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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 27 mai 1997 - Vol. 35 N° 106

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Table des matières

Présence du président du Conseil permanent de la francophonie, M. Trinh Duc Du

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants d'abord.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Présence du président du Conseil permanent de la francophonie, M. Trinh Duc Du

J'ai le grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du président du Conseil permanent de la francophonie, M. Trinh Duc Du.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes aujourd'hui.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État à la Métropole.


Rapport annuel de l'Agence métropolitaine de transport

M. Ménard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1996 de l'Agence métropolitaine de transport.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Rapport annuel du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James

M. Cliche: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James.

Le Président: Alors, ce document est également déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de la culture et député de Lévis.


Consultation générale sur le document intitulé Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise

M. Garon: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission de la culture qui a étudié les enjeux du développement de l'inforoute québécoise.

Dans le cadre de ce mandat d'initiative, la commission a tenu une consultation particulière en avril 1995, publié un document de consultation en juin 1996 et tenu une consultation générale entre les 1er et 31 octobre 1996. Soixante-seize personnes et organismes ont présenté un mémoire dans le cadre de cette consultation. Nous avons également tenu 26 séances de travail.

Le rapport que je dépose s'intitule Inforoute, culture et démocratie: Enjeux pour le Québec . Il contient 47 recommandations adressées au gouvernement et à l'Assemblée nationale et il a été adopté à l'unanimité.

Le Président: Merci, M. le député de Lévis. Le rapport de la commission est déposé. M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.


Étude détaillée du projet de loi n° 105

M. Lachance: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 22 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 105, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Alors, le rapport de la commission des transports et de l'environnement est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de censure de M. le député de Westmount–Saint-Louis, débattue le 22 mai dernier.


Questions et réponses orales

Alors, ça nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Politiques pour contrer l'augmentation du chômage chez les jeunes

M. Johnson: Lors du discours inaugural, il y a un peu plus d'un an, le premier ministre, en parlant de l'entreprise au Québec, s'était engagé à mettre en place des politiques qui avaient un double objectif: d'abord, faire fleurir l'entrepreneurship au Québec, dans les régions, en partenariat avec les collectivités, avec le souci de la création d'emplois pour les jeunes par les jeunes, et, par ailleurs, faire émerger ce qu'on appelle la nouvelle économie.

À l'égard de son premier engagement, on est obligé de constater que le bilan du premier ministre est plutôt désolant, que chez les 15-24 ans, d'avril l'an dernier à avril cette année, il y a une perte d'emplois chez les 15 à 24 ans, les jeunes, ceux dont on parle, de 23 000 emplois, une baisse de 23 000 emplois chez les jeunes, un taux de chômage de près de 23 % chez les jeunes de 15 à 24 ans, excluant ceux qui sont aux études. On a simplement regardé ceux qui ne sont pas aux études et qui sont susceptibles de travailler: un taux de chômage de presque... un jeune sur 4 est au chômage dans sa propre région.

Depuis qu'il est là, depuis qu'il est élu, le taux de chômage chez les jeunes, chez le premier ministre, dans sa région, a augmenté de 17,4 % à 22,5 %, une augmentation, encore une fois, considérable. Est-ce que le premier ministre pourrait peut-être rafraîchir ses idées ou ses suggestions afin d'en trouver une ou quelques-unes qui seront positives et constructives pour les jeunes du Québec? Autrement dit, est-ce qu'il pourrait, au lieu, encore une fois – et je crois comprendre qu'il va le faire ce soir – de s'installer sur les tribunes du Bloc québécois, s'occuper des jeunes Québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, sur la dernière partie de la question concernant les interventions que je fais à l'occasion dans cette campagne électorale, je voudrais rappeler au chef de l'opposition qu'il est maintenant à peu près le seul au Canada, lui-même, à ne pas se mouiller dans le grand débat qui agite maintenant le Québec et le Canada, puisque les premiers ministres Romanow, Klein, McKenna, Savage, Tobin, tout le monde se mêle de la campagne, M. le Président, y compris la plupart de ses députés. Il est le seul qui ne se mouille pas parce que, quand il s'agit d'affaires fédérales-provinciales, il est devenu impuissant.

Pour ce qui est des jeunes, M. le Président, le gouvernement est sensible à la situation des jeunes. Nous comprenons très bien qu'ils sont durement touchés par la période économique que nous traversons. C'est un phénomène qui est généralisé. Ça ne veut pas dire qu'on doit se résigner, au Québec. Au contraire, on ne se résigne pas. Nous sommes en train de modifier la situation générale qui fait en sorte que l'emploi renaît au Québec. Les jeunes en seront les premiers bénéficiaires. Et je peux dire que, dans le secteur public, j'ai une bonne nouvelle à annoncer. Vous savez, pour ce qui est des 15 000 départs volontaires que nous espérions, nous sommes le 27 mai, aujourd'hui, et déjà nous avons 10 800 départs confirmés et nous sommes... Les gens de la CARRA, l'organisme qui s'occupe de la question de façon extrêmement efficace, nous annoncent qu'on va atteindre le chiffre d'au moins 18 000 départs, ce qui veut dire que nous allons pouvoir engager plusieurs milliers de jeunes, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, voilà quelque chose d'assez inusité, de se vanter de créer de l'emploi en annonçant que des milliers de personnes viennent de perdre le leur. Bravo!

Je réitère au premier ministre et je lui pose encore la même question: Qu'est-ce qu'il attend pour avoir des politiques économiques, des politiques qui visent à soutenir l'entrepreneurship véritablement, des politiques qui vont assurer l'épanouissement des entreprises dans les régions du Québec pour et par les jeunes du Québec? Qu'est-ce que le premier ministre attend pour s'occuper de ça au lieu de s'occuper de ce qui se passe à la Chambre des communes, au lieu de s'occuper du Bloc québécois, au lieu de servir de parachute, pense-t-il, à la chute libre du Bloc québécois?

(10 h 10)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, on sait que le gouvernement multiplie les programmes et les mesures pour favoriser l'emploi des jeunes. Que ce soit au niveau des programmes pour promouvoir la création d'entreprises nouvelles avec des jeunes ou que ce soit par le Carrefour emploi, notre dossier se compare extrêmement avantageusement à ce qui s'est passé durant les années 1995 et 1994 où il y a eu une baisse de 130 000 emplois chez les jeunes, alors que le chef de l'opposition était président du Conseil du trésor et premier ministre, M. le Président.

Je voudrais dire une chose, M. le Président. Le chef de l'opposition fait de la politique, je comprends que c'est la règle du jeu, mais de déformer les choses, c'est un peu fort. De dire que 15 000 personnes vont perdre leur emploi, alors qu'il s'agit de départs à la retraite qui ont été choisis individuellement par ces personnes à l'aide d'une bonification considérable qui a été faite dans leur régime de retraite... Ils partent sans pénalité, il y a un montant de 1 500 000 000 $ qui a été investi à la fois par eux-mêmes et par nous pour leur permettre de sortir du parapublic et du secteur public de façon correcte, avec des revenus de pension acceptables et même raisonnables, plus que raisonnables, M. le Président. Ce qui veut dire que, au-delà d'un départ de 15 000, le gouvernement se retrouve en situation de remplacer des gens. Ça veut dire que, plus il va en partir en haut des 15 000 – des gens qui ont atteint notre âge, par exemple, puis qui ont trouvé qu'ils ont fait leur temps dans la carrière publique et parapublique – plus on pourra engager de jeunes. Donc, on s'apprête à renouveler la fonction publique, ce qui est une chose formidable, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Johnson: À part du fait que la seule chose à laquelle les jeunes contribuent actuellement dans cet exercice-là de départ du secteur public, c'est de prendre 800 000 000 $ de leur régime de retraite pour acheter les départs de ceux qui sont... Absolument. Absolument. Absolument, ce sont les jeunes, à qui on niera ce privilège ou ce droit dans quelques années, qui sont en train d'en faire les frais. Ça, c'est évident, et je demande au premier ministre: Est-ce qu'il y a d'autre chose de plus original que de prendre l'argent des jeunes pour acheter le départ des plus vieux, de mettre en péril la qualité des services publics, notamment dans le domaine de la santé, en faisant partir les gens d'expérience du domaine de la santé? Est-ce que, à l'égard des jeunes, dans toutes les régions du Québec, il a des politiques qui ont du bon sens, qui se tiennent comme du monde et qui peuvent régler un problème, celui du sous-emploi chronique chez les jeunes qui est un engagement du premier ministre, un autre engagement auquel il ne donne même pas suite, comme d'habitude?

M. Bouchard: Le chef de l'opposition dit n'importe quoi. Il dit que les départs volontaires sont payés à même la caisse de retraite des jeunes. Les jeunes, ils ne sont pas encore dedans, la caisse de retraite, mais ils vont pouvoir y entrer grâce au gouvernement, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Le chef de l'opposition oublie de signaler – ce qu'il devrait faire, M. le Président – cette mesure formidable, que le gouvernement a annoncée, qui est la loi sur l'apprentissage, la réforme de l'éducation qui va permettre aux jeunes d'être diplômés dans le domaine professionnel et technique; des passerelles qui vont s'établir, qui vont faire en sorte qu'on aura de plus en plus de personnes aptes à relever les emplois vacants dans le domaine. Il y en a au-dessus de 30 000, des emplois vacants, actuellement, avec des jeunes qui ne peuvent pas assumer ces emplois parce que les qualifications techniques n'y sont pas. On est en train de refaire ça. J'aimerais beaucoup entendre le chef de l'opposition plutôt s'indigner de cette ponction éhontée de 5 000 000 000 $ qui est faite par le gouvernement fédéral actuel dans la caisse d'assurance-chômage. Ça, ça créerait de l'emploi, M. le Président, si le fédéral l'utilisait pour autre chose que de couper son déficit. Je voudrais bien que le chef de l'opposition se mêle de la campagne électorale qui vient pour dénoncer ces inéquités, pour dénoncer ces obstacles qu'on dresse à la création d'emplois au Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: C'est le premier ministre qui dit n'importe quoi. Les 15 000 personnes du secteur public qui s'en vont sont parmi les plus vieux. Les 385 000 autres qui sont les plus jeunes, c'est eux autres qui sont en train de payer. C'est l'évidence mathématique puis arithmétique. C'est ça qui se passe. Est-ce que le premier ministre a d'autre chose à nous dire? Est-ce que le premier ministre a d'autre chose à nous dire? Est-ce que le premier ministre a d'autre chose à nous dire que de nous répéter ce que le président du Conseil du trésor ou son vice-premier ministre lui soufflent? Il ne comprend pas les chiffres qu'on lui souffle, c'est à l'évidence. Est-ce que le premier ministre peut nous dire comme engagement de discours inaugural, le discours inaugural qui vise à créer de l'emploi dans les régions pour les jeunes et par les jeunes... Qu'est-ce que le premier ministre entend faire au lieu de se mêler de la campagne électorale fédérale?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais expliquer au chef de l'opposition, qui, manifestement, n'y a rien compris, le régime qui est en vigueur pour permettre à des fonctionnaires et à des employés du secteur parapublic de prendre leur retraite avant l'expiration des années normales. Des gens qui ont, par exemple, 55 ans, à qui il manque, admettons, trois ans avant d'acquérir la pleine retraite, peuvent maintenant, sans pénalité, du fait d'un départ prématuré, partir, prendre leur retraite puis envisager d'autres genres de vie dans leur carrière. Et ça va permettre au gouvernement, bien sûr, de réduire d'au moins 800 000 000 $ les coûts de main-d'oeuvre, mais, s'il y en a encore plus que 15 000, des gens qui partent volontairement – et on voit qu'il en partira plus que 15 000 – ça va nous permettre de remplacer au-delà de 15 000 puis d'embaucher des gens qui ne sont pas présentement dans le circuit et, bien sûr, autant que possible des jeunes, M. le Président. Nous savons que la fonction publique comporte très peu de jeunes qui occupent des postes réguliers et qu'il y a présentement un danger de coupure entre les générations de fonctionnaires, et cette mesure va nous permettre, entre autres, de commencer le renouvellement de la fonction publique, et je pense que l'opposition devrait s'en féliciter.

C'est payé par qui, ça? C'est payé, d'une part, par les surplus actuariels des fonds de retraite actuels. Des surplus actuariels, ça veut dire des montants qui sont en trop, qui, en tenant compte des hypothèses les plus pessimistes de ce qui pourrait arriver, ne vont pas, en aucune façon, affecter l'intégrité des régimes de retraite actuels. Donc, des montants qui sont en trop, et l'autre partie, à la hauteur d'au-delà de 700 000 000 $ – 700 000 000 $ dans un cas, 700 000 000 $ dans le cas du gouvernement – composent une masse d'environ 1 500 000 000 $ que nous investissons pour bonifier les fonds de retraite qui font que justement un très grand nombre de gens, plus que prévu, se prévalent du régime et prennent une retraite volontaire, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Après avoir prouvé exactement ce que j'avançais, que ce sont les 15 000 parmi les plus vieux qui sont en train de partir pendant que ce sont les autres qui ont accumulé les argents pour leur compte, croyaient-ils, et non pas pour 15 000 personnes dans la cinquantaine, qu'est-ce que le premier ministre va faire, non pas pour les gens dans la cinquantaine, à qui il donne 800 000 000 $ qui ont été cotisés par tout le monde pour tout le monde, mais bien qu'est-ce qu'il va faire pour les 23 000 jeunes de 15 à 24 ans qui, eux, ont perdu leur emploi pour vrai depuis que le premier ministre est en poste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai rappelé tout à l'heure un certain nombre de politiques que nous avons mises en oeuvre pour les jeunes. J'ai rappelé que l'effort général du gouvernement en mettant de l'ordre dans les finances publiques, c'est de relancer l'emploi. C'est la conclusion inévitable, c'est la cause directe, c'est le but que nous poursuivons.

Mais je voudrais rappeler au chef de l'opposition, qui se plaint de ce qui arrive à ceux qui sont restés, qui ne prennent pas leur retraite, qui continuent à travailler pour le gouvernement, dans les secteurs de l'éducation et de la santé, il devrait se rappeler qu'ils ont opté de le faire, qu'ils ont choisi de façon consensuelle, de façon démocratique, dans d'innombrables assemblées syndicales à travers le Québec, ils ont voté pour cet accord. Je pense que le chef de l'opposition est malvenu de substituer son indignation à une acceptation responsable qui a été faite par les gens intéressés.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Puis, en attendant, qu'est-ce que ça donne pour 23 000 jeunes de 15 à 24 ans qui ont perdu leur emploi depuis que le premier ministre a été assermenté?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce que ça donne, c'est que le gouvernement du Québec est en train de réparer les erreurs et les irresponsabilités du gouvernement antérieur. On est en train de remettre le Québec à flot. On vient de se faire confirmer la cote des agences financières pour le crédit du Québec, qui avait été très malmené par l'irresponsabilité de gestion du gouvernement qui nous avait précédés. On est en train de remettre tout cela en marche, M. le Président, de recréer un nouvel espoir au Québec et de donner à l'État du Québec le moyen justement d'assumer ses responsabilités vis-à-vis de la création d'emplois puis d'encourager les investisseurs et les gens d'affaires.

Le Président: M. le député d'Orford, en principale?

M. Benoit: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Orford.

M. Benoit: En additionnelle. En parlant de gens qui quittent, M. le Président, est-ce que le premier ministre pourrait nous parler des 14 000 jeunes qui ont quitté le Québec l'an passé parce qu'ils ne se trouvent pas d'emploi? C'est le meilleur indice de jeunes qui en ont assez, qui sacrent leur camp, M. le Président. Qu'est-ce que le premier ministre va faire?

(10 h 20)

Le Président: Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, est-ce qu'on peut également parler, dans cette période d'austérité que nous traversons, de l'effort considérable que fait le gouvernement en faveur des carrefours jeunesse-emploi? Il y a 55 carrefours jeunesse-emploi actuellement en opération au Québec; 11 autres – et j'ai eu l'occasion ce matin, d'ailleurs, d'en confirmer six à des collègues députés dans cette Assemblée – au mois de juin, pour un total de 80 circonscriptions, qui vont permettre à des jeunes, indépendamment de leur statut, de leur étiquette, indépendamment du fait qu'il y ait un chèque ou pas, de recevoir des services, de recevoir le coup de pouce dont ils ont besoin justement pour relever les défis.

Peut-on parler aussi de ces 15 000 000 $ qui vont être consacrés aux carrefours jeunesse-emploi cette année? Peut-on aussi parler de la loi qui va permettre à des jeunes, après leur secondaire III, d'obtenir un diplôme à part entière du ministère de l'Éducation tout en travaillant? L'an passé, 38 % des jeunes dans les pays industrialisés ont obtenu un diplôme de métier du secteur secondaire. Au Québec, vous savez combien c'était avec l'héritage qu'on nous avait laissé? 2,5 %. Alors, vous avez idée du rattrapage qu'on doit faire? Et c'est dès juin que les métiers dans lesquels les jeunes pourront aller chercher un diplôme vont débuter dans le régime d'apprentissage.

Le Président: M. le député.

M. Benoit: M. le Président, la question s'adressait au premier ministre: Combien de jeunes et que va-t-il faire? Combien de jeunes ont quitté le Québec l'an passé parce qu'ils ne se trouvent plus d'emploi? Et que va-t-il faire? On nous répond qu'on est après créer 55 CJE au Québec. La question, c'est: Pourquoi ces jeunes-là ont quitté le Québec, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, puis-je vous rappeler que, dans l'héritage que nous a laissé le précédent gouvernement, il y avait 48 000 jeunes de 18-24 ans qui n'étudiaient pas, ne travaillaient pas, n'avaient pas d'enfants, pas de handicaps et qui étaient sur l'aide sociale et que 71 % de ces 48 000 jeunes ont été des décrocheurs scolaires il y a quelques années seulement? Oui, M. le Président, il y a un immense rattrapage à faire parce que l'espérance d'emploi, pour un jeune, ça passe par une qualification. Et c'est ce dans quoi nous nous engageons.

Le Président: M. le député de Verdun, en complémentaire.

M. Gautrin: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, très bien.


Mesures budgétaires pour diminuer le chômage chez les étudiants

M. Gautrin: L'été dernier, M. le Président, selon Statistique Canada, le Québec a eu le triste record d'avoir le taux de chômage chez les étudiants le plus élevé parmi toutes les provinces canadiennes. Deuxième élément. Cette année, la situation va être encore pire. 27 % seulement des PME prévoient engager un étudiant cet été, alors que, l'année dernière, 47 % des PME avaient été en mesure de le faire.

Il y a un lien direct entre la possibilité de travailler pendant l'été et la possibilité de s'inscrire aussi dans une institution collégiale ou universitaire. Et on en voit directement la tendance parce qu'il y a eu une baisse des admissions de 7 % dans les cégeps et une baisse des demandes d'admission de 12 % actuellement dans les universités.

Alors, ma question, elle est directement au premier ministre: Est-ce que le premier ministre peut admettre que les mesures budgétaires qui étaient prévues dans le budget ne donnent pas les mesures escomptées en ce qui touche le travail d'été, ne donnent pas les mesures escomptées? Peut-il admettre aussi que la situation financière précaire des jeunes les amène à devoir actuellement diminuer les admissions dans les collèges et dans les universités? Et qu'entend-il faire à court terme pour corriger cette situation?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Ma collègue de l'Éducation pourrait répondre sur les admissions dans les collèges et dans les universités beaucoup mieux que moi. Ce n'est pas nécessaire d'être ministre de l'Éducation pour savoir que, quand la démographie baisse et que les contingents démographiques sont de 30 % ou 40 % moins importants, il y a moins d'enfants dans les écoles. Et ça, ce n'est pas par les mesures budgétaires qu'on peut régler ça, ni à court terme.

Quant aux mesures budgétaires, justement, prenant acte de la déshérence dans laquelle vous aviez laissé les programmes d'emplois d'été, le dernier budget a pris des mesures spectaculaires et significatives malgré la rareté de nos moyens: 32 000 000 $ pour des stages et emplois d'été pour étudiants, 20 000 emplois d'été pour les jeunes – 50 % de plus que l'an dernier – stages en entreprise, emplois au gouvernement, 30 000 000 $ pour l'adaptation des compétences de jeunes diplômés aux besoins spécifiques des entreprises, 22 000 000 $ pour l'embauche de jeunes dans les entreprises des centres de développement de technologie de l'information.

Vous auriez pu penser à ça plutôt que de poser des questions perfides aujourd'hui sur la détresse des jeunes. Si vous aviez fait votre travail, les jeunes Québécois n'auraient pas la mentalité qu'ils ont développée au cours des 10 dernières années, qui, fort heureusement, se corrige.

Quand le chef de l'opposition a parlé de la hausse du taux de chômage chez les jeunes, tout le monde a compris qu'on a créé la moitié des emplois au Canada depuis six mois, ce qui fait naître un espoir, ce qui fait que de nouveaux demandeurs d'emploi arrivent. Et ce n'est pas un signe de dégradation, c'est un signe de progrès de l'économie. Et, à terme, ces demandeurs trouveront satisfaction.

Le Président: En complémentaire, M. le député.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre comprend le ridicule de sa réponse? À l'heure actuelle, malgré tout, on se trouve dans une situation où il y a 14 000 jeunes formés qui quittent le Québec parce qu'ils n'ont pas d'emploi, on se trouve dans une situation où, parmi les petites et moyennes entreprises... Comprend-il que 27 % seulement des PME, malgré ces mesures, sont prêtes à engager de jeunes étudiants, alors qu'il y en avait 47 % l'année dernière?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Lorsque ces chiffres de départs du Québec ont été publiés, nous avions eu cette discussion. Nous les avons étudiés attentivement, ces chiffres, d'abord pour constater que plusieurs provinces du Canada proportionnellement ont perdu beaucoup plus de jeunes que le Québec n'en a perdu.

Deuxièmement... Est-ce que, M. le Président, on pourrait nous laisser répondre aux questions? Si ça les intéresse d'avoir des réponses...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, on peut continuer à faire quelques comparaisons chiffrées avant de parler des départs des jeunes de façon plus spécifique. Les stagiaires au gouvernement, nous avons augmenté de 100 %; les stagiaires dans le privé, par le PSES, de 450 %. Alors, si vous aviez eu la sagesse de pratiquer ce que nous faisons aujourd'hui, vous auriez le reproche moins verbal et moins vocal.

Mais, pour revenir à la question fondamentale des départs des jeunes, nous avons étudié en profondeur la caractéristique de ces départs, et nous la déplorons comme vous. Quand il y en a un qui part, c'est un de trop. Mais, dans la propre circonscription du député, peut-être pourrait-il aider à régler ce problème, ce sont surtout de jeunes anglophones unilingues qui ont quitté le Québec. C'est dommage...

Le Président: Alors, la façon de répliquer à une réponse, c'est de poser une question complémentaire. À ce moment-ci, M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Personne ne veut que les jeunes, quel que soit leur horizon linguistique, quittent le Québec, mais il est entendu qu'un jeune, dans le Québec contemporain, qui ne parle pas la langue du lieu vit un problème que nous avons tous le devoir, des deux côtés de la Chambre, d'aider à régler. Il faut augmenter le niveau d'apprentissage de la langue nationale et officielle du Québec chez la minorité anglophone. Et l'opposition n'y aide pas quand, en cette Chambre, elle a reproché, dans une interpellation, à un fonctionnaire du Québec de parler la langue officielle du Québec à des visiteurs allemands avec un interprète. C'est la forme moderne du «speak white». C'est inacceptable.

Le Président: En principale, Mme la députée de Saint-François.

M. Johnson: En complémentaire, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

(10 h 30)

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer pourquoi il a parlé anglais au Centaur?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, est-ce que c'est moi qui vais rappeler au chef de l'opposition qu'il y a 1 000 000 de personnes dans la région de Montréal qui sont des anglophones et qui ont le droit qu'on s'adresse dans leur langue quand ils se retrouvent dans une salle où on veut leur parler? Est-ce que je devrais m'excuser de savoir que ma femme parle à mes enfants en anglais à la maison, M. le Président? Alors, M. le Président...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, quand on parle du français et de l'anglais au Québec, on parle d'abord d'une langue officielle et commune qui est la langue française. Et je crois que nous devons tous, dans toute la mesure du possible, faire en sorte que les gens apprennent le français au Québec et le parlent. Et tant mieux en plus s'il est possible de parler l'anglais, parce que c'est important de parler l'anglais, ce n'est pas moi qui vais le rappeler à qui que ce soit...

Une voix: Et l'espagnol.

M. Bouchard: Mais, quand il s'agit, par exemple... Et l'espagnol. Il faut qu'on parle l'espagnol, c'est une troisième langue, bien sûr. Mais, M. le Président, ce dont vient de parler le ministre des Finances et de l'Économie, c'est une chose fondamentale qu'il a rappelée. J'ai vu cette espèce d'intensité, d'effervescence qu'on a tenté de faire naître à la suite de cet épisode où un fonctionnaire du Québec a parlé français quand il a rencontré des visiteurs allemands. Il y a une forme d'intolérance incroyable, il y a une sorte de honte de la langue française, une sorte d'oubli que la langue française est une grande langue internationale. En Europe, les Allemands sont habitués, à Bruxelles, à entendre parler français tout le temps. Donc, nous, qui avons la chance de parler français au Québec, on va se cacher puis on va s'empêcher de parler français quand on rencontre des Allemands? C'est épouvantable, M. le Président!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre ne se souvient pas que les raisons pour lesquelles je lui ai parlé de cet événement, ça n'avait rien à faire avec la langue? C'est le vice-premier ministre qui en a parlé. Ça avait affaire à son refus de rencontrer des investisseurs qui, eux, pouvaient investir ici. Absolument! J'ai soulevé le cas de la rencontre avec les investisseurs allemands pour reprocher au premier ministre...

Le Présid ent: M. le chef de l'opposition, vous aviez terminé?

M. Johnson: Oui.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, sur les agendas du premier ministre, je pense qu'on a déjà donné au chef de l'opposition une règle de trois très simple. Je ne sais pas s'il les recevait ou ne les recevait pas, ni à quelle heure ni autrement, mais, l'année qu'il a été premier ministre, il y a eu cinq fois moins d'investissements étrangers qu'il n'y en a eu l'an passée, une année record. Puis, on va battre ce record-là encore cette année avec l'ardeur que met le premier ministre justement à faire la promotion du Québec à l'interne comme à l'externe, et en Asie comme en Europe.

Deuxièmement, quand le chef de l'opposition dit qu'il n'a pas parlé de l'incident concernant... C'est vrai, mais se rend-il compte qu'il laisse tomber la députée de Marguerite-Bourgeoys qui nous l'a lancé dans une interprétation? C'est elle qui a été à l'origine de cette version moderne que parler le français au Québec à des Québécois ou à des étrangers est une chose répréhensible, et jamais nous n'accepterons cela. On ne s'est pas battu, y compris Robert Bourassa qui a fait du Québec un endroit dont la langue officielle, la seule langue officielle est le français, Robert Bourassa qui siégeait dans cette Chambre... Est-ce qu'un député, maintenant, du parti de feu Robert Bourassa va venir reprocher à un de nos fonctionnaires d'utiliser la langue officielle avec un interprète pour parler à des visiteurs étrangers? Que le Parti libéral fasse son lit sur cette question.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Fidèle à son habitude, le dossier linguistique, comme le soir du référendum, mobilise beaucoup le vice-premier ministre. Ça, on le sait. Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte d'abord que... Est-ce qu'il ne pourrait pas nous confirmer, en passant, qu'il s'exprime, lui, en anglais lorsqu'il rencontre des Allemands qui sont bilingues anglais-allemand, et que lui est bilingue anglais-français, et que, évidemment, le premier ministre, j'en suis sûr, parle anglais à des gens qui parlent anglais comme langue seconde? Est-ce que le premier ministre ne pourrait pas nous dire, dans le fond, que le problème, c'est celui que j'ai soulevé tout à l'heure dès le début de la période de questions, c'est qu'il n'y a aucune stratégie pour attirer l'investissement, qu'il n'y a aucune réunion, aucun effort du premier ministre de mettre de côté ses chicanes avec le Bloc québécois contre le monde entier pour faire de la place dans son agenda? C'est ça qui est important pour trouver des investissements, rencontrer des investisseurs et s'occuper du sort des jeunes Québécois. C'est ça, sa responsabilité.

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: Ce n'est pas loin d'être démentiel.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, l'opposition, quand elle était le gouvernement, avait peut-être une stratégie pour les investissements ou n'en avait pas, mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'y avait pas d'investissements, tandis que, nous, nous avons et la stratégie et les investissements.

Quant à la mesquinerie faisant allusion au soir du référendum qui se retrouvait dans les propos du chef de l'opposition – et j'espère que ce n'est pas un reflet de son caractère profond – il me force à y répondre. Et je ne l'aurais pas fait autrement, mais je vais le faire en citant un des grands personnages du journalisme québécois, qui n'est pas souverainiste, qui s'appelle Lysiane Gagnon, et qui dit à mon sujet... Et je n'aurais jamais utilisé cette citation dans la Chambre si je n'avais pas été l'objet de la mesquinerie du chef de l'opposition. Je vais le faire maintenant et, écoutez bien, je le dis d'une façon assez dramatique parce que cet incident m'a bouleversé. On sait que...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Je crois, M. le Président, que la réserve de mesquinerie de l'opposition est directement proportionnelle à son manque d'humanisme et d'humanité. Je vais quand même lire mon texte. Mme Lysiane Gagnon dit ceci: «Bernard Landry n'a rien d'un xénophobe, au contraire. Formé en France, parlant l'anglais et l'espagnol, partisan du libre-échange, sensible aux préoccupations de la communauté juive, depuis toujours intéressé au reste du monde, M. Landry a tout de l'homme ouvert et cosmopolite, et c'est certainement de tous les dirigeants péquistes celui qui a le plus travaillé à attirer au parti les minorités culturelles.»

Alors, M. le Président...

Le Président: M. le vice-premier ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

(10 h 40)

M. Landry (Verchères): En conclusion, je vais revenir sur ce qui a déclenché l'attaque mesquine du chef de l'opposition: l'usage des langues dans l'activité internationale, une activité que professionnellement, comme ministre mais aussi comme professeur, j'ai beaucoup pratiquée. J'ai reçu une grande leçon en matière de langues, un jour où j'ai été, au nom du gouvernement du Québec, parler dans un endroit que le chef de l'opposition connaît bien, pour diverses raisons, Hong-kong.

J'avais formulé le projet, à Hong-kong, de m'adresser à la Chambre de commerce en langue anglaise. Mes interlocuteurs chinois ont dit: «Non, monsieur. Vous allez parler votre langue nationale, le français, et un interprète traduira en mandarin.» C'est ça, quand on est civilisé, ce qu'on fait à l'international.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre pourra, d'une part, rétablir les faits, démontrer au vice-premier ministre qu'il a tort lorsqu'il cherche à faire la démonstration que, s'il y a 14 000 jeunes qui sont partis du Québec l'an dernier, c'est parce qu'ils ne parlaient pas français? Est-ce que le premier ministre pourra rétablir les faits en prouvant au vice-premier ministre que les jeunes qui sont partis du Québec parlaient français? Parce que tous les jeunes au Québec, même quand ils sont anglophones, parlent français au Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: M. le Président, c'est une situation, d'abord, que nous suivons depuis longtemps, et je m'étonne de voir le député s'offusquer soudainement. Puis-je lui rappeler qu'en 1991 ce sont plus de 14 000, aussi, qui quittaient le Québec?

Cette situation n'est pas nouvelle. C'est une situation que l'État québécois a documentée depuis de longues années. Il appert effectivement que tous les spécialistes qui regardent cette question constatent que ceux qui quittent au profit d'autres provinces canadiennes sont effectivement jeunes, sont effectivement scolarisés, mais sont, d'abord et avant tout, unilingues anglophones.

J'invite, M. le Président, l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale à travailler de concert avec nous pour envoyer un message positif à ces jeunes pour qu'ils demeurent au Québec. Et un des premiers gestes concrets sur lesquels le gouvernement veut agir, c'est de faire en sorte...

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: Alors, M. le Président, ce que le gouvernement du Québec cherche à faire en ce moment, c'est d'envoyer un signal positif à ces jeunes. Et le premier geste que nous pourrions poser, c'est de faire en sorte que nos cours d'apprentissage de la langue française offerts dans les COFI soient offerts à des jeunes qui sont ici. Nous souhaitons le faire en priorité pour des jeunes de 18-30 ans qui sont au Québec depuis plus de trois ans, qui ne sont pas admissibles à l'heure actuelle aux cours en COFI. C'est un premier geste positif pour envoyer un message d'accueil à ces gens. Et que l'opposition se rende utile, elle aussi, et envoie ce même message que, pour vivre au Québec, pour pouvoir y participer, pour pouvoir y travailler, le français est incontournable.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Saint-François.


Acceptation du plan de formation professionnelle et technique pour l'Estrie

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Mon collègue de Verdun nous a démontré que, faute d'emplois d'été, le nombre d'admissions dans les institutions d'enseignement risque d'être à la baisse. Mais, moi, je veux vous parler des étudiants et des étudiantes qui s'inscriront à la prochaine session, mais qui ne savent pas s'ils auront un emploi à leur sortie.

M. le Président, de nombreux emplois ne trouvent pas preneurs actuellement, faute de formation professionnelle ou technique adéquate. Or, la table de formation professionnelle de l'Estrie, dans le cadre du Sommet et dans un effort de rationalisation et de mise en commun des ressources régionales, a soumis à la ministre de l'Éducation un projet très structurant concernant les cartes de formation professionnelle et technique. Le projet couvre toute la région de l'Estrie, soit les territoires des sept MRC qui la composent. De plus, la région de l'Estrie est une région où l'on retrouve l'une des plus fortes proportions de jeunes en formation professionnelle.

Le discours rassurant du gouvernement est très différent des gestes qu'il pose. Il semble, M. le Président, qu'aucune autorisation ne pourrait être donnée par le ministère pour le démarrage de ce projet en septembre 1997.

Ma question, M. le Président: Peut-on savoir si la ministre de l'Éducation a l'intention de réviser sa décision dans ce dossier, car, si une telle décision positive n'est pas rendue d'ici quelques jours, le projet ne pourra démarrer à l'automne, et tout retard en formation professionnelle sera néfaste pour l'emploi chez les jeunes?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. D'abord, je voudrais rassurer les membres de cette Assemblée, puisque, dans les faits, nous avons débloqué plusieurs projets intégrés au niveau du secondaire et du cégep, donc des centres de formation professionnelle qui vont permettre à des jeunes, justement, de s'inscrire dans une filière technique les menant à une diplomation, permettant de répondre aux besoins du marché du travail, mais aussi à leurs besoins de formation.

Nous avons reçu, dans le cas de l'Estrie spécifiquement – et je crois qu'il y a une autre région aussi qui était prête – leur plan intégré et la carte de formation professionnelle de la région. Je sais que cette carte a été soumise au Comité national des programmes qui a accepté le plan d'ensemble, avec peut-être certaines modifications mineures, et je sais qu'on doit me soumettre, dans les semaines qui viennent, les plans qui seraient prêts à être acceptés. Est-ce qu'ils seront acceptés pour le début de l'année scolaire 1997-1998 ou pour le début de l'année scolaire 1998-1999? Cela dépendra évidemment de l'état de préparation des travaux et de l'état dans lequel ces propositions sont actuellement, de telle sorte qu'ils puissent ou non recevoir des jeunes et, éventuellement, bien sûr, les diplômer.

Alors, en ce sens-là, je ne peux répondre concrètement à la question de la députée aujourd'hui. Je pourrai y revenir un peu plus tard, une fois que j'aurai le programme, c'est-à-dire l'ensemble de la situation, puisque j'ai des décisions à prendre, d'ici la mi-juin, à ce sujet, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: Compte tenu, M. le Président, qu'il y a urgence, est-ce que la ministre de l'Emploi, afin d'arrimer le discours et d'aplanir les difficultés dans ce dossier, peut intervenir auprès de sa collègue de l'Éducation afin que l'Estrie puisse être acceptée, dès l'automne, ce qui signifie dans les jours qui suivent, à titre de projet-pilote, faute de décision finale, afin que la formation puisse répondre aux besoins du milieu et de permettre ainsi aux jeunes de trouver un emploi adéquat et décent?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Ce qui est important de rappeler, M. le Président – parce que, là, évidemment, il s'agit d'une situation précise... Elle est intéressante cette situation-là, je n'en disconviens pas. D'ailleurs, j'en profite pour féliciter toutes les personnes qui se sont investies dans ce projet. Je peux vous dire que mes collègues, de ce côté-ci de l'Assemblée, ont suivi avec grande attention ce qui s'y est fait et m'ont fait des représentations à cet égard.

La façon dont on a décidé, parce que je pense qu'il faut essayer de remettre ça dans l'ensemble, pour qu'on saisisse bien ce dont il s'agit, et sur la question précise d'un projet-pilote possible, ce que nous avons demandé à l'ensemble des régions, c'est de bâtir une carte de formation professionnelle qui répondait à leurs besoins, sur la base, évidemment, de la connaissance qu'elles avaient de l'état de l'emploi dans leur région, des cours actuellement disponibles, des stratégies actuellement utilisées et par les commissions scolaires et par les cégeps, M. le Président. J'ai reçu deux plans d'action à l'heure actuelle.

Ce que je préférerais pouvoir faire – et je le dis très clairement aux membres de l'Assemblée – c'est d'avoir l'ensemble des plans pour être capable, lorsque nous autoriserons certaines formations, de le faire dans une perspective où il y a une certaine cohérence, une certaine coordination. Parce qu'on pourrait aussi voir apparaître des formations de même type dans plusieurs régions, alors que le marché n'est pas capable de supporter l'offre d'emploi qui serait nécessaire pour offrir à ces jeunes, qui sortent avec des diplômes, d'être embauchés.

Alors, c'est évident que ce qui serait préférable, c'est de pouvoir évaluer le tout dans son ensemble. C'est pour ça que je disais que je me donne encore quelques semaines. Si, cependant, je vois que les plans ne pourront être prêts, je m'autoriserai, à ce moment-là, s'il y a lieu, à procéder par la voie d'expériences-pilotes ou d'autorisations temporaires, de telle sorte qu'on ne créerait pas de désillusions et qu'on pourrait permettre à certaines régions de fonctionner.

Le Président: Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, est-ce que la ministre réalise que, en attendant les plans des autres régions, elle pénalise la région de l'Estrie qui, elle, est prête, qui s'est prise en main, comme le souhaitait le gouvernement, et que tout retard d'un an au niveau de la formation professionnelle a des effets importants, des effets néfastes sur l'emploi pour les jeunes?

(10 h 50)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Si la députée de Saint-François a bien entendu ma réponse, je n'ai pas l'intention de pénaliser qui que ce soit et, à cet égard, je pense qu'il faudrait qu'elle soit prudente parce que son gouvernement ne nous a pas laissé un dossier qui était très éclatant sur l'aspect de la formation professionnelle.

Alors, au contraire, ce que j'ai dit à la députée, c'est que j'étais prête à envisager la possibilité de procéder et, à ce moment-là, ce serait sur une base temporaire. Mais, avant de le faire, je vais le faire dans une perspective où je saurai où on s'en va d'une façon globale et dans l'ensemble, M. le Président, parce que je pense que c'est comme ça qu'on rendra service aux personnes qui éventuellement viendront se former dans nos institutions, autant dans l'Estrie, à Québec, à Montréal, dans l'Outaouais qu'ailleurs.

Le Président: Alors, cet échange met fin à la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.

J'indique au député de Rivière-du-Loup que normalement je ferai le nécessaire pour pouvoir le reconnaître dès demain.

Il n'y a pas de réponses différées, mais il y a cependant, comme je l'avais annoncé en début de séance, un vote reporté.


Votes reportés


Motion de censure proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois plutôt que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécois

Alors, je vais mettre maintenant aux voix la motion de censure présentée le 22 mai dernier par M. le député de Westmount–Saint-Louis. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois plutôt que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécoises et des Québécois, notamment en abandonnant les quelque 800 000 assistés sociaux et les quelque 400 000 chômeurs et:

«d'avoir pelleté son déficit vers les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux, les municipalités et enfin pour tous les citoyens qui écopent de hausses de taxes et de tarifs de toutes sortes;

«d'avoir affaibli le réseau de santé par des fermetures d'hôpitaux, des diminutions de lits et des coupures de personnel, ce qui contribue à augmenter les listes d'attente en chirurgie;

«d'avoir déstabilisé le réseau de l'éducation par son cafouillage total tant dans l'implantation de commissions scolaires linguistiques que dans l'implantation de la maternelle obligatoire plein temps, tout en obligeant les commissions scolaires à augmenter les taxes scolaires de plus de 100 000 000 $ cette année et, de plus, en enlevant le libre choix aux parents quant aux garderies;

«d'avoir déstabilisé le réseau municipal en annonçant, de façon totalement chaotique, des diminutions du nombre de MRC sans consultation, en annonçant un transfert de responsabilités de 500 000 000 $ aux municipalités sans les avoir consultées, sans les outils et les moyens nécessaires, ce qui les forcera à augmenter les taxes municipales de 0,17 $ à 0,18 $ du 100 $, en moyenne, soit 150 $ à 200 $ par maison au Québec;

«d'avoir abandonné le monde agricole, notamment les producteurs de porc et les producteurs de lait, par de fausses promesses, ce qui crée une insécurité énorme chez les producteurs;

«d'avoir amputé le budget des personnes âgées de plus de 253 000 000 $ et des plus démunis de près de 38 000 000 $ en les forçant à payer davantage pour leurs médicaments;

«d'avoir discrédité le système de police et le système de justice en brûlant les preuves de la culture illégale de marijuana en 1995 à Oka, en déstabilisant la Sûreté du Québec, la décapitant deux fois, ce qui a fait passer trois chefs en trois ans, et pour avoir déstabilisé le système judiciaire, comme l'ont dénoncé le bâtonnier et un des avocats les plus respectés au Québec, Me Guy Pepin, ce dernier claquant la porte du Conseil de la magistrature du Québec pour dénoncer en toute liberté l'attitude du ministre de la Justice;

«d'avoir contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, entre autres par son entêtement à ne pas reconnaître les résultats du référendum qu'il a lui-même tenu le 30 octobre 1995.»

Alors, que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:40

Contre:61

Abstentions:0

Le Président: La motion est rejetée.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, M. le premier ministre.


Souligner le 150e anniversaire de Jonquière

M. Bouchard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le 150e anniversaire de Jonquière comme l'événement qui remémorera, tout au long de l'année 1997, l'histoire, les réalisations et la fierté propres aux Jonquiérois et Jonquiéroises, une communauté dynamique et résolument tournée vers l'avenir.»

Des voix: Bravo!

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: M. le Président, suite aux discussions avec les deux côtés, il y a consentement pour qu'on débatte de cette motion avec un intervenant de chaque côté.

(11 heures)

Le Président: Ça va. Alors, M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, il y a 150 ans aujourd'hui débutait l'histoire de Jonquière que j'ai l'honneur de représenter en cette Chambre. Rappelons que, il y a un siècle et demi, les membres de la Société des défricheurs ont donné naissance à ce qui allait devenir Jonquière. Parmi eux, l'histoire et la tradition ont retenu le nom de Marguerite Belley, une figure de courage et de détermination.

Pendant toute leur histoire, les Jonquiérois sont restés fondamentalement des défricheurs, avec l'esprit des défricheurs au sens propre, d'abord pour ouvrir le territoire à l'agriculture et au travail forestier, ensuite pour en faire une des régions industrielles les plus productives en Amérique. Et il y a toujours eu, à Jonquière et dans la région, l'esprit de la frontière, du pionnier et les qualités qui l'accompagnent: un sens de la liberté, un goût d'entreprendre, une audace propre à ceux qui ne connaissent que les grands défis.

Ouvrir un bout de continent, transformer les arbres géants en pâtes et papiers, harnacher de puissantes rivières pour produire de l'hydroélectricité et le faire si bien qu'on puisse attirer chez soi une industrie de l'aluminium, exporter ces produits à des dizaines de milliers de kilomètres, il y a là, à chaque étape, l'esprit du défricheur.

Que l'on ouvre l'histoire du Québec au hasard et, à presque tous les chapitres, on trouvera une ou deux filières qui nous ramènent à l'histoire de Jonquière: au chapitre du syndicalisme comme à celui de la crise; au chapitre de l'industrie ou à celui de nos rapports avec les autochtones; au chapitre de l'immigration et de la saine intégration des Québécois autour d'une langue et d'une culture communes; au chapitre politique de la quête des Québécois pour la maîtrise de leur destin, on retrouve chez les Jonquiérois plus que leur part de défricheurs.

Vous comprendrez pourquoi, M. le Président, les habitants de Jonquière seront fiers, cette année, de célébrer 150 ans de réalisations. Ils ont prévu pas moins de 250 activités pour jalonner l'anniversaire. Il me fait donc plaisir de transmettre à tous les membres de cette Chambre et à toutes les Québécoises et à tous les Québécois une chaleureuse invitation à venir célébrer, à venir partager la joie de vivre des Jonquiérois, à célébrer la fierté qu'ils ont pour leur passé et la promesse qu'ils portent pour leur avenir. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le premier ministre. M. le député de Beauce-Nord.


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Il me fait extrêmement plaisir, aujourd'hui, à titre de responsable de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean et au nom de tous mes collègues du Parti libéral du Québec, de souligner le 150e anniversaire de la ville de Jonquière.

Plusieurs dates importantes ont marqué l'histoire de cette ville. D'abord, Jonquière peut être fière d'avoir comme fondatrice une femme. En effet, c'est en 1847 que Mme Marguerite Belley et ses fils s'installèrent au bord de la rivière aux Sables. Ils y défrichèrent leurs terres. Jonquière venait donc de prendre naissance.

En 1866, Jonquière obtient son statut de municipalité. C'est vers cette époque que la communauté jonquiéroise prend forme avec vigueur. Même à ce moment, le grand feu du Saguenay de 1867 n'a pas le meilleur sur ses résidents. D'ailleurs, ces derniers nous ont donné un autre bel exemple de leur force de caractère, de leur solidarité et de leur capacité d'entraide également lors du déluge qui les frappait l'année dernière.

L'arrivée, en 1893, du chemin de fer montre déjà que Jonquière est une ville tournée vers l'industrialisation et vers l'avenir. Ce sont, d'abord, le moulin à scie et l'usine de pâtes et papiers qui lui confèrent ce rôle industriel. Par la suite, une aluminerie y prend place. On connaît tous l'importance que l'industrie de l'aluminium a jouée et joue encore aujourd'hui dans cette région. En parlant d'aluminium, il est intéressant de mentionner qu'un pont d'aluminium se trouve à Jonquière. Cet ouvrage métallique a un poids de 163 tonnes, pour une longueur de 153 mètres. On dit que c'est un poids minime pour sa dimension, ce qui démontre que ce matériau peut être utilisé aux mêmes fins que l'acier ou le fer, et ce, grâce au savoir-faire de tous les travailleurs de cette industrie.

En 1975, les populations de Jonquière, Arvida, Kénogami et de la paroisse de Jonquière se regroupèrent pour former une seule entité municipale, créant ainsi la nouvelle ville de Jonquière. Aujourd'hui, Jonquière demeure un secteur important pour l'économie de toute la région. On ne peut parler de Jonquière sans parler des gens qui l'habitent. Tout comme les hommes et les femmes de ma région, la Beauce, les hommes et les femmes du Saguenay–Lac-Saint-Jean ont le savoir-faire en matière d'hospitalité. Les Jonquiérois et Jonquiéroises savent faire les choses en grand. Ils sont généreux, accueillants et constamment prêts à relever des défis.

Je souhaite à M. Marc Fortin, président des fêtes, et à toute son équipe, à tous ces bénévoles, de belles célébrations. Finalement, Jonquière et sa population aiment et savent faire la fête. J'invite tous mes collègues, toute la population à profiter du 150e anniversaire pour visiter Jonquière. Et je souhaite à tous les Jonquiéroises et Jonquiérois un bon anniversaire. Que cet événement soit un tremplin pour poursuivre l'oeuvre de ces bâtisseurs afin de se diriger vers un avenir rempli de succès. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, avec l'accord de l'Assemblée, puis-je souligner la présence dans les tribunes de M. Francis Dufour, ex-député de Jonquière, un des membres dirigeants du groupe organisateur de la célébration, de même que d'une délégation du conseil de ville et du même groupe de dirigeants qui vont organiser la célébration du 150e?


Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends que la motion du premier ministre est adoptée.

Des voix: Adopté.

Le Président: Alors, Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille.


Souligner la Semaine des garderies

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale, dans le cadre de la Semaine des garderies, souligne le rôle éducatif des services de garde du Québec auprès de la petite enfance et qu'elle reconnaisse le rôle de premier plan joué par ces services pour la conciliation de la vie familiale avec le travail des parents.»


Mise aux voix

Le Président: Si je comprends bien, il y a consentement pour adoption sans débat. Alors, la motion est donc adoptée. M. le leader du gouvernement.


Procéder à une consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'instruction publique

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'éducation procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique à compter du 26 août 1997; que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 12 août 1997; que la ministre de l'Éducation soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que la motion est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 138

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement, le mardi 3 juin 1997, et, à cette fin, entende les organismes et personnes suivantes: de 11 heures à 11 h 30, des remarques préliminaires; de 11 h 30 à 12 h 30, la Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs; de 12 h 30 à 13 heures, la Table de concertation des licences de bingo; de 15 heures à 16 heures, l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec; de 16 heures à 17 heures, le Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo (ROBIN); de 17 heures à 18 heures, l'Association des locateurs de salle; de 20 heures à 21 heures, Loto-Québec; de 21 heures à 22 heures, l'archevêché de Montréal; de 22 heures à 23 heures, la Fédération des clubs de l'âge d'or; de 23 heures à 23 h 30, la Rencontre châteaugoise; de 23 h 30 à minuit, des remarques finales;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période maximale de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé des organismes bénéficiant de 60 minutes soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé des organismes bénéficiant de 30 minutes soit de 10 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 20 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de la Sécurité publique soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger aux règles relatives aux consultations particulières? Il y a consentement. La motion est adoptée? Adopté.

M. le whip en chef de l'opposition officielle.


Remplacer des membres à des commissions parlementaires

M. Farrah: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter les trois motions sans préavis suivantes.

La première, M. le Président:

«Conformément à l'article 129 du règlement de l'Assemblée nationale, je vous informe que le député de Hull, M. Robert LeSage, remplacera le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Russell Copeman, à la commission permanente des affaires sociales.»

La suivante, M. le Président:

«Conformément à l'article 129 du règlement de l'Assemblée nationale, je vous informe que le député de Gatineau, M. Réjean Lafrenière, remplacera le député de LaFontaine, M. Jean-Claude Gobé, à la commission permanente des transports et de l'environnement.»

La dernière, M. le Président:

«Conformément à l'article 129 du règlement de l'Assemblée nationale, je vous informe que la députée de Beauce-Sud, Mme Diane Leblanc, remplacera le député de Hull, M. Robert LeSage, à la commission permanente de l'aménagement du territoire.»


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que ces motions sont adoptées? Adopté. Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous en arrivons aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission de l'éducation poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures ainsi que de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

(11 h 10)

Que la commission de la culture poursuivra l'étude du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, aujourd'hui, de 11 h 45 à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui après les affaires courantes jusqu'à 13 heures ainsi que de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail aujourd'hui, le mardi 27 mai, après les affaires courantes, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de discuter du rapport final de la commission à la suite des mandats d'imputabilité et de surveillance d'organismes tenus les 18 et 19 février dernier.

Alors, est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 145 du règlement qui prévoit que trois commissions peuvent se réunir simultanément pendant les affaires du jour?

Une voix: Il n'y a pas de consentement.

Le Président: Il n'y a pas de consentement, me dit-on. Alors, M. le Président de la commission.

M. Vallières: M. le Président, comme il s'agit de permettre à la commission d'effectuer son travail comme suite à celui qu'elle a déjà fait, est-ce que le gouvernement peut nous donner l'assurance que cette commission pourra réaliser son travail – on nous demande de le faire – avant la fin de la présente session, compte tenu qu'il s'agit là d'une seule recommandation et que c'est une courte séance de travail? Est-ce qu'on a l'assurance que la commission va être capable de remplir le mandat qu'elle a reçu de la Chambre et le mandat qu'elle s'est elle-même donné?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, on va faire tout en notre possible pour, à ce moment-là, pouvoir harmoniser tous les voeux des parlementaires, mais il faut comprendre que, à partir d'aujourd'hui, on est en session intensive et que, du côté du gouvernement, on donne toujours la priorité à la législation en session intensive. Donc, on va faire tout notre possible pour pouvoir accommoder les travaux des différentes commissions, mais la priorité est donnée à la législation.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, vous me permettrez de m'adresser à vous, à ce moment-là, puisqu'on parle beaucoup de réforme parlementaire. On a ici un bel exemple où, des fois, il y a des conflits entre l'horaire gouvernemental et celui des commissions. Alors, il y aurait peut-être lieu, à un moment donné, de s'y pencher.

Le Président: Bien. Alors, je prends note des remarques qui sont faites. Je verrai si la présidence peut faire quelque chose à cet égard.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. S'il n'y a pas de questions ou d'interventions à cette étape-ci, nous allons passer immédiatement aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.


Affaires du jour

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 92


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 4 du feuilleton, M. le ministre d'État à la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. M. le ministre d'État à la Métropole.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens aujourd'hui à l'Assemblée nationale en vue de l'adoption du principe du projet de loi n° 92 sur la Commission de développement de la métropole. À titre de ministre d'État à la Métropole, je suis particulièrement heureux de soumettre ce projet de loi pour deux principales raisons.

Premièrement, je crois que ce projet de loi répond bel et bien à un besoin incontournable. En effet, la métropole du Québec doit être dotée d'un organisme qui rassemble ses principaux leaders afin de leur permettre de travailler ensemble à son développement. La mise sur pied de la Commission de développement de la métropole, comme le propose ce projet de loi, obéit à cette nécessité. Cet organisme constituera un moyen pour favoriser l'unité d'action des leaders métropolitains et pour permettre à ces derniers de s'entendre sur une vision d'avenir métropolitaine. Il facilitera aussi la mobilisation de tous les acteurs, élus, agents socioéconomiques et communautaires, gens d'affaires et de la population en général, sans oublier les jeunes. La Commission de développement de la métropole se veut, en fait, une réponse appropriée aux particularités et aux besoins spécifiques de la métropole en tant qu'entité propre, une entité qui mérite d'être consolidée à l'instar de toute autre région du Québec.

Deuxièmement, en plus de constituer un lieu de rassemblement nécessaire, la Commission proposée est aussi un outil indispensable pour planifier et coordonner le développement de la région de la métropole, nommément les questions d'envergure métropolitaine. Il s'agit là d'une responsabilité qui, de nos jours, incombe à toute grande métropole, aussi bien Montréal que les autres. Il suffit, en effet, d'observer un peu ce qui se passe ailleurs dans le monde pour constater à quel point Montréal et sa région n'échappent pas aux contraintes de la concurrence et de la compétitivité qui conditionnent les rapports internationaux et pour conclure immanquablement à l'importance stratégique de certaines décisions pour l'avenir d'une région.

Il y a de toute évidence urgence d'agir pour rattraper le temps perdu. À mes yeux comme aux yeux de tout observateur vigilant et avisé de la région métropolitaine, il est, en effet, impératif que la métropole reprenne un rythme de croissance qui lui permette non seulement de consolider sa place dans les réseaux internationaux d'échanges économiques et culturels, mais aussi de faire face au déséquilibre socioéconomique de plus en plus marqué entre les parties qui la composent. Je n'insisterai jamais trop sur ces questions.

Qu'on se le dise, la métropole est un atout pour le Québec. Ses leaders doivent se mettre ensemble au travail pour planifier et coordonner son développement. Le gouvernement doit, pour sa part, s'assurer que la Commission constitue un levier de changement prometteur non seulement pour les citoyens de la métropole, mais aussi pour ceux du Québec dans son ensemble.

Voilà donc, en bref, les principales raisons qui motivent ma fierté et ma satisfaction à l'égard de ce projet de loi. Ainsi, la concertation au sein d'une instance de décision à caractère métropolitain me semble, d'une part, une voie à privilégier. Par ailleurs, le partenariat entre la métropole et le gouvernement me semble également un moyen approprié pour enclencher une nouvelle ère de développement dans la métropole. Cela revient à dire qu'il faut au préalable que la métropole se reconnaisse elle-même, d'abord et avant tout, comme une véritable société d'appartenance quand il s'agit de prendre des décisions d'intérêt métropolitain.

Une participation active au sein de ce nouvel organisme sera certes une première manifestation tangible de la volonté des leaders métropolitains de se prendre en main. Mais il faut aussi que le gouvernement fasse sa part et collabore. Pour ma part, je ferai tout en mon pouvoir pour assumer pleinement mes responsabilités à titre de ministre responsable de la Métropole et à titre de président de la Commission, comme me l'ont demandé d'ailleurs les représentants de la métropole de façon quasi unanime. Il est grand temps d'établir de meilleurs liens de collaboration et de partenariat entre la métropole et le gouvernement, entre Montréal et Québec, entre la métropole et la capitale. La nouvelle Commission servira de cadre institutionnel par excellence et d'interlocuteur privilégié du gouvernement pour l'exercice de ce partenariat. J'y reviendrai.

Le 29 janvier 1996, lorsque le premier ministre m'a confié le mandat de mettre sur pied une commission de développement de la métropole, il avait, en effet, reconnu, pour reprendre ses mots, que «Montréal et sa région métropolitaine présentent un cas à part dans la société québécoise». Il avait aussi précisé que «l'ampleur des problèmes qui l'assaillent démontre amplement que le Montréal métropolitain doit être doté d'un levier politique à sa mesure». Fin de la citation.

Je crois que ce projet de loi, dont je propose aujourd'hui l'adoption du principe aux membres de l'Assemblée nationale, répond bien à cet impératif. Il est le résultat d'une longue année d'efforts en vue d'établir un plan d'action en ce sens, tout en tenant compte des attentes du milieu lui-même. Il faut bien l'admettre, ces attentes ne sont pas toujours concordantes. Néanmoins, ce projet de loi constitue une manifestation claire de la volonté de ce gouvernement de promouvoir des façons de faire adaptées aux particularités de la métropole.

Finalement, en réponse à des attentes qui datent de plus de 30 ans, ce projet de loi marque le début d'une étape qui sera cruciale dans l'évolution de la métropole. Il est, à mon avis, la meilleure solution possible pour le moment, la solution la plus réaliste dans les circonstances. Je souhaite donc vivement qu'il soit adopté en juin par l'Assemblée nationale, avant l'ajournement de nos travaux pour la fête nationale, et que la Commission de développement de la métropole puisse commencer ses activités dès le début de l'automne.

