L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 20 mars 1997 - Vol. 35 N° 80

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Neuf heures quarante-neuf minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Nous débutons les affaires du jour. Conformément à l'ordre adopté hier, l'Assemblée va poursuivre l'étude des crédits budgétaires pour l'année financière 1997-1998 déposés par le ministre d'État de l'Économie et des Finances le 18 mars 1997 et renvoyés en commission plénière en vue de l'adoption d'un quart de ces crédits.

Alors, l'Assemblée va se constituer immédiatement en commission plénière. Nous allons suspendre quelques instants pour permettre aux officiers du ministère de l'Éducation de bien vouloir intégrer ces lieux.

(Suspension de la séance à 9 h 50)

(Reprise à 9 h 56)


Commission plénière


Étude des crédits provisoires 1997-1998

M. Pinard (président de la commission plénière): Alors, je vous rappelle que la commission plénière se réunit afin de poursuivre l'étude des crédits provisoires pour l'année 1997-1998 conformément à l'ordre adopté hier par l'Assemblée.


Éducation

Au cours des 45 prochaines minutes, nous allons procéder à un échange entre Mme la ministre de l'Éducation et M. le député de Marquette sur l'enseignement primaire et secondaire. Je vous rappelle qu'une période de cinq minutes est accordée aux députés indépendants. Avant d'accorder la parole à Mme la ministre de l'Éducation pour ses remarques préliminaires, je vous rappelle également qu'une période maximale de cinq minutes est accordée à chacun des groupes parlementaires pour ses remarques préliminaires. Alors, nous allons débuter immédiatement par Mme la ministre de l'Éducation.


Remarques préliminaires


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je pourrai, à l'occasion d'interventions s'il y a lieu, présenter les membres de l'équipe du ministère de l'Éducation qui m'accompagnent ce matin, mais, d'entrée de jeu, je voudrais quand même vous présenter la sous-ministre en titre, qui est d'ailleurs à ces fonctions depuis quelques mois à peine, Mme Pauline Champoux-Lesage, qui est sous-ministre en titre au ministère de l'Éducation.

D'abord, peut-être plus globalement, voir quel est l'effort qui est demandé au ministère de l'Éducation et à ses réseaux pour ensuite venir à la question plus concrète qui concerne le primaire-secondaire. D'abord, il n'est pas inutile sûrement de se dire que nous sommes dans les cibles qui avaient été prévues depuis quelques mois, on n'a pas dévié, et même c'est un petit peu en deçà. On parlait de 700 000 000 $, qui allait être l'effort global du ministère de l'Éducation. Or, dans les faits, c'est 683 000 000 $ qui seront consentis comme effort par le ministère de l'Éducation.

Globalement, une partie importante est liée aux coûts de main-d'oeuvre, 311 000 000 $, ce qui est quand même assez significatif et assez important, bien sûr, et qui est dans le cadre des discussions que nous avons encore à ce moment-ci avec nos partenaires syndicaux, et qui, puis-je me permettre de le dire, M. le Président, j'espère, se concluront, ces discussions, positivement. Je crois que de part et d'autre nous manifestons une ouverture significative. Tant que nous restons sur la question des coûts de main-d'oeuvre, toutes les avenues peuvent être explorées. Ce n'est peut-être pas inutile de se le rappeler surtout quand on est à la fin de ces discussions.

Donc, 311 000 000 $ proviennent des coûts de main-d'oeuvre, 102 000 000 $ de la taxe scolaire – j'y reviendrai, M. le Président – et une trentaine de millions de revenus additionnels liés soit à des droits de scolarité pour les étudiants étrangers, pour les étudiants canadiens qui viennent fréquenter nos universités ou notre système de formation professionnelle, une cinquantaine de millions qui sont des mesures diverses dont, entre autres, les réductions d'effectifs, par exemple, au ministère de l'Éducation, des frais administratifs, etc., et, enfin, un 188 000 000 $ qui est de la réduction de subventions des réseaux incluant donc le primaire-secondaire et l'enseignement supérieur. Alors, c'est important d'avoir ça en tête pour qu'on voie un petit peu comment se répartit l'effort et comment, dans les faits... on peut évidemment, bien sûr, dramatiser la situation, mais à quoi ça nous ramène concrètement pour l'effort demandé aux commissions scolaires, en dehors du fait qu'il y ait une taxe sur laquelle elles pourront compter qui sont des revenus. Donc, on conçoit bien que ce ne sont pas des réductions dans leurs services, à ce moment-là, qu'elles devront consentir, alors, ça nous ramène, pour les commissions scolaires proprement dites... pardon, pour le niveau primaire-secondaire, à un effort de l'ordre de 143 000 000 $. Maintenant on sait qu'il y a une partie qui est supportée par l'école privée, pour le réseau public, c'est 128 000 000 $, ce qui est un montant inférieur à celui entre autres de 1996-1997, qui était à la hauteur de 143 000 000 $.

Alors, malgré que l'année actuelle soit une année très exigeante – on le conçoit tous, là, puis il n'y a personne ici qui va dire qu'on fait tout ça de gaieté de coeur, qu'on trouve ça bien agréable, mais on sait que ça vaut la peine de le faire, par exemple, compte tenu de l'objectif que l'on poursuit globalement – l'effort de cette année est un peu moindre que celui de l'année passée et, au global, ça représente 2 % des dépenses des commissions scolaires; donc, c'est quand même un effort qui, je crois, peut être abordé d'une façon un petit peu plus sereine quand on sait ça. C'est important aussi de se le dire.

(10 heures)

Bon. Et j'ajoute, en troisième élément, le fait que certaines commissions scolaires... Puisque nous sommes en période d'efforts importants et en période difficile – il faut bien l'admettre, là, 683 000 000 $, ce n'est pas rien – c'est peut-être le moment justement de compter sur des surplus. Quand on accumule dans les institutions publiques, c'est essentiellement dans une perspective de prévoir des moments difficiles ou du développement futur auquel on souhaiterait consacrer des sommes importantes.

Or, on y est dans les moments difficiles. Parce que, sans ça, une institution publique n'a pas à accumuler de surplus. Ce n'est pas son objectif. On n'est pas une entreprise qui fait des profits puis qui dit: Moi, j'ai des surplus pour ensuite investir dans des choses qui vont me permettre d'en faire davantage. Mais c'est vraiment de rendre l'argent disponible pour le service public. Donc, il y a des surplus à une hauteur que nous calculons à ce moment-ci, au ministère, de 132 000 000 $. Donc, il y a un espace qui nous permettrait d'éviter d'aller vers les services aux étudiants, aux élèves. Alors, voilà ce que je voulais signifier d'entrée de jeu. Je répondrai aux questions qui seront soulevées par mon collègue le député de Marquette.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. M. le député de Marquette, pour vos remarques préliminaires.


Enseignement primaire et secondaire


Discussion générale

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je ne ferai pas tellement de remarques préliminaires, je préfère poser des questions, si la ministre est d'accord. Je pense que le but de l'exercice, c'est d'avoir des informations.

La première question, c'est au niveau du transport scolaire et au niveau de la maternelle cinq ans. En relisant le livre des crédits, surtout le volume III, «Plans ministériels de gestion des dépenses», à la page 183, on dit bien qu'il va y avoir une réduction de l'enveloppe budgétaire consacrée à l'aide au transport scolaire. Ça, les chiffres le confirment.

Par la suite, à la page 186, lorsqu'on parle du transport scolaire, on parle de la réduction du financement: «Ce programme de 424 300 000 $ vise à permettre aux institutions de niveaux primaire et secondaire d'assurer le service de transport aux élèves.» Où est le niveau préscolaire? Comment allez-vous financer le transport scolaire pour les maternelles cinq ans, les plus de 90 000 élèves qui vont maintenant être inscrits dans les commissions scolaires? Où est le financement pour ce transport scolaire là?

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, d'abord, pour mettre les choses au clair – je pense que c'est notre objectif aussi ce matin – surtout que je suis intervenue sur cette question du transport scolaire hier et j'ai erronément donné un chiffre qui n'était pas le bon, involontairement, en parlant d'un effort budgétaire qui allait être demandé de 50 000 000 $ aux commissions scolaires. Alors, c'est 40 000 000 $. Vous savez 10 000 000 $ de moins, c'est énorme dans le cas présent.

Donc, il y a un effort qui sera demandé aux commissions scolaires de 40 000 000 $. C'est un budget de transfert qui n'avait jamais été retouché. En fait, depuis qu'on fait des efforts budgétaires significatifs au gouvernement, bon an, mal an, on continue de ne pas toucher au budget affecté au transport scolaire. Et, cette année, il y a un effort qui va être demandé là, mais dans une perspective où... On sait que tous les contrats arrivent à échéance en juin prochain. On sait aussi, nos informations, comme on dit, notre tam-tam nous dit qu'il y a dans les faits certaines commissions scolaires qui paient beaucoup moins que le transfert qu'on leur verse pour le coût de transport de leurs élèves. Et c'est correct. Moi, je félicite les commissions scolaires de procéder comme ça. Si elles peuvent le faire, tant mieux, parce que c'est de la saine gestion. Et c'est ça, l'autonomie qu'elles ont, de pouvoir utiliser leur capacité de décider, de négocier, pour aller chercher des rabais lorsque nécessaire. Et puis, comme, nous, le ministère, on transfère... pas nous, mais le ministère des Transports transfère sur une base globale le coût par élève, selon un certain nombre de critères – je n'entrerai pas dans le détail... Donc, on sait qu'il y a des commissions scolaires...

M. Ouimet: Est-ce que le financement du transport scolaire est dans le livre des crédits? Allez-vous le financer, oui ou non? C'est ça qui est la question.

Mme Marois: J'y arrive, j'y arrive. Alors donc, il y a un effort budgétaire qui est demandé de l'ordre de 40 000 000 $. À l'origine, c'était 50 000 000 $, et c'est pour ça que j'avais mentionné ce chiffre, parce que c'est celui-là que j'avais en tête. Puis, en revoyant mes documents, je me suis dis: Bien sûr. Pourquoi est-on revenu à 40 000 000 $ plutôt qu'au 50 000 000 $ qui était déjà prévu? Pour justement permettre de tenir compte du fait qu'il y aura, dans les commissions scolaires, une charge nouvelle liée à la maternelle cinq ans. Il faut dire cependant que les enfants qui allaient en maternelle cinq ans, ils étaient déjà transportés, là. Ils allaient en maternelle à la demi-journée, mais ils étaient transportés. Alors donc, ce n'est pas tous les enfants pour lesquels cela exigera un coût supplémentaire, mais c'est la moitié des enfants concernés, là où il y a nécessité de les transporter aussi, parce qu'il y a quand même des milieux où il n'y a pas nécessité de les transporter. Bon.

Donc, effectivement, actuellement il y a des discussions qui ont cours avec les commissions scolaires, mais il n'y a pas de crédits autrement prévus – je pense qu'il faut être bien clair sur cela – actuellement dans les sommes qui sont transférées par le ministère des Transports, sauf cet effort qui devait être demandé. Parce qu'il y a eu des discussions avec les commissions scolaires, mon collègue le ministre des Transports les a rencontrés à quelques reprises d'ailleurs – de mes gens étaient aussi à ces discussions, mes représentants étaient aussi à ces discussions – et l'effort, comme je le mentionne, qui devait être de 50 000 000 $ a donc été réduit dans la perspective où il y avait évidemment cette responsabilité nouvelle. Par contre, si on pouvait trouver à l'intérieur d'autres mesures, évidemment, la possibilité de mieux couvrir cet aspect, tant mieux, mais, pour l'instant, c'est dans le contexte global de l'effort qui sera demandé aussi aux commissions scolaires. J'aimerais peut-être dire une chose...

M. Ouimet: Alors, en d'autres termes, lorsque...

Le Président (M. Pinard): Vous vouliez rajouter?

Mme Marois: Juste terminer par une chose. Il est bien clair – je pense que le député l'a bien vu, là – que les sommes affectées à tout ce nouveau volet de la politique familiale que nous avons annoncée il y a quelques semaines, quelques mois maintenant, évidemment, apparaîtront au discours du budget et ensuite feront l'objet de lois, etc. Par respect pour l'Assemblée nationale, on croyait qu'il était préférable de passer pas la voie budgétaire pour pouvoir opérer ensuite très concrètement, parce que, par la voie des crédits, il aurait fallu attendre l'adoption de lois, etc.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Ouimet: Ça va. Mais, au niveau des dépenses, là, lorsqu'on regarde les crédits affectés pour le transport scolaire, la ministre est en train de dire que, pour l'année prochaine, malgré la charge additionnelle pour les commissions scolaires d'accueillir environ 90 000 élèves – et on sait qu'il y en a qui étaient déjà à demi-temps – il n'y aura pas de financement additionnel dans le livre des crédits pour le transport scolaire. Ça, c'est clair, il y a moins de financement. Là, ce que vous dites, c'est qu'on avait envisagé, les partenaires du secteur de l'éducation avaient lu la compression comme étant de l'ordre de 50 000 000 $. Là, vous vous dites: Elle ne sera pas de 50 000 000 $, elle sera de 40 000 000 $. Moi, je n'ai pas entendu mes partenaires dans le réseau de l'éducation dire ça.

Ce que je comprends au net-net dans le livre des crédits: il n'y a pas de financement additionnel au niveau des crédits pour le transport scolaire. Je regarde simplement le livre des crédits, je compare le financement qui a été accordé l'année passée par rapport au financement accordé cette année, et il y a une diminution des crédits pour le transport scolaire, il y a une augmentation du fardeau imposé aux commissions scolaires de transporter des élèves qui n'étaient pas transportés l'année dernière, d'une part. D'autre part, lorsqu'on regarde la maternelle...

Mme Marois: M. le Président, je m'inscris en faux contre ça.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre...

Mme Marois: C'est parce que ce n'est pas juste. Je pense que le député...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, Mme la ministre, est-ce que vous aviez...

Mme Marois: Oui, bien, je vais laisser terminer mon collègue et puis je reviendrai. Je reviendrai.

Le Président (M. Pinard): La question...

M. Ouimet: J'avais un deuxième point, là: Mais les partenaires... La ministre peut bien s'inscrire en faux, mais les partenaires l'ont bien compris, là. C'est une charge additionnelle imposée aux commissions scolaires sans les crédits qui devraient l'accompagner, cette charge additionnelle là.

D'autre part, lorsqu'on regarde un enfant qui va aller à la maternelle cinq ans temps plein, qu'est-ce qui va se passer sur l'heure du midi pour les 90 000 élèves? Et c'est là que vient la notion que les commissions scolaires vont charger les frais de transport le midi, ce qui est déjà prévu comme étant légal dans la Loi sur l'instruction publique. Donc, les parents des enfants de cinq ans qui seront inscrits à la maternelle temps plein – selon les prévisions de la ministre, ça devrait dépasser 95 % des 90 000 élèves, et je pense que je suis d'accord avec elle là-dessus – il va y avoir un fardeau additionnel imposé aux parents des élèves de cinq ans parce que, sur l'heure du midi, ou les enfants vont dîner à l'école ou d'autres enfants vont retourner à la maison pour dîner. Il va y avoir des coûts de transport le midi. Le coût de transport sera défrayé par les parents.

(10 h 10)

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: Bon. Alors, il y a une première chose. Là où je m'inscris un peu en faux, c'est que, écoutez, les enfants, les 90 000 enfants fréquentaient tous la maternelle, en fait à 98 %. Donc, ils la fréquentaient tous, sauf qu'elle était à demi-temps. Donc, on n'ajoute pas. On transportait le matin la moitié des enfants puis, l'après-midi, l'autre moitié des enfants. Donc, comme ils y allaient tous déjà, les 90 000, on ne peut pas dire qu'il y aura des frais supplémentaires. Évidemment, le véhicule pour les transporter était peut-être un peu plus petit; là, il y aura peut-être ça, parce que les groupes étaient un peu moins gros parce qu'on les divisait en deux. Alors, ça, c'est à la marge. Donc, il y aura peut-être cet aspect-là. Mais, dans les faits, on les transportait déjà, pour ceux qui avaient besoin d'être transportés. Bon.

Le deuxième élément qui est soulevé par le député, c'est la question du dîner à l'école. Bien, ça, c'est sûr, et eux-mêmes ont eu... le gouvernement qui nous a précédés a appliqué cette politique – ils ne l'ont pas changée d'ailleurs – à savoir que les commissions scolaires – c'est la Loi sur l'instruction publique qui le prévoit et les règlements qui l'accompagnent – peuvent charger aux parents certains frais si les enfants veulent avoir du transport le midi dans le rayon qui les met suffisamment loin de l'école pour y avoir droit. Donc, les payer. Sinon, ils peuvent, les enfants, évidemment manger à l'école, avoir de la garde en milieu scolaire.

Alors, sur ça, deux choses. Alors donc, on applique la politique générale qui s'applique pour tous les enfants du Québec. Et c'est là justement que des surplus dans certaines commissions scolaires, par exemple, peuvent servir dans certains cas – ça a été un fait – pour couvrir ces coûts ou une partie de ces coûts et que le parent n'ait pas à défrayer nécessairement tous les coûts.

La deuxième chose que je veux soulever sur cette question, cependant, c'est que le parent qui, par exemple, voudrait laisser son enfant à l'école parce qu'il aura la garde en milieu scolaire, aura, bien sûr, aussi à défrayer un coût. Ce ne sera pas celui de l'autobus, ce sera celui de la garde en milieu scolaire. Mais, dans ce cas-là, il y a deux facteurs qui viennent compenser la réduction des coûts qu'il devra assumer s'il décide de laisser son enfant en garde en milieu scolaire à l'heure du lunch. D'abord, le parent continuera d'avoir accès au crédit d'impôt remboursable pour frais de garde. J'ai répondu d'ailleurs au collègue du député de Marquette la semaine dernière à cette question. Il sera donc possible d'avoir accès au crédit d'impôt pour frais de garde, et éventuellement on regarde des hypothèses pour qu'effectivement ce soit mieux couvert par la programme APPORT dans le cas des gens qui auraient un revenu insuffisant et qui n'ont pas à payer d'impôt et qui ne peuvent pas déduire certaines choses. Là aussi il y aurait une possibilité. Et enfin, les gens qui sont dans des programmes de sécurité du revenu ou autrement ont accès, bien sûr, à la formule d'exonération qui continuera de s'appliquer pour le milieu scolaire. Donc, il faut être prudent en ce sens-là.

Pour ce qui est du transport, les enfants étaient déjà transportés. Ils le seront le matin et le soir; donc, il n'y a pas nécessairement un ajout de coûts significatif. D'autre part, pour ce qui est de la garde, bien sûr qu'ils devront assumer un frais ou assumer un frais de transport que la commission scolaire pourra leur charger, mais, pour ce faire, s'ils choisissaient la garde, bien, il y a de multiples ressources disponibles pour les familles qui n'auraient pas les moyens d'assumer ce coût-là.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Oui. On peut bien dire, la ministre a raison, que les enfants qui étaient à la maternelle demi-temps étaient transportés le matin, ils étaient retournés à leur domicile l'avant-midi. Dorénavant, avec la maternelle temps plein, ils seront transportés le matin et retournés à leur domicile vers les 15 h 15, 15 h 30, selon le cas. Sauf que, pour les parents qui vont vouloir que leurs enfants viennent dîner à la maison, là il y a un coût additionnel pour ces parents. La ministre peut bien dire que les règles n'ont pas changé, sauf que de plus en plus de commissions scolaires imposent des tarifs aux parents. Et la ministre le sait. Je lui ai fait valoir un cas où des commissions scolaires poursuivaient des parents pour des frais non payés. Ça, c'est alarmant. Donc, l'année prochaine, pour cette mesure-là – et c'est là-dessus qu'on doit être très clair – les parents des enfants de cinq ans doivent comprendre qu'ils vont devoir payer pour le transport scolaire le midi pour leurs enfants à la maternelle cinq ans.

J'aimerais maintenant aborder la question des immobilisations. On regarde dans le volume II du livre des crédits, à la page 112, il y a une baisse de la subvention. Si on regarde à la page 114, qui nous donne le tableau entre 1991-1992 jusqu'à 1997-1998, pour les commissions scolaires, en 1996-1997, le budget était de l'ordre de 462 200 000 $; pour 1997-1998, les dépenses prévues seront de l'ordre de 401 000 000 $: en apparence, une réduction de 60 000 000 $. Sauf que, lorsqu'on lit à la page 112, au volet éducation, les explications données par le président du Conseil du trésor, on voit bien que, de ce montant-là, des 401 000 000 $, il y en a 59 400 000 $, donc près de 60 000 000 $, qui sont affectés aux NTIC et il y a un autre 110 000 000 $ qui, lui, est affecté pour les nouvelles maternelles. Donc, on peut dire que des 400 000 000 $ prévus à la page 114 pour le réseau des commissions scolaires pour l'année qui s'en vient, 1997-1998, il y a déjà 170 000 000 $ qui sont affectés pour les maternelles et pour les NTIC. C'est exact?

Mme Marois: C'est ça. Vous avez tout à fait raison. C'est tout à fait juste.

M. Ouimet: Bon. L'année passée, il n'y avait pas de maternelle à temps plein, il n'y avait pas un coût de 110 000 000 $. Je regarde le budget pour l'année dernière, de 462 000 000 $. Si je soustrais les 170 000 000 $ pour les NTIC et les maternelles déjà affectées du 401 000 000 $, il va me rester 230 000 000 $, n'est-ce pas? 230 000 000 $ pour l'agrandissement, la rénovation, la réfection et la construction d'écoles. Ça, c'est une baisse de 50 % par rapport à l'année 1996-1997. On parle de 460 000 000 $ en 1996-1997, et on arrive à 230 000 000 $ en 1997-1998 pour répondre aux milieux qui sont en forte croissance ou pour faire la réfection des toitures, dans certains cas, des écoles plus vieilles: les toits coulent, les fenêtres doivent être changées, parce qu'il fait froid dans certaines salles de classe; dans d'autres cas, c'est la maçonnerie qui doit être refaite. Le choix qui a été fait par le gouvernement, c'est de réduire cette enveloppe-là de 50 %. Ça, ça n'a pas été dit. Mais ça, c'est clair, lorsqu'on lit les propos du président du Conseil du trésor dans le volume II. Et ça, c'est une catastrophe. C'est une catastrophe au niveau des infrastructures. On a réduit le budget de 50 %. Comment vont faire les commissions scolaires pour réparer les écoles, pour les entretenir, pour les maintenir?

Et plus alarmant encore, les régions, comme l'Outaouais, qui sont en forte croissance démographique, elles demandent depuis des années au gouvernement des investissements pour construire des écoles. Et c'est la même chose dans d'autres régions. La couronne nord de Montréal, ce qu'on voit dans le livre des crédits, c'est qu'il y a une baisse de 50 %. J'aimerais que la ministre puisse répondre à cela.

(10 h 20)

Mme Marois: Certainement, M. le Président. D'abord, reprenons cette fameuse page 114; elle est très éloquente, je crois, parce que, dans les années qui ont précédé l'arrivée de notre gouvernement, on a vu des dépenses d'investissements, dans les commissions scolaires, à hauteur de 287 000 000 $, de 386 000 000 $, de 354 000 000 $, de 350 000 000 $. Alors, entre autres, la dernière année où le gouvernement a eu une influence sur ces questions ou a pris des décisions à cet égard, on avait baissé de l'ordre de 100 000 000 $; on a baissé le niveau des investissements, pas augmenté, baissé le niveau d'investissements de l'ordre de 100 000 000 $. Bon. Et l'année précédente, on l'avait baissé de l'ordre de... De 1992-1993 à 1993-1994, on avait baissé de l'ordre d'une trentaine de millions; de 1993-1994 à 1994-1995, de l'ordre de 100 000 000 $.

Alors, là, je trouve qu'il faudrait être un peu prudent, M. le Président, puisque, dans les faits, notre gouvernement a pris des décisions, pour 1995-1996, qui ont rehaussé le niveau des investissements à 304 000 000 $, pour atteindre un sommet jamais atteint, en 1996-1997, de l'ordre de 462 000 000 $ – hein, c'est ça qu'on a fait en 1996-1997 – et, en 1996-1997, il y avait aussi des investissements dans les nouvelles technologies de l'information. Donc, si on enlève la somme qui était prévue pour les nouvelles technologies de l'information, ça nous ramène à un budget d'investissements sur les bâtisses de l'ordre de 400 000 000 $. Bon. Et, cette année, ça nous le ramènerait à une cinquantaine de millions en dessous, étant entendu que, cependant, on investit évidemment dans l'agrandissement, la modernisation, l'ajout de locaux pour les maternelles plein temps – c'est la priorité gouvernementale; que les nouvelles technologies de l'information, effectivement, sont prises en compte. Je pense que le député va convenir avec moi que c'est absolument majeur et essentiel qu'on procède ainsi. Quand on se compare aux années précédentes, si on regarde le niveau des investissements que l'on fait à cet égard, c'est tout à fait comparable et dans une période où les budgets globaux du gouvernement, eux, se sont réduits.

Et on dit bien dans les explications qui sont données pour ce qui est des investissements: «Cette diminution touche surtout les universités et les commissions scolaires où plusieurs projets majeurs ont été complétés en 1996-1997.» Il faut tenir compte de cela aussi. Il y a parfois des investissements très significatifs – je pense en formation professionnelle, où on a eu de gros investissements, donc qui concernent les commissions scolaires... Certains investissements significatifs ont accaparé les ressources sur une année et n'exigent pas maintenant qu'on réinvestisse à nouveau. Alors, donc, en ce sens-là le 401 000 000 $ qui est ici, m'apparaît tout à fait raisonnable par rapport à ce qui se passait dans les années antérieures.

Le Président (M. Pinard): En complémentaire sur le même sujet?

M. Ouimet: Oui. La ministre de l'Éducation a cette capacité de tenter de mélanger des choses et d'abrier des choses. La réalité est la suivante. 1997-1998 – ça c'est les chiffres qui apparaissent à la page 114 – c'est 401 000 000 $. On reprend à la page 112 et on dit de ce 401 000 000 $, qu'il y en a 160 000 000 $ qui est réservé pour les nouvelles maternelles et pour les NTIC. Il reste donc 230 000 000 $ pour l'agrandissement, la réfection, la rénovation et la construction; 230 000 000 $. Quand je regarde l'année précédente, 460 000 000 $, moi, ça m'indique une baisse de 50 % de ce budget-là. La ministre ne peut pas nier ça. Elle peut faire un retour en arrière. Ce que je regarde, quand je regarde en arrière, de 1991-1992, il y a eu une augmentation constante, sauf en 1994-1995, année où le PQ prend le pouvoir. Ça, là, les chiffres sont là.

Mme Marois: Les décisions d'investissements sont prises avant ça.

M. Ouimet: Mais le point important à faire valoir, et les commissions scolaires doivent être informées de cela, et c'est ça qui est la catastrophe: le budget sera amputé de 50 %, passant de 462 000 000 $ qu'il était en 1996-1997 à 230 000 000 $ en 1997-1998 – et je me répète – pour l'agrandissement, pour la rénovation, pour la réfection et pour la construction. Donc, nous allons assister à une détérioration importante des infrastructures.

J'aimerais maintenant que la ministre m'explique par ailleurs... Lorsqu'on regarde le service de la dette des commissions scolaires par rapport à l'année passée, on note une augmentation du service de la dette – je suis maintenant à la page 9-5 du volume I des crédits – en 1996-1997, le service de la dette était de 473 210 000 $ et il passe en 1997-1998 à 505 421 000 $, donc une augmentation du service de la dette de 32 000 000 $, alors que, sur le plan des dépenses gouvernementales de tous les portefeuilles, on constate une baisse du service de la dette globale: une baisse de 37 000 000 $. Et là, je suis à la page B-3 du volume l. Service de la dette: on constate une baisse de 37 000 000 $; on constate aussi une baisse des taux d'intérêt qui favorise heureusement les gouvernements tant provinciaux que le gouvernement fédéral. Comment la ministre peut-elle expliquer que l'endettement des commissions scolaires augmente de 32 000 000 $, alors que, dans tous les autres portefeuilles du gouvernement, il y a une baisse?

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: Écoutez. M. le Président, c'est relativement simple. Si on prend justement les chiffres des deux dernières années, on a une réponse quasi automatique, puisque, dans les faits, il y a eu des hausses significatives d'investissements dans les dernières années.

Écoutez, l'année dernière, on parle de 462 000 000 $ d'investissements, bien, ça génère des coûts de services de dette, ça, hein, qu'on le veuille ou non. L'année précédente, c'est 304 000 000 $ et, en 1994-1995, c'était de 287 000 000 $. C'était beaucoup moins, évidemment, que ce qu'on fait maintenant, qui est à 401 000 000 $, hein, il ne faut pas l'oublier, ce n'est quand même pas négligeable. Bon, 287 000 000 $, alors, additionnez tout cela, bien, les services de dette subissent en conséquence les hausses, ça va de soi.

Maintenant, je vais demander à M. Jean Bouchard de compléter mon explication, parce que je pense que c'est important au plan technique aussi, puisqu'on sait qu'il y a eu une augmentation du volume d'émissions d'obligations, et qu'il nous explique l'impact que cela a, entre autres sur la question du service de dette. Alors, M. Bouchard, s'il vous plaît.

M. Bouchard (Jean): Oui. C'est qu'on avait un certain retard dans...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, monsieur. Pour les fins d'enregistrement, pourriez-vous vous identifier, avec votre titre, s'il vous plaît?

M. Bouchard (Jean): Jean Bouchard, directeur de la programmation budgétaire au ministère de l'Éducation. Bon. On avait un certain retard dans les émissions d'obligations des commissions scolaires depuis quelques années et, depuis un an et demi, on a augmenté beaucoup le rythme d'émissions d'obligations. C'est qu'on rembourse plus de capital. Donc, ça a un impact direct sur notre service de dette.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Ouimet: Taxes scolaires. La ministre, ça fait deux années de file qu'elle fait le même coup. Je ne parle pas de l'augmentation de la taxe scolaire, je parle de dire des demi-vérités. Dans le sens suivant: l'ensemble des commissions scolaires, au Québec, ont atteint le plafond de la taxe scolaire en vertu de la loi. La ministre ne le dit jamais, ça. Les commissions scolaires ont atteint le plafond. Et le plafond – le calcul est prévu à l'article 308 de la Loi sur l'instruction publique... On dit carrément comment calculer la taxe maximale à laquelle les commissions scolaires ont droit. On prend un montant de base pour une commission scolaire qui a plus de 1 000 élèves et on dit: Ce montant de base là, il vaut 150 000 $. Avec l'indexation, c'est rendu à 169 000 $. Par la suite, on dit: On va prendre le nombre d'élèves de la commission scolaire et, en 1990-1991, on y attribuait 500 $. L'indexation, c'est rendu à 500 $ et quelques. Et là, le jeu du gouvernement, c'est de jouer avec la pondération des élèves. C'est de faire en sorte que, pour augmenter le plafond prévu à l'article 308 de la Loi sur l'instruction publique, on joue avec les plafonds. On dit: On augmente la pondération; on augmente donc la clientèle reconnue à la commission scolaire. Et ça, c'est depuis quelques années déjà.

(10 h 30)

Alors, moi, j'aimerais bien que la ministre dise les choses franchement. L'ensemble des commissions scolaires, l'année passée... L'ensemble des commissions scolaires, cette année, ont atteint leur plafond. Et c'est un aveu de la part du gouvernement dans le volume III, à la page 82, on dit que le ministère de l'Éducation va modifier les règles de financement pour permettre l'augmentation de la taxe. Pourquoi vous modifiez les règles de financement si, selon ce que vous prétendez, les commissions scolaires n'ont pas atteint leur plafond? Vous le savez aussi bien que moi, en vertu de l'article 308, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, vous avez atteint vos plafonds. Ce que vous allez faire cette année: vous allez reconnaître aux commissions scolaires l'ajout d'une nouvelle clientèle, les maternelles cinq ans temps plein, qui n'étaient pas comptabilisées pour les fins de la taxe, mais qui le seront cette année. Ça, ça va permettre d'aller chercher plus d'argent. Et la pondération que vous allez y attribuer, qui était de 0,75, là, elle sera rendue à 1,25. Qu'est-ce que ça fait, ce jeu, au niveau des pondérations, pour augmenter les effectifs scolaires? C'est que ça permet toujours de hausser le seuil pour obtenir plus au niveau de la taxe scolaire. Pourquoi la ministre de l'Éducation ne dit pas les choses clairement? C'est ça qui est la vérité. C'est ça qui est la réalité.

Dans un deuxième temps, le 10 000 000 $ que vous annonciez dans votre réforme «Prendre le virage du succès». Vous dites: L'école montréalaise, on va vous donner 10 000 000 $ d'argent neuf, puis, par la suite, vous lui demandez de financer ça en allant chercher 76 000 000 $ de plus au niveau du même Conseil scolaire de l'île de Montréal. Ce n'est pas rire des gens, ça? Je vous donne 10 000 000 $, mais allez donc taxer 76 000 000 $ de plus. Vous êtes en train de financer ce que vous donnez au Conseil scolaire de l'île avec son propre argent et avec les taxes des contribuables. Et ça, toutes les commissions scolaires de l'île de Montréal l'ont compris. C'est un cadeau de Grec que vous leur avez fait dans votre réforme parce que vous êtes en train de le financer en leur demandant d'augmenter la taxe scolaire pour défrayer des coûts que le gouvernement défrayait l'année passée, c'est-à-dire le coût des directions d'école.

Là, le gouvernement dit: Nous, on se retire de ce financement-là, allez le chercher au niveau de la taxe scolaire. Ça, ça vous a dégagé la marge de manoeuvre pour leur donner un petit 10 000 000 $. Et, là, vous dites que vous faites des choses pour les milieux défavorisés. Vous pouvez au moins dire les choses clairement. Un plus un, ça fait deux. La population comprend assez rapidement.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: Bon, alors, comme démagogie, c'est pas mal réussi, M. le Président. En conférence de presse, avec mon collègue le président du Conseil du trésor, j'ai pris la peine de dire justement qu'il y avait 37 commissions scolaires qui n'étaient pas au plafond prévu par la loi et que ces 37 commissions scolaires, donc, pourraient voir leur taux de taxes augmenter mais pas le plafond. Et lorsque le député fait de la démagogie... Un, c'était donc très clair, on n'a pas camouflé. On ne camoufle jamais rien, d'ailleurs, M. le Président. Je ne vois pas pourquoi il dit cela, il les trouve toutes, les réponses, d'ailleurs, lui-même, il nous les cite dans les documents. On ne camoufle pas. Non seulement dans ce cas-là on n'a pas camouflé, mais on a très clairement dit comment allait s'appliquer, comme d'ailleurs la loi le prévoit... On n'a pas changé les règles.

Et là où aussi il y a une petite pointe de démagogie, c'est que, écoutez, il y a un plafond d'établi pour la taxe scolaire. Pour toutes les commissions scolaires qui sont rendues à ce plafond, ça ne change strictement rien, ce qu'on vient d'annoncer. Ce sont celles qui ne sont pas déjà au plafond... Et, soit dit en passant, le plafond a été augmenté par le gouvernement qui nous a précédés. Nous, on n'avait pas touché à ce plafond-là à partir du moment où on avait implanté et modifié la fiscalité municipale touchant la fiscalité scolaire, on se souvient, au début des années quatre-vingt. Et c'est le ministre des Affaires municipales de l'époque – si je me souviens, je pense que c'était M. Ryan, à l'époque – qui avait déplafonné, qui avait enlevé le plafond pour ce qui est de la taxe au niveau des commissions scolaires et qu'il l'avait portée à 0,35 $ du 100 $ d'évaluation. Bon, alors, on va clarifier ces choses-là. Nous, on ne touche pas au plafond. Et, là où il y a de la démagogie profonde, c'est que les commissions scolaires de l'île de Montréal paient depuis des années 0,17 $ du 100 $ d'évaluation et même, avant la décision que nous avons prise l'année dernière, payaient 0,14 $ du 100 $ d'évaluation, alors que la majorité des citoyens du Québec payaient déjà 0,35 $ du 100 $ d'évaluation. La majorité des citoyens du Québec payaient déjà sur leur propriété, en vertu de cette loi et du niveau de taxation scolaire qui leur était appliqué, le 0,35 $. Pendant ce temps-là – et c'est correct, parce que la richesse foncière est celle-là – on épargnait certaines commissions scolaires, entre autres celles de la ville et de l'île de Montréal, donc les commissions scolaires couvertes par le Conseil scolaire de l'île de Montréal, comme d'autres aussi l'étaient à cause de leur richesse foncière et même, dans le fond, on transférait. C'était tellement vrai que certaines commissions scolaires avaient atteint le plafond, pour ne pas qu'on traite différemment un petit Montréalais qui va à l'école d'une petite fille qui reste à Baie-Comeau ou qui reste à Shawinigan ou à Grand-Mère; c'est tellement vrai cela qu'il y a un mécanisme de prévu au ministère de l'Éducation où on compense les commissions scolaires qui sont, elles, au plafond et qui ne peuvent pas en demander davantage à leurs citoyens et à leurs concitoyens. Donc, on leur verse, en péréquation, une somme qui permet de reconnaître les coûts encourus pour donner des services éducatifs à nos enfants et que ces services ne soient par différents selon qu'on vit à Montréal, ou qu'on vit à Baie-Comeau, ou qu'on vit à Hull, ou à Shawinigan. Alors, ça, c'est important.

Donc, pendant des années, les commissions scolaires de l'île de Montréal et les citoyens surtout – pas tant les commissions scolaires finalement, les citoyens – ont eu un certain avantage fiscal. C'est ça, la vraie vie, là; c'est ça la question d'équité à laquelle on est confronté. Bon, alors, donc... Parce que c'est important de clarifier tout ça, sinon, on peut dire n'importe quoi. Cependant, c'est vrai, comme c'est chez eux qu'il reste encore de la place, bien sûr, à partir du moment où on demande un effort du côté de la taxation scolaire, c'est chez eux que c'est plus important en termes de montants parce que la place était plus grande. Ils ont eu un avantage pendant plus longtemps à cette hauteur-là. On pourrait même dire que, en 1996-1997, en 1995-1996, en 1994-1995, ils ont eu des économies de l'ordre de 50 000 000 $, de 60 000 000 $ que les autres citoyens, eux, devaient assumer dans leurs taxes foncières. Ça, c'est important de faire cette démonstration-là et le député de Marquette ne peut pas contredire, il le sait très bien. Il connaît assez ce dossier-là pour savoir ça.

Troisièmement, M. le Président... Et on ne manipule pas les règles, là. Chaque année évidemment on modifie un certain nombre de règles budgétaires, ça va de soi, mais on ne peut pas, là, on n'a pas déplafonné, en demander plus aux commissions scolaires que ce qui est prévu dans la taxe. J'ajoute une dernière chose, M. le Président, parce que...

Le Président (M. Pinard): ...permettre au député de Marquette de revenir...

Mme Marois: Oui, je suis bien consciente, là, mais c'est parce que, moi, je n'ai pas fait ça aveuglément. Voyez-vous, ça fait quand même un an et quelques mois que je suis à l'Éducation, on a eu le temps de réfléchir en profondeur à tous les gestes que l'on désire poser, et que l'on pose. Le budget de cette année est arrimé avec une réforme majeure que nous voulons implanter et, lorsque j'ai annoncé, M. le Président, dans les crédits qui ont été déposés qu'il y aurait une ponction de l'ordre de 100 000 000 $ faite par l'intermédiaire de la taxe scolaire, j'ai tout simplement répondu positivement à une demande de la Fédération des commissions scolaires. Ça m'étonne d'ailleurs que maintenant elles soient un petit peu déçues de ça. Elles ont déposé un mémoire...

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre, s'il vous plaît, parce que, comme il...

Mme Marois: Alors, elles ont déposé un mémoire à la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics où elles ont demandé cela. Je leur offre cela, alors, voilà.

Le Président (M. Pinard): Merci, madame. M. le député de Marquette, il nous reste deux minutes et demi.

(10 h 40)

M. Ouimet: M. le Président, à entendre la ministre de l'Éducation parler comme elle parle de Montréal, et son collègue le ministre d'État à la Métropole, Montréal, c'est le paradis fiscal. Selon la ministre de l'Éducation, Montréal, c'est le paradis fiscal. Elle ne fait pas la différence entre l'évaluation foncière en région par rapport à l'évaluation foncière à Montréal, pour la même propriété. Il y a toute une différence. La ministre ne l'a pas compris, par exemple. M. le Président, si c'est vrai ce que la ministre dit, qu'ils ne touchent pas aux règles concernant la taxation scolaire, comment se fait-il qu'à la page 82, on dit, en toutes lettres: «En 1997-1998, le ministère modifiera les règles de financement pour permettre aux commissions scolaires de financer le coût des directions pédagogiques des écoles à partir des revenus de la taxe foncière?» Si vous ne le savez pas, vos fonctionnaires sûrement le savent. À chaque année, on joue dans ce règlement-là. Et, si j'ai tort, prenez l'engagement de ne pas toucher au règlement concernant le calcul de la taxe scolaire, prenez cet engagement-là dès maintenant, et, là, on va savoir si le taux de taxes va augmenter partout à travers la province ou s'il n'augmentera pas. La ministre le sait, les commissions scolaires sont au plafond, en vertu de la formule prévue à l'article 308; elle ne peut pas dire le contraire.

Par ailleurs, et c'est le dernier point, M. le Président: Comités patronaux de négociation, volume I, page 9-10: primaire, secondaire, l'enveloppe, en 1996-1997, était de 1 980 000 $; 1997-1998, elle passe à 2 180 000 $, une augmentation de 200 000 $ ou de près de 10 %, d'une part. Je fais la comparaison avec l'enseignement supérieur, même dossier, Comités patronaux de négociation, à la page 9-11: pour l'année 1996-1997, au niveau de l'enseignement supérieur, c'était de 2 419 000 $...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Marquette...

M. Ouimet: ...1997-1998, en tout cas, c'est une réduction de 20 %.

Le Président (M. Pinard): Si vous permettez, M. le député de Marquette. Hier, j'avais l'attitude suivante, c'est que, lorsque le temps était complété, je consentais également une minute de conclusion à chacun des... Mme la ministre, je vous donne une minute et, M. le député de Marquette, vous aurez également, en conclusion, une minute. C'est du temps supplémentaire que je vous... Mme la ministre.


Remarques finales

Mme Marois: Bon, alors, M. le Président, je maintiens intégralement ce que j'ai dit sur la question de la taxe scolaire. Il y a un plafond, nous ne le touchons pas et nous appliquons les règles budgétaires, qui sont chaque année modifiées, modulées dans tous les secteurs, mais qui ne viennent pas modifier le fait qu'on puisse demander davantage à une commission scolaire qu'à une autre. Voyons donc, M. le Président! Il y a un plafond de fixé. La majorité sont déjà au plafond; il en reste 37. Une fois la taxe actuelle appliquée, il en restera 16 qui ne seront pas encore au plafond. Et c'est très clair, on n'a absolument pas touché aux règles de ce plafond.

Deuxième élément. Quant à ce qui a trait à la hausse des coûts de nos comités patronaux, c'est essentiellement le fait qu'on leur a affecté le budget relié à leur location d'espace, tel que le prescrivent les règles et nos relations avec la Société immobilière du Québec, de sorte qu'apparaissent en toute transparence les coûts d'administration, de fonctionnement et de loyer. C'est donc ce qui explique la hausse des sommes affectées à cet item.

