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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 4 juin 1997 - Vol. 35 N° 111

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous allons aborder immédiatement les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents


Tome 1 du rapport annuel du Vérificateur général accompagné d'un résumé

Au dépôt de documents, je dépose, conformément à l'article 44 de la Loi sur le vérificateur général, le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année 1996-1997, tome I, accompagné d'une brochure sur les faits saillants dudit rapport.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée des projets de loi nos 79 et 111

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 1er, 7, 8, 13, 14, 15, 20, 21, 27, 29 mai et 3 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

J'ai également le plaisir de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 3 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 111, Loi modifiant la Loi sur les forêts. La commission a également adopté le projet de loi avec des amendements, M. le Président.

Le Président: Alors, les rapports de votre commission sont déposés. M. le vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Bourget.


Étude détaillée des projets de loi nos 140 et 112

M. Laurin: Je dépose le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé le 3 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Je dépose également le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé le 3 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Bourget. Très bien, les rapports sont déposés. Mais je voudrais demander à tout le monde un peu de silence parce que, finalement, je n'ai à peu près rien entendu de ce qui a été indiqué. Je pense que les membres de ce côté-ci de la salle...


Dépôt de pétitions

Alors, au dépôt de pétitions, M. le député d'Abitibi-Ouest.


Retirer le projet de loi n° 79 instituant la Commission des lésions professionnelles

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 533 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté d'Abitibi-Ouest.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que, en novembre dernier, le ministre Rioux présentait le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, visant la déjudiciarisation des procédures d'appel à la CSST;

«Considérant que ce projet de loi est loin de déjudiciariser, mais entraîne pour les accidentés du travail des délais impossibles à respecter et des coûts d'expertise médicale;

«Considérant que ce projet de loi ne rencontre pas nos revendications et qu'aucune mesure de déjudiciarisation sur le plan médical n'est abolie;

«Considérant que le maintien du paritarisme à la dernière instance de décision ne vient pas assurer l'impartialité et l'indépendance du Tribunal;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'exiger du gouvernement du Québec le retrait du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives.»

Je certifie que l'extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Johnson.

M. Boucher: M. le Président, je demande la permission de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député de Johnson.


Permettre aux étudiants de niveau secondaire de Stratford de continuer de fréquenter la polyvalente de Disraëli

M. Boucher: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition par 425 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la municipalité de Stratford.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le découpage des territoires des nouvelles commissions scolaires fera en sorte que les étudiants du niveau secondaire de Stratford devront dorénavant fréquenter la polyvalente Montignac de Lac-Mégantic et que ce changement aura des effets négatifs sur le milieu;

«Considérant la perte du sentiment d'appartenance et de reconnaissance avec la commission scolaire de l'Amiante et de la polyvalente de Disraëli;

«Considérant l'augmentation importante de la distance à parcourir en autobus, soit l'augmentation des risques d'accidents, la diminution du temps pour les devoirs et les loisirs;

«Considérant que la configuration des territoires des commissions scolaires doit se faire dans le respect de la volonté du milieu;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, étudiants de la municipalité de Stratford, demandons de continuer de fréquenter la polyvalente de Disraëli qui répond parfaitement à nos attentes en éducation.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre afin de déposer une pétition non conforme.

Le Président: Consentement?

Des voix: Consentement.

(10 h 10)

Le Président: M. le député de Beauce-Nord.


S'objecter à une restriction du territoire desservi par la polyvalente Veilleux de Saint-Joseph-de-Beauce

M. Poulin: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à M. Jean-Pierre Charbonneau, président de l'Assemblée nationale, par 72 pétitionnaires de la polyvalente Veilleux dans le comté de Beauce-Nord.

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, le personnel de la polyvalente Veilleux de Saint-Joseph-de-Beauce, nous objectons à la restructuration du réseau des commissions scolaires qui occasionnerait le départ des élèves des paroisses de Valley-Jonction, Saints-Anges et Saint-Édouard-de-Frampton pour une autre commission scolaire.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée également.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège aujourd'hui.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de Mme la ministre de la Sécurité du revenu proposant que le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée, soit adopté.

Je vous informe également qu'après cette période de questions et de réponses orales sera tenu également le vote reporté sur la motion de Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité proposant que le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives, soit adopté.


Questions et réponses orales

Alors, nous abordons maintenant la période des questions et des réponses orales. M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi.


Patients en attente de chirurgie

M. Paradis: Oui, M. le Président. La crise que traverse actuellement le système de santé au Québec s'amplifie quotidiennement. Encore ce matin, malades et médecins unissent leurs voix pour dénoncer la gestion technocratique et bureaucratique du ministre de la Santé.

Dans le Journal de Montréal , le patient François Turcotte, toujours en attente de sa chirurgie cardiaque à l'Hôpital du Haut-Richelieu, réplique au rapport déposé hier par le ministre de la Santé en ces termes, et je cite le patient: «C'est de la pure théorie, souligne notre malade. J'ai de la misère à parler, mon coeur devait être opéré trois jours après mon deuxième infarctus, et ce, en avril.»

Dans le journal La Presse , le Dr Michel Jarry, adjoint au département du pavillon de l'Hôtel-Dieu du CHUM, professeur adjoint à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et secrétaire de l'Association des cardiologues du Québec, s'exprime comme suit: «Le système de santé québécois, qui comptait probablement auparavant parmi les meilleurs au monde et qui pouvait jadis faire notre orgueil, est à l'agonie en raison des coupes brutales et aveugles qui se sont abattues sur lui au cours des deux dernières années et qui continuent de le frapper.» Le Dr Jarry alerte le ministre de la Santé quant à l'allongement des listes d'attente en cardiologie dans trois centres hospitaliers: à l'hôpital Le Gardeur de Repentigny, à l'Hôtel-Dieu de Montréal, à l'hôpital Laval de Québec. Le Dr Jarry conclut de la façon suivante: «Malheureusement, notre système commence de plus en plus à ressembler à la situation dans l'Union soviétique communiste; il faut maintenant, pour être traité dans des délais raisonnables, jouir d'une position privilégiée ou connaître les "bonnes" personnes.»

À TVA, ce matin...

Le Président: Votre question.

M. Paradis: ...le Dr Yves Langlois – j'y viens, M. le Président – dénonçait...

Le Président: Votre question, M. le député, s'il vous plaît.

M. Paradis: Oui, M. le Président. À TVA, ce matin, le Dr Yves Langlois dénonçait le fait que les listes d'attente causent des décès et qu'un de ses patients est décédé la semaine dernière parce qu'il n'a pu l'opérer.

Dernier exemple, dans un éditorial du Devoir ...

Le Président: M. le député, je vous demande votre collaboration. Je voudrais que vous en arriviez à votre question maintenant.

M. Paradis: Oui, M. le Président, vous comprendrez que les listes s'allongent un peu partout. Jean-Robert Sansfaçon concluait un éditorial – et c'est ma question au ministre – dans les termes suivants: «Quant à l'efficacité, on commence déjà à constater que notre système de santé coule de partout. Mais l'incapacité du ministre de la Santé d'imposer des conditions minimales de réalisation d'un virage difficile à un Conseil des ministres...»