Maintenant, M. le Président, je voudrais rappeler le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi puis décrire la nature du projet de loi et le rôle que jouera la future Commission de développement de la métropole. D'abord, quelques éléments qui décrivent l'état de la situation. Lorsque j'ai déposé, en décembre 1996, le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, c'était à la suite d'une longue série de consultations tant privées que publiques. Ces consultations se sont échelonnées sur plusieurs mois après ma nomination et m'ont amené à rencontrer un grand nombre d'interlocuteurs de la région métropolitaine. Le point culminant a été, sans conteste, le grand Forum de consultation de novembre dernier. En vue de ce Forum, j'ai reçu pas moins de 87 mémoires. L'événement a réuni, pendant une journée et demie, près de 700 personnes oeuvrant dans divers milieux et en provenance de toutes les parties du territoire de la métropole.

(11 h 20)

Après le dépôt du projet de loi, il y a eu d'autres consultations privées et publiques. Entre autres, la région a pu, encore une fois, faire part de ses attentes lors des consultations particulières et des auditions publiques de la commission de l'aménagement et des équipements, du 4 au 18 mars dernier. Près d'une cinquantaine de groupes ont soumis un mémoire. Presque tous ont répondu favorablement à l'invitation de l'Assemblée nationale et se sont présentés aux audiences publiques.

De toutes ces consultations et de toutes les démarches que j'ai entreprises, je dégage deux constantes qui doivent de toute évidence inspirer nos choix. Il me semble important de les noter car elles persistent comme deux donnes fondamentales des débats engagés depuis fort longtemps. Ainsi le confirment deux rapports magistraux publiés au cours des 10 dernières années, deux rapports qui ont brossé, chacun à leur façon, un tableau tout aussi saisissant que réaliste de la situation. Il s'agit, d'une part, du rapport intitulé Pour un redressement durable , du Comité ministériel permanent de développement du Grand Montréal, présidé par le chef de l'opposition officielle, le député de Vaudreuil; et, d'autre part, de Montréal: une ville-région , du Groupe de travail sur Montréal et sa région présidé par Claude Pichette.

La première constante observée est l'unanimité face aux enjeux et à l'urgence d'agir. Si le défi de mettre sur pied une commission de développement de la métropole est de taille, c'est surtout parce qu'il faut, d'abord, le mesurer à l'ampleur des enjeux auxquels fait face aujourd'hui la région métropolitaine de Montréal à ce tournant difficile de son histoire et à ceux qui seront les siens demain. Il importe de rappeler brièvement ces enjeux pour bien camper l'état de la situation qui prévaut actuellement dans la métropole.

La vitalité de l'économie métropolitaine est le premier enjeu auquel fait face la métropole. Cet enjeu met particulièrement en évidence la nécessité d'élaborer une vision d'avenir et des orientations stratégiques communes en matière de développement économique à l'échelle de la métropole. Il importe aussi de définir les conditions qui assurent et renforcent la compétitivité des entreprises de la région et de s'entendre sur les grands axes d'une stratégie métropolitaine de promotion économique, touristique et culturelle à l'échelle internationale.

Dans le cas d'une grande agglomération comme celle de Montréal, la localisation des pôles d'emploi et des lieux de résidence illustre de façon concrète l'interdépendance économique qui existe entre les parties du territoire. Les statistiques sur les déplacements pour l'emploi confirment cette interdépendance dans la région métropolitaine. C'est d'ailleurs cette interdépendance économique basée sur le rapport entre pôles d'emploi et lieux de résidence qui définit la région comme telle, en fait une entité propre d'appartenance sur le plan socioéconomique et qui en cimente les parties.

Devant cet état de fait, il importe de valoriser cette complémentarité comme une source certaine de dynamisme économique. On comprend mieux pourquoi il est capital – et j'insiste sur ces mots – dans la région métropolitaine de faire la promotion d'une vision d'ensemble plutôt que d'exacerber les rivalités et de miser sur la concurrence. Faut-il le rappeler encore: la véritable concurrence de la métropole provient d'ailleurs et s'exerce ailleurs sur le continent nord-américain et dans le monde, et non pas au sein de la région métropolitaine elle-même.

Le deuxième enjeu. La croissance urbaine équilibrée et un cadre de vie fonctionnel et viable constituent ce deuxième enjeu auquel fait face la métropole. Cet enjeu repose, lui aussi, sur l'existence bien documentée, bien réelle, de liens d'interdépendance entre les parties de la région. À part leur dimension économique, ces liens d'interdépendance se manifestent également sur les plans démographique, social et culturel.

Il faut d'abord comprendre que le territoire de la Commission résulte d'un processus d'urbanisation qui, au cours des dernières décennies, a transformé le territoire et en a fait un espace bâti en continu à partir du centre. Ainsi, le territoire de la région métropolitaine de Montréal déborde depuis longtemps celui de la ville-centre, Montréal. En fonction de critères communément utilisés dans le monde industrialisé, on a établi que le noyau urbanisé de cette région recouvre aujourd'hui les îles de Montréal et de Laval de même que les territoires des MRC de Champlain, des Moulins et de Thérèse-de-Blainville. Il comprend aussi Mirabel et d'autres municipalités des couronnes sud et nord.

Ce territoire est néanmoins fracturé par des divisions administratives, plusieurs héritées du passé, d'autres plus récentes. Leur grand nombre contribue à la multiplication des centres de décision, ce qui, en retour, affecte l'offre des services et nuit à l'unité d'action. Pourtant, le fait de former une même agglomération urbaine soude ensemble les municipalités et devrait les obliger à agir de concert.

Cet enjeu confirme donc, en conséquence, la nécessité de planifier et de coordonner à l'échelle métropolitaine certains services ou fonctions qui sont d'intérêt métropolitain parce que justement ils ont un impact à ce niveau. En termes simples, pour qu'une métropole fonctionne bien, il faut que les services et les infrastructures soient viables et efficaces. Bref, il faut que ça marche. D'où la pertinence d'un cadre d'aménagement métropolitain et d'un plan intégré de transport en vue d'une gestion rationnelle et équilibrée de la croissance urbaine et d'une utilisation efficiente des ressources et équipements disponibles.

Un développement social harmonieux est le troisième enjeu auquel fait face la métropole. Cet enjeu confirme l'importance de rapports harmonieux entre toutes les composantes de la société métropolitaine. Les jeunes sont surtout visés parce qu'ils forment un groupe particulièrement affecté par le sous-emploi, le chômage, voire l'exclusion. Cet enjeu confirme aussi la pertinence du rapport que les citoyens établissent entre économie prospère, qualité de vie et valeurs sociales partagées.

Ainsi, la sécurité, un environnement sain et agréable dans les quartiers, l'harmonie des rapports entre les communautés et l'intégration réussie des immigrants constituent des valeurs qui conditionnent la qualité de vie au sein d'une grande agglomération. Dans la région métropolitaine de Montréal, c'est encore le cas et cela doit le demeurer. Mieux encore, les citoyens de la métropole tiennent à ce que ces valeurs fassent constamment partie des préoccupations des décideurs. Bref, ces valeurs sont cruciales, car elles font d'une agglomération un milieu de vie agréable, attrayant et à dimension humaine.

Ce sont là des critères recherchés également par les investisseurs étrangers, les spécialistes internationaux, les diplomates, les immigrants, les artistes et les touristes, des personnes qui souhaitent, bien souvent, s'établir ici avec leur famille pour des raisons professionnelles et avoir une vie très agréable. Ces valeurs font la réputation d'une métropole à l'échelle internationale. Voilà pourquoi elles comptent énormément.

Enfin, l'organisation efficace et le financement équitable des fonctions métropolitaines constituent le quatrième enjeu auquel fait face la métropole. La multiplicité et le cloisonnement des centres de décision, la concurrence entre les entités politiques de même que les découpages administratifs gouvernementaux font aujourd'hui obstacle à l'émergence d'une perspective d'ensemble lors de la recherche de solutions aux problèmes de la métropole. Ces facteurs conduisent souvent au blocage des décisions. De façon concrète, cette situation a des répercussions néfastes sur l'offre de services et sur la gestion des équipements d'envergure métropolitaine. À l'échelle d'une grande métropole, il importe de clarifier le partage des responsabilités, de simplifier les structures, de rendre plus efficace l'organisation des services et de faire en sorte que leur financement soit équitable.

En résumé, la pertinence de ces quatre grands enjeux n'est pas remise en question dans la région métropolitaine de façon générale. S'il est vrai que les consultations effectuées mettent encore en évidence la difficulté d'en arriver à une véritable entente quant à la nature et à la portée des moyens proposés, notamment en ce qui concerne la Commission, peu d'interlocuteurs remettent en question le bien-fondé de ces enjeux et même la nécessité d'un organisme métropolitain pour les prendre en charge.

Il est tout aussi certain que la très grande majorité des leaders est convaincue qu'il y a urgence d'agir pour relancer le développement de la métropole. À cet égard, je peux compter sur l'engagement et le sens des responsabilités de la grande majorité des élus municipaux. De surcroît, la contribution offerte par les représentants socioéconomiques issus de divers milieux constitue un levier susceptible de produire une dynamique de fonctionnement et d'organisation mieux adaptée à la conjoncture actuelle. Qui plus est, le contexte actuel des réformes se prête à des restructurations. Cela représente donc une occasion spéciale à saisir, d'autant plus que des décisions s'imposent dès maintenant.

(11 h 30)

À part le sentiment d'une urgence d'agir face à des enjeux métropolitains qui font l'unanimité, on observe une deuxième constante dans les débats et les analyses, soit l'émergence d'une véritable dynamique d'agglomération. Au cours des 30 dernières années, le développement de la région métropolitaine a passé d'une dynamique fondée sur le seul poids de la ville-centre, Montréal, à une véritable dynamique d'agglomération. Cette réalité est conforme à des statistiques démographiques, économiques et sociales nombreuses.

En d'autres mots, si la ville de Montréal demeure toujours, en quelque sorte, le centre-ville de la région, pour employer une expression familière, et joue encore le rôle de plaque tournante dans le cas de nombreuses activités, le développement de la métropole ne dépend plus uniquement d'elle. On convient maintenant qu'il y a une dynamique d'agglomération faite d'interdépendance et de complémentarité entre les parties de la métropole. Voilà pourquoi on a parlé de la région de Montréal tantôt comme du Grand Montréal, tantôt comme de la ville-région de Montréal, et maintenant comme de la métropole. À peu de nuances près, on parle de la même chose.

Cependant, les transformations progressives qui se sont opérées dans les faits sur un plan socioéconomique n'ont pas donné lieu à des changements structurels suffisants dans la région métropolitaine de Montréal. Ailleurs, dans d'autres régions du monde, plusieurs expériences de restructuration métropolitaine ont vu le jour et ont déjà passé par plusieurs étapes de réorganisation. Même au Québec, l'émergence de régions fondées sur une dynamique d'appartenance a été rendue possible. Cela reste à faire pour la métropole. Ce sentiment d'appartenance à la métropole n'est pas incompatible avec l'attachement que les gens peuvent ressentir pour leur quartier, leur ville ou leur région. Ce sont des dynamiques qui se complètent.

Pour assurer la cohérence du développement de la métropole, pour assurer sa prospérité économique, pour permettre à la région de se développer de façon harmonieuse et équilibrée, il est primordial d'établir une correspondance entre l'organisation politico-administrative et la réalité d'une région urbanisée dont toutes les parties sont interdépendantes. C'est ce que vise le projet de loi.

Voilà donc, en bref, la toile de fond du projet de loi n° 92. Nous devons, au cours de nos débats, bien garder à l'esprit ces deux constantes que je viens d'évoquer, à savoir l'urgence d'agir en ce qui concerne les grands enjeux auxquels fait face la métropole et la reconnaissance d'une dynamique d'agglomération comme fondement de la restructuration à l'échelle métropolitaine.

Par ce projet de loi, je ne prétends pas tout résoudre d'un seul coup, bien au contraire, mais je crois avoir enfin enclenché un processus de changement dans l'intérêt de la métropole et du Québec. À la lumière de cet état de la situation que je viens d'évoquer brièvement, j'aimerais, M. le Président, présenter plus en détail le projet de loi sur la Commission de développement de la métropole. Auparavant, dans le cadre de cette allocution, j'aimerais d'abord rappeler la nature et l'esprit du projet de loi et j'insisterai ensuite sur quelques dispositions en particulier.

La nature et l'esprit du projet de loi se résument à quatre principaux éléments. Ces derniers confirment à la fois son caractère innovateur et son aspect structurant et mobilisateur.

Le premier élément caractéristique du projet de loi consiste en la confirmation du statut de la métropole comme entité propre et la création d'un cadre institutionnel correspondant. Le projet de loi pose, en effet, clairement des fondements en vue de transcrire dans un cadre institutionnel les liens de complémentarité et d'interdépendance qui façonnent et conditionnent aujourd'hui les activités au sein de la métropole. Il faut voir dans ce projet de loi l'engagement du gouvernement à cheminer dans une nouvelle voie, une voie que certains interlocuteurs de la métropole appellent la «métropolisation».

Plus précisément, je parle ici d'une réorganisation progressive de certaines activités d'envergure métropolitaine qui sont aujourd'hui assumées par des instances municipales, intermunicipales ou gouvernementales, voire même privées à certains égards. Cette réorganisation ne concerne, bien entendu, que les activités qui ont un caractère métropolitain. Elle suppose la reconnaissance de la métropole comme une entité propre, une entité qui serait responsable d'établir des balises, des orientations et des priorités d'actions favorables à un développement équilibré, harmonieux et durable à l'échelle de la métropole.

Voilà pourquoi le projet de loi n° 92 propose la mise sur pied d'un lieu de rassemblement et de concertation à l'échelle de la métropole pour en arriver à une unité d'action dans le cas de dossiers bien déterminés. La Commission deviendra donc le lieu où des orientations stratégiques seront négociées et où des décisions d'intérêt métropolitain seront prises en fonction d'une vision et d'objectifs métropolitains.

Le projet de loi instaure par ailleurs, de façon innovatrice, un organisme qui pourra aborder les dossiers métropolitains dans une perspective dite horizontale plutôt que strictement sectorielle, et ce, dans le cas des principaux champs d'intervention de la Commission. En d'autres termes, tous les membres de la Commission, peu importe leur champ premier de préoccupation ou leur domaine d'imputabilité immédiate, seront appelés à décider en tenant compte de l'ensemble de la problématique. Il s'agit là d'une approche susceptible aussi de faciliter la cohérence des décisions et l'harmonisation entre les interventions.

Le deuxième élément caractéristique du projet de loi consiste en l'établissement de mécanismes de collaboration entre le gouvernement et la métropole. Ainsi, en plus de créer un cadre institutionnel de concertation propre aux décideurs de la métropole, le projet de loi instaure des mécanismes précis pour faciliter la collaboration entre la métropole et le gouvernement. Je le répète, je crois fermement que des liens de collaboration solides doivent s'établir entre la métropole et le gouvernement.

Concrètement, cela signifie que les ministères et organismes gouvernementaux doivent accorder à la métropole une attention à la mesure de ses besoins particuliers, des responsabilités et du rôle qu'elle assume au Québec. Le projet de loi nécessite aussi une approche d'intervention gouvernementale à la fois cohérente, coordonnée et rationalisée à l'échelle de la métropole.

De façon plus précise encore, le gouvernement s'engage, par le biais du projet de loi, à ce que les ministères et organismes gouvernementaux collaborent étroitement avec la Commission, en particulier dans le cadre de la réalisation de ses mandats de planification. Il faut qu'il en soit ainsi, car les principales responsabilités attribuées à la Commission dans le cadre de ce projet de loi sont en fait des responsabilités qui sont actuellement partagées entre le gouvernement et la Commission, d'où l'importance de travailler en collaboration. Le respect de telles obligations sera facilité du fait que la Commission deviendra l'interlocuteur privilégié du gouvernement dans la métropole. En somme, ces nouvelles façons de faire forgeront une forme de pacte de collaboration entre le gouvernement et la métropole, qui, comme je le présume, comportera de nombreux effets bénéfiques.

Le troisième élément caractéristique du projet de loi n° 92 consiste en l'attribution d'un pouvoir important en matière de planification métropolitaine à la future Commission de développement de la métropole. C'est de toute évidence une première pour la métropole, une responsabilité majeure pour ses décideurs, un changement qui devrait marquer le cours des choses. Les dossiers de développement économique, de transport et d'aménagement du territoire sont particulièrement visés. Ce sont des dossiers structurants qui nécessitent une planification métropolitaine.

Ainsi, la Commission devra-t-elle, en collaboration avec les ministères et organismes concernés, élaborer des orientations et des priorités d'actions stratégiques en développement économique, un cadre métropolitain d'aménagement du territoire et un plan intégré de transport des personnes et des marchandises. Quoi qu'on dise, cette tâche est colossale. La réalisation de ces plans exigera de nombreuses démarches de concertation de même que des efforts soutenus de coordination.

Par ailleurs, les échéanciers sont courts. Ces plans devront en effet être réalisés à peine deux ans après l'adoption du projet de loi. Une fois adoptés par la Commission et approuvés par le gouvernement, ils serviront de cadre de référence, aussi bien à la métropole qu'au gouvernement, pour décider du suivi de dossiers ponctuels et pour baliser les choix à faire relativement à la croissance et au développement de la métropole.

Il est possible d'envisager, à plus ou moins long terme, un pouvoir d'initiative accru en faveur de la Commission relativement, par exemple, à la mise en oeuvre de certaines facettes de ces plans métropolitains. Chose certaine, il est clair qu'à lui seul le pouvoir de planification attribué à la Commission accordera d'ores et déjà à cette dernière une influence considérable. L'exercice de ce pouvoir aura en effet des répercussions sur l'organisation des activités métropolitaines et sur la gestion des services et des infrastructures du même ordre.

En outre, il est indéniable que, si les membres de la Commission élaborent ces plans en concertation, qu'ils travaillent en étroite collaboration avec les ministères concernés et qu'ils tiennent compte des avis de la population quant à leur pertinence, le gouvernement constatera alors sans aucun doute la force de ces consensus et agira en conséquence.

(11 h 40)

Finalement, le quatrième élément caractéristique du projet de loi porte sur la représentation mixte. En insistant sur une approche horizontale plutôt que sectorielle, le projet de loi mise en effet sur l'expertise et l'apport de personnes issues de divers horizons. Voilà pourquoi le projet de loi instaure un mode de représentation qui associe au sein de toutes les instances de la Commission des élus municipaux et des représentants de divers secteurs d'activité. Chaque membre de la Commission aura donc la responsabilité de contribuer pleinement à la relance du développement de la métropole.

Le choix de la représentation mixte s'explique en raison des décisions concernant l'avenir de la métropole, des décisions qui font nécessairement appel à la compétence de plusieurs personnes issues de différents milieux. Les membres de la Commission auront, en outre, la responsabilité de dégager une vision métropolitaine qui devra mobiliser le plus grand nombre de groupes et d'individus dans la métropole. Pour y arriver, les contributions multiples des décideurs constitueront un atout. De même devront-ils tous ensemble faire face, dans le cadre de ce nouvel organisme public, à une obligation de résultat contraignante et à des échéanciers bien déterminés. Il s'agit là d'une obligation partagée, voire morale, pour tous ceux qui veulent faire preuve de leadership et qui ont le pouvoir d'influer sur le cours des choses en faveur de la métropole.

Pour conclure au chapitre des éléments caractéristiques du projet de loi, j'ajouterai ceci. L'approche choisie vise à donner aux décideurs de la métropole, à ce stade-ci de la mise en oeuvre de la Commission, le plus grand pouvoir d'initiative possible, principalement en matière de planification. L'envers de la médaille consiste à donner à ces même décideurs le mandat de définir eux-mêmes la portée éventuelle du pouvoir métropolitain une fois les plans métropolitains adoptés.

Cette approche évolutive me semble sage. Elle a été adoptée ailleurs, dans la plupart des expériences étrangères de gestion métropolitaine. Au fond, elle s'appuie sur un vieux proverbe qui fait ici figure de postulat: Il n'y a que le premier pas qui coûte . Comme nous le savons tous, le plus difficile, en toute chose, c'est de commencer. En somme, ce qui compte, c'est l'engagement pris par le gouvernement afin de créer, par le biais de la Commission, des conditions propices à l'émergence d'une nouvelle culture politique, à la mise en application de nouvelles façons de faire et à une amélioration sensible de la situation au sein de la métropole.

J'aimerais maintenant, M. le Président, aborder quelques dispositions particulières du projet de loi et donner un aperçu des solutions proposées.

En premier lieu, quelques mots concernant le territoire. Le projet de loi reconnaît la Communauté urbaine de Montréal et 11 municipalités régionales de comté, ce qu'on appelle les MRC, comme territoire d'appartenance formant celui de la Commission. Le projet de loi respecte l'intégrité territoriale de ces composantes. Le principe de l'intégrité territoriale des municipalités régionales de comté prend toute son importance dans le contexte actuel des réformes gouvernementales qui font de ces territoires les assises du développement local et de certains services qui seront regroupés, par exemple, en matière d'emploi, d'éducation et de transport. Je signale, en outre, que des analyses sont également en cours au gouvernement afin d'en arriver à simplifier l'offre de services et à réduire le nombre des structures d'intervention des ministères et organismes dans la métropole comme ailleurs.

Dans le cas de la municipalité régionale de comté de Vaudreuil–Soulanges, le projet de loi fait cependant exception. En effet, seulement la partie comprise dans le territoire de la région métropolitaine de recensement fait actuellement partie de celui de la Commission. Nous devrons réfléchir à ce cas particulier à la lumière des représentations qui nous ont été faites par tous les maires de cette municipalité régionale de comté.

Deuxièmement, quelques mots à propos des dispositions relatives à la composition et au mode de fonctionnement. Comme je l'ai déjà souligné, le principe de base en ce qui concerne la composition de la Commission est celui de la mixité de la représentation. La Commission sera composée de 40 membres. Les élus locaux formeront la majorité, soit les deux tiers, tandis que les représentants socioéconomiques occuperont le tiers des sièges.

En outre, le projet de loi propose aussi une formule de représentation proportionnelle pour tenir compte des grands écarts entre les populations des composantes des municipalités régionales de comté et la Communauté urbaine de Montréal. En conséquence, il accorde un représentant par tranche de 150 000 habitants dans le cas des municipalités régionales de comté de Laval et de Champlain, de la ville de Montréal et des autres villes de la Communauté urbaine de Montréal. Au total, parmi les 26 élus municipaux, l'île de Montréal disposera de 13 représentants et les autres parties de 13 représentants également.

Chaque municipalité régionale de comté sera représentée d'office par son préfet. Les maires des villes de Montréal, de Laval et de Longueuil y siégeront aussi d'office de même que la présidente ou le président, éventuellement, du comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal. Les 13 autres membres du conseil, les représentants socioéconomiques, seront choisis par le gouvernement après consultation auprès des groupes concernés: gens d'affaires, syndicats, secteur communautaire, milieux du transport, de l'environnement, de l'agriculture, du tourisme, de la culture, etc.

Étant donné le nombre élevé de membres formant le conseil de la Commission, cette dernière sera dotée d'un comité exécutif composé de huit membres. La présidence sera assumée par le ministre d'État à la Métropole, un rôle qui ne lui permettra pas cependant d'exercer un droit de vote. Le projet de loi prévoit que les deux vice-présidents soient nommés par le gouvernement. Il est possible, toutefois, qu'ils puissent éventuellement être désignés par le conseil de la Commission.

Pour assurer un fonctionnement souple, chaque membre disposera d'une voix, et toutes les décisions seront prises à la majorité des voix. Enfin, pour tenir compte d'avis émis lors des consultations, des modifications mineures pourraient être apportées relativement à la composition et au mode de fonctionnement sans pour autant changer la nature et l'esprit du projet de loi.

Troisièmement. J'aimerais traiter de façon plus détaillée de la question des compétences. Comme je l'ai déjà indiqué, la Commission s'occupera principalement de planification en matière de développement économique, de transport et d'aménagement du territoire. En matière de développement économique, la Commission sera responsable de l'élaboration d'orientations et de priorités d'actions stratégiques d'intérêt métropolitain. Cela comprend la prospection d'investissements et la promotion touristique à l'étranger. La Commission travaillera en collaboration avec le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Elle adoptera ses orientations et ses priorités au cours de l'année 1998, en tenant compte des ententes signées par les conseils régionaux de développement. Elle pourra néanmoins conclure avec le gouvernement une entente-cadre portant sur les orientations et les priorités d'actions stratégiques qu'elle aura elle-même décidé de se donner.

En matière d'aménagement du territoire, la Commission sera responsable de l'élaboration d'un cadre d'aménagement métropolitain en collaboration avec le ministère des Affaires municipales. Au préalable, le ministère des Affaires municipales indiquera à la Commission les orientations gouvernementales en matière d'aménagement pour le territoire de la Commission. Les grands axes de ces orientations ont déjà été dévoilés le 21 février dernier. D'ores et déjà, mon collègue des Affaires municipales a indiqué que son ministère fera preuve d'une grande vigilance afin que l'aménagement dans les municipalités régionales de comté limitrophes se fasse de façon cohérente avec les orientations qui s'appliqueront dans la métropole. La Commission adoptera le cadre d'aménagement après avoir tenu des consultations publiques. Le gouvernement ratifiera le cadre d'aménagement, et le décret indiquera la façon dont ces ministères et organismes seront liés par ce cadre d'aménagement.

En matière de transport, la Commission sera responsable de l'élaboration d'un plan intégré de transport des personnes et des marchandises en collaboration avec le ministère des Transports et l'Agence métropolitaine de transport. Au préalable, le ministre des Transports indiquera à la Commission la politique gouvernementale en matière de transport. La Commission adoptera le plan de transport après avoir mené des consultations publiques. Afin que le plan de transport adopté par la Commission et approuvé par le gouvernement puisse se traduire par des décisions concrètes, il me semblerait opportun d'attribuer à cet organisme un pouvoir d'initiative accru. Ainsi, la Commission pourrait signer des ententes avec le ministère des Transports et l'Agence en vue de l'adoption de mesures ou la réalisation de projets prévus dans le plan de transport.

(11 h 50)

En matière de gestion des déchets, le projet de loi prévoit qu'il s'agit là d'un domaine d'intervention de la Commission. À ce sujet, j'ai reçu beaucoup de commentaires et de propositions qui remettaient presque tous en question la pertinence de ce choix. J'estime, en conséquence, qu'il y aurait lieu d'examiner la possibilité de faire en sorte que l'intervention de la Commission à ce chapitre se réalise à un autre titre que celui de la planification au niveau métropolitain.

En plus des pouvoirs de planification et probablement d'harmonisation que se verra attribuer la Commission, cette dernière disposera également d'un pouvoir de recommandation obligatoire avec un échéancier précis dans quatre domaines en particulier: le premier, les structures municipales, régionales ou gouvernementales en vue de leur simplification; le deuxième, les infrastructures et équipements métropolitains; le troisième, la qualité de l'air et de l'eau; le quatrième, la composition, les pouvoirs et le financement de l'Agence métropolitaine de transport au terme de ses premières années d'exercice dans le cadre du processus d'évaluation déjà prévu dans la loi de cette Agence. En outre, la Commission pourra consulter, être consultée, émettre des avis et faire des recommandations sur toute question qu'elle jugera pertinente. Elle pourra aussi tisser ses propres réseaux de collaboration et coordonner ses propres projets par le biais de son pouvoir de signer des ententes avec d'autres parties.

Voilà ce qui en est des principales dispositions du projet de loi, celles qui ont surtout retenu l'attention des observateurs. J'aurai l'occasion de soumettre, lors de la commission parlementaire qui étudiera en détail chacun des articles de la loi, des modifications inspirées des propositions que nous avons reçues lors de la consultation particulière du mois de mars dernier.

En guise de conclusion, je voudrais rappeler, M. le Président, que le projet de loi n° 92 visant à créer la Commission de développement de la métropole se veut d'abord et avant tout un outil de changement prometteur pour la métropole. L'intervention de mon ministère recoupe incontestablement beaucoup de dossiers importants pour la relance de la métropole. Cependant, je suis d'avis que la mise sur pied de la Commission compte parmi les actions qui seront, à juste titre, les plus déterminantes pour l'avenir de la métropole.

J'invite les membres de l'Assemblée nationale à poursuivre les débats concernant ce projet de loi en pensant surtout à la génération qui va prendre notre relève. Nous nous devons de lui léguer une métropole prospère et attrayante pour tous ses habitants, aussi bien pour ceux qui vivent au centre de l'agglomération que pour ceux qui ont choisi de s'installer dans la banlieue. Quoi qu'on dise, le Québec ne compte qu'une seule métropole à vocation internationale capable de rayonner dans le monde dans plusieurs secteurs d'activité. Elle possède des atouts de taille. C'est tout le Québec, et non seulement les habitants de la métropole, qui bénéficiera des retombées d'une exploitation efficiente du potentiel riche et unique dont elle dispose. Nous devons donc donner à la métropole des moyens à sa mesure. La génération qui va suivre a besoin que nous fassions aujourd'hui preuve d'un leadership éclairé et que nous agissions de façon responsable pour préparer son avenir.

Je recommande, M. le Président, l'adoption du principe du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre d'État à la Métropole. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que, conformément à l'article 100 de notre règlement, nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 22 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 22 de notre rubrique, M. le ministre d'État à la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 148, Loi modifiant la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 148?

M. Ménard: Oui, M. le Président, si je peux trouver mes notes.

Une voix: On va suspendre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, nous pouvons suspendre. Nous suspendons quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

(Reprise à 11 h 57)

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir, Mmes, MM. les députés.


Projet de loi n° 148


Adoption du principe

Nous reprenons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 148. Je suis heureux de reconnaître M. le ministre d'État à la Métropole. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président, de m'avoir donné le temps de retrouver mes notes, qui n'étaient pas loin. Ce projet de loi est beaucoup plus simple que celui que je viens de présenter. Il concerne certains amendements nécessaires à apporter à la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport.

D'abord, une constatation, c'est qu'il y a besoin actuellement de renouveler les équipements de vente et de perception des titres de transport en commun, et cela est reconnu par la majorité des transporteurs de la métropole et, je pense, par les usagers qui constatent probablement que ces équipements de perception datent de plusieurs années, parfois même d'un demi-siècle.

Je pense que tout le monde admettra qu'il y a intérêt, avec les nouvelles technologies qui sont disponibles, d'avoir un système moderne intégré pour le transport dans la métropole. Or, il y a 21 autorités organisatrices de transport – on appelle ça des AOT – sur le territoire de la métropole, 21 organismes pour organiser le transport en commun. Chacune a le pouvoir de choisir les équipements de vente et de perception des titres, de fixer les tarifs, d'émettre une gamme de titres: mensuels, des billets, le comptant, un tarif pour adulte, un tarif pour écolier. Pour bon nombre de ces organismes, ces équipements sont désuets, coûteux à utiliser et trop perméables à la fraude. Cela est particulièrement vrai pour la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, qui est elle-même prête à aller de l'avant avec un projet de renouvellement.

Le projet de renouvellement des équipements représente donc une opportunité de progresser considérablement sur le plan d'une meilleure intégration du transport en commun dans la région parce que les nouvelles technologies nous permettent d'avoir une seule carte qu'on appelle une carte à puce sans contact. Ça veut dire que vous n'êtes pas obligé de faire comme on est obligé de faire au magasin avec votre carte de crédit, de la passer dans un appareil. Vous imaginez, si chacun faisait ça avant d'entrer dans l'autobus, cela ralentirait l'entrée dans les autobus. Mais maintenant on a des cartes très simples qu'il suffit de présenter. Vous entendez un bruit, un léger bruit, le tourniquet tourne, vous pouvez donc passer et votre carte est déduite automatiquement du montant ou encore l'appareil a reconnu que vous êtes détenteur d'une carte mensuelle.

(12 heures)

Donc, on voit que c'est plus simple pour l'utilisateur, que cela permet de mesurer avec précision l'utilisation des différents éléments du réseau, parce que chacun de ces appareils est relié à un ordinateur central ou, à tout le moins, ces données peuvent être versées dans un ordinateur central. Cela permet donc de mieux planifier le réseau. Cela permet ensuite de distribuer plus équitablement l'aide métropolitaine, sachant exactement l'utilisation qui est faite des installations de chacune des 21 autorités organisatrices de transport en commun. Et cela permet d'appliquer une tarification plus souple, mieux adaptée, plus juste. Mais, pour tout cela, il faut qu'il y ait une seule carte qui puisse être utilisée partout sur le territoire. Il faut donc une technologie uniforme sur l'ensemble du réseau.

Avant d'indiquer ce qu'il y a dans le projet de loi pour atteindre cet objectif, je voudrais qu'on comprenne aussi que c'est un projet stratégique pour la métropole parce qu'il y a là une opportunité de bien nous positionner dans un domaine de haute technologie. Regardons l'impact économique d'une seule technologie. D'abord, c'est bon pour Montréal. D'ailleurs, ça avait été un des projets suggérés par le chantier Bérard. C'est bon aussi, parce qu'en y regroupant les 21 organismes pour faire un seul appel d'offres, nécessairement, on va faire des économies d'échelle en ayant un même système pour les 21 autorités. Ce regroupement permet aussi une masse critique: un seul projet, ça vaut mieux que 21 petits projets. D'ailleurs, si on prend le projet dans son ensemble, il s'agit d'un projet qui a été évalué, par l'Agence métropolitaine de transport, à un peu moins de 90 000 000 $. Il est bon parce que cela permet de développer d'autres usages à cette carte à puce sans comptant. Il est bon parce que le développement de cette technologie ici nous permettra ensuite d'exporter notre expertise. Il est donc important pour le gouvernement que le projet aboutisse, autant pour des objectifs de transport que sur le plan des opportunités économiques.

Cela fait deux ans à peu près que le dossier évolue et malheureusement le caractère métropolitain du projet n'est pas garanti par les lois actuelles. Les consensus entre les organisations qui organisent le transport en commun sont fragiles. Il y a des retards qui peuvent s'accumuler. Le projet peut donc être compromis. La prolongation du statu quo actuellement pénalise tout le monde: les administrations qui organisent le transport en commun, les usagers et la performance générale des transports en commun. Si nous avions déjà la carte à puce et tout cet équipement, nous pourrions certainement beaucoup mieux planifier déjà le transport en commun. Nous pourrions mieux redistribuer les sommes que nous voulons allouer au transport en commun entre les différents réseaux.

Il y a donc lieu d'intervenir sur le plan législatif pour clarifier d'abord, baliser et garantir la réalisation d'un projet qui soit métropolitain. Si on laisse chaque autorité qui organise le transport en commun changer son système de perception actuellement, on risque de moins bonnes conditions d'achat, parce que l'offre va être pour moins de services, mais le pire, c'est que l'on risque d'avoir des technologies différentes et incompatibles. Donc, on ne tirera pas les avantages de l'intégration de la carte à puce sur le territoire, de pouvoir intégrer les transports en commun, de pouvoir redistribuer facilement les revenus qui seront perçus lors de la vente de cartes, de pouvoir aussi redistribuer équitablement l'aide gouvernementale au transport en commun.

Pour réaliser un consensus, je pense que l'organisme le mieux placé, c'est l'Agence métropolitaine de transport. Pourquoi? En créant l'Agence métropolitaine de transport, le gouvernement a donné à la métropole un organisme qui a la responsabilité d'apporter la perspective métropolitaine en matière de planification, d'organisation et de financement du transport en commun. Dans le dossier des équipements de vente et de perception, on a l'opportunité de progresser considérablement sur le plan d'une meilleure intégration du transport en commun.

Or, l'organisme qui, par contre, a les moyens les plus importants et les besoins de renouvellement les plus urgents, c'est la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal qui transporte entre 80 % à 85 % de la clientèle du transport en commun dans la région métropolitaine. Mais, si on la laisse décider seule, ce que l'on risque – c'est ce qui arrive souvent – c'est que les autres qui sont moins grosses se méfient du plus gros. On risquerait que d'autres autorités qui organisent le transport en commun ailleurs sur la métropole, en réaction à la décision de la STCUM, fassent d'autres choix de technologie prétendant que la leur est meilleure, qu'ils obtiennent un meilleur prix ou enfin toutes sortes de bonnes raisons qu'ils trouveraient, et même une technologie qui ne serait pas compatible avec la mise en place d'un système métropolitain. Comme ces technologies sont choisies pour longtemps, certaines actuellement – enfin, celles qu'on a – sont instaurées depuis plus de 50 ans, nous verrions que nous perdrions cette occasion d'intégration pour longtemps et tous les avantages qui en découlent.

Par contre, si l'Agence métropolitaine de transport réalise un consensus important dont la plus grosse, la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, devra nécessairement faire partie, elle pourra confier à cette dernière le soin de développer le projet qui aura fait l'objet du consensus. Mais on comprend une chose, c'est qu'il faut qu'il y ait la même technologie chez les 21 autorités organisatrices de transport dans la métropole. C'est pourquoi, si, à un moment donné, on a un consensus important qui est dégagé, mais qu'il y a une ou deux organisations qui ne sont pas d'accord avec, on doit pouvoir l'imposer à tous. On doit pouvoir imposer non seulement la technologie, mais aussi un calendrier réaliste d'implantation.

Il faut donc une loi où l'organisme rassembleur, celui qui est au-dessus des autres, cherche d'abord le consensus. Nous croyons qu'il est mieux placé que le plus gros organisme, parce que les plus gros inspirent toujours la méfiance, parfois. Quand un consensus important est atteint, cet organisme cherche à diminuer ou à comprendre les dernières résistances, mais, si certaines autorités organisatrices de transport sont irréductibles, il peut demander au gouvernement de décréter le consensus qui est atteint dans l'intérêt général. Ensuite, l'Agence métropolitaine de transport pourra mandater l'organisme de transport le mieux placé pour implanter la nouvelle technologie qui a été choisie. Il se pourrait très bien que tout le monde juge que c'est la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal.

Au bout du processus, on aura une carte à puce qui pourra tenir compte de toutes les différences de tarifs qu'on croira bon d'établir, mais qui pourra permettre de les intégrer. Cette carte à puce sera vendue selon les tarifs applicables dans les municipalités où les gens veulent circuler pour leur travail quotidien, par exemple. À l'achat, cette carte à puce sera programmée pour parcourir les trajets, s'ils le veulent, ou encore, si on le décide ainsi, elle donnera accès à l'ensemble du réseau métropolitain, partout, si jamais c'est ce que nous décidons, et nous pourrons le faire parce que nous aurons un système uniforme, une technologie moderne partout sur le territoire. En plus, nous aurons fait des économies d'échelle d'installer un seul système sur tout le territoire métropolitain et, en bonus, nous aurons développé ici une technologie que nous serons capables d'exporter dans le monde, parce que je suis convaincu qu'il y a beaucoup d'autres métropoles qui ont des problèmes semblables et qui verraient les mêmes avantages à utiliser cette technologie.

Voilà donc le premier aspect, le plus important, des modifications que cette loi apporte à la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport. Voilà aussi les explications pour lesquelles c'est l'Agence métropolitaine de transport qui devrait chercher à faire ce consensus; pourquoi, à un certain moment donné, le gouvernement a le pouvoir de décréter qu'une organisation de transport doit se joindre au consensus. Et, finalement, voilà ce qui explique les dispositions qui prévoient que l'Agence métropolitaine de transport pourra déléguer à une autre société de transport le soin de faire les soumissions, de demander les soumissions et, ensuite, de voir à l'implantation progressive de la technologie partout sur le territoire.

(12 h 10)

Le deuxième aspect est mineur, mais important. Il s'agit de clarifier le statut de poursuivante en matière pénale de l'Agence métropolitaine de transport, ce qui ne lui était pas accordé. Il faut rappeler que l'Agence a la responsabilité de la gestion des trains de banlieue dans la métropole. Non seulement elle a son rôle d'organisme, je dirais, supramétropolitain, mais elle organise, elle gère elle-même un réseau de transport particulier qui est celui des trains de banlieue. Elle est donc habilitée à adopter un règlement sur la conduite des passagers sur les trains et dans les différents équipements métropolitains. Toutefois, contrairement aux trois sociétés de transport sur son territoire, l'Agence n'a pas le statut de poursuivante. Quand elle constate une infraction, elle ne peut pas poursuivre elle-même; elle est obligée de passer par le ministère de la Justice, contrairement aux autres sociétés de transport, ce qui occasionne des frais et... enfin, des coûts administratifs dont on pourrait se passer. Elle ne peut donc entamer des procédures pénales à l'encontre des contrevenants à son règlement. Le projet de loi vient régulariser la situation. Il s'agit, au fond, d'une mesure de cohérence et d'efficacité avec les pouvoirs qui sont donnés aux autres sociétés de transport qui gèrent un système de transport en commun. Voilà, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre d'État à la Métropole. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Sur le même sujet, le 15 mai dernier, le ministre d'État à la Métropole déposait en cette Chambre le projet de loi n° 148, Loi modifiant la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport. C'est un projet de loi de quatre articles, simplement, qui visent deux buts: habiliter l'Agence métropolitaine de transport à recevoir mandat des autorités organisatrices de transport en commun, ce qu'on appelle les AOT, afin d'implanter et d'exploiter un système intégré de vente de titres et de perception des recettes de transport en commun; accorder à l'Agence métropolitaine de transport le pouvoir d'intenter une poursuite pénale pour une infraction visée par sa loi constitutive.

Bien qu'à première vue, M. le Président, le projet de loi semble inoffensif et sans répercussions majeures autres que des règles de concordance – c'est ce qu'on pensait, d'ailleurs – il pose, par contre, une série de questionnements quant à son premier objectif qui touche l'article 1. Mais, avant de s'interroger sur sa pertinence, j'aimerais faire un petit retour en arrière et rappeler aux membres de cette Assemblée, et au ministre plus particulièrement, que ce n'est pas sans heurts que s'est mise en place l'Agence métropolitaine de transport. D'ailleurs, le député de Crémazie, ministre des Transports d'alors, doit bien se rappeler cet épisode. Héritant du dossier de son collègue le député de Labelle et actuel président du Conseil du trésor, il avait imposé l'Agence métropolitaine de transport aux élus de la grande région de Montréal. D'ailleurs, il faut se rappeler que le projet de loi 102 avait suscité la colère des élus municipaux. Pour plusieurs d'entre eux, cette loi est une forme de mise en tutelle de Québec sur le transport collectif dans la métropole. Il faut se rappeler la façon cavalière avec laquelle le gouvernement du Parti québécois avait rejeté la proposition de la Table des préfets et des maires du Grand Montréal qui, à cette époque, devait être, selon le ministre responsable du Développement des régions et député de Joliette, l'interlocuteur premier du gouvernement dans tout ce qui touche les dossiers régionaux.

M. le Président, vous me permettrez de vous rappeler qu'à l'occasion de l'adoption du projet de loi 102, Loi instaurant l'Agence métropolitaine de transport, nous avions exprimé notre grande déception face au manque total de réceptivité du gouvernement et à l'imposition aussi du bâillon pour un projet de loi majeur concernant une vaste région avec des considérations financières importantes et devant un consensus unique de la grande majorité des élus de la grande région de Montréal.

Cela dit, je ferai un petit historique afin de revoir les événements d'alors. Le ministre des Transports de l'époque et actuel président du Conseil du trésor avait déposé, le 4 mai 1995, son projet de création d'une agence métropolitaine de transport pour la grande région de Montréal suivi du dépôt d'un projet de loi le 15 juin 1995. Or, avec le dépôt de ce projet de loi, la Table des préfets et des maires du Grand Montréal devait, dans le cadre d'un mandat qui lui était octroyé par le ministre des Transports, déposer une contre-proposition, proposition qui devait faire consensus dans la région. Après quelques mois de discussion, la TPM est arrivée à déposer une proposition le 12 octobre 1995 qui, je tiens à le souligner, était un premier grand consensus métropolitain. Elle proposait la création d'un organisme régional autonome ayant ses propres pouvoirs et ses propres sources de financement. Dans cet esprit, la TPM et le nouveau ministre des Transports et député de Crémazie se sont rencontrés à quelques reprises. Malheureusement pour les élus, M. le Président, la réponse du ministre fut négative et la proposition a reçu pratiquement une fin de non-recevoir. Il a même fallu exiger du ministre qu'il écoute en commission parlementaire les membres de la TPM, mais sans plus. C'est à ce moment, M. le Président, que j'ai mentionné au ministre qu'il venait de rater une belle occasion de laisser place au consensus et de réussir à harmoniser un projet de loi en fonction des priorités de l'État et celles de la grande région de la métropole, de la grande région de Montréal.

Par la suite, l'Agence métropolitaine de transport a mis du temps à se mettre en marche. Elle a vu le jour le 15 décembre 1995, mais l'équipe de direction ne fut pas en place avant l'été 1996. Et voilà, M. le Président, toujours dans le dossier de l'AMT, le ministre d'État à la Métropole décide à son tour de renier le consensus des élus de Montréal en refusant la nomination de M. Yves Ryan, maire de Montréal-Nord, à titre de représentant au conseil d'administration de l'Agence. C'est alors qu'une guerre ouverte débutait entre le ministre et les élus de la Communauté urbaine de Montréal. Le président de la Conférence des maires de banlieue de Montréal écrivait au ministre d'État à la Métropole, le 7 mai 1996, et je le cite: «Une telle décision de votre part apparaît contradictoire avec le contexte et le climat de collaboration et de coopération que vous cherchez à établir présentement avec les autorités locales et l'ensemble du milieu. Plus encore, une telle décision laisse présager de sérieuses difficultés de démarrage de la nouvelle Agence ainsi que le développement potentiel de rapports de méfiance entre les représentants de l'AMT, les responsables de l'autorité organisatrice de transport et les élus locaux ainsi que les citoyens qu'ils représentent.»

Finalement, à la fin de nombreuses tractations et d'échanges d'avis juridiques, le ministre a fini par comprendre et céder, en laissant par ailleurs certains effets mentionnés précédemment. Cela étant réglé, M. le Président, l'Agence, qui finit par se mettre en place, présente en décembre 1996 son budget 1997 et produit récemment, pour consultation, son plan stratégique de développement du transport métropolitain.

Autre tuile, M. le Président, les élus du Grand Montréal se demandent s'il ne serait pas préférable de retarder cette consultation afin de terminer préalablement les discussions du pelletage de 500 000 000 $ du ministre Trudel, c'est-à-dire du ministre des Affaires municipales, et la mise en place, de préférence après ces discussions, de la Commission de développement de la métropole qui, elle aussi, est chargée de procéder à des consultations pour revoir l'ensemble du transport sur le territoire métropolitain.

À cet égard, M. le Président, je rappellerai que l'Agence métropolitaine de transport a pour mission d'améliorer l'efficacité des déplacements des personnes dans la métropole en favorisant l'utilisation du transport en commun. Elle doit donc voir à la planification, à la coordination, à l'intégration et à la promotion des services de transport collectif ainsi qu'à l'amélioration de l'efficacité des routes qui ont une envergure métropolitaine. D'autre part, le plan stratégique que la loi lui imposait de présenter doit prévoir une perspective de développement du transport métropolitain, incluant les services spéciaux de transport pour les personnes handicapées sur une période de 10 ans. Le plan déposé correspond à 1 995 000 000 $.

Cela dit, M. le Président, nous devons constater que tout ce qui regarde l'Agence métropolitaine de transport finit par causer des difficultés ou nécessiter des interventions pour rétablir les faits ou permettre à certains d'intervenir. En effet, comme je le mentionnais, le dépôt du projet de loi n° 148, Loi modifiant la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport, semblait au départ, M. le Président, très inoffensif jusqu'à ce que l'on s'enquière des commentaires de certains intervenants touchés par le projet de loi.

On doit aussi spécifier, M. le Président, que, si nous n'avions pas été consulter les intervenants, soit la CUM, soit la ville de Laval, soit les AOT, c'est-à-dire les agences organisatrices de transport, celles-ci n'étaient pas au courant du dépôt du projet de loi. Nous leur avons appris et nous leur avons demandé de nous donner aussi leurs commentaires en fonction d'une étude constructive mais d'une étude éclairée de ces quatres articles de projet de loi que nous considérions comme des projets de loi d'abord et avant tout aussi de concordance. Voilà, M. le Président, que les autorités organisatrices de transport consultées, comme je vous dis, n'étaient pas au courant. Maintenant, certains ont pu voir l'avant-projet de loi, mais personne n'avait pu lui apporter, aussi, quelque modification que ce soit. Il semblerait même que l'Agence métropolitaine de transport ne prenne pas la responsabilité du dépôt de ce projet de loi. Alors, on va le regarder ensemble de plus près, M. le Président.

(12 h 20)

Dans le cadre de la présentation de ce projet de loi, les autorités organisatrices de transport en commun n'ont pas été consultées, comme je le disais tantôt, alors qu'il est question de modifier certains de leurs pouvoirs dans le dossier ventes et perception. À la lecture de l'article premier introduisant l'article 21.1, on peut comprendre que les AOT puissent déléguer, en tout ou en partie, leurs pouvoirs pour l'acquisition et l'implantation d'un tel système ou encore donner à l'Agence métropolitaine de transport des pouvoirs de gestion et d'entretien du système, la gestion des données, la fabrication, l'impression, la distribution et la commercialisation de tout titre de transport en commun, la répartition des recettes métropolitaines et locales, ainsi que les modalités de financement et de paiement de tous les biens et services visés au mandat. Le dernier alinéa de cet article 21.1 permettrait à l'AMT de déléguer tout ou partie du mandat à la STCUM et aussi de confier des tâches à certaines AOT, et ce, à titre gratuit, bien évidemment.

Pour sa part, l'article 21.2 créé par l'article 1 de ce projet de loi permettra au gouvernement de décréter qu'une ou plusieurs autorités organisatrices de transport en commun désignées ont mandaté l'AMT pour agir dans le dossier ventes et perception. Dès l'adoption du décret, une AOT désignée ne peut agir qu'en conformité dudit décret. À ce sujet, il faut rappeler que l'Agence métropolitaine de transport invitait, en janvier 1997, l'ensemble des AOT à la mandater pour la poursuite de ce dossier. À cet égard, la STCUM a adopté une résolution, le 12 février 1997, invitant l'AMT ainsi que toutes les AOT intéressées à se joindre à la STCUM pour la définition et l'acquisition d'un tel système. Devant l'impasse créée par l'adoption de cette résolution qui confirmait l'expertise développée par la STCUM en cette matière, l'AMT et les AOT sont à discuter d'une proposition visant à dénouer cette problématique.

Autrement dit, M. le Président, les articles 21.1 à 21.3, insérés au chapitre II de la loi intitulé Mission et pouvoirs de l'AMT, visent la conception, l'implantation, l'exploitation d'un système intégré de vente de titres et de perception des recettes de transport en commun. À cette fin, le projet de loi habilite l'AMT à recevoir mandat, à titre gratuit, des autorités organisatrices de transport, essentiellement la STCUM, la STL, la STRSM. Il est important de rappeler que selon l'article 21.2, même si les AOT ne donnent pas un tel mandat à l'AMT, le gouvernement peut décréter qu'elles sont réputées l'avoir fait. C'est alors le gouvernement qui préciserait le contenu du mandat.

Par ailleurs, comme je le mentionnais, le dernier alinéa de l'article 21.1 prévoit que l'Agence métropolitaine de transport peut déléguer ce mandat à titre gratuit à la STCUM. Elle peut également confier les tâches qu'elle détermine aux autorités organisatrices de transport qu'elle indique.

Pour la Communauté urbaine de Montréal, il est important de mentionner qu'il faut être prudent quant à la répartition des coûts que ce système peut impliquer. À la lecture des alinéas 1° à 6° de l'article 21.1, on comprend que ce mandat peut impliquer des dépenses importantes: acquisition de logiciels spécialisés et d'équipements, gestion et entretien du système intégré, par exemple. Parmi ces alinéas, seul l'alinéa 6° traite des aspects financiers du mandat et il ne touche que les modalités de financement et de paiement de tous les biens et services visés au mandat, y compris les coûts et les frais de préparation d'appels d'offres.

Il faut donc présumer, M. le Président, que les dépenses seront réparties dans le cadre du financement de l'AMT prévu par la loi. À cet égard, une série de questions se posent et, dans ce contexte, méritent que nous puissions en discuter et en débattre avec les autorités compétentes.

Si c'est l'AMT qui assume elle-même le mandat prévu à l'article 21.1, comment seront répartis les coûts encourus par elle pour l'exécution de ce mandat? En effet, même si ce mandat est à titre gratuit, l'article 21.1 prévoit que l'AMT est autorisée à contracter avec toute autre personne et toute société selon les règles qui la régissent. Ces dépenses, dont on peut présumer qu'elles seront majeures, augmenteront nécessairement la part à payer par les AOT. Ce nouveau système sera-t-il équitable en termes de répartition des coûts? Est-il nécessaire que l'AMT se donne ce nouveau mandat qui risque d'enlever un pouvoir de contrôle des dépenses pour les AOT?

D'autre part, si l'AMT délègue ce mandat, en tout ou en partie, à la STCUM, ce sera également à titre gratuit. Or, selon la formulation actuelle du projet de loi, on comprend que la STCUM n'aurait pas le choix d'accepter ou de refuser cette délégation. Est-ce la STCUM qui ferait les frais d'un service rendu au bénéfice de l'ensemble de la métropole?

Enfin, pour la STCUM en particulier l'adoption d'un décret, tel que mentionné à l'article 21.2, pose de nombreux problèmes. Un tel décret aurait-il pour effet de permettre au gouvernement d'annuler la résolution adoptée par la STCUM le 12 février 1997? Dans l'affirmative, la STCUM serait-elle alors empêchée d'aller de l'avant avec son projet de vente et de perception, lequel avait été initié il y a déjà plusieurs années et pour lequel elle avait dépensé une grande somme d'argent, une grande somme de son budget?

Aussi, un décret obligeant la STCUM à implanter un tel système reviendrait à la mettre en tutelle. Or, comme vous pouvez le constater, M. le Président, le projet de loi n° 148 apporte une série de questions qui méritent des réponses et qui méritent d'être clarifiées par les autorités organisatrices de transport en commun concernées et les organismes impliqués. Compte tenu des enjeux majeurs qui résulteraient de l'adoption de cet article 1 pour les AOT et comme elles n'ont pu se faire entendre sur les modifications proposées ou n'ont pu soumettre des commentaires, je demande au ministre d'État à la Métropole de procéder à des consultations en commission parlementaire.

Par ailleurs, les articles 2 et 3 ne semblent pas causer de problème. La loi sur l'AMT contient déjà des dispositions pénales aux articles 96 à 99. Les modifications ne viennent que préciser et clarifier les mécanismes pour intenter ces poursuites pénales. La seule clarification à y apporter concerne leur entrée en vigueur. En effet, l'article 4 du projet de loi n° 148 prévoit qu'il entrera en vigueur à la date de sa sanction, sauf pour l'article 3 dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er septembre 1997.

Alors, M. le Président, en terminant, ce que nous demandons, c'est qu'en commission parlementaire nous entendions les principaux intervenants qui, eux ou elles, puisqu'on parle des agences organisatrices de transport, veulent se faire entendre puisque, si certaines ont vu brièvement le projet de loi, d'autres n'étaient pas au courant ou encore n'ont jamais pu faire connaître et valoir leur position par rapport aux implications de cet article 1 sur leur propre fonctionnement. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous allons céder maintenant la parole, toujours sur l'adoption du principe du projet de loi n° 148, au député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Ma collègue vient de faire un bref rappel historique de l'héritage qu'a eu le ministre responsable du dossier de la Métropole. En effet, la création de l'Agence avait été confiée, on s'en souviendra, à celui qui, à l'époque, était ministre des Transports, il en avait hérité suite au remaniement ministériel, il était devenu ministre des Transports, le député de Crémazie. C'était, disait-il, une pièce majeure, une pièce envers laquelle l'ensemble des intervenants de la grande région s'étaient fortement impliqués.

On se souviendra, et j'espère que le ministre qui hérite de ce gâchis-là en tient compte, que le gouvernement avait décidé le 15 décembre d'utiliser le bâillon. Non seulement bâillonnait-il les représentations de l'opposition, dans ce dossier-là, mais également la quasi-totalité des maires des rives nord et sud et même certains de l'île de Montréal. Il semblait que c'était – et on se souvient – invoqué en décembre à cause de l'urgence. Ah! c'était une priorité, c'était primordial et il le fallait.

Évidemment, ceux qui suivaient le dossier savaient très bien que le seul aspect urgent qui existait dans ce dossier, c'était, à compter du 1er janvier suivant, donc dans les 15 ou 16 jours qui suivaient le bâillon, l'entrée en vigueur de la taxe de 0,01 $ sur le litre d'essence. Ça, ça pressait, il fallait commencer à collecter les gens dans la région de Montréal. Ça, ils ont compris que, pour se faire collecter, ça pressait. L'implication de leurs représentants élus, dans ce dossier-là, ne semblait pas une priorité pour le gouvernement.

(12 h 30)

Alors, on hérite du projet de loi, à l'heure actuelle et, là, on apprend que les gens en nombre important impliqués dans ce dossier-là n'ont même pas été informés.

Alors, quand j'écoute ces propos, j'en viens à la conclusion: Pourquoi le ministre a-t-il choisi ce mode de fonctionnement? Pourquoi a-t-il choisi de placer les élus ou un nombre d'entre eux devant un fait accompli? Qu'est-ce qui presse de cette façon-là? Je me souviens, à l'époque, lors de la création de son ministère, que le ministre, en cette Chambre – je l'avais écouté – avait dit: À l'époque, on avait dit que je pourrais avoir un droit de veto sur les choses qui étaient impliquées dans la région de Montréal. Il a dit: Non, j'ai préféré fonctionner par consensus, par collégialité avec l'ensemble de mes collègues.

Je vous jure qu'à date, si quelqu'un a à faire son bulletin par rapport à la façon dont qui a convaincu qui dans le dossier qui implique la région de Montréal, le ministre ne serait pas bien, bien fier de ce résultat-là. Il semble qu'à chaque fois qu'il y a des débats dans le dossier qui le préoccupe il n'est jamais loin, il est deuxième. Ce n'est pas loin, c'est tout de suite après le premier. C'est peut-être une façon de se consoler. Je le vois sourire en écoutant ça. Mais ce n'est pas bien, bien flatteur pour les gens qui, dans la grande région, avaient confiance que ce ministre-là vraiment défendrait les intérêts de la grande région de Montréal.

