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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 28 mai 1997 - Vol. 35 N° 107

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: Mmes et MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous allons débuter la séance naturellement par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles. Il n'y en a pas.

Présentation de projets de loi non plus.


Dépôt de documents


Rapport de mission de la XVIIe Conférence annuelle du Conseil canadien des comités des comptes publics

Au dépôt de documents, je dépose, en ce qui me concerne, le rapport de la mission de la XVIIe Conférence annuelle du Conseil canadien des comités des comptes publics tenue à Victoria, en Colombie-Britannique, du 8 au 10 septembre dernier, réalisé par le président et le vice-président de la commission du budget et de l'administration. Cette mission était sous la responsabilité de M. Jacques Baril, député d'Arthabaska, qui était accompagné de M. Jacques Chagnon, député de Westmount–Saint-Louis. Alors, voilà le rapport de cette mission.


Rapport de mission au Parlement européen et à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Je dépose également le rapport de la mission réalisée au Parlement européen et à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à Bruxelles et à Strasbourg, du 23 au 25 avril dernier. Au cours de cette mission, j'étais accompagné par M. Michel Létourneau, député d'Ungava.

Au dépôt de rapports de commissions, il n'y en a pas aujourd'hui.

Dépôt de pétitions. Il n'y a pas de pétitions aujourd'hui.

Il n'y a pas non plus d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille répondra à une question posée le 14 mai dernier par M. le député de Notre-Dame-de-Grâce concernant l'École orale de Montréal pour les sourds.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu également le vote reporté sur la motion de Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance.


Questions et réponses orales

Alors, ça nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Avenir du centre jeunesse Boscoville

M. Johnson: En examinant le sort des jeunes au Québec, hier, avec le premier ministre, on a été obligé de conclure qu'il y avait une détérioration de l'emploi chez les jeunes. On apprend aujourd'hui que, dans la région de Québec, en ce qui a trait aux 15-29 ans, c'est un triste record historique qui a été atteint: un jeune sur cinq de 15 à 29 ans, dans la région de Québec, n'a pas d'emploi. Et tout ce à quoi on a eu droit comme réponse de la part du premier ministre, essentiellement, c'est un vague engagement de rajeunir la fonction publique plus rapidement plutôt que plus lentement, ce qui ne règle absolument pas le cas de dizaines de milliers de jeunes dont on devrait se préoccuper, dans toutes les régions du Québec.

Et on a eu, en bonus, une séance d'autofélicitations pathétique de la part du vice-premier ministre, à partir de citations tronquées d'un article de janvier 1993. La simple lecture de cet article-là montre justement que le vice-premier ministre comprend ce qu'il veut comprendre, à 180° par rapport à la réalité.

Étant donné qu'on n'a pas de réponse à l'égard de l'emploi chez les jeunes de la part du premier ministre, les autres jeunes qui devraient retenir son attention sont ceux, par exemple, qu'on retrouve encore à Boscoville qui est traité, par son technocratique ministre de la Santé, comme un poste de dépenses comme les autres, ordinaire, comme si la situation tout à fait unique, la vocation originale... Et là je vois le premier ministre qui signale déjà que ce n'est pas lui qui va se préoccuper de ça, ça va être son bureaucratique ministre de la Santé. Non, non. On sait que le premier ministre, il aime mieux faire des discours avec Gilles Duceppe que de s'occuper des jeunes Québécois qui sont mal pris. C'est évident.

Des voix: Bravo!

Une voix: Ils applaudissent, en plus!

M. Johnson: Et il s'autoapplaudit. On s'autoapplaudit. Ah! les jeunes de Boscoville sont enchantés de voir le peu de cas que fait le premier ministre de leur situation, qui traite cette institution qui a une réputation internationale, qui a une vocation originale, où se déroule de la recherche sur des moyens novateurs de régler les problèmes des jeunes adolescents qui ont des problèmes extrêmement sérieux, comme on le sait, dans beaucoup trop de cas, pour un ensemble de raisons qu'il ne nous appartient pas de commencer à discuter ici... Mais la réalité, c'est que le ministre de la Santé actuel et le premier ministre traitent Boscoville comme un poste de dépenses comme les autres et s'apprêtent à fermer cette institution dans quelques mois, sous prétexte que ça coûte trop cher, sous prétexte qu'il y a des problèmes budgétaires, en traitant ça de la même façon que si, à l'éducation, on fermait un laboratoire dans une université parce que ça coûte plus cher qu'une cafétéria d'école secondaire. C'est un mauvais raisonnement.

Je demande au premier ministre, d'abord, de nous indiquer s'il est conscient de l'importance que revêt Boscoville non seulement pour la région de Montréal et les jeunes qu'elle dessert, mais s'il est conscient qu'elle a une vocation à la grandeur du Québec, cette institution qui existe depuis plus de 40 ans. Et, deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait s'engager fermement à maintenir une vocation comme celle-là, à la maintenir à Boscoville, et donc à affirmer que c'est une priorité pour lui de maintenir des vocations originales et uniques comme celle-là et qu'il s'engage à se préoccuper de ça au lieu de se préoccuper du Bloc québécois?

(10 h 10)

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, en ce qui regarde Boscoville, je pense que ça va être important... Maintenant que, à la suite des premières réactions, le conseil d'administration des centres jeunesse a remis sa décision d'un mois, a tenu une semaine de consultation, a entendu tout le monde qui voulait se prononcer sur le sujet, ça va être important que, cette fois-ci, le débat fasse la distinction entre ce qui est des interventions qui sont nécessaires pour les jeunes, les ressources qui sont nécessaires pour les jeunes et l'avenir de Boscoville comme campus et comme bâtisse.

Dès le début, tout était mêlé dans le débat et c'était difficile de s'y comprendre. Et, si l'opposition veut continuer à tout mêler les cartes pour que personne ne comprenne rien, elle ne va pas servir les jeunes, elle va faire du tort aux jeunes.

Voilà ce qui ressort. Le conseil d'administration a pris une décision hier et on va prendre le temps de regarder en détail ce qu'il propose, à la suite de leur consultation, et ce qui va se passer dans les prochains mois. Mais il ressort déjà, M. le Président, de la consultation qui a été faite, que, de façon très majoritaire, ceux qui ont rencontré le conseil d'administration sont d'accord et supportent l'évolution des centres jeunesse de Montréal dans les modifications des types d'interventions qu'ils font auprès des jeunes et dans l'investissement de plus en plus de ressources humaines, d'organisation de services dans la communauté et en ayant les gens en établissement de moins en moins longtemps. Ça, c'est supporté.

Deuxièmement, dans la décision, j'ai vu les grandes lignes de la décision du conseil d'administration, il y a beaucoup des préoccupations justes et raisonnables qui avaient été soulevées qui sont prises en compte dans un bon nombre d'ajustements que le conseil d'administration a décidé de prendre.

Dans les prochains mois, ce qui va se passer, c'est une gestion beaucoup plus serrée. Et on peut ressortir rapidement, M. le Président, au moins quatre éléments là-dedans. Il va y avoir quelques phases progressives pour mettre en oeuvre le changement; donc, Boscoville continue à fonctionner jusqu'en 1998. Les jeunes qui sont à Boscoville vont rester à Boscoville; tant que les interventions, leur traitement, leur réadaptation sur place ne seront pas terminés, ils ne seront pas déménagés. Il y a une concertation plus grande qui va être développée avec l'ensemble du milieu, il y a une consolidation des ressources dans le milieu – qui vont être des ressources alternatives – qui va être faite et il y a une coordination plus serrée qui s'installe entre les différentes régions autour de Montréal pour être sûr que toute la population est couverte.

Ça va nous permettre – puis je termine là-dessus, M. le Président – de dégager ce qui peut être fait, au cours de l'an prochain, des équipements physiques de Boscoville, pour leur avenir, comment la pérennité de Boscoville, comme symbole, comme nom et comme réputation, peut être faite. Ça, ce n'est pas tout déterminé, mais le conseil d'administration m'a dit qu'ils se sont montrés tout à fait ouverts à différentes suggestions. Et ceux qui veulent maintenir cet équipement-là, en tenant compte des coûts – parce que, M. le Président, il faut en tenir compte des coûts; on consolide d'abord les programmes, mais il faut tenir compte des coûts – ceux qui ont des idées là-dessus devront faire des suggestions plus précises et assumer les responsabilités.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Le premier ministre est pas mal plus discret sur le sort des jeunes de Boscoville que sur les perspectives d'élection du Bloc québécois. Et ça, c'est regrettable. Les jeunes du Québec vont remarquer qu'il a encore confié, dans la perspective – et c'est ça que je lui demande au premier ministre – d'un virage qui a été confié à ce chauffeur d'autobus là, qu'est le ministre de la Santé...

Des voix: Oh!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, en m'excusant auprès des chauffeurs d'autobus du Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Dans ce que le ministre de la Santé appelle le virage, un virage ambulatoire, un virage du milieu, on assiste – et le premier ministre ne le sait-il pas – à des dérapages, des carambolages, et là on est en train de ramasser des pots cassés.

Ce que je demande au premier ministre, c'est quelles sont la profondeur et la nature de son engagement à l'endroit d'une institution qui est unique, dont la vocation est unique, comme Boscoville, dont les preuves ne sont plus à faire, à l'égard de laquelle il y a des solutions de rechange notamment mises de l'avant par le personnel clinique afin d'assurer la pérennité du travail qui se fait là, pas la pérennité du symbole, la pérennité du travail qui se fait pour les jeunes. Et quand le premier ministre va-t-il s'occuper des jeunes du Québec au lieu de s'occuper du Bloc québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous sommes tous conscients de l'importance de l'oeuvre qui a été accomplie par cette grande institution qu'est Boscoville. Ça ne veut pas dire cependant que, dans l'amélioration des services à rendre par ce genre d'institution, il n'y a pas lieu d'examiner les changements qui sont survenus dans les démarches, dans la pédagogie, dans la qualité des services. Or, il se trouve que ce genre d'activités a évolué au cours des années. À la faveur des mutations sociales que nous avons observées, il se trouve que, de plus en plus, les experts de ce domaine – et c'est ce que révèle la consultation dont vient de faire état le ministre – pensent qu'il faut davantage, maintenant, rapprocher les jeunes des milieux familiaux, en particulier de la vie réelle de la communauté, et, dans toute la mesure du possible, écourter les séjours en institution. Ça n'apporte pas un jugement négatif sur ce qui s'est fait avant sur Boscoville. Ce qui s'est fait avant était formidable et nous connaissons les témoignages remarquables qui ont été rendus par des gens qui ont beaucoup reçu de Boscoville, qui ont été remis sur le chemin de la vie avec même beaucoup de succès et qui apportent maintenant de grandes contributions à la vie sociale québécoise.

Mais, pour améliorer la qualité des services, il y a une évolution, il y a des gens qui étudient présentement et qui croient que ça ne peut pas continuer comme ça continuait avant. Le ministre reçoit une recommandation, une décision d'un conseil d'administration. Il a annoncé tout à l'heure, avec beaucoup d'à-propos et de sagesse, qu'il allait analyser tout cela, qu'il allait voir dans quelle mesure on peut réconcilier la nécessité de réorienter la nature des services qui sont rendus à la faveur d'un rapprochement, par exemple, des milieux familiaux et en même temps d'assurer une continuité de l'oeuvre de l'institution comme telle.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, sachant que dans certaines problématiques à l'égard des jeunes, notamment des jeunes adolescents, le virage milieu ou la prise en charge par des milieux familiaux ne fonctionne pas et que, justement, le rôle unique de Boscoville a été, comme pionnier, de mettre sur pied des approches en milieu institutionnel afin de réintégrer, justement, afin de trouver des façons de mieux réintégrer les jeunes dans des milieux familiaux, des milieux naturels, dirions-nous, comment le premier ministre ne se rend-il pas compte que c'est justement cette oeuvre de pionnier qui est à l'avant-garde, pour tous ceux qui existent aujourd'hui...

Depuis 40 ans, le rôle de Boscoville a toujours été d'être à l'avant-garde afin de suggérer des nouvelles façons de faire, afin de se brancher sur des réseaux internationaux, afin de constituer un centre d'excellence qui permet justement de faire des progrès à l'égard des jeunes adolescents. Comment le premier ministre continue-t-il à traiter comme tous les autres postes de dépenses, comme toutes les autres institutions Boscoville, alors que ça a un caractère unique, une vocation originale? Et c'est à ça que les Québécois s'attendent de leur premier ministre, qu'il s'occupe de vrais problèmes. Qu'il s'occupe non pas de symboles, et de discours, et de mots, mais qu'il pose des gestes à l'avantage des jeunes Québécois.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, Boscoville, c'est un fait, a innové dans les années soixante-dix, a tellement été un grand succès que ce qui se faisait et ce qui se fait à Boscoville, c'est le type d'interventions, pour ce qu'on appelle les gardes ouvertes, qui se fait dans tous les établissements où on s'occupe des jeunes maintenant. Donc, les Boscoville, on les retrouve à travers tout le Québec et ils ont le mérite d'avoir développé une nouvelle formule, de l'avoir généralisée, et c'est maintenant la pratique dans le milieu.

Et la pratique est allée plus loin, on le redit. On s'est aperçu, grâce aussi à l'expérience de Boscoville, qu'une fois que des jeunes ont été réadaptés complètement et qu'ils retournent dans leur milieu, si, pendant un an, deux ans ou trois ans, il y a eu une séparation entre le jeune et son milieu, il faut presque tout recommencer à zéro parce que souvent les problèmes qui étaient à l'origine des problèmes du jeune et qui sont dans son milieu n'ont pas été pris en compte pendant ce temps-là. Là, on recommence à zéro, le jeune retombe rapidement à la case de départ et revient à l'intérieur. Ça, c'est très bien compris par tout le monde, d'où ce développement d'interventions qui se font de plus en plus pour que, dès le début, la famille, le milieu, l'environnement du jeune soient impliqués dans l'intervention, de sorte qu'on sauve une période et que les causes profondes des difficultés du jeune soient prises en compte en même temps que les difficultés que le jeune vit. C'est ça qui arrive.

(10 h 20)

Sur l'ensemble de Montréal maintenant il y a dans d'autres centres, à La Cité des Prairies, à Mont Saint-Antoine et dans d'autres centres, le même type d'interventions qui se fait à Boscoville. Donc, il y a une première décision à prendre pour s'occuper des jeunes, comment on utilise au mieux l'ensemble des ressources de Montréal, et avec la décision qui est prise sur les places pour les jeunes, 642 places, au total, il y a seulement une diminution de 38 places.

Le Président: M. le ministre...

M. Rochon: Il y a une réallocation des places pour en faire plus pour les jeunes adolescents qui ont des problèmes plus lourds présentement. Il y a...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre pourrait réitérer, à l'intention de son ministre notamment, la petite ouverture que j'ai dénotée dans sa réponse précédente, celle du premier ministre, de prétendre que le ministre examinerait les recommandations à l'endroit de Boscoville, plutôt que, comme il vient de nous le dire, à toutes fins pratiques, de dire que ça va fermer en 1998? On admettra que c'est pas mal plus fermé que ce que le premier ministre semble avoir mentionné.

Ce que je demande au premier ministre, c'est: Compte tenu de la démonstration probante que vient de nous faire le ministre de la Santé, du caractère de pionnier, d'ouvreur de piste, dirions-nous, de Boscoville dans beaucoup de dossiers et beaucoup de façons d'approcher ce problème de la réintégration des jeunes adolescents perturbés ou mésadaptés dans notre société, est-ce que le premier ministre pourrait au moins nous assurer qu'il entend maintenir cette vocation spécifique et originale de Boscoville? Est-ce qu'il peut nous affirmer qu'il tient à cette vocation et qu'il entend doter Boscoville des moyens d'atteindre ce niveau d'excellence qui a toujours été l'apanage de Boscoville qui, aujourd'hui, est traité comme un poste budgétaire comme les autres?

Le ministre de la Santé dira ce qu'il voudra, le premier ministre ne peut pas être insensible au fait qu'on traite Boscoville, un établissement pionnier à l'endroit de la réintégration des jeunes adolescents, comme n'importe quel autre poste de dépense. Est-ce que le premier ministre peut nous dire que ce n'est pas un poste de dépenses comme les autres, ce n'est pas une institution comme les autres et qu'en conséquence il doit en maintenir l'existence et la vocation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est au moins une chose sur laquelle nous nous entendons avec l'opposition: Boscoville est une grande institution qui a rendu au Québec des services émérites dont il faut prendre conscience.

Ceci étant dit, M. le Président, dans ce domaine, comme dans tous les autres, il y a une évolution dans la façon de rendre ce genre de service, dans la façon d'intégrer les jeunes en difficulté dans la société. Il y a présentement des méthodes nouvelles qui ont commencé à faire leur preuve et qui requièrent qu'on centre moins l'activité sur l'institution comme telle pour aller plus du côté du milieu, plus du côté de la famille.

Ça ne veut pas dire ça que ça va faire fermer Boscoville, M. le Président; ça veut dire qu'il faut réviser la façon de fonctionner. Ça veut dire que, à la faveur de la recommandation qui est venue et des consultations qui doivent se poursuivre, le ministre va réfléchir, avec son ministère, pour faire en sorte, dans toute la mesure du possible, qu'une vocation puisse être maintenue à Boscoville dans le genre d'activité qui était le sien jusqu'à maintenant mais modifié. Est-ce que ça sera plus du côté de la recherche? C'est des choses qu'il faut examiner présentement, M. le Président. Il ne faut pas faire de démagogie avec cela.

Je pense que le chef de l'opposition fait bien de signaler la question, il fait bien de la porter à l'attention du gouvernement pour nous en débattions, puisque, pour l'ensemble du Québec, en plus des services signalés qui ont été rendus par l'institution, c'est un symbole que Boscoville, et il faut s'en rendre compte et le traiter comme tel.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Au-delà du symbole, est-ce que le premier ministre ne vient pas de nous dire que, justement, ces nouvelles façons de faire sont essentiellement et la plupart du temps développées à Boscoville, et ce, depuis près de deux générations? Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte qu'en conséquence il faut maintenir l'existence de Boscoville? Et qu'est-ce qu'il a à nous annoncer essentiellement une fermeture éventuelle, alors qu'il dit qu'il faut réfléchir avant? Est-ce que ce ne serait pas mieux de réfléchir, d'analyser et de décider, au lieu de nous annoncer, comme le ministre l'a fait, que ça va fermer l'an prochain? Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte de l'incohérence de son discours, de l'incohérence de son gouvernement et de l'insensibilité du premier ministre à l'endroit des jeunes en difficulté au Québec? C'est ça, l'insensibilité.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je suis heureux de constater, M. le Président, que le débat a l'air à avancer un peu, comparativement à il y a un mois, parce qu'on remet moins en question – ça, c'est important, là, qu'on ne fasse pas de démagogie là-dessus – que l'évolution des interventions pour les jeunes... Et ça, si l'opposition veut en discuter plus en détail, il faudrait qu'ils fassent leur devoir, qu'ils lisent Bouchard, qu'ils lisent les rapports Jasmin, qu'ils lisent les rapport Harvey pour qu'on ne refasse pas un débat qui a été fait par les professionnels, sur lequel il y a un consensus, ça, c'est établi, de sorte qu'au Québec aujourd'hui – et ça, c'est à la gloire de Boscoville – il y a beaucoup de Boscoville à travers tout le Québec. C'est ça qu'est la réalité. Et la décision qui est prise, les orientations qui sont faites de comment on s'occupe des jeunes à l'avenir, ça, c'est sorti du débat, et il faut travailler à le consolider sur le terrain, à concerter les gens. Et c'est ce qui va se faire dans les prochains mois jusqu'à l'automne, jusqu'à la fin de l'année, de sorte qu'on sera sûr que, quand les jeunes vont être dans le milieu, les ressources sont là, sont prêtes à les recevoir.

Il restera la question de voir qu'est-ce qui arrive exactement avec Boscoville, sa mission, et qu'est-ce que Boscoville, si ça reste comme institution, devient dans l'avenir, et comment il réalise sa mission, et jusqu'à quel point sa mission est reliée aux bâtisses où il est présentement. Ça, c'est une autre question à laquelle il va falloir répondre. Il va falloir qu'on procède logiquement, correctement, pas bureaucratiquement, pas bureaucratiquement, logiquement, logiquement pour être capable de décider comment on continue à innover dans ce domaine-là, comment Boscoville peut rester impliqué là-dedans et qu'est-ce qui arrive avec les bâtisses. Là, le gros de la décision commence à se consolider quant aux interventions. Il y a un consensus là-dessus. On va prendre les prochains mois pour voir comment la pérennité de Boscoville et l'esprit d'innovation que Boscoville a donné au milieu continuent et quelle part Boscoville doit avoir là-dedans. Alors, donnez le temps au monde de compléter son travail. M. le Président, qu'on lui donne le temps et on reviendra en temps et lieu sur cette question-là. Merci.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre ne vient pas de s'apercevoir comme tout le monde que le chat commence à sortir du sac, que le ministre de la Santé ne vient pas de nous répondre comme le ministre responsable de la santé des jeunes au Québec, mais comme un spéculateur immobilier qui se demande quoi faire avec les bâtisses à Boscoville? Exactement.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Ça ne m'était même pas passé par l'esprit, mais on voit que le décodeur, dépendant de sa façon de fonctionner, interprète tout ce qu'on peut dire. Ça ne me surprend pas de voir la réaction du chef de l'opposition. Ça a l'air d'être leur façon de fonctionner, eux autres. Comme on les a vus bazarder un certain nombre de biens du Québec, ils s'imaginent qu'on prend ça sur une base de spéculateurs immobiliers. Ce n'est pas ça du tout, la question. Le souci qu'on a, M. le Président, c'est de faire ce qu'ils n'ont pas fait pendant trop longtemps: de gérer correctement les biens du Québec et de les utiliser pour la population et, dans ce cas-ci, pour les jeunes, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale.

Mme Loiselle: En additionnelle, s'il vous plaît.

Le Président: En complémentaire, très bien.

Mme Loiselle: Est-ce que le premier ministre du Québec, M. le Président, peut nous expliquer le lien entre ses nombreux discours mielleux et enjôleurs sur l'avenir des jeunes du Québec, le lien qui existe entre ses discours et le fait que son propre gouvernement est capable de trouver 5 000 000 $ pour le forum de Montréal, 75 000 000 $ pour investir dans le ciment avec la Bibliothèque nationale, et qu'il laisse son ministre de la Santé, l'obsédé des compressions budgétaires au Québec, charcuter 4 000 000 $ sur l'avenir, sur le dos des jeunes en difficulté du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la question était tous azimuts et je vais essayer de répondre au moins à un angle. Ce que nous faisons pour les jeunes, c'est sans précédent. Nous avons annoncé 100 000 000 $ de programmes pour les jeunes dans le budget, nous avons créé les carrefours jeunesse-emploi qui vont couvrir toutes les MRC du Québec, nous avons lancé un programme d'apprentissage qui est nouveau et qui établit une coopération extrêmement féconde entre l'entreprise et la formation. Nous allons pouvoir procéder à des embauches de jeunes dans le domaine du public, ce qui ne s'est jamais fait depuis extrêmement longtemps, M. le Président. D'ailleurs, si on lit un titre du Soleil aujourd'hui, on annonce que des milliers de jeunes seront embauchés.

(10 h 30)

Les jeunes vont profiter au premier chef de ce que nous faisons en termes d'assainissement des finances publiques. Nous leur préparons un patrimoine net. Nous allons les exempter des erreurs qui ont été faites dans le passé, des erreurs irresponsables qui ont été faites par les gens qui sont en face et qui ont le culot aujourd'hui de nous reprocher ce que nous faisons avec courage, avec détermination et avec solidarité pour l'avenir du Québec.

J'ajouterai, M. le Président, que pour ce qui est de la grande bibliothèque de Montréal, c'est un grand projet dont Montréal a un besoin désespéré. Le combat pour la langue française, ça commence par la lecture. Le combat pour la culture des jeunes, qu'ils soient anglophones ou francophones, commence par la maîtrise de l'écrit, par la lecture, la fréquentation des grands auteurs. Montréal manque de cela.

Cela les fait rire, M. le Président. Ils sont morts de rire à écouter ça, en face. Ils sont morts de rire, alors que nous sommes affligés, à Montréal, d'une pauvreté presque lépreuse des moyens que l'on met à la disposition des gens qui veulent accéder à la culture de l'écrit.

Quand on regarde ce qui se passe à Vancouver, à Toronto, dans toutes les grandes villes du monde, on s'est doté de ce genre d'équipement. Il y aura un équipement comme ça à Montréal. Tout le Québec en profitera, les jeunes francophones, les jeunes anglophones, ce sera un plus pour les jeunes au Québec, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en complémentaire toujours.

Une voix: ...inculte en plus.

Une voix: Ça sort de la bouche d'un expert, le mot «démagogue».

Une voix: Ça en prend un pour en reconnaître un autre!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, mesdames et messieurs! Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le premier ministre du Québec peut nous expliquer encore le lien entre ses nombreux discours mielleux et enjôleurs sur l'avenir des jeunes au Québec et le fait que, avec les compressions de son ministre de la Santé, dans sa propre région, Saguenay–Lac-Saint-Jean, il n'y a pas eu 10 %, 20 %, mais bien 160 % du nombre de dossiers en évaluation et en prise en charge à la DPJ, à la Direction de la protection de la jeunesse, dans la région du premier ministre du Québec, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Encore une fois, un chiffre hors contexte. Si j'ai à faire des commentaires sur cette question, je vais prendre le temps de revoir la situation précise dans le comté par rapport à l'ensemble du Québec et au reste, et je reviendrai expliquer ce qui sous-tend les chiffres auxquels fait référence la députée, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Réforme du territoire local et régional

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Le gouvernement, pour des raisons budgétaires, s'est donné le mandat de chambarder les gouvernements régionaux, qu'on pense à la politique de fusion des municipalités, l'annonce de fusion des MRC, démentie dans les heures qui ont suivi par le ministre des Affaires municipales, politique de fusion des commissions scolaires, politique de regroupement des MRC pour créer les CLD, et j'en passe. Le gouvernement semble avoir oublié l'acteur principal, qui est le citoyen, dans ses divers scénarios.

Ma question au premier ministre, M. le Président: Peut-il nous confirmer si on assiste à un plan improvisé – ce qui serait évidemment très irresponsable – ou à une stratégie délibérée pour mettre en place de nouvelles structures en cachant le véritable plan de match, c'est-à-dire éviter un large débat public sur l'ensemble de ces enjeux?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, effectivement, nous avons donc introduit, depuis un bon nombre de mois, un certain nombre de réformes qui ont toujours pris comme assise le territoire de la MRC. Voilà une décision qui a été prise au mois d'août, l'an passé, et qui a été très clairement définie pour l'ensemble des politiques, pour l'ensemble des ministères du gouvernement du Québec.

Alors, dès le moment où nous abordons une réorganisation, où nous abordons une façon autre de faire les choses sur le plan de la territorialité, c'est le territoire de la MRC, la zone d'appartenance, qui est maintenant le territoire de référence. Voilà pourquoi au plan scolaire, au plan économique, avec le ministre responsable du Développement des régions, au niveau de l'emploi, nous avons toujours pris et nous allons continuer à prendre comme territoire de référence le territoire de MRC, au Québec, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Le ministre des Affaires municipales peut-il s'engager aujourd'hui à ce qu'il n'y ait aucune fusion de MRC suite à la volonté gouvernementale d'implanter les CLD, lorsque l'on sait que les territoires des MRC tels qu'on les connaît font consensus encore aujourd'hui? Sachant que les maires et les préfets sont peu enclin à supporter ce scénario, considérant l'inquiétude de leurs concitoyens, est-ce que le ministre se sent obligé de tout bousiller ce qui marche?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, je conseille à l'opposition de lire le livre blanc créant les CLD, il respecte exactement les territoires de MRC. Ma collègue de l'Éducation ne parle pas de charcuter à l'intérieur des territoires de MRC existants, elle parle de regroupement pour fins scolaires de un ou deux territoires de MRC. Mon collègue du Transport fait de même. C'est ce que soutient le ministre des Affaires municipales. C'est ce que soutient la ministre du développement de l'Emploi. Et lisez un petit peu plus loin que la création des CLD. Dans le livre blanc, il y a un mandat pour discuter de territorialité, pour que le Québec, une fois pour toutes, ait des territoires, des assises locales capables de recevoir des programmes régionalisés, capables de recevoir de la déconcentration de l'État, capables potentiellement de recevoir de la décentralisation de l'État.

Et ceux qui appréhendent, dans le milieu, sur le terrain, qu'ils participent donc au débat qui sera enclenché précisément sur la territorialité. Mais, pour l'instant, qu'on ne fasse pas accroire aux gens qu'on veut charcuter dans le territoire des MRC.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Est-ce que le ministre des Affaires municipales peut s'engager aujourd'hui qu'il y aura de la consultation sur ce scénario?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, c'est précisément ce qu'indique le livre blanc sur la politique de développement local et régional au Québec. Oui, nous pouvons nous engager à ce qu'il y ait formellement des consultations dès le moment où nous envisagerons la façon d'organiser les services sur le plan local. Et c'est précisément le mandat qui a été donné au ministre d'État responsable du développement local et régional, du Développement des régions, c'est-à-dire toute cette question de la territorialité à très long terme doit être examinée, mais on ne saurait réviser le nombre de MRC au Québec à court terme, c'est très clair dans la politique de développement local et régional.

Le Président: En complémentaire?

Une voix: Principale.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, d'abord. M. le député de Rivière-du-Loup.


Assouplissement de l'article 45 du Code du travail pour faciliter la gestion des municipalités

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, le ministre des Affaires municipales, pour régler avec les municipalités le pelletage de 500 000 000 $ qu'il leur a transférés, a mis en place ce qu'il appelle des chantiers, des tables de discussion dont un des thèmes est l'amélioration de la gestion de la main-d'oeuvre pour les municipalités.

Jusqu'à maintenant, les municipalités, le monde municipal a l'impression que les intentions sont lancées dans les airs, mais que le gouvernement n'a pas l'intention de leur donner des moyens concrets pour améliorer leur gestion. D'ailleurs, à preuve de leur insatisfaction, l'UMQ ne participe pas et l'UMRCQ, ce matin, menace de se retirer des mêmes chantiers. Ça va commencer à être clair dans cette pièce-là, à être clairsemé. Il va rester des chaises libres, si ça continue.

Alors, bien avant que le ministre mette de l'avant cette idée-là de chantiers, l'ADQ avait soumis une proposition, et j'ai déposé un projet de loi en ce sens-là en Chambre, pour assouplir l'article 45 du Code du travail, proposition qui a obtenu, d'ailleurs, un assentiment très clair de l'UMRCQ qui dit que ce projet de loi répond à une revendication maintes fois réitérée de l'UMRCQ et qu'elle souhaite voir adopté.

Dans le même sens, le ministre du Travail, lui, depuis longtemps, nous dit qu'il va faire quelque chose. Il a fait un rapport des études, mais, le 15 mai étant passé, on n'a pas vu de projet de loi. Alors, ma question au ministre des Affaires municipales est fort simple: Est-ce qu'il a l'intention d'assouplir l'article 45, de mettre ce moyen-là concret sur la table pour aider les municipalités à mieux gérer les taxes des contribuables?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, à l'égard de l'article 45, d'abord, c'est une responsabilité très claire du ministre du Travail qui a devant lui le rapport Mireault qui a été commandé par le gouvernement, qui a fait le tour de la question. Et ce n'est pas une question qu'il faut prendre à la légère, M. le Président. C'est une question, dans le droit québécois, le droit du travail, qui est importante. Le ministre du Travail réfléchit sur cette question et rendra sa décision lorsqu'il sera prêt à rendre sa décision avec le gouvernement.

(10 h 40)

À l'égard de l'organisation du travail dans les municipalités, il faut maintenant dire ceci: Oui, 1 100 municipalités représentées par l'UMRCQ – à peu près 50 % de la population est représentée par les villes-centres – sont au chantier parce que, la semaine dernière, les trois chantiers de travail que nous avons mis sur pied pour en arriver à trouver des solutions se sont mis à l'oeuvre au niveau des discussions fiscales; deuxièmement, au niveau de la main-d'oeuvre; et, troisièmement, au niveau de la mise en commun. Et il faut se réjouir que, par exemple à Trois-Rivières, la ville et les syndicats se soient mis à table ensemble et aient décidé de discuter de comment on va en arriver à réduire de 6 % l'effort au niveau salarial.

Il faut aussi – je conclus là-dessus, M. le Président – se réjouir qu'à Laval ces chantiers soient également démarrés avec les autorités de la ville, avec les représentants des travailleurs, tout comme c'est le cas aussi à la Communauté urbaine de Montréal. C'est un travail, oui, difficile. Le premier ministre l'indiquait tantôt, il faut le faire avec détermination puis avec courage. C'est difficile mais il y a des progrès qui sont enregistrés et on pense qu'on va arriver à l'objectif.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Est-ce que le ministre des Affaires municipales, en reconnaissant que la responsabilité ultime de légiférer appartient au ministre du Travail, lui, a fait son lit, a fait des recommandations au Conseil des ministres, a fait des recommandations à son collègue en faveur de l'assouplissement de l'article 45 du Code du travail, qui est un article archaïque et qui est unique en Amérique du Nord?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, je viens d'indiquer qu'il s'agit là, dans la tradition du droit québécois, d'une question fort importante. Je ne pense pas qu'on puisse la traiter de façon aussi légère que le député de Rivière-du-Loup vient de le soulever, en disant que c'est archaïque et qu'il faut renvoyer cet article-là. Non, c'est extrêmement important au niveau du droit du travail au Québec et certainement que le ministre du Travail, à cette question, peut ajouter.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, l'expérience qu'on a vécue dans les hôtels du Québec, quant à la négociation et les dispositions des articles 45 et 46 du Code, a fait l'objet d'une étude sérieuse. Le rapport Mireault a été déposé, il est examiné, il y a un mémoire de préparé et il y a un projet de loi en rédaction. Alors, je comprends le député de Rivière-du-Loup et ses préoccupations, mais ce que j'aimerais lui dire, c'est qu'un projet de loi modifiant l'article 45 du Code, ça ne se rédige pas en un week-end, sur le bout de la table de la cuisine. Il nous a présenté un projet, on va l'examiner, et, lorsque la discussion globale arrivera, on tiendra compte de ses préoccupations dans le traitement de ce dossier-là qui est très important en matière de relations de travail au Québec.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Est-ce que le ministre du Travail a un échéancier? Et je ne peux pas m'empêcher de revenir au ministre des Affaires municipales. Il nous dit que c'est un sujet important, mais est-ce qu'il se prononce sur les sujets importants? Est-ce que lui, dans l'échéancier du ministre du Travail, va tenir compte de l'échéancier qu'eux ont forcé les municipalités à respecter pour donner cet outil-là aux municipalités pour mieux gérer et peut-être les aider un peu à s'arranger avec le pelletage qu'il a mis dans leur cour?

M. Rioux: M. le Président, j'ai eu l'occasion de rencontrer les unions municipales, de discuter avec elles. Elles sont très préoccupées par la question de la sous-traitance. Évidemment, dans le projet de loi qui est en préparation, on tient compte des revendications des municipalités. On a entendu ce qu'elles avaient à dire, on le sait que ça leur pose des problèmes et, dans le projet que nous avons sur la table, on tente, par tous les moyens possibles, d'essayer de satisfaire... Parce qu'il n'y a pas seulement les municipalités dans le débat, il y a également les grandes centrales. On a écouté ce que les gens avaient à dire et maintenant on est prêt à agir.

Quant à l'horizon maintenant – c'est la question que soulève le député – le mémoire est prêt, le projet de loi est prêt. Évidemment, le menu législatif est considérable pour le printemps et on essaiera de voir si on peut agir le plus rapidement possible.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre, lui, pourrait nous dire ce qu'il pense des perspectives d'assouplissement du Code du travail tel que le demandent les municipalités? Étant donné qu'on sait du ministre des Affaires municipales que c'est très important – on le savait – qu'on a appris du ministre du Travail que c'est très important – on le savait – qu'on peut être 123 autres à dire que c'est très important – ça, on le sait – qu'il y a 1 500 municipalités qui nous disent que c'est important – ça on le sait – qu'est-ce qu'il en pense, lui, le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement a demandé à un comité d'experts, que présidait M. Réal Mireault, d'examiner cette question aussi complexe qu'importante, avec des répercussions considérables de quelque façon qu'on l'envisage. Le rapport a été déposé au ministre du Travail, il a été diffusé largement, les gens ont pu en prendre connaissance. Le gouvernement a demandé au ministre du Travail de procéder à l'étude et l'examen de ce rapport et, lorsque le gouvernement sera saisi des propositions du ministre du Travail, le gouvernement statuera. En attendant, nous réfléchissons, nous pesons tous les aspects de cette question lourde de conséquences et nous serons en mesure de prendre des décisions à l'automne.

Le Président: M. le député de Marquette.


Réforme du territoire des commissions scolaires

M. Ouimet: M. le Président, dans le dossier des cartes scolaires et des territoires d'appartenance, la majorité des groupes qui sont venus en commission parlementaire ont indiqué à la ministre que sa carte ne fonctionnait pas, parce que non seulement elle ne tenait pas compte de la volonté des gens du milieu, mais, surtout, elle ne tient pas compte des intérêts des élèves. Les organismes évoquent comment les élèves seront déracinés de leur milieu, ou devront fréquenter de nouvelles écoles, ou devront parcourir de très grandes distances pour aller à l'école. Dans certains cas, c'est tout le projet éducatif de l'école qui va disparaître ou le milieu de vie qui risque de disparaître. Bref, selon la Fédération des commissions scolaires du Québec, il y a des problèmes dans 90 % des commissions scolaires. Et la source du problème, M. le Président, c'est que les territoires des commissions scolaires doivent absolument coïncider avec les territoires des MRC.

La question que je pose à la ministre de l'Éducation: Est-ce que la ministre de l'Éducation va comprendre le message qui vient de l'ensemble des régions? Va-t-elle davantage s'occuper de préserver la qualité des services aux élèves et va-t-elle, dans ce cas-là, renoncer à son critère des MRC pour définir les territoires des commissions scolaires?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et 1de la Famille.

Mme Marois: Alors, je rassure le député: ma principale, ma première préoccupation, c'est d'abord la réussite des enfants du Québec. D'ailleurs, c'est assez intéressant, parce que le député répète la même chose depuis quelques jours, parce que nous siégeons ensemble à une commission parlementaire où nous entendons les points de vue de différents groupes au sujet de la loi n° 109, et, à chaque fois que certains groupes viennent nous dire: Il y a un problème ici, il y en a un là, nous souligner quelles seraient les solutions à apporter, le député en profite pour redire, à chaque fois, que nous allons obliger les enfants à faire des distances incroyables, obliger les commissions scolaires à acheter des autobus pour transporter ces enfants à 30, 40, 50 km de leur école, et je dois, à chaque fois, redire au député, aux membres de la commission: Les écoles ne sont pas sur roulettes, nous ne les déménagerons pas, et les écoles sont dans un quartier, les enfants vont continuer à fréquenter leur école de quartier ou leur école secondaire.

Si je fais une consultation, si je participe à une commission parlementaire, si j'ai demandé aux secrétaires régionaux de procéder à une consultation, j'imagine que c'est parce que je croyais qu'il était pertinent de le faire et que cela devrait avoir des conséquences, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre de l'Éducation sera-t-elle à l'écoute de tous les groupes, unanimement, qui se sont prononcés sur la question de sa carte scolaire en commission parlementaire? Ils lui ont indiqué les problèmes que je lui indique ce matin et que c'est précisément à cet égard-là qu'on lui demande d'abandonner son critère des MRC, parce que ça vient nuire aux services éducatifs dispensés aux élèves. Tous les groupes, unanimement, lui ont dit: si c'est véritablement sa préoccupation, elle doit abandonner ce critère dans l'intérêt des élèves du Québec.

(10 h 50)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je rassure encore une fois le député et les membres de cette Assemblée, M. le Président. J'écoute attentivement tous les groupes. Il n'y a cependant pas unanimité chez tous les groupes. Mais j'écoute tous les groupes qui ont un point de vue à me présenter à cet égard. Mais j'inviterais cependant le député de Marquette à se coordonner avec ses collègues de l'autre côté de la Chambre pour savoir ce qu'ils souhaitent et ce qu'ils veulent. Est-ce que c'est ce que nous a dit la députée de Jean-Talon ou est-ce que c'est Montmagny-L'Islet? Alors, une fois qu'ils se seront entendus, ils pourront revenir, peut-être, après leur consensus, nous dire ce qu'ils souhaitent.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: La ministre peut-elle s'occuper des élèves du Québec? C'est ma responsabilité, c'est sa responsabilité. Si elle s'occupe des élèves du Québec, elle va...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre est-elle consciente que sa nouvelle carte met en danger les services éducatifs dispensés aux élèves à travers le Québec dans 90 % des cas des commissions scolaires? C'est ça que les groupes nous disent. Et je répète la question à la ministre.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je ne peux que répéter ma réponse, M. le Président. C'est l'élève qui est au coeur de toutes les préoccupations en ce qui concerne les services éducatifs, l'organisation scolaire et la réussite scolaire. Il me semble que ça devrait aller de soi, que le député lui-même devrait tirer cette conclusion. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, cela met fin à la période régulière de questions et de réponses orales.


Réponses différées


Coupures de services à l'École orale de Montréal pour les sourds

Il y a cependant une réponse différée. Alors, Mme la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille va répondre maintenant à une question posée, le 14 mai dernier, par M. le député de Notre-Dame-de-Grâce concernant l'École orale de Montréal pour les sourds. Alors, Mme la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Le député de Notre-Dame-de-Grâce s'inquiétait du fait que l'on ait réduit les crédits disponibles pour l'École orale de Montréal. Comme il le sait d'ailleurs, et certains de ses collègues aussi, nous procédons, comme chaque année, à une consultation sur les règles budgétaires qui concernent autant les commissions scolaires que les institutions privées.

Dans le cas, entre autres, de cette école, c'est au contraire un effort budgétaire qui va être beaucoup moindre que ce qui est demandé à l'ensemble du réseau. Nous avons donc rajusté les sommes versées par élève, qui ont été haussées de 652 $ pour un élève du préscolaire, de 610 $ pour un élève du primaire, ce qui, dans les faits, amène l'effort budgétaire à l'ordre de 2 %, qui est bien en deçà de l'effort budgétaire demandé par ailleurs.

Par contre, comme cette institution devra aussi procéder à un effort du côté des frais liés aux ressources humaines, ça lui donnera non seulement une réduction de son budget, mais probablement une marge de manoeuvre pour encore mieux servir ses clientèles.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, puis-je rappeler à la ministre qu'il y a deux semaines, quand je lui ai posé la question, ça portait sur des élèves du Montréal Oral School for the Deaf qui sont intégrés dans des commissions scolaires, pas à l'institution privée, mais bel et bien dans le système public. Et la question que je lui ai demandée, il va falloir que je la repose parce qu'on n'a toujours pas de réponse: Pourquoi est-ce que la ministre a changé des règles budgétaires pour les élèves en déficience auditive dans des commissions scolaires, ce qui fait en sorte qu'il y a un manque à gagner de 200 000 $ pour 100 élèves intégrés dans des commissions scolaires, un manque à gagner qui va faire en sorte que, selon tous les intervenants, «deaf pupils loosing help needed to integrate»?

That's the question, Mr. Speaker. It has nothing to do with the financing of the Montréal Oral School, but everything to do with the budgetary regulations brought down by this minister which cuts funding for integrated students in school boards. That's the question.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: C'est un autre aspect que le député soulève, M. le Président, et je vais lui répondre, si on cesse de s'énerver de l'autre côté, là. Un peu de calme, quand même.

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille.

Mme Marois: Alors, M. le Président, nous avons effectivement revu les critères concernant le nombre d'enfants desservis par professeur ou par professionnel et nous avons ainsi réajusté toutes les sommes versées aux écoles spécialisées ou aux commissions scolaires pour tenir compte des problèmes particuliers que vivent certains enfants. Dans le cas des élèves handicapés auditifs, le ratio pour servir ces élèves – et c'est exactement la question que soulève le député à ce moment-ci – le ratio était de l'ordre d'un professeur pour quatre jeunes. Nous avons réévalué la situation et, maintenant, nous transférons les ressources budgétaires sur la base d'un professeur pour six élèves. Il me semble que cela reste raisonnable pour les services à rendre auprès de ces enfants, étant entendu que, selon le degré de gravité du handicap de l'enfant, on pourra retrouver huit, ou neuf, ou 10 élèves avec un même professeur, mais aussi en trouver un ou deux que l'on accompagnera d'une façon plus précise et plus spécialisée, si on veut, M. le Président.


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 145

Le Président: Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille proposant que le principe du projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, soit adopté.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

(11 heures)

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:63

Contre:38

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. En conséquence, le principe du projet de loi n° 145 est adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je demanderais le consentement, avant d'aborder les motions sans préavis, de pouvoir à ce moment-là...

Une voix: La motion.

M. Bélanger: Oui.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Avant d'aborder les motions sans préavis, je demanderais le consentement pour faire les avis touchant la commission qui fait les auditions particulières relativement au projet de loi n° 109.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle me dit qu'il y a consentement. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'éducation poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures ainsi que de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.


Motions sans préavis

Le Président: Cet avis étant fait, nous passons maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Souligner la Semaine de l'environnement et de la faune

M. Cliche: Oui, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne de façon particulière la Semaine de l'environnement et de la faune qui se déroule du 26 au 30 mai 1997 et qui fournit aux Québécois et aux Québécoises l'occasion de réaffirmer l'importance que représentent la protection de l'environnement, la conservation et la mise en valeur de nos ressources.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre... Une intervention de chaque côté. Alors, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Oui, M. le Président. Je pense que la société québécoise est maintenant, en matière de protection et de mise en valeur de l'environnement et de la faune, ce que je pourrais qualifier de société mature. Étant dans le milieu de l'environnement et de la faune depuis plusieurs années, je voudrais témoigner à cette Assemblée du fait que les citoyens et les citoyens corporatifs ont intégré de façon fondamentale les notions de protection, de mise en valeur et de conservation de l'environnement et de la faune. Les citoyens et je pense qu'à cet égard les étudiants des écoles que je fréquente lorsqu'on m'invite... Il est notoire de remarquer que les citoyens et les étudiants sont préoccupés de la protection, de la conservation de l'environnement et de sa mise en valeur. En fait, la mise en valeur de l'environnement et de la faune, ce n'est plus une mode, c'est maintenant rendu une façon de faire. Les citoyens nous demandent, à juste titre, de faire la démonstration que l'environnement et la faune sont correctement protégés et mis en valeur au Québec, et, à cet égard, il y a eu, au fil des ans, une évolution majeure.