Le Président: Je pense qu'on va éviter bien des problèmes si on s'en tient au règlement. M. le député, votre question, s'il vous plaît.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Suite à ces cas qui sont dénoncés, à ces listes d'attente qui s'allongent et à ces malades qui décèdent quand ils sont sur des listes d'attente, suite à ces éditoriaux, qu'est-ce que le ministre de la Santé attend pour arrêter d'attaquer le système de la santé et pour s'en faire un défenseur, un défenseur des patients et des malades?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je voudrais d'abord dire que je comprends vraiment très bien et que j'ai beaucoup de compassion pour les malades qui attendent présentement, surtout quand on voit les grossières exagérations qu'on entend sur l'état de la chirurgie cardiaque au Québec et sur les services sur lesquels ces gens-là peuvent compter. Oui, M. le Président, on entend de grossières exagérations qui ne vont que créer une anxiété chez les malades qui sont en attente, une anxiété qui n'est pas justifiée par les faits présentement. On a soulevé beaucoup de choses. Succinctement, je vais quand même rectifier un certain nombre de choses.

Le temps d'attente qui est demandé à des gens vient à la suite d'un diagnostic où d'abord tous les gens qui ont une situation jugée urgente par leur médecin sont opérés en urgence, c'est-à-dire dans les heures ou les jours qui suivent. Les patients qui ont une situation que leur médecin juge instable sont opérés ce qu'on appelle en semi-urgence, c'est un délai d'une semaine à une semaine et demie. Les gens à qui on demande d'attendre sont des gens dont la condition est stable, qui sont suivis par leur médecin et qui ont un traitement médical pendant cette attente. Ce n'est pas des gens qui attendent en voyant leur état se détériorer. Ils sont suivis par leur médecin. Si leur état change pendant qu'ils sont en attente, le médecin les amène comme les gens qui sont soit en semi-urgence ou en urgence si leur état s'est modifié pendant qu'ils attendaient. C'est ça qu'est la situation.

Maintenant, le temps d'attente. On a comparé le temps d'attente. Le Groupe tactique d'intervention est allé à l'hôpital Notre-Dame où il y a eu la première crise, la crise de la semaine dernière. Il a parlé à tous les départements de chirurgie cardiaque et a fait le point. Le temps d'attente pour les gens dont l'état est stable est dans les limites qui avaient été jugées normales par un comité technique de spécialistes de tous les hôpitaux dont on parle, un rapport très détaillé fait en juillet 1993 qui disait que, pour un patient stable, l'attente normale est entre trois et six mois. Quand on compare ce qui se passe en Ontario, ça joue un peu dans les mêmes chiffres. Les spécialistes s'entendent tous là-dessus.

Au Québec, on avait une situation, il y a un an, en juin 1996, où le temps d'attente moyen était de 5,7 mois. Un an après, aujourd'hui, les données du mois mai dernier, le temps d'attente a diminué à 3,4 mois, M. le Président, en moyenne. On est parti de l'extrémité supérieure de la fourchette qui est jugée normale par les spécialistes et on est rendu vers l'extrémité inférieure de cette fourchette. C'est ça, monsieur, la situation.

Dans la situation plus particulière de Montréal qu'on vient de citer, on a très bien identifié à la suite du rapport du groupe tactique d'intervention qu'il y a une amélioration immédiate qui peut s'apporter en assurant une meilleure coordination entre les hôpitaux de Montréal. On a huit endroits où on fait de la chirurgie cardiaque à Montréal, et, à Toronto, il y en a trois. Le délai d'attente varie. Il y a des endroits où c'est autour de cinq mois en moyenne, présentement, à Montréal. À d'autres, c'est deux mois d'attente, un peu moins. Et il y a un endroit où il n'y a pas d'attente présentement, où les gens peuvent être opérés tout de suite. Alors, ce qu'il faut, pour les hôpitaux périphériques, c'est qu'on oriente les patients vers un hôpital, qu'on fasse des couloirs de services – comme les gens appellent – pour assurer les meilleurs services aux gens.

Et je terminerai juste en rappelant bien que, à l'hôpital du Haut-Richelieu, le DSP, qui a été contacté encore hier et qui est à un hôpital où il y a beaucoup de patients en attente, a quand même aussi dit qu'il se réjouit des mesures qu'entend prendre le ministre pour corriger la situation et qu'il est heureux de voir que le ministre vient d'ouvrir une porte pour nos malades. M. le Président, c'est une situation, d'abord, qui n'est pas dans des limites comme on la décrit. Ce n'est pas vrai. Et, s'il y a des patients qui sont depuis plusieurs, plusieurs mois en attente, je pense que je peux les rassurer que, avec les mesures qu'on vient de prendre, leur tour va venir rapidement.

(10 h 20)

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait prendre la parole des malades qui sont en attente et qui lui disent que son plan, c'est de la pure théorie, des médecins qui dénoncent la situation? Et est-ce que la réponse apportée par le ministre, c'est la fermeture de 400 lits dans la région de Québec, la fermeture d'autres centres hospitaliers dans la région de Québec, comme le journal Le Soleil nous l'apprenait ce matin? Est-ce que c'est la fermeture prévue d'une vingtaine de salles d'opération, de blocs opératoires à Montréal cet été qui va régler le problème?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, pour ce qui est de la fermeture de blocs opératoires à Montréal ou ailleurs au Québec, l'entente est très claire avec toutes les régions où cet été va être un été normal comme tous les étés. À tous les étés, on sait que le volume de services diminue parce qu'il y a moins de demandes aussi. En chirurgie, c'est très bien connu depuis des années: des gens qui doivent avoir une intervention chirurgicale qu'on dit élective choisissent en général d'autres temps et non pas nécessairement le temps de leurs vacances. Il y a une baisse de demandes de services et les hôpitaux donc diminuent les services. Et il n'y en aura pas, de diminution, moins que les autres années.

À Québec, je vais prendre cette occasion qu'on soulève pour apporter certaines rectifications. Je pense que la Régie régionale qui a fait une conférence hier va devoir compléter ses travaux et ses devoirs, M. le Président. La Régie annonce des choses intéressantes: la consolidation de la première ligne, une meilleure continuité de services. Mais, quand la Régie parle de considérer des fermetures d'hôpitaux à Québec, il n'en est pas question. Ce n'est pas un scénario qui va être étudié. Les fermetures d'hôpitaux qu'il y avait à faire, c'est fait. Je l'ai déjà dit, c'est fait, on en est rendu à consolider, à organiser, à améliorer les services à l'intérieur des hôpitaux.

Il y a trois grands établissements maintenant à Québec: il y a le centre hospitalier universitaire de Québec, il y a le centre affilié qui comprend deux campus et il y a un institut. Et ça, ça va rester le nombre d'hôpitaux qu'il y a à Québec. Et la Régie va devoir compléter ses devoirs, et c'est à l'automne qu'on aura le portrait, pour cette région comme pour les autres, de comment la situation va se dérouler pour les trois prochaines années. Toute autre conclusion de fermeture ou quoi que ce soit dont il n'est pas question, c'est de toute façon prématuré. Ces scénarios étaient ceux d'il y a trois ans et non plus ceux de l'avenir, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que le ministre, M. le Président, qui pour régler le problème des listes d'attente nous annonce la fermeture cet été de plusieurs blocs opératoires dans toutes les régions du Québec, peut changer d'attitude, et aller à son Conseil des ministres qui va siéger, là, dans une heure, et ne pas se contenter de compressions budgétaires dans le domaine de la santé qui sont cinq fois supérieures aux compressions budgétaires du reste du gouvernement du Québec – 60 % et quelques d'augmentation au Conseil du trésor, 24 % d'augmentation au ministère du Revenu – et défendre les patients et les malades qui ont besoin d'un ministre de la Santé au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je peux assurer toute la population du Québec que ce que le ministre de la Santé fait, c'est essentiellement ça. On est rendu au point où les gens peuvent travailler à la qualité et à l'adaptation des services selon les besoins des gens. C'est ça qui se passe dans le réseau de la santé. Les coupures d'établissements, c'est fait, c'est fini. On stabilise présentement. Les gens peuvent être assurés que le ministre va tout faire pour s'assurer qu'il n'y a personne qui aura perdu le cap et qui va déraper là-dessus.