Le Président (M. Pinard): Je vous remercie beaucoup. M. le député de Marquette, une minute.

M. Ouimet: Hausse aux niveaux primaire, secondaire, mais baisse de 20 % au niveau de l'enseignement supérieur, comment est-ce qu'on explique ça? Mais, ça sera pour un autre moment.

On constate, M. le Président, et je résume: maternelle cinq ans, les parents vont être tarifés pour le transport scolaire le midi. Deuxièmement, les immobilisations – et la ministre a tenu ça sous silence – c'est une réduction de 50 % par rapport au budget de l'année passée pour la construction, l'agrandissement. La ministre a priorisé une clientèle, les maternelles cinq ans temps plein, au détriment de tout l'enseignement primaire et l'enseignement supérieur. Elle a réduit les budgets de 50 %. Et, moi, je vais regarder attentivement les nouvelles règles budgétaires et les paramètres de calcul de la taxe puis je vais lui remettre sur le nez que ses fonctionnaires ont joué au niveau de la pondération des élèves pour augmenter la taxe scolaire. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député Marquette. Alors, ceci met fin à cet échange. Je remercie les personnes qui ont participé à ce débat. Et, pour permettre au personnel qui accompagne la ministre de l'Éducation de se retirer, je suspends les travaux de la commission plénière quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

(Reprise à 10 h 46)


Enseignement universitaire

Le Président (M. Pinard): La commission plénière poursuit ses travaux sur l'étude des crédits provisoires pour 1997-1998. Au cours des 45 prochaines minutes, nous allons procéder à un échange entre Mme la ministre de l'Éducation et M. le député de Verdun sur l'enseignement universitaire. Je vous rappelle qu'une période de cinq minutes est accordée aux députés indépendants. Avant d'accorder la parole à Mme la ministre de l'Éducation pour ses remarques préliminaires, je vous rappelle également qu'une période maximale de cinq minutes est accordée à chacun des groupes parlementaires pour les remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre de l'Éducation, pour vos remarques préliminaires. Nous vous entendons.


Remarques préliminaires


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Quelques minutes à peine. Je pense que ce n'est peut-être pas inutile même si on vient de se le dire avec le député de Marquette, là, que... Évidemment, on avait mentionné que l'effort budgétaire global du ministère de l'Éducation serait plutôt de l'ordre de 700 000 000 $. On constatera qu'il est de 683 500 000 $, ce qui est donc un peu moins que celui qui avait été estimé ou attendu, et c'est tant mieux évidemment.

Maintenant, revenons à l'enseignement supérieur, puisque c'est de ça qu'on parlera maintenant. En fait, la réduction des crédits qui sert à financer les collèges publics, privés et les universités totalise 231 900 000 $, soit un effort budgétaire brut de l'ordre de 285 000 000 $. On comprend bien que la différence entre les deux est essentiellement due à l'autofinancement des coûts de système. On pense à la croissance des services de dette à long terme, aux hausses de clientèles, enfin, peu importe, tous ces facteurs qui font que normalement un budget croît d'une année sur l'autre, et c'est ce qu'on appelle nos fameux coûts de système.

Mais, cet effort – et c'est ce que j'ai expliqué au député de Verdun, et sans doute qu'il voudra poser un certain nombre de questions – en fait, est ramené à 172 800 000 $ pour l'enseignement supérieur, donc une réduction de 112 600 000 $, et ça, essentiellement dû à un changement dans la répartition de l'effort d'une année budgétaire par rapport aux années scolaires, parce qu'on sait fort bien qu'une année budgétaire du gouvernement ne correspond pas à l'année scolaire des universités et des collèges et qu'en plus il y a une différence entre celles-ci. Alors, effectivement, la répartition – peut-être que ça permettra d'éclairer notre collègue – passerait de 68 %-32 %, dans le cas des cégeps, à 64 %-36 %, donc ce qui est un écart d'à peine 4 % dans un cas comme dans l'autre, et, dans le cas des universités, effectivement, de 75 %-25 % à 70 %-30 %.

Évidemment, ce que ça permet de faire concrètement, c'est d'étaler sur plus d'une année un effort budgétaire qui est considérable pour le milieu universitaire. D'ailleurs, les recteurs, par la voix du président de leur Conférence... D'ailleurs, je vais profiter de l'occasion pour le féliciter parce qu'il a été à nouveau élu au sein de son université, M. Reid, toujours président de la Conférence des recteurs, qui disait dans les journaux ce matin que, dans le fond, le pire pourra être évité, puisque l'effort demandé au réseau pour l'année prochaine, soit 100 000 000 $, était inférieur de 50 000 000 $ à ce qui était prévu ou à ce que les universités appréhendaient. Et donc, en ce sens-là, je pense que c'est une façon de faire une planification, je dirais plus intelligente, que d'envoyer sur une année – lorsque les règles budgétaires et comptables nous le permettent – un effort qui peut devenir démesuré.

(10 h 50)

Dans les faits, en plus, M. le Président, et ça, ce n'est pas négligeable – je vais terminer avec cela – j'ai mis en place, dans le cas de la réforme de l'éducation, un groupe de travail qui se penche actuellement sur le financement des universités, à qui j'ai soumis une série de questions très longues. J'aurai l'occasion d'en reparler vendredi. Nous aurons, je pense, une interpellation sur la réforme. Je lui ai soumis, donc, une série de questions très longues sur les modalités de financement du réseau universitaire. Donc, en ce sens-là, je pense qu'il y a une certaine logique à procéder comme on le fait en disant: Si on peut répartir l'effort sur deux années, les recommandations nous permettront peut-être de corriger certaines lacunes et d'appliquer éventuellement ces recommandations pour l'année qui vient d'une façon qui va faire qu'on va y aller de façon un peu plus rationnelle.

Je me souviens des commentaires qui avaient été faits l'année dernière et qui m'avaient un peu blessée. Évidemment, ça nous choque toujours un peu quand on nous dit: Bon, bien, écoutez, on ne sent pas qu'il y a un plan à l'éducation et... Bon. Bien sûr qu'il y en avait un, mais il y en avait un qui avait ses limites parce que nous attendions les états généraux, nous attendions un certain nombre de travaux qui étaient en route, alors que, là, cette année, nous avons une idée très claire de là où nous voulons aller. Nos outils sont en train de donner les résultats escomptés, et je pourrai parler de ce qui se passe, entre autres, dans les cégeps, par exemple, où nous avons mis l'accent sur la réussite scolaire. C'est ça, le thème de la réforme. C'est mieux réussir, hein, c'est prendre le virage du succès.

Donc, les mesures que nous avons privilégiées au plan budgétaire sont des mesures qui s'inscrivent dans le cadre de la réforme et qui en tiennent compte et qui veulent permettre une meilleure planification des efforts budgétaires. Alors, c'est en ce sens que nous avons procédé.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, écoutez, là, un gouvernement nous donne un livre des crédits. Vous comme moi... Je lis, et je fais des soustractions. Alors, soustractions, je trouve que les crédits pour le fonctionnement des universités passent de 1 419 000 000 $ à 1 235 000 000 $. Je veux bien qu'on fasse tous les effets de bascule, etc. Même si on le répartit... Parce qu'il faut comprendre qu'il faut quand même penser qu'il s'est passé aussi des crédits l'année d'avant, puis l'année d'avant, puis l'année d'avant. Ce n'est pas la première fois qu'on prend des crédits. Alors, c'est quand même une compression que, moi, je lis de 184 000 000 $. On s'entend? On se comprend, là? C'est ça que je trouve.

Alors, qu'on le répartisse suivant deux douzièmes sur l'année qui finit puis 10 douzièmes dans l'année qui vient, je veux bien, mais, dans les comptes publics qui sont publiés – les comptes publics, ça existe – alors, dans les comptes publics au 31 mars, on voit ce qui a été transféré dans les différentes institutions. Alors, évidemment les comptes publics, c'est passé il y a deux ans là-dessus. On a réparti évidemment le montant, le 1 500 000 000 $, suivant les différentes institutions. Alors, d'une manière ou d'une autre, j'imagine que, cette année, au lieu de 1 501 000 000 $, on va répartir 1 235 000 000 $. Ça veut dire qu'il y aura 184 000 000 $ de moins qui sera réparti entre les institutions. Il n'y a pas de miracle. L'effet de bascule, ça ne crée pas de l'argent. Ça ne fait pas générer brutalement des millions de dollars, ce n'est pas vrai. Alors, qu'on le répartisse entre deux années, moi, je veux bien, mais ça veut dire qu'il faut prendre la bascule de l'année précédente aussi, parce que, si on joue comme ça...

Moi, je dis: Ça «serait-y» pas plus simple quand même d'avoir des chiffres qui correspondent à la réalité? Alors, fonctionnons avec des choses comparables. Parlez-moi pas de bascule. Comparons ce qui est... puis qu'on fonctionne en année budgétaire. On compare année budgétaire à année budgétaire. Moi, je veux bien travailler sur année financière et sur année financière, ça m'est bien égal, moi, mais au moins on compare les deux, des choses comparables. À moins que vous ayez changé les paramètres. Ça serait encore plus joli de changer les paramètres. Vous me permettrez de le dire, c'est déjà un débat qu'on avait eu avec le ministre des Finances à savoir: Est-ce que, pour atteindre son déficit zéro, il ne va pas purement et simplement changer les paramètres budgétaires de manière à abrier le déficit qu'il ne réussit pas à atteindre? Bon. Ça, c'est ma première question.

M. le Président, j'ai peu de temps, alors, je vais le dire, on va débattre là-dessus. Je voudrais aussi aborder les questions sur les cégeps, parce que je ne voudrais pas prendre tout mon temps sur le calcul de ça. Je voudrais quand même savoir si la compression a un effet sur les frais afférents ou non. Je voudrais aborder aussi dans les échanges les questions qui touchent le service aux étudiants, le fonctionnement des prêts et bourses, l'aide financière aux étudiants, où il y a des choses qui me semblent assez bizarres. D'ailleurs, dans votre communiqué que j'ai reçu, que j'ai lu, je ne comprenais même pas les chiffres. Dans le communiqué que vous aviez envoyé, les chiffres qui étaient à l'aide financière ne correspondaient pas entre ce qui était marqué dans le livre des crédits puis ce que vous disiez. Il y avait 100 000 000 $ de différence. Alors, je ne sais pas si c'est ce que vous avez dit dans le communiqué qui est vrai ou si c'est ce qui est dans votre livre des crédits. Est-ce qu'on est bien sûr qu'il y a 519 000 000 $ ou bien, comme dans votre communiqué, c'était 419 000 000 $? Vous preniez l'année précédente ou je ne sais pas quoi, à ce sujet-là. Alors, c'est à peu près les questions que je veux aborder. Je ne voudrais pas perdre trop de temps en remarques préliminaires parce que les remarques préliminaires, ça prend du temps et ça empêche de rentrer sur les questions pointues.

Le Président (M. Pinard): Alors, allez-y.


Discussion générale

M. Gautrin: Non, j'ai terminé. Alors, maintenant, je rentre. Est-ce qu'on pourrait maintenant m'expliquer comment, d'une compression de 184 000 000 $, par quel miracle on arrive – les détails du calcul que je voudrais refaire ensemble – à 98 000 000 $?

Mme Marois: Bon. Alors, je l'ai bien expliqué au député de Verdun cette semaine...

M. Gautrin: ...on a dit qu'on allait s'expliquer, aujourd'hui.

Mme Marois: Je lui ai donné les chiffres cette semaine, on va les reprendre maintenant. Remarquez que ce qui est heureux cependant, c'est qu'on m'offre la possibilité de discuter longuement avec mes collègues, à l'occasion des crédits, si j'ai bien compris, puisqu'on aura un bon nombre d'heures à passer ensemble, et, donc...

M. Gautrin: Oui, mais il faut au moins qu'on s'entende sur les chiffres d'abord.

Mme Marois: ...on pourra, à ce moment-là, dans le détail et dans le fin détail, procéder. Bon. J'ai expliqué au député de Verdun qu'effectivement... En fait, quand on regarde la différence dans les variations budgétaires, ce qu'on constate, c'est 647 000 000 $, dans l'ensemble global de nos crédits. Et on annonce...

M. Gautrin: Non, mais je suis au programme 5, élément 2.

Mme Marois: Non, je le sais. Mais on annonce un effort budgétaire de l'ordre de 683 000 000 $; il y a déjà, donc, une différence. C'est sûr que c'est la difficulté majeure, le député le sait, qu'on a, à l'Éducation, d'une année à l'autre.

M. Gautrin: Mais, Mme la ministre, ce que je voudrais savoir... Moi, je fais cette soustraction-là. Je comprends qu'il est difficile, le calcul, mais je voudrais comprendre. Alors, vous me dites que c'est 98 000 000 $. Comment vous faites, vous, pour arriver à 98 000 000 $, quand, moi, bêtement, quand je soustraits, j'obtiens 184 000 000 $? Alors, j'imagine qu'il y a un effet de bascule. Je veux bien tout comprendre, j'ai un crayon, je vais vous suivre, je vais additionner avec vous.

Mme Marois: Bon. Alors, l'effort budgétaire global, à l'enseignement supérieur, est de l'ordre de 285 000 000 $, hein. Global à l'enseignement supérieur. Après ça, si on prend le niveau universitaire, il se ventile de la façon suivante: au niveau de la main-d'oeuvre, on parle d'un 48 000 000 $; au niveau du revenu, on parle d'un 17 000 000 $, c'est-à-dire que ce sont les frais universitaires qui sont chargés aux étudiants étrangers, aux étrangers canadiens, etc. Dans les transferts aux universités, il y a donc un effort de l'ordre de 33 000 000 $ qui sera demandé aux universités. Et la règle de l'année scolaire sur l'année financière, soit ce fameux effet de bascule, va nous permettre de ramener à l'année prochaine des sommes qu'on n'aura pas à demander cette année, de telle sorte – et je viens d'expliquer ça à votre collègue de Marquette – pour essayer...

M. Gautrin: Non, non, continuez à expliquer, là.

Mme Marois: Pas au député de Marquette, je viens de vous l'expliquer à vous. C'est 70 000 000 $ qui effectivement seront concernés par la bascule qui, au total, pour l'enseignement supérieur, est de l'ordre de 112 000 000 $.

M. Gautrin: Madame...

Mme Marois: Et je viens de vous dire... Mais, M. le Président, vous allez me laisser terminer parce que ça va permettre au député de Verdun, je suis persuadée, de bien saisir.

M. Gautrin: Mais, pas du tout...

Mme Marois: Dans les remarques préliminaires, pour justement éviter toute espèce d'ambiguïté, parce qu'il m'avait soulevé cette question cette semaine, il m'avait dit: Est-ce que vous touchez à la hauteur de la répartition ou au niveau de répartition budgétaire, d'une année à l'autre? je lui ai dit oui. Je le lui avais dit déjà privément, je le lui ai dit très officiellement, M. le Président. Et je l'ai même dit à ce point officiellement que je l'ai présenté dans mes cinq minutes d'ouverture à cette commission. Je dis: Oui, nous touchons à ce paramètre, si le député veut parler de paramètre. Oui, nous touchons à ce paramètre, et je le fais volontairement, sciemment, consciemment, parce que je sais que l'effort budgétaire qui nous est demandé cette année est très élevé... J'allais quasiment utiliser un autre mot. Il est très élevé, M. le Président, il est presque démesuré. Il est trop élevé. Alors, ce qu'on essaie de faire, et c'est pour ça que, dans les stratégies que j'ai retenues...

M. Gautrin: Ça n'a pas de sens!

Mme Marois: ...c'est qu'on a essayé de voir...

M. Gautrin: Ça n'a pas de sens!

Mme Marois: ...de procéder à une planification budgétaire qui nous permet de dire: On va étaler sur deux ans l'effort budgétaire. Quelle organisation ne souhaiterait pas cela, en se disant: Comme, l'an prochain, l'effort va être moins considérable – parce que, on le sait, nos prévisions à date se sont avérées tout à fait justes et on sait l'effort qui nous sera demandé l'an prochain – essayons de voir comment on peut, avec les règles qui nous sont disponibles – ce sont des règles acceptées, acquises et sur lesquelles on peut avoir des commentaires, avec lesquelles on peut être en désaccord, mais ce sont des règles qui sont raisonnables – faire en sorte qu'on réduise la ponction qui va être énorme cette année. Et je pense qu'on en convenait tous. Et non seulement ça, j'ajoute à ce que je disais tout à l'heure en le précisant, j'ai donné un mandat à un groupe...

(11 heures)

M. Gautrin: Bien, voyons donc!

Mme Marois: ...sur le financement des universités.

M. Gautrin: Ce n'est pas possible.

Mme Marois: Je m'offre la possibilité de tenir compte de leurs recommandations pour les années à venir. Je pense que c'est sage, la façon dont on procède, et n'importe quel organisme et institution qui... Ah, malheureusement, je dois terminer.

Le Président (M. Pinard): Je vais vous demander...Écoutez, vous avez un sujet...

M. Gautrin: Mais est-ce qu'on s'entend sur une chose et après on va... C'est que du 31...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi.

M. Gautrin: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi. Je pense que le temps est tellement court que je vais vous demander, s'il y a possibilité, de raccourcir le plus possible vos réponses, Mme la ministre.

Mme Marois: Je vais essayer, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Je sais que le sujet est tellement large.

Mme Marois: C'est complexe; alors, j'essaie de lui donner toute l'information.

Le Président (M. Pinard): Je le sais.

M. Gautrin: Mais non, ce n'est pas parce... C'est très simple.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Est-ce qu'on s'entend que du 31... On va être clair, là.

Mme Marois: Oui.

M. Gautrin: Si votre livre veut dire quelque chose – à moins que ça ne soit pas deux ans – est-ce que du 31 mars 1997 au 31 mars 1998 il y aura 1 235 480 000 $ qui sera transféré aux universités, alors que, l'année dernière, du 31 mars 1996 au 31 mars 1997, il y avait 1 419 000 000 $, ce qui fait pour moi, entre les deux 31 mars, une compression de 184 000 000 $? Je comprends toutes les affaires de bascule, etc., mais la réalité, c'est que du 31 mars, sur deux années, il y aura 184 000 000 $ de moins. Est-ce qu'on est clair sur ça ou bien est-ce que votre chiffre, il ne veut plus rien dire? Si ça ne veut plus rien dire, on fout ça à la poubelle.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Bon, alors, on va reprendre tout ça calmement.

M. Gautrin: Bien, je suis bien calme.

Mme Marois: M. le député de Verdun va bien comprendre que c'est complexe; il le sait, il en fait la démonstration. Bon, l'effort budgétaire est de l'ordre de 231 900 000 $ pour l'enseignement supérieur, on se comprend bien...

M. Gautrin: D'accord.

Mme Marois: ...dont 9 900 000 $ qui sont dus à des sommes qui n'ont, tout simplement, pas été dépensées l'année dernière, un 600 000 $ qui est dû à du réajustement et à du réaménagement, un 62 800 000 $ qui est dû à des coûts de système, n'est-ce pas, c'est-à-dire la progression normale dans les dépenses. Et l'effort brut donc se ramène à 285 000 000 $. Puis, après ça, je ramène l'effet de bascule de 112 000 000 $, je ramène aux coûts de main-d'oeuvre, la hausse de certains droits qui vient expliquer l'effort brut et la réduction de la subvention de base aux universités qui, elle, est de l'ordre de 33 000 000 $.

Alors, je ne peux pas mieux l'expliquer que cela, M. le Président. Dans les faits, quand on regarde les chiffres du livre des crédits, on fonctionne par année budgétaire du gouvernement, n'est-ce pas, et effectivement ensuite, dans le versement, par année universitaire, par année cégep et par année scolaire de nos commissions scolaires, on fait varier les sommes en fonction...

M. Gautrin: Mais ça ne génère pas des sous?

Mme Marois: ...du temps imparti sur le budget de cette année, c'est-à-dire des coûts impartis à cette année au plan budgétaire et à l'année prochaine au plan budgétaire aussi, mais en tenant compte de la réalité scolaire, des dépenses auxquelles a à faire face, mois après mois, chacune des institutions. C'est pour ça que, dans le fond...

M. Gautrin: Donc, vous coupez de 184 000 000 $.

Mme Marois: ...même si j'ai fait un effort considérable, M. le Président, je vais le reprendre, s'il le faut, d'une façon encore plus précise.

M. Gautrin: Mais non, ce n'est pas la peine de répéter la même chose. Vous répétez la même chose tout le temps.

Mme Marois: Mais c'est parce que c'est la vérité.

M. Gautrin: Mais non, écoutez, là...

Mme Marois: C'est plus simple...

M. Gautrin: ...la vérité, c'est...

Mme Marois: ...si je reste cohérente, hein?

M. Gautrin: Est-ce que votre chiffre veut dire quelque chose ou s'il ne veut rien dire?

Mme Marois: Il dit...

M. Gautrin: Ce qui est écrit ici, ça veut dire quelque chose ou ça ne veut rien dire?

Mme Marois: Ça veut dire quelque chose...

M. Gautrin: Bon, alors, si...

Mme Marois: ...sur une période qui est plus longue que celle qui est...

M. Gautrin: Non, non. Un instant, là. Ça veut dire quelque chose sur une année, on s'entend bien?

Mme Marois: Oui, oui.

M. Gautrin: Bon, alors, sur une année, et on va comparer les mêmes années aux mêmes années, c'est une compression de 184 000 000 $. Ça va? C'est tout ce que je veux savoir. Après, on ne va pas...

Mme Marois: Mais ça se gérera sur le terrain...

M. Gautrin: Non, non. Je ne veux pas savoir...

Mme Marois: ...c'est-à-dire que les universités ne pourront pas dire, par exemple: Écoutez, vous nous envoyez un effort budgétaire démesuré de l'ordre de 184 000 000 $.

M. Gautrin: Voyons donc! C'est exactement...

Mme Marois: Bon. Alors, voilà.

M. Gautrin: À partir du 31 mars jusqu'à l'autre 31 mars, il y aura 184 000 000 $ de moins. Écoutez, ou bien les comptes publics veulent dire quelque chose ou ça ne veut rien dire.

Mme Marois: Oui. Ils veulent dire quelque chose, ces comptes publics, mais on dit: Le versement de nos subventions et les efforts demandés font en sorte que, dans les règles budgétaires qui régissent nos transferts aux universités, qui régissent nos transferts aux cégeps, on utilisera les règles prévues en en modifiant certains des paramètres de telle sorte qu'on puisse répartir un effort qui aurait été considérable – celui à la hauteur duquel arrive le député de Verdun – sur une période qui fait qu'eux-mêmes seront aux prises avec un problème moins important...

M. Gautrin: Ça sera toujours sur une période d'une année. Voyons!

Mme Marois: ...ce qui fait que les universités recevront, en fait, pas 185 000 000 $ de moins, mais 98 000 000 $ de moins. Et c'est ça, l'effort...

M. Gautrin: Et le 185... Voyons donc, madame! Réfléchissez deux minutes. Est-ce qu'on s'entend que du 31... Voyons donc, je ne veux pas quand même prendre tout mon temps là-dedans sur des choses bien simples. Est-ce qu'on s'entend que ce qui est marqué pour 1996-1997, c'est qu'il y a eu 1 419 000 000 $, entre le 31 mars 1996 et le 31 mars 1997, qui ont été distribués aux universités et que, du 31 mars 1997 au 31 mars 1998, il y aura 1 235 000 000 $; donc, que c'est deux périodes d'une année et que, dans ces deux périodes d'une année, il y a une différence de 184 000 000 $?

Mme Marois: Oui.

M. Gautrin: Merci.

Mme Marois: Donc, le coût pour le gouvernement, effectivement, sera inférieur, dans le cas des universités, de 184 000 000 $.

M. Gautrin: Bon. Alors, si vous me permettez dans ce...

Mme Marois: Si ça peut rassurer, là, le député, c'est très clair là-dessus. On se comprend? Donc, c'est l'effort effectivement consenti. Après ça, la façon dont nous gérerons cet effort et dont nous le répartirons...

M. Gautrin: Ça sera toujours sur une période d'une année.

Mme Marois: ...fera en sorte qu'on réduira la lourdeur de l'effort dans nos règles de transfert aux universités.

M. Gautrin: Mais il y aura toujours...

Mme Marois: Mais oui, il y aura une économie...

M. Gautrin: On s'entend. C'est bien ce que je voulais savoir.

Mme Marois: ...on se comprend, pour le gouvernement de cet ordre-là.

M. Gautrin: Alors, sur l'item rémunération, toujours dans les universités – on se comprend? – on va avoir des choses comparables au livre des crédits. Je ne sais pas ce que vous allez faire avec vos bascules, mais enfin, on va rester dans les crédits. Il y avait 1 187 000 000 $ pour 1996-1997 – il faut regarder dans l'autre livre des crédits, mais, moi, je les collectionne, les livres des crédits...

Mme Marois: C'est bien.

M. Gautrin: ... – et cette année il y a 975 613 000 $. Donc, moi, je fais une différence encore. Ça fait une différence de 211 000 000 $, c'est-à-dire une compression – je fais un pourcentage – de 17,8 % dans la rémunération dans les institutions universitaires. Est-ce qu'on s'entend là-dessus: une compression de 17,8 % dans la rémunération universitaire? Je compare 1 187 000 000 $ à 975 613 000 $.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: En fait, il y a eu, en 1996-1997, une compression dans les masses salariales qui n'était pas incluse au moment où on a débattu des crédits l'année dernière. On se souviendra d'ailleurs qu'il y avait, d'abord, un 150 000 000 $ du Conseil du trésor qui n'avait pas été ventilé et qui apparaissait donc en bloc, qui a dû être ventilé, dont une partie évidemment était affectée aux universités. On a vu dernièrement les universités qui ont regimbé un peu, hein, parce qu'on leur envoyait un effort supplémentaire de 6 000 000 $ qui correspondait à l'effort demandé à l'ensemble de nos syndiqués, qui était de l'ordre de 100 000 000 $ pour finir l'année budgétaire qui se termine maintenant, dans quelques semaines, dans deux semaines, une semaine et demie, donc qui correspondait... Alors, comme on ne négocie pas...

M. Gautrin: De combien?

Mme Marois: Dans l'ensemble, c'était 100 000 000 $ pour le gouvernement, mais, pour les universités, ça s'est traduit à la hauteur de 6 000 000 $ ou 6 400 000 $, je crois – hein, c'est bien ça? – ce qui a étonné un peu les universités. Mais, nous, on ne négocie pas évidemment avec le personnel des universités. Ce sont les universités qui négocient et c'est très bien ainsi. Je n'ai pas l'intention qu'on procède autrement. Je veux rassurer tout le monde. Bon.

Mais, cependant, quand on transfère les sommes aux universités, comme on veut traiter équitablement nos institutions, on traduit en chiffres ETC, équivalents temps complet, les sommes auxquelles ça correspondrait si les universités devaient faire ce même effort et on réduit d'autant la subvention qui leur est transférée. Alors, c'est ce qui vient expliquer une baisse aussi significative: d'abord, un, une ventilation qu'il y avait au livre des crédits et qui n'était pas incluse dans les sommes du livre des crédits quand on les prend secteur par secteur; d'autre part, cet effort, qui a été consenti en sus pendant l'année, de 100 000 000 $ dont une part est revenue aux universités; et, enfin, il y a peut-être un certain nombre d'autres phénomènes aussi qui ont joué, où les universités ont réduit sensiblement un certain nombre de leurs ressources. Mais là je vais consulter ici mon collègue.

(Consultation)

Mme Marois: J'avais oublié de le rementionner: Évidemment, dans les efforts budgétaires de cette année, il y a un 48 000 000 $ qui est lié essentiellement aux coûts de main-d'oeuvre. Mais là c'est l'effort budgétaire réel qui va leur être demandé, qui, traduit en année budgétaire, sera plus important.

M. Gautrin: Mais vous êtes au courant que le 48 000 000 $ comme tel, ce n'est pas vous qui le négociez, c'est les institutions, mais vous faites la compression, vous...

Mme Marois: En fait, on le traduit.

M. Gautrin: Donc, on est toujours dans le 184 000 000 $.

Mme Marois: On traduit en coûts de main-d'oeuvre, ce qui se fait comparablement ailleurs.

M. Gautrin: Alors, on va essayer de comprendre, mais je ne voudrais pas perdre tout le temps qu'il nous reste. Je vais vous dire réellement, vu l'absence de clarté qu'il y a dans vos chiffres, ce n'est pas évident. Je ne vous donnerai pas des félicitations pour la clarté de vos chiffres. Excusez-moi de vous le dire là-dessus.

(11 h 10)

Je reviens sur le fonctionnement des cégeps. Vous savez, à l'heure actuelle, cette compression, est-ce que ça va entraîner des augmentations des frais afférents ou pas?

Mme Marois: Excusez-moi.

M. Gautrin: Excusez-moi. Alors, je repose ma question...

Le Président (M. Pinard): Les compressions dans les cégeps, est-ce que ça va...

Mme Marois: Oui.

M. Gautrin: ...pour faire une petite compression, entre guillemets, avec un sens de l'humour noir. Est-ce que cette diminution dans les budgets des cégeps, ça va devoir entraîner une augmentation des frais afférents pour les étudiants dans les différents cégeps? Je sais comme vous qu'il n'y a pas de frais de scolarité dans les cégeps, mais vous savez qu'il y a des frais afférents qui parfois augmentent sensiblement. Est-ce que la ministre, à l'heure actuelle, a l'intention de donner une directive, quelque chose pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'augmentation des frais afférents?

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, le député effectivement sait qu'il y a une possibilité pour les cégeps d'appliquer des frais afférents qui peuvent aller, je dirais, de services aux étudiants à de la polycopie, enfin toutes sortes d'éléments qui concernent... Pardon?

M. Gautrin: Ça peut aller jusqu'à 110 $.

Mme Marois: C'est ça, jusqu'à 110 $. On ne touche pas au plafond; donc, dans ce sens-là, le ministère... Et, comme ministre, je ne touche pas aux frais afférents. Je ne permets pas aux cégeps d'augmenter le plafond. Cependant, certains cégeps ne sont pas au plafond. Donc, il peut arriver que certains cégeps décident de l'atteindre, ce plafond. Mais, dans les faits, les cégeps qui sont au maximum ne pourront pas dépasser ce maximum. D'accord? En fait, on me mentionne que les deux tiers de nos institutions seraient déjà au maximum. Mais il en reste quand même un tiers qui ne le sont pas.

M. Gautrin: Vous faites une compression dans l'enveloppe des cégeps. Vous savez comme moi qu'il y a eu du développement. On ne va pas refaire ici le débat, mais il y a quand même un cégep de nature régionale et il y a un cégep dans l'ouest de Montréal. Est-ce qu'il y aura des fonds supplémentaires ou si la compression, qu'on voit ici dans l'enveloppe des cégeps, est beaucoup plus grande parce que, en plus, vous rajoutez deux nouveaux cégeps dans l'enveloppe, c'est-à-dire qu'il y a deux personnes de plus qui vont devoir se partager cette enveloppe? Est-ce que c'est le cas réel donc que la compression réelle est plus importante par individu que la compression que vous faites?

Mme Marois: D'abord, reprenons l'ensemble de ces deux nouvelles interventions parce que c'est important qu'on en précise la nature. Puis, après, je répondrai de façon plus fine et plus pointue à la question du député. D'abord, il faut être un peu prudent, on n'ajoute pas deux nouveaux cégeps. Il y a un cégep qui existait dans Lanaudière, le cégep Joliette-Lanaudière. On veut offrir des services à l'ensemble de la population de Lanaudière en les regroupant sous une même institution, avec un modèle nouveau – d'ailleurs dont nous aurons l'occasion de débattre parce que je vais déposer un projet de loi éventuellement pour amender les règles qui s'appliquent déjà aux institutions – pour rendre disponibles des services.

Il y a une institution qui est actuellement privée qui deviendrait publique dans ce nouveau contexte, si on veut, mais pour laquelle évidemment nous versons déjà des sommes, pas toutes les sommes, mais une partie des sommes. Et on développerait de nouveaux programmes accessibles aux étudiants du sud de la région, selon une nouvelle formule, je pense, qui est intéressante, qui nous amène justement à ne pas augmenter les frais d'administration et de fonctionnement, puisqu'on fonctionnerait un peu sur le modèle des constituantes de l'Université du Québec. Donc, un cégep, une institution, avec des points, enfin, des constituantes rendant disponibles des services, mais mettant en commun aussi, par contre, tous les frais liés au service de paie, à la gestion des immeubles, etc.

Alors, je ne reviens pas sur ça. C'est important parce que justement on a voulu minimiser les coûts. Puis le député a raison de soulever la question. Qu'est-ce que vous voulez, dans une période où on a chacun des efforts à faire, on ne va pas commencer à augmenter les coûts, un. Deuxièmement, dans le cas du cégep de l'Ouest-de-l'Île, là, il s'agit d'un véritable nouveau cégep, à part entière...

M. Gautrin: Enveloppe ou pas? C'est ce que je veux savoir.

Mme Marois: Je vais venir à la réponse. Donc, il s'agit d'un véritable cégep à part entière qui d'ailleurs progresse bien et dont je suis assez fière. J'ai rencontré ses dirigeants de façon régulière, et ils vont déjà commencer à pouvoir offrir des services aux entreprises, entre autres, très bientôt, et tout ça.

M. Gautrin: Mais est-ce que c'est dans l'enveloppe ou pas?

Mme Marois: Évidemment, dans le cas du cégep de l'Ouest-de-l'Île, il n'y a pas d'élèves nouveaux. Dans le cas du cégep de l'Ouest-de-l'Île avec le cégep Gérald-Godin, il n'y a pas encore d'élèves; donc, ce ne sont que les frais afférents à la direction et au fonctionnement. C'est à peine 700 000 $ pour 1997-1998. Évidemment, sur 1998-1999, là, le budget va devenir plus considérable parce que...

M. Gautrin: Donc, 700 000 $. Il y en avait 300 000 $ l'année dernière.

Mme Marois: Oui. C'est 700 000 $, cette année.

M. Gautrin: Donc, c'est une augmentation seulement de 400 000 $.

Mme Marois: C'est ça. Pour l'instant, c'est ce qui est prévu à notre enveloppe. Et, dans le cas de Lanaudière, bien, j'attends formellement le projet définitif, hein, et, à ce moment-là, ce sera à même l'enveloppe des cégeps. On n'augmentera pas les enveloppes; vous le voyez, d'ailleurs.

M. Gautrin: Mais l'achat du collège de L'Assomption, il est dans quelle enveloppe?

Mme Marois: Ça, c'est dans l'enveloppe «immo», hein? C'est bien ça? Oui, oui, c'est exactement ça. C'est dans l'enveloppe des investissements, de l'immobilisation. D'accord?

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Gautrin: M. le Président, le temps est tellement court. Ce n'est pas parce que je ne veux pas poursuivre sur ce débat-là, mais je ne peux pas m'empêcher de devoir entrer aussi sur l'aide financière aux étudiants, si vous me le permettez. Je voudrais rentrer sur l'aide financière aux étudiants. D'abord, j'ai regardé les crédits, et il faudrait quand même se rappeler que vous nous avez fait des demandes de crédits supplémentaires aussi. On a débattu, il n'y a pas si longtemps, des demandes de crédits supplémentaires. Vous avez fait des demandes de crédits supplémentaire, fin décembre, pour augmenter le programme qui était le programme Intérêts et remboursements aux banques parce que, bon, vous disiez que vous deviez...

Je vous rappellerai – vous permettez, Mme la ministre – que vous aviez, dans le débat ici, demandé, dans la dernière session, des crédits supplémentaires sur le programme 3, élément 2. Ça va?

Mme Marois: Oui.

M. Gautrin: Vous me permettez? Donc, je comprends que, dans le fonctionnement... Puis je comprends qu'à l'heure actuelle il y a des mauvais remboursements, etc., je comprends tout ça, mais, bon Dieu, quand vous déposez vos crédits, vous auriez pu, cette année, prévoir que vous avez dû demander des crédits supplémentaires et ne pas me réduire cet item-là qui est réduit de 14 000 000 $! Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que vous déposez des crédits, vous les réduisez de 14 000 000 $, puis je serais prêt à parier avec vous qu'au mois de décembre vous allez me revenir encore et puis demander à la Chambre – encore le coup! – des crédits supplémentaires parce que vous direz: Ce qu'on a prévu ici, ce n'était pas bon.

Pourquoi voulez-vous que ce qui s'est passé l'année dernière où ce que vous aviez déposé au livre des crédits n'a pas été suffisant, et vous avez demandé 40 000 000 $ de plus pour couvrir cet item-là... Pourquoi, cette année, vous le rebaissez encore de 14 000 000 $? Et je comprends toute la dynamique, que c'est une enveloppe que vous ne pouvez pas... J'ai tout compris, puis on a fait le débat sur ça, mais pourquoi, cette année, vous le diminuez de 14 000 000 $? Moi, je suis prêt à parier avec vous 0,05 $ que vous allez, au mois de décembre, encore revenir en nous demandant des crédits supplémentaires sur le programme 3, élément 2. Alors, si vous voulez faire des choses qui correspondent à la réalité, mettez donc réellement le vrai chiffre que vous allez devoir dépenser!

Le Président (M. Pinard): Si vous le désirez, je peux accepter le dépôt.

M. Gautrin: Bien oui, 0,05 $.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est illégal.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

M. Gautrin: Je peux même parier 1 $, tiens, tant qu'on y est.

Mme Marois: Alors, vous seriez gardien de nos 0,05 $ respectifs?

Le Président (M. Pinard): C'est ça. Ha, ha, ha!

Mme Marois: Je pense qu'à cette hauteur-là on ne prendrait pas de risque vraiment. Mais non, écoutez, j'espère d'abord que les prévisions du député de Verdun ne se réaliseront pas. C'est vrai que ce n'était pas un programme très facile à gérer parce qu'il y a eu une hausse considérable du nombre d'étudiants qui font faillite et qui évidemment ne remboursent pas, etc. On a des créances douteuses, on a tout ça puis on essaie de les prévoir au mieux.

Mais je vais d'abord rassurer le député de Verdun sur deux choses, parce qu'on n'est pas inconscients de ça, là, puis on essaie de tenir compte de toutes ces réalités. D'abord, je pense qu'entre le 419 000 000 $ et le 519 000 000 $, là – il faut être au clair, hein, dans les crédits – c'est très clair qu'il s'agit de 419 000 000 $ qui sont liés à l'aide financière et aux créances douteuses, tandis que l'autre, c'est les prêts, placements et avances qu'on doit comptabiliser. Donc, ils sont de l'ordre de 100 000 000 $, ce qui nous amène à nos 519 000 000 $. Ce qu'il faut savoir d'abord, c'est que, dans les...

M. Gautrin: Un instant, là! Wo! Je ne comprends rien, là, moi. Moi, j'ai 519 000 000 $ sur le livre des crédits.

Mme Marois: C'est ça. C'est exactement ce que je vous dis, c'est 519 000 000 $.

M. Gautrin: Bon, et le 419 000 000 $, c'est quoi dans votre communiqué de presse?

Mme Marois: Dans le communiqué de presse...

M. Gautrin: Bien, oui, alors...

(11 h 20)

Mme Marois: ...c'est parce qu'on n'avait pas comptabilisé les prêts, placements et avances.

M. Gautrin: Attendez, c'est où prêts, placements et avances?

Mme Marois: C'est dans les 519 000 000 $, à la page 9-4.

M. Gautrin: Mais oui, mais il apparaît où, votre prêts, placements et avances? C'est à quel élément?

Mme Marois: À la page 9-4, au programme 3, à la ventilation des crédits, à l'élément 2.

M. Gautrin: À l'élément 2. Alors, je suis là.

Mme Marois: Alors, on a...

M. Gautrin: Alors, c'étaient les 100 000 000 $, prêts, placements et avances. Ça, vous ne l'avez pas ventilé, celui-là?

Mme Marois: C'est ça, exactement. Alors, ce qui fait qu'on doit additionner évidemment le 353 000 000 $ plus les...

M. Gautrin: Vous me permettrez encore de vous faire remarquer que c'est un peu compliqué. Quand on regarde, là, il y a 519 000 000 $. Vous annoncez 419 000 000 $. Vous auriez pu... Vous avez utilisé ces prêts, placements et avances.

Mme Marois: C'est sûr...

M. Gautrin: Je m'excuse de vous dire ça, franchement.

Mme Marois: Oui, mais, M. le député de Verdun...

M. Gautrin: Ce n'est pas de votre faute; c'est les gens qui gèrent votre budget, je le sais bien, mais quand même! Il y a quand même une limite!

Mme Marois: Mais, en fait, ce ne sont pas des dépenses; il faut quand même les comptabiliser comme... Ce sont des prêts que l'on garantit.

M. Gautrin: Bien oui, je le sais que c'est des prêts garantis.

Mme Marois: Et, à ce moment-là, ce ne sont pas des dépenses du gouvernement. Alors, on essaie d'être correct aussi. Ce sont des services aux étudiants, c'est-à-dire que ce sont des services indirects aux étudiants. Alors, on essaie de les faire apparaître correctement, dans le fond. Vous ne pouvez pas nous dire... On a mis 100 000 000 $ de moins; on aurait pu mettre 100 000 000 $ de plus. Ça nous aurait fait paraître encore mieux. Bon, disons que le député de Verdun pourrait admettre que c'est quand même pas mal comme honnêteté, là.

M. Gautrin: Moi, je veux la réalité des chiffres, hein?

Mme Marois: Bon, enfin, vous savez très bien que vous l'avez tout le temps, sauf que j'admets avec vous que c'est complexe...

M. Gautrin: Écoutez, exagérez pas, hein!

Mme Marois: ...et qu'à chaque fois on finit par s'enfarger dans tout ça. Mais, à la fin, on finit toujours par se réconcilier. C'est ça qui est bien. On peut être en désaccord, mais on se réconcilie. Ah!

M. Gautrin: Ha, ha, ha! Exagérez pas, là. S'il vous plaît, là!

Mme Marois: Et on réconcilie nos chiffres. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Bon. Bon.

Mme Marois: Bon, maintenant, cela étant, revenons plus sérieusement à la question qui est soulevée par le député de Verdun sur le fond de la chose. D'abord, il faut savoir qu'on a introduit un certain nombre de nouvelles règles dans l'aide aux étudiants: le plafonnement de prêts... D'ailleurs, on a eu l'occasion d'en discuter ici, puisqu'il y a une loi qui été adoptée à cet égard avant Noël, je crois? C'est bien ça. Bon, alors donc, on a eu l'occasion d'en débattre.

Donc, il y a eu un resserrement, bien sûr, de l'aide aux étudiants, ce qui donc est tenu en compte ici quant au risque que l'on aurait de revenir en crédits supplémentaires parce que ces resserrements vous amènent des économies dans l'ensemble du régime et que ces économies font en sorte que... Et le fait que nous n'ayons pas réduit – à peine de quelques millions – la somme affectée à l'aide aux étudiants, même si nous réduisons certains des avantages qui sont consentis au régime, nous laisse une part pour cet aspect-là qui nous éviterait de revenir par ailleurs ici.

Et de la même façon que, dans les prêts, placements et avances – c'est bien ça, je pense – on a un 10 000 000 $ de plus. Est-ce que c'est ça, ici? Ah, oui, c'est ça. Et, l'année dernière – voilà, c'est ça que je voulais signifier – on avait 60 000 000 $ en début d'année à cet item, alors que, là, on a quand même 100 000 000 $. Alors, évidemment, ça vient aussi nous permettre de couvrir un peu mieux nos angles.