Je l'entendais tantôt nous décrire, M. le Président, la nouvelle technologie qui a à être mise en application. Mais, M. le Président, c'est un débat qui, par l'entremise du ministère des Transports, responsabilité que j'ai occupée une période de temps... C'est un domaine dans lequel l'évolution technologique se fait tellement rapidement. Le ministre nous parle de carte à puce, bien sûr. Mais, dans ce domaine-là, on le sait, ça change constamment. Donc, avant de prendre une décision dont l'implication, la mise en vigueur non seulement coûte des sommes importantes d'argent, mais devient un choix technologique avec lequel on va vivre pendant de nombreuses années, il me semble qu'il est important que les gens qui auront à vivre avec un système comme celui-là aient à mettre leur contribution. Les gens de la grande région de Montréal ont fait des démarches dans ce domaine-là. Je suis convaincu que des gens de la rive sud pourraient faire valoir qu'eux aussi ont certaines connaissances. Qu'est-ce qui serait mieux?

Il me semble qu'on décide, dans ce projet de loi là, que, finalement, et ça, ça me semble la toile de fond qui guide le ministre dans l'ensemble de ses interventions dans ce dossier-là... Il y a des gens qui, dans son entourage, l'ont convaincu qu'il n'y aura pas moyen, pensent-ils, que les gens de la grande région s'entendent. Et ça, là, on remonte à la création de l'Agence métropolitaine, la création du ministère de la région de la métropole, de la Commission de développement. À chaque fois, ce qu'est la toile de fond du mode de fonctionnement du ministre, il a acquis la certitude, la conviction... Les gens de son entourage lui ont dit: Ce monde-là, ils ne s'entendront jamais, donc allons-y; nous savons, nous, ce qu'il y a de bon pour eux.

Et ça, M. le Président, je vous avoue que les gens, dans la région de Montréal comme dans l'ensemble du Québec, au niveau municipal, ont le sentiment que là ça s'applique à chaque fois qu'il est question des villes, à chaque fois, dans notre région, qu'il est question du mode de transport. Il y a des gens qui ont décidé ce qui était notre bien et ils agissent pour l'avoir. Parce qu'on ne se reconnaît plus. Nos représentants, nos intervenants, il semble qu'ils n'ont droit qu'à recevoir les factures. On les informe de ce que ça va coûter, mais ils sont incapables de prendre les décisions. Il semble que ça, c'est l'orientation de ce ministre-là.

Et lui qui a une formation de droit, qui a défendu des gens n'accepterait aucunement que des gens qui ont à subir les décisions, qui ont à recevoir les factures, qui ont à recevoir le pelletage que le ministre des Affaires municipales... tout ça en même temps, n'aient pas un mot à dire: Et voici, je sais ce qu'il y a de bien pour vous autres, nous, on le sait, voici ce qu'est le projet de loi.

Il me semble que le ministre aurait eu intérêt, ne serait-ce que pour valoriser la responsabilité qui est la sienne, à impliquer ces gens-là. Ils l'ont appris... Il m'indique que ce n'est pas vrai. Ah! j'espère qu'il profitera de l'occasion pour nous le démontrer. Les gens disent qu'ils viennent de l'apprendre, l'aspect de l'article 1. Ma collègue, tantôt, en a fait la démonstration. Il me semble que le ministre, pour valoriser la responsabilité qui est la sienne, aurait intérêt à ce que ces gens-là se sentent impliqués dans le processus. Mais non! Le ministre semble avoir pris la décision que, comme ces gens-là ne seront jamais capables de s'entendre, et là il en fait la liste, 21 organismes, tant de... Finalement, voyez-vous que ce monde-là ne pourra jamais s'entendre; nous, on le sait ce qu'il y a de bon pour eux autres. Et ça, M. le Président, ça n'honore pas le ministre qui a la responsabilité de défendre les intérêts de la métropole. Je serais même tenté de lui dire que, s'il était le président du Comité de la capitale plutôt que de la métropole, il aurait probablement plus de support pour son dossier.

Je sais que c'est difficile, la responsabilité qu'il a. Mais il me semble que les premiers gestes qui sont les siens... C'est là qu'on fait notre marque. C'est quand il a l'avantage, je crois, de la création d'un ministère. Il est le premier qui hérite de cette responsabilité-là. Il a, à mon avis, l'obligation d'y mettre son imprimatur personnel, que les gens de la région sentent que non seulement ils sont consultés, mais que des efforts sont faits pour qu'il se dégage des consensus.

C'est eux qui vont hériter de la facture et qui vont hériter des décisions. Une fois que la décision aura été prise du type de technologie, par exemple, pour la perception du mode de transport, c'est un système avec lequel il faudra qu'on fonctionne pendant de nombreuses années. Ce n'est pas quelque chose qu'on pourra revoir aux six mois ou à l'année, donc ça demande des implications importantes. Alors, le ministre, il me semble qu'il a intérêt à se trouver des alliés dans le milieu, des gens qui, une fois que la décision aura été prise, diront: Oui, on a été consultés, oui, on a participé, oui, on a pu... Mais le ministre semble préférer ou privilégier l'autre formule, et ça, c'est loin d'être à l'honneur de celui qui a accepté la responsabilité de défendre les intérêts de la région métropolitaine.

Alors, j'espère que le ministre acceptera d'entendre des gens qui le souhaitent; ça me semble important, M. le Président. Et, lorsqu'ils seront face à face, il sera intéressant pour nous de constater si la réaction du ministre à mes propos, qui me dit: Ils ont été consultés, et les informations qui nous sont fournies, à savoir que certains viennent de l'apprendre ou avaient été très partiellement informés mais que, dans certains cas, l'article 1, pour eux, représente une surprise de taille... Il sera intéressant pour nous, M. le Président, d'entendre les réactions des uns et des autres pour qu'ensemble on puisse travailler et voir s'il est possible non seulement de créer un climat d'harmonie nécessaire dans la grande région de Montréal, mais de convaincre le ministre que, chaque fois qu'il aura des décisions à prendre pour la région de Montréal, au lieu de considérer certains de ses partenaires comme des ennemis, s'il les traitait comme partenaires, ça faciliterait l'ensemble du travail d'élus que nous avons à faire. Merci, M. le Président.

(12 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 148? M. le ministre, vous avez droit à une réplique de 20 minutes.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: Je ne prendrai pas tout ce temps pour dire que je suis informé, d'abord, que mon personnel avait contacté les principales sociétés de transport pour les informer du projet de loi. C'est un projet de loi qui est très simple et qui vise un bien dont tout le monde devrait être conscient.

Quelle est l'urgence? L'urgence c'est qu'actuellement il y a des sociétés de transport qui commencent sérieusement à entreprendre des démarches pour changer leurs équipements de perception. Vous avez compris, des explications que je vous ai données, qu'à partir du moment où on laisse faire ça aux sociétés de transport de façon indépendante elles risquent de choisir des technologies incompatibles, et là on perd l'occasion pour 10, 20, 30 ans peut-être d'avoir une technologie qui est compatible et dont on pourrait tirer toutes sortes d'avantages, dont la connaissance exacte des déplacements des gens, un système bien plus simple à utiliser pour les utilisateurs parce qu'il n'y aurait sur tout le territoire de la métropole qu'une seule carte à puce qui, elle, pourrait contenir tous les tarifs que l'on pourrait imposer, toutes ses variations. Enfin, je pense que tout le monde est convaincu de la nécessité d'avoir un projet unique.

Ce qui nous a amenés à demander les amendements que nous demandons actuellement, c'est quand on s'est aperçus qu'effectivement la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal – et c'est compréhensible – qui est la plus importante, s'était mise à agir en faisant croire à d'autres sociétés de transport qu'elle allait leur imposer ses choix. D'un autre côté, nous cherchions à régler ça par la conciliation. L'Agence métropolitaine de transport cherchait vraiment à démontrer qu'elle pouvait obtenir un consensus assez large.

Vous savez, ça arrive tellement souvent sur le territoire de la métropole. On a beau obtenir des fois des consensus à 90 %, mais il y a un 10 % qui, à un moment donné, commence à chercher... Il y a toujours moyen de trouver son avantage à sortir d'une entente commune qui serait à l'avantage de tous. On s'est aperçu que le consensus serait plus facile à obtenir si les gens sentaient que l'Agence métropolitaine de transport et le gouvernement avaient les moyens légaux – après une période de consultation adéquate, une recherche de consensus, après un temps raisonnable – de pouvoir imposer à certaines parties le consensus obtenu de la majorité.

Deuxièmement, je pense aussi, en tout respect pour les excellentes intentions de la Société de transport de la Communauté urbaine, la plus grosse, et qui par conséquent est celle qui a le plus de moyens et qui nécessairement va gérer le mieux, que, s'ils sentent que l'Agence métropolitaine de transport a ces pouvoirs, ils vont être plus ouverts aux représentations des autres sociétés de transport qui ne demanderaient pas mieux que d'installer une technologie compatible avec celle de Montréal et qu'elle pourrait donner cette impression de mieux les consulter, de mieux tenir compte de leurs opinions.

Alors, ce processus de le confier à l'Agence métropolitaine de transport, le devoir légal, la possibilité légale de choisir le système, de le déléguer aussi, nous a paru dans les circonstances être ce qui amènerait avec le plus de certitude un consensus général.

Alors, ce n'est pas une loi, tout en étant essentielle, qui est extrêmement importante et sûrement c'en est une qui n'est pas très compliquée. Justement, elle laisse ouvertes toutes les possibilités. Très clairement, nous avons rédigé la loi pour que ce soit clair dans la loi que la première démarche soit une démarche de consensus, une démarche de recherche d'un consensus, et, ensuite, que nous puissions déléguer. Alors, je ne vois pas la nécessité d'utiliser un temps précieux à demander aux gens s'ils sont d'accord avec la maternité et la tarte aux pommes, pour la vertu et contre le vice. Ha, ha, ha! C'est peut-être un peu pour ça que les consultations privées que nous avons faites nous apparaissaient suffisantes.

Si les gens le demandaient eux-mêmes, moi, je pense qu'ils pourraient exposer leur... là, on pourrait voir. Pour le moment, ils n'ont pas adressé de telles demandes, puis nous avons tenu des discussions, de toute façon, avec les sociétés de transport les plus importantes. Je suis convaincu que, sur un sujet aussi restreint, elles sont capables de nous exposer leur opinion en cinq à 10 minutes, au téléphone ou peut-être même le temps d'un dîner, si elles y tiennent, et que ce serait suffisant. L'attitude que j'ai eue dans la façon dont j'ai géré les dossiers sur l'Agence métropolitaine de transport en est le meilleur garant. Là-dessus, c'est pour ça que ça me...

Je peux vous montrer ou corriger un peu quand vous parliez de l'affaire Ryan et de la guerre ouverte qu'il y a eu entre le ministre et les élus locaux. Voyons donc, ce n'est pas une guerre ouverte. Je n'ai voulu imposer personne. Au contraire, on me suggère M. Ryan, et je reçois l'avertissement de certains avocats qui m'entourent de bien faire attention, que, même si ce n'est pas évident pour moi et pour d'autres qui liraient la loi, M. Ryan serait peut-être placé en conflit d'intérêts en tant que responsable d'une société de transport qui siégerait au conseil d'administration de l'Agence métropolitaine de transport, laquelle doit parfois partager des sommes entre la société de transport dont il est le président puis d'autres sociétés de transport.

On me dit: La loi l'oblige à agir dans le meilleur intérêt de la société de transport qu'il représente et la loi définit ça comme un intérêt personnel. Alors, je me dis: Hop! Ma première idée, c'est un peu comme celle de M. Ryan, c'est que non, il s'agit d'un intérêt institutionnel. Mais je demande des opinions légales. Les premières que je reçois me confirment qu'il serait en situation de conflit d'intérêts, et il le serait tellement souvent, donc il devrait ne pas siéger dans ces cas-là, que son rôle ne serait pas utile.

Alors, je dis: Mon Dieu! trouvez donc quelqu'un qui est aussi représentatif que M. Ryan. M. Ryan est une grande personne dont l'honnêteté, d'ailleurs, est absolument exemplaire et l'expérience remarquable à Montréal, mais il y a aussi d'autres personnes honnêtes et d'une très grande expérience, quoique ce soit un des plus expérimentés des élus locaux, qui pourraient représenter adéquatement nos intérêts sur l'Agence métropolitaine de transport. Alors, on me dit: Non, on en fait une question de principe. Bon, bien, j'ai dit: Si vous en faites une question de principe, envoyez-moi vos opinions légales. Je les reçois. Alors, là, j'ai des opinions légales contradictoires.

Qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là? Je ne suis pas pour jouer le rôle de juge. D'abord, je n'ai pas l'expérience dans ce domaine-là; j'en ai dans d'autres. Puis, deuxièmement, je n'ai pas le temps qu'un juge pourrait mettre sur cette question. Alors, je dis: Le plus indépendant, ce serait le ministère de la Justice. Je lui demande une opinion. Il requiert les services, paraît-il, d'un avocat plus expérimenté en matière de droit administratif qui donne l'opinion que, oui, il serait en conflit d'intérêts.

Mais là les gens me reviennent: Non, votre opinion n'est pas bonne. Bon, j'ai dit: Écoutez, y «a-tu» moyen de s'entendre? On dit: Oui, il y a moyen de s'entendre. On devrait soumettre ça à la cour. J'ai dit: Vous savez, les cours, c'est long, des fois. On dit: Non, ça pourrait être vite. Bon, j'ai dit: Je veux bien prendre la chance. Et là, alors que j'avais les pouvoirs de nommer quelqu'un différent de M. Ryan, j'attends. J'attends parce que je les respecte, j'attends parce que j'ai l'intention de tenir compte de leur opinion, même si je n'y suis pas obligé, et j'attends avec leur consentement. Je ne remplis pas le titre. Et, quand l'opinion de la cour arrive, confirmant ma première opinion qui était qu'il n'était pas en conflit d'intérêts, eh bien, alors là, je ne cède pas, n'est-ce pas, j'obéis à la cour, je vais dans le sens de la cour. Cette expérience m'a démontré la sagesse de cette phrase de Bernardin de Saint-Pierre: «Méfiez-vous de votre première opinion, c'est souvent la meilleure». Ha, ha, ha!

Alors, il n'y a pas eu de guerre puis il n'y a pas eu de cédage; il y a eu au contraire une attitude qui démontrait ma compréhension, qui fait que j'avais réalisé dans quel climat l'Agence métropolitaine de transport avait été mise sur pied. Mais je vous rappelle qu'il y a des raisons à ça, et les raisons à ça, c'est que l'organisme qui gérait le transport en commun à Montréal était incapable de le faire à cause des chicanes internes qu'il y avait entre les élus locaux. Donc, c'était la conviction du gouvernement qu'il devait y avoir un conseil d'administration qui fonctionnerait, et c'est ce que nous avons obtenu depuis ce temps-là.

Je vous ai expliqué ce qui presse, c'est tout. Donc, comme je vous dis, si je sens que les organisations de transport en commun sur le territoire de la métropole tiennent absolument à être entendues dans un contexte formaliste, bien, qu'on y prenne le temps peut-être, mais je trouve très sérieusement que, étant donné les bienfaits évidents pour ces organisations d'un projet de loi semblable, les suggestions qu'elles peuvent nous faire, elles peuvent nous les faire dans un contexte moins formaliste, plus rapide, moins coûteux pour tout le monde et aussi efficace. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 148, Loi modifiant la Loi sur l'Agence métropolitaine de transport, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

(12 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Compte tenu de l'heure, je vous demanderais de bien vouloir suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons reprendre nos débats aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer le menu, s'il vous plaît.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, avec joie et empressement. Article 4, s'il vous plaît, M. le Président.


Projet de loi n° 92


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 4, nous reprenons le débat qui était ajourné cet avant-midi, débat sur la proposition du ministre d'État à la Métropole proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. Et je serais prêt à céder la parole. M. le député de Verdun, s'il vous plaît.

M. Gautrin: M. le Président, je compte rapidement. A-t-on quorum?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vérifie rapidement. Il en manque deux. Alors, c'est bien 13. Alors, nous sommes 11. Alors, nous allons suspendre pour quelques instants. Alors, il n'en manque qu'un. S'il vous plaît, s'il vous plaît! Alors, appelez donc... Nous allons suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons reprendre nos travaux, et je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Le 29 janvier 1996, le premier ministre du Québec, à l'occasion de la nomination de son Conseil des ministres, accorda un court passage de son allocution à la métropole. Non dénudé de sens, il nous laissait croire à tous que le Parti québécois avait une petite pensée pour le coeur économique du Québec. Il disait, et je le cite: «Montréal et sa région métropolitaine présentent un cas à part. La démographie montréalaise, la complexité de son tissu de villes et de banlieues, son rôle économique et culturel, l'ampleur des problèmes qui l'assaillent démontrent amplement que le Montréal métropolitain doit être doté d'un levier politique à sa mesure. Le nouveau ministre responsable de la région métropolitaine de Montréal aura le mandat de promouvoir la métropole dans la définition d'actions gouvernementales spécifiques et dans la concertation des initiatives venant du milieu montréalais.» Fin de la citation.

Du même souffle, le premier ministre nous annonçait que, devant l'urgence d'agir, le ministre de la Métropole devait déposer au plus tard en juin 1996 un projet de loi instituant la nouvelle Commission de développement de la métropole qui, toujours selon le premier ministre – et je le cite encore – «exercera elle-même d'importantes responsabilités de promotion économique et sera chargée de conseiller le gouvernement en matière d'aménagement du territoire métropolitain, de transport, de culture, d'équipement et en toute matière affectant la métropole». Fin de la citation. C'est à ce moment que l'aventure du nouveau ministère de la Métropole et de son ministre débuta, et, devant tels propos, nous croyions sincèrement que l'urgence d'agir allait être un facteur prédominant de cette nouvelle fonction. Eh bien, M. le Président, la création du ministère a occupé le ministre tout le printemps 1996. La Commission de développement de la métropole ne verra vraisemblablement pas le jour avant l'automne 1997 et, pour le moment, dans des conditions que nous ne pouvons définir. Et le plan de redressement de la métropole, promis en septembre 1996 pour mars 1997 par le ministre, n'est toujours pas connu.

Bien sûr, le ministre me dira que j'ai omis de parler du Sommet sur le devenir social et économique du Québec de même que de son Fonds de développement de la métropole. Eh bien, si je ne l'ai pas fait, c'est que je considère que cet événement et ce fonds ne justifiaient pas la création d'une imposante structure, avec plus de 75 employés, 17 personnes au cabinet ministériel et un budget d'opération de plus de 8 000 000 $, selon les crédits annoncés.

M. le Président, vous me permettrez de rappeler au ministre que, lorsque nous avons créé le Comité ministériel permanent de développement du Grand Montréal, nous n'avons pas eu besoin de grands discours pour le faire ni de passer à l'Assemblée nationale pour faire adopter un projet de loi qui tient compte beaucoup plus de l'intention que de la volonté. Nous avons toujours été favorables à une action concertée et efficace. C'est pourquoi le Comité ministériel permanent et son secrétariat relevaient du Conseil exécutif et consultaient aussi le milieu. D'ailleurs, le plan stratégique du Grand Montréal, à l'intérieur duquel Innovatech a été créée, en est le fruit. Nous n'avons pas abouti à ce plan suite à une série d'intentions et de voeux pieux; on a agi pour la métropole, M. le Président, et le slogan Agir pour la métropole , appartenant au ministre de la Métropole, il semble qu'il nous sied mieux à nous, avec rétrospective, qu'il ne lui sied à lui présentement. D'ailleurs, juste pour faire une comparaison, notre formule proposait une équipe ministérielle de huit ministres appuyée par une véritable équipe légère de 19 personnes. Aujourd'hui, nous avons un seul ministre et plus de 75 personnes à son service, pour un coût de fonctionnement de plus de 8 000 000 $, comme je le disais tantôt.

Comme je vous le mentionnais précédemment, nous avons cru à un certain moment à une volonté de ce gouvernement et souhaité d'ailleurs que le ministre d'État à la Métropole s'assure du développement social et économique de la métropole. Malheureusement, très peu ont accueilli favorablement le projet de loi créant le ministère tel que proposé par le ministre. Cette loi, la loi du ministère, énonce que le ministre a pour mission de susciter et de soutenir l'essor de Montréal en relation avec les ministres concernés. À l'égard de la métropole, il doit agir comme catalyseur, rassembleur et facilitateur aussi, faciliter la concertation. En fait, il devait être le conseiller du gouvernement sur toute question relative à la métropole.

(15 h 10)

Dans les faits, M. le Président, la façon dont est constituée cette loi nous confirme qu'il s'agit ni plus ni moins que la mise en place d'un secrétariat spécialisé dans les questions montréalaises, un secrétariat où un certain nombre d'informations transitent le temps nécessaire pour que le ministre et son équipe les lisent, tentent de réagir et essaient d'influencer ses collègues. Évidemment, il influence silencieusement, parce que solidarité ministérielle oblige, et très peu de résultats concrets de cette réflexion et de cette influence est, on peut voir, tangible. Il n'y a pas de vision – on ne la voit pas, on ne la sent pas, d'ailleurs – mobilisatrice où la créativité du milieu puisse s'exprimer, se développer, être à l'origine d'une véritable politique de développement en fonction des besoins réels des citoyens et citoyennes de la métropole, appuyée nécessairement d'un support financier approprié.

Au moment du dépôt de la loi, nous disions que le ministre devenait un tuteur au développement sans détenir les leviers essentiels afin de donner un nouveau souffle à cette région. Il fonde toute son action sur des pouvoirs de surveillance et sur son rôle de siéger sur tous les comités ministériels afin de surveiller les projets de ses collègues. D'ailleurs, il semble s'être attribué le rôle de concilier les agendas des autres plutôt que de sortir la métropole de ses difficultés. M. le Président, nous avons tenté d'aider la métropole en proposant de donner plus de dents à cette loi, plus de pouvoirs aussi au ministre, de pouvoirs tangibles, afin que celui-ci soit capable d'agir et soit, je dirais, digne de son titre, de par ses pouvoirs pour agir pour la métropole. Il a refusé en disant que le pouvoir de concertation était suffisant.

Par la suite, la loi étant en vigueur, le ministre en fonction, toujours rien de concret ou de tangible pour la métropole: taux de chômage à 12,1 %, un niveau, je dirais, un peu insupportable, avec des poches de chômage – ce qui est le plus inquiétant à Montréal – qui dépassent le 20 % dans certains districts; un fardeau fiscal croissant et inéquitable; un problème d'étalement urbain persistant; et la poursuite des décisions gouvernementales qui touchaient durement la métropole et qui ont continué de s'abattre sur elle et ses citoyens aussi par la suite.

D'ailleurs, les effets se font sentir encore plus aujourd'hui: fermeture d'hôpitaux, sept hôpitaux fermés, toute la réforme de la santé, que l'on sent moins, je dois dire, en province, pour avoir fait le tour, que l'on sent peut-être un peu plus à Québec, mais que l'on subit profondément à Montréal, spécialement Montréal île; réduction des enveloppes budgétaires des régies régionales de la santé; coupures dans la sécurité du revenu; hausse de la taxe scolaire; abolition du rabattement partiel de la TVQ pour les municipalités.

Quand on parle de Montréal, quand on parle de la grande région, c'est 48 % de la population, alors c'est sûr que toutes ces mesures-là frappent Montréal plus durement: pelletage de 500 000 000 $ dans les municipalités; pacte fiscal virtuel – je dis bien, M. le Président. Le pacte fiscal, on l'a promis huit fois depuis 1994. On a promis des mesures récurrentes; on en a donné quelques-unes pour l'ensemble des villes-centres. En fait, les mesures récurrentes spécifiques à Montréal, elles tardent à venir, et évidemment on règle ça et on boucle ça par des mesures ponctuelles qui se traduisent bien souvent par une vente d'actifs. Donc, pacte fiscal virtuel pour la ville de Montréal, et j'en passe. Toutes des mesures qui ont et auront des incidences directes, entre autres, sur la population du Grand Montréal.

Mais revenons à septembre 1996. Le ministre d'État à la Métropole décida, plutôt que d'agir pour la métropole, comme le mentionnait son nouveau slogan dévoilé à ce moment, de nous convier à son premier Rendez-vous de la métropole. Tous les intervenants montréalais ont été invités à un cocktail – qui coûtait, en passant, 14 500 $ – afin non pas de nous annoncer d'urgence un plan de relance, mais de nous présenter son ministère, d'annoncer la création d'un fonds de développement, 100 000 000 $ sur quatre ans, et de procéder au lancement d'une consultation publique prévue pour novembre 1996 sur la mise en place d'une éventuelle Commission de développement de la métropole.

Un autre exemple, M. le Président, du manque de volonté du gouvernement d'investir massivement dans la relance de la métropole, c'est justement la création du Fonds de développement de la métropole. Bien qu'en principe on ne peut monter aux barricades et on ne peut se soustraire à cette volonté, c'est-à-dire une mise de fonds dans l'économie montréalaise, on doit quand même souligner l'astuce utilisée pour donner l'impression que le ministre d'État à la Métropole peut réaliser certaines choses. Alors que ce ministre tentait désespérément de se trouver un petit peu d'argent, son collègue le ministre des Finances lui a sûrement dit: Je n'en ai pas, d'argent neuf, à t'offrir, mais, par une mesure comptable, on pourra peut-être débloquer certains fonds.

En effet, M. le Président, le fonds de 100 000 000 $ résulte d'un changement de comptabilisation, lequel peut être réalisé en raison du succès des initiatives de la Société Innovatech. Selon le gouvernement, il n'est plus justifié de considérer les sommes réservées à la Société comme des dépenses, mais plutôt comme des avances. Or, de ce fait et sans augmenter les crédits, le gouvernement a réussi à dégager un budget discrétionnaire, sans règles précises, M. le Président, à tout venant, entre les mains du seul ministre de la Métropole.

Le seul problème, M. le Président, c'est qu'au lieu de réinvestir ces argents-là d'Innovatech dans Innovatech – Innovatech est une formule à succès – on se retrouve aujourd'hui avec ce changement comptable, plus de président du conseil d'administration d'Innovatech, plus de président-directeur général non plus et avec un ministre qui a décidé, la semaine dernière, d'annoncer des changements dans Innovatech et de dire qu'il était pour revoir l'ensemble de la mission.

Trois semaines avant, M. le Président, quand on regardait les crédits, on les étudiait, on considérait la Société Innovatech et tout semblait aller très bien. Tout le monde vantait les mérites d'Innovatech, vantait le succès, vantait les investissements et le succès aussi de ces investissements. On ne comprend pas ce qui s'est passé. Trois semaines plus tard, c'est un chambardement complet au niveau de la Société Innovatech, avec la démission, d'ailleurs, de son président du conseil d'administration, M. Coupal.

C'est difficile à expliquer, M. le Président, et je trouve un peu indécente cette façon de faire et considère, comme le mentionnait d'ailleurs le maire de Montréal, en revenant au fonds d'investissement de la métropole, que ce geste, hein... Parce que, quand il a annoncé le 100 000 000 $, évidemment sur cinq ans, c'est un geste qui était très médiatique mais qui n'est pas majeur comme investissement pour la relance de la métropole elle-même, encore une fois, puisqu'on a puisé des fonds dans Innovatech pour aider au niveau d'un fonds d'investissement qui est totalement discrétionnaire.

À l'occasion, M. le Président, du premier Rendez-vous dont on parlait tantôt, le ministre d'État à la Métropole nous a déposé un document de consultation servant à nous préparer à son Forum de consultation de novembre 1996. Alors, il y a eu un premier cocktail, M. le Président, un premier Rendez-vous, et on se préparait pour le grand Forum de consultation de novembre 1996.

Voilà que, trois ans après la remise du rapport du groupe de travail sur Montréal et sa région, le rapport Pichette, après la création par le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. Claude Ryan, de la Table des préfets et maires, le ministre nous a livré un projet de commission de développement dont on se demande d'abord à quoi elle va servir.

Après quelques pages d'introduction à l'intérieur desquelles nous retrouvons une panoplie de bonnes intentions du genre: reconnaître la métropole comme un ensemble fonctionnel et territorial à l'échelle duquel il convient de mener à bien la planification, la coordination, la gestion des services d'envergure métropolitaine – d'où vient la nécessité de réorganiser le pouvoir? – le document de consultation réussit le tour de force de ne rien réorganiser du tout, mais il propose plutôt l'ajout pur et simple d'une nouvelle structure au-dessus des 200 unités structurelles qui structurent la région la plus structurée du Québec.

L'espace d'un court instant le ministre nous laissait entrevoir trois hypothèses. La première, une commission consultative qui mise sur la concertation et la solidarité régionales, les partenaires n'étant pas liés par les recommandations de la commission qui demeure avant tout un forum de consultation. La deuxième, une commission décisionnelle avec un pouvoir véritable de déterminer les actions des intervenants dans la métropole. En plus d'un rôle consultatif, une telle commission est appelée à planifier, à coordonner et à financer les activités métropolitaines comme la promotion économique et touristique ou la gestion de fonctions et d'équipements métropolitains.

Troisième hypothèse, une commission prenant forme d'un conseil métropolitain qui devient alors un lieu de pouvoir autonome dirigé par des représentants élus de la région. Il s'agit d'un nouveau palier de gouvernement. Il va même jusqu'à nous indiquer, à l'époque, et je le cite, que «c'est sur la base de ces trois hypothèses que j'entends vous consulter; je ne vous consulte pas sur une position que j'aurais arrêtée, pour savoir si j'ai raison ou non». Il pousse même l'audace jusqu'à nous dire que tout est sur la table, depuis le rôle de la commission jusqu'à ses domaines d'intervention, sans oublier les modalités de financement.

Par ailleurs, deux décisions étaient déjà prises. La composition de la commission serait mixte, elle regrouperait majoritairement des élus locaux ainsi que des représentants de groupes socioéconomiques et la commission aurait deux vice-présidents, un francophone et un anglophone, décisions d'ailleurs qui ne semblent plus tenir. Or, l'absurde apparaît le jour même où le ministre dépose son document en nous laissant entendre que l'hypothèse qui recueille l'adhésion du ministre, dont lui-même, président de la future dite commission, et du gouvernement, est une commission consultative... mais peut-être décisionnelle dans le temps, qui n'empiéterait pas sur les plate-bandes des structures déjà en place et n'interviendrait que dans des dossiers où un certain consensus existe déjà. Si vous comprenez quelque chose, M. le Président, vous êtes très chanceux, parce que la plupart des intervenants métropolitains n'y comprennent rien.

(15 h 20)

D'ailleurs, nous avons vite compris que nous nous dirigions vers un forum de consultation qui n'était rien d'autre qu'un exercice de «rubber-stamping» d'une solution mitoyenne à laquelle il fallait donner l'impression de rallier le plus grand nombre de monde possible.

Avant même que cette consultation ait lieu, nous avons remarqué une certaine réticence et une perplexité de la part d'un grand nombre d'intervenants montréalais. J'ai senti le besoin d'intervenir afin de confirmer l'impression que plusieurs avaient, à savoir qu'il s'agissait d'une consultation purement symbolique et que le ministre cherchait à créer une fausse impression de consultation. J'ai aussi dénoncé l'attitude du ministre de laisser pendre une épée de Damoclès en mentionnant, lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, qu'il irait chercher l'appui de la population pour imposer sa Commission de développement de la métropole s'il n'y avait pas de consensus.

D'autre part, dès ce jour, j'ai aussi mentionné que notre formation politique ne donnerait pas son appui à la création d'une structure qui irait à l'encontre de la volonté de la majorité des intervenants de la région de Montréal. Or, de la Rive-Nord et de la Rive-Sud ont surgi des prises de position qui ont dénoncé, critiqué et rejeté les vues du ministre d'État à la Métropole. En fait, les maires n'acceptaient pas et n'acceptent toujours pas que le gouvernement pénalise le succès des villes, et le maire de Montréal n'acceptait pas et n'accepte toujours pas que Montréal soit seule à supporter une partie de cette grande ville qui dessert aussi des centaines de banlieusards quotidiennement.

Le ministre se retrouvait donc face à un grand dilemme qui, malheureusement, n'était pas l'enjeu de cette consultation. Drôle de situation, car ça devait être une priorité. D'autre part, tant du côté municipal que du côté socioéconomique, plusieurs divergences d'opinions sont apparues quant à son rôle consultatif ou décisionnel. Finalement, plusieurs se sont interrogés sur la teneur de l'exercice, considérant que 700 personnes, c'était beaucoup et peu propice à de saines discussions intenses et constructives.

Or, voilà que, sur les 87 mémoires au Forum de consultation sur la Commission de développement de la métropole, la majorité a appuyé l'idée d'une commission ayant un caractère décisionnel. En regard de ses compétences, il ressortait un consensus quant aux compétences à confier à cette future structure: le développement économique, l'aménagement du territoire, la planification des transports ainsi que l'environnement.

En ce qui concerne la composition de la Commission, la moitié des mémoires optait pour une composition exclusive d'élus municipaux, tandis qu'une autre moitié favorisait une composition mixte d'élus et de représentants socioéconomiques. Par contre, la majorité appuyait la proposition de voir le ministre d'État à la Métropole agir comme président – c'est sûr – pour l'attacher.

Par ailleurs, les mémoires ne faisaient pas consensus sur l'étendue du territoire de la Commission, et la plupart sont demeurés vagues sur la question du financement de la future structure supramunicipale. Ce qui demeurait perceptible à cet égard, c'est que la majorité des élus s'opposait à toute nouvelle taxe à saveur régionale, et surtout pas afin de payer pour les dépenses et la gestion de la ville de Montréal.

Enfin, plusieurs mémoires ont souligné la nécessité pour le gouvernement du Québec de procéder à une rationalisation de ses structures et de ses programmes d'intervention dans la région métropolitaine. Certains ont même proposé le retour du Comité ministériel permanent du Grand Montréal. Or, voilà que pendant deux jours le ministre d'État à la Métropole a tenté de rallier les gens, d'aller se chercher un consensus, finalement de se donner une légitimité. En bout de ligne, deux jours plus tard, 200 000 $ plus tard – parce que c'est ce qu'a coûté le Sommet – le ministre a réussi à arracher un mince consensus qui n'était, au fond, qu'un sursis à une résistance qui a repris de plus belle lors des consultations particulières, auxquelles je reviendrai plus tard dans mon exposé.

Ce consensus fragile est donc défini comme suit: il y aura une certaine redéfinition du territoire qui sera sous la responsabilité de la future Commission – le rétrécissement à certains égards et inclusion complète de certaines MRC à d'autres égards. Le ministre concède que la Commission devra avoir des structures existantes tout en respectant les territoires des MRC, mais en réfléchissant à la fusion des municipalités. La Commission sera présidée par le ministre et composée de préfets élus possiblement dans le temps par la population ainsi que de certains maires, dont celui de Montréal. Siégeront également à ce forum, dont l'actuelle Table des préfets et des maires servira de noyau, des représentants de groupes socioéconomiques.

Il n'est pas question pour le moment que la Commission gère des équipements métropolitains, et elle se livrera, dans un premier temps, à trois champs d'activité: promotion économique, transport et aménagement du territoire. Dans ce contexte, l'Agence métropolitaine de transport et la Société Montréal Internationale pourraient devenir des composantes de la future Commission. Dès lors, le nombre de champs de compétence est réduit par rapport aux ambitions du premier ministre lui-même. La Commission, qui sera d'abord consultative avant de devenir décisionnelle, sera financée au départ par le ministère de la Métropole. C'est alors que, dans son discours de clôture, le ministre de la Métropole a clairement mentionné qu'il voulait qu'on lui rédige un projet de loi qui allait dans le sens de la synthèse des travaux du Forum, considérant les structures existantes, et qui irait dans le sens du mémoire de la Montérégie.

Et, sur la taxation régionale, qui est pourtant le noeud des problèmes de développement auxquels fait face la grande région de Montréal, le seul consensus et probablement le plus unanime de toutes ces discussions, c'est que le pacte fiscal avec Montréal doit être réglé entre cette dernière et le gouvernement du Québec. Le ministre y adhéra. À cet égard, le Forum ne nous a livré aucune surprise. Les élus de la région se sont entendus pour laisser à Québec la responsabilité de son financement comme ils se sont entendus pour exclure de leurs discussions le fameux pacte fiscal demandé par Montréal et promis huit fois par Québec, ce qui laisse croire que, si Québec veut modifier l'équilibre des forces en matière de fiscalité dans la grande région de Montréal, s'il a l'intention de taxer l'étalement urbain, il a peu de chances de recevoir l'appui majoritaire de sa Commission. Il lui faudra donc agir seul malgré le désaccord de sa Commission. C'est peut-être pour cette raison qu'on se dépêche de taxer tout le monde avant que la Commission voie le jour.

M. le Président, le dépôt du projet de loi instituant la Commission de développement de la métropole nous a donné l'occasion de confirmer le malaise que nous anticipions à l'intérieur du gouvernement vis-à-vis de cette nouvelle structure. En effet, nous avons eu l'opportunité de comparer deux versions de projet de loi, du même projet de loi, d'ailleurs, l'une datant du 29 novembre 1996 et une autre, la version finale, déposée à l'Assemblée nationale le 19 décembre 1996 dernier. Or, M. le Président, il est étonnant de noter à quel point le projet de loi fut édulcoré. Les deux versions sont explicites et nous démontrent clairement que les ambitions du ministre n'ont pas traversé l'étape du Conseil des ministres et que les propos tenus par le premier ministre lors de son discours d'assermentation, le 29 janvier 1996, n'avaient plus, en ce 19 décembre 1996, la même portée.

À preuve, en se fiant à la version du 29 novembre 1996, un quotidien montréalais titrait: La Commission de développement de la métropole en mènera large. Le lendemain, avec la version officielle, un autre quotidien titrait: Québec garde le dernier mot. À preuve, le cheminement du processus d'approbation du projet de loi nous permet de constater que de décisionnelle qu'elle devait être dans la version du 29 novembre, la Commission est devenue consultative. D'un pouvoir de réglementation, elle n'a plus qu'un pouvoir de recommandation ou, à l'image du ministre, de persuasion. On y lisait d'ailleurs que les règlements de la Commission en matière de transport, d'aménagement du territoire et de gestion des déchets liaient le gouvernement, ses ministères et ses organismes. Cette seule disposition qui donnait un certain pouvoir à la Commission est substituée par un simple devoir de recommandation.

Finalement, M. le Président, nous voilà, depuis le 19 décembre 1996, avec un projet de loi qui, au lieu de diminuer le nombre de structures, va en poser une nouvelle parallèle à toutes celles qui existent déjà. Ses membres ne seront pas élus par la population mais elle sera constituée d'un conseil formé de deux tiers d'élus et d'un tiers de représentants socioéconomiques. De plus, cédant à la résistance farouche de la banlieue, la Commission n'interviendra pas dans le domaine de la fiscalité.

Cette Commission, M. le Président, telle que conçue dans le projet de loi n° 92, n'aurait aucun pouvoir réel. À preuve, le maire Vaillancourt, le maire de Laval, qui souhaitait une commission consultative, semble adhérer au projet de loi, tandis que la Conférence des maires de la banlieue de l'île de Montréal, qui tient mordicus à une commission décisionnelle, refuse de participer aux travaux de la Commission si le projet de loi n'est pas amendé afin de lui donner plus de pouvoirs.

(15 h 30)

Dans les faits, M. le Président, et selon le projet de loi actuel, le territoire de la Commission correspond pour l'essentiel à celui retenu par le ministre pour son ministère, la RMR, région métropolitaine de recensement. Il sera formé, toujours selon le projet de loi initial, de: la Communauté urbaine de Montréal; les MRC de la couronne sud, soit Champlain, la Vallée-du-Richelieu, Lajemmerais, Roussillon et la partie de Vaudreuil-Soulanges comprise dans la RMR; les MRC de la couronne nord, soit Laval, L'Assomption, des Moulins, Thérèse-de-Blainville, Deux-Montagnes et Mirabel, et le territoire de Kahnawake.

Comme je vous le mentionnais précédemment, la participation des élus locaux s'inspire de la formule de la Table des préfets et des maires du Grand Montréal. À cet égard, le ministre convient que ce n'est pas une proposition parfaite en regard des différences de population entre MRC, mais il considère qu'elle constitue un pas vers l'implantation d'un véritable système de représentation proportionnelle à l'échelle régionale. De leur côté, les 13 représentants socioéconomiques seront nommés par le gouvernement après consultation des groupes concernés. Il y a lieu de s'interroger sur le poids relatif de ces représentants socioéconomiques vis-à-vis des élus et vis-à-vis de leur identité locale dans l'agglomération.

À cet égard, le ministre s'est engagé à faire en sorte que les représentants socioéconomiques nommés par le gouvernement respectent l'équilibre métropolitain. Selon le ministre, nous sommes bien loin du statu quo, et la Commission se verra confier des mandats très importants et très précis. Il va même jusqu'à avancer qu'en collaboration avec les ministères concernés elle disposera d'un important pouvoir d'initiative dans des champs de compétence jusque-là principalement réservés au seul gouvernement. Beau discours, M. le Président, surtout lorsque, à la lecture du projet de loi, nous constatons que le gouvernement et ses ministères ont le dernier mot sur tout, allant même jusqu'à la possibilité d'ignorer les recommandations de la Commission.

Toujours selon le projet de loi déposé en décembre, la Commission devra définir des orientations et un plan d'action pour la région métropolitaine dans quatre champs de responsabilité.

Développement économique: élaborer des orientations et fixer des priorités d'actions stratégiques, y compris la prospection d'investissements et la promotion économique à l'étranger, le tout en collaboration avec Montréal internationale, Innovatech, le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, l'OCTGM et le Palais des congrès.

Aménagement du territoire: définir un cadre d'aménagement métropolitain en collaboration avec le ministère des Affaires municipales.

Transport: élaborer un plan intégré de transport des personnes et des marchandises en collaboration avec le ministère des Transports et l'AMT. Ce qui m'apparaît curieux, c'est que l'AMT, comme on en discutait ce matin, débute une consultation sur le plan de transport intégré qu'elle a déposé la semaine dernière et que, par l'article 1 du projet de loi déposé modifiant les modalités de l'AMT, on va donner, si jamais le projet de loi passe, la possibilité à cet organisme de vendre des titres ou encore d'imposer, si on veut, un système de perception intégré.

Et finalement, un champ de compétence qui ne faisait pas consensus lors du Forum de consultation, la gestion intégrée des déchets sur son territoire, en collaboration avec le ministère de l'Environnement.

Finalement, le projet de loi invite la métropole à décider pour la métropole quant à l'élimination des structures. C'est assez paradoxal, M. le Président, de créer une structure qui verra à l'élimination d'autres structures en demandant probablement à certains membres de la Commission de participer à leur propre autodestruction.

Par ailleurs, le projet de loi sur la Commission ne propose rien qui verra à corriger les disparités fiscales entre la ville-centre et les municipalités de la couronne. Le ministre dit qu'il ne faut pas mélanger les choses. Pour lui, le pacte fiscal avec Montréal consiste à lui accorder des sources de financement et des pouvoirs de gestion mieux adaptés à son rôle de grande ville. De toute façon, il nous dit toujours que ce n'est pas de ses affaires, parce que c'est vraiment le ministre des Finances qui va s'en occuper.

Le pacte doit se négocier entre Montréal et le gouvernement, nous en convenons. Le problème, c'est que le pacte devra être gigantesque pour compenser le pelletage de Québec, c'est-à-dire le pelletage des 500 000 000 $ orchestré présentement par le ministre des Affaires municipales. D'autre part, il faudra s'attarder un jour ou l'autre sur l'éventualité d'un pacte fiscal global, c'est-à-dire métropolitain.

Cela dit, M. le Président, ce projet de loi émanant d'un fragile consensus devait par la suite traverser l'étape des consultations particulières auxquelles le ministre et notre formation politique avions convoqué près de 40 groupes, qui d'ailleurs se sont fait entendre. Au début de ces consultations, j'ai dû dresser la table et rappeler au ministre que l'intransigeance n'était pas admise. Les différents propos qu'il avait tenus dans les quelques jours précédant le début des travaux de la commission m'inquiétaient quant à l'ouverture d'esprit du ministre, allant même jusqu'à remettre en question la nécessité de consulter, alors que le ministre semblait avoir déjà décidé.

Je rappellerai qu'à ce moment le ministre avait mentionné, et je le cite: «L'ensemble métropolitain n'est pas encore mûr pour décider, je l'ai constaté. Ils sont trop habitués à chercher à attirer chez eux une partie de la richesse commune.» Fin de la citation. J'ose croire que sa vision des choses a changé.

L'exemple des propositions faites et des recommandations apportées lors des consultations fait en sorte que le projet de loi doit être modifié substantiellement, si le ministre veut concilier les revendications majeures. D'ailleurs, en réalité, M. le Président, le ministre, le grand rassembleur, a réussi à créer beaucoup plus de dissensions que de rapprochements: dissensions entre l'île de Montréal et les banlieues de la rive nord – qui s'apprêtent d'ailleurs à créer elles-mêmes une association des banlieues de la couronne ou encore, comme on l'a vu ce matin, à faire revivre l'ancienne TPM, c'est-à-dire la Table des préfets et maires – entre différentes composantes aussi, dissensions entre différentes composantes de la Montérégie, entre les élus et les non-élus et bien sûr entre le ministre et certains de ses collègues.

À l'occasion des consultations particulières, le ministre a été incapable de créer un consensus parmi les élus de la région de Montréal, qui menacent de boycotter la future Commission de développement de la métropole. Il n'a réussi qu'à braquer les maires de banlieue. Après Longueuil, ce sont les représentants de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal qui refusent d'y participer si elle n'est pas décisionnelle. Pour le maire Bossé, de Verdun, le gouvernement veut contrôler la métropole et créer une structure en conséquence. Selon lui, c'est la tutelle gouvernementale sur les institutions locales. Pour sa part, l'UMRCQ considère que le ministre a mal fait ses devoirs et que Montréal n'a pas besoin d'une structure supplémentaire pour faire du développement économique. Quant à l'UMQ, elle s'est objectée à la présence de représentants socioéconomiques au sein de la Commission.

Quant aux représentants socioéconomiques, ils sont venus confirmer l'importance pour eux de participer activement aux travaux de la Commission. Un grand nombre d'entre eux ont d'ailleurs réclamé un siège à la Commission. Je rappellerai au ministre qu'il n'y a que 13 sièges de disponibles. Par ailleurs, la plupart ont réclamé aussi qu'elle devrait être décisionnelle et que, dans sa forme actuelle, elle ne représentait pas un véritable pouvoir mais plutôt un grand club social.

Cela a aussi amené de grandes discussions concernant la métropolisation versus la régionalisation. En effet, l'une des revendications particulières fut d'envisager le regroupement des cinq régions administratives en une seule, demande exprimée principalement par les représentants politiques et socioéconomiques de l'île de Montréal. Elles laissaient voir beaucoup de réticences de la part des banlieues. À cet égard, le ministre doit trancher et prendre une décision à l'avantage de la métropole. Par ailleurs, son collègue le ministre responsable du Développement des régions voit la chose d'un autre oeil et exclut cette possibilité, bien qu'avec le dépôt du livre blanc sur la régionalisation nous percevions une mince ouverture en cédant au ministère de la Métropole la gestion des CRD de l'île de Montréal et de Laval, mais nous sommes loin d'une véritable reconnaissance du territoire métropolitain et de la volonté gouvernementale d'y ajuster son organisation.

Cela dit, M. le Président, nous entamerons prochainement l'étude article par article du projet de loi n° 92 et nous souhaitons ardemment que le ministre saura tenir compte des nombreuses recommandations qui lui ont été faites. Il a beaucoup à faire afin d'assurer l'unification des vues, des aspirations et des ambitions de tous et chacun pour la métropole. Le projet de loi actuel n'y répond pas et, bien que d'asseoir les gens à une même table soit un souhait louable, il faut beaucoup plus, et rapidement aussi, pour relancer la métropole.

Tout le monde sait qu'il y a une interaction sur tous les plans – économique, démographique, social et culturel – entre Montréal, l'île de Montréal, les villes des couronnes nord et sud et les territoires périphériques et que la prospérité de la région dépend du bon fonctionnement de cette interaction et de la volonté du gouvernement d'agir de façon proactive dans son développement, tout en considérant un partage équitable des coûts entre toutes les villes, pas seulement celles du centre.

Enfin, au-delà de la question des coûts, tout le monde sait qu'une stratégie de développement qui concernerait toute la région doit se faire en associant à la démarche toutes les composantes de la région. Il est souhaitable que le développement de la région métropolitaine soit envisagé de manière globale plutôt qu'en pièces détachées et d'une manière stratégique plutôt que sous la forme d'interventions ponctuelles sans liens les unes avec les autres. Nous avions compris cela, nous, avec notre plan stratégique du Grand Montréal.

(15 h 40)

Par ailleurs, il ne faut pas que la proposition gouvernementale ralentisse le processus de relance de la métropole. La tendance de ce gouvernement de voir en la création de structures une panacée pour solutionner tous les mots est exaspérante. Nous reconnaissons la nécessité de créer un lieu commun où de véritables décisions seront prises pour la relance de notre métropole. Le projet de loi actuel n'assure en rien, à court et à moyen terme, pour les citoyennes et citoyens de la région de Montréal, une plus-value en leur permettant de bénéficier d'un projet ambitieux de développement.

Dans ces circonstances et sans l'appui d'un plan stratégique et efficace, nous ne pouvons appuyer le projet de loi tel que présenté par le gouvernement, d'autant plus, M. le Président, que les consultations se sont terminées en février et qu'il y a lieu à énormément de changements et d'amendements au niveau du projet de loi, tel que demandé par l'ensemble des intervenants, et qu'à ce jour nous n'avons pas vu le bout du bout d'un amendement, d'une part.

Deuxièmement, la semaine dernière l'ensemble des maires de la région montréalaise ont demandé au ministre de la Métropole de surseoir à ce projet de loi pour l'instant. Pourquoi? Parce qu'ils veulent terminer leurs négociations avec le ministre des Affaires municipales sur toute la question, si on veut, du pelletage du 500 000 000 $. Alors, si on en vient finalement, au bout de ces négociations, à un équilibre fiscal dans la région métropolitaine, il y aura probablement moins de freins à avoir une commission de développement décisionnelle – puis on spécule, là, parce que c'est dans l'hypothèse – versus tout simplement consultative. Les élus sont convaincus que, si les négociations finalement sont menées à bon port, il y aura des changements majeurs au niveau de la proposition de cette Commission de développement de la métropole.

Si le ministre de la Métropole avait accepté, le ministre de la Métropole, de surseoir pour le moment à son projet de loi... Il n'y a pas urgence, là. Honnêtement, M. le Président, ce qui est urgent, c'est beaucoup plus les négociations, pour les maires, entre autres, et pour la région métropolitaine. Les urgences sont les négociations avec le ministre des Affaires municipales d'abord, pour régler le fameux 500 000 000 $. Il y a la réouverture probablement de certaines conventions collectives. Il y a la finalisation d'autres conventions collectives, et ce n'est pas rien. Il y a aussi toute la question du pacte fiscal en bilatéral avec Montréal, pacte fiscal qui ne vient pas. On n'en entend pas... Il ne vient pas.

On s'aperçoit que les solutions sont loin d'être faciles à trouver, et on a dit et on répète: Les Montréalais n'accepteront pas, encore une fois, une vente d'actifs pour une aide ponctuelle. Ça s'est fait à plusieurs reprises, et au désavantage des Montréalais et Montréalaises. Alors, à ce moment-ci, c'est ça, les priorités. Ce n'est pas la Commission de développement de la métropole. Viennent après une table, une instance, la Commission de développement de la métropole qui va s'adapter au nouveau climat, je dirais, suite à ces négociations, de la région métropolitaine, et ensuite on pourra parler d'un projet de loi qui finalement va coller à la réalité.

Ce que les élus municipaux disent présentement, et l'ensemble, je dirais même, des intervenants, c'est que le projet de loi tel quel ne colle pas à la réalité actuelle. Et ce qui me surprend d'autant plus, M. le Président, c'est que les élus du gouvernement, donc les élus qui sont autant de la rive nord que de la Montérégie et de l'île de Montréal, ne pressent pas leur collègue ministre de la Métropole de surseoir pour l'instant à son projet de loi. On ne les entend pas. Pourtant, leurs maires sont venus faire des pressions en commission parlementaire. Leurs maires sont venus s'exprimer en commission parlementaire.

Et, si j'étais un député dont le maire – je donne un exemple – des couronnes nord... Hein, les maires qui sont venus s'exprimer en commission parlementaire et qui disaient que cette Commission de développement, telle quelle et telle que présentée, n'était pas acceptable, entre autres, si j'étais un élu du gouvernement péquiste de l'île de Montréal... Et j'entendais les maires de l'île dire: Si on veut avoir une structure qui est fonctionnelle et non pas une autre structure par-dessus les autres, elle se devrait d'être décisionnelle. Si j'avais entendu ça, avoir été élue du gouvernement, il me semble que je me serais associée avec mes autres collègues pour faire entendre raison au ministre de la Métropole.

Au moment où on se parle, et c'est un avertissement que je donne à l'ensemble des élus, nous n'avons pas d'amendements. On ne sait pas quels vont être les amendements et nous n'avons pas de consensus – d'abord, pas d'amendement – et, troisièmement, l'ensemble disent de surseoir pour l'instant à ce projet de loi. Pourtant, M. le Président, il semble qu'on va de l'avant. Alors, je fais appel à mes collègues députés du gouvernement pour peut-être faire un examen de conscience, se plonger dans ce projet de loi là, l'étudier en caucus et aussi parler, surtout. Parlez à vos maires! Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Bourget. M. le député.


M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, voilà un projet de loi extrêmement important pour l'avenir du Québec, ne serait-ce que parce qu'il touche près de la moitié de la population du Québec, dont 28 ou 29 villes dans l'île de Montréal, près de 111 municipalités qui l'environnent, pour un grand total de 3 300 000 citoyens, très important aussi parce qu'il touche non seulement 3 300 000 citoyens, mais aussi parce qu'il touche la métropole du Québec.

La grande région de Montréal constitue, en effet, depuis longtemps, la métropole du Québec. Cette évolution vers son statut de métropole a commencé, nous le savons, il y a longtemps, avec le début de l'industrialisation, de la production de masse, au détour du XXe siècle, avec le mouvement d'urbanisation massif qui s'en est suivi et qui s'est concentré surtout à Montréal, pour des raisons évidentes. En raison, en particulier, de la situation tout à fait privilégiée, unique de Montréal, étant donné que la plupart des vaisseaux de l'époque, qu'ils viennent d'Europe ou d'autres régions du globe, étaient arrêtés par les rapides de Lachine et qu'ils étaient obligés de transborder les approvisionnements qu'ils apportaient ou les exportations, les produits fabriqués aux États-Unis ou dans le Canada tout entier.

C'est donc la situation stratégique du port de Montréal qui a été à l'origine de sa vocation métropolitaine. Et cela s'est poursuivi durant une cinquantaine d'années et se poursuit même, jusqu'à un certain point, à l'heure actuelle. Nous en voyons, par exemple, la manifestation dans ce canal Lachine qui a été creusé à l'époque et qui a permis l'implantation d'un très grand nombre d'industries. Nous en voyons aussi la preuve à cause de l'importance extraordinaire qu'a pris le port de Montréal. Montréal est devenue une sorte de porte d'entrée pour toutes les autres provinces canadiennes à l'ouest du Québec et pour tout le continent américain.

Bien sûr, avec cette industrialisation, cette urbanisation, la population de la grande région de Montréal a beaucoup augmenté. Elle a passé le cap des 200 000, des 300 000, des 400 000 et elle a dû essaimer au-delà de l'île de Montréal pour prendre graduellement place sur les deux rives, la rive nord de Montréal, développement de Laval, développement de Longueuil, développement de Saint-Lambert, développement de ce qu'on appelle maintenant les couronnes nord et sud. Donc, Montréal est devenue une métropole en raison de ces avantages caractéristiques.

(15 h 50)

Mais, d'un autre côté, nous savons que la grande région métropolitaine a beaucoup souffert, particulièrement au cours des 30 dernières années. Le début de cette souffrance ou le début de ce déclin, si l'on peut utiliser ce terme, ça a été la canalisation du Saint-Laurent, vers 1958, 1959, qui ne faisait plus de Montréal le port d'arrivée ou de départ du commerce intercanadien, ou intercontinental, ou international, mais qui en faisait une étape, puisque les bateaux pouvaient maintenant continuer jusqu'aux Grands Lacs, ce qui a beaucoup contribué évidemment au développement de Kingston, au développement de Toronto et de tous les autres ports situés autour des Grands Lacs, que ce soit du côté américain ou du côté canadien.

La grande région métropolitaine a dû aussi subir le choc des politiques fédérales qui, au cours des 30 dernières années, ont beaucoup désavantagé la métropole. Rappelons-nous, par exemple, la politique de la ligne Borden qui empêchait les raffineries de Montréal qui achetaient leur pétrole à un prix très raisonnable de vendre non seulement leur pétrole, mais les produits raffinés du pétrole au-delà de la rivière Outaouais, consacrant ainsi le commencement de la décrépitude de ce secteur très important sur le plan de l'emploi et sur le plan du développement économique. Rappelons aussi les politiques du fédéral à l'endroit de l'avionnerie, où l'on a vu se déplacer tranquillement les grandes lignes internationales de Montréal vers Toronto en raison de politiques fédérales qui avaient précisément ce but. Rappelons aussi la politique fédérale qui, dans l'impartition de ses biens et services, de ses approvisionnements, a contribué d'une façon très importante, à partir de cette date, à favoriser l'Ontario plutôt que le Québec, que ce soit dans les contrats de munitions sur le plan militaire ou sur le plan de la recherche-développement, dépenses structurantes entre toutes pour le développement d'une région, ou que ce soit pour le développement de ses services. Donc, les politiques fédérales – et il y en aurait long à dire là-dessus, je ne peux pas m'y attarder – ont beaucoup contribué au déclin du Québec.

Par ailleurs, c'est le sort de toutes les métropoles d'attirer vers elles une certaine population, par exemple les personnes âgées qui y viennent pour trouver la sécurité, des services de santé, des services sociaux ou les loisirs dont elles ont besoin pour meubler leurs temps libres. Les métropoles, pas seulement Montréal, mais toutes les autres – les études sociologiques en font foi – attirent les itinérants, ceux qui ne parviennent pas à se trouver un profil de vie adéquat et qui lorgnent vers les grandes villes en raison de ce que la grande ville peut représenter, de même que toutes autres sortes de groupes sociaux qui sont attirés par la métropole, ne serait-ce que par le développement inconsidéré, le développement trop peu marqué des régions, des gens qui, à la recherche d'un emploi qu'ils ne trouvent plus ou de loisirs qu'ils ne trouvent plus dans leur région ou de chances d'avancement ou de progrès qu'ils ne trouvent plus dans leur région préfèrent tenter leur chance dans les grandes métropoles.