Les diminutions de services durant l'été, encore une fois, M. le Président, la commande est très claire dans tout le réseau, ne seront pas plus que les dernières années. Elles vont être ajustées à la demande qui existe durant l'été.

Je regrette que le leader de l'opposition nous revienne encore avec des chiffres dans une perspective qui n'est pas du tout la réalité. L'effort budgétaire de la santé, cette année, est de 5,7 % de son budget; pour l'ensemble des autres ministères du gouvernement, il est à plus de 7 %. Il n'y a qu'un seul secteur où l'effort a été demandé moins fort qu'en santé, c'est le secteur de la sécurité du revenu, parce qu'il y a des gens qui ont des besoins énormes de ce côté-là. Mais le secteur de la santé fournit un effort qui est ajusté à sa proportion du budget.

Pour l'avenir, on aura le plan de financement pour non seulement maintenir et sauver, mais pour s'assurer que ce système-là se développe selon les besoins de la population, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Santé, plutôt que de s'ajuster aux saisons, plutôt que de s'ajuster à ses statistiques technocratiques peut s'ajuster aux personnes, des être humains qui sont en attente sur des listes d'attente, et offrir des services qui vont faire en sorte que ces gens-là vont pouvoir être soignés au Québec? C'est assez simple comme question, M. le ministre de la Santé?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: La question est simple et la réponse devrait être simple à comprendre aussi, si on l'écoutait, M. le Président.

Dans l'ensemble de nos services de chirurgie, les attentes n'augmentent pas. On a montré que, même en chirurgie cardiaque, ça s'améliore depuis un an. Dans l'ensemble de toutes les chirurgies qui demandent une hospitalisation, dans l'espace d'un an, on est passé de près de 30 000 qui étaient en attente à 22 000. Ça a été une diminution dans toutes les chirurgies, sauf deux où c'est demeuré stable. C'est ça qui se passe.

M. le Président, il faut que la population, en ayant l'information exacte, réalise qu'on maintient et qu'on réussit à améliorer, malgré une condition budgétaire qui est difficile... Mais qui est difficile pourquoi? Juste cette année, à peu près la totalité de notre compression correspond aux transferts fédéraux qui nous ont été enlevés. Alors, on ne peut pas faire de miracle.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Est-ce que le ministre, après avoir blâmé les médecins, après avoir blâmé les malades qui sont impatients, si je comprends bien, parce qu'il n'y a pas d'autres raisons pour les gens de manifester de cette façon-là... C'est ca que le ministre vient de dire, c'est les médecins, c'est les patients qui sont responsables. Et là c'est le gouvernement fédéral, contrairement à d'autres endroits, comme en Ontario et en Alberta, où les transferts fédéraux ne se sont pas traduits en coupures sur le dos des médecins, ni des patients, ni de qui que ce soit, d'aucune façon. C'est la priorité de ce gouvernement-là de couper dans la santé, au lieu de couper dans d'autre chose. C'est bien évident.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il faudrait d'abord que le chef de l'opposition vérifie ses informations. En Alberta et en Ontario, ça a coupé. Ça a coupé depuis plus longtemps.

Une voix: ...

M. Rochon: Oui, ils mettent de l'argent présentement, mais ils ont coupé depuis cinq ans. Ils ont coupé plus qu'on n'a coupé et de façon pas mal plus dure qu'on n'a coupé. On va être pas mal plus vite qu'eux autres pour pouvoir consolider et, au besoin, réinvestir dans le domaine de la santé. Si l'opposition voulait aider les Québécois, au lieu d'essayer de manquer de vision pour comprendre le problème – et ce n'est pas une question de pelleter ça dans le fédéral, mais, sur 15 ans, c'est 15 000 000 000 $ qu'ils nous ont coupés; présentement, c'est 1 500 000 000 $ par année, à peu près, en transferts qu'ils nous ont enlevé – alors ils se tourneraient de bord et ils mettraient la pression où il faut pour améliorer notre situation, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le ministre se rend compte qu'il tente à ce moment-ci d'attribuer la responsabilité de l'état dans lequel se trouve le système de santé? Quand ce n'est pas aux professionnels de la santé, c'est aux administrateurs de la santé, et là c'est rendu que c'est aux patients et aux malades, et, finalement, c'est au gouvernement fédéral, alors que c'est lui qui est responsable. C'est son gouvernement qui est responsable, et il ne fait que livrer des commandes du ministre des Finances au lieu de défendre la santé et les malades au Québec.

(10 h 30)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): D'abord, M. le Président, il est assez pénible de voir l'opposition, qui est dans un état de vulnérabilité totale à ce sujet, s'acharner sur un des meilleurs ministres de la Santé que le Québec ait connus.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): D'ailleurs, un des hommages les plus vibrants qu'il ait reçus n'est pas venu de moi ni de ce côté de la Chambre, mais de son prédécesseur, M. Marc-Yvan Côté, qui a dit les choses qu'il fallait dire. Et, si on sait décoder ce qu'a dit M. Marc-Yvan Côté, c'est que lui aurait voulu faire ce que le ministre de la Santé d'aujourd'hui fait, mais, aux prises avec un Conseil des ministres inerte, rétrograde et immobile qui s'occupait de Meech et de Charlottetown, il était paralysé dans ses efforts. Et le ministre d'aujourd'hui, avec un Conseil des ministres qui le supporte, peut faire son travail.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Maintenant que le vrai ministre de la Santé vient de se lever, comme on vient de le voir, et maintenant qu'on vient de voir qu'après la faute des patients, après la faute des médecins...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, maintenant que le vrai ministre de la Santé s'est levé et après que le titulaire de la santé, lui, ait blâmé les patients, les médecins...

Des voix: Oh!

M. Johnson: Absolument. Absolument. Et les administrateurs hospitaliers, et qu'on voit maintenant, M. le Président... C'est correct.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Maintenant que le vrai ministre de la Santé s'est levé et que le titulaire, lui, qui accusait les patients de manifester de l'impatience, et qui accusait les médecins d'être en négociations ou je ne sais trop quoi, qui accuse les administrateurs de protéger leur direction et leurs établissements, on voit maintenant le vrai ministre de la Santé qui vient nous dire, lui, que c'est la faute à Robert Bourassa. Quelle indécence! Il n'est même pas ici pour se défendre, première des choses. C'est ça qu'il vient de dire. C'est ce qu'il vient de dire.

Est-ce que le ministre de la Santé peut réaliser que c'est lui qui est titulaire, que sa responsabilité vise à faire en sorte qu'il y ait des services de santé de qualité pour tous les Québécois, partout sur le territoire du Québec et en toute saison, et que ce n'est pas le météorologue ou le ministre des Finances qui décide de ce qui se passe, l'été? C'est le ministre de la Santé qui doit s'occuper de ça, l'été.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Landry (Verchères): Je n'ai pas la prétention d'être le vrai ministre de la Santé parce qu'on en a un vrai bon et qui est en train de réparer au moins 10 ans de négligence qui, je le redis, M. le Président, n'ont pas été attribués par moi à feu Robert Bourassa, mais à un Conseil des ministres qui globalement, en matière de santé comme en matière de finances publiques, a été d'une ineptie légendaire. Et, quand j'étais simple citoyen, dans ce temps-là, j'aurais aimé qu'il y ait un vrai président du Conseil du trésor.