M. Gautrin: Je ne critique pas ça, mais je voudrais quand même qu'on se comprenne bien. Moi, j'ai quelques questions rapides parce que le temps passe. Première question rapide: Vous augmentez l'élément 5, administration. Mais, là, à administration, on va de 1 000 000 $... Administration de l'aide financière aux étudiants, ça passe de 9 586 000 $ à 10 662 000 $, 1 100 000 $ de plus pour les administrateurs de l'aide financière aux étudiants, alors que l'on est en période de compressions partout.

Mme Marois: C'est essentiellement dû à un développement des systèmes informatiques de 1 800 000 $. Je vais en profiter d'ailleurs, M. le Président...

M. Gautrin: Non, mais j'ai beaucoup d'autres questions.

Mme Marois: Oh! Le député m'ouvre la porte – non, non, non, mais ça va être très, très bref – pour souligner que le Protecteur du citoyen, pour une fois, nous a félicités des efforts que nous avions consentis pour aider les étudiants et rendre le système justement plus transparent, plus accessible, évitant les erreurs. Et c'est grâce à des investissements comme ceux-là qu'on y arrive.

M. Gautrin: Mais on aura le temps d'en reparler. Je reviens sur... Dites donc, moi, j'ai un certain nombre de plaintes. J'en ai encore une d'une personne, Geneviève Chrétien, de la ville de Laval. Je ne sais pas de quel comté. Des gens se plaignent, vous savez, de l'iniquité que vous avez créée en n'acceptant pas, lorsque vous avez supprimé, pour les élèves de deuxième et troisième cycle qui finissaient en délai, la politique de remboursement d'une fraction de leur dettes étudiantes.

Mme Marois: Oui.

M. Gautrin: J'en ai un certain nombre. J'imagine que vous devez avoir le même nombre que moi, peut-être beaucoup plus même.

Mme Marois: Sans doute.

M. Gautrin: Je vous signale qu'il y a là une iniquité qu'il y aurait lieu de corriger non pas pour le passé, mais pour ceux qui étaient déjà embarqués à l'intérieur du programme. Alors, je vous le soumets et je redébattrai avec vous sur cette question. Est-ce que vous avez une ouverture ou pas?

Mme Marois: Alors, je reçois cette suggestion du député. Je suis consciente que, vous savez, tout ce qu'on demande comme effort est considérable, je le répète. Mais, malheureusement, à ce moment-ci, je pense que...

M. Gautrin: Mais c'est une forme d'iniquité pour ceux qui étaient déjà embarqués dans le programme. Vous comprenez?

Mme Marois: Enfin, une forme d'iniquité... Évidemment, il y avait un objectif au programme. Les objectifs n'ont pas été atteints. On dit: On met fin au programme. On y met fin un peu abruptement, je n'en disconviens pas; c'est peut-être là qu'est le vrai problème. Mais, cela étant, vous savez, il y a bien de nos mesures qui, malheureusement, prennent effet...

M. Gautrin: Qui sont très inéquitables, ça, je le sais.

Mme Marois: ...rapidement et sont prises abruptement parce qu'on veut atteindre cet objectif qui, je pense, nous permettra de préserver, par contre, la qualité et l'essentiel de nos services.

M. Gautrin: On aura le temps de rééchanger là-dessus plus tard.

Mme Marois: Sûrement.

M. Gautrin: Les prêts pour achat d'ordinateurs sont-ils toujours maintenus dans vos crédits?

Mme Marois: Oui, tout à fait. Oui, ils sont dans nos crédits.

M. Gautrin: Tout à fait, à l'heure actuelle? Très bien.

Mme Marois: Il nous reste une minute pour conclure, M. le Président?

M. Gautrin: Je peux revenir... Ils sont maintenus. Mais ils sont maintenus comme principe de toujours donner, avec les coops, la liberté de choix de l'étudiant?

Mme Marois: Effectivement, dans le cas présent, c'est ça.

M. Gautrin: Il y avait toujours une demande, par contre, du mouvement étudiant pour avoir un peu plus de liberté, mais c'est limité à l'achat à l'intérieur...

Mme Marois: Pour l'instant, c'est cela. C'est la même règle.

M. Gautrin: ...des coops étudiantes. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Mme Marois: On a terminé.

Le Président (M. Pinard): Jusqu'à 11 h 30 et, par la suite, des remarques...

M. Gautrin: Vous voulez terminer?

Mme Marois: Non, mais c'est parce que...

Le Président (M. Pinard): ...des conclusions, chacun une minute, à moins que vous ayez terminé.

Mme Marois: D'accord. Non, je croyais qu'on finissait à 11 h 30 pile.

Le Président (M. Pinard): À 11 h 30, et...

M. Gautrin: Alors, s'il nous reste trois minutes, je...

Le Président (M. Pinard): ...vous connaissez ma grande générosité. Alors, je vais vous donner également une conclusion d'une minute.

M. Gautrin: S'il nous reste trois minutes, je voudrais faire des remarques de... À la fin? Bon. Alors donc, maintenant que j'ai couvert un peu les angles que je voulais couvrir, pourriez-vous m'expliquer, à l'heure actuelle, vos questions de bascule? On va revenir sur ça. La bascule, ce n'est pas miraculeux puis ce n'est pas un miracle qui génère de l'argent, on se comprend bien. Ça ne génère pas des sous alternativement. Ça fait en sorte qu'il y a deux mois, le mois d'avril et le mois de mai, qui sont dans une année financière du gouvernement puis qui sont dans une année budgétaire de l'autre. Est-ce qu'on se comprend? C'est bien ça? Alors, est-ce que vous le partagez en deux douzièmes et dix douzièmes? C'est ça qui était le principe de la bascule jusqu'à maintenant? Alors, si vous voulez changer les paramètres...

Mme Marois: Ce n'était pas tout à fait ça.

M. Gautrin: ...vous allez avoir un problème de tamponnage. Je comprends qu'on vienne me dire que c'est amusant, mais vous ne pouvez pas les changer comme ça en cours de route.

Mme Marois: Alors, je peux reprendre mes chiffres...

M. Gautrin: Est-ce que vous pourriez – pardon, Mme la ministre – déposer les calculs qui vous... Au lieu d'avoir le dialogue de sourds qu'on avait tout à l'heure, pourriez-vous me déposer la manière dont vous calculez...

Mme Marois: Certainement.

M. Gautrin: ...votre 98 000 000 $? Ça permettrait simplement d'être un peu plus clair.

Mme Marois: On envoie généralement un document pour l'étude des crédits à nos collègues.

M. Gautrin: Oui, mais vous...

Mme Marois: Et, donc, je pourrai...

M. Gautrin: Non, non, mais...

Mme Marois: C'est parce que je ne l'ai pas avec moi.

M. Gautrin: ...vous avez la gentillesse de nous le donner le jour de la commission.

Mme Marois: J'ai des petites notes sur un bout de papier.

M. Gautrin: Je sais que je lis vite, mais ça ne me gêne pas parce que, vous savez... Mais, moi, je voudrais comprendre aujourd'hui ce que vous me dites. Et je maintiens, moi...

Mme Marois: Alors, on vous le fera parvenir. Il n'y a pas de problème.

M. Gautrin: ...que c'est 184 000 000 $, la compression dans les universités, puis je veux dire partout là-dessus... Mais je vous écoute. Parce que la bascule, ça ne génère pas d'argent. Ça répartit différemment, mais ça ne génère pas de sous, cette affaire-là.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre, je souhaite de tout coeur que vous soyez capable de répondre dans un délai d'une minute.

Mme Marois: Aucun problème, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Parfait. On vous écoute.

Mme Marois: Je vais fournir cette information au député. D'ailleurs, je lui ai déjà mentionné verbalement à une autre reprise que j'étais prête à ce qu'on en débatte. Alors, je vais fournir cette information au député. Il pourra même rencontrer de mes fonctionnaires...

M. Gautrin: Parce que, moi, j'ai fourni mes...

Mme Marois: ...si cela pouvait lui convenir, pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants.

M. Gautrin: Moi, j'ai fourni mes calculs aussi à la ministre.

Mme Marois: Tout à fait.

M. Gautrin: Je ne sais pas si elle les a regardés.

Mme Marois: Oui.

(11 h 30)

M. Gautrin: Alors, on aurait pu reprendre sur la base des calculs. Et, même en jouant sur la base des mécanismes de bascule, j'en arrive à la compression réelle de 154 000 000 $ dans le budget des universités.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, monsieur...

M. Gautrin: Alors, maintenant est-ce qu'on a la période de conclusion? C'est ça?

Mme Marois: Oui.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre, une minute pour vos conclusions.


Remarques finales

Mme Marois: Bon. Alors, évidemment je pourrai répéter, donc, à mon collègue qu'il s'agit plutôt d'un effort de 98 000 000 $, un effort réel et concret, et on pourra voir comment on arrive à cela dans le cas des universités, dont la moitié porte sur les coûts de main-d'oeuvre. D'ailleurs, j'aimerais, à cet égard, remercier, dans le fond, le président de la CREPUQ de ses commentaires à l'égard du budget, parce que effectivement il s'attendait à un effort plus considérable, et M. Reid souligne qu'il est soulagé en disant qu'il croit que, à ce moment-là, ça se gère peut-être un peu mieux, même si ce n'est pas nécessairement plus facile, par ailleurs; mais ça se gère un peu. Donc, je veux souligner cela. Je pense que c'est important, la satisfaction qu'ont les représentants de la Conférence des recteurs des universités quant à l'effort qui est demandé, malgré qu'il soit un effort majeur évidemment au plan budgétaire.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. M. le député de Verdun, en conclusion.

M. Gautrin: Il y a un certain humour à parler de leur satisfaction. Vous auriez dû les écouter en commission parlementaire. Réellement...

Mme Marois: Je les ai écoutés sur le perroquet.

M. Gautrin: Regardez donc dans les galées. Dites-moi pas... Réellement, vous dites: Je vais vous écraser avec un énorme pavé, et vous les écrasez avec un peu moins, donc...

Mme Marois: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...ils disent: Ah! c'était un peu moins fort que la taloche que j'avais à recevoir. S'il vous plaît, il y a un peu d'humour noir à ne pas faire, dans ce cas-là.

Je trouve et je maintiens à l'heure actuelle que ce gouvernement manque de transparence dans les chiffres et que, avec des calculs simples, sur l'année financière – puis je prends bien l'année financière du gouvernement – il y aura une compression de l'ordre de 184 000 000 $ sur l'année financière, parce que les comptes publics, c'est comme ça qu'ils les répartissent, etc.

Maintenant, vous allez dire que, sur une année... Vous trouvez une manière de présenter ça pour que ça ait l'air moins pire, mais, en réalité vraie, c'est que, du 31 mars au 31 mars, il y aura 184 000 000 $ de moins. Écoutez, là, les bascules, les trucs comme ça, ça n'a pas trouvé de l'argent miraculeusement qui sorte par hasard comme un lapin d'un chapeau de magicien. Alors, M. le Président, on aura probablement l'occasion de débattre ça beaucoup plus à fond dans les crédits, mais je voulais au moins faire état de ce point-là.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de Verdun. Merci, Mme la ministre. Alors, ceci met fin à cet échange. Je remercie les personnes qui ont participé à ce débat. Et, pour permettre au personnel qui accompagne Mme la ministre de l'Éducation de se retirer ainsi que les gens qui accompagnent le député de Verdun, je suspends les travaux de la commission plénière quelques instants, et nous revenons avec le député de Jacques-Cartier.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

(Reprise à 11 h 40)

Le Président (M. Pinard): Alors, la commission plénière poursuit ses travaux sur l'étude des crédits provisoires pour 1997-1998.


Famille et enfants

Au cours des 45 prochaines minutes, nous allons procéder à un échange entre Mme la ministre de l'Éducation et M. le député de Jacques-Cartier sur la famille et les enfants. Je vous rappelle qu'une période de cinq minutes est accordée aux députés indépendants. Avant d'accorder la parole à Mme la ministre de l'Éducation pour ses remarques préliminaires, je vous rappelle également qu'une période maximale de cinq minutes est accordée à chacun des groupes parlementaires pour les remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre de l'Éducation.


Remarques préliminaires


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, très brièvement, M. le Président. D'abord, on constatera que c'est probablement le seul budget où il y a des hausses réelles de consenties à l'Office des services de garde et à l'enfance. En effet, évidemment, à ce moment-ci, en annonçant une politique familiale qui vise à rehausser le nombre de places en milieu de garde, à modifier profondément la nature des services à venir éventuellement dans le cadre de cette politique où on implantera des centres à la petite enfance et où on sait que le niveau optimum de développement n'a pas été atteint au niveau de la réponse aux besoins des parents, il y aurait eu une forme d'incohérence à voir le budget se réduire. Donc, il y a une hausse significative du budget et donc des crédits pour 1997-1998 par rapport à 1996-1997, soit un écart de l'ordre de 14 000 000 $, et cela vient s'inscrire dans le cadre de l'ensemble de la politique.

En effet, cette politique, qui se veut vraiment une réponse aux besoins nouveaux des parents de cette fin du 20e siècle, est une politique qui concerne autant les besoins de garde des enfants, les besoins de formation et d'éducation des enfants – puisqu'on a des services éducatifs qui seront développés en maternelle, en pré-maternelle – que la reconnaissance de la place des enfants dans la famille par l'intermédiaire de l'allocation unifiée. Donc, c'est une politique très importante que nous implanterons progressivement à compter de l'été et de l'automne et qui s'étalera, en termes de développement, sur une période de cinq ans.

J'aimerais, d'entrée de jeu, M. le Président, aussi dire au député qui, je sais, connaît bien cette formule, puisqu'il l'a lui-même pratiquée à une époque, que nous avons maintenant le décret pour les fameuses nouvelles places pour l'année en cours. Ça se fait toujours en fin d'année, mais là c'est fait, et cela nous permettra un développement significatif: on parle de 7 675 places, dont 2 575 en garderie et 5 100 en milieu familial, ce qui correspond essentiellement au plan qu'on avait déjà annoncé précédemment. C'est quand même important, et évidemment ça concernera tous les groupes d'âge, parce que la politique familiale – et ça, c'est important de faire la distinction – va d'abord concerner les enfants de quatre et cinq ans – cinq ans pour les maternelles et quatre ans pour ce qui est des services de garde – mais on ne va pas laisser tomber pour autant les 0-4 ans, qui, eux, les enfants, ont besoin aussi que se développent des places, et c'est dans ce contexte, évidemment, qu'un certain nombre de ces places seront réservées pour les 0-4 ans.

Alors, c'est ce que je voulais mentionner maintenant. Je pense que c'est un changement majeur qui peut provoquer certaines craintes à ce moment-ci, et c'est normal. Il n'y a pas un changement qui ne provoque pas certaines craintes, certaines résistances, et je peux comprendre que les parents aient à cet égard des points de vue qui peuvent différer, par exemple, de ceux du gouvernement et manifestent donc en ce sens leur inquiétude. Moi, ce que j'aimerais qu'on fasse et ce que j'aimerais faire à leur endroit, c'est de les rassurer et de leur dire que nos enfants, vous savez, ils ont une capacité, d'abord, extraordinaire et une soif extraordinaire d'apprendre, de comprendre, de connaître. Ils ont un goût, je dirais, gigantesque, si vous me passez cette expression qui n'est peut-être pas la plus juste, mais de pouvoir se retrouver avec des enfants de leur âge, parfois se bousculer, mais parfois aussi apprendre et vivre en société, M. le Président, dès ce moment-là aussi. Alors, j'ai terminé, M. le Président, mes remarques préliminaires dans le temps qui m'était imparti pour le faire.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. Alors, M. le député de Jacques-Cartier, vous avez droit à cinq minutes pour vos remarques préliminaires.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. On est ici aujourd'hui, de ce côté de la Chambre, toujours à la recherche de cette réforme de la politique familiale. Je pense que la réforme est de plus en plus fantôme. Ça fait maintenant cinq mois depuis la première annonce. Au sommet économique, il y a tous les chiffres qui ont été donnés, des chiffres qui étaient difficiles à travailler, des chiffres incomplets, mais il y avait la promesse que, au moment où on arriverait avec la publication du livre vert de la ministre responsable de l'Emploi et le livre blanc de la ministre de l'Éducation, on répondrait à ces questions. On a certaines données, mais il y a beaucoup d'inconnues, des facteurs... Alors, d'évaluer l'impact financier de cette réforme sur l'ensemble des familles québécoises demeure toujours très difficile à faire.

Mais le gouvernement et la ministre ont fait énormément d'engagements envers les familles québécoises. Énormément de choses qu'elle va faire à partir de septembre de cette année, et on arrive, au dépôt des crédits, à la recherche, toujours, de quelque chose d'un petit peu tangible, de concret. La première chose qui m'a frappé dans le livre des crédits, c'est que tout ça risque d'être changé parce que ça ne comprend pas les impacts financiers de la politique familiale. Alors, c'est toujours à voir. Alors, on n'a pas vraiment devant nous ce qu'on va donner, et je pense qu'une chose que le gouvernement ne comprend pas, c'est que les familles québécoises sont en train de faire de la planification pour l'automne maintenant. Pas dans quelques semaines, pas dans quelques mois, pas après un groupe de travail qui va multiplier les choses qui sont faites, elles sont en train de prendre leur décision, de faire leur choix aujourd'hui, et le gouvernement n'est pas prêt. La réforme n'est pas prête, et je pense que beaucoup des inquiétudes que la ministre vient de mentionner sont effectivement dues au fait que, cinq mois après l'annonce de cette réforme, on ne la voit pas encore et que ce n'est pas dans le livre des crédits. Je comprends bien qu'il y a une augmentation, mais les promesses... On va abolir pour les enfants de quatre ans – les 95 000 enfants de quatre ans – cette année les frais de garde remboursables pour les parents et on va les remplacer par la garderie à 5 $. C'est ça, l'esprit de changement, tel que j'ai compris.

Je comprends que, déjà, la ministre commence à reculer sur tout ça. On va avoir un système parallèle où il y a certaines régions où l'offre est suffisante pour un centre de la petite enfance. Il n'y aura pas de frais de garde remboursables dans les autres régions où il n'y a pas assez d'offre pour les places dans les garderies, et on pourra toujours avoir les crédits d'impôt. Ça commence à être très compliqué. C'est une autre preuve, à mon avis, qu'on n'a pas vraiment attaché cette réforme comme il faut avant de la commencer, et c'est pourquoi il y a beaucoup de familles québécoises qui se posent des questions, parce qu'elles ne savent pas quoi faire. Est-ce que, moi, je serai admissible pour mon enfant de quatre ans pour une place dans une garderie à 5 $ cet automne? Oui ou non? On ne le sait pas.

On peut toujours appeler à l'Office des services de garde à l'enfance. On peut appeler dans les garderies de son comté, et les gestionnaires ne peuvent pas répondre à cette question aujourd'hui. Mais c'est aujourd'hui que les familles veulent avoir ces réponses. Ce n'est pas dans quelques semaines, quelques mois, après la présentation d'un projet de loi. Les familles ne comprennent rien dans tout ça. Ce qu'elles veulent avoir, c'est des réponses claires aujourd'hui. Est-ce que mon enfant de quatre ans peut aller dans une garderie à 5 $? Est-ce que c'est oui ou non? Est-ce que ça dépend? Et, si c'est oui, est-ce que la ministre peut déposer aujourd'hui la ventilation des besoins des 95 000 enfants de quatre ans? Parce que la réforme touche ces enfants, maintenant. Est-ce qu'elle peut déposer les choix qu'ils vont faire? Parce que je vois, dans le tome III des crédits, qu'on a les estimés du taux de couverture, mais c'est complètement faux parce que tous les estimés du taux de couverture sont faits dans l'ancien système. Mais, dans un nouveau système sans crédit d'impôt ou les frais de garde remboursables, ça change le portrait complètement. Ça, c'est des chiffres qui sont, à mon avis, désuets.

Alors, je pense que c'est très important dès le départ. C'est quoi, les intentions des parents de nos enfants de quatre ans? Est-ce que l'Office, est-ce que la ministre ou le ministère a fait les évaluations? Qu'est-ce que ces 95 000 enfants vont faire à partir du mois de septembre?

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.


Discussion générale

Mme Marois: M. le Président, je comprends que c'est le rôle de l'opposition, là, d'essayer de confondre et puis d'inquiéter, finalement, mais je trouve que ce n'est pas correct. Ce n'est pas correct parce que, au contraire, on essaie d'une façon très systématique de répondre au fur et à mesure aux questions, aux attentes des parents, et, dire qu'on se traîne les pieds... Il y a des gens qui trouvent qu'on va trop vite. Moi, je ne pense pas qu'on va trop vite, mais je pense que les besoins des enfants méritent toujours qu'on aille très vite, et ça, c'est fondamental, et les besoins des familles aussi. Bon.

(11 h 50)

Alors, effectivement, c'est au sommet de l'automne dernier que le premier ministre a annoncé qu'il y aurait une politique, qu'il y aurait des dispositions relativement à une nouvelle politique familiale qui concerneraient particulièrement la petite enfance – parce que ce n'est pas une politique familiale qui concerne nécessairement toutes les familles et tous leurs besoins, mais qui concernerait la petite enfance – qui concerneraient l'ensemble des besoins des enfants dans la famille et qui concerneraient les couples qui veulent avoir des enfants par le congé parental. Donc, à l'automne et dès janvier, on a rendu public un livre blanc portant sur cette question, «Les enfants au coeur de nos choix», et que nous avons largement diffusé, sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer pas mal de citoyens à travers un certain nombre de régions du Québec, projet de politique sur lequel nous entendons régulièrement, par l'intermédiaire soit de l'Office, de mes collègues de la députation ou autrement, les points de vue des parents. Je peux vous dire qu'on en discute très largement à cet égard. Donc, je pense que c'est normal.

Quand le député dit: Les parents veulent savoir maintenant, ils sauront maintenant. On sait que nous avons privilégié – et je l'ai déjà dit devant cette Assemblée – le véhicule du budget pour ce qui était de l'annonce de l'ensemble des sommes qui allaient être affectées à la politique familiale, par respect pour l'Assemblée nationale, parce que, évidemment, pour pouvoir procéder rapidement à la mise en place de la politique, si nous procédions par le livre des crédits, nous étions contraints ensuite de procéder par l'adoption de lois d'encadrement, etc., tandis que, lorsqu'on procède par le discours du budget, le discours du budget, lui, nous permet ensuite, parce qu'il a préséance, a priorité et n'oblige pas... On sait qu'immédiatement on peut appliquer un certain nombre de mesures. Alors donc, par le discours du budget, ça nous permettait de procéder plus rapidement.

Donc, autour du discours du budget. Évidemment, je ne veux pas dévoiler le contenu, mais il ne sera pas différent, essentiellement, de ce qui est là. Il y aura des choses qui seront précisées. Comme, en plus, c'est jumelé à des mesures fiscales, je pense que ce n'était pas inutile de songer que ça puisse apparaître au discours du budget. Donc, au discours du budget, on verra apparaître les sommes, les montants, les réaffectations, etc., et, dès après Pâques, on pourra très concrètement dire combien de places seront rendues disponibles, à quel endroit, à quel coût, etc.

Une chose qu'il faut rappeler clairement, M. le Président, aux membres de cette Assemblée, c'est qu'effectivement on croit être capable de répondre à tous les besoins des enfants de quatre ans qui manifesteront une demande en services de garde dans nos centres à la petite enfance, ou en milieu familial, ou autrement, puisque d'abord, dans les faits, les places occupées actuellement par les enfants de cinq ans qui sont dans les garderies et qui normalement devraient se retrouver à la maternelle seront ainsi libérées et seront immédiatement transférées vers les enfants de quatre ans. Ce qui veut dire qu'on double quasi le nombre de places, pas tout à fait, mais disons qu'on l'augmente au moins de 25 % quasi automatiquement. Donc, il y a ça plus un ajout réel de places auquel on va procéder.

L'autre aspect, du 5 $, qui est soulevé, nous espérons que ce sera partout où les places sont déjà disponibles, qui se transformeront immédiatement. Dans le cas des privés, on aura l'occasion sûrement d'y revenir, je pourrai répondre au député sur ces questions. Par contre, s'il s'avérait que des places ne soient pas disponibles à 5 $, mais qu'elles le soient au coût, au montant actuel qui est demandé aux parents, bien là tous les mécanismes actuels demeureront dans la phase de transition. Alors, le parent pourra avoir droit à l'exonération si son revenu le justifie; le parent pourra avoir droit au crédit d'impôt remboursable, qui continuera d'ailleurs de s'appliquer aussi – je l'ai déjà dit au député – pour la garde en milieu scolaire.

Donc, tous ces mécanismes existants... On ne changera pas la situation de ces familles. Notre objectif, ce n'est pas cela. Cependant, ce n'est pas de maintenir en parallèle deux systèmes, mais c'est de faire en sorte que l'approche que nous avons développée s'applique de façon universelle.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: M. le Président, si on veut faire un travail sérieux aujourd'hui sur les crédits, la ministre doit être en mesure de déposer, dès aujourd'hui, les estimés. Sur les 95 000 enfants, l'Office doit déjà travailler pour décider ce qu'il entend faire, parce que, comme je dis, on a les estimés du plan qui est dans le tome III des crédits qui est devant nous, qui sont, à mon avis, désuets parce qu'ils sont d'un ancien système où on avait alloué les taux de couverture. C'est évident qu'un taux de couverture dans un système où les parents font garder leurs enfants à la maison, avec des reçus, tout ça va être éliminé. Alors, les choix des parents vont être affectés en conséquence.

Alors, je pense que, dès aujourd'hui, on n'a pas besoin du budget pour déposer les chiffres réels. C'est quoi, les intentions pour les 95 000 enfants? Parce qu'on sait que la subvention par tête est nettement augmentée dans un système de 5 $ par rapport au système existant. Oui, peut-être qu'il y a des places qui vont être libérées par les cinq ans, mais il faut ajouter d'une façon importante les subventions de l'Office des services de garde pour supporter ces places. Alors, dès aujourd'hui, sans remettre en question le pouvoir, toujours, du ministre des Finances de changer les crédits, et tout ça, je pense que la ministre doit être en mesure de fournir c'est quoi, le nombre de places dont elle aura besoin.

Parce que le système existant, le système des frais de garde remboursables est un système universel, c'est-à-dire pour toutes les familles. Ça varie d'une famille à l'autre avec le revenu. Alors, c'est 75 % pour les familles à faibles revenus, c'est environ 25 % – je n'ai pas le chiffre exact – pour les familles à revenus supérieurs. Mais toutes les familles québécoises, au moment actuel, peuvent réclamer des frais de garde sur leur rapport d'impôt. La ministre va remplacer ça. Alors, elle doit remplacer ça par quelque chose d'universel. Toutes les familles qui sont admissibles aux frais de garde remboursables aujourd'hui, elles doivent avoir accès à des places en garderie à 5 $. Les coûts de ça, je pense, sont très importants, parce que, selon les estimés du professeur Rose, de Concordia, on parle de 4 500 $ par enfant, plus ou moins, pour une place dans une garderie. Elle a donné un chiffre de 5 700 $, moins le 1 200 $ qu'on va payer pour le 5 $, alors ça donne plus ou moins 4 500 $ par enfant. Alors, combien d'enfants de quatre ans auront accès à une place en garderie? Et le montant global pour tous ces enfants, les subventions de 4 500 $ par le gouvernement, c'est quoi, les estimés?

Mme Marois: Alors, effectivement, ça m'a un peu étonnée, je vais vous dire, M. le Président, quand j'ai vu que le député inscrivait à l'étude des crédits préliminaires cette question de la politique familiale – l'étude de nos crédits... pas préliminaires, temporaires, c'est ça... pas temporaires...

Le Président (M. Pinard): Le douzième...

Mme Marois: ...une portion provisoire, c'est ce que je cherchais, comme mot, «provisoire» – parce que, dans les faits, on ne retrouve pas, dans les crédits actuels, tous les aspects qui concernent la nouvelle politique familiale, puisque ce sera – il l'a bien dit – la prérogative du ministre des Finances d'en faire état. Évidemment, M. le Président, vous savez, son collègue avant lui, le député de Marquette, a soulevé beaucoup de questions sur toutes sortes de choses. J'aurais pu aussi faire référence peut-être à des choses au budget, mais ce n'est pas possible de faire ça. Qu'est-ce que vous voulez, il faut attendre le discours du budget. Alors, on peut parler des principes. Dans ce cas présent, évidemment je ne dévoile aucun secret parce que c'est une politique annoncée. On a dit simplement: Le véhicule pour le concrétiser, budgétairement parlant, ce sera le discours du budget plutôt que le livre des crédits. Donc, je pense qu'on s'entend bien sur ça. Mais, à partir de là, j'étais un peu étonnée, donc, qu'on soit questionné à ce moment-ci sous cet angle-là. Qu'on le soit sur les politiques actuelles et les crédits actuels de l'Office – et d'ailleurs c'est à ça que j'ai fait, bien sûr, référence – bien, c'est un peu normal.

Alors, maintenant, revenons au... Alors, je vais quand même rester au niveau des principes, mais répondre au député qui soulève les questions. Dans les faits, actuellement, nous avons procédé sur la base des évaluations estimées par l'Office quant aux besoins de garde des parents et quant à leur préférence de garde, parce que les parents nous donnent régulièrement, par voie de sondage, là, aux deux ans – en fait, on procède aux deux ans, c'est ça? – ...

Une voix: Oui.

Mme Marois: ...un état des besoins, et nous avons procédé avec cela pour ce qui est de l'estimé du nombre de places qu'on devra rendre disponibles aux quatre ans, dans un premier temps.

Maintenant, cela étant, le député a raison, je n'en disconviens pas, il est possible que les comportements changent, hein? On se comprend. Et, en ce sens-là, ce qui sera... Donc, il prouve par là que la politique qu'on met en place répond à un véritable besoin et est intéressante pour les familles. Je le remercie de reconnaître ça. Je pense que ça a du bon sens.

M. Kelley: Non, au contraire, M. le Président. C'est le contraire.

Mme Marois: Je pense que ça a du bon sens. Bien, si leur comportement...

M. Kelley: Ça va éliminer les choix pour les parents. Alors, ils vont imposer les choix par la ministre.

Mme Marois: Si les parents décident de choisir cette...

M. Kelley: Ils n'ont pas de choix.

Mme Marois: Je pense que c'est incorrect, M. le Président, ce que je viens d'entendre. Les parents auront le choix des modes de garde, et, au contraire, je fais travailler justement l'Office sur le fait que l'on puisse retenir des modes de garde qui ne sont pas reconnus à l'heure actuelle. Alors, ils auront, je dirais, encore plus largement le choix qu'ils ne l'ont maintenant.

(12 heures)

Alors, nous avons procédé sur la base de ces enquêtes, de ces évaluations qui ont été faites, de telle sorte qu'on atteindra rapidement les attentes exprimées par les parents. Le comportement changeant, on s'est donné une forme, une marge de manoeuvre, dans un sens, et c'est pour ça d'ailleurs que je suis prudente quand je dis: Tout le monde que l'on pourra recevoir à 5 $ sera d'abord reçu, bien sûr; et, si la demande devait être plus grande que le nombre de places que l'on puisse offrir, bien, à ce moment-là, il faut garder les modalités fiscales, les modalités de subvention, etc. C'est pour ça qu'on aura un système en parallèle pendant quelque temps. J'espère qu'il sera très bref.

Mais la politique, elle s'étend sur cinq ans. On commence son implantation maintenant, progressivement on ouvrira vers d'autres groupes d'âge et on filera comme ça jusqu'à l'an 2001. Alors, ça nous laisse cette marge de manoeuvre pour s'ajuster justement au comportement des familles et aux besoins nouveaux. Et, quand je dis augmenter les choix pour les parents, d'abord, un, je tiens – je ne vais pas aussi loin que «je tiens»... Et j'ai eu une discussion avec la représentante de la FTQ, particulièrement le comité de condition féminine de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, qui m'a fait des représentations à cet égard. Mais je leur ai dit qu'ils n'avaient pas besoin de me faire de représentations, que j'étais assez sensible et sensibilisée à ces besoins pour en prendre en compte dès le départ. Il faut que nos services de garde, nos services à la petite enfance répondent aux besoins réels et concrets des familles. Or, les familles... Les enfants ne vivent pas dans des familles où les parents travaillent tous de neuf à cinq ou de huit à quatre. Dans beaucoup de familles, dans beaucoup de cas de familles, les parents vont travailler en horaires brisés, vont travailler la nuit. Pensons à tous les employés des centres hospitaliers, des milieux de la restauration et du tourisme; pensons aux travailleurs et aux travailleuses dans les secteurs industriels qui ont des quarts de travail. Alors donc, je veux qu'au contraire on puisse ouvrir des plages, on puisse ouvrir des possibilités pour ces parents-là dans le cadre de la nouvelle politique familiale.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Alors, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: J'ai devant moi, M. le Président, le document préparé par l'Office des services de garde à l'enfance «Enquête sur la garde des enfants de moins de 12 ans». Je sais que... sur le temps... Mais le choix numéro un, et de loin, pour les parents d'enfants de moins de 18 mois, c'est de garder leur enfant à la maison, 64,7 %. Ça, c'est un choix qui est éliminé. Et ça, pour presque les deux tiers des familles, c'est leur préférence. Donc, ça, c'est un choix éliminé dans le nouveau système. À la maison, il n'y a pas de moyen. Ils peuvent le faire dans le milieu familial, par une autre personne, mais à la maison, c'est éliminé. Même pour les enfants de 18 à 35 mois, ça, c'est le choix numéro un pour 43,5 % des familles. Éliminé. Presque la moitié des familles, c'est leur préférence. C'est éliminé. Pas pour l'année qui s'en vient, mais au cours de cinq ans, ça, c'est les choix qu'on ne peut plus faire.

Troisièmement, même pour les enfants de trois à cinq ans, c'est 28 %. Dans la clientèle dont on parle aujourd'hui, pour l'année prochaine, 28 % vont voir le choix éliminé. C'est ça, la vérité des besoins exprimés par les parents. Alors, la ministre va limiter les choix, une garderie en milieu familial à 5 $, et l'État va vous appuyer dans cette décision. Tous les autres arrangements, oublie ça.

Et quand la ministre parle de 70 % des familles, oui, c'est vrai, les femmes sont dans la population active, mais juste la moitié, les deux parents travaillent. Et, de cette moitié, la moitié ne travaille pas de neuf à cinq.

Les besoins dans une garderie répondent à peut-être le quart des femmes dans notre société. Alors, je pense que c'est très important. Et on a juste à regarder, dans notre économie, où sont les secteurs en pleine expansion. C'est le secteur des services, c'est le secteur du détail où les femmes travaillent, et on a juste à constater dans nos Provi-Soir, nos Métro, les heures sont prolongées une semaine après l'autre, et ça, c'est des personnes qui ont des besoins, et ce n'est pas une garderie qui va répondre à leurs besoins. Je pense que c'est essentiel de souligner ça.

Alors, la réforme qui est devant nous, pour un coût qu'on ne sait pas, basé sur des calculs qui ne sont pas partagés avec l'opposition... Si on ne veut pas nous donner l'information, ça rend notre travail beaucoup plus difficile. Mais ce n'est pas juste moi. La ministre vient de m'accuser de semer l'inquiétude, mais, quand le Conseil de la famille, quand les fiscalistes qui ont étudié ça ont dit qu'il y a des familles perdantes... Il est très difficile d'évaluer tout ça. Moi, j'ai soulevé avec sa collègue la ministre de l'Emploi et de la Solidarité l'arrimage entre l'allocation familiale unifiée. Parce que, dans le livre blanc, c'est clair que, pour les familles à faibles revenus, leurs coûts de frais de garde vont augmenter. Je ne me rappelle pas, je pense que c'est à la page 22 du livre de la ministre. On va augmenter. Pour une famille monoparentale à 14 000 $, on va augmenter de 786 $ les coûts des frais de garde. On me dit que ça va être compensé par l'allocation familiale unifiée. Mais, si j'ai bien compris la déclaration du porte-parole de la ministre et députée de Hochelaga-Maisonneuve, ça va être reporté à l'automne, l'adoption de la réforme de l'aide sociale, y compris le changement des barèmes. Le porte-parole – je pense que c'est M. Barabé – a fait une entrevue avec la presse, cette semaine, en disant que, pour les barèmes et toutes les choses comme ça, on va déposer un projet de loi avant juin, mais on l'adopterait juste dans la prochaine session. Alors, c'est, encore une fois, la difficulté de voir l'arrimage de l'ensemble de la réforme.

Et, si la ministre peut déposer des choses comme les estimés des choix que les parents feront dans un nouveau système... Comme j'ai dit, les chiffres que j'ai donnés, c'est ses chiffres, ce n'est pas mes chiffres. Les choix des parents, on va éliminer ça; alors, c'est évident que le comportement va changer. Si quelque chose devient impossible, on va changer ce qu'on va faire, parce qu'on veut avoir un appui de l'État pour nous aider, parce que le fardeau fiscal des familles est très, très difficile. Alors, je veux voir dès aujourd'hui ce que la ministre a estimé, les comportements des parents des enfants de quatre ans à partir de septembre. Je veux voir aussi, est-ce que...

On a fait un débat, la semaine passée, sur les classes en garderie à but lucratif. La ministre a soulevé la possibilité d'allouer... ou ces centres à la petite enfance vont faire les ententes avec ces garderies à but lucratif. Quand je regarde dans les crédits, on va couper de 250 000 $ l'argent qu'on va allouer aux garderies à but lucratif. Alors, comment est-ce qu'on va allouer les places additionnelles en coupant les crédits alloués aux garderies à but lucratif? Je ne comprends pas, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Marois: Bien, alors là, il a eu un bon six, sept minutes. Je pourrai prendre le même temps, M. le Président? Parfait.

Le Président (M. Pinard): C'est qu'actuellement ce que nous avons comme résultat, c'est que vous êtes tout à fait égale dans votre temps de parole.

Mme Marois: Bon! Parfait. Alors là, on va mettre nos pendules à l'heure, hein? Je pense que c'est... Il va falloir que le député de Jacques-Cartier convienne que... Ha, ha, ha!

J'aimerais ça, moi, lui poser comme question: Qu'est-ce que c'est, le choix qui est offert actuellement au parent? Il n'en a pas, de choix, puis il n'a pas l'allocation unifiée. Il n'en a pas, de choix. Qu'est-ce qu'il y a comme choix aux parents en dehors des heures régulières? Il peuvent effectivement avoir...

M. Kelley: Une gardienne.

Mme Marois: ...une gardienne. Bon.

M. Kelley: Oui.

Mme Marois: Alors, ce que j'ai dit au député tout à l'heure, c'est d'abord, un, la possibilité que, dans les centres à la petite enfance, on puisse rendre disponibles des services dans les centres eux-mêmes, donc sur place, en milieu de garde, que l'on puisse les rendre disponibles par les agences de garde en milieu familial qui, elles, gardent en milieu familial mais chez eux et qu'on puisse ouvrir de nouvelles modalités de garde qui permettraient d'abord à l'un ou l'autre de ces centres à la petite enfance, avec des majeures familiales ou garderies, d'ouvrir en dehors des heures normales; deuxièmement, de pouvoir même rendre disponibles des services à domicile de garde comme les parents le souhaiteraient. Et je pense qu'il y a des modalités que l'on peut définir, que l'on peut regarder, qui permettraient de couvrir des heures brisées, par exemple, ou des heures de fin de semaine.

Moi, là, je comprends ça très bien, M. le Président, qu'une mère ou qu'un père puisse décider qu'à minuit le soir, là, prendre le petit bonhomme, la petite bonne femme puis aller le conduire dans un centre, ce n'est pas nécessairement pas la meilleure idée, hein? On va se comprendre sur ça. Donc, il y a des modalités sur lesquelles on travaille. Parce que qu'est-ce qu'ils ont comme choix actuellement? Il ne l'ont pas plus qu'ils l'auront demain matin; ils l'auront davantage demain matin. Et, au plan fiscal, quand un des deux conjoints n'est pas sur le marché du travail, il ne peut pas déduire de frais relativement à la garde. Donc, on ne change rien; au contraire, dans ces cas-là, pour ce qui est – je l'avoue, bien sûr – des bas et moyens bas revenus, les parents pourront compter sur une allocation unifiée à laquelle ils n'avaient pas accès par le passé et qui, oui, est prise sur le fait que les hauts revenus vont en avoir un peu moins. C'est vrai. On n'a jamais dit le contraire de tout cela.

(12 h 10)

Ce qu'on dit, c'est que maintenant on va offrir davantage de services aux familles, offrir une allocation qui va couvrir les besoins des enfants et qui va permettre qu'il y ait une certaine forme de solidarité entre les hauts revenus, les moyens revenus et les bas revenus, qui ne portera pas d'ailleurs que sur le dos des familles, puisque, dans les faits, la politique, à terme, je le répète, coûtera quelque 300 000 000 $ de plus – 230 000 000 $, mais ce qui pourrait évidemment varier parce qu'on est dans quatre ans et dans cinq ans d'ici – et donc il y aura une solidarité de demandée à l'ensemble de la population québécoise, qui contribuera par ses impôts et taxes au fait qu'on livre des services. Évidemment, on l'étale dans le temps pour que les chocs ne soient pas trop importants et pour qu'on ait la capacité de rendre disponibles ces services.

Alors, non seulement on offrira plus de choix que maintenant, on couvrira des besoins qui ne sont absolument pas couverts maintenant. L'allocation unifiée permettra à des familles à bas revenus de mieux couvrir les besoins de leurs enfants. Et, quand on lit le tableau de la page 22, il faut y ajouter effectivement l'allocation unifiée qui sera versée dans le cas de ces familles pour couvrir les besoins des enfants, et là on n'a plus des pertes de 786 $, mais on a des gains nets de 2 059 $, dans le cas d'une famille monoparentale à 14 000 $ – on va nous dire que ce n'est pas très gros. Quand on a un 14 000 $, elle est bienvenue, cette somme – de 1 333 $ lorsqu'on est dans une famille de 16 000 $ – et il y a des gains nets par rapport à l'allocation familiale unifiée qui sera versée. Et, dans le cas des personnes à la sécurité du revenu, bien, elles n'auront pas à défrayer certains coûts, alors elles seront gagnantes. Donc, toutes les familles à bas revenus qui utiliseront les services seront gagnantes, M. le Président.

Nous aurons l'occasion d'y revenir à l'étude des crédits, et, à ce moment-là, sans doute que le budget ayant été déposé tel que c'est prévu, on aura l'occasion d'avoir des données un peu plus complètes et d'en débattre de façon encore plus fine. Mais je ne trouve pas ça correct de dire: Les parents ont même fait un choix, ils ne l'auront plus. Ils auront plus de choix demain matin qu'ils n'en ont maintenant. On ouvrira de nouveaux types de services. La garde en milieu familial pourrait offrir cette possibilité de se déplacer vers le domicile, selon un certain nombre de modalités et de règles du jeu à établir, bien sûr.

