de questions à 10 heures, ce qui est exceptionnel, même dans les fins de session; on a siégé le vendredi soir, ce qui est très exceptionnel dans des fins de session, y compris toutes celles que j'ai pu vivre précédemment. Alors, ce n'est pas faute d'avoir siégé, hein. Ce n'est pas, dans le fond, parce qu'on ne voulait pas siéger, par négligence, qu'on a pris nos lundis matin et nos vendredis et qu'on n'a pas siégé la nuit; je pense que, d'une façon exceptionnelle, dès le début de cette session intensive, on a commencé à siéger à des heures indues. Pourquoi, M. le Président? Parce que l'opposition a effectivement le droit de refuser de collaborer, et c'est ce qu'elle a fait. Elle a le droit en démocratie, mais le gouvernement a aussi le droit de refuser d'être paralysé. Si c'était antidémocratique ce que l'on fait, ça ne serait pas permis dans notre règlement. Je comprends que ce n'est pas un coup de force, c'est permis dans le règlement. Ça a donc déjà été anticipé comme pouvant être nécessaire...

Je ne voudrais pas, à ce stade-ci, manquer de voix, être obligée de passer la parole à mon collègue de Joliette, mais je sens que je dois le faire immédiatement, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre de la Sécurité du revenu, ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité et députée de Hochelaga-Maisonneuve. Alors, nous allons... Il nous reste environ 14 minutes.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non. Du groupe parlementaire formant l'opposition, il vous reste trois minutes. Est-ce que vous désirez l'utiliser? Donc, en totalisant le tout, il vous reste environ 15 minutes.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Joliette et ministre des Ressources naturelles. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'allais dire: Il fait bon renouer avec nos anciennes amours. Mais je dois vous dire, M. le Président, que je ne peux m'empêcher de réagir. Je regardais cette équipe offusquée, offusquée d'une motion de clôture, communément appelée bâillon. Mais, imaginez-vous, s'il avait fallu bâillonner tout ce qui se dit d'inutile, je suis convaincu que le ministre de la Justice serait heureux ce soir, avec le spécialiste de Chomedey devant lui, sur un projet de loi de deux articles, sortant les pires âneries. Il y aurait une tendance, effectivement, du grand public à nous dire: Bien, pourquoi tu n'as pas mis telle loi additionnelle dans ta motion de clôture? Franchement, M. le Président!

Je regardais l'ensemble de la législation qui a été mise dans la proposition du leader du gouvernement pour tâcher de prendre des décisions et je me dis: Pourtant, l'opposition qui réclame d'abord un déficit zéro, comment peuvent-ils s'offusquer du fait qu'on prenne les moyens pour arriver au déficit zéro? Comme peuvent-ils, M. le Président, eux qui se trompaient à peu près de 1 000 000 000 $ par année dans leurs prévisions, comment peuvent-ils ne pas être heureux, avec tous les discours qu'ils tiennent, de voir une équipe qui, elle, veut rencontrer ses objectifs? Est-ce par envie, pour ne pas dire jalousie, qu'ils veulent absolument nous voir dépasser les paramètres qu'on s'est fixés? Sans doute qu'il y a un peu de ça de la part de certains. Mais les âmes bien pensantes, de leur côté... M. le Président, le député de Verdun a un rire gras...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Et en santé.

M. Chevrette: ...et en santé, oui. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Manque de sommeil. Donc, M. le Président, une première législation du ministre du Revenu qui est tout à fait normale, ça nous prend l'extension des délais juridiques pour aller chercher non pas l'argent dans les poches des citoyens, comme a dit l'opposition... C'est de l'argent qui est dû aux citoyens du Québec qu'il faut aller chercher. C'est très différent, ça. On a beau être dans l'opposition, on ne peut pas nier la réalité. Donc, première législation tout à fait normale, indispensable, qu'il faut aller chercher.