Le Président: Rapidement, M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il est malheureux que les règles parlementaires nous empêchent de qualifier comme ça le mériterait certaines déclarations, parce que ce qu'on vient d'entendre de la bouche du chef de l'opposition, ça n'a rien à voir avec ce que je n'ai jamais dit! Les patients, je les ai assurés depuis trois ans. Quand on regarde, d'ailleurs, la satisfaction de ceux qui ont reçu des services de la santé, ils savent le dire. Depuis trois ans, malgré la situation budgétaire difficile, ce système de santé là, non seulement a été conservé, mais se rebâtit complètement pour être un système de santé plus solide.

Les administrateurs. J'ai souvent dit ici que cette opposition, M. le Président, leur faisait des attaques, via moi, injustifiées, parce qu'il y avait des gestionnaires et des professionnels qui, malgré toute l'insécurité d'une situation d'un changement de système, réussissaient à donner des services dont les patients se disaient satisfaits. C'est ça que j'ai toujours dit.

C'est assez surprenant de voir quelqu'un qui est aujourd'hui chef de l'opposition nous donner l'exemple de l'Alberta et de l'Ontario qui maintenant investissent alors qu'eux ont fait le ménage qu'ils avaient à faire, alors que lui, comme président du Conseil du trésor et premier ministre, nous endettait de 1 000 000 000 $ par année, pendant ce temps-là, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, maintenant que le titulaire de la Santé répète les sornettes du ministre des Finances et du premier ministre...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le ministre se rend compte que ce qu'il fait depuis une semaine ou 10 jours, c'est de mettre en doute la parole des administrateurs qui expliquent que la nature du problème ça ne tient pas aux anesthésistes? Il remet en doute la parole des médecins, comme les anesthésistes et les chirurgiens cardiaques, qui disent que ça dépend du manque de ressources. Il met ça en doute. En réalité, les patients savent quelle est leur situation personnelle; ils savent quelle est leur inquiétude à eux. Et ce n'est pas le ministre qui va leur dire que c'est parce qu'ils sont mal informés qu'ils sont malheureux qui va régler le problème. Il faut qu'il règle le problème en donnant des ressources et en manifestant, à l'intérieur de ce gouvernement-là, que c'est une priorité, la santé, puis que ce n'est pas là qu'on coupe en premier.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Le ministre de la Santé et des Services sociaux, encore une fois, ne met le blâme sur personne parce qu'il n'y a personne à blâmer. Tout le monde auquel réfère le chef de l'opposition sont des gens – et ils le savent très bien parce qu'on est en lien régulier et constant avec eux – qui ont montré la plus grande motivation et qui ont réussi à faire ce qui n'a pas été possible dans beaucoup de pays, c'est de réorganiser un système en tenant compte d'un contexte budgétaire qui était difficile. C'est ça qui est la réalité. C'est ce que j'ai toujours dit. Et ils le savent très bien.

Je comprends que le chef de l'opposition n'aime pas tellement quand on rappelle la réalité de ce qui nous a mis dans cette situation-là. Je comprends ça, parce que ce genre de vérité là, ce n'est pas facile à entendre. Mais, qu'elle soit dans la bouche de n'importe qui, elle est toujours vraie, M. le Président.

Le Président: M. le député de Viau, en principale.


Patients en attente de transplantation

M. Cusano: Depuis 1985, M. le Président, le Québec s'est doté d'un programme de transplantation qui a fait l'envie de tous les chirurgiens de toute la population en Amérique du Nord. Depuis 1996, c'est l'effet contraire qui s'est produit. Nous avons vu de nombreux chirurgiens transplanteurs quitter le Québec. Nous avons vu le ministre de la Santé qui s'est ingéré dans ces programmes pour littéralement foutre le bordel dans cette situation.

J'aimerais souligner que, en 1996, il y a eu 32 patients en attente d'une chirurgie cardiaque qui sont décédés, M. le Président.

(10 h 40)

J'aimerais savoir du ministre de la Santé, lui qui, en 1996, en octobre, nous annonçait de son siège qu'il allait prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer qu'on puisse faire des transplantations au Québec à ceux qui en avaient besoin, M. le Président... Il a même affirmé de son siège que, à partir de janvier 1997, un centre de transplantation pulmonaire serait ouvert ici à Québec. Au moment où on se parle, il n'y a aucune transplantation qui a été faite ici, à Québec, du côté pulmonaire, et le fameux chirurgien qui était censé faire ces transplantations est quelque part dans le monde à étudier. J'aimerais demander au ministre de nous dire la vérité une fois pour toutes: Quand va-t-il et que va-t-il faire pour remédier à cette situation qui est devenue insoutenable?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, le député de Viau vient de dire qu'il y a un certain nombre de personnes qui seraient décédées en attente de chirurgie. On y a fait allusion tout à l'heure, comme, depuis hier, tout d'un coup, ça a été dit. Jamais avant on n'avait parlé de ça, et là on mentionne que des gens en attente de chirurgie seraient décédés. On ne joue pas avec la vie, M. le Président. Dès qu'on a mentionné ça, j'ai demandé, hier, au président du Collège des médecins, et le Collège des médecins, dès aujourd'hui, va commencer, avec les hôpitaux, à aller vérifier ce qui est arrivé, d'abord, s'il y a eu décès ou pas – et je veux savoir exactement quelle est la cause du décès de ces personnes-là – de sorte que, si vraiment il y a problème, on ne fait pas de farce avec ça, il y a des corrections qui seront apportées. Mais on ne va pas lancer n'importe quoi en l'air sur la vie des gens comme ça. Ça, c'est vraiment manquer de sérieux. Et on aura l'information là-dessus, mais je pense qu'on n'a pas le droit de lancer des chiffres comme ça en l'air sans savoir de quoi on parle.

Maintenant, pour la transplantation, le député de Viau devrait bien le savoir, parce qu'il est au courant de tout ça dans le fond, on a un groupe d'experts, comme je l'avais dit, qui regarde l'ensemble de la situation depuis quelques mois, qui doit me soumettre son rapport au mois de juillet – ils m'ont dit, il n'y a pas longtemps, qu'ils vont pouvoir respecter les délais – et on aura ce qui était très nécessaire maintenant, parce que le plan de transplantation pour l'ensemble du Québec remontait à 1993. Il y avait eu un financement de prévu sur trois ans, jusqu'à 1996, qui est terminé présentement, et, dès le mois de juillet, on aura, pour l'automne, un portrait clair de toute la situation et les recommandations techniques qu'il nous faut, sur lesquelles on pourra prendre les décisions pour s'assurer que notre système de transplantation continue à se développer et qu'il a les ressources nécessaires pour le faire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, le ministre semble oublier, semble-t-il – peut-être qu'il semble oublier, M. le Président – que lui-même, dans cette Chambre, il a dit qu'il y avait au-delà d'une trentaine de personnes en attente de transplantation cardiaque, ou pulmonaire, ou quoi que ce soit qui étaient décédées l'année dernière. Il se contredit lui-même. J'aimerais demander au ministre quand va-t-il arrêter de former des comités pour étudier le rapport d'un autre comité, pour étudier le rapport de son ministère. Pendant ce temps-là, ces personnes qui sont en attente, elles n'ont pas le temps d'attendre des études de comités. Et, de toute façon, le ministre ne réalise-t-il pas que, avant qu'il arrive comme ministre, ça fonctionnait très bien, merci?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Bien, M. le Président, c'est très inexact de dire... Ce n'est pas des comités qui étudient des rapports de comités, les comités qu'on a faits, on en a fait un pour les listes d'attente en chirurgie, et il a commencé à agir tout de suite, puis les listes d'attente ont baissé dans toutes les spécialités depuis un an. Il y avait eu un problème avec les laboratoires, il y a eu un groupe de travail qui s'est mis là-dessus, et les attentes dans les laboratoires sont revenues à une limite normale de moins de deux semaines partout au Québec. On en a eu un sur la question du sang qui a fait son rapport, et notre système est à le mettre en place actuellement. Et, quand on aura celui sur les transplantations, c'est dans les semaines et les mois qui vont suivre qu'un rapport va se mettre en place.