C'est ça, la vision moderne que nous devons avoir des besoins des personnes. Comme des garderies pourront rendre disponibles les centres à la petite enfance, puisque ce seront nos garderies qui se transformeront, nos agences de garde qui se transformeront, pourront rendre disponibles des places en dehors d'heures habituelles et régulières de travail. Alors donc, en ce sens-là, je trouve incorrect d'entendre les propos du député. Et ils n'ont jamais offert ce choix-là. Non seulement ils ne l'ont pas offert, mais finalement ils se sont un peu traîné les pieds pour ce qui est du développement du nombre de places. Depuis un certain temps et malgré des efforts budgétaires importants que nous consentons au plan de la réduction des dépenses, nous réussissons à dégager actuellement un espoir et une possibilité d'implanter de nouveaux services en répondant ainsi aux besoins des familles. Mais c'est sûr, et je ne nie pas ça, il a raison, qu'il y a des transferts entre les familles et aussi des transferts demandés à la population de telle sorte qu'on puisse mieux couvrir les besoins d'enfants dans des familles pauvres et dans des familles à bas revenu ou à moyens et bas revenus; et si, effectivement, on voyait une amélioration possible, ce serait de rehausser les seuils où on commence à baisser l'allocation.

C'est un exemple de ce que l'on pourrait faire, M. le Président, parce qu'on sait que les seuils sont un peu bas. Je ne disconviens pas de ça, mais avec les sommes que nous avions, nous croyons que nous faisons mieux que ce que nous faisions par le passé. Et, là aussi, ne confondons pas les choses. L'allocation unifiée, dans le livre vert de ma collègue la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a été bien identifiée comme étant une partie qui était blanchie, au sens d'un livre blanc, et qui était donc ferme, et cette partie de l'allocation qui m'a été confiée, d'ailleurs en termes d'opérationnalisation pour qu'il y ait une cohérence dans l'implantation de la politique familiale, il est tout à fait clairement établi qu'à la marge il puisse y avoir certaines corrections pour contrer certains effets qui n'étaient pas prévus.

Bien sûr, ça va. Mais ma collègue la ministre de l'Emploi et de la Solidarité véhicule une réforme qui est beaucoup plus large que celle-là, qui est toute la réforme de l'emploi, de l'insertion en emploi, avec toutes ses variables et toutes ses composantes, et l'allocation unifiée n'est qu'un élément qui compose ce livre vert. Mais, comme on voulait avoir une consultation plus formelle sur cette question-là que celle à laquelle je procède, qui évidemment est sûrement moins systématique que celle que l'on a dans une commission parlementaire, nous avons jugé bon, au moment où tout ça s'est préparé, de le laisser là pour entendre les commentaires. D'ailleurs, je les recueille. Je vais vous dire que je vais les chercher, je les analyse, mais c'est la partie qui est davantage ferme et clairement établie dans le livre vert, et c'est pour ça que je dis que c'est une partie blanchie du livre vert.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Kelley: En tout cas, j'avise la ministre d'aviser sa collègue la ministre de l'Emploi, parce que c'est son porte-parole qui a cité dans La Presse de cette semaine que les barèmes de transfert des clients à la Régie des rentes, et tout ça, c'est pour l'automne. Alors, s'il y a un correctif à faire, moi, je lis qu'est-ce que j'ai à lire. Et ça, c'est un porte-parole de votre gouvernement qui a dit ça. Alors, s'il y a une confusion, il y a une confusion.

La deuxième chose est la chose... Dans les temps des verbes que la ministre utilisait: «On pourrait faire ça, on pourrait faire ça». Mais, moi, je trouve ça inconcevable, M. le Président, que, cinq mois après l'annonce de la réforme, on trouve, à la page 102 du plan d'affaires pour l'Office des service de garde, «on va définir le concept de centre à la petite enfance et en assurer la mise en place». Dans cinq mois, M. le Président, dans cinq mois! C'est ces centres à la petite enfance qui sont supposés de gérer tout le système, et ça n'existe pas encore. On n'a pas la moindre idée de ce que ça va devenir. Et, avant de procéder et de faire la réforme, de définir tout ça...

Moi, j'ai parlé aux directeurs et directrices des garderies sans but lucratif dans mon quartier. Ils sont très inquiets parce qu'ils ont déjà un travail à temps plein. Ils en ont beaucoup sur les mains. Alors, de devenir un centre à la petite enfance, de devenir les gestionnaires de tout ça, ils ne savent pas comment ils vont trouver le temps. Est-ce qu'il y aura un ajout de ressources? Alors, ça, c'est toutes des questions qu'au moment des crédits on regarde, et on n'est même pas capable aujourd'hui de définir un centre à la petite enfance qui dans quelques mois doit tout gérer.

Alors, c'est bien beau de dire: Dans l'avenir, on peut faire ça, on peut faire ça, mais je reviens à ma question de départ: Qu'est-ce qu'on peut dire aux parents aujourd'hui? Et, quand on appelle à l'Office, on a toujours la réponse: On va voir, ça va venir, on ne sait pas encore, on est en train de calculer tout ça. Et, pour une réforme qui a été annoncée il y a cinq mois, je trouve ça inconcevable, on n'est pas capable, on n'est pas en mesure de répondre aux questions faites par les parents quant aux enfants de quatre ans.

En plus, quand la ministre a parlé de ce que le gouvernement libéral a fait antérieurement, nous avons doublé le nombre de places en garderie et nous avons au-delà de triplé l'argent alloué aux familles. C'est passé de 800 000 000 $ à 2 700 000 000 $. Alors, je pense qu'on n'a pas de misère à défendre notre façon d'agir dans ce dossier dans le passé.

Mais je reviens toujours à cette question. Je vois que tout ça doit être en place en septembre. Ce n'est pas dans trois ans, quatre ans. On n'a même pas élaboré un programme éducatif pour les enfants de quatre ans. Ça, c'est à faire.

Mme Marois: Oh, oh, oh, oh, oh, oh!

M. Kelley: Oh, c'est votre livre, madame. Je suis en train de lire votre livre. Si c'est déjà fait, déposez-le. Mais on n'a pas vu ça. On n'a pas vu les estimés du comportement des enfants de quatre ans. Et quand la ministre va dire: On va respecter tous les choix, je lis ce que j'ai devant moi, il y a un appui de l'État à deux conditions uniquement: si votre enfant est dans une garderie à but non lucratif et si votre enfant est dans une garderie en milieu familial. Ça, c'est les seuls endroits.

La ministre dit dans ce document qu'on verra ce qu'on va faire pour les garderies en milieu scolaire. Leur destin, ce n'est pas certain, parce que, dans le paragraphe ici, c'est: On va faire un autre programme pour voir.

Mme Marois: Bien oui!

M. Kelley: Ça, c'est à voir. On vient de couper les commissions scolaires de 300 000 000 $ à 400 000 000 $, alors, j'imagine qu'ils ont...

Mme Marois: Tss-tss, tss-tss, tss-tss, tss-tss!

M. Kelley: Encore vos chiffres, vos chiffres. Je lis vos chiffres, madame.

Mme Marois: Ha, ha, ha!

M. Kelley: Et, comme je vois, dans tout ça, il y a beaucoup de questions. Alors, je pose les questions, parce que, le livre des crédits, il faut être capable de trouver au moins les pistes de solution à ces questions. Moi, je ne les vois pas, et c'est à cause de ça... Ce n'est pas uniquement moi. Comme j'ai dit, même à l'intérieur de familles à faibles revenus... Le Conseil de la famille a regardé tout ça, a déposé devant la commission «Impact de certains aspects de la réforme de la sécurité du revenu sur les familles» et il y a un tableau des familles perdantes. On parle d'une famille monoparentale avec un enfant de six mois, avec aucun revenu de travail. Ils sont perdants.

Alors, je comprends très bien la logique, qu'on va imposer davantage pour les familles moyennes. Et j'insiste sur «moyennes», parce qu'on commence à être perdant. Selon le professeur Lareau de l'Université Laval, à 30 000 $ ou 35 000 $, on a décidé que ça, c'est les personnes qui vont contribuer davantage pour payer pour les personnes qui ont un revenu faible. Mais la seule exception dans tout ça, c'est pour les familles; peu importe leurs revenus, elles peuvent avoir une place dans une garderie. Alors, les grands gagnants, dans la réforme des garderies, sont les familles à très hauts revenus, qui vont voir leur fardeau baisser de presque – dans le tableau, à la page 22 – 1 700 $ de moins. Ça, c'est les familles à 75 000 $. Alors, il y a un manque de logique dans tout ça. Et j'avoue que c'est très difficile, de ce côté de la Chambre, parce qu'on trouve une couple de chiffres ici, une couple de chiffres par là, mais mettre ça ensemble... C'est pourquoi nous avons exigé une commission parlementaire pour essayer de mettre tout ça ensemble et juger l'impact sur le fardeau fiscal des familles.

(12 h 20)

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.


Remarques finales

Mme Marois: Oui. Alors, je comprends qu'il nous reste chacun une minute. Nous terminons, puisque ça fait exactement 45 minutes, et ce seront nos conclusions, je les tire donc, M. le Président. Alors, on va reprendre ça bien calmement. En septembre, il y aura des places disponibles pour les enfants de quatre ans, à raison de 5 $ par jour. Dans la garde en milieu scolaire, on pourra continuer à recevoir les enfants selon les règles du jeu que l'on connaît maintenant. Pour les familles à bas revenus, il y aura une formule d'exonération, la déduction pour frais de garde, etc., tout cela sera disponible. Et je m'excuse auprès du député, mais, pour les personnes à l'aide sociale, qui n'ont donc pas de revenus de travail, ça ne leur coûtera rien d'utiliser les services de garde à raison de deux jours et demi par semaine, dans un centre à la petite enfance. Je pense que, pour des gens, quand même, qui sont évidemment à plein temps à la maison ou avec leur enfant, c'est normal cependant qu'on puisse leur permettre d'y avoir accès, mais de le faire à la moitié du temps et à raison d'un coût nul, c'est tout à fait raisonnable et correct. Évidemment, si elles sont dans des réinsertions ou autrement, il y a d'autres mesures qui sont prévues.

Bon. Donc, dans ce sens-là, je pense que les gagnantes et les gagnants... D'abord, les gagnants, ce sont d'abord les enfants et c'est l'ensemble des familles québécoises, chacun à sa façon, chacun à sa manière. Et, en ce sens-là, autant au plan éducatif qu'au plan du besoin de développement des enfants, ils sont gagnants, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. En conclusion, M. le député.

M. Kelley: Oui, cette conclusion est étonnante, parce que, selon le Conseil de la famille, 111 000 000 $ vont être pris des familles moyennes et autres revenus pour aller dans les familles à faibles revenus. Alors, on peut dire que, ça, c'est nécessaire pour la lutte contre la pauvreté, et tout ça, mais de dire que les familles à 40 000 $, qui vont voir leur fardeau fiscal augmenter, sortent gagnantes, c'est difficile d'arriver à cette conclusion. Et je suggère à la ministre d'essayer de voir une famille avec trois enfants, avec tous les coûts qui, un après l'autre, ont augmenté leur fardeau fiscal depuis les années récentes, et de dire que c'est une bonne nouvelle pour eux autres qu'on va ajouter à leur fardeau fiscal, c'est étonnant comme conclusion.

Et, aussi, je comprends les belles promesses, et les promesses sont très intéressantes, mais ce qu'on cherche dans le livre des crédits aujourd'hui, c'est l'argent pour livrer la marchandise, et on ne le voit pas. Il est dans le budget, mais ça fait cinq mois maintenant que c'est le prochain document qui va répondre à ça. C'était le livre blanc, le livre vert, et tout ça. On veut voir la marchandise. On veut voir comment la ministre va être capable de livrer ses promesses. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): C'est moi qui vous remercie. Alors, ceci met fin à l'échange. Donc, nous avons maintenant terminé l'étude des crédits provisoires pour l'année financière 1997-1998. Est-ce que ces crédits provisoires sont adoptés?

Mme Marois: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Alors, la commission plénière ayant accompli son mandat, je remercie les personnes qui y ont participé et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de le faire immédiatement. Merci beaucoup. Nous suspendons.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

(Reprise à 12 h 25)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. M. le Président de la commission plénière.

M. Jolivet (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire part que la commission plénière a étudié les crédits provisoires pour l'année 1997-1998 et qu'elle les a adoptés.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le Président de la commission plénière. Ce rapport est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.


Projet de loi n° 99


Présentation, adoption du principe et adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division.

Alors, Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille, au nom du ministre d'État de l'Économie et des Finances ainsi qu'au nom du vice-premier ministre, propose que l'Assemblée soit saisie du projet de loi n° 99, Loi n° 2 sur les crédits 1997-1998, qu'elle en adopte le principe et qu'elle adopte le projet de loi proprement dit. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division.

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi de l'étude des crédits aux commissions parlementaires

M. Brassard: Conformément à l'article 281 du règlement, je fais motion pour que l'étude de l'ensemble des crédits budgétaires, sauf ceux de l'Assemblée, soient renvoyée en commission permanente.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, considérant l'heure, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous débutons immédiatement les affaires courantes.

Déclarations ministérielles. Il n'y en a pas.

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Vous venez d'appeler l'item Déclarations ministérielles. Compte tenu des rumeurs qui circulent actuellement dans les corridors de l'Assemblée nationale, est-ce que le leader du gouvernement peut nous indiquer si le premier ministre, ou le président du Conseil du trésor, ou le ministre des Finances aurait une déclaration ministérielle à faire?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est au gouvernement de décider de quelle façon il entend procéder en vertu de notre règlement. Au niveau des déclarations ministérielles, nous n'avons pas de déclarations ministérielles à faire, M. le Président.


Présentation de projets de loi

Le Président: Alors, à la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 206

Le Président: À l'article a du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 206, Loi concernant la Municipalité de Chertsey et la Municipalité de Saint-Calixte. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.


Mise aux voix

M. le député de Rousseau présente le projet de loi d'intérêt privé n° 206, Loi concernant la Municipalité de Chertsey et la Municipalité de Saint-Calixte. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

(14 h 10)

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole

M. Cliche: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre du Travail.


Note explicative concernant la répartition des crédits 1997-1998 pour la Régie du bâtiment du Québec

M. Rioux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer la note explicative présentée au conseil d'administration de la Régie du bâtiment du Québec et qui concernait la répartition des crédits 1997-1998.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Masson.


Maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires, augmenter leur nombre et assurer la protection des HLM

M. Blais: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1 122 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Lanaudière.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que les mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà affectés par d'autres compressions budgétaires;

«Considérant l'augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives, les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Considérant le retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Considérant l'abolition du remboursement d'impôts fonciers afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Considérant le transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers; et, enfin, assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions, aujourd'hui, portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Westmount–Saint-Louis, en principale.


Négociations dans le secteur public

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Au mois de décembre dernier, je questionnais le premier ministre à savoir s'il avait, lui ou un membre de son cabinet, mandaté un avocat bien connu de Québec afin de rédiger une loi spéciale. Le premier ministre avait, à ce moment-là, refusé de répondre à la question, et le leader du gouvernement avait déclaré que cette question n'était pas d'intérêt public.

M. le Président, question fort simple, compte tenu des rumeurs que nous entendons à l'heure actuelle: Est-ce que le premier ministre a décidé de déposer une loi spéciale dans le dossier des relations de travail?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président...

Une voix: Toi...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! La séance est suspendue quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 14)

(Reprise à 14 h 16)

Le Président: Alors, nous reprenons la séance. Nous en étions au début de la période des questions et des réponses orales. Alors, afin de faire en sorte que l'on fasse ça correctement, je vais redonner la parole au député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. J'espère que j'aurai une réponse différente.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: M. le Président, au mois de décembre dernier, je questionnais le premier ministre sur son intention de mandater un avocat bien connu de Québec pour écrire un projet de loi spéciale dans le dossier des relations de travail. Au mois de décembre, le premier ministre refusait de me répondre, et le leader du gouvernement, à sa droite, déclarait que ma question n'était pas d'intérêt public.

M. le Président, je veux savoir aujourd'hui du premier ministre s'il a pris la décision, comme la rumeur le veut, de déposer un projet de loi spéciale dans le dossier des relations de travail des employés des secteurs public et parapublic.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est vrai qu'il y a des rumeurs qui circulent. Je voudrais substituer aux rumeurs des nouvelles concrètes. D'abord, de bonnes nouvelles: les infirmières réunies au sein de la FIIQ, au nombre de 40 000 personnes, ont convenu cette nuit d'une entente avec le gouvernement...

Une voix: Bravo!

M. Bouchard: ...une entente qui repose sur deux volets, ceux qu'on avait déjà annoncés, c'est-à-dire la mise en place d'un régime de bonification de retraite qui permet des départs volontaires en nombre suffisant, et en même temps des assouplissements normatifs qui vont permettre une plus grande flexibilité afin de ne pas remplacer les personnes qui partiront. Cette entente nous permet d'atteindre les résultats escomptés en termes de récupération dans la diminution des coûts de main-d'oeuvre.

J'annonce aussi que nous avons conclu une entente, toujours dans le domaine de la santé, avec la FTQ qui, au SCFP, représente 30 000 personnes, une entente de la même nature, avec des variantes, bien sûr, mais de la même nature essentiellement que celle dont je viens de parler.

Nous sommes également arrivés à une convergence de vues avec la CEQ pour le secteur santé, où elle représente 6 000 personnes, une convergence de la même nature que celle que je viens de mentionner. Nous avons également des conclusions conjointes de nos travaux avec la CPS, cartel des professionnels qui représente 15 000 personnes dans la santé, avec qui il y a les infirmières auxiliaires, 5 000 personnes; avec l'APIQ, les inhalothérapeutes, 1 800 personnes; avec le SPDQ, les diététistes, 650 personnes; pour un total de 98 450 personnes dans le domaine de la santé. Nous sommes en train de travailler présentement avec le syndicat de la CSD et avec l'APTMQ, qui représentent respectivement 4 000 et 4 000 techniciens de laboratoire et autres employés de santé, pour un grand total escompté de 106 450 dans le domaine de la santé, qui est une majorité, puisque l'autre groupe, qui n'a pas encore conclu d'entente, c'est la FAS, représente 99 500 personnes. Cependant, la FAS est en train de travailler aux tables de négociation présentement avec les négociateurs du gouvernement.

Dans le domaine de l'éducation, ce qui est acquis également en termes d'accord, c'est avec la FTQ-employés de soutien, 10 000 personnes.

Du côté de la fonction publique, nous sommes en train de travailler et de finaliser ce que nous espérons bien être une entente bientôt avec la SPGQ et les professionnels, qui représentent toutes les deux environ 60 000 personnes.

(14 h 20)

Du côté des collèges, les enseignants collégiaux, pour le moment il n'y a pas de résultat. Nous n'avons pas tellement d'espoir, mais tout est possible encore, puisque les gens travaillent. Nous espérons qu'on arrivera à un résultat.

Et, du côté des enseignants du primaire et du secondaire, nous n'avons pas encore de conclusion. Les gens ont travaillé intensément, de façon vraiment imaginative, je dois dire, depuis maintenant près de deux ou trois jours. Je sais qu'ils ont travaillé une partie de la nuit, d'après ce dont on m'a informé. La CEQ est présentement en réunion à la suite d'une vérification que nous avons dû faire d'une proposition ultime qu'elle a faite durant la nuit, et les chiffres révèlent que ça nous permettrait d'arriver à l'objectif. Cependant, il n'y a rien d'acquis. Sauf que la CEQ est en réunion présentement. Je viens d'apprendre du président du Conseil du trésor que Mme Lorraine Pagé a annoncé une conférence de presse à 15 h 30. On devrait en savoir plus.

Ce que je veux dire, c'est que nous avons des ententes maintenant – je crois, ou nous les aurons, d'après moi – avec près sinon plus de la moitié des personnels concernés. Nous travaillons encore intensément avec les autres.

Pour ce qui est des cadres, question qui a fait l'objet d'une question, hier, je les ai rencontrés ce matin, à 9 heures, nous avons passé un bon bout de temps ensemble, nous avons fait le tour de la question. Ce que je veux dire pour les cadres, ce que je veux répéter de façon formelle pour les cadres, c'est qu'ils représentent pour nous un élément essentiel du fonctionnement de l'État et des réseaux. Ce sont des gens qui n'ont pas été très bien traités par l'employeur public. C'est le cas depuis très longtemps. C'est une dynamique de leur situation qui fait que ces gens-là travaillent très fort, qu'ils assument le fardeau essentiel sur le terrain, sur la ligne de front des mises en oeuvre des réformes qui sont faites et qui sont payés souvent moins cher que les professionnels ou les gens qu'ils dirigent. Et je veux rendre hommage à leur sens des responsabilités.

Je veux être complet parce que c'est important, si vous permettez. Au terme de la discussion que nous avons eue avec les cadres ce matin, nous avons convenu de créer un groupe de travail ponctuel et qui, à compter du début de la semaine prochaine, va avoir pour mandat – rencontrant les représentants de tous les cadres, les sept groupes, et des représentants de tous les secteurs du gouvernement sous l'égide du Conseil du trésor – de faire le point sur la situation des cadres et, deuxièmement, d'échanger sur les efforts qui leur sont demandés. Nous nous sommes quittés dans une atmosphère positive.

Et je termine en disant que bien sûr on voit qu'il y a des gens qui n'ont pas signé encore, que les échéances sont à peu près complétées et que, de toute façon, nous devons adopter une loi en cette Chambre pour notamment réduire les salaires des députés de l'ordre de 6 %. Nous l'avons annoncé, nous l'avons promis. Il vient un moment où il faut remplir ce qu'on a dit, et c'est un geste de solidarité que nous posons tous, et je crois que nous devons poser.

Nous allons soumettre à l'Assemblée nationale la discussion là-dessus demain. Tout à l'heure, j'ai informé le chef de l'opposition officielle de même que le président de l'Assemblée nationale que je demanderai la convocation de la Chambre pour demain à compter de 9 heures. Je viens de signer la lettre adressée au président à cet effet, qui vous sera remise incessamment. Et cette loi devra d'abord disposer de la question de la réduction des coûts de main-d'oeuvre au niveau de l'Assemblée nationale concernant les députés de même que le personnel politique. Elle devra également viser d'autres groupes qui ne sont pas dans la négociation médiatique, mais qui sont également en cause: je parle des médecins, des omnipraticiens, des juges, et enfin on verra demain ce qu'il y aura dans la loi.

Cette loi affectera également, M. le Président, les autres groupes qui n'auront pas signé. J'espère qu'il n'y en aura pas.

Le Président: M. le premier ministre, je crois qu'on conviendra tous que la Chambre vous a permis d'exposer d'une façon plus large que normalement le temps imparti à une réponse aurait dû vous permettre de le faire. À ce moment-ci, pour être équitable, je permettrai au député de Westmount–Saint-Louis éventuellement de prendre le temps nécessaire aussi pour donner une réplique ou des commentaires additionnels.


Secteurs touchés par le dépôt d'une loi spéciale à l'issue des négociations dans le secteur public

M. Chagnon: M. le Président, en principale. Je félicite le premier ministre pour son nouvel intérêt à l'égard des cadres. Ça faisait quand même six mois qu'ils attendaient le rendez-vous qu'ils ont eu finalement ce matin. Je le remercie de les avoir rencontrés.

M. le Président, le premier ministre vient de nous annoncer qu'on a une entente effective avec à peu près, dans le fond, 115 000 syndiqués. Le premier ministre vient de nous indiquer qu'on continue de négocier aujourd'hui, ce soir, date limite. Demain matin, 9 heures: loi spéciale pour au-delà de quelque 200 000 syndiqués. Au moment où on se parle, 250 000 syndiqués n'ont pas d'entente avec le gouvernement. Est-ce que le premier ministre peut confirmer ce chiffre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'estimerais fort imprudent et fort pessimiste de présumer que nous ne pourrons pas, au cours de cet après-midi et ce soir, arriver à d'autres ententes avec les groupes qui n'ont pas encore conclu d'accord avec le gouvernement. Dans le cas des professionnels et des fonctionnaires du gouvernement, je ne vois pas comment on ne pourrait pas s'entendre parce qu'on s'entend sur tout, et leur convention, je ne crois pas qu'elle soit affectée, même, par les discussions qui sont en cours. Ils bénéficieront de la mise en place du régime de retraite bonifié.

Mais laissons donc, encore une fois, à la négociation la chance de produire ses fruits. Nous avons été patients jusqu'à maintenant, l'opposition et nous. Conservons cette patience aux heures qui restent. Ce sont des efforts qui risquent d'être très productifs, puisque c'est à la fin qu'on voit la partie de baseball, comme disait Yogi Berra.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, doit-on comprendre que, effectivement, 115 000 personnes, à l'heure où on se parle, se sont déjà entendues avec le gouvernement? Et nous voudrions savoir ce que la loi spéciale va comprendre, parce que demain matin, lorsque le premier ministre déposera sa loi spéciale, il n'y...

Le Président: Je pense que le premier ministre a pu s'exprimer longuement sans être interrompu. Je pense qu'on pourrait permettre au député de Westmount– Saint-Louis de poser sa question sans être interrompu.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Le premier ministre, demain, va déposer une loi spéciale qui va nous toucher, à 14 h 25 cet après-midi, uniquement les députés. Bravo! Maintenant, nous voudrions savoir qui d'autre sera touché.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je n'ai jamais dit que la loi ne toucherait que les députés. J'ai dit qu'elle toucherait d'autres groupes qui ne sont pas impliqués dans les négociations en cours, mais qui ont été rencontrés: les médecins, les juges et ainsi de suite – on verra demain – et qu'elle touchera – j'espère que non – les groupes qui n'auront pas signé dans ceux avec lesquels nous négocions présentement. C'est ce que j'ai dit. Je l'ai très, très bien dit. Si on se donnait la peine d'écouter ce qu'on dit, on en saurait plus peut-être. Alors, je vais répéter. Vous voyez, M. le Président, on n'est jamais trop long...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Tant que le consentement et l'indulgence sont au rendez-vous, M. le premier ministre. Vous avez la parole.

M. Bouchard: Non, je crois que les choses sont claires: loi spéciale demain pour les députés, bien sûr, pour d'autres groupes qui ne sont pas affectés par les négociations en cours, entre autres les juges, les médecins, et pour ceux des groupes qui négocient présentement et qui n'auront pas signé demain. Mais ne présumons pas des succès qu'on peut obtenir par négociation avec la bonne foi des deux côtés.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: C'est plus clair puis ça a été plus court, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Dans ces autres groupes, est-ce que la Sûreté du Québec sera comprise dans la loi spéciale demain matin?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Un peu de patience, M. le Président, tout ça sera dans la loi demain. Les gens sauront très bien demain, en lisant la loi, qui est couvert, qui n'est pas couvert, pour quelles raisons, couvert, pas couvert. Tout va être là.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: Pour les groupes avec lesquels le gouvernement ne se sera pas entendu, entend-il déposer dans la loi spéciale l'offre du 5 mars ou la contre-offre du 8?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, attendons à demain, la loi parlera par elle-même. Le projet de loi va être rendu public, les gens pourront le discuter et le consulter.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, comment le gouvernement pourra-t-il passer outre au vote unanime de cette Chambre, le 19 novembre dernier, vote sur lequel le premier ministre a lui-même voté en faveur ainsi que l'ensemble des 117 membres de l'Assemblée nationale qui étaient présents? Comment le premier ministre et son gouvernement pourront-ils passer outre à une motion de l'Assemblée nationale, votée unanimement, qui disait que nous devions exiger du gouvernement péquiste qu'il respecte sa signature apposée aux conventions collectives négociées il y a moins d'un an et demi et qui sont encore bonnes jusqu'au mois de juin 1998?

Une voix: Bien oui!

Le Président: M. le premier ministre.

(14 h 30)

M. Bouchard: M. le Président, trois choses. Premièrement, ce vote a été précédé d'une conférence de presse où j'ai rappelé que le gouvernement devrait assumer ses responsabilités s'il n'arrivait pas à une entente négociée. Deuxièmement, après ce vote, après ce vote qui date de novembre, si je me rappelle bien – vous l'avez mentionné vous-même – il y a eu l'accord du mois de décembre qui a été signé par les parties et en vertu duquel les parties ont accepté de mettre sur pied un régime de retraite volontaire de 15 000 personnes dont le départ diminuerait de 800 000 000 $ récurrents les coûts de main-d'oeuvre du gouvernement, assorti d'une contribution, de la part des employés, de la moitié du fonds qui est requis pour le faire jusqu'à la hauteur de 800 000 000 $ pour chaque partie, plus une contribution de 100 000 000 $ pour nous permettre d'arriver à l'atteinte des objectifs budgétaires de cette année. Et nous avons également convenu qu'il y aurait des modalités qui permettraient, pour ceux qui resteraient et pour la qualité des services, qu'ils soient maintenus dans des conditions acceptables.

Alors, c'est fort de ces signatures obtenues en décembre que nous avons entrepris l'exercice que nous avons entrepris, qui s'est conclu jusqu'à maintenant par des signatures qui seront apposées sur des ententes de principe qui montrent que les signatures sont respectées dans ce dossier et que le gouvernement agira à partir de signatures.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, comment le premier ministre peut-il oser dire que l'Assemblée nationale et ses supposés partenaires syndicaux vont lui permettre de renier la signature du gouvernement dans les conventions collectives, apposée au mois de septembre 1995, deux mois avant le référendum?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce que le député a appelé des supposés partenaires syndicaux sont d'authentiques, véritables et légitimes partenaires de tout gouvernement, de toute société. Et, s'il a des reproches à faire à quelqu'un, qu'il reproche aux partenaires syndicaux d'avoir signé l'entente de décembre. Ils l'ont signée délibérément, en toute bonne foi et clairement, et ils l'ont démontré, puisque par la suite ils ont accepté de participer à l'exercice qui en découlait, d'avoir une négociation qui arrive, pour le moment, à déjà plusieurs ententes.

Le Président: M. le député de Laporte, en principale.


Augmentation du fardeau fiscal des contribuables

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Les paramètres du budget de mardi prochain sont maintenant tous connus. On sait que...

Des voix: ...

M. Bourbeau: Oui.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le président du Conseil du trésor nous a fait connaître les dépenses et nous connaissons le déficit, qui sera de 2 200 000 000 $, de sorte que les revenus du gouvernement, dans le budget de mardi prochain, seront de 37 566 000 000 $.

Les revenus du gouvernement ont deux sources: les transferts fédéraux, les revenus autonomes. Or, nous connaissons les transferts fédéraux puisque le gouvernement a publié le chiffre en octobre. De sorte que, si on soustrait les transferts fédéraux, les revenus autonomes du gouvernement seront de 31 745 000 000 $. Voilà.

M. le Président, ce chiffre de 31 745 000 000 $ est supérieur de 1 113 000 000 $ aux revenus autonomes de l'année courante, d'après les propres chiffres, encore, du gouvernement. Il y a donc un manque à gagner...

Des voix: ...

Une voix: Il est meilleur qu'au moment où il occupait les fonctions de ministre des Finances.

Une voix: Il doit avoir une bonne calculette.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, il y a donc un trou de 1 113 000 000 $ dans les revenus autonomes du gouvernement. Le gouvernement devra aller chercher cette somme-là. Le ministre des Finances a déjà commencé, au cours des derniers mois, à annoncer des augmentations de taxes, d'impôts, de tarifs, déclarations ministérielles, malgré la promesse du premier ministre de ne pas hausser les impôts et les taxes. On se souvient des nouvelles taxes pour la pauvreté, l'assurance-médicaments, les droits d'immatriculation, les permis de conduire, les taxes sur le tabac, etc.

M. le Président, on se souviendra également que M. Gérald Larose, l'ami du gouvernement, demandait au gouvernement d'augmenter les impôts de 1 000 000 000 $, en octobre dernier.

M. le Président, la question que je pose au ministre des Finances est la suivante: Est-ce que la panoplie de nouvelles taxes, d'impôts, de tarifs que le ministre des Finances nous a annoncés au cours des six derniers mois sera suffisante pour combler le trou de 1 113 000 000 $ ou doit-on s'attendre à de nouvelles taxes, impôts, tarifs, etc.?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, il est heureux de constater qu'un relativement court séjour dans l'opposition pour le député de Laporte lui a permis d'apprendre le sens du mot «paramètre», parce que dans son temps ces deux expressions ne s'appliquaient pas. La seule règle était la fuite en avant, des déficits toujours croissants et de l'endettement perpétuel.

Alors, parce que ce gouvernement a, premièrement, diminué, pour la deuxième fois en 25 ans, la dépense publique au Québec et qu'il a respecté ses objectifs de déficit, tel que prévu pour la première fois en une décennie, c'est ce qui permet au député de Laporte de poser des questions précises.

Mais, s'il commence à raffiner sa technique de questions, il a encore beaucoup de choses à apprendre pour voir les réponses. D'abord, il faut qu'il tienne compte du fait que le produit national brut du Québec a augmenté de 1,2 %, contrairement à mes prévisions trop conservatrices de l'an dernier.

Alors, je lui donne déjà un petit indice pour qu'il refasse ses devoirs et pose des questions plus précises.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président, tout le monde sait que 1,2 % de PIB, ça ne produit pas beaucoup de revenus, surtout quand c'est des exportations – des exportations.

M. le Président, je pose la question suivante: Est-ce que le ministre des Finances ne reconnaît pas que, si le gouvernement n'avait pas augmenté le salaire de ses fonctionnaires de 1 000 000 000 $, selon les aveux de l'ancienne ministre des Finances à la veille du référendum de 1995, 1 000 000 000 $, il n'aurait pas besoin aujourd'hui d'augmenter les impôts, les taxes, les tarifs et les permis...

Une voix: Et de renier sa signature.

M. Bourbeau: ...et de renier sa signature, pour combler son trou de 1 100 000 000 $?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député a introduit dans sa question une petite remarque qui jouxte à l'absurde. Il a dit que le PNB avait augmenté à cause des exportations. C'est vrai, mais les exportations, ce n'est pas de l'argent qui sort, contrairement à ce que le mot dit, c'est de l'argent qui rentre. C'est nous qui vendons à l'étranger, c'est les autres qui paient.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Landry (Verchères): ...M. le Président, je vais vous faire à vous et en même temps au député de Laporte une petite confidence. Mes adjoints, il le sait, il a été ministre des Finances, préparent des notes extraordinaires pour répondre aux questions. Savez-vous quelles sont les rubriques sous lesquelles les hausses de taxes libérales sont retrouvées dans mes notes, ici? La rubrique «litanie», par allusion aux litanies des saints, autrefois, qui duraient 25 minutes. Je peux vous les faire, en raccourcissant un peu le temps.

Une voix: Prends le temps, prends le temps.

M. Landry (Verchères): Alors...

Le Président: M. le vice-premier ministre, pour être très clair, je ne vous permettrai pas d'être aussi long que le premier ministre, qui jouit en cette Chambre de privilèges particuliers, tout comme le chef de l'opposition officielle. Alors, je vous avertis maintenant que vous en êtes à votre conclusion.

M. Landry (Verchères): J'espère, M. le Président, que ce n'est pas parce que votre sentiment religieux s'affaiblit que vous ne voulez pas que je dise les litanies.

Des voix: Ha, ha, ha!

(14 h 40)

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, alcool et tabac, 283 000 000 $ et 471 000 000 $; garanties des sociétés d'État, 42 000 000 $; surtaxe de 5 %, 240 000 000 $; resserrement du rendement d'impôt foncier, 123 000 000 $; nouvel impôt de 1 %...

Le Président: Je pense, M. le ministre, que vous pouvez interrompre votre litanie. Je m'excuse, votre temps est terminé. Je vais céder la parole au député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances, qui manifestement est plus fort en thèmes qu'en chiffres, pourrait se faire expliquer par ses fonctionnaires que les exportations rapportent moins parce que non sujettes à la TVQ? C'est ce que je voulais dire tout à l'heure.

Des voix: Ah!

M. Bourbeau: Et est-ce que, M. le Président... Le ministre ne m'a pas compris, manifestement. Est-ce que finalement...

Le Président: M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président, finalement, au sujet du trou de 1 100 000 000 $, est-ce que ce ne seront pas les Québécois qui, par leurs taxes, leurs impôts, vont acquitter la note de 1 000 000 000 $ des largesses préréférendaires du gouvernement du Parti québécois à l'endroit de ses fonctionnaires?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): En voulant corriger une légère erreur, le député de Laporte en a commis une monstrueuse, car, en effet, l'argent de nos ventes à l'étranger s'en va dans les coffres des sociétés qui vendent et qui, à leur tour, paient leurs employés, qui paient des impôts, et paient des impôts sur leurs propres profits. Alors, ce qu'il a rajouté comme explication rend la chose plus nébuleuse qu'avant qu'il ne parle.

Il m'ouvrirait la porte aussi à donner les deux autres pages de litanies que j'avais, mais je ne le ferai pas, M. le Président. Je vois votre regard. Mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...je vais me contenter de dire au député: Qu'il écoute attentivement, mardi, ça rafraîchira ses leçons d'économie puis ça lui fera davantage regretter son passé.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Verdun.


Compressions budgétaires dans le secteur de l'éducation

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Ce matin, à Québec, les étudiants universitaires et cégépiens manifestaient. Ils ont manifesté aussi ce midi, et ils manifestent parce qu'ils ont lu le livre des crédits et savent que la compression de 232 000 000 $ dans l'enseignement supérieur et de 634 000 000 $ dans l'ensemble du budget de l'éducation veut dire moins de professeurs, veut dire moins d'encadrement, veut dire un plus faible spectre de cours, veut dire une éventuelle augmentation des frais afférents dans les cégeps, veut dire, somme toute, une baisse de la qualité de l'éducation, qui est la base même de notre entrée dans le XXIe siècle. Ils ont accusé le gouvernement, le premier ministre, le ministre Landry, le ministre Léonard, la ministre de l'Éducation...

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: ...le président du Conseil du trésor – excusez-moi, c'est parce que je lisais – de négligence envers l'avenir.

Alors, ma question à la ministre de l'Éducation: Qu'a-t-elle à répondre?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Surtout ne pas suivre l'exemple qu'on nous a donné en face, parce que là on aurait été irresponsable à l'égard de l'avenir, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Au lieu de s'attaquer à la gangrène du déficit, effectivement, on a continué à progresser dans les hausses de dépenses de façon complètement irresponsable.

Maintenant, concrètement, ce que nous faisons effectivement nous permet de préserver l'avenir, et nous essayons de le faire intelligemment, de telle sorte qu'on ne touche pas, ou le moins possible, aux services.

Le député – je lui ai répondu ce matin sur cette question – a demandé si nous levions le plafond des frais afférents, par exemple. Il n'est pas question que nous levions le plafond des frais afférents, soit des sommes qui sont demandées aux étudiants pour certaines dépenses qu'encoure une institution de niveau cégep. Alors, non seulement nous ne les avons pas levés, nous avons même gelé les frais universitaires. Quand le député – et je le lui ai expliqué trois fois plutôt qu'une, d'abord à une discussion de fin de séance, cette semaine, et pendant 45 minutes ce matin – me dit: L'effort demandé à l'enseignement supérieur sera de 285 000 000 $, je lui ai expliqué que j'allais étaler concrètement cet effort sur une période de deux ans et que l'effort réel du niveau universitaire allait être de 98 000 000 $, et celui des cégeps de 74 000 000 $ dont, entre autres, un 48 000 000 $ relié aux coûts de main-d'oeuvre, dans le cas des cégeps de la même façon que dans le cas des universités.

Quand on regarde, d'autre part, les revenus prévus, oui, en prélèvement sur les contributions qu'apporteront les étudiants étrangers, qu'apporteront les étudiants canadiens, cela vient donc de baisser les efforts demandés aux universités de 17 000 000 $; et, dans les cas des cégeps, la mesure de réussite nous amène aussi à une réduction de 7 000 000 $. Ce qui fait que l'effort concret pour diverses mesures est de l'ordre de 20 000 000 $ pour les cégeps et de 33 000 000 $ pour les universités. Le président de la Conférence des recteurs s'en réjouissait lui-même ce matin.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du trésor. Est-ce que le livre des crédits veut dire quelque chose? Est-ce que le chiffre qui est inscrit au programme Enseignement supérieur 1996-1997 est bien de 3 038 584 000 $? Le chiffre inscrit en 1997-1998 est de 8 806 705 000 $. Sait-il faire une soustraction et faire en sorte que la compression est bien de 232 000 000 $?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Comme j'ai eu l'occasion de discuter longuement de ces questions avec mon collègue le président du Conseil du trésor, je peux peut-être continuer à éclairer la lanterne de mon collègue le député de Verdun. Alors, j'ai expliqué longuement, M. le Président, ce qu'il sait déjà d'ailleurs, que l'année budgétaire du gouvernement ne correspond pas nécessairement à l'année scolaire, donc celle des universités, celle des cégeps de même que celle des commissions scolaires, et que cela nous donne une certaine latitude quant aux règles de transferts aux différentes institutions de la portion qui leur permet de couvrir les dépenses ou, de la même façon, des exigences qui leur sont faites quant aux efforts budgétaires.

Alors, comme je suis en train d'implanter une réforme, que j'ai demandé un rapport à un comité formé de gens sérieux sur le financement des universités, entre autres, et que je souhaite donc modifier la formule de financement universitaire – les recteurs sont venus vous dire ça à la commission parlementaire la semaine dernière – je me donne les moyens de pouvoir le faire d'une façon cohérente en planifiant sur deux ans plutôt que sur un an, M. le Président.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en principale.


Listes d'attente en chirurgie orthopédique

M. Marsan: Merci, M. le Président. Mme Adrienne Desjardins, demeurant dans le comté de Vachon, écrivait il y a un mois au premier ministre pour lui faire part de son découragement. Mme Desjardins, âgée de 75 ans, attend le remplacement d'une prothèse de la hanche. Elle a beaucoup de difficulté à marcher et, en plus, elle doit prendre soin de son mari malade et âgé de 80 ans. À l'hôpital, on lui a répondu: L'orthopédiste n'a pas le droit de remplacer une prothèse plus qu'une fois par mois. Et, comme notre patiente est la huitième sur la liste d'attente, elle doit donc attendre huit mois. Ça, M. le Président, c'était avant les compressions annoncées cette semaine.

Je sais que le ministre de la Santé va répondre que c'est un cas particulier, mais, avec les nouvelles compressions de 760 000 000 $ imposées au réseau de la santé, combien de mois Mme Desjardins et les autres personnes en attente de prothèses de hanche devront-elles attendre pour subir leur chirurgie?

(14 h 50)

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, le député de Robert-Baldwin connaît mieux les réponses que les questions. Effectivement, je ne ferai pas de commentaires sur le cas particulier, parce qu'on sait que, dans des situations d'intervention, parfois les attentes comprennent une partie de délai qui est souvent convenue entre le patient et son médecin. Ce n'est pas toujours une attente à cause d'une difficulté d'accessibilité au service. Alors, s'il y avait des commentaires à faire sur cette question, je les ferai après avoir vérifié vraiment la situation. Dans l'ensemble, on pourra donner de l'information sur des cas de plus en plus particuliers – et on l'a publié lorsqu'on a fait un bilan, il y a quelques semaines – après avoir vraiment suivi la situation. La population doit savoir et sait maintenant que, dans l'ensemble, les attentes pour des chirurgies ont diminué, au Québec, de façon importante au cours de la dernière année.