Je crois également fondamentalement que l'évolution la plus récente – et c'est celle qui m'a le plus frappé, on peut parler à cet égard en termes de mois – c'est l'évolution des mentalités et de l'approche, en matière de conservation de l'environnement et de protection de l'environnement, au niveau des citoyens corporatifs. Il y a quelques années, souvent on entendait des gens, des entreprises qui mettaient en contradiction la protection de l'environnement et le développement économique. Or, maintenant, toutes les grandes associations industrielles que je rencontre, tous les patrons, tous les citoyens corporatifs que je rencontre, de façon unanime, évitent de mettre en contradiction la protection de l'environnement et le développement de l'économie.

Autant les citoyens ont compris que la protection de l'environnement et de la faune et sa mise en valeur correcte étaient nécessaires à l'épanouissement de la société – non seulement à la protection des ressources, mais à la protection de leur santé – autant les entreprises, maintenant, les citoyens corporatifs, au Québec, en 1997, sont unanimes à dire que la conservation de l'environnement, sa mise en valeur et la conservation de la faune et sa mise en valeur sont essentielles au développement continu et au développement économique du Québec.

Il n'y a plus une entreprise forestière, il n'y a plus une entreprise quelle qu'elle soit, au Québec, qui dise que l'exploitation éhontée malheureusement qu'on a connue dans les années, dans les décennies et même dans le siècle précédents, est quelque chose qui doive perdurer. Toutes les entreprises savent que, pour se développer au Québec, elles doivent le faire dans le respect de l'environnement. Non seulement pour conserver les ressources essentielles à leur développement – c'est ça, la révolution des derniers mois, et c'est vraiment celle-ci que j'ai vue dans les derniers mois – mais pour atteindre les marchés internationaux les entreprises sont maintenant convaincues qu'elles doivent démontrer à la face du monde que les biens, les produits et les services qui sont faits sur le territoire du Québec le sont dans le respect de l'environnement, dans le respect de la faune, et dans le respect de ses habitats. Et c'est ça, je pense, la révolution que nous avons vécue dans les derniers mois, sinon les dernières années. C'est à l'effet que nos entreprises qui veulent progresser, qui veulent se développer, doivent le faire en s'accaparant leur juste part des marchés internationaux.

Le Québec est maintenant une société tournée carrément vers les exportations, vers le libre-échange. C'est plus de la moitié, près de 40 % – je pense que c'est plus de 40 % – de notre PIB qui est représenté par des exportations. Et maintenant toutes les entreprises sont convaincues que, pour atteindre ces marchés internationaux, elles doivent être en mesure de faire la démonstration, sans l'ombre d'un doute, que les biens, les produits et les services qui sont issus de notre territoire, issus de nos entreprises, se font dans le respect de l'environnement, dans le respect de la faune, dans la conservation et une juste mise en valeur de ces deux éléments.

Je pense que la société québécoise est maintenant une société mature. Je pense que la société québécoise peut dire qu'au Québec le développement durable, c'est beaucoup plus qu'un slogan qui a été malheureusement souvent trop utilisé sans sens profond. La conservation de l'environnement et de la faune, au Québec, c'est réel. La conservation et la mise en valeur de l'environnement et de la faune au Québec se fait dans un effort collectif global, dans une perspective de partenariat qui est vraiment, je pense, on peut le dire, tout un honneur pour le Québec.

À la lumière de ce que nous pouvons faire, à notre image, le développement durable au Québec, c'est une réalité. Et je pense que tous les citoyens et les citoyennes du Québec vont réaliser encore une fois cette semaine comment pour les citoyens, comment pour les citoyens corporatifs cette valeur fondamentale de la faune et de l'environnement est vraiment incrustée dans nos mentalités, dans nos façons de faire. Et ceci, je pense, est tout à l'honneur de la société. Et ceci, je pense, est gage de sécurité pour les générations qui nous suivent. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aimerais joindre ma voix à celle du ministre pour accepter la présentation et l'adoption de cette motion, M. le Président. Je dirais, avec le ministre, qu'effectivement nous avons fait beaucoup de chemin au Québec depuis les 20 dernières années, et non seulement au Québec, je dirais, mais mondialement.

Je me rappelle – et je pense qu'on se rappelle tous – qu'il y a une vingtaine d'années, 25 ans, la question environnementale était une question marginale, laissée aux groupes que d'autres voyaient comme des radicaux, des gens qui prenaient des fois des mesures spectaculaires pour essayer d'attirer l'attention sur des problèmes très réels, M. le Président. Si on est rendu au point aujourd'hui où des entreprises, certaines entreprises – je ne dirai pas toutes parce que nous avons encore trop de situations de citoyens corporatifs qui ne font pas leurs devoirs, M. le Président – si nous sommes rendus au point aujourd'hui où ces corporations voient que c'est dans leur intérêt d'être des bons citoyens corporatifs, c'est probablement parce qu'ils ont compris que les mentalités ont évolué et que c'est les citoyens finalement et ce que nous avons mis de l'avant comme mesures, comme engagements, comme objectifs qui les ont forcés à devenir des bons citoyens corporatifs parce qu'effectivement ils ont compris que c'est dans leur intérêt.

(11 h 10)

C'est une constatation, je pense, qu'il ne faut jamais perdre de vue, parce que le développement économique laissé à lui seul a trop tendance à oublier le moyen et le long terme, à être concentré sur le court terme, concentré sur le profit, concentré sur l'immédiat, et nous avons vu que ça a été comme ça pendant des décennies, M. le Président. Des décennies qui ont fait en sorte que nous sommes rendus au point où l'hémisphère du nord, finalement, consomme un très, très grand pourcentage de ce qui est produit, contribue pour un énorme pourcentage de la pollution par rapport à l'hémisphère du sud, parce que pendant des décennies le développement économique, ça s'est fait sans contrainte, sans aucune considération pour l'avenir, M. le Président.

Cette notion d'avenir devient de plus en plus importante parce que, finalement, on s'est rendu compte que, si on continuait sur cette lancée, on allait s'écrouler, M. le Président, parce que finalement la terre, la planète, ce n'est qu'un petit vaisseau spatial dans l'espace. Rien ne se perd et rien ne se crée. Alors, quand on crée de la pollution en transformant des ressources naturelles en pollution, si on avait continué sur cette lancée-là, on se retrouverait noyés dans nos propres déchets, pour utiliser un terme parlementaire, M. le Président.

Alors, on a compris. On a commencé à comprendre à partir de gestes posés par des précurseurs de ce que nous sommes ici aujourd'hui, des gens conscients de l'importance de l'environnement. Je pense à Greenpeace, je pense à d'autres groupes, M. le Président, qui ont posé des gestes assez spectaculaires, qui ont été condamnés à l'époque par les différents gouvernements, par les ministres qui siégeaient dans les différents Parlements à travers le monde industrialisé, plus que d'autres, M. le Président, mais qui ont fait en sorte que nous sommes rendus au point aujourd'hui où les armes nucléaires sont sur le chemin de la destruction. On est encore loin d'avoir atteint ce but-là. On s'est rendu compte que l'ozone était un problème réel pour tout le monde, donc on a commencé à changer notre façon de produire nos réfrigérateurs, etc.

Le défi qui reste, et c'est peut-être l'occasion que des semaines comme celle-ci nous donnent, c'est de faire comprendre véritablement le sens, la notion du développement durable. On parle beaucoup du développement durable, mais il faut véritablement opérationnaliser cette notion, M. le Président, en faisant comprendre aux gens que ça veut dire qu'il y a des limites au développement économique. Ces limites-là sont en fonction de la capacité de continuer à produire dans l'avenir, à partir de ces mêmes ressources, pour les générations futures. Parce que, si on ne tient pas compte de cette dynamique que cette définition de développement durable introduit, on va se retrouver à justifier, pour toutes sortes de raisons, les exceptions à tel genre de projet ou tel autre projet, M. le Président, en fonction des besoins immédiats. Donc, il faut toujours amener les gens à essayer de penser en fonction de l'avenir, en fonction des besoins des générations futures, et c'est le défi que nous avons.

Je sais que le ministre a un certain défi de taille avec certains de ses collègues au niveau, par exemple, du développement des porcheries, au niveau du développement d'autres situations ici qui mettent en opposition l'intérêt immédiat des gens et l'intérêt des générations futures. Nous, de ce côté-ci, M. le Président, on a, depuis un bon bout de temps, pris le virage du développement durable. Nous souscrivons à ce concept assez clairement. Nous voulons le voir s'appliquer à l'ensemble des ressources naturelles du Québec. On parle beaucoup de l'eau de ce temps-ci, il faudrait aussi qu'on tienne compte de cet aspect-là quand on regarde l'ensemble de cette question, et il faut faire ces démarches de façon globale.

Ça étant dit, M. le Président, il me fait plaisir de participer avec le ministre à faire adopter à l'Assemblée nationale cette motion qui nous rappelle que nous ne sommes finalement que passagers, et passagers sur un vaisseau que nous partageons ensemble, avec les autres Québécois, avec les autres Canadiens, avec les autres habitants de la terre. Ça nous permettra peut-être d'avoir une perspective d'avenir plus large par rapport à notre moyen de se gérer nous-mêmes, en se rappelant que nous sommes tous interreliés, et tous très interdépendants, et que, peut-être, il y en a de ce côté-là qu'on devrait commencer à regarder aussi sur le plan politique. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, si je comprends bien les interventions, la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. M. le député de Jacques-Cartier, maintenant.


Féliciter et remercier les Infirmières de l'Ordre de Victoria à l'occasion de leur 100e anniversaire

M. Kelley: Oui. Je sollicite le consentement de l'Assemblée nationale pour considérer la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite et remercie les Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada, à l'occasion de leur 100e anniversaire, pour leur contribution à la société québécoise et notamment pour les soins donnés à la population.»

«That the National Assembly congratulate and thank the Victorian Order of Nurses for its contribution to Québec society, notably for the care given to the population, on the occasion of its 100th anniversary.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Consentement sans débat.


Mise aux voix

Le Président: Adoption sans débat. Alors, la motion est adoptée?

Une voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: M. le leader du gouvernement, à l'égard des avis touchant les travaux des commissions.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, j'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques procédera à l'étude du projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, immédiatement après l'étude du projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, de 15 heures à 18 heures et de 22 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Pour ma part, je vous avise que la commission des institutions se réunira en séance de travail aujourd'hui, le mercredi 28 mai, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

L'objet de cette séance sera d'examiner en présence du ministre de la Justice l'avant-projet de règlement découlant de la Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif et d'autres dispositions législatives concernant l'éthique et la déontologie, chapitre 6 de 1997. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: J'ai aussi d'autres avis à donner. Je m'excuse, M. le Président...

Le Président: Ça va.

M. Bélanger: ...les documents n'étaient pas en ma possession:

Que la commission de la culture poursuivra l'étude du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude du projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 22 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, aujourd'hui, de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Très bien. Alors, en ce qui me concerne, je voudrais également aviser les leaders et les autres membres de la commission de l'Assemblée nationale que je vais tenter de faire en sorte que jeudi on puisse réunir la commission de l'Assemblée nationale peut-être dans l'heure du midi.

Alors, renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

S'il n'y a pas d'intervention, nous allons passer immédiatement aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 16 de notre feuilleton.

Le Président: L'article 16, hein, vous dites?

M. Bélanger: Oui.


Projet de loi n° 139


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 16, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 139, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières. M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, le projet de loi que je propose est à la fois un projet important dans l'historique de la réglementation des valeurs mobilières au Québec – c'est vraiment une rupture avec plusieurs traditions pour les remplacer par des façons de faire nouvelles – et, en même temps, c'est un projet très technique. Alors, je ne vais pas entrer profondément dans ces techniques, d'abord, parce que ça serait un peu artificiel – seuls les grands techniciens peuvent vraiment bien le faire – et, deuxièmement, je ne voudrais pas non plus ennuyer cette Assemblée.

Les objectifs visés par les modifications que je propose sont d'abord de responsabiliser davantage les participants au marché des valeurs mobilières, d'accorder à la Commission toute la souplesse d'action requise pour lui permettre d'assurer un leadership. Actuellement, cette Commission est un organisme gouvernemental financé à même les crédits alloués au ministère des Finances, et plus spécifiquement par le programme 7. Elle est également régie par la loi de la fonction publique.

Par conséquent, comme toutes les instances gouvernementales, la Commission a subi des diminutions de budget et de personnel, alors que d'importants phénomènes sont venus bouleverser le marché des valeurs mobilières à peu près au même moment. Le secteur des valeurs mobilières est névralgique pour l'économie du Québec, tous les Québécois et Québécoises sont d'accord là-dessus. On se souvient de ce qui s'est passé récemment avec Bre-X. Une mésaventure de ce genre a pu quand même se retrouver parmi les 100 premières valeurs de la Bourse de Toronto, dans les 100 premiers du TSE. Donc, on n'est jamais trop prudent, puis il ne faut jamais que notre vigilance s'endorme.

(11 h 20)

Ici même, vous vous en souvenez, dans notre Assemblée, il y a eu unanimité de la part des députés pour adopter, le 4 juin 1996, une résolution demandant au gouvernement fédéral d'abandonner son projet de commission nationale des valeurs mobilières et pour affirmer clairement la volonté du Québec de poursuivre avec les autres provinces le processus d'harmonisation en matière de valeurs mobilières. Et notre opposition loyale et officielle avait souscrit à cette attitude.

Le ministre des Finances fédéral, Paul Martin, a quand même poursuivi son projet. Ce n'est pas la première fois qu'ils passent par-dessus la volonté unanime de l'Assemblée nationale du Québec. Ils l'ont même fait pour la Constitution du Canada, en 1982, on s'en rappelle, mettant fin d'ailleurs au pacte entre les deux peuples, question qui n'est pas réglée depuis ce temps. Alors, il a continué comme si rien n'était. En début d'année, il a d'ailleurs transmis aux ministres responsables du secteur des valeurs mobilières dans toutes les provinces sauf le Québec un protocole d'entente devant servir de base à la mise en oeuvre d'une telle commission.

Tout en reconnaissant que le Québec avait déjà clairement indiqué qu'il n'était pas en faveur de la création d'une commission canadienne des valeurs mobilières, M. Martin a fait valoir, dans une lettre qu'il me transmettait le 23 janvier, que d'autres provinces avaient indiqué qu'elles étaient disposées à considérer la question. Pour cette raison, il demandait aux ministres provinciaux de lui donner une réponse au début du mois de février 1997. Mais le ministre des Finances fédéral n'a pas dit un mot sur la résolution que les membres de l'Assemblée nationale ont approuvée unanimement en juin dernier.

Décidément, on dirait que la capitale fédérale du Canada est beaucoup plus loin que les rives ouest de la rivière des Outaouais, parce qu'une motion unanime de notre Assemblée nationale ne les atteint pas. Cette résolution avait pourtant également reçu l'appui de l'industrie québécoise des valeurs mobilières au complet. Alors, on peut ignorer l'Assemblée nationale, ce qui est déjà une chose extrêmement grave et antidémocratique, mais ignorer en même temps toute l'industrie, ça signifie que l'Assemblée nationale était en prise directe sur les gens intéressés.

J'ai profité de l'occasion pour réitérer à M. Martin la position du Québec, de la Bourse de Montréal, de l'Association des courtiers en valeurs mobilières, section Québec, et de la presque totalité des autres participants québécois au marché des valeurs mobilières. Tous rejettent la création d'une commission fédérale des valeurs mobilières. Une telle commission serait néfaste pour l'efficacité de nos marchés, le développement de notre économie et la protection des investisseurs. Une des craintes majeures consiste en ce que la centralisation des pouvoirs réglementaires à Toronto, comme le prévoit le protocole d'entente, entraîne également celle des décisions et de l'expertise des marchés.

Cette crainte de la centralisation de l'activité en valeurs mobilières à Toronto est partagée par d'autres provinces. À plusieurs reprises, les provinces, particulièrement de l'Ouest, ont critiqué cet aspect du projet. En fait, c'est toujours dans la logique. Dans la logique canadienne, ça peut avoir du sens; dans la logique québécoise, ça n'en a aucun. Dans la logique canadienne, qu'est-ce qu'on a dit? Le Canada, dans ce temps-là, quand ces décisions ont commencé à être claires, avait à peu près 25 000 000 d'habitants. On a dit: Un pays de 25 000 000 d'habitants ne peut pas avoir deux centres financiers majeurs, quand on sait qu'un pays de 300 000 000 d'habitants, juste au sud, la plus grande puissance du monde, en a deux, deux et demi, et ça finit là, pour un ratio de plus que un à 10.

Alors, ils ont décidé que ce serait Toronto. Il y avait une certaine logique là-dedans, parce qu'on dit: Si on a un centre financier majeur, il faut qu'il soit dans la ville qui représente la culture et la langue dominante et majoritaire du Canada, Toronto. De leur point de vue, ça se défendait. Pour Montréal, évidemment, c'était poison, comme beaucoup d'autres politiques fédérales ont été poison pour Montréal et qui pouvaient se défendre dans la logique canadienne.

Alors, le projet n° 139 s'inscrit justement dans cette même volonté du Québec d'assumer ses compétences. Le projet fait également suite aux discussions tenues lors de la consultation générale, en juin 1996, de la commission du budget et de l'administration, à laquelle nous avons participé, et l'opposition y a participé de façon très positive d'ailleurs.

On se rappellera qu'un peu avant la commission parlementaire de juin 1996 j'avais déposé un document d'accompagnement du rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la loi des valeurs mobilières, un rapport quinquennal déposé à la fin de 1993 par le gouvernement précédent. Dans ce document d'accompagnement intitulé Décloisonnement et globalisation: s'adapter aux nouveaux enjeux , j'actualisais le rapport quinquennal en modifiant certaines de ses recommandations et j'y proposais aussi de nouveaux enjeux, dont un sur un pouvoir habilitant la Commission des valeurs mobilières du Québec à récupérer auprès des personnes concernées les frais payés à un tiers.

Alors, tout ça se retrouve dans notre projet de loi ainsi que plusieurs autres transformations techniques dont j'ai dit que je n'allais ni les énumérer ni les expliquer en profondeur. Alors, M. le Président, le projet de loi n° 139, il est donc globalement important, pour les raisons que j'ai évoquées et par le fait qu'il transforme la Commission des valeurs mobilières du Québec en un organisme financièrement autonome et mieux en mesure de répondre rapidement aux besoins des marchés et aux préoccupations des participants aux marchés.

À l'aube du XXIe siècle, ce projet de loi fait franchir un grand pas à la Commission pour lui donner des outils non seulement pour surveiller efficacement les marchés québécois, mais également participer activement au processus d'harmonisation des réglementations dans l'espace économique canadien et aussi au plan international. Avec la globalisation des marchés et l'internationalisation, la participation de la Commission à ces forums d'harmonisation est non seulement nécessaire, mais indispensable. Les grandes orientations affectant le développement réglementaire pour les années à venir s'y prennent et le Québec se doit d'y être actif par les décisions qui y sont prises affectant par la suite son économie.

En terminant, j'ajouterai, dans cette optique de la réglementation, que je présenterai un peu plus tard un autre projet de loi modifiant, cette fois-ci, la Loi sur les valeurs mobilières elle-même pour donner suite aux autres enjeux qui ont été discutés lors de la commission parlementaire de juin 1996. Je soumets donc à cette Assemblée le projet de loi n° 139 modifiant la Loi sur les valeurs mobilières pour l'adoption du principe qui le sous-tend et vous remercie de l'attention que vous y avez accordée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Brièvement, le projet de loi n° 139, qui est déposé par le ministre des Finances, fait suite aux travaux d'il y a un an de la commission parlementaire du budget et de l'administration qui a rencontré à peu près tous les intervenants majeurs du monde des valeurs mobilières. La majorité des gens – et le ministre y était accompagné du président de la Commission des valeurs mobilières – que nous avons entendus en commission parlementaire ont fait état de l'importance qu'il y aurait de faire en sorte que la Commission des valeurs mobilières ne demeure pas un organisme sous tutelle du ministre des Finances mais prenne un peu un certain épanouissement, un peu son envol, devienne un organisme extrabudgétaire, c'est-à-dire un organisme qui, puisqu'il reçoit des fonds des gens qui veulent par exemple demander à la Commission des valeurs mobilières d'étudier des prospectus et autres, et donc qui sont chargés par la Commission des valeurs mobilières pour ce faire... Donc, la Commission des valeurs mobilières reçoit des sommes de plusieurs groupes et la Commission pourra maintenant regarder, accorder et conserver ces sommes-là. Donc, la Commission va pouvoir générer à partir de ces revenus ses activités futures.

L'opposition officielle, à l'époque, avait aussi demandé au ministre des Finances de transformer la Commission des valeurs mobilières en organisme extrabudgétaire, puisque la Commission des valeurs mobilières, sauf erreur – le ministre me corrigera demain en commission parlementaire, s'il y a lieu – générait des revenus de 18 600 000 $ et avait des dépenses d'à peu près 8 000 000 $. Nous trouvions que c'était passablement exagéré de récupérer 10 000 000 $ finalement par une espèce de taxe cachée qui faisait en sorte de voir 10 000 000 $ retourner dans le fonds consolidé mais pour lesquels les investisseurs et les citoyens et citoyennes en général, qui doivent être protégés par la Commission des valeurs mobilières, ne pouvaient recevoir de services.

La Commission comme telle aura plus de latitude, je pense, pour l'étude de ses prospectus à venir compte tenu qu'elle pourra, j'imagine, diminuer ses frais d'inscription, et donc à ce moment-là devenir encore plus compétitive par rapport à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario ou aux autres commissions des valeurs mobilières des autres provinces. De plus, on peut ajouter que cette vision de la Commission des valeurs mobilières qui est endossée par l'opposition, qui a été suggérée par l'opposition l'an dernier, est vue de façon très positive par à peu près tous ceux avec qui j'ai pu m'en entretenir. Même le président de la Bourse était tout à fait d'accord avec cette vision-là. Donc, M. le Président, nous serons en faveur du projet de loi.

(11 h 30)

Toutefois, et je le signale tout de suite au ministre puisqu'on m'a indiqué que demain nous devrions procéder à l'analyse article par article du projet de loi, on m'indique que des employés de la Commission des valeurs mobilières du Québec sont inquiets quant à leur statut futur, compte tenu de la transformation de la Commission des valeurs mobilières, qui, ni plus ni moins, est assujettie à la loi de la fonction publique, pour devenir un organisme paragouvernemental et pratiquement un organisme privé.

Je suggère au ministre, et particulièrement au personnel qui travaille avec lui, de s'informer d'une autre transformation d'un organisme, il y a à peu près une quinzaine d'années. La Direction des services informatiques aux réseaux du ministère de l'Éducation a été transformée pour devenir le groupe responsable de l'informatique dans les commissions scolaires, la GRICS, et cet organisme a réussi à faire le pont entre la Loi sur la fonction publique, protégeant les anciens employés de la DSIR qui sont allés travailler à la GRICS et leur permettant de pouvoir conserver leur statut de membre de la fonction publique en demeurant au ministère de l'Éducation. Ce même genre de solution pourrait être regardé pour les futurs employés de la CVMQ, la Commission des valeurs mobilières du Québec.

En ce qui concerne le volet plus politique soulevé par le ministre, concernant cette volonté unanime de l'Assemblée nationale déjà exprimée à l'égard de ne pas vouloir faire en sorte que le gouvernement fédéral puisse empiéter dans une juridiction tout à fait provinciale à l'égard de la gestion des valeurs mobilières du Québec, j'ajouterais tout simplement à ce que le ministre a déjà dit que, déjà en 1994, le premier ministre du Québec de l'époque, le député de Vaudreuil et chef de l'opposition maintenant, avait écrit au ministre des Finances sur le sujet et avait déjà répudié l'idée même d'avoir une Commission des valeurs mobilières canadienne. Le gouvernement du Québec à l'époque avait déjà dit que le Québec n'adhérait pas à cette vision-là. Que l'Assemblée nationale ait par la suite adopté unanimement la résolution dont on parlait précédemment, c'est tout à fait dans le sens de politiques que nous avons déjà établies depuis maintenant trois ou quatre ans. J'ai eu personnellement des discussions avec le ministre des Finances fédéral et j'ai eu le soin de défendre cette position-là de façon tout à fait personnelle et aussi au nom de notre formation politique, M. le Président.

Ceci étant dit, le ministre des Finances laissait entendre qu'un pays de 25 000 000 d'habitants ne pouvait pas avoir deux centres financiers majeurs. Je sais que le ministre des Finances a voyagé suffisamment pour... Je peux lui en nommer, des pays qui ont même moins que 25 000 000 d'habitants et qui ont deux centres financiers majeurs. Le plus petit qui me vient à l'idée rapidement est un pays d'à peu près 6 000 000 d'habitants, c'est la Suisse, un tout petit pays. Il y a deux centres financiers majeurs en Suisse, M. le Président, Zurich et Genève. Alors, M. le Président, Zurich regroupe la partie, je dirais, peut-être plus importante sur le plan de ses activités financières, axée particulièrement par la culture alémanique, tandis que Genève reçoit et regroupe une grande partie des centres financiers qui sont plutôt de culture francophone et romane. De ce fait, M. le Président, le premier pays qui me vient à l'esprit, c'est celui-là. Il y a effectivement deux centres financiers majeurs en Suisse, un à Zurich et l'autre à Genève.

Ceci étant dit, M. le Président, il sera intéressant, en commission parlementaire, demain, de regarder comment la proposition du ministre des Finances à l'égard des modifications concernant la Commission des valeurs mobilières... il sera intéressant de regarder, dis-je, comment la future Commission des valeurs mobilières pourrait desservir d'autres provinces qui pourraient être tentées ou qui pourraient accepter d'avoir leurs prospectus étudiés par une unité centrale comme notre Commission des valeurs mobilières. J'ai déjà discuté de ce sujet-là avec d'autres ministres des Finances dans d'autres provinces, particulièrement de l'Atlantique, et ils y verraient un intérêt. Alors, demain on pourra regarder cette question-là ensemble.

J'ajoute, pour terminer, que les gens que nous avons rencontrés en commission parlementaire l'an dernier, pendant toute la première semaine du mois de juin – donc ça fait déjà un an – ont aussi non seulement demandé des modifications à la Loi sur les valeurs mobilières, et particulièrement à la formation de la Commission des valeurs mobilières, mais ont aussi fait d'autres demandes. Je souhaite – et je l'ai déjà dit au ministre – que le ministère des Finances, que le ministre des Finances dépose le plus rapidement possible ce que je pourrais appeler la deuxième phase de la loi modifiant les valeurs mobilières de façon à ce qu'on puisse accélérer le processus de modification de cette loi et de façon à la rendre plus efficace et plus dynamique le plus vite possible, parce que les marchés financiers de Montréal, M. le Président, ont besoin de moderniser leur loi, et la partie de modernité que nous avons aujourd'hui n'est en fait que la moitié ou le tiers de ce qui doit être fait en ce qui concerne les valeurs mobilières. Le ministre le sait, et j'encourage le ministre à nous déposer son projet de loi le plus rapidement possible, même dans ces jours-ci, pour qu'on puisse étudier et donner des outils plus appropriés au monde et au marché des valeurs mobilières des Montréalais de façon à ce qu'il demeure compétitif et qu'il prenne un peu plus de force, même par rapport au marché canadien.

Le député de Crémazie sait fort bien que le marché des valeurs mobilières, la Bourse de Montréal par exemple, n'a plus comme contrôle que 13 % à 14 % de l'ensemble du marché des valeurs mobilières canadiennes. 75 % du marché est concentré à Toronto et presque 10 % à 12 % est maintenant concentré sur la Bourse de Vancouver. Alors, M. le Président, il est urgent de donner des outils les plus performants à l'ensemble des gens qui travaillent dans le marché des valeurs mobilières à Montréal le plus rapidement possible, de façon à ce qu'ils soient les plus efficaces possible, les plus compétitifs possible et qu'ils puissent permettre à la Bourse de Montréal de connaître un nouveau bond vers l'avant. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Il n'y a pas d'autres intervenants? Je vais céder la parole à M. le ministre pour sa réplique, quelques minutes.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): Ce sera une très brève réplique, surtout pour souligner les points de convergence. Les points de convergence, c'est que ni l'opposition ni le gouvernement ne veulent que le gouvernement du Canada vienne dans nos juridictions constitutionnelles s'occuper de valeurs mobilières. Ils en ont assez, là, ils ont 600 000 000 000 $ de déficit chez eux. Ils ont plein de problèmes de tous horizons, qu'ils s'occupent donc de leurs affaires. Et, en plus, sur le plan constitutionnel, ça devient une sinistre plaisanterie. Tous les parlementaires québécois, depuis pratiquement 1867, disent à Ottawa: Respectez la Constitution, respectez le texte. En plus, ils nous l'ont imposé en 1982, malgré nous, et ils ne respectent pas le texte non plus. En fait, ça n'a jamais été des fédéralistes, ces gens-là, malgré ce qu'ils prétendent, hein? De toute façon, au début, ils ont fait croire à nos arrière-grands-pères et arrière-grands-mères que c'était une confédération. Donc, ils devraient se dénommer confédéralistes; mais ça, ils ne font pas ça, parce que c'est trop décentralisé au goût de ces gens qui, au fond, sont des unitaristes. Alors, ils se disent fédéralistes puis ils violent le fédéralisme à tous les jours, de toutes les façons, dans son esprit et dans sa lettre. C'est ça qu'ils font. Au moins, nos fédéralistes d'en face – ce qui n'est pas une vertu, de toute façon, d'être fédéraliste, mais en tout cas – essaient de sauver les apparences en disant que les juridictions du Québec doivent être respectées. En tout cas, je suis reconnaissant à l'opposition officielle de le faire là-dessus.

Un autre point de convergence, les employés. Le député a fait remarquer qu'il y avait peut-être un petit problème avec les employés. Je vais demander immédiatement que ce problème soit examiné et les employés confortés s'ils peuvent l'être, parce que la réforme de la commission, ce n'est pas pour ameuter les employés, c'est pour que le climat soit meilleur et pour que tout le monde travaille mieux.

Un petit point de divergence. Dans les fameux «road shows» du ministère des Finances – puis mon collègue de Laporte les a peut-être déjà faits – quand nous allons en Suisse, c'est à Zurich que nous allons. Malheureusement, moi, j'adore Genève, c'est un endroit extraordinaire, c'est l'endroit de la langue minoritaire, puisque c'est le français, mais les choses importantes se passent à Zurich et, de toute façon – et ça, mon collègue serait d'accord – citer la Suisse en exemple sans réserve sur ces questions, ça sent le soufre, pour diverses raisons. On sait que le secret bancaire a été utilisé pour des choses assez odieuses, et c'est de plus en plus clair. Je ne parle pas juste de cette horrible affaire de l'or des Juifs massacrés par les Nazis, mais je parle aussi de plusieurs dictatures peu sympathiques qui ont consolidé le potentiel bancaire suisse pendant plusieurs années.

Alors, je redis ce que j'avais dit, au Canada, dans des lignes d'éthique plus rigides et plus conventionnelles, je ne suis pas d'accord avec ça, mais il était cohérent que des Torontois disent: Le centre majeur financier du Canada, il va être à Toronto parce que c'est l'endroit de la langue majoritaire. C'est pour ça que nous sommes souverainistes, d'ailleurs, et c'est pour ça qu'on veut que, appliquant la logique d'un centre financier majeur par pays, il y en ait un qui soit à Montréal, au pays du Québec.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 139, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières, est-il adopté?

(11 h 40)

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

Mme Caron: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 10 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous avez bien dit 6?

Mme Caron: L'article 10.


Projet de loi n° 120


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ça va. À l'article 10, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, le projet de loi modifiant la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives ne comporte pas un très grand nombre de dispositions. Ça concerne surtout l'Inspecteur général, qu'on appelle familièrement l'IGIF, l'Inspecteur général des institutions financières. Cependant, ce projet est important, puisqu'il vise à rendre l'organisme québécois de contrôle et de surveillance des institutions financières plus productif et plus efficace dans un contexte de réduction des dépenses afférentes à ces activités.

À chaque occasion qui m'est offerte de discuter du secteur financier, que ce soit au sujet des institutions financières ou des services financiers en général, je considère indispensable de rappeler que les secteurs financiers québécois et canadien ont considérablement changé au cours des 10 dernières années. La globalisation des marchés, l'internalisation des institutions financières, le décloisonnement des activités de ces institutions et, en contre-partie, la formation de conglomérats financiers qui regroupent des sociétés impliquées dans tous les domaines du secteur financier ont entraîné des changements majeurs qui ont considérablement modifié l'environnement de cette industrie depuis la création de l'Inspecteur général, en 1983. Tous ces changements occasionnent de nouveaux défis à l'Inspecteur général pour remplir efficacement sa mission. Il en résulte donc la nécessité de modifier la structure de l'organisme pour lui permettre de se doter d'une approche de surveillance du secteur financier mieux adaptée au contexte québécois, canadien et international.

Le projet de loi n° 120 permettra justement de restructurer l'administration de l'organisme de façon à intégrer davantage les services financiers de l'IGIF. Il est devenu évident que, pour répondre à la réalité d'aujourd'hui, il faut regrouper dans une même direction toutes les ressources affectées à la surveillance des diverses institutions financières.

À la suite du décloisonnement des activités qui a été permis dans la législation au cours de la dernière décennie, les conglomérats financiers doivent être surveillés de manière consolidée et non plus seulement société par société. De même, l'équité de traitement entre les différentes catégories d'institutions financières exige une harmonisation des procédures d'analyse et d'examen et le regroupement des ressources. Bien que la spécialisation de certaines ressources de l'Inspecteur sera toujours nécessaire, le regroupement de spécialistes et de généralistes pourra également favoriser la formation d'équipes multidisciplinaires et polyvalentes qui accroîtront l'efficacité de l'organisme.

Concrètement, le projet de loi simplifie la structure permettant l'administration des lois régissant les institutions financières par l'IGIF en permettant au gouvernement de nommer un adjoint en lieu et place des surintendants actuellement prévus dans la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et dont les responsabilités sont définies en fonction des différentes catégories d'institutions financières. De plus, cet adjoint pourra agir en cas d'incapacité de l'IGIF, ce qui assurera une continuité dans les opérations. En outre, une disposition étend à cet adjoint la portée du principe d'immunité, présente actuellement dans la loi sur l'IGIF, mais uniquement pour l'Inspecteur général. Enfin, le projet de loi édicte les concordances et les dispositions utiles à l'application des modifications mentionnées précédemment.

M. le Président, je crois qu'il est nécessaire de donner à l'Inspecteur général la capacité de se doter d'une structure adaptée à l'environnement de cette industrie qui a considérablement changé depuis la création de l'organisme, en 1983. Je suis sûr que tous les députés comprendront l'importance d'adopter ce projet pour les épargnants du Québec en particulier.

Je soumets donc à cette Assemblée le projet de loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives, qui s'inscrit, comme le projet de loi précédent, dans la perpétuelle mise à jour et la modernité du secteur financier québécois et du secteur non seulement de contrôle et d'autoréglementation, comme c'était le cas pour la Commission des valeurs mobilières, mais aussi du rôle de l'État québécois en matière de sécurisation des épargnants.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laporte. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Comme vient de dire le ministre, il s'agit d'un projet de loi à saveur plutôt technique. On sait que la société québécoise évolue. Tout en ce bas monde est en mutation, les marchés aussi. Forcément, au fur et à mesure qu'évolue la conjoncture on doit s'adapter aux nouvelles réalités. Depuis quelques années, on a décloisonné les différents secteurs de sorte qu'aujourd'hui surgissent des conglomérats qui peuvent oeuvrer dans différents secteurs, alors qu'auparavant, c'était décloisonné.

On avait donc, chez l'Inspecteur général des institutions financières, des surintendants ou des spécialistes qui surveillaient chacun une partie des activités qui se déroulaient dans le monde des affaires. Aujourd'hui, forcément, puisqu'on a tendance à mettre sur pied ces conglomérats, les spécialistes risquent de ne pas s'y retrouver parfaitement. On doit donc faire en sorte que, chez l'Inspecteur général, les gens qui sont chargés de la vérification et de l'inspection aient des connaissances un peu plus vastes pour pouvoir vérifier d'un seul coup les activités des sociétés qui aujourd'hui oeuvrent dans plus d'un domaine.

Alors, la structure qui existait jusqu'à maintenant devenait donc un peu obsolète dans le sens que les spécialistes ne pouvaient pas tout vérifier. Alors, en abolissant les postes de surintendants spécialisés, surintendants aux dépôts, surintendants aussi aux assurances et surintendants aux intermédiaires de marché, on fait en sorte de remplacer ces surintendants-là par un adjoint à l'Inspecteur général qui, lui, va être mieux en mesure de mettre sur pied les mécanismes de surveillance des institutions, maintenant telles qu'elles existent.

Alors, nous, l'opposition, nous n'avons pas de difficulté avec ça. Bien sûr, ce projet de loi fait en sorte d'adapter nos structures juridiques à la réalité de ce qui se passe sur le terrain. C'est important que nos institutions soient conformes à l'évolution qu'on peut observer dans la société québécoise. Dans ce sens-là, toutes les lois, non seulement celle-ci, doivent s'adapter aux changements de l'économie, aux changements profonds que l'on peut observer dans la société québécoise.

M. le Président, c'est pourquoi nous n'avons pas de difficulté avec ce projet de loi et c'est pourquoi l'opposition, donc, lui donne son aval. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le ministre, vous n'intervenez pas? Très bien.


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Avis touchant les travaux des commissions

Mme Caron: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques procédera à l'étude du projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, immédiatement après l'étude du projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, de 15 heures à 18 heures et de 22 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, cet avis est déposé. Mme la leader adjointe, pour la suite.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 2 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 57


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 2, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les fabriques et d'autres dispositions législatives. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui, M. le Président. Ce projet de loi vise à effectuer diverses modifications à la Loi sur les fabriques. Ces modifications visent à atténuer les problèmes découlant de la diminution du nombre de prêtres, notamment en libérant ceux-ci de tâches administratives et en donnant un statut officiel aux agents de pastorale. C'est des nécessités de notre temps auxquelles nous devons nous adapter.

(11 h 50)

Elle vise aussi à autoriser explicitement les évêques à conclure des contrats visant à instaurer des régimes de retraite et d'assurances collectives pour les curés, vicaires, agents de pastorale et autres personnes rémunérées par les fabriques. Les évêques pourraient aussi obliger les fabriques à payer les primes, les cotisations exigibles en contrepartie des avantages offerts par ces régimes. De plus, les contrats de cette sorte qui sont déjà conclus par des évêques seraient confirmés. Le projet de loi n° 57 accorderait aussi aux fabriques un pouvoir d'établir et de maintenir des columbariums analogue à leur pouvoir d'établir et de maintenir des cimetières.

Le projet de loi que nous nous apprêtons à étudier donnerait suite aussi à différentes demandes des fabriques concernant leur régie interne, telles que la nomination d'un vice-président, la convocation immédiate de réunions dans les cas d'urgence, la possibilité de renoncer à l'avis de convocation à une réunion après que celle-ci ait eu lieu et la manière de convoquer les paroissiens à une assemblée générale.

Le projet de loi n° 57 vise aussi à donner suite à des modifications à la régie interne de l'Église catholique en général, et notamment à des changements dans les titres équivalents à celui d'évêque, et à la possibilité que soit nommé pour le Canada un ordinaire militaire, c'est-à-dire un évêque qui aurait autorité seulement sur les militaires et leur famille. Ces dernières modifications affecteraient non seulement la Loi sur les fabriques, mais aussi la Loi sur les évêques catholiques romains et la Loi sur les corporations de cimetières catholiques romains.

Telles sont, M. le Président, les modifications que vise à apporter le projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les fabriques et d'autres dispositions législatives. Il est évident que notre Assemblée nationale répond à la demande des évêques catholiques, et de l'Église en général, par ses instances, d'adapter nos lois aux conditions de notre temps. On l'a bien vu en matière sociale, des fonds de pension, des régimes de retraite. Quoi de plus naturel? Et aussi à cause de la modification profonde dans les usages religieux et la pratique religieuse, il est normal que nos lois suivent l'évolution de notre temps.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Laporte, je vous cède la parole.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, l'allocution que j'ai faite tout à l'heure pour le projet de loi n° 120, je pourrais la répéter presque textuellement pour le projet de loi n° 57 qui modifie la Loi sur les fabriques. Et, encore là, on peut dire que ce projet de loi vient pour tenir compte d'une réalité, réalité qui fait en sorte que, comme dans notre société les choses changent, on doit s'adapter à ces changements-là.

Le domaine des fabriques, par exemple, est un domaine qui concerne, bien sûr, spécifiquement les églises, les évêques, l'Église catholique. On sait que, depuis quelques années, les curés ont un travail de plus en plus ardu puisque leur nombre a diminué, donc ils doivent se multiplier. Les églises, elles, sont demeurées là. Mais ceux qui ont à faire en sorte d'administrer ces églises-là, enfin, ceux qui sont à même de donner, par exemple, les services religieux sont de moins en moins nombreux et doivent se multiplier à travers le territoire, de sorte que je présume que le travail qu'ils doivent effectuer, le travail administratif, devient de plus en plus onéreux compte tenu du fait que leur charge augmente vu leur petit nombre. Et, dans ce sens-là, il y a lieu de faire en sorte de permettre que ce projet de loi soit adopté de façon à alléger un peu leur tâche.

Pour ce qui est de l'aspect du projet de loi qui vise à permettre aux évêques d'instituer des régimes de retraite et d'assurances collectives au bénéfice des curés et des autres personnes rémunérées par les fabriques, il me semble qu'il était grand temps qu'on en vienne là. Je suis content de voir que le gouvernement a donné suite aux demandes des évêques. Je sais que ces demandes-là, ces discussions-là ont commencé il y a quelques années alors même que nous étions là et ça a progressé avec les autorités du ministère des Finances pour aboutir finalement à un consensus, consensus qui a été traduit dans le projet de loi que nous avons devant nous.

Alors, M. le Président, là encore, l'opposition officielle est parfaitement d'accord, surtout que ce projet de loi là émane, les demandes émanent des milieux religieux, et qu'il me semble tout à fait normal et logique qu'on puisse accorder à ces gens, les évêques, les curés, les gens qui oeuvrent dans ce domaine, les mêmes avantages que les autres travailleurs de notre société.

M. le Président, c'est donc avec plaisir que l'opposition officielle va concourir à l'adoption de ce projet de loi.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Sur ce, je mets le projet de loi au vote. Le principe du projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les fabriques et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe.

Avis touchant les travaux des commissions

Mme Caron: M. le Président, j'avise aussi cette Assemblée que la commission des finances publiques procédera à l'étude du projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les fabriques et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, immédiatement après l'étude du projet de loi n° 95 et du projet de loi n° 120, de 15 heures à 18 heures et de 22 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cet avis est déposé. Mme la leader adjointe, pour la suite.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 106


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 6, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 21 mai dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse. Le dernier intervenant était M. le député de Louis-Hébert. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Comme c'est le cas à chaque fois que le gouvernement propose une mesure législative qui va dans l'intérêt général de la population, l'opposition officielle va appuyer l'intervention. Ici, il s'agit d'une modification à la Loi sur la presse qui est relativement simple. Comme vous le savez, M. le Président, le Québec s'est doté d'un instrument législatif, il y a plusieurs années, qui vise à empêcher qu'une personne qui se sent lésée soit obligée d'aller seulement devant les tribunaux pour avoir une rétractation. Le législateur, dans sa sagesse, a prévu une loi dans laquelle la personne qui se sent lésée, brimée par des propos qui ont été écrits dans les journaux a le droit de demander une rétractation. Si le journal obtempère et fait la correction qui s'impose, ce ne sont que les dommages réels subis qui peuvent faire l'objet d'une poursuite éventuelle. C'est bon pour la liberté de la presse et c'est bon pour le public.

Il y avait un petit problème cependant. La loi en question, la Loi sur la presse, ne s'appliquait qu'aux journaux qui étaient vendus. Or, de nos jours, surtout pour ce qui est des hebdos, des journaux dans les régions, il y a souvent une distribution gratuite. Donc, cette protection de la Loi sur la presse ne s'appliquait pas aux journaux régionaux, et c'est ce qu'on vient corriger avec le projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse.

Bill 106, Mr. Speaker, provides that the Québec Press Act, which is an excellent tool that exists in Québec Law, will now be able to be applied not only to those newspapers that are sold on the newsstands, but also to those that are distributed free of charge, which is often the case for regional weekly newspapers.

Briefly, Mr. Speaker, the Québec Press Act has, for a number of years, existed as sort of a balance between the rights of the individual to have a manifest error corrected when it was printed in the newspaper, or something that could be perceived to have been libelist, have it corrected, and it helps both the individual and the freedom of the press, because what it does is it limits to real damages which you can sue for, in the event that the newspaper accepts to publish a correction or a retraction pursuant to a request under the Québec Press Act.

So what we're doing here is we're extending that protection to regional and other newspapers that are distributed free of charge. As my friend and colleague, Bernard Pérusse of the Gazette could tell you, a knowledge of the Québec Press Act is essential for anyone who works in Québec in journalism or in law and, indeed, it's with great pleasure that the Members of the Opposition today give their support to the Government for this important legislative measure. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Y a-t-il d'autres intervenants?


Mise aux voix

Je vais mettre aux voix le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande une petite suspension de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Nous allons suspendre quelques minutes avant de reprendre nos travaux.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 12 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, l'Assemblée reprend ses travaux. J'inviterais Mme la leader adjointe à nous indiquer l'affaire à l'ordre du jour.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 18 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 143


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 18, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du principe du projet de loi n° 143, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. C'est un projet de loi, le projet de loi n° 143, qui vise à modifier la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. C'est un projet de loi qui n'a que deux articles, mais c'est un projet de loi qui nous apparaît important et que nous aimerions adopter d'ici à l'été, d'ici à la fin de cette session.

Voici les raisons pour lesquelles, à titre de ministre de l'Environnement et de la Faune, je propose l'adoption du principe de ce projet de loi. Il y a, sur le territoire du Québec, plusieurs communautés autochtones. Il y a, sur le territoire du Québec, des autochtones qui vivent, que ce soit de Ivujivik en allant jusqu'à Kahnawake, ou en passant par Listuguj, qui habitent notre territoire, donc qui cohabitent avec les autres Québécois. Il est apparu, dans les années dernières, certaines difficultés d'arrimage avec les communautés autochtones en ce qui concerne le prélèvement que la conservation et la mise en valeur correcte de la faune peuvent permettre.

C'est ainsi que, dans certains cas, nous avons des indications à l'effet que le prélèvement effectué par les communautés autochtones à des fins alimentaires, rituelles ou sociales peut ou pourrait aller – «peut» parce qu'on a des indications en ce sens et «pourrait», je vais expliquer pourquoi le temps de verbe conditionnel à cet effet – à l'encontre du principe de la conservation de la faune.