Mais qu'on réalise que tous ces groupes de travail qu'on a dû mettre sur pied, c'est parce qu'on a dû corriger une situation qui était là quand on est arrivé. On ne l'a pas créée, la situation, on l'a prise comme elle était. Évidemment, on se rappelle qu'il y en a des gens qui sont en face de nous présentement qui, eux, ne voyaient pas de problèmes dans notre système public parce qu'ils pouvaient dire en circulant que, eux, ça allait bien dans leur comté, qu'ils avaient des cliniques privées, qu'ils allaient là, puis qu'ils n'avaient pas de problèmes avec leur système de santé. Nous, on ne dit pas ça, on ne parle pas d'un système à deux vitesses, on renforcit notre système de santé public, M. le Président, pour que ça soit accessible à tout le monde au Québec, et c'est ça qui se passe présentement.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis, en principale.


Imputabilité de la Caisse de dépôt et placement

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Ce matin, au dépôt du rapport du Vérificateur général, nous apprenions que le Vérificateur général s'est vu refuser de faire deux vérifications sur l'optimisation des ressources à la Caisse de dépôt et placement. Depuis sept mois que le Vérificateur général est en demande à la Caisse de dépôt et qu'on refuse d'ouvrir les livres de la Caisse au Vérificateur général. M. le Président, les conclusions que tire le Vérificateur général, à la page 225 de son document, sont les suivantes: «L'impasse est donc maintenant totale entre le Vérificateur général et la Caisse. En les circonstances, le Vérificateur général ne peut que réitérer sa demande à la Caisse et dénoncer cet état de fait en s'en remettant au pouvoir de surveillance de l'Assemblée nationale sur tout acte du gouvernement, de ses ministères et de ses organismes, tel que nous le retrouvons à l'article 4 de la loi constituant le Vérificateur général.»

M. le Président, il s'agit là d'une question de principe qui touche tous les membres de ce Parlement quant à l'imputabilité d'un organisme public qui doit être vérifié par le Vérificateur général, s'il le juge à propos, tel que le stipule la Loi sur le vérificateur général.

M. le Président, j'aimerais savoir du ministre des Finances ce qu'il entend faire pour corriger cette situation de façon à ce que la Caisse de dépôt demeure et garde ces qualités de transparence qu'on a déjà connues d'elle et qui feront en sorte d'éviter qu'on puisse se poser la question: Qui a quoi à cacher à la Caisse?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, c'est en 1965 que notre Assemblée, dans un des plus beaux gestes qu'elle a posés à l'occasion de la Révolution tranquille, a créé la Caisse de dépôt et placement. Elle l'a dotée d'une loi sage et solide qui fait que même le ministre des Finances n'est pas le ministre de tutelle de la Caisse de dépôt. Il a simplement le devoir de déposer le rapport à l'Assemblée nationale et de s'enquérir, par un article de la loi, sur tout ce qui touche les opérations de la Caisse.

Pourquoi est-ce que le législateur du temps a fait ça? Il a fait ça pour confier au conseil d'administration les responsabilités ultimes de gérer les immenses avoirs qui se sont accumulés à la Caisse. La recette a été bonne. La Caisse est une institution exemplaire et elle n'a rien à cacher. Elle est vérifiée suivant toutes les procédures de vérification en usage dans le secteur privé, y compris par le Vérificateur général. Sauf qu'il subsiste entre les administrateurs de la Caisse, qui ont toute notre confiance, et le Vérificateur général une divergence d'opinions que je résume à ceci: Que la Caisse soit vérifiée comme n'importe quelle entreprise, très bien, mais le Vérificateur général n'est pas un courtier, n'est pas un agent de change, n'est pas une agence de crédit. Les professionnels de la Caisse, qui donnent d'ailleurs un rendement extraordinaire sur le plan historique, jugent les actions qu'il faut acheter, qu'il faut vendre et quand il faut le faire, avec des succès et des insuccès. Avant d'alourdir cette procédure et de limiter la confiance que le Parlement a mise dans la Caisse de dépôt et placement, je crois qu'il faut poursuivre les discussions avec le Vérificateur général.

Des voix: Des cachettes.

Le Président: M. le député.


Divergence d'opinions entre le Vérificateur général et la Caisse de dépôt et placement

M. Chagnon: En principale, M. le Président. Le Parlement a aussi mis sa confiance en votant à l'unanimité pour faire en sorte que le Vérificateur général, M. Breton, soit notre Vérificateur général et nous faisons en sorte non seulement de lui rendre notre confiance, mais de nous assurer que chacune des institutions de l'État puisse être vérifiée s'il le juge à propos. Le ministre des Finances nomme la majorité des administrateurs de la Caisse de dépôt. Pourquoi ne fait-il pas en sorte de dénouer ce problème?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): J'ai entendu, comme vous, M. le Président, fuser des banquettes de l'opposition, avec le sérieux habituel, le mot «cachettes». Mais je trouve que ce mot, s'il était au Journal des débats , devrait être retiré et ceux qui l'ont dit devraient avoir honte, pour deux raisons essentiellement: premièrement, s'il y a des cachettes, ça fait plus de 30 ans de cachettes, donc l'essentiel des cachettes libérales; deuxièmement, c'est laisser croire à la population que cette institution extraordinaire, qui s'en va vers 100 000 000 000 $ d'actifs, serait gérée dans la magouille et dans la cachette. Cela est insultant pour les administrateurs, pour l'institution et pour la société québécoise tout entière.

(10 h 50)

Quant au reste, je redis qu'il y a une divergence entre le conseil que le gouvernement nomme – petite précision, et non pas le ministre des Finances... Et depuis que la Caisse existe, le conseil a eu la confiance de notre institution et du gouvernement. Et, avant de retirer cette confiance, ça va prendre plus, soit dit en tout respect, que quelques paragraphes dans le rapport annuel du Vérificateur général.

Des voix: Oh!

Le Président: M. le député d'Orford.

Des voix: Scandale!

Le Président: M. le député d'Orford.