Il y a un suivi très serré qui se fait dans les différents établissements, et, globalement, c'est autour de 17 % de diminution des attentes qu'on a, M. le Président, et, dans des situations comme la chirurgie générale, la chirurgie orthopédique, globalement, c'est même autour de 20 %, et un peu plus que 20 %, qu'on a eu de diminution d'attente. Est-ce qu'il y a encore des situations, à un certain moment donné, pour certains types de problèmes dans certains établissements où on n'a pas réussi à atteindre ce niveau de résultat? Ça, c'est possible, mais ce que je peux dire à la population, c'est que les compressions dans le domaine de la santé, qui ont été faites grâce à une transformation du système et des modifications des pratiques, qui se font encore présentement, n'ont pas eu le genre de résultats, globalement, qu'essaie de colporter le député de Robert-Baldwin. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça, la situation, et ça continue à s'améliorer régulièrement. Alors, le cas précis...

Le Président: M. le ministre. En principale, M. le député de Shefford.


Compressions budgétaires au Centre hospitalier de Granby

M. Brodeur: Merci, M. le Président. J'ai pu constater moi-même il y a quelques jours la non-efficacité de la réforme du ministre de la Santé. Hier encore, le chef du département de médecine du Centre hospitalier de Granby disait au journal La Voix de l'Est , et je cite: «Il y a des impacts aux coupures de personnel. Nous, on manque de lits, on a des patients dans le corridor. À l'urgence, on les ressent, les fermetures de lits.»

Une voix: C'est ça.

M. Brodeur: Ma question au ministre de la Santé, M. le Président: Comment le ministre de la Santé peut-il justifier les coupures annoncées cette semaine au Centre hospitalier de Granby, alors que cet hôpital demande déjà le soutien de la population?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la situation des urgences, comme problème, c'est bien connu, et on sait que les solutions pour régler les problèmes des urgences, ce n'est pas uniquement et ce n'est souvent pas une question de nombre de lits. C'est beaucoup plus souvent une question de bien gérer les lits qu'on a en fonction des priorités et des problèmes qui se présentent à l'urgence. C'est fonction aussi des services qui sont organisés dans la communauté au niveau des CLSC, des services qui sont rendus par les médecins et c'est beaucoup une question de libérer des lits pour des gens qui ont besoin des soins de longue durée. Alors, la régie régionale collabore sûrement avec l'hôpital de Granby, et on a une équipe technique spécialisée. Si l'hôpital a des difficultés à régler son problème, je vais m'assurer dans les prochains jours que notre équipe technique aille avec leur régie régionale les aider à préciser le diagnostic et à régler le problème, monsieur.

Le Président: M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, M. le Président. En plus, quelle mesure le ministre entend-il prendre au fait que, d'ici le mois de juin 1997, il n'y aura plus d'anesthésistes au Centre hospitalier de Granby? Ça veut dire plus de chirurgie, pas d'accouchements non plus.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, la situation des soins donnés par les anesthésistes est, pour cette année, pour une année, dans une passe un peu serrée. C'est un fait. Et le nombre... déjà l'an prochain, avec les nouveaux anesthésistes qui vont être diplômés, on sera sorti de cette difficulté un peu serrée. C'est donc une année difficile qui se passe présentement, mais le ministère, les régies régionales et les établissements sont en discussion, et les négociations et les discussions avec la Fédération des médecins spécialistes, avec l'Association des anesthésistes nous acheminent vers des solutions. Il y a d'ailleurs plusieurs endroits où la situation, le problème a déjà été réglé, et j'ai toute la confiance qu'on arrivera au même genre de résultats positifs dans le cas de l'hôpital de Granby, M. le Président.

Le Président: En principale, Mme la députée de La Pinière.


Coûts des médicaments pour les personnes à faibles revenus

Mme Houda-Pepin: M. le Président, il y a un mois, plus exactement le 20 février dernier, j'écrivais au ministre de la Santé et des Services sociaux au sujet de M. Blanchet, un citoyen de mon comté assisté social, multihandicapé et diabétique, qui m'a avisée de toute urgence qu'il n'avait pas d'autre choix que de cesser de prendre ses médicaments, faute d'argent, ce qui mettrait sa vie en danger. Comme seule réponse technocratique, le ministre m'a écrit par la voix d'un de ses attachés politiques pour me dire qu'il accorderait toute l'attention requise à ce dossier.

Je dois rendre visite à M. Blanchet bientôt. Quelle solution concrète le ministre peut-il me donner pour l'assurer qu'il va encore avoir accès à ses médicaments?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je peux sûrement vous dire que, dans chaque situation comme ça qui nous est indiquée, on communique avec les pharmaciens, avec le CLSC, et, au besoin, la Régie de l'assurance-maladie du Québec se met en lien avec eux pour que chaque personne voie une solution à son problème. Alors là, évidemment, je ne peux pas aller dans les détails pour la personne dont on parle, mais, depuis le temps où cette correspondance a eu lieu, il y a sûrement eu contact qui a été pris avec cette personne. Et, s'il y a encore d'autres choses à faire, c'est les intervenants au niveau local, les professionnels de la santé, comme les pharmaciens et, au besoin, ceux du CLSC, qui ont les moyens présentement d'intervenir et d'aider les gens à régler le problème qu'ils ont.

Le Président: Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que le ministre réalise que toutes ces démarches ont déjà été faites et que le dossier est rendu sur son bureau? Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui réagit comme un bloc de glace, peut avoir un peu plus de compassion pour les malades? Car, avec la cassette monotone qu'il nous sert à chaque fois, ce n'est pas juste les malades qui n'ont pas accès aux services de santé, c'est la santé qui est en train de se rendre malade.

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, loin de réagir comme un bloc de glace, on est, au contraire, très actif dans toutes ces situations, et le réseau de la santé et des services sociaux, c'est 235 000 personnes, professionnels et employés, c'est tout un réseau qui est au service de la population et qui intervient directement quotidiennement avec les gens pour les aider à régler leurs problèmes.

C'est sûr que, sur le nombre de difficultés qu'ils peuvent présenter – problème de santé ou problème social – le nombre de situations pénibles que certaines gens vivent – il y en a, des gens qui sont dans des situations de misère, au Québec – les programmes, tels qu'ils sont conçus, permettent facilement aux gens de régler 80 %, 90 % des difficultés. Mais il y a des gens pour lesquels il faut faire des ajustements, et c'est pour ça qu'il y a des humains, qu'il y a des professionnels, qu'il y a des employés qui sont compétents et qui sont là sur le terrain pour aider les gens à s'en sortir, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale.

Mme Loiselle: Merci. Non, en additionnelle.

Le Président: En additionnelle?

Mme Loiselle: Oui. Au-delà du langage robotique du ministre de la Santé, est-ce que le ministre peut comprendre – non, c'est la vérité – qu'il y a des gens qui souffrent? Il y a des gens dont l'état de santé s'aggrave à cause de l'implantation bâclée, précipitée et budgétaire de son assurance-médicaments. Qu'allez-vous faire pour les personnes prestataires de l'aide de dernier recours, pour les personnes âgées à faibles revenus qui actuellement choisissent entre manger ou payer leurs médicaments ou s'humilier à aller quémander dans les banques alimentaires?

Une voix: Exactement.

Une voix: Oui.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je peux assurer cette Chambre et la population qu'il n'y a pas une situation qui a été laissée sans qu'on s'en occupe très activement dès qu'elle a été signalée. Encore une fois, il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'on suggère dans des questions, d'avoir des systèmes automatiques, centralisés qui essaient de régler des problèmes au-dessus de la tête du monde, c'est localement qu'il y a des intervenants, qu'il y a des services de santé. On doit les connaître dans les différents endroits, et ces gens-là, ils ont l'appui et on leur donne les moyens pour qu'ils puissent tenir compte de la situation personnelle des individus.

(15 heures)

Contrairement à ce qu'on semble suggérer, de trouver des solutions mur à mur qui pourraient essayer de tenir compte de situations qui sont très personnalisées, c'est des approches individuelles qui sont faites par des professionnels qui sont tout à fait compétents et qui ont les moyens d'aider les gens, M. le Président, et c'est ce qui se passe à des milliers d'exemples à chaque jour dans ce réseau, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé peut venir s'asseoir quelques heures en commission parlementaire, à la commission des affaires sociales, où on discute présentement sur le livre vert de la réforme de l'aide sociale, et entendre les témoignages déchirants de personnes qui nous disent qu'elles doivent faire le choix entre soit se loger, payer le loyer, manger ou aller quémander dans les banques et les centres de dépannage pour aller chercher leurs médicaments? C'est ça, la réalité des gens qui sont pauvres au Québec, M. le Président, avec l'assurance-médicaments.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il y a déjà eu des rencontres, et je ne refuse aucune des rencontres, même en m'impliquant directement avec des gens qui vivent des difficultés avec n'importe quel de nos services. Maintenant, je ne vois pas pourquoi la députée semble mépriser les interventions qui sont faites par des groupes communautaires, parce que ça fait partie...

Le Président: Je voudrais vous rappeler, à l'occasion de cette interruption, que l'article 35, 6° et 7° de notre règlement, cela vaut autant pour le début de la réponse que le ministre vient de commencer, d'amorcer, que pour les questions qui ont été posées précédemment... On ne peut «imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole» et on ne peut non plus «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit». Alors, M. le ministre, en conclusion.

M. Rochon: Je n'ai pas du tout l'intention de blesser qui que ce soit, mais j'entends, à deux reprises, dans des questions, faire référence à l'aide qui est apportée par soit des banques alimentaires ou des services communautaires, qui font aussi partie de toute l'organisation, de la texture des services qui sont donnés dans la communauté. Et bien sûr, dans certains cas, quand il y a... Certaines interventions peuvent être faites en collaboration avec les professionnels de la santé pour s'assurer, s'il y a des gens qui sont dans une situation difficile, qu'on puisse aussi les aider et travailler avec eux en collaboration avec des groupes communautaires. C'est tout ce que je voulais dire, M. le Président, ce n'est pas anormal de travailler aussi par cette voie pour s'assurer qu'on améliore constamment nos programmes et qu'on adapte les services toujours de plus en plus aux besoins que les gens vivent, M. le Président.

Le Président: Alors, cette réponse met fin pour aujourd'hui à la période de questions et réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.


Lettre du premier ministre demandant que l'Assemblée se réunisse d'urgence

À ce moment-ci, pendant que l'ensemble des membres sont en cette enceinte, je voudrais vous aviser que j'ai reçu, tel que nous avons été informés que cela avait été fait précédemment, de M. le premier ministre, la lettre suivante dont je vous donne la lecture:

«M. le Président, conformément au règlement de l'Assemblée nationale, je vous prie de prendre les dispositions pour que l'Assemblée se réunisse d'urgence, en séance extraordinaire, à compter de 9 heures, vendredi le 21 mars 1997, selon le calendrier et l'horaire qui seront déterminés par l'Assemblée, et ce, afin de procéder à la présentation et à l'adoption d'une loi visant à assurer la diminution des coûts de la main-d'oeuvre dans le secteur public et, selon le cas, à donner suite aux différentes ententes de principe intervenues dans le cadre des présentes négociations.

« Veuillez agréer...», et ainsi de suite.

En conséquence, l'Assemblée est convoquée en séance extraordinaire à compter de demain, 9 heures, vendredi le 21 mars 1997. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Simplement une question de précision. La période de questions aura lieu à quelle heure?

M. Bélanger: On commence par la période de questions.

Le Président: En fait, on devrait... À moins que je ne me trompe, la période va avoir lieu dès le début des affaires courantes, à moins qu'il n'y ait d'autres... aussitôt qu'on sera rendus à cette rubrique.


Motions sans préavis

Alors, aux motions sans préavis. M. le ministre des Relations internationales.


Souligner la Journée internationale de la francophonie

M. Simard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée internationale de la francophonie, célébrée chaque année le 20 mars, qu'elle adresse ses fraternelles salutations à tous les peuples qui composent la communauté internationale francophone et qu'elle réaffirme solennellement son attachement à ses institutions.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Oui.

Le Président: Il y a consentement.

M. Bélanger: C'est juste pour confirmer les échanges qu'il y a eu avec l'opposition à l'effet qu'il y aurait un intervenant de part et d'autre, M. le Président.

Le Président: Très bien. Alors, avant de céder la parole au ministre des Relations internationales, je demanderais aux collègues qui doivent quitter l'enceinte du salon bleu de le faire rapidement.

M. le ministre des Relations internationales.


M. Sylvain Simard

M. Simard: M. le Président, en ce tournant de millénaire, deux sirènes presque irrésistibles ont envoûté le monde. Le chant de l'une évoque la virtuelle béatitude d'un monde sans frontières; l'écho de l'autre nous exhorte à un prudent repli sur nos particularismes, à une frileuse protection de nos identités. L'un est le miroir de l'autre, les deux s'opposant autant qu'ils se nourrissent. Un ouvrage récent évoque d'ailleurs le spectre d'une planète transformée en un supermarché mondial où les gens n'auront de choix qu'entre un ayatollah local et Coca-Cola.

La francophonie réconcilie ces deux tendances lourdes de notre époque. Formée de près de 50 pays sur cinq continents, elle tend à l'universel. Elle est universelle par ses ambitions, universelle dans ses préoccupations, universelle dans ses intérêts, dans les champs qu'elle investit. Pour pasticher Paul Thibault, elle est une expérience d'humanité qui intéresse les autres, mais elle est aussi une projection dans le XXIe siècle de ce patrimoine commun forgé dans le creuset d'expériences nationales autant diverses qu'universelles, car la francophonie se décline au futur. Elle sera de tous les enjeux planétaires ou elle ne sera pas.

Il faut que ce patrimoine commun qui est la langue française puisse continuer d'exprimer avec génie toutes les nuances de ce monde. La langue française doit être de tous les combats. Elle doit servir d'outil pour continuer d'explorer le monde, de clé pour accéder à de nouvelles connaissances, de nourriture pour alimenter nos réflexions sur un siècle tout neuf. Elle doit être de tous les nouveaux canaux de communication qui tissent leur toile autour du monde. Si la langue française n'exprime plus les craintes et les appréhensions, si elle ne chante plus les espoirs ou ne célèbre plus les victoires de notre époque extraordinaire, si elle en est de moins en moins le reflet, si elle refuse d'évoluer en se frottant aux arts, aux techniques et aux économies en ébullition, la francophonie n'aura pas su donner à l'humanité cette contribution que nous jugeons essentielle, car c'est à la francophonie qu'il appartient de faire entrer le français dans le nouveau siècle.

Avec le français, la francophonie apporte une façon de voir et de dire le monde et, en s'ouvrant aux autres tout en affirmant sa personnalité parce qu'elle interpelle des citoyens conscients d'eux-mêmes tout autant qu'ouverts aux autres, la francophonie contribue à préserver des espaces de démocratie. Une telle vision invite au dépassement mais peut-être aussi à l'éparpillement. Il faut, pour l'heure, resserrer nos programmes d'action et de coopération et nous concentrer sur ce que nous pouvons faire de mieux et qu'aucune autre instance ne peut faire à notre place. Il faut affirmer et développer entre ses membres une coopération multilatérale dans les domaines incarnant les enjeux de la francophonie depuis son origine, notamment l'éducation, la formation, la culture, les sciences, les techniques, mais aussi la démocratie, la communication, la télévision et les inforoutes. De cette manière, tous ses membres pourront accéder ensemble à un plus grand développement.

(15 h 10)

Ce dynamisme des activités qui intéressent le développement des peuples va de pair avec un renforcement de la francophonie institutionnelle. La francophonie a franchi un grand pas en se donnant, cette année, une dimension politique et en créant le poste de secrétaire général, porte-parole politique et coordonnateur de l'action de tous les acteurs de la francophonie. Clé de voûte de notre organisation, cette nouvelle fonction donnera une envergure vraiment internationale à notre coopération.

Par ailleurs, la Conférence ministérielle a adopté la Charte de la francophonie. Désormais, la francophonie possède sa constitution. L'apport du Québec a été particulièrement marquant dans le vaste chantier de la mise au point de cette réforme institutionnelle. Nous avons su préserver les acquis du Québec sur la scène internationale francophone.

Ces réformes étant derrière nous, le sommet de Hanoi, en novembre, pourra être consacré entièrement à ce qu'il est convenu d'appeler les contenus, c'est-à-dire les multiples projets de coopération qui composent la programmation que les partenaires réalisent ensemble. À ce chapitre, la participation du Québec a toujours été marquée par un apport original et créateur.

Nous aurons bientôt la possibilité de prendre d'importantes initiatives dans le secteur des inforoutes quand, en mai, se réuniront à Montréal les ministres responsables des inforoutes de nos 49 gouvernements. Nous aurons l'occasion de pousser encore plus loin une expérience aussi enthousiasmante, un succès aussi franc que TV5, bientôt présente en Asie et dans toute l'Amérique. Enfin, nous trouverons à Hanoi les moyens pour que, dans cette région du monde, la langue française soit un outil nécessaire dans le développement économique et social.

Comme vous le voyez, M. le Président, la francophonie des organismes et des institutions, la francophonie des institutions gouvernementales se porte bien. Ce que nous sommes à créer, ce que cette journée crée partout à travers le monde, c'est la francophonie des peuples, l'appel à tous les francophones du monde à se sentir à l'aise dans cette nouvelle grande famille dont nous sommes si fiers. L'accueil fier et généreux du Viêt-nam cette année sera déterminant pour l'avenir de la francophonie en Asie.

En terminant, M. le Président, j'invite cette Assemblée à appuyer de façon unanime la motion que je dépose aujourd'hui à l'occasion de la Journée internationale de la francophonie. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations internationales. Nous cédons maintenant la parole à la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, c'est avec un grand plaisir que je joins ma voix, au nom de l'opposition officielle, à celle du gouvernement du Québec pour souligner la Semaine internationale de la francophonie.

La Semaine internationale de la francophonie est une occasion privilégiée pour saluer les milliers de bénévoles et d'organismes publics, parapublics et privés de la francophonie qui s'impliquent à longueur d'année dans la valorisation, la promotion et le rayonnement de la langue française et des cultures d'expression française.

Au Québec, cette année, de nombreuses manifestations ont été organisées mettant à contribution nos institutions d'enseignement, nos musées et nos organismes non gouvernementaux. Leurs activités ont permis d'exprimer la fierté de tous les Québécois et de toutes les Québécoises de faire partie de cette grande famille qu'est la francophonie mondiale.

Cette semaine est également un moment approprié pour mesurer le chemin parcouru afin d'aller au-delà des symboles et des considérations folkloriques. La francophonie mondiale regroupe près de 50 pays et gouvernements ayant le français en partage. Ils sont répartis sur les cinq continents, principalement en Afrique, en Europe, en Amérique et en Asie. Ils représentent une population de 500 000 000 de personnes, dont 134 000 000 parlent couramment le français. La francophonie mondiale est un vaste espace géographique où le français côtoie plus de 2 500 langues locales ou nationales. C'est aussi une mosaïque de cultures, d'ethnies et de religions qui apportent chacune leur contribution à la construction d'un patrimoine commun.

Le Parti libéral du Québec, tant au pouvoir que dans l'opposition, a toujours défendu et promu le fait français au Québec, au Canada et au plan international. Cette défense du fait français en Amérique s'est toujours réalisée autour de gestes concrets permettant l'amélioration de la qualité du français dans nos écoles et auprès des nouveaux arrivants. Elle s'est aussi faite autour de projets à caractère économique, scientifique et technique qui ont propulsé le Québec dans la modernité tout en lui assurant un rayonnement international.

Le gouvernement libéral a également veillé à ce que le Québec soit présent et visible dans les différentes instances internationales de la francophonie, notamment au sein de l'Agence de coopération culturelle et technique, au sein de l'Association des universités d'expression française et de TV5, pour ne nommer que celles-là.

Le rayonnement du Québec au sein de la francophonie a été l'une des priorités de l'ex-premier ministre du Québec, le regretté Robert Bourassa, qui a été décoré le 21 février 1997, à titre posthume, de la Légion d'honneur, décernée par le président de la République française, M. Jacques Chirac. Dans un message du 3 octobre 1996, le président Chirac écrit ceci: «Avec lui, le Québec perd avant tout un homme de fidélité. Fidélité à la chose publique tout d'abord. Robert Bourassa y a consacré toute sa vie, dont près de 14 ans à la plus haute charge, celle de premier ministre. Fidélité à la francophonie également dont il fut l'un des avocats les plus convaincus et au rayonnement de laquelle il a puissamment contribué. Fidélité, enfin, dans son amitié avec la France, dont il a fait preuve avec constance et générosité.»

L'ancien ambassadeur de France au Canada, actuellement en poste à Washington, M. François Bujon de l'Estang, rend hommage, dans une lettre du 14 octobre 1996, à l'action de M. Robert Bourassa, et je cite, «ainsi qu'à son dévouement sans borne à la cause de l'affirmation de la personnalité québécoise et du fait francophone au sein du Canada».

Depuis 1987, année où nous avons accueilli au Québec le deuxième Sommet de la francophonie, le gouvernement du Québec s'est taillé une place privilégiée dans les préparations des sommets subséquents, où nous avons su mettre à profit notre expertise et notre savoir-faire organisationnel, le tout en complémentarité avec le gouvernement fédéral et celui du Nouveau-Brunswick.

À la veille du prochain Sommet de la francophonie, qui se tiendra à Hanoi, au Viêt-nam, j'ose espérer que le ministre des Relations internationales, qui a déjà réussi à se mettre tout le monde contre lui dans le dossier des Jeux de la francophonie, y compris ses cousins bloquistes et les militants péquistes de l'Outaouais, ne mettra pas en péril l'équilibre de nos rapports avec le gouvernement fédéral lors du Sommet de Hanoi.

Le prochain Sommet de la francophonie, M. le Président, est extrêmement important à cause des changements structurels et institutionnels qui s'opéreront dans les instances et les orientations de la francophonie depuis l'adoption, à Marrakech, en décembre dernier, de la Charte de la francophonie. Pour ma part, je crois qu'il était temps que la francophonie mette le cap sur le volet économique. C'est ainsi que l'on peut lire dans le préambule de la Charte de Marrakech, et je cite: «C'est par le développement et l'essor économique des pays francophones que la francophonie s'imposera dans le monde.»

C'est le point de vue que j'ai exprimé en 1987 lors d'un débat ici même, à Québec, à l'occasion du deuxième Sommet de la francophonie. Je me réjouis que l'on soit rendu là. Une telle orientation ne pourrait qu'être bénéfique pour le Québec et pour l'ensemble des partenaires de la francophonie, principalement ceux des pays de la francophonie du Sud.

(15 h 20)

L'autoroute de l'information est un exemple concret de cette volonté de maximisation des avantages de la francophonie. Dans un monde où les frontières sont éclatées, la présence de la langue française comme outil d'information et de communication m'apparaît primordiale. Je regrette cependant que la ministre de la Culture, qui est également ministre responsable de la Charte de la langue française, ait décidé de couper, cette année, 10 000 000 $ dans le Fonds de l'autoroute de l'information.

Qu'il me soit, par ailleurs, permis de souligner que l'année 1997 marque le 50e anniversaire de l'Association canadienne d'éducation de langue française, la seule association francophone qui s'occupe d'éducation de langue française présente dans toutes les provinces et territoires du Canada et qui vise la promotion de l'éducation en français et à tous les ordres d'enseignement. Depuis 1993, cet organisme souligne la qualité du travail des enseignants et des enseignantes et la créativité des étudiants par le biais des prix à la francophonie. Cette année, à l'occasion de ce 50e anniversaire, l'Association canadienne d'éducation de langue française organise aussi un grand forum sur l'avenir de l'éducation de langue française, qui se conclura par un rassemblement prévu pour le mois d'août prochain, à Québec.

Partant de là, je me permets, en cette Semaine de la francophonie, d'interpeller le Groupe de travail sur la révision du curriculum de l'enseignement primaire et secondaire afin qu'il donne à l'apprentissage de la langue française toute la place qui lui revient au sein de la grille-matière des élèves. Notre fierté d'appartenir à la francophonie repose sur cette adhésion collective que nous avons vis-à-vis du rayonnement de la langue et des cultures d'expression française. Aussi est-il urgent de mettre en oeuvre tous les moyens qui permettent un enseignement de qualité du français à tous les niveaux de notre système d'éducation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière.


Mise aux voix

Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Il y a une autre motion...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens... Alors, nous sommes toujours...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est très bien. Alors, nous sommes toujours à la rubrique Motions sans préavis. M. le député d'Outremont.


Souligner la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale

M. Laporte: Oui. M. le Président, je voudrais le consentement de cette Chambre pour la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, proclamée par les Nations unies le 21 mars 1966, et reconnaisse la nécessité de mettre fin au racisme.»

M. le Président, depuis plus de...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Consentement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement?

M. Bélanger: Oui, il y aurait consentement, et pour un intervenant de part et d'autre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, M. le député de Laporte.

M. Laporte: D'Outremont.

Des voix: Ha, ha, ha!


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, depuis plus de 30 ans, le 21 mars est la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Proclamée par les Nations unies, cette journée veut témoigner du malheur éprouvé par la conscience mondiale lors du massacre de 69 personnes par des policiers sud-africains, à Sharpeville, en 1960, lors d'une manifestation pacifique contre l'apartheid. Cette initiative, à laquelle ont toujours souscrit le Canada et le Québec, vise à nous faire réfléchir aux exigences de l'éthique de la tolérance et spécifiquement à la nécessité absolue de mettre fin à la discrimination raciale comme pratique institutionnelle et comme comportement individuel.

Le thème de cette journée est: «Mettons fin au racisme». Le Canada et le Québec sont reconnus à travers le monde pour leur respect des valeurs de tolérance civique et de soutien actif à la diversité ethnique, culturelle et raciale. Le monde entier envie nos chartes des droits et libertés de la personne fondées sur les valeurs que je viens d'évoquer. Conformément à ces valeurs, nous avons été et demeurons une terre d'accueil pour les populations émigrées et pour les personnes de toutes origines nationales qui font l'objet de discrimination mais également de persécution.

M. le Président, malgré la reconnaissance qui nous est universellement accordée en matière de tolérance et de respect de la diversité, la discrimination raciale et le racisme demeurent présents dans notre société. Cette discrimination, fondée le plus souvent sur la couleur de la peau et sur les traits de physionomie distinctifs de catégories de gens de chez nous, nous pourrions en mentionner de nombreux exemples. J'ajoute que, dans bon nombre de cas, la discrimination que subissent nos concitoyens et concitoyennes résulte de pratiques institutionnelles et de comportements individuels subtils mais néanmoins réels.

Le racisme dans nos sociétés démocratiques est rarement pratiqué de façon officielle, mais cette absence d'institutionnalisation n'empêche pas que des organisations prennent des décisions dont les conséquences sont l'exclusion raciale et que des individus se comportent de telle façon que les chances de vie de certains de leurs concitoyens appartenant à certaines catégories sociales sont mises en danger. Des études l'ont montré. De plus, en tant que députés, il nous arrive occasionnellement de devoir prendre partie en faveur de citoyens et de citoyennes de nos comtés qui subissent la discrimination raciale. Je le répète, cette discrimination prend le plus souvent des formes subtiles qui font que les personnes touchées par l'exclusion se sentiront impuissantes à mobiliser l'aide des institutions et de l'opinion publique. Mais les dommages subis n'en sont pas moins réels.

J'invite donc l'ensemble de nos concitoyens et de nos concitoyennes à profiter de cette Journée afin de s'interroger sur les actions pouvant être posées afin d'éliminer la plaie du racisme. L'engagement individuel de chacun à l'égard de l'éthique, de la tolérance et du respect d'autrui indépendamment de son identité devrait, il va sans dire, faire en sorte que la Journée internationale en faveur de l'élimination de la discrimination raciale porte pleinement ses fruits. J'invite également les parlementaires de cette Assemblée à la réflexion.

Quant à l'État, M. le Président, il doit continuer d'agir, de prendre des mesures nécessaires, tant législatives qu'administratives, afin que notre société s'émancipe du racisme en le bannissant. L'État doit surtout éviter, dans la conjoncture actuelle de compressions des dépenses publiques, d'encourir le risque d'une érosion du comportement exemplaire de ses institutions face à la lutte au racisme. Cette érosion est en effet un danger qu'aucune politique budgétaire ne saurait nous laisser encourir. En ces temps difficiles, l'État doit donc redoubler de vigilance afin de faire en sorte que notre société devienne toujours et de plus en plus une société plus juste, plus équitable et plus fraternelle. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Outremont. Nous cédons maintenant la parole au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, chers collègues, instituée par les Nations unies afin de commémorer le souvenir du massacre de 60 personnes à Sharpeville, en Afrique du Sud, lors d'une manifestation pacifique contre l'apartheid, cette Journée du 21 mars vise à souligner les efforts des différents peuples pour éliminer le racisme.

En général, au Québec, on considère que le rapprochement interculturel est positif et harmonieux et qu'il y a une acceptation mutuelle. Certains indices montrent toutefois qu'il y a des manifestations de racisme primaire, comme des agressions commises contre des personnes appartenant à des minorités raciales ou ethniques. La profanation, par exemple, de cimetières juifs, la distribution de tracts haineux sont encore présents au sein de la société québécoise, et je crois qu'il y a un consensus au sein de la population pour les dénoncer lorsque ces événements se produisent.

(15 h 30)

Mais, de façon plus générale, le racisme, vous en conviendrez, demeure un sujet tabou, un sujet où les perceptions jouent un très grand rôle. Il est donc difficile d'avoir un portrait exact de la situation.

On sait que le racisme se traduit surtout par des préjugés qui créent des zones d'exclusion. Des phénomènes comme le chômage, des phénomènes comme la dégradation du marché de l'emploi, les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes, les difficultés d'accéder à un statut plus large, plus grand, ou se sentir même sur le même pied d'égalité que les autres sont autant de facteurs qui influencent le racisme.

Pour préserver la société québécoise de la discrimination raciale sous toutes ses formes, le gouvernement, comme le rappelait le député d'Outremont, a opté pour la mise en place d'un dispositif démocratique d'intégration visant la pleine participation des citoyennes et des citoyens. La Charte des droits et libertés de la personne, du Québec, promulguée en 1975, reconnaît à tout individu le droit au plein exercice à la fois de ses droits et de ses libertés.

Une déclaration gouvernementale, ratifiée en 1986, invite tous les ministères et l'ensemble des organismes du gouvernement du Québec à se conformer aux exigences de la Charte. Mentionnons aussi que le gouvernement du Québec adhère à la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Ainsi, M. le Président, les droits et les mesures mises en oeuvre pour favoriser l'équité sont essentielles, mais tout cela, vous en conviendrez rapidement, n'est pas suffisant.

Aujourd'hui, ces mécanismes se butent à des obstacles plus insidieux, des attitudes parfois, des comportements, des problèmes structurels comme le phénomène du chômage plus étendu, des problèmes, par exemple, de marginalisation chronique. Par exemple, en dépit du fait que la discrimination sous toutes ses formes en matière de location de logement privé est interdite, il y a encore des propriétaires qui outrepassent ces prescriptions sous prétexte qu'ils veulent exercer leur libre choix.

Vous avez aussi sans doute déjà entendu parler d'une histoire de discrimination racontée dans votre entourage. Quelqu'un qui dit qu'un employeur a refusé un emploi à un individu sous prétexte qu'il manque de compétence, alors que le motif caché est relié à ses préjugés.

C'est pourquoi il faut mettre des efforts supplémentaires pour que les droits énoncés puissent trouver un écho concret, car nos sociétés sont menacées aujourd'hui de s'enfermer dans de beaux principes et de belles intentions qui s'épuisent si elles ne trouvent pas aussi une issue favorable. Les droits forment toujours un rempart important mais qui reste fragile s'ils ne s'accompagnent pas d'une vigilance de la part de toutes les composantes de la société.


Document déposé

J'ai rendu public, plus tôt cette semaine, un document: «L'emploi des jeunes: un enjeu de société». J'aimerais d'ailleurs, si les membres de l'Assemblée le permettent, déposer ce documents à l'Assemblée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Acceptation?

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement.

M. Boisclair: Ce document, M. le Président, révèle que la plupart des jeunes vivent un problème d'insertion sur le marché du travail et éprouvent, à différents degrés, des formes de discrimination qui tiennent parfois à leur manque d'expérience, à leur âge, à leur allure, etc.

Certains groupes parmi ces jeunes provenant de minorités visibles, les jeunes Noirs surtout, éprouvent encore plus de problèmes d'insertion. Les statistiques sur le taux de chômage nous indiquent qu'un jeune sur cinq au Québec est sans emploi. Et, pour les jeunes Noirs, c'est encore pire: 30 % d'entre eux sont sans emploi, un jeune Noir sur trois.

Comme ministre et aussi comme jeune, ces données m'ébranlent car elles révèlent la présence de certains noeuds de difficultés, de croyances, d'attitudes qui créent des différences de traitement qui, elles, sont inacceptables.

En cette veille du 21 mars, je crois donc important d'attirer l'attention du public, des médias et l'attention aussi des décideurs et des membres de l'Assemblée nationale pour faire en sorte que nous puissions accorder une attention particulière à la situation des jeunes des groupes racisés. Il m'apparaît essentiel aussi d'agir immédiatement sur les zones où des préjugés tenaces persistent. Et, en cette matière, s'il faut être conscient qu'aucune société n'est parfaite et sans reproche, je pense qu'il faut aussi agir de façon responsable, agir aussi de façon préventive.

C'est tant du côté des employeurs que des jeunes aussi que des réponses doivent être apportées. Ce sont les employeurs qui, au premier chef, embauchent bien sûr des jeunes Québécois et Québécoises. Il faut arriver à les convaincre que la jeune main-d'oeuvre peut offrir de nets avantages pour les entreprises.

Pourquoi, M. le Président, se priver de leur dynamisme, de leur excellente maîtrise des nouvelles technologies, des concepts novateurs en matière de gestion des nouvelles méthodes de travail? Pour les jeunes, aussi, il est essentiel de ne pas baisser les bras et de tenter par tous les moyens d'augmenter leurs qualifications à travers l'éducation et les différentes formes d'apprentissage, de diversifier aussi les différentes stratégies de recherche d'emploi.

Il devra donc y avoir, M. le Président, des mains tendues, et je me dis qu'en cette année 1997 où le Québec se mobilise autour de la création d'emplois – le sommet socioéconomique était d'ailleurs fort prometteur en ce sens – nous devons à ce moment-ci saisir l'occasion pour que la situation des jeunes s'améliore elle aussi. Mais la préoccupation d'insertion des jeunes doit se faire en gardant en tête une préoccupation d'égalisation des chances et des opportunités.

En élargissant donc aussi sa mission, le gouvernement du Québec et le ministère des Relations avec les citoyens souhaitaient et souhaitent créer un dénominateur commun entre toutes les personnes vivant au Québec et participant à sa construction, faire donc toute la place au citoyen. En principe, cette notion signifie qu'on partage un statut égalitaire dans un cadre commun, mais le racisme, comme nous l'avons dit, représente souvent un obstacle à l'égalité entre les citoyens. Nous avons aussi, au-delà de ces discours, posé des gestes. Déjà, l'automne dernier, dans le cadre de la Semaine interculturelle nationale, je lançais le défi de l'exclusion zéro. J'ai entrepris différentes actions dans ce cadre et j'ai annoncé d'autres mesures lors du lancement de l'étude sur les jeunes et l'emploi que je viens de déposer, et j'en mentionne quelques-unes.

Par exemple, compte tenu de la multiplicité des programmes d'accès à l'égalité en emploi, des difficultés aussi rencontrées dans la gestion de ces programmes, une révision en profondeur des programmes existants afin d'inventorier de nouvelles formules et de manière aussi à inciter les entreprises privées à participer à l'intégration socioéconomique de l'ensemble des Québécois a été annoncée. Concrètement, nous avons annoncé la mise en place d'une structure de travail impliquant des décideurs de manière à faire valoir une volonté politique claire, une volonté aussi exprimée en vue d'obtenir une collaboration de la part de l'ensemble des ministères et un partenariat fonctionnel avec les partenaires de l'extérieur. Déjà, le Mouvement Desjardins, la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, la Chambre de commerce, la Barreau du Québec sont embarqués. D'ailleurs, M. le Président, les autres sont aussi les bienvenus.

Concrètement, pour 1997-1998, le dossier de l'insertion économique des jeunes issus de l'immigration et membres des groupes racisés sera priorisé. Aussi, nous avons soutenu différents projets-pilotes très concrets au cours des derniers mois. Ces exemples ne touchent que le domaine de l'insertion en emploi. On se souviendra que, le 21 mars dernier, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration lançait un document diagnostic sur le racisme. Les chercheurs, dans les conclusions, identifiaient six secteurs où le racisme était encore présent. Il s'agissait de l'éducation, de la santé, des relations avec la police, le logement, l'emploi et les médias. J'aimerais souligner, M. le Président, que, dans le domaine de l'éducation, ma collègue la ministre de l'Éducation est à développer un programme d'éducation interculturelle pour favoriser l'ouverture au pluralisme. J'indiquais aussi qu'il nous fallait du même souffle entreprendre une réflexion sur l'éducation civique afin que chaque citoyen soit conscient des grandes valeurs qui animent notre société.

Comme vous pouvez le constater, le gouvernement tout entier décide d'intervenir pour empêcher la propagation d'attitudes génératrices d'exclusion. Pour prévenir, donc, et aussi surtout, je dirais, pour contrer l'exclusion et l'émergence du racisme, le gouvernement ne peut agir seul. Le problème est multiforme et doit devenir la responsabilité de tous et toutes. Chaque acteur est interpellé par la question des droits, que ce soient les propriétaires de logements, les patrons, les citoyens, le monde institutionnel, les syndicats, les groupes communautaires, etc. Chacun, à titre divers, peut concourir à la construction d'une société juste et qui favorise l'amélioration de la qualité de la vie démocratique. J'encourage à cet effet l'ensemble des citoyens à affirmer leur tolérance zéro à l'endroit des gestes d'exclusion, à l'endroit des actes d'intolérance, de discrimination et à souscrire aussi à l'objectif de l'exclusion zéro. C'est avec l'apport de chacun des membres de cette société qu'une véritable communauté solidaire peut se constituer.

(15 h 40)

Je vous invite également, vous, chers collègues, à mettre votre influence au profit de cet objectif. Le Québec que je souhaite pour le présent et pour l'avenir doit être au service de cette cause. Ce Québec que je souhaite et que j'appelle se fait et se fera dans l'appréciation de la diversité et de la pluralité, en établissant de véritables liens entre les citoyennes et citoyens de divers horizons. J'invite donc, M. le Président, tous mes collègues à appuyer cette motion. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre responsable des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Alors, comme nous avons terminé le débat sur cette motion sans préavis, est-ce que la motion du député d'Outremont est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, M. le Président, est-ce que je pourrais, avec votre appui, déposer cette motion non annoncée qui stipule:

«Que l'Assemblée nationale exige, à la veille du dépôt d'une loi spéciale, que le gouvernement du Québec respecte sa signature préréférendaire apposée aux contrats de travail avec tous les employés de l'État»?

M. Paradis: Consentement.

M. Bélanger: Il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, simplement rappeler au leader du gouvernement qu'il y a quelques mois, non pas sur une motion identique, mais qui avait à peu près le même objet, le respect de la signature, le consentement avait été obtenu. Est-ce que je peux avoir des éclaircissements de la part du leader du gouvernement pourquoi, à la veille du dépôt d'un projet de loi, le consentement serait maintenant refusé?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je n'ai pas à motiver l'absence ou le consentement que je donne ou que je ne donne pas. Maintenant, je pense qu'il a écouté la période des questions. Alors, je pense qu'il y a des éléments de réponse là-dedans.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, alors, nous allons procéder et nous en sommes rendus à la rubrique avis touchant les travaux des commissions. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu, un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi», aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que le mardi 25 mars 1997, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de congé annuel et de congé parental, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif, et, si nécessaire, le mardi 25 mars 1997, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de la culture procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, le mardi 25 mars 1997, de 9 heures à midi, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Pinard): Pour ma part, je vous avise que la commission de la culture se réunira aujourd'hui, le jeudi 20 mars 1997, de 15 heures à 17 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de procéder à une consultation générale portant sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, nous en sommes maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, compte tenu de l'annonce faite par le premier ministre et de la lecture de la lettre qui lui a été adressée par la présidence, l'Assemblée nationale va siéger demain matin à compter de 21 heures.

M. Bélanger: De 9 heures, le matin.

M. Paradis: De 9 heures, le matin. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait indiquer à cette Chambre jusqu'à quelle heure?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, est-ce que le leader de l'opposition pourrait me faire savoir jusqu'à quelle heure il veut collaborer, justement? Ça dépend énormément de la collaboration de l'opposition relativement à demain et de l'évolution de notre processus législatif. Donc, nous ne pouvons évidemment pas présumer de quelle façon l'Assemblée nationale va réagir au débat que nous aurons entre nous demain. Alors, à ce moment-là, je peux dire à quelle heure ça va commencer, mais l'Assemblée nationale finira ses travaux quand elle aura fini ses travaux.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que je peux comprendre de la réponse du leader du gouvernement que l'Assemblée nationale est convoquée à 9 heures demain matin et qu'elle siégera jusqu'à l'adoption d'une loi spéciale, que cette adoption ait lieu vendredi, samedi, dimanche ou lundi? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre de la réponse ou est-ce que les règles normales s'appliqueront et que le débat se terminera à 18 heures et reprendra mardi à 10 heures?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais tout simplement retourner le leader de l'opposition à notre règlement et aux règles qui régissent normalement les séances extraordinaires, quand le Parlement est convoqué en séance extraordinaire. Alors, demain, donc, le Parlement est convoqué en séance extraordinaire à la demande expresse du premier ministre, et ce sont ces règles qui vont s'appliquer.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, à l'intérieur de ces règles, le gouvernement et son leader conservent toujours l'initiative d'agir en fonction d'un calendrier qu'ils se prédéterminent ou qu'ils se déterminent. Je peux répéter ma question à l'intention du leader du gouvernement: Si, à 18 heures demain, il n'y a pas de loi d'adoptée comme tel, est-il de l'intention du leader du gouvernement que l'Assemblée continue à siéger? Si c'est le cas, est-ce que c'est continuellement jusqu'à l'adoption de la loi, même si ça se poursuit dans la nuit, samedi, dimanche, lundi, ou est-ce qu'il a l'intention de mettre fin aux travaux de façon à ce que les gens puissent normalement planifier ce qu'ils ont à faire en fin de semaine?

Il y a des députés qui font du bureau de comté le samedi habituellement, il y a d'autres députés qui ont des engagements dans leur comté le dimanche, il y a des députés qui font du bureau de comté le lundi. Le minimum de collaboration nécessiterait à ce moment-ci un minimum d'éclairage sur l'agenda de la fin de semaine, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais peut-être rappeler au leader de l'opposition une de ses phrases célèbres qu'il m'a souvent dites: Quand le Parlement est convoqué, la première responsabilité d'un parlementaire est d'être au Parlement. Alors, à ce moment-là, je voudrais peut-être lui retourner ses paroles qu'il m'a maintes fois répétées.

Maintenant, je voudrais tout simplement lui rappeler l'article 26 de notre règlement qui prévoit que les séances extraordinaires tenues pour raison d'urgence prennent fin lorsque l'Assemblée a réglé l'affaire pour laquelle elle a été convoquée. Alors, l'article 26 de notre règlement est clair, et il a tout à fait raison quand il dit que l'initiative appartient au leader du gouvernement. Et je conserve cette initiative.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Est-ce qu'on peut comprendre de sa réponse, de façon à être très clair, que le leader du gouvernement, en convoquant demain matin, a l'intention de faire siéger l'Assemblée nationale, compte tenu des dispositions de l'article 26, sans interruption jusqu'à l'adoption du projet de loi?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, nous verrons, demain matin, la progression de nos travaux. Nous allons travailler comme d'habitude, j'en suis certain, de bonne foi et avec la collaboration de tous les parlementaires. Mais l'article 26 est clair, et, à ce moment-là, nous siégerons le temps qu'il faudra pour que l'Assemblée nationale s'acquitte de la tâche pour laquelle elle a été convoquée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement.