Un autre problème également qui a fait souffrir Montréal en même temps qu'il l'a aidée, c'est l'afflux des immigrants, qui, à partir surtout de 1940, 1950, a contribué pour beaucoup à l'accroissement de la population de Montréal. Bien sûr, parmi les immigrants, il y a des immigrants investisseurs qui accroissent beaucoup la richesse du lieu où ils s'implantent, mais il y a aussi beaucoup d'autres immigrants qui n'ont pas d'emploi, qui en recherchent, qui sont affectés par la pauvreté, qui ont des problèmes d'intégration également à la communauté francophone dans laquelle ils s'implantent et qui contribuent à créer une foule de problèmes que les métropoles ont beaucoup de difficultés, et en particulier Montréal en raison de l'infériorité linguistique du Québec sur le territoire continental américain, à régler.

D'autres marques de cette souffrance croissante de la région métropolitaine sont également apparues au fil des ans, par exemple celle de l'étalement urbain. Au fur et à mesure de l'industrialisation, de l'urbanisation massive de Montréal, on a vu, comme je le disais tout à l'heure, se créer des couronnes qui étaient choisies de plus en plus par certaines parties de la population dont les revenus croissaient et qui voulaient avoir un peu plus de nature, un peu plus d'espace dans lequel évoluer et qui ont quitté particulièrement le centre de Montréal. Le centre de Montréal, lui, où se trouvaient les équipements industriels, les équipements économiques, les équipements touristiques, se vidait de plus en plus de ces éléments, alors que la ville devait quand même continuer de les faire fonctionner avec ses budgets.

En raison de cet étalement urbain, de cette croissance, en raison des mauvais côtés de cette croissance, on a vu aussi se multiplier les administrations, qu'elles soient municipales, qu'elles soient régionales, qu'elles soient politiques; une fragmentation qui est devenue ce qu'elle est aujourd'hui: 28 villes sur l'île de Montréal, 111 municipalités dans la région métropolitaine de recensement. Avec cette conséquence que la multiplication des administrations ou des organismes amenait une sorte de cloisonnement de chacun qui ne voyait que ses propres buts, ses propres motivations, ses propres intérêts et ne voyait pas ceux des voisins. Avec, en même temps, un enchevêtrement d'organismes, d'administrations, de politiques, où une chatte ne retrouvait plus ses petits.

Autre conséquence aussi de ce fractionnement, de ce cloisonnement, on a vu naître et se développer, ce qui malheureusement continue encore aujourd'hui, une sorte d'esprit de clocher dans chacune de ces petites communautés, dans chacune de ces municipalités, de ces organismes, un esprit de clocher qui générait l'envie ou la jalousie à l'endroit des autres, qui générait un esprit de rivalité et qui empêchait le développement d'une vision d'ensemble de la région métropolitaine, une vision d'ensemble de ses intérêts, de ses problèmes et aussi de son avenir, avec, bien entendu, l'absence de concertation qui en est la conséquence.

Avec tous ces facteurs, aussi, sont apparus graduellement des problèmes importants au sujet de l'éducation. Les statistiques en témoignent toujours, c'est à Montréal que nous connaissons la proportion la plus grande de décrocheurs en même temps que l'insuffisance la plus marquée en ce qui concerne la formation professionnelle. Et ceci, malheureusement, a été encouragé par la négligence des gouvernements qui nous ont précédés, au cours des 10 dernières années, qui ont complètement négligé ce problème de la formation professionnelle.

Cependant, malgré tous ces éléments négatifs, la grande région est malgré tout demeurée une métropole, une métropole avec tous les défis et les enjeux qui confrontent une métropole, qu'elle s'appelle Lyon, qu'elle s'appelle New York, qu'elle s'appelle Toronto, qu'elle s'appelle Atlanta, c'est-à-dire, particulièrement dans l'époque que nous vivons, la mondialisation des marchés. La mondialisation des marchés qui oblige maintenant toutes les entreprises, bien sûr, qu'elles soient situées n'importe où au Québec, mais particulièrement dans une métropole économique comme Montréal, à se moderniser, qui oblige ces entreprises à mettre le cap sur les exportations avec une qualité et un coût de production qui les rendent compétitives avec les autres entreprises du monde entier, et particulièrement celles des autres métropoles. Avec aussi cette responsabilité d'aller chercher les investissements dont elles ont besoin pour leur développement, aussi bien investissements locaux qu'investissements régionaux, qu'investissements nationaux, qu'investissements étrangers, ce qui contribue également à la croissance des exportations.

(16 heures)

Un autre défi qui touche les métropoles, particulièrement lorsqu'elles ont connu un développement un peu désordonné, c'est la croissance équilibrée de toutes ces composantes. C'est d'instaurer un plan d'aménagement qui délimite les pôles d'activité économique, touristique, éducative, qui délimite les pôles résidentiels, qui favorise tous les groupes sociaux, toutes les classes sociales afin que cette croissance contribue non seulement au développement économique, mais également au développement social.

Pour procéder à ce maintien des avantages de la métropole que nous constituons, il faut, bien sûr, miser sur les atouts que nous avons. Et, encore une fois, malgré les côtés négatifs que je viens de mentionner, la grande région métropolitaine possède encore plusieurs atouts, des atouts anciens et des atouts nouveaux. Parmi ses atouts anciens demeure sa situation géographique, à l'entrée du continent américain, que ce soient les USA ou que ce soient les autres provinces canadiennes. Malgré la canalisation du Saint-Laurent, le port de Montréal demeure le deuxième port de la côte est de l'Amérique du Nord en raison, encore une fois, de sa situation géographique. Grâce aussi au dynamisme de ceux qui président à ses destinées, le port continue d'être un élément important de la croissance du Québec. Il y a aussi tous les équipements, aussi bien ferroviaires que maritimes, qui vont avec la croissance et le développement du port.

Il y a aussi sa vocation aérienne, sa vocation dans l'avionique. On sait maintenant que Bombardier est le troisième producteur avionique au monde, après Boeing, aux États-Unis, après l'Aérospatiale, en France. C'est quand même extrêmement important comme atout pour l'avenir.

Nous savons aussi que, dans le champ des biotechnologies, Montréal occupe le dixième rang au monde, et ce progrès, elle l'a connu au cours des années les plus récentes. Montréal possède quatre universités, qui ont fait leur marque dans la recherche biotechnologique en particulier, mais aussi dans tous les autres champs de recherche. Elle possède aussi, en plus, dans le champ de la pharmaceutique en particulier, près de 80 centres de recherche privés, avec les sièges sociaux souvent régionaux ou nationaux qui y correspondent.

Montréal possède donc plusieurs atouts, que ce soit sur le plan économique – on pourrait aussi parler du multimédia, M. Péladeau est en train de devenir le troisième au monde – les télécommunications, pensons à Téléglobe, pensons à Marconi, pensons à Canadian Aviation Electronics, dans le champ des télécommunications, dans le champ de l'éducation supérieure, dans le champ des sièges sociaux internationaux – Montréal possède maintenant 50 sièges internationaux.

Il y a donc plusieurs atouts qui restent à Montréal et sur lesquels il faut miser, en même temps que des atouts nouveaux marqués surtout par l'accent qui a été mis durant ces dernières années sur la nouvelle économie et qui constituent des facteurs très importants pour le développement dans l'avenir.

C'est donc la raison pour laquelle il faut créer un lieu de concertation qui amènera une prise de conscience de la vision métropolitaine, de la vision de l'avenir, en même temps qu'une unité d'action, d'abord pour la préparer dans les deux prochaines années, ensuite pour la mettre en oeuvre dans les années qui suivront. Ce lieu de concertation va faciliter une prise de conscience, une prise en charge également des problèmes et des intérêts métropolitains.

Nous allons vers cela depuis un certain nombre d'années. Il y a eu des étapes. La Communauté urbaine de Montréal a été une étape; elle a pris en charge la gestion de certains services, comme l'environnement, l'assainissement des eaux usées, la police spécialisée, mais elle ne se limitait qu'à l'île de Montréal. Le Comité interministériel dont parlait la députée de Marguerite-Bourgeoys tout à l'heure, oui, c'était une autre étape, mais il était présidé par un président du Conseil du trésor qui ne pouvait y accorder qu'une minime attention et il était composé de ministres qui étaient tiraillés entre leurs intérêts sectoriels et les intérêts métropolitains. Il y a aussi des tables qui sont nées au cours des dernières années; les maires de banlieue, chaque région a maintenant sa table. Mais ces tables ont peu de moyens et ces tables ne se parlent pas entre elles.

Il fallait donc penser à autre chose, et est arrivée cette Commission de développement, qui est née d'une longue réflexion et d'un consensus, malgré ce qu'en dit la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui aura des caractéristiques très importantes, c'est-à-dire une approche horizontale des problèmes par tous les élus de la région et par les grands décideurs socioéconomiques et en même temps un partenariat entre le gouvernement et la métropole du fait qu'elle sera présidée par un ministre qui a une action auprès de tous les ministères, qui non seulement transmettra les recommandations, les orientations, les priorités d'action, mais verra à ce qu'elles se matérialisent dans l'action des différents ministères.

C'est donc, à mon avis, l'orientation qu'il fallait privilégier. La Commission évoluera dans l'avenir, mais déjà elle constitue une fleur dans le paysage difficile où nous étions, et, pour ma part, je n'ai aucun doute, M. le Président, que les fruits, dans quelques années, passeront les promesses des fleurs. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bourget. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais appuyer ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys pour son intervention sur le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. Avant de commencer, je veux juste mentionner que le dernier intervenant du gouvernement a sorti la vieille cassette de la faute des autres. C'est le gouvernement de la faute des autres. Il a essayé de blâmer l'ancien gouvernement. Il a essayé de blâmer le fédéral. Mais, comme les compagnies dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, que je représente, ont toutes... 52 %, un des problèmes, une des grandes, grandes raisons d'avoir des problèmes montréalais maintenant, c'est à cause de l'instabilité politique causée par ce gouvernement, causée par l'obsession pour la séparation.

M. le Président, juste avant de commencer 92, je voudrais juste féliciter aussi ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys pour la façon dont elle approche le travail, la vigilance, la passion pour le bien-être de la population de la métropole. Je pense qu'avec elle nous avons au moins ici, dans cette Chambre, la défense de ses droits, parce que, il me semble, le ministre d'État à la Métropole, a complètement oublié ses intérêts.

En préparation, M. le Président, pour les interventions d'aujourd'hui, j'ai parlé avec plusieurs de mes maires de mes municipalités. Mes municipalités dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal sont Baie-d'Urfé, Sainte-Anne de Bellevue, Senneville, Kirkland, Pierrefonds, Sainte-Geneviève et l'Île-Bizard, qui sont représentées par des conseillers et conseillères et des maires tellement dévoués, impliqués dans la communauté, qui font du travail beaucoup plus que juste du travail local. Ils sont impliqués avec les grands intérêts de la métropole, du Québec et du Canada.

Peut-être que la Chambre n'est pas au courant qu'ici, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, nous avons une affaire qui marche très bien; les trois paliers de gouvernement – municipal, provincial et fédéral – travaillent ensemble. Et nous avons fait ça pendant des années et des années parce qu'ils sont là, ils sont impliqués pour s'assurer qu'on avance la cause de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Mais j'ai demandé ce qu'ils pensent de ce projet de loi n° 92 tel que proposé. Ils ont dit qu'ils ne veulent pas participer à une commission qui n'a pas de pouvoirs. Ils ont dit qu'ils ne veulent pas participer à une autre structure parallèle à toutes les autres structures. Ils ont dit qu'ils ne veulent pas gaspiller leur temps et leur argent – et vous êtes au courant, M. le Président, que ça coûte plus ou moins 3 500 000 $, cette Commission. Ils ne veulent pas avoir une structure qui n'avance pas la cause des Québécois et Québécoises, des Montréalais. Ils ne veulent pas participer à un club social, tel que le porte-parole l'a déjà mentionné.

Avec ça, ils sont les défenseurs du gros bon sens. Les maires des sept municipalités de mon comté sont les défenseurs du gros bon sens. Et ils ont dit: Ce n'est pas logique, ce que le ministre est en train de proposer. Ce n'est pas logique parce que ça ne respecte pas leurs besoins. Ils ont dit que nous n'avons pas besoin d'une autre commission pour le développement économique. Ils veulent que ce gouvernement réponde aux vrais besoins économiques de Montréal. Ils ne veulent pas continuer dans la tendance de ce gouvernement qui, quand il voit un problème, crée une structure. Il pense que des structures sont des panacées à tous les problèmes, et ce n'est pas vrai. Dans plusieurs cas, ces structures sont une partie du problème. C'est peut-être la base fondamentale de plusieurs problèmes.

(16 h 10)

Avec ça, M. le Président, plusieurs de mes maires ont dit qu'ils ne veulent pas avoir cette Commission telle que proposée. Ils ont aussi spécifiquement dit qu'ils sont en train de travailler avec le ministre des Affaires municipales, avec le pelletage d'un autre 500 000 000 $ dans les poches des Québécois, dans l'assiette fiscale des municipalités, après toutes les autres vagues d'augmentations de taxes. Ils veulent finir leur travail sur ça, ils veulent travailler de bonne foi avec le ministre sur ça avant d'avoir un débat sur le projet de loi n° 92. Il me semble que c'est tout à fait logique. Quand le gouvernement est en train de forcer un changement complet des affaires municipales, il doit tenir compte de leurs besoins.

Avec ça, la première réaction, M. le Président, c'est: Un autre niveau qui va compliquer les affaires, avec aucun pouvoir décisionnel. Plus de bureaucratie, plus de paperasse mais pas de pouvoirs. Je voudrais juste citer l'article 51 – pas tout, mais la première partie: «La Commission formule au gouvernement des recommandations sur les sujets suivants: les structures municipales, régionales ou gouvernementales présentes sur son territoire, notamment en vue de leur simplification.» Mais le projet de loi n° 92 lui-même est en train de compliquer les affaires en créant une autre structure parallèle avec aucun pouvoir décisionnel. Le monde chez nous veut avoir un gouvernement qui suit ses recommandations, qui répond à ses besoins.

Si on parle de problèmes économiques, nous avons tous vu les fermetures de plusieurs compagnies, Cyanamid par exemple. J'ai souvent nommé plusieurs autres compagnies qui, malheureusement, malgré leurs meilleurs efforts, ont décidé de fermer leurs bureaux: Burroughs Wellcome, Hitachi, International Paints, juste pour n'en nommer que quelques-unes. Mais, quand j'ai parlé avec ce gouvernement, j'ai demandé de corriger les problèmes de recrutement, de corriger les problèmes d'apprentissage de nos plans, de corriger les problèmes d'éducation pour leurs enfants. Mais qu'est-ce que nous avons vu? Nous avons vu comme réaction des réactions qui compliquent les affaires. Quand j'ai demandé plus de respect sur la question de la langue seconde, nous avons eu une augmentation des enquêteurs policiers. Quand nous avons demandé d'avoir un milieu plus favorable à la famille, nous avons eu une vague de fermeture d'hôpitaux, nous avons eu des augmentations de taxes scolaires, nous avons eu des fermetures de corporations.

On sait, M. le Président, que, pour faire avancer la cause de la métropole, nous avons besoin d'une synergie, nous avons besoin de travailler ensemble. L'impact du réseau de l'éducation change la vie d'une municipalité et l'impact d'une autre fermeture d'hôpital change la vie d'une municipalité. Avec ça, on comprend que nous avons besoin de partnership, mais pas de cette façon. L'exemple du cégep Gérald-Godin, que mon collègue le député de Verdun et moi-même avons suivi pendant des années et des années en attente... Tout le monde veut avoir l'accès aux études collégiales en français, mais on demande à quel prix et comment nous allons respecter le milieu de vie à Sainte-Geneviève et faire avancer la cause des cégeps. Qui va payer ça? C'est quoi, les besoins? On doit se poser des questions comme ça.

M. le Président, il y a un autre sujet que je vais discuter une fois qu'on commencera la commission sur ce projet de loi. Nous sommes en train de créer une commission avec 39 personnes: 26 élus, 13 personnes qui viennent du milieu socioéconomique, qui peut être le monde de la culture, le monde de l'environnement, le milieu du transport, le milieu touristique ou le milieu des entreprises. Plusieurs secteurs assez différents, mais nous allons en avoir 13 nommés par le gouvernement. Est-ce que c'est une autre façon pour le gouvernement de placer ses amis? C'est ça qu'il veut, parce que, dans les autres régies, par exemple, à la Régie de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain, il y a toute une façon de choisir les personnes du milieu socioéconomique, mais ce n'est pas par nomination du ministre. Est-ce qu'il veut juste choisir ceux et celles qui vont respecter ou tenir compte de la ligne de ce gouvernement? Vous savez que, dans plusieurs autres projets de loi, nous avons trouvé des mécanismes qui aident le gouvernement à placer ses amis dans les bons endroits. Est-ce que là, dans le projet de loi n° 92, on trouve un autre exemple d'une façon dont ce gouvernement procède pour placer ses amis?

M. le Président, nous avons tous vu, depuis la nomination du ministre d'État à la Métropole, une augmentation des taxes scolaires, les fermetures de nos instances publiques, les fermetures de nos hôpitaux, nous avons vu, encore une fois, les fermetures de nos corporations, tout ça après qu'il ait été nommé. Souvent, j'ai entendu dans le milieu que le monde pense que le ministre d'État se parle à lui-même. Il ne parle pas, il n'écoute pas la population; il se parle à lui-même.

Nous sommes en train de voir la façon dont il va légaliser ça. On le voit à l'article 7, parce que le ministre veut s'assurer qu'il ait les bons conseils. Je vais lire l'article 7, M. le Président: «Le ministre d'État à la Métropole est le président du conseil de la Commission.» Le ministre lui-même est le président de la Commission qui va donner conseil au ministre! Il va dire: Cher Serge, j'ai quelques... Cher M. le ministre... Il va signer son nom, mais ça va être la même personne qui va recevoir la lettre.

M. le Président, ce n'est pas logique! Le ministre doit être légalement, selon l'article 7 de ce projet de loi, le président de la Commission qui va donner conseil à lui-même. À mon avis, M. le Président, ce n'est pas logique. Si on veut avoir de la transparence, si on veut vraiment avoir une instance qui puisse décider de l'avenir de la métropole, qui puisse étudier les questions assez importantes comme le développement économique, l'aménagement du territoire, le transport, la gestion des déchets, les questions qui touchent tout le monde, qui puisse donner des conseils sur plusieurs autres sujets, on doit avoir une certaine autonomie et une certaine distance avec le gouvernement.

Mais le ministre veut tout contrôler. Peut-être qu'il n'a pas assez à faire ou pense qu'il n'a pas assez à faire comme ministre d'État à la Métropole. Il veut se nommer lui-même comme président de la Commission. Et, à cause de ça, M. le Président, je requestionne: Est-ce que la façon dont il veut nommer les personnes du milieu socioéconomique est une façon de placer les amis du gouvernement? Je ne sais pas, M. le Président, mais j'ai plusieurs questions sur ça.

M. le Président, ce matin, nous avons discuté de la création de l'Agence métropolitaine de transport, une autre agence, mais nous allons mettre cette Agence dans la nouvelle Commission qui va faire la consultation et les recommandations sur le transport. Il me semble, M. le Président, que voilà un autre exemple de la complication des affaires, pas de leur simplification. Les instances municipales, les leaders communautaires veulent avoir un gouvernement qui comprenne leurs besoins, qui puisse avancer la cause métropolitaine, mais ils ne veulent pas avoir un gouvernement qui arrive avec, encore une fois, une autre structure, une autre commission qui dépense de l'argent qui est de plus en plus difficile à avoir à cause de toute l'avalanche de taxes. Il va dépenser notre argent pour créer une autre structure. Est-ce que ça va aider le Montréal métropolitain? J'ai mes doutes, tel que recommandé, M. le Président, parce que depuis la nomination du ministre nous avons vu une série de problèmes au municipal.

M. le Président, nous avons fait plusieurs recommandations, nous allons continuer de faire des recommandations pour améliorer ce projet de loi. Il y a certaines choses que je vais mentionner. Et je mentionne ça pour la ministre de l'Éducation, parce que nous sommes en train, dans une autre commission, d'étudier les commissions linguistiques, la création de commissions linguistiques, et il y a une partie du territoire québécois qu'on appelle Harwood qui veut, particulièrement la communauté d'expression anglaise, être attachée avec la nouvelle commission linguistique de l'Ouest-de-l'Île de Montréal parce que la vie quotidienne de cette population est plus avec l'Ouest-de-l'Île de Montréal que le reste de la Montérégie. Je voudrais juste mentionner aussi qu'un patient sur quatre de l'Hôpital du Lakeshore, qui a appuyé l'hôpital Montfort aujourd'hui, vient de ce territoire. Avec ça, je voudrais juste mentionner à la ministre de l'Éducation qu'un autre ministère a compris que dans ce territoire on doit attacher la population avec Montréal parce que c'est plus logique.

(16 h 20)

M. le Président, le grand problème dans le projet de loi n° 92 et la Commission telle que proposée: il n'y a aucun pouvoir. Nous sommes en train de créer une structure qui va compliquer les affaires mais qui ne peut pas agir, qui peut juste recommander. Et, si vous lisez le projet de loi de A à Z, vous aurez compris, après la lecture de l'article 110, qu'il n'y a aucune obligation du ministre d'écouter les recommandations. Avec ça, nous sommes en train de créer toute une structure, 3 500 000 $, 39 personnes, les nominations, choisies par le gouvernement, de 13 personnes, des représentants socioéconomiques, avec aucun pouvoir et aucune raison de croire que le ministre va écouter les recommandations. La seule place où on peut trouver ça, c'est à l'article 7. Le ministre peut faire ça de lui-même, dans une façon ou l'autre. Le ministre va parler avec le président, le président va parler avec le ministre; c'est la même personne. Ce n'est pas logique, M. le Président. Ce n'est pas logique de créer cette obligation. On ne veut pas avoir des instances parallèles. On doit étudier toutes les questions, le pelletage de 500 000 000 $, avant qu'on procède avec ce projet de loi.

Mr. Speaker, the local mayors of my riding have voiced on many occasions their opposition to Bill 92 as proposed, the Bill that creates the Greater Montréal Development Commission. What I received from them, at least most of my discussions I received from them is: when you're creating another structure, a structure that has only consultative powers and powers of recommendation, they do not see the use of it. It's another parallel structure that this Government is typically creating, that spends $3.5 million of our tax dollars but doesn't give any real power to see a problem, study it, consult with people, make a decision, move forward. The Commission will be able to recommend but there is no obligation of the Government to listen to the recommendations.

The Minister wants to control it so much that it follows a direction of his own thinking. He can choose 13 of the 39 members, already one-third of the members, he'll choose personaly. Will he choose them on competence, will he choose them on their aggressive stands against the Government or will he choose his friends? And just in case, he's naming himself in the law as president of that Commission. To me, Mr. Speaker, that is not the way to develop a transparent approach to the planning that Montréal desperately needs for the 21st century.

Mr. Speaker, the community needs a government that responds to its legitimate concerns. The economic community is saying: It is the political instability that is causing problems. It is the lack of leadership in Québec. It is the avalanche of taxes after taxes after taxes. And whether you call them «surcharges» or whether you call them «co-payments» or whether you call them «deductions», whether you call them «participation», it's still more money out of our pockets. And every analysis show that we are more taxed than any other region in the country. We are the highest taxed region in the country.

Mr. Speaker, if the Minister was serious about this law and open to suggestions, I would have expected him to have already tabled recommendations that he would have received from the various consultations we've had, versus showing up at the last minute with them. I believe that if he really wants to move forward and use a logical approach, he would, before the end of the debate on principle, stand here, in the House, and table those recommendations. Today in the House, he would be able to do that.

Mr. Speaker, there is a great need to plan for Montréal. This Government typically treats Montréal just like the rest of the province. It is different. It needs a different approach. It needs a collaborative body that we can plan ahead proactively – not respond after the fact as this Government typically does and not with one size fits all planning – with a strategy that takes the specific needs of the Island of Montréal and the surrounding regions into account and develops them into an effective strategy.

Mr. Speaker, I thank you for this opportunity to give a few comments that I had on Bill 92. I will participate in the debate with my colleague the deputy of Marguerite-Bourgeoys and my other colleagues. We will ensure that the Minister improves this bill. And if the Minister disagrees with anything that I've said today, he can stand up here and challenge me. But, otherwise, I hope that he will listen to our recommendations, change his bill, either table it until after all the negotiations or improve it based on the recommendations of those municipalities. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, je suis... Une minute, s'il vous plaît, M. le député, j'allais vous donner la parole, une fois que vous vous êtes levé. Alors, M. le député de Verdun, je vous cède la parole.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. En principe de l'alternance, j'aurais cru que, devant ce qu'on nous présentait comme un projet de loi important mais qui, nous le verrons, est une véritable coquille vide, les ministériels auraient peut-être pu penser à se lever pour essayer de dire quelque chose sur le projet de loi. Je remarque que la plupart d'entre eux, non, parce qu'ils ont lu le projet de loi et ils ont conclu, comme nous le concluons aussi de ce côté-ci, qu'il n'y a rien à l'intérieur de ce projet de loi, du moins rien pour réellement répondre aux besoins criants de la grande région de Montréal.

Dans les quelques minutes qui me sont imparties, M. le Président, je vais essayer avec vous de faire le tour de ce qu'il y a dans le projet de loi n° 92, et vous allez conclure avec moi que ce projet de loi – qui dans son titre semblerait nous attirer, et on pensait que l'on aurait ici un instrument pour soutenir le développement économique de Montréal – s'avère quelque chose d'éminemment vide, M. le Président. Et je dois ici d'emblée rappeler que, pour l'opposition officielle, nous croyons qu'il est important, pour la grande structure de Montréal, de développer un mécanisme de coordination, mais qui aurait des pouvoirs décisionnels, qui soit souple et qui soit essentiellement et uniquement composé d'élus municipaux.

Donc, je répète. Notre opposition au projet de loi n° 92 n'est pas sur le principe d'avoir une structure pour coordonner l'action sur Montréal. Nous pensons qu'il est important d'avoir une telle structure. Nous voulons qu'elle soit souple. Vous verrez à quel point, quand on fera ensemble le tour du projet de loi, dans cette espèce de structure qu'on nous propose, vous verrez à quel point la souplesse est absente. Nous voulons qu'elle soit décisionnelle. Vous n'aurez aucune difficulté, M. le Président, comme moi, en lisant le projet de loi, de voir qu'il s'agit essentiellement d'une commission qui n'a que des pouvoirs de recommandation mais aucun pouvoir décisionnel, et nous voulons qu'elle soit essentiellement et uniquement composée de gens qui ont un mandat populaire, c'est-à-dire de gens qui sont élus, qui sont des élus et des représentants des milieux municipaux et non pas de gens qui sont cooptés.

(16 h 30)

Alors, M. le Président, qu'avons-nous devant nous? Nous avons devant nous une Commission de développement de la métropole qui est composée comment? D'abord, c'est quoi qu'on retrouve dans la Commission? Il y a un conseil d'administration qui compose essentiellement cette Commission de la métropole, qui est composé de deux tiers d'élus municipaux et d'un tiers de gens qui sont nommés par le gouvernement après consultation des associations représentatives du milieu des entreprises, de la main-d'oeuvre, de la culture, des groupes communautaires, de l'environnement, du transport et du milieu touristique.

Et là vous voyez tout de suite, dès le départ, où le bât blesse. Voici que, si vous mettez à l'intérieur de cette Commission pour le développement du Grand Montréal ou de soutien au développement de la métropole des personnes qui n'ont pas de mandat électif, c'est-à-dire qui n'ont pas à rendre compte de leurs décisions devant la population, c'est bien évident que vous ne pouvez pas donner de pouvoirs décisionnels à la Commission; il y a une certaine logique entre les deux. Et on ne donne pas de pouvoirs décisionnels à la Commission. Mais, parce qu'on ne donne pas de pouvoirs décisionnels à la Commission – et j'y reviendrai tout à l'heure, M. le Président, dans mon intervention – on crée virtuellement une coquille vide.

Donc, ce principe de la composition de la Commission où, au départ, on a fait le choix non pas de limiter cette Commission à des élus provenant du milieu municipal... Que ce soient des maires, des conseillers municipaux, dans le cas de la ville de Montréal, des représentants de la CUM, des préfets de MRC, le maire de Laval, le maire de Longueuil, ce sont tous des gens qui ont un mandat électif, et, lorsqu'ils s'expriment, ils s'expriment au nom d'une certaine population. Lorsqu'on aura nommé dans cette Commission les 13 autres personnes, après consultation du milieu des arts, du milieu syndical, du milieu patronal, ce seront des gens qui ne représenteront qu'eux-mêmes, et là est le point faible du projet de loi. Là est le point majeur faible du projet de loi.

Si le projet de loi avait créé une commission formée d'élus et qu'on avait pu discuter ensemble du type de pouvoirs qu'il aurait été important de confier à ces élus, on aurait commencé à échanger. Mais, à partir du moment où le tiers des voix, où le tiers du poids à l'intérieur de la Commission n'est pas attribué à des personnes élues mais est attribué à des personnes nommées, on a là devant nous un vice de forme fondamental qui va se répercuter au fur et à mesure partout dans le projet de loi.

Vous comprenez bien, M. le Président, que, si le gouvernement avait suivi ce que certains dans les commissions parlementaires suggéraient, avait choisi d'avoir une commission pour le développement du Grand Montréal composée d'élus, il aurait pu lui donner un rôle décisionnel. À partir du moment où on la compose de personnes qui ne sont pas élues, il est tout à fait normal et naturel qu'on en arrive à quelque chose qui ne soit pas décisionnel, car... Vous allez le voir avec moi, et vous le voyez dans les articles sur les pouvoirs.

Quels sont les pouvoirs de cette Commission? C'est important, M. le Président, parce que, quand on crée quelque chose, d'un côté, on voit qui est dans la Commission, deuxième élément, ce que fait cette Commission. Alors, dans les pouvoirs: «La Commission formule au gouvernement des recommandations». Donc, on est réellement un élément de recommandation, pas plus que ça. Ça n'a aucun pouvoir décisionnel. C'est l'article 51: La Commission formule au gouvernement des recommandations sur les sujets suivants: les structures municipales; les infrastructures; la gestion de la qualité de l'air; la composition, les pouvoirs et le financement de l'Agence métropolitaine de transport. Des recommandations, «formuler des recommandations».

Donc, on crée, à l'heure actuelle, une nouvelle structure qui n'a pas de pouvoirs de décision. On est encore en train de mélanger à peu près tout ce qui se passe sur Montréal. Après la CUM, après le CRDIM, on va se retrouver maintenant avec ce qu'on appelle la Commission de développement de la métropole qui, elle aussi, aura la possibilité de formuler au gouvernement des recommandations.

Et je continue. L'article 52, parce qu'on est toujours dans la grande section sur les pouvoirs: La Commission peut formuler au gouvernement des recommandations – donc, on est encore à formuler des recommandations – sur les sujets suivants: l'établissement de ses fonctions – et je tourne la page, si vous me permettez, M. le Président; la modification de son territoire; l'organisation et le financement des services municipaux; la création d'organismes spécialisés; les directives que le ministre peut donner à l'Agence métropolitaine. Donc, essentiellement une fonction de recommandation.

D'ailleurs, l'article général, qui était l'article 50, précisait bien, M. le Président, que «la Commission conseille le ministre sur toute question d'intérêt métropolitain». Attention! Écoutez-moi bien, là. On va regarder ensemble et on relit. «La Commission conseille le ministre sur toute question d'intérêt métropolitain qu'il lui soumet.» Qu'il lui soumet. Donc, initialement la Commission ne prend pas l'initiative de conseiller le ministre, mais, si le ministre veut demander l'avis de la Commission et lui soumettre une question, bien il peut obtenir l'avis de la Commission.

Donc, une structure consultative, une structure consultative pour un ministre qui n'a pas de pouvoir. Il se constitue, à l'heure actuelle, à côté de lui une structure consultative pour le conseiller sur quelque chose où il n'a virtuellement aucun pouvoir. Parce que le fameux ministre de la Métropole, qu'est-ce qu'il a comme pouvoirs? Je vous rappellerai qu'il n'en a pas. C'est très beau, là. À part de conseiller le gouvernement, il n'en a pas. Alors, on a une structure, voyez-vous, où le ministre conseille le gouvernement et la Commission va conseiller le ministre. On se conseille. Alors qu'on a des problèmes majeurs sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, alors que Montréal et la métropole ont besoin d'une volonté d'action de la part des intervenants, on s'en va se conseiller mutuellement.

Ce n'est pas tout. Ce n'est pas tout. Je vais vous dire: Il y a, dans certains secteurs où la Commission... Alors, regardez comment le projet de loi est rédigé pour ce qui touche l'aménagement du territoire, le transport, la gestion des déchets. À chaque fois, c'est la structure de rédaction... Je ne reviendrai pas pour ennuyer les collègues, mais la structure est toujours... Les deux verbes sont les mêmes: le ministre indique et la Commission élabore. Donc, le ministre...

Je vais prendre l'aménagement du territoire, M. le Président. Je pourrais revenir après, parce que c'est la même structure, sur le plan transport; c'est la même structure, après, sur la gestion des déchets. Alors, je reprends. La dynamique est toujours la même. Le ministre des Affaires municipales indique à la Commission les orientations du gouvernement. La Commission élabore, en collaboration avec le ministère des Affaires municipales, un cadre d'aménagement.

Donc, il y a une dualité où, à chaque fois, la Commission doit élaborer, mais à travers les grandes politiques qui sont fixées par le gouvernement; pas de pouvoir décisionnel. Vous voyez la distinction entre «le ministre indique», «la Commission va élaborer». On a cette espèce de dualité constante à l'intérieur du projet de loi, que ce soit sur le plan d'aménagement, sur la question du transport ou, plus particulièrement, sur la question qui est éminemment importante à Montréal, la question des déchets.

Sur la question du développement économique. Vous savez à quel point on a une situation, un problème de développement économique. Bien, la Commission doit élaborer, en consultation, des grandes lignes de développement économique, des immenses rapports. Donc, on peut s'attendre de cette nouvelle Commission de développement de la métropole à avoir à nouveau des documents, des analyses, des planifications en refaisant tout le travail que le CRDIM, le Comité régional de développement de l'île de Montréal, a fait. Mais je suis sûr qu'on va refaire une deuxième fois...

Parce qu'il y a une chose que j'ai toujours remarquée, M. le Président: on aime ça réinventer la roue tous les jours. C'est avec plaisir qu'on réinvente constamment ce que d'autres ont fait. Et des comités, consciencieusement, année après année, pour justifier leur existence, réinventent ce que d'autres ont réinventé avant. Donc, ce qui va encore se passer, c'est que cette Commission, qui n'a aucun pouvoir décisionnel, qui est uniquement consultative, elle va avoir encore à redéposer un certain nombre de documents, un certain nombre d'études.

(16 h 40)

Voici, M. le Président, une chance inouïe que ce gouvernement manque, et c'est important, car il faut faire quelque chose pour Montréal. Je le dis et je le répète, il aurait été utile de concevoir pour la grande région de Montréal une structure souple, regroupant uniquement des élus municipaux, à qui on aurait pu, dans une vision d'un Québec plus décentralisé, dans une vision du XXIe siècle, décentraliser des pouvoirs réels. Là, je crois qu'on aurait fait oeuvre utile. Ç'aurait pu porter le même titre, la Commission de développement de la métropole. La seule chose qui est bonne dans ce projet de loi, c'est le titre. Mais voyez-vous ce qu'on aurait pu faire? On aurait pu aller dans cette direction-là où les élus municipaux, en coordination – mais uniquement des élus municipaux – dans des secteurs bien particuliers, avec des pouvoirs décisionnels, auraient pu faire un pas de l'avant.

Ce n'est pas ce qui est devant nous. Je l'ai rappelé et je le rappelle encore, ce gouvernement, parce qu'il a choisi de répondre à toutes sortes de pressions qui venaient de groupes divers, parce qu'il a choisi de mettre, à côté des personnes qui sont élues et qui ont à rendre compte à leurs électeurs, 13 personnes elles-mêmes issues de divers milieux dans une parfaite vision de ce qu'il y a de plus corporatiste qu'on pourrait imaginer, de mettre 13 personnes issues des différents milieux après consultation de ces milieux, on perd, à cause de ça, une chance inouïe de pouvoir faire faire un pas en avant à la grande région de Montréal.

On aurait pu, si on avait eu une commission composée d'élus, bien sûr lui donner un pouvoir décisionnel. On aurait pu concevoir que cette Commission, sur ce qui touchait, par exemple, la gestion des déchets, aurait pu avoir un pouvoir décisionnel; non pas simplement répondre aux indications que le ministre lui fournissait, mais avoir réellement un pouvoir décisionnel. On aurait pu, si on avait réellement limité cette Commission uniquement aux élus municipaux, pouvoir avoir une commission qui aurait eu des pouvoirs décisionnels sur la gestion et l'aménagement du plan de transport. On aurait pu, M. le Président, pour ce qui touche l'aménagement du territoire, avoir aussi une commission qui aurait eu des véritables pouvoirs décisionnels en ce qui concerne la gestion et l'aménagement du territoire.

Or, au contraire, on perd cette chance. Alors que le discours officiel se veut un discours de décentralisation, la réalité est tout autre. C'est un discours de concentration des pouvoirs, si pouvoirs il y a, dans les mains du ministre, et on crée une commission dont la principale fonction, la principale raison d'être, la principale activité sera de conseiller le ministre.

Vous voyez, M. le Président, c'est très bizarre que, à la fois, le ministre du Développement des régions, le député de Joliette, a déposé un document de travail où il prône une véritable décentralisation et une répartition de certains pouvoirs au niveau des structures régionales. Et, à côté de cela, bien que l'habillage, le titre laisserait à penser que la Commission de développement de la métropole puisse avoir quelques pouvoirs, la réalité est toute autre, M. le Président.

Dans ces cas-là, cette Commission n'a que des pouvoirs consultatifs. Je l'ai rappelé tout à l'heure, et il serait bon, par exemple, de vous le rappeler encore dans l'article 50, parce que c'est l'article clé de tout ça: «La Commission conseille le ministre sur toute question d'intérêt métropolitain qu'il lui soumet. Elle donne au ministre tout avis qu'elle estime opportun.» Donc, des pouvoirs consultatifs et non pas des pouvoirs décisionnels.

Dans ce cadre-là, on manque une chance de pouvoir appliquer ce qu'est le discours mais qui, dans le fond, ne correspond strictement qu'à un discours. Parce que, quand on en arrive à la réalité des faits, M. le Président, le discours de décentralisation est un discours vide, c'est un discours qui ne comprend rien, c'est un discours qui ne donne pas de réels pouvoirs décisionnels aux commissions que l'on crée mais qui ne fait tout simplement que donner des pouvoirs consultatifs.

Si les parlementaires, à l'heure actuelle, votent le projet de loi n° 92, nous imposons une nouvelle structure totalement inutile pour la grande région de Montréal et on rate la chance de pouvoir avoir une vision décentralisée de la gestion de l'État québécois et une vision dans laquelle, au niveau local, des regroupements locaux puissent avoir de véritables pouvoirs décisionnels. C'est ce que nous ratons aujourd'hui en votant... Ceux qui vont voter pour le projet de loi n° 92 ratent cette occasion. C'est pour ça que, nous, parce que nous croyons réellement à l'importance d'une Commission de développement de la métropole composée d'élus et ayant des pouvoirs décisionnels, nous allons voter contre le projet de loi n° 92.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 92? Alors, nous cédons la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir au niveau de l'adoption du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, Bill 92, Mr. Speaker, An Act respecting the Greater Montréal Development Commission.

D'autres de mes collègues avant moi ont parlé éloquemment et longuement sur les principes qui sous-tendent ce projet de loi. Quant à moi, les actions du gouvernement sont assez transparentes, les gestes sont assez transparents. En l'absence d'un réel plan stratégique pour le développement du Grand Montréal – et c'est à ça qu'on fait face, M. le Président, on fait face à une absence totale d'une vision pour le développement du Grand Montréal, que ce soit au niveau économique, démographique, aux services publics, aux services de santé, aux services d'éducation – on tombe dans quoi? Eh bien, on tombe, M. le Président, dans la structurite. On va brasser les structures.

Ce gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, est champion de structurite au Québec. C'est ça qu'ils font. Quand ils ne savent pas quoi faire, ils créent un autre niveau de gouvernement, ils font un brassage de structures. Au lieu de régler des vrais problèmes, au lieu de consacrer des ressources à trouver des solutions aux vrais problèmes du Grand Montréal, on crée des structures; puis même pas des structures décisionnelles, on crée des structures consultatives. Je devrais dire: Encore des structures.

(16 h 50)

Vous le savez, je représente une circonscription montréalaise qui couvre à peu près 80 % du territoire de la ville de Montréal. Ma circonscription est composée de 80 % du territoire de la ville de Montréal et d'à peu près 20 % d'une petite municipalité qui s'appelle Montréal-Ouest. Qu'est-ce que j'ai, comme Montréalais, en termes de niveaux de gouvernements ou de structures?

Semble-t-il, parce qu'on fait partie de ce Grand Montréal, qu'il y a 11 municipalités régionales de comté qui se trouvent à être sur le territoire du Grand Montréal défini par le présent gouvernement, incluant la ville de Laval. La ville de Laval, normalement, moi, je la considérais comme une ville, mais ça se trouve à être également la ville de Laval comprise dans une municipalité régionale de comté au complet. On a les municipalités individuelles de la Communauté urbaine de Montréal. Si ma mémoire est bonne, il y en a 29, incluant la ville de Montréal: 28 municipalités dites de banlieue, plus la ville de Montréal, 29 municipalités – peut-être 28, je peux me tromper d'une, peut-être qu'il y en a 30 – à peu près, à l'intérieur de la communauté de Montréal, toutes avec leurs structures, leurs directeurs généraux, etc.

M. le Président, on a la Communauté urbaine de Montréal, qui regroupe des municipalités afin d'offrir certains services communs, entre autres des services de police et des services en matière de transport et de gestion des déchets. Nous avons, au niveau du transport, la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Au niveau également du transport, M. le Président, ce n'est pas assez d'avoir des sociétés de transport des communautés urbaines, Laval, la Rive-Sud, les villes couronnes, la région Nord, mais on a l'Agence métropolitaine de transport, un autre niveau.

Nous avons les conseils régionaux de développement, entre autres celui sur l'île de Montréal dont le rôle est largement consultatif, pour conseiller, pour regrouper les acteurs municipaux pour tenter d'améliorer la qualité des services. Et, fait surprenant, M. le Président, le budget du Conseil régional de développement de l'île de Montréal est, en termes d'administration, de 1 000 000 $ par année. Ça coûte, juste en termes d'administration, 1 000 000 $ par année pour administrer le Conseil régional de développement de l'île de Montréal, à lui seul. On est toujours dans la structurite, toujours dans les niveaux de gouvernements.

Si le projet de loi n° 92 est adopté, on va avoir la Commission de développement de la métropole, encore une fois, non décisionnelle. Nous avons évidemment des commissions scolaires, le Conseil scolaire de l'île de Montréal. Et nous avons un ministère, le ministère de la Métropole, créé par ce gouvernement, semble-t-il, pour tenter de coordonner des services, coordonner une politique gouvernementale pour le Grand Montréal, qui comprend maintenant 75 fonctionnaires. C'était supposé, au début, être un palier de gouvernement ou une organisation assez légère, maintenant rendue avec 75 fonctionnaires, avec un budget de 8 000 000 $ par année, le ministère de la Métropole.

Alors, M. le Président, on a les municipalités régionales de comté, les municipalités de la CUM, la CUM, les conseils régionaux de développement, si 92 est adopté, la Commission de développement de la métropole non décisionnelle, l'Agence métropolitaine de transport et le ministère.

M. le Président, cette brève démonstration, je pense, indique assez clairement que les citoyens qui demeurent dans la région de Montréal, soit sur le territoire de la ville de Montréal, la CUM, le Grand Montréal, sont – il y a une expression en anglais, M. le Président – «over-governed», couche après couche, après couche de structures, niveau après niveau, après niveau de structures. C'est quoi, la réponse de ce gouvernement? C'est d'en ajouter une autre qui, dans les pouvoirs, M. le Président, n'est même pas décisionnelle. Ça conseille le ministre. Là, semble-t-il, le ministre, il est ministre d'État à la Métropole, il a tout un ministère, lui, 75 fonctionnaires, il a besoin d'une autre structure pour lui conseiller quoi faire. Il a juste à me demander, M. le Président, j'ai des conseils pour le ministre. Pas besoin de créer une autre Commission de développement de la métropole qui va nous coûter, comme contribuables... qui va établir un autre niveau de bureaucratie.

That's just what we need, Mr. Speaker, another level of bureaucracy in the Greater Montréal area. That's just what was missing. I say that with some sarcasm, because I've noticed that occasionally what I intend to be sarcasm, when one is reading our debates in the House... Sometimes, in the written word, you loose the sarcasm. And I am, of course, being sarcastic when I say, Mr. Speaker, that the last thing that is needed – here I leave my sarcasm – is another level of government, another level of bureaucracy to come in and try and coordinate virtually dozens of different agencies in the Greater Montréal area. Why not begin by simplifying structures, Mr. Speaker?

Pourquoi pas commencer avec un plan de développement stratégique qui ferait le ménage dans ces structures? D'ailleurs, c'est un des articles du projet de loi, M. le Président. «La Commission formule au gouvernement des recommandations sur les sujets suivants». Ça, c'est le deuxième. Le premier, article 50: «la Commission conseille le ministre». Là, à 51, on formule: «La Commission formule au gouvernement des recommandations». Entre autres, paragraphe 1°, «les structures municipales, régionales et gouvernementales présentes sur son territoire, notamment en vue de leur simplification».

Voilà la logique de ce gouvernement. Afin de conseiller le gouvernement à simplifier des choses, on ajoute une nouvelle création, comme si le gouvernement avait besoin de créer des choses nouvelles. Encore de la bureaucratie pour lui expliquer comment simplifier des choses. Mais, M. le Président, si le ministre parlait simplement aux intervenants déjà sur place, les multiples intervenants déjà existants, je suis convaincu qu'ils auraient des conseils, eux, sur comment simplifier les choses, qu'il n'a pas besoin de créer une autre structure qui va recommander la simplification des multiples autres structures. C'est, quant à moi, un non-sens et surtout à cause du fait que cette nouvelle structure n'est pas décisionnelle mais juste consultative.

À l'article 52: «La Commission peut formuler au gouvernement des recommandations sur les sujets suivants». À 53: «La Commission peut, conformément à la loi, conclure une entente avec un gouvernement étranger». Et, à 54: «La Commission peut, notamment, pour la réalisation de sa mission: effectuer des études, des recherches ou des enquêtes».

M. le Président, est-ce que c'est ça dont la région du Grand Montréal a besoin, des études, des recherches ou des enquêtes, avec un niveau de chômage supérieur, bien supérieur à la moyenne provinciale, avec un taux de dépendance sur l'aide sociale qui dépasse toutes les prévisions? C'est de ça qu'on a besoin, selon le gouvernement, de faire des études, des recherches ou des enquêtes. Pas de passer à l'action, non; d'étudier la question, de faire de la recherche sur la question, de faire des enquêtes.

(17 heures)

M. le Président, mon comté, le comté de Notre-Dame-de-Grâce, beaucoup de gens qui nous écoutent, beaucoup de mes collègues ici présents en Chambre croient que le comté de Notre-Dame-de-Grâce est un comté aisé dans l'ouest de Montréal. Mais c'est une idée, c'est une perception qui n'est pas tout à fait exacte. C'est étonnant, j'ai été étonné de savoir, M. le Président, qu'à un moment fixe il y avait 10 000 personnes qui vivaient de l'aide sociale dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce. Dix mille personnes; c'est énorme. Nous avons une banque alimentaire dans Notre-Dame-de-Grâce – le ministre de l'Environnement le sait fort bien – une banque alimentaire qui n'existait pas il y a cinq ans, ça, c'est des problèmes réels à régler. Des problèmes de sécurité. Le ministre de l'Environnement m'en a fait part à un moment donné dans une conversation, des problèmes de sécurité qu'on a dans notre quartier. On se voit de temps en temps, socialement, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, et on en parle, M. le Président. Je ne suis pas gêné de l'admettre. On échange des informations, on partage des craintes qu'on a. Alors, c'est quoi, la réaction de son gouvernement? C'est de créer un autre palier de gouvernement, une autre structure qui va conseiller et étudier. C'est quoi, les mots exacts? Conseiller et étudier, faire des études, des recherches, des enquêtes. Ce n'est pas ça dont Montréal a besoin, M. le Président, ce n'est pas ça dont le Grand Montréal a besoin. Ce n'est pas d'un autre palier de gouvernement consultatif.

Regardons brièvement même la composition de cette Commission de développement de la métropole: 26 membres issus du milieu municipal – des élus municipaux, semble-t-il – 13 membres issus des milieux socioéconomiques. Mon collègue député de Verdun l'avait décrit, ce volet, comme un volet assez corporatiste, vu de l'ensemble. Aucun député provincial sur la Commission, aucun membre de cette Assemblée. Ah! je me trompe. Je me trompe. Je le faisais exprès, M. le Président. Le seul membre de cette Assemblée dûment élu par la population, leurs populations respectives, qui couvre le territoire de la Commission de développement de la métropole, c'est nul autre que le ministre d'État à la Métropole. Un élu provincial sur la Commission, puis ça se trouve à être le ministre d'État à la Métropole. Et je dois vous dire en tout respect, M. le Président: Ce n'est pas le ministre péquiste d'État à la Métropole qui va me représenter sur cette Commission, en tant qu'élu, et les gens d'en face vont comprendre. Ce n'est pas lui qui va représenter mes commettants. La seule représentation, au niveau de cette Assemblée, l'Assemblée nationale du Québec, c'est le ministre d'État à la Métropole, le député de Laval-des-Rapides.

No, Mr. Speaker, the last thing that people living in the Greater Montréal area need is another level of bureaucracy, another sponge soaking up resources, without power, because that's what this Greater Montréal Development Commission is. It doesn't even have decision making powers. It consults, it advises, it studies, it does inquiries, it does research. I tell you, Mr. Speaker, the people of NDG could counsel, study and inquire at much less cost to the taxpayer the problems, the real problems that effect the Greater Montréal area, than this new Greater Montréal Development Commission could do.

A government that is close to the people, a government that understood the real preoccupations of people would not need another level of bureaucracy on top of the multiple layers that already exist: MRCs, municipalities in the Montréal Urban Community – 29 including the City of Montréal – the Montréal Urban Community itself, the regional councils on development which exist for the Island of Montréal, this new Greater Montréal Development Commission, a new Metropolitan Transportation Agency, a new Ministry of the Metropolis created by this Government, with 75 civil servants and a budget of $8 million a year. And now this Government decides that, having created a ministry with 75 civil servants, having named a minister without power – many would say «without influence» – it needs to come along and add another level of bureaucracy, the Greater Montréal Development Commission.

Mr. Speaker, I can think of ways, right off the top of my head, better ways to spend $8 million a year than in a ministry for Greater Montréal. I can think of ways, as can my constituents think of ways, better ways to spend money than on the creation of a Greater Montréal Development Commission. One comes right to mind, Mr. Speaker, it is the situation regarding the Montréal Oral School for the Deaf, which I've referred to in this House previously.

I am awaiting an answer from the Minister of Education to a question posed in this House two weeks ago tomorrow, with regard to cutbacks to services for students integrated into a number of schoolboards in the Greater Montréal area, 100 students affected, Mr. Speaker. And the amount of money that is missing is a paltry 200 000 $ a year, Mr. Speaker. That's the cutback that was instituted by this Government a year ago, 200 000 $ a year. For the want of 200 000 $, 100 hearing impaired students risk loosing services provided by an internationally acclaimed school that helps integrate hearing impaired children. One of the students is receiving the Alexander Graham Bell prize, Mr. Speaker, an international prize, for her advancement in scholastic achievement as a hearing impaired student.

This Government cut 200 000 $ out of that funding last year, and this year, but can find 8 000 000 $ for a ministry and can find more money for a consultative body called the Greater Montréal Development Commission. Mr. Speaker, don't invest in structures, don't invest in the layers of government, don't invest in things that suffocate people; invest in things that help them to achieve, invest in things that are going to make Montréal develop as a metropolis, invest in things so that people, individuals will achieve great things in our society. That's what this Government should be doing and that is not what this Government is doing. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant céder la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, il n'y a pas une règle d'alternance? Il n'y a pas d'alternance? Les députés ministériels ne sont pas intéressés par la question? M. le Président, je pense que le député de la région de Dubuc voudrait parler. Je peux le laisser parler, si vous voulez.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Westmount–Saint-Louis, vous allez reconnaître qu'en vertu de l'article 35, je pense que c'est le paragraphe 7°, vous avez des propos qui peuvent susciter un débat. Alors, à ce stade-ci, je demande s'il y a des intervenants qui veulent discuter sur l'adoption du principe du projet de loi n° 92. Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis, je suis heureux de vous céder la parole.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Puisque ce projet de loi ne semble pas intéresser les membres de la majorité ministérielle, les députés du gouvernement, eh bien, il me fera plaisir de prendre la parole sur le sujet.

M. le Président, le ministre lui-même, le ministre d'État à la Métropole, responsable du projet de loi n° 92, en commission parlementaire, soulevait lui-même la question de la pertinence de la création de la Commission de développement de la métropole. Il ne savait pas très bien s'il devait ou si c'était un bon ou un mauvais moyen. Il n'était pas sûr de la qualité du moyen qu'il jugeait à propos de faire adopter comme projet de loi. Après l'audition des gens qui sont venus en commission parlementaire se faire entendre, je puis assurer le ministre que, moi, personnellement, en tout cas, je suis convaincu d'une chose, c'est que ce n'est pas un bon moyen.

M. le Président, au moment de l'organisation des travaux de la commission parlementaire, le ministre d'État à la Métropole avait fait adopter, d'une part, son projet de loi créant son propre ministère et, dans la création de son propre ministère, on avait soulevé quelques items pour le moins irritants pour la population montréalaise, à savoir que, d'une part, même le siège social du ministère de la Métropole, de Montréal, se trouvait à Québec. On s'était aussi étonné du fait du nombre croissant des fonctionnaires affectés à ce ministère. Le ministre avait prévu qu'une vingtaine de fonctionnaires seraient suffisants. Il parlait d'une structure légère, d'une structure souple et, tout d'un coup, par enchantement, quelques semaines, quelques mois plus tard, on était rendu à 75 fonctionnaires pour un ministère qui, encore une fois – le moins qu'on puisse dire – n'a pas fait ses preuves. Le ministère d'État à la Métropole a un rôle plutôt éthéré dans l'organisation des services métropolitains.

(17 h 10)

M. le Président, une chose qui peut certainement être tirée comme conclusion par les gens qui habitent la métropole et ses banlieues, c'est que, dans la métropole de Montréal puis à Montréal, on souffre plutôt du manque d'action que du manque de structures. Des structures dans la région de Montréal, on en a des tonnes. Uniquement dans le domaine du transport, on a la STCUM, que tout le monde connaît, la STRSM, qui voit aux transports publics de la Rive-Sud, la STL, qui pourvoit aux transports publics de Laval. Nous avons aussi une Agence de transport métropolitaine qui chapeaute ces agences-là, ces sociétés de transport. Et, finalement, on nous amène aujourd'hui, on nous demande d'entériner la création d'une Commission de développement de la métropole. Voilà une idée pas tout à fait saugrenue, mais une idée qui est un peu particulière, la création d'une nouvelle structure pour faire en sorte d'encadrer, d'enrégimenter davantage l'ensemble des décisions qui devraient être prises de façon plus souple par les autorités de la région de Montréal. Mais c'est là le rôle du gouvernement et son choix.

C'est un choix qui ne découle pas d'une vision du ministre qui est arrivée par effet soit d'osmose ou encore de génération spontanée. Le 4 septembre dernier, le ministre s'en souviendra, il avait pris un premier rendez-vous, je dirais, avec le monde métropolitain. Au cours d'un cocktail organisé par le ministre pour rencontrer le milieu montréalais, le ministre avait présenté son ministère et avait annoncé la création d'un fonds de développement de la métropole, avec un budget de 100 000 000 $ sur quatre ans. Et il avait déposé en même temps, si je me souviens bien, un document de consultation en vue d'un forum, qui a eu lieu les 7 et 8 novembre dernier, un forum de consultation.

On s'aperçoit que, trois ans, presque trois ans et demi après le dépôt du rapport Pichette sur le développement de Montréal, les choses n'ont pas tellement bougé et que la création d'une nouvelle structure parallèle à peu près aux 150 ou 200 autres qui existent actuellement ne risque pas de faire avancer les choses grandement. D'abord, dans le document qu'on cherche à nous faire entériner, la Commission de développement de la métropole n'aurait qu'une vision consultative des choses pour une certaine période donnée, une vision consultative pour un an, deux ans, trois ans, selon l'intérêt des membres faisant partie de la Commission, un forum de consultation qui, finalement, pour le ministre, ne sera qu'un exercice de «rubber-stamping» de décisions qui pourront être prises à peu près dans tous les autres ministères, sauf là où le ministre travaille. D'ailleurs, le ministre nous a révélé à plusieurs reprises qu'il siégeait, lui, sur de nombreux comités sauf le Conseil du trésor. C'est à peu près la place la plus importante où on peut siéger quand on est ministre dans le gouvernement, le Conseil du trésor, le ministre n'y siège pas, mais il siège sur toutes sortes de comités.

Pendant ce temps-là, par exemple, les problèmes s'accumulent à Montréal et il n'y a pas de solutions qui sont trouvées. À Montréal, on cherche entre autres à avoir une vision fiscale pour la ville de Montréal, pour l'ensemble des 28 municipalités de l'île de Montréal et aussi pour les couronnes nord et sud de Montréal; aucune vision fiscale, ni par le ministre, ni qui découle des travaux de son ministère, ni qu'on puisse retrouver éventuellement dans la Commission de développement de la métropole, qui fait abstraction de la question fiscale.