Évaluation du plan Paillé par le Vérificateur général

M. Benoit: Oui, M. le Président. Le Vérificateur général, dans son rapport ce matin, nous parle largement et abondamment du plan Paillé. Je vous le lis textuellement. Il dit: «Le plan Paillé. Le nombre d'emplois prévus était largement médiatisé en 1994.» Il continue en disant: «Il est fort improbable que le 54 000 emplois prévus devienne réalité.» Il nous rappelle que 2 544 projets ont déjà failli. Il nous rappelle que 13 000 jobs sont disparues depuis. Et il finira en disant: Écoutez, ils ont dit qu'ils créeraient 54 000 emplois mais, dans le meilleur, et je le cite, «le nombre d'emplois prévus à long terme serait plutôt d'environ 19 000».

Est-ce que le ministre des Finances du Québec, de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, responsable du plan Paillé, est-ce que le ministre se rappelle de ce pétage de broue préréférendaire? Est-ce qu'il peut nous confirmer que c'est de l'inflation de la réalité qu'il a fait à l'époque? Et est-ce qu'il n'est pas au centre d'un scandale politico-économique, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): On vient d'avoir l'exemple qu'il y a des circonstances où même les enflures verbales les plus délirantes ne réussissent pas couvrir la vacuité d'une question à laquelle je dois...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Alors, tout ce qu'il y avait d'un peu sensé dans le préambule, c'est quand le député citait le Vérificateur général qui, lui, emploie le conditionnel, «serait», «pourrait».

Alors, voici ce que nous avons discuté et allons discuter à partir de maintenant avec le Vérificateur général. Il a utilisé, suivant les moyens à sa disposition – et il n'a pas des moyens illimités – un échantillon de 66 entreprises pour évaluer le plan Paillé. Très sagement, la SDI et le MICST, eux, avaient confié au BSQ une étude en profondeur qui porte sur 1 200 entreprises. Alors, voici un échantillon pas mal plus significatif.

Jusqu'à ce jour, les bénéfices globaux générés en recettes fiscales par le plan Paillé, et en réduction de programmes sociaux, totalisent 219 000 000 $, c'est-à-dire couvrent déjà toutes les pertes qui pourraient – comme le dit le Vérificateur général – éventuellement survenir d'ici cinq ans. Mais ce qu'il y a de plus révoltant dans la tirade soi-disant préréférendaire dans ces allusions du député, c'est qu'il ne tient pas compte des trois réalités que je vais dire, et je demande qu'on les écoute. Dans le plan Paillé...

Le Président: Ce n'est pas parce qu'on n'a pas la parole qu'on peut injurier un collègue dans l'Assemblée. M. le vice-premier ministre, en conclusion.

M. Landry (Verchères): Je n'ose plus demander que l'opposition écoute. Ça a l'air d'une chose tout à fait passive, mais dont ils sont particulièrement incapables.

Je vais quand même insister auprès de ceux qui, la semaine dernière, le coeur en écharpe, nous parlaient des jeunes et des défavorisés, sur trois aspects du plan Paillé. Je ne parle pas, là, des dizaines d'autres que je pourrais mentionner. De un, plus de 5 500 étudiants et plus de 1 760 personnes au foyer ont eu la chance d'obtenir leur premier emploi grâce au plan Paillé. De deux, le plan Paillé a également permis à plus de 7 300 chômeurs et 1 500 prestataires de la sécurité du revenu de réintégrer le marché du travail. De trois, les clientèles économiquement défavorisées représentent presque la moitié, plus de 46 %, des 35 000 emplois créés. Nous ne nous mettons pas le coeur en écharpe pour les pauvres et les jeunes, nous agissons en leur faveur.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et de réponses orales pour aujourd'hui. Je vous rappelle qu'il y a deux votes enregistrés.


Votes reportés

Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de Mme la ministre de la Sécurité du revenu... Est-ce qu'on pourrait avoir le silence un peu, s'il vous plaît!


Adoption du projet de loi n° 102

Alors, nous allons procéder au vote reporté sur la motion de Mme la ministre de la Sécurité du revenu proposant que le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée, soit adopté.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Filion (Montmorency).

(11 heures)

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se... Vous êtes en faveur? Pardon.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:103

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée à l'unanimité. En conséquence, le projet de loi n° 102 est adopté.


Adoption du projet de loi n° 103

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives.

Alors, on enregistre le même vote.

Une voix: Oui.

Le Président: M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour:103

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: La motion est donc adoptée et le projet de loi n° 103, en conséquence, est adopté.


Motions sans préavis

Nous allons maintenant passer à l'étape des motions sans préavis. M. le député de Papineau.


Condoléances aux familles éprouvées par l'incendie d'une usine de meubles à Bécancour

M. MacMillan: Oui, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses condoléances aux familles éprouvées par l'incendie d'une usine de meubles à Bécancour, où une personne a perdu la vie et plusieurs autres ont subi des brûlures très graves.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Normalement, pour de telles motions, on s'en parle préalablement à la période des questions. Le député de Nicolet-Yamaska m'avait déjà parlé qu'il préparait une motion, parce qu'il y a encore des faits nouveaux qui sont en train de se développer dans ce dossier, et, demain, on voulait faire une motion là-dessus. Alors, je suggérerais au député de Papineau de peut-être reporter la motion à demain.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. On peut peut-être, M. le Président, dans les circonstances, faire les deux. Aujourd'hui, compte tenu de l'état dramatique du dossier que l'on connaît... Et, s'il faut y revenir demain, moi, je préviens le leader du gouvernement qu'il y aura consentement de notre part pour revenir demain, sans débat.

Le Président: Jusqu'à preuve du contraire, il n'y a que deux leaders à l'Assemblée. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, on pourrait adopter sans débat la motion et demain, à ce moment-là, on pourrait faire une autre motion par le député de Nicolet-Yamaska.


Mise aux voix

Le Président: Alors, la motion de M. le député de Papineau est adoptée.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 216, Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures ainsi que de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail concernant la durée de la semaine normale de travail, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de la culture procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 64, Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et modifiant d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Merci. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail, aujourd'hui, le mercredi 4 juin, après les affaires courantes jusqu'à midi, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de discuter du rapport final de la commission à la suite des mandats d'imputabilité et de surveillance d'organismes tenus les 18 et 19 février dernier.

Je vous avise également que la commission des finances publiques se réunira en séance de travail, aujourd'hui, le mercredi 4 juin, de midi à 13 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de la commission relativement à l'audition de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Alors, M. le leader de l'opposition officielle, il y en a une qui se termine à midi et l'autre commence à midi.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: La ministre de l'Éducation s'était engagée à déposer vers la fin du mois de mai le programme pour l'implantation des maternelles cinq ans temps plein. La question est de savoir à quel moment la ministre de l'Éducation va déposer le programme. Est-ce que le programme est prêt?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Encore une fois, normalement cette période des travaux porte sur des choses qui sont inscrites au feuilleton. Donc, ce n'est pas une chose qui est inscrite au feuilleton. Ça aurait pu faire l'objet, à ce moment-là, d'une question à la période des questions. Cependant, la ministre de l'Éducation me fait part que, la semaine prochaine, elle devrait être en mesure de déposer le document.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président...

Le Président: M. le député de Richmond, juste un instant. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: L'engagement qui avait été pris, là, en Chambre, c'est que ça serait déposé vers la fin du mois de mai. La semaine prochaine, on sera rendu à la mi-juin.