La ministre de l'Éducation se lève puis elle dit: Écoutez, je «vais-tu» aller dépenser des millions dans le béton alors qu'il y a des locaux de vides puis que c'est tout simplement parce qu'il y a deux commissions scolaires qui ne veulent pas s'entendre? Et on se targue du bien de l'enfant, de l'autre bord. Une semaine et demie sur les calculatrices...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Une semaine et demie! Deux semaines quasiment, l'ancien président de la Commission des écoles catholiques de Montréal, sur les calculatrices. Il n'avait même pas les bonnes informations, en plus. Là il aurait dû la prendre ce soir puis calculer que la ministre voulait sauver des millions aux Québécois, et tout en ouvrant les écoles pour les jeunes. Franchement, ce ne fait pas sérieux comme opposition. Moi, je me suis dit: Bien, bonne mère du ciel, eux qui prêchent la vertu, peuvent-ils nous permettre de la pratiquer? Franchement.

Quant à la ministre, ma collègue de Maisonneuve, elle arrive avec une loi. Avez-vous remarqué? C'était supposé être la révolution. C'était épouvantable, ça devait se battre dans le métro de Montréal. Le gros bon sens du peuple québécois, c'est quoi? Il était temps! Il était temps que vous changiez votre fusil d'épaule, que vous ayez une politique. Non pas de garder du monde dans le sous-sol chez eux à se tourner les pouces, mais de leur offrir une possibilité d'avoir une réinsertion sur le marché du travail. Ce n'est pas noble, comme objectif de société? C'est ça qu'on fait, M. le Président. Ça urge, ça presse.

(1 h 50)

Et je pourrais les prendre, toute la législation qui est dans la motion du leader du gouvernement. Et, M. le Président, je les comprends un petit peu. Je parlais d'envie tantôt. Mais, quand un gouvernement n'hésite pas à prendre des positions difficiles pour atteindre ses objectifs, puis il y a une cohérence, il y a une volonté politique de faire, puis qu'on progresse, M. le Président, je vous avoue que c'est décevant de voir certains, par exemple, de l'opposition se lever, faire les offusqués, invoquer des articles 184, déchirer leur chemise, se scandaliser. Il n'y a jamais eu un gouvernement aussi bâillonneur que nos amis d'en face au moment où ils occupaient les banquettes, ici. Moi, je me souviens du député de Portneuf d'alors, Michel Pagé, M. le Président – j'étais leader de l'autre côté, moi – une certaine fin de session – puis mes collègues s'en rappelleront, je vois le député d'Abitibi-Ouest qui était mon adjoint à l'époque – 28 lois, et pas des lois pour rencontrer le déficit zéro, là, pas des lois pour rectifier notre tir sur le plan social, pas des lois pour aller dans le sens du gros bon sens de l'occupation des locaux vides, 28 lois, tous azimuts, il s'est levé debout: M. le Président, il nous faut cette législation. On va leur passer sur le corps.

Ce n'est pas ça qu'on vous dit, nous autres. On dit: Collaborez donc à adopter une législation logique qui nous permet d'atteindre des objectifs que vous auriez aimé atteindre. Pensez-vous que vous n'auriez pas aimé ça, vous, une couple d'années, au lieu de vous tromper de 1 000 000 000 $ par année dans vos prévisions, si vous vous étiez trompés d'une couple de millions? Vous connaissant, vous qui vous pétiez les bretelles avec des riens, vous réussissiez à essayer de vous les péter avec 1 000 000 000 $ d'erreur, ça aurait été épouvantable si vous aviez rencontré les objectifs qu'on rencontre. M. le Président, ce n'est pas croyable!