On a reconnu à ces communautés autochtones, en 1985, via la fameuse déclaration de 1985, certains droits qui sont reconnus, au Québec, comme le droit d'exercer à des fins alimentaires, rituelles et sociales le prélèvement de gibier sur le territoire du Québec.

Cependant, ce qui est au coeur même de l'objet du ministère de l'Environnement et de la Faune et de la mission fondamentale du ministre de l'Environnement et de la Faune, c'est de s'assurer, devant tous les citoyens, incluant les autochtones, qu'il n'y ait pas d'activités de prélèvement qui puissent remettre en question la notion fondamentale de la conservation de la faune, c'est-à-dire que nous devons prélever le gibier uniquement dans une quantité qui équivaut essentiellement à la productivité ou à ce que l'habitat peut produire au niveau de cette faune.

Il y a eu des cas – et je ne voudrais pas rentrer dans le détail des cas – il y a deux cas, en ce moment, que nous vivons – et c'est ce qui explique le projet de loi – où nous nous entendons de bon gré en ce moment avec des communautés autochtones pour le prélèvement d'espèces, qui se fait dans le respect de la conservation de la faune. C'est-à-dire que le ministère de l'Environnement et de la Faune et les biologistes du ministère de l'Environnement et de la Faune sont en mesure de déterminer quel est le niveau de prélèvement qu'un habitat peut subir, que ce soit au niveau du grand gibier, au niveau des canards, au niveau du poisson. On peut déterminer quel est le niveau de prélèvement optimal en deçà duquel on peut le faire en tout respect de la pérennité de la ressource.

C'est le cas notamment des ententes que nous avons avec les communautés souvent le long des rivières à saumon ou le long du Lac-Saint-Jean, par exemple, où nous avons une entente avec Mashteuiatsh, que je viens de renouveler, bon an mal an que nous renouvelons, et qui vise à faire en sorte qu'il y ait une saine gestion de la ouananiche de ce plan d'eau. Nous sommes en train de renouveler l'entente avec les Hurons-Wendat pour l'exercice, à des fins coutumières et traditionnelles, du prélèvement de l'orignal qu'ils font à l'automne dans la réserve faunique des Laurentides, dans une saison qui est prescrite, etc.

Mais il y a d'autres cas où on ne peut pas s'entendre avec les communautés autochtones et à ce moment-là le gouvernement n'a pas de moyens d'intervenir pour faire en sorte que le prélèvement qui est fait à des fins traditionnelles ou à des fins rituelles, alimentaires ou sociales puisse être, entre guillemets, encadré pour assurer l'ensemble des Québécois que ce prélèvement rituel ou social se fasse dans le respect des ressources et dans le respect de la conservation de ces ressources.

Ce projet de loi a un aspect préventif, parce qu'on se souviendra, à l'automne dernier, il y a eu un autre jugement de la Cour suprême qui essentiellement – et je le résume, je ne suis pas un juriste – disait, le jugement de la Cour suprême reconnaissait à deux groupes autochtones du Québec, deux bandes autochtones, une algonquine et une mohawk, le droit de prélever à des fins alimentaires et rituelles du poisson dans ce cas-ci et qu'ils avaient le droit d'exercer ces prélèvements.

(12 h 10)

Dans le même souffle, la Cour suprême disait: «Ce droit doit néanmoins s'exercer et être encadré par l'obligation qu'ont les gouvernements d'encadrer le prélèvement dans une perspective de conservation et de mise en valeur juste de la faune.» De sorte que le premier article de ce projet de loi, 24.1, vise à autoriser le ministre de l'Environnement et de la Faune à convenir d'ententes, à en arriver à des ententes avec les communautés autochtones portant sur toute matière visée par la loi, c'est-à-dire la conservation de la faune. Mais dans l'éventualité où il n'y aura pas d'entente, et ce projet de loi est préventif dans la mesure où, à la lumière du jugement de la Cour suprême, et là, je ne veux surtout pas être prophète de malheur, mais nous avons des indications à l'effet que certains groupes, certaines communautés pourraient utiliser ce jugement dans une perspective sans doute d'établir encore plus loin leur droit de procéder à des activités de prélèvement à des fins alimentaires, rituelles et sociales qui pourraient porter préjudice à la faune, à son habitat et au principe de pérennité des troupeaux et des cheptels des gibiers que l'on prélève. C'est pour ça que l'article 24.2 dit que le gouvernement est autorisé, dans une perspective de concilier la nécessité de conservation et de gestion de la faune avec les activités autochtones exercées à des fins alimentaires, rituelles ou sociales, à apporter par règlement des adaptations aux dispositions de la présente loi ou de ses règlements. C'est-à-dire que, même si, pour une raison quelconque, qu'elle soit d'ordre politique ou d'ordre logistique, nous arrivions dans une situation où le ministre de l'Environnement et de la Faune, appuyé de ses biologistes, arrive à la conclusion qu'il y a un prélèvement exagéré sur un cheptel dans une région – prélèvement exagéré fait par l'ensemble des gens qui prélèvent: les autochtones, mais à la fois les non-autochtones – le ministre de l'Environnement et de la Faune peut suggérer, recommander à ses collègues du Conseil des ministres d'adopter un règlement pour encadrer le prélèvement et faire en sorte que ce ne soit pas le gibier, finalement, qui écope du fait qu'il n'y ait pas d'entente.

Donc, c'est un projet de loi qui est important pour la conservation et la mise en valeur de la faune, et, lorsque, avec mes hauts fonctionnaires et mes conseillers politiques, à titre de ministre de l'Environnement et de la Faune, je travaille les dossiers, j'essaie toujours de demeurer à l'essentiel. L'essentiel, pour le ministère de l'Environnement et de la Faune, c'est d'assurer la pérennité de l'environnement au Québec, c'est d'assurer la pérennité des ressources fauniques au Québec et de leur habitat et c'est dans cette perspective que je propose l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture, parce qu'il permet aux autochtones d'avoir des activités liées à des fins alimentaires, rituelles ou sociales au niveau du prélèvement de la faune, il permet au ministre de s'entendre à cet égard, mais il permet également, ce projet de loi – je vais terminer là-dessus, M. le Président – au gouvernement d'encadrer par règlement le prélèvement global et total effectué sur les ressources fauniques dans l'éventualité où il n'y aurait pas d'entente.

J'ai déjà indiqué par écrit à l'ensemble des chefs, des représentants des 62 communautés – si ma mémoire est bonne – autochtones du Québec que j'avais l'intention de présenter ce projet de loi à l'Assemblée nationale, que j'avais l'intention, si l'opposition le veut bien, d'adopter ce projet de loi d'ici à l'été. Et, dans cette missive envoyée aux chefs autochtones, j'ai indiqué que la première avenue, c'était l'avenue de l'entente pour bien encadrer le développement faunique, mais j'ai également indiqué que, dans l'éventualité où il n'y avait pas d'entente et dans l'éventualité où les experts de notre ministère arrivaient à la conclusion que ce manque d'entente, que ce prélèvement un peu désordonné et abusif mettait en péril les cheptels, le gouvernement, par règlement, pourrait encadrer de façon très claire, prescrire le nombre de prélèvements. Il faut que vous sachiez, M. le Président, que le territoire du Québec est très étudié. On sait, par exemple, par territoire de chasse, ce que le cheptel d'orignal peut permettre comme prélèvement. On sait, pour les territoires de chasse, par exemple dans le territoire du cerf de Virginie, ce que le territoire du cerf de Virginie peut permettre comme prélèvement. Il en va ainsi pour à peu près tous les plans d'eau du Québec, où on connaît la biomasse, on connaît la productivité. On sait donc le prélèvement idéal que la productivité écosystémique peut nous donner.

Donc, M. le Président, ceci termine ma courte présentation au niveau de l'adoption du principe de ce projet de loi qui est important, qui est un projet de loi préventif, j'en conviens, mais qui permet de rassurer les Québécois, l'ensemble des gens qui utilisent, qui vont dans nos forêts, qui vont sur nos lacs, qui font du prélèvement au niveau faunique, que le gouvernement du Québec est là pour les rassurer à l'effet que l'ensemble des utilisateurs de la faune au Québec vont le faire et le font dans le respect de la conservation de la faune pour une meilleure mise en valeur de cette ressource essentielle à notre développement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Je vais céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec intérêt le ministre et je vais vous dire que je pense qu'il a mal présenté son projet de loi. Il nous dit que c'est un projet de loi préventif, mais préventif par rapport à quoi? Moi, je vais vous dire, d'abord – commençons comme ça – en regardant le projet de loi, je me suis dit: Parfait, le gouvernement suit les traces de l'ancien gouvernement par rapport aux relations avec les autochtones, parce que ce projet de loi va permettre la conclusion d'ententes avec les communautés autochtones qui vont avoir, ces ententes-là, préséance sur la loi de la conservation de la faune, dans la mesure où elles sont respectées. Donc, une fois qu'on signe... On peut signer des choses qui sont contraires à ce qui existe dans la loi et, tout le long que ces ententes-là seront respectées, ces conditions contraires à la loi vont être en vigueur en dépit de la loi.

C'est donc un projet de loi qui donne de la flexibilité et de la souplesse dans les négociations avec les autochtones sur des secteurs d'activité particuliers, dans ce cas-ci, la faune. Donc, c'est pour tenir compte effectivement d'un certain nombre de jugements de la Cour suprême, mais c'est pour permettre au gouvernement de hiérarchiser les différentes activités de prélèvement, pour parler franchement et clairement. Et je pense que, quand on adopte des lois, il faut dire aux gens exactement ce qu'on fait.

Je vous avoue tout de suite que nous trouvons que, dans les relations avec les autochtones – c'est une façon de procéder que nous avons mise de l'avant, quand j'étais ministre des Affaires autochtones plus particulièrement – nous avons trouvé, à ce moment-là, une farouche opposition de la part de ceux qui sont aujourd'hui au gouvernement qui présente cette façon de procéder, parce qu'ils disaient: On ne peut pas conclure des ententes qui vont être contraires à ce que nous avons dans nos lois. Et nous disions, à ce moment-là, que, dans un certain nombre d'activités où des droits historiques sont reconnus par nos propres tribunaux, entre autres, celle de la faune, ça ne serait que normal de se donner des outils de négociation qui vont permettre de reconnaître un état de fait et de réalité. C'est ce que ce projet de loi fait.

Mais, soyons clairs, ça veut dire, si on l'amène à des cas précis, qu'on va prioriser les droits des autochtones par rapport à d'autres activités de prélèvement de la faune. Autrement dit, le ministre a touché à la question de la conservation en disant que, dans des situations où la conservation de la faune peut être mise en danger, on va pouvoir réglementer. Mais ça veut dire quoi? Ça va vouloir dire, dans ce cas-ci, que le gouvernement va pouvoir dire: Les autochtones, pour les fins de subsistance, vont pouvoir continuer à prélever, si cette activité en elle seule ne met pas en danger la conservation de la faune, mais on peut empêcher d'autres activités telles que la chasse sportive, par exemple, telles que l'exploitation commerciale de certains troupeaux sauvages, etc. C'est ça que ça veut dire, ce projet de loi.

Nous, on est, comme je vous dis, favorables à l'utilisation de ce genre de mécanisme de relations avec les autochtones, qui est de procéder par un projet de loi qui donne un pouvoir général au gouvernement de conclure des ententes plutôt que d'obliger le gouvernement, comme l'ancienne opposition le faisait, en exploitant un certain – comment je peux dire – préjugé qui aurait pu exister au sein de la population suite à certains événements malheureux, en exigeant que le gouvernement dépose dans une loi chaque entente négociée. Et nous avions toujours voulu, à ce moment-là, avoir ce pouvoir.

(12 h 20)

Il me fait plaisir de concourir aujourd'hui avec le gouvernement que ce serait intéressant, dans la perspective de relations plus harmonieuses avec les autochtones, d'avoir ce genre de pouvoirs, mais je veux aussi que les gens comprennent bien de quoi il s'agit. Parce qu'on n'est jamais aussi bien servi par les lois qu'on adopte que dans la mesure où les gens les comprennent et les gens les acceptent. Et je veux, par exemple, qu'on soit plus spécifique encore dans le cas des Hurons.

Une entente négociée à l'encontre de la loi générale de la faune pourrait vouloir dire qu'avant que les chasseurs entrent sur le territoire pour faire la chasse on va avoir conclu une entente qui va permettre aux autochtones, aux Hurons dans ce cas-ci, de faire leur chasse de subsistance. C'est ça que ça veut dire. Alors, c'est pour ça que je disais que le ministre l'a présenté comme si c'était un projet de loi de portée générale par rapport à des pouvoirs accrus à conserver la faune. Ce n'est pas le cas. C'est un projet de loi qui va permettre de conclure des ententes qui, elles, vont pouvoir être contraires à la Loi sur la conservation de la faune et dans la mesure où les activités... Parce que la loi de la conservation de la faune ne faisait pas d'exception par rapport aux activités de subsistance des autochtones, donc ne reconnaissait pas les droits qui ont été reconnus par les tribunaux. Mais ces mêmes tribunaux n'ont jamais donné la permission aux autochtones de continuer des activités de chasse de subsistance aux dépens de la conservation de la faune, c'est-à-dire que, dans la situation où une espèce serait menacée, même si la seule activité de prélèvement qui s'exercerait aurait été celle de la subsistance des autochtones, on aurait le pouvoir, comme société, de dire non.

La Cour suprême n'a jamais dit que les autochtones pouvaient faire la chasse de subsistance jusqu'au point d'exterminer, d'éliminer les espèces. Ils ont toujours dit: La première chose qui est en haut de tout, comme priorité, c'est la conservation des espèces, le deuxième niveau de droit, si vous voulez, le premier étant le droit à l'existence des espèces, le deuxième étant le droit à la subsistance des autochtones, et après ça viennent les autres, que ce soient les activités de chasse sportive, les activités de pêche commerciale, etc., avec une certaine hiérarchie dans ces activités-là.

Ce projet de loi va donner la flexibilité au gouvernement de tenir compte de cette réalité-là surtout par rapport au droit de subsistance des autochtones. C'est une bonne chose.

Dans la perspective de l'harmonisation de nos relations avec les autochtones, dans la perspective des négociations et des ententes sur l'autonomie gouvernementale, ça va faciliter la vie du ministre délégué aux Affaires autochtones. Si ça l'intéresse un tant soit peu de poursuivre dans cette voie-là, parce qu'il n'est pas très présent, d'après ce qu'on peut comprendre, dans la poursuite de ces négociations-là... C'est un dossier qui semble dormir, pour se réveiller peut-être brutalement à un moment donné, malheureusement. Mais, en dépit de ça, nous estimons, du côté de l'opposition, que c'est un instrument qui va au moins créer un outil supplémentaire afin d'avoir la possibilité de bien faire un travail qui doit être fait, même si actuellement ce travail de négociation n'est pas fait correctement, M. le Président.

Mais je voulais tout juste soulever cette réalité qui fait en sorte que nous sommes en train d'adopter une loi qui va donner des possibilités au gouvernement de conclure des ententes qui seront différentes, qui vont régir différemment les activités de prélèvement tant pour les autochtones que pour les non-autochtones. Le ministre ne l'a pas dit. Il a choisi de présenter ce projet de loi avec une perspective, un angle différent, disons, qui n'est pas faux, mais qui ne couvre pas tout l'ensemble de la réalité. Comme je vous dis, on est favorable, mais on veut bien qu'on adopte des lois et que les gens comprennent exactement de quoi il s'agit, pour que leurs valeurs se trouvent fondées sur l'acceptation réelle par la population de leur contenu, M. le Président. Alors, merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Vous aurez droit à une réplique, s'il y a un autre intervenant. Si vous voulez attendre... Très bien. Alors, je cède la parole à M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 143, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, Bill 143, An Act to amend the Act respecting the conservation and development of wildlife. Je pense que c'est un autre pas en avant qui s'inscrit à l'intérieur d'une démarche qui a marqué les gouvernements des deux côtés de la Chambre depuis les années soixante-dix, d'essayer d'arriver à une notion de ce qu'est l'autonomie gouvernementale pas par pas. Au lieu d'arriver avec les grosses ententes toutes ficelées d'avance, je pense que la tradition que l'on a vue des gouvernements des deux côtés de la Chambre, c'est d'essayer, dans un secteur donné ou un autre secteur donné, d'améliorer la qualité de nos relations avec les nations autochtones au Québec. Je pense que la démarche qui est ici s'inscrit dans ça.

Je veux juste mentionner, entre autres, quelques-unes de ces démarches qui sont déjà en place, qui ont donné, je pense, des résultats fort intéressants. Moi, j'avais l'honneur d'être associé aux négociations des premières ententes policières entre les nations autochtones. Nous avons commencé ça au moment de la crise d'Oka avec la communauté mohawk d'Akwesasne. Depuis ce moment, nous avons réussi à signer les ententes avec plusieurs communautés autochtones. Après 1994 et le changement de gouvernement, je me réjouis de voir que le gouvernement a continué le travail que nous avions commencé. Je pense qu'aujourd'hui c'est presque toutes les communautés autochtones qui sont dotées maintenant d'une entente tripartite sur les services policiers qui leur donne à la fois un financement du gouvernement fédéral de 52 % et également un financement du gouvernement du Québec de 48 %.

Alors, je pense que c'est une démarche qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix. C'est au moment où le ministère de la Sécurité publique et le Solliciteur général du Canada ont pris ce programme en main, en 1992, que nous avons réussi à signer les ententes. Comme j'ai dit, c'est un exemple dans un secteur donné. On n'a pas tout réglé la question d'un droit inhérent; on n'a pas tout réglé la question de l'autonomie gouvernementale, mais nous avons donné quand même un outil très précieux, très important à ces communautés dans le domaine de la police.

Également, il y avait une entente pour essayer de réglementer le bingo, parce que c'est un autre enjeu important. Le député de Laurier-Dorion a fait adopter à l'Assemblée nationale un projet de loi qui a ouvert la porte à la possibilité d'avoir des ententes entre les nations autochtones et le gouvernement du Québec quant à la gestion des jeux de bingo dans la communauté autochtone.

Un jour, peut-être, on va revenir sur le dossier des permis d'alcool, parce que, je sais, c'est un litige de longue date entre les communautés qui aimeraient avoir leur mot à dire. À date, le gouvernement a donné officieusement, au moins, un genre de droit de veto aux communautés autochtones qui veulent prohiber la vente des boissons dans leur communauté. La Régie des alcools du Québec est prête maintenant à donner une certaine reconnaissance à ce droit de veto; un petit peu comme la Régie a fait pour les municipalités au Québec aussi.

Alors, je pense que c'est souhaitable d'avoir, comme j'ai dit, pas par pas la possibilité de créer un véritable partenariat avec les nations autochtones pour régler les dossiers litigieux. Un autre est effectivement la question de la protection de l'environnement, la protection de la faune et l'environnement. C'est un dossier avec lequel nous avons vécu des problèmes dans le passé. Dans la mesure où les ententes qui découleront du projet de loi qui est devant nous maintenant peuvent aider à améliorer la situation d'avoir un meilleur consensus entre nos besoins, nos objectifs, les objectifs du gouvernement du Québec et le ministère de l'Environnement quant à la protection de certaines espèces qui sont menacées et les besoins et les traditions des nations autochtones, je pense que ce sera une bonne chose.

Je veux joindre ma voix à celle de mon collègue de Laurier-Dorion de procéder d'une façon... de consulter tout le monde, à la fois les nations autochtones, mais aussi les communautés qui sont autour parce qu'il y a des manques de communication, souvent il y a des manques d'échanges d'information. Dans cette veine, je vois, même dans le projet de loi – je sais que nos légistes doivent rédiger nos lois d'une certaine façon – le deuxième alinéa du nouvel article 24.1: «Les dispositions de ces ententes prévalent sur celles de la présente loi ou de ses règlements. Toute communauté, entreprise ou personne visée par une entente n'est cependant exemptée de l'application des dispositions inconciliables de la présente loi ou de ses règlements que dans la mesure où elle respecte l'entente.»

(12 h 30)

Alors, peut-être que nos légistes le comprennent.

Moi, j'ai même consulté la version en anglais: «The provisions of the agreements shall prevail over the provisions of this Act or the regulations. However, a community, undertaking or person to whom or which an agreement applies shall be exempted from the application of irreconciliable provisions of this Act and the regulations only insofar as the community, undertaking or person abides by the terms of the agreement.» Je le comprends, mais difficilement. Je pense que, dans ces choses, c'est très essentiel de rassembler tous les partenaires.

Moi, je me rappelle que, quand le député de Laurier-Dorion était le ministre responsable des affaires autochtones, il a fait toute une tournée autour de son document Le chemin parcouru . À ce moment-là, j'ai assisté à une rencontre où nous avons mis des associations de chasseurs et les nations autochtones ensemble pour discuter des problèmes de l'application des règles existantes, la gestion de la chasse. Et c'étaient des rencontres difficiles. Il faut dire qu'il y avait deux perspectives fort différentes. Mais je pense que le Québec, le Canada, on a tout intérêt à promouvoir une façon de s'asseoir autour d'une table pour voir s'il y a moyen de régler nos litiges. Alors, dans la mesure où les ententes qui seront signées, qui découleront de ce projet de loi vont essayer d'améliorer les relations entre le gouvernement du Québec et les nations autochtones, je pense que ça, c'est une bonne chose.

Mais il faut penser aussi aux relations – je pense entre autres au lac Saint-Louis – entre Kahnawake et la communauté qui est autour, parce qu'il y a des questions fort importantes. Moi, je suis un voisin, presque, de Kahnawake, de l'autre côté du lac Saint-Louis, et on a des questions sur la protection de l'environnement, le contrôle de la faune et la conservation. Il y a des questions très importantes entre les Mohawks de Kahnawake et les personnes qui s'intéressent à la santé des eaux du lac Saint-Louis. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à promouvoir un partenariat.

Je pense que le territoire mohawk de Doncaster, qui est à côté de Sainte-Agathe, est un autre endroit où, peut-être, il faut s'assurer qu'il y a une bonne compréhension pour les personnes, les voisins de ces nations autochtones aussi. La liste est longue. Les autres exemples: souvent, des communautés montagnaises, par exemple, sont à côté des communautés allochtones. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à s'assurer que tout le monde comprend bien les ententes.

Et le ministre sera obligé de les publier dans la Gazette officielle avec son tirage de trois ou quatre. Alors, peut-être que le ministre doit également, au niveau des relations publiques, au niveau de bien faire comprendre ces ententes, utiliser d'autres moyens pour s'assurer que tout le monde comprend les règles du jeu. Je pense qu'on a l'expérience avec la police et les ententes policières qu'on peut faire des ententes, et la communauté non autochtone est maintenant capable d'être policée par les policiers autochtones. Pour les 100 000 non-autochtones qui traversent la réserve à Kahnawake à tous les jours, qui font affaire avec les Peacekeepers, il y avait beaucoup d'inquiétudes, beaucoup de craintes au départ, mais je pense qu'on a la preuve que les Peacekeepers de Kahnawake sont capables d'appliquer le Code de la sécurité routière sur nos autoroutes qui traversent le territoire de Kahnawake.

Alors, je pense aussi que, pour nos agents de conservation qui sont visés par ce projet de loi et l'application de ses règlements, il y aura la possibilité de faire une harmonisation entre les souhaits et ce que les nations autochtones veulent faire et nos exigences et les priorités pour notre ministère.

Alors, j'ajoute ma voix à celle du député de Laurier-Dorion à l'appui pour le principe. Comme je l'ai dit, je pense que c'est un autre bel exemple de comment on va arriver peut-être pas à un moment donné dans une grande occasion, mais peut-être pas à pas à définir c'est quoi, l'autonomie gouvernementale, c'est quoi, la reconnaissance que le gouvernement du Québec et d'autres gouvernements nord-américains doivent faire envers les nations autochtones pour s'assurer qu'on peut régler plutôt à l'amiable ce genre de dossiers difficiles. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Il n'y a pas d'autres intervenants. Je vais céder la parole à M. le ministre pour sa réplique. M. le ministre.


M. David Cliche (réplique)

M. Cliche: Oui, M. le Président. Peut-être apporter quelques éclaircissements aux questions qui ont été soulevées par le député de Laurier-Dorion, critique en matière d'environnement et de faune, et le député de Jacques-Cartier, critique en matière autochtone.

D'abord, je les remercie d'appuyer ce principe de loi. C'est une autre loi que je dépose et qui reçoit l'appui de l'opposition. Il semble que j'en fasse coutume. J'espère que ça n'inquiétera pas mes collègues du caucus ministériel.

Ce que je retiens et peut-être deux éclaircissements à apporter: Oui, c'est un pas en avant. Oui, je pense qu'il était temps que l'on reconnaisse dans la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune que les autochtones peuvent effectuer des prélèvements à des fins alimentaires, rituelles ou sociales. Cette entente avec les communautés autochtones aura effectivement préséance sur d'autres dispositions de lois ou de règlements qui s'appliquent à la grandeur du Québec. Mais ce que je jugeais important, vous retrouvez ça dans les premiers mots des articles 24.1 et 24.2. Le législateur, des fois, prend la plume et, à titre de ministre de l'Environnement et de la Faune, j'ai tenu à ce que les deux paragraphes commencent avec la notion de conservation.

Je vais vous donner un exemple. Nous avons convenu avec la communauté montagnaise de Pointe-Bleue, ce que nous appelons maintenant les Innuat de Mashteuiatsh, le fait qu'ils puissent continuer à étendre quelques filets devant leur communauté. Traditionnellement, ils ont toujours posé des filets devant leur communauté pour y prélever la ouananiche à tous les ans. Or, on sait très bien que c'est une activité qui est interdite en vertu de notre Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Cependant, les pêcheurs sportifs qui eux aussi prélèvent de la ouananiche dans le lac Saint-Jean, ce qu'ils doivent savoir, c'est qu'en tout temps nous nous assurons du nombre de filets et du nombre de prises pour assurer tout le monde que les prélèvements qui sont effectués selon un mode plus traditionnel par les autochtones ne vont pas à l'encontre du principe de conservation et que le cheptel, la biomasse du lac Saint-Jean peut permettre un tel prélèvement. C'est important que tout ceci se fasse dans le cadre de la conservation.

Pour revenir rapidement sur la notion de connaissance de l'entente et, de façon générale, sur nos relations avec les autochtones, j'ai pris la relève du gouvernement précédent en matière autochtone lorsque j'étais l'assistant du premier ministre. J'ai été responsable du dossier autochtone de septembre 1994 à ma nomination comme ministre de l'Environnement et de la Faune en janvier 1996. Ce que je peux dire, c'est que, oui, vous aviez amorcé certaines discussions préliminaires, mais il m'apparaissait que le lien de confiance semblait brisé entre le gouvernement antérieur et celui des communautés autochtones.

M. le Président, vous conviendrez qu'on n'a le respect envers quelqu'un que dans la mesure où cette personne se tient debout. C'est lorsqu'on établit un respect mutuel qu'après quelques rencontres peut s'établir une confiance mutuelle. J'ai été le premier représentant du gouvernement à mettre les pieds dans le territoire de Kahnawake entre la crise de 1990 et notre élection. J'ai également été le premier à mettre les pieds à Kanesatake et de même à Akwesasne rapidement après l'élection. C'est ce que me disaient les chefs autochtones et j'ai vérifié les données.

Il fallait démontrer que le gouvernement était là pour s'assurer que l'ensemble des lois sur l'ensemble du territoire du Québec sont respectées. C'est sur la base de ce respect que rapidement se sont effectivement établies subséquemment des discussions qui ont amené à régler les cas de police dans les trois communautés qui étaient les plus problématiques. Certaines personnes les décrivaient comme des barils de poudre: Akwesasne, Kanesatake et Kahnawake. Au moment où on se parle, il y a des ententes de police qui, à la grande surprise générale, sont efficaces. Le temps des balles perdues est terminé. Le temps des courses folles par des patrouilles anonymes derrière d'honnêtes citoyens est heureusement terminé. Et j'ai humblement contribué à ces faits dans les mois durant lesquels j'ai été aux questions autochtones.

(12 h 40)

Des fois, ça a été assez... Je garde des anecdotes. Il y en a une que je peux citer en cette Chambre. Le jour où, avec mon collègue Ménard, on était en train de récolter, si je peux m'exprimer ainsi, les cultures de marijuana dans les champs de Kanesatake – et c'était, vous vous en souvenez, M. le Président, télévisé en direct par RDI; on nous a dit que c'était pratiquement 400 000 téléspectateurs – mon garde du corps m'a dit qu'il y avait quelqu'un qui voulait me rejoindre au téléphone dans ma voiture de façon urgente. C'était ma fille Gabrielle qui était à la télévision. J'avais uniquement indiqué à ma famille et à ma femme que j'allais à une réunion à Kanesatake, pour ne pas les inquiéter outre mesure. Alors, ils ont eux-mêmes réalisé en regardant la télévision, à RDI, que j'étais plongé dans une opération.

Alors, je garderai toujours un souvenir de cette scène où je lui parle en direct à la télévision, au téléphone; elle m'interroge sur ce que je fais et je lui explique. Et, dans la famille, ça va demeurer des anecdotes. Mais il fallait le faire, M. le Président. Il fallait être en mesure de démontrer aux autochtones que nous n'avions pas peur essentiellement et que, lorsqu'il fallait être présent, il fallait être présent.

Sur la notion d'arrimer les populations environnantes des communautés autochtones à ces ententes, vous avez absolument raison; c'est essentiel pour l'harmonisation de ces ententes et pour viser cet objectif que vous partagez avec nous: la paix sociale. Il faut rétablir la paix sociale au Québec, dans les endroits où la paix sociale était remise en question. Nous avons prévu dans le projet de loi que les ententes vont être consignées, vont être dans la Gazette officielle . C'est sûr que la Gazette officielle , ce n'est peut-être pas le best-seller, le meilleur vendeur au Québec, mais quand même. Ceux qui suivent les questions autochtones, les bureaux d'avocats notamment, les conseillers des autochtones et les secrétaires du conseil de bande, croyez-moi, suivent ces choses.

Nous nous engageons également dans ce projet de loi à déposer les ententes à l'Assemblée nationale pour faire appel à l'ensemble des députés de cette Assemblée, qui sont les représentants du milieu, qui sont en interréaction continue avec leur milieu, non seulement pour qu'ils connaissent les ententes, mais pour qu'ils en fasse l'explication dans leur milieu. Et je dois dire qu'il n'y a aucune de ces ententes ni préparation de règlements qui va se faire sans l'implication continue de nos directions régionales du ministère de l'Environnement et de la Faune, qui, au nombre de 16 directions régionales, sont présentes, et très, très présentes, dans l'ensemble des régions du Québec.

De sorte que je pense qu'à partir des préparations soit au niveau d'une entente ou d'une autre forme d'encadrement par règlement, le travail de nos directions régionales, le dépôt de ces ententes dans la Gazette officielle , le dépôt de ces ententes ici même, à l'Assemblée nationale... Je pense que ça va être l'occasion pour les communautés environnantes – allochtones, comme vous l'avez dit; c'est un terme que je trouve bizarre, mais enfin, des communautés non autochtones, si je peux m'exprimer ainsi, ou qui voisinent les autres communautés – de prendre pleinement connaissance de ces ententes.

Alors, je vais terminer là-dessus, M. le Président. C'est un pas en avant, je pense. Je pense que ce qui au fond fondamentalement prévaut auprès des Québécois – et j'ai été en mesure de le constater lorsque j'étais responsable du dossier autochtone – c'est la volonté de conciliation et la volonté de s'entendre. Ça, au-delà de tout, ça prévaut toujours. Les gens, les Québécois, qu'ils soient fédéralistes, souverainistes, Montagnais, Attikamek, Québécois de quelque origine, veulent la paix. Les gens veulent, dans la mesure du possible, qu'on s'entende et qu'on évite, entre guillemets, les chicanes. Et le projet de loi va dans ce sens.

Mais il y a un principe – c'est peut-être une déformation professionnelle, j'ai toujours oeuvré en matière d'environnement – fondamental que je voulais placer au-dessus de tout, c'est le principe de la conservation de la faune et de la conservation de nos ressources. Et quoiqu'on fasse soit par entente, quoiqu'on fasse par d'autres formes d'encadrement qui sont prévues par règlement du gouvernement, qui, lui, va être prépublié, etc., c'est la conservation de la faune. Et c'est ce qui me motive toujours. Je l'ai déjà dit en cette salle: Tout ce que je fais, ai fait et ferai, je le fais au nom de la pérennité de l'environnement et de la faune du Québec. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 143, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 19 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 144


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 19, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 27 mai dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales. Le dernier intervenant était M. le député de Jacques-Cartier. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. On est au niveau de l'adoption de principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, Bill 144, An Act respecting family benefits.

M. le Président, notre collègue le député de Jacques-Cartier, hier, a soulevé quelques points, quelques préoccupations, je dirais majeures, que nous avons, comme parti, avec le projet de loi n° 144. Le principe est fort louable. Personne, je pense, ne peut être fondamentalement contre le principe d'un projet de loi qui vise la réunification, l'harmonisation des politiques d'aide aux familles pauvres au Québec. Mais, comme vous le savez et comme tout le monde le sait, le tout est dans l'application, le tout est dans les détails. On n'est pas contre la vertu, on est pour la vertu, mais le tout est dans les détails, et c'est dans les détails du projet de loi n° 144 qu'on retrouve des failles importantes, et je vais m'adresser surtout à la clientèle des prestataires d'aide sociale qui sont touchés par le projet de loi n° 144.

Il y a deux préoccupations majeures, deux failles importantes, quant à moi, dans le projet de loi. Pour l'une, il s'agit essentiellement des prestations qui vont être disponibles aux familles pauvres sur l'aide sociale avec des enfants. Ça, c'est une argumentation chiffrée, M. le Président, qui n'est jamais trop facile à suivre, mais, je pense, qui est importante à faire quand même. La deuxième faille importante, c'est dans le mécanisme d'application, et je vais en parler un peu plus tard.

Au sujet des chiffres, j'ai évoqué jeudi passé un scénario qui, selon les calculs que j'avais, ferait en sorte qu'il y aurait une perte majeure pour une mère monoparentale avec deux jeunes enfants. Il s'est donné une petite réponse de la part de la ministre. Est-ce que mes chiffres étaient exacts? Et, effectivement, aujourd'hui, M. le Président, on a eu une autre communication qui va dans le sens de cette discussion sur les ressources allouées aux familles pauvres bénéficiaires d'aide sociale.

J'insiste là-dessus, M. le Président, parce que la ministre parle souvent de l'impact de sa réforme sur les salariés à bas revenus. Elle est capable, semble-t-il, de chiffrer ou d'identifier un gain net pour les travailleurs et travailleuses à bas revenus avec des jeunes enfants. Elle reste pourtant muette au sujet des prestataires d'aide sociale. C'est une énorme clientèle visée par le projet de loi, M. le Président, une énorme clientèle visée, et il faut analyser l'impact sur les bénéficiaires d'aide sociale pour s'assurer qu'il n'y a pas de pertes.

J'ai avancé un chiffre, selon un scénario, en me basant beaucoup sur les données du professeur Ruth Rose, de l'Université du Québec à Montréal. Ces chiffres-là étaient disputés par la ministre. Mais, de façon plus importante, j'ai reçu aujourd'hui une communication du professeur Rose, une copie conforme, dont la ministre a reçu copie aussi. Mme Rose, professeur Rose me reproche – je le dis, parce que je veux citer toute la lettre, je ne veux pas faire allusion à juste une partie des communications, je veux être juste et équitable envers le professeur Rose – d'avoir fait des erreurs de calcul dans les chiffres que j'ai avancés.

C'est un reproche que j'accepte très humblement. La seule explication que je peux donner, et je l'ai déjà donnée au professeur Rose, et que je donne à cette Assemblée, aux gens qui nous écoutent, c'est que je me suis basé, dans les calculs, sur les chiffres qu'on a en main à ce moment-ci, M. le Président. Et c'est une distinction très importante. Tout ce qui est disponible aux parlementaires en ce moment, c'est des grilles, un barème qui indique, à divers niveaux de revenus... Selon la composition de la famille, le nombre des enfants, ça donne telle et telle chose.

(12 h 50)

La ministre a parlé des mesures transitoires. Effectivement, M. le Président, semble-t-il, il y en a quelque part, des mesures transitoires qui sont supposées pallier les pertes nettes importantes pour certaines familles récipiendaires de l'aide sociale. Où sont ces mesures transitoires, M. le Président? Je ne les ai pas. Combien de temps est-ce qu'elles vont s'appliquer, parce que ce sont effectivement des mesures transitoires? Je ne le sais pas, comme membre de cette Assemblée. Et, tant et aussi longtemps que la ministre ne les a pas déposées quelque part ou dévoilées publiquement, je suis dans l'obligation de travailler avec les chiffres disponibles. Et de là découle un peu de la confusion, de là découle le reproche fait par le professeur Rose à mon égard concernant le calcul que j'ai fait, que j'accepte volontiers.

Mais, par contre, M. le Président, le professeur Rose s'exprime ainsi dans sa lettre d'aujourd'hui: «Les familles qui auront recours à l'aide sociale après le mois d'août 1998 ne bénéficieront pas de cette mesure transitoire, ce qui signifie donc une perte significative à long terme par rapport à la situation actuelle.» Ça, c'est la lettre du professeur Rose, perte significative à long terme par rapport à la situation actuelle, femme monoparentale avec deux jeunes enfants.

Elle continue: «Compte tenu de la perte immédiate et cette perte éventuelle, une famille monoparentale avec deux enfants d'âge préscolaire aurait un revenu inférieur d'environ 1 000 $ à la situation actuelle.» On peut se chicaner sur les chiffres, M. le Président. Moi, j'ai avancé un chiffre de 2 000 $; je n'avais pas toutes les mesures transitoires, semble-t-il. Même avec toutes les informations dont dispose le professeur Rose, elle dit qu'une mère monoparentale avec deux enfants d'âge préscolaire aura un revenu inférieur d'environ 1 000 $ à la situation actuelle. C'est important, ça, M. le Président.

La ministre présente ce projet de loi comme une mesure pour sortir des familles de la pauvreté. Le professeur Ruth Rose, professeur de sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal, prétend, avec les chiffres qu'elle a, qu'il y aurait une perte d'environ 1 000 $ par année par rapport à la situation actuelle. C'est grave, M. le Président. C'est grave. Il va falloir que la ministre s'explique à cet égard. Comment est-ce qu'elle va pallier encore? Est-ce qu'il va y avoir d'autres mesures transitoires? Est-ce qu'elle va changer les barèmes? Parce que, je vous le dis, M. le Président, et les députés le savent, les prestataires d'aide sociale ne peuvent pas subir d'autres compressions, d'autres coupures dans leurs ressources financières qui sont données par l'État. Ils ne peuvent plus supporter des coupures. C'est impossible. Il va falloir que la ministre s'explique.

Le professeur Rose conclut, M. le Président, dans sa lettre – je vais la citer au complet pour faire plaisir à la ministre, parce que je suis convaincu que, à un moment donné, quand elle sera en Chambre, elle va citer la lettre aussi, elle: «Bref, je n'ai pas apprécié que M. Copeman utilise mon nom pour avancer des chiffres incorrects.» L'explication est donnée que j'ai travaillé avec les chiffres disponibles. «Ceci a eu pour conséquence que la ministre, Mme Marois, m'attribue des erreurs de M. Copeman.» Tiens! Un petit mea culpa, toujours en expliquant que je travaillais avec des chiffres disponibles. «Par ailleurs, le problème provient du fait qu'en annonçant la nouvelle politique le gouvernement a négligé d'informer le public à l'égard de plusieurs éléments importants, dont ces mesures intérimaires ainsi que la révision du programme APPORT.»

La lettre continue, M. le Président. «Depuis les premières annonces du programme, le gouvernement a refusé de mener des consultations complètes à partir d'une documentation regroupant l'ensemble des changements envisagés et des données pertinentes.» Et on conclut: «Peut-on en conclure qu'il a peur du jugement qu'apporteront les citoyens et surtout les citoyennes?» C'est comme ça que la lettre du professeur Rose conclut, M. le Président.

Une faille importante. Une étude avec toutes les données disponibles du cabinet du ministre, semble-t-il, indique – ça, c'est préliminaire, quand même, ça vient du professeur Rose – qu'il y aura des pertes dans le système proposé par la ministre de l'Éducation, ce qui va à l'encontre de tous ses engagements, ce qui va à l'encontre de l'engagement qui m'était donné par la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité qui avait dit, en commission parlementaire: Le but, ce n'est pas de donner moins d'argent aux personnes pauvres, mais plus. Mais il y a la preuve claire que le projet de loi fait l'inverse. Ça pénalise certaines catégories de prestataires d'aide sociale, ce qui est totalement inacceptable. Le gouvernement devrait avoir honte. La ministre devrait avoir honte. Il va falloir qu'elle corrige cette situation de façon très claire, si elle veut vraiment respecter ses engagements, les engagements de son premier ministre et de sa collègue la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Ça, c'est les chiffres.

L'autre élément qui est très important: Comment est-ce qu'on veut procéder? Comment est-ce qu'on va implanter ce système? Comment est-ce qu'on va arrimer les choses? M. le Président, je dois vous avouer qu'il y a un cafouillis complet et total dans le projet de loi. On indique, aux articles 53 et 55, qu'on va majorer des barèmes d'aide sociale pour tenir compte des enfants. Ça, ça va complètement à l'encontre du principe avancé par la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité de sortir les enfants de l'aide sociale, le calcul. On va le majorer, dans un premier temps, et on va soustraire l'équivalent des allocations familiales, dans un deuxième temps, et ce, à chaque mois. Imaginez-vous le cafouillis total dans cette procédure.

Je cite l'article 55, paragraphe 1°: On va majorer le barème des adultes et l'augmenter, s'il y a lieu, du montant des majorations pour enfants à charge. Ça, c'est des amendements à la Loi sur la sécurité du revenu. Et on dit, dans un deuxième paragraphe: «Soustraire du montant des majorations pour enfants à charge déterminées par règlement...» On en donne, on en enlève. C'est un cafouillis total.

Si on pense qu'il y avait des problèmes avec d'autres – le système automatique de perception des pensions alimentaires – moi, je vous le prédis, M. le Président, avec ces deux articles-là... Un calcul à chaque mois d'une majoration d'un barème équivalant à la prestation unifiée qui est, après, soustraite du calcul pour combien de milliers, de dizaines de milliers de bénéficiaires? C'est un cafouillis total, ça n'a pas de sens, ça ne tient pas debout. Il va falloir que la ministre nous explique comment ça va fonctionner et le pourquoi de cette incohérence complète aux articles 53 et 55 du projet de loi.

M. le Président, un principe fondamentalement louable, des failles importantes, des pertes, dont on peut discuter du chiffre exact, mais, chose certaine, il y aura dans le projet de loi actuel, avec les données qu'on a, des pertes pour des bénéficiaires de l'aide sociale complètement inacceptables. Jongler avec un cafouillis administratif pour l'application pour les bénéficiaires de l'aide sociale, ça n'a pas de sens. C'est de l'improvisation, c'est un manque de respect pour une clientèle déjà en difficulté.

M. le Président, on vous prédit, et on le prédit à la ministre, que, lors de l'étude détaillée en commission, si on y arrive, on va questionner longuement la ministre là-dessus pour s'assurer que les personnes prestataires de l'aide sociale ne sortent pas perdantes, comme elles le sont présentement, avec le projet de loi. Merci, M. le Président.

(13 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Mme la leader adjointe, vous avez...

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, étant donné l'heure, nous allons maintenant suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous poursuivons les affaires du jour. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 14 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 137


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 14 de notre feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 137? M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président, de nous donner, en appelant cet item à notre ordre du jour, l'occasion, donc, pour l'adoption du principe du projet de loi n° 137, de m'exprimer et de donner quelques éléments d'information supplémentaires aux notes explicatives qui ont été, bien sûr, lues au moment de la prise en considération, dans le premier moment, au plan législatif, de ce projet de loi.

Alors, le projet de loi n° 137, c'est un projet de loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, et on verra les différents objets qui sont contenus dans ce projet de loi là. Ce projet de loi a été préparé, d'une part, avec le souci de répondre à certains problèmes ou situations soulevés par le monde municipal et, d'autre part, afin de donner suite à l'Accord de libéralisation des marchés publics du Québec et de l'Ontario, lequel Accord prévoit que certains contrats d'approvisionnement et de services de 100 000 $ et plus conclus par des municipalités et organismes municipaux seront dorénavant assujettis aux règles d'adjudication qui y sont prévues. Ce projet de loi permettra enfin de donner une nouvelle impulsion à la contribution des municipalités au développement économique local.

À l'égard de l'Accord de libéralisation des marchés publics du Québec et de l'Ontario, c'est le 30 mai 1996 que les premiers ministres du Québec et de l'Ontario ont convenu d'ajouter une annexe à l'Accord de libéralisation des marchés publics entériné par les deux gouvernements. L'objet de cette annexe vise notamment à étendre l'application de l'Accord à certains contrats d'approvisionnement et de services de 100 000 $ et plus conclus par les entités des grands réseaux parapublics, dont les municipalités et les organismes municipaux. Comme les règles d'adjudication des contrats prévues dans les lois municipales diffèrent de celles établies dans l'Accord, nous apportons, par ce projet de loi, les modifications législatives qui s'avèrent donc nécessaires.

Ainsi, pour donner suite à l'Accord, les demandes de soumission relatives aux contrats d'approvisionnement et de services de 100 000 $ et plus devront être publiées dans un quotidien ou produites par un système électronique d'appel d'offres. Nous avons déjà traité de ce problème auparavant pour ce qui concerne les appels d'offres pour un certain type de contrat dans les municipalités au Québec.

Le projet de loi prévoit toutefois qu'à une date ou aux dates fixées par le gouvernement les demandes de soumissions publiques relatives à un contrat de construction, d'approvisionnement ou de services de 100 000 $ et plus devront obligatoirement être publiées dans un système électronique d'appel d'offres accessible aux entrepreneurs et fournisseurs ayant un établissement au Québec ou en Ontario et dans un journal diffusé sur le territoire de la municipalité.

Par ailleurs, l'une des modifications apportées par ce projet de loi n° 137 permet aux municipalités, aux trois communautés urbaines et aux sociétés de transport de prévoir dans leurs demandes de soumissions publiques que seules seront considérées les soumissions présentées par des fournisseurs ayant un établissement au Québec ou en Ontario ou encore, M. le Président, de préciser que les biens dont l'acquisition est projetée doivent être produits au Québec ou en Ontario, conformément à l'accord que nous avons signé, les deux provinces.