On a promis, depuis maintenant trois ans... au cours de la dernière campagne électorale, l'ancien chef du Parti québécois, Jacques Parizeau, et les principaux ténors avaient promis à la ville de Montréal un pacte fiscal. On est à trois ans passé les élections et les Montréalais attendent toujours leur pacte fiscal. Pas un mot dans les travaux du ministre, pas un mot sur la Loi sur la Commission de développement de la métropole. Ah! le ministre des Finances continue ses promesses. On leur repromet. Un peu la méthode de Maurice Duplessis quand on lui disait: M. Duplessis, vous nous aviez promis telle ou telle chose durant la dernière élection. Et il répondait, un peu cyniquement: Bien, je vous le promets encore. Voilà un peu la réaction et l'orientation que prend le gouvernement dans le dossier du pacte fiscal de Montréal. Rien de nouveau sous le soleil pour les montréalais et montréalaises. Ils sont en attente depuis trois ans et ils risquent d'attendre encore un grand bout de temps avant de savoir ce qui va se passer pour alléger le niveau de taxation municipale qu'on a à Montréal.

Parmi les curiosités de la formation de la Commission de développement de la métropole, notons que cette Commission, d'abord, sera composée de 39 personnes. Vous pourriez me dire que ce n'est pas très curieux qu'il y ait 39 personnes, mais une des curiosités, c'est qu'il y en aura 26 d'élues et 13 de nommées. Les gens qui sont venus nous voir pendant la commission parlementaire, à peu près tout le monde du monde municipal, nous ont dit: On ne voudrait avoir que des élus municipaux, surtout si un jour cette Commission-là devait devenir décisionnelle plutôt que consultative. Et c'est plein de bon sens. Le ministre dit: Bien, j'aimerais mieux avoir une commission consultative. C'est pour ça que je voudrais avoir des gens qui viennent de milieux cooptés. Alors, cooptés par qui? Cooptés par le ministre ou cooptés par le gouvernement? Ceux qui venaient en commission parlementaire et qui étaient susceptibles de vouloir être cooptés, et évidemment suggéraient d'être nommés, on a vu les lobbys du monde des syndicats, les lobbys du monde de l'environnement, les lobbys du monde du transport, beaucoup de gens qui sont venus là pour essayer de s'autoannoncer comme étant susceptibles d'être potentiellement intéressés à participer sur l'une ou l'autre des commissions, sur l'une ou l'autre... sur la Commission comme telle, éventuellement choisis par le ministre.

Mais les 26 responsables municipaux, on s'est aperçu que même là il y avait des problèmes. Pour l'île de Montréal, M. le Président, le projet de loi ne prévoit aucun siège réservé pour les maires, par exemple, de la banlieue de Montréal. Si Montréal est importante – Montréal est une ville de 1 000 000 de population – les 28 autres municipalités sur l'île de Montréal représentent quand même ensemble 800 000 personnes, M. le Président, alors il y a un bassin de 1 800 000 personnes pour lesquelles on précise qu'il y aura au moins six, sept sièges réservés pour Montréal, mais les sièges réservés pour, par exemple, le président des maires de banlieue, on n'en parle pas dans ce projet de loi là, et les maires de banlieue sont venus le dire, avec raison d'ailleurs. Je répète que ce projet de loi doit créer une commission qui doit être, pour un certain temps, consultative. Si les membres ne sont pas tous des élus, la Commission aura beaucoup de difficultés à devenir éventuellement décisionnelle.

Le gouvernement aurait intérêt aujourd'hui à faire son lit et à décider que cette Commission-là sera ou bien éventuellement décisionnelle et qu'elle devrait n'être composée que d'élus ou bien n'être jamais décisionnelle et, à ce moment-là, pouvoir être une macédoine de gens qui seraient soit élus, soit cooptés. Ça n'a plus d'importance. Mais si éventuellement cette Commission-là a un rôle décisionnel, elle aura un rôle décisionnel sur des décisions touchant, par exemple, le transport, touchant l'environnement, éventuellement touchant la fiscalité. Inévitablement, chacun de ces items-là touchera éventuellement des dépenses. Même nos règles parlementaires les plus élémentaires, M. le Président, font en sorte qu'il faut être élu, il faut être membre du gouvernement dans l'Assemblée qui nous régit ici pour pouvoir déposer un projet de loi qui traite de modifications fiscales ou de dépenses. Bien, c'est la même chose dans le restant de la vie. Ça prend des gens qui sont élus, qui ont un mandat de la population pour pouvoir traiter de dépenses publiques, dans un organisme comme celui que veut mettre de l'avant le gouvernement.

(17 h 20)

M. le Président, parmi les autres curiosités qu'on retrouve dans ce projet de loi là, je dirais que la plus grande, c'est que le président de cet organisme nouveau... La Loi sur la Commission de développement de la métropole, donc la Commission de développement de la métropole aurait pour président nul autre que le ministre d'État à la Métropole. C'est une curiosité, dans un sens. C'est probablement la seule chose qui pouvait faire consensus à la commission parlementaire. À peu près tout le monde s'entendait pour dire que, si le ministre voulait être président de la Commission, on pourrait accepter que le ministre soit président de la Commission.

Mais ça fait assez curieux de constater que le rôle de la Commission est un peu particulier pour un ministre. Je vous donne, M. le Président, quelques éléments qu'on retrouve dans les articles 59 à 65 du projet de loi, par exemple, où on stipule – puis j'ai pris quelques notes là-dessus – dans l'aménagement du territoire, par exemple: le ministre des Affaires municipales indique à la Commission les orientations gouvernementales en cette matière. C'est étrange que le ministre des Affaires municipales soit obligé d'indiquer au président de la Commission, qui est son collègue, quelles sont les orientations du gouvernement en matière d'aménagement du territoire. Il est curieux de constater que le ministre des Transports doit indiquer à la Commission la politique gouvernementale en matière de transport. C'est assez curieux d'avoir comme président de cette Commission un ministre membre du cabinet qui ne sait pas et qui ne connaît pas la politique gouvernementale en matière de transport, ce qui crée une obligation, dans le projet de loi du ministre président de la Commission, d'obliger le ministre des Transports à indiquer à la Commission la politique du gouvernement. Il est curieux de constater, aux articles 72 à 77, que le ministre de l'Environnement et de la Faune indique à la Commission la politique du gouvernement en matière de gestion des déchets. Ça donne quoi d'avoir un président de la Commission qui est membre du cabinet si chacun de ses collègues est obligé, l'un après l'autre, d'élaborer et de lui indiquer c'est quoi, la politique gouvernementale?

M. le Président, parmi ces curiosités, on s'étonne de remarquer que le président de la Commission, membre du cabinet, doit... C'est là un rôle important de cette Commission. L'article 50. L'article 50 crée une obligation à la Commission, crée une obligation de conseiller le ministre sur des sujets: conseille le ministre de la Métropole sur les sujets soumis par le ministre. Alors, le ministre va aller soumettre des sujets à la Commission qu'il préside pour avoir une consultation que lui-même pourra recevoir comme président de la Commission et transmettre au ministre de la Métropole. Ça fait bizarre! Si le ministre voulait un organisme consultatif, pourquoi s'est-il mis à présider un organisme consultatif qui aura comme mandat de le conseiller lui-même? Ç'aurait été pas mal plus simple pour le ministre, s'il voulait avoir un comité consultatif, de faire appel aux préfets des MRC de la région, de faire appel aux maires de la région puis d'avoir une structure relativement souple où il y aurait huit, 10, 12 personnes qui pourraient le conseiller sur l'avenir des Montréalaises et des Montréalais, de l'agglomération montréalaise en matière soit de déchets, soit d'environnement en général, en matière de transport, en matière d'aménagement du territoire, en matière de fiscalité.

Là, le ministre est en train de se monter une organisation qui ne fera pas de sens bien, bien longtemps. Au moment où on se parle, des entités aussi importantes que Laval, d'abord région que le ministre représente lui-même à l'Assemblée nationale, et la couronne nord de Montréal refusent de participer à cette Commission-là, en partant, sans compter que dans la Montérégie différents regroupements, différents intervenants nous ont indiqué qu'eux aussi n'y participeraient pas si elle était soit consultative, soit décisionnelle. Le seul organisme – qui n'est pas rien – qui a dit au ministre: Faites à peu près ce que vous voulez puis, moi, j'y adhérerai, c'est la ville de Montréal, toujours en attente d'un pacte fiscal, je vous le fais remarquer, qui a reçu le chant des sirènes du ministère des Finances avant le dépôt du budget, laissant croire au maire de Montréal que son pacte fiscal serait inclus à l'intérieur du budget. Bien, si on a berné le maire de Montréal, je pense qu'on n'a pas réussi à berner l'ensemble des membres de ce Parlement, et particulièrement du côté de l'opposition.

On a, en gros, un projet de loi qui crée une commission qui, pour les Montréalaises et les Montréalais, fera office d'une deuxième queue après le même chien. Les Montréalaises et les Montréalais ont besoin de cette Commission à peu près comme un chien a besoin d'avoir deux queues. La façon tarabiscotée d'avoir établi et écrit ce projet de loi nous amène à considérer que les Montréalaises et les Montréalais ne seront pas plus avancés dans trois mois, dans six mois, dans un an qu'ils l'ont été depuis trois ans, et particulièrement en regardant un projet de loi qui crée une commission qui sera présidée par un ministre, un membre du gouvernement qui aura comme mandat de se faire dire par chacun de ses collègues ce que doit être la politique du gouvernement en matière d'aménagement du territoire, de transport, d'environnement et d'autres sujets qui pourront éventuellement faire les choux gras de cette Commission.

Mais on s'aperçoit après usage, court usage, même pas usage de la Commission, après avoir entendu les intervenants en commission parlementaire, que la vie durable de la Commission de développement de la métropole risque de ne pas durer beaucoup plus longtemps que la vie durable du ministère d'État à la Métropole, parce que ce n'est pas là la solution, ni l'une ni l'autre des solutions qui vont faire en sorte de permettre à Montréal, de permettre à l'agglomération de Montréal de pouvoir envisager un avenir un peu assis sur quelque chose qui a de l'allure, avec des outils aussi tordus que ceux que nous présente le ministre.

Si c'est là le fruit de sa réflexion, si c'est là le fruit de la réflexion du gouvernement, eh bien, on est obligé de tirer la conclusion que le gouvernement a perdu le nord, qu'il ne comprend pas Montréal puis qu'en plus les outils qu'il veut donner, qu'il donne à Montréal sont des outils qui sont édentés et qui ne serviront finalement qu'à faire perdre un temps précieux aux gens de Montréal, particulièrement à ceux qui vont y croire, parce que l'avenir ne passe pas par la construction de structures aussi hétéroclites que celle que nous propose le ministre.

En deux mots, si la Commission de développement de la métropole, comme je le disais, est reçue par les Montréalais comme la deuxième queue d'un chien, le ministre de la Métropole ne saura s'en prendre qu'à lui-même pour avoir manqué le bateau, encore une fois, une autre fois, en ce qui concerne l'avenir de Montréal. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 92? Alors, nous cédons la parole au député de Chomedey. Alors, M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes ici effectivement pour débattre en deuxième lecture du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, Bill 92, An Act respecting the Greater Montréal Development Commission.

M. le Président, ce ne sont que les membres du gouvernement du Parti québécois qui ont su se convaincre que les réels problèmes qui affligent la région métropolitaine de Montréal, c'est qu'il nous manquait une autre structure bureaucratique. Quelle découverte de la part du gouvernement du Parti québécois! Après nous avoir imposé une Agence métropolitaine de transport dont on n'avait strictement pas besoin, on est en train maintenant de nous inventer une nouvelle structure qui va s'appeler la Commission de développement de la métropole.

(17 h 30)

M. le Président, le ministre responsable de la région de Montréal est mon collègue à Laval, il est un des cinq députés provinciaux à la ville de Laval qui, rappelons-le, est non seulement une ville – Laval est bien entendu une île – mais c'est aussi une région. Étant le seul membre de cette Assemblée nationale du côté de l'opposition qui représente une circonscription, à l'île et à la ville de Laval, je dois, M. le Président, mettre en garde tous mes concitoyens et concitoyennes de Laval, les mettre en garde concernant les véritables intentions du gouvernement du Parti québécois à l'égard de notre ville et de notre région. Car, M. le Président, si j'ai pu référer tantôt à l'Agence métropolitaine de transport et à la Commission de développement comme étant deux initiatives distinctes, il faut aussi regarder les autres actions menées à l'heure actuelle, les autres activités, les autres interventions du gouvernement du Parti québécois pour apercevoir quelles sont leurs réelles intentions.

Si on regarde ce que le ministre responsable des régions, qui vient lui-même de Joliette... on est capable de constater que les citoyennes et citoyens de Laval se doivent d'être très préoccupés. Car, M. le Président, tous les observateurs bien renseignés de la scène politique à Laval s'inquiètent vivement de ce qui est perçu comme étant une décision de rattacher notre CDRL, notre commission de développement régional, à Laval, à la métropole, et on a raison de craindre que Laval risque sérieusement de perdre son statut de région administrative autonome. Ce statut, M. le Président, a été gagné avec une lutte importante au cours des dernières années. Il était important qu'une ville aussi grande que Laval, avec 345 000 de population, la deuxième plus grande ville au Québec, M. le Président, puisse avoir les structures nécessaires à son essor, à son développement.

Ce que nous sommes en train de voir aujourd'hui avec le projet de loi présenté pourtant par un député qui représente une circonscription à Laval, c'est un autre pas dans la direction voulue par les fonctionnaires, par les bureaucrates qui ne cessent de vouloir imposer leur vision centraliste sur les représentants dûment élus au niveau local, et c'est notre préoccupation première à Laval à l'égard du projet de loi n° 92 concernant la Commission de développement de la métropole.

M. le Président, j'étais ici plus tôt aujourd'hui lorsque le ministre a parlé de son projet de loi. Un ministre a bien l'obligation de tenter de convaincre les autres, même s'il ne peut pas convaincre grand monde, de tenter de nous convaincre que son projet de loi a de l'allure, mais, M. le Président, lorsque j'ai entendu le député de Laval-des-Rapides et ministre responsable de la région de Montréal nous dire que cette Commission de développement de la métropole, et je le cite, était «un outil indispensable», je me suis dit: L'exagération a toujours sa place dans un débat politique, mais j'espère qu'il n'est pas lui-même convaincu qu'une autre bureaucratie qui, comme mon collègue le député de Westmount vient de le démontrer si éloquemment, n'a strictement pas sa place et dont la nécessité n'a jamais été démontrée, qu'il ne tente pas de nous convaincre que c'est un outil indispensable. Non, M. le Président.

Le réel problème dans la région métropolitaine de Montréal est le fait que depuis plus de 20 ans maintenant il y a la menace de la séparation qui pèse comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de toutes les entreprises, de tous ceux et de toutes celles qui veulent créer de l'emploi. C'est ça, le réel problème. Et pour s'en convaincre, M. le Président, on pourrait donner une litanie d'exemples, mais regardons une chose, car justement ça rallie les questions qui nous intéressent à Laval, les questions métropolitaines et la question de l'Agence métropolitaine de transport.

Lettre datée de vendredi dernier, lettre adressée à tous les députés péquistes, libéraux, de toute la couronne nord et de Laval, nous invitant à une rencontre pour nous présenter l'avant-projet du plan stratégique que l'Agence prépare en concertation, etc.. Des «pousseux» de papier, M. le Président! Des rencontres tout à fait inutiles! Car, si on regarde l'endroit où cela se tient, c'est à Sainte-Thérèse. À Sainte-Thèrèse, à Laval, à Montréal, il y avait une chose nécessaire pour maintenir une infrastructure de calibre mondial dans le domaine du transport en avion, c'était l'aéroport Mirabel. Mais ça va tellement mal dans l'économie qu'on est bien la seule juridiction dans le monde où on est train de fermer une installation de toute première qualité, l'aéroport Mirabel, pour ramener tout le trafic aérien international organisé avec les grandes lignes, et on laisserait juste le transport par charter, par vol nolisé à Mirabel.

Quelle est la raison de ce désastre, M. le Président? C'est la menace de la séparation. En 1976, lorsque l'aéroport Mirabel fut ouvert, tout le monde savait qu'il manquait une chose pour le rendre plus attrayant pour le voyageur: c'était un lien rapide entre l'aéroport Mirabel et Montréal, car, pour l'instant, on peut emprunter l'autoroute 13, juste en dehors des limites de la ville de Laval. À ce moment-là, il faut prendre la 640 Est jusqu'au 15, on remonte l'autoroute des Laurentides, l'autoroute 15, et on fait une longue sortie de 10 kilomètres pour réintégrer, regagner l'aéroport Mirabel. Tous les plans, tous les projets pour ce lien haute vitesse entre l'aéroport Mirabel et Montréal existaient lorsque, le 15 novembre 1976, le premier gouvernement du Parti québécois fut élu.

Quel est le bilan de ce premier gouvernement du Parti québécois à l'égard de la ville de Laval? C'est un bilan très peu reluisant, M. le Président, car, pendant les neuf ans que le Parti québécois a été au pouvoir la première fois, il a édicté un moratoire contre ce qu'il appelait «l'étalement vers la banlieue», «l'étalement urbain». Résultat: pendant neuf ans du gouvernement du Parti québécois, il n'y a eu aucune action visant à régler les problèmes concernant l'aéroport Mirabel, à régler les problèmes concernant la circulation sur les ponts qui relient Laval et Montréal, et ce n'est qu'avec l'élection du gouvernement du Parti libéral en 1985 qu'on a pu commencer à constater une amélioration à cet égard.

Lors de la dernière campagne électorale, le Parti québécois a promis que Laval serait reliée à Montréal par le métro. Mais, avec la création de l'Agence métropolitaine de transport, ils ont réussi à faire comme ils font d'habitude: ils pellettent en avant, ils créent une autre bureaucratie, l'Agence métropolitaine de transport. Et, quand viendra la prochaine élection, ils auront bonne conscience de dire: Oui, mais ça bouge. On a créé une autre bureaucratie, on a créé d'autres emplois pour nos amis. Eh oui, ça va prendre un peu plus de temps, mais vous n'avez pas été invités, le 26 mai 1997, pour une rencontre pour vous présenter un avant-projet de plan stratégique? Quelle mentalité! Quelle mentalité de fonctionnaires!

Les chronophages, ils sont là à manger du temps, à faire passer le temps jusqu'aux prochaines élections. Eh oui, M. le Président, c'est désolant, mais c'est vrai. Les péquistes sont là à pousser les problèmes en avant, à inventer des structures dont personne n'a besoin, à essayer de convaincre la population... parce qu'ils sont trop intelligents. Il n'est pas concevable que l'actuel député de Laval-des-Rapides croie lui-même que ce dont la région métropolitaine de Montréal a besoin, c'est une autre structure bureaucratique. Je ne le crois pas pour un instant. Il a trop d'expérience en matière d'administration, maintenant, il connaît trop bien les problèmes réels dans la région de Montréal. Il sait où logent les réels défis et il refuse d'y répondre parce qu'il ne peut pas y répondre, car le problème numéro un, et il le sait, c'est que, tant qu'on menace les entreprises de bouleversement, d'instabilité politique, il n'y aura pas de croissance dans la grande région de Montréal.

Pour ce qui est de sa métaphore préférée du trou de beigne, en disant que Montréal est devenue ainsi et que tout ce qui est important est en dehors, je tiens à rappeler au ministre que c'est un phénomène normal, constant, naturel en Amérique du Nord. Le Québec, les Québécois, les Québécoises, les Montréalais, les Montréalaises, les Lavallois, les Lavalloises, les gens qui vivent ici ne sont pas différents des autres Nord-Américains, car, même si on peut se vanter à juste titre de notre héritage, de notre langue, de nos traditions, il n'en demeure pas moins que les gens qui habitent ici, au Québec, sont des Nord-Américains d'abord et avant tout. Et ce que les gens veulent, ce que le monde veut, M. le Président, c'est le rêve nord-américain. Lorsqu'on travaille fort, comme tout le monde travaille, lorsqu'on paie trop de taxes – parce qu'on paie trop de taxes – lorsqu'on a des difficultés à arriver, il y a une chose que l'on veut: c'est au moins d'avoir un chez-soi, d'avoir une maison où on peut entrer le soir et qui s'appelle chez-nous.

Eh bien, évidemment, avec le fait que l'île de Montréal est bâtie et développée depuis longtemps, c'est vers l'extérieur qu'on trouve du terrain pour pouvoir bâtir des maisons unifamiliales, qui sont effectivement ce que la plupart des gens recherchent et veulent dans notre société. C'est une réalité, c'est un fait, c'est ainsi. Mais, plutôt que de s'adresser à la question d'une manière cohérente et logique et dire: Écoutez, il n'y a rien à y changer.... Tenter de persuader le monde que Laval ou Sainte-Thérèse, ou Blainville, ou Mascouche fait partie d'un problème, c'est un peu comme essayer de convaincre les gens à Newark, New Jersey, qui est la banlieue de la ville de New York, qu'il faut absolument les forcer, les contraindre à faire partie d'une nouvelle structure bureaucratique qui va venir leur prendre leur pognon, va venir leur dire quoi faire et quand. La manière logique de s'y prendre, c'est d'établir des priorités d'État.

Je ne crois pas que le gouvernement français a eu besoin de la permission de Cergy-Pontoise pour faire l'infrastructure routière qui relie la métropole avec une de ces villes nouvelles, que ce soit Cergy-Pontoise, Seine-et-Marne, peu importe. Il y a ces villes nouvelles qui sont à l'extérieur de Paris et qui sont toutes reliées. Il y a raison d'État là-dedans. Le gouvernement d'Angleterre n'a pas attendu la permission des différents bourgs qui constituent la ville de Londres pour construire l'extraordinaire série de voies routières concentriques autour de Londres.

Non, M. le Président, lorsqu'il y a une volonté d'État claire, l'État peut imposer cette volonté, l'État peut faire en sorte que les ressources deviennent disponibles pour l'ensemble. Ce n'est pas ça, la vision du Parti québécois. La vision du Parti québécois vise plutôt à donner raison à la fonction publique, aux bureaucrates, aux gens qui préparent des projets pour le gouvernement, et ils vont par la suite imposer leur vision. On l'a déjà vu trop souvent avec ce gouvernement, M. le Président. On l'a vu avec le ministre des Affaires municipales qui s'est fait vendre une salade par ses fonctionnaires concernant la fusion des municipalités.

(17 h 40)

Je vous avoue, M. le Président, que, comme membre de l'opposition qui ne demande qu'une chose: que le gouvernement du Parti québécois déclenche enfin des élections pour qu'on puisse justement permettre à la population de les mettre dehors, de les mettre de ce côté-ci pour qu'ils réfléchissent encore pendant quelques années, je vous avoue, M. le Président, que ce gouvernement du Parti québécois et ce ministre des Affaires municipales nous ont donné un excellent exemple de ce qu'il ne faut pas faire. L'idée d'imposer la fusion des municipalités et de préparer une carte, c'est une vision bureaucratique. Cette même carte a déjà été présentée par ces mêmes fonctionnaires à plusieurs autres ministres des Affaires municipales avant. Mais, avec leur manière toute à eux, ils ont réussi à convaincre celui-ci que ce serait une preuve de sa force, de sa perspicacité, de sa vision que d'imposer au monde municipal leur vision bureaucratique vue d'ici, de Québec. Alors, l'ultime ironie, M. le Président, c'est que, loin d'avoir un consensus au niveau métropolitain, dans la région de Montréal, on va avoir de l'ingérence constante de la part des fonctionnaires de Québec dans des affaires locales, pas des affaires qui concernent justement la grande région métropolitaine, où il y a raison d'État, où il faut effectivement, au nom de tout le Québec, intervenir pour établir des priorités.

On va le voir avec l'Agence métropolitaine de transport. Les besoins les plus criants, c'est quoi? Les voies qui devraient entourer Montréal, l'équivalent du ring à Bruxelles, du périphérique à Paris, du Belt Way à Washington. Dans toutes les grandes villes du monde, il y a au moins une structure routière qui entoure et qui est terminée. Ici, au Québec, on n'a même pas l'argent pour mettre de l'asphalte sur les routes qui sont là. Alors, à plus forte raison, il est difficile de concevoir comment on va pouvoir parvenir à mettre en place quoi que ce soit de valable, parce qu'on n'a pas les moyens et on ne peut tout simplement pas y parvenir.

Lorsque le premier gouvernement du Parti québécois a été élu, en 1976, tout était prévu pour relier Mirabel à Montréal. Deuxième série de gouvernement du Parti québécois: on est en train de fermer un aéroport international. C'est scandaleux. On est en train de faire en sorte que cette extraordinaire installation qu'est l'aéroport de Mirabel soit ratatinée. On va permettre de le diminuer pour que seuls les vols internationaux nolisés puissent utiliser Mirabel. Tout le reste va être transporté à Dorval, qui est un champ aérien de l'époque de la Deuxième Guerre mondiale. Je veux bien que, ce mois-ci, on fête les 70 ans du vol de Lindberg, mais, lorsqu'on se promène à Dorval, on croit qu'on va voir Lindberg voler au-dessus tellement les installations sont désuètes. On a une installation de calibre mondial, l'aéroport de Mirabel. Que font les gens du Parti québécois...

Au moins, la députée de Blainville applaudit, et elle a raison d'applaudir. Mais c'est son gouvernement qui est en train de le démolir et de l'anéantir, Mirabel. C'est dommage, mais c'est vrai. C'est le gouvernement du Parti québécois qui est en train de démolir et d'anéantir Mirabel. Il laisse déménager tout vers Montréal, et c'est une décision prise sciemment par le gouvernement du Parti québécois parce qu'il n'a pas le choix. Il n'y a plus suffisamment d'activités économiques dans la grande région de Montréal, il n'y a plus suffisamment d'activités aériennes sur Mirabel, et ils ont pris cette décision-là.

Alors, M. le Président, pour conclure, ce n'est pas vrai qu'on a besoin d'une autre bureaucratie dans la grande région de Montréal. Ce n'est pas exact de prétendre que la Commission de développement de la métropole, telle que proposée par mon collègue le député de Laval-des-Rapides, va changer quoi que ce soit aux réels problèmes. La seule manière de régler les réels problèmes économiques dans la grande région de Montréal, la seule manière de s'assurer qu'il y a une base de taxation suffisamment solide pour pourvoir aux dépenses publiques qui doivent être faites dans le réseau routier, dans les autres domaines, c'est d'enlever la menace de séparation, avec toute l'incertitude politique que cela crée, car, dans le monde d'aujourd'hui, avec les échanges faciles à travers les frontières, il n'est pas vrai que ceux et celles qui prévoient de l'investissement vont aller vers l'incertitude. Ils ont le choix aujourd'hui, et le choix, malheureusement, se fait de plus en plus fréquemment contre le Québec parce qu'il y a des endroits qui sont beaucoup plus stables économiquement et politiquement, et c'est regrettable que le même gouvernement qui présente un projet de séparation, un projet de destruction de cet extraordinaire pays qu'est le Canada, soit maintenant en train de tenter de nous convaincre qu'il a trouvé finalement le vrai problème à Montréal et que le problème, c'est qu'on n'avait pas suffisamment de bureaucrates. Ce n'est pas vrai, M. le Président, et c'est pour ça que notre formation politique s'inscrit en faux à l'égard du projet de loi n° 92. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Permettez-moi d'intervenir quelques minutes. Je ne voulais pas, à ce stade-ci, intervenir, mais l'intervention du député de Chomedey fait en sorte que je ne puisse laisser de telles choses contraires à la vérité dans nos galées à l'Assemblée nationale. Je ne peux absolument pas.

Premièrement, je pense que c'est le premier député libéral, à part le député d'Argenteuil, qui nous fait part maintenant que lui appuie Mirabel contre Dorval. J'aimerais ça que ses collègues les députés de l'Ouest-de-l'Île... Et j'espère qu'ils entendaient le député de Chomedey leur dire qu'ils avaient tort d'appuyer Dorval comme centre de vols internationaux. Je crois que le député de Chomedey parle tout seul ou il est en train de faire une scission ou il est en train finalement de désavouer ses collègues de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. C'est ce qu'il est en train de faire, M. le Président. Je pense que le député de Chomedey ne réalise pas ça.

(17 h 50)

Maintenant, quand le député de Chomedey nous dit que c'est le gouvernement du Parti québécois qui prend ces décisions-là, il oublie quelque chose. Quand on a construit Mirabel, à ce moment-là, Montréal était le passage obligé pour les vols internationaux. Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement fédéral, la maison mère du Parti libéral à Québec? Le Parti libéral fédéral, qu'est-ce qu'il a fait, M. le Président? Il a permis à ce moment-là aux vols internationaux d'arriver à Toronto, et c'est ça qui a commencé le long déclin de Montréal comme situation internationale pour les vols internationaux. Ça prend tout un culot, une audace, un culot – je dirais autre chose aussi, mais je ne le dirai pas parce que ça serait antiparlementaire – pour le député de Chomedey, de dire des choses pareilles, que de dire: C'est le gouvernement du Parti québécois qui décide présentement ce qui est en train de se décider au niveau des vols internationaux. Il oublie l'ADM aussi, l'existence de l'ADM. Est-ce que c'est le gouvernement du Parti québécois qui a créé l'ADM? Je ne crois pas. Je ne le crois pas, puis le député de Chomedey, je pense, serait bien mal placé pour dire autrement. Alors, c'est pour ça, quand j'entends des choses comme ça...

Je ne le sais pas, là. C'est peut-être une hallucination temporaire, c'est peut-être une aberration psychologique temporaire, j'en suis certain, parce que le député de Chomedey nous a quand même habitués à une certaine rigueur en cette Chambre, à une certaine rigueur intellectuelle, à un certain raisonnement, normalement. Quand je dis «certaine», je ne qualifie pas quel est ce «certain», je ne donne pas une qualité à cette «certaine rigueur», parce qu'on peut avoir une certaine rigueur pour dévier, des fois, d'un certain penchant qui n'est pas nécessairement souhaitable pour nos débats. Mais c'est une autre chose, M. le Président, c'est une autre chose.

Alors, tout ça pour vous dire que ça prend un certain culot. Et, quand il emploie les termes «séparation» ou «destruction», je pense qu'il a dû écouter son père spirituel, Jean Chrétien, qui parlait d'armes nucléaires que les enfants pouvaient maintenant se procurer dans le grand pays du Canada, hein? Je pense qu'il a regardé le lexique de son grand gourou, Jean Chrétien, qui, lui, parle d'armes nucléaires. Alors, je comprends: «armes nucléaires», «destruction», c'est un nouveau langage que la maison mère a demandé à la succursale à Québec de bien vouloir finalement employer. Mais je pense que ce sont ses propos qui sont dangereux, ce sont ses propos qui sont destructeurs et ce sont ses propos qu'on devrait justement éviter si on a vraiment à coeur les intérêts de Montréal, si on veut que Montréal se développe, si on veut que Montréal prospère.

À chaque fois qu'on parle, justement, de ces choses, de ces nuages qui planent autour de Montréal, je ne crois pas qu'on fasse la promotion de Montréal, M. le Président. Au contraire, on fait exactement le contraire. C'est pour ça, donc, que j'inviterais le député de Chomedey à faire attention à ses propos et à ne pas aller dans certains excès qui, je crois, n'aident pas Montréal et n'aident pas le débat sur cet important projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Anjou et leader du gouvernement. Nous cédons maintenant la parole à la députée de La Pinière. Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Auparavant, étant donné qu'on va ajourner, en principe, à 18 heures, est-ce qu'il y aurait consentement pour que je puisse déborder, pour terminer mon intervention, au-delà du 18 heures?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader?


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président, je comprends qu'il y a consentement. Je vais essayer de ramener un peu de calme dans le débat. Je suis très contente d'intervenir sur ce projet de loi, le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. Je dis bien que je suis contente parce que je me suis impliquée dans ce projet de loi à différentes étapes et j'avais moi-même, avec plusieurs de mes collègues, beaucoup d'espoir pour que finalement quelque chose de concret se fasse pour la métropole. Mais, finalement, depuis le dépôt du projet de loi par le ministre d'État à la Métropole, en décembre 1996, et toutes les étapes par lesquelles le projet de loi est passé, en consultations, en forums, en sommets et en discussions, on constate aujourd'hui que la montagne a accouché d'une souris. C'est regrettable de le dire, surtout quand on sait toute l'énergie qui a été investie par les différents milieux dans l'étude de ce projet de loi, dans la bonification, et toutes les propositions qui ont été faites.

Au terme de tout ce débat, M. le Président, aujourd'hui, il convient de dire que le seul consensus qui se dégage autour du projet de loi n° 92, c'est qu'il n'y a pas de consensus, et pour cause. Le projet de loi n° 92 visait essentiellement à créer la Commission de développement de la métropole, dont la mission principale est de soutenir le développement de la région de la métropole, une région qui en a grandement besoin parce qu'elle est profondément affectée par le déclin économique, et ça se fait sentir dans la région de Montréal de façon dramatique.

M. le Président, après tout ce débat, on est loin de l'objectif que visait ce projet de loi. Pourquoi? Parce que ce projet de loi, avec les énoncés théoriques qu'il mettait de l'avant, n'a pas réussi à atteindre un des objectifs principaux, je dirais une des conditions essentielles pour la réussite du projet de la Commission de développement de la métropole, à savoir le consensus de la grande région de Montréal, le consensus des intervenants de la région de Montréal, le consensus des grands acteurs du développement économique de Montréal.

Alors, que dit le projet de loi à part le fait qu'il énonce qu'un de ses objectifs, c'est de soutenir le développement de la métropole? M. le Président, il y avait aussi dans ce projet de loi une définition du territoire de la métropole. Le territoire comprendrait la Communauté urbaine de Montréal et 11 municipalités régionales de comté autour de la Communauté urbaine de Montréal.

Le projet de loi, également, déterminait la composition de ce que devrait être le comité directeur de la Commission, mais sur chacun de ces points-là, M. le Président, il n'a pas été possible d'avoir un consensus clair et précis.

Et enfin, le projet de loi déterminait également un certain nombre d'attributs, de fonctions de la Commission, notamment en ce qui concerne l'élaboration, en collaboration avec les ministères concernés, l'Agence métropolitaine de transport, des orientations et des priorités d'action stratégique en matière de développement économique, et adoptait des règlements relatifs à un cadre d'aménagement métropolitain.

Tout ça, M. le Président, pour dire que, sur les quatre points essentiels, les quatre chapitres du projet de loi, à savoir la mission, le territoire, la composition du comité directeur et les fonctions de la Commission, on est loin d'un consensus. Pourquoi est-ce qu'on est loin d'un consensus? Parce qu'au lieu de trouver une solution viable et acceptable à l'ensemble des acteurs de la région métropolitaine, M. le Président, le projet de loi a abouti à une coquille vide, une coquille vide qui n'est rien d'autre qu'une autre structure qui vient s'ajouter aux 200 autres structures existantes dans la région de Montréal.

On se rappellera, M. le Président, que lorsque le ministre a été nommé à la tête de ce nouveau ministère, le ministère de la Métropole, il y avait énormément d'attentes qui ont été créées dans les milieux métropolitains. Et, quelques mois plus tard, on arrive à quoi? On arrive à presque rien. On arrive à un ministère qui a un budget de 8 000 000 $, mais déjà 75 fonctionnaires, et on arrive aussi à un projet de Commission de développement de la métropole qui ne fait le bonheur de personne.

En tant que députée montérégienne, M. le Président, vous me permettrez lors de cette intervention de faire écho à la position de la Montérégie et également d'exprimer les inquiétudes et les préoccupations du milieu montérégien. La Montérégie est une région très dynamique économiquement. C'est l'une des régions où, depuis les dernières années, il se crée le plus d'emplois. C'est également une région qui a une position géographique stratégique par rapport à la métropole. Donc, les décideurs montérégiens, lorsqu'ils ont vu venir le projet de la Commission de la métropole, et même avant que le projet de loi soit déposé, se sont concertés, ils ont pris au sérieux le ministre et ils ont dit: Quelque chose va se passer; on veut y participer.

(18 heures)

Effectivement, ils se sont impliqués dans le projet de création de la Commission de développement de la métropole. Il y a eu, entre autres, et je vous dirai ça dans l'ordre... D'abord, il y a eu formellement une rencontre avec le ministre d'État à la Métropole, qui est venu rencontrer les membres du conseil d'administration de la Société montérégienne de développement, qui est le CRD Montérégie, et, lors de cette rencontre, je me rappellerai toujours de ce que le ministre a dit. D'abord, il s'est vanté pour dire que c'est lui-même qui a choisi le concept de métropole et il a tenté de convaincre les gens que c'était un concept auquel il fallait se rallier. Et je me rappellerai aussi, lorsqu'une intervenante du milieu culturel lui a rappelé que la Montérégie ne recevait pas sa quote-part de ressources financières, de subventions pour développer la culture, le ministre n'a rien trouvé de mieux à dire que l'excellence, c'était à Montréal que ça se passait. Il a fallu l'intervention de sa collègue la ministre de l'Éducation, députée de Taillon, pour corriger le tir.

Donc, M. le Président, il y a eu cette première rencontre d'information avec le ministre et, d'ores et déjà dans cet échange, le ministre a pu entendre les inquiétudes du milieu montérégien. Il y a eu également, M. le Président, cinq colloques sous-régionaux en Montérégie, notamment dans ma sous-région, la Rive-Sud. Et j'ai pu participer, à cette étape aussi, avec les décideurs de la Rive-Sud, au débat sur la métropole. Ensuite, on a eu le Sommet régional, en janvier. Auparavant, on a eu un forum sur la métropole. Tout ça pour vous dire que les décideurs montérégiens tant locaux que régionaux de tous les secteurs, les élus locaux, le milieu de l'éducation, le milieu syndical, le milieu de la santé, tout ce beau monde là s'est réuni autour de ce projet pour en discuter et pour chercher des solutions parce que les gens étaient préoccupés et prêts à agir.

Tout ce processus, M. le Président, a abouti à la préparation d'un mémoire, le mémoire de la Société montérégienne de développement, qui représentait le consensus montérégien et qui a été présenté devant la commission de l'aménagement et des équipements. Et, pour résumer de façon très succincte la position montérégienne, d'abord et avant tout, la Société montérégienne de développement s'est inscrite en faveur de la notion du développement de la métropole. Il y a eu un accord de principe.

La Montérégie, par la voix de ses représentants, s'est également inscrite dans l'objectif de participer à la Commission de développement de la métropole et de participer à la revitalisation de la région métropolitaine. Cependant, sur le plan du mandat qui devait être confié à la Commission, la Société montérégienne de développement a clairement signifié que la Commission ne pouvait être décisionnelle. Et, tout au plus, on était d'accord pour une Commission de développement de la métropole qui soit évolutive et que, du consultatif, elle pourrait se diriger, avec l'expérience, vers une commission décisionnelle.

Sur la composition du conseil d'administration, la Société montérégienne a clairement exprimé le désir d'avoir quatre sièges pour les quatre CRD autour de Montréal. Un point central au débat qui s'est tenu en Montérégie, c'est l'intégrité du territoire montérégien ainsi que le maintien des cinq régions administratives. Sur cette question d'intégrité du territoire, la Montérégie a apporté une contribution originale dans la mesure où elle a proposé qu'au lieu d'avoir un territoire fixe, coulé dans le béton, qui puisse peut-être être avantageux pour certaines régions mais pas pour d'autres... La Société montérégienne de développement a proposé plutôt un territoire a géométrie variable et également on a insisté beaucoup pour que la Commission de développement de la métropole se dote d'un plan d'action, car, si on veut vraiment que les choses bougent, il faut savoir d'où l'on part et où on s'en va.

Revenons donc à cette notion de territoire à géométrie variable. Pourquoi les décideurs montérégiens ont proposé cette formule? C'est parce qu'il y a des secteurs économiques qui ne sont pas représentés dans tous les territoires et les sous-régions de la métropole, selon la définition que le projet de loi fait du territoire de la Commission de développement de la métropole. Deux exemples peuvent être avancés. Par exemple, dans le secteur du tourisme, il y a deux grands équipements très importants qui ne sont pas inclus dans le territoire tel que défini par le projet de loi n° 92, mais qui sont en synergie totale avec la région métropolitaine, notamment le Zoo de Granby et le Mont-Tremblant. Alors, ce que les décideurs montérégiens ont proposé, c'est qu'en ayant toujours à l'esprit l'importance du développement économique de la région métropolitaine en synergie avec les régions voisines – l'idée d'avoir un territoire à géométrie variable permet cette synergie-là – cela permet un développement harmonieux du secteur touristique au bénéfice de la région de Montréal, mais aussi au bénéfice des partenaires périphériques. Voilà donc un exemple concret de synergie importante qui a été laissée en plan par le projet de loi n° 92 tel que rédigé.

Le deuxième exemple qui a été amené dans cette proposition montérégienne, c'est tout ce qui touche le secteur de la transformation des métaux, et on sait que ce créneau porteur est concentré dans la sous-région de Sorel-Tracy. Or, cette sous-région est exclue également du territoire de la métropole tel que défini par le projet de loi. On ne peut pas, donc, concevoir le développement de ce secteur d'excellence de la métropole sans la participation des acteurs économiques de la région de Sorel-Tracy. Les décideurs montérégiens ont clairement insisté sur l'importance d'avoir un territoire à géométrie variable qui permettrait au dynamisme économique de plusieurs secteurs de s'harmoniser, notamment en ce qui touche la Montérégie dans sa dimension large, tout ça pour ne pas empêcher le développement de certains secteurs et pour permettre une intégration harmonieuse à la métropole.

(18 h 10)

L'autre point qui est essentiel à la position montérégienne, au-delà du respect de l'intégrité territoriale de la Montérégie, c'est le maintien des cinq régions administratives et leur représentation au sein du conseil d'administration de la Commission de développement de la métropole. Pourquoi? Parce que le développement de la région métropolitaine ne peut se faire ni sans la participation des régions limitrophes ni au détriment de celles-ci, mais c'est en coopération et en symbiose avec les régions limitrophes que la métropole peut se développer, prospérer et également partager avec les autres régions voisines. Chaque région effectivement a son créneau d'excellence, chaque région a sa dynamique propre, ses acteurs, sa planification stratégique. Également, il faut le rappeler, dans ce cadre-là – et pour la Montérégie, c'est également le cas – il y a eu des ententes-cadres qui ont été signées avec le gouvernement du Québec pour justement assurer le dynamisme économique, social et culturel des régions périphériques à la métropole. Il était donc essentiel d'amener cette argumentation pour souligner l'importance de cette synergie et l'importance d'en tenir compte, de tenir compte aussi du fait que les industries manufacturières, les centres de recherche, les organismes de loisir et toute l'infrastructure, finalement, technique et économique étaient éparpillés dans les différentes régions et, en les maillant dans le cadre d'un territoire à géométrie variable, cela ne peut que fonctionner au bénéfice de la métropole et au bénéfice des régions voisines.

Ça, M. le Président, c'était la position des représentants et des porte-parole de la Montérégie. Cependant, je ne peux pas passer sous silence le fait que, à ce concert de consensus, la ministre responsable de la Montérégie n'ait pas su répondre aux attentes. Et c'était très étonnant, M. le Président, de la lire – pas de l'entendre mais de la lire – dans le journal Le Devoir du 6 février où elle avait laissé entendre, et même qu'elle a dit clairement, que le territoire de la Montérégie était démesuré. Elle a même dit que c'était un non-sens, ce qui a inquiété au plus haut point les décideurs montérégiens, sachant que la ministre responsable de la Montérégie n'était pas capable de défendre les intérêts de la région dont elle était elle-même responsable; ce qui a également amené un certain nombre de questionnements, je dirais même une démobilisation, chez certains décideurs, surtout à la suite du Sommet régional de la Montérégie, en janvier 1997.

M. le Président, j'insiste beaucoup sur ce point, car le projet de loi n° 92 menace la Montérégie de démantèlement, et ça, c'est une question qui ne peut être acceptée ni par les représentants montérégiens et encore moins par la députée de La Pinière, qui a eu le courage de se lever devant cette Chambre à de nombreuses occasions et à différentes instances pour rappeler l'importance de la Montérégie, l'importance de son dynamisme, l'importance de la sauvegarder et de la consolider, surtout sauvegarder les consensus qui se dégagent, et on sait que la concertation est une des conditions essentielles à la réussite et au succès de toute démarche, quelle qu'elle soit, qu'elle soit de nature économique, politique ou sociale.

Donc, M. le Président, en résumé, ce que la Montérégie a proposé, c'est le maintien de l'intégrité du territoire montérégien. C'est à cette condition-là que la Montérégie était prête à participer dans les instances de la Commission de développement de la métropole.

Cependant, M. le Président, au point où on est rendu, on peut dire qu'on est loin d'un consensus. Le ministre doit refaire ses devoirs, M. le Président. Et je joins ma voix à celle de mes collègues, pour toutes les raisons que je vous ai exprimées, pour dire que ce projet de loi est inacceptable dans l'état actuel des choses. J'espère que la métropole va un jour... et ce sera un jour peut-être très prochain avec l'arrivée au pouvoir du prochain gouvernement libéral, M. le Président, pour prendre les choses en main et pour régler les problèmes et l'incurie de ce gouvernement qui n'a pas su trouver les solutions pour régler les problèmes du dépérissement de l'économie montréalaise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Ayant dépassé largement le temps alloué à nos travaux, nous allons suspendre ceux-ci jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 14)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Une voix: Vous êtes bien bon, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ça me fait plaisir. Alors, nous allons poursuivre les affaires du jour que nous avions suspendues à 18 h 15. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, nous étions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 92. Conformément à l'article 100, je fais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est acceptée, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 20 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 145


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 20 de notre feuilleton, Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille propose l'adoption du principe du projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 145?

Mme Marois: Bien sûr!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci. Je crois que c'est un projet de loi suffisamment important et attendu pour qu'il mérite un certain nombre d'interventions de notre part. Alors, M. le Président, le projet de loi dont nous amorçons l'étude aujourd'hui représente un jalon important pour la société québécoise en ce qui a trait à l'égalité des chances qu'elle offre à nos enfants. Les mesures qui composent l'ossature de ce projet de loi s'inscrivent en effet dans la mise en place de nouvelles dispositions de la politique familiale. Ces dispositions ainsi que l'énoncé des orientations de la politique familiale, politique d'ailleurs qui a été adoptée une première fois en décembre 1987, de même que les trois plans d'action qui en ont découlé seront éventuellement consolidés pour constituer la pierre d'assise de la politique familiale du gouvernement, et ce, pour l'an 2000.

Reconnaissant que les parents – et c'est important pour nous – sont les premiers responsables de l'éducation et du soutien affectif, moral, matériel de leurs enfants, le gouvernement du Québec entend adopter ces mesures non pas pour se substituer à eux, non pas pour se substituer aux parents, mais plutôt pour créer les conditions propices à l'exercice des responsabilités parentales. Pour ce faire, le gouvernement s'apprête donc à instituer un nouveau ministère dont les actions affecteront directement – et cela est important – 1 600 000 enfants québécois et près de 960 000 familles québécoises.

(20 h 10)

La création de ce nouveau ministère répond aux demandes formulées par les groupes et les organismes de concertation voués à la famille et bien sûr à l'enfance. L'avènement de cette nouvelle instance indique la priorité renouvelée que l'État entend accorder à la famille et à l'enfance, comme d'ailleurs en ont déjà fait foi le Sommet sur l'économie et l'emploi ainsi que la présentation du livre blanc par le premier ministre du Québec.

Le ministère en question, qui portera le nom de ministère de la Famille et de l'Enfance, oeuvrera à la valorisation et au plein épanouissement de la famille et de l'enfant en concertation, cela va de soi, avec tous les intervenants du milieu social et de l'enfance. Je pense notamment aux organismes communautaires, familiaux, aux services de garde dont l'apport est indispensable au mieux-être des familles, des enfants et qui en font bien sûr des partenaires essentiels du gouvernement.

Dans le cadre de ses activités, le nouveau ministère tiendra compte de la diversité des modèles familiaux et accordera une attention particulière aux besoins des enfants, notamment en matière de soutien financier et d'accès à des services de garde éducatifs de qualité, et ce, dans un souci d'équité et d'égalité des chances. La nouvelle structure ministérielle devra également élaborer, évaluer et mettre à jour les orientations, les politiques et les programmes qui touchent la famille, particulièrement en ce qui concerne les services à l'enfance.

De plus, en assumant un rôle de coordination gouvernementale, le nouveau ministère assurera la cohérence des interventions gouvernementales en faveur des familles et des enfants. Ces fonctions étaient assumées en tout ou en partie par l'actuel Secrétariat à la famille. Au nombre de ses attributions, donc, mentionnons que le ministère de la Famille et de l'Enfance assumera les fonctions actuelles de l'Office des services de garde à l'enfance.

Concernant l'offre de services de garde éducatifs pour les jeunes enfants, ce projet de loi répondra à un des grands objectifs de la politique familiale du Québec. Pour ce faire, le ministre de la Famille et de l'Enfance veillera à l'implantation harmonieuse d'un véritable réseau de centres à la petite enfance. Ces centres à la petite enfance offriront aux enfants de zéro à quatre ans des services de garde éducatifs à la fois en installation, c'est-à-dire dans la garderie que nous connaissons traditionnellement, et aussi sur un territoire donné en milieu familial, qui est évidemment une institution que nous avons mise en place maintenant depuis 17 ans avec la première loi qui a donné naissance aux politiques qui concernaient la garde à la petite enfance et qui était, d'ailleurs, assez innovatrice.

Donc, ces centres seront développés, d'une part, à partir des garderies à but non lucratif, d'autre part, des agences de services de garde en milieu familial et, bien sûr, M. le Président, des divers services de garde non régis, lesquels, d'ailleurs, seront invités à se regrouper. Je pense spécifiquement aux garderies à but lucratif avec lesquelles nous avons actuellement des discussions et qui pourraient éventuellement s'inscrire parfaitement dans ce processus, changeant et leur mode de gestion et leurs objectifs corporatifs.

Alors, qu'adviendra-t-il ou que seront-ils, ces centres à la petite enfance? Ils appliqueront un programme-cadre qui sera axé sur le développement optimal et le développement global de l'enfant. En outre, ils offriront progressivement des formes de garde diversifiées, des heures d'ouverture flexibles. Vous vous souviendrez sûrement, M. le Président, qu'à l'occasion de la Journée internationale des femmes j'avais eu des représentations de la part des travailleuses et des travailleurs de l'entreprise privée, mais aussi de l'entreprise publique, qui mentionnaient le fait que souvent elles avaient affaire, ces personnes, à des heures brisées, à des heures de travail qui s'exerçaient en dehors évidemment du 9 à 5, ou du 8 à 4, ou du 7 à 3 que l'on connaît traditionnellement.

Donc, ce que nous voulons pouvoir faire avec le développement des centres à la petite enfance, c'est offrir la possibilité de services diversifiés à des heures d'ouverture, je le répète, qui soient flexibles, donc qui soient adaptées aux besoins des parents qui travaillent à des heures ou à des périodes variables. D'ici 2001, parce que nous faisons de la planification, M. le Président, parce que nous imaginons un peu, chaque année, quels seront les investissements nécessaires, quels seront les choix auxquels nous aurons à procéder, de telle sorte qu'on puisse un peu planifier et voir, dans le temps, comment se poseront ces gestes, donc d'ici 2001, quelque 73 000 places seront créées en services de garde pour les enfants de zéro à quatre ans. En septembre prochain, environ 33 000 places seront nécessaires et seront disponibles pour les enfants de quatre ans en services de garde ou en prématernelle en milieu scolaire, et ce, afin de répondre aux besoins aigus ressentis par les familles québécoises.

Le système que nous proposons s'inscrit dans un partenariat entre le gouvernement, les parents et les organismes privés de type communautaire. Nous croyons aux organismes privés gérés majoritairement par les parents, car nous croyons à la place prépondérante qui revient à ces derniers, les parents, dans l'éducation de leurs enfants, que ce soit à l'école – d'abord je dirais à la maison bien sûr, mais d'autre part, en ce qui a trait aux institutions, que ce soit à l'école ou que ce soit dans les services de garde.

En outre, ce type d'organisme incite les parents à assumer leurs responsabilités dans l'organisation des services et bien sûr dans les choix éducatifs. Que voulons-nous pour nos enfants? Que souhaitons-nous pour nos enfants? Quel programme répondra le mieux aux besoins et aux désirs de nos enfants? Donc, en ce sens les centres à la petite enfance constitueront un lieu d'échange et bien sûr un lieu d'entraide pour les parents. Ces centres organiseront des services à leur intention ou travailleront en concertation avec les partenaires du milieu, notamment le réseau de la santé et des services sociaux. Pensons, entre autres, aux centres locaux de services communautaires qui sont très impliqués bien sûr auprès des familles et auprès de la petite enfance, qu'il s'agisse des municipalités, du réseau de l'éducation ainsi que des groupes communautaires et familiaux, cela va de soi, parce que bien sûr il y a beaucoup d'initiatives à cet égard qui ont permis d'ailleurs le développement de services tout à fait adaptés aux besoins des familles, que ces services se soient développés par des organismes familiaux ou par des groupes communautaires, tout ceci fait dans le but de rendre les services plus accessibles.

Alors, l'implantation de ce système sera rendue possible grâce à une importante contribution financière du gouvernement du Québec. En effet, c'est le gouvernement du Québec qui défrayera la majorité des coûts de fonctionnement de ce réseau de centres à la petite enfance. Cet investissement prend toute sa signification pour les parents québécois quand on sait que dans certaines familles c'est la quasi-totalité des deux salaires qui est utilisée pour acquitter les frais de garde.

D'ailleurs, M. le Président, cela coûte plus cher actuellement d'envoyer son enfant à la garderie que de l'envoyer à l'université. Dans cette optique, au plan des frais directs chargés aux parents – vous avez l'air étonné de cela, mais c'est un fait, M. le Président – donc dans l'optique où nous souhaitons réduire ces coûts pour les parents, les centres à la petite enfance dispenseront progressivement, au cours des cinq prochaines années, des services réguliers de garde au coût modique de 5 $ par jour, en débutant par les enfants de quatre ans, et ce, dès septembre 1997. Pour leur part, les enfants de quatre ans issus de milieux défavorisés y auront accès gratuitement 23 heures et demie par semaine.

Sur ce point, d'ailleurs, M. le Président, je tiens à souligner que les études comparatives démontrent que les pays qui ont le plus de succès dans leur politique familiale sont ceux qui offrent des subventions directes pour certains services, ceci plutôt qu'une aide monétaire directe aux parents. J'ai eu l'occasion d'ailleurs, au moment d'une interpellation, il y a quelques semaines, ici, devant vous – devant vous, comme institution, M. le Président – de présenter l'analyse qui avait été faite sur ce sujet et à ce sujet.

(20 h 20)

Sans revenir plus longuement sur cette question, je crois qu'il est assez clair que ce dont les parents ont besoin et ce qu'ils nous manifestent d'ailleurs très clairement, lorsqu'on les rencontre en petits groupes, lorsqu'on procède à des sondages, non pas des sondages un petit peu généraux, où on demande: Oui, non? mais quelque chose d'un petit peu plus fin, où on rencontre en groupe des parents qui vivent un certain nombre de difficultés et où on creuse avec eux ce qu'ils souhaitent obtenir comme services, rapidement ce qui vient, ce qui fait consensus, c'est, entre autres, la question des services à la petite enfance et particulièrement des services de garde.

Donc, c'est dans cet esprit, M. le Président, que le gouvernement québécois accepte d'investir des sommes importantes pour l'accès aux services de garde à faibles coûts, une mesure, comme je le mentionnais à partir de cette analyse que nous avons faite, qui est vivement attendue par les familles québécoises.

D'ailleurs, je vous dirais, justement, lorsque l'on interroge les jeunes mères québécoises sur les facteurs qui contribuent à freiner l'expansion de leur famille – et c'est ce à quoi je faisais référence, M. le Président, au moment où nous avons eu cet échange à l'Assemblée nationale – plusieurs mentionnent sans hésiter les frais de garde élevés, la rigidité des horaires de garde dans les garderies et évidemment la régularité exigée. Parce que encore faut-il que le service soit disponible, mais qu'il soit régulièrement disponible. Parce qu'on ne peut pas dire à son employeur: Écoutez, ce matin je ne rentre pas, ma gardienne n'est pas là ou le service de garde n'offre pas l'accès, ce matin, à mon enfant. On sait d'ailleurs que certaines catégories de travailleuses peuvent difficilement, actuellement, et il faut bien le reconnaître ensemble, profiter des ressources qui sont disponibles en garderie. Et je pense notamment aux femmes qui travaillent au salaire minimum, qui ne peuvent se permettre d'assumer des frais de garderie élevés, de même qu'il est impossible de réserver à l'avance des places en garderie quand on travaille le soir ou quand on travaille de nuit, ou à temps partiel avec des horaires variables, ou encore sur appel. Et je pense que c'est le lot actuellement d'une catégorie de plus en plus importante de familles, d'hommes et de femmes, qui doivent aller à leur travail à des heures, comme je mentionnais tout à l'heure, qui ne sont pas celles que, encore pour l'instant, une majorité de gens connaissent.

De plus, je constate – et les analyses, les statistiques nous le disent – que bon nombre de mères déplorent le fait qu'une partie de la garde en milieu familial n'est pas régie par un réseau qui assurerait un contrôle sur les activités éducatives qu'on y dispense. Et je comprends d'ailleurs que ce soit le cas parce qu'on est toujours inquiètes de ce qui arrive à nos enfants lorsqu'ils utilisent des services. Et, quand ces services ne sont pas régis, on se dit: Est-ce que ceux-ci vont y retrouver la qualité qui est souhaitable et que nous souhaitons surtout pour nos enfants? De même, ces jeunes mères affirment que les services de garde devraient être accessibles à tous au même prix et gratuits pour les familles à faibles revenus.

Alors, comme vous le voyez, M. le Président, le projet de loi que nous nous apprêtons à étudier répond effectivement aux besoins concrets, va dans un sens des attentes exprimées par les parents québécois. La mise en place d'un réseau de centres de la petite enfance qui est impliqué dans une communauté, dans sa communauté, permettra de répondre avec plus de flexibilité et de souplesse aux divers besoins des familles québécoises. Les services de garde éducatifs seront davantage accessibles grâce à la contribution modique pour les parents et bien sûr au développement des places, ça va de soi. Nous estimons que les nouvelles dispositions en matière de services à la petite enfance auront, entre autres, des effets positifs pour les parents, notamment pour les femmes en facilitant la conciliation travail-famille. D'ailleurs, cela était l'objet et le thème de discussions et d'orientations du troisième plan d'action à la famille.