Le Président: Je pense que l'information a été donnée par le leader du gouvernement. Si l'information mérite que vous y reveniez, je pense que, demain, à la séance, aux affaires courantes, vous aurez l'occasion de le faire. M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, à quelques reprises, le ministre responsable du Développement des régions a annoncé, entre autres dans son dernier livre blanc, la présentation d'une législation, pour dépôt au cours de la présente session, sur le développement régional. Est-ce qu'on est en droit de s'attendre qu'avant la fin de nos travaux cette législation sera déposée en cette Chambre?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, encore là, normalement cette période des travaux porte sur des questions inscrites au feuilleton. Quant à la question posée par le député de Richmond, je n'ai pas l'information à donner à ce moment-ci.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Je comprends, là, que vous ne possédez pas l'information à ce moment-ci, mais est-ce qu'il y aurait possibilité soit que vous le fassiez demain au même item ou que le ministre informe directement le critique de façon à faciliter, là, de façon plus harmonieuse, le déroulement des travaux en fin de session?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je n'ai pas de conseil à donner à l'opposition sur comment organiser sa période des questions. Si la question est assez importante, il pourra la poser à la période des questions demain, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, moi, j'aimais mieux la première réponse: Je vais aller chercher le renseignement, je vais le fournir à l'Assemblée nationale. Je pense que c'est un meilleur climat que de demander à quelqu'un de poser une question à l'Assemblée nationale: Vas-tu déposer un projet de loi ou tu n'en déposeras pas?

Est-ce que, pour faciliter le fonctionnement du Parlement, le leader peut demander au ministre qui est responsable si, comme il s'était engagé à le faire, il va déposer, oui ou non? Ce n'est pas tellement compliqué, là.

Une voix: Ça ne devrait pas vous indisposer.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, encore une fois, je me dois de répéter – et je m'attendais peut-être que vous fassiez un rappel au règlement, à ce moment-là, M. le Président – la période des renseignements sur les travaux porte sur des choses inscrites au feuilleton. Et, s'il y a des questions – c'est une question qui peut être tout à fait pertinente – à ce moment-là, le député de Richmond la posera à la période des questions. Et c'est le forum approprié, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président.

(11 h 10)

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Sur le plan de l'application du règlement, il y a différentes façons de le faire. On peut s'en tenir à la lettre, comme telle, du règlement, et, à ce moment-là, on ne s'en tient pas simplement sur un article, on joue le livre d'un bout à l'autre. Dans les fins de sessions, moi, pour en avoir vécu plusieurs avec le prédécesseur de l'actuel leader, ce n'est jamais comme ça s'est passé. Maintenant, si le leader souhaite que ça se passe comme ça, cette fin de session-ci, on peut l'accommoder.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Ah! M. le Président, ça faisait longtemps que je n'avais pas vu cette nostalgie apparaître dans les propos du député de Brome-Missisquoi. Je constate que son coeur balance encore, mais je suis certain que ça s'en vient et qu'il va se faire à l'idée.


Affaires du jour

Le Président: Très bien. Nous allons passer maintenant aux affaires du jour. Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 1 de notre feuilleton.


Débats sur les rapports de commissions


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui a procédé à un mandat d'initiative sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise

Le Président: Alors, à l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné par Mme la leader adjointe du gouvernement le 3 juin dernier sur la prise en considération du rapport de la commission de la culture qui a tenu des consultations particulières le 6 avril 1995 et une consultation générale en octobre 1996 dans le cadre de son mandat d'initiative sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise. Ce rapport, déposé le 27 mai 1997, contient des recommandations. Alors, est-ce qu'il y a des interventions? M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le président. J'aimerais profiter de cette intervention sur le rapport de la commission de la culture intitulé Inforoute, culture et démocratie: enjeux pour le Québec , rapport final, mai 1997, afin de poser la question qui nous a préoccupés tout au long de nos travaux et qui, à notre avis, doit être la question que se pose tout État démocratique responsable avant d'accepter d'intervenir en matière de politique publique. Donc, la question qui était à l'origine du mandat d'initiative et qui nous a intéressés tout au long des travaux, on pourrait l'énoncer de la façon suivante: Quelles auraient été les conséquences de décider de ne pas agir dans ce domaine? En d'autres mots, lorsqu'un État s'interroge sur l'opportunité d'une politique publique, la première question qu'il doit se poser, c'est celle de savoir ce qui pourrait arriver dans l'éventualité où on déciderait de ne rien faire, de s'abstenir d'agir.

Dans le cas qui nous intéresse, celui de l'action que l'État du Québec a décidé d'entreprendre en matière d'inforoute – on emploie l'expression inforoute, mais, finalement, ce dont on parle dans le contexte, ici, c'est vraiment d'Internet; c'est la seule inforoute qui, à mon avis, existe actuellement et qui continuera probablement d'exister pour un bout de temps – on pouvait facilement envisager quelles étaient les conséquences prévisibles de ne pas adopter de politique, de ne rien faire, de s'abstenir.

Une première conséquence, M. le Président, est d'ordre qu'on pourrait qualifier de social, et le rapport de la commission en fait abondamment mention. On sait très bien que, dans la situation actuelle, où le développement... Je ne parle pas du développement technique, ou du développement scientifique, ou du développement technologique des autoroutes, mais du développement social, de l'inscription de cette technologie de communication dans la société. Nous avons pensé que le risque de ne rien faire, de ne pas agir, ça aurait été évidemment de contribuer à voir s'implanter, se construire les inégalités sociales qu'on voit actuellement s'implanter ou se construire autour de l'inscription sociale, de l'implantation sociale de ces nouvelles technologies.

Vous n'êtes pas, M. le Président, sans ignorer – et les statistiques qu'a consultées la commission sont là pour le démontrer – qu'il y a une disparité à la fois des sexes, des âges, des régions, des communautés, des classes sociales quant à l'accès qu'on peut avoir à cette technologie. Et ça a été, évidemment, l'un des objectifs de la commission, de s'assurer, par ses recommandations, que l'État fasse en sorte ou que le gouvernement du Québec fasse en sorte que ces inégalités ne soient pas accentuées et, au contraire, que ces inégalités soient diminuées et que, dans la grande mesure du possible, toutes les personnes, tous les citoyens, toutes les couches de citoyens du Québec puissent avoir accès aux bénéfices de cette nouvelle technologie. On pense en particulier, bien sûr, à deux domaines d'application centrale, celui de l'éducation, celui de l'enseignement et celui aussi du développement régional.

En matière d'enseignement, c'est assez facile à imaginer, puisque, finalement, on voit très bien déjà, dans beaucoup de nos milieux scolaires, l'impact que l'usage de cette technologie d'information, de cette nouvelle technologie peut avoir sur le confort, la qualité de l'enseignement et la capacité des élèves de tous âges de se mieux informer, de se mieux instruire à partir du recours à cette technologie. On le voit, évidemment, beaucoup plus au niveau de l'enseignement supérieur qu'au niveau des enseignements secondaire et primaire, parce que au niveau de l'enseignement supérieur la diffusion de l'usage de la technologie est actuellement extrêmement répandue.

On le voit aussi du point de vue du développement régional. On imagine facilement l'usage que les communautés locales peuvent faire de cette technologie à des fins diverses. Celle d'abord de se faire connaître, de faire connaître leur identité, leur réalité et aussi, dans certains cas évidemment, d'inscrire sur le très large réseau d'information des renseignements sur leur spécificité et même, dans beaucoup de cas, des renseignements, des informations sur les produits locaux dont ces localités disposent.

Je pense, par exemple, au domaine touristique où, dans le rapport, on mentionne l'intérêt qu'il y aurait, évidemment, à doter ces communautés de ressources en matière d'inforoute qui leur permettraient d'attirer chez elles des gens qui pourraient s'intéresser aux genres de produits culturels, de produits touristiques, de produits patrimoniaux qui pourraient être mis à leur disposition.