Une autre importante modification vise à assouplir la règle du plus bas soumissionnaire. Cette règle permet aux municipalités et aux organismes municipaux d'utiliser un système de pondération et d'évaluation des offres basé, outre le prix, sur la qualité et la quantité des biens, services ou travaux, les modalités de livraison, les services d'entretien, l'expérience et la capacité financière requise de l'assureur, du fournisseur ou de l'entrepreneur ou sur tout autre critère directement relié au marché. Donc moduler, en quelque sorte, la règle du plus bas soumissionnaire en ce qui concerne les appels d'offres de produits et services publics municipaux.

(15 h 10)

Je vous souligne que nous avons profité de l'occasion pour étendre la possibilité d'utiliser un tel système de pondération et d'évaluation des offres non seulement aux contrats assujettis aux règles de l'Accord, mais aussi à tous les contrats municipaux qui requièrent une demande de soumission. En résumé, le choix du soumissionnaire pourra se faire selon la règle traditionnelle relative à la plus basse soumission au niveau du prix ou encore par l'effet combiné du prix et des critères que je viens d'énoncer.

Une autre dimension du projet de loi, M. le Président, c'est les emprunts municipaux par obligation, toute la question de la dématérialisation des titres municipaux pour, donc, aller sur le marché obligataire pour cueillir l'argent nécessaire pour les interventions municipales.

Le projet de loi n° 137 fait aussi en sorte qu'une nouvelle section viendra se greffer à la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux afin de permettre aux municipalités et organismes municipaux d'émettre des obligations selon un mode différent de celui prévu par des dispositions d'une loi ou d'un règlement applicable à l'égard de l'obligation municipale. J'envisage, par exemple, que les obligations puissent exister sous la forme d'une inscription informatique, M. le Président.

Par ailleurs, de nouveaux pouvoirs seront accordés également aux régies intermunicipales, dans une autre section de ce projet de loi. De nouveaux pouvoirs seront octroyés aux régies intermunicipales afin qu'elles bénéficient des mêmes prérogatives que les municipalités en ce qui a trait au regroupement d'achats de matériel ou de matériaux ainsi qu'aux demandes communes de soumissions publiques pour l'adjudication d'un contrat d'assurance ou de fourniture de services. Elles pourront également conclure une entente avec l'UMQ ou l'UMRCQ et des municipalités locales du Québec ou encore avec les deux organismes – la régie intermunicipale – pour l'achat de matériel, ou encore l'exécution de travaux, ou l'octroi d'un contrat d'assurance ou de fourniture de services par l'Union au nom de la régie, être capable, dans le fond, d'agir comme une municipalité à l'égard de l'une ou l'autre des Unions ou des deux Unions.

Par ailleurs, une autre section de cette loi nous amènera, dans un souci d'harmonisation entre les pouvoirs des municipalités régies par les cités et villes et celles du Code municipal, à donner aux municipalités régies par le Code municipal le pouvoir de réglementer à des fins de sécurité les plages publiques de même que les piscines privées et les piscines publiques, en fait à harmoniser les deux systèmes de loi que nous avons. En effet, le Code municipal ne contenait aucune disposition à cet effet. Les municipalités se voyaient contraintes d'utiliser des pouvoirs prévus dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour notamment obliger que soient installées des clôtures sécuritaires autour des piscines. Les municipalités régies par le Code pourront désormais aussi obliger toute personne exploitant une plage ou une piscine publique à obtenir un permis annuel et fixer, évidemment, le coût de ce permis. C'est par entente avec les Unions que nous amenons cette section de la loi.

Par ailleurs, nous allons également traiter du développement économique. Le gouvernement du Québec a fait du développement économique l'une de ses grandes priorités, on le sait. C'est pourquoi différents pouvoirs ont déjà été accordés aux municipalités régionales de comté en matière d'aide au développement économique local. Ces nouvelles prérogatives permettent entre autres aux MRC, déjà, de fournir de l'aide technique aux entreprises et de soutenir financièrement les entreprises en phase de démarrage ou de développement. Elles les autorisent également à embaucher un agent de développement économique et à exploiter un parc industriel.

Une nouvelle étape doit être maintenant franchie. Les municipalités sont de plus en plus interpellées sur le plan de la relance économique, sur le plan du développement local. Traditionnellement, les responsabilités des instances municipales ont été concentrées sur la fourniture de biens et de services aux citoyens, laissant à l'État les fonctions de redistribution de la richesse et de stimulation de l'économie.

Bien que les grands moyens d'action soient entre les mains des gouvernements québécois et évidemment, jusqu'à maintenant aussi, du gouvernement fédéral, les municipalités peuvent – peuvent – bien sûr, y apporter une contribution de plus en plus significative. C'est un courant occidental maintenant que de s'appuyer sur le local, sur le développement économique local pour assurer la croissance, pour assurer le développement économique. D'une part, le milieu municipal a un rôle majeur à jouer dans la mise en place de conditions favorables au développement, notamment par sa responsabilité en matière d'aménagement du territoire et son implication dans la promotion économique; d'autre part, les élus locaux sont interpellés directement par la création prochaine des centres locaux de développement, les fameux CLD. Un CLD par territoire de MRC, les MRC actuelles, un centre local de développement qui réunit toutes les forces, à savoir que, dans le fond, ce sera des guichets multiservices destinés à offrir dans chacun des territoires de MRC les mesures de soutien aux entreprises et aux employeurs.

Le projet de loi n° 137 prévoit que toutes les municipalités régionales de comté doivent soutenir financièrement un organisme à but non lucratif ayant pour mission la promotion et le développement économique agissant sur son territoire et ayant été désigné par le gouvernement. Le montant que la MRC versera à cet organisme sera le fruit d'une contribution annuelle de chacune des municipalités locales incluses dans le territoire de la MRC. Cette contribution financière annuelle d'une municipalité locale sera déterminée par un règlement de la MRC. À défaut par celle-ci d'adopter un tel règlement, le gouvernement pourra par règlement lui-même prévoir les règles permettant de déterminer le montant que chaque municipalité devra verser pour un exercice financier pour soutenir un organisme de développement économique.

En fait, il y aura donc, M. le Président, une espèce de mécanisme supplétif au cas où il se présenterait une impossibilité pratique pour une MRC d'adopter un règlement fixant la contribution de chacune des municipalités locales à l'organisme local de développement désigné par le gouvernement, étant compris que l'organisme désigné par le gouvernement devra lui-même avoir reçu une approbation par résolution de la MRC, c'est-à-dire que le mécanisme d'accréditation de l'organisme économique qui jouera le rôle de guichet multiservices devra préalablement, à l'approbation par le gouvernement, recevoir une première approbation par résolution du conseil de la MRC afin de s'assurer que nous soyons, bien sûr, en présence d'un organisme qui réponde aux impératifs de l'ensemble du territoire et surtout de chacune des municipalités locales. À défaut d'en arriver à une entente sur un règlement pour fixer le quantum de la contribution de chacune des municipalités, si besoin était, le gouvernement aura l'assise réglementaire pour fixer ce niveau de contribution, et bien sûr sur consultation de la MRC, puisque nous venons d'indiquer que l'organisme lui-même ne sera créé qu'en vertu d'abord d'une résolution adoptée par la MRC elle-même.

En somme, M. le Président, l'ensemble des MRC au Québec nous ont demandé de rendre la participation au soutien au développement économique local une compétence obligatoire, c'est-à-dire que tout le monde fasse sa part, parce qu'actuellement, sur une base volontaire, on peut indiquer qu'à peu près 90 % à 95 % des municipalités contribuent déjà de façon volontaire à un organisme de soutien au développement économique. Il y a, bien sûr, un certain nombre de municipalités qui ne participent pas. On fixe ça entre 5 % et 10 % au maximum, ça varie selon les années. De façon à simplifier, de façon à augmenter l'efficacité, l'ensemble des préfets des MRC au Québec ont demandé au ministre des Affaires municipales de rendre cette contribution obligatoire, en laissant, bien sûr, le niveau de contribution entre les mains de ceux et celles qui sont élus et qui siègent à la table de la MRC, suivant les règles de décision à la MRC.

Alors, M. le Président, voilà les principales dimensions de ce projet de loi n° 137: rendre les lois municipales conformes à l'Accord Québec-Ontario; permettre, de façon opérationnelle, la dématérialisation des obligations municipales; donner de nouveaux pouvoirs aux régies intermunicipales pour qu'elles puissent contracter entre elles, et avec un certain nombre de pouvoirs que possèdent déjà les municipalités; des dispositions à l'égard de la protection du public pour ce qui concerne les plages publiques et les piscines publiques ou privées; finalement, ce que je viens d'évoquer, la participation au développement économique.

(15 h 20)

Alors, voilà, M. le Président, les principaux objets de ce projet de loi n° 137. Nous aurons, comme d'habitude, bien sûr, à en discuter en commission parlementaire article par article de façon à arriver à un résultat qui réponde au consensus qui a été établi avec les municipalités à l'égard de ces objets et nous tenterons d'améliorer le projet de loi pour être bien sûrs qu'on atteint les objectifs recherchés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Affaires municipales. Nous allons maintenant céder la parole à la critique officielle de l'opposition en matière d'affaires municipales, Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour à titre de porte-parole pour l'opposition sur le projet de loi n° 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. J'ai été un peu surprise du ton avec lequel le ministre a présenté le projet de loi, dans la mesure où il donne l'impression à la fois aux membres de cette Assemblée et aux gens qui nous écoutent que ça fait suite aux allégements qui sont demandés par les Unions municipales, par les municipalités. Savez-vous, M. le Président, que, sur une quinzaine d'articles proposés dans le projet de loi, plus des trois quarts sont des articles que nous devons reprendre, puisque ces articles-là ont été adoptés en cette Chambre, ici même, en décembre dernier ou en juin dernier et que, si le ministre des Affaires municipales avait fait ses devoirs comme il faut, ce projet de loi là, à peu de chose près, n'aurait sans doute pas été nécessaire ici, avec les articles qu'on connaît actuellement, ceux dont il vient de vous parler? Je vais vous faire la démonstration suivante et ensuite je vais le faire par le biais des différents articles que l'on retrouve dans le projet de loi.

Tout d'abord, le projet de loi comporte... j'ai dit «15», je m'excuse, c'est 47 articles, et modifie 13 lois du domaine municipal. Ce projet de loi, comme je l'ai mentionné, n'aurait sans doute pas vu le jour si le ministre avait fait les devoirs qui s'imposaient. Alors, procédons dans l'ordre. Les premiers articles concernent l'harmonisation des règles d'adjudication de certains contrats de construction, d'approvisionnement et de services pour donner suite aux dispositions de l'Accord de libéralisation des marchés publics du Québec et de l'Ontario.

Cet Accord, M. le Président, a d'abord été signé en 1993 par le gouvernement qui nous a précédés. Il a été signé par M. Bourassa et M. Tremblay, qui étaient à la fois premier ministre et ministre responsable du dossier du commerce extérieur, et l'objectif de cet Accord, évidemment, était de faire tomber le plus de barrières possible entre les provinces – ça, c'était l'accord du commerce intérieur. En mai 1994, il y a eu l'Accord de libéralisation des échanges entre Québec et Ontario. Cette fois-là, c'est M. Johnson, qui était le premier ministre, et M. Bob Ray, qui était le premier ministre de l'Ontario à l'époque, qui ont signé cette entente-là. Le 30 juin 1995, l'Accord s'est appliqué aux contrats de construction de 100 000 $, et ça touchait le domaine de la construction seulement. En mai, le 30 mai 1996 plus précisément, puisque le ministre l'a soulevé dans ses notes d'ouverture, il y a eu des amendements qui ont été apportés à cet Accord-là, y ajoutant en fait les contrats d'approvisionnement et services.

Alors, j'aimerais vous lire, M. le Président, si vous permettez, à la page 20 de l'annexe C de l'Accord de libéralisation des marchés publics du Québec et de l'Ontario, contrats de construction, annexe C, paragraphe 1,2: «À compter du 30 juin 1995, le présent Accord s'applique aux contrats de construction de 100 000 $ et plus conclus par les organisations suivantes.» On y lit, pour le Québec, que ça concerne les municipalités et organismes municipaux, établissements d'enseignement supérieur, les commissions scolaires, les établissements publics de santé et de services sociaux.

Vous vous rappellerez, M. le Président, que je viens juste de mentionner qu'il y a eu des amendements qui ont été apportés à cet Accord-là, dont un qui remonte au 30 juin 1996 et qui a ajouté aux contrats de construction de 100 000 $ et plus les contrats de services et les contrats de professionnels.

Or, M. le Président, au moment où cet Accord-là se signait, concernant les contrats de services de 100 000 $ et plus entre les deux provinces, nous étions en cette Chambre en train de discuter d'un projet de loi dans lequel le gouvernement, pour des raisons d'assouplissement de règles, évidemment aussi pour se conformer à l'Accord de libéralisation des échanges entre le Québec et l'Ontario, a introduit la possibilité de permettre aux municipalités d'aller en soumission – ça, c'est pour les contrats de 100 000 $ et plus – et de ne pas être obligées d'accepter la plus basse soumission. Je m'explique.

Vous savez qu'en général, puisque vous avez déjà occupé ce poste-là, normalement les municipalités étaient contraintes à accepter le plus bas soumissionnaire, à moins d'une autorisation bien spéciale du ministre. Or, dans ce projet de loi là, l'an dernier, le ministre a permis aux municipalités, l'Assemblée nationale, en fait, a permis aux municipalités d'accorder le contrat au plus bas soumissionnaire dans la mesure où la deuxième plus basse soumission ne dépassait pas 50 000 $ ou 1 % du contrat qui allait être accordé. Nous avons donné notre aval. On a voté de façon unanime en cette Chambre sur ce dossier-là.

Pas deux ans plus tard, M. le Président, moins d'un an après, on se retrouve en cette Chambre, sous le couvert d'assouplissement de règles, à se faire dire par le ministre des Affaires municipales qu'on va de l'avant avec des demandes des municipalités. Mais ce n'est pas ça. On est obligé de se conformer à des amendements apportés à l'Accord de libéralisation des échanges entre le Québec et l'Ontario. Ça s'est fait le 30 mai, et le projet de loi a été sanctionné au mois de juin.

Vous savez comme moi que des papillons, ça peut nous arriver n'importe quand. Pour les gens qui nous écoutent, ce sont des amendements qui nous arrivent toujours à la toute dernière minute. Il m'apparaît, M. le Président, qu'on aurait très bien pu s'orchestrer, coordonner la législation pour faire en sorte qu'on n'ait pas à revenir aujourd'hui sur ce sujet très spécifique de l'octroi de contrats par le voie de la soumission la plus basse. Sans compter qu'il y a des municipalités qui se réjouissaient de cette législation l'an dernier parce que ça donnait quand même une certaine souplesse.

Lorsque le ministre nous dit qu'il assouplit aussi les règles pour l'octroi des contrats, que les municipalités pourront préparer les soumissions en fonction de critères très spécifiques, ça aussi, M. le Président, ce n'est pas une demande des Unions ni une demande des municipalités, c'est une obligation que l'on retrouve dans l'Accord de libéralisation des marchés entre le Québec et l'Ontario.

Je ne voudrais surtout pas, M. le Président, que vous pensiez que je suis contre cet article. Au contraire, je pense que c'est important qu'on s'arrime avec l'ensemble de nos autres lois ici, sauf qu'il m'apparaît absolument loufoque qu'on ait besoin de se relever en cette Chambre, refaire un petit débat là-dessus alors que tout le monde était d'accord. Et on aurait sauvé bien du temps.

L'autre élément dont je voudrais vous parler, M. le Président, touche la dématérialisation des titres, ce qui nous amène ici à modifier la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux afin de procéder à la dématérialisation des titres municipaux. Pour ceux qui nous écoutent, on parle ici des obligations municipales.

(15 h 30)

Le gouvernement du Québec a présenté de nombreuses dispositions à ce sujet lors de la présentation du projet de loi n° 24, le 15 mai 1996. C'était la Loi sur les cités et villes amendant, évidemment, certaines dispositions. On doit aujourd'hui, M. le Président, reprendre ce travail-là. Pourquoi il faut reprendre ce travail-là? Parce qu'on a comme oublié de parler au ministère des Finances.

Le ministère des Finances a dit au ministre des Affaires municipales: Ça ne peut pas marcher comme ça. Nous, on a un système de support informatique des obligations municipales. Notre système est le même que celui de toutes les autres municipalités au Canada, dans les autres provinces, aux États-Unis, même en Amérique du Nord. Or, le système que vous avez mis en place va insécuriser les marchés. Vous devez donc refaire vos devoirs et réamender la loi pour faire en sorte de vous arrimer avec notre système à nous.

Alors, c'est ce qu'on fait, M. le Président. Il ne faudrait pas oublier qu'on a, là aussi, fait un long débat sur la dématérialisation des titres, à la session de décembre dernier, soit dit en passant. Donc, ce n'est pas si loin que ça. Il faut revenir aujourd'hui dans un bill omnibus d'une quarantaine de lois à amender et refaire nos devoirs. Encore là, je n'ai rien contre, puisqu'on a voté en faveur de ces articles-là lors de la session d'hiver dernier, mais il m'apparaît qu'on a d'autres choses à faire que de corriger les erreurs du ministre.

L'autre élément, M. le Président, consiste en l'habilitation des régies municipales à conclure des ententes avec une autre régie, une municipalité, une commission scolaire, un établissement d'enseignement, un organisme à but non lucratif et certains établissements publics dans le but d'acheter conjointement du matériel ou des matériaux. Ça permet également de procéder à des demandes communes de soumissions publiques pour l'octroi de contrats d'assurance ou de fourniture de services et de conclure une entente avec une union municipale pour l'achat de matériel ou de matériaux, pour l'exécution de travaux ou l'octroi d'un contrat d'assurance ou de fourniture de services par l'union au nom de la régie.

On a, M. le Président, encore là, au printemps 1996 et à l'automne 1996 – vous savez comme moi que les projets de loi municipaux passent toujours à la toute dernière minute, donc, décembre et juin 1996 – discuté et introduit dans un projet de loi des ententes que pouvaient conclure les communautés urbaines, les MRC. Pourquoi on n'a pas profité de ces débats, de ces discussions pour y inclure les régies municipales? C'est parfaitement normal. On sait maintenant qu'il y a de nombreuses municipalités qui créent des régies municipales afin de mettre en commun les services. Alors, pourquoi ne pas avoir pensé vite et rapidement et inclus ça dans un des deux projets de loi qu'on a adoptés l'an dernier? On aurait été d'accord de toute façon avec ce projet de loi là.

Alors, ça, c'est trois éléments quand même importants et qui prennent, dans le projet de loi n° 137, beaucoup de place, dans la mesure où, si vous lisez le projet de loi – il est très descriptif – ça touche les contrats de construction, les contrats d'approvisionnement, de services, quand on parle évidemment de s'arrimer avec la loi sur l'Accord de libéralisation entre le Québec et l'Ontario.

Il y a d'autres éléments dans ce projet de loi là. Un qui m'apparaît essentiel: j'ai été estomaquée d'apprendre que le Code municipal ne prévoyait pas, pour les résidents qui avaient des piscines, l'obligation de construire des clôtures. Et je peux vous dire, M. le Président, que je donne mon aval pour m'assurer que ça se fera le plus rapidement, quand on considère toute la question de sécurité, qui est importante évidemment, et quand on considère qu'au Québec il se noie beaucoup trop de jeunes enfants. Alors, je pense que les municipalités doivent être félicitées d'exiger que ce soit prévu dans le Code municipal, alors que ça l'est déjà dans la Loi sur les cités et villes.

On sait que les municipalités régies par le Code avaient beaucoup de difficultés à faire appliquer le règlement sur l'aménagement et l'urbanisme. C'est ce qui nous oblige aujourd'hui à procéder par des amendements au Code municipal. Donc, il est certain qu'on va donner notre accord à cet article-là.

J'aimerais maintenant vous parler de l'article 10 – vous me permettrez, M. le Président, de me retrouver dans le projet – qui crée une obligation pour les municipalités formant ou composant la MRC de financer le développement économique de leur région. C'est une obligation qui leur sera faite à partir du 1er avril 1998. Ça, ça fait suite, comme on le sait, au dépôt du livre blanc du ministre responsable du Développement des régions et qui exige que l'ensemble des municipalités formant la MRC se sentent responsabilisées et participent au financement du développement économique. Je ne peux pas vous dire que je suis contre cette idée, ce serait faux, sauf que je pense qu'il y a beaucoup de questions actuellement qui sont restées sans réponses, et j'aimerais avec vous essayer de comprendre le comment va s'arrimer ou comment va s'orchestrer cette mécanique de paiement, de financement obligatoire.

Le ministre vient tout juste de terminer ses propos en disant que ça serait laissé à la discrétion des MRC. Je veux bien; mais est-ce que le ministre s'est assuré qu'il n'y aurait pas discrimination d'une municipalité régionale de comté par rapport à une autre? Quels seront les critères qui seront exigés par une MRC par rapport à une autre? Quel est le montant global qui va être demandé à l'ensemble des MRC quant à leur participation obligatoire au développement économique de leur région et plus spécifiquement, évidemment, dans le cadre de la création de la mise sur pied des CLD?

Vous comprendrez, M. le Président, que j'ai un petit peu de misère à me retrouver là-dedans. Lorsque le ministre nous dit que c'est laissé à la discrétion des MRC, que je retrouve dans sa grande réforme sur la fiscalité municipale... Excusez les barbots, mais ça commence à être usé. Lorsqu'on retrouve, à l'item de discussion 17, «participation du milieu municipal à l'organisation et au financement des nouveaux centres locaux de développement dans chaque MRC, quartier de Montréal et de Québec» et qu'on y lit «55 000 000 $», est-ce que c'est 55 000 000 $? Est-ce que ce chiffre-là s'est retrouvé là de façon arbitraire? Je n'en sais rien. Or, lorsqu'on lit les journaux, lorsqu'on parle avec les Unions municipales, il y a des simulations qui ont été faites, sont-elles justes? Je n'en sais rien, mais on a laissé véhiculer le chiffre de 33 000 000 $; grosso modo, 0,01 $ du 100 $ d'évaluation. Est-ce que c'est 33 000 000 $? Est-ce que c'est 55 000 000 $? Je ne le sais pas.

Et de quelle façon – vous me permettrez de vous parler de ma région – allons-nous régler, je vous dirais, le sort de la région de Québec? Parce qu'on ne sait toujours pas, dans le livre blanc, quels sont les aménagements qui sont envisagés pour la capitale, et je nous réfère évidemment au livre blanc du ministre responsable du Développement des régions. Et, en ce qui touche le contexte de la capitale, donc de la grande région de Québec, on sait qu'il y a des aménagements qui sont également envisagés pour tenir compte de la réalité particulière de la capitale, mais on n'a aucune idée de quels aménagements on parle. Combien y aurait-il de CLD de créés? Est-ce que le territoire des MRC va empiéter sur le territoire de la Communauté urbaine? Si oui, de quelle façon seront appelées à contribuer les municipalités qui se retrouvent peut-être à cheval ou assises sur la clôture? Autant de questions, autant de réponses que je voudrais bien entendre lors de l'étude article par article.

M. le Président, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, on a souvent entendu parler de l'importance de l'allégement des contrôles. Le prédécesseur du M. le ministre actuel a toujours parlé d'un train d'allégements. On a eu effectivement des projets de loi qui ont touché certains allégements, mais certainement pas l'ensemble des allégements qui ont été demandés à maintes reprises à la fois par l'Union des municipalités du Québec, à la fois par l'Union des municipalités régionales de comté.

(15 h 40)

Ce qui m'étonne, et je me répète à chaque fois parce que je m'imagine qu'à force de le répéter il y a finalement quelqu'un qui va l'entendre: Comment se fait-il qu'on nous dépose un projet de loi, le projet de loi n° 137, dans lequel on se fait un peu plaisir puis on prétend que ce sont des allégements, on y inclut d'autres amendements législatifs qui sont demandés par les municipalités – mais pas nécessairement l'ensemble de ceux qui sont demandés par les municipalités – alors qu'on sait très bien que ce que souhaite le monde municipal, c'est la révision de l'ensemble des lois municipales? On attend après le livre 3. On en a entendu parler par le prédécesseur du ministre actuel, on sait que c'est en préparation et que, j'imagine, le ministre actuel y veille très sérieusement. Mais on ne retrouve pas, dans les projets de loi déposés à cette session-ci, donc au menu législatif du printemps, des allégements majeurs de contrôle qui permettraient à tout le monde de travailler de façon plus efficace.

Ça, M. le Président, c'est désolant, dans la mesure où la Table Québec-municipalités, qui a été créée il y a de ça plus de cinq, six ans, je pense, s'est réunie de nombreuses fois sous la tutelle, si vous voulez, du ministre des Affaires municipales qui était M. Claude Ryan à l'époque, s'est réunie à plusieurs reprises sous le ministre responsable des Affaires municipales qui a précédé l'actuel ministre, il y a eu les sous-comités de créés, il y a des recommandations qui ont été faites, et je suis obligée de vous dire, M. le Président, que ça ne bouge plus nulle part. La Table Québec-municipalités ne s'est presque pas réunie depuis que le ministre des Affaires municipales actuel a été nommé ministre. Alors, je me demande comment on peut répondre ou acquiescer aux demandes du milieu municipal d'alléger encore plus les contrôles ministériels lorsqu'il n'y a personne qui s'assoit à cette Table-là pour recevoir les recommandations. Et, moi, je sais qu'il y a une pile de recommandations qui ont été faites. C'est resté lettre morte. Pour quelle raison? Je n'en sais rien.

Il me semble que ça ne serait pas compliqué d'arriver avec un projet de loi qui contenterait le monde municipal et qui démontrerait la volonté du ministre de vraiment aller de l'avant et pas par des petits allégements... Pas des petits allégements, parce que ceux qui sont dans le projet de loi sont quand même importants, mais pas par un petit projet de loi, finalement, qui n'était, je vous dirai bien franchement, à peu près pas nécessaire, si on considère que l'ensemble du projet de loi ne fait que reprendre ce qu'on a fait, pas il y a 10 ans, pas il y a cinq ans, même pas il y a un an.

Le projet de loi n° 24 a été adopté – j'y ai fait référence tantôt – en juin 1996. On a le projet de loi n° 72, dans lequel on trouve des allégements qu'on doit revoir aujourd'hui, 16 décembre 1996. Bien, franchement, là... On est d'accord sur le principe d'adoption du projet de loi, mais je vous dirai bien sincèrement qu'il aurait été intéressant de travailler sur d'autres projets de loi, d'autres allégements qui auraient permis de faire avancer le monde municipal. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Nous allons maintenant céder la parole au député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Dans le cadre du projet de loi n° 137, comme ma collègue la députée de Jean-Talon vient de le mentionner, suite à la présentation que le ministre des Affaires municipales vient de faire pour une prise en considération de ce projet de loi... Je n'y reviendrai pas parce que la députée de Jean-Talon a abondamment décrit, justement, que c'est une partie de ce projet de loi qui a un impact sur au moins 15 lois du domaine municipal, qui vient faire des modifications.

Nous, je pense qu'on se doit, d'entrée de jeu, d'expliquer qu'on doit être en accord, en principe, sur une partie de ce projet de loi là parce qu'il vient corriger des inégalités. Je pense qu'il y a des problèmes de fonctionnement au niveau municipal, et le ministère des Affaires municipales lui-même, les officiers ont eux-mêmes reconnu dans les derniers mois qu'il fallait revoir certaines décisions qui avaient été prises tout récemment de la part du ministre des Affaires municipales.

Tout ça, M. le Président, pour essayer de vous démontrer que nous posons, ici, dans cette Assemblée, des questions au ministre pour tenter de rassurer la population. La population s'inquiète davantage, et on en a une démonstration avec la présentation de ce projet de loi. D'autres projets de loi et d'autres réformes qui sont déjà en préparation au ministère des Affaires municipales, à la demande du gouvernement et du ministre des Affaires municipales, viennent inquiéter la population. Comme je vous le mentionnais, nous posons des questions pour tenter, pour permettre au ministre de rassurer la population, à savoir la première partie du projet de loi qu'on mentionnait vient corriger des choses. En principe, nous sommes d'accord et nous allons collaborer en commission parlementaire pour corriger les erreurs qui ont été faites.

Je dois reconnaître à ce moment-ci, et on doit tous se rappeler que la députée de Jean-Talon, à l'étude des projets de loi nos 24 et 72... J'y ai participé en très grande partie et d'autres collègues de l'opposition y ont participé. Nous avions mis en garde le ministre sur certains articles qui avaient été adoptés à ce moment-là, à savoir si c'était vraiment ce dont les municipalités avaient besoin, si la preuve avait été faite que les municipalités avaient besoin de ces pouvoirs-là dans l'encadrement qu'on leur donnait dans le projet de loi n° 24, d'abord, d'une part.

On vient de nous faire la preuve qu'on avait raison de se questionner. Donc, si on avait raison de se questionner il y a 12 mois, si on avait raison de se questionner dans le cadre de la loi n° 72 il y a six mois sur ce que le ministre a donné comme pouvoirs aux Affaires municipales, on a aussi raison aujourd'hui de continuer à s'inquiéter et de questionner le ministre et de dire en commission parlementaire: Nous allons devoir être plus vigilants que nous l'avons été tous ensemble dans le passé, pour la simple raison que c'est ce qui guide les municipalités.

Et aujourd'hui, au moment où on se parle, M. le Président, il y a une profonde inquiétude de la part des payeurs de taxes dans nos petites localités, en région, comme dans les grandes villes d'ailleurs. Mais, moi, c'est une région. Comme, la mienne, celle de Montmagny-L'Islet, on retrouve une agglomération de 28 municipalités dont la plus grosse est la ville de Montmagny, autour de 13 000 de population, mais, dans les autres, vous retrouvez des populations de 2 000, 2 500, 3 000 et des petites de 800 à 1 000.

Donc, de plus en plus, les gens sont présents dans les réunions de conseils municipaux et mettent en garde leurs élus municipaux de suivre de près la représentation que font les préfets dans chacune de nos régions auprès des deux Unions, à savoir de quelle façon ils vont négocier avec les représentants du gouvernement dans le cadre du transfert du 500 000 000 $.

Ils savent très bien que c'est des factures qui vont leur revenir, et il y a une partie du projet de loi, M. le Président, ici, qui vient faire cette démonstration-là parce que le ministre donne le pouvoir aux municipalités régionales de comté d'imposer une collaboration financière à toutes les municipalités dans le cadre d'une structure de développement régional. Ils le font déjà en très grande partie. Certaines municipalités avaient le loisir, pouvaient se retirer, pour des raisons qui sont les leurs: c'était une municipalité qui était plus isolée que d'autres, qui savait très bien qu'elle n'aurait peut-être pas les retombées que d'autres pouvaient avoir, dans le cadre de projets de mise en place d'une structure, ce qu'on appelle les commissariats de développement régionaux de chacune des MRC.

Qu'on soit obligé, qu'on impose à chacune des municipalités d'y participer, jusque là, ça peut aller. Mais le citoyen, il voit très bien que le gouvernement est en train de positionner un gouvernement régional qui va prendre en main le transfert, comme je le mentionnais, de certaines responsabilités, soit le 500 000 000 $ dont on parle abondamment depuis le dépôt du budget du ministre des Finances, d'une part, mais des responsabilités futures.

(15 h 50)

Le livre blanc du ministre du Développement régional et ministre de l'Énergie et des Ressources du gouvernement du Québec n'y fait pas allusion. Ils vont mettre en place les CLD de développement régional. C'est ce qui va remplacer les commissariats industriels. Mais je pense que ça, les municipalités l'ont démontré, les municipalités régionales de comté ont démontré leur volonté de participer à leur développement et d'y participer financièrement. Mais ce n'est plus ce qu'on retrouve dans la collaboration financière des municipalités. Les municipalités, elles collaborent déjà, estimé à 25 000 000 $. Ce qu'on demande aux municipalités dans le cadre de la mise en place des nouveaux CLD, les conseils locaux de développement, c'est qu'il y ait une autre participation de 55 000 000 $. Donc, M. le Président, je m'inquiète au nom des citoyens payeurs de taxes de ma région comme de toutes les régions du Québec.

Ce 55 000 000 $ là, il n'est pas défini, il est à négocier. Le ministre nous répond fréquemment ici, dans cette Chambre: C'est à la table, aux chantiers de travail que va se décider la collaboration municipale à l'assainissement des finances publiques. Et c'est là qu'on retrouve ce 55 000 000 $ là. De quelle façon les MRC vont pouvoir le gérer, vont devoir le gérer, avec la collaboration de chacune des municipalités locales? C'est une autre question. Et ça, ça va représenter un financement d'au-delà de 70 % des coûts de la mise en place des CLD, les conseils locaux de développement.

Dans quelques années, au rythme où va le gouvernement, dans un an ou deux, dans son transfert de responsabilités vers les municipalités de certains programmes et de certaines responsabilités – et là on parle du développement régional, mais il y en a d'autres – ça sera probablement 100 % de la facture. Donc, il aura mis en place, par le projet de loi n° 37, les moyens nécessaires, c'est-à-dire qu'il aura donné à chacune des MRC ce que la plupart souhaitent d'ailleurs, mais ne souhaitent pas recevoir la facture telle qu'on la décrit actuellement. La plupart souhaitent recevoir ces pouvoirs-là, les gérer et même souhaitaient que le gouvernement le fasse dans un meilleur délai qu'il le fait actuellement.

Donc, ce qu'on peut déjà prévoir, c'est que le gouvernement met en place tout ce dont il aura besoin comme structure de gouvernements régionaux autour de la structure des MRC pour transférer, d'abord, en 1998, le 500 000 000 $ dont on parle et des responsabilités à venir. Les payeurs de taxes ont toutes les raisons de s'inquiéter, au risque de me répéter, M. le Président. C'est pourquoi nous posons des questions, pour permettre... Il devrait considérer que c'est peut-être une chance qu'on lui donne d'expliquer à chacun des payeurs de taxes dans nos régions ses projets, son scénario, là où le gouvernement veut aller dans son transfert de responsabilités envers les municipalités. Donc, l'obligation d'y participer financièrement, elle n'était pas là, mais il le faisait déjà à 95 %. On l'impose. Je pense que c'est de là l'inquiétude des petites municipalités.

En conclusion en rapport avec le projet de loi n° 137, je sais très bien que le ministre va nous dire: Nous allons avoir la chance d'en débattre abondamment en commission parlementaire, l'opposition aura la chance d'exprimer ses inquiétudes. Mais il reste que, dans le projet de loi n° 137, la première partie, on reprend le travail qui a déjà été débattu ici, dans cette Chambre, que l'Assemblée nationale a approuvé dans la dernière année, d'une part, en plus de donner le pouvoir aux MRC de transférer des factures additionnelles à chacune des municipalités locales, et ça, évidemment, c'est la partie qui est la plus inquiétante, c'est le scénario qu'a retenu le gouvernement actuel.

Le ministre des Affaires municipales a une commande très particulière de la part du ministre des Finances et il tente d'y arriver avec les moyens qu'il a choisis. Mais, on l'a mentionné et nous allons avoir la chance probablement et les deux Unions auront la chance de le démontrer dans les prochains jours, ils s'inquiètent, et ce n'est pas avec le scénario que le ministre a mis en place, qu'il a présenté à l'occasion du congrès de l'Union des municipalités du Québec, que ces gens-là veulent avancer. Ils veulent d'abord que le ministre les rassure, revoie certaines exigences comme celle de laisser planer le doute des fusions des MRC pour y arriver, d'abord dans le cadre du dossier du regroupement des commissions scolaires. Je pense que ça, ça vient décrire, mettre une scène, un portrait de fond avec lequel les MRC auront probablement l'obligation de travailler comme redécoupage ou fusion des MRC, d'une part.

D'autre part, je vous répète que ça vient tout simplement démontrer que le gouvernement s'assure que les MRC ne pourront pas refuser, auront tous les moyens pour accepter les transferts qu'ils ont l'intention de négocier au cours de l'année 1997, et la grosse partie sera en application en 1998. L'inquiétude est qu'il y en aura d'autres à venir. Donc, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Nous cédons maintenant la parole à la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: M. le Président, on a l'occasion aujourd'hui de débattre du principe de l'adoption du projet de loi n° 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Je veux m'attarder principalement à l'article 10 du projet de loi par lequel toute municipalité régionale de comté doit soutenir financièrement un organisme à but non lucratif ayant pour mission la promotion et le développement économique, agissant sur son territoire et ayant été désigné par le gouvernement.

On comprend ici que le ministre veut faire référence aux centres locaux de développement, tels que prévus à la page 17 dans le livre blanc du ministre d'État au Développement régional, intitulé plus précisément La politique de soutien au développement local et régional . On dit donc que les MRC devront s'impliquer dans le financement de ces organismes à être créés. Or, les MRC se demandent quelle sera la facture qu'elles auront à payer. Une première évaluation faite par les instances concernées portait à plus ou moins 30 000 000 $ le coût d'implantation des centres locaux de développement, les CLD. Les municipalités contribuent déjà à des activités de développement économique en finançant les commissariats industriels. Or, le ministre des Affaires municipales parle, lui, dans la brève ébauche qu'il a couchée sur un bout de papier, d'une facture de 55 000 000 $, laquelle serait payée à 70 % par les MRC. Les MRC se questionnent donc sur quoi se base le ministre pour en arriver à ces chiffres.

Chez nous, dans Beauce-Sud, la MRC de Beauce-Sartigan se questionne et apprécierait que des consultations particulières soient menées sur cette nouvelle politique. Et, puisque nous en sommes présentement à débattre du principe de l'adoption de la loi n° 137 et que le financement de tels organismes est précisé à l'article 10, je souhaite que le ministre des Affaires municipales transmette au ministre d'État au Développement régional le voeu de la MRC de Beauce-Sartigan, qui est sans doute le voeu aussi de plusieurs autres MRC du Québec. Puisque les MRC auront à payer la facture ou une grande partie de celle-ci, je crois qu'il serait tout à fait normal que les MRC sachent quel sera le montant de la facture.

(16 heures)

On peut présumer, M. le Président, que l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec sont d'accord avec le principe de pouvoir intervenir au niveau du développement régional, puisque celles-ci l'ont proclamé ou demandé à plusieurs reprises. On pourrait donc, à bon droit, prétendre que les Unions municipales ne s'objectent pas à cette mesure du gouvernement. Cependant, le contexte particulier des relations politiques entre le gouvernement et les municipalités nous laisse perplexes quant au résultat que l'on pourra atteindre.

Dans un article paru dans La Presse aujourd'hui, la présidente de l'UMRCQ, Mme Jacinthe Simard nous rapporte que: «La grogne des élus municipaux atteint un niveau rarement vu. Les maires et préfets sont peu enclins à appuyer le gouvernement dans sa façon d'atteindre le déficit zéro» et elle «menace de quitter les chantiers de discussion mis sur pied par le ministre des Affaires municipales, Rémy Trudel, si elle n'obtient pas d'ici la semaine prochaine le moratoire qu'elle réclame de Québec sur les réformes gouvernementales en cours [...] le temps que soit au moins réglé l'épineux dossier des 500 000 $» de transfert, le délestage dans la cour des municipalités.

Mais revenons-en, M. le Président, au projet de loi que nous débattons en ce moment, soit la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. L'article 688.11 du Code municipal, qui est introduit par l'article 10 du projet de loi, prévoit que «toute municipalité locale dont le territoire est compris dans celui de la municipalité régionale de comté doit contribuer annuellement au soutien de l'organisme visé à l'article 688.10 [...] le montant est déterminé par un règlement de la municipalité régionale de comté». Toutefois, si aucun règlement n'est adopté à cet effet, le gouvernement prend un règlement pour «prévoir les règles permettant de déterminer le montant de la somme que chaque municipalité locale doit verser».

Alors, nous trouvons pour le moins bizarre, M. le Président, que le ministre prévoie de telles dispositions permettant au gouvernement de prendre un règlement à défaut que les MRC n'adoptent le leur. On croit que les MRC sont des entités responsables capables de régler ça à l'interne par leur propre règlement et on ne voit pas la nécessité d'inclure cette disposition dans le projet de loi. C'est, à notre avis, une mesure de trop, qui n'a pas sa raison d'être.

En terminant, M. le Président, je crois que le ministre devra préciser s'il révisera le mode de fonctionnement démocratique au sein de la MRC, tel que le réclame l'UMQ. Le ministre Trudel a indiqué au congrès de l'UMQ qu'il est prêt à revoir le mode de fonctionnement démocratique au sein de la MRC en instaurant une règle de double majorité qui tient compte du nombre de municipalités et de la population, mais avec une limite de 49 % sur ce dernier aspect. Il a ajouté que le préfet de la MRC serait élu au suffrage universel.

Toutefois, la position du ministre, M. le Président, ne se retrouve pas dans la loi ou à l'intérieur d'un autre projet de loi, à ce jour. Alors, on se questionne: Pourquoi le ministre n'a-t-il pas inclus cette disposition dans le projet de loi?

Alors, M. le Président, je tenais à intervenir sur ce projet de loi, plus précisément l'article 10, parce que cette question préoccupe la MRC de Beauce-Sartigan, et j'aurai sûrement l'occasion d'y revenir un peu plus tard, à l'étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire, puisque j'y siégerai. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 137? M. le ministre des Affaires municipales, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? Alors, M. le ministre.


M. Rémy Trudel (réplique)

M. Trudel: M. le Président, seulement quelques mentions suite aux interventions de l'opposition. Évidemment, nous aurons à apporter tous les éclaircissements qui doivent être apportés à l'égard des articles du projet de loi n° 137, en particulier sur la contribution des MRC au développement économique. C'est à ce moment-là qu'on pourra, donc, discuter de comment est agencée la façon dont les MRC pourront adopter un règlement et, à défaut d'adopter un tel règlement, pourquoi le gouvernement prévoit un mécanisme supplétif pour en arriver à ce que tout le monde fasse sa part.

Je réitère, là-dessus, que l'ensemble des préfets des MRC souhaitent qu'on puisse avoir un mécanisme le plus simple possible, en termes d'efficacité, tout en respectant, oui, évidemment la capacité locale de payer, qui se décide autour de la table de la MRC, là où est représentée forcément chacune des municipalités membres de la MRC. On aura l'occasion d'expliquer en détail, au niveau de la commission parlementaire, à l'étude article par article, le fonctionnement du mécanisme.

Par ailleurs, sur les autres ajustements, M. le Président, effectivement nous donnons suite à des ententes qui ont été signées entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario et nous rendons les lois municipales conformes. En plus, nous bonifions les aspects qui permettent aux municipalités d'avoir davantage d'emprise sur la sélection de leurs fournisseurs ou des contrats en réponse aux appels d'offres qu'elles ont faits. Alors, on aura l'occasion de regarder ça en détail au niveau de la commission parlementaire.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Le principe du projet de loi n° 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

Mme Caron: M. le Président, avant d'appeler le prochain article, de consentement, je voudrais déposer un avis touchant les travaux des commissions. Alors, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude du projet de loi d'intérêt privé n° 216, Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal, immédiatement après les affaires courantes, le mercredi 4 juin 1997, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cet avis est déposé. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 17 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 140


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 17, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Maintenant, nous allons donc procéder à la présentation du projet de loi n° 140. Le projet de loi n° 140 est relatif aux responsabilités qui m'ont été confiées en matière de sport, de loisir et de plein air. Alors, il s'agit d'un projet de loi qui est relativement simple, effectivement. Cependant, le projet de loi n° 140 est le résultat d'un assez long processus, ne serait-ce qu'au niveau de la constatation des faits, au niveau de la pratique sportive de la plongée sous-marine au Québec, de la plongée subaquatique. Il me fait donc plaisir de proposer à cette Assemblée d'adopter le principe du projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, puisque c'est par le biais de cette loi que nous allons en arriver à faire en sorte qu'il y ait davantage de contrôles dans la pratique de la plongée sous-marine au Québec.

M. le Président, l'État se doit de protéger ses citoyens et ses citoyennes, de sauvegarder leur vie et leur intégrité physique dans tous les domaines, dont celui de la pratique de certaines activités sportives et récréatives comportant des risques. Les dispositions du projet de loi n° 140 devraient, à cet égard, permettre de répondre à la situation spécifique du secteur de la plongée subaquatique au Québec. Au cours de la période des années 1990 à 1996, malheureusement, la plongée sous-marine, au Québec, a fait 29 victimes. Vingt-neuf personnes, entre 1990 et 1996, sont décédées soit en pratiquant à des fins sportives ce sport qu'est la plongée sous-marine ou encore à l'occasion d'activités sous-marines reliées soit à un travail, mais beaucoup plus souvent qu'autrement reliées à une pratique sportive. Cette situation, donc, des 29 victimes au Québec a amené le coroner Denis Boudrias à formuler un certain nombre de recommandations dans ses rapports d'enquête – puisqu'il y a eu plusieurs rapports d'enquête suite à ces décès reliés à la pratique de la plongée sous-marine.

(16 h 10)

Le coroner Boudrias a, entre autres, proposé que soit amendée la Loi sur la sécurité dans les sports afin de permettre de réglementer la plongée subaquatique récréative. Le coroner Boudrias invoquait à ce titre, d'abord, un, pour supporter sa demande d'intervention, en quelque sorte, la popularité croissante et l'accessibilité de cette activité. Deuxièmement, le coroner rappelait et a rappelé dans ses rapports le manque de rigueur dans la formation et l'accréditation des instructeurs. Troisièmement, il a rappelé le non-respect des règles élémentaires de sécurité de plusieurs adeptes. Il a dénoncé de façon très ferme également l'absence de formation continue des plongeurs. Il a de plus souligné la concurrence entre les divers organismes de formation en plongée subaquatique récréative au Québec.

Et, aussi, le coroner Boudrias a souligné la non-applicabilité du règlement de sécurité en plongée subaquatique de la Fédération québécoise des activités subaquatiques, approuvé par la Régie dans les sports, à d'autres organismes de formation. C'est-à-dire qu'on est dans une espèce d'impossibilité juridique de faire respecter les règles et les normes en matière de plongée subaquatique au Québec. Comme le coroner a enquêté effectivement, donc, sur les 29 décès qui sont intervenus malheureusement entre 1990 et 1996, eh bien, ça l'a amené à faire ce constat en particulier de la non-applicabilité du règlement de sécurité de la Fédération québécoise des activités subaquatiques, tel que ce règlement avait été approuvé par la Régie de la sécurité dans les sports.

Par la suite, donc, M. le Président, suite à ces constats du coroner Boudrias, je faisais moi-même part de mon intention de réglementer la plongée subaquatique récréative au Québec. Au même moment, je traçais les lignes directrices d'un cadre d'intervention gouvernementale en matière de loisir et de sport au Québec dont le contenu découlait d'un vaste processus de consultation. Les partenaires du milieu en matière de sport et de loisir y ont manifesté le souhait que le gouvernement adopte une approche moins coercitive en matière de sécurité dans les activités récréatives et sportives.