Je vous avise, selon l'information que nous avons reçue, que l'interpellation prévue pour demain sur le sujet suivant: L'implantation de la réforme de l'éducation, de M. le député de Marquette, qui devait s'adresser alors à Mme la ministre de l'Éducation, est annulée.

Je vous avise également que l'interpellation prévue pour le vendredi 4 avril 1997 portera sur le sujet suivant: L'état de l'économie du Québec. Mme la députée de Saint-François s'adressera alors à M. le vice-premier ministre et ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

Avis de sanction

Je vous avise enfin qu'il y aura sanction de projets de loi au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur cet après-midi, à 17 heures.


Affaires du jour

Alors, nous passons maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 89


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 4 de notre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Y a-t-il des interventions? Alors, M. le ministre de la Justice, vous avez un temps de parole de 60 minutes. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, M. le Président, le 16 décembre 1996, cette Assemblée adoptait la Loi sur la justice administrative, devenue depuis le chapitre 54 des lois de 1996. Cette loi visait à consacrer dans notre législation des principes juridiques fondamentaux pour mieux régler les rapports qui doivent exister entre l'administration publique et les citoyens.

Ainsi que je le mentionnais alors, ces principes sont acceptés par les divers intervenants sociaux et reconnus par nos tribunaux. Il s'agit du devoir de l'administration d'agir équitablement; deuxièmement, de la qualité de la décision; troisièmement, de l'humanisme dans la communication avec le citoyen; quatrièmement, de l'accessibilité à la justice; cinquièmement, de l'indépendance du tribunal; sixièmement, de l'impartialité du décideur; septièmement, de la loyauté dans les débats; et enfin, huitièmement, de la cohérence dans les décisions.

La réalisation et la mise en place de l'ensemble de cette réforme nécessitent l'adoption d'une deuxième pièce législative. Ainsi, le 19 décembre 1996, je présentais devant cette Assemblée le projet de loi n° 89, intitulé Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Ce projet de loi est le fruit de plusieurs consultations non seulement auprès du public, mais également de tous les ministères et organismes qui y sont visés. Ainsi, 22 mémoires ont été présentés lors de la commission parlementaire portant sur l'avant-projet de loi.

(15 h 50)

Les modifications proposées par le projet de loi n° 89 à une centaine de lois particulières visent à opérer les transferts de compétences découlant de l'institution du Tribunal administratif du Québec, communément appelé TAQ. Également, le projet prescrit dans certains cas un recours auprès de ce Tribunal et assure la mise en oeuvre des règles de procédure établies par le titre I de la Loi sur la justice administrative, portant sur les règles générales applicables à des décisions individuelles prises à l'égard d'un administré. Enfin, le projet de loi déjudiciarise l'approche et le vocabulaire inscrits dans nos lois et clarifie certains libellés. Finalement, le projet de loi n° 89 propose des dispositions de transition de nature à assurer un passage harmonieux de l'ancien régime juridique au nouveau.

Puisque le Tribunal se voit confier les compétences actuellement exercées par les divers organismes qui y sont intégrés, plusieurs modifications proposées par le projet de loi d'application visent à opérer les transferts de compétences requis. Pour ce faire, il y a lieu, d'une part, d'abroger les dispositions législatives relatives à l'institution, à la composition et au fonctionnement du Bureau de révision de l'évaluation foncière, du Bureau de révision en immigration, de la Chambre d'expropriation de la Cour du Québec, de la Commission des affaires sociales et du Tribunal en matière de protection du territoire agricole.

M. Paradis: Un appel au règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le ministre. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. En m'excusant auprès du ministre de la Justice, M. le Président, je vous demanderais à la fois de vérifier le quorum et de voir à l'application de l'article 32 de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, que l'on appelle les députés.

( 15 h 52 – 15 h 54)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons nos travaux, et je demanderais, à ce stade-ci, que chacun des députés, conformément à notre règlement, prenne place à l'endroit qui lui a été désigné. Merci.

M. le ministre de la Justice, si vous voulez bien continuer.

M. Bégin: Donc, M. le Président, il y a lieu de modifier les lois prévoyant des recours auprès de ces organismes pour y indiquer que ces recours sont formés devant le Tribunal. De plus, puisque le Tribunal administratif du Québec se voit confier certaines compétences actuellement exercées par la Cour du Québec, la Commission municipale et la Régie des marchés agricoles et alimentaires, certaines modifications proposées par le projet de loi d'application visent à opérer les transferts requis. Ainsi, certaines dispositions visent à transférer au TAQ, Tribunal administratif du Québec, les compétences de la Cour du Québec en matière administrative, particulièrement en matière de permis, les compétences de la Commission municipale en matière d'exemption de taxes et en matière environnementale et les compétences de la Régie des marchés agricoles et alimentaires en matière de remboursement d'impôts fonciers.

Enfin, puisque la Loi sur la justice administrative prévoit des règles de procédure applicables devant le Tribunal administratif du Québec, le projet de loi d'application propose des modifications dans les lois particulières prévoyant des règles de procédure propres à l'exercice de la fonction juridictionnelle dans des matières administratives. Ces modifications visent à supprimer, à maintenir ou à harmoniser ces règles.

La Loi sur la justice administrative distingue, quant au processus conduisant à la prise d'une décision individuelle, c'est-à-dire une décision qui ne concerne qu'une personne déterminée, physique ou morale par opposition à générale, la procédure propre à la prise d'une telle décision dans l'exercice de la fonction administrative de celle propre à la prise d'une telle décision dans l'exercice de la fonction juridictionnelle.

Dans le premier cas, le décideur est tenu d'agir équitablement à l'égard de l'administré qui lui présente une demande. Dans le second cas, comme il y a litige, puisque la décision prise par l'administration est contestée, le décideur, qui agit alors à titre de tiers, se conforme à un processus qui s'apparente à ceux des juridictions civiles de l'ordre judiciaire.

En effet, les ministères et organismes gouvernementaux, notamment les organismes de régulation qui décident pour l'État suivant des critères d'intérêt public, ne prennent pas une décision pour trancher un litige entre des parties qui s'opposent, mais pour administrer une loi, un programme ou une politique.

La jurisprudence les oblige généralement à respecter le devoir d'agir équitablement. Ainsi, les articles 2 à 8 de la Loi sur la justice administrative prévoient que les procédures suivies par les ministères et organismes pour prendre une telle décision sont conduites dans le respect du devoir d'agir équitablement et identifient certaines procédures que ces ministères et organismes doivent respecter lorsqu'ils s'apprêtent à prendre une décision défavorable.

Selon la jurisprudence, le devoir d'agir équitablement comporte, pour l'administration, celui d'éviter de faire preuve de mauvaise foi, de tenir compte de considérations non pertinentes, de tomber dans l'arbitraire, d'exercer sa discrétion de façon déraisonnable. Il comporte également le devoir d'accorder à l'administré l'occasion de convaincre, de la détromper, en le rencontrant et en l'écoutant.

Les articles 5 et 6 précisent, quant à eux, certaines règles à suivre s'il s'agit de prendre une décision défavorable en matière de permis, d'ordonnances, de prestations ou d'indemnités. Ces règles sont de nature à octroyer aux administrés des garanties non seulement plus adéquates, mais moins hypothétiques. En effet, ces règles précisent que l'administration doit, avant de prendre une décision défavorable dans l'exercice d'une fonction administrative, informer l'administré de son intention et des motifs sur lesquels cette intention est fondée et lui permettre de s'expliquer.

Toutes ces dispositions ne sont pas substantives, mais procédurales. Elles n'octroient, par exemple, aucun pouvoir d'émettre des permis ou de prendre des ordonnances, mais elles doivent être suivies, notamment par les ministères et les organismes autorisés par une loi substantive particulière à administrer un régime de permis, à prendre des ordonnances ou à accorder des indemnités ou des prestations. Elles sont minimales et peuvent, en certaines matières, être complétées par des règles plus spécifiques, compte tenu des besoins du secteur visé dans certaines matières.

Il y aura obligation de compléter par des règles spécifiques. Par exemple, la tenue d'audiences publiques pour recueillir les représentations des milieux intéressés est justifiée et même souhaitable lorsque les décisions individuelles des organismes sont prises en considération de l'intérêt public ou viennent toucher l'organisation sociale ou économique d'une collectivité.

Plusieurs modifications proposées par le projet de loi d'application visent, en conséquence, à assurer l'application et le respect de ces règles de procédure. Parmi ces modifications, certaines visent, pour faciliter l'accessibilité des administrés, soit à établir un lien entre la disposition de la loi particulière et l'article 5 de la Loi sur la justice administrative, soit à adapter le vocabulaire.

De plus, lorsque la décision défavorable emporte le refus de renouveler un permis, son annulation ou sa suspension des actes plus attentatoires aux droits de l'administré, plusieurs modifications visent à faire en sorte que l'avis prévu par cet article 5 soit notifié par écrit à l'administré et qu'un délai d'au moins 10 jours lui soit accordé pour lui permettre de présenter ses observations.

(16 heures)

De surcroît, le projet de loi d'application propose, dans certains cas, d'accorder à l'administré un recours pour contester auprès du Tribunal administratif du Québec les décisions des ministères et organismes dont le processus décisionnel aura été déjudiciarisé. Cela permettra d'offrir aux citoyens visés par ces décisions un forum juridictionnel pour les contester et donc la possibilité de soumettre à un tiers indépendant et impartial le litige qui, en regard de ces décisions, l'oppose à l'administration. Enfin, certaines autres modifications proposées par le projet de loi n° 89 visent à déjudiciariser l'approche et le vocabulaire utilisés dans certaines lois, à clarifier certains libellés ou à proposer l'utilisation de termes plus justes et appropriés.

Puisque les dispositions sur le recrutement et la sélection des membres, sur le renouvellement des mandats et la déontologie ne s'appliquent qu'aux membres du Tribunal administratif du Québec, le projet de loi d'application propose de modifier la Loi sur la Régie du logement pour y reprendre ces dispositions, en les adaptant au besoin. Ainsi, en ces matières, des règles semblables viseront les régisseurs de la Régie du logement, laquelle constitue également un organisme juridictionnel de l'ordre administratif, à cette différence importante cependant que les litiges qu'elle est appelée à trancher sont essentiellement de droit privé et surviennent entre des parties privées. Par ailleurs, le projet de loi n° 79 présentement débattu devant cette Assemblée reprend également ces dispositions pour faire en sorte qu'elles soient appliquées aux membres de la Commission des lésions professionnelles dont il propose l'institution.

Le projet de loi d'application prévoit en outre les dispositions de transition nécessaires au moment de l'entrée en vigueur de la Loi sur la justice administrative pour assurer un passage harmonieux de l'ancien régime juridique au nouveau. L'axe autour duquel s'articulent les dispositions de droit transitoire est celui de l'application immédiate des nouvelles dispositions législatives. Aussi, dès l'entrée en vigueur de la Loi sur la justice administrative et de la loi d'application, les décisions administratives individuelles qui doivent être prises seraient assujetties aux nouvelles règles sur l'équité procédurale prévues aux articles 2 à 8 de la Loi sur la justice administrative. Enfin, les recours déjà introduits devant les tribunaux administratifs intégrés au Tribunal administratif du Québec seraient continués devant la section du tribunal qui prend charge des compétences antérieures en appliquant la nouvelle procédure suivant l'état du dossier.

Deux exceptions sont proposées à cette dernière règle. Une vise à ce que les affaires déjà introduites devant la Cour du Québec ou devant la Chambre de l'expropriation se continuent devant ces mêmes organes pour permettre que les affaires dont l'audition a déjà été entreprise devant ces organismes et dont certaines compétences sont attribuées au nouveau Tribunal, qu'il s'agisse de la Commission municipale ou de la Régie des marchés agricoles et alimentaires, s'y terminent, à moins que les parties ne choisissent de poursuivre les débats devant le Tribunal administratif.

Il est à souligner que les auditions déjà entreprises devant un organisme intégré au Tribunal devraient être continuées devant les membres qui ont déjà commencé à entendre et que, dans l'hypothèse où le membre saisi ne devient pas membre du Tribunal ou cesse de l'être, l'article 55 de la Loi sur la justice administrative prévoit que le membre peut, à certaines conditions, terminer les affaires déjà entreprises. En matière procédurale, le même principe prévaudrait. Les règles nouvelles trouveraient application sous réserve des cas où l'audition a déjà été entreprise.

Quant au droit d'appel des décisions de la Cour du Québec à la Cour d'appel actuellement prévu à l'égard des décisions du Bureau de révision de l'évaluation foncière ou du Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole, il ne serait préservé qu'à l'égard des décisions rendues lors de l'entrée en vigueur, si les délais prévus n'étaient pas expirés. La situation serait différente pour les affaires qui se continuent devant la Cour du Québec ou la Chambre de l'expropriation, puisque le droit d'appel existant serait préservé à l'égard de toutes les causes pendantes. D'autres règles seraient également prévues pour permettre l'ajustement des délais et la finalisation des dossiers dans lesquels l'audition a été entreprise.

En ce qui concerne le statut des membres du Tribunal administratif du Québec, il apparaît opportun de proposer que les membres et assesseurs des organismes intégrés au Tribunal deviennent, à l'exception des juges de la Cour du Québec qui sont membres de la Chambre de l'expropriation, membres du Tribunal dès l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et qu'ils soient affectés à la section chargée des recours qu'ils avaient pour mission d'entendre et de décider. Il est également proposé que ces affectations puissent, dans les trois mois de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, être modifiées par le gouvernement afin de pourvoir aux besoins du Tribunal, après consultation du président et du membre concerné.

Les personnes qui deviennent membres par application de cette mesure et qui sont en fonction malgré le fait que leur mandat antérieur soit expiré seraient renouvelées pour un mandat de cinq ans, selon la procédure prévue par la loi nouvelle aux articles 48 et 49, sauf à prévoir que le délai d'avis de trois mois prévu à l'article 48 serait calculé à compter de l'expiration de six mois depuis l'entrée en vigueur de la loi.

Les personnes dont le mandat n'est pas expiré termineraient leur mandat jusqu'au terme prévu, et, si ce terme était indéterminé, il serait de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle – voir l'article 45. Il est à souligner que les personnes qui, actuellement, occupent une charge administrative deviendraient membres du Tribunal sans charge administrative. Cependant, par application de la loi nouvelle, le président et les vice-présidents devraient être choisis parmi les membres du Tribunal.

Diverses autres règles doivent aussi prévoir le maintien de la rémunération, le sort des rémunérations additionnelles, la continuité des règles applicables en matière de droit à la retraite et le transfert au fonds du Tribunal administratif des crédits alloués aux divers organismes et programmes intégrés ou attribués au Tribunal. Quant aux avantages sociaux, il paraît opportun de les maintenir jusqu'à ce que le règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail soit adopté.

M. le Président, je recommande l'adoption du projet de loi n° 89 à cette Assemblée. Je rappelle, pour le bénéfice des membres, que ce projet de loi contient 916 articles. Il s'agit d'un projet de loi considérable, mais qui vise à faire en sorte que la justice administrative soit reformulée, au Québec, et surtout qu'elle puisse entrer en vigueur le 1er septembre 1997. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole au nom de notre formation politique à propos du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, Bill 89, An Act respecting the implementation of the Act respecting administrative justice. Ça ne viendra sans doute pas comme une surprise pour mon collègue le ministre de la Justice d'apprendre que l'opposition officielle est tout aussi opposée à l'adoption de la loi d'application de la loi visant à créer le nouveau Tribunal administratif du Québec qu'elle l'était à l'égard de la création même du Tribunal, et pour sensiblement les mêmes raisons, M. le Président.

Le projet de loi, comme le ministre vient de le mentionner, comporte au-delà de 900 articles et a été déposé au mois de décembre. Son but principal est justement d'assurer la mise en oeuvre, l'application dans les lois particulières des principes établis dans la Loi sur la justice administrative, qui était le projet de loi n° 130, qui a été adopté en utilisant le bâillon ici, à l'Assemblée nationale, avant Noël.

Le projet de loi dont il est question aujourd'hui modifie au-delà d'une centaine de lois particulières afin d'assurer leur concordance avec le projet de loi n° 130. Les principes qui étaient censés être suivis dans l'élaboration de la réforme des tribunaux administratifs ici, au Québec, étaient de déjudiciariser certains processus dans l'administration publique, de faire des modifications que l'on croyait s'imposer suite à l'intégration des organismes existants au sein du Tribunal administratif du Québec. Par exemple, la Loi sur la Commission des affaires sociales est modifiée afin de l'abroger, puisque cette dernière Commission est intégrée au Tribunal administratif du Québec.

On a par ailleurs visé à transférer au Tribunal administratif du Québec certaines compétences, juridictions actuellement détenues par des organismes administratifs ou autres instances. Ces dernières modifications visent, par exemple, à prévoir que certains pouvoirs de la Commission municipale seront dorénavant exercés par le Tribunal administratif du Québec. Mais, et c'est là notre objection principale à l'égard de cette loi, on vise surtout à faire disparaître certains droits d'appel à la Cour du Québec au profit d'un recours au Tribunal administratif du Québec, par exemple tout le domaine de l'expropriation ou la décision de révoquer certains permis.

(16 h 10)

Parce que, M. le Président, non seulement l'opposition officielle n'accepterait jamais de voir une diminution des droits dans un domaine aussi important qui affecte les citoyens, mais aucune démonstration n'a été faite de la nécessité de réduire ainsi les droits. La seule et unique explication plausible qui a été fournie jusqu'à date, c'est que ce sont des priorités d'ordre économique qui ont prévalu à l'élaboration de cette réforme et, maintenant, à cette loi d'application.

C'est sûr – et tout le monde s'entend là-dessus – qu'on doit viser à faire le plus possible avec l'argent dont on dispose. Cependant, M. le Président, à l'heure actuelle, les citoyens ont des droits. Le droit, dans la plupart des cas, d'être entendus. Ce droit d'être entendu émane de la «common law», d'une partie de notre riche héritage qui s'inspire des deux grands systèmes de droit dans le monde aujourd'hui: la tradition civiliste, issue de la France, et la «common law», issue de la Grande-Bretagne. Ces règles élaborées par les tribunaux au cours des derniers siècles visent à assurer que, lorsque le citoyen est aux prises avec un problème d'administration publique, tout décideur doit rencontrer certaines normes et respecter certains droits qu'on considère comme étant fondamentaux. Un de ces droits, c'est d'être devant un décideur impartial qui n'a pas de parti pris en la matière. On dit donc à ce moment-là que tu as le droit d'être entendu par une personne autonome, impartiale, indépendante. L'autre grande règle, M. le Président, c'est d'avoir le droit d'être entendu, c'est-à-dire que la personne, avant de décider, doit toujours entendre les deux côtés de l'histoire.

Ce que l'on ferait ici avec le projet de loi, c'est qu'on érigerait en système une manière de faire qui ne respecterait ni l'un ni l'autre de ces grands principes de droit, car on veut mettre en place un système où on va avoir des décideurs qui seront toujours dans une situation précaire parce que c'est le gouvernement qui va décider de les renouveler ou pas. C'est une épée de Damoclès qui va toujours être là, au-dessus de la tête de ces décideurs-là qui vont être en train, justement... Et c'est ça que ça veut dire, justice administrative, M. le Président: ils vont décider entre le gouvernement ou un de ses organismes ou agences et le membre du public qui se présente devant eux. La personne qui est devant un tel décideur sera en droit de se demander si cette personne-là n'est pas justement influencée par le fait que c'est ce même gouvernement qui va décider si, oui ou non, elle aura le droit de continuer à gagner sa vie comme juge administratif.

On a eu l'occasion de dire à de très nombreuses reprises au ministre de la Justice que cela nous préoccupait beaucoup. Le ministre a semblé tirer un certain soulagement d'une décision rendue avant Noël dans une cause concernant un bar à Saint-Jérôme, et, pour lui, c'était une voix qui lui parlait directement à lui, personnellement de son projet de loi n° 130. Il était convaincu que ce jugement-là s'appliquait et que, tout d'un coup, la manière de faire de la nomination pour le nouveau Tribunal administratif du Québec venait de recevoir l'aval de la Cour suprême. Il faut dire tant mieux pour lui, parce que c'est le seul qui a un optimisme face à quoi que ce soit dans ses projets de loi.

Mais le ministre de la Justice, comme c'est malheureusement son habitude, se trompait rudement, car il y a une énorme différence entre une décision ponctuelle de la Cour suprême qui s'applique à un seul département ou régie au gouvernement – en l'occurrence, c'était en matière de permis d'alcool – et le nouveau Tribunal administratif qui englobe – la preuve, M. le Président, on a plus de 900 articles juste pour l'appliquer – qui va chercher l'ensemble. Si on lit attentivement cette décision de la Cour suprême, on se rend compte que le plus haut niveau de garantie d'autonomie et d'indépendance porte un nom un peu difficile, mais c'est l'inamovibilité. Ça veut dire qu'on n'a pas le droit de sortir les gens de leur position comme ça, pour assurer justement qu'ils soient indépendants. La Cour suprême le reconnaît. Or, qu'est-ce qui peut être plus important, comme niveau, que de rassembler au-delà d'une centaine de fonctions juridictionnelles, comme on est en train de le faire ici?

Alors, c'est évident que ça va attirer l'application, par les tribunaux, des règles les plus strictes telles qu'élaborées par la Cour suprême dans cette cause et dans d'autres, comme Valente, une cause bien connue, où la Cour suprême a dit que, si ça n'offre pas les garanties d'autonomie et d'indépendance, la loi est sujette à être cassée par les tribunaux, et c'est ce qui va se passer ici. Le ministre est en train d'ériger cette nouvelle structure sur une fondation de sable. Cette nouvelle structure qui vise strictement une chose, sauver de l'argent au gouvernement, ne saura jamais résister à un questionnement sérieux, qui va inévitablement venir devant les tribunaux, sur la question de l'autonomie et de l'indépendance et sur les autres garanties qui doivent être là, mais qui n'y sont plus.

Ceci est tellement vrai, M. le Président, que le ministre, dans un règlement qu'il nous a montré déjà en commission parlementaire pour aider les travaux, va jusqu'à dire qu'un des critères pour déterminer qu'on ne renouvellera pas le mandat d'un juge du Tribunal administratif du Québec – et ça, pour le ministre, c'est un bon critère – et je le cite, «c'est l'opportunité de favoriser l'arrivée de nouveaux membres». «C'est-u» beau, ça, M. le Président, hein? Alors, un ministre de la Justice quelconque n'a qu'à se lever un beau matin et dire: Bon, j'ai du monde que je veux mettre en place, il faut que je mette mon monde là, dans cette fonction-là. Malheureusement, il y a une gang de juges qui sont déjà là. Je vais tous les remplacer avec ma gang. Il n'a qu'à lire cette phrase-là; il n'a pas besoin de dire que la personne est incompétente, il n'a pas besoin de dire que la personne a été malhonnête, il n'a pas besoin de dire que la personne ne travaillait pas suffisamment fort et mettait six mois à rendre ses jugements, rien de ça. Il a juste à se lever un beau matin et dire: Je trouve qu'il serait opportun de favoriser l'arrivée de nouveaux membres et le tour est joué. Ça n'a pas de sens, M. le Président, de construire cette nouvelle structure d'un tribunal administratif pour le Québec sur une base si peu solide. C'est regrettable.

Mais on voit le désarroi qui préside dans les décisions de l'actuel gouvernement, désarroi et incapacité de préparer et de présenter des projets de loi cohérents parce qu'ils sont tous sous la même pression: Couper à tout prix. Alors, ce qu'on est en train de couper ici, ce sont des droits existants des citoyens. Et on a déjà eu l'occasion de le dire au ministre avant Noël, et sans doute plusieurs de mes collègues au cours des prochaines semaines, lorsqu'on aura l'occasion de débattre celui-ci, vont avoir l'occasion de lui rappeler qu'une des promesses formelles dans le programme du Parti québécois, avant les dernières élections, était de dire que, si on instaurait un Tribunal administratif du Québec, les juges, les décideurs, allaient être autonomes et impartiaux – ce qui n'est pas le cas ici – et, et c'est très important, qu'on allait conserver un droit d'appel des décisions de ce tribunal administratif.

Or, M. le Président – et c'est une autre raison pour laquelle cette loi va être cassée par les tribunaux – la loi non seulement a une faille majeure en ce qui concerne la nomination et la reconduction, mais la loi ne prévoit même pas les garanties minimales nécessaires pour avoir un appel vers quelqu'un d'autonome et d'indépendant à l'extérieur. Car effectivement, M. le Président, le ministre peut se soulager et trouver refuge dans certaines décisions des plus hauts tribunaux, qui lui auraient permis d'avoir cette possibilité de renouvellement, un peu à leur gré, des décideurs, si encore le citoyen avait un appel à une autre instance qui serait autonome et indépendante.

(16 h 20)

Mais ce n'est pas le cas ici, M. le Président. Ce que le ministre de la Justice du Parti québécois est en train de nous dire, c'est que non seulement c'est lui qui décidera de l'opportunité de favoriser l'arrivée de nouveaux membres – faut bien lire «mettre son monde en place» – mais c'est lui qui est en train de nous dire que, malgré l'engagement formel pris auprès de la population, lors des élections de 1994, par son Parti québécois: Bien, oublie ça, là, il n'y aura pas d'appel. Ce sont ces mêmes décideurs là. Ça va être le dernier recours.

Il y a une autre partie de toute cette démarche de l'élaboration et de l'adoption de cette réforme en matière de tribunaux administratifs qui mérite aussi qu'on s'y arrête. Ça affecte non seulement le nouveau Tribunal administratif du Québec, mais ça affecte également, et dans un sens très profond, tous les travaux que l'on entreprend ici, à l'Assemblée nationale, que ça soit ici, en Chambre, ou dans les commissions parlementaires. Les commissions parlementaires sont, bien entendu, un peu moins connues du public, on les voit moins souvent, mais c'est là que se fait la vaste majorité du travail législatif. C'est là où on regarde article par article, phrase par phrase, clause par clause, chaque loi, puis on débat de part et d'autre, on apporte des suggestions, des modifications.

Lorsqu'on était en train de débattre du projet de loi n° 130 portant sur la réforme des tribunaux administratifs, on avait fait des bons progrès. La vaste majorité de cette loi-là a pu être adoptée avec le concours de l'opposition. Un des changements, qui avait été proposé par l'opposition – et ça, c'est très important – accepté, adopté et voté unanimement – c'est-à-dire, le gouvernement était d'accord – visait à assurer le droit d'être entendu, visait à s'assurer que, avant qu'une décision négative soit prise à ton endroit, tu continueras d'avoir les mêmes garanties qui existent à l'heure actuelle, le droit d'être avisé de quand ça va avoir lieu, le droit d'amener tes témoins, le droit de contre-interroger les témoins de l'autre pour t'assurer qu'ils n'ont pas dit n'importe quoi, puis tu as le droit d'essayer de faire sortir la vérité dans l'intérêt de faire valoir tes droits.

Ça se trouvait à l'article 5 du projet de loi n° 130, M. le Président. Et, comme je l'ai mentionné tantôt, le gouvernement a décidé, le gouvernement du Parti québécois a décidé d'utiliser le bâillon, la guillotine. Ils ont coupé les règles normales de l'Assemblée nationale pour faire passer cette loi avant Noël. La manière dont cela s'est fait, c'est en apportant en liasse une série de modifications. Alors, on s'attendait que, sur les articles sur lesquels il n'y avait pas eu entente, effectivement on allait retrouver un certain nombre de modifications que les proches collaborateurs du ministre, les fonctionnaires qui regardent ces questions-là lui auraient proposées. Quel fut donc notre étonnement, M. le Président, de constater que, à l'intérieur de ces documents déposés en utilisant la guillotine et à la dernière minute avant Noël, le ministre avait glissé dans la pile une modification à l'article 5, une modification par laquelle il venait nier l'accord que lui, au nom de son gouvernement du Parti québécois, avait donné ici, à l'Assemblée nationale, quelques jours auparavant.

Ce n'est pas sans nous rappeler l'exercice auquel on va se livrer ici, demain, dans cette Chambre, alors que ce même gouvernement du Parti québécois va présenter une législation spéciale pour déchirer les conventions collectives et renier la signature apposée par le Parti québécois sur des conventions collectives dans le secteur public il y a un an et demi. Avec des précédents comme ça, M. le Président, et une manière de faire à répétition comme ça, ça ne devrait peut-être pas nous étonner tant que ça. Mais, vérification faite auprès des gens qui travaillent aux archives, qui travaillent ici, à l'Assemblée, et parmi des collègues qui peuvent être ici depuis beaucoup plus longtemps que moi ou d'autres, personne de l'histoire, de mémoire vivante de ce Parlement, n'a déjà vu un ministre faire ça. Personne n'a déjà vu un gouvernement oser revenir ici, en Chambre, avec une modification qui visait, en utilisant le bâillon, pas d'une manière loyale, visière levée: Écoutez, on s'est trompé, on veut faire un débat ouvert sur l'article 5, on trouve que ça va coûter trop cher, voici nos chiffres, on veut le changer... Non, non, rien de ça: en catimini, en cachette, à l'intérieur d'une pile de papier. Ça a pris des recherchistes pour le dénicher.

Puis là on arrive et on dit: Mais ça se «peut-u»? On sort les transcriptions de la commission parlementaire, on les lit au ministre, on dit: Mais vous étiez d'accord, vous avez même dit que c'était très bien. C'est ses termes exacts, il avait dit: C'est très bien. Et c'étaient des suggestions qui résultaient de discussions avec des experts dans le domaine, des gens qui étaient vivement préoccupés de voir le gouvernement du Parti québécois proposer une loi qui enlevait les droits des citoyens de cette manière-là. Alors, on était contents, nous aussi, on trouvait aussi que c'était très bien, parce qu'on s'assurait qu'on remettait un peu ce que le gouvernement du Parti québécois était en train d'enlever aux citoyens, en termes de droits.

Le ministre est revenu, il a utilisé la guillotine, il a enlevé sa propre parole en faisant une modification sur laquelle il n'allait pas y avoir un débat ouvert, loyal. Il n'a jamais eu à en reparler, de cet article-là, à le défendre. La seule chose qu'on a réussi à avoir de sa part, c'est une référence, un chiffre, un chiffre astronomique de 100 000 000 $ tiré d'un chapeau, ce chiffre-là. Parce qu'on l'a mis au défi, on a même exigé le dépôt de l'étude qui a donné lieu à ce chiffre-là, et le ministre a eu la témérité de dire: Bien non, il n'y a pas d'étude pour étayer ou prouver ce chiffre-là, donc je ne peux pas la déposer. On lui a demandé: Ça sort d'où? Ah! Il a dit, ce sont mes fonctionnaires qui m'ont dit que ça allait coûter bien cher: 100 000 000 $.

C'est comme ça qu'on a eu l'habitude de travailler avec ce ministre-là. Depuis la première loi qu'il a présentée, portant modification au Code de procédure civile, on a été à même de constater que le gouvernement du Parti québécois, dans le domaine de la justice, apporte régulièrement des choses sur la table sans jamais avoir mesuré les réels besoins à l'égard de cette loi-là et les effets possibles et probables; aucune mesure, aucune étude viable, aucune manière de prouver que ce qu'ils sont en train de faire a du sens, ou est nécessaire vis-à-vis de la population, ou pour améliorer la protection du public ou le respect de ses droits.

Ici, M. le Président, c'est justement tout le contraire. Le gouvernement du Parti québécois est en train, par cette loi d'application, d'institutionnaliser ce que nous avons si sévèrement critiqué avant Noël. Le gouvernement du Parti québécois est en train de nous dire: Oubliez vos droits, oubliez nos engagements formels pris lors de la dernière campagne électorale, en 1994, oubliez ce que vous avez vu comme garantie de vos droits par le passé. Dorénavant, ça va être comme ça.

Il y a eu une phrase assez amusante utilisée par un des experts, un professeur de droit, lors d'un colloque important tenu sur ce projet de loi à l'Université de Montréal, au cours de l'automne. Car ce que le ministre est en train de faire ici, il est en train de faire une importation massive du droit administratif français. On parle là-dedans de l'ordre administratif, une terminologie qui émane vraiment du droit français. Et, pour quiconque connaît le moindrement les différences fondamentales qui existent entre notre système ici, au Québec, qui est beaucoup plus proche du système américain et du système qui existe dans le reste du Canada pour ce qui est du droit du citoyen face à l'État... l'importation de cette notion française de droit administratif comporte des dangers réels à l'égard du niveau de garantie des droits qui existent à l'heure actuelle.

(16 h 30)

Comme un des participants l'a dit en constatant que cette importation du droit administratif français allait diminuer les droits du citoyen face à l'État: Un colonisateur à la fois, ça suffit. Le droit français nous régit en matière de droit civil; c'est normal. Depuis les années 1800, on a notre Code civil, qui tire son inspiration directement du Code civil de Napoléon. On est fier que ce soit une des institutions dont on dispose qui fait, en fait, que le Québec soit une société distincte au sein du Canada, et c'est une des seules juridictions en Amérique du Nord à toujours puiser ses sources de droit civil dans le droit français, l'autre étant la Louisiane, aux États-Unis, qui a aussi un code civil.

Mais ici, en matière de droit administratif, en matière de droit où le citoyen est face au gouvernement, nos droits, notre droit d'être entendu, notre droit d'exiger que les deux côtés de l'histoire soient entendus, notre droit d'exiger que la personne qui nous entend soit autonome et indépendante, cette panoplie de droits qui existent n'est absolument pas connue en droit français. L'État – on parle raison d'État souvent – a ses raisons, justement, et a souvent raison. Vous avez une décision d'un organisme étatique, vous faites avec. C'est un peu ce que le ministre est en train de nous proposer ici. Il prend au-delà de 100 lois au Québec et, une par une, il enlève des droits. Il enlève le droit d'être entendu, il enlève le droit d'appel et il est en train de dire aux citoyens du Québec et aux citoyennes du Québec: Voici, nous, Parti québécois, parce qu'on est fauchés, on va prendre vos droits et on va les sacrifier sur l'autel de la convenance économique et du besoin impérieux d'opérer des coupures. C'est ça que le ministre de la Justice du Québec est en train de faire, M. le Président. Il est en train de le faire littéralement dans des douzaines, et des douzaines, et des douzaines de lois et il est en train de dire aux citoyens: Dorénavant, quand vous allez recevoir une décision qui concerne votre permis, votre capacité d'opérer une entreprise – il y a littéralement des douzaines de catégories de permis d'exploitation qui sont visées par cette loi-là – vous n'aurez plus de droit à l'appel. Vous n'auriez plus le droit d'exiger que l'on vous entende.

Et on va vous donner des exemples concrets, M. le Président. L'article 2 du projet de loi n° 89 prévoit que l'article 14 de la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants est modifié par le remplacement, dans la deuxième ligne du premier alinéa, des mots «se faire entendre» par les mots «présenter ses observations». Ça va revenir assez souvent. Ça veut dire quoi, «présenter ses observations» par rapport au droit d'être entendu qui était ce qu'on avait auparavant? Quand il y a un droit d'être entendu, on a le droit évidemment d'être là, de témoigner, mais, quand l'autre côté veut vous enlever votre permis d'opérer votre entreprise – et c'est le gouvernement – quand l'autre partie est intervenue d'urgence parce qu'elle trouvait qu'il y avait une question de santé publique, vous aviez le droit auparavant d'interroger l'agent de l'État qui avait opéré cette saisie-là ou qui avait mis les scellés sur votre entreprise ou qui avait retiré votre permis. Dorénavant, dans au-delà d'une centaine de lois, on va perdre le droit d'être entendu. Ça va être remplacé par le droit de faire des observations.

Alors, quelqu'un qui nous écoute et qui entend ça dit: Bien, c'est peut-être juste une manière différente de dire à peu près la même chose. Loin de là, M. le Président! Ce n'est pas du tout la même chose, parce qu'il n'y a aucune jurisprudence, aucune décision qui vient étayer ce que ça vous donne comme droit quand on dit: Vous avez le droit de présenter vos observations. Ça peut être sous forme d'une lettre, ça peut être trois lignes à la fin disant: Avez-vous des remarques ou des commentaires? Ce n'est pas du tout la même chose que d'avoir le droit de faire asseoir celui ou celle qui a porté des accusations contre vous ou qui a fait certaines affirmations concernant la salubrité de vos locaux ou les dangers que représentait votre opération et de dire: Bien, ce n'est pas vrai, c'est faux, ou, d'une manière ou d'une autre, d'avoir le droit d'être entendu, de contre-interroger leur témoin.

Ça n'existera plus ici, au Québec, M. le Président. On sera la seule juridiction en Amérique du Nord à éliminer complètement un tel pan de nos droits. C'est très inquiétant, parce que, si encore on était capable de nous dire pourquoi on le faisait, que ça y allait d'un intérêt pour le public, on pourrait toujours marcher là-dedans, mais les experts qui ont étudié cette question-là, les experts qui se sont tous rassemblés au cours de l'automne à l'Université de Montréal en sont tous arrivés à la même conclusion: que ce projet de loi là représentait des dangers réels pour le public à l'égard de leurs droits existants. Et c'est pour ça qu'on était contents que le ministre ait accepté d'apporter la modification à l'article 5.

Donc, quand le ministre est revenu sur son propre engagement, sur l'acceptation de la part du gouvernement du Parti québécois d'assurer le respect de ce droit d'être entendu, on a tout compris: le projet de loi, effectivement, n'avait rien à voir avec une réforme visant à assurer plus de droits pour les citoyens, une meilleure justice pour le citoyen. C'est au contraire une loi de la bureaucratie, par la bureaucratie et pour la bureaucratie. C'est une manière pour la machine de se donner raison sur le citoyen, une manière pour l'État de gagner sa cause et d'arrêter ces interminables appels où le citoyen n'est pas capable de comprendre ce que le gouvernement vient de lui dire. Bien, tant pis, votre permis d'opérer votre entreprise, vous ne l'avez plus, ou votre prestation de telle sorte est limitée à tel niveau. Non, non, ne nous embêtez pas avec vos experts ou votre témoignage, l'État a parlé, l'État a raison. C'est le gouvernement qui gagne. C'est ça qui va se produire.

Ça va mettre un certain temps évidemment, M. le Président, parce que, comme on l'a fait avant Noël, on va tout faire pour faire les changements nécessaires à l'intérieur de ce projet de loi là. On va utiliser tous les moyens à notre disposition pour essayer de faire entendre raison au gouvernement du Parti québécois, de l'infléchir dans sa détermination de réduire les droits des citoyens, et ça va prendre le temps que ça va prendre, M. le Président, d'ici à la fin de la journée, et s'ils sont décidés. C'est sûr qu'il peuvent toujours utiliser leur majorité parlementaire pour gaver les autres parlementaires de ce projet de loi d'au-delà de 900 articles. C'est sûr, c'est ce qui arrive dans une situation comme celle-ci, dans une situation où, avec une majorité, un gouvernement refuse d'entendre raison malgré le fait que tous les experts qui ont regardé ce projet de loi là sont arrivés à la même conclusion, que ça réduisait les droits, malgré le fait que des propositions concrètes, constructives ont été faites et qu'elles ont été souvent acceptées par le gouvernement, il se retourne de bord et il défait son acceptation de ses engagements.

M. le Président, le projet de loi n° 89 est une triste page dans l'histoire législative du Québec, est une triste page dans l'histoire de la justice au Québec, est une triste page dans l'histoire de la justice administrative du Québec, car jamais n'aura-t-on vu un gouvernement aussi déterminé, au nom de la seule raison d'économie d'argent, à enlever le droit du citoyen d'avoir une justice qui tienne compte de son point de vue et de son droit de s'exprimer et de son droit de faire valoir ses arguments face au gouvernement. Ce n'est pas comme si le gouvernement n'était pas déjà assez puissant face aux citoyens ordinaires, M. le Président, personne ne prétendrait ça, mais plutôt que d'écouter l'avis sage du Protecteur du citoyen, qui dit: Travaillez sur la décision initiale, faites en sorte que les personnes qui doivent prendre la décision initiale concernant le permis, concernant la prestation, soient des personnes de qualité, bien formées, qui rendent des décisions conformes aux lois adoptées par le Parlement et vous aurez beaucoup moins besoin d'avoir ces autres structures d'appel, etc...

C'est tout le contraire que le gouvernement du Parti québécois est en train de faire. Comme d'habitude, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois est en train de proposer une structure comme solution, alors que la solution, c'est de travailler sur ce qui existe déjà, de s'assurer que les décisions qui sont prises... Parce que les lois ne changeront pas, il y aura toujours besoin d'une décision au premier niveau. Plutôt que de travailler là-dessus et réduire le nombre d'appels et ainsi les frais afférents, le gouvernement du Parti québécois trouve qu'une structure, une nouvelle bureaucratie, un nouvel aménagement, c'est ça, la manière d'assurer la protection de l'intérêt du public. On aura l'occasion, au cours des prochaines semaines, de démontrer à quel point cela est faux.

(16 h 40)

Le projet de loi n° 89, en plus des autres éléments que nous venons de souligner, propose des dispositions qui vont faire la transition entre l'entrée en vigueur de la réforme prévue pour septembre 1997 et la situation existante. Est-ce que la date de septembre 1997 est réaliste? On ne le croit pas, M. le Président. On voit difficilement comment, même en faisant le comité d'implantation qu'il a fait, on peut sérieusement croire avoir en place toutes les structures, toutes les procédures, tous les greffes, tout ce qui va avec l'existence d'un tribunal. On voit difficilement comment cela va pouvoir se faire d'ici quelques mois, et ça risque de faire exactement comme pour la loi d'application du nouveau Code civil, qui a exigé une loi d'application elle-même, c'est-à-dire que, une fois le nouveau Code civil du Québec adopté, il y a à peine quelques années, on a été obligé d'apporter une énorme loi d'application pour assurer ces questions transitoires.

Un des premiers gestes posés par le nouveau gouvernement du Parti québécois, c'était d'avoir une loi d'application de la loi d'application parce qu'il y avait beaucoup de failles et de problèmes à l'intérieur de ça et que les délais prévus étaient complètement irréalistes. C'est ça qui va se passer encore une fois ici, M. le Président. C'est sûr et certain qu'on va être ici probablement juste avant la fin de la session courante pour tenter de patcher le projet de loi n° 89 qu'on a devant nous aujourd'hui pour mettre des délais et un échéancier qui tiennent compte de cette réalité-là et qui soient plus réalistes.

C'est important de comprendre que la loi couvre pratiquement toutes les sphères d'activité sociale, allant de l'agriculture au tourisme en passant par la fiscalité municipale, les caisses d'épargne, l'enseignement, les régimes de retraite, les compagnies, la santé et le transport. Son impact et ses effets sont beaucoup plus grands que le simple domaine de la justice québécoise – devrais-je dire le seul domaine de la justice québécoise. Quelques-unes des lois qui seront affectées et les sujets au recours qui n'est plus appelable devant la Cour du Québec sont les suivants: la Loi sur les agents de voyages. Aux termes de cette loi, la suspension, l'annulation ou la révocation du permis par le ministre ne seraient plus appelables devant la Cour du Québec. Donc, M. le Président, on regarde les recours pour lesquels les citoyens perdent un droit d'appel devant les juges de la Cour du Québec dont les conditions garantissent l'impartialité et l'indépendance au profit d'un appel devant les juges du Tribunal administratif du Québec dont les conditions, comme on l'a vu tantôt, ne garantissent pas cette impartialité et cette indépendance.