Quand je les vois... Je vois la mine du leader de l'opposition, la mine triste, abattue: Ce gouvernement ne nous permet pas de discuter. M. le Président, on va payer les autobus, puis on va les emmener dans la commission du ministre de la Justice. Ils vont nous dire: Êtes-vous capable d'en mettre quelques-unes d'autres, des lois, dans cette clôture-là? Avec les niaiseries qui se sortent, M. le Président, ce n'est pas croyable, c'est inconcevable. C'est inconcevable. On parle du niveau de conduite des travaux ici. M. le Président, je n'ai jamais vu autant d'âneries et de bassesses de dites en cette Chambre depuis un certain temps. Autant. Autant, M. le Président. Et il y a des spécialistes en droit de l'autre côté qui ont perdu toutes les notions élémentaires de droit. À écouter le député de Chomedey depuis un bon deux mois, je «peux-tu» vous avouer que le Barreau doit en avoir honte. Ça n'a pas de bon sens, les âneries qui se sont sorties dans ce Parlement, M. le Président, de la part d'une personne appartenant à un collège aussi prestigieux que le Barreau.

Et on nous demande, nous, ici, d'endurer ça, M. le Président, même d'endurer les conneries, là, qui se disent présentement. Parce que ça leur fait mal, ça leur fait mal de voir qu'une formation politique a la volonté d'atteindre ses objectifs. Puis on va les atteindre, M. le Président, on va les atteindre parce qu'on va expliquer à la population qu'il est indispensable d'utiliser au maximum les ressources que nous avons. Nous traversons des périodes difficiles, mais c'est fini d'endetter les générations futures. Ce n'est pas à nos enfants et à nos petits-enfants à payer nos services actuels. Ça, c'est clair. Puis une formation politique qui décide ça et qui le fait, M. le Président, je suis convaincu qu'on est sur la voie de rebâtir une crédibilité pour les hommes et les femmes politiques. On en a vu, des premiers ministres, ailleurs, promettre d'abolir la TPS, de couper littéralement, de déchirer le traité du libre-échange, puis rendus là, M. le Président, ils viennent dire qu'ils ne l'ont pas dit. Et ça, ça a contribué, au cours des ans, à baisser la crédibilité des hommes et des femmes politiques.

Nous, on a des objectifs et on va prendre les moyens de les atteindre. Il faut utiliser le règlement non de gaieté de coeur, comme disait le leader. Et je le sais, j'ai occupé ce poste-là. Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on utilise une motion de clôture de débat bien souvent inutile sur plusieurs lois, tout simplement parce qu'on a une stratégie d'emmerder un gouvernement, d'embêter un gouvernement. Mais un gouvernement qui a les objectifs que l'on a, M. le Président, de rebâtir la crédibilité des finances publiques du Québec, de faire en sorte que nos générations futures, nos enfants, nos petits-enfants n'aient pas à payer pour nos services, faire comme on a fait dans le domaine de l'aide juridique, dans le domaine des médicaments, permettre à du monde qui n'a aucune qualité de services d'en avoir, et de faire partager par l'ensemble des citoyens du Québec le coût de ces services qu'on doit donner à ceux qui n'en ont pas, c'est des objectifs nobles, M. le Président.

Et les députés de l'autre côté qui sont un tantinet ouverts à une équité sociale sont bien d'accord avec nous autres. Ils ne le diront pas en Chambre, par solidarité d'équipe, mais, dans le fond, ils se disent: Si on avait fait ça, le temps qu'on était là. On aurait donc dû. Je vous dis qu'il y en a des «on aurait donc dû», l'autre bord, M. le Président. On aurait donc dû ne pas se tromper de 1 000 000 000 $ par année. On aurait donc dû ne pas faire un déficit de 5 700 000 000 $. On aurait donc dû, l'équité salariale, la passer le temps qu'on était là. On aurait donc dû aller vers l'assurance-médicaments. On aurait donc dû. Mais les «on aurait donc dû» les ont conduits de l'autre bord, parce qu'ils n'ont pas osé, ils n'ont pas eu le courage politique de poser les gestes que l'on pose.

Ça peut faire mal à court terme, certains gestes, oui, mais quand on est responsable et qu'on gère en fonction de l'avenir, administrer, c'est l'art de prévoir. C'est ce qu'on essaie de faire, c'est ce qu'on essaie de bâtir. Et je suis convaincu qu'à l'aube du deuxième millénaire, avec les efforts que l'on fait présentement, les coups durs politiques que l'on subit présentement, les gens nous en seront reconnaissants pour longtemps. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, monsieur...