Le cadre d'intervention en matière de sport et de loisir, rendu public en février dernier, a fait en sorte qu'en matière de sécurité, eh bien, le gouvernement, M. le Président, va viser à responsabiliser davantage les organismes nationaux de loisir et de sport, les propriétaires d'installations sportives et récréatives ainsi que les pourvoyeurs de services dans le domaine du plein air. Et le gouvernement entend aussi miser davantage sur la formation et la diffusion d'information plutôt que sur la réglementation. Ça, c'est ce qui est contenu dans le cadre d'intervention en matière de sport et de loisir.

C'est dans cette perspective, M. le Président, que la Fédération québécoise des activités subaquatiques, également la Société de sauvetage et le Conseil québécois du loisir m'ont soumis un projet en matière de sécurité, lequel consistait à privilégier la mise en place d'un mécanisme d'accréditation plutôt que l'adoption d'une réglementation gouvernementale. Le projet de loi n° 140 fait sienne cette approche.

M. le Président, il vise, ce projet de loi, à permettre qu'un organisme québécois du milieu associatif ait le pouvoir d'accréditer les compétences des moniteurs et des plongeurs au niveau subaquatique au Québec. Il favorise, ce projet de loi, le partenariat, la responsabilisation de ses partenaires et il favorise également l'approche dite de déréglementation. On pourra y revenir quelques minutes tantôt, M. le Président.

Ce projet de loi, il s'inspire des recommandations formulées par le coroner Boudrias et témoigne de la volonté d'agir avant que ne surviennent d'autres décès attribuables à la pratique de la plongée subaquatique, au niveau de la récréation. Ce projet de loi modifie en effet la Loi sur la sécurité dans les sports afin d'y insérer un nouveau chapitre portant sur la sécurité en matière de plongée subaquatique récréative. Le projet de loi oblige toute personne pratiquant la plongée subaquatique récréative à l'aide d'air comprimé ou dispensant des services d'enseignement de ce type de plongée à être titulaire d'un certificat attestant son niveau de qualification.

De plus, le projet de loi autorise le ministre des Affaires municipales, responsable du loisir, du sport et du plein air, à habiliter un organisme à but non lucratif oeuvrant dans le domaine de la plongée subaquatique à exercer divers pouvoirs et responsabilités reliés à la qualification des moniteurs et adeptes de cette activité. Cet organisme pourra, entre autres – l'organisme qui sera accrédité – déterminer les niveaux de qualification des plongeurs et des enseignants, déterminer les matières d'examens relatifs aux divers niveaux de qualification et déterminer les critères permettant d'accorder une attestation d'équivalence à l'égard d'une qualification de plongeur ou d'enseignant délivrée au Québec avant l'entrée en vigueur de la loi ou délivrée hors Québec.

L'approche privilégiée par le projet de loi n° 140 fait en sorte, premièrement, de permettre de mieux assurer la sécurité des participants en plongée subaquatique. Le projet de loi fait en sorte également de s'inscrire dans les orientations gouvernementales concernant l'allégement des mesures réglementaires. Il permet de respecter aussi les orientations du ministère en matière de sécurité dans la pratique d'activités récréatives et sportives, lesquelles visent une responsabilisation accrue des dispensateurs de services, et permet finalement d'assurer une pratique sécuritaire en tirant profit de l'expertise détenue par les acteurs concernés dans le milieu associatif de la plongée sous-marine. De plus, la sensibilisation continue des amateurs de plongée, l'information à leur fournir et l'incitation à se joindre à un club reconnu apparaissent comme autant de moyens pouvant permettre d'assurer la sécurité des plongeurs et des plongeuses en matière subaquatique au Québec.

M. le Président, le projet de loi n° 140 vise donc, dans la séquence suivante, à atteindre le but recherché, c'est-à-dire à assurer davantage d'encadrement et de sécurité dans la pratique de la plongée sous-marine. Or, jusqu'à maintenant, nous avons indiqué, avec les différents groupes au Québec, le monde associatif, qu'en matière de sécurité nous allions abolir la Régie de la sécurité dans les sports. Cependant, la Loi sur la sécurité dans les sports, bien sûr, elle, ne sera pas supprimée. C'est le gouvernement, dans ses fonctions usuelles, normales, qui deviendra responsable de l'application de la Loi sur la sécurité dans les sports.

Nous nous sommes donnés comme objectif que c'est au 1er avril 1998 que ce passage se fera, c'est-à-dire que nous deviendrons responsables directement de l'application de la loi, au gouvernement plutôt que par l'intermédiaire d'une régie de la sécurité dans les sports. Cependant, la loi est toujours en place, elle continuera d'être en place. Et, lorsqu'on veut intervenir au niveau de la plongée sous-marine, par exemple, suite aux constats faits par le coroner Boudrias, c'est le passage obligé que nous sommes à emprunter, en quelque sorte, c'est-à-dire modifier la Loi sur la sécurité dans les sports.

La mécanique générale doit faire en sorte aussi qu'on ne surréglemente pas, qu'on n'impose pas une montagne de réglementation, puisque c'est souvent le cas dans un certain nombre d'activités au Québec. C'est-à-dire, des citoyens choisissent de pratiquer telle activité ou d'exercer telle responsabilité et, pour ce faire, parce qu'il y a un certain nombre de dangers, parce qu'il y a un certain nombre de difficultés, on demande au gouvernement d'adopter des règlements. M. le Président, je pense qu'il y a une certaine unanimité qui se dégage dans cette Assemblée sur le fait qu'on ne doit pas surréglementer, au Québec; dans cette Assemblée et aussi dans l'ensemble de la société québécoise. Parce qu'on se souviendra que, pendant la tenue du Sommet sur l'économie et l'emploi, en particulier à la phase 2, tenu à Montréal le 30 octobre 1996, tous les participants ont convenu de soutenir les efforts qui seront réalisés par le gouvernement pour déréglementer, pour faire en sorte qu'on ait davantage de possibilités et le moins possible d'administration qui apparaîtrait comme étant nuisible ou ne favorisant pas le développement au Québec. Alors, nous devons aussi tenir compte de cette approche, de cette volonté qui a été manifestée au Sommet à l'égard d'un secteur bien particulier dont j'ai la responsabilité et qui s'appelle les sports, les loisirs et le plein air et, en particulier la pratique de la plongée sous-marine.

(16 h 20)

Alors, nous avons cette loi, nous avons les orientations du cadre d'intervention en matière de sport et de loisir et nous avons cette volonté de ne pas surréglementer trop de secteurs d'activité de l'activité en général au Québec. C'est pourquoi, M. le Président, nous avons choisi l'approche d'intervenir, parce qu'il y avait nécessité, d'évidence, le coroner Boudrias nous l'a rappelé dans plusieurs rapports. D'autre part, pour ne pas tomber dans l'excès de réglementation, nous allons surtout nous donner, au gouvernement, le pouvoir d'accréditer un groupe, une association, des personnes qui pratiquent ce sport et qui seront chargées d'appliquer normes et règles dans la pratique récréative, par exemple, de ce secteur d'activité qui nous intéresse ici, la plongée sous-marine.

Alors, M. le Président, il faudra donc être imaginatif. Il faudra faire en sorte que nous facilitions, bien sûr, la pratique par les adeptes concernés de ce sport, nous assurer que les mesures de sécurité sont bien en place. Mais ces mesures de sécurité, M. le Président, elles vont se prendre et, surtout, se réaliser en partenariat avec un groupe, une association à but non lucratif qui va regrouper les adeptes, qui va regrouper les pratiquants de ce sport et qui vont, en quelque sorte, appliquer, donc, les règles, normes et éléments du code nécessaires pour élever le niveau de sécurité et éviter ainsi les malheureuses tragédies qui sont survenues entre 1990 et 1996.

M. le Président, à cette étape-ci, donc, de la présentation du projet de loi, ce qu'il nous faut indiquer à l'Assemblée, c'est que nous avons un bon défi devant nous. Nous avons un bon défi parce qu'il s'agit d'en arriver à encadrer une pratique sportive, des passionnés de la plongée sous-marine, et éviter en même temps une espèce de surréglementation qui nous amènerait à une montagne de documents, à une montagne de règles et d'articles qui feraient en sorte qu'on serait davantage, si vous me permettez l'expression, enfargés par les réglementations plutôt qu'augmenter la sécurité dans la pratique de ce sport.

Alors, c'est tout le travail que nous aurons à réaliser, en particulier au niveau de la commission parlementaire, puisque nous aurons à regarder très finement comment tout cela va se faire. Et, tout comme nous avons été pionniers, au Québec, en matière de sécurité dans la pratique des sports il y a au-delà d'une décennie, eh bien, nous avons une occasion en or, M. le Président, de faire école, comme le veut l'expression, c'est-à-dire développer une nouvelle approche qui à la fois augmente le niveau de sécurité dans la pratique d'un sport, mais, en même temps, ne surréglemente pas et ne surcharge pas le consommateur, l'adepte, le pratiquant, au niveau de la réglementation, pour, en quelque sorte, l'enfouir sous une montagne de règlements qui nous demanderaient, par ailleurs, de développer un appareil de contrôle, des équipements, des effectifs de contrôle qui seraient absolument disproportionnés compte tenu des objectifs que nous nous sommes donnés au Québec en matière de pratique d'activités sportives.

Alors, voilà l'essentiel, M. le Président, donc, du projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports et visant à mieux encadrer, au niveau sécuritaire, la pratique de la plongée subaquatique récréative au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de me joindre ici cet après-midi pour le projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports.

On doit dire, M. le Président, que les gens de l'Association subaquatique récréative attendaient après cette loi-là, c'est sûr. C'est une loi que le gouvernement et tout le monde ici devaient apporter, parce que le Québec ne pouvait intervenir antérieurement. Ce projet de loi introduit un nouveau chapitre à la loi de la sécurité dans les sports, portant sur la sécurité en matière de plongée récréative.

M. le Président, on doit mentionner quand même que, depuis le cadre d'intervention du sport et des loisirs qui a été déposé ici, à l'Assemblée nationale, dernièrement, on se demande toujours... Et on aura sûrement la chance de discuter en commission parlementaire bientôt, je m'imagine, la semaine prochaine, de la Régie des sports du Québec. Il n'y a pas seulement la plongée. On en a d'autres – puis on aura sûrement la chance de questionner le ministre bientôt – sports, d'autres loisirs, et les gens se demandent qui va régir ou qui va donner la protection, dans différents sports, à cause que la Régie des sports a été abolie carrément, transférée ici, à Buckingham... – à Buckingham, oui, Ha, ha, ha! – à Québec et aux Affaires municipales. On se demande, on se pose la question: Comment on va régir ça? Comment les gens vont avoir la même protection? Est-ce qu'on va envoyer ça dans les régions? Alors, je pense que c'est important. C'est un bon temps non seulement pour le projet de loi n° 140, mais pour toute la sécurité de nos jeunes et même des plus vieux qui pratiquent différents sports. Les commentaires que nous avons...

Comme M. le ministre l'a mentionné tantôt, depuis six ans, il y a eu au-delà d'une trentaine de personnes qui ont perdu la vie en pratiquant cette activité. Alors, c'est énorme. Il n'y a pas autant de monde qui pratique, mais, quand même, il y a de 4 000 à 5 000 nouveaux plongeurs qui sont formés à toutes les années, il y a entre 1 200 à 1 500 plongeurs actifs au Québec, et on dénombre quelque 100 000 plongeurs au Québec. Alors, il est important qu'il y ait des nouvelles dispositions, qui sont nécessaires à cause que le règlement antérieur ne permettait pas à la Régie d'intervenir, tant dans le domaine sportif que récréatif.

La Fédération québécoise des activités subaquatiques reconnaît la nécessité de mieux encadrer la plongée. Selon elle, le principal problème réside dans le manque de suivi de la formation des enseignants. Elle avait d'ailleurs soumis au ministre des Affaires municipales des recommandations visant à établir une commission d'accréditation. Alors, la Fédération entend soumettre le projet de loi à ses instances dans les prochains jours; ce qui a été fait. Nous avons eu la chance de discuter par téléphone avec la Fédération, et on semble être satisfait du projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports.

Mais je dois mentionner, M. le Président, je pense, que nous devons en profiter, à la commission parlementaire, pour parler de la Régie des sports du Québec, parce qu'il y a plusieurs disciplines sportives qui se demandent comment les jeunes vont être protégés dans le futur, à cause de l'abolition et à cause de la coupure qui a été faite par le gouvernement.

Alors, M. le Président, nous allons en discuter sûrement en commission parlementaire sur le projet de loi n° 140. Et je dois dire au ministre que nous allons en profiter pour discuter de tout, de la Régie des sports, comment vraiment les Affaires municipales ont décidé de réglementer ou de donner les services à toutes les disciplines sportives et loisirs qui existent au Québec. Merci, M. le Président.

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau, pour cette intervention fort appréciée. Ha, ha, ha!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il n'y a plus d'autres intervenants? Le principe du projet de loi n° 137, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le... Excusez. C'est bien ça, oui?

Une voix: La 140.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est la 140. Je m'excuse.

Une voix: Adopté pareil.

Des voix: Ha, ha, ha!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Voilà. C'est à l'article 17. Excusez-moi. Donc, le principe du projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 126


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 13, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 126, Loi modifiant la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. M. le ministre du Travail, bonjour. Je vous cède la parole.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, les modifications proposées au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre par le projet de loi n° 126 tiennent compte de plusieurs réalités. D'abord, l'évolution évidente de la représentativité des associations d'employeurs et des associations de salariés depuis l'institution du Conseil en 1968, soit bientôt 30 ans. Plusieurs groupements se sont présentés et ont demandé d'être membres du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui est un organisme chargé de conseiller le ministre dans tout ce qui concerne les relations de travail, l'évolution du marché du travail, et en plus le Conseil peut, à l'intérieur de son champ de juridiction, prendre l'initiative de réfléchir sur tout ce qu'il est important de dire au ministre en matière d'évolution du marché du travail.

Il faut inclure également d'autres associations représentatives des partenaires du marché du travail du Québec pour atteindre et, même, voire, dépasser les objectifs de création d'emplois et faire en sorte aussi de donner suite au Sommet de l'économie et de l'emploi de Montréal.

M. le Président, le projet de loi vise, en troisième lieu, à confirmer puis à consolider l'esprit de concertation qu'on a développé au Québec au cours des dernières années en invitant d'autres partenaires à jouer un rôle important dans le développement économique du Québec. Autour de la table du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on trouve les plus grands acteurs de l'économie québécoise – le patronat, le pluralisme syndical – et ce qu'on veut maintenant, c'est profiter de l'expérience et de l'expertise de ces nouveaux partenaires sur toute question qui relève du travail et de la main-d'oeuvre pour les intégrer à notre réflexion et leur dire: Venez vous joindre à nous, les idées neuves sont toujours les bienvenues.

Le moment est venu, croyons-nous, de permettre une ouverture dans la loi qui constitue le Conseil consultatif du travail, d'inviter d'autres organismes patronaux et syndicaux à se joindre à nous et de faire en sorte que, dans ce secteur d'activité tellement important pour l'économie que sont les relations de travail, ces relations-là soient les plus harmonieuses possible et aussi de faire en sorte que la productivité des entreprises et les conditions de travail des travailleurs et des travailleuses se voient améliorées.

M. le Président, il y a un champ d'expertise aussi où il va falloir que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre nous aide dans notre réflexion; je pense à toute la notion des travailleurs autonomes. Au moment où l'on se parle, depuis 1985, la majorité des emplois créés au Québec sont des emplois autonomes. Alors, inutile de vous dire que, lorsque des acteurs socioéconomiques comme les syndicats et le patronat veulent, désirent venir siéger au Conseil consultatif, je pense que le moment est venu de leur ouvrir la porte et de leur dire: Bienvenue dans le club. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Je vais céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Ce que le ministre vient de nous présenter comme projet de loi, il va sans dire, essaie de remettre à jour le fonctionnement du CCTM, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui oeuvre depuis 1969. Comme le disait si bien le ministre tantôt, ça fait près de 30 ans, et je pense qu'il est temps de faire une remise en question de son fonctionnement.

Laissez-moi, M. le Président, soulever certains points des remarques que le ministre a bien voulu nous adresser quant au dépôt de son projet de loi. L'ajout de deux membres au comité, il va sans dire, va aider à démocratiser l'élément des travailleurs et des patrons. Mais où j'ai certains problèmes, M. le Président, c'est que le ministre nous dit, sur la fin de son allocution, que la grande majorité des emplois créés au Québec depuis 1985, donc depuis 12 ans, se crée dans le secteur des emplois autonomes. Or, M. le Président, les emplois autonomes ou les employés autonomes ne sont pas représentés comme tels.

Ce n'est pas en nommant un membre ou un représentant syndical et un représentant patronal additionnel au CCTM qu'on va protéger la position des travailleurs autonomes. Le ministre aurait dû, à sa discrétion, justement à cause de la progression importante des travailleurs autonomes actuellement dans le marché, introduire cette notion d'aller sur le volet choisir un ou deux membres représentant les travailleurs autonomes pour qu'ils puissent faire valoir leur point de vue à la table du CCTM.

Et, quand on me dit qu'il va y avoir une création d'emplois, bien, M. le Président, je ne sais pas comment on va créer des emplois additionnels en ajoutant des membres au CCTM ou en augmentant le quorum de sept à neuf. Les seuls emplois qu'on va créer, c'est les représentants, que ce soit le représentant syndical ou patronal, additionnels. Mais, en dehors de ces deux individus, deux personnes, je ne vois pas comment on va créer des emplois additionnels.

Alors, j'aurais souhaité que, dans cette démarche, le ministre s'adresse directement, par le pouvoir qui lui est déféré comme ministre d'aller choisir sur le volet et de l'introduire dans son projet de loi... Peut-être le fera-t-il, d'ailleurs, on pourrait lui soumettre un amendement ultérieurement. J'aurais souhaité qu'il aille choisir deux personnes, deux travailleurs autonomes, qui seront évalués par le ministre ou son appareil gouvernemental, pour les faire siéger au CCTM et représenter ce groupe de travailleurs qui est en croissance de plus en plus importante.

Alors, ceci dit, M. le Président, vous allez comprendre que, comme il y va de l'intérêt de la représentativité des gens, on ne fera sûrement pas objection à ce projet de loi et on ne s'étendra pas longuement à discuter de la valeur de passer de sept à neuf sur le quorum, ou de demeurer à sept, ou d'ajouter une personne parmi les salariés, une personne parmi le groupe des employeurs au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Alors, M. le Président, nous proposons que, dans cette démarche, on puisse continuer les discussions avec le ministre et qu'on en arrive à une entente relativement rapide sur ce projet de loi. Je vous remercie.

(16 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre, vous voulez exercer votre droit de réplique quelques minutes? Je vous cède la parole, M. le ministre.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: Oui, j'aimerais, M. le Président, prendre quelques secondes pour dire que, depuis 1968, le Conseil est composé de 11 membres, à savoir un président, cinq personnes venant des associations patronales représentatives et cinq personnes venant des associations syndicales représentatives. Le sous-ministre du Travail ou son délégué est aussi, d'office, membre du Conseil, mais il n'a pas le droit de vote.

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et la Confédération des syndicats nationaux recommandent chacune deux membres. La Centrale de l'enseignement du Québec recommande le cinquième membre du groupe syndical.

Le Conseil du patronat du Québec, lui, est représenté au Conseil par cinq membres. Du côté patronal, et c'est ça qu'il est important d'expliquer aux membres de cette Assemblée, le CPQ y est présent comme organisme, mais le Conseil du patronat consulte l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec afin d'y déléguer un de ses représentants. Il n'en demeure pas moins que cette importante association patronale ne dispose pas d'une représentation formelle. Depuis des années que l'Association des manufacturiers du Québec voudrait être représentée au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre...

Je me permettrai, M. le Président, juste pour éclairer les députés de l'Assemblée, de dire que, du côté syndical, la représentation est également incomplète. La FTQ est présente, la CSN, la CEQ y siègent, mais la CSD n'y est pas. Or, il faut rappeler que cette centrale a été créée il y a plus de 25 ans, et elle demande depuis des années d'être représentée. Alors, c'est pour ça que je disais tout à l'heure de la façon la plus brève possible que maintenant l'heure est venue d'ouvrir la porte, et je pense que c'est ça que le projet de loi nous permet de faire.

Quant aux travailleurs autonomes, toutes sortes de catégories de travailleurs avec des emplois atypiques, ce que je dis, M. le Président, et c'est important: Toute cette question-là, on commence à l'étudier et, lorsqu'on aura des conclusions formelles, valables et bien étayées, on déposera les documents. Et, si, dans l'avenir, il faut modifier éventuellement la composition du Conseil, on le fera. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 126, Loi modifiant la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui. M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Mme Caron: M. le Président, je fais motion pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?

M. Beaudet: On l'adopte, mais on avait parlé de faire les deux en... On aurait pu faire l'autre, le 147, tout de suite et faire la plénière. Non?

Le Vice-Président (M. Brouillet): On va faire la commission plénière et nous reviendrons pour le prochain projet de loi. Très bien? Alors, cette motion étant adoptée, je suspends donc les travaux pour quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi n° 126.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

(Reprise à 16 h 48)


Commission plénière

M. Brouillet (président de la commission plénière): Conformément à la motion qui vient d'être adoptée à l'Assemblée, nous sommes réunis en commission plénière pour étudier en détail le projet de loi n° 126, Loi modifiant la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. À moins que vous teniez à de nouvelles remarques préliminaires, je serais prêt à passer à l'article 1.

M. Beaudet: M. le Président, je pense qu'on a déjà fait nos remarques préliminaires, et il n'est pas nécessaire d'en ajouter. Je pense que c'est assez clair.


Étude détaillée

Le Président (M. Brouillet): C'est ce que j'avais cru percevoir dans vos regards. C'est un projet de loi à trois articles. Alors, pour ceux qui nous regardent, vous pouvez patienter, ça ne sera pas très long. L'article 1, M. le ministre.

M. Rioux: L'article 4 de la loi...

M. Beaudet: Le président présume, il émet des présomptions, mais il n'est pas sûr que ça ne sera pas long.

Le Président (M. Brouillet): On n'est jamais sûr. Alors, vous pouvez le lire et commenter, M. le ministre.

M. Rioux: C'est ça. M. le Président. L'article 4 de la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, modifié par l'article 19 du chapitre 29 des lois de 1996, est de nouveau modifié:

1° par le remplacement, dans la première ligne du paragraphe 2° du premier alinéa, du mot «cinq» par le mot «six». Ça veut dire que tant du côté syndical que patronal, les gens représentant les associations de salariés – des associations représentatives – auront désormais six membres, et il en va de même pour les associations représentant le milieu patronal.

2° par le remplacement, dans la première ligne du paragraphe 3° du premier alinéa, du mot «cinq» par le mot «six». J'ai couvert à ce moment-là et l'aspect syndical et l'aspect patronal. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le député de d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président. Dans les remarques que j'ai faites tantôt sur l'adoption du principe, j'ai parlé des travailleurs autonomes. Il y a un élément important et évidemment les travailleurs autonomes en font partie. Mais il y a des travailleurs qui ne sont pas autonomes, mais qui sont quand même des travailleurs, et ce sont les non-syndiqués. Lorsque le CCTM, le Conseil consultatif, relevait du ministère de la Main-d'oeuvre ou du ministre de la Main-d'oeuvre, depuis sa fondation en 1968 jusqu'à la mise en place d'un ministère du Travail en 1996, qui est la loi à laquelle le ministre vient de nous référer, la Commission des normes du travail relevait aussi du ministre de la Main-d'oeuvre.

(16 h 50)

Depuis la création du ministère du Travail, maintenant la Commission des normes du travail relève du ministre du Travail, et le ministre a comme responsabilité l'obligation de voir à s'assurer de la protection des travailleurs syndiqués mais aussi des travailleurs non syndiqués, et j'ajouterais – parce qu'ils n'ont probablement pas besoin de se syndiquer, étant des travailleurs autonomes – aussi des travailleurs autonomes.

Par ailleurs, dans la composition du CCTM, où le ministre ajoute par son projet de loi un membre représentant additionnel des syndicats et un membre représentant additionnel du patronat, il a oublié cette classe de travailleurs importante, qui est en fait la majorité des travailleurs – c'est plus de 60 % des travailleurs au Québec – qui sont des travailleurs non syndiqués, qui n'ont pas de représentants.

Je ne sais pas si le ministre a porté une attention particulière à cet aspect-là. Il aurait pu consulter l'Association des travailleurs non syndiqués pour demander s'il y avait une personne, ou peut-être qu'à l'intérieur du ministère ils ont sûrement assez de ressources pour connaître des gens représentatifs de ce milieu, et nommer un représentant du milieu non syndical pour représenter les intérêts des travailleurs non syndiqués au Québec qui sont en majorité. Je pense que, dans son projet de loi, si j'ai une critique à faire, elle s'adresse uniquement à cet aspect-là, c'est-à-dire la non-représentativité que l'on retrouve au CCTM de toute la classe des travailleurs non syndiqués et des travailleurs autonomes.

Par ailleurs, il n'y a aucune objection à ce qu'on ait augmenté le nombre pour favoriser une plus grande démocratisation du milieu du travail, une plus grande représentation, que ce soit par d'autres centrales syndicales ou d'autres groupes du patronat. Je pense que c'est fort souhaitable parce que, depuis 30 ans, ça avait été gelé dans le... Alors, j'accepte ça. Mais, en tout cas, il m'aurait apparu souhaitable, au moment où nous sommes, qu'on considère, avant de soumettre le projet de loi... À moins que le ministre soit prêt à accepter un amendement où on pourrait ajouter deux autres personnes et que ces deux personnes soient représentantes des travailleurs autonomes et des travailleurs non syndiqués au Québec, qui sont 60 % de la classe des travailleurs. C'est la seule remarque importante dans ce projet de loi, et je demande au ministre s'il y a prêté une considération particulière.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je reçois les remarques du député d'Argenteuil plus que positivement. C'est que, présentement, on est en train d'effectuer une étude sur les emplois atypiques et le travail autonome au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. On a une étude statistique qui est déjà disponible, que j'ai eu l'occasion, je pense, de remettre au député d'Argenteuil. C'est le début d'un travail immense qui va nous conduire très loin au niveau de la réflexion. Et soyez assuré d'une chose, c'est que ce que soulève le député est d'autant plus intéressant que cette réalité-là qui est devant nous, qui nous crève les yeux, non seulement il faut y réfléchir, mais il faut y réfléchir en pensant comment désormais on va revoir nos législations du travail pour tenir compte d'une réalité comme celle-là qui est une réalité extrêmement importante.

Nous, on est habitués à réfléchir en termes d'emplois salariés, au sens du Code du travail: des travailleurs syndiqués, non... Mais ce qui nous attrape et ce qui nous rejoint aujourd'hui, c'est toute une nouvelle économie qui engendre un nouveau type d'emploi qui est l'emploi autonome. Alors, inutile de vous dire que nous allons nous hâter, du côté du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on va accélérer nos travaux. Et je suis très heureux de dire que nous sommes associés, la ministre de l'Emploi et moi, pour pousser le plus loin possible cette réflexion, de sorte que, d'ici quelques mois, on soit assez bien fixés, en tout cas, quant à la problématique. Après ça, on regardera les solutions à y apporter.

Je voudrais terminer ma réflexion en disant au député d'Argenteuil que, lorsqu'il est question des travailleurs non syndiqués, c'est sûr que je consulte le Conseil consultatif, mais aussi je consulte la Commission des normes du travail, qui est là pour donner son avis sur les travailleurs non syndiqués, parce que c'est par la loi des normes qu'on rejoint l'ensemble des travailleurs non syndiqués.

Je prends bonne note, par ailleurs, de sa réflexion quant à sa volonté de voir un jour des représentants de travailleurs non syndiqués, comme on les connaît aujourd'hui, siéger au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je dis au député d'Argenteuil que je ne suis pas fermé à ça et qu'en même temps on réfléchira aussi s'il n'y aurait pas moyen d'amener la Fédération de l'entreprise indépendante. On regardera tout ça le moment venu, et soyez assuré, M. le Président, qu'on va tout mettre en oeuvre pour donner satisfaction au député d'Argenteuil. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, j'apprécie les remarques du ministre, qui sont fort positives dans ce sens-là. J'aimerais juste lui faire remarquer qu'en mars 1997, lors de la tenue de notre dernier congrès plénier, le Parti libéral du Québec avait adopté des résolutions dans ce sens, de voir à la représentativité des travailleurs autonomes et des travailleurs non syndiqués au sein du CCTM ou de l'organisme représentatif de même que de voir avec la Commission des normes du travail à assurer leur protection sociale, eux aussi, parce qu'ils n'en ont pas comme telle; ils doivent l'assumer eux-mêmes. Alors, dans cette proposition, on avait fait des démarches où on enclenchait un mécanisme par lequel les travailleurs autonomes comme les travailleurs syndiqués, mais surtout les travailleurs autonomes, auraient accès à une certaine protection sociale qui leur est niée actuellement à cause du contexte dans lequel ils oeuvrent.

Alors, je suis content de voir que le ministre offre une ouverture dans ce sens-là. Ça répondrait aux objectifs que recherche le Parti libéral de voir que des gens, en particulier les travailleurs autonomes, puissent jouir d'une protection sociale adéquate et que le ministre ne ferme pas la porte, après les études qu'il attend, et de voir à ce que les recommandations que je lui ai proposées tantôt et qu'on pourrait lui élaborer encore plus lorsqu'on y viendra, parce qu'on aura à sortir notre programme du Parti libéral qui va répondre aux besoins des travailleurs autonomes... À ce moment-là, on pourra voir à une représentation adéquate au sein du Conseil consultatif et s'assurer en même temps non seulement une représentation, mais de voir à leur assurer une protection sociale qui est importante à l'intérieur de la Commission des normes du travail.

Je pense que ça m'apparaîtrait tout à fait judicieux qu'on s'oriente progressivement vers cette démarche parce qu'il y a un grand pourcentage de travailleurs, de plus en plus croissant, hein – parce qu'on dit que c'est 30 % des nouveaux emplois qui sont les emplois autonomes actuellement – qui ne jouissent d'aucune protection sociale. Il faut non seulement obtenir une représentativité pour eux, mais aussi s'assurer qu'ils ont une couverture sociale. Il faudrait que dans toute cette démarche on n'oublie pas cet aspect qui est des plus importants.

Là-dessus, M. le Président, je n'ai pas de commentaires additionnels à formuler quant au projet de loi n° 126.

Le Président (M. Brouillet): Ça va très bien. Alors, l'article 1 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 2. Je vais le lire, parce que peut-être... Oui. Allez donc, si vous voulez.

M. Rioux: Pardon?

Le Président (M. Brouillet): L'article 2.

M. Rioux: Oui. L'article 11 de la loi constituant le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre est modifié par le remplacement, dans le deuxième alinéa, du mot «sept» par le mot «neuf». Vous aurez compris par là qu'il s'agit du quorum, étant donné qu'on augmente – ha, ha, ha! – de deux membres la représentation au Conseil consultatif.

Le Président (M. Brouillet): Bon. Alors, cet article 2 est adopté?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Beaudet: Concordance. Oui, par concordance.

Le Président (M. Brouillet): Et l'article 3: «La présente loi entrera en vigueur à la date fixée par le gouvernement.»

M. Beaudet: On «a-t-y» le choix?

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté? Adopté. Donc, le projet de loi est adopté. Et le titre du projet de loi est-il adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Je crois que ça ne pose pas de problèmes. Le titre est adopté.

En conséquence, la commission plénière met fin à ses travaux, et je remercie toutes les personnes qui y ont participé. Afin de permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, nous allons suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Salaberry-Soulanges, si vous voulez présenter le rapport de la commission plénière.

M. Deslières (président de la commission plénière): Oui, M. le Président. Merci. J'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 126, Loi modifiant la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et qu'elle l'a adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de suspendre pour quelques minutes nos travaux.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le rapport est-il adopté par l'Assemblée? J'avais...

Mme Caron: Oui, adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Le rapport est adopté par l'Assemblée, et vous demandez de suspendre pour quelques instants. Alors, très bien, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

L'Assemblée reprend ses travaux. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 21 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 147


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 21, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 147, Loi concernant certains travaux de pose ou de montage de verre plat. Alors, il y a des interventions? M. le ministre du Travail, je vous cède la parole.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, il s'agit encore une fois de porter à l'attention de nos collègues de l'Assemblée un certain nombre de décisions qui ont fait suite au Sommet de Montréal sur les décrets de convention collective. Cependant, avant d'abolir les décrets ou avant de les abroger ou avant de les modifier, il y a toujours des prudences élémentaires à prendre pour ne pas pénaliser soit les entrepreneurs, soit les travailleurs. Alors, avant de faire état du contenu de ce projet de loi, vous me permettrez de faire certaines remarques préliminaires et de décrire le contexte dans lequel il se situe, ce que signifiera et ce que ça simplifie, au fond, la présentation de la suite des choses.

En premier lieu, il convient de souligner que ce projet de loi s'inscrit, bien sûr, dans la foulée des engagements du gouvernement mais aussi d'une volonté qui a été exprimée chez les entrepreneurs et surtout chez les manufacturiers du Québec de voir modifiée la Loi sur les décrets de convention collective. En effet, le gouvernement s'était alors engagé non seulement à réviser la loi sur les décrets, mais également à évaluer dans les plus brefs délais possible la pertinence de chacun des décrets, et spécialement dans le secteur manufacturier. Et, parmi les décrets auxquels il a été convenu d'accorder une priorité, on retrouvait, entre autres, celui du verre plat.

Or, M. le Président, on a procédé à une analyse approfondie de la situation, analyse dont les conclusions ont amené le gouvernement à juger que ce décret n'avait effectivement plus de raison d'être et qu'il convenait, en conséquence, de l'abroger. Cependant, l'abrogation de ce décret de convention collective entraîne de facto qu'une partie des activités qu'il couvre sera intégrée à l'industrie de la construction, donc assujettie à la législation et à la réglementation en vigueur dans ce secteur. Les activités qui deviendraient ainsi assujetties à cette législation sont celles réalisées à l'intérieur du champ d'application de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, qu'on désigne tout bonnement sous le vocable de la loi R-20. Je tiens également à souligner que cet assujettissement constitue, en vertu des dispositions actuelles de la loi R-20, un effet automatique de l'inévitable abrogation du décret sur l'industrie du verre plat.

Mais, si un tel résultat peut surprendre de prime abord, spécialement lorsqu'il découle d'une opération dite de déréglementation, on s'aperçoit, lorsqu'on examine la situation de plus près, que sa portée ne va pas à l'encontre des principes qui sous-tendent de telles opérations. D'abord, il importe de savoir qu'on estime approximativement que moins de la moitié, et vraisemblablement seulement le tiers des heures de travail assujetties au décret sur l'industrie du verre plat se trouveraient ainsi assujetties à la loi R-20.

Ce à quoi il faut bien prendre garde dans toute cette démarche, c'est de ne pas pénaliser les entrepreneurs qui ont actuellement contracté des engagements, acheté des matériaux à un prix tel, et il s'agit de ne pas changer les règles du jeu en cours de route. De plus, les entrepreneurs directement concernés par un tel assujettissement ont été consultés. Ils ne s'y objectent pas, à la condition toutefois que les contrats qu'ils pourraient conclure avec leurs clients d'ici l'abrogation du décret du verre plat fassent l'objet d'une certaine protection – aspect sur lequel je reviendrai un petit peu plus tard – et qui sont au coeur même du projet de loi soumis à notre attention aujourd'hui. Par ailleurs, les activités susceptibles d'être assujetties à la loi R-20 suite à l'abrogation du décret de l'industrie du verre plat ne sont pas soumises à la concurrence extérieure.

M. le Président, quoi qu'il en soit, même si aux yeux de certains l'assujettissement d'une partie des activités du verre plat à la législation et à la réglementation en vigueur dans l'industrie de la construction paraissait un inconvénient de poids, je crois que cet inconvénient sera largement compensé par l'allégement réglementaire dont feront l'objet les autres activités assujetties au décret de l'industrie du verre plat, cette autre activité correspondant à plus de la moitié, si ce n'est à 75 % des heures présentement effectuées dans l'industrie.

Cependant, et c'est là qu'intervient le projet de loi soumis à l'Assemblée, il convient, tel qu'évoqué précédemment, d'assurer un minimum de protection aux entrepreneurs dont les activités sont susceptibles d'être assujetties à la loi R-20 suite à l'abrogation du décret sur l'industrie du verre plat et qui seraient appelés, d'ici ce temps-là, à négocier et à conclure un contrat avec un client, ceci afin, d'une part, de ne pas ralentir l'activité économique dans ce secteur d'activité et, d'autre part, d'éviter que la rentabilité ou même la survie d'une entreprise ne soit compromise en raison d'une augmentation subite de ses coûts de main-d'oeuvre survenant alors qu'elle s'est déjà engagée à réaliser des travaux à un montant fixé, ce qui lui permettait d'ailleurs d'assumer les hausses de coûts. Imaginez pour un instant un entrepreneur dans l'industrie qui se voit frappé par des hausses de salaires considérables alors qu'il ne l'a pas prévu ou encore par des changements de tarifs dans l'achat de ses matériaux alors que ce n'était pas prévu; on risque de mettre en péril un certain nombre d'entreprises.

Voilà pourquoi, M. le Président, le projet de loi qui est présentement soumis à l'attention de l'Assemblée prévoit, en ce qui concerne tout contrat conclu avant l'abrogation du décret de l'industrie du verre plat, que les travaux assujettis à la loi R-20 seront rémunérés sur la base des taux de salaire qui se seraient appliqués si une telle abrogation n'avait pas eu lieu, et ce, pour une période de six mois suivant cette abrogation, à la condition toutefois que le contrat soit déposé à la Commission de la construction du Québec dans un délai de 30 jours suivant l'abrogation.

(17 h 10)

Il s'agit d'une mesure comparable à certains égards à celle qui avait été introduite par l'article 62 du projet de loi 46 pour protéger les contrats qui avaient été conclus dans le secteur résidentiel avant le réassujettissement de ce secteur d'activité à la loi R-20. On se souviendra que le projet de loi 46 a été adopté par l'Assemblée nationale le 4 février 1995. Bref, le projet qui est soumis à notre attention aujourd'hui vise essentiellement à simplifier l'intégration dans l'industrie de la construction des entrepreneurs qui, en raison de l'abrogation du décret sur l'industrie du verre plat, se trouveront en totalité ou en partie assujettis au régime des relations de travail en vigueur dans l'industrie de la construction, et ce, dans un esprit d'équité à l'égard de tous les salariés concernés. Merci beaucoup de votre attention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Contrairement à la loi n° 126, l'opposition officielle a sûrement plus de questions à soulever dans le projet de loi n° 147. Non pas que nous nous objections à l'abrogation du décret, parce que c'est un élément qui était recherché depuis longtemps et qui était déjà en chemin d'ailleurs quand le ministre du Travail a pris la responsabilité du nouveau ministère. Cette démarche avait été amorcée par le Parti libéral déjà, avant de quitter le pouvoir, donc ce n'est rien de nouveau pour nous. Il y a quand même certains éléments qui soulèvent des questionnements.

Je pense que le projet de loi, en soi, va fixer les conditions de travail pendant la transition. Ça, je pense que ce n'est pas compliqué, et on va tous accepter ça rapidement, sans problème.

Il y a des éléments, quand même, qui sont soulevés suite à la lecture de ce projet de loi. Exemple, on ne connaît pas les conditions de travail auxquelles seront soumis les travailleurs. À la fin, lorsqu'il y aura l'abrogation du décret, il y aura une période de transition, mais il faudra qu'ils se soumettent aux conditions de l'industrie de la construction.

Mais, dans différents secteurs, c'est différents coûts, différents aménagements qui seront différents et, à ce moment-là, on a une certaine inconnue. Exemple, qu'adviendra-t-il de la carte de compétence des gens qui sont dans le décret aujourd'hui et qui seront soumis aux lois de l'industrie de la construction après la période de transition, qui sera de six mois? Est-ce qu'ils bénéficieront – et j'espère que le ministre va me répondre – de la clause grand-père? Comment vont-ils pouvoir maintenir leur emploi? Est-ce qu'ils seront en compétition avec les gens de l'industrie de la construction pour travailler sur la pose, en particulier dans un projet de construction, pour aller faire l'installation du verre? Je pense que ce sont des choses auxquelles le ministre a sûrement réfléchi.

Comme la période de transition, qui est limitée à six mois. Pourquoi on a choisi six mois? On aurait pu choisir trois mois, on aurait pu choisir neuf mois. Ce que je demande au ministre: Est-ce que, dans sa réflexion, il a considéré le regroupement qui assumera les coûts additionnels advenant qu'un contrat ait été signé et qu'il ne soit pas terminé après six mois? Alors, le projet a été amorcé, se déroule lentement, les six mois sont écoulés, et on arrive au bout du six mois et c'est le temps d'installer les fenêtres, le verre, les miroirs. Qui va assumer les coûts additionnels? Parce qu'on sait très bien que les normes de salaire dans l'industrie de la construction sont différentes de celles auxquelles sont soumis les gens, dans le décret sur l'industrie du verre plat.

Alors, si les conditions sont différentes... Et on le note très bien, hein? Il y a un article dans La Presse , qui n'est pas d'hier, mais qui relève du 1er avril, où on disait: Le verre plat, des hausses à craindre . Alors, si des hausses sont à craindre, M. le Président... Et on note très bien pourquoi: On sera soumis aux normes de l'industrie de la construction, qui sont plus généreuses, qui sont 5 $ à 6 $ de l'heure, du salaire horaire, et ça va augmenter les coûts. Et qui devra assumer cette différence? Je suis sûr que le ministre a réfléchi à tous ces aspects et je suis assuré, assuré qu'il a une réponse aux questions que je soulèverai lorsque nous ferons l'étude en plénière. Je dois juste dire, M. le Président, qu'étant donné que nous avions déjà, le Parti libéral, lors du maintien du pouvoir en 1994, amorcé l'étude de cette démarche pour l'abrogation du décret sur le verre plat, bien, nous allons envisager positivement la démarche du ministre quant à ce projet de loi. Et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre, vous prenez quelques minutes de réplique? Alors, M. le ministre.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: Oui. M. le Président, je suis très heureux que le député d'Argenteuil rappelle que les libéraux, alors qu'ils étaient au pouvoir, ont essayé de modifier à plusieurs reprises la Loi sur les décrets de conventions collectives sans pourtant y arriver; soyons honnêtes. Et soyons de bons comptes aussi.

Cependant, il ne s'agit pas de nier les efforts qui ont été faits par M. Séguin, par exemple, alors ministre du Travail, et les efforts qui ont été tentés par l'actuel député de Saint-Laurent à vouloir modifier la Loi sur les décrets de conventions collectives. Mais ça a toujours été un sujet extrêmement contentieux. Lorsqu'on bougeait dans une direction, les syndicats grimpaient, et lorsqu'on essayait d'aller vers les syndicats, les employeurs nous clouaient au pilori.

Évidemment, cette réalité-là, on a dû y faire face; on l'a affrontée. Et ce qu'on a décidé de faire, au fond, c'est d'y aller de façon un peu pédagogique. On s'est dit: On n'abolira pas tous les décrets d'un coup, ce n'est pas possible. C'est absolument fantaisiste de penser fonctionner comme ça, parce qu'il y a des secteurs d'activité économique, M. le Président, qui auront toujours besoin de décret – ça, c'est clair – si on veut maintenir un minimum d'équité et de redistribution de la richesse dans la société. Mais, cependant, à la demande des parties, de l'industrie et avec les négociations qu'on a pu entreprendre à ce jour avec les syndicats, ça nous a permis de croire qu'il était possible d'abroger un certain nombre de décrets. Ce que nous ferons d'ailleurs.

Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, c'est assez simple. Il s'agit de permettre une transition, de voter une loi valable pour six mois de sorte que les entreprises qui ont déjà des engagements de pris face à des salariés et qui sont actuellement soumises au décret du verre plat ne puissent pas perdre leurs avantages ou encore leurs avantages concurrentiels. O.K.? Il s'agit, au fond, d'agir avec du gros bon sens et de dire: Oui, pendant cette période transitoire, nous allons protéger les acquis des employeurs, faire en sorte que ce qui est dans l'industrie de la construction actuellement puisse, pendant la période de six mois, être assujetti. Ce n'est pas un drame. Pour certains, ça peut apparaître comme loufoque, mais, quand on y regarde de près, on sait bien que c'est dans cette direction qu'il faut aller.

D'ailleurs, les intervenants syndicaux et patronaux nous ont demandé d'agir de la sorte, et c'est ce que nous faisons avec grand plaisir. Il y a près de 2 000 travailleurs qui sont touchés, M. le Président, ce n'est pas rien. Alors, c'est pour ça qu'il faut être extrêmement prudent. Plusieurs employeurs... Et il ne s'agit pas évidemment de tuer ces créateurs de richesse, il s'agit de les accompagner vers ce qu'ils souhaitent, au fond: être libérés de la tutelle des décrets. Dans le domaine du verre plat, c'est une volonté exprimée depuis très longtemps, et ce que j'espère, c'est qu'on y parvienne le plus rapidement possible, et le projet de loi qui est devant nous vient nous faciliter la tâche. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 147, Loi concernant certains travaux de pose ou de montage de verre plat, est-il adopté?

(17 h 20)

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je fais motion pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. En conséquence, je suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière.

(Suspension de la séance à 17 h 21)

(Reprise à 17 h 25)


Commission plénière

M. Brouillet (président de la commission plénière): Conformément à la motion qui vient d'être adoptée, nous sommes réunis en commission plénière pour faire l'étude détaillée du projet de loi n° 147, Loi concernant certains travaux de pose ou de montage de verre plat. Je crois qu'on est d'accord pour s'entendre sur le fait que les remarques préliminaires ont déjà été faites. M. le député d'Argenteuil, d'accord pour les remarques préliminaires?

M. Beaudet: Oui, je pense qu'on les a déjà faites. On peut se passer d'ajouter des commentaires qui n'ajouteront rien à l'éclaircissement du projet.


Étude détaillée

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, y a-t-il des interventions sur l'article 1? M. le ministre, si vous voulez fournir quelques explications sur l'article 1.

M. Rioux: Alors, M. le Président, il s'agit de travaux assujettis à cette loi en raison de l'abrogation du décret du verre plat.

«Pendant six mois à compter de la date de la prise d'effet de l'abrogation du décret sur l'industrie du verre plat, les taux de salaire établis dans une convention collective de travail conclue en vertu de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction ne sont pas applicables aux salariés qui exécutent des travaux de pose ou de montage du verre plat lorsque les conditions suivantes sont réunies – comprenons-nous bien, là:

«1° il s'agit de travaux assujettis à cette loi en raison de l'abrogation d'un décret;

«2° ces travaux sont prévus à un contrat conclu avant la date de la prise d'effet de l'abrogation du décret – du verre plat;

«3° une copie datée et signée du contrat est reçue à la Commission de la construction du Québec au plus tard le trentième jour suivant la date de la prise d'effet de l'abrogation du décret.