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que le programme d'intervention précoce que nous proposons d'appliquer, qui est jumelé à l'introduction de la maternelle facultative à temps plein pour les enfants de cinq ans, favorisera l'égalité des chances des enfants ainsi – cela va de soi – que la prévention des difficultés d'apprentissage et le développement des habiletés nécessaires pour entrer à l'école et franchir avec succès le premier cycle du primaire. Après tout, la démonstration a déjà été faite, au Québec comme ailleurs, quant aux effets bénéfiques des programmes de stimulation précoce pour les enfants, et ce, pour les enfants... Et je tiens à le préciser, parce qu'actuellement on a entendu un certain nombre de commentaires sur cette situation. Ces programmes éducatifs à la petite enfance, autant pour les enfants de quatre ans et de cinq ans, auront, bien sûr, des effets encore plus significatifs auprès d'enfants qui vivent des difficultés, mais aussi auront des effets bénéfiques pour tous les enfants, peu importe leur origine socioéconomique ou leur milieu socioéconomique. D'ailleurs, parents et enseignants s'entendent pour reconnaître les progrès importants auxquels donnent lieu ces programmes, en particulier sur le plan du langage, des habiletés sociales, de l'autonomie, de la motivation à apprendre – c'est tellement important que, dès quatre ans ou cinq ans, on ait le goût d'apprendre, de s'informer et de se former – et aussi du sentiment d'appartenance. Surtout, les enfants qui bénéficient de tels programmes ont l'occasion de développer certains facteurs clés de la réussite scolaire, soit l'attention et la concentration – cela en demande lorsqu'on est à l'école – la conscience de l'écrit, la maîtrise du langage et l'estime de soi, de même que la persévérance.

En somme, nous croyons fermement que les mesures que nous présentons aujourd'hui à l'Assemblée nationale permettront aux jeunes Québécoises et Québécois d'être mieux préparés à aborder le milieu scolaire et, partant, de profiter davantage de l'investissement consenti par notre société sur le plan de l'éducation. À notre avis, l'instauration de la maternelle à temps plein constitue donc un choix de société comme l'école obligatoire à six ans.

Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi que je soumets à cette Assemblée prévoit également la création du Conseil de la famille et de l'enfance au sein duquel seront appelés à se fusionner l'actuel Conseil de la famille de même que le conseil d'administration de l'Office des services de garde à l'enfance. Le Conseil de la famille et de l'enfance sera composé de membres nommés par le gouvernement, sur recommandation ministérielle, et ses membres devront être nommés pour leur intérêt, leur engagement et leur expertise dans ces deux domaines, soit l'enfance et la famille. Avant de procéder à une nomination, le ministre ou la ministre consultera les associations ou groupes voués aux intérêts des familles et des enfants ainsi que les milieux et institutions concernés par les questions de la famille et de l'enfance.

La mission du Conseil de la famille et de l'enfance consistera d'abord à donner son avis au ministre sur toute question qu'il lui soumet relativement à la famille et à l'enfance et à transmettre annuellement au ministre un rapport sur la situation et les besoins des familles et des enfants. Je pense que cette fonction – je vais m'y arrêter un petit moment, M. le Président – est très importante, parce que ce qui guide les décisions que nous prenons, c'est d'abord et avant tout une bonne connaissance des situations que vivent les gens que nous voulons servir. Le Conseil de la famille et de l'enfance sera à cet égard pour le ministère un instrument précieux.

Quelqu'un qui, en dehors du quotidien, en dehors des services à rendre, en dehors de la préoccupation qu'on doit avoir, bien sûr, de répondre immédiatement sur l'allocation familiale qui est à ajuster, sur le service qui n'est pas encore disponible à tel endroit qu'on voudrait rendre à un plus grande nombre... Le Conseil est un peu dégagé de ce quotidien. Et je crois – c'est important et intéressant, ce que nous proposons à cet égard dans la loi – que le ministère, comme l'ensemble du gouvernement, comme l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, doit pouvoir compter, nous devons pouvoir compter sur l'expertise du Conseil de la famille et de l'enfance. Et, donc, qu'à chaque année ce Conseil nous fasse rapport sur la situation et les besoins des familles et des enfants, c'est un rappel, un rappel important qui viendra nous dire: Est-ce qu'il faut réajuster le tir? Est-ce qu'on est dans la bonne voie? Est-ce qu'on fait les bons choix? Et je dois vous dire que j'y tiens d'une façon toute particulière. Et peu importe la suite des choses à cet égard, je crois que cette attente que nous exprimons par la voie législative à l'endroit du Conseil sera un outil précieux que nous serons heureux d'ailleurs d'avoir reconnu et constitué par l'intermédiaire de la loi.

(20 h 30)

Alors, bien sûr, en parallèle, le Conseil pourra solliciter des opinions et recevoir et entendre les requêtes, suggestions des milieux, du public en matière de famille et d'enfance, donc, plus largement, si on veut, procéder à des consultations. Le Conseil pourra, bien sûr, soumettre à la ministre des recommandations sur toute question de sa compétence et qui concerne les familles et l'enfance.

Enfin, ce Conseil pourra faire effectuer les études et recherches qu'il juge utiles ou nécessaires à la poursuite de ses fins. Cela étant entendu qu'il puisse les faire aussi lui-même. Mais, à l'occasion, il pourra s'adresser à l'une ou l'autre des institutions et souhaiter que de telles études se fassent.

Alors, M. le Président, en adoptant le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, l'Assemblée nationale est appelée à confirmer le leadership que le Québec détient en Amérique du Nord au chapitre du soutien accordé à la famille et à l'enfance. J'en veux pour preuve le fait que l'effort budgétaire du Québec pour venir en aide aux enfants est de loin – et je dois et nous devons ensemble nous le rappeler – supérieur à ce que l'on rencontre ailleurs au Canada. Et je crois qu'il y a intérêt à ce que, ensemble, nous puissions le constater et surtout en être très fiers, M. le Président.

Je vous donne un exemple. Le Québec consacre 2 800 000 000 $ par année au soutien et au développement des enfants, ce qui représente, par enfant, plus du triple du montant consenti par la très riche Colombie-Britannique et plus du double de l'effort de l'Ontario, M. le Président. Donc, c'est non pas négligeable, mais c'est très considérable ce que nous versons à l'égard des familles. Est-ce que ça devrait être plus? Sans doute, mais c'est déjà beaucoup et beaucoup mieux que ce qui se passe ailleurs.

En envisageant donc de créer aujourd'hui le ministère de la Famille et de l'Enfance, le Québec continue d'innover, démontre l'importance qu'il accorde à l'intérêt des enfants, lesquels représentent notre plus grande richesse et notre avenir. C'est pourquoi, M. le Président, je voudrais terminer mon intervention en exprimant ma fierté à l'idée que ce jour nous fournit l'occasion, au nom des familles et de toute la collectivité québécoise, d'affirmer haut et fort que les enfants se situent bel et bien au coeur de nos choix et de nos préoccupations. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation et également ministre responsable de la Famille et de l'Enfance. Nous allons céder maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. Alors, M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir dans le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 145, la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, Bill 145, An Act respecting the Ministère de la Famille et de l'Enfance and amending the Act respecting child day care.

Je pense qu'on peut dire «enfin», M. le Président, parce que c'est un débat que nous voulons avoir depuis fort longtemps. Depuis l'annonce de la nouvelle politique familiale, il y a sept mois maintenant, M. le Président, nous avons exigé dès le départ à la fois un débat à l'Assemblée nationale et également des consultations avec les groupes intéressés, avec les parents, avec les personnes qui sont profondément touchées par la nouvelle politique familiale, afin de regarder la politique dans son ensemble. Nous avons de ce côté de la Chambre provoqué les débats sur certains éléments, nous avons utilisé les outils parlementaires à notre disposition pour provoquer ce débat, mais, enfin, on aura l'occasion de voir à la fois l'effet des allocations familiales dans le projet de loi n° 144 – qu'on va discuter plus tard ce soir – également on va regarder la réforme des services de garde et, également, on va regarder la création des nouvelles structures de gestion.

Alors, on a des choses fort intéressantes à regarder. Comme je l'ai dit, nous avons souhaité ce débat depuis fort longtemps afin de répondre et de donner des renseignements clairs aux familles québécoises qui ont réclamé haut et fort, depuis longtemps, qui ont exprimé leurs inquiétudes, leurs incertitudes face aux impacts et aux changements de cette nouvelle politique familiale. Alors, comme je l'ai dit, M. le Président, premier message: Enfin, on peut avoir ce débat. Parce qu'il y a une longue liste de questions à adresser aujourd'hui, ce soir, en débat, ici, dans la Chambre, et plus tard dans l'étude détaillée de ce projet de loi, l'opposition officielle a une grande liste de questions qui sont les questions qui ont été posées par nos parents, par les personnes dans le milieu, qui sont venues à mon bureau, qui sont venues au bureau de mes collègues afin de soulever des grandes inquiétudes face à tous ces changements qui ont été annoncés.

Il demeure quand même beaucoup d'inconnus. Il faut souligner aussi que, malgré le fait qu'on est sept mois après l'annonce en grande pompe de cette politique familiale, il y a beaucoup de volets qui flottent. Le gouvernement a pris la peine d'annoncer en grande pompe un nouveau congé parental sans faire le lien nécessaire avec le gouvernement fédéral, sans attacher les fils avant de l'annoncer. Alors, ça, c'est quelque chose sur lequel on va revenir peut-être à l'automne, peut-être plus tard pour regarder. Et je trouve malheureux que... Quelle drôle de notion de partenariat quand on annonce des choses sans consulter le partenaire. Juste en passant, c'est quelque chose que le gouvernement fédéral a appris par un communiqué de presse, par les appels des journaux, M. le Président. Si le gouvernement est sérieux de travailler pour les congés parentaux, au lieu de provoquer une autre chicane avec Ottawa, je pense qu'il y a d'autres façons beaucoup plus diplomatiques de procéder.

Il y a toujours la question des coûts qui flotte. Dans le discours du budget il y a deux mois, on a parlé de 314 000 000 $ non identifiés pour les impacts de la politique de la famille. Peut-être qu'un jour, comme parlementaires, on aura la moindre idée comment le gouvernement entend dépenser cet argent. Je trouve curieux que ce soit la même ancienne présidente du Conseil du trésor qui ait annoncé dans cette Chambre les enveloppes fermées, un système de gestion des finances publiques beaucoup plus rigoureux. Pour moi, c'est encore une fois les crédits qui... On va peut-être, d'ici la fin de l'exercice financier, identifier comment on va dépenser l'argent. Mais, comme parlementaires, 314 000 000 $, c'est du fric, M. le Président. Moi, je pense qu'on a tout intérêt à voir comment cet argent va être dépensé. Encore une fois, c'est quelque chose sur lequel on va revenir plus tard. Ça, c'est un autre élément qui est manquant et c'est quelque chose qu'on va exiger de notre part, pour avoir une idée claire. Comment l'argent va être dépensé? Quels sont les coûts additionnels pour le contribuable, pour les familles québécoises de la mise en vigueur de ce programme?

Le projet de loi qui est devant nous à ce moment, le projet de loi n° 145, il y a trois grands éléments dont j'aimerais discuter ce soir.

Premièrement, c'est la question de la création d'un ministère et d'autres structures de gestion. Alors, je pense qu'on a tout intérêt, comme parlementaires, avant de créer tout autre organisme, toute autre structure, de voir vraiment si on a besoin.

Deuxièmement, il y a toute une mise à jour à faire sur le dossier confus des garderies, l'offre des places en garderie à 5 $. Il y a beaucoup d'inconnus qui demeurent dans cette situation, et on va aborder ça.

Troisièmement, on va revenir sur toute la question des impacts financiers. Ça va coûter combien pour le contribuable? Ça va coûter combien pour les familles québécoises?

In brief, Mr. Speaker, those are the three elements we'll be looking at as we discuss the principle of Bill 145.

First, the Bill calls for the creation of a new Department of Childhood and the Family and, in addition, other local administrative entities are going to be created by this law. I think, as any responsible parliamentarian at a time when it is very difficult to find the money to balance the budget, we have to ask ourselves: Do we need any more administrative entities? Are we being responsible by creating any new structures for the Government?

(20 h 40)

Secondly, we will take this occasion to look and update the situation in the day-care centers where we have had a long debate. There is a great deal of confusion that remains regarding the offer of day-care at $5 a day, what parents can benefit from it, who cannot, who will pay for it, how will this system be organized. And finally, in a more general way, we'll try to look at the cost of this new family policy, who will pay for it, what the impact will be on Québec families and what the impact will be as well on the balance sheet for the taxpayer.

Un ministère de la Famille et de l'Enfance. Comme je l'ai dit, moi, je pense que le réflexe de tout parlementaire doit être: Est-ce qu'on a vraiment besoin d'une nouvelle structure avant de le créer? Moi, je veux citer en partant un communiqué émis par le gouvernement du Québec et le Conseil de la famille le 11 décembre 1996. C'était clair, ils ont fait une consultation auprès des parents, et la ministre a dit longuement qu'elle veut répondre aux attentes des parents; je la cite: «Des meilleures ressources financières pour les parents ayant des jeunes enfants de même qu'une harmonisation des programmes destinés à la petite enfance sont également essentielles, selon les parents – je veux souligner ça – et, pour ce faire, spécifient les parents, nul besoin d'une nouvelle structure.» Alors, les parents, qui sont, je pense, avec les enfants, les premiers visés par toute cette réforme de la politique familiale ont dit, dans une consultation menée à l'automne de l'année passée, que, oui, il y a des réaménagements à faire, oui, peut-être qu'il y a des façons selon lesquelles le système existant peut être plus efficace, mais on n'a pas besoin d'une nouvelle structure.

Qu'est-ce que le gouvernement fait pour répondre aux attentes des parents? Il ne va pas juste créer une nouvelle structure centrale qui est un ministère. Et on sait fort bien qu'un ministère implique un ministre ou une ministre, ça implique également un cabinet de ministre, des nouveaux bureaux, il y aura des fonctionnaires, il y aura un sous-ministre, il y aura tous les frais de fonctionnement d'un ministère; alors, ça va être plus dispendieux de mettre ça en place que le système existant. C'est, encore une fois, investir dans les structures au prix des services, au prix des allocations à la famille. Alors, il y a des choix à faire. Mais qu'est-ce que nous avons décidé, dans le projet de loi n° 145? De mettre l'argent dans la structure.

Pour ajouter à ça, parce que ça, c'est juste le haut de la pyramide, on va créer – mais ce n'est pas très précis, encore – les centres à la petite enfance, un petit peu à travers le Québec, pour gérer à la fois des garderies et des places en service de garde en milieu familial. Ça a l'air d'un autre niveau de structure. C'est évident que la ministre veut changer quelque chose parce que, sinon, on peut continuer avec les gestionnaires existants dans le réseau, c'est-à-dire les directeurs et les directrices des garderies et les responsables des agences en milieu familial. C'est évident, en créant ces centres à la petite enfance, qu'on va augmenter davantage les coûts de gestion, le nombre de gestionnaires à l'intérieur du système.

Encore une fois, M. le Président, au lieu d'aller avec les services directs aux parents, aux enfants, au lieu de bonifier les allocations, de mettre de l'argent dans la poche des parents et des enfants québécois, qu'est-ce qu'on va faire? On va investir encore une fois dans la structure, dans la machine du gouvernement.

Alors, je me rappelle, ça ne fait pas si longtemps que ça, peut-être un an, un an et trois mois, que le premier ministre, en arrivant dans cette Chambre, dans son discours inaugural, a dit qu'on va couper dans la machine, dans l'appareil, mais que les services vont être préservés. Quand je regarde le projet de loi qui est devant nous ce soir, c'est le contraire, M. le Président. Il n'y a pas d'autres mots pour le dire, on va couper dans les allocations – on va voir ça plus tard ce soir – on va couper dans les aides directes à la famille. Pour payer quoi? Pour payer pour les structures, pour payer encore une fois pour les frais de gestion.

Alors, dans tout ça, qui parle pour les parents? Les parents ont dit... Le Conseil de la famille a pris la peine de faire une consultation, de voir les parents: C'est quoi vos attentes? Et nul n'a besoin d'une nouvelle structure. C'était fort, c'était haut et clair dans les consultations auprès des parents: On n'a pas besoin d'autres structures. Alors, ce gouvernement toujours à l'écoute décide: On va vous donner une autre structure. Quelle bonne nouvelle, M. le Président! C'est vraiment formidable de voir que, malgré le fait que les parents aient dit: Avec les programmes existants, avec une meilleure gestion des choses existantes, on peut arriver, on va créer un autre ministère qui va être une bonne nouvelle pour un député ou quelqu'un qui sera nommé ministre. Mais ce n'est pas clair, l'avantage pour les parents.

Je pense, juste en passant, que c'est un petit peu le style de ce gouvernement. On a parlé haut et fort des grands sacrifices au niveau des dépenses que ce gouvernement a faits, mais l'année passée il a dépensé 40 600 000 000 $, cette année il va dépenser 40 300 000 000 $. Oui, il y a un ajustement de 300 000 000 $, mais ce n'est pas là, ce n'est pas dans les compressions que le gouvernement veut boucler son budget et arriver avec son déficit zéro. Cette augmentation des impôts, c'est le pelletage vers les municipalités. C'est ça qui va créer ça.

Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il est depuis deux ans et demi au pouvoir. Nous sommes en train maintenant de créer un troisième ministère. On a créé un ministère des Relations avec les citoyens, un ministère de l'Emploi et de la Solidarité s'en vient également maintenant un ministère de la Famille et de l'Enfance. Alors, il y a tous les coûts de transition, tous les coûts de déménagement, tous les coûts afférents, et on n'a pas allégé la machine. La promesse qui a été faite par le premier ministre de couper dans la machine, moi, je ne la vois pas; au contraire, on a créé une agence de l'énergie, ça s'en vient cette année; l'année passée nous avons créé une agence métropolitaine de transport à Montréal, nous avons une commission de la capitale, nous aurons une commission de la métropole bientôt. Pas pire! Pas pire pour un gouvernement qui veut sabrer dans la machine!

On a maintenant nos CLE qui s'en viennent, nos centres locaux de l'emploi, nous avons nos CLD; je pense que c'est les centres locaux de développement. Je commence à me perdre dans l'alphabet, M. le Président, parce qu'il y en a. On a nos CPE, nos centres à la petite enfance, nos CJE, nos carrefours jeunesse-emploi. Comme je dis, on a tout l'alphabet, ici, ce soir. Mais, pour un gouvernement qui nous donne le discours solennel qu'on va sabrer dans la machine, on va couper, je ne le vois pas. Honnêtement, je ne le vois pas; au contraire, on est en train de créer des structures partout. Alors, c'est une bonne nouvelle pour les quelques personnes qui vont être employées pour travailler dans ces structures, mais, au bout de la ligne, pour le contribuable et surtout pour la famille québécoise – je vais y revenir plus tard – pour laquelle le fardeau fiscal devient de plus en plus difficile, moi, je ne vois pas le besoin de toute cette canette de soupe à l'alphabet de Campbell, et tout ça. Donnez-moi une autre structure, mes CPE à côté de mon CJE, à côté de mon CLE, à côté de mon CLD, et j'ai mes CRD; je n'arrive plus, avec tout ce gouvernement. Et qu'est-ce qu'on est en train de faire ici, avec le projet de loi n° 145? C'est d'en ajouter un autre, ajouter un autre ministère.

I think it's very important, Mr. Speaker, that this Government, which cries crocodile tears about how it's cutting to the bone, how there's nothing left, how we really are cutting and it's been terrible... In the two and a half years they've been in power, they've created three new government departments, they've created two agencies, they've created at least two new commissions and they are now spreading out, spreading like wild fire. This whole new creation of local government's centers for local employment, for local development, for youth employment, they're all laudable goals, but can we afford them?

Can we, with the debt load, with the tax burden that the Québec family is now facing, do we have the means to pay for all of this? I don't think so. And one of the reasons why tonight I am speaking on Bill 145 is that I think in here we have a whole new structure. There will be all sorts of jobs, but I don't see where the families are going to get helped. I don't see where the people that are already having trouble at the end of the month respecting their family budget, living within their means, trying to get everything paid for... I think that what we're doing here is we're going to add to the tax burden and we're not going to provide any new services.

(20 h 50)

Je pense qu'il y a un élément très important. Est-ce que le gouvernement doit miser sur les structures pour la famille ou est-ce que le gouvernement doit revenir sur ce que nous avons fait comme gouvernement, c'est-à-dire travailler à la fois à alléger le fardeau fiscal des familles québécoises?

Quand j'ai entendu la ministre parler tantôt du fait que le gouvernement du Québec dépense beaucoup d'argent sur la famille, je peux être très fier, parce que c'est la réalisation du gouvernement de Robert Bourassa. Quand M. Bourassa a pris le pouvoir en 1985, le gouvernement du Québec a consacré 800 000 000 $ par année pour l'appui à la famille, à la fois dans les services directs, dans les crédits d'impôt et d'autres formes d'aide financière. Neuf ans après, c'était rendu à 2 700 000 000 $, plus que le triple. Parce que M. Bourassa a dit: C'est une priorité pour le Québec, c'est la famille avant tout. La santé et l'avenir de notre société québécoise passent avant tout par la famille.

Alors, je me réjouis que la ministre soit fière de la participation, de la contribution du gouvernement du Québec envers la famille québécoise, mais je veux qu'elle complète la phrase: Et c'est grâce au travail qui a été accompli par M. Bourassa et son équipe de ministres, entre 1985 et 1994. Parce que c'est ça, la vérité des choses, M. le Président.

Alors, comme j'ai dit, en conclusion de ce premier volet, dans la création d'un ministère de la Famille et de l'Enfance, il y a des coûts de gestion qui vont être beaucoup plus élevés. Il y a cette nouvelle entité qui ne demeure pas toujours très bien définie – ce qui est surprenant pour quelque chose qui va gérer le système dans trois mois – mais les centres à la petite enfance, ça va être à partir des réseaux existants, on va ajouter un petit quelque chose. Ce n'est pas trop clair. Et ça, c'est les centres qui vont gérer le système dans trois mois. Moi, je vais donner mon enfant à quelque chose de non défini, de pas précis, quelque chose dont on cherche toujours à voir ce que ça va ajouter au système de gestion existant. Comme j'ai dit, on trouve quelques idées, quelques filons dans le projet de loi, mais, règle générale, ça reste à être défini. Trois mois, M. le Président, avant que tout le système entre en vigueur. Ce n'est pas rassurant pour les familles québécoises, ça.

Et je pense que c'est quelque chose que nous avons soulevé il y a deux mois. Nous avons posé les questions. On demeure toujours en attente de réponses claires. C'est quoi, la différence avec le système existant? Et qu'est-ce que les centres à la petite enfance vont ajouter, sauf, comme j'ai dit, peut-être quelques emplois de gestion de plus pour des personnes? Mais, pour la famille, pour les enfants, c'est beaucoup moins clair.

Deuxième chose, parce que, comme Montréalais, nous avons déjà vécu ça, il faut voir: Est-ce que ce ministère de la Famille va avoir les pouvoirs, les budgets additionnels, ou est-ce que ça va être un genre d'exercice de relations publiques ou une coquille vide comme le ministère de la Métropole? Parce que nous avons vécu, en grande pompe, encore une fois, l'engagement de ce gouvernement envers la région de Montréal. Alors, nous avons appuyé le ministère de la Métropole, mais en un an, un an et demi, le ministre a pris une position courageuse sur le dossier des aéroports en ne disant rien, et il est très fier de sa décision de ne pas prendre position. Quelle réussite! Et je pense qu'il a également tranché sur le dossier difficile de la coloration de la margarine.

Mais, pour créer tout un ministère... Quand les Montréalais veulent savoir ce qui arrive avec le système de transport, on s'adresse au ministre des Transports, on ne passe pas par le ministre d'État à la Métropole parce que ce n'est pas lui qui a les moyens. Si on a une question sur le virage ambulatoire et le système de santé, c'est le député de Charlesbourg qui peut nous donner des réponses. Le ministre d'État à la Métropole est là pour je ne sais pas trop quoi. Nous avons soulevé la question de la fermeture du centre jeunesse Boscoville, et le ministre d'État à la Métropole n'avait pas l'air trop au courant de ce qui se passait.

Alors, au bout de la ligne, on a le ministère de la Métropole, mais pourquoi? Ça demeure toujours un mystère pour moi. Et ma crainte ici, c'est: Est-ce que le ministère de la Famille aura, s'il faut l'avoir... Moi, je demeure toujours très sceptique. On va entendre les groupes, on va entendre la ministre en commission parlementaire, mais, moi, j'ai mes doutes, honnêtement, M. le Président, qu'on ait besoin d'une autre structure, qu'on ait besoin d'un autre ministère. Mais je regarde les responsabilités du ministre; soit ce sont des pouvoirs énormes ou ce sont des voeux pieux.

Je regarde l'article 3: «Veiller à ce que les familles aient un milieu de vie qui offre des services répondant à la diversité de leurs besoins notamment en matière d'habitation, de santé, d'éducation, de garde d'enfants, de sécurité et de loisir.» Alors, comme père de famille, si j'ai une question sur la santé de ma famille, est-ce que je vais m'adresser à la nouvelle ou au nouveau ministre de la Famille ou est-ce que je vais continuer de poser mes questions au député de Charlesbourg? C'est ça, la question que je me pose. Sur l'habitation, est-ce que ça va être toujours le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue qui va répondre à mes questions? Est-que maintenant ça va être ce nouveau ministre qui va être responsable de tout ça?

Et 2°, l'alinéa 2, dans l'article 3, a un énorme pouvoir: «aider les familles à créer des conditions favorables au maintien de relations familiales harmonieuses et au développement des enfants.» Comme père de cinq enfants, je peux dire: Bonne chance. Des relations familiales harmonieuses, je ne sais pas si ça comprend la gestion de: on va regarder quelle émission de télévision, à quel moment dans la soirée. C'est toujours difficile chez nous d'avoir toujours des relations harmonieuses sur ce dossier épineux, et je me demande: Est-ce qu'il y a quelque chose derrière tout ça ou est-ce que c'est un voeu pieux de dire: Le ministre va s'en occuper, des relations harmonieuses dans toutes les familles québécoises. Franchement, M. le Président, on a mis ça là, et il faut respecter ça. C'est une fin louable. Je n'ai rien contre les relations harmonieuses, mais de vraiment dire que c'est le ministre ici, à Québec, qui va s'assurer qu'il y a des relations harmonieuses dans les familles québécoises, j'ai mes doutes. J'ai mes doutes, M. le Président.

On regarde encore une fois dans l'article 4: «Favoriser la participation effective de chacun des parents aux projets éducatifs de son enfant.» Encore une fois, c'est une fin louable, mais il faut être réaliste avec le stress sur la famille, avec la précarité des emplois, avec le chômage, avec le fait qu'il y a entre 20 % et 30 % des Québécois, des adultes, qui sont des analphabètes. C'est un petit peu optimiste de mettre ça dans un projet de loi. «Établir les objectifs favorisant l'épanouissement des enfants.» Est-ce qu'il y a quelqu'un dans le monde qui est contre ça? Moi, je vais me lever dans la Chambre et dire: Non, je suis contre les objectifs favorisant l'épanouissement des enfants...

Franchement, M. le Président, si on est rendu obligé de mettre ça dans nos lois, si la famille québécoise s'est détériorée à un tel point qu'il faut mettre ça dans un projet de loi, la situation est grave. Moi, je ne pense pas. Alors, je regarde ça dans un projet de loi et je dis: Ça veut dire quoi, exactement au-delà d'un exercice de relations publiques, au-delà de dire, comme tous les 125 députés qui sont ici: Nous sommes tous engagés envers les familles? Comme je dis: Ça, c'est quelque chose qui va de soi. Comme tout membre responsable de notre société, nous sommes engagés envers les familles, nous sommes engagés envers les enfants.

Et moi, je me demande vraiment ce qu'on ajoute en mettant ça dans notre loi. Et c'est une question... peut-être qu'en commission parlementaire quelqu'un pourra m'éclairer sur ce genre de déclaration dans le projet de loi. Mais ma crainte, c'est un petit peu comme dans le projet de loi sur le ministère de la Métropole: le ministre est le grand rassembleur, le grand catalyseur, le grand je ne sais pas trop quoi, mais au-delà de ces beaux sentiments, c'est un ministère qui ne fonctionne pas très bien. Et pour les Montréalais qui ont besoin, qui ont des situations réelles qu'ils veulent corriger, qu'ils veulent solutionner, il vont toujours aller s'adresser au ministre responsable du dossier.

(21 heures)

Alors, s'il y a une question sur l'école, ils vont aller voir la député de Taillon avant tout parce qu'elle est ministre de l'Éducation. Est-ce que c'est elle qui s'en occupe? Alors, oui, on peut dire que le ministre de la Famille s'en occupe, de l'éducation, mais sans budget, sans pouvoir réel. Comme je dis, c'est juste quelque chose qu'on va mettre dans le projet de loi pour faire plaisir, pour dire que nous sommes engagés envers la famille.

Mais en fin de compte, ça risque d'être une autre coquille vide, ça risque d'être d'autres voeux pieux, comme quand on dit qu'on est pour la vérité. On peut dire ça demain matin, on peut proposer une motion sans préavis: Êtes-vous pour ou contre la vérité? Et nous, les 125, on vote tous pour la vérité, M. le Président. Mais est-ce que ça va être quelque chose d'efficace? Est-ce que ça va être quelque chose qui va vraiment aider les familles québécoises, ou est-ce qu'on est en train seulement d'ajouter une nouvelle structure pour voir, dans la prochaine campagne électorale, le gouvernement être capable de se lever en disant: On a fait preuve de notre engagement envers la famille. Mais, pour les parents, pour les enfants, on n'a rien fait pour améliorer leur situation. Alors, c'est ça, ma crainte. Pour la création du ministère, on verra... J'imagine que la ministre va essayer d'utiliser tous ses pouvoirs de persuasion en commission parlementaire, en étude détaillée article par article, pour me convaincre. Mais, quand je regarde tout ça, j'ai mes doutes.

Moi aussi, je veux réserver quelques mots sur la question du Conseil de la famille. Je pense que, pour un budget très, très modeste, le Conseil de la famille a toujours joué un rôle très important, il a toujours joui d'une grande autonomie pour aborder plusieurs questions qui traitent de la famille. Et ma crainte, c'est à deux niveaux. Premièrement, c'est que cette autonomie ne sera pas remise en question en prenant le Conseil pour le mettre à l'intérieur du ministère. Je sais qu'il y a des modèles où ça peut fonctionner mais, quand même, un conseil à l'intérieur d'un ministère serait peut-être un petit peu moins autonome que le Conseil existant. Alors, moi, je pense qu'il faut regarder ça de près.

Et l'autre chose, c'est de ne pas limiter notre notion de la famille uniquement à la question des familles et des petits enfants. Parce que je pense qu'il y a cette tendance. Tout le projet de loi, tous les objectifs de ce ministère, en fin de compte, sont les services de garde. Le gros de son budget, le gros de son mandat, le gros de son quotidien, au bout de la ligne, va être les services de garde. Alors, c'est pour les petits enfants. Mais le Conseil, dans le passé, a abordé plusieurs questions très, très intéressantes. Récemment, il a publié un avis sur la stabilité des couples, il a regardé la question des familles recomposées, il a regardé le rôle des grands-parents dans nos familles, il a fait un avis à la ministre concernant l'appauvrissement des familles québécoises, il a abordé une grande gamme de sujets. Et je pense qu'il faut faire ça, il faut garder à l'esprit cette possibilité. Et, ma crainte, c'est que, quand nous serons en train – je pense que c'est l'article 35, 34 – de reformuler le mandat du Conseil, on l'axe davantage sur tout le dossier des services de garde et les enfants de zéro à cinq ans.

Et je veux juste rappeler que je viens de compléter une tournée des écoles secondaires de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. On a eu une douzaine de rencontres fort intéressantes avec mes collègues les députés de Robert-Baldwin et de Nelligan et nous avons appris beaucoup de choses, surtout sur la notion de la violence, le phénomène du «taxage», le phénomène des gangs dans nos écoles secondaires, leurs relations avec la police, qui sont, des fois, difficiles. Ça, c'est juste un exemple. Il y a tout le volet de l'adolescence à ne pas perdre de vue. Et ma crainte... Encore une fois, peut-être, en précisant la langue ou en expliquant ça en commission parlementaire, on peut s'assurer que le mandat du Conseil va continuer à être la gamme des dossiers, la gamme des sujets qui traitent de la famille québécoise et ne sera pas axé uniquement sur les dossiers fort importants de la petite enfance et des jeunes parents.

La ministre a félicité le travail du Conseil mais, dans le projet de loi, si j'ai bien compris, on va mettre le président à temps partiel. Alors, si vraiment le président... Et, comme je l'ai dit, c'est un budget très modeste; je pense que c'est entre 500 000 $ et 600 000 $ par année pour le Conseil. Tous les membres sont des bénévoles et c'est un travail très exigeant parce que ce gouvernement a négligé le Conseil depuis deux ans et demi, maintenant. Alors, il faut que 100 % des membres soient autour de la table pour avoir le quorum. Comme vous pouvez le comprendre, chaque fois que quelqu'un est malade ou que quelqu'un part en vacances – comme on a le droit de prendre des vacances, des fois – le Conseil ne peut pas fonctionner. Alors, toute la logistique et toutes les difficultés qu'ils ont eues, moi, j'ai signalé ça en commission parlementaire l'année passée, cette année. On attend toujours les nominations. Je pense que le Conseil a fait un travail extraordinaire avec très peu de ressources, très peu de nominations, et je trouve ça questionnable... On verra, encore une fois, en commission parlementaire mais, à première vue, je pense que le Conseil de la famille, avec un budget modeste et, comme je l'ai dit, une liste de publications assez ambitieuse, devrait avoir un président à temps plein, mais peut-être qu'il y a des raisons pourquoi le gouvernement veut procéder autrement. Je pense qu'après deux ans et demi de négligence du Conseil on a tout intérêt à mettre en place un président, une nouvelle équipe et à avoir un nouvel élan, parce que, comme j'ai dit, la liste est longue des questions adressées, des enjeux pour la famille québécoise à l'aube du IIIe millénaire et je pense qu'on a tout intérêt à avoir un conseil équipé à guider le gouvernement dans le dossier de la famille.

The Conseil de la famille, Mr. Speaker, is an organization with a very small budget that has done a remarkable work in trying to inform the Government of the wide variety of topics that affect the Québec family. I think it's very important for us to make sure that the Conseil has this autonomy, so they can come... It had quite a damning message to the Government last October about how the obsession with a zero deficit has really led to a crisis situation for the Québec family and I think it was an important message that was delivered at that time. I think that we have every interest in making sure that the Council can continue to have this autonomy and I see in the Bill that is before us this evening the possibility that the president would be cut back to a part-time president. Because the Council has had a difficult time functioning in the last two and a half years, I think we have every reason to make sure that the Council can be equipped to go forward into the 21st century and continue to give advice to the Government on a wide rage of topics, from early childhood through adolescence to couples that are going through the stress of divorce right through to the role of grandparents in the care of the elderly. The Family Council in Québec has been able to bring to the attention serious questions in all those areas and I think we have every interest that it should be continued to play this role.

Maintenant, je veux dresser le dossier fort compliqué des garderies. Nous avons essayé de provoquer un débat dans la Chambre à maintes reprises depuis le retour des travaux parlementaires. Moi, j'adore discuter des garderies parce que je pense que c'est un enjeu très important, et j'étais très fier du fait que l'Assemblée nationale, à l'unanimité, a demandé à la ministre d'adopter une véritable entente avec tous les acteurs, tous les partenaires dans le réseau des garderies, y compris les garderies à but lucratif. La ministre a fait allusion, dans son discours, qu'il y a des pourparlers qui continuent. Il y a deux semaines, le premier ministre lui-même a parlé de même bonifier les offres. C'est des offres très, très généreuses, et tout va bien. Alors, le message était clair pour les membres de l'opposition qui s'inquiètent, qui ont rencontré plusieurs propriétaires de ces garderies qui sont en panique – il n'y a pas d'autre mot pour ça. Ils ont mis de leur coeur, ils ont mis toute leur vie, tout leur engagement dans leurs entreprises, et le gouvernement veut maintenant les fermer.

J'étais surpris de voir un communiqué de presse émis par le Regroupement des garderies privées du Québec, un des partenaires à la table de travail avec la ministre. Mais le partenaire le plus près de négocier, ce sont des personnes peut-être un petit peu moins revendicatrices des deux groupes. Et, quand je lis dans le communiqué de presse que, «après deux mois de négociation – je le cite – les offres du gouvernement sont tellement ridicules que nous avons la nette impression qu'on veut nous acheter à rabais», alors, ça, c'est un des partenaires à la table la semaine passée. J'ai encore une fois le discours mielleux de la ministre: Il n'y a pas de problème, on va tout régler ça, tout est sous contrôle. Mais ça, les partenaires, les personnes à la table qui m'informent de temps en temps du progrès des négociations... Ils n'ont rien par écrit, les représentants de la ministre. Peut-être qu'elle n'est pas au courant, mais les représentants de la ministre arrivent à la table un jour avec un genre d'offre, ils la retirent à la fin de la rencontre, ils reviennent à la prochaine rencontre avec une autre offre. La première offre est disparue, alors on recommence sur un autre scénario, une autre hypothèse. Ce n'est pas une façon d'établir un partenariat.

(21 h 10)

Encore une fois, ce gouvernement a de la misère à comprendre c'est quoi, un partenariat. Mais, pour faire un partenariat, il faut travailler comme un partenaire, il faut avoir un certain respect pour les autres personnes à la table. Et, si j'ai bien compris, au-delà des grands discours, le dossier des garderies à but lucratif, qui représentent 450 entreprises au Québec, 4 000 emplois, 20 500 places... Alors, c'est beau de dire qu'on va en ajouter 33 000 ou 73 000, mais, si on est en train d'en mettre en péril 20 000... Une drôle de façon d'aller de l'avant, c'est de reculer. Je pense qu'elle est en train de faire ça, M. le Président.

Et c'est dommage, peut-être pour nous deux, qu'on n'ait pas eu l'occasion d'entendre la collègue de la ministre, la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce du Québec, qui a donné un discours à l'OCDE à Paris le 16 avril sous le titre Les femmes entrepreneures à la tête des petites et moyennes entreprises, une nouvelle force pour l'innovation et la création d'emplois . Alors, une collègue est capable d'aller donner un discours comme ça à Paris, mais ici, peut-être, si elle peut revenir ici pour voir ce qui se passe dans son propre gouvernement, les mêmes garderies que ce gouvernement a financées avec les garanties de prêts dans le plan Paillé, elles sont en train de fermer.

Alors, où est la cohérence? Qu'est-ce que ça va coûter pour ces entrepreneurs qui sont pris dans la situation? Qu'est-ce que ça va coûter pour le contribuable québécois? Ce n'est pas clair. Mais je pense qu'au niveau du dossier des garderies à but lucratif il n'y a rien de réglé, il y a toujours des inquiétudes très, très profondes. Et, comme je l'ai dit, je trouve ça difficile parce que, moi, j'ai vu la semaine passée qu'il y avait une manchette dans Le Soleil à l'effet que le ministre de la Santé veut miser sur un partenariat avec le secteur privé. Alors, c'est bon pour la santé. J'ai un communiqué de presse émis par le Conseil du trésor dans le traitement informatique, alors les données très sensibles sur les citoyens du Québec, et le président du Conseil du trésor a misé sur un partenariat avec le privé.

Alors, pour quelques ministres dans ce gouvernement, c'est ça, l'avenir, parce que c'est quelque chose qu'on peut faire qui est moins dispendieux, c'est meilleur marché pour le contribuable, mais le gouvernement a toujours en main le contrôle réglementaire pour s'assurer de la qualité du service. Alors, pour plusieurs ministères, c'est l'approche, la voie de l'avenir, la petite et moyenne entreprise, tout le discours que nous avons entendu, mais, dans le dossier des garderies, oublie ça.

Alors, on est en train de mettre en péril 440 entreprises, et il faut noter en passant que la grande majorité sont gérées par des femmes. Alors, dans les beaux chiffres qui sont dans le discours de la ministre déléguée à l'Industrie sur le nombre d'entreprises, le nombre d'emplois créés par ces femmes, il y a des éducatrices dans ces garderies qui sont comprises dans ces beaux tableaux qui ont impressionné le monde à Paris, mais ici, au Québec, le même gouvernement est en train de défaire tout ça.

Alors, où est la cohérence, M. le Président? Je trouve ça décevant. Je répète une autre citation du Regroupement des garderies privées du Québec: «Nous écoutons d'une oreille les beaux énoncés du premier ministre et les belles promesses de la ministre de l'Éducation sur la place publique, mais nous avons un discours tout autre quand nous sommes assis à la table de travail.» Double discours, double langage, des exercices de relations publiques sans pareil, mais, quand ça vient le temps de négocier de bonne foi avec ces personnes, tel que l'Assemblée nationale, à l'unanimité, l'a exigé le 11 mars, il y a quelque chose d'autre qui se passe, M. le Président.

Alors, je trouve ça fort regrettable, parce que je pense qu'on a la possibilité, à la fois pour les enfants, pour les parents... Parce qu'il y a certains parents qui aiment participer dans la gestion d'une garderie, pour eux, le modèle sans but lucratif fait leur affaire, mais il y a également d'autres parents qui veulent un autre modèle, qui veulent faire un autre choix. La ministre a dit qu'elle ne veut pas se substituer aux parents, mais je pense que dans ce dossier c'est exactement ça qu'elle est en train de faire. Elle décide à la place des parents: Cette garderie-là, oublie ça, parce que, moi, je ne l'approuve pas. Moi, je veux la fermer parce que c'est à but lucratif. Mais l'autre garderie à côté, à qualité égale, wo! Ça, c'est mon sceau d'approbation, vous pouvez envoyer votre enfant là, au lieu de laisser le choix aux parents dans un cadre réglementaire. Il faut rappeler toujours que toutes les garderies sont réglementées. Il y a beaucoup d'exigences pour mettre le mot «garderie» sur une affiche – je pense que c'est fort important – mais, à l'intérieur de tout ça, un partenariat avec le privé est possible.

Je pense aussi que, dans le dossier des garderies, on a des questions sur les disponibilités des fameuses places à 5 $. Je pense que c'est dans le Journal de Québec de ce matin qu'on voit la manchette Québec n'a de la place que pour un enfant sur trois . Et même une offre de 33 000 places risque de coûter dans l'ordre de 130 000 000 $ à 145 000 000 $. Alors, juste pour un petit volet de la réforme à l'intérieur des garderies, ça va coûter presque 60 % de plus des montants existants dans les garderies, et ça c'est juste le tout petit premier pas, et le gouvernement a l'intention d'étendre ça jusqu'à l'an 2001 sur un autre 73 000 places. On n'a pas les moyens, M. le Président, et c'est pourquoi nous avons exigé dès le départ d'expliquer comment on va financer ça, parce que le 5 $ par jour pour les parents risque d'être 6 $ ou 7 $ ou 8 $ bientôt où, comme notre école publique gratuite, on va voir les frais d'activités, les frais pour ça, les frais pour ça. L'école gratuite est loin d'être gratuite, et je pense que les garderies à 5 $ par jour risquent de coûter beaucoup plus que 5 $ par jour aussi.

Il y a également la question de la qualité des services, parce que toute la réforme, surtout en milieu défavorisé, est basée sur l'importance... Je pense que c'est Camil Bouchard et les autres experts qui ont dit: Il faut mettre en place des services de garde de qualité. Il faut souligner «de qualité». Et c'est quoi les deux premiers gestes que ce gouvernement a dits pour assurer la qualité? Pour les enfants de quatre ans, on a augmenté le ratio enfants-éducatrice. Alors que c'est maintenant un pour huit, on va augmenter ça à un pour 10. Oui, ça va nous permettre de sauver 500 emplois comme éducatrices, mais au lieu d'avoir l'attention directe avec nos jeunes, surtout en milieu défavorisé, ça va devenir des groupes plus grands. Il n'y a personne qui m'a dit à date que les groupes de classes plus grands sont des améliorations à la qualité des services. Mais, au-delà de ça, il y a un règlement, dans la Gazette officielle d'il y a une semaine, des garderies en milieu défavorisé: au lieu d'avoir un seuil de 60 enfants, on va mettre ça à 80. Alors, dans les mêmes endroits, on va stationner plus d'enfants; parce que ce sont des enfants de milieux défavorisés, alors c'est moins important.

Encore une fois, qu'est-ce que les Camil Bouchard, les Richard Tremblay et les autres experts québécois ont dit? Il faut cibler nos activités sur les clientèles à risque. Ça, c'est les personnes qui ont vraiment... Si on veut mettre tout le monde, tous nos enfants sur un pied égal dans la première année de l'école, il faut cibler davantage ces enfants, et le gouvernement est en train de faire le contraire. Alors, c'est une autre question que je me pose: Est-ce que l'offre de services va être faite en diluant la qualité qui est fournie pour tous nos enfants, mais surtout nos enfants en milieu défavorisé? Si oui, ça va à l'encontre de la logique même de la réforme. Mais il y a beaucoup de choses, et on va continuer dans l'étude de l'autre projet de loi aussi, où il faut se questionner sur la logique entre les objectifs avoués de la ministre et ce que nous avons mis dans le projet de loi.

(21 h 20)

Déjà des parents m'ont appelé sur comment on va octroyer les 20 000 à 30 000 places à 5 $ dès l'automne de cette année. Ça va être très dispendieux, mais... Déjà j'ai parlé la semaine passée à une mère monoparentale de Lachine. Elle a un enfant de quatre ans et un enfant de deux ans. Elle a été très chanceuse, elle a trouvé une place dans une garderie subventionnée à 5 $ pour son enfant de quatre ans, mais devinez-vous, M. le Président, qu'il n'y a pas de place dans la classe pour l'enfant de deux ans. Alors, elle a été obligée d'aller dans une autre garderie où il n'y avait pas de place pour l'enfant de quatre ans, mais, oui, effectivement il y a une place pour l'enfant de deux ans. Le tout petit problème, c'est qu'il y a 10 km entre les deux garderies. Alors la pauvre madame, le matin, surtout l'hiver, sera obligée d'habiller les deux enfants, aller 5 km à l'ouest pour mettre l'enfant dans une garderie, continuer 10 km à l'est pour trouver la place pour l'autre enfant. Après ça – déjà elle va être épuisée – elle doit aller travailler la journée longue. Alors, je pense qu'il y aura beaucoup de problèmes de la gestion de l'offre des services et ce n'est pas clair encore une fois qui sont les enfants chanceux, qui sont les parents chanceux qui auront une garderie à 5 $ à partir de l'automne de cette année et qui sont les autres qui vont être dans l'autre système. On parle d'une plus grande équité, mais deux parents avec deux enfants assis à la même table, des enfants de quatre ans, un parent est obligé de payer 25 $ par jour et l'autre 5 $ par jour... En tout cas, ça va soulever des questions aux rencontres des parents, les mercredis soir, je pense, M. le Président.

Je pense aussi, juste en revenant sur la question de... Avant d'aborder ça, il y a une autre grande inconnue ou quelque chose qui est manquant dans la loi n° 145, mais qui est également essentiel pour les familles québécoises, c'est tout le dossier des services de garde en milieu scolaire. La moitié des enfants, dans une garderie, au Québec, sont dans une garderie en milieu scolaire. Mais il n'y a rien ici. Il y a une promesse que la ministre a faite au mois d'octobre, renouvelée dans Prendre le virage du succès , sa publication du mois de février, dans la réforme de l'éducation. Mais, encore une fois, sept mois après, cet outil essentiel pour concilier les heures d'école avec les heures de travail, silence. Et la ministre ne comprend pas pourquoi 70 000 parents ont signé des pétitions concernant la maternelle temps plein.

Je pense qu'une des grandes inquiétudes, au-delà de la question de mi-temps et de temps plein, c'est: Est-ce que tous les services auxiliaires autour de la maternelle seront en place dès septembre de cette année? La surveillance le midi, les services d'autobus, les services de garde après les heures d'école, ce sont des services qui sont essentiels, et, là, silence, dans la réforme, sur ça. Et, ça, c'est très important. Mais, comme je l'ai dit, l'optique de la ministre est les enfants de zéro à quatre. On a tout fait pour les enfants de zéro à quatre, mais on oublie qu'à cinq ans l'enfant n'est pas encore prêt à se débrouiller seul, à aller à la maison seul à la fin de la journée. Alors, il faut mettre quelque chose en place. J'ai regardé dans les crédits, j'ai regardé dans le budget, je regarde toujours dans le projet de loi n° 145 et, pour ces services essentiels, silence. Silence, M. le Président. Et je pense que ça explique en partie la grande inquiétude d'autant de parents qui ont manifesté, qui sont venus voir...

Je pense que tous les députés de l'Assemblée nationale ont reçu les délégations de parents qui sont inquiets sur la maternelle temps plein à partir de septembre de cette année. Je pense qu'une des choses, c'est que les écoles et le système ne sont pas prêts à offrir toutes les gammes de services nécessaires. Ça explique pourquoi... Parce qu'il faut rappeler que juste 37 % des écoles primaires, au Québec, ont des services de garde en milieu scolaire. Alors, c'est une lacune. C'est quelque chose qui est très important et, comme je dis, c'est le silence du gouvernement, quand et comment on va faire ça.

Un dernier mot sur un autre élément clé de la réforme que sont les services de garde en milieu familial. Encore une fois, on parle, d'ici quatre ans, d'ajouter 63 000 places. Alors, ça, c'est les places entre six à neuf enfants par maison, c'est les personnes qui acceptent les enfants dans leur foyer. Mais c'est plus ou moins 9 000 foyers, 9 000 personnes à sélectionner. Et, je pense, avec toutes les inquiétudes des parents, il faut avoir un système pour vérifier que ce sont des personnes aptes à garder des enfants, que ce sont des personnes qui n'ont pas d'antécédents regrettables ou quelque chose comme ça. Je pense qu'on a tout un travail à faire. Il y a tout le dossier de la formation de ces personnes. J'ai posé la question à la ministre au moment de l'étude des crédits: Est-ce que c'est prévu d'avoir quelque formation avant d'agrandir les agences de garde en milieu familial? Et la réponse est non.

Alors, cette drôle de logique qu'une femme entrepreneur ne peut pas créer une entreprise de garderie, employer des personnes et avoir sa propre entreprise, mais on n'a aucune exigence pour qu'elle puisse garder les enfants chez elle, très peu de formation, de sélection. Au bout de la ligne, qu'est-ce que cette madame fait? Elle va recevoir les enfants, elle va charger un prix, elle va payer ses dépenses, et le reste; dans mon vocabulaire à moi, c'est un profit. Pas d'autres mots pour ça, c'est un profit. Mais, alors, on peut faire un petit profit au foyer, les femmes du Québec, vous pouvez faire ça, mais, dès le moment que vous décidez de prendre votre destin en main et de former une entreprise, l'État n'aime pas ça. Alors, encore une fois, je ne vois pas la logique, je ne vois pas pourquoi on peut dire: Au foyer, vous serez capable d'accepter des enfants, de les garder et de faire un profit, mais, dans une garderie, vous ne pouvez pas faire ça. Il y a un élément idéologique qui me manque, parce que je ne comprends pas.

Finalement, M. le Président, on a toujours une grande question sur les coûts d'implantation de ce système. C'est quoi, les coûts de gestion additionnels? Moi, j'en ai soulevé quelques-uns, mais je pense qu'il faut regarder ça de près, jusqu'à quel point nous sommes en train d'enlever l'argent des familles québécoises pour investir davantage dans des structures, dans un ministère, dans les centres à la petite enfance. Est-ce qu'on avait réellement besoin de ça ou est-ce qu'il y a moyen d'arriver aux mêmes fins sans engager des gestionnaires, sans engager des fonctionnaires additionnels pour absorber l'argent qu'il faut mettre dans les poches des familles québécoises?

Sur les services de garde, comme je dis, je demeure toujours perplexe. Où le gouvernement va trouver l'argent à la fois pour payer les allocations familiales – nous allons regarder ce dossier un petit peu plus tard ce soir – et pour financer les services de garde à 5 $ par jour et payer la différence? Un calcul rapide: le coût moyen au Québec, c'est 22 $. Si les parents paient 5 $, il y a un manque à gagner de 17 $. Alors, 17 $ par jour fois 260 jours par année fois 33 000 places, ça vous donne un chiffre dans la région de 145 000 000 $. Grande somme, grande somme! D'où vient l'argent? C'est quoi, le coût de transformation? Si on accepte la logique qu'on ne peut pas faire un partenariat avec les garderies à but lucratif, ça va coûter au contribuable combien pour transformer ces garderies en garderies sans but lucratif?

Juste un aide-mémoire, M. le Président: en Ontario, ils ont essayé de faire ça pour acheter 7 000 places, alors le tiers des places disponibles au Québec. Ça a coûté au gouvernement de l'Ontario 53 000 000 $. À ce moment, ils ont abandonné le programme parce que c'était trop dispendieux. Alors, peut-être qu'il y a un message ici pour nous autres, comme parlementaires, que l'offre de transformation, c'est beau sur papier, mais ça va coûter une fortune. Et, si on a de l'argent à injecter dans le dossier de la famille dans son ensemble, est-ce que c'est la priorité numéro un de transformer les garderies en garderies? Moi, je ne pense pas, M. le Président. Moi, je pense que, si on a 50 000 000 $ ou 100 000 000 $ qui flottent dans les ministères, qui sont sans destin, il y a beaucoup d'autres choses qu'on peut faire avant de faire un projet si dispendieux que ça.

Aussi, la ministre, chaque fois qu'elle est questionnée sur les garderies le soir, les garderies en fin de semaine, les services de garde à domicile, les haltes-garderies, les jardins d'enfants, elle a toujours la promesse qu'elle va tout faire. Mais comment et à quel prix? Comment est-ce qu'on va mettre tout ça en place? Moi, je peux dire que j'adore les jardins d'enfants et j'espère qu'il y a une place dans les jardins d'enfants pour les enfants québécois. Mais il faut avoir un petit peu de sérieux, M. le Président. Il faut livrer la marchandise, et à date on n'a aucune idée de la place des jardins d'enfants, des haltes-garderies, des autres services à l'intérieur du nouveau système des services de garde.

Ça, c'est nos questions. On aura d'autres forums. On va continuer, on va entendre les groupes. Je suis très heureux que la ministre ait accepté de consulter enfin la population du Québec sur cette réforme majeure. Il y a beaucoup d'inquiétude. On a vu les parents qui sont venus sur la colline parlementaire il y a 10 jours parce qu'ils sont inquiets, parce qu'ils se posent des questions, parce qu'ils veulent savoir. Il y a également des propriétaires de garderie privée qui ont couché sur la colline parlementaire, toute la nuit il y a deux semaines parce qu'ils ont peur. Ils ne veulent pas perdre leur garderie. Ils veulent continuer à travailler avec les enfants. C'est un métier qu'ils aiment bien, ils veulent continuer.

(21 h 30)

Alors, on regarde toutes les inquiétudes qui sont créées. Je regarde tous les coûts additionnels, toutes les inconnues qui demeurent dans ce projet de loi. Moi, je dis, comme porte-parole pour l'opposition officielle: On ne peut pas donner notre approbation au principe de ce projet de loi parce que je pense qu'il y a des choses là-dedans qu'on ne peut pas accepter. Alors, pour le moment, l'opposition officielle va voter contre le principe du projet de loi parce que je pense qu'on peut arriver à respecter les mêmes objectifs avec des moyens différents. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Nous allons maintenant céder la parole à la députée de Blainville, en vous rappelant, Mme la députée, que vous n'avez point un temps de parole de 60 minutes, mais bel et bien un temps de parole de 20 minutes. Mme la députée.


Mme Céline Signori

Mme Signori: Merci, M. le Président. Ne soyez pas découragé personne, je ne parlerai pas 30 minutes. Nous en sommes à débattre du principe du projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance. Il s'agit de l'un des trois projets de loi qui permettent l'implantation de la nouvelle politique familiale du Québec, politique dont on connaît les grandes lignes depuis le Sommet socioéconomique de l'automne.

On reproche souvent aux hommes et femmes politiques de ne pas avoir de vision à long terme ou bien d'être incapables de proposer une réponse complète à un problème. Avec la nouvelle politique familiale proposée, on ne peut faire ce reproche au gouvernement du Québec. En effet, le gouvernement du Parti québécois implante un ensemble de mesures adaptées aux réalités vécues par les familles d'aujourd'hui. Je les énumère rapidement: assurance parentale, dont le loi sera présentée prochainement; maintien de l'aide à toutes les familles québécoises sous la forme de crédits d'impôt; allocation familiale bonifiée pour les familles à faibles revenus; développement important des services de garde à l'enfance; enfin, création du ministère de la Famille et de l'Enfance.

Si on retourne en arrière, jusqu'à l'élection du Parti québécois en 1994, on ajoute à la liste des réalisations la réforme des pensions alimentaires, à commencer par la perception automatique, où l'opposition officielle, cantonnée dans la partisanerie qu'on lui connaît, n'y voit que du mal, alors que la réalité est tout autre. Plus de 91 % des nouvelles ordonnances alimentaires depuis le 1er décembre 1995 ne posent pas de difficulté particulière de perception. Sous les libéraux, ce pourcentage était de 45 %. 91 % contre 45 %, c'est la différence entre le gouvernement péquiste et une équipe libérale décrochée de la réalité. En cette matière comme dans bien d'autres domaines, le gouvernement du Parti québécois a bougé non seulement du côté de la perception automatique, mais aussi du côté de la défiscalisation et de la fixation des pensions alimentaires.

À cette panoplie d'outils à l'intention des familles que je viens d'énumérer s'ajoutera bientôt la médiation préalable en matière familiale. M. le Président, je parle ici du projet de loi n° 65. Sans vouloir sortir du débat sur le projet de loi n° 145, je tiens à réitérer mon appui total au ministre de la Justice au sujet du projet de loi n° 65 sur la médiation familiale. Je souhaite son adoption dans les plus brefs délais. Je sais que le projet de loi déplaît au Barreau du Québec et à l'opposition officielle, mais je sais surtout, et c'est ça qui est important, que le projet de loi sur la médiation familiale est attendu par de nombreux parents qui comptent sur ce moyen non judiciaire de résolution de conflits, conflits, d'ailleurs, dont trop souvent les enfants font les frais.

Je reviens au projet de loi n° 145, M. le Président. Je parlerai de la création du ministère de la Famille et de l'Enfance, du maintien du Conseil de la famille, un sujet qui me tient à coeur, et finalement du développement des places en services de garde.

M. le Président, on doit se demander: Pourquoi crée-t-on un ministère de la Famille et de l'Enfance en 1997? Dans sa déclaration ministérielle le 13 mai, le premier ministre a déclaré, et je le cite: «Nous faisons deux choses et nous les faisons dans l'ordre correct. Premièrement, il faut redéfinir une politique familiale et, une fois qu'elle est redéfinie et que la voie est tracée, il faut nommer un acteur qui va être responsable au plus haut niveau, c'est-à-dire au niveau du Conseil des ministres.» Fin de la citation.