On pourrait regarder également la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme en ce qui concerne la valeur du terrain exproprié par la municipalité. La Loi sur l'Assemblée nationale est également touchée pour une indemnité d'un immeuble acquis par le gouvernement. À l'égard de certains de ces sujets, M. le Président, le gouvernement a dit qu'il allait apporter des amendements afin de permettre exceptionnellement un appel à la Cour du Québec sur permission, mais ce n'est pas encore fait.

La Loi sur l'assurance-récolte. Ici, pas question d'avoir un appel, d'après le gouvernement: décision de la Régie concernant l'assurance-récolte, puis appel. La Loi sur les biens culturels: indemnité pour perte subie par un citoyen lors de fouilles archéologiques. La Loi sur le cinéma: une décision de la Régie du cinéma, par exemple concernant le classement des films ou un permis de distributeur. La Loi sur les assurances: refus, suspension ou annulation d'un permis d'un assureur par l'Inspecteur général des institutions financières, ou encore appel d'une décision de l'Inspecteur général concernant une raison sociale.

C'est important, ça, M. le Président, parce qu'on est dans le vif du sujet. On se rend compte qu'on n'est pas en train de parler nécessairement d'un permis insignifiant, on est en train de parler d'un permis d'opérer une entreprise. La capacité, pour les gens qui ont cette entreprise, de gagner leur vie eux autres mêmes ainsi que celle de leurs employés.

Il y a d'autres lois aussi: la loi sur les arrangement préalables de services funéraires, la nomination par le président de l'Office de la protection du consommateur d'un administrateur provisoire. Ça veut dire la tutelle, ça, M. le Président. Une entreprise dans ce domaine-là qui serait en difficulté ou en désaccord avec les fonctionnaires sur point donné pourra se voir mettre en tutelle. C'est ça, l'administration provisoire, prendre le contrôle par le gouvernement, de leur entreprise.

Imaginez quel pouvoir cela va donner aux gens avec lesquels on est censés travailler quotidiennement lorsqu'on travaille dans une entreprise qui est réglementée par le gouvernement. Vous n'auriez pas le droit à un appel, vous n'auriez pas le droit d'être entendu et on vous présente une décision qui est, à sa face même, déraisonnable. Que faites-vous? À l'heure actuelle, la décision est simple. Prenez un avocat, une avocate et allez devant l'instance en question. Vous plaidez votre cause et vous avez le droit de présenter une défense pleine et entière et vous avez un appel. Et, au cas où la personne perdrait juridiction, c'est-à-dire irait tellement en dehors de ce qui est prévu par la loi, vous pourriez exercer certains recours extraordinaires pour faire réviser vite la décision par un juge de la Cour supérieure. C'est ce pouvoir de surveillance et de surintendance qui existe au sein de la Cour supérieure qui serait exercé.

Mais, même ça, M. le Président, on est en train d'essayer de l'enlever ici, bien que sur les questions de juridiction – et c'est une ironie du projet de loi émanant d'un gouvernement du Parti québécois – c'est qu'on enlève l'appel au tribunal qu'on appelle la Cour du Québec, et la seule chose qui va continuer d'exister, c'est une évocation devant la Cour supérieure. Quelle est la distinction et pourquoi est-ce que c'est pertinent de mentionner le fait que c'est ironique que ce soit un gouvernement péquiste qui fasse cela? Eh bien, c'est une nouvelle institution du Québec dont tout le monde est censé pouvoir se réjouir. Et plutôt que d'avoir un appel vers des juges nommés par le Québec pour cette nouvelle institution du Québec, le seul recours qui va demeurer est un recours en évocation devant le juge de la Cour supérieure nommé par Ottawa. C'est une ironie, M. le Président, pour dire le moindre.

En vertu du Code de la sécurité routière, M. le Président, les décisions de la Société de l'assurance automobile du Québec concernant un permis de conduire, un permis pour école de conduite – encore, la capacité de gagner sa vie est en cause – permis de vendeur d'automobiles, ou de points d'inaptitude. La Loi sur la Communauté urbaine de l'Outaouais: indemnité pour expropriation par la Société de transport de l'Outaouais d'une entreprise de transport en commun. La Communauté urbaine de Montréal: indemnité pour expropriation par la CUM. La Loi sur les compagnies, M. le Président: décision de l'Inspecteur général des institutions financières relativement à une compagnie: certification, incorporation, fusion. Développement des entreprises dans le domaine du livre: annulation ou suspension par le ministre d'un agrément par un éditeur, distributeur ou libraire. La Loi sur les établissements touristiques: suspension ou annulation par le ministre du permis pour exploiter un établissement touristique.

Vous voyez, M. le Président, la personne qui exploite un établissement touristique pourrait se voir retirer son permis. Ça arrive dans la vie, ça, M. le Président, que ce ne soit pas seulement pour les motifs qui sont prévus aux termes de la loi. Au moment où on se parle, cette personne-là a un droit à l'appel, un droit d'aller devant un juge autonome impartial, indépendant. On va le remplacer avec ce nouveau Tribunal administratif du Québec où ce droit n'est plus garanti. On perd des droits dans cette loi-là. C'est ce que le gouvernement du Parti québécois est en train de faire, d'enlever des droits aux citoyens du Québec.

La Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre, donc, pour l'annulation et la suspension. La Loi sur l'expropriation: une indemnité suite à l'expropriation par l'administration publique. La Loi sur la fiscalité municipale: une évaluation foncière.

(16 h 50)

Regardons ces deux-là, M. le Président. Il est question de revenir dans la Loi sur l'expropriation, avec un droit d'appel sur permission, mais regardons-le actuellement, ce que cela signifie. Ça a toujours été accepté que la société a un intérêt supérieur pour acquérir la propriété de quelqu'un. Par exemple, s'il faut faire une autoroute, on n'est pas pour commencer à contourner chaque terre que quelqu'un décide de ne pas vendre. Ça a toujours été admis, si on veut avoir un développement logique dans une société civilisée comme la nôtre, que l'État avait un intérêt supérieur à exproprier au profit de l'ensemble de la population. Mais, pas besoin de faire un dessin, la personne qui se fait exproprier et qui ne voulait pas vendre, qui voit son terrain coupé en deux, va souvent avoir des doléances à l'égard du gouvernement et veut s'assurer que la personne qui va déterminer la somme d'argent qu'elle va recevoir en compensation va être une personne autonome et indépendante. C'est normal, ça.

Si la personne qui est en train de décider si le gouvernement a raison de ne vous donner que 10 000 $ pour votre terrain et si vous êtes persuadé que ça en vaut au moins 20 000 $, si cette personne-là dépend du bon gré du gouvernement, de savoir si elle va être renouvelée ou pas dans sa fonction de juge d'un tribunal administratif, vous allez avoir une appréhension, une crainte raisonnable que cette personne-là ne va pas être impartiale. Vous allez pouvoir vous dire: Coudon, c'est lui qui décide combien j'ai le droit de recevoir pour le terrain exproprié et c'est le gouvernement qui me dit que c'est tant, et c'est le gouvernement qui va lui dire s'il va continuer à gagner sa vie comme juge administratif. Juste sur le plan du gros bon sens, pas besoin de sortir des locutions latines à n'en plus finir pour comprendre ça! Tout le monde qui nous écoute comprend ça, que la personne qui décide qui a raison entre le gouvernement et un citoyen ne doit pas avoir des ficelles tirées par le gouvernement. C'est clair, ça. Et c'est ça, être autonome et indépendant. Et, à défaut d'avoir des décideurs au TAQ – comme le ministre l'appelle, le Tribunal administratif du Québec – à défaut d'avoir là des décideurs qui ont toutes les garanties nécessaires d'autonomie et d'indépendance, il faut au moins préserver le droit d'appel.

Et il faut aussi dire que, même si le ministre donne suite à son engagement d'éventuellement revenir avec d'autres modifications pour prévoir exceptionnellement un appel sur permission, ça ne règle qu'une partie du problème. Parce qu'un appel sur permission, ça veut dire que ça va être l'exception et pas la règle, alors qu'à l'heure actuelle le droit d'appel, c'est un droit, c'est une règle, c'est ça qui existe pour tout le monde, dans tous les cas, le droit d'avoir ça révisé, et c'est ça qui devrait continuer à exister. C'est ça que le Parti québécois a promis à la population, en 1994, qu'il allait conserver.

Le député de Laval-des-Rapides, le ministre de la Métropole, a été interpellé à ce sujet-là, M. le Président, parce que c'est lui, lorsqu'il était président de la commission justice du Parti québécois, qui a présidé à l'élaboration de cette promesse-là, dans le livre du Parti québécois, aux dernières élections. Confronté à cette réalité-là, il n'a eu qu'à répondre: Ah oui, mais, vous savez, on doit faire des choix déchirants, confirmant ainsi le fait – et c'est un fait – que ce sont des questions d'argent qui ont présidé à cette perte de droits de la part des citoyens. Nous refusons de croire qu'on ne pouvait pas faire autrement, M. le Président. Nous refusons de croire que le ministre est vraiment en train de réaliser une économie. Nous craignons, au contraire, que sa loi, construite comme elle est, sur des bases si peu solides, va s'effondrer, entraînant avec elle toutes sortes d'incertitudes et de problèmes qui ne sont pas nécessaires, car, si le ministre respectait le plus haut niveau d'autonomie et d'indépendance dans ces nominations, la loi serait à l'abri, du moins en bonne partie. Il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement du Parti québécois insiste tant pour procéder de cette manière-là, alors que le fait de priver les citoyens de leur droit d'appel va nécessairement avoir comme résultat que la Cour supérieure va entendre de plus en plus de causes par le biais de ce recours normalement extraordinaire d'évocation. C'est ça qui va se passer. Les tribunaux vont regarder le fait que les citoyens ont perdu des droits. Ça va être intéressant de voir quel combat va exister entre cette loi-là et les droits qui existaient auparavant aux termes de la «common law» et quel va être le résultat.

Le ministre est en train de jeter le bébé avec l'eau du bain, M. le Président. Le ministre a raison – et on l'a appuyé là-dedans – de vouloir réformer un système et des structures qui sont devenus trop hétéroclites, trop différentes selon les endroits, de standardiser un peu, d'uniformiser un peu, bien qu'il eût fallu faire un petit peu plus attention, à notre point de vue, au fait que très souvent les différences structurelles qui existaient d'un endroit à l'autre avaient leur raison d'être. Mais présumons, pour les fins de notre débat d'aujourd'hui, que la plupart de ces changements-là pouvaient s'opérer, que ça pouvait se faire tout en respectant le niveau de droit actuel, chose que le projet de loi ne fait pas. Et, si on regarde d'autres exemples, on va pouvoir voir facilement comment les citoyens doivent être inquiets face à un gouvernement péquiste qui semble voué à avoir l'idée fixe de leur enlever leurs droits.

La Loi sur les intermédiaires de marché: aux termes de cette loi-là, dorénavant l'annulation ou la suspension par l'Inspecteur général des institutions financières d'un certificat de planificateur financier n'aura plus d'appel, c'est-à-dire que la personne qui travaille aujourd'hui comme planificateur financier devrait s'inquiéter de l'adoption du projet de loi n° 89, parce que ça donne un pouvoir extraordinaire à l'Inspecteur général de lui retirer son permis sans qu'il ait un droit d'en appeler.

La Loi sur les matériaux de rembourrage et les articles rembourrés: là, on enlève le droit d'appel lorsqu'il s'agit du refus ou de la suspension par l'inspecteur-chef du ministère de l'Industrie et du Commerce d'un permis de rembourreur. Quand on voit à quel point les inspecteurs de ce même ministère là n'arrivent même pas à inspecter les ascenseurs et les monte-charges au Québec, c'est à se demander ce qui va se passer quand ils vont se mettre à retirer des permis. Il n'y aura jamais de droit pour les citoyens d'aller nulle part.

La Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales: encore une fois, suspension, annulation ou refus par le ministre d'un permis. Il en va de même dans le domaine des pesticides, des produits agricoles et marins, du mesurage de bois, de la protection du consommateur: refus, suspension ou annulation par l'Office de la protection du consommateur d'un permis à un commerçant ou pour quiconque a été nommé un administrateur provisoire. Même chose. Il peut vous mettre en tutelle, vous n'avez plus de droit d'appel, peu importe ce qui s'est passé.

Loi sur la protection du territoire agricole: appel d'une décision du Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole. Il s'agit d'un autre domaine où il y a un engagement de revenir avec un appel, mais qui n'est pas encore concrétisé. Mais on peut voir tout le problème qui est impliqué là. Encore une fois, il s'agit du droit du citoyen face au gouvernement. Loi sur la protection sanitaire des animaux: les décisions du ministre relatives à un permis – vente aux enchères, médicaments vétérinaires, insémination artificielle, surveillance d'étalons. Loi sur la qualité de l'environnement: indemnité suite au refus du ministre de renouveler un permis pour exploiter un système de gestion des déchets, un autre domaine dans lequel le ministre a un engagement d'essayer de remettre une partie des droits qu'il était en train d'enlever.

Loi sur le recours collectif: refus d'une demande d'aide financière par le Fonds d'aide aux recours collectifs. Loi sur le recouvrement de certaines créances: refus, suspension ou annulation par l'Office de la protection du consommateur d'un permis d'agent de recouvrement. On voit encore une fois, M. le Président, que c'est le droit de cette personne-là, qui travaille comme agent de recouvrement, c'est son droit de gagner sa vie qui est en cause. Ce n'est pas rien, là, c'est sa capacité de gagner sa vie. Alors, ça peut être un geste posé par un Office de protection du consommateur trop chargé par son travail, avec toutes les autres coupures. D'ailleurs, le Protecteur du citoyen a dit, au mois de janvier, lorsqu'il était en commission parlementaire, que c'était un simulacre, l'Office de la protection du consommateur, qu'on avait maintenant l'ombre d'un Office de protection du consommateur. On n'en avait pas un vrai parce qu'il ne pouvait plus faire son travail, l'Office de la protection du consommateur, et c'est exactement ce qui est en train de se passer avec ce gouvernement.

(17 heures)

La loi sur la rigidité des communications: certaines décisions, encore une fois, ne seront plus appelables. Il en va de même, M. le Président, pour la Loi sur le régime des eaux lorsqu'il s'agirait d'évaluation des dommages causés par la trop grande élévation des écluses, pour la Loi sur la sécurité dans les sports, pour la Loi sur la Société des alcools du Québec.

Maintenant, regardons celle-là, M. le Président, elle est très importante: la suspension ou révocation d'un permis par la Régie en vue de fabriquer ou de distribuer. Ça vaut la peine de se référer à cet article-là, parce que c'est cet article-là dans la loi qui fait en sorte qu'au moins un membre du Parti québécois a voté contre sa propre formation politique parce qu'il y avait dans son comté un important fabricant de vin. Alors, il s'agit de l'article 795, qui prévoit que l'article 36 de la Loi sur la Société des alcools du Québec est modifié par le remplacement des mots «10 jours qui suivent la date où elle a été avisée de la décision, interjeter appel de celle-ci sur toute question de droit par requête adressée à un juge de la Cour du Québec après que cette requête ait été signifiée à la Régie» par les mots «30 jours qui suivent la date où la décision de la Régie lui a été notifiée, la contester devant le Tribunal administratif du Québec». Alors, vous voyez, M. le Président, à quel point les intérêts économiques peuvent être affectés par ces décisions-là. Ça a été très révélateur pour nous de voir un membre du gouvernement voter contre sa propre formation sur cet aspect-là, mais une fois que ça lui a été expliqué par les avocats de cet important fabricant québécois de vin, une fois qu'ils lui ont dit: Écoutez, à l'heure actuelle, au moins, si on a une chicane sur notre permis de fabrication, on peut aller devant un juge. Il y a un appel. Mais, à l'heure actuelle, le ministre est en train de nous dire: Non, ça va suffire. Vous allez perdre votre permis de continuer à fabriquer, vous allez le perdre suite à la seule décision du Tribunal administratif du Québec, où, comme on l'a vu, les juges n'ont pas les garanties d'indépendance et d'impartialité, et votre entreprise peut être fermée.

C'est grave, ça, M. le Président. C'est très, très sérieux pour les gens qui travaillent dans ces milieux-là, et ça risque à la longue, même, parce que c'est une autre forme de réglementation négative, de rendre le Québec, en Amérique du Nord, un endroit moins attrayant pour certaines formes d'entreprises. Si les gens qui travaillent déjà ici sont à ce point préoccupés qu'ils expliquent à leur député péquiste que ça n'a pas de bon sens et que les députés péquistes commencent à voter contre, imaginez ce qui va circuler dans les milieux en question. Les autres compagnies qui sont intéressées par la fabrication de vin ou de spiritueux vont savoir qu'au Québec on est une des seules juridictions en Amérique du Nord à ne plus avoir ces garanties-là, qu'une décision intempestive, erronée, déraisonnable peut vous faire perdre votre droit de continuer à faire fonctionner votre entreprise et que le gouvernement, pour sauver de l'argent, ne vous donne même plus le droit d'appeler devant un juge impartial et indépendant. C'est ça, le projet de loi n° 89. C'est ça, ce que le gouvernement du Parti québécois est en train de faire, et ce, malgré le fait que ce même gouvernement du Parti québécois s'est engagé formellement auprès de la population, lors de l'élection de 1994, à garantir un droit d'appel. Ils n'ont pas tenu promesse, M. le Président.

D'autre domaines où on va perdre des droits: la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, en ce qui concerne la suspension, l'annulation ou le refus par l'Inspecteur général des institutions financières d'un permis d'exploitation d'une entreprise. Comme on l'a indiqué au début, il y a au-delà d'une centaine de lois qui sont touchées par ça. Une centaine de lois où tantôt on perd un droit d'appel, tantôt on perd le droit d'être entendu ou les deux à la fois. J'ai donné quelques exemples tantôt des lois où on perdait son droit d'être entendu et que c'était remplacé par la simple capacité de présenter des observations.

Puis, encore une fois, M. le Président, il s'agit, dans la plupart de ces secteurs, de perte de permis ou de suspension de permis, ce qui va faire en sorte que la personne ne pourra plus gagner sa vie. Alors, vous voyez ce que ça va faire pour le citoyen. Le citoyen va être face à un décideur qui n'offre pas toutes les garanties d'autonomie et d'indépendance et le citoyen n'aura même plus le droit de contre-interroger les témoins, d'être présent, d'avoir toutes les garanties qui existent à l'heure actuelle.

C'est extrêmement regrettable, M. le Président, de constater que ce gouvernement-là a décidé de procéder ainsi, surtout que, suite aux nombreux avis qui ont été donnés par les experts dans le domaine de la justice administrative ici, au Québec: les professeurs de droit, qui sont venus défiler en commission parlementaire, le Barreau du Québec, qui a organisé un important colloque à l'Université de Montréal à l'automne, au mois d'octobre... Malgré tout ça, ce ministre de la Justice bénéficie, jouit de l'appui de son gouvernement, et ce, malgré le fait que des membres de son propre parti lui disent de ne pas procéder avec cette loi-là, malgré le fait que les gens qui connaissent ce domaine disent: Attention, vous êtes en train d'enlever des droits aux citoyens, c'est dangereux, ce que vous faites là, malgré le fait que les experts disent: Attention, là, en faisant défaut de respecter les obligations qui existent aux termes de la Charte des droits, en mettant en place des gens qui n'assurent pas le plus haut niveau d'autonomie et d'indépendance pour ce nouveau tribunal, vous risquez de voir votre loi annulée par les tribunaux. Et, malgré tout ça, le gouvernement du Parti québécois procède.

Alors, M. le Président, avec mes collègues dans l'opposition, on va faire notre devoir. Nous allons faire tout ce que nous devons faire pour empêcher le gouvernement d'adopter cette législation, parce que le gouvernement du Parti québécois fait une erreur sérieuse en procédant à son adoption. Le gouvernement du Parti québécois est en train d'enlever des droits aux citoyens. Le gouvernement du Parti québécois est en train d'amoindrir le niveau de justice dans notre société. Il n'y a aucune raison pour celui-ci de procéder ainsi, sauf, comme on a eu l'occasion de le dire, ses propres priorités économiques. Et la raison pour laquelle ils sont dans un tel désarroi économique et qu'ils doivent couper, c'est parce que leurs politiques font en sorte que l'économie au Québec stagne.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, nous nous opposons formellement à l'adoption du projet de loi n° 89 et, avec l'ensemble de mes collègues, nous allons tout faire pour démontrer constructivement, en utilisant les moyens dont on dispose, comme une opposition dans une situation minoritaire, on va faire tout ce qu'on peut pour empêcher son adoption dans sa forme actuelle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Avant de passer au prochain intervenant, je vous fais part que nous aurons deux débats de fin de séance. L'un entre le vice-premier ministre et ministre des Finances et le député de Laporte au sujet du manque à gagner des revenus autonomes du gouvernement, et l'autre entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et le député de Robert-Baldwin au sujet des listes d'attente de la santé.

Alors, je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement et député de Frontenac, je vous cède la parole.

M. Lefebvre: De l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): De l'opposition.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Si, M. le Président, vous n'aviez pas fait erreur et si effectivement j'étais leader adjoint du gouvernement plutôt que de l'opposition, je suis convaincu que j'aurais réussi à convaincre mes collègues que le projet de loi n° 89 n'est pas un bon projet de loi pour les droits fondamentaux des citoyens et citoyennes du Québec.

(17 h 10)

Malheureusement, avec mon collègue député de Chomedey, on n'a pas grand espoir – mais on ne sait jamais! – de ramener les députés ministériels à la raison. L'opposition officielle, cependant, comme le député de Chomedey l'a indiqué à la toute fin de son intervention, va faire son travail en espérant, on ne sait jamais, qu'à l'occasion de l'étude détaillée article par article du projet de loi n° 89 et, sait-on jamais, même sur l'étude du principe, le débat sur le principe, on pourra convaincre nos collègues qu'on fait fausse route, du côté du gouvernement. Et je pense évidemment, entre autres, à mes collègues d'en face qui ont une formation en droit – avocat, notaire – le leader du gouvernement, le député de Drummond, d'autres collègues qui sont, j'en suis convaincu, conscients que, même si tout évolue très vite dans notre société, on ne peut pas, sous prétexte de suivre certains courants, affaiblir les droits fondamentaux des citoyens et des citoyennes du Québec. Et je suis convaincu également que le leader du gouvernement et le député de Drummond, lorsqu'ils prennent le temps de réfléchir sur le projet de loi n° 89, lorsqu'ils prennent le temps d'en évaluer les conséquences et qu'ils s'adressent strictement et seulement à leurs notions de droit, ils sont en désaccord, pour l'essentiel, avec le projet de loi n° 89 et surtout en désaccord avec certaines dispositions dont le député de Chomedey a parlé et dont je parlerai également, entre autres le droit à une défense pleine et entière, le droit à une présence devant les tribunaux administratifs quasi judiciaires, tout comme devant les tribunaux de droit commun, le droit de se faire entendre.

Je ne peux pas imaginer que le leader du gouvernement, qui a été un avocat, qui a fait de la pratique privée, tout comme le député de Drummond... Je suis convaincu qu'ils ne peuvent pas souscrire à l'idée d'affaiblir ce principe fondamental qu'ont et que doivent conserver les Québécois de pouvoir se faire entendre, le principe audi alteram partem. Je suis convaincu que le leader du gouvernement a des problèmes avec ça.

Le projet de loi n° 89, on le sait, c'est la suite du projet de loi n° 130, qui a été adopté le 16 décembre 1996, avec lequel l'opposition était en désaccord, tout comme plein d'intervenants qui ont suivi le débat, qui continuent évidemment à suivre le débat à travers maintenant le projet de loi n° 89, entre autres le Barreau du Québec. On s'est, en décembre 1996, exprimé contre le projet de loi n° 130, et évidemment, dans la suite des choses, on sera, pour toutes sortes de raisons valables, contre le projet de loi n° 89.

Le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, on le sait, a mis en place, a institué le Tribunal administratif du Québec, ce sur quoi on est d'accord. La mise en place du TAQ, au niveau du principe, là-dessus, on était d'accord. Cependant, la façon de le faire, les conséquences que l'on retrouve... Parce que l'essentiel de toute la démarche gouvernementale, M. le Président, c'est dans le projet de loi n° 89 qu'on la retrouve, oui. Les intentions du gouvernement, c'est dans 89 et aussi dans 130, entre autres, quant à la nomination des juges de ce nouveau tribunal administratif. Et on a à maintes reprises indiqué au ministre de la Justice qu'il n'avait d'aucune façon convaincu ni l'opposition, ni le Barreau du Québec, ni tous ceux et celles qui se sont exprimés, sauf exception.

À toutes fins pratiques, le processus de nomination qu'on voulait améliorer, qu'on voulait dépolitiser, il n'y a pas de changement. C'est le ministre qui a le contrôle d'un comité de nomination, parce que le ministre procède lui-même à la nomination des membres de ce comité-là qui verront à nommer subséquemment les juges qui siégeront sur le Tribunal administratif. Bien, il n'y a pas de changement, c'est le ministre qui contrôle le processus de nomination, de sorte qu'on en arrive – et on l'avait dit à l'époque, il n'y a pas de changement dans notre réflexion – qu'il n'y a pas de changement, c'est encore un processus de nomination sujet à l'intervention partisane du gouvernement, du ministre de la Justice. Et on n'est pas, évidemment, du côté de l'opposition, les seuls à l'avoir indiqué au ministre. Mais on s'est buté à un mur, puis malheureusement il faudra que les Québécois et les Québécoises vivent avec la décision prise par le gouvernement. Puis on verra, M. le Président, au fur et à mesure que tout se mettra en place, j'en suis convaincu, que le temps nous donnera raison. On verra qu'on ne s'est pas trompés dans nos représentations qu'on a faites au moment où on procédait à l'adoption de 130.

Le projet de loi n° 89, c'est la Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Alors, 89, M. le Président, essentiellement, vise à mettre en place, oui, à appliquer la loi n° 130 dont j'ai parlé tout à l'heure. Le projet de loi n° 89 a été déposé le 19 décembre dernier, plus ou moins deux ou trois jours après l'adoption de 130. C'est ce que veut faire le législateur, le ministre de la Justice, introduire des nouvelles règles sur la justice administrative. Est-ce qu'il y arrivera? De notre côté, on pense que non. Il y aura évidemment des changements majeurs. Oui, il y aura des nouvelles règles quant au processus, quant à la procédure, mais, pour l'essentiel, puis c'est ça qui inquiète beaucoup – et le mot est faible – l'opposition, ce que le ministre de la Justice, ses collègues et son gouvernement font, c'est d'affaiblir les droits fondamentaux qu'ont, au moment où on se parle, les Québécois et les Québécoises.

Vous savez, légiférer en matière de justice, j'espère que le ministre de la Justice est d'accord avec l'opposition lorsqu'on lui dit, lorsqu'on dit à ses collègues: C'est important, lorsqu'on légifère en matière de justice, de dégager un consensus avec les différents acteurs, avec, dans un premier temps, l'opposition officielle, qui a la responsabilité de protéger la population du Québec de façon correcte, positive, objective, rationnelle contre des gestes du gouvernement qui souvent, même s'ils sont présentés sous l'angle de la bonne foi – puis ça, on ne peut pas en douter – pour l'essentiel, comme ceux que s'apprête à faire le ministre de la Justice par son projet de loi n° 89, sont des gestes souvent inexpliqués et inexplicables qui cachent des volontés plus ou moins avouées d'assainissement des finances publiques, entre autres. Et, lorsqu'on parle de justice, de sécurité publique, j'oserais même dire peut-être plus que lorsqu'on parle d'éducation.

Là, je fais un parallèle en étant extrêmement prudent. Ça ne veut pas dire évidemment que l'éducation et la santé ne sont pas des secteurs d'activité que l'on doit modifier avec énormément de prudence, mais, quant à nous, encore plus lorsqu'on parle de justice et de sécurité publique, le législateur doit-il être extrêmement prudent. Une société démocratique comme la nôtre, bien, c'est basé sur la règle de droit, M. le Président. On le sait, je veux juste très rapidement le rappeler. C'est important, pour ceux et celles qui nous écoutent, qu'on leur répète qu'une société démocratique, c'est assis sur trois principes fondamentaux, ou trois processus fondamentaux que sont le législatif – c'est ce qu'on fait ici, à l'Assemblée nationale – l'exécutif – c'est le gouvernement, le Conseil des ministres qui exécute les volontés exprimées par le législateur ici, à l'Assemblée nationale – et le judiciaire. Bien, le judiciaire, c'est, on le sait, toute la structure de nos tribunaux, autant les tribunaux de droit commun que les tribunaux comme celui qu'a mis en place la loi n° 130, le TAQ. Ce sont trois pouvoirs indépendants.

L'indépendance qui peut exister entre le législatif puis l'exécutif, ça, c'est plus difficile à comprendre et à percevoir. L'indépendance entre les membres de l'Assemblée nationale qui sont en face de nous, les ministériels et leurs collègues qui forment l'Exécutif, le Conseil des ministres, ça, ce n'est pas évident. Ça, ce n'est pas évident. À l'occasion, on peut voir un ministériel tenir tête à l'Exécutif, puis on l'a vu justement dans le projet de loi n° 89, qu'un député de la formation ministérielle s'exprime contre un projet de loi parrainé par un membre de l'Exécutif. C'est assez exceptionnel, puis il faut saluer un geste aussi courageux. Et ça nous permet, M. le Président, de croire que, oui, il y a encore la séparation des pouvoirs.

(17 h 20)

Évidemment, du côté de l'opposition, c'est plus facile. On n'est vraiment, nous, dans toute cette démarche-là, du côté de l'opposition, que des législateurs. Ce n'est pas nous qui exécutons les décisions qu'on aura prises ici à la majorité, de temps à autre de façon unanime; ce sont les membres du gouvernement issus de la majorité.

M. le Président, le projet de loi n° 89, il est important. M. le député de Chomedey, dans une intervention – encore une fois extrêmement bien faite, une intervention comme celle qu'il a faite tout à l'heure, qui s'inspire d'une évaluation très rationnelle de ce que veut faire le ministre de la Justice – a expliqué dans le détail pour quelles raisons l'opposition était en désaccord, M. le Président, avec l'objectif du gouvernement exprimé dans ce projet de loi n° 89.

Le Parti libéral du Québec a toujours démontré son attachement – c'est historique, M. le Président, on pourrait en parler pendant des heures – aux principes fondamentaux de justice. Et, dans ce sens-là, le projet de loi n° 89, qui... Ce n'est pas rien, M. le Président, il y a au-delà de 900 articles. Imaginez-vous la tâche qui attend les ministériels membres de la commission des institutions qui auront à évaluer chacun des articles que l'on retrouve dans le projet de loi n° 89, à proposer des modifications! Je suis convaincu que, du côté des députés du pouvoir, M. le Président, on aura réfléchi puis on modifiera, on proposera des modifications au ministre de la Justice. Chose certaine, c'est que, de notre côté, on va le faire.

Qu'est-ce qu'on retrouve globalement, essentiellement, si on veut le résumer, M. le Président, dans ce projet de loi n° 89? C'est la nouvelle démarche qu'on imposera aux citoyens et aux citoyennes du Québec quant aux droits qu'ils veulent faire valoir, droits qui viennent... leurs droits et obligations, M. le Président, que l'on évalue à travers la structure que l'on appelle quasi judiciaire: la justice administrative au Québec. Alors, on peut parler de demandes de permis, on peut parler de litiges de toutes natures qui mettent face à face, M. le Président, le citoyen avec l'appareil gouvernemental, qui s'expriment à travers un nombre considérable de petites lois – on sait, M. le Président, là, qu'on ne parle pas du Code civil – qui seront maintenant sous la... qui seront, M. le Président, gérées, oui, par la nouvelle structure mise en place par la loi 130. Vous savez, ça comprend même la Loi sur les abeilles – ce n'est pas rien, M. le Président! – la Loi sur l'assurance automobile, la Loi sur les biens culturels, la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit – une centaine de lois et peut-être même un peu plus – la Loi sur les mines, sur les mécaniciens de machines fixes. Alors, il y a une panoplie incroyable de législations qui seront, M. le Président, quant à ceux et celles qui veulent bénéficier des dispositions de ces différentes lois, demander des permis de toutes sortes, qui seront, ces lois-là, M. le Président, sous la surveillance du nouveau tribunal mis en place par le gouvernement.

Alors, le projet de loi n° 89, qui est la loi d'application, bien, ça va toucher la vie des citoyens du Québec dans toutes sortes de secteurs d'activité, que ce soit l'agriculture, que ce soit le tourisme, la fiscalité municipale, les mines, la santé et le transport. Alors, c'est au-delà de 100 lois, plus précisément 110 lois, Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, Loi sur l'Assemblée nationale, Loi sur l'aide juridique... Quand on réorganise, comme le fait le gouvernement, la justice administrative, on doit viser à améliorer, on doit vouloir faire mieux. Et, faire mieux, ça veut dire mieux protéger le citoyen. Si on ne lui donne pas plus de droits, si on ne veut pas lui donner plus de droits, à tout le moins, on ne devrait pas lui en enlever, surtout ne pas enlever des droits fondamentaux que le citoyen a ou avait, mais qu'il a encore puisque 89 n'est pas adopté. Ce n'est encore qu'un projet de loi.

Le droit fondamental d'être entendu. Quant à moi, il n'y a rien de plus fondamental, lorsqu'on parle des droits du citoyen en matière de justice, que celui d'être entendu. Ça veut dire quoi, être entendu? Ça veut dire pouvoir présenter sa version des faits. Ça veut dire pouvoir être appuyé dans sa version des faits par des témoins. Ça veut dire être présent devant l'instance, devant le tribunal administratif pour pouvoir contre-interroger la partie adverse. Est-ce que le projet de loi n° 89 respecte ce droit fondamental de permettre à un justiciable d'être entendu? De notre côté, on dit non, M. le Président.

Le Barreau du Québec dit que le gouvernement, par cette législation, touche à ce droit fondamental d'être entendu. Et on n'a qu'à vérifier les articles 2, 14, 45, etc., 826, où on a modifié le vocabulaire pour indiquer à toutes fins pratiques justement que ce ne sera plus le principe exprimé par une maxime latine – je l'ai dit tout à l'heure, audi alteram partem – maintenant qui permettra au justiciable d'être entendu ou non. Mais, on a modifié le vocabulaire, ça s'appellera maintenant, pas être entendu devant le tribunal, mais présenter ses observations. Alors, présenter des observations, ça veut dire quoi, ça? C'est le nouveau vocabulaire qu'a inventé le ministre de la Justice pour indiquer au citoyen, à travers le projet de loi n° 89, qu'il pourra être entendu.

Alors, de notre côté, on dit: Non, ce n'est pas ça, protéger les droits du citoyen en lui permettant d'être entendu. C'est vague, c'est confus, ça cache des trucs, ça cache des intentions qui nous apparaissent plus ou moins avouables. Présenter des observations, on demandera au ministre, en temps et lieu évidemment, de nous indiquer ce qu'il veut dire par quelque chose d'aussi imprécis et confus.

Je veux terminer, M. le Président, en rappelant au ministre qu'il n'est pas le seul, évidemment, à fouler aux pieds des droits absolument fondamentaux pour les citoyens du Québec. Son collègue le ministre de la Santé l'a fait dans son projet de loi n° 39 et il a été rappelé à l'ordre par le président de la Commission des droits de la personne, qui disait ceci, puis je résume: Cet examen qu'on a fait du projet de loi fut d'autant plus vigilant que le projet de loi prévoit des restrictions à des droits fondamentaux à l'égard d'une population qui est vulnérable. Ça, c'est la modification à la loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale. Alors, le président de la Commission des droits de la personne, qui est venu s'exprimer lors du processus de consultation sur le projet de loi n° 39, a rappelé au ministre de la Santé qu'on enlevait, par cette législation n° 39, des droits fondamentaux à des citoyens qui ont besoin d'être protégés – puis ça, je pense qu'on s'entend là-dessus – les Québécois et les Québécoises atteints de maladie mentale.

(17 h 30)

Alors, dans le projet de loi n° 39, on enlève des droits. Dans le projet de loi n° 89, là-dessus, on va se battre autant qu'on pourra le faire. On sait déjà à quel point les Québécois sont attaqués dans des droits également extrêmement, quant à nous, importants pour eux: la santé, l'éducation, la justice, la sécurité publique, tout ce qu'il y a de fondamental pour les Québécois quant à leurs droits; on a l'impression que ce gouvernement-là a décidé de les attaquer, ces droits fondamentaux. Alors, je conclus en disant que, oui, on va se battre, en espérant que, du côté ministériel, on réajustera le tir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Ce n'est pas un mince projet de loi qu'on a devant nous. C'est un projet de loi qui modifie à peu près toutes les lois du Québec. Je peux en faire la lecture pour vous: ça va de la Loi sur les abeilles en passant par la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, la Loi sur les agents de voyages, la Loi sur les assurances, la Loi sur le Barreau, la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur la Commission des affaires sociales, la Loi sur les mesureurs de bois, la Loi sur les intermédiaires de marché; à peu près tout ce qui existe comme loi est modifié par ce projet de loi.

Il y a deux points majeurs sur lesquels l'opposition n'est pas d'accord avec le projet de loi. Il n'y a, d'un autre côté, aucun problème lorsqu'on veut déjudiciariser beaucoup de processus. Déjudiciariser, ça ne veut pas dire perdre des droits fondamentaux, et vous le savez parfaitement, M. le Président. Et il y a deux droits que l'on perd, à l'heure actuelle, si on vote aujourd'hui la loi n° 89: c'est le droit d'en appeler à un tribunal supérieur. Autrement dit, si la décision administrative n'est pas satisfaisante pour l'une des deux parties, le droit d'en appeler, qui est un droit fondamental, le droit de pouvoir en appeler.

On n'est plus dans un régime dans lequel – et vous allez le voir après, comment ça va se passer – une personne décide sans qu'il y ait possibilité qu'elle se trompe. Elle peut se tromper. Et, dans notre système judiciaire, on a prévu le mécanisme du droit d'appel devant les juges de la Cour du Québec pour justement pouvoir corriger des erreurs de droit ou des erreurs d'appréciation qui auraient pu avoir lieu. Or, ce droit d'appeler en ce qui touche – et là je fais la liste – les agents de voyages, par exemple, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la loi sur l'indemnité d'un immeuble acquis par le gouvernement, la loi sur les décisions de la Régie concernant l'assurance-récolte, par exemple, où, là, il y a encore actuellement un droit d'appeler, c'est supprimé. Les indemnités ou pertes subies par un citoyen lors de fouilles archéologiques, vous allez me dire: Ce n'est pas grave, ça. Il y a actuellement, bien sûr, une décision administrative qui peut être prise, mais il y a aussi, si les parties ne sont pas d'accord, la possibilité d'en appeler devant la Cour. On perd ce droit-là.

La possibilité, M. le Président, de contester des décisions de la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, concernant un permis de conduire, un permis pour une école de conduite. Actuellement, si la décision de la SAAQ semble inacceptable, le citoyen peut en appeler. Perte de ce droit d'appeler. Dans le cas d'expropriation – et Dieu sait si, là, on touche souvent à un patrimoine; les maisons acquises constituent, pour beaucoup de nos concitoyens, le bien le plus important qu'ils ont pu acquérir – la possibilité, en cas de désaccord avec l'autorité administrative, d'en appeler devant la Cour du Québec est supprimée par cette loi n° 89.

Je passe, si vous me permettez, rapidement parce que ça en touche tellement que ça deviendrait fastidieux d'en faire l'énoncé. En cas de refus, de suspension ou d'annulation, par l'Office de la protection du consommateur, du permis à un commerçant, normalement le commerçant pourrait en appeler. Bien non, il n'a plus la possibilité d'en appeler si on applique les articles 472 et 473 du projet de loi n° 89. Je fais attention, M. le Président, il y a tellement de documents là-dedans, ce n'est pas croyable.

On continue: en appel d'une décision d'appel en matière de protection du territoire agricole. Vous savez, à l'heure actuelle, il y a la Loi sur la protection du territoire agricole, qui fait le zonage en zone verte ou qui permet du dézonage. Lorsqu'une décision du Tribunal d'appel en matière de protection agricole ne satisfaisait pas les parties, il y avait possibilité d'en appeler actuellement devant un juge de la Cour du Québec. On perd, à l'heure actuelle, ce droit d'en appeler.

Par exemple, ce qui est perdu aussi, un recours collectif. Vous savez à quel point le recours collectif peut être une chose importante et d'ailleurs c'est une chose que ces ministériels avaient mise de l'avant. Eh bien, en cas de refus d'une demande d'aide financière par le Fonds d'aide aux recours collectifs – c'est l'article 569 du projet de loi, ici, M. le Président – on pouvait en appeler en disant: La décision administrative ne satisfait pas les citoyens qui voulaient faire un recours collectif. Bien, à ce moment-là, on ne peut en appeler de cette décision du refus d'aide financière.

Je continue, si vous me permettez. La suspension ou la révocation d'un permis par la Régie des loteries et des courses en vue de fabriquer ou de distribuer des boissons alcooliques. Il y a une décision qui souvent est une décision administrative. Si la décision administrative ne satisfaisait pas les parties, il y avait possibilité d'en appeler devant une autorité impartiale. Et ça, c'est l'esprit du fonctionnement, à l'heure actuelle, de notre société où il y a à la fois nous qui faisons des lois, mais une autorité, qui est l'autorité judiciaire, qui est en mesure de trancher en dernier lieu. La possibilité d'en appeler devant un juge de la Cour du Québec disparaît, encore, avec la loi n° 89.

Les décisions de la Commission des valeurs mobilières sur les enquêtes pour intenter des poursuites, des ordonnances de blocage, la nomination d'un administrateur provisoire sur la liquidation des biens – c'est l'article 875, actuellement, du projet de loi n° 89 – vont devenir des décisions purement administratives. Mais on perd le droit d'en appeler à une autorité indépendante, à une autorité judiciaire, à une autorité qui est un juge de la Cour du Québec. Alors, M. le Président, il faut bien comprendre que ce projet de loi n° 89 est essentiellement un projet de loi qui retire, sur nombre de points, un droit fondamental que nous avons, comme citoyens, de pouvoir en appeler d'une décision d'un tribunal, de ce qui était un tribunal administratif.

Mais ceci est encore à moitié mal. Ce qui est encore pire, c'est que, dans l'esprit de tout notre système judiciaire, lorsqu'une décision est rendue, il était important que les parties se soient fait entendre. Et le principe du droit d'être entendu, le principe de pouvoir être entendu a été balisé par la tradition et le droit d'être entendu, même devant un tribunal administratif, a un sens tout à fait particulier. Le droit d'être entendu, lorsqu'on va juger votre cas, ça veut dire le droit de faire des représentations à l'autorité qui va rendre sa décision, le droit de présenter une preuve avec des témoins, le droit de contre-interroger le témoin de la partie adverse, le droit de faire décider de son sort dans une audition qui n'est pas dans un lieu fermé, mais sur la place publique, c'est-à-dire le droit que les tribunaux siègent réellement en public.