«Pour l'application du premier alinéa, un contrat reçu avant l'expiration du délai prévu au paragraphe 3° est réputé avoir été reçu le jour de la prise d'effet de l'abrogation du décret.»

En somme, M. le Président, lorsque le décret sera aboli, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la pose et le montage du verre plat, ce secteur-là va être assujetti à la loi R-20, qui est la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction. Ça touche 2 000 travailleurs et environ 300 employeurs. Pour que le passage se fasse sans heurt, il y a des mesures transitoires à prévoir, dont, par exemple, la question des salaires. Alors, les salariés, pour savoir s'ils ont leur carte de compétence, s'ils sont soumis au régime d'apprentissage ou encore s'ils ont leur bonne définition de métier, il y a un règlement qui est prévu là-dessus.

Ce qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est l'autre volet. La licence d'entrepreneur est obligatoire; de toute façon, elle l'était avant. L'autre, c'est pour les entrepreneurs. Il faut vérifier s'ils ont leur licence, mais les contrats qui ont été signés sous le régime des décrets, on veut les protéger pour six mois pour permettre la transition puis éviter les écueils, parce qu'il y a déjà des travaux engagés selon des coûts, selon des prix, selon des engagements qui sont connus. Donc, il faut protéger ces contrats. Les entrepreneurs nous demandent de le faire, et c'est ce que nous tentons de faire dans ce projet de loi. En simple, c'est ça que ça veut dire.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci.

M. Rioux: Alors, quand il s'agit de copies de contrats qui doivent être déposées à la CCQ, ça, c'est mineur. Alors, en abrogeant le décret, on déréglemente l'industrie du verre plat, sauf pour les travaux de pose et de montage du verre plat, que l'on transfère à la loi R-20. Au fond, les portes et fenêtres, hein, entre nous autres, c'est dans l'industrie de la construction. Ils sont déjà dans l'industrie, mais ils n'étaient pas couverts par la loi R-20 parce qu'ils étaient assujettis à un décret. On abolit le décret. Alors, il ne faut pas laisser ce monde-là sans protection. Alors, ce qu'on dit: C'est vrai pour les travailleurs, mais il faut que ce soit vrai aussi pour les employeurs qui, eux autres, de bonne foi ont signé des ententes avec des clients ou encore se sont engagés vis-à-vis certains fournisseurs.

(17 h 30)

Le Président (M. Brouillet: Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, merci, M. le Président. Je comprends bien le souci et l'inquiétude qu'a le ministre de nous parler beaucoup de l'entrepreneur qui a demandé à être protégé pendant cette période de contrat. Je le comprends et je partage sa même préoccupation quant à cet aspect du projet de loi qui vise à couvrir, pendant un intérim ou une période de transition qu'il a évaluée à six mois, les travailleurs et aussi à protéger l'entrepreneur pour s'assurer que le contrat qu'il a signé, bien, il ne part pas en peur puis il fait des pertes énormes qui vont amener peut-être des fermetures d'entreprises.

Ce que je ne retrouve pas dans le projet, ni dans l'article 1 ni plus loin, c'est... On s'adresse directement, à la troisième ligne de l'article 1, au taux de salaire. Mais vous savez, M. le Président, et, moi aussi, je le sais, qu'il n'y a pas que le taux de salaire qui est important pour un employé, il y a bien d'autres éléments. Bon. Que ce soient les prélèvements pour la CCQ, est-ce qu'ils vont être soumis à ça pendant la période de transition? Que ce soient les cotisations au fond particulier de la formation qui a été si bien ajouté par le parti ministériel il y a peu de temps, est-ce qu'ils sont soumis à cette taxe additionnelle? Est-ce que tout le régime des avantages sociaux, ils y sont soumis? Et quels avantages sociaux? Ceux auxquels ils sont contraints pendant le décret ou ceux auxquels ils devront faire face lorsqu'ils seront soumis à l'industrie de la construction? Qu'advient-il de leurs congés? Alors, il y a des congés statutaires, il y a des congés de vacances. Alors, quelles provisions, pendant cette période de transition, le ministre a-t-il prévues pour couvrir tous ces aspects qui vont affecter le revenu total, au bout de la ligne, du travailleur? Bon.

Ou est-ce que ces obligations-là vont être assumées par l'entrepreneur? De la même façon, il y va de la survie peut-être des entreprises et du bien-être de l'entrepreneur qu'on puisse faire foi, ou étaler, ou spécifier les engagements qui devront être pris, que ce soit de la part de l'entrepreneur ou des responsabilités qui incomberont au travailleur. Et à quel taux devra-t-il les assumer, les avantages sociaux ou les autres, dans l'industrie de la construction ou tel qu'il les vit actuellement dans le décret du verre plat?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, la question soulevée par le député est excellente, et ça permet de clarifier une chose. D'abord, tout le régime des avantages sociaux – et ça, ça inclut tout ce que le député d'Argenteuil a énuméré – va être soumis à R-20, donc au régime de la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction. C'est très important, M. le Président, il ne faut pas se perdre. Le régime des avantages sociaux va être régi par la loi R-20. Quant aux salaires – c'est ça, l'entente que nous avons – ce seront ceux du décret. On ne modifie pas les salaires, et les employeurs nous ont dit: On est capables de vivre avec ça pendant la période dite de transition. C'est très important, parce qu'il aurait été difficile, je pense impossible, il ne faut pas se le cacher, d'en arriver à une entente négociée de gré à gré si on n'avait pas prévu ce genre de mécanisme là. Donc, tout le régime des avantages sociaux de l'industrie de la construction et de la loi R-20 s'applique, sauf les salaires.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, vous allez comprendre que, nous, on n'a pas accès à tous les documents auxquels le ministre a accès. Est-ce qu'il y a moyen d'avoir une copie de l'entente qui a été signée? Ça pourrait nous éclairer, ça nous aurait facilité la tâche de l'avoir avant, dans son souci de transparence, si le ministre nous l'avait transmise, comme il me transmet d'ailleurs beaucoup d'autres documents à l'occasion. Même cet après-midi, on a dû abroger une rencontre qui était une rencontre d'information pour venir siéger en Chambre, au salon bleu, pour nous permettre de discuter des projets de loi nos 126 et 147. Mais l'entente qui a été signée, moi, je n'ai pas pu en prendre connaissance. Alors, je suis un peu dans l'ignorance des éléments qui ont pu faire partie de leurs discussions.

Par ailleurs, juste pour susciter un élément, les congés, je n'ai pas la certitude, et le ministre pourra m'éclairer là-dessus, est-ce qu'ils font partie... Est-ce que c'est le même nombre de congés, le même temps de vacances alloué pour une période de six mois dans le décret que dans l'industrie de la construction du Québec? Et, s'il y a une différence entre les deux, s'il y en a une, qui va en assumer le coût? Est-ce que ce sera le travailleur qui sera pénalisé et qui va avoir moins de congés ou moins de périodes de vacances ou si ce sera l'entrepreneur qui devra lui verser un montant additionnel pour compenser pour le temps de vacances additionnel auquel le travailleur a droit? Et, moi, je ne l'ai pas, l'entente. Alors, je peux poser n'importe quelle question qui va vous apparaître farfelue. Mais, quand on est dans le vide, c'est difficile d'avoir une compréhension intelligente puis de poser des questions éclairées.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, les travailleurs et les entrepreneurs sont soumis à la loi R-20, sauf pour les salaires, pendant une période de six mois, parce qu'on a évalué, lorsqu'il y a eu rencontre avec les syndicats et les employeurs, que c'était à peu près l'équivalent, globalement, de ce qui est en vigueur dans l'industrie du verre plat. Les vacances, par exemple, dans l'industrie de la construction sont à 11 %; dans le verre plat, c'est à peu près 13 %. Ensuite, le temps supplémentaire, c'est temps et demi après 40 heures. On sait que dans l'industrie du verre plat la rémunération change après huit heures d'ouvrage: temps double. Mais, bon an mal an, les gens ont dit: Oui, on est capable.

Quant au reste, il ne faut jamais perdre de vue que les conditions qui préoccupent le député... N'oubliez pas qu'il y a des conditions là-dedans qui sont négociées et signées dans des conventions collectives. Ce n'est pas inventé de toutes pièces, ça. Il y a des décrets qui extensionnent des conventions collectives. C'est ça, la fameuse loi des décrets.

Alors, M. le Président, l'entente que nous avons eue, ce n'est pas une entente signée, c'est une entente, au fond, qui nous amène à déposer le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. C'est ça, l'entente. Le projet de loi confirme ce qui a été convenu entre les parties.

Le Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, je vois bien que dans l'entente, là, ça a été des ententes de discussion de bonne foi entre deux parties, mais il y a rien qui s'est signé clairement. Lorsqu'on me dit qu'on accepte la soumission, à l'industrie de la construction, et qu'en même temps on va donner au travailleur 11 % d'avantages pour ses vacances, alors que dans le verre plat il en avait 13 %, il est perdant. Est-ce qu'il est conscient qu'il est perdant?

Non, non, non, j'accepte, M. le ministre, qu'on ne peut pas, dans une négociation, aller chercher tout le plat. J'accepte ça. Je suis très conscient de ça. Mais ce que je veux bien savoir, c'est que le travailleur, lui, il le sait que, dans le plat qui est parti, on lui a enlevé du camembert, on lui a enlevé du bleu, on lui a enlevé les raisins, on lui a enlevé des choses. Par ailleurs, on lui a laissé certaines autres choses. Mais je veux m'assurer auprès du ministre que le travailleur – qui n'a pas signé, parce qu'on me dit qu'il n'y a pas d'entente signée – quand il s'est dit d'accord puis qu'on s'est donné la main, j'assume... Parce qu'on l'a fait sur la foi d'une poignée de main – puis je pense que c'est bon, ça vaut autant qu'une signature, dans mon esprit en tout cas – mais je veux juste savoir: Est-ce que le travailleur était conscient que sur certains aspects il perdait? Parce qu'il y perd, sur certains aspects. On m'a confirmé qu'on passe de 13 % à 11 %. Je veux juste savoir, moi, si, dans cette entente ou discussion, le travailleur a été mis au courant de ça. Je ne veux pas aller chercher le 13 %, je veux juste savoir si le travailleur était au courant.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, il est vrai, et ce que le député dit est juste, que les vacances dans la construction sont 11 %, elles sont de 13 % dans l'industrie du verre plat. Cependant, ce dont il faut tenir compte, c'est que les salaires sont meilleurs. Le régime d'assurance dans la construction est solide. Le régime de rentes est solide. Le taux de salaire également est important. Voilà trois éléments...

(17 h 40)

Et c'est pour ça que je disais, M. le Président, que, lorsque ces rencontres-là ont eu lieu, on a mis sur la table l'essentiel de toutes les composantes et, en gros et globalement, les gens ont dit: Oui, ça a de l'allure que, pour une période de six mois, on puisse vivre de la sorte. Et le travailleur... C'est ça, l'inquiétude, je pense, du député: Est-ce que le travailleur est pénalisé? Non, il n'est pas pénalisé.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, je comprends très bien ce que le ministre me dit. Je reviens encore sur cet aspect où, dans une négociation, c'est, comme on dit en bon canadien, du «give-and-take». Alors, on ne peut pas partir avec tout. Mais il faut bien qu'on sache qu'il y a une baisse dans les vacances: il passe de 13 % à 11 %, le travailleur. Il n'y a pas de diminution, mais il y a le maintien du même salaire, alors qu'on sait qu'il y a près de 30 % de différence dans le salaire entre l'industrie de la construction et les gens qui sont déjà dans le décret du verre plat. Il y a 5 $, 6 $. C'est quasiment 20 %, 25 % de différence. Alors, ils sont pénalisés sur les vacances, ils sont pénalisés sur le salaire parce qu'ils n'atteignent pas le salaire de l'industrie de la construction avant six mois puis, en retour, on leur dit: Vous avez des avantages sociaux on ne peut plus généreux.

Tout ce que je dis au ministre: Est-ce que le travailleur était conscient qu'il laissait dans le plat certaines choses, puis des choses qui peuvent être importantes? Quand vous parlez d'une différence de 5 $ à 6 $ l'heure, je pense que ça fait une différence au bout de la semaine. Après 44 heures, ça fait une grosse différence. Et je veux juste m'assurer qu'il était bien au courant de ça, d'une part.

D'autre part, quand le ministre me dit qu'ils ont négocié, qu'ils ont échangé, qu'ils ont discuté, est-ce que je pourrais savoir de la part du ministre: C'est qui? Avec qui? Avec quels intervenants ces gens-là ont-ils discuté ensemble? Les travailleurs, ils ont discuté avec qui? Puis les patrons ont discuté avec quels travailleurs? Ça m'apparaît important, parce que ce sont ces gens-là qui sont directement concernés par le projet de loi qui va assurer la transition après l'abrogation du décret jusqu'à l'introduction de toute cette industrie du verre plat dans l'industrie de la construction, et soumise aux mêmes règles que l'industrie de la construction du Québec.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: Évidemment, M. le Président, ce n'est pas toute l'industrie qui est impliquée, là. Il va falloir préciser ça. Mais, en ce qui a trait aux parties qui se rencontraient, évidemment, c'est les parties contractantes. On a ajouté à l'équipe, étant donné que c'est une priorité gouvernementale puis que c'est une priorité pour le ministère du Travail, les spécialistes du ministère qui ont accompagné les parties pendant toute cette démarche.

Maintenant, à la question précise si le travailleur sait ou est au courant de ce qui se passe, bien, c'est par la voix de leurs représentants autorisés que ça s'est fait, ça; ça n'a pas été fait dans leur dos, là. Les représentants dûment mandatés. Alors, c'est les chefs syndicaux qui ont travaillé là-dedans pour leurs membres et c'est avec eux qu'on en est arrivé à ce compromis-là, compromis honorable, d'ailleurs.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil, est-ce que vous avez d'autres remarques?

M. Beaudet: Oui, M. le Président. J'avais dit au ministre qu'on en aurait pour quelques jours ici, là, et ça va durer longtemps.

Le Président (M. Brouillet): Toujours sur l'article 1?

M. Beaudet: L'article 1, mais 2, ça va s'apparenter, là. Pendant les six mois que durera l'abrogation du décret... Comment le ministre est-il arrivé à déterminer que c'était six mois? Je l'ai mentionné dans mes remarques préliminaires, pourquoi pas trois mois, pourquoi pas neuf mois? Ou, s'il n'y avait pas une formule dans laquelle, après la soumission du contrat à l'Office de la construction, que, à ce moment-là, le six mois soit fixé, ou jusqu'à la fin du contrat? Parce que, si le contrat n'est pas terminé au bout de six mois, il y a quelqu'un qui va payer pour, et ça va être ou le travailleur ou l'entrepreneur.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, on s'est un peu inspiré de ce qu'on a développé comme scénario quand on a voté la loi 46, ce qui concernait le secteur résidentiel. Ça, ça a été une façon de faire.

Deuxièmement, on a consulté les parties contractantes, patronales, syndicales, et on leur a demandé ce qui était raisonnable comme délai, et on en est arrivé à six mois. Il ne faut pas que ça dure une éternité, non plus. Alors, on s'est fixé une période de six mois dans le temps. Et les parties, on pense qu'elles peuvent facilement s'accommoder à l'intérieur de cette période-là pour remplir leurs obligations convenablement, correctement.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, advenant un dépassement de coûts parce que le contrat n'est pas terminé – exemple – il y a eu un délai, la construction est commencée, il y a une grève qui dure deux mois... Et je peux juste mentionner au ministre, on le sait, qu'il y a des entreprises où il y a des manifestations qui se font qui empêchent la progression de toute l'installation, des aménagements et de l'amélioration du cadre physique de l'entreprise; alors, il peut y avoir des situations où le délai qui est donné là, on ne pourra peut-être pas y répondre à l'intérieur...

Est-ce qu'il y a des provisions de faites pour que cet entrepreneur-là ne perde pas sa chemise là-dedans? Parce qu'il peut la perdre! Parce que, là, on va augmenter les salaires de 25 % subitement. Mais, lui, il a basé son coût sur un salaire de 17 $ et, tout d'un coup, il est obligé de payer 22,50 $, il n'arrivera plus!

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je voudrais rassurer le député d'Argenteuil. On a assez mis d'énergie là-dessus. Vous savez qu'il y a des conventions collectives de signées dans les trois grands secteurs de l'industrie de la construction – et c'est signé jusqu'en avril 1998 – et qu'ils n'ont pas droit de grève d'ici avril 1998. Alors, je ne sais pas si ça peut rassurer le député, mais, en tout cas, moi, ça me satisfait. On est tellement heureux d'avoir réussi ce coup de maître là dans l'industrie. Il nous reste maintenant le secteur résidentiel à régler et on aura bouclé la boucle. Une autre première.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, M. le Président, quand on me parle qu'on a signé des conventions collectives, je peux en convenir, je suis le premier à le reconnaître. J'en suis très heureux...

M. Rioux: Vous l'avez manifesté...

M. Beaudet: Oui, oui...

M. Rioux: ...ostensiblement.

M. Beaudet: ...on est très heureux de cette situation-là. Je voudrais juste laisser savoir au ministre, au cas où il ne le saurait pas ou qu'il n'aurait pas eu le temps de lire le même courrier que j'ai reçu, qu'il y a des entreprises qui subissent des blocages par l'industrie de la construction actuellement. Maintenant qu'on a signé, on s'assure que ça ne marche plus. À cette heure, on a signé. On ne l'a pas fait avant, on le fait après, et on empêche les travailleurs de la construction d'aller travailler sur leur propre chantier, pour d'autres fins. Pourtant, le ministre vient de me dire: Il n'y en aura plus, de grève, jusqu'en avril 1998, on a signé. Mais ce n'est pas une grève, c'est un lock-out, mais pas par le patron, par les entreprises syndicales qui vont empêcher les travailleurs de la construction d'entrer. Ça fait que, moi, la signature de la convention collective, elle m'inquiète, et il va comprendre pourquoi, d'ailleurs, il sait très bien ce à quoi je fais référence.

Puis, quand il me parle de la loi 46 puis qu'il s'est inspiré de la loi 46 pour nous donner un délai sur la loi n° 147, vous allez comprendre, M. le Président, que ce n'est pas nécessairement de bonne guerre de me ramener la loi 46, qui n'a pas créé un climat de paix et de tolérance à l'intérieur de l'industrie de la construction. Nous, on l'avait très bien réglé, avec la loi 142 qu'on a toute scrapée en prenant le pouvoir, et je ne suis pas sûr qu'on a fait la bonne chose. Ça fait que, quand il me cite la loi 46 pour amener sa loi n° 147 comme exemple, bien, là, écoutez, j'ai des petits problèmes, des petites réserves. Puis je suis sûr que le ministre sait très bien ce à quoi je fais allusion.

(17 h 50)

M. Rioux: M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, sur ce point-là, vous pouvez...

M. Rioux: ...je sais très bien, oui, à quoi le député d'Argenteuil fait allusion. Si on a corrigé la loi 142, c'est parce qu'on voulait, à la demande de l'industrie, remettre les négociations entre les mains des parties, qui disaient, au sommet de la construction, et j'étais présent: Remettez-nous nos outils, on est suffisamment adultes pour régler nos problèmes nous-mêmes. Alors, par la loi 46, le gouvernement du Québec a remis aux parties la responsabilité de négocier leurs conventions collectives et de signer. Ça, c'est la réalité. Évidemment, c'est tout un fleuron pour le gouvernement du Québec. On a tenté une expérience, on a fait confiance aux parties. Et je crois que, jusqu'à maintenant, on a eu raison, puisque 90 % de l'industrie est réglé. Alors, 46, ce n'est pas si mal.

Deuxième élément, M. le Président, je sais que le député d'Argenteuil doit s'inquiéter de ce qui se passe dans certains coins où il y a des travailleurs qui veulent empêcher d'autres travailleurs d'installer de la machinerie de production. C'est un débat fondamental que nous aurons à faire. Le gouvernement, là-dessus, va se faire une tête et, le moment venu, on va faire connaître nos positions. Mais le débat ici aujourd'hui ne porte pas là-dessus, il porte sur le projet de loi n° 147.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce qu'on poursuit encore ou...

M. Beaudet: Oui, oui, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, ça va.

M. Beaudet: J'ai très bien compris l'intervention du ministre.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Puis je comprends que ce n'est pas sur la 46 ou la 142 qu'on doit débattre. Mais ce qui m'inquiète, c'est que le ministre me dit s'être inspiré de sa loi 46, et c'est ça qui m'inquiète. Parce que, quand il dit «ramener la paix», je veux bien lui dire que ça ne marche pas dans le secteur résidentiel. Puis peut-être que la loi 46, qu'il a si bien parrainée, nous a amenés à une situation aujourd'hui où, à cause de la réglementation qu'il a réintroduite – parce que nous l'avions déréglementée – le ministre est allé exactement à l'encontre de tout ce qui a été dit au Sommet économique. Parce qu'on se réfère souvent au Sommet économique, à partir du côté ministériel, où on a dit à ce moment-là qu'on s'assurerait d'amener de la déréglementation. Puis, tout ce qu'on a fait avec la 46, ça a été de réglementer de façon additionnelle. Alors, je m'inquiète quand il me dit qu'il s'est inspiré de cette loi, qu'il la trouve si belle, parce que le seul secteur qui ne fonctionne pas, c'est celui auquel ils ont touché. Ceux que nous avions réglés, qui sont les trois autres, ça fonctionne, M. le Président. Alors, je garde des réserves quant à cette situation-là.

J'aimerais, M. le Président – l'heure file rapidement – juste demander au ministre de me rassurer quant à la carte de compétence – vous vous y êtes adressé tantôt – que ces gens-là n'auront pas à repasser des examens, un suivi, une évaluation pour obtenir leur carte de compétence, que ça va bien; par une clause grand-père, on va passer de l'un à l'autre.

M. Rioux: Une réponse rapide, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Rioux: J'ai en main le règlement qui couvre tous les salariés sans exception. M. le Président, je répète, là, pour le député d'Argenteuil: J'ai en main ici le règlement qui va modifier le règlement sur la formation de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, le règlement sur la délivrance des certificats de compétence et le Règlement sur l'embauche et la mobilité des salariés dans l'industrie de la construction. On s'est organisé pour ne rien oublier. Alors, ces règlements-là, M. le Président, vont être publiés dans la Gazette officielle . On peut les déposer.

M. Beaudet: ...en obtenir une copie, de ces règlements-là? Ça nous faciliterait les choses.


Documents déposés

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, les documents sont déposés et puis on pourra en remettre une copie aux membres de la commission. Très bien.

M. Beaudet: M. le Président, je n'ai plus de commentaires sur l'article 1.

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 1 est-il adopté?

M. Beaudet: Adopté.

M. Rioux: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 2, y a-t-il des interventions?

M. Rioux: M. le Président, l'article 2: «Pendant la période et pour l'exécution de travaux visés à l'article 1, le taux de salaire applicable à un salarié est celui auquel il aurait droit si le décret n'avait pas été abrogé.» C'est ce qu'on vient d'expliquer en long et en large tout à l'heure. Ça va. Ça va.

Le Président (M. Brouillet): Alors, ça va pour l'article... M. le député d'Argenteuil, l'article 2 est-il adopté?

M. Beaudet: M. le Président, je pense que je n'ajouterais rien d'utile à élaborer là-dessus, parce qu'on en a tellement discuté au cours de l'article 1 que je pense que ça a éclairé mes lanternes là-dessus.

Le Président (M. Brouillet): Bon, ça va. Alors, l'article 2 est adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 3.

M. Rioux: «Pour l'application à un salarié du taux de salaire versé à l'article 2 de la présente loi, la Commission de la construction du Québec a tous les pouvoirs et les droits prévus à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, notamment ceux prévus à l'article 81 de cette loi.

«À cette fin, ce taux de salaire est réputé avoir été établi dans une convention collective de travail conclue en vertu de cette loi.»

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Je n'ai pas de commentaires à faire sur cet article-là, M. le Président.

M. Rioux: Au fond, M. le Président, ça permet à la Commission de la construction de contrôler si les salaires sont bel et bien versés tel que prévu.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, l'article 3 est adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 4.

M. Rioux: «La présente loi entrera en vigueur à la date fixée par le gouvernement.»

Le Président (M. Brouillet): ...adopté?

M. Beaudet: M. le Président... Oups!

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil, sur l'article 4.

M. Beaudet: Étant donné qu'on a encore beaucoup de temps, quand le ministre a-t-il l'intention de demander au gouvernement de faire en sorte que cette loi entre en vigueur? Est-ce qu'on va attendre encore des mois et des mois ou si c'est quelque chose qui est imminent? Cet après-midi, il y avait une réunion du Conseil des ministres. Alors, si le ministre m'avait dit, tantôt: On a eu notre réunion du Conseil des ministres, puis le décret est abrogé, bien, on aurait fini la discussion puis ça aurait été fini là. Mais il ne me l'a pas dit. Est-ce qu'il peut me dire aujourd'hui que ça va peut-être venir mercredi prochain? S'il me le dit, ça va faciliter ma compréhension et surtout ma perception qu'enfin le décret va sauter.

M. Rioux: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le ministre.

M. Rioux: Oui, il y a un certain nombre de travaux en cours, mais, le 17 juillet, la loi entrera en vigueur.

M. Beaudet: Le 17 juillet.

M. Rioux: Le 17 juillet. Ça nous donne le temps de terminer.

Le Président (M. Brouillet): Mais ce n'est pas un amendement à la loi, ça, là.

M. Rioux: Ah non, ce n'est pas un amendement à la loi.

M. Beaudet: Non, non, non.

Le Président (M. Brouillet): C'est une information que vous donnez... C'est bien. Ha, ha, ha!

M. Rioux: C'est une information que je donne au député gracieusement.

M. Beaudet: M. le Président, si le ministre connaît déjà la date de l'abrogation du décret, pourquoi y a-t-il des consultations à Montréal dans ce temps-ci?

Le Président (M. Brouillet): Alors, c'est à M. le ministre à répondre.

M. Rioux: M. le Président, il y a bien sûr l'abrogation, il y a aussi une coordination qu'on doit faire avec la loi n° 147, avec les compétences et les cartes. Alors, on a un travail à faire qui est quand même sérieux, mais ça ne retardera pas l'entrée en vigueur de la loi, et c'est très certainement autour du 17 juillet. Présentement, il y a des discussions aussi sur le bois ouvré. Je pense que le député est au courant de tout ça. Mais l'entrée en vigueur de la loi sera le 17 juillet.

Le Président (M. Brouillet): L'article 4 est adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Beaudet: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Nous arrivons presque au terme de nos travaux. Alors, à ce moment-là, je dois suspendre et nous reprendrons ce soir, à 20 heures. Bon. Très bien. Écoutez, nous allons suspendre les travaux quelques instants pour que l'Assemblée poursuive la séance et qu'on fasse rapport à l'Assemblée.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 18 h 1)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de La Peltrie, si vous voulez faire rapport de la commission à l'Assemblée.

M. Côté (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 147, Loi concernant certains travaux de pose ou de montage de verre plat, et qu'elle l'a adopté.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 4, s'il vous plaît.

M. Gautrin: Question de règlement, M. le Président. Je compte rapidement et je ne pense pas que nous ayons quorum. Est-ce que vous pourriez vérifier?

Le Président: Je crois qu'effectivement, M. le député de Verdun, je dois vous donner raison. Alors, qu'on appelle les députés.

(20 h 5 – 20 h 6)

Le Président: Nous pouvons amorcer nos travaux, maintenant. Et, je vais vous le dire très franchement, j'espère qu'on n'aura pas d'autres appels au quorum. Alors, que ceux et celles qui ont la responsabilité de faire le nécessaire le fassent. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 4, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 92


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 27 mai dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole. Alors, je suis prêt à reconnaître un nouvel intervenant. M. le député de Jacques-Cartier ou...


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Kelly: Merci pour cet accueil enthousiaste. Il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir dans le débat sur l'adoption du projet de loi n° 92, la Loi sur la Commission de développement de la métropole, Bill 92, an Act respecting the Greater Montréal Development Commission.

C'est très drôle, M. le Président, moi, je me rappelle, il y a à peine 14 mois, un grand discours solennel du nouveau premier ministre du Québec qui a annoncé dans cette Chambre même que le gouvernement va sabrer dans les machines, va sabrer dans l'appareil gouvernemental, mais les services à la population, c'est ça, avant tout, qu'on va protéger.

Alors, c'est quoi, le bilan de ce gouvernement qui est dévoué à sabrer, encore une fois, dans la machine pour vraiment réduire à l'essentiel l'État? De mémoire, je pense que nous avons créé quatre nouveaux ministères. Pas pire pour sabrer, en créant quatre ministères différents: un ministère des Relations avec les citoyens, un ministère de l'Emploi et de la Solidarité, un ministère de la Métropole et, maintenant, un ministère de la Famille et de l'Enfance! Alors, ça, c'est couper, ça, c'est sabrer, ça, c'est vraiment essayer de réduire l'appareil gouvernemental! Mais il n'a pas arrêté uniquement là, avec la création des ministères. De mémoire, au moins deux agences: nous avons créé une Agence métropolitaine de transport, on est en train de créer une nouvelle agence dans le domaine de l'énergie, aussi. Alors, on a créé des agences parce que les ministères, ce n'est pas suffisant. De mémoire, au moins trois nouvelles commissions: une commission pour la protection de la langue française, une commission nationale de la capitale et, maintenant, une nouvelle commission pour le développement du Grand Montréal.

J'ai vu, la semaine passée, une autre bonne nouvelle, la création d'une nouvelle région administrative, parce qu'à 17 ou 18 ce n'était pas suffisant. Alors, on va en créer une autre. Grand débat. J'imagine que le député de Trois-Rivières va participer au grand débat: Quel numéro est-ce qu'on va donner à cette nouvelle région administrative? On suggère, dans La Presse , 4, ou 17, ou autre; peut-être qu'on peut proposer 66, à la mémoire de Mario Lemieux qui a pris sa retraite, ou quelque chose comme ça. Mais je pense qu'on a tout intérêt à avoir un long débat pour savoir quel numéro on va donner à cette nouvelle structure!

Le gouvernement qui s'est dévoué à sabrer dans les structures, qui a décidé que, vraiment, il faut réduire la taille du gouvernement, il faut réduire l'appareil gouvernemental, alors nous avons créé une nouvelle région administrative avec un directeur général, avec tous les fonctionnaires qu'il faut avoir pour bien gérer une nouvelle administration. Bonne nouvelle! Mais je trouve très curieux, entre le discours où le premier ministre, en arrivant dans cette Chambre, a annoncé qu'on allait sabrer dans la machine....

Mais ils ne se sont pas contentés de quatre ministères, deux agences, trois commissions et une région administrative, on va ajouter à ça les carrefours jeunesse-emploi, les CJE. Pourquoi les CJE? Je pense qu'on est rendu à 55, une bonne nouvelle en soi, mais il faut rappeler que c'est, encore une fois, ajouter à l'appareil gouvernemental... dans lequel on est en train de sabrer!

(20 h 10)

On voit que, dans le domaine de la famille, d'avoir les gestionnaires dans les garderies, ce n'est pas suffisant; il faut les gestionnaires pour gérer les gestionnaires pour gérer les garderies. Alors, on va créer les centres de la petite enfance. À quel nombre? On ne sait pas encore. Est-ce que ça va être 70 ou une centaine? Un mystère. Peut-être que dans l'étude détaillée du projet de loi n° 145 on va savoir combien de CPE. Peut-être qu'on peut mettre les CPE à côté des CJE; ça va être quelque chose à avoir pour bien s'assurer qu'on a assez de gouvernement.

Mais, encore une fois, si le gouvernement est dévoué à sabrer dans l'appareil, on dit: On a besoin des CLE. Alors, on peut mettre le CLE à côté du CPE à côté du CJE. On va créer les centres locaux d'emploi. Et pourquoi arrêter là, M. le Président? On va ajouter un CLD à côté du CLE, à côté du CJE, à côté du CPE. Ça, c'est le gouvernement qui va attaquer l'appareil gouvernemental. Fiou! C'est difficile! Juste avec l'alphabet, avec le nombre d'acronymes qu'il faut maîtriser pour suivre ce gouvernement, sabrer dans la machine, c'est fort difficile, M. le Président. Mais je pense que, comme je dis, encore une fois, on est devant un autre projet de loi ce soir, et on voit comment on va sabrer? On va créer une autre commission, Loi sur la Commission de développement de la métropole, ajoutée.

Moi, comme résident de l'île de Montréal, c'est ça qui me manque: c'est les paliers de gouvernement, c'est les instances gouvernementales. Moi, je suis résident d'une municipalité sur l'île de Montréal, alors j'ai un conseil municipal. J'ai également une commission scolaire protestante et une commission scolaire catholique qui gèrent l'offre des services scolaires dans ma région ou mon bout de l'île de Montréal. J'ai également élu les membres du conseil d'administration de notre CLSC, nous avons élu le conseil d'administration de notre hôpital, nous sommes membres de la Communauté urbaine de Montréal, alors il y a d'autres dépenses très importantes, comme contribuables, pour supporter tout le fonctionnement de la Communauté urbaine de Montréal. On a notre Conseil régional de développement de l'île de Montréal, CRDIM, on fait partie de la région administrative 06. Alors, 6, ce n'était pas suffisant, alors c'est le 06. Un autre mystère de comment on va décider de donner les numéros à nos régions.

On a les directions régionales de plusieurs de nos ministères sur l'île de Montréal. Moi, j'ai une agence métropolitaine de transport qui travaille avec la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal; on a la STCUM, on a une AMT qui gère l'offre de transport sur l'île de Montréal; on a maintenant un ministère de la Métropole qui, entre autres, gère le transport aussi, alors ça commence à être un petit peu compliqué. Mais ce n'est pas le gouvernement qui me manque, comme résident de l'île de Montréal.

Alors, qu'est-ce qu'on est en train de faire ce soir, M. le Président? Maintenant, si j'ai bien compris, j'aurai un CDGM, Conseil de développement du Grand Montréal, à ajouter à toutes les autres choses. Comme je dis, juste de maîtriser les acronymes, M. le Président, c'est presque un emploi à temps plein.

Alors, je vais continuer de voir comment on va... Pour ce gouvernement qui s'est dévoué à s'attaquer l'appareil gouvernemental... C'est ça que je ne comprends pas, M. le Président. Une chance qu'ils ont décidé d'attaquer dans l'appareil gouvernemental, parce que, s'ils ont donné le mandat de créer les nouvelles structures, on sera ici 12 mois par année! On va faire ça jour et nuit, la création des commissions, la création des agences, des sociétés. Ça n'arrête pas.

Mais, moi, comme député, comme contribuable, je n'arrive pas à comprendre comment on peut mettre autant de structures en place quand ce que le gouvernement s'est donné comme mandat, c'est de travailler sur les services directs à la population. Et nous avons fait ce débat hier soir sur la création d'une nouvelle structure pour gérer les garderies, et tout ça, où il y a une structure existante qui marche assez bien. Mais, encore une fois, qu'est-ce qu'on va faire ici? On va créer une commission qui va gérer la Communauté urbaine, qui va gérer les régions administratives, qui va gérer le Conseil régional de développement. En tout cas, M. le Président, je commence à me perdre dans toute cette structurite que le gouvernement est en train de créer.

Et je pense que ce n'est pas simplement un problème que le député ne peut pas suivre tous les acronymes, mais ça va soulever des questions fort importantes sur le «qui fait quoi». Parce que c'est de plus en plus un mystère de voir qui est supposé de faire quoi; c'est quoi, le vrai mandat.

J'attire votre attention à l'article 51 du projet de loi qui est devant nous. Un des mandats qu'on va donner à la nouvelle Commission, c'est de faire des recommandations sur les structures municipales, régionales ou gouvernementales présentes sur son territoire, notamment en vue de leur simplification. Alors, on va créer une structure pour commenter les autres structures qui existent sur le même territoire. Moi, j'ai le mandat de l'AMT. C'est toute une grande consultation sur le transport qu'il vient de lancer aussi. Alors, tout le monde, j'espère... On peut peut-être avoir les meilleurs prix dans les grands hôtels sur l'île de Montréal, faire une offre de consultations publiques à bas prix, ou peut-être qu'on va louer ça à l'année longue, parce que l'AMT va consulter le CDGM, après ça, les deux vont consulter le CEM, après ça, on va s'asseoir avec tous les CLE pour voir comment on peut travailler mieux avec les CPE.

Ça ne finit jamais, M. le Président. Et je pense qu'il faut sérieusement prendre un temps d'arrêt pour regarder, encore une fois, comme tout parlementaire responsable: Est-ce que nous avons besoin d'une nouvelle commission sur l'île de Montréal, qui a déjà trop de gouvernements, qui a déjà trop d'appareils qui sont là? Il faut les simplifier au lieu d'en ajouter un autre. Mais c'est ça qu'on est en train de faire ce soir, M. le Président, et c'est un non-sens. Il faut leur résister.

Encore une fois, si on regarde dans le mandat, comme je dis, un des pouvoirs de la Commission, qui est également un des pouvoirs du ministère, était de regarder la composition, les pouvoirs et le financement de l'Agence métropolitaine de transport, qui est la création de cette propre Assemblée nationale aussi. Alors, encore une fois, nous avons créé une agence; après ça, nous avons créé un ministère pour regarder l'Agence; maintenant, on va créer une commission pour regarder l'Agence avec le ministère. Où est la logique? Où est le besoin? Où est le service au citoyen, derrière tout ça, M. le Président? C'est loin d'être évident.

À l'article 52, on dit: «La Commission peut formuler au gouvernement des recommandations sur les sujets suivants: l'élargissement des fonctions et pouvoirs, notamment dans les domaines de la culture et du tourisme.» Je vois la ministre déléguée à l'Industrie parmi nous ce soir, et c'est un autre exemple que c'est de moins en moins clair qui fait quoi. On va créer cette Commission. On a déjà l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal. On a les pouvoirs de l'ancien ministère du Tourisme.

Moi, j'ai essayé de trouver comment on peut faire une application pour soutenir un projet de mon comté ou de ma région, tirer de l'argent du fonds qui était créé par la taxe de 2 $ par nuit, sur une commission, et ça a pris des semaines juste pour voir à quelle porte il faut frapper. Parce que le ministre dit: Oh, ce n'est pas moi. Moi, j'ai créé la taxe, mais ce n'est pas moi qui suis le gestionnaire, c'est d'autres personnes qui sont les gestionnaires de la taxe. Maintenant, on va ajouter une commission qui va, encore une fois, mêler les cartes avant tout, M. le Président.

Alors, comme je dis, il y a un problème très, très important sur le «qui fait quoi». Et, sur les consultations, sur tout ça, c'est très évident, on va consulter, on va reconsulter, on va consulter davantage. J'ai reçu, comme tout député de la région de Montréal, la belle publication de l'AMT sur le transport en commun. Mais ça me rappelle qu'au moment de l'arrivée de ce gouvernement le ministre des Transports, à l'époque, le député de Labelle, m'a envoyé une brique encore plus imposante sur, entre autres, le développement du transport en commun. Alors, j'ai une belle collection dans mon bureau de comté des grands documents qui vont exiger d'autres consultations qui ne finissent jamais, mais, au niveau de l'augmentation des services, de l'amélioration des services, ça, c'est beaucoup moins évident.

Mais on a le temps et on a l'argent pour l'administration, on a l'argent pour élargir la machine gouvernementale. Il y a un appétit sans arrêt, et, encore ce soir, on va donner un autre cadeau. On va donner un autre petit morceau, une commission pour, encore une fois, mêler les cartes dans la région de Montréal. Au lieu de donner des services plus directs aux citoyens, essayer de clarifier et de simplifier ce qui se passe, la gestion de la région montréalaise, on va la compliquer davantage.

(20 h 20)

Aussi, on continue... Allons voir à la Section II du projet de loi, Développement économique, où, de mémoire, on vient de créer un Montréal international qui a un mandat de promouvoir Montréal et l'exportation. Également, on a les ministères qui sont fort compétents et fort collaborateurs avec le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, qui travaillent, je les vois souvent dans ma région, aux rencontres de nos Conseils de développement économique. On va compliquer davantage, parce que ses fonctionnaires vont passer leur temps en réunion avec les fonctionnaires de la nouvelle Commission au lieu d'aller voir les entrepreneurs, aller voir les citoyens, aller voir les entreprises qui peut-être ont une bonne idée qui va créer de l'emploi. Mais le seul emploi qu'on va créer ici, c'est les fonctionnaires pour aller consulter d'autres fonctionnaires. Avec tout le respect, ce n'est pas ça.

Quand j'ai compris le message du nouveau premier ministre quand il est arrivé dans cette Chambre: l'objectif est de sabrer dans la machine, sabrer dans l'appareil gouvernemental. Mais, sans cesse depuis l'arrivée au pouvoir, ils ont juste ajouté, ajouté, ajouté des structures, les fonctionnaires qui vont consulter d'autres fonctionnaires au lieu d'aller améliorer des services, simplifier la gestion de la région de Montréal et arriver avec quelque chose qui peut aider tous nos partenaires, à la fois socioéconomiques, industriels, etc., pour faire avancer la région de Montréal.

Moi, je vois aussi, dans le mandat qu'on va donner à la Commission, que «la Commission élabore, en collaboration avec le ministre des Affaires municipales, un cadre d'aménagement métropolitain pour son territoire». Alors, on a déjà la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on a déjà les pouvoirs qui incombent à nos MRC et nos communautés urbaines, mais la Commission va mêler les cartes encore une fois aussi dans tout ça. Alors, ça n'arrête jamais, c'est juste d'ajouter des complications, d'autres structures, d'autres personnes, qui ne vont pas venir simplifier, pas aider les autres citoyens, mais compliquer davantage la gestion d'une région qui est déjà assez difficile à gérer.

Moi, je vois aussi, dans l'article 52.3, «l'organisation et le financement des services municipaux». Moi, j'ai des élections municipales dans ma municipalité et j'ai le loisir, ou le devoir, ou le pouvoir, comme citoyen, de choisir un maire et un conseil municipal qui est supposé faire ça. Ils sont démocratiquement élus et, si je n'aime pas la façon dont ils entretiennent nos parcs ou la façon qu'ils ramassent les déchets à notre maison, on va les remplacer par un autre conseil, un autre maire. C'est ça, l'élément de base de notre système démocratique, mais on est en train de laisser tout ça de côté, encore une fois, pour créer un autre organisme.

Je peux continuer, M. le Président, mais je pense que, de toute évidence, ce qu'on voit ici, c'est une commission qui, premièrement, n'a pas de pouvoirs. Elle n'a pas de pouvoirs décisionnels. Une des critiques que nous avons vues dans le milieu, c'est que c'est non décisionnel. Alors, c'est une commission qui va, de toute évidence, consulter, compliquer, prolonger les délais. Alors, au lieu d'avoir quelque chose de simple et rapide, la Commission doit consulter l'Agence, l'Agence doit voir le ministère, le ministère doit voir les centres locaux, les centres locaux doivent faire un front commun, et on n'arrête jamais, M. le Président. Prendre des décisions, voir ce qu'il faut faire pour faire avancer la région montréalaise, ce qu'il faut faire pour vraiment faire la promotion de nos industries et la création d'emplois, on oublie ça, on a un grand conseil non décisionnel, un conseil, je pense, d'une quarantaine de membres. Ça va juste alourdir davantage le processus décisionnel parce que ça va être un autre avis à aller chercher, un autre bâton, vraiment, dans les roues de la région de Montréal.

Également, il y a des questions, parce que, s'ils vont dépenser de l'argent, il y a un principe de base dans notre système: «No taxation without representation». Il faut toujours qu'il y ait des personnes qui mettent leur photo sur un poteau une fois par quatre ans, une fois par deux ans, une fois par cinq ans pour défendre les décisions, ce qu'ils font avec l'argent des contribuables. Moi, je pense que l'essence... Moi, je prends l'argent des autres. Comme membres de cette Assemblée, on est appelés à voter les crédits de au-delà de 40 000 000 000 $ par année. C'est notre devoir, mais il faut les défendre, et tout le monde ici est élu pour le faire.

Alors, j'ai beaucoup de misère à voir comment, au niveau de l'organisation et du financement des services municipaux, entre autres, on va partager, au moins au niveau d'un pouvoir consultatif, avec les non-élus, des personnes qui peuvent avoir des opinions. Mais c'est très facile, M. le Président, de dépenser l'argent des autres. Ça, c'est facile. Mais d'avoir la responsabilité, l'obligation d'aller défendre vos décisions démocratiquement, c'est l'essence même de notre système.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt à revoir attentivement comment on peut avoir ce mélange d'élus et de non-élus. Pour ces décisions, moi, je regarde, on a quelque chose qui est non décisionnel, comme il y a des non-élus, alors, la conclusion: c'est non essentiel. Et je pense qu'on a tout intérêt à mettre de côté ce projet et à revoir comment on peut vraiment revenir à l'engagement qui a été donné par le premier ministre et député de Jonquière, qui a dit qu'il faut réduire la taille du gouvernement, qu'il faut sabrer dans la machine gouvernementale avant de rendre des meilleurs services aux citoyens. On est en train de faire le contraire ce soir, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président: Merci, M. le député de Jacques-Cartier. S'il n'y a pas d'autres intervenants, à ce moment-ci, je vais demander: Est-ce que le principe du projet de loi n° 92... M. le député de Viau? Très bien, alors M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, conformément aux articles de notre règlement, je fais motion pour que le vote soit reporté à demain, après la période des affaires courantes.


Vote reporté

Le Président: Est-ce que la motion est adoptée? Très bien. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 47 du règlement.


Projet de loi n° 90


Adoption

Le Président: À l'article 47, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du projet de loi n° 90, Loi modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité. Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 90, c'est une Loi modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité. Une coopérative de solidarité va regrouper à la fois des utilisateurs de services offerts par une coopérative, des travailleurs qui oeuvrent au sein de cette coopérative et, le cas échéant, d'autres personnes ou des sociétés qui ont un intérêt économique ou social dans l'atteinte de l'objet de cette coopérative. Chacun de ces groupes de membres aura donc certains droits.

Ce projet de loi fait suite à quelques réflexions et quelques décisions qui ont été prises dans le cadre du Sommet sur l'économie et l'emploi, et on se rappellera qu'il s'est tenu en octobre dernier, qui avait mis en évidence tout le potentiel de ce qu'il est convenu d'appeler maintenant l'économie sociale.