Le gouvernement a mis une réforme majeure en marche. Il faut un répondant ou une répondante pour mener cette réforme à bien. Mais il y a plus. Une politique familiale, ce n'est pas seulement des chèques et de nouvelles places en garderie. Une politique familiale a également pour but la cohésion des interventions ministérielles en matière familiale. Donc, le ministère de la Famille et de l'Enfance a une dimension horizontale, contrairement aux ministères sectoriels de la Santé ou de l'Éducation. Un ou une ministre de la Famille intervient auprès de ses collègues pour s'assurer que tous les ministères tiennent compte de la dimension famille tant dans l'élaboration que dans l'application des politiques gouvernementales. J'irai même plus loin. Idéalement, chaque ministère devrait compter un répondant aux questions familiales dont la tâche serait de mesurer l'impact des politiques de son ministère sur les familles québécoises.

Un dernier mot au sujet du ministère de la Famille et de l'Enfance. Le projet de loi n° 145 aborde la question du financement des organismes familiaux. M. le Président, la question du financement préoccupe les groupes familiaux depuis le tout premier plan d'action gouvernemental en matière de politique familiale paru en 1989. En 1991, le Conseil de la famille, duquel j'étais membre, publiait un avis sur la question. Ces recommandations sont toujours pertinentes en 1997. Parmi celles-ci, le Conseil recommandait que soit développée, dans le cadre des programmes de soutien aux organismes communautaires du ministère de la Santé et des Services sociaux, une catégorie particulière destinée à la clientèle familiale et aux mesures de soutien aux parents et aux familles. En fait, M. le Président, actuellement, des organismes familiaux peuvent être financés par les programmes de soutien aux organismes communautaires via l'enveloppe Promotion et services à la communauté qui regroupe une kyrielle d'organismes de tous horizons. La compétition entre les groupes est féroce, et les dollars se font rares. À la place, les groupes familiaux voudraient une enveloppe spécifique pour eux. Quand je parle de groupes familiaux, je parle autant de fédérations nationales comme la Fédération des unions de familles que de groupes locaux comme les associations de familles monoparentales, Parents-Secours ou les Maisons de la famille, un concept tout à fait en vogue au Québec.

Dans mon comté, à Sainte-Anne-des-Plaines, il existe une Maison de la famille bien dynamique qui offre un support aux parents de la communauté. Je connais très bien les problèmes de financement auxquels fait face cette Maison année après année. Il me semble clair que cet organisme bénéficierait d'une enveloppe budgétaire réservée aux organismes familiaux. Je vois donc de l'espoir dans le projet de loi n° 145 pour la Maison de la famille de mon comté, mais aussi pour toutes les Maisons de la famille au Québec.

M. le Président, le projet de loi n° 145 maintient le Conseil de la famille tout en le modifiant. Il est rebaptisé du nom de Conseil de la Famille et de l'Enfance. Pour ma part, j'avoue que j'ai craint sa disparition. Visiblement, le gouvernement croit toujours en sa nécessité, et c'est tant mieux. Pour moi, qui en ai été membre de 1988 à 1994 et sa vice-présidente de 1991 à 1994, le Conseil de la famille représente un lieu unique de réflexion sur des aspects souvent peu documentés de la vie familiale.

Le projet de loi n° 145 modifie les pouvoirs du Conseil. Par exemple, le Conseil aura l'obligation de soumettre annuellement au ministre un rapport sur la situation des besoins des familles et des enfants du Québec, un peu comme le Conseil supérieur de l'Éducation doit étayer le portrait de l'éducation au Québec. Le Conseil de la Famille et de l'Enfance fera de même sur les conditions de vie des ménages. Cela me paraît très prometteur.

(21 h 40)

Des questions apparaissent cependant. Je suis sûre que les consultations publiques et le travail en commission parlementaire apporteront les réponses désirées. Le projet de loi suggère que l'on supprime la fonction pour le Conseil d'informer le public sur toute question d'intérêt familial. C'est pourtant d'après moi un volet du mandat que je juge important. Il faudrait voir qui héritera de ce devoir d'information. Cela étant, la pierre angulaire du projet de loi n° 145 demeure les dispositions législatives en regard du développement des services de garde. En vertu du projet de loi n° 145, le gouvernement va de l'avant avec son projet de développement massif de places en services de garde à 5 $ par jour. D'ici 2001, 73 000 places seront créées en services de garde pour les enfants de zéro à quatre ans. Il s'agit d'un déblocage majeur sur la question des garderies. Jusqu'à maintenant, nous avions un système de financement des services de garde reposant sur une aide directe sous forme de subventions aux garderies et indirecte sous forme de crédits d'impôt aux parents.

Après toutes ces années, on se rend bien compte que le système de financement indirect donne des résultats décevants. Il y a un manque criant de places disponibles. De plus, ces places sont mal réparties sur le territoire: elles sont nombreuses en zone urbaine, mais trop rares en région. Peu de services de garde desservent les enfants dont les parents travaillent le soir, la nuit ou les fins de semaine. Autre résultat: la garde au noir continue de se développer. Finalement, les travailleuses en services de garde demeurent, somme toute, mal payées.

Les études comparatives démontrent que les pays qui ont le plus de succès dans leur politique familiale sont ceux qui offrent des subventions pour certains services plutôt qu'une aide monétaire aux utilisateurs. C'est exactement la voie que le Québec empruntera désormais avec le projet de loi n° 145.

M. le Président, il sera bientôt derrière nous, le temps des promesses au sujet des services de garde. Juste au niveau du fédéral – juste pour faire plaisir à nos amis d'en face, on va en parler un peu – les conservateurs avaient promis la création de 200 000 places durant le mandat de 1984: il ne s'est rien passé. Pendant la campagne électorale de 1993, les libéraux de Jean Chrétien avaient promis 150 000 nouvelles places: il ne s'est rien passé non plus. Le fédéralisme, c'est ça, il ne se passe à peu près jamais rien. Comme dit l'humoriste André-Philippe Gagnon: «C'est ça, le Canada: trois pas en avant, mais 12 pas en arrière.»

Le gouvernement du Québec ne suit pas le mauvais exemple d'Ottawa. À Québec, on bouge. Ça dérange un peu, mais on bouge: dépôt du projet de loi n° 144 sur les prestations familiales, projet de loi à venir sur l'assurance parentale et le projet de loi actuel qui crée le ministère de la Famille et de l'Enfance. Le tout forme une politique familiale globale, équitable, unique et cohérente. Il y a sans doute encore des fils à attacher, c'est normal, on les attachera lors des consultations et de la commission parlementaire.

À ce moment-ci, j'invite les membres de cette Assemblée à voter en faveur du principe du projet de loi n° 145 et à applaudir ma collègue la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille pour le courage et la ténacité dont elle a su faire preuve dans le dossier du développement des services de garde à 5 $ par jour. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, Mme la députée de Blainville. Nous cédons maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je trouve que la députée de Blainville – vous me permettrez de faire ce point-là en partant – est bien sévère envers son actuel chef quand elle porte un jugement sur le gouvernement conservateur puis sa vision des garderies. Durant les années quatre-vingt, on sait combien important l'actuel chef du gouvernement, le premier ministre, était à l'intérieur du Conseil des ministres de l'époque. Je pense que le jugement sévère qu'elle porte envers son chef est de mauvais augure pour les actions que le même type occupe aujourd'hui, les actions qu'il entreprend en matière de famille. En effet, M. le Président, les actions du premier ministre du gouvernement en matière de famille... J'entendais des gens me dire récemment: Ils vont en défaire plus en six mois qu'il y en a eu de fait en 20 ans. Ce n'est pas tout à fait faux. Puis, quand on parle de défaire, on parle de défaire des politiques structurantes qui aidaient les familles, on ne parle pas de défaire des organismes.

Parce que, avec le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, le projet de loi n° 145, au contraire, on veut créer plus de structures, créer plus d'organismes. On crée un ministère de la Famille. Pour qui c'est une bonne nouvelle? Probablement pas tellement pour les familles. Sûrement qu'il y a une job là-dedans pour un membre de la députation. Peut-être qu'en faisant des allocutions on pose sa candidature pour le poste en appuyant le projet de loi, mais, pour les familles, dans le concret des choses, dans la réalité, je ne pense pas qu'il y ait de grands progrès à la création d'un ministère, puis personne ne demandait ça.

D'ailleurs, M. le Président, quand on regarde les notes explicatives – les notes explicatives font sourire quand même – le projet de loi prévoit que le ministre facilite la participation de personnes ou de groupes intéressés aux questions familiales et élabore et propose au gouvernement des orientations. La consultation des groupes, M. le Président, c'est un objectif du gouvernement. Combien de représentants des familles ont essayé de rencontrer la ministre, de s'exprimer, d'être entendus? Ça a pris pressions par-dessus pressions, des mois pour qu'on finisse par avoir une commission parlementaire. Au moment où les décisions semblent toutes être prises, au moment où le processus d'expropriation dans les garderies est complètement enclenché, les négociations durent, avant qu'on puisse faire semblant d'écouter les groupes, on a mis en place cette politique-là comme la maternelle qu'on faisait complètement à l'encontre de l'opinion des parents, on prend des positions qui sont contraires, où on n'a aucun intérêt à écouter les groupes, à écouter les personnes intéressées, pour dire: On va créer un ministère, ça va nous permettre d'écouter davantage les groupes. Alors, je pense qu'il n'y a personne qui va croire ces intentions-là.

Quand je dis qu'on crée des structures, les centres à la petite enfance, la même ministre, dans un autre volet de son travail, nous dit: Il faut faire un ménage dans les commissions scolaires; il y en a trop, de ces structures-là. La plupart des gens sont d'accord avec elle sur la nécessité de réduire ces structures-là, mais, quand on regarde les centres à la petite enfance puis qu'on imagine – parce que, quand on nous présente ça aujourd'hui, ce n'est pas trop épeurant – l'évolution de ce genre de structure là sur quelques années, on est en train de créer des commissions scolaires de la petite enfance, ni plus ni moins. On est en train de recréer un autre palier de structures du même ordre. Puis le financement de ces structures-là, qui va aller en grossissant, on le sait, il y a toujours une inflation sur les dépenses de la machine puis des structures, bien, à chaque année, ça risque d'être un peu moins d'argent qui va tomber dans la poche des familles, un peu moins d'argent qui va aller pour répondre aux besoins réels des familles du Québec. Ça, c'est l'aspect du projet de loi, une grosse partie du projet de loi n° 145, l'aspect création de nouvelles structures. La ministre voudrait qu'on approuve le principe qu'en matière de politique familiale ce dont on a besoin, c'est moins d'argent dans la poche des familles puis plus d'argent dans les structures. C'est sûr qu'on ne peut pas approuver ce principe-là.

Mais le fond du projet de loi dans sa deuxième partie sur la question des services de garde, c'est encore un peu plus grave. Parce que, pour un gouvernement qui veut se payer quelques places puis quelques jobs, puis placer quelques fonctionnaires un peu mieux, puis créer un poste de ministre, c'est des fonds publics qui coulent, mais – bon, enfin, on est habitué d'en voir couler – qu'en plus on veuille étatiser tout le système des garderies, détruire un réseau de garderies privées qui existe, qui offre des services à la grandeur du Québec, c'est beaucoup plus grave. Parce que là ce n'est pas seulement un gouvernement qui se paie à l'intérieur de ces structures un petit party ou une petite zone de party, là c'est qu'on vient toucher dans la famille des gens à des réalités, on vient priver des gens de services, on vient nuire à des entrepreneurs, des gens qui ont créé leur propre entreprise, et là on touche le concret des choses pour beaucoup de monde.

(21 h 50)

J'étais renversé d'entendre la députée de Blainville. Il lui a probablement échappé des éléments de ce qui s'est passé ailleurs. Elle dit: On ne pourra pas accuser notre gouvernement de manquer de vision avec la mise en place de cette politique-là. Écoutez, le gouvernement néo-démocrate avec une tendance socialisante semblable à celle du gouvernement du Québec actuel avait essayé un projet comme celui-là, puis ça a été un fiasco. On a été obligé de revirer en cours de route sur ces orientations-là. C'était en train de coûter une fortune, c'était en train véritablement de massacrer le système des garderies là-bas. Puis là, parce que le Québec imite ce qui a été un fiasco ailleurs, on appelle ça de la vision. Je ne sais pas de la vision pour qui. Peut-être de la vision pour ceux qui vont sortir gagnants, peut-être de la vision pour la CSN, peut-être qu'il y a de la vision pour quelques groupes qui vont sortir gagnants de cette histoire, mais de la vision à long terme pour les familles du Québec, moi, je ne la vois pas, M. le Président.

Maintenant, on va voir comment cette politique-là est cohérente avec les messages que le gouvernement envoie. Moi, j'ai rencontré, je suis allé visiter dans plusieurs régions du Québec des gens propriétaires de garderies privées. Ce que j'ai rencontré, dans bien des cas, c'est des jeunes entrepreneurs: dans plusieurs cas – le député de Jacques-Cartier en a parlé – des femmes; dans certains cas, des couples qui ont pris toutes leurs économies, qui ont même, dans certains cas, réhypothéqué leur maison pour tout mettre sur une petite entreprise qui allait être la leur, leur garderie.

Je suis surpris que la députée de Rosemont, ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, ne soit pas plus active dans ce dossier-là, qu'on ne l'entende jamais, parce que le plan Paillé, les prêts garantis du gouvernement ont servi au démarrage de ces entreprises-là. Le gouvernement a dit à ces gens-là: Créez votre propre emploi, partez votre propre entreprise, démarrez votre propre entreprise; l'avenir, c'est dans les gens qui se prennent en main et qui créent leur emploi. C'est le message que le gouvernement leur a envoyé, puis il leur a même donné des prêts pour partir leur propre garderie. Et je sais, j'en ai entendu dans les corridors, les députés du côté gouvernemental, ils en parlent, ils les voient, ces incohérences-là. Ils ne peuvent pas le dire toujours en Chambre, mais ils les voient. Et là on vient dire à ces gens-là, à qui on a permis de créer leur propre entreprise, on vient leur dire: Écoutez bien, de l'entreprise privée dans ce domaine-là, nous, le gouvernement, on ne croit pas beaucoup à l'entreprise privée, on va vous reprendre ça puis on va venir vous exproprier.

Bon, la liberté d'entreprise, c'est la vision que le gouvernement actuel en a. La liberté d'entreprise, c'est une chose. On va parler de la liberté des parents maintenant, parce que, en matière de garderies, il y a une chose qui est claire, l'État, le gouvernement vient dire aux parents: Écoutez, durant un certain nombre d'années, on vous a laissés vous épivarder, prendre vos décisions vous autres mêmes, mais là c'est fini. Les parents ne savent pas, les parents ne connaissent pas. L'État, votre bon gouvernement va décider à votre place de ce que sont de bons services de garderie. Le gouvernement va prendre des décisions sur ce qui est le plus intelligent, ce qui est le plus favorable pour vos enfants, puis les parents qui marcheront dans le sillon qu'on va tracer, on va les aider, puis ils vont avoir un appui financier du gouvernement. Mais les parents qui vont décider de faire autrement que ce que le bon gouvernement du Parti québécois a pensé pour eux autres, eux autres, ils vont être punis; eux autres, on va progressivement les laisser tomber. C'est ça, l'objet de la politique familiale, M. le Président, puis il y a plusieurs choix de vie, il y a plusieurs choix familiaux qui sont possibles, qui font que les gens vont être pénalisés. On va juste en nommer quelques-unes, des réalités des familles du Québec.

Les familles qui décident qu'un des deux conjoints va travailler à la maison, phénomène de plus en plus présent. Avec l'informatique, les modems, le télétravail, les gens restent à la maison, travaillent à contrat, travaillent même pour le bureau à partir de la maison, parce que les parents disent: Plutôt que d'avoir accès aux services de garderie, on va rester, un des deux conjoints, à la maison et on va travailler en s'occupant des enfants. Quitte à avoir un revenu inférieur, beaucoup de parents sont prêts à sacrifier une proportion de leurs revenus. Plutôt que de le donner à la garderie, ils vont sacrifier une proportion de revenus et ils vont travailler à partir de la maison. D'autres parents vont carrément dire, surtout ceux qui ont à partir de trois, quatre enfants en montant, ils vont dire: Bien, à ce nombre d'enfants là, il est préférable qu'un des deux conjoints demeure à la maison à temps plein, s'occupe des enfants, travaille avec les enfants. D'autres parents encore vont adapter leurs horaires de travail, ils vont dire: Bien, quitte à avoir un revenu moindre, je vais travailler à temps partiel, par les soirs, ou je vais travailler les fins de semaine pour s'arranger pour que le conjoint reste à la maison.

Alors, tous ces gens-là, qui font des choix de vie, des choix familiaux différents, le gouvernement vient leur dire: Ah! vous autres, là, vous n'obéissez pas; le gouvernement vous a dit: Ayez accès à nos services de garderie, organisez votre vie selon le modèle de votre bon gouvernement; vous décidez de faire autrement, on vous laisse tomber. Et ça, de punir des gens qui font un choix familial... Et je vois le député de Dubuc qui rit, mais il va rire moins à la prochaine élection. Quand il va faire son porte-à-porte et qu'il va cogner dans des portes, il va voir. Il va avoir peur de cogner à la porte parce qu'il verra une petite poussette sur la galerie, parce qu'il sait que ces parents-là vont avoir été punis par son gouvernement, il va avoir...

Des voix: ...

M. Dumont: Il va aimer moins ça, M. le Président, hein, parce que c'est la qualité des services qu'on vient toucher, c'est la qualité des services qu'on vient toucher, et les parents du Québec vont s'en souvenir. On touche la diversité des services qui leur sont offerts. On touche la qualité. Pourquoi? Parce que, quand on nivelle, quand on enlève la diversité, quand on oblige les gens à aller dans un seul choix, la qualité s'en ressent. La qualité s'en ressent, on le sait. La loi n° 145, ça amène des changements, et, à chaque fois qu'une loi amène des changements, une des questions, quand on veut faire une analyse sérieuse, comme parlementaires, du projet de loi, c'est de se dire: Ça déplace de l'argent, ça déplace des priorités, qui sont les grands gagnants? Qui sont les gens, là, demain matin, si on adoptait ce projet de loi là, qui peuvent en ressortir en disant: Nous, on sort gagnants de l'adoption d'un projet de loi comme celui-là? Est-ce que c'est les familles pauvres? Ça ne paraît pas évident, M. le Président. Pas du tout. Les familles nombreuses? Elles, elles vont y goûter – on va en parler tout à l'heure dans les allocations familiales – les familles nombreuses vont y goûter. La classe moyenne? Ah bien, la classe moyenne, c'est celle qu'on a ciblée, c'est celle qu'on a mis dans le collimateur, parce que la réforme de la politique familiale, c'est un déplacement. Alors, on dit: La classe moyenne, on va l'oublier. Non seulement dans le budget, on la taxe, on la surtaxe, on l'impose, mais, dans le cadre des politiques familiales, la classe moyenne on s'en lave les mains. C'est elle qui va payer pour les autres. Qui va gagner vraiment dans un projet de loi comme celui-là? Quelques fonctionnaires, la CSN probablement un certain nombre de cotisations. Le chiffre précis, on espère qu'il nous arrivera d'ici l'adoption du projet de loi.

Les retombées du Sommet. Ils appellent ça les retombées du Sommet. Les parents attendent encore les retombées du Sommet. Les travailleurs à tous les projets créateurs d'emplois, au Sommet, eux autres sont restés suspendus sur une corde à linge, quelque part, mais les retombées pour les establishments syndicaux, elles sont livrées. On livre la marchandise.

Puis je ne suis pas le seul, M. le Président, à m'inquiéter. Je ne suis pas le seul à dénoncer l'attitude du gouvernement en matière de politique familiale. On reçoit des communications de parents, de grands-parents. Je suis impressionné, ces temps-ci, du nombre de grands-parents qui se questionnent sur la façon dont le gouvernement traite les familles de leurs petits-enfants. Encore en fin de semaine, j'étais dans un important congrès de l'AFEAS, des mères de famille, des futures mères de famille, des grand-mères, le congrès de l'Est du Québec, et puis les gens m'en remettaient. J'en ai reçu par la malle. Je sais que la ministre en a reçu plusieurs. Elle n'en parle pas souvent à l'Assemblée, mais je sais qu'elle en a reçu plusieurs. On m'en a remis une autre pile sur place. Des gens qui se questionnent et qui disent: On s'adresse à vous pour que vous puissiez intervenir auprès de la ministre pour qu'elle revoie certaines dispositions de sa politique familiale. Nos nombreuses interventions auprès de la ministre ont été sans succès. Alors, j'ai pu les rassurer en leur disant qu'ils n'étaient pas les seuls.

Des demandes à la ministre: que l'allocation unifiée pour enfant soit augmentée; qu'une partie des ces allocations demeurent universelles pour toutes les mères; le travail des parents auprès des enfants, quel que soit leur âge, devrait être reconnu et supporté par toute la collectivité et non seulement par les familles elles-mêmes – ils reconnaissent bien ce qui va arriver à ceux qui ont fait des choix de famille différents; que les parents qui choisissent de garder leurs enfants plutôt que de les confier aux services de garde publics bénéficient de mesures fiscales pour reconnaître ce travail non rémunéré. Alors, on va exactement dans le sens contraire. C'est que les parents qui choisissent n'importe quel autre choix que celui qui leur est imposé par le gouvernement vont tout simplement être abandonnés par le gouvernement dans le cadre des politiques familiales.

Les valeurs – je cite encore les lettres de l'AFEAS – de ces gens-là qui ont élevé et qui élèvent des familles: le respect des choix des parents – ils se sentent bousculés dans ces valeurs-là qui sont les leurs; le soutien aux familles; l'amélioration des conditions de vie de tous les enfants; la lutte à la pauvreté des enfants; la lutte à la pauvreté des parents.

(22 heures)

Et ces gens-là, aujourd'hui, veulent interpeller la ministre de la Famille parce qu'ils ont l'impression qu'on crée des structures. Ils ont l'impression que ces politiques-là sont mises de l'avant pour répondre à des promesses, à des engagements qui ont été pris auprès des centrales syndicales, mais que, d'aucune façon, on est en train d'améliorer, ni à court terme, ni à moyen terme, ni à long terme, la qualité des politiques familiales, la qualité des services de garde, la réalité de ce que vont vivre les enfants de l'avenir. Et, moi, je les ai encouragés ces gens-là. J'ai dit: Au niveau des valeurs qui doivent être protégées, au niveau des valeurs que ce gouvernement-là est en train de bousculer, vous êtes un rempart. Et Dieu merci qu'il reste encore des groupes comme ceux-là qui sont capables, aujourd'hui, d'essayer de ramener le gouvernement à l'ordre, qui sont capables de tenter d'imposer au gouvernement cette nécessité de passer à travers des valeurs de société fondamentales comme la liberté de choix des parents qui ont toujours été au coeur des politiques familiales du Québec. C'est toujours pour ça que, au Québec, dans nos politiques familiales, et on devrait le faire plus... Et c'est le programme électoral que notre parti va toujours défendre, qu'on améliore les conditions économiques des parents, qu'on donne aux parents des meilleures chances de faire des choix, et les parents sauront bien faire les choix pour leurs enfants. Les parents, qu'on leur donne les moyens, ils sauront bien faire les bons choix pour leurs enfants plutôt que d'avoir un gouvernement qui se substitue, qui arrive à la place des parents, qui décide à la place des parents de ce qui est bon pour leurs enfants.

C'est avec beaucoup de passion... Je parlais des gens de l'AFEAS, je pourrais parler des gens qui sont dans le milieu des garderies, je pourrais parler des parents, parce que, dans bien des cas, ils ne sont pas organisés. Les parents, les associations de parents quelconques, ça n'a pas de permanence, puis ça n'a pas de mobilisateur professionnel, puis ça n'a pas d'avocats puis de contentieux, puis tout ça, hein? Quand ces gens-là veulent se regrouper, les parents prennent le téléphone, s'appellent les uns les autres, dans une région. Ces gens-là n'ont pas les moyens de se faire entendre aussi fortement que d'autres. Ils n'ont pas eu les moyens de faire une campagne de publicité de 1 000 000 $ à la veille du Sommet pour essayer d'infléchir les choix du gouvernement. Ces gens-là sont bousculés aujourd'hui, s'aperçoivent qu'ils vont avoir moins de choix. J'entends le député de Laviolette qui, peut-être, aurait aimé ça être là, au Sommet, lui aussi, pour faire valoir ces points-là, pour dire au gouvernement à quel point il allait dans une mauvaise direction. J'étais au Sommet et toutes les politiques socialisantes au Sommet, je les ai dénoncées séance après séance, M. le Président.

On a donc devant nous un projet de loi – et je reviens sur le projet de loi n° 145 – dont on ne peut pas appuyer le principe parce que c'est deux grands volets. C'est la création de plus de structures, plus de structures qui n'offrent pas de services directs aux parents, donc qui vont engouffrer probablement... On va nous dire, à court terme, non, mais, à moyen terme, à long terme, plus de structures, c'est universel dans la gestion des gouvernements, ça veut dire engouffrer plus d'argent. Puis on a un projet de loi qui vient nationaliser les garderies, on a un projet de loi qui vient réduire le choix des parents, qui va, à moyen terme, réduire la qualité, qui va amener une détérioration des services de garde. Or, voter contre le principe de ce projet de loi là, c'est de dire non à cette détérioration-là, c'est de dire non à un système qui va détruire beaucoup au niveau des services de garde, qui va détruire beaucoup au niveau de petites entreprises dans le domaine de la garde, et ça, pour coûter plus d'argent au gouvernement, qui va coûter, à moyen terme, plus d'argent au gouvernement, parce que ça va devenir plus dispendieux quand il n'y aura plus cette participation-là, ce partenariat avec le secteur privé. C'est de dire non à un gouvernement qui se substitue aux familles et c'est finalement de dire oui à des valeurs fondamentales de choix de société, de liberté, de qualité de vie des familles qui ont toujours été à la base des politiques familiales du Québec et qui vont y revenir, M. le Président, je l'espère bien, dans un avenir rapproché. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais appuyer mon collègue le député de Jacques-Cartier avec son intervention sur le projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, the Bill 145, An Act respecting the Ministère de la Famille et de l'Enfance and amending the Act respecting child day care, qui a été déposé – ai-je besoin de le souligner, M. le Président – à la toute dernière minute, avant la date limite de cette session, le 15 mai.

Avec ça, M. le Président, la raison pour laquelle ça a été déposé aussi tard est que nous manquons de beaucoup d'informations. Mais la réaction de plusieurs personnes à la politique antifamiliale de la ministre est assez claire dans les manchettes que nous avons lues après le dépôt de ce projet de loi: A family ministry draws fire. The Government is taking 300 000 000 $ out of the pockets, le chef de l'opposition said or the porte-parole on the family has criticized it severely.

Moi, M. le Président, je demande pourquoi la ministre est arrivée avec un projet de loi qui créait un autre ministère. C'est le troisième ou quatrième nouveau ministère que crée ce gouvernement. Est-ce qu'elle était jalouse qu'elle n'avait pas créé un autre ministère? La demande vient d'où? Je n'ai reçu aucun appel. Je pense qu'il n'y a pas un député, au bureau, qui disait: Je voudrais avoir un autre ministère. Je pense, effectivement, qu'il y a plusieurs députés dans cette Chambre, incluant ceux du côté ministériel, qui ont reçu des appels qui disaient: Nous avons besoin de services. Les familles québécoises ont besoin de soutien. Nous avons besoin d'aide. On veut arrêter l'avalanche de taxes, etc. Mais les gens n'appellent pas pour avoir un autre ministère, pour dire: S'il vous plaît, créez plus de gouvernements, plus de machines, plus de paperasse. Il n'y a aucune personne qui a fait du lobby pour ça, excepté, peut-être, quelques backbenchers qui étaient oubliés – je vois qu'il y en a quelques-uns qui sont d'accord avec moi – quelques backbenchers qui cherchent un ministère. Quelques-uns disent: S'il vous plaît, j'ai été oublié par le premier ministre. Je cherche un ministère. Créez un ministère pour moi, s'il vous plaît. Je ne veux pas les nommer, ils ont déjà commencé à mettre leur nom en public. Ils ont essayé d'avoir une promotion, mais à quel prix? C'est ça que l'opposition officielle doit faire. Nous allons évaluer ce projet de loi sur les questions: Est-ce que ça aide les familles? Est-ce que ça aide les enfants? Est-ce que ça aide la qualité de vie des enfants et de la famille?

Mr. Speaker, is bill 145 really necessary? I do not know one person, other than certain backbenchers on the government side, that is asking for more governments, more ministries. Not one. In fact, what we're hearing from our constituents, if this Government would listen, is reduce the apparatus of government, reduce the machine.

Le premier ministre a lui-même dit qu'il ne couperait pas dans les services, qu'il allait couper dans la machine, mais nous sommes en train de faire exactement le contraire. On voit un projet de loi qui coupe dans les services et qui augmente la machine gouvernementale. M. le Président, quand j'ai vu le projet de loi... Et je vais citer quelques articles, je vais juste mentionner mes problèmes avec cette loi. Je ne veux pas que le gouvernement, que l'État décide toutes les affaires pour moi. Je ne veux pas que le gouvernement québécois, le gouvernement péquiste décide ce qui est dans les intérêts des familles québécoises. Il y a plusieurs articles qui disent que... Article 3: «En ce qui concerne la famille, le ministre assume les responsabilités suivantes:

«2° aider les familles à créer des conditions favorables au maintien de relations familiales harmonieuses et au développement des enfants;

«4° soutenir financièrement les familles, particulièrement celles à faible revenu, pour assurer la satisfaction des besoins essentiels des enfants.»

C'étaient quelques articles dans l'article 3.

L'article 4, il parle de favoriser la participation effective de chacun des parents au projet éducatif de son enfant; de développer et maintenir un réseau de centres de la petite enfance fournissant des services de garde éducatifs.

Il parle encore, à l'article 5, de faciliter la réalisation d'actions visant l'épanouissement de la famille.

Aussi, le sixième article: «Le ministre élabore et propose au gouvernement des orientations et des politiques favorables à l'épanouissement de la famille et de l'enfance. Il supervise leur réalisation.»

A few of the articles show that the responsibilities of the Minister with regard to family welfare shall include: helping families to maintain conditions conducive to harmonious family relationships and to the development of their children; facilitating a reconciliation of professional and family responsibilities and promoting an equitable division of family responsibilities.

It continues to talk about that the Minister shall draw up guidelines and policies designed to help families and children achieve their potential, propose them to the Government and supervise their implementation. That's in article 6.

In article 4: «The responsibilities of the Minister with regard to child welfare shall include

«1° encouraging both parents to make an effective contribution to their child's education.»

(22 h 10)

M. le Président, qui décide ce qui est «dans les intérêts de la famille»? Est-ce que ça va être le gouvernement ou est-ce que ce sont les Québécois et Québécoises et les familles? Je voudrais voir les balises de ces articles de loi.

M. le Président, j'ai parlé souvent, ici, dans cette Chambre, quand le ministre du Revenu essayait de tout contrôler, de ramasser toute l'information et de tout décider pour les contribuables québécois et québécoises.

We call that «Big Brother». We call that «Big Brother» in terms of a government knowning all, seeing all, controlling all. Well, tonight, Mr. Speaker, Big Brother meets Big Sister, because the Minister of Education wants to control everything, to decide everything and to take away the freedom of choice of parents.

On peut voir, dans ce projet de loi, que le gouvernement, représenté par la ministre de l'Éducation, veut contrôler toutes les décisions des parents québécois. Et, quand je vois le projet de loi, la création de ce ministère, elle cherche, M. le Président, le pouvoir de décider sur les choix des parents, ce qu'ils veulent choisir pour leurs enfants. Et je voudrais citer quelques exemples un peu plus tard, M. le Président.

A tendency that we are seeing in this Government is that it's very interventionist, it believes and it knows better. Whether it's in education or whether it's in fiscal policy, or whether it is in any other policy, they say: They know better than parents. They know what is better for your children, for my children, for everybody else's children. I disagree with that.

Je suis fondamentalement contre ce concept que le gouvernement décide ce qui est dans l'intérêt de mes enfants et je suis convaincu que la forte majorité des parents est d'accord avec moi. Parce qu'on ne veut pas que le gouvernement arrive et décide ce qui est dans le meilleur intérêt de nos enfants. Voilà la plus grande crainte que j'ai eue avec ce projet de loi, M. le Président, c'est la création même du ministère de la Famille. Je pense que les familles ont demandé plus de soutien, plus d'actions. Elles veulent des solutions, elles ne veulent pas avoir une autre structure. Il me semble que la ministre a trouvé une solution qui cherche un problème, et c'est ça que nous sommes en train de voir avec le comportement de ce gouvernement. Il voit quelque chose et il décide tout de suite: On doit créer une structure. On doit bel et bien emballer ça, mais, sur le fond, on n'agit pas. Mais les parents et les familles demandent un gouvernement qui va agir.

Je voudrais aussi mentionner que, dans plusieurs mesures que j'ai vues dans ce projet de loi, on ne tient pas compte de l'effort de la famille qui décide de garder un des parents à la maison. M. le Président, on parle souvent des problèmes des familles quand les deux parents travaillent. Effectivement, on doit discuter de ça. On doit trouver des solutions raisonnables, qui ne coûtent pas trop cher à ces parents, mais aussi aux contribuables québécois. Cependant, on doit respecter les parents et les familles qui ont décidé, entre les deux parents, qu'un va rester à la maison pour s'assurer que les besoins des enfants sont respectés. C'est un choix que je voudrais respecter. Et on doit s'assurer que les politiques de ce gouvernement ne privilégient pas une famille aux dépens d'une autre. Je ne voudrais jamais voir une politique qui divise les familles comme ça.

Le député de Jacques-Cartier a aussi mentionné la question du Conseil de la famille. Moi, j'ai plusieurs questions sur ce qui se passe avec le Conseil de la famille dans ce projet de loi. Est-ce que le Conseil va être plus contrôlé par la ministre? Parce que, déjà, j'ai vu que le gouvernement veut contrôler les choix des parents, qu'il veut contrôler la liberté de choix des parents. Est-ce qu'il veut aussi contrôler le Conseil de la famille en mettant ça dans le département du ministère?

J'ai étudié ce projet de loi, M. le Président, et je vais demander à la ministre, pendant l'étude détaillée de ce projet de loi, si elle est obligée de prendre ou de choisir les nominations des membres de ce Conseil par les noms reçus après les consultations, parce que j'ai vu qu'il y a une obligation de faire des consultations, mais qu'il n'y a aucune obligation de tenir compte des noms recommandés. Je voudrais m'assurer qu'on puisse continuer à protéger l'autonomie du Conseil de la famille, parce que, de plus en plus, la famille québécoise, la famille canadienne est en train de changer, de s'adapter à une nouvelle réalité. Je pense qu'on peut tous faire de longues interventions sur les types de familles dans nos comtés. Elles sont en train de vraiment changer, et je voudrais m'assurer que le Conseil de la famille a tout le pouvoir et la flexibilité, premièrement, de recommander les choses qui ne font peut-être pas plaisir au gouvernement, mais qui peuvent avancer la cause de la famille. Je voudrais m'assurer que le Conseil de la famille tient compte de tous les types de familles. De plus en plus, on parle de la «sandwich generation», qu'il y a des familles qui ont effectivement des petits enfants à la maison – et on doit trouver un soutien pour eux – mais aussi qui gardent leurs parents à la maison. On doit tenir compte de ça. Voilà juste un exemple de changement de famille, et il y en a plusieurs autres.

Je voudrais m'assurer que le Conseil de la famille puisse continuer à être flexible et autonome parce que c'est important d'avoir le conseil du Conseil de la famille. Comme le Conseil de la famille a dit, le 11 décembre, qu'il ne voit, pour les parents, nul besoin de nouvelles structures. C'est le Conseil de la famille qui a dit: On n'a pas besoin d'une autre structure. Mais, malgré le conseil de ce Conseil, la ministre a mis ça de côté et elle ne tient pas compte de ce conseil. Je trouve que c'est intéressant. C'était plus ou moins le même type de comportement quand la ministre de l'Éducation – le ministre de l'Éducation à cette époque – a demandé un avis au Conseil supérieur de l'Éducation sur le cégep francophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Le Conseil a dit: Vous n'avez pas besoin d'un cégep autonome, vous avez besoin d'une antenne d'un cégep. Mais le ministre n'a pas aimé ça et, avec ça, il a juste mis de côté l'avis du Conseil. L'avis du Conseil de la famille, dans le projet de loi n° 145, il dit: Nous n'avons pas besoin d'une autre structure, nous n'avons pas besoin d'une autre machine, nous avons besoin de plus de services. Very important that the Conseil de la famille keeps its autonomy, keeps its flexibility because without it, we will lose an important voice in the affairs of the family in the province of Québec.

Je voudrais aussi, M. le Président, profiter du temps pour questionner la ministre – et j'espère qu'elle pourra répondre ce soir ou pendant le débat – sur les questions concernant les garderies. Le député de Jacques-Cartier et moi-même avons participé à plusieurs rencontres avec le milieu des garderies sur toutes les questions est-ce qu'on peut protéger le secteur privé. Elle ne sait pas ce qui se passe. La ministre a dit: Il y a les négociations, mais jusqu'à maintenant, nous n'avons rien vu, nous avons entendu des offres ridicules. Le monde n'est pas au courant de ce qui est en train de se passer. Est-ce que c'est une expropriation? Est-ce que c'est une nationalisation de ce secteur privé? Est-ce qu'elle est en train de fermer toutes les garderies privées? Il y a 450 garderies privées, et elles génèrent plus de 2 000 emplois. L'Ontario a déjà essayé ce projet-pilote. Ça a coûté 53 000 000 $ pour 7 000 places et ça n'a pas marché. Mais qui gagne dans cette affaire-là, M. le Président? Est-ce que c'est les familles? Les enfants? Non, c'est les fonctionnaires et c'est les amis de la CSN.

Moi, je voudrais demander à la ministre, plus tard, M. le Président, ce qu'elle a contre le secteur privé. On voit ça dans l'éducation privée. On voit ça dans les garderies privées. Moi, je pense qu'on doit encourager les garderies qui donnent un bon service, une autre qualité de services pour un bon prix. On doit toujours s'assurer que nos enfants sont bel et bien surveillés, mais il y a de l'espace pour les deux, et les deux donnent, encore une fois, une chose fondamentale pour nos parents: c'est la liberté de choix qui est essentielle dans une démocratie.

The private day care in question that I want to highlight tonight in my brief comments on Bill 145 is essential. The Minister has shown, I think, a disdain for the private sector in education and private day care. We have to make sure that there is a reasonable solution that allows for growth for both the profit and non-profit day cares. The Minister seems to be against the private sector. Obviously, there could be room for both.

(22 h 20)

Sur la question de la maternelle à temps plein aussi, la ministre a décidé qu'elle sait mieux que les parents. Elle peut décider ce qui est le mieux pour nos enfants. Mais ce n'est pas vrai, M. le Président. On doit respecter, comme je l'ai déjà mentionné, la liberté de choix. Je ne veux pas d'un gouvernement qui sait tout, qui contrôle tout. Je ne veux pas avoir un gouvernement qui dit à la famille québécoise qu'il va prendre les décisions en leur nom. L'exemple du député de Jacques-Cartier sur l'offre de service. On peut arriver avec des situations où, à cause de l'offre de service et de la disponibilité des places, les enfants doivent aller dans deux garderies différentes. C'est inacceptable, M. le Président.

M. le Président, il y a plusieurs autres articles que je voudrais mentionner, mais le temps passe assez vite.

We have just finished the tour of the high schools in our region, as the MNA for Jacques-Cartier mentioned, and one of the things we have heard from our special group on community and youth violence is that troubling issues start early in life. The primary schools, at a very early age, can identify young people in difficulty. Those that work with young people, those that work as teachers, as social workers in CLSCs or CPDGs say that we need services to support young families, we need services to help parents work through the issues of day-to-day life, we need services of identification for people having difficulties.

What do I see in Bill 145? A creation of a new ministry that is going to give a few more jobs to few more civil servants, create more structures, maybe move one of those backbenchers up to the front. I already hear that the lobbying has started for that. But it does not help young people. I sincerely hope, Mr. Speaker, that the minister will allow for a full consultation as soon as possible to ensure that the people of Québec can come and ask questions.

Nous avons plus de questions. Cependant, je n'ai pas le temps de poser toutes ces questions. Il y a toute la question des services de garde en milieu scolaire qui ne sont pas prêts maintenant. Il y a toute la question des changements du ratio maître-élèves qui a été changé de 1-8 à 1-10. Il y a toute la question du nombre de journées de perfectionnement qui est insuffisant. Il y a toute la question, comme je l'ai mentionné, de l'implantation de maternelles pour l'année prochaine. Est-ce que nous allons avoir l'espace? On manque d'informations, on manque de précisions. Nous allons chercher ça pendant le débat détaillé de ce projet de loi, mais, M. le Président, je pense que les familles québécoises ne cherchent pas à avoir un autre ministère, ne cherchent pas à avoir une autre limousine qui va se promener partout, ne cherchent pas un autre cabinet qui va engager les amis du Parti québécois. On cherche à avoir une politique qui réponde aux vrais besoins familiaux.

We do not want more ministries, Mr. Speaker. We want a government that responds to the real issues of the families of Quebeckers. We want, most importantly though, a government that respects parents' right to choose what is in the best interest of their children.

Merci beaucoup, M. le Président, pour cette opportunité de participer au débat de principe du projet de loi n° 145.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Si j'ai hésité un tout petit peu avant de me lever, c'est toujours et en tout temps par souci d'alternance. Je voulais savoir et, évidemment, attendre si les députés ministériels avaient l'intention de prendre la parole à ce moment-ci sur un important projet de loi, le projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, Bill 145, an Act respecting the Ministère de la Famille et de l'Enfance and amending the Act respecting child day care.

M. le Président, je dois avouer un certain inconfort en prenant la parole ce soir. Le projet de loi est assez complexe. Il s'agit de 167 articles. C'est une loi qui modifie, le projet de loi n° 145, une douzaine de lois québécoises: la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec, la Loi sur le Conseil de la famille, la Loi sur l'enseignement privé, la Loi sur l'exécutif, la fiscalité municipale, et j'en passe, M. le Président. Alors, il va de soi que, en lisant le projet de loi, il est complexe. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on a des notes explicatives, pour nous aider à tenter de clarifier le principe du projet de loi, les sujets importants.

J'aimerais aborder quelques aspects que je trouve importants, des aspects qui sont directement reliés au principe du projet de loi n° 145, mais autant, M. le Président, les questions de structure. Un peu plus tôt aujourd'hui, je suis intervenu également sur le projet de loi n° 92, loi créant la commission de développement du Grand Montréal. Je sais que ça peut fatiguer les députés ministériels, mais je veux reprendre juste une petite partie de cette argumentation, oui, un tout petit bout de l'argumentation que j'ai utilisée en après-midi parce que c'est à peu près la même logique – quant à moi, quant à nous, une logique fautive – employée par le gouvernement avec le projet de loi n° 145.

Quand il y a des choses à faire au Québec, M. le Président, quelle est la réponse initiale, immédiate, le premier réflexe de ce gouvernement? Quant à moi, c'est de brasser des structures: brassage de structures. Il y a certaines difficultés avec le Grand Montréal. Ne posez pas trop de questions de profondeur sur les problèmes qui touchent le Grand Montréal, n'essayez pas d'amener des solutions, un plan stratégique pour rectifier la situation. Non, on va créer une autre structure, un autre niveau de gouvernement en quelque part. On le voit dans le projet de loi n° 150: les centres locaux d'emploi, les centres locaux de développement, des CLE, des CLD, les CJE, la commission de développement du Grand Montréal. Ce même gouvernement a créé, il y a un an, le ministère de la Métropole, et là on arrive avec le ministère de la Famille et de l'Enfance. Je comprends, M. le Président, que ça fait plaisir aux députés ministériels. Encore une fois, un nouveau ministre peut-être, des cabinets, des dépenses, des dépenses additionnelles. Peut-être même le whip en chef du gouvernement va accéder au Conseil des ministres en tant que ministre. On ne sait jamais. C'est peut-être pour ça qu'il applaudit tellement fort.

Une voix: ...

M. Copeman: Oui, il est déjà membre, mais il n'est pas ministre en titre. C'est vrai, il a été assermenté membre, mais il n'a pas de portefeuille. Il est, en tant que whip en chef, membre du Conseil des ministres. Si ma mémoire est bonne, un siège a été ajouté à la dernière minute pour lui à l'assermentation du premier ministre, le député actuel de Jonquière. Il y avait quelques sièges ajoutables à la dernière minute à cette assermentation, M. le Président, entre autres, je pense, un pour le whip en chef du gouvernement.

(22 h 30)

Quelle est la réponse de ce gouvernement? «C'est-u» d'amener des vraies solutions? Non. «C'est-u» d'aider les familles, de consacrer des ressources pour l'aide aux familles? Non. C'est de créer une structure. Pas n'importe quelle structure, M. le Président, mais un ministère. Semble-t-il qu'au Québec nous ayons besoin d'un ministère de la Famille et de l'Enfance qui regroupe l'Office des services de garde à l'enfance, le Secrétariat à la famille. Mais c'est essentiellement le brassage de structures. C'est de la structurite. Au moment où on se parle, M. le Président, nous sommes en commission parlementaire sur le projet de loi n° 40 qui rétablit la Commission de protection de la langue française. Encore des structures. Droite et gauche, ce gouvernement, quand il pense qu'il y a un problème quelque part, sa première réaction: créer des nouvelles structures. Le Tribunal administratif du Québec, une refonte massive de notre droit administratif qui donne quoi? Une nouvelle structure. Est-ce que c'est la meilleure façon de procéder? J'ai des doutes, M. le Président.

Au moment où on se parle, il est essentiel, dans tout le menu législatif du gouvernement, d'arriver avec un projet de loi qui crée un ministère de la Famille avec tous ses coûts afférents. Personne ne va me faire croire qu'il n'y aura pas de coût; ce n'est pas vrai, il y a toujours des coûts. Même si un ministère commence petit, il y a cette tendance, sous le gouvernement du Parti québécois, à devenir plus grand. Le ministère de la Métropole, au début, était supposé être léger. Là, on est rendu avec 75 fonctionnaires et 8 000 000 $ par année de frais de fonctionnement. Est-ce que c'est ça que la ministre nous annonce, 8 000 000 $ par année pour un ministère? J'espère que non. On ne sait jamais s'il n'y aura pas progression année après année. Au lieu d'aider vraiment et de donner des ressources aux familles, on crée des structures.

M. le Président, il y a plusieurs aspects fondamentaux, mais un autre aspect qui me tient à coeur, ce sont les dispositions qui modifient la Loi sur les services de garde à l'enfance. On se rappelle du débat, il y a un peu plus d'un an, si ma mémoire est bonne, sur le projet de loi n° 11. Le gouvernement avait décidé, au moins dans le temps assez ouvertement, d'appuyer financièrement et de façon à accorder des permis, d'appuyer des garderies à but non lucratif à défaut des garderies à but lucratif. J'ai dit à ce moment-là en cette Chambre, et je le répète, que mes enfants, mes deux garçons, ont fréquenté des garderies. Ma fille va entrer au mois de septembre dans une garderie. Et le choix qu'on a fait comme parents, mon épouse et moi, c'est d'envoyer nos enfants dans des garderies à but non lucratif. C'étaient même des garderies coopératives. Alors, je l'ai déjà indiqué, je n'ai nécessairement aucun préjugé favorable personnel envers les garderies à but lucratif. Aucun. Mais, ce que je trouve essentiel dans une société comme la nôtre, c'est la notion que les parents puissent décider ce qui est meilleur pour leurs enfants, que les parents décident du sort de leurs enfants. C'est, quant à moi, fondamental.

Quand l'État commence à se substituer à mes responsabilités et à mes prérogatives comme parent, là on a un fichu problème. Et c'est exactement ce que la ministre responsable de la Famille fait dans son projet de loi avec la création des centres de petite enfance. Seuls les centres de petite enfance auront droit à des subventions. Là, on procède de façon déguisée parce que, au fur et à mesure que l'opposition, les groupes de pression et les parents ont réussi à démontrer à la ministre la nécessité de maintenir des places en garderie à but lucratif... Là on nous parle des achats de services, des locations, mais, au début du projet, la politique familiale et les intentions de la ministre étaient beaucoup plus transparentes, c'était de tenter d'éliminer complètement tout appui gouvernemental au secteur privé, aux garderies à but lucratif, d'éliminer le crédit d'impôt si, comme nous, on l'a fait pendant deux ans, on fait le choix de garder notre fille qui va avoir deux ans demain, de garder notre fille chez nous avec une gardienne et d'utiliser le crédit d'impôt remboursable à cette fin parce que nous avions choisi, comme famille, de ne pas envoyer notre jeune fille à la garderie avant l'âge de deux ans. Elle va avoir deux ans et trois mois à peu près.

Là, la ministre a commencé à reculer. Il n'y a pas d'autre façon de le dire. On est content qu'elle ait compris enfin, qu'elle donne raison au député de Jacques-Cartier. Quand je la voyais en Chambre tenter de répondre à des questions de mon collègue le député de Jacques-Cartier, ce qui m'est venu très apparent très vite, c'est que le député de Jacques-Cartier maîtrise beaucoup mieux le dossier des garderies que la ministre responsable. C'est épeurant. Pas parce que je n'ai pas de respect pour le député de Jacques-Cartier. J'en ai beaucoup, mais c'est la ministre qui est responsable de la politique. C'est la ministre qui gère. Le fait que le député de Jacques-Cartier maîtrise mieux le dossier est un fait étonnant, mais, malheureusement, ça met en péril l'avenir des familles québécoises, le fait que la ministre ne maîtrise pas son dossier. Et c'est très clair parce qu'elle a été obligée, journée après journée, de tenter de répondre, de reculer, d'expliquer, de clarifier. Elle va être obligée de faire beaucoup d'explications, beaucoup de clarifications et avec le projet de loi n° 145 et avec le projet de loi n° 144 qui vient, je crois bien, à l'ordre du jour bientôt à l'Assemblée nationale.

M. le Président, il y a des lacunes majeures dans la politique familiale de la ministre. Nous n'avons aucune information sur ce que sera la politique de garde en milieu scolaire et comment on va concilier les obligations travail-famille. C'est bien beau, la maternelle temps plein – moi, je dirais facultative, hein? – c'est bien beau de dire: «On va implanter une maternelle à temps plein» mais, je regrette, la maternelle termine, dépendamment de l'école, de la commission scolaire, entre 14 h 30 et 15 heures, l'après-midi. Vous et moi qui travaillons à des heures inhabituelles et beaucoup qui travaillent même de 9 heures à 17 heures, qu'est-ce qu'on fait de 15 heures à 17 heures? De 15 heures à 17 h 30? De 15 heures à 18 heures? Ça nous prend des services de garde en milieu scolaire adaptés. Aucune information là-dessus.

Il y a une dispute gouvernement-garderies à but lucratif qui n'est pas réglée quelques mois avant l'implantation de la politique. Trois mois avant la rentrée des classes, on ne possède pas encore le portrait précis de la répartition des places en garderie pour les enfants de quatre ans. Aucune espèce d'idée. On est tout près du mois de juin, les parents font l'inscription de leurs enfants pour le mois de septembre. Pas la moindre idée. C'est inquiétant. Si vous étiez père de jeunes enfants, vous seriez inquiet, M. le Président, je suis convaincu de ça, comme bon père de famille. Et il y a des dizaines de milliers de familles québécoises qui sont inquiètes.

Le nouveau programme d'enseignement au préscolaire ne sera connu qu'à la fin du mois, et seulement deux journées de perfectionnement des maîtres sont prévues d'ici à l'automne. Encore une fois, M. le Président, une situation nettement insuffisante et même déplorable. On ne garroche pas des enfants de quatre ans et cinq ans. On ne les garroche pas dans un système qui n'est pas, quant à moi, le plus parfait possible. Et, vous et moi, comme pères de famille, nous avons ce sentiment – les députés ministériels devraient l'avoir – de ne pas vouloir garrocher des enfants. Ce n'est pas des boîtes. Ce n'est pas un produit. On ne garroche pas les enfants dans un système qui n'est pas le plus parfait possible, et, chose certaine, le système de la ministre ne l'est pas. Ça ne l'est pas.

(22 h 40)

Mr. Speaker, Bill 145, An Act respecting le ministère de la Famille et de l'Enfance and amending the Act respecting child day care, is another in a long series of examples of last minute improvisation, of the creation of structures and government bureaucracy that is unnecessary, and indeed I would suggest counterproductive. In a day of scarce resources, I believe and my party believes, as eloquently demonstrated by the Member for Jacques-Cartier, that the resources that are devoted to the creation of this ministry could be put to far better use if they went directly into assisting families, low income families, families who need the financial support of the State in order to survive on a day-to-day basis. And there are lots of those families, Mr. Speaker. We know there are an increasing number of them throughout the Province of Québec. But no! What does this Government do? It responds to a problem by creating a ministry.

Mr. Speaker, there are many of us on this side of the House, and indeed in the population at large, who believe the best answer to any problem that exists in Québec today would be to abolish various ministries. Get them out of the way! Let's get Government out of the business of controlling parents'lives and children's lives. Mr. Speaker, if this Government wanted to take a three-month holiday, I think the people of Québec would be very pleased to pay them. Just get them out of our hair! The situation would be vastly improved if the Minister of Health were to take a holiday, if the Minister of Education were to take an extensive holiday, if the Minister of Justice were to take an extensive holiday. I would suggest that Quebeckers would be better off, if they were to do so. But no! What is the response of this Government? It's to create a new ministry, probably name a new minister, more costs, more structures, more bureaucracy, which will, in our view, in no way improve the situation of families here in the Province of Québec.

The other issue of great importance to me, Mr. Speaker, is that of family choice. And I have, on previous occasions in this House, indicated that, certainly in the matter of the well-being of my children, my three children – one of whom was born during the course of this Legislature – that it is not the Government's business, certainly not this Government's business, but, generally speaking, not the Government's business to tell me how to educate, bring up and care for my children. Unless it can be demonstrated that I'm an unfit parent that needs the intervention of the State in order to protect my children, which is not the case. The choice of parents is fundamental, Mr. Speaker. And this bill limits their choices. It narrows their options in the name of ideology, in the name of a philosophy of a State dominated system, State controlled, unionized wall-to-wall. And that, I think, is the most pernicious aspect of this legislation. It removes the fundamental choice of parents to decide. Absolutely!

You know, the Minister says: No, it doesn't do that; we're gonna start renting out spaces. But fundamentally, Mr. Speaker, whatever has happened, the Minister has withdrawn from initial points where she said: This is what we intend to do. That's the most pernicious element, Mr. Speaker, and it's the element that we will fight on this side of the House. Thank you very much, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, s'il n'y a plus d'autres intervenants, je vais céder la parole à Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille, pour sa réplique. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois (réplique)

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. En fait, je suis complètement estomaquée par ce que je viens d'entendre. Je me dis: Il faut vraiment penser petit et n'avoir aucune espèce de vision, et être incapable de saisir quelle est la réalité des familles québécoises en 1997, et avoir une incapacité totale de se projeter dans un avenir qui soit un peu conscient de la réalité que sont les familles québécoises, leurs besoins et surtout les besoins de leurs enfants, lorsque j'entends les commentaires que je viens d'entendre depuis une heure et demie, M. le Président.

Et, dans ce sens, je puis vous dire que je suis très déçue de penser que l'opposition votera contre le principe du projet de loi. À mon point de vue, c'est le signe d'un opportunisme de courte vue. Parce que certains aspects de la politique familiale soulèvent, oui, quelques oppositions, l'opposition en profite pour tabler sur cela. Plutôt que de procéder comme ils le font maintenant et d'aller chercher chacune de ces petites oppositions à l'un ou l'autre des aspects, de ne même pas prendre le temps d'ailleurs d'analyser les corrections que nous avons apportées suite, justement, à des commentaires qui nous ont été faits par des représentants d'associations de familles... Parce qu'on n'a pas pris le temps d'aller les voir, M. le Président. On a garroché n'importe quels chiffres d'ailleurs, la semaine dernière, pour dire des faussetés en cette Chambre. Je sais que ce n'était pas le voeu de la personne qui l'a fait, mais elle n'a pas pris le temps de vérifier correctement, de telle sorte qu'elle a dit n'importe quoi. Et on continue sur cette lancée d'une mauvaise interprétation, d'une mauvaise connaissance du dossier pour dire ce soir à peu près n'importe quoi sur le projet de politique familiale, entre autres celui de la création d'un ministère à la Famille et à l'Enfance et surtout celui de la création de services qui s'adressent à la petite enfance.

Je serais d'ailleurs assez gênée à leur place quand j'entends leurs commentaires, compte tenu de la situation dans laquelle ils nous ont laissé l'ensemble des mesures qui concernent les familles québécoises lorsqu'ils étaient au pouvoir, qu'ils ont été remerciés d'ailleurs en 1994, alors qu'on comptait un nombre important d'enfants qui vivaient dans des familles pauvres. En 1994, lorsqu'ils étaient au pouvoir, le revenu moyen des familles se situait à 50 000 $ par année, mais 57 % des familles gagnaient moins que ce revenu et 23 % avaient un revenu inférieur à 25 000 $ par année, ce qui les plaçait en situation de précarité, sinon de pauvreté.

Et je continue, M. le Président, à citer le livre blanc concernant la politique familiale: «On sait en outre que les retards de développement sont plus marquants chez les enfants qui ont connu la pauvreté avant l'âge de cinq ans. Si la monoparentalité est un facteur clairement associé à la pauvreté, il ne faut cependant pas oublier que les familles biparentales constituent toujours 80 % de l'ensemble des familles québécoises et que c'est chez elles que l'on retrouve la très grande majorité des enfants pauvres.»

À quoi elle sert la politique familiale? À sortir, d'abord et avant tout, les enfants de la pauvreté, à répondre aux besoins des familles, parce qu'elles doivent gagner leur vie, parce qu'elles doivent assumer leur autonomie, parce qu'elles le font en gagnant de bas salaires, parce qu'elles ont des revenus qui sont bas. Et donc, il faut pouvoir offrir à ces familles l'accès à des services de qualité. Ce sont des services de garde de qualité et c'est l'accès aussi à une assurance parentale qui leur permet de faire le choix d'avoir des enfants, des services de garde et des services éducatifs aussi de qualité.