M. Lefebvre: Je vous demanderais de céder la parole à mon collègue de Châteauguay. Vous nous avez indiqué que nous disposions encore de trois minutes, alors, il va les utiliser, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il ne reste pas beaucoup de temps sur cette motion, malheureusement. J'aimerais simplement dire, à ce moment-ci: quatre projets de loi sur lesquels il nous a été impossible de s'exprimer et où on vient nous parler de démocratie, de projets de société, de social-démocratie. Je dois vous dire qu'à cette heure-ci, 2 heures du matin, je suis déçu et j'ai un peu de honte pour le gouvernement qui est en face de moi. Un peu beaucoup de honte de voir les sourires qu'ils affichent à manifester la tyrannie de la majorité.

Des voix: Oh!

M. Fournier: Parce que c'est bien de cela qu'il est question, M. le Président. Et on les regarde sourire et rire, abuser de la force du nombre. Et je n'ai qu'à le dire pour les voir réagir. Je me souviens de l'époque où ils formaient l'opposition. M. le Président, lorsque ce parti-là formait l'opposition, ils ont déchiré tant de chemises au nom de la démocratie! Aujourd'hui, quel est le souvenir qu'ils ont de leur stage dans l'opposition? Un stage qui va les ramener très bientôt dans l'opposition, parce qu'ils ne savent pas gouverner, parce qu'ils ne savent pas écouter le peuple.

La démocratie, M. le Président – et c'est le seul temps que j'ai – appelle que le gouvernement écoute à l'extérieur de ses murs. Écoutez le peuple vous parler. Nous voulons, nous, être l'écho du peuple, mais vous voulez nous bâillonner. Le peuple ne sera jamais bâillonné.

Des voix: Ah!

M. Fournier: Et je sais que je les réveille, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Je les réveille parce qu'ils dorment. Jamais, jamais nous ne laisserons le peuple être bâillonné. Nous nous lèverons en Chambre à tous les jours et nous leur rappellerons qu'ils ont trompé le peuple. Ils ont trompé le peuple parce qu'ils leur ont promis la démocratie, mais ils leur ont donné la tyrannie de la majorité. Et nous serons là pour vous rappeler que lorsque vous étiez dans l'opposition et que vous avez déchiré vos chemises...

Une voix: Hypocrites!

(2 heures)

M. Fournier: Vous allez y retourner très rapidement parce que, aujourd'hui, tout ce que vous faites... Malgré tout ce que j'entends, M. le Président, et je termine là-dessus, sur cette social-démocratie, nous ne sommes plus avec ce gouvernement à la répartition de la pauvreté, parce qu'il ne crée pas la richesse, il n'y a aucun plan de développement de l'économie, il n'y a rien dans ce gouvernement, il n'y a que le vide, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de Châteauguay. Alors, nous allons terminer notre débat en cédant la parole au whip en chef du gouvernement et député de Laviolette. Alors, M. le whip en chef.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Si le ridicule tuait, M. le Président, il y aurait déjà un mort ici, en cette Chambre.

Une voix: Bravo, Jean-Pierre!

M. Jolivet: Je dis ça, M. le Président, en étant sérieux. Je pense qu'on peut bien vouloir rire d'une motion telle que présentée, dans la mesure où on vient dire ici, à l'Assemblée, qu'on les empêche de parler sur des projets de loi. Il n'y a personne qui les empêche de parler sur un projet de loi: on va le faire demain, M. le Président. On va parler sur les projets de loi. La seule chose, c'est que, compte tenu des circonstances, compte tenu de la motion, on limite le temps. Il n'y a rien qui empêche dans le règlement de le faire, et on le fait.