Tout ça, c'est dans le concept du droit d'être entendu, du droit aussi, lorsqu'on parle du droit d'être entendu, de connaître la preuve qui est utilisée contre vous, du droit de pouvoir être représenté par un avocat. C'était un droit fondamental, à l'heure actuelle, de pouvoir, devant un tribunal administratif, être représenté par un avocat. Voici un ensemble de droits fondamentaux que les citoyens du Québec ont lorsqu'ils doivent comparaître dans ce qui était jusqu'à maintenant des tribunaux administratifs.

(17 h 40)

Ceci est complètement changé, est complètement modifié, M. le Président, par un concept nouveau – et j'arriverai avec vous en vous donnant dans un instant certains exemples pour voir à quel point ça peut être extrêmement grave – qui est le droit de faire des représentations, c'est-à-dire la possibilité de remplacer le droit d'être entendu, qui est un droit fondamental, par le droit de pouvoir faire des représentations.

Alors, ça touche énormément de lois, je vous l'ai dit tout à l'heure. Ça va toucher la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les intermédiaires de marché, la Loi sur l'enseignement privé, la Loi sur les explosifs, la Loi sur la protection du territoire agricole, la Loi sur les agents de voyages, la Loi sur l'aide juridique, la Loi sur l'assurance-maladie, la Loi sur les assurances, la loi sur les caisses où, à chaque fois, lorsque vous n'étiez pas d'accord, vous aviez à présenter un élément devant ce qui existait, un tribunal administratif; maintenant, c'est remplacé par une décision du ministre d'ailleurs – et je vais vous en donner un exemple dans un instant dans la Loi sur l'instruction publique – sur laquelle il n'y a pas la possibilité d'être entendu.

Ça veut dire quoi? Ça veut dire que la personne qui est attaquée comme telle ne pourra même pas se faire défendre par un avocat, mais devra simplement présenter par écrit au ministre son point de vue, et il tranchera. Ça peut aller très loin, ça peut aller très loin. Je vais reprendre pour vous, M. le Président, si vous me permettez, les articles 329 et 330 qui touchent la Loi sur l'instruction publique. Vous verrez, c'est la révocation de permis. Alors, c'est important. L'ensemble des parlementaires ici, qui ont été ou qui sont des enseignants, savent que le permis d'enseigner est une chose qui est fondamentale. Ça permet à la personne de pouvoir gagner sa vie. C'est la possibilité de pouvoir gagner honorablement et de pouvoir exercer son droit dans les différentes écoles.

Alors, la Loi sur l'instruction publique est changée et c'est les articles – je m'excuse, M. le Président – 323 et suivants. Alors, on donne au ministre la possibilité de recevoir des plaintes. Je vous le rappelle et je vous le lis parce que c'est extrêmement grave, par exemple, et vous allez voir comment ça fonctionne. «Toute personne physique peut porter plainte au ministre contre un enseignant pour une faute grave commise à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.» C'est grave en s'il vous plaît.

Alors, je continue ensuite: Le ministre, s'il considère la plainte recevable, va créer un petit comité d'enquête. Devant ce comité d'enquête, l'enseignant ne pourra pas être entendu au sens où je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire contre-interroger les témoins qui se présentent contre lui, avoir un avocat pour le défendre, présenter une contre-preuve. Il pourra simplement faire des représentations par écrit à ce comité.

Il faut bien être conscients, M. le Président, qu'on joue actuellement avec la carrière de gens, avec le droit du permis d'enseigner. Et il y a un certain nombre de parlementaires ici qui ont fait de l'action syndicale dans les milieux de l'enseignement. Ils devraient se rappeler qu'on est en train, à l'heure actuelle, de pouvoir, sans que la personne puisse se défendre, sans que la personne puisse avoir un avocat pour la défendre, lui retirer son permis d'enseigner.

Et ce n'est même pas le ministre de l'Éducation qui va lui retirer son permis d'enseigner; ça va être le ministre de la Justice. Par un comité d'enquête, le ministre de la Justice pourra retirer le permis d'enseigner qui permet essentiellement à l'individu de gagner honorablement sa vie, sans que la personne aura pu être défendue par un avocat, sans que la personne aura pu avoir le droit de se faire entendre au sens des pratiques, à l'heure actuelle, judiciaires habituelles, mais seulement elle aura eu le droit de présenter des observations devant le comité d'enquête. Voici ce qu'on vote actuellement – puis j'en appelle à tous les enseignants et enseignantes de la province – voici ce qu'on est en train de voter en votant la loi n° 89; c'est ça qu'on fait.

Je vais vous donner un autre exemple, M. le Président, de ce genre de monstruosités qui se trouvent à l'intérieur de la loi n° 89. Ça touche aussi les intermédiaires de marché, la Loi sur les intermédiaires de marché. Vous savez, à l'heure actuelle, que cette réforme – et ça démontre à quel point, dans ce gouvernement, le bras droit ne sait pas ce que le bras gauche est en train de faire. En même temps que le ministre des Finances est en train de réviser totalement la Loi sur les intermédiaires de marché, alors que, particulièrement sur ce qui touche les planificateurs financiers, une commission de cette Assemblée, la commission du budget et de l'administration, a convenu qu'il faudrait reconnaître éventuellement un statut de professionnel pour les planificateurs financiers, c'est-à-dire, ayant, à l'intérieur, ces mécanismes normaux prévus au Code des professions pour pouvoir régler... Et d'ailleurs, dans le Code des professions, on a une structure où la personne a le droit d'être entendue devant les tribunaux créés par ses pairs, mais a aussi le droit d'être représentée par un avocat à ce moment-là. Alors que le ministre des Finances est en train de réviser complètement la Loi sur les intermédiaires de marché, on est en train de la modifier ici.

Je vous rappelle, M. le Président, que, par les articles 333, 334, 335, on remplace la Loi sur les intermédiaires de marché où on donne à l'Inspecteur général des institutions financières la possibilité de révoquer ou de suspendre le permis d'un planificateur financier sans que... Et je vois le ministre des Finances qui arrive; ça me fait plaisir de le saluer parce que justement je parle actuellement de la Loi sur les intermédiaires de marché qu'il est en train de vouloir réviser et que le projet de loi n° 89 – et je voulais le rappeler – est en train de modifier en profondeur sans nécessairement tenir compte des modifications que, je suis sûr, le ministre des Finances va amener à la Loi sur les intermédiaires de marché.

M. le Président, ça démontre à quel point le ministre de la Justice et le ministre des Finances ne se parlent pas. Ils ne se parlent pas. Et je suis sûr que, dans tous les projets de loi qui étaient présentés par le député de Verchères et ministre des Finances, il n'était jamais question de retirer aux intermédiaires de marché, lorsqu'ils étaient appelés à devoir comparaître devant une structure qui était prévue à l'intérieur du projet de loi, une structure judiciaire en cas de faute grave, de les priver du droit de pouvoir se faire représenter par un avocat, un droit fondamental dans notre société.

Or, en votant actuellement le projet de loi n° 89, par les articles 333 à 347 – et je pourrais en prendre à la longueur, M. le Président, mais j'en ai pris deux: la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les intermédiaires de marché – par la Loi sur les intermédiaires de marché, on est en train de priver, à l'heure actuelle, les planificateurs financiers, lorsqu'ils doivent être appelés à rendre compte de leurs actions devant une structure administrative, du droit d'être entendus. Je le rappelle bien pour que les gens se rappellent, en particulier pour que le ministre des Finances comprenne bien que le droit d'être entendu veut, entre autres, dire la possibilité de contre-interroger les témoins qui se présentent contre vous, la possibilité d'être représenté par un avocat, la possibilité de pouvoir faire témoigner des gens en votre faveur.

Par ce projet de loi n° 89, qui veut, à partir d'une bonne idée, d'un bon principe, déjudiciariser le fonctionnement de la justice, on est en train de retirer des droits fondamentaux à l'ensemble des citoyens. M. le Président, vous me dites que mon temps est en train de s'écouler. J'en ai pris deux exemples: la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur les intermédiaires de marché. J'aurais pu prendre, si vous me permettez, la Loi sur l'enseignement privé, la Loi sur les assurances, la loi sur l'exercice des droits... la Loi sur les explosifs, la Loi sur les grains, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche – c'est magnifique, tout ce qu'on perd comme droits dans cette loi-là – la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales, la Loi sur les pesticides, la Loi sur les producteurs agricoles, la Loi sur la protection du consommateur, la Loi sur la protection du territoire agricole.

M. le Président, dans chacune de ces lois, on crée des structures administratives par lesquelles on retire aux citoyens du Québec le pouvoir de se faire entendre, c'est-à-dire le pouvoir d'être représentés par un avocat, le pouvoir de contre-interroger les témoins. C'est absolument inacceptable dans une démocratie d'arriver à proposer un projet de loi comme le projet de loi n° 89. Et soyez assuré, M. le Président, que, de ce côté-ci, l'opposition va faire tout son possible dans le parlementarisme pour essayer de faire reculer le gouvernement devant ce projet de loi qui retire aux citoyens du Québec des droits aussi fondamentaux. Et soyez assuré ici que notre bataille commence aujourd'hui, mais elle n'est pas finie. Merci, M. le Président.

(17 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. À mon tour, j'interviens sur le projet de loi n° 89 qui est la loi d'application de la Loi sur la justice administrative que nous avons votée au mois de décembre dernier. Ce projet de loi vient modifier 110 lois, et j'aimerais intervenir sur deux de ces lois-là: la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé.

M. le Président, au niveau de la Loi sur l'instruction publique, le projet de loi n° 89 vient modifier deux dispositions. Je rappelle les dispositions de la Loi sur l'instruction publique concernant la révocation ou la suspension de l'autorisation d'enseigner. On dit bien à l'article 26, qui est en vigueur présentement, de la Loi sur l'instruction publique que toute personne peut porter plainte au ministre contre un enseignant pour inconduite ou immoralité, ou pour une faute grave dans l'exécution de ses fonctions. Et là, dans la Loi sur l'instruction publique, on indique les recours qui sont à la disposition de l'enseignant qui fait face à de telles accusations ou à de telles plaintes qui sont portées contre lui.

Ce que vient faire le projet de loi n° 89, comme l'indiquait le député de Verdun, c'est que le projet de loi n° 89 vient enlever le droit de l'enseignant d'être entendu. Parce que, dans le projet de loi n° 89 que veut faire adopter le gouvernement, on dit ceci... L'article 33 donne des recours à l'enseignant pour être entendu lorsqu'une plainte lui est adressée. Le projet de loi n° 89 vient modifier ces dispositions-là en disant ceci: «Après avoir donné à l'enseignant l'occasion de présenter ses observations», ce qui n'est pas du tout la même chose que le droit d'être entendu.

Le droit d'être entendu, en droit administratif, est un droit fondamental. C'est le droit de faire des représentations. C'est le droit de présenter une preuve qui est contraire aux éléments de preuve déposés par celui ou celle qui a adressé une plainte. C'est le droit de présenter des témoins pour venir contredire la version de la plainte. C'est le droit de contre-interroger les personnes qui ont déposé une plainte. C'est le droit de faire décider de son sort dans le cadre d'une audition publique. C'est le droit d'être informé aussi de la preuve qui est utilisée contre l'enseignant et de pouvoir corriger cette preuve-là ou la réfuter. Et c'est le droit aussi d'être représenté par un avocat.

Comme ancien président d'une commission scolaire, j'ai dû faire face à des plaintes qui avaient été portées contre des enseignants qui enseignaient dans les écoles que j'avais le mandat d'administrer. Il m'est arrivé combien de fois d'entendre des versions contradictoires par rapport aux faits qui avaient été allégués et par rapport à la plainte qui avait été déposée contre un enseignant. Et je me souviens qu'à l'époque, à la commission scolaire, l'ensemble des commissaires jugeaient suffisamment importante la plainte qui avait été déposée contre l'enseignant pour permettre, même pas dans un cadre judiciaire, mais dans un cadre où la commission scolaire devait prendre une décision, à savoir est-ce qu'elle allait suspendre avec solde l'enseignant pendant que l'enseignant ferait valoir ses droits...

La commission scolaire, avant même de prendre la décision de suspendre avec solde l'enseignant, lui permettait d'être entendu, et souvent c'était l'avocat de l'enseignant qui se présentait devant le conseil des commissaires, qui se réunissait à huis clos et où l'avocat pouvait faire certaines représentations, parce qu'on savait fort bien l'importance de la décision de la commission scolaire qui allait affecter de façon importante l'avenir de cet enseignant ou l'avenir de cette enseignante-là. À quelques reprises, il s'agissait de plaintes concernant l'immoralité de gestes posés par l'enseignant. Et on sait que, au niveau primaire et dans certains cas au niveau secondaire, il faut pouvoir évaluer la plainte qui a été déposée à l'endroit de l'enseignant.

Or, imaginez-vous, si, au niveau d'une commission scolaire, on jugeait suffisamment important d'entendre l'avocat et on n'était même pas dans un cadre judiciaire, comment on peut accepter maintenant que ce même enseignant-là se voie retirer les droits fondamentaux d'être entendu lorsque le ministre s'apprête à prendre une décision de révoquer le brevet d'enseignement, de révoquer ou de suspendre l'autorisation d'enseigner du professeur? C'est pourtant bien ça que vise le projet de loi n° 89. Et on le remplace par quoi? On le remplace uniquement par le droit ou l'occasion – ce n'est même pas un droit, c'est l'occasion – de présenter des observations par écrit.

Comment voulez-vous que l'enseignant puisse bien défendre ses droits qui sont affectés par la plainte qui a été déposée? Une plainte qui, souvent, peut être fondée, mais à l'occasion ces plaintes-là ne sont pas fondées. Il peut y avoir des règlements de comptes aussi dans ces cas-là. Il peut y avoir apparence d'une plainte qui est fondée, mais elle ne l'est pas, et on ne donne même pas l'occasion à l'enseignant de faire des représentations, de présenter une preuve, de présenter des témoins avant que le ministre rende sa décision.

Alors, M. le Président, comment voulez-vous qu'on vote en faveur d'une loi qui vient retirer des droits fondamentaux, dans une société démocratique, pour permettre à des gens de pouvoir, à tout le moins, se défendre? Et ceux qui ont une bonne expérience du système judiciaire savent qu'il y a une énorme différence entre faire des observations par écrit et pouvoir être représenté par un avocat qui, lui, a l'expérience et l'expertise pour déposer des preuves, pour faire entendre des témoins, pour contre-interroger le témoin qui vient rendre un témoignage qui va à l'encontre des intérêts de l'enseignant et puis, par la suite, pouvoir corriger la preuve qui a été déposée ou la réfuter et donc éviter que le permis d'enseigner soit suspendu ou révoqué par le ministre de l'Éducation.

M. le Président, les mêmes principes s'appliquent au niveau de la Loi sur l'enseignement privé. On dit ceci concernant la Loi sur l'enseignement privé, dans le projet de loi n° 89, à l'article 211. C'est qu'on veut substituer les mots «donner à l'établissement l'occasion d'être entendu». Il ne s'agit pas d'un enseignant, cette fois-ci. Il s'agit d'un établissement avec un conseil d'administration, avec des représentants de ce conseil d'administration là à qui des reproches sont faits. Alors, on propose de retirer «l'occasion d'être entendu» et, à nouveau, de substituer à ça la possibilité de lui accorder la possibilité de présenter des observations et de lui accorder un délai de 10 jours pour ce faire.

Or, je vois, M. le Président, que vous m'indiquez que, malheureusement, mon temps est écoulé. Alors, nous allons quand même voter contre ce projet de loi là. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Étant donné l'heure, il est 18 heures, nous allons procéder aux débats de fin de séance. Il y a, tout d'abord, un débat entre le vice-premier ministre et ministre des Finances et M. le député de Laporte, que nous devons, en principe, avoir avec nous dans les 30 secondes qui suivent... quelques minutes.

Alors, là, il y aurait deux forfaits parce qu'on n'a pas le ministre pour le deuxième débat. Ha, ha, ha! Si vous voulez, nous allons suspendre quelques minutes pour voir un peu ce qu'il en est et nous reprendrons. Nous suspendons quelques minutes.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 18 h 4)


Débats de fin de séance


Manque à gagner des revenus autonomes du gouvernement

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons débuter les débats de fin de séance. Le premier débat, entre le vice-premier ministre et ministre des Finances et le député de Laporte, au sujet du manque à gagner des revenus autonomes du gouvernement.

Alors, vous connaissez les procédures: cinq minutes, cinq minutes et une réplique de deux minutes. Alors, M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Lors de la période de questions de cet après-midi, nous avons mis en lumière le fait que, en préparant son budget, le ministre des Finances s'est rendu compte que les revenus du gouvernement, les revenus autonomes, je ne parle pas des transferts du gouvernement fédéral, les revenus propres du gouvernement du Québec, qui comprennent essentiellement les revenus provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers, par exemple, l'impôt sur le revenu des entreprises, les revenus de la taxe de vente du Québec, ce sont les gros postes de ces revenus autonomes, eh bien, il y a un manque à gagner d'à peu près 1 100 000 000 $ dans la préparation de son budget. Ces chiffres-là, on peut les obtenir, on les a obtenus, d'ailleurs, en utilisant tous les chiffres du gouvernement. C'est-à-dire que le président du Conseil du trésor nous a fourni le montant des dépenses pour l'année prochaine, on connaît le montant du déficit, parce que le ministre des Finances nous a déjà dit que son déficit devrait être de 2 200 000 000 $, alors, en soustrayant l'un de l'autre, on a forcément le montant des revenus. Comme on connaît le montant des transferts fédéraux – ça a été publié aussi – le dernier chiffre évidemment tombe, c'est le chiffre des revenus autonomes. Alors, on a ces chiffres-là. Et on regarde le montant qu'on a perçu l'an dernier à ce titre-là, il y a un écart de 1 100 000 000 $. Voilà donc le montant que le ministre des Finances devra aller chercher.

Bien sûr, l'économie du Québec va générer une partie de cette somme-là. Le ministre, aujourd'hui, a voulu faire son petit professeur d'université, M. le Président, et dans sa faconde normale, ordinaire, a tenté de faire un cours d'économie. Le ministre est fort en termes, d'ailleurs il se spécialise dans les citations de lord Keynes, de Galbraith, de tous les autres spécialistes, il est bon là-dedans, mais quand on arrive dans les chiffres eux-mêmes, ça, il est moins à l'aise évidemment. Alors, il tente toujours de détourner le sujet en faisant des blagues, en faisant la leçon, la morale, etc.

Mais le fond du sujet, M. le Président, les chiffres, eux, ne mentent pas. Ces chiffres-là nous disent que l'économie du Québec, avec 1,2 % de PIB, ne générera pas 1 000 000 000 $ de revenus. Tout le monde sait ça. D'autant plus que l'économie du Québec est charriée essentiellement par les exportations. Les exportations, ça crée des emplois, bien sûr, mais ça entre moins d'argent dans les coffres du gouvernement, parce que ce n'est pas sujet à la TVQ, à la taxe de vente.

Alors, la question, c'est de savoir comment le ministre va réussir à générer ce 1 000 000 000 $ là, 1 100 000 000 $. Je lui ai dit, aujourd'hui, M. le Président, que si le gouvernement n'avait pas fait un cadeau à la veille du référendum de 1995, un cadeau de 1 000 000 000 $ justement, à ses fonctionnaires, en annulant la loi 102... On se souvient que le gouvernement libéral avait voté la loi 102 qui réduisait les salaires de 1 %, d'une façon permanente et, évidemment, qui gelait les salaires. Alors, le gouvernement, lui, pour acheter le vote des fonctionnaires – il n'y a pas d'autres mots à utiliser – a aboli la loi 102 et a octroyé deux augmentations de salaire successives. Le total – et c'est l'ancienne ministre des Finances, la députée de Taillon, qui a lâché le chiffre – est de 1 000 000 000 $ de coût pour le gouvernement. D'ailleurs, l'ancienne ministre disait que c'était une somme modeste, 1 000 000 000 $, M. le Président. Je ne sais pas si le ministre des Finances actuel partage ce point de vue là. Alors, 1 000 000 000 $ de cadeaux, à la veille du référendum, aux fonctionnaires, et, aujourd'hui, le ministre des Finances a une impasse de 1 000 000 000 $. Ce qui nous fait dire, M. le Président, que, si le gouvernement n'avait pas cédé à cette tentation de faire un cadeau préréférendaire à ses fonctionnaires, aujourd'hui on n'en serait pas là. En tout cas, le Parti libéral du Québec, lui, n'en serait pas là, parce que, nous, nous n'aurions pas aboli la loi 102, c'est bien évident, de sorte que, si nous étions là aujourd'hui, nous n'aurions pas à tenter d'étouffer les Québécois avec des hausses de taxes, d'impôts, de tarifs, tout ce que le ministre des Finances nous annonce d'augmentations depuis six mois, M. le Président, parce que, justement, les Québécois doivent payer pour les augmentations de salaire inconsidérées que le gouvernement a accordées à ses fonctionnaires.

Regardez, M. le Président, comment la situation est un peu ridicule. On donne 1 000 000 000 $ à la veille du référendum et, aujourd'hui, on dit aux fonctionnaires: On n'aurait pas dû et on doit déchirer le contrat. M. le Président, le gouvernement n'est pas logique avec lui-même.

Est-ce que vous me faites signe que mon temps est fini, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il vous reste encore 10, 15 secondes.

M. Bourbeau: M. le Président, ce n'est pas logique pour un gouvernement de donner 1 000 000 000 $ à la veille du référendum pour dire après: Je me suis trompé, je n'aurais pas dû, et puis je vais aller taxer les Québécois pour ce 1 000 000 000 $ là, parce que, eux, ils doivent payer maintenant pour les cadeaux préréférendaires du gouvernement.

M. le Président, c'était l'objet du débat de cet après-midi, et j'aimerais que le ministre des Finances nous explique comment, maintenant, il va s'en sortir.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais maintenant céder la parole à M. le vice-premier ministre et ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député de Laporte me met mal à l'aise parce qu'il a dit – puis je suis prêt à souscrire à ça jusqu'à un certain point – que j'étais fort en thème. Mais, après l'avoir écouté parler, je me rends compte là, en toute modestie, M. le Président, je vous assure, que je suis pas mal plus fort que lui en chiffres aussi, parce que, son erreur, elle transpire de deux choses. Premièrement, il m'applique les critères de son temps. Dans son temps, ils se trompaient toujours sur leurs prévisions. Dix ans de suite, le ministre libéral des Finances s'est levé, a annoncé une cible budgétaire – le député de Laporte a été ce personnage lui-même – et, jamais, ils ne sont arrivés dans leurs prévisions. Alors, habitués à ça, intoxiqués par leurs propres défauts, ils les projettent sur les autres. Alors, c'est un des problèmes du député de Laporte. Ça, je vous ferai remarquer, M. le Président, que ça dépend de lui. Il n'a pas d'excuse. Ce n'est pas nous, on n'était pas au pouvoir.

(18 h 10)

Son deuxième problème ne dépend pas totalement de lui par ailleurs. Il a été imprudent en disant qu'il avait tous les paramètres. Alors, petite imprudence, mais ça ne dépend pas de lui parce que, effectivement, il y a des données qu'il ne connaît pas. Il s'est levé cet après-midi en Chambre, et je pense que mes réponses l'ont fâché, choqué, comme on dit. Ce n'est qu'un juste retour des choses parce que, souvent en commission parlementaire, il me fait fâcher. Alors, aujourd'hui, c'est lui et ça s'est fait séance tenante à l'Assemblée. Pourquoi il s'est fâché? Parce que je lui ai dit deux, trois petites vérités élémentaires et je vais les répéter. D'abord, les fameux paramètres dont il a parlé, il ne les possède pas tous. Tu ne peux pas résoudre une équation du second degré si tu n'as pas toutes les composantes, tout ce qu'il appelle précisément, techniquement, les paramètres. Alors, il y en a un visiblement qu'il n'avait pas, c'est la prévision économique de 1996. S'il avait fait une prévision à un, la réalité c'est 1,2. Mais il n'a pas non plus celle de 1997 ni le réel de 1997. Il n'a pas les chiffres des mois écoulés depuis le 1er janvier de cette année. Il y a un autre paramètre qu'il n'a pas non plus, et c'est pour ça que je dis qu'il a été imprudent. Comme ancien ministre des Finances, il devrait bien le savoir que le paramètre véritable de transferts fédéraux, il ne l'a pas non plus.

Oui, tous les chiffres qu'il a cités viennent d'informations que j'ai communiquées il y a plusieurs mois, mais il a coulé de l'eau sous les ponts depuis ce temps-là. Donc, deux prévisions économiques pour 1996, pour les premiers mois de 1997, prévisions économiques pour l'ensemble de 1997 qu'il ne connaît pas – et c'est pour ça que je lui ai respectueusement demandé, M. le Président, de bien écouter mardi prochain – la prévision de transferts fédéraux qui pourrait être différente. Ça aussi, il faut qu'il écoute bien ça. Tout ça pour dire que nos règles budgétaires me forcent, malgré mon estime pour le député de Laporte, à dévoiler les grandes quantités budgétaires et les grands chiffres séance tenante, mardi prochain. L'annonce est faite, et c'est à l'ensemble de l'Assemblée que je réserverai la primeur. Je n'essaierai pas de me donner le petit plaisir de contredire le député de Laporte en donnant par avance des quantités qui doivent être tenues secrètes jusqu'au jour du budget.

Je termine en parlant de cette petite allusion que j'ai faite aux connaissances économiques. Il m'a presque scandalisé, le député de Laporte, quand il a parlé des exportations comme d'un élément négligeable en termes budgétaires. C'est invraisemblable. D'abord, le Québec vit d'exportations, hein. C'est à hauteur de 40 % de notre produit national brut qu'on exporte avec une fluidité renouvelée. Nos ventes au Canada sont pratiquement stables et ont tendance à augmenter de 20 % par année aux États-Unis. Je le sais, j'ai passé cinq ans de ma vie à me battre pour l'ouverture des frontières et pour le libre-échange, parce que j'ai toujours su que c'est ça qui sauverait notre économie. Pas parce que ça rapporte en taxe de vente qui, effectivement, est soustraite avant le franchissement de la frontière, c'est une façon de favoriser les ventes, mais par les montants eux-mêmes des ventes. Quand on fait 170 000 000 000 $ de PNB et qu'il y en a à peu près 80 000 000 000 $ qui nous viennent de l'étranger, ces sommes formidables qui rentrent dans l'économie, évidemment, font des salaires, font des revenus, plus l'effet multiplicateur, plus l'effet accélérateur, tout ça, puis je n'ai pas le temps de lui expliquer aujourd'hui, le débat est trop court. Non seulement il devrait écouter le discours de mardi, mais il devrait relire quelques bons manuels élémentaires de sciences économiques, et je peux lui en suggérer quelques-uns, ayant été professeur assez longtemps pour ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le vice-premier ministre et ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laporte pour sa réplique de deux minutes.


M. André Bourbeau (réplique)

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre me fait toujours rire quand il commence ses discours avec «en toute modestie», parce que, quand on connaît le ministre des Finances, M. le Président, il a beaucoup de qualités, mais on ne peut pas dire que la modestie est sa qualité principale. Il vient de nous parler d'ailleurs de ses expériences comme professeur. Je reconnais qu'il doit être un excellent professeur, M. le Président, avec le bagout qu'il possède. Mais ses connaissances sont livresques justement, c'est un fort en thème, mais je dois reconnaître que, pour les chiffres, M. le Président, ça, il n'est pas très fort, et je l'ai expérimenté à quelques reprises.

Je reviens sur le dernier point, les exportations. Jamais je n'ai dit que les exportations, ce n'est pas important. Très important. Sauf qu'une économie qui est basée sur les exportations, M. le Président, génère des emplois, mais, comme les biens ne sont pas consommés localement mais exportés, ils ne sont pas sujets à la TVQ. Donc, les rentrées fiscales du gouvernement sont moins importantes quand c'est des biens exportés que des biens consommés localement. C'est ça que j'ai dit au ministre des Finances. Il ne semble pas comprendre ça. Peut-être que ses fonctionnaires pourraient lui expliquer.

Maintenant, M. le Président, il dit que nos données sont erronées. Moi, je dis qu'elles ne sont pas erronées. Les paramètres que j'ai donnés sont exacts, M. le Président, ils viennent des chiffres du gouvernement. Il dit qu'il en manque. Le seul qu'il manquerait peut-être, c'est les transferts fédéraux. Mais le ministre semble penser qu'il est le seul, M. le Président, à parler au gouvernement fédéral. Nous aussi, on a des contacts avec le fédéral, comme tous les citoyens. La loi d'accès à l'information, ça existe pour tout le monde. Je dis que mes chiffres du fédéral sont bons, M. le Président. On verra dans son discours de mardi prochain. C'est le seul chiffre qui manquait, parce que tous les autres, ce sont les chiffres du gouvernement du Québec. Donc, forcément, M. le Président, mes paramètres ne sont pas erronés. Mon chiffre de 1 100 000 000 $, je crois qu'il est bon. On verra.

Maintenant, après ça, il m'a parlé des prévisions économiques. M. le Président, ça ne rentre pas dans les paramètres généraux dont j'ai parlé. Ça, c'est à l'intérieur du 1 100 000 000 $. Le ministre dit 1 200 000 000 $. M. le Président, on a accès, nous aussi, à tous les prévisionnistes et on connaît les paramètres. Alors, le ministre, M. le Président, nous a fait un beau discours, beaucoup de broue, si vous voulez, mais, en concret, ce que j'ai dit aujourd'hui, je le maintiens: le ministre doit aller chercher au-delà de 1 000 000 000 $ de revenus nouveaux, et j'espère qu'il ne cédera pas à la tentation de venir taxer les Québécois et les Québécoises pour les cadeaux référendaires qu'ils ont faits à leurs fonctionnaires. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Laporte. Nous entreprenons le deuxième débat. M. le député de Robert-Baldwin va questionner M. le ministre de la Santé et des Services sociaux au sujet des listes d'attente dans la santé. M. le député, vous avez un temps de cinq minutes.


Listes d'attente dans le réseau hospitalier


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. M. le Président, pourquoi encore un débat de fin de séance? Eh bien, encore une fois, cet après-midi j'ai posé une question au ministre de la Santé, une question extrêmement pertinente où une personne qui est en attente sur les listes d'attente aurait souhaité avoir un éclairage de la part du ministre, mais, encore une fois, le ministre n'a pas répondu à la question.

Vous allez me permettre, M. le Président, de vous parler de Mme Adrienne Desjardins, Mme Desjardins qui est extrêmement courageuse, elle a accepté d'abord d'écrire au premier ministre, M. Lucien Bouchard, et ensuite elle m'a donné l'autorisation de parler de son cas ici même, à l'Assemblée nationale. Alors, elle écrit, le mois dernier, M. le Président: «Je souffre beaucoup. Je sens que ma hanche se détériore de plus en plus. J'ai toujours plus de difficultés à marcher. J'ai un bon médecin généraliste qui, voyant mon désarroi, prit la responsabilité d'appeler le spécialiste qui m'a opérée.» À son appel, elle reçoit la réponse bien directe: «L'orthopédiste n'a pas le droit de remplacer une prothèse plus qu'une fois par mois et, comme notre patiente est la huitième sur la liste, elle doit donc attendre huit mois. Imaginez, il n'a pas le droit. Je devrai donc attendre tout ce temps avant de soulager mes douleurs parfois insupportables et à peine endurables. Il me faudra attendre deux grandes saisons complètes, à part le reste de cet hiver, avant de trouver une amélioration à mon état. L'attente serait-elle aussi longue s'il s'agissait de votre mère ou de votre épouse?»

Bien, M. le Président, je pense que les mots de cette dame, Mme Adrienne Desjardins, une dame extrêmement digne et courageuse, eh bien, cette lettre parle d'elle-même. Au moment où j'ai posé la question au ministre, eh bien, sa réponse, ça a été de mentionner qu'il y avait souvent des délais convenus entre le patient et son médecin. J'ai donc vérifié avec Mme Desjardins, et il n'y avait pas de délais convenus entre elle et son médecin. La vraie raison, M. le Président, c'est, comme elle l'écrit dans sa lettre, que l'hôpital ne peut remplacer qu'une seule prothèse par mois. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas les budgets, parce que les coupures dans les centres hospitaliers sont beaucoup trop élevées. Et ça, c'était avant cette semaine où on a annoncé d'autres coupures, 760 000 000 $, dont la grande majorité sera faite, encore une fois, dans les hôpitaux.

M. le Président, dans sa réponse, le ministre a également parlé des listes d'attente qui diminuent, sauf qu'il a omis de nous dire que, dans les chirurgies lourdes, c'est là qu'on a vraiment des problèmes et c'est là qu'on aurait besoin de plus d'argent. Les chirurgies de prothèses de hanches, est-ce qu'on pourrait savoir du ministre quelle est la liste d'attente? La neurochirurgie? Il n'y a pas longtemps, M. le Président, j'étais avec le président de l'Association des neurochirurgiens, ici même au parlement, qui dénonçait les coupures budgétaires qui sont faites en neurochirurgie et il qualifiait les services offerts à la population québécoise de services tiers-mondistes. Et ça, ce n'était pas un député qui disait ça: le président de l'Association des neurochirurgiens. Est-ce qu'on pourrait avoir la liste d'attente en neurochirurgie? En chirurgie cardiaque, M. le Président, à la dernière session, on a questionné le ministre, jamais on n'a été capable d'avoir de réponse, les chiffres. Plus récemment, la radio-oncologie commence à avoir des difficultés sérieuses, particulièrement dans la région de Québec. Est-ce que c'est possible d'avoir des listes d'attente, M. le Président? Pourquoi le ministre refuse-t-il toujours de nous donner les listes d'attente dans les secteurs où on sait que les gens sont malades? Il nous donne toujours des listes d'attente dans des secteurs beaucoup plus bénins où les gens n'ont pas nécessairement à être hospitalisés.

(18 h 20)

Et, de plus en plus, le ministre confirme qu'il fait ses coupures toujours dans les établissements de santé. Dans les hôpitaux, on ferme des lits, avec des problèmes vraiment majeurs, M. le Président, particulièrement au niveau des services d'urgence. Particulièrement, aussi, l'exemple qu'a donné mon confrère cet après-midi à la période de questions, le Centre hospitalier de Granby, qui n'était pas en mesure de donner un service suffisant, l'urgence était débordée, M. le Président. La réponse du ministre: Je vais envoyer mes techniciens, mon escouade technique, le GTI.

M. le Président, complément de réponse, aussi, à mon collègue de Shefford. Il signifiait au ministre que deux anesthésistes sur trois vont quitter au mois de juin prochain. La réponse du ministre: On a des solutions en vue. M. le Président, connaissant bien le ministre, vous êtes certain qu'au mois de juin on n'aura pas de solution et qu'à l'automne prochain on sera sûrement en difficulté dans ce secteur comme dans beaucoup d'autres. J'aimerais demander au ministre qu'il puisse donner une réponse claire à cette dame, Mme Desjardins, pour qu'on puisse vraiment aider cette patiente. Et, en terminant, je vous demanderais l'autorisation de déposer la lettre de Mme Desjardins, ici même, à l'Assemblée.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Consentement? Bon, très bien. Alors, vous pourrez déposer la lettre. Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux pour une intervention d'une durée maximale de cinq minutes.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui. Alors, M. le Président, je vais redire, s'agissant de la situation particulière de cette dame, que, bien sûr, notre objectif, c'est de donner les meilleurs services possible, de les rendre le plus accessible possible et d'avoir les délais d'attente les plus courts possible. Et, s'il y a une lettre qui a été envoyée à moi ou au premier ministre, il me la remettra à ce moment-là, et on va communiquer avec cette dame et voir tout ce qui peut être fait pour que les services lui soient donnés dans les meilleurs délais.

Bon, maintenant, il y a une chose sur laquelle il faut s'entendre. C'est sûr que, dans un service de santé, un système comme le nôtre, où il se fait des millions d'actes par jour, où il y a des milliers et des milliers de journées d'hospitalisation par jour et des milliers de personnes qui requièrent des services, compte tenu de la situation financière qui est la nôtre – il faut le reconnaître, on ne se fait pas de cachette là-dessus – il doit y avoir une priorisation, et on est obligé de demander à des gens d'attendre. Maintenant, dans le cas de la chirurgie, toute chirurgie urgente, partout au Québec, est faite immédiatement. Il n'y a pas de cas de chirurgie urgente qui est requise qui n'est pas faite immédiatement. En général, les hôpitaux ont aussi une autre catégorie de chirurgie semi-urgente qui ne peut pas attendre plus que quelques jours, voire quelques semaines sans que l'état de santé de la personne risque de s'aggraver, et en général c'est une priorité aussi, et ces gens-là sont opérés dans des délais très, très courts. Alors, il peut arriver que, dans des situations où, à cause du volume de services qui est demandé, à cause des coûts que tout cela implique, on soit obligé de demander à des gens d'être effectivement un peu patients, mais, encore une fois, c'est toujours fait par les médecins en s'assurant que les gens ne voient pas leur état de santé se détériorer pendant ce temps-là. Mais, à chaque fois, à chaque bloc de six mois et à chaque année depuis deux ans et demi maintenant, on a réussi à améliorer la situation.

Bon. Le député de Robert-Baldwin peut toujours faire comme si la situation idéale existerait n'eût été des mesures qu'on a prises. Mais ce n'est pas ça, la situation. On le sait qu'il y a deux ans et demi on était dans une situation de dettes accumulées sans précédent pour l'ensemble du Québec et à travers tout le Canada, un déficit qui était rendu presque de l'ordre de 6 000 000 000 $ par année qu'il a fallu commencer à corriger, et de système de santé où on n'avait pas amené les améliorations suffisantes pour avoir une capacité de rendre des services avec l'argent qu'on a. Si on n'avait pas entrepris ces changements-là, là on serait vraiment dans une situation catastrophique parce que, malgré les délais auxquels réfère le député de Robert-Baldwin – que madame doit attendre, et que vous devez attendre, madame, si, par hasard, vous regardez la télévision présentement – malgré ça, on a réussi à améliorer la situation tout en reprenant le contrôle sur la situation budgétaire.

Je l'ai dit, et ça, ce n'est pas des réponses technocratiques, qu'on va me dire probablement, c'est des faits, on a diminué d'à peu près 17 % les attentes, on a diminué entre 20 % et 25 % dans les catégories de type de chirurgie où il y a un plus grand volume, comme en chirurgie générale et en chirurgie orthopédique. Pour les cas plus lourds qui demandent une hospitalisation par rapport aux chirurgies d'un jour qui sont des interventions plus légères, encore là, la diminution a été plus importante, ça a été presque de l'ordre de 30 %. Alors, la vraie situation, c'est que, si on n'avait pas entrepris ces changements-là, si on n'était pas à reprendre le contrôle de la situation financière de notre budget et améliorer la façon de fonctionner de notre système, c'est probablement deux fois ce genre d'attente là qu'on aurait, et c'est ça qui était la situation il y a deux ans et demi.

Alors, ce n'est pas correct quand le député de Robert-Baldwin fait ces remarques-là, comme si c'était à cause de ce qui se passe. Non. La vraie situation, c'est que ça serait pire si on n'avait pas fait ces corrections-là. Et, comme on apporte des améliorations graduellement, je pense que, quand on sera sortis, l'an prochain, de la deuxième année la plus difficile qu'on doit traverser et qu'on sera vraiment en route vers le déficit zéro, nos délais d'attente vont continuer à diminuer.

Et je ferai référence, en terminant, à la situation de la neurochirurgie. Je pense que le représentant des neurochirurgiens, qui a fait une conférence de presse avec le député de Robert-Baldwin, a sûrement eu des paroles qui ont dépassé sa pensée. J'ai déjà rencontré le Dr Boucher en question. On sait très bien qu'il y a un projet, pas pour multiplier encore plus, mais, proposé par les neurochirurgiens, pour diminuer peut-être de la moitié le nombre d'endroits où il se fait de la neurochirurgie, il pourrait y avoir des équipes consistantes. Encore là, c'est un problème d'organisation, et les discussions sont en cours, vont très bien avec les neurochirurgiens, et, je pense, c'est dans des délais assez courts. Mais il faudra s'entendre aussi sur la rémunération des neurochirurgiens. On ne peut pas présentement faire des réorganisations de neurochirurgie comme dans d'autres secteurs qui impliqueraient des augmentations importantes de la rémunération des médecins. On n'est pas dans une période où on augmente les rémunérations au Québec; au contraire, on sait qu'on doit faire des sacrifices de ce côté-là.

Alors, le Dr Boucher sait très bien, comme le député de Robert-Baldwin doit le savoir, qu'on est prêt d'une entente et, si chacun fait un peu du sien, on va concentrer plus et non pas multiplier encore plus les ressources dans le domaine de la chirurgie et on sait très bien qu'on va les rendre plus performantes. Alors, à vous madame...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rochon: ...et à tout le monde qui êtes dans cette situation-là, tout ce que je demande, c'est un peu de patience, et soyez assurés qu'on va continuer à être vigilant pour que les cas d'urgence n'attendent pas. Les délais d'attente qu'on doit demander en toute patience parfois aux gens sont faits dans des situations où la santé n'est pas aggravée. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin pour sa réplique de deux minutes.


M. Pierre Marsan (réplique)

M. Marsan: Oui. Je pense à vous, Mme Desjardins, et aussi à tous les patients, les patientes qui sont en attente sur cette liste où on aurait besoin d'un remplacement de prothèse de hanche. Le ministre vient de dire: Tous les cas urgents sont vus dans des délais très courts. Le ministre ne considère pas vos cas comme des cas urgents. C'est sûrement pour cette raison que vous êtes obligés de rester chez vous.

M. le Président, encore une fois, je pense que ce serait très, très important que le ministre puisse avoir un peu de compassion, puisse retenir qu'il y a des gens qui sont chez eux, qui ont de la difficulté à marcher, qui doivent aussi avoir des responsabilités, M. le Président, qui doivent aider leur mari, leur famille. Eh bien, ces gens-là, parce que leur cas n'est pas nécessairement urgent dans la définition du ministre, ils doivent rester chez eux. M. le Président, je pense que c'est une réponse qui démontre vraiment comment est le ministre de la Santé et le gouvernement. Je voudrais aussi rappeler que c'est ce gouvernement qui a donné, M. le Président, 1 000 000 000 $ d'augmentation de salaires aux employés de l'État en pleine campagne référendaire. Aujourd'hui, on veut faire des coupes de près de 1 000 000 000 $ dans le domaine de la santé. C'est ça, on va financer ces augmentations-là à même des coupes dans le domaine de la santé.

(18 h 30)

M. le Président, comment le ministre peut-il prétendre être un bon gestionnaire quand il dit que les listes d'attente diminuent, alors que dans tous les secteurs de la chirurgie lourde, dont la pause de prothèse de hanche, les listes d'attente augmentent? M. le Président, comment le ministre peut-il prétendre être un bon gestionnaire en disant que tout va bien dans la santé, alors qu'il ne se passe pas une seule journée où on voit un service d'urgence lourdement engorgé? Le dernier en liste, M. le Président, c'était celui de l'hôpital de Granby. Comment le ministre peut-il prétendre être un bon gestionnaire quand tout le monde ordinaire, ceux qui doivent fréquenter les réseaux de santé et des services sociaux savent très bien que sa réforme, ça ne marche pas? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Nous allons, sur ce, ajourner nos travaux à demain matin, 9 heures.

(Fin de la séance à 18 h 31)