C'est ça, le choix que nous faisons aujourd'hui. Ce n'est pas le fait de mettre en place une structure. Les députés le savent très bien, M. le Président, j'ai eu l'occasion de le dire 10 fois plutôt qu'une. Ce que nous faisons, c'est que nous joignons ensemble l'Office des services de garde et le Secrétariat à la famille, ce qui fait que nous joignons ensemble ces deux unités, même que nous en arriverons à économiser des postes de cadre au niveau supérieur, pas d'en ajouter. C'est cela que nous faisons. En faisant cela, nous conservons les deux vocations que devrait avoir un ministère. D'une part, la responsabilité d'une vision de l'ensemble des politiques gouvernementales pour mieux les concerter, pour mieux les planifier aussi en termes d'orientation.

Et c'est vrai, le député de Jacques-Cartier disait: Quand une famille a des problèmes en éducation, elle ne va pas aller voir la ministre de la Famille. Il a totalement raison, M. le Président, et j'espère bien que ça va continuer comme ça, comme ce sera le cas dans la santé et les services sociaux. Cependant, on s'assurera qu'au sein du ministère de la Famille et de l'Enfance il y ait une concertation, il y ait un arrimage de l'ensemble des politiques, que ces politiques concernent le logement, concernent la santé ou concernent l'éducation. Et ça, c'est le rôle que jouait le Secrétariat à la famille et que continuera de jouer le ministère de la Famille et de l'Enfance.

(22 h 50)

D'autre part, maintenant, à cause justement des nouvelles politiques qui s'adresseront aux familles, autant du côté du congé parental que du développement des centres à la petite enfance, que de la nouvelle allocation unifiée que nous appellerons l'allocation familiale, cela prenait un ministère avec la possibilité d'intervenir concrètement sur le terrain et c'est ce que nous faisons, M. le Président.

Et quand on me dit qu'effectivement c'est à travers le budget alloué aux familles que l'on permettra de faire tout cela sans demander à l'ensemble des contribuables d'être associés aux politiques familiales, faux, M. le Président. Faux, puisque, à terme, nous savons que cette politique familiale exigera que nous injections des sommes nouvelles qui pourraient atteindre des sommes de l'ordre de 200 000 000 $ à 250 000 000 $ et qui viendront effectivement du fonds consolidé, donc de l'ensemble des contributions d'autres citoyens qui ne sont pas nécessairement des parents et qui ne sont pas nécessairement des familles.

Alors, qu'est-ce que ça signifiera, M. le Président, ce que recevra de plus une famille en 1997 parce qu'elle a des enfants et parce qu'un enfant, dans une famille, ça coûte cher? Ça ne coûte pas cher seulement entre zéro et six ans. Il me semble qu'il faut en avoir déjà eu puis il faut en avoir encore pour savoir qu'à 15 ans, à 13 ans, à 11 ans, alors qu'on veut participer à du sport, alors qu'on veut participer à un certain nombre d'activités, ça coûte pas mal plus cher qu'un bébé de deux ans, à l'exception, bien sûr, des frais de garde, M. le Président, qui, eux, coûtent beaucoup plus cher. D'ailleurs, ça coûte plus cher envoyer un enfant en garderie que d'envoyer un enfant à l'université à l'heure actuelle. Il faut au moins être conscients de ça.

Qu'est-ce que ça signifiera comme nouvelle allocation? Pour une famille à bas revenus, j'en conviens, mais c'est ça, l'objectif, M. le Président... Ce n'est pas d'aider les familles riches, parce qu'on pense que ces familles ont les moyens d'assumer un certain nombre des besoins qui concernent les enfants, malgré qu'on garde une mesure universelle. C'est pour aider les familles pauvres, c'est pour sortir les enfants de la pauvreté, c'est ça qu'on fait, M. le Président. Je vous donne un exemple. Une famille actuellement qui a un revenu de travail inférieur à 21 000 $ si elle a deux enfants, ou à 15 000 $ si elle a un enfant, recevra, pour un premier enfant, en septembre 1997, 949 $ de plus que ce qu'elle reçoit actuellement pour un premier enfant, 1 206 $ pour un deuxième enfant, 510 $ pour un troisième. C'est ça, la réalité, M. le Président. Ce n'est pas de faire en sorte qu'on enlève des ressources aux familles, c'est de mieux les répartir, ces ressources, de telle sorte qu'on atteigne des objectifs qui soient ciblés, M. le Président. Je pourrais passer à travers tous les tableaux. Ils les ont, ils pourront les lire, ils étaient dans les pochettes de presse, M. le Président. Je commence à avoir des doutes, effectivement, chers collègues, sur le fait qu'ils sachent lire.

On me dit: Ah! quelle horreur! on ne permet pas le libre choix pour les parents; la ministre va décider pour les parents quels vont être leurs moyens de garde, quels vont être leurs choix de garde. M. le Président, c'est exactement l'inverse que nous faisons. Alors, voulez-vous qu'on en fasse la démonstration ensemble? On va commencer.

D'abord, Ottawa, soit dit en passant, a retiré le crédit d'impôt de base pour les enfants. On n'a jamais dit qu'Ottawa enlevait le choix aux familles. Mais Ottawa a fait ça, il a dit: Moi, j'enlève le crédit d'impôt de base. Québec a dit non. Nous, on pense qu'il est nécessaire de garder une mesure universelle. Il y aura un crédit d'impôt de base, peu importe le revenu de la famille, et c'est là justement qu'on reconnaît, dans une famille à hauts revenus, la présence d'enfants et ce que cela coûte pour un enfant, c'est-à-dire ce que cela coûte à une famille que de prendre soin d'un enfant. Alors, voilà, le même crédit de base, mesure universelle.

Deuxième mesure, une mesure, oui, sélective, c'est celle dont je viens de parler, c'est une allocation unifiée, une allocation que nous appellerons maintenant à nouveau l'allocation familiale, mais qui viendra unifier tout ce que nous versons aux familles et aux enfants et qui, elle, est sélective. Oui, oui, nous donnons plus aux gens pauvres, et aux gens à bas revenus, et aux gens qui ont une plus grande famille. Ça, au début, c'est vrai qu'il y avait eu des écarts qui avaient été mal tenus en compte. Nous avons corrigé ça dans les mesures que j'ai annoncées la semaine dernière. Nous tenons en compte le fait que des enfants qui vivent dans une famille plus importante, donc trois, ou quatre, ou cinq enfants, doivent avoir des ressources conséquemment plus élevées. Alors, nous avons corrigé l'allocation. Alors, une allocation qui soit une allocation sélective qui fait que, si on est pauvre, si on est mal pris, on a plus d'aide.

Cependant, M. le Président, ce qu'on fait, c'est que, si on est à l'aide sociale ou si on est un travailleur ou une travailleuse à très bas revenus, on aura la même allocation pour son enfant. Par contre, quand on sortira de l'aide sociale pour aller sur le marché du travail, on conservera aussi la même allocation à ce bas revenu, ce qui fait que, oui, il y en a un, incitatif, dans notre politique à faire en sorte que les gens deviennent autonomes, s'ils le peuvent, compte tenu des circonstances, n'est-ce pas? Bon. Alors, oui, il y a des mesures sélectives. Elles s'adressent davantage aux familles à bas revenus, aux familles qui vivent des difficultés et, donc, aux enfants pauvres. Ça, c'est pour les mesures fiscales et les mesures de transfert d'allocations familiales.

Il y a, d'autre part, du côté de la politique de garde, M. le Président, une panoplie de choix possibles pour les parents. Mais là, si on veut revenir au salaire à la personne au foyer, d'accord, je veux bien, on va en discuter. Mais là on va savoir un peu de quoi on parle. Est-ce que ça va être 25 $ par semaine, 200 $ ou 300 $ par semaine? Combien ça vaut? On sait fort bien que tous les gouvernements qui ont essayé d'arriver à des mesures comme celle-là n'y sont pas arrivés. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec a fait? Dans le dernier discours du budget, le ministre des Finances a dit: La déduction pour la personne, le crédit d'impôt de base pour le conjoint, je vais en augmenter la valeur, et d'une façon très significative, M. le Président. Alors, un, c'est cela, pour permettre justement de reconnaître que, si une personne décide de rester à la maison, dans un couple, pour un certain temps, pour prendre soin des enfants, on puisse le reconnaître fiscalement. Ça, c'est la première chose qu'on a faite.

La deuxième chose qu'on a faite, on a conservé le crédit d'impôt remboursable pour les frais de garde, M. le Président. Ça veut dire qu'une famille qui décide d'avoir quelqu'un à la maison parce que ça l'accommode, parce que ça convient davantage à ses besoins et à sa réalité, surtout quand on a de très jeunes enfants... C'est vrai que ce n'est pas facile de partir le matin avec ses trois petits en dessous du bras. Il faut l'avoir fait pour savoir de quoi on parle. Alors, pour certaines familles, c'est plus facile, ça. On permet le crédit d'impôt remboursable pour frais de garde, M. le Président.

Les garderies à but lucratif et les garderies sans but lucratif dirigées par les parents? C'est vrai que, comme gouvernement, on a privilégié les garderies dirigées par les parents, mais on a dit justement, parce qu'on veut respecter le choix: Il sera possible d'utiliser encore une fois, pour ces parents-là qui veulent envoyer leurs enfants dans des garderies à but lucratif, le crédit d'impôt remboursable. Est-ce qu'on peut avoir plus libre choix que ça, M. le Président?

Maintenant, on va en rajouter. Non seulement on fait ça, mais, en plus, on offre des services de garde à coût réduit, soit à 5 $ par jour, par place, par enfant. On ne peut pas faire tout ça en même temps, M. le Président? Bien sûr. Donc, on commence par les 4 ans, puis progressivement on va aller comme ça jusqu'au poupon. Et, pour faire en sorte qu'on ne défavorise pas les garderies à but lucratif, nous avons entrepris des discussions et des échanges avec celles-ci, dont elles se disent d'ailleurs assez satisfaites puisque, depuis quelques jours, nous ne les entendons plus. On a cité des vieux communiqués de la semaine dernière. Je pense que nous arrivons à une proposition qui serait satisfaisante pour l'ensemble des garderies, permettant aux parents d'avoir accès aux places à 5 $ dans des conditions déterminées, dans une garderie à but lucratif, évidemment en tout respect pour le centre à la petite enfance qui se développera et offrira la panoplie des services et qui pourra contracter, faire des ententes avec ces garderies pour lesquelles nous louerons des places à une certaine hauteur de coût reconnu, M. le Président.

Est-ce qu'il faut en rajouter un peu plus? Bon. Maintenant, parlons des services éducatifs. Il y a des milieux défavorisés qui ont besoin d'aide plus que les autres. On le fait par des mesures d'allocation, mais nous croyons que c'est nécessaire de le faire par la mesure de services, M. le Président. Alors, nous offrons donc des services éducatifs aux 4 ans, dans des écoles ou dans des quartiers où se trouvent des écoles qui vivent des difficultés avec les enfants, parce que plus tôt on intervient auprès d'un enfant, je l'expliquais tout à l'heure, plus on a des chances de réduire les risques de décrochage et surtout d'améliorer le niveau de réussite de l'enfant, de rattraper les retards qui, s'ils s'accumulent, deviennent à un moment donné impossibles à rattraper. Nous offrons donc des services éducatifs 4 ans gratuits, M. le Président, gratuits mais pas obligatoires. Alors, les familles auront le libre choix. Elles pourront décider si elles utilisent pendant 23 heures et demie des services éducatifs gratuits pour les enfants de 4 ans, et même accompagner ces enfants, dans certains cas, dans ces services éducatifs, si elles pensent que c'est là qu'il faut investir pour leurs enfants. Est-ce que ce n'est pas ça, faire confiance aux parents et respecter le libre choix des parents?

(23 heures)

Et, dernière mesure, M. le Président, et là, vraiment, c'est le comble de la tartuferie, puisque leur propre parti, leur propre représentant à la commission de l'éducation a voté avec le gouvernement sur une proposition concernant la réussite à l'école et qui prévoyait l'implantation de maternelles plein temps pour les enfants de cinq ans. Oui, nous offrons la possibilité, pour les parents qui le désirent, d'utiliser à plein temps les services éducatifs en maternelle dès septembre 1997, dans des conditions que nous souhaitons idéales et les meilleures possible. Nous posons tous les gestes nécessaires pour aider les commissions scolaires afin qu'elles soient prêtes au niveau des locaux, au niveau du transport scolaire, au niveau du matériel pédagogique, au niveau du programme et au niveau du personnel qui enseignera à ces enfants.

M. le Président, il ne s'agit pas d'inventer les boutons à quatre trous. Les commissions scolaires et les écoles offrent des services aux enfants en maternelle depuis déjà quelques années, probablement un peu plus d'une dizaine d'années, elles doivent savoir comment faire un peu. Alors, au lieu de le faire deux heures et demie par jour, elles vont le faire cinq heures par jour. J'imagine qu'elles doivent être capables de faire ça puis qu'elles doivent savoir comment.

Alors, c'est ça, M. le Président, la nouvelle politique familiale, et j'en ai passé parce que je pourrais reprendre chacun des éléments qui ont été critiqués ici ce soir. Et je trouve ça un peu gênant d'entendre des gens de l'opposition nous dire: Nous voterons contre le principe parce qu'on n'offre pas le libre choix, alors que c'est absolument l'inverse que l'on fait, ou: Nous voterons contre le principe parce qu'on n'aide pas vraiment les familles. C'est exactement le contraire que nous faisons, M. le Président. Alors, ils iront, dans quelques mois, voir les familles et leur expliquer pourquoi, ce soir, ils ont voté contre le principe d'une politique familiale. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille.

Le principe du projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal? Alors, vote par appel nominal. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à demain, à la période des affaires courantes.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote est reporté à demain, à la période des affaires courantes. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 19 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 144


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 19, Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille propose l'adoption du principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales. Mme la ministre, je vous cède la parole.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Alors, M. le Président, j'ai le très grand plaisir ce soir d'exposer à l'attention et à l'étude de tous les membres de l'Assemblée nationale les principes, les objets ainsi que les dispositions principales du projet de loi sur les prestations familiales. En fait, c'est un très grand plaisir, puisque ce projet de loi témoigne du parti pris du gouvernement du Québec à l'égard de ses enfants, de leur développement, de leur réussite et de leur contribution future à nos institutions et à notre collectivité.

La présentation du projet de loi sur les prestations familiales représente un moment important en matière de législation sociale au Québec. Il devient ainsi un motif valable de s'enorgueillir pour chaque représentant qui siège en cette Assemblée, et cela, je vous dirais, peu importe le parti politique auquel il adhère, s'il accepte cependant l'esprit et les moyens de cette mesure afin d'assurer à tous les enfants du Québec – nos enfants, M. le Président – dès leur plus jeune âge, une chance égale sinon plus grande de s'épanouir et de réussir au sein de notre collectivité.

On le sait, la société québécoise a, au cours des dernières décennies, subi de profondes transformations. Et, bien que la majorité des familles québécoises soit encore aujourd'hui constituée de deux parents et de leurs enfants, la proportion des familles monoparentales – je le mentionnais tout à l'heure – s'est fortement accrue et totalise maintenant 20 % de l'ensemble des familles. Ces changements dans la structure, la composition des familles entraînent de nouveaux besoins.

Le marché du travail est également en mutation. Les emplois à temps partiel occupent une place de plus en plus importante. La perte d'emplois et le chômage ont, depuis la récession de 1982, modifié, perturbé la vie de nombreuses familles et souvent, d'ailleurs, parmi les plus jeunes, tandis que les politiques d'assurance-emploi devenaient, elles, plus contraignantes à leur égard.

Par ailleurs, les salaires n'ont pas suivi l'augmentation du coût de la vie, ajoutant, bien sûr, à l'insécurité financière des familles. Mentionnons que, en 1994, bien que le revenu moyen des familles québécoises ait été de 50 000 $ par année, 57 % d'entre elles gagnaient moins que ce revenu et, je le mentionnais à mon intervention précédente, 23 % de ces familles avaient un revenu inférieur à 25 000 $, ce qui les plaçait en situation de précarité, sinon de pauvreté.

Plus de 100 000 familles monoparentales québécoises doivent aujourd'hui compter sur l'aide sociale, et c'est notamment le cas pour les trois quarts d'entre elles qui ont des enfants d'âge préscolaire. De fait, 70 % des enfants de moins de six ans inscrits à l'aide sociale vivent dans des familles monoparentales. La situation de ces familles est d'autant plus préoccupante qu'elles risquent, plus que les autres, de demeurer longtemps dans la pauvreté. Les problèmes associés à la pauvreté infantile sont connus et sont clairement démontrés.

Les études les plus récentes montrent sans l'ombre d'un doute que plus la pauvreté persiste, plus le développement des enfants subit des dommages importants. Si la monoparentalité est un facteur clairement associé à la pauvreté, il ne faut cependant pas oublier que les familles composées de deux parents constituent toujours 80 % de l'ensemble des familles québécoises. C'est donc parmi elles que l'on va retrouver le plus grand nombre d'enfants pauvres.

Bien sûr, M. le Président, ces données révèlent la détresse économique et psychologique dans laquelle se retrouvent de très nombreux enfants québécois. Des mesures d'aide publique se sont pourtant ajoutées au fil des ans pour aider les familles. Malgré leur mérite, on constate, avec le recul, que certaines d'entre elles créent des situations d'iniquité. Ainsi, les besoins des enfants de troisième rang et de rangs suivants d'une famille composée de deux parents inscrite à l'aide sociale sont couverts en deçà des seuils des besoins essentiels reconnus par la fiscalité. Par ailleurs, les besoins essentiels des enfants de premier et de deuxième rangs d'une famille monoparentale inscrite à l'aide sociale sont couverts au-delà de ces seuils.

Le système actuel présente aussi des lacunes au chapitre de l'incitation au travail. Prenons un exemple: l'aide publique aux familles avec enfants inscrites à l'aide sociale fournit un revenu qui peut être supérieur à celui que procurerait un emploi faiblement rémunéré. Le prestataire qui retourne au travail se voit entièrement priver des sommes que lui octroyait l'aide sociale pour subvenir aux besoins de ses enfants.

Le programme québécois APPORT, qui est un supplément au revenu de travail, qui a été créé pour aider les familles à faibles revenus lorsque les parents occupent un emploi, n'a pas donné les résultats escomptés. À peine le tiers des familles admissibles se sont prévalues de ce programme, sans doute à cause de sa complexité ou, aussi, de la crainte d'avoir à rembourser des trop-perçus.

D'autres programmes n'ont pas atteint non plus les objectifs pour lesquels ils ont été créés. Ainsi, l'allocation à la naissance, qui visait à favoriser la natalité, n'a pas produit de résultats vraiment probants et, de toute évidence, la formule qui consiste à soutenir plus généreusement la troisième naissance ne répond pas aux besoins de la majorité des familles d'aujourd'hui.

M. le Président, tous les membres de l'Assemblée nationale, je l'espère, conviendront avec moi que des changements majeurs, urgents devraient être apportés au système actuel d'aide publique aux familles, dans le but de la rendre plus simple, plus cohérente, mieux adaptée à leurs besoins.

L'un de nos principaux défis a donc été d'imaginer des mesures qui, sans trop alourdir la charge financière de l'État, permettront d'atteindre nos objectifs. C'est dans ce contexte que le premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, entend continuer plus que jamais à promouvoir et à soutenir la vie familiale. Il a d'ailleurs présenté, lors du Sommet sur l'économie et l'emploi de l'automne dernier, les grandes lignes des changements majeurs que le gouvernement souhaite apporter à sa politique familiale. Le livre blanc sur les nouvelles dispositions de cette politique présenté en janvier dernier traduit la volonté du gouvernement de moderniser sa politique et de l'adapter à l'évolution de notre société. Cette nouvelle politique familiale répond également aux souhaits et aux demandes de nombreux groupes familiaux, groupes de femmes, associations de citoyens et de citoyennes, que j'ai eu l'occasion d'ailleurs de rencontrer au cours des mois de février et mars derniers pour expliquer, partager avec eux ces choix collectifs pour nos enfants.

(23 h 10)

Les changements que le gouvernement propose visent donc à fournir, au bénéfice des enfants du Québec, une aide qui soit adaptée à la fois à l'évolution des familles, à l'évolution du marché du travail et de l'économie, ainsi qu'aux nouvelles réalités sociales qui en découlent, et, bien sûr, tenant compte de nos propres contraintes budgétaires. C'est ainsi que, pour répondre aux besoins actuels des familles, notamment de celles qui sont prestataires de l'aide sociale ou dont les parents occupent un emploi faiblement rémunéré, la nouvelle politique familiale comporte, en plus des services éducatifs, des services de garde à la petite enfance et d'un régime d'assurance parentale, un régime de prestations familiales incluant une allocation unifiée pour enfant. Cette allocation regroupe en une seule allocation les mesures actuelles qui couvrent les besoins des enfants, soit une portion de la prestation d'aide sociale, l'allocation familiale existante et l'allocation pour jeune enfant.

Introduit par le projet de loi sur les prestations familiales que nous étudions maintenant, le nouveau régime de prestations vise deux objectifs majeurs – je le disais pour la loi précédente, mais je peux le répéter pour cette loi-ci, évidemment, puisque c'est un ensemble qui s'adresse aux familles – soit, le premier objectif, accorder une aide substantielle aux familles à faibles revenus et, le deuxième objectif, rendre l'occupation d'un emploi plus avantageuse que l'aide sociale. Pour atteindre ces objectifs, le nouveau régime de prestations familiales comprendra une allocation familiale dont le montant variera selon le revenu net et la composition de la famille, la part des prestations d'aide sociale qui couvre les besoins essentiels des enfants sera intégrée à la nouvelle allocation familiale et les prestations d'aide sociale accordées aux familles seront ajustées pour en tenir compte.

Avec cette allocation, l'ensemble – je dis bien l'ensemble – des besoins essentiels des enfants de familles à faibles revenus seront couverts, puisque cette allocation comblera, pour ces familles, la différence entre la prestation fiscale fédérale et les besoins essentiels des enfants, selon les seuils reconnus par la fiscalité. Il n'y aura plus d'ailleurs à cet égard deux seuils, mais bien un seul seuil, qui sera le même utilisé et par la fiscalité, et par la sécurité sociale, et par l'allocation familiale. Cette allocation familiale sera versée pour les besoins de chaque enfant jusqu'à l'âge de 18 ans, M. le Président. Cette allocation sera versée à la personne qui assume principalement la charge des soins et de l'éducation de l'enfant et qui vit habituellement avec lui. Elle sera en outre majorée dans le cas des familles monoparentales.

Le nouveau régime de prestations familiales remplace l'actuel régime d'allocation d'aide aux familles à l'exception, toutefois, de l'allocation pour enfant handicapé qui sera conservée et s'ajoutera au montant de ces prestations. À cet égard, le projet de loi clarifie la notion de handicap afin d'assurer une plus grande équité de traitement entre les divers types de handicap. De plus, l'allocation à la naissance continue de s'appliquer intégralement pour toutes les naissances ou adoptions antérieures au 1er octobre 1997. Les familles qui ont donc planifié leur budget en fonction de cette allocation ne seront pas pénalisées. Ce qui explique aussi, je dirais, l'implantation progressive, évidemment, des mesures que nous mettons en place, puisque nous transformons progressivement certaines allocations, pour les verser à des familles différentes de celles qui les reçoivent maintenant et pour offrir aussi des services à ces familles.

L'universalité de l'aide accordée aux familles sera assurée par le maintien du crédit d'impôt pour enfant et du crédit lié à la monoparentalité. Ainsi, le montant reconnu par la fiscalité québécoise pour les besoins essentiels sera maintenu à 2 600 $ pour le premier enfant d'une famille biparentale, mais à 3 900 $ pour le premier enfant d'une famille monoparentale et, enfin, à 2 400 $ pour les enfants suivants, et ce, quel que soit le type de famille qui soit concerné, M. le Président.

Le nouveau régime assurera sans aucun doute une plus grande équité au sein de l'ensemble des familles québécoises, puisqu'il permettra à toutes les familles à faibles revenus, que les parents travaillent ou qu'ils bénéficient de l'aide sociale, de recevoir une aide additionnelle substantielle et de voir les besoins essentiels de leurs enfants complètement couverts par l'aide publique.

En effet, pour les familles à faibles revenus, en s'ajoutant à leur revenu de travail, la nouvelle allocation rendra l'occupation d'un emploi plus avantageuse, car ces familles auront droit au même traitement que les familles inscrites à l'aide sociale. Avec cette allocation, les familles dont le revenu de travail se situe entre 9 000 $ pour les familles monoparentales et 25 000 $ pour les familles composées de deux parents bénéficieront désormais d'une aide additionnelle de l'État de plus de 300 000 000 $ annuellement. Les familles inscrites à l'aide sociale recevront, pour leur part, un soutien financier supplémentaire de 30 000 000 $ par rapport au régime actuel, et ce, de façon à combler les écarts existant entre les allocations actuelles et la couverture des besoins essentiels.

Je suis convaincue que le projet de loi sur les prestations familiales apporte des changements qui auront un effet déterminant sur le bien-être de nos familles. Je demande donc, M. le Président, que cette Assemblée adopte le principe de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir dans le débat sur le principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, Bill n° 144, An Act respecting family benefits. Juste en guise de réponse à la réplique de la ministre, je pense que, de ce côté de la Chambre, on a posé des questions et beaucoup de points que nous avons soulevés tout au long des débats concernant la politique familiale ont donné suite aux ajustements de ce gouvernement. Je pense que, dans la mesure du possible, on essaie d'apporter des suggestions, on essaie d'apporter des correctifs, et, quand le gouvernement y donne suite, je pense qu'on reconnaît ça.

Quant à la question d'avoir un plus grand choix dans les services de garde et de préserver les crédits d'impôt remboursables pour les frais de garde, nous avons félicité la ministre d'être enfin à l'écoute de quelque chose que nous avons soulevé depuis le mois d'octobre. Ça a pris cinq mois, M. le Président, mais en fin de compte le gouvernement est à l'écoute des suggestions qui ont été portées à son attention par l'opposition officielle.

Si la ministre est questionnée, les renseignements, les quelques données, les quelques chiffres que nous avons utilisés... J'ai toujours dit que, s'il y avait plus de renseignements disponibles pour les parents et pour les députés de l'opposition, peut-être que ça faciliterait notre tâche, mais on travaille avec les chiffres qui sont donnés. Moi, j'ai dit que 60 % des crédits à ce poste dans le livre des crédits sont non identifiés. Alors, 60 %, 314 000 000 $, et on n'a pas la moindre idée de comment le gouvernement va les dépenser. Alors, moi, je vais continuer de poser des questions. Si la ministre veut ventiler dès maintenant comment elle veut dépenser cet argent, ça va faciliter la tâche de l'opposition. Mais elle a refusé de le faire, alors on va continuer de poser des questions. On va continuer, à partir de très peu de données, d'établir des hypothèses financières, parce que c'est ça la gestion responsable des fonds publics. Pour moi, 314 000 000 $, c'est beaucoup d'argent. Au nom des familles québécoises, au nom des contribuables, moi, je vais continuer de poser des questions. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas de réponse concernant où vont ces 314 000 000 $, je vais continuer de poser ces questions.

Quant au projet de loi qui est devant nous ce soir, le projet de loi n° 144, je pense qu'enfin on peut maintenant ouvrir plus large sur beaucoup de principes de fond de la réforme de la politique familiale. Ce débat, à date, a été presque monopolisé par la question de l'arrimage de la réforme de l'aide sociale avec les allocations familiales. La ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité a tenu des audiences publiques au printemps. Je pense qu'il y a une centaine de groupes qui sont venus témoigner. Alors, tout ce volet de la question de l'arrimage entre l'aide sociale et l'allocation familiale a été scruté à la loupe, mais, si j'ai bien compris, il demeure toujours des questions très importantes.

(23 h 20)

Mon collègue, le porte-parole en matière d'aide sociale, le député de Notre-Dame-de-Grâce, va revenir avec quelques problèmes précis quant à l'application de cet élément du projet de loi, mais je me réjouis ce soir qu'on puisse peut-être ouvrir un petit plus large sur le débat de fond: C'est quoi une politique familiale et c'est quoi les mesures que ce gouvernement est en train de faire? Le réaménagement des allocations, le réaménagement des services fournis aux familles québécoises sont basés sur quels principes? Je pense qu'en regardant ça froidement il y a une incohérence. Malgré les belles réponses de la ministre, il y a quand même des endroits où on va prendre l'argent des familles à faibles revenus pour le donner aux familles à revenus plus élevés.

Alors, malgré le beau discours qu'on vient d'entendre, M. le Président, il demeure quand même, dans l'arrimage des différents volets de la réforme de la politique familiale, certaines incohérences. L'opposition officielle va continuer de questionner ce gouvernement parce qu'il y a des choses qu'on ne comprend pas. Il y a des choses qui vont avantager certaines familles et il y a d'autres familles qui vont sortir perdantes. Et ce n'est pas uniquement la règle du revenu familial qui va déterminer tout ça. Alors, on va continuer de poser ces questions.

Je pense que c'est important de revenir sur un petit peu d'histoire, d'où vient notre politique familiale et d'où vient l'engagement du gouvernement du Québec envers les familles québécoises. Je cite l'avis qui a été publié par le Conseil du statut de la femme il y a deux semaines, quant aux origines de la politique familiale: «Je pense que c'est très important de rappeler que, au Québec, les interventions favorables aux familles ne datent pas d'hier. C'est cependant seulement en 1987 – au moment du gouvernement libéral – que, faisant suite à un engagement et après plusieurs années de réflexion, de consultations et la publication d'un livre vert, le gouvernement du Québec adopte un énoncé de politique intitulé La politique familiale: énoncé des orientations et de la dynamique administrative .

«Le gouvernement s'appuie sur les principes de base selon lesquels il reconnaît la famille comme valeur collective fondamentale et s'engage à contribuer à la cohésion, à la stabilité des familles et à tenir compte de la spécificité familiale. Il annonce également sa volonté de soutenir les parents à titre de premiers responsables des enfants, évitant de s'y substituer tout en protégeant les intérêts des enfants. L'orientation générale donnée à la politique consiste à soutenir les parents en favorisant la liberté, l'égalité et la solidarité des membres de la famille en fonction des principes fondamentaux du Code civil.»

Alors, c'est ça, en 1987, c'était le moment où le gouvernement de M. Bourassa a mis en place une politique familiale. Et ce que nous avons fait était d'injecter des sommes d'argent importantes à la fois dans le volet des allocations pour soutenir les familles dans les choix que les familles veulent faire, mais également en augmentant l'offre de services aux familles. Alors, nous avons toujours essayé de faire un juste équilibre entre une offre de services, entre autres dans les services de garde parce que ça répond aux besoins de certaines des familles québécoises, mais nous avons toujours travaillé l'autre côté de la médaille, c'est-à-dire les allocations aussi, parce que les allocations ont soutenu d'autres choix qui ont été faits par les familles québécoises. L'objectif était d'essayer de venir en aide à toutes les familles québécoises.

Ce qu'on est en train de faire ici, c'est peut-être de remplacer une politique familiale avec un autre projet social, c'est-à-dire un projet de lutte contre la pauvreté, qui a, comme j'ai dit, une fin louable. Je n'essaie pas de contester ça, mais je pense qu'il faut voir dans la démarche qui est devant nous ce soir un changement de cap, un changement fondamental dans les orientations de ce gouvernement. Alors, il y aura une facture à payer parmi les familles pour venir en aide à certaines des familles à faibles revenus parce que, comme nous l'avons déjà découvert et comme d'autres analystes avec une plus grande expertise que moi l'ont déjà découvert, ce n'est même pas toutes les familles à faibles revenus, ce n'est pas toutes les familles à l'aide sociale qui sont gagnantes non plus. Alors, c'est quelque chose qui est très confus dans la gestion de ces allocations.

Je pense qu'il faut revenir au point de départ. Nous avons une politique familiale importante; nous avons des sommes importantes d'injectées pour soutenir nos familles grâce aux gouvernements précédents qui ont dit que la famille, c'est l'essentiel, c'est l'avenir de notre société québécoise. Alors, le gouvernement de M. Bourassa et ses ministres responsables de la famille ont réussi à augmenter d'une façon très importante le nombre de places dans des services de garde pour les familles qui en ont besoin. Le gouvernement de M. Bourassa a également travaillé sur tout le dossier de la fiscalité des familles québécoises avant de leur venir en aide et de leur donner un coup de pouce. Alors, je pense qu'il faut retenir ces grands principes. Et qu'est-ce qu'on voit, ce soir? Sans vraiment faire le débat, et je pense que c'est un débat... Moi, je dois avouer que je n'ai même pas fait ma tête sur cette question, mais je pense que c'est une question qu'il faut regarder de près, la question de l'universalité des programmes de soutien.

Je conviens avec la ministre que le gouvernement fédéral a fait son choix, il y a quelques années, d'abandonner le principe de l'universalité des allocations familiales. Mais il y a des risques à tout ça, parce qu'on voit dans les autres pays européens surtout que les programmes qui ne sont plus universels deviennent, avec le temps, plus faciles à couper, à attaquer, à réduire. Alors, il y a une certaine expérience dans d'autres pays occidentaux qui suggère que c'est beaucoup mieux de maintenir les programmes universels parce que, comme ça, il y a un appui. C'est très difficile de réduire les barèmes, d'aller chercher les fonds à l'intérieur d'un programme universel. Du moment que ce programme devient, comme j'ai dit, une politique de lutte contre la pauvreté, c'est moins protégé dans la population, c'est moins protégé dans l'opinion publique et trop souvent, avec le temps... Ce n'est pas que je suggère que demain matin le gouvernement va couper dans tout ça, mais ça va devenir peut-être un endroit où on peut sauver un 100 000 000 $ ou un 200 000 000 $ un jour, quand un ministre, un président du Conseil du trésor vient chercher l'argent davantage. Ça va devenir plus facile. Et, comme j'ai dit, c'est l'expérience vécue dans d'autres pays qu'au moment où on abandonne ce principe d'universalité, à ce moment, ces programmes deviennent plus faciles à attaquer.

Alors, je soulève la question. C'est soulevé également, entre autres, par la Fédération des femmes du Québec qui avait un article signé par Mme David, entre autres, dans Le Soleil il y a six semaines, qui a aussi dit qu'il y a un grand débat de société qu'il faut faire sur cette question fondamentale. Et on ne peut pas juste laisser de côté le principe de l'universalité de ces allocations sans provoquer le risque, un jour, qu'un gouvernement va venir couper dans ces fonds essentiels.

Alors, ça, c'est une des questions fondamentales qui sont soulevées, qui soutiennent la réforme de la politique familiale. Et je pense que ça mérite un examen attentif pour voir si on risque un jour de mettre en péril l'aide qu'on accorde aux familles québécoises.

L'autre chose qui est très importante, il faut faire ça avec les audiences publiques que la ministre a accepté de tenir, c'est de voir l'arrimage entre les allocations, les nouveaux barèmes qu'elle a annoncés la semaine passée et les nouveaux coûts pour les services de garde à l'enfance. Il y a dans ça également quelques effets pervers qui ont été soulevés, entre autres, par l'économiste de l'Université du Québec à Montréal, Mme Ruth Rose, qui a suggéré qu'en payant 5 $ par jour, pour la femme monoparentale qui gagne 20 000 $ par année, ses coûts pour ses frais de garde vont augmenter d'une façon importante. Par contre, la place dans la garderie à 5 $ pour la famille qui gagne 120 000 $ par année va baisser d'une façon importante. Alors, où est la logique dans un programme d'allocation?

On abandonne l'universalité, parce qu'on a dit: On veut cibler nos efforts pour les familles à faibles revenus. Mais le même gouvernement, dans le dossier des services de garde, va introduire le principe d'universalité. Alors, les bons effets d'une démarche qui est de réaménager les barèmes des allocations familiales pour cibler certaines familles vont être contredits d'une certaine façon par une offre de services universels qui vont bénéficier avant tout... Selon le livre blanc, c'est les familles à partir de 75 000 $ à 80 000 $ qui sont les plus gagnantes avec la nouvelle offre des services de garde à 5 $ par jour.

(23 h 30)

Alors, il y a une certaine incohérence. La ministre avait donné un bon discours tout à l'heure, pour appuyer sa position qu'on veut vraiment venir en aide aux familles à faibles revenus. Mais, quand on essaie de faire l'arrimage entre les différents volets de cette réforme de la politique familiale, c'est moins évident que ça et on voit qu'il y a effectivement certains problèmes de conciliation entre les différents volets de la réforme sur la politique familiale.

Alors, ça, c'est parmi les questions qu'on va soulever en commission parlementaire parce que, effectivement, il faut faire l'arrimage entre ça et, comme je le dis, les chiffres que Mme Rose a publiés avant la conférence de presse de la ministre, le 15 mai. On dit qu'une femme monoparentale qui travaille au salaire minimum perd 2 000 $ par année. Ce ne sont pas mes chiffres, ce sont les chiffres que Mme Rose a publiés dans une étude. Je sais que la ministre est en train de corriger ses barèmes, de corriger la situation, mais c'est quand même un genre de désincitatif, selon moi, à sortir de l'aide sociale parce que, sur l'aide sociale, les services de garde seront gratuits.

Alors, comment est-ce qu'on va arriver à arrimer l'offre des services de garde gratuits avec un service de garde à 5 $ par jour? C'est quoi le barème? C'est quoi le changement qu'il faut faire pour payer la différence, pour s'assurer que ces personnes... Parce que je pense que la fin est louable, tout le monde le veut pour les personnes qui veulent réintégrer le marché du travail: l'État doit les aider. Ça, je le comprends fort bien mais, dans le système qu'on a ici, on n'en a pas la possibilité. Dans les barèmes et dans les études qui sont devant nous maintenant, ce n'est pas évident qu'on ait complètement corrigé la situation qui a été soulevée par Mme Rose.

J'ai fait référence tantôt à l'approche du gouvernement précédent. Nous avons toujours essayé de trouver un juste équilibre entre les services offerts aux familles québécoises et les allocations, de trouver un moyen terme entre les deux parce que les choix qui se font par les familles québécoises sont différents. Alors, on ne peut pas avoir un programme mur à mur pour répondre à tous les besoins de toutes les familles québécoises. La ministre a parlé tantôt de la famille moderne. Ce même gouvernement a consulté la famille moderne qui a dit: «Pour les tout-petits, ce sont les parents qui aiment les garder à la maison.» C'est bon d'arriver avec des places dans les pouponnières et tout ça, mais c'est de loin le premier choix des familles québécoises. Les familles québécoises veulent garder leurs tout petits enfants à la maison, M. le Président.

Alors, il y a, comme je l'ai dit, un ajustement à faire entre ces besoins des parents des plus jeunes enfants et ce qu'ils ont exprimé dans le sondage qui a été mené par l'Office des services de garde à l'enfance et le Conseil supérieur de l'éducation qui a indiqué que les deux tiers de ces parents ne veulent pas avoir de place dans les garderies pour les tout-petits. Les deux tiers, M. le Président. Alors, il faut être à l'écoute, il faut s'assurer que, pour ces parents, on fait les bons choix.

Je conviens avec la ministre qu'un programme d'allocation à la naissance uniquement pour, entre guillemets, acheter un troisième enfant, ce n'est peut-être pas un objectif que nous avons réalisé, mais je pense que les deux programmes qui étaient en place, l'allocation pour le jeune enfant et l'allocation à la naissance, étaient deux mesures tangibles pour aider nos jeunes familles. Ce sont souvent les jeunes familles qui ont le plus grand besoin d'aide parce qu'elles sont au départ de leur carrière ou elles ont des emplois pas encore solides ou sécures. Alors, ce sont les jeunes familles qui sont souvent confrontées avec la nécessité d'un changement d'adresse, d'un appartement plus grand, d'une maison ou de quelque chose comme ça pour commencer leur famille. Les besoins financiers des jeunes familles sont importants, et je pense que les deux programmes – venir avec l'argent directement pour aider ces jeunes familles – étaient quelque chose de valable.

Je pense que si on voit l'allocation à la naissance plutôt comme une allocation pour aider les jeunes familles québécoises, à ce moment-là, je pense que ça a réussi à combler certains besoins et je pense que ça a réussi aussi à valoriser, d'une certaine façon, le choix fait par, je pense que c'est le tiers des parents québécois, pour un des deux, souvent la femme, de rester à la maison pendant la petite enfance.

Dans mon cas à moi, c'est moi qui ai fait ce choix. Alors, c'est moi qui suis resté à la maison avec mes filles, pendant leurs premières années de la vie, au lieu de travailler. Et c'était un choix. On avait la chance de le faire, on était capable de vivre avec un salaire. C'était quand même un sacrifice financier de le faire, mais, en contrepartie, M. le Président, avec les allocations, surtout les allocations destinées aux jeunes familles, aux jeunes enfants, c'était une certaine compensation. Et qu'est-ce qu'on voit dans tout l'article de la réforme? On est en train de valoriser avant tout les valeurs du marché du travail, du retour au travail, aux dépens des familles qui ont fait le choix, comme j'ai dit, de rester à la maison.

Et pour le faire, comme je dis, la ministre a tenu ses consultations. Les députés de l'opposition n'ont pas les mêmes moyens pour se promener à travers le Québec. Moi, je regarde les manchettes, les coupures de presse, les lettres que nous avons reçues comme députés, et la réforme de la politique familiale a soulevé beaucoup d'inquiétudes. Il y a beaucoup de familles qui ont posé des questions, qui ont dit qu'elles comprennent les objectifs mais que les mesures qui sont mises en place sont peu ou pas adaptées aux besoins de leur famille. Et je pense qu'il faut toujours écouter tous ces témoins et je pense que c'est très important de voir ça.

Même ce matin, le Conseil du statut de la femme, sous la manchette, Éliminer les dilemmes que vivent les mères : «Exiger une politique familiale qui devrait avoir comme caractéristique de s'adresser à toutes les familles et non seulement aux familles les plus pauvres, de s'intéresser à tous les enfants et pas seulement à la petite enfance, et qui devrait avoir comme finalité le bien-être des familles et l'épanouissement de tous ses membres, y compris les mères.» Alors, c'est une critique, c'est quelque chose qui dit que, entre autres, en coupant dans les allocations à la famille, on coupe dans l'aide qui allait souvent, tout le temps, à la mère de famille, c'est de l'argent qui était envoyé directement à la mère de famille, pour elle, pour s'occuper des besoins de ses enfants. Et, comme preuve de ça, quand la réforme de la politique familiale a été annoncée, un journaliste m'a questionné sur combien d'argent je reçois dans l'allocation familiale existante. Je ne sais pas, M. le Président, je n'en ai pas la moindre idée, parce que c'est de l'argent qui est envoyé directement à mon épouse. Alors, c'est la preuve de l'efficacité, comme j'ai dit, de faire une certaine compensation pour les sacrifices et les besoins des mères qui ont décidé, qui ont fait le choix de passer les premières années avec leurs tout-petits.

On voit une autre manchette, Fonder une famille: un choix de plus en plus difficile. Et c'est un couple qui demeure à Lac-Saint-Charles, qui dit: «Nous sommes dans l'obligation de constater que plusieurs dispositions de la politique familiale ne favorisent pas le choix de fonder une famille. Aussi, cette politique va contribuer à dégrader la situation financière des familles et plus particulièrement celle des familles traditionnelles.»

Un autre témoignage, une autre personne... Comme je dis, je ne peux pas faire des consultations à travers la province. On a vu une autre manchette, récemment: La politique familiale devrait mieux concilier aide et fiscalité. Et on a tout intérêt à voir de près la fiscalité des familles, pour voir s'il y a des moyens pour venir en aide aux besoins des familles.

Comme j'ai mentionné tantôt, sur la nouvelle politique familiale du Québec, il y a des questions qui ont été soulevées par Françoise David, Huguette Labrecque-Marcoux et Sylvie Lévesque, les auteures, respectivement de la Fédération des femmes du Québec, de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale et de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, tous des groupes qu'on aura l'occasion, je pense, d'entendre en commission parlementaire. Mais leur question, je pense qu'elle était fort pertinente, M. le Président: Les enfants sont-ils vraiment au coeur de nos choix? Et elles viennent, encore une fois, souligner l'importance de ces allocations.

(23 h 40)

Par ailleurs, la politique familiale proposée ne souffle mot des familles où l'un des conjoints, le plus souvent la mère, demeure à la maison avec ses jeunes enfants. En abolissant l'allocation pour jeune enfant, le gouvernement enlève l'une des rares mesures qui visent à reconnaître ce qui est pourtant un travail à temps plein. Il y a tout un débat de société à faire, nous en convenons. Il faudra bien pourtant s'y mettre.

Alors, encore une fois, qu'il regarde dans ces allocations, dans ces mesures qui ont visé nos jeunes enfants, une certaine reconnaissance de l'État, une certaine compensation pour les familles qui ont fait le choix de rester à la maison. Encore une fois, la ministre de l'Éducation – je ne peux pas nommer son nom de famille – sera inondée de lettres. L'AFEAS réclame une hausse de l'allocation unifiée pour enfants. Et, dans la petit boîte, c'est cité: Il faut que le travail des femmes à la maison soit reconnu. Et ça, ça rejoint, je pense, la recommandation qui a été formulée par le Conseil de la famille, dans un avis qu'il a publié l'année passée: Choix et soutien, telles sont les exigences des familles québécoises en regard d'une éventuelle politique à la petite enfance. Et la recommandation 5 était, dans le cadre de ce réaménagement du soutien financier, de reconnaître de façon tangible et en fonction des ressources familiales l'apport des parents qui restent à la maison afin de s'occuper de leurs enfants d'âge préscolaire.

Alors ça, c'est les consultations que j'ai eu les moyens de faire, pas en voyageant à travers la province, mais juste en continuant de faire la lecture de nos coupures de presse et de voir ce que les familles, ce que les groupes ont dit. Une autre lettre, qui a été publiée dans Le Soleil , une mère à temps plein qui a dit: Vous, politiciens – alors, je pense que le masculin comprend le féminin, ici – me dites que je ne suis plus la meilleure personne pour stimuler mon enfant. Alors, c'est une femme de 32 ans qui a contesté vivement l'orientation de la politique familiale. Une madame qui demeure dans la Gaspésie. Une autre, c'est une étudiante à l'Université Laval, ici, qui a commencé son article sur la politique de la famille: Comment s'étonner de ce qu'une politique familiale présentée dans le cadre d'un sommet sur l'économie et l'emploi ne devienne qu'un moyen pour le gouvernement de se servir de sa caisse comme moyen de réduire notre déficit. Dans ce coin du monde où le taux de natalité est l'un des plus bas, nous réaffirmons collectivement, par la bouche de notre élue, que la famille ne saurait avoir, pour nous, qu'une importance secondaire, la priorité étant l'emploi.

Alors, c'est ça, les réactions qu'on a vues dans plusieurs coupures de presse. «Nous n'avons plus rien à perdre», c'est un auteur de Saint-Camille qui a adressé une lettre à la ministre de l'Éducation pour contester la politique familiale. Il y a beaucoup de personnes qui ont dit qu'il faut réorienter le tir. Il faut trouver un autre moyen de regarder toute cette question de la petite enfance. Et les décisions qu'on est en train de faire sur les allocations sont importantes parce que ça va réitérer une certaine reconnaissance de la contribution de certaines familles et les choix que certaines familles ont faits.

L'autre chose qu'il faut regarder de près, c'est tout le réaménagement du fardeau fiscal des familles québécoises. Et je pense que ça, c'est très important aussi d'essayer de comprendre, d'arrimer tous ces volets différents qu'on trouve dans les mesures que le gouvernement a prises. Je comprends les objectifs du ministre de la Santé qui a mis en place un système universel de régime d'assurance-médicaments mais, pour certaines jeunes familles, ça a ajouté un autre élément. Alors, je conviens avec le ministre que, si une de ces familles tombe gravement malade, il aura besoin du régime, surtout dans des situations d'une maladie catastrophique, avec les coûts très, très importants des médicaments. Mais, dans notre analyse du fardeau fiscal des familles, il faut comprendre que nous avons alourdi ça en faisant la décision qui a été prise en créant un régime d'assurance-médicaments.

À ça, il faut ajouter – et ça, c'est un chiffre qui a été avancé par l'Union des municipalités du Québec – 1 000 000 000 $ qui sera transféré du gouvernement central vers les municipalités. Alors, ça, c'est de l'argent qui, tôt ou tard, va augmenter soit le loyer des familles qui louent un appartement ou qui va augmenter l'hypothèque des familles qui achètent une maison. Et ça tombe, et c'est aveugle quant aux revenus des familles, quand la taxe foncière est appliquée sur le même niveau, peu importe le revenu de la famille. Alors, on est en train d'avoir quelque chose qui a été testé contre les revenus des familles, on va mettre ça maintenant sur la taxe foncière, qui va frapper durement les familles québécoises. Et ça, c'est une autre décision qui a été prise: on a prévu, dans le dernier budget, l'ajout d'un autre 500 000 000 $ de responsabilités.

Moi, je sais que dans ma municipalité, ils ont déjà identifié sur notre facture municipale une petite boîte qui dit: Taxes du Québec. Ils ont identifié, à part toutes les autres mesures de la municipalité, une boîte, un endroit qui identifie c'est quoi, le montant dû aux décisions prises par ce gouvernement. Alors, quand je vois une facture de 500 000 000 $ d'ajouts pour l'année prochaine, j'imagine que le chiffre qui est dans cette boîte va augmenter d'une façon importante. Et pour ceux qui demeurent sur l'île de Montréal, nos taxes scolaires aussi vont augmenter l'année prochaine d'une façon importante. Alors, tout ça pour regarder l'impact de ces décisions sur la fiscalité des familles.

Si on ajoute à ça une décision d'augmenter la taxe de vente... Je comprends que la grande manchette était que le gouvernement va baisser les taxes sur les revenus des individus, mais il va augmenter d'une façon importante – je pense que c'est une augmentation de 15 % – le taux de la taxe de vente du Québec. En faisant ça, la classe moyenne, une fois tout considéré, va-t-elle sortir gagnante? Tout cela est sans compter que, bien qu'il réduise l'impôt, Québec hausse la taxe de vente. Ce transfert de taxation sur le revenu gagné au revenu dépensé favorise évidemment ceux qui ont les moyens de mettre de l'argent de côté. Alors, pour la famille moyenne, la famille à revenus moyens, qui a beaucoup de choses à acheter, qui fait beaucoup de consommation, il va taxer davantage sur l'augmentation de la taxe de vente, prévue pour janvier 1998, qui va éliminer les avantages de la réduction des impôts annoncée en même temps. On donne avec une main et on va prendre – même peut-être un petit peu plus – avec l'autre main. C'est quelque chose qui va encore une fois alourdir le fardeau fiscal des familles québécoises.

La décision de Claude Picher, dans La Presse , tout de suite après la publication du budget, c'est: «Dans ces conditions, il est clair que le ministre, tout en proclamant haut et fort qu'il laisse respirer les contribuables à revenus moyens, a bien l'intention de continuer à les presser comme un gigantesque et inépuisable citron.»

Alors, c'est ça. Où on s'en va? On s'en va, encore une fois, pour la classe moyenne, pour les personnes entre 35 000 $ et 50 000 $ – et ça, c'est la plus grande part des familles québécoises qui ont des revenus qui tombent à l'intérieur de ça... Et le net, net de toutes ces décisions, de baisser les allocations familiales, d'éliminer pour certaines familles, d'éliminer graduellement l'allocation à la naissance, d'éliminer à partir de septembre l'allocation pour les jeunes enfants, d'augmenter les taxes d'une façon importante... Ça va devenir de plus en plus difficile pour nos enfants et pour nos familles québécoises.

Et je continue de traverser les preuves des évidences que nous avons prises. Il y avait un article fort troublant dans la revue Enfants Québec – c'est le magazine au service des parents – dans le numéro de février-mars 1997. C'était un article spécial sur les enfants négligés. Comme je l'ai dit, c'est publié par cinq professeurs qui travaillent à la Commission des écoles catholiques de Montréal, et le titre c'est: Les enfants négligés: un cri d'alarme . C'est sur le manque de services, sur le stress de la famille, sur les difficultés des familles à boucler les budgets. Et une des observations qui est faite à l'intérieur de cet article, c'est concernant les facteurs sociofamiliaux qui nous amènent à nos enfants négligés. Les auteurs disent: «La négligence est due à des facteurs d'ordre économique, social et affectif. La société d'aujourd'hui est complexe, axée sur la performance, la compétition et le rendement. Les parents doivent constamment s'adapter à de nouvelles exigences sociales. À cause de leur horaire souvent surchargé, de leur stress intense ou de leur rythme de vie effréné, ils ont souvent moins de temps à consacrer à leurs enfants, que ce soit pour combler leurs besoins affectifs, être disponibles à leur retour de l'école, faire une partie de baseball, les aider à faire leurs devoirs ou faire la connaissance de leurs amis. Beaucoup de parents n'ont d'autres choix que de glisser une clé au cou de leurs enfants en leur recommandant de faire attention.»

(23 h 50)

Alors, c'est un genre de cri d'alarme, et je ne trouve pas vraiment, dans les principes, dans la réforme de la politique familiale, une réflexion sur ces enjeux majeurs. Comme nous invite la Fédération des femmes du Québec à faire, regarder: Est-ce qu'on est en train de valoriser le travail des parents? Est-ce qu'on est en train de faciliter la tâche des parents? Ou est-ce qu'on est en train, effectivement, d'une certaine façon, de diviser les parents de leurs enfants en les encourageant à retourner au travail? Ce que plusieurs – pas tous, mais plusieurs – ont réclamé, c'est d'avoir l'opportunité de passer du temps surtout avec leurs jeunes enfants.

Je reviens toujours au sondage, à l'étude que la ministre, et son ministère lui-même, a faite, qui dit que, pour les enfants en bas de deux ans, c'est effectivement ça que les parents souhaitent. Ce n'est pas une place dans une garderie, même à 5 $ par jour. Ce n'est pas leur premier choix. Leur premier choix, c'est de trouver des moyens de passer ce temps à la maison. Je sais, et on verra plus tard la question d'un congé parental qui va répondre d'une certaine façon à cette exigence, mais il y a aussi toute la question à savoir si les allocations qu'on est en train de couper dans ce projet de loi vont rendre cette tâche encore plus difficile.

Il y a d'autres éléments que d'autres collègues, je pense, vont soulever quant à l'arrimage entre l'aide sociale et l'application de ce projet de loi. On a des problèmes qui ont été identifiés par la professeure Ruth Rose. La ministre a indiqué qu'elle est en train de les corriger, mais, selon les chiffres et selon certaines informations, il demeure toujours des problèmes très importants quant à l'arrimage de l'application de l'aide sociale avec l'application de l'allocation familiale.

Également, on va regarder la question de la protection de la vie privée, parce qu'il y a, encore une fois, certains arrimages qui sont très importants à faire entre les besoins de l'État, à savoir comment appliquer ces nouvelles allocations, et également la protection de la vie privée. Il y a beaucoup de facteurs qui touchent la disponibilité des familles en cas de séparation, en cas d'autres choses, où il y a beaucoup de données très sensibles qui vont être envoyées au gouvernement encore une fois. On sait que ce gouvernement a un appétit d'avoir sans cesse des renseignements personnels sur les citoyens et citoyennes du Québec, mais il faut toujours freiner ça. Alors, je pense qu'on va regarder, entre autres, les articles de ce projet de loi quant au traitement des renseignements personnels, parce que je pense que c'est très important de s'assurer une bonne gestion.

In conclusion, Mr. Speaker, the bill before us tonight, I think, allows us finally to try to come to grips with the question of the overall financial cost impact of the new family policy on Quebec families.

I think it's an element that has been missing from the debate to date. What we have looked at, in the changes of the family policy, above all else, has been looking at the impact of this on families who are on welfare. And that is an important part of the reform, I understand – and there were long parliamentary commissions held in the spring to look at that one particular element – but I think there are much larger principles at work here, Mr. Speaker, regarding how the new principles that underline this new family policy are going to affect Quebec families. I think one of the principal debates – and it's the Federation of Quebec Women that invites us to do it – is to look very carefully at the question of universality. And before we abandon universality, we have to understand that this is often an important way to protect the social program. And a social program that is universal, has a lot of support from across the political and social spectrum, it's much harder for a government to cut it. The moment we turn a family policy into a policy designed to combat poverty, then it's no longer universal and then it becomes much easier for presidents of the Treasury Board, over time, to look at that sum of money and perhaps to find a way to cut back and to make certain savings. So, it may be the beginning of a slippery slope towards a sort of disengagement of the State towards Québec families. I think it is something we have to look at very, very carefully.

There is also a principle as to what extent can the government help recognize more traditional families, families where one of the two parents has made the decision to stay at home with their young children. And what we try to do is to try to find a balance between the two, try to find a way to have the services provided to certain families balance off against certain family benefits given to families that make other choices. It's a difficult balance that has to be made, Mr. Speaker, but I think it's an important debate to be had.

And it is our feeling that, with the two reforms that we are looking at tonight, the government has gone too far on the service side of the balance, that what we have before us is a day care system the government cannot pay for. It's too expensive, it's gonna end up costing the government and the taxpayer far more than the minister is letting on right now. So, in that balance between the two, what risks to happen is that the allocation, or the family benefits, that have helped certain parents that have decided to stay at home with their small children compensate for the financial sacrifices they've made, those will be abolished. Certain programs that were put into place to help the youngest families in our society will be abolished, and all of this will be put into the side of day care services that are not always adapted to the needs of all Québec families. So, there is a very important balance that has to be done.

We've heard – as I say, I went through the press clippings for the last two months – but many different groups in society are saying: We have to look again at this question. We have to look it away to say: How do we make the time we spend with our children more valuable, more precious? How can we help parents spend more time with their children? And what seems to be the thrust of the new reform here is the contrary. We are trying to make it easier for families to get back to work, which is important for certain families but not for all families. And we have to keep preserving an harmony between the two.

And, as I say – why perhaps the minister was so colorful in her reaction – what we said before is that we still believe that the overall thrust of this new reform privileges certain families at the expense of others and that we're going to come up with a very expensive day care system which meets the needs of certain young families but which is going to cost all other families a great deal more. And what we're asking for, what we will continue to ask for when we go through the parliamentary commissions and the public hearings on this bill, is to look if there are ways to come up with a better balance, Mr. Speaker. Because we believe that the system that the previous government put in place was a system that came up with a better balance and was a system that allowed us to invest in the various choices that Québec families make. Thank you very much.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Étant donné l'heure, nous allons ajourner nos travaux à demain, le mercredi 28 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 59)

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