Et, quand on vient nous le dire de la façon dont on vient de le présenter ici, ce soir, je pense, M. le Président, qu'on ne dit pas toute la vérité. Il faut que les gens qui nous écoutent ce soir, même s'il est 2 heures de la nuit, M. le Président, sachent très bien que, pour décision gouvernementale, comme disait la ministre tout à l'heure, nous allons décider. Et, si nous décidons, nous le décidons parce qu'il n'y a aucun moyen que de le faire de cette façon-là à ce moment-ci, M. le Président.

Et, quand les gens d'en face viennent nous parler de quatre projets de loi ou de six projets de loi dans une motion, je me souviens – j'étais ici, à l'Assemblée nationale, le ministre d'État aux Ressources naturelles était aussi en cette Chambre à ce moment-là – quand le ministre responsable comme leader du gouvernement de l'époque, le député de Portneuf, avait passé 28 projets de loi.

M. le Président, quand on donne le droit de parler sur des projets de loi en les limitant, ce que permet le règlement, la façon dont on l'a vécu à l'époque... ceux qui n'étaient pas ici et qui parlent ce soir devraient savoir qu'on avait, par projet de loi, cinq minutes tout compris, M. le Président. Et ça, vraiment, c'était bâillonner des gens, c'était les empêcher de parler correctement, convenablement sur des projets de loi tels qu'on les avait présentés à l'époque, d'autant plus qu'il n'y avait pas les besoins que l'on a actuellement de prendre la décision comme on le fait à ce moment-ci.

Alors, M. le Président, quand je vois les gens d'en face s'offusquer de ces choses, venir parler au nom du peuple, je leur dirai que, moi aussi, comme tous les gens de notre formation politique, on les rencontre. On sait que ce n'est pas facile, ce qu'on a à faire, mais on doit le faire. On le fait parce qu'on a une responsabilité d'État qu'ils n'ont pas eue quand ils étaient au pouvoir. Et, quand ils ont dépassé les budgets tels que présentés, non pas en disant qu'ils avaient un budget déficitaire de 1 000 000 000 $, c'était 1 000 000 000 $ de plus que ce qu'ils avaient prévu, M. le Président, d'année en année.

Donc, nous avons l'intention d'agir pour des raisons immédiates et importantes, et jamais nous ne le ferons pas, puisque notre décision, M. le Président, elle est logique, elle est correcte, elle est dans le contexte de ce qu'on a comme besoins.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le whip en chef du gouvernement.

Des voix: ...

M. Bélanger: M. le Président, je pense que vous entendez clairement des propos antiparlementaires.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs! Messieurs! Messieurs, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs, s'il vous plaît!

Je mets maintenant aux voix la motion de suspension de certaines règles de procédure présentée, conformément aux dispositions des articles 182 et 183 du règlement, par M. le leader du gouvernement.

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote nominal est demandé. Veuillez appeler les députés, s'il vous plaît.

(2 h 5 – 2 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Merci. Alors, s'il vous plaît!


Mise aux voix

Nous mettons maintenant aux voix la motion de suspension de certaines règles de procédure présentée, conformément aux dispositions des articles 182 et 183 de notre règlement, par M. le leader du gouvernement.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides)...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! Ça ne doit pas être trop, trop fréquent que le président se lève pour interrompre un vote, mais je voudrais qu'il se fasse dans le calme afin de permettre également à notre personnel d'être en mesure de le faire de la bonne façon. S'il vous plaît, messieurs!

Le Secrétaire adjoint: M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Pinard): Maintenant, que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), M. Fournier (Châteauguay), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des abstentions? Alors, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour:63

Contre:33

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, veuillez vous asseoir! On n'a pas terminé.

Alors, à ce stade-ci, je déclare donc que la motion est adoptée. Or, conformément à la motion adoptée, je cède maintenant la parole au président de la commission des institutions et député de Bonaventure. M. le député.


Dépôt de rapports de commissions


Projet de loi n° 77

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 5, 6, 9, 10 et 11 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives. La commission n'a pas complété l'étude du projet de loi.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le rapport est déposé. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Conformément à la motion adoptée, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à ce matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): La motion est adoptée? Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 2 h 17)