La définition du concept d'économie sociale peut se résumer à cinq éléments. D'abord, l'entreprise de l'économie sociale a pour finalité de servir ses membres ou de servir la collectivité plutôt que de tout simplement engendrer des profits et donc de viser un rendement financier. L'entreprise de l'économie sociale a une autonomie de gestion par rapport à l'État. L'entreprise de l'économie sociale intègre dans ses statuts et dans ses façons de faire un processus de décision démocratique qui implique à la fois les usagers et les travailleurs comme, bien sûr, les usagères et les travailleuses. L'entreprise de l'économie sociale défend la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition de ses surplus et de ses revenus. Enfin, l'entreprise de l'économie sociale fonde ses activités sur les principes de la participation, de la prise en charge et de la responsabilité individuelle comme collective.

Le développement de l'économie sociale constitue donc une voie de mobilisation en faveur non seulement de l'emploi, mais aussi de la prise en charge et de la responsabilisation à l'égard de tout ce qui peut accroître le dynamisme et la capacité d'initiative dans notre société.

(20 h 30)

Les valeurs de l'entreprise de l'économie sociale regroupent celles de la coopération. Aussi, il a été décidé que la formule coopérative, sous le nom de «coopérative de solidarité», serait utilisée pour soutenir tout le développement du champ d'action de l'économie sociale, d'où l'importance que je qualifierais de stratégique de ce projet de loi. La loi, par contre, sur les coopératives prévoit un certain nombre de restrictions qui affecteraient... et c'est pourquoi nous proposons cette modification. La Loi sur les coopératives prévoit actuellement que les personnes qui peuvent devenir membres d'une coopérative doivent avoir un intérêt commun soit à titre de consommatrices, soit à titre de productrices à qui la coopérative rend certains services, soit à titre de travailleuses. Elle ne permet pas de regrouper dans une même coopérative des consommateurs comme des travailleurs, et c'est l'objectif que l'on poursuit avec le projet de loi n° 90. Et cette modification-là va permettre aux utilisateurs de services comme aux travailleurs de la coopérative d'être membres d'une même coopérative que nous allons qualifier de solidarité.

La loi prévoit un certain nombre d'ajustements, notamment au niveau de la composition du conseil d'administration, où la loi prévoit assurer une représentation de chaque catégorie de membres de cette coopérative de solidarité, qu'ils soient utilisateurs ou travailleurs. Elle prévoit aussi une participation au financement en permettant à des membres non usagers de participer au financement de la coopérative en acquérant des parts. Je pense que ce véhicule que nous avons choisi, ce véhicule juridique qu'est la coopérative, que nous qualifierons de solidarité, c'est une solution assez innovatrice dans le domaine de l'économie sociale. Et ce qui m'a réjouie, c'est que, dans le cadre des débats que nous avons tenus à l'Assemblée nationale comme de l'étude article par article de ce projet de loi, le député de l'opposition, le député de Shefford – et je le cite ici dans ses propos du 7 mai dernier – disait: «Il est évident que la formation d'individus en coopérative aide tout simplement les gens qui parfois sont un peu plus démunis ou moins pourvus du côté monétaire à pouvoir se créer une entreprise ou se joindre à une entreprise qui pourra poursuivre des buts louables et permettre de réaliser quelque chose de tangible.» Et il ajoutait: «S'il y a un consensus au Québec, c'est bien celui à l'effet que la coopération est un outil de développement économique des plus efficaces. Quoi qu'il en soit – je continue la citation – elle reflète l'évolution des Québécois devenus investisseurs après avoir été pendant longtemps épargnants craintifs.» Et il concluait en disant: «Nous avons donc un projet de loi, ici, qui fait consensus, qui fait consensus dans son milieu.» Et il ajoutait qu'en tant que député de Shefford, de la région de Granby, un endroit – et je cite – «où les coopératives ont le mieux réussi au Québec», ça lui faisait plaisir d'accorder son appui à l'adoption du principe de ce projet de loi.

Je crois, M. le Président, que, dans cet esprit, je serais heureuse que les amendements à la Loi sur les coopératives qui vont permettre l'élargissement du champ d'action des coopératives, et surtout leur modernisation, dans un objectif global de la modernisation de l'économie du Québec, à laquelle, vous le savez, notre gouvernement s'est engagé et à laquelle nous travaillons tous très fort, des deux côtés de la Chambre, j'en suis sûre. L'économie sociale, c'est un champ d'action important, stratégique que l'on veut mettre en valeur au bénéfice de la société québécoise. Et le projet de loi n° 90 nous procure, nous offre un outil, à savoir la coopérative de solidarité, qui nous permettra d'y arriver. Et donc, à titre de ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, j'en recommande l'adoption, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: M. le Président, conformément à l'article 100 de notre règlement, je fais motion pour ajourner le débat.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 48, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 94


Adoption

Le Président: À l'article 48, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du projet de loi n° 94, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement des coopératives. Mme ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi dont je voudrais discuter aujourd'hui, c'est le projet de loi n° 94 qui concerne les amendements à la Loi sur l'aide au développement des coopératives. Alors, on reste dans le même sujet.

La Loi sur l'aide au développement des coopératives, c'est une loi qui remonte au 1er avril 1991 et, depuis ce temps-là, elle n'a pas subi de modifications. Encore dans le même esprit du Sommet sur l'économie et l'emploi, encore dans le même esprit de l'importance de l'économie sociale, on est arrivés à la conclusion qu'il était opportun que la Loi sur l'aide au développement des coopératives soit modifiée de façon à intégrer les personnes morales sans but lucratif et également à améliorer les modalités concernant la présentation et le cheminement d'une demande d'aide, ainsi qu'à élargir la notion de coopérative afin d'inclure les filiales.

Cette loi a pour but de favoriser la création, le maintien et le développement d'entreprises coopératives uniquement; elle ne permet pas d'adopter des programmes d'aide financière qui sont destinés aux filiales des coopératives et aux personnes morales sans but lucratif; la loi actuelle. Ce que nous proposons, c'est d'adapter la loi actuelle justement à cette nouvelle situation concernant les modalités qui sont relatives aux demandes d'aide et d'élargir l'application de la loi aux filiales des coopératives et aux personnes morales sans but lucratif, tel que le projet de loi l'identifie.

Un petit mot d'explication parce que, encore là – je pense qu'on a fait pas mal le tour de la question des coopératives, tout à l'heure – l'application de la loi a été élargie pour inclure les personnes morales sans but lucratif qui sont régies par la partie III de la Loi sur les compagnies. Et on a décidé aussi d'inclure dans la même loi les coopératives comme leurs filiales, de même que les personnes morales sans but lucratif, compte tenu que ces entreprises constituent conjointement l'économie sociale. Donc, encore là, on applique nos outils de l'économie courante au champ d'action de l'économie sociale pour nous donner de meilleurs outils, de meilleurs moyens et donc la capacité de développer tout le potentiel de l'économie sociale.

Les aides qui seront rendues disponibles pour les personnes morales seront administrées par la vice-présidence au développement des coopératives, à la Société de développement industriel, qui est un outil encore qui existe, mais dont on voudrait utiliser l'application à des fins de rayonnement et de développement de l'économie sociale, parce que c'est la Société de développement industriel qui administre le programme pour les coopératives.

La loi actuelle prévoit que la forme de la demande d'aide financière de même que les documents et les renseignements qui doivent l'accompagner sont déterminés par le ministre. Or, le projet de loi que je vous propose aujourd'hui attribue ce pouvoir non plus au ministre, mais à la Société de développement industriel du Québec, ce qui nous donne une distance et qui va être beaucoup plus efficace aussi. Cette solution est beaucoup plus adaptée à notre réalité moderne, puisque, dans les faits, ce n'est pas le ministre, mais c'est la Société de développement industriel qui étudie et qui analyse toutes ces demandes d'aide financière et qui, en fait, administre le programme d'aide financière.

Ce projet de loi va entraîner éventuellement, bien sûr, l'adoption d'un règlement qui va créer un programme d'aide financière pour les personnes morales sans but lucratif et l'adoption d'une modification au programme d'aide financière favorisant le développement des entreprises coopératives pour inclure la notion de filiale. Mais ces nouvelles dispositions n'ajouteront aucune charge supplémentaire aux entreprises; elles vont surtout leur rendre disponible un programme d'aide financière dans l'esprit et dans la lettre du Sommet.

Encore là, le député de Shefford, lors de la discussion de ce projet de loi, le 7 mai dernier, nous disait, et je le cite: «À prime abord, nous n'avons aucune objection à adopter le projet de loi n° 94 et, le plus vite nous allons nous transformer en commission parlementaire – c'est ce qu'on a fait le 7 – le plus rapidement nous aurons adopté ce projet de loi.» Donc, je pense que c'est un projet de loi qui est assez simple et qui rencontre les attentes des deux côtés de la Chambre. En fait, il rencontre les attentes de la population du Québec, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la ministre. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Conformément à l'article 100 de notre règlement, je fais motion pour ajourner le débat.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Très bien. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 44.


Projet de loi n° 86


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: À l'article 44, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 86, Loi sur le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Boisclair: Adopté.


Mise aux voix du rapport

Le Président: C'est adopté? Le rapport de la commission, adopté. Très bien. M. le ministre.

M. Boisclair: L'article 46, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 105


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: À l'article 46, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 105, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement.


Mise aux voix du rapport

Est-ce que le rapport de la commission est adopté? Adopté.

(20 h 40)

M. Boisclair: M. le Président, l'article 19.


Projet de loi n° 144


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À l'article 19, l'Assemblée reprend le débat ajourné ce matin sur l'adoption du principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales. À ce moment-ci, je suis prêt à reconnaître un nouvel intervenant. M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais faire quelques remarques sur le projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales. It's my intention tonight to spend my time to speak on Bill 144, An Act respecting family benefits, Mr. Speaker.

M. le Président, comme le porte-parole de l'opposition l'a déjà mentionné, on peut supporter jusqu'à un certain point les grands objectifs de ce projet de loi, mais nous avons beaucoup de questions et de réserves. Et, moi, j'ai certainement quelque chose que j'ai besoin de souligner ce soir où je suis carrément contre.

Le grand objectif de ce projet de loi dit que «ce projet de loi institue, en remplacement de l'actuel régime d'allocations d'aide aux familles, un régime de prestations familiales. Ce régime prévoit l'attribution d'une allocation familiale variable selon le revenu et la composition de la famille». Ce grand principe, je pense, presque tous les députés vont certainement le supporter, mais c'est sur la façon dont la ministre propose de le faire que j'ai plusieurs questions. M. le Président, je voudrais essayer, dans ma courte période de temps, de cibler mes questions sur le pouvoir accru, qu'on peut trouver dans le projet de loi, que le gouvernement donne au ministère du Revenu; le pouvoir accru qu'on peut trouver dans la Régie établi par ce projet de loi, particulièrement quand on parle de la suspension du paiement des prestations familiales.

Moi, M. le Président, comme nous sommes en train de discuter la question: «Comment peut-on appuyer les familles québécoises?», je voudrais m'assurer que, comme nous sommes en train de changer un système et de le remplacer avec un autre, la grande majorité des familles québécoises sont gagnantes. Nous avons déjà entendu, M. le Président, que, dans certains cas, les familles sur l'aide sociale ayant de jeunes enfants peuvent être les perdantes dans ce projet de loi. Une famille monoparentale avec deux enfants d'âge préscolaire aura un revenu inférieur d'environ 1 000 $ à sa situation actuelle. Avec ça, M. le Président, j'espère que tous les députés, sur les deux côtés, vont être ouverts aux changements concernant ce problème dans ce projet de loi.

M. le Président, je voudrais lire un article qui est peut-être un peu compliqué, mais je voudrais mentionner un problème très grave qu'on retrouve dans ce projet de loi n° 144. Il se trouve dans l'article 47. C'est un article qui fait un amendement à la Loi sur le ministère du Revenu. Et, comme vous le savez, M. le Président, je suis porte-parole pour l'opposition au Revenu. Nous avons discuté les articles de la loi sur le Revenu assez souvent dans cette Chambre. L'article 47 se lit de la façon suivante: «L'article 69.1 de la Loi sur le ministère du Revenu, chapitre M-31, modifié par l'article 13 du chapitre 46 des lois de 1994, par l'article 213 du chapitre 1 des lois de 1995, par l'article 14 du chapitre 36 des lois de 1995, par l'article 50 du chapitre 43 des lois de 1995, par l'article 277 du chapitre 63 des lois de 1995, par l'article 22 du chapitre 69 des lois de 1995, par l'article 18 du chapitre 12 des lois de 1996, par l'article 4 du chapitre 33 des lois de 1996 et par l'article 104 du chapitre 3 des lois de 1997, est de nouveau modifié par le remplacement du paragraphe n du premier alinéa par le suivant.»

Et, maintenant, on parle de «la Régie des rentes du Québec dans la mesure où ces renseignements...». Il y a deux petits changements, mais le changement le plus important, c'est le troisième point, M. le Président, et je voudrais lire ça lentement: «sont nécessaires pour vérifier l'admissibilité d'une personne à une allocation familiale en vertu de la Loi sur les prestations familiales (indiquer ici l'année et le numéro de chapitre de cette loi), ainsi que pour déterminer le montant de cette allocation». Vérifier l'admissibilité! M. le Président, qu'est-ce que ça veut dire, cet article? C'est assez compliqué à comprendre. C'est un article d'une loi fiscale typique de ce gouvernement: amendé, amendé, amendé, et ça va être presque impossible de savoir ce que ça veut dire.

Mais cet article, dernièrement, a été amendé par le fameux ou inparfait projet de loi n° 32 que nous avons appelé «Big Brother». C'est le projet de loi qui donne l'incroyable pouvoir au ministère du Revenu de faire des couplages de toute l'information privée sur les citoyens québécois. Il est capable, avec ce pouvoir de faire de la fusion d'informations sur presque tous les dossiers des Québécois et Québécoises: l'information qui vient des Ressources naturelles, des Normes du travail, de la Sécurité du revenu, des Affaires municipales; il peut regarder les noms et adresses des personnes qui exploitent le gaz, les télécommunications; l'information qui vient de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et aussi de la Régie des rentes du Québec, mais maintenant avec une responsabilité particulière de vérifier l'admissibilité des personnes pour une allocation familiale.

M. le Président, c'est grave, ça. Nous avons tous dit ici, au moins de ce côté de la Chambre et certainement appuyé par mon collègue le député de Verdun, qu'il est essentiel de protéger la vie privée des Québécois et Québécoises. Mais le gouvernement veut avoir toute l'information possible. Il veut amasser toute l'information sur vous et sur vous, et sur vous, et sur vous aussi, parce qu'il veut savoir tout, il veut contrôler tout.

Ici, de ce côté de la Chambre, on croit en la démocratie. On respecte la vie privée. On respecte la confidentialité de la population québécoise. J'ai parlé pendant le débat sur le projet de loi n° 32 et j'ai dit que nous étions sur une piste glissante. Une fois que vous donnez ce pouvoir à l'État de ramasser toute cette information, de coupler toute cette information, vous pouvez faire des erreurs graves. Vous pouvez briser toutes les règles traditionnelles de confidentialité. Vous êtes en train de risquer la vie privée de la population québécoise.

M. le Président, voilà, malheureusement, un exemple où – et j'ai besoin de le dire: J'ai eu raison – avant même le dépôt du premier rapport sur la Commission d'accès à l'information sur cette question, sur le contrôle de cette information et sur la protection de la vie privée, avant le premier dépôt ici et le débat sur ce rapport, le gouvernement arrive avec un pouvoir accru. Il cherche plus d'information et, étape par étape, il veut amasser des morceaux d'information concernant chaque Québécois et Québécoise. Ce soir, il veut ajouter sur la liste que tout le monde peut échanger cette information, tout le monde peut se connecter.

Avec ça, si j'ai bien compris l'article, chaque famille qui doit faire application pour avoir une allocation familiale doit avoir tous ses dossiers ouverts par l'État. Ils vont faire le couplage. Ils vont vérifier: Est-ce que vous avez payé X, Y et Z? Ils vont vérifier: Est-ce que vous avez eu des prêts et bourses? Ils vont vérifier: Est-ce que vous avez payé vos taxes, etc.? C'est potentiellement dangereux. C'est un appétit insatiable pour l'information sur la vie privée.

Déjà, avant le premier dépôt du rapport de la Commission d'accès à l'information sur cette question, le gouvernement cherchait plus de pouvoirs. C'est une stratégie tellement dangereuse. C'est un petit article dans un projet de loi qu'on appelle la Loi sur les prestations familiales, mais c'est un pouvoir dangereux. Pendant la consultation particulière sur ce projet de loi en commission parlementaire, j'espère que le ministre va inviter la Commission d'accès à l'information, parce que c'est essentiel que nous ayons devant les parlementaires une chance de discuter de cette question fort importante.

(20 h 50)

M. le Président, avec toutes les technologies, maintenant, avec aussi l'impatience du ministère du Revenu et son intérêt d'avoir des informations sur tout le monde, il est en train de créer une centrale de données. Il veut mettre à la même place toutes les informations sur les Québécois et Québécoises. Nonobstant votre statut, nonobstant le fait que vous êtes un contribuable de bonne foi, que vous avez toujours payé vos dettes, que vous avez toujours accepté les règles et suivi les directives des départements gouvernementaux, il veut tout contrôler. Maintenant, il veut s'assurer qu'une fois qu'il y a une demande d'une personne pour une allocation familiale, il va avoir le droit de vérifier toute l'information sur ce contribuable.

Je mets ce gouvernement en garde. Vous êtes en train de risquer la vie privée de la population québécoise. Vous avez commencé ça avec le projet de loi n° 32 et, moins d'un an plus tard, vous êtes arrivé ici, dans cette Chambre, avec encore plus de pouvoirs. Comme je l'ai mentionné hier soir, nous avons parlé d'une espèce de «Big Brother», avec le projet de loi n° 32, un «Big Brother» qui veut tout savoir, qui veut tout contrôler. Mais, avec le projet de loi n° 144 présenté par la ministre de l'Éducation ce soir, «Big Brother is meeting Big Sister». Nous sommes en train d'avoir une stratégie organisée par ce gouvernement: Comment on peut contrôler les Québécois et les Québécoises encore plus?

J'ai mentionné l'article 47. M. le Président, vous pouvez retourner à l'article 10. Nous sommes en train de parler d'un système de prestations familiales. Mais l'article 10 dit qu'avant de recevoir cette allocation familiale, «ainsi que son conjoint, doit fournir une déclaration de revenus suivant la périodicité et les conditions prévues par règlement du gouvernement». Vous avez besoin de fournir une déclaration de revenus. Il va avoir le droit de faire le couplage de toute l'information sur votre vie privée. C'est quoi, en arrière de ça? C'est clair: il veut avoir plus d'informations sur chaque Québécois et Québécoises. Il y a plusieurs personnes, pour une raison ou l'autre, qui ne fournissent pas une déclaration de revenus, mais le Revenu, le fisc, le «Big Brother» veut que chaque citoyen fournisse une déclaration de revenus, parce que, une fois que vous avez fourni une déclaration de revenus, il peut commencer, avec sa centrale de données, le couplage, l'échange d'informations.

M. le Président, voilà un exemple flagrant d'un pouvoir inutile, d'un pouvoir dangereux. Et la vie privée des citoyens, c'est quelque chose qui doit dépasser les débats partisans. Chacun des 125 députés, ici, dans cette Chambre, doit avoir comme un de ses premiers mandats l'objectif de protéger la vie privée, la confidentialité des citoyens de bonne foi, des citoyens honnêtes, des citoyens du Québec qui, dans une forte majorité, suivent toutes les règles. Pourquoi le gouvernement arrive avec l'article 47 de ce projet de loi? C'est caché, ce n'est pas mentionné dans les notes explicatives. Il donne un autre pouvoir d'échange d'informations qu'on peut retrouver dans la Loi sur le ministère du Revenu, article 69.1, et c'est de a jusqu'à o. Il y en a beaucoup, je peux tout lire, il y a deux pages d'exemples comment le ministre du Revenu peut faire les échanges d'informations. C'est dangereux, M. le Président.

Un autre point que je dois mentionner, M. le Président, c'est l'article 26. Avec les articles 47 et 10, nous avons parlé de la logique d'en savoir plus, de contrôler plus la population, mais avec 26 aussi. Je m'excuse, je n'ai aucune confiance en ce gouvernement. Je n'ai aucune confiance en son comportement tout comme la forte majorité des Québécois et Québécoises. Mais l'article 26 dit que «les prestations familiales sont incessibles et insaisissables». Mais, tout de suite après ça, il dit: «Toutefois, sur demande...» Déjà, il commence à y avoir des exceptions. Avec ça, je comprends pourquoi la forte majorité des Québécoises et des Québécois commence à avoir des doutes sur le comportement du gouvernement. Il a le pouvoir de faire le couplage de toutes les informations. Il oblige à fournir une déclaration de revenus. Maintenant, il va protéger les allocations familiales, mais toutefois il peut y avoir des exceptions. Une fois, M. le Président, qu'il y a une exception, vous pouvez en avoir plus qu'une.

Même exemple avec l'article 47. Une fois que vous avez établi le droit de faire des couplages presque illimités, une fois que vous avez établi ce pouvoir, comme nous l'avons retrouvé dans le projet de loi n° 32, vous pouvez élargir ça. Le premier exemple de la façon dont ce gouvernement va continuer à élargir, on peut le trouver dans le projet de loi n° 144. Je mets le gouvernement en garde, comme je l'ai déjà mentionné: La population québécoise ne va jamais accepter que le gouvernement, étape par étape, mette sa vie privée en péril. Ils vont dire: Assez. Ils vont dire qu'il n'y a aucune raison d'avoir ce pouvoir accru qu'on peut retrouver dans le projet de loi n° 144. M. le Président, il y a plusieurs autres questions que je peux soulever dans ce projet de loi, mais j'ai voulu insister ce soir sur les articles qui continuent de mettre en péril la vie privée de la population québécoise.

I think, Mr. Speaker, it was absolutely important tonight, even though there are many other issues that I want to address in Bill 144, to highlight the issue of the private lives of Quebeckers, the right to confidentiality, the right to privacy. And, in Bill 144, in article 47, you find in legalese and fiscalese, because, as I read in article 47, if you didn't have about 15 laws in front of you at the same time, you wouldn't be able to understand what it says. But what it actually says is that the Government is adding to the very long list of informations that can be traded, exchanged, passed back and forth between various departments information for «the Régie des rentes du Québec, to the extent that the information [...] is required to ascertain a person's entitlement to receive a family allowance under the Act respecting family benefits and to determine the amount of that allowance». That's what that article says.

What it's clear, in my understanding, is: If I want to apply for this family allowance, I'm going to be subject or all my information in all these departments listed in article 69.1 to the scrutiny and the comparisons of the Government. Yet, I'm an honest taxpayer like the great, great majority of Quebeckers. So, why is this extra power here? What are they trying to do?

Furthermore, in article 10, the Government is insisting that, before you can receive a family allowance, you must declare a statement of income. Many people, for a number of reasons, don't. Why are they doing that? What is behind their thinking about that? What about folks that don't know how to read or write? What are they going to do? What is this obligation?

I come to the conclusion, Mr. Speaker, that it is an obligation that you find in the spirit of Bill 32, an obligation to know everything, to control everything, to try to decide what's good for Quebeckers based on some minister's perspective on them. It's not based on the basic good interest and best interest of the people of Québec. What deeply concerns me, Mr. Speaker, is this: Before the first year report from the Commission d'accès à l'information is tabled in this House, this Government is already coming with a strategy that, I must come to the conclusion, is deliberate, a strategy that, step by step, they're going to hide in bills more power that they will be able to give to the Ministry of Revenue to dig deeper and deeper into the pockets of Quebeckers to make sure that they can empty those pockets as quickly as they can and based on a concept that I fundamentally disagree with, based on the concept that the State wants to know everything, has the right to know everything.

(21 heures)

I fundamentally disagree with that. We, as Quebeckers, in a free and democratic society, have the right to privacy. We have the right to privacy and, Mr. Speaker, these kinds of measures that I've highlighted tonight put that right in question.

M. le Président, il y a plusieurs autres questions que je ne peux malheureusement pas mentionner, mais j'espère que le fait que j'ai ciblé les problèmes du pouvoir accru qu'on peut trouver dans ce projet de loi, le pouvoir que je trouve complètement inutile... J'espère que mon intervention, juste avant de terminer, va inspirer la ministre à changer ces articles de loi, d'assurer que l'objectif du projet de loi, c'est de créer un programme d'allocations familiales juste et équitable qui va être en vigueur, mais qu'elle va corriger ces articles de ce projet de loi. Merci beaucoup.

Le Président: Merci, M. le député de Nelligan. Mme la députée de Beauce-Sud, maintenant.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales. Ce projet de loi institue, en remplacement de l'actuel régime d'allocation d'aide aux familles, un régime de prestations familiales, c'est-à-dire une allocation unifiée pour enfants et une allocation pour enfants handicapés. Ce projet de loi fait suite au dévoilement des grandes lignes de la politique familiale par le premier ministre du Québec lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, à l'automne 1996, et donne suite également au dépôt du livre blanc par la ministre responsable de la Famille, en janvier dernier, livre blanc intitulé Les enfants au coeur de nos choix .

Au départ, le livre blanc sur la nouvelle politique familiale a été accueilli favorablement, mais depuis de nombreuses critiques se sont fait entendre, particulièrement au niveau de la nouvelle prestation unifiée pour enfants. La nouvelle prestation vient regrouper les diverses allocations qui étaient versées aux familles, c'est-à-dire les allocations familiales, l'allocation pour jeunes enfants âgés de moins de six ans de même que les allocations à la naissance. Au départ, cette idée était fort intéressante, mais, en scrutant plus à fond cette allocation unifiée pour enfants, on s'aperçoit qu'il y aura des familles gagnantes et des familles perdantes.

Contrairement à ce qui était proposé dans le rapport Bouchard-Fortin, de créer une allocation unifiée pour enfants comprenant une composante universelle qui ne tiendrait compte ni de l'âge ni du rang des enfants et une composante dite sélective établie en fonction du revenu des parents, ce gouvernement met la hache dans l'universalité des allocations familiales qui étaient versées aux familles québécoises. En effet, la nouvelle prestation familiale proposée ne contient aucune composante universelle et sera calculée entièrement et uniquement en fonction du revenu familial, soit le revenu total des deux parents. De plus, elle sera très sélective, et je m'explique. La nouvelle prestation familiale sera réduite à partir d'un revenu familial net de 19 339 $ dans le cas d'une famille biparentale et de 13 628 $ dans le cas d'une famille monoparentale. De plus, au-delà d'un revenu familial de 50 000 $, le montant de la prestation se réduira rapidement, et elle deviendra nulle à partir d'un revenu de 53 000 $ dans le cas d'une famille avec un enfant, de 56 000 $ pour les familles avec deux enfants et autour de 60 000 $ pour les familles en comptant trois.

De nombreux groupes, lors de la consultation sur la réforme de l'aide sociale, sont venus dénoncer le fait que le taux de décroissance s'appliquait à partir d'un revenu familial trop bas, et on peut les comprendre. En Beauce, un de mes commettants qui a trois enfants, dont deux de moins de six ans, et un revenu familial à deux de 43 000 $ me disait qu'il subira une perte nette de 413 $ par année. Ce ne sont tout de même pas des revenus faramineux pour une famille de cinq. Aussi, des centaines de membres de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale de mon comté m'ont écrit pour me faire part de leurs préoccupations concernant cette nouvelle politique familiale et m'ont priée de les transmettre à la ministre, puisque leurs nombreuses interventions pour que des améliorations soient apportées au projet de loi sont restées sans succès. C'est donc au nom de plusieurs Beauceronnes et Beaucerons que je me permets d'intervenir sur ce projet de loi sur les prestations familiales.

Comment, par exemple, ce gouvernement peut-il conclure, M. le Président, qu'un revenu familial de 19 339 $ pour une famille biparentale est un seuil de revenu suffisant pour commencer à appliquer une baisse sur la prestation familiale pour chaque dollar supplémentaire gagné? Et que penser d'un revenu de 13 628 $ dans le cas d'une famille monoparentale? Soit que la ministre responsable de la Famille est complètement déconnectée de la réalité des familles, soit qu'elle n'a jamais eu à faire vivre des enfants avec un revenu familial de 19 339 $ par année.

De plus, le Conseil de la famille et Mme Ruth Rose, professeur au département des Sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal, sont venus vivement dénoncer la perte financière pour les familles vivant de l'aide sociale et particulièrement les familles ayant des enfants âgés de moins de six ans. Il faut rappeler que les tableaux fournis par les différents documents gouvernementaux démontraient uniquement le montant de la prestation familiale pour des familles avec des enfants âgés de plus de sept ans. Or, d'après le calcul du professeur Rose, une mère monoparentale bénéficiaire de l'aide sociale ayant deux enfants de moins de six ans subirait une perte financière de près de 1 150 $ par année. Devant cette situation inéquitable, la ministre responsable de la Famille a déposé des bonifications aux nouvelles dispositions de la politique familiale. On peut lire, au chapitre de la prestation familiale, que le gouvernement accordera une aide supplémentaire et transitoire, en septembre 1997, aux familles qui sont actuellement bénéficiaires de l'aide de dernier recours et qui ont des enfants âgés de moins de six ans afin qu'elles conservent un revenu au moins équivalent à leur revenu actuel. Par contre, le document précise que cette bonification vise uniquement les familles vivant de l'aide sociale qui sont composées de deux enfants et plus, ayant au moins un enfant âgé de moins de six ans.

Alors, la question que je pose à la ministre responsable de la Famille: Qu'advient-il des mères monoparentales qui ont seulement un enfant âgé de moins de six ans? Auraient-elles été oubliées ou bien a-t-on tout simplement décidé de les laisser pour compte? Est-ce que les bonifications apportées par la ministre viennent vraiment corriger la situation des familles qui se voient confinées à l'aide de dernier recours?

D'autre part, certains articles du projet de loi me semblent poser problème. Par exemple, l'article 10 du projet de loi stipule que celui ou celle qui désire recevoir l'allocation familiale devra obligatoirement faire une déclaration de revenus. Ce genre d'obligation me porte à croire, par expérience, que certaines familles ne recevront pas la prestation familiale, puisqu'elles omettront de produire leur déclaration d'impôts. Auront-elles la possibilité de produire une déclaration tardive sans perte de leurs droits et prestations? De plus, a-t-on pensé aux personnes analphabètes ou aux personnes souffrant de déficience intellectuelle, par exemple, qui seront incapables de remplir une déclaration d'impôts, si elles n'ont pas l'aide nécessaire? Auront-elles les moyens financiers de confier leur rapport d'impôt aux experts comptables? Ou encore, le gouvernement a-t-il prévu des mécanismes pour venir en aide à ces familles? Ce sont des questions auxquelles il faudra trouver réponse.

(21 h 10)

Aussi, l'article 26 m'apparaît discriminatoire envers les familles qui reçoivent l'aide de dernier recours. Cet article stipule que les prestations familiales seront incessibles et insaisissables, sauf pour les familles vivant de l'aide sociale. Alors, je m'interroge, tout comme mon collègue, M. Williams. La Régie des rentes du Québec pourra déduire de la prestation familiale, à la demande de la ministre de la Sécurité du revenu, les sommes recouvrables en vertu de l'article 35 de la Loi sur la sécurité du revenu.

M. le Président, je ne peux accepter que des sommes versées pour couvrir les soins essentiels des enfants dont les parents vivent de l'aide sociale puissent être saisissables. Parce qu'il faut bien comprendre que les prestations d'aide sociale versées par le ministère de la Sécurité du revenu ne couvriront plus les besoins essentiels des enfants, puisque ceux-ci ne feront plus partie de la clientèle d'aide sociale. Les parents prestataires d'aide sociale recevront une prestation à titre de personne seule ou d'un couple sans enfant. Les besoins essentiels des enfants seront ainsi couverts par la prestation familiale émise par la Régie des rentes du Québec.

Il est, selon moi, inadmissible et incohérent que la ministre responsable de la Famille permette la récupération des sommes recouvrables en vertu de la Loi sur la sécurité du revenu à même la prestation familiale.

L'article 35 du projet de loi. Celui-ci confère à la Régie des rentes du Québec le pouvoir de suspendre le paiement de la prestation familiale pendant qu'elle fait des vérifications. Qu'adviendra-t-il des parents vivant de l'aide sociale qui se feront suspendre pour quelque temps la prestation familiale? Eh bien, tout simplement durant la suspension les parents seront incapables de faire vivre leurs enfants avec la prestation de base de l'aide sociale qui sera équivalente à l'adulte seul ou à un couple sans enfant.

Quant à lui, l'article 62.4 vient abolir l'allocation-logement qui était versée aux prestataires de la sécurité du revenu. Les crédits de cette allocation-logement seront transférés au ministère des Affaires municipales pour la mise sur pied d'une allocation-logement unifiée qui sera établie en vertu de la Loi sur la Société d'habitation du Québec. Toutefois, l'article 79 du projet de loi prévoit des dispositions transitoires à cet égard afin de ne pas créer une zone grise.

Alors, si l'on regarde l'ensemble de ces réformes gouvernementales, on s'aperçoit, M. le Président, que ce n'est pas pour simplifier la vie des familles québécoises les plus démunies mais bien pour leur compliquer. Dorénavant, l'aide financière accordée aux familles prestataires de l'aide sociale ne sera plus fusionnée en un seul chèque, mais distribuée sur trois chèques différents, de provenance différente. Un chèque provenant du ministère de la Sécurité du revenu pour couvrir les besoins essentiels des parents, un chèque provenant de la Régie des rentes du Québec pour couvrir les besoins essentiels des enfants, un chèque provenant de la Société d'habitation du Québec pour l'allocation-logement.

Ce projet de loi qui visait prioritairement à simplifier la gestion des allocations familiales vient au contraire rendre encore plus complexe la gestion de l'aide sociale pour les familles. La question qu'il faut se poser: Les prestataires de la sécurité du revenu recevront-ils ces trois chèques le 1er du mois, comme c'est le cas aujourd'hui? Dans le cas de changement d'adresse ou changement de situation familiale, les prestataires auront-ils à s'adresser à ces trois endroits au lieu d'un seul, comme c'est le cas présentement? Le gouvernement ne vient-il pas augmenter les risques d'erreurs administratives, de pertes ou de mélanges de dossiers? Malheureusement, la nouvelle prestation familiale ne s'adressera qu'à un certain nombre de familles et laissera pour compte certaines familles à revenus modestes.

Une vraie politique familiale devrait s'adresser à toutes les familles, non seulement aux familles les plus pauvres. Elle devrait s'intéresser à tous les enfants du Québec, et ce n'est pas le cas de la politique familiale proposée par ce gouvernement. La ministre responsable de la Famille a promis une consultation particulière sur le projet de loi n° 144, et j'espère que cette consultation nous permettra de bien cerner les avantages et les inconvénients de cette nouvelle prestation familiale et que les lacunes qui se dégageront de cette consultation seront immédiatement corrigées par la ministre responsable de la Famille qui, j'en suis persuadée, veut aider les familles québécoises et non leur nuire. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher d'intervenir sur ce projet de loi. Ce projet de loi est fondamentalement vicié, et je vais vous expliquer pourquoi. Au départ, il part d'un sentiment valable, qui est celui de faire en sorte que ce soient les familles qui ont moins de revenus qui bénéficient de l'aide des allocations familiales. Et, sur ce principe général, je pense que nous sommes tous d'accord. Et, en particulier, l'opposition est d'accord avec ce principe – mais seulement avec ce principe, qu'on se comprenne bien, M. le Président – qui rappelle que, lorsqu'on a des revenus, des sommes relativement faibles à allouer aux familles, on en fasse profiter d'abord les familles les plus nécessiteuses. Et c'est ça qui était à la base même du projet de loi. Et, sur ce principe-là, au départ, nous disons: Nous sommes d'accord. Ça va?

Une fois qu'on s'est compris autour de ça, maintenant, on va voir ce qu'il y a de vicié à l'intérieur du projet de loi. Parce que, une fois qu'on est d'accord sur le principe, je vais vous dire, il y a la manière d'appliquer ce principe qui est profondément biaisée, qui est profondément viciée, à l'intérieur du projet de loi. Je vais recommencer, M. le Président, par vous rappeler un certain nombre d'articles, et ça va vous donner un exemple des contradictions internes du projet de loi. Je vais vous demander de prendre l'article 5, l'article 21 et l'article 26, et vous allez voir que les rédacteurs du projet de loi arrivent à une contradiction.

L'article 5 dit quoi, M. le Président? Je vais vous le dire, un beau principe sur lequel tout le monde ne peut être que d'accord: «Les prestations familiales doivent être utilisées pour les besoins des enfants.» Je crois qu'il n'y a personne, dans cette Chambre, qui va être contre l'article 5, j'en suis absolument sûr.

L'article 21 va dire: La personne qui reçoit des... Non, c'est l'article 26, M. le Président, si vous me permettez. L'article 26 qui, après avoir réaffirmé que les prestations familiales sont insaisissables et incessibles, prétend que, pour les prestataires de l'aide sociale... Alors, comprenons-nous bien. On a dit, au départ: Les sommes doivent d'abord aller pour les enfants. Mais, dans le cas de quelqu'un qui est prestataire de l'aide sociale, s'il a une dette envers l'aide sociale, un montant à rembourser, quelque chose à donner à l'aide sociale parce qu'il a, disons, un différend avec l'aide sociale, à ce moment-là, la prestation pour ses enfants va pouvoir être retenue pour combler la dette qu'il peut avoir avec le ministère de la Sécurité du revenu. Alors, vous voyez qu'on est en totale contradiction avec, d'un côté, l'article 5, qui prétendait que c'était pour les besoins des enfants.

(21 h 20)

On allait même dire, si vous me permettez, à l'article 21 – c'est pour ça que je vous l'ai rappelé tout à l'heure – que, si quelqu'un utilisait les prestations... «La personne qui reçoit des prestations familiales sans y avoir droit ou qui ne les utilise pas pour les besoins de l'enfant doit les rembourser.» Alors, vous comprenez bien, 5 et 21 précisent bien que toute prestation familiale doit être utilisée pour les besoins de l'enfant. Sauf qu'à l'article 26 on vient dire: La ministre de la Sécurité du revenu, lorsque la personne qui a la garde de l'enfant a une dette envers la Sécurité du revenu, elle peut se rembourser à même les allocations familiales, c'est-à-dire que les allocations familiales ne seront plus utilisées principalement pour les enfants, mais seront alors utilisées pour rembourser une éventuelle dette que les personnes peuvent avoir avec le ministère de la Sécurité du revenu.

Je ne veux pas ici prétendre que les personnes qui ont une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu ne doivent pas les rembourser – ce n'est pas ça, mon propos – mais je prétends que la partie qui s'appelle «l'allocation familiale» doit, comme c'est dit à l'article 5 et à l'article 21, être utilisée pour le bien des enfants; et on précise que, si ce n'est pas utilisé pour le bien des enfants, on doit le retourner à la Régie. Par contre, à ce moment-là on va dire, à l'article 26: Pour une catégorie de personnes, celles qui bénéficient de l'aide sociale, pour la catégorie de personnes qui bénéficient de l'aide sociale et qui ont une dette envers le ministère de la Sécurité du revenu, elles, elles ne sont pas obligées d'utiliser les prestations familiales pour leurs enfants, mais principalement pour rembourser les montants à la Sécurité du revenu. Autant ce projet de loi, comme je dis, sur les grands principes, est un principe auquel nous pouvons souscrire, autant nous ne pouvons pas souscrire à cet élément-là, à un principe qui fait que l'État, pour les familles bénéficiaires de l'aide sociale, s'en va dire: Bon, pour vous, j'ai le pouvoir d'aller puiser dans vos poches.

M. le Président, je vais revenir sur un autre point qui m'ennuie énormément. Toute cette gestion des allocations familiales, ce n'est pas le gouvernement qui va la faire. Le gouvernement va la déléguer à un organisme, éminemment respectable au demeurant, qu'on appelle la Régie des rentes du Québec. La Régie des rentes du Québec n'est pas un organisme gouvernemental. La Régie des rentes du Québec a son propre conseil d'administration. La Régie des rentes du Québec a son pouvoir réglementaire. La Régie des rentes du Québec est un organisme autonome. La Régie des rentes du Québec n'est pas un organisme qui doit rendre compte devant les parlementaires quotidiennement. Ils doivent, bien sûr, dans le cadre de la loi n° 198, loi sur l'imputabilité des hauts fonctionnaires et des dirigeants d'entreprise, être obligés de faire rapport aussi aux commissions parlementaires, mais c'est par ce biais-là simplement qu'ils sont imputables devant les parlementaires. Or, la Régie – et c'est bien important de le comprendre – par l'article 35, va avoir le pouvoir, pendant qu'elle vérifie...

Autrement dit, si la Régie, si les fonctionnaires de la Régie vérifient les déclarations ou les demandes d'une famille qui veut avoir des prestations d'aide familiale, pendant que la Régie vérifie, la Régie peut suspendre le paiement des prestations. Alors, comprenez bien ce que ça veut dire, M. le Président. Ça veut dire que, pendant la période où la Régie est en train d'étudier, elle a le pouvoir de suspendre les prestations, et ça peut durer assez longtemps merci quand on sait comment peut fonctionner la Régie, même si on se permet de dire à la fin un petit articulé où on dit que la Régie prend ses décisions avec diligence. Je m'excuse, lorsque vous êtes une famille dans le besoin, lorsque vous êtes une famille qui doit recevoir des prestations d'aide familiale, vous en avez besoin mois par mois. Et la Régie peut bien dire: Bon, bien, je suspends mes paiements; pendant ce temps-là, les enfants qui en ont besoin n'auront pas, à ce moment-là, de prestations. C'est ça que ça veut dire, actuellement, l'article 35, pouvoir à la Régie que je trouve totalement, totalement inacceptable.

On me dira, M. le Président: Je sais qu'on peut faire appel à la Commission des affaires sociales. Évidemment, on a mis ici la Commission des affaires sociales. Il s'agit, bien sûr, des nouveaux tribunaux administratifs qu'on est en train de créer par la loi n° 89, mais, par concordance, on ne pouvait pas y faire référence ici. Mais on peut faire appel aussi à la Commission des affaires sociales. Alors, vous voyez le processus, hein? La Régie suspend, on va en appel à la Commission des affaires sociales. Vous le savez parce que vous avez, vous aussi, M. le Président – et je le sais – des commettants qui sont en appel devant la Commission des affaires sociales, c'est en moyenne un an, un an et demi, à peu près, pour qu'on ait un jugement, deux ans, le cas échéant. Alors, pendant deux ans... Et, rappelez-vous, ce sont des familles nécessiteuses qui sont là. Les prestations de l'aide sociale sont faites essentiellement pour aider les enfants de familles qui ont des revenus relativement faibles. Alors, pendant deux ans, pendant qu'on va tergiverser à la Régie, qu'on va être en train de se parler, qu'on va aller devant la Commission des affaires sociales, pendant ces deux ans-là, les prestataires, ces enfants-là n'auront pas droit à ces prestations.

Il y a quelque chose, vous voyez, M. le Président, si on regarde l'application de la loi. Autant la loi, sur le plan de départ, était une loi sur laquelle on pouvait souscrire, sur le côté généreux de la loi, l'idée de dire: Il est important que les allocations familiales bénéficient, d'abord et en priorité, aux enfants issus des familles les plus nécessiteuses. Ça, c'est un principe auquel nous adhérons, l'opposition officielle. Par contre, lorsqu'on voit comment on le met en pratique, ce principe – j'ai parlé tout à l'heure de l'article 26; je viens de parler des pouvoirs de la Régie – M. le Président, il y a tout lieu de se questionner. Il y a tout lieu de s'inquiéter. Il y a tout lieu de penser que l'application réelle, dans la vie de tous les jours, dans la vie de vos concitoyens, dans la vie de mes concitoyens, dans la vie des concitoyens du député de Nelligan, ou du député de Jacques-Cartier, ou de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, dans la vie de ces concitoyens, dans la vie pratique, ça ne va pas marcher, ça va créer encore plus de complications.

Troisième point, M. le Président, et je dois rappeler ici l'intervention du député de Nelligan, rappeler ici que, par les articles 38 et 47... Alors, je veux vous rappeler les articles 38 et 47. C'est important qu'on les relise ensemble, M. le Président. L'article 38 va vous dire: La Régie et les organismes, notamment le ministère du Revenu et le ministère de la Sécurité du revenu, prennent entente – prennent entente – pour la communication des renseignements nécessaires à l'application de la présente loi. Et l'article 47, c'est un article assez technique, si vous me permettez, mais qui précise, à ce moment-là, que le ministère du Revenu est obligé de transmettre à la Régie, ce qu'il fait déjà en partie, d'ailleurs, pour les questions des pensions, d'autres renseignement nominatifs sur les personnes.

Alors, vous voyez la crainte qu'il y a de la part des parlementaires de l'opposition. Il y a une énorme crainte que ces fichiers, ces énormes fichiers qui ont été accumulés au ministère du Revenu, qui sont à la Régie des rentes du Québec, les fichiers qui se trouvent aussi à la Régie de l'assurance-maladie, soient mis en contact les uns avec les autres et qu'on utilise les informations d'un fichier pour l'autre fichier.

C'est une vision de la société qui n'est pas la vision libérale de la société. C'est une vision de la société où l'État est omniprésent dans la vie de chacun. C'est une vision de la société où l'État peut décider, est présent et peut savoir tout sur chacun d'entre nous. Ce n'est pas notre vision de la société québécoise. Ce n'est pas la société québécoise que nous voulons bâtir, M. le Président. Ça, c'est extrêmement grave. C'est extrêmement grave, M. le Président, je vous le rappelle ici.

Petit à petit, on les voit apparaître, petite loi par petite loi. Ça a été dans la Loi sur le ministère du Revenu, je m'en rappelle, et le député de Nelligan à l'époque avait fait une forte bataille, lorsqu'on disait: Oui, mais, pour contrer le travail au noir, il est important qu'on puisse avoir communication des fichiers. Là, on va dire: Oui, mais, pour l'application de la Loi sur les prestations familiales, il est important qu'on puisse se communiquer tous les fichiers de manière qu'on puisse éventuellement déceler un éventuel fraudeur.

Mais, M. le Président, la réalité, c'est que la majeure partie des Québécois, ce sont des gens honnêtes et qu'il faut commencer à cesser d'avoir l'idée de penser que tout le monde peut être un fraudeur potentiel et qu'on doit commencer à cesser de dire: Il faut qu'on communique les informations les uns avec les autres, qu'on surveille tout le monde pour savoir, pour être en mesure de déceler où se trouvent éventuellement les quelques fraudeurs qu'on peut percevoir dans la société.

(21 h 30)

C'est une vision absolument inacceptable de la société et nous ne pouvons pas, M. le Président, et le député de Nelligan l'a rappelé tout à l'heure, partager ce point de vue. Nous allons, je vous le signale tout de suite, être amenés à devoir faire des objections majeures et à l'adoption de l'article 47 et à l'adoption de l'article 38.

M. le Président, je me permets encore de rappeler que le principe du projet de loi est un principe auquel nous souscrivons. Le principe, nous souscrivons au principe, mais il reste, dans l'application... Et je vais vous donner encore, dans les quelques minutes qui me restent, un dernier article qui pose un énorme problème, l'article 10. On va dire aux gens: Voici, vous ne pourrez avoir droit aux prestations familiales que si vous avez fait une déclaration d'impôts. Alors, au premier chef, vous dites: Oui, c'est plein de bon sens, dans le fond, c'est une manière de dire: Il faut que les gens aient fait une déclaration d'impôts pour pouvoir recevoir l'aide familiale. Sauf que, dans la réalité des faits, dans la réalité de la vraie vie, la bonne partie des personnes...

Et, pensez donc, c'est celles-là qu'on veut toucher. On l'a bien dit au départ que l'objectif était le suivant, c'était de faire en sorte de soutenir les familles qui sont les plus nécessiteuses. Or, les familles les plus nécessiteuses sont en général des familles qui gagnent moins que le barème minimal et qui ne font pas de déclaration d'impôts. Alors, là, à ces personnes qui n'ont pas la pratique, en quelque sorte, de faire des déclarations d'impôts, qui n'ont pas la pratique de faire des déclarations de revenus – et c'est à elles qu'on essaie de donner; en principe, ça devrait être ça, l'objectif que l'on a lorsqu'on met de l'avant la Loi sur les prestations familiales – on va leur dire: Voici, un instant, vous n'aurez pas droit aux prestations familiales, si vous ne faites pas une déclaration d'impôts.

Alors, M. le Président, voyez-vous encore la bureaucratie, cette espèce de bureaucratie qu'on construit et qu'on bâtit sur laquelle on essaie de faire entrer l'ensemble des citoyens. Et regardez l'application, tel que ça va être. Moi, je vois tout de suite dans ma tête: des personnes, familles monoparentales, aide sociale, trois enfants, pensez-vous, qui n'ont pas la pratique de faire des déclaration d'impôts vont être exclues, à l'heure actuelle, de ce projet de loi.

Donc, ce que nous essayons de démontrer, de ce côté-ci, c'est de dire: Oui, le principe était valable, oui, le principe était quelque chose auquel nous pouvons adhérer, mais il y a quelque chose de profondément vicié à l'intérieur du projet de loi, c'est la manière dont vous le mettez en pratique, parce que l'application même de ce projet de loi va entraîner d'énormes complications à beaucoup de nos citoyens. Et je pense, j'espère, je souhaite, je voudrais qu'au minimum la ministre de la Sécurité du revenu revienne là-dessus. On ne peut pas concevoir décemment que les allocations familiales puissent être utilisées pour rembourser une dette à l'aide sociale, même si, au demeurant, il est normal que les personnes qui ont une dette à l'aide sociale remboursent, mais non pas avec ce qui est d'abord destiné à leurs enfants et au soutien de leurs enfants.

Troisièmement, M. le Président, nous ne pouvons pas souscrire, de ce côté-ci, à cette vision de la société où les informations, les banques de données communiquent les unes avec les autres pour surveiller à peu près chacun des petits et petites Québécoises en pensant que chacun est un fraudeur en puissance. Nous, ici, nous croyons et nous avons confiance que l'ensemble des Québécois et des Québécoises sont des gens honnêtes. Alors, nous souscrivons au principe du projet de loi. Nous sommes contre la manière dont il s'applique actuellement. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Verdun. Je reconnais maintenant Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Il n'était pas prévu que j'intervienne à ce moment-ci, mais, compte tenu des propos que j'ai entendus de la part du député de Verdun, je considère de mon devoir de rectifier l'interprétation qui est faite de l'article 26, notamment, du projet de loi, qui prévoit la compensation en matière d'allocations familiales provenant de la Sécurité du revenu.

Je considère que le député de Verdun est un homme de bonne volonté et que, si l'interprétation qu'il fait est erronée, ce n'est pas dû, je pense, au fait qu'il veuille induire en erreur la Chambre, je crois qu'il fait cette interprétation erronée de bonne foi. Alors, je voudrais tout de suite corriger cette façon de voir les choses en lui signalant que l'article 26, qui se lit comme suit: «Les prestations familiales sont incessibles et insaisissables», ça c'est fondamental, ça le demeure. C'est un principe introduit au moment même de la création, si vous voulez, du régime d'allocations familiales, après la deuxième guerre.

Et suit – je fais lecture: «Toutefois, sur demande du ministre de la Sécurité du revenu, la Régie déduit des allocations familiales payables en vertu de la présente loi celles qui sont recouvrables en vertu de l'article 35 de la Loi sur la Sécurité du revenu. La Régie remet la somme ainsi déduite au ministre de la Sécurité du revenu.»

M. le Président, ça n'a rien à voir, mais vraiment rien à voir avec un remboursement de dettes quelconques à la Sécurité du revenu. Ce à quoi ça a à voir, c'est que la Sécurité du revenu est plus généreuse, parce que la Sécurité du revenu va faire le chèque dans le mois de la naissance de l'enfant, alors que les allocations familiales sont versées le mois suivant.

M. le Président, c'est évident que, dès qu'il y a naissance d'un enfant et que la personne qui donne naissance à l'enfant est sur la Sécurité du revenu, dans le mois même de la naissance de l'enfant, il y aura majoration du barème. C'est donc le mois suivant seulement qu'il y aura paiement de l'allocation familiale. Plus encore, M. le Président, comme vous le savez, le nouveau régime d'allocations familiales, c'est un régime qui est variable selon le revenu et selon la composition de la famille. Pourquoi c'est variable? Justement, c'est pour favoriser – c'est ça même, l'objectif du régime – le fait qu'indépendamment du statut d'aide sociale, même en gagnant des revenus, on puisse maintenir l'équivalent des barèmes qu'on n'obtenait auparavant qu'en étant sur l'aide sociale seulement.

Dans le fond, ce régime-là, c'est pour favoriser les parents qui autrement se trouvaient à appauvrir leurs enfants souvent, s'ils allaient travailler. À la Sécurité du revenu, pour une pleine année, nous prévoyons 57 000 000 $, M. le Président – et j'invite le député de Verdun à prendre intérêt à cela – nous prévoyons 57 000 000 $ de paiement d'allocations familiales pour des familles qui vont se trouver dans une situation économique qui n'est pas celle de leur rapport d'impôts de l'année d'avant. Vous comprenez. Puisque les allocations familiales sont variables selon le revenu, c'est donc en fonction du rapport d'impôts de l'année d'avant que l'allocation familiale est établie, déterminée et donc remise à la famille. Mais le revenu peut changer en cours d'année. Il peut changer à la hausse auquel cas ça va continuer à bénéficier à la famille. Mais il peut changer à la baisse. Il peut arriver qu'un chef de famille perde son emploi et n'ait plus le revenu adéquat qu'il avait au moment du rapport d'impôts et à partir duquel a été établi le montant de l'allocation familiale à être versée. Ce qui signifie qu'à la Sécurité du revenu on va durant cette année-là verser à titre, si vous voulez, de dénuement la pleine couverture des besoins essentiels des enfants, et ça, M. le Président, c'est en fonction de cet état de fait que l'article 26 a été introduit dans le projet de loi.

(21 h 40)

J'invite et le député de Verdun et l'opposition, parce que j'ai entendu répéter à maintes reprises finalement cette interprétation erronée... En fait, il s'agit de l'application de l'article 35 de la Sécurité du revenu. J'ai d'ailleurs copie du document sur les Lois refondues que cherche présentement le député de Verdun. J'ai moi-même vérifié pour en être bien certaine, M. le Président, et en fait ce dont parle l'article 35, c'est par exemple ce qu'on appelle l'aide conditionnelle. L'aide conditionnelle, c'est dans le cas d'une personne victime d'un accident d'automobile ou d'une personne victime d'un accident de travail, qui peut avoir à satisfaire des tests médicaux, qui peut avoir à satisfaire une batterie de conditions et qui peut être amenée, dans le fond, à avoir immédiatement besoin d'une aide de dernier recours en attendant que lui soient versées ses prestations d'accidentée de travail, ou que lui soient versées ses prestations en vertu, par exemple, de la rente d'invalidité de la Régie des rentes, ou ses prestations en vertu de l'assurance automobile. En fait, c'est cet article 35 qui permet à la Sécurité du revenu de verser une aide conditionnelle dans l'attente, si vous voulez, d'une prestation.

Alors, le remboursement dont il est fait mention à l'article 26, c'est un remboursement parce qu'il y aura eu de l'aide conditionnelle versée avant. Ça n'a rien à voir avec l'ouverture, si vous voulez, du caractère incessible, insaisissable. Ça n'a rien à voir avec des dettes qui auraient à être remboursées. Ça n'a rien à voir avec tout ça, M. le Président. Alors, j'invite l'opposition, qui, sans doute, je le présume de bonne foi, a été induite en erreur par un recherchiste, bien, j'invite l'opposition à faire très attention avant de répéter ce qui est dit depuis le début de la soirée. C'est de l'aide conditionnelle, M. le Président, et c'est cette aide conditionnelle qui va justement être capable de remédier à l'état de dénuement des familles. C'est simplement cette aide conditionnelle qui va être remboursée par la Régie des rentes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la ministre d'État de la Solidarité et de l'Emploi. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur l'adoption de principe de la loi n° 144, la loi qui instaure la réforme sur les prestations familiales.

M. le Président, pour nos auditeurs qui viennent de se joindre à nous, peut-être donner quelques notes explicatives sur le projet de loi n° 144. Tout d'abord, c'est un projet de loi qui institue, en remplacement du régime actuel d'allocations familiales, un régime de prestations familiales. Ce régime prévoit donc l'attribution d'une allocation variable selon le revenu – ça, c'est nouveau – et aussi selon la composition de la famille. Il prévoit également l'attribution d'une allocation pour enfant handicapé.

M. le Président, le projet de loi n° 144 déposé par la ministre responsable de la Famille, c'est vrai, crée une nouvelle allocation pour enfant qui remplacera les trois allocations familiales, les trois prestations d'aide à la famille qui sont très bien connues actuellement par les familles québécoises, soit les allocations familiales, l'allocation pour jeune enfant de moins de six ans et également les allocations à la naissance. Un fait important et qui a été souligné par mes collègues également, c'est qu'avec la loi n° 144, avec la venue de l'allocation unifiée pour enfant, on voit disparaître la partie de la prestation de l'aide de dernier recours de l'aide sociale qui était versée aux enfants. Alors, avec la loi n° 144, les enfants qui se retrouvent actuellement dans des familles qui sont à l'aide de dernier recours se voient sortir, si je peux m'exprimer ainsi, de la sécurité du revenu.

Cette démarche, M. le Président, rencontre une partie de la recommandation du rapport Camil Bouchard. M. Bouchard demandait à ce qu'on sorte les enfants de l'aide sociale et, pour compenser leurs besoins essentiels, on devait mettre en place une allocation unifiée pour enfant. Toutefois, M. le Président, je dois vous rappeler que M. Camil Bouchard recommandait, c'est vrai, une allocation unifiée pour enfant, mais avec deux composantes bien distinctes. Premièrement, il précisait la composante universelle pour toutes les familles du Québec. Ça, c'était une demande de M. Bouchard, que toutes les familles du Québec puissent recevoir de l'aide du gouvernement quant au soutien à la famille. Et le deuxième point était aussi une composante qu'on appelle la composante sélective calculée en fonction du revenu familial.

Malheureusement, M. le Président, quand on regarde le projet de loi n° 144, quand on l'analyse, on se rend bien compte que, finalement, la ministre responsable de la Famille a choisi un seul élément de la recommandation de M. Bouchard, et c'est la composante sélective. De ce fait, cela veut dire que la ministre responsable de la Famille met fin, finalement, à l'universalité de l'aide à la famille, des prestations à la famille, pour toutes les familles québécoises.

Comme on peut le lire, M. le Président, dans un avis qui a été préparé, un avis très important qui a été préparé par le Conseil du statut de la femme justement sur les répercussions de la loi n° 144 de la réforme des prestations familiales, le Conseil du statut de la femme est très clair, surtout, M. le Président, en ce qui a trait aux mères. Le Conseil dit que, pour les mères, en grande majorité, il y aura une perte. Car on sait très bien que la plupart des mères reçoivent actuellement les allocations familiales. Alors, le Conseil du statut de la femme s'exprime ainsi: «Attribuées généralement aux mères – on parle des allocations familiales – les allocations universelles procurent actuellement à celles-ci une marge de manoeuvre financière dans la gestion des dépenses effectuées pour leurs enfants. Avec la réforme proposée – avec la nouvelle politique familiale – la plupart des mères verront cette marge de manoeuvre réduite ou abolie sans que, par ailleurs, les crédits d'impôt non remboursables pour enfant, qui sont plus souvent réclamés par le père, soient touchés. Or, encore aujourd'hui, les mères se privent souvent d'une partie ou de la totalité de leur revenu pour être davantage présentes auprès de leurs enfants.» Et conclut le Conseil du statut de la femme à cet égard en disant que, finalement, «l'abolition des allocations universelles mettra fin au rôle historique que les allocations ont joué au Québec dans le soutien financier de l'ensemble des familles».

M. le Président, j'aimerais également attirer votre attention sur le fait que tout récemment, en janvier, février, mars et presque au tout début d'avril, nous avons tenu une consultation importante sur la réforme de l'aide sociale qui a été déposée par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité où, en commission parlementaire, nous avons rencontré tout près de 100 groupes qui, au niveau de la politique familiale, sont venus dénoncer le fait que, finalement, l'allocation maximum décroissait beaucoup trop rapidement et que cette décroissance s'appliquait à partir du revenu familial qui était beaucoup trop bas. Je vous donne un exemple, M. le Président, du revenu familial où on commence à réduire le taux d'aide.

Tout d'abord, pour l'allocation qui sera donc réduite de 0,50 $ pour chaque dollar du revenu additionnel à partir du revenu familial – là, je parle d'un revenu familial, ça veut dire le revenu additionné des deux conjoints, M. le Président – revenu familial de 19 339 $ dans le cas d'une famille biparentale – ce n'est pas beaucoup, ça, quand on commence déjà à décroître, finalement, l'aide que le gouvernement apporte à ces familles-là, 19 339 $ – et de 13 628 $ pour une famille monoparentale – vous croyez bien, M. le Président, qu'on parle ici de familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté ou tout près... Et on nous dit aussi que, pour des revenus un petit peu plus élevés, un revenu familial de 50 000 $, le montant de l'allocation unifiée se réduira rapidement à un taux de 5 % pour toutes ces familles.

Et là, quand on parle qu'on enlève l'universalité, c'est qu'à partir de 53 000 $, dans les cas de familles avec un enfant, et de 56 000 $ pour des familles avec deux enfants, et autour de 60 000 $ pour les familles comptant trois enfants, ces familles-là ne recevront pas un sou d'aide de la part du gouvernement comme soutien à la famille. Je donne un exemple, M. le Président. Une famille dont la mère... Parce qu'on se dit: Ah! 53 000 $, c'est beaucoup. Mais, quand on regarde une mère qui travaille à 23 000 $ par année puis un père à 30 000 $, avec deux enfants, avec la proposition gouvernementale, cette famille-là ne recevra aucune aide du gouvernement. Alors, je pense que le gouvernement doit revoir ses taux pour justement s'assurer qu'un plus grand nombre de familles québécoises puissent au moins recevoir un minimum d'aide de la part du gouvernement comme appui, comme soutien à la famille québécoise.

(21 h 50)

Je vous rappelle également, M. le Président, que, lors de la consultation sur la réforme de l'aide sociale que je vous précisais tantôt, dans le livre vert de la réforme de l'aide sociale comme dans le livre blanc de la politique familiale, on nous présentait toujours des tableaux de familles, soit monoparentales ou biparentales, mais avec des enfants toujours de sept ans et plus. Alors, on n'avait pas les tableaux avec des enfants d'âge préscolaire ou des enfants de moins de six ans.

Je dois dire que je remercie le Conseil de la famille, parce que c'est le Conseil de la famille qui a attiré notre attention, en tout premier lieu, à cet égard, qui, lui, a pris les chiffres du gouvernement que l'on proposait dans la proposition de la réforme de la politique familiale, qui a fait les calculs et qui a découvert finalement que la politique familiale avait des mesures appauvrissantes, et ces mesures appauvrissantes là s'appliquaient pour les familles déjà les plus pauvres du Québec, les familles monoparentales qui se retrouvent à l'aide sociale. Le Conseil de la famille nous a démontré, avec les tableaux qu'il a faits, avec les chiffres du gouvernement, que, finalement, une famille monoparentale qui vit de l'aide sociale, avec deux enfants de moins de six ans, se verra avoir une perte d'environ 900 $ à 1 000 $ par année avec la proposition telle qu'elle avait été proposée, à l'époque, par la ministre responsable de la Famille.

J'avoue, M. le Président, que, lors de la consultation sur la réforme de l'aide sociale, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a été aussi estomaquée que l'opposition officielle d'apprendre que la politique familiale contenait des mesures appauvrissantes pour les familles monoparentales qui se retrouvent à l'aide sociale et avait pris, lors de nos échanges en commission parlementaire, l'engagement d'aviser sa collègue de faire des modifications, de vérifier les calculs, pour s'assurer que les familles monoparentales qui se retrouvent à l'aide sociale ne soient pas pénalisées par la politique de sa collègue, ministre responsable de la Famille. La ministre de la Solidarité et de l'Emploi a fait ces démarches auprès de sa collègue et, tout récemment, la ministre responsable de la Famille nous a déposé des bonifications aux nouvelles dispositions de la politique familiale qu'elle nous a proposée.

J'attire votre attention sur le tableau qui nous a été déposé lors de ces modifications-là par la ministre responsable de la Famille. On nous dit bien qu'on accorde une aide supplémentaire et transitoire, en septembre 1997, aux familles actuellement bénéficiaires de l'aide de dernier recours qui ont des enfants âgés de moins de six ans afin qu'elles conservent un revenu équivalant à un revenu actuel.

Également, M. le Président, et c'est là que ça m'inquiète un petit peu, puis je vais peut-être attirer l'attention de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité pour qu'elle puisse questionner sa collègue à cet égard-là, c'est parce que, dans l'autre colonne du tableau qui nous a été déposé, on précise bien que les familles bénéficiaires de l'aide de dernier recours, composées de deux enfants et plus, ayant au moins un enfant âgé de moins de six ans, se voient accorder cette bonification-là. On nous dit que ça touche environ 25 000 familles. Mais ce qui m'inquiète, c'est qu'on ne parle pas des familles monoparentales avec seulement un enfant de moins de six ans. On précise bien des familles de dernier recours, mais avec deux enfants de moins de six ans, on ne parle pas des familles monoparentales avec un enfant de moins de six ans. J'aimerais peut-être qu'on vérifie, à savoir si les calculs ont été faits pour les familles monoparentales avec un enfant de moins de six ans; s'il n'y a pas de perte de revenu, bravo, mais qu'on fasse les calculs à savoir s'il y a une perte de revenu et qu'on nous en informe, et qu'on fasse les modifications nécessaires afin que ces familles-là, je le répète, qui sont parmi les familles pauvres au Québec, les familles les plus pauvres, ne soient pas pénalisées par la nouvelle politique familiale.

Aussi, M. le Président, lors de la consultation sur la réforme de l'aide sociale, l'économiste Ruth Rose nous avait aussi fait une présentation, dans son mémoire, de la possibilité, avec les calculs qui avaient été faits... Finalement, elle nous donnait un tableau où elle avait pris une situation d'une mère avec deux enfants, bénéficiaire de l'aide sociale, mère monoparentale, des enfants de moins de six ans; elle avait pris tous les coûts, les revenus, tout ça, et, finalement, elle avait vu qu'avec la proposition, la première version de la politique familiale, cette famille-là subissait une perte de 1 154 $ par mois. On aurait pensé qu'avec les soi-disant bonifications des nouvelles dispositions que la ministre responsable de la Famille nous a déposées il y a quelques jours cette situation avait été réglée.

Malheureusement, aujourd'hui, j'écoutais l'intervention de mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui avait en main une correspondance de Mme Ruth Rose, dans laquelle elle précise qu'avec les nouvelles bonifications que la ministre a apportées ça ne change rien, finalement. Elle précise que, malgré la bonification, il y aura quand même une perte significative à long terme, soit une perte de 1 000 $ par année pour une famille monoparentale à l'aide sociale avec deux enfants de moins de 6 ans comparativement à sa situation actuelle. Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, étant donné qu'il y aura dans quelques jours une consultation particulière afin de regarder tous les effets pervers, les impacts et les mesures appauvrissantes de la politique familiale que nous avons devant nous, les groupes qui viendront en commission parlementaire... Et j'ose espérer et j'espère très sincèrement que le professeur Ruth Rose sera à la commission pour pouvoir expliquer davantage comment se fait-il que les bonifications, finalement, d'après ses calculs, ne règlent rien à la situation des familles monoparentales avec de jeunes enfants de moins de 6 ans étant donné que Mme Rose nous dit encore aujourd'hui qu'il y aura une perte d'environ 1 000 $ pour ces familles-là.

M. le Président, il y a aussi des articles qui m'inquiètent beaucoup dans le projet de loi n° 144. Certains articles. Tout à l'heure, le député de Verdun a beaucoup parlé de l'article 26, et Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité est intervenue tout de suite après pour dire que, finalement, on avait fait une mauvaise interprétation de cet article 26 qui dit – je le répète pour les gens qui se joignent à nous – que les prestations familiales sont incessibles et insaisissables. «Toutefois – et c'est ça, le petit paragraphe qui accroche – sur demande du ministre de la Sécurité du revenu, la Régie déduit des allocations familiales payables en vertu de la présente loi celles qui sont recouvrables en vertu de l'article 35 de la Loi sur la sécurité du revenu. La Régie remet la somme ainsi déduite au ministre de la Sécurité du revenu.»

La ministre, tantôt, nous a expliqué que nous avions fait une interprétation erronée. J'accepte bien son interprétation de cet article-là, mais je dois lui dire qu'il y a plusieurs groupes qui ont étudié le projet de loi et qui ont informé mon collègue, le député et porte-parole en la matière, le député de Jacques-Cartier, qu'ils ont eu, finalement, la même interprétation que nous de l'article 26. Alors, je pense qu'il est important pour la ministre responsable de la Famille de clarifier le libellé, d'écrire de façon différente cet article-là afin d'éviter toute confusion et afin aussi de s'assurer qu'on n'aille pas, finalement, toucher aux prestations familiales par le biais d'un article qui serait peut-être mal interprété par certaines personnes, par certains fonctionnaires, et, finalement, ce seraient les enfants qui seraient pénalisés à cet égard-là. Alors, je pense qu'il est bien important qu'on revoie l'article 26 pour s'assurer qu'il soit libellé à nouveau et qu'on fasse disparaître toute confusion à cet égard.

Il y avait aussi, M. le Président, l'article 28 qui m'inquiétait énormément. Quand on dit que cet article crée, finalement, l'obligation pour toute personne qui reçoit des prestations familiales... elle devra faire connaître à la Régie tout changement de situation qui, finalement, est de nature à lui voir modifier son droit de recevoir une prestation familiale. Je vous le rappelle, comme l'allocation unifiée pour enfant n'est plus universelle et qu'elle varie en fonction du revenu familial et en fonction de la composition de la famille, on peut s'imaginer que tout changement au niveau financier ou au niveau familial pourrait amener des trop-payés au niveau de la Régie des rentes du Québec si les familles, pour diverses raisons, omettaient, retardaient, oubliaient d'aviser la Régie des rentes du Québec d'un changement financier ou d'un changement au niveau du revenu familial. Alors, ça veut dire qu'il y aurait des grandes surprises pour des familles québécoises qui, au moment de faire leur déclaration d'impôts, étant donné qu'il y a eu des modifications dans leur régime familial ou au niveau financier, apprendraient soit qu'elles ont une dette ou un remboursement à faire au ministère du Revenu.

(22 heures)

Je vous donne l'exemple, M. le Président, d'un parent qui travaille à 35 000 $ par année, puis, au cours de l'année, sa conjointe se trouve un emploi à 32 000 $ par année, et leur revenu familial est modifié pour un montant de 67 000 $. Pour diverses raisons, comme je le disais tantôt, on ne pense pas toujours à ces choses-là dans le roulement de la vie quotidienne, et la famille oublie d'aviser la Régie des rentes du Québec de cette modification à son revenu familial. Eh bien, au moment où cette famille-là ferait sa déclaration d'impôts, ils auraient la mauvaise surprise d'apprendre que, finalement, ils ont un remboursement important à faire au ministère du Revenu. Parce que cette famille-là qui recevait des prestations familiales, étant donné que leur revenu familial a augmenté au cours de l'année, n'aurait plus droit à aucune aide du gouvernement parce qu'ils dépassent le 60 500 $. À ce moment-là, ils se retrouvent avec un trop-payé, un remboursement à faire, et une économie, M. le Président, qu'ils n'ont peut-être même pas dans leur compte de banque. Alors, je pense que c'est bien important; ça, c'est un effet pervers de la loi qui aura des conséquences dans la vie des familles québécoises et il va falloir que le gouvernement modifie cet article-là afin d'éviter de telles situations.

M. le Président, vous me faites signe que mon temps est presque écoulé. J'aurais voulu vous parler des conjoints non parents. Le Conseil du statut de la femme a déposé un avis très important à cet égard-là, qu'on retrouve dans le projet de loi à l'article 10. Je ne vous apprends rien en vous disant qu'au Québec la fréquence des séparations et des divorces, dans notre société, est très élevée; un couple sur deux connaît une rupture durant la période de leur union. Alors, le Conseil du statut de la femme a fait ressortir un point important en ce qui concerne le conjoint non parent. Si vous me permettez, M. le Président, une petite minute pour peut-être attirer l'attention du gouvernement afin qu'on apporte une modification à cet égard-là.

Le Conseil du statut de la femme nous dit que, finalement, avec l'article 10 qu'on retrouve dans la loi n° 144, il y a des familles où un enfant se retrouverait avec trois parents. Parce qu'on va calculer les revenus de la famille recomposée. Alors, on pourrait se retrouver avec le calcul des revenus du père, de la mère et du conjoint qui est non parent, et aussi peut-être même la pension alimentaire. Alors, le Conseil du statut de la femme rappelle que le Code civil est très explicite à cet égard-là, que seuls les père et mère ont des obligations envers leurs enfants, et non pas le conjoint non parent. Alors, la recommandation – en terminant – du Conseil du statut de la femme à cet égard-là: le Conseil dit au gouvernement que le volet sélectif de l'allocation unifiée pour enfant soit fondé sur le revenu du père ou/et de la mère ou, lorsqu'une pension alimentaire pour enfant est versée, sur le revenu du parent gardien et cette pension; en conséquence, que le revenu du conjoint non parent ne soit pas considéré aux fins de la détermination de l'allocation unifiée pour enfant dans une famille recomposée.

Alors, en terminant, M. le Président, j'ose espérer que les groupes qui se feront entendre la semaine prochaine, en consultation particulière, sur le projet de loi n° 144... que la ministre responsable de la Famille saura bien entendre leurs suggestions, leurs bonifications; et que, finalement – le projet de loi n° 144, mon collègue de Verdun l'a bien dit, le principe, il est bon, mais le projet de loi, il est mal fait, le projet de loi contient des effets pervers dans son application, le projet de loi n° 144 contient des mesures appauvrissantes déjà pour les familles les plus pauvres du Québec – le gouvernement, avant l'adoption du projet de loi n° 144, fera les modifications nécessaires afin d'assurer que toutes les familles québécoises qui ont droit à la prestation familiale la reçoivent et que les familles les plus démunies ne soient pas pénalisées par certains articles de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Maintenant, je cède la parole à M. le député d'Orford.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, pour les gens qui viennent de se joindre, nous sommes au niveau de l'adoption de principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales. M. le Président, pendant les 20 minutes où vous me permettrez de prendre la parole, je veux, d'une façon particulière, toucher aux articles 38 et 47 de ce projet de loi. Vous savez, quand un social-démocrate me dit qu'il va simplifier quelque chose dans la société, je me pose des questions. Et à chaque fois que les sociaux-démocrates prennent les commandes des pays, des États, des provinces, que ce soit en Ontario, que ça ait été en France, que ça ait été dans certains pays nordiques, ou ici, au Québec, en ce moment, c'est à peu près toujours, comme disait si bien Harry Truman, ce président américain, c'est toujours la même pièce de théâtre, il y a seulement les acteurs qui changent. Or, quand on me dit qu'on va simplifier un projet de loi et qu'on vient d'un gouvernement social-démocrate, il ne faut pas, M. le Président, en croire un seul mot. Il faut juste lire ce projet de loi là pour s'apercevoir comment les choses seront tout simplement plus compliquées, plus agressantes pour les citoyens. Je vais préciser au fur et à mesure que j'avancerai les agressions qu'on portera à ces citoyens qui, souvent, sont les plus démunis de la société.

Les gouvernements sociaux-démocrates ont cette facilité de jouer avec les structures. On le voit, en ce moment, au Québec: il n'y a plus un citoyen qui sait si sa municipalité, demain matin, portera le même nom, si elle sera adjacente à une autre ou si elle sera dans la même MRC; il n'y a plus une commission scolaire qui sait où elle s'en va; une journée, notre bon ministre de l'Environnement nous dit que le nombre de MRC ne sera pas touché et, le lendemain, le premier ministre nous dit qu'il y en aura 46 au Québec, que ça n'a pas d'allure, une MRC avec 300 000 citoyens et une autre avec 15 000; le système hospitalier, chez nous, on ne le sait plus. Au moment où on se parle, on ne sait plus, à Magog, si on aura ou pas un hôpital au mois d'octobre. Alors, c'est la grande cavalcade, en ce moment, chez nous. Les CRD, ce n'est pas trop sûr quelles seront les responsabilités entre deux ministres qui se chicanent et les MRC, j'en parlais un peu plus tôt.

Or, quand les gouvernements sociaux-démocrates prennent la pôle, M. le Président, c'est le grand «merry-go-round» des structures. On joue avec tout ça et on perd le citoyen là-dedans qui, souvent, déjà, il faut le dire bien honnêtement, a de la misère à se retrouver. Vous, messieurs dames députés de l'Assemblée nationale, qui, j'espère, faites du bureau de comté de temps à autre, combien de fois avez-vous eu à dire à des citoyens: Écoutez, nous, c'est le gouvernement provincial; votre problème, c'est un problème du gouvernement fédéral. On va vous aider, mais ça ne relève pas de nous. Combien de fois vous avez dû répondre... Encore aujourd'hui, je revenais de mon comté et le téléphone a sonné une couple de fois dans ma voiture. C'étaient des citoyens qui appelaient avec des problèmes de zonages municipaux. Alors, là, imaginez-vous, quand déjà c'est compliqué pour les citoyens et qu'on arrive avec des projets comme ceux-là où on mélange des structures et on remélange des structures, bien, là, c'est bien sûr qu'on perd le reste des autres citoyens qui suivaient, M. le Président.

Or, les article 38 et 47, pourquoi je veux, d'une façon, en parler... Et je dis, dès le début, pour les gens qui nous écoutent et pour Mme la ministre qui est ici, que nous voterons pour le principe de ce projet de loi. D'abord, nous aurons une oreille attentive pour les gens qui seront écoutés en commission, mais nous aurons énormément de questions à poser sur certains aspects.

Il faut lire des choses qui nous viennent de Françoise David – qui n'est pas exactement libérale, hein – de la Fédération des femmes du Québec; Mme Huguette Labrecque-Marcoux, de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS; Mme Sylvie Lévesque, de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec – mes confrères et consoeurs parlaient tantôt d'une enseignante universitaire aussi – ces trois dames-là, qui ont écrit un long plaidoyer, nous disent: Le financement insuffisant des programmes destinés aux familles les plus démunies fait douter des intentions réelles du gouvernement. Ce ne sont pas des libéraux, ce sont des gens qui ont, historiquement, été plus près du gouvernement et qui disent: Le financement insuffisant des programmes destinés aux familles les plus démunies fait douter – douter – des intentions réelles du gouvernement, M. le Président.

Alors, imaginez-vous qu'un libéral comme moi, qui de prime abord doute des actions du gouvernement, ne peut pas faire autrement, en lisant des alliés naturels du PQ, que de douter maintenant des vraies intentions de ce gouvernement.

(22 h 10)

Les articles 38 et 47, eh bien, M. le Président, deux de mes confrères en ont parlé plus tôt et il est important que les citoyens comprennent ce qu'on est après faire là. Quand les gens du Québec nous disent, dans notre porte-à-porte, dans le comté de Beauce, entre autres, où nous avons gagné: Les partis politiques, c'est tout pareil; les politiciens, c'est tout pareil. Les politiciens sont peut-être tous pareils. Là-dessus, je ne veux pas questionner, mais les partis politiques ne sont pas tous pareils. Il y a des différences fondamentales. Bien sûr, la souveraineté versus le fédéralisme, je pense que tous les citoyens du Québec savent où nous sommes et savent où vous êtes.

Mais une des données fondamentales qui séparent nos deux formations politiques, c'est la place qu'on donne à l'individu dans la démocratie. Or, un parti social-démocrate, un parti péquiste, c'est un parti où les organisations gouvernementales sont bien importantes, les structures. On met énormément d'importance sur les structures: on en crée des nouvelles; on en ajoute; on les finance; on les met plus importantes; on les intègre partout; on essaie de voir ce qui se passe; on essaie de voir dans la vie privée des individus, partout. Le Parti libéral, lui, croit d'abord que l'individu, c'est le pivot de la société, et la famille. Ça, c'est des différences fondamentales. Nous, on ne pense pas que c'est les structures puis les organisations; on pense que c'est d'abord l'individu, et ça, c'est une différence fondamentale entre nos deux formations politiques. Alors, quand on voit dans les articles 38 et 47 que toute l'information privée... Parce que le Parti libéral croit fondamentalement que, si on croit dans l'individu, on doit croire aussi dans sa liberté, on doit croire dans la liberté de sa résidence, de ses communications, de ses opérations quotidiennes, que, finalement, on doit lui laisser un peu d'espace, un peu d'oxygène.

Ce projet de loi là, M. le Président, ce que c'est après faire, c'est la fusion de tous ces dossiers qu'on a et qu'on ne sait pas trop qu'on a. La police nous a arrêté, on a un dossier là. On a un dossier avec l'assurance-maladie. On a un dossier d'aide sociale. On a un dossier avec la Commission des valeurs mobilières si on a travaillé à un moment donné comme conseiller dans une entreprise. On a une carte de travail pour la construction. Et là, ce qu'on aperçoit, c'est une grande toile qu'on est en train de tisser tranquillement, pas vite, dans laquelle, comme l'araignée, on va être capable de prendre la pauvre petite mouche qui est le consommateur, qui est le citoyen du Québec et l'étouffer. C'est ça qu'on est après faire avec les articles 38 et 47 en mettant bout à bout toutes ces informations. La vie privée en sera malheureusement – et nous le déplorons – grandement affectée.

C'est la mission première et fondamentale de tout parlementaire de protéger la vie privée d'un individu, et les articles 38 et 47 de ce projet de loi non seulement ne vont pas dans ce sens-là, mais vont dans un sens complètement opposé à ce que devrait faire un parlementaire. C'est tout l'esprit de la confidentialité, M. le Président. Vous remplissez un document pour l'assurance ci, l'assurance ça, pour votre permis de conduire. Oui, vous avez déjà été en état d'ébriété, vous avez été arrêté. Bien oui, ça se produit. Vous avez signé ça. Et là, un bon jour, on met ça bout à bout. Il y a eu une commission parlementaire, il y a quelques années, ici, et nous avions écouté des experts américains venir nous dire comment on était capable de superposer ces informations-là, de faire des profils psychologiques des individus, et les influences que ça avait sur l'embauche aux États-Unis. Je ne suis pas sûr qu'on est rendu aussi loin que ça au Canada, mais je pense qu'on a des leçons à tirer de ce qui se passe aux États-Unis.

Or, tout l'esprit de confidentialité, je le questionne avec les article 47 et 38. Tout l'esprit de ce projet de loi là, c'est de tisser alentour du citoyen cette toile où on va savoir tout, comme si tous les citoyens du Québec, dès le moment où ils sont venus au monde, qu'on leur a mis une couche et une suce, étaient devenus des fraudeurs automatiquement. Bien, voyons donc, M. le Président, mes voisins, moi, à Austin, c'est du bon monde. C'est du monde qui est correct. Les 60 000 citoyens du comté d'Orford, la très grande majorité, ce sont des gens qui se lèvent, qui prennent un jus d'orange, qui vont travailler le matin, qui paient leurs impôts. Ce ne sont pas de fraudeurs, les citoyens du comté d'Orford. Puis les gens de l'Estrie, ma grande région, la très grande majorité, ce sont des gens fondamentalement honnêtes. Alors, parce qu'il y a quelques exceptions... Et ça, c'est l'autre dynamique de la social-démocratie, on part d'un cas d'exception, et là on tisse tout un projet de loi alentour de ça, comme si l'ensemble de la société, c'étaient des fraudeurs, alors que ce n'est pas ça. L'ensemble des citoyens du Québec veulent travailler. Ce sont des gens fondamentalement honnêtes. Mais ce n'est pas ça qu'on fait avec ce projet de loi là, M. le Président.

Vous savez, c'est grave, ce que ce projet de loi, aux articles 38 et 47, est après faire. Et beaucoup de démocraties, beaucoup de démocraties sont tombées, M. le Président, et vous les connaissez mieux que moi, parce que les citoyens étaient trop taxés, d'une part, et trop épiés, d'autre part. Parce que le propre de la social-démocratie, quand on crée toutes ces structures, il faut, bien sûr, créer des boss, il faut créer des enquêteurs.

Alors, savez-vous, à Sherbrooke, M. le Président, les 75 derniers emplois que le gouvernement de ce parti a créés, les 75 derniers emplois créés à Sherbrooke, les seuls emplois créés par le gouvernement, d'ailleurs, ça a été des enquêteurs. À l'impôt, M. le Président, oui. Alors, là, on en a 75 de plus le matin qui partent et qui vont essayer de trouver un fraudeur dans la société, comme si l'ensemble des citoyens de notre société, c'étaient des gens frauduleux.

Bien sûr qu'ils vont en trouver, M. le Président. Bien sûr qu'à tous les jours on peut en trouver un ou deux. Mais je ne suis pas sûr que, en essayant constamment, on ne crée pas tout ce régime et qu'on ne fait pas que renforcer finalement le travail au noir. Il va être fait autrement, mais on ne va que... Et là, ce dont on s'aperçoit, et ça aussi, c'est le propre des social-démocrates, M. le Président, parce qu'il faut contrôler tous ces organismes, parce qu'il faut contrôler toutes ces structures qu'on met en place, bien, là on crée des inspecteurs. C'est ce qu'on vient de faire à Sherbrooke, M. le Président. C'est ce qu'on vient de faire à la grandeur du Québec aussi.

Puis là, il faut créer des inspecteurs pour les inspecteurs, M. le Président, des petits boss. Alors, on crée des petits boss par- dessus ça. Et là on s'aperçoit que tout ça, ça prend, par-dessus les petits boss, une autre structure, et on n'en finit plus, M. le Président. Combien de démocraties sont tombées parce que les citoyens étaient trop taxés. Je rappelle aux citoyens qui nous écoutent ici ce soir – même si des ministres de l'autre côté ne sont pas heureux de l'entendre – que nous sommes, en Amérique du Nord, les citoyens les plus taxés, M. le Président, comme individus et comme corporations, les plus taxés en Amérique du Nord. Même si le député responsable des gens du Québec n'est pas d'accord avec cet énoncé, je l'invite à se lever après mon discours et à me démontrer que nous, Québécois, ne sommes pas les plus taxés en ce moment.

Et non seulement nous sommes les plus taxés, mais nous serons les plus supervisés par cet État. Oui, M. le Président. Je vais vous conter une petite histoire qui m'est arrivée dans mon comté, il y a quelques jours, quand je faisais du bureau de comté. Une bonne dame m'appelle. Elle est sur l'aide sociale. Elle a fait une entente. Elle devait 800 $ à l'aide sociale, complication d'un formulaire, elle fait une entente avec l'aide sociale, elle et son mari, à savoir qu'elle paiera sur tant de mois cette entente-là.

Alors, il y a une entente, le gouvernement a signé son nom. Il y a un officier du gouvernement qui a accepté cette entente-là. Mais, parce qu'on a connecté tous les computers ensemble en quelque part dans l'État québécois, cette toile d'araignée où on devient une petite mouche dans le centre, alors, M. le Président, le computer a trouvé une fraude épouvantable. Cette dame avait droit à un retour d'impôt de 200 $. Quelle fraude extraordinaire! Elle avait probablement été travailler, je ne sais pas, pour une formation politique au moment d'une élection, on lui avait donné une petite somme d'argent. Enfin, elle avait droit à un retour d'impôt de 200 $. Elle était fort heureuse, se disant: Je vais pouvoir payer mes taxes municipales sur ma roulotte, avec mes enfants, mon mari n'a pas d'emploi. Or, que pensez-vous qu'il est arrivé? Mais, même si le gouvernement avait signé une entente avec cette bonne dame, qu'elle pourrait payer pendant tant de mois cette entente qu'elle avait prise – elle était d'accord avec ça, elle reconnaissait sa dette – alors, là, l'État est passé au-delà de l'entente qui avait été signée et ils ont ramassé le 200 $, M. le Président.

Alors, il y a deux, trois principes biaisés à la base même: un, on signe une entente, on ne la respecte pas; deux, on fouille dans la vie privée des individus; et là on connecte tout ça ensemble et l'individu devient presque une victime d'un système alors que le système devrait l'aider, M. le Président. Et c'est le principe même des articles 38 et 47.

M. le Président, je pense que ces articles-là sont très graves. Plus de contrôle, plus de monde pour contrôler, plus de petits boss pour contrôler les contrôleurs. Savez-vous combien de familles, dans ce projet de loi là, seront susceptibles d'être touchées par tout ce contrôle qu'on voudra maintenant mettre? On parle d'environ 150 000 familles, M. le Président. On sait tous qu'une famille est composée d'un père, d'une mère et de quelques enfants, donc on parle finalement de 400 000, 500 000, 600 000 personnes, où l'État va essayer de voir s'il y a quelque chose qui ne serait pas correct dans cette affaire-là. Et à l'occasion – et à l'occasion, c'est le propre aussi des gouvernements – bien, il se commet des erreurs. C'est tellement gros, ces machines-là, M. le Président. Et là, bien, on a le droit d'arrêter de payer, puis on a le droit de lui dire: On ne te paiera pas pendant un bon bout de temps, pendant qu'on fait une enquête. Alors, cette pauvre mère avec ses enfants n'aura pas de revenus, parce que le «computer» aura fait une erreur.

(22 h 20)

Et combien de fois, vous, députés ici présents, avez eu des appels de commettants dans votre comté qui vous disent: Écoutez, on ne répond plus; l'appareil est complètement embourbé. Alors, moi, je dis: Bien, écoutez, racontez-moi tout ça, puis je vais essayer de débourber ça. Puis là on appelle un, puis on appelle l'autre. Je me souviens d'avoir fait des appels-conférences. On était jusqu'à 10 sections de gouvernement ensemble pour essayer de comprendre ce qui s'était passé. Une histoire d'ambulance, entre autres, dont je me souviendrai toute ma vie. On était 10, 12 fonctionnaires sur un appel-conférence pour essayer de comprendre comment ça se faisait qu'on avait embourbé un citoyen dans une affaire comme ça. Pendant ce temps-là, on arrêtera de payer parce que le système se sera embourbé, oui, M. le Président.

Alors, on est dans un gouvernement inquisiteur et à un point où, en ce moment, on ne s'attaque plus aux présidents de compagnies, on ne s'attaque plus aux propriétaires d'entreprises, on s'attaque, dans mon comté, aux serveurs de restaurants. On s'attaque au Provigo, au jeune bonhomme qui va porter des sacs d'épicerie et à qui on donne un 0,25 $. On s'attaque depuis hier aux chauffeurs de taxi de la ville de Montréal. M. le Président, j'ai connu d'autres démocraties qui sont tombées pour pas mal moins que ça, où on s'est attaqué à pas mal moins que ça. Ça n'a pas d'allure. On est les gens les plus taxés en Amérique du Nord et on est après mettre des régimes pour essayer de contrôler tout le monde et son père. Ça n'a pas d'allure. M. le Président. À sa face même, un citoyen a droit à la vie privée, il a droit à la propriété privée, et je ne pense pas que ce projet de loi là va dans ce sens. Encore une fois, il y a certains aspects de ce projet de loi là qui sont valables.

Et, M. le Président, je finirai, dans les prochaines minutes qu'il me reste, par rappeler à la ministre qu'on n'est pas seuls à penser ça. Le Conseil de la famille dénonce ce projet de loi. Ce ne sont pas des gens qui viennent d'arriver, le Conseil de la famille, et ils nous disent que «ce projet de loi rendra encore plus complexe la gestion de l'aide sociale pour les familles». Ils nous disent que «ce sera un fouillis indescriptible. Voilà comment ce gouvernement réussit à simplifier des programmes.» Je les cite textuellement, M. le Président, le Conseil de la famille, le projet de loi qui s'adresse à eux. Je vous ai parlé tantôt de Françoise David, d'Huguette Labrecque-Marcoux, de Sylvie Lévesque. Ces gens-là nous disent: Attention, vous n'allez pas dans la bonne direction.

Alors, j'invite ce gouvernement qui ne semble pas très attentif à écouter ce que les gens ont à dire. Les gens qui possèdent la vérité, les dogmatistes... qu'est-ce que vous voulez, quand on possède la vérité, on n'essaie pas beaucoup d'entendre ce que les autres ont à dire. Et on sait que le PQ, c'est un parti de dogmatistes, des gens qui ont un dogme et qui y croient. Les gens qui joignent une formation politique comme celle-là sont aussi des gens qui croient posséder grandement la vérité. J'invite ces gens-là à écouter avec beaucoup d'attention ce qui va être dit en commission parlementaire par des alliés à eux. Pas par les libéraux, nous, ils ne nous écoutent pas; c'est peut-être de bonne grâce, mais qu'ils écoutent au moins leurs alliés.

Vous me faites signe que mon 20 minutes est terminé. Je termine en disant: Mme la ministre, écoutez, pendant les prochaines journées, vos propres alliés qui vous disent que les articles 38 et 47 sont dangereux dans une démocratie. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Y a-t-il d'autres intervenants? Le principe du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Boisclair: M. le Président, malgré le discours du député d'Orford, vous me permettrez de remercier l'opposition pour son appui. Je ferais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au jeudi 29 mai 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée. Alors, nous ajournons nos travaux à jeudi, demain, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 24)


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