Évidemment, dans le cas des écoles ou dans le cas de l'enseignement, disons, populaire, si l'on veut, ou de l'enseignement de masse, un autre avantage d'un accès généralisé ou d'un accès largement accompli aux inforoutes, c'est dans le domaine des bibliothèques et aussi dans le domaine de l'enseignement, comment dirais-je, postscolaire. On peut facilement le voir dans certaines bibliothèques à Montréal ou ailleurs au Québec, que déjà cette technologie est actuellement de plus en plus utilisée, avec les bénéfices que peuvent en retirer les utilisateurs.

(11 h 20)

Donc, il y a, du point de vue social, c'est-à-dire du point de vue de l'accès des citoyens de toute catégorie à ces technologies, un avantage à ce que l'État soutienne la diffusion de ces technologies. Et, comme je l'ai mentionné dans la conférence de presse que nous avons eue à l'occasion du lancement du rapport, il y a évidemment, pour le citoyen, le citoyen ordinaire, le citoyen individuel, indépendamment de sa catégorie sociale d'appartenance, un bénéfice à retirer de l'accès à cette technologie, puisque c'est une façon pour lui d'accroître ses capacités, d'accroître son pouvoir de faire, de s'informer et de réaliser certaines choses.

C'est tout de même assez étonnant – je vais vous donner un exemple parce que c'est une chose qui, moi, m'intéresse – que, pour quelqu'un, par exemple, qui, même pour en faire un hobby ou à titre d'amateur, s'intéresse à des études sur la Chine, il y a actuellement sur Internet des sites qui sont extrêmement utiles pour qui veut s'informer sur la poésie chinoise, sur la peinture chinoise. Il y a des tas de professeurs d'université, à la fois américains, anglais, australiens et français, qui mettent à la disposition de l'internaute ordinaire des informations extrêmement précieuses sur des sujets auxquels on peut s'intéresser sans être nécessairement un spécialiste de la chose. Il n'est pas nécessaire d'être un sinologue professionnel pour pouvoir s'informer au site du professeur Tseung de l'Université de Rochester, pour pouvoir s'informer sur un grand nombre de choses qui ont à voir avec la culture traditionnelle chinoise.

C'est donc pour l'individu une technologie qui lui permet d'augmenter son pouvoir: son pouvoir d'information, son pouvoir de décision, son pouvoir d'éducation, et, de ce point de vue, nous avons pensé évidemment qu'il était très important pour la commission de s'assurer que la technologie soit connue, que la technologie soit acquise au mieux possible et que, finalement, on puisse aussi la diffuser le plus largement dans l'espace public.

Il y avait évidemment une autre considération qui, là, est vraiment propre, est propre au Québec et qui a retenu beaucoup de temps durant nos réflexions. Je ne voudrais pas, M. le Président, paraître trop savant dans ce domaine-là, mais il s'agit évidemment d'un domaine de ma spécialité. C'est clair que, si nous avions décidé de ne pas agir en cette matière, nous prenions un risque linguistique et culturel. Mais, du point de vue linguistique, il y a ici une notion qui est très utile, c'est la notion de diglossie, notion qui renvoie à la situation où des langues qui sont en concurrence se trouvent par ailleurs dans des situations d'inégalité qui les amènent, qui les entraînent à des différentiations de prestige. Donc, on se retrouve devant des langues hautes et des langues basses, des langues supérieures et des langues inférieures.

Il est évident que, dans le cas qui nous intéresse, si nous devions, nous, francophones, nous abstenir de nous inscrire pleinement sur ces nouveaux réseaux d'information, ça aurait des conséquences considérables sur l'image, l'image publique, sur la représentation publique, que nous donnerions de notre langue à l'échelle internationale. On sait déjà que le réseau est très largement occupé, à 95 %, un peu plus ou un peu moins, par de l'information qui nous vient surtout des États-Unis. Donc, de là le besoin, l'urgence, comme on le dit à maintes reprises dans le rapport, pour les pays francophones, pour les États francophones, au sens où on l'entend dans la francophonie internationale, de collaborer afin de s'inscrire ensemble dans cette technologie, en particulier du point de vue des contenus qui seront alors véhiculés.

Donc, en d'autres mots, agir ou ne pas agir pourrait-il dans ce cas-ci contribuer à mettre en danger des valeurs collectives que l'État a le devoir de protéger, d'assurer et de réaliser? Je pense que le rapport en témoigne abondamment. C'est-à-dire que, dans le cas de cette valeur qui est celle d'assurer la pérennité, qui est celle d'assurer la diffusion, le prestige, le rayonnement de la langue française, en plus du rayonnement de la culture française et de la civilisation française, il est bien évident qu'il y a là une occasion à ne pas manquer et une occasion que nous aurions manquée en nous pénalisant et en prenant le risque de courir un grave danger.

Donc, il faut éviter à tout prix, pas parce qu'on est frileux et qu'on a l'impression d'être possédés par quelque formule d'impérialisme ou de colonialisme quelle qu'elle soit, mais tout simplement parce qu'on est fiers de ce dont nous sommes capables du point de vue culturel et linguistique... Il faut absolument nous assurer d'une présence qu'on pourrait qualifier d'optimale au sein de ces réseaux de sorte que nous soyons de plus en plus capables d'y être actifs non seulement en tant que locuteurs d'une langue particulière, mais aussi en tant que porteurs d'une culture, d'une civilisation particulière, et qui s'étend, évidemment, bien au-delà de la langue comme telle. Et, dans ce sens-là, je pense que le rapport de la commission fait preuve d'une belle sagesse lorsqu'il recommande, M. le Président, que, en plus de nous inscrire comme francophones sur ces réseaux, nous nous y inscrivions en collaboration avec d'autres locuteurs d'autres langues.

C'est clair que, à l'échelle du continent nord-américain, il serait tout à fait opportun qu'on essaie de s'y inscrire en collaboration avec nos partenaires hispanophones, lusophones, et d'autres partenaires de toutes espèces d'autres langues qui pourraient faire partie de notre espace de communication habituel et qui vont devenir de plus en plus partie de notre espace de communication habituel, compte tenu de l'ouverture des frontières de la... même plus que de l'ouverture des frontières, que de l'abattement des frontières dont on est témoins. Et, dans ce sens-là, je pense que le rapport de la commission s'inscrit dans la politique linguistique du Québec qui vise de plus en plus à s'asseoir sur des alliances interlinguistiques en vue d'assurer la plus large utilisation, le plus large rayonnement de la langue française. Et, quand je parle de la langue française ici, je ne parle pas exclusivement d'une langue française qui serait une langue française abstraite, une langue française standard. Je parle de la langue française du Québec.

Je pense que nous devons donc nous inscrire sur ces réseaux à partir de notre propre variété linguistique, de la variété linguistique qui est la nôtre. Évidemment, du point de vue, disons, de l'essentiel des signes diacritiques, comme on les appelle, ou des marqueurs linguistiques qui sont ceux du français standard, il ne fait aucun doute que nous ne pourrons pas nous différencier appréciablement de ce point de vue là. Mais je pense qu'il est important que nous inscrivions sur ces réseaux notre langue à travers notre littérature nationale et qu'on arrive donc à se faire mieux connaître, à faire mieux connaître nos artistes. Et, de ce point de vue là, je pense que, si l'État n'est pas appelé à jouer un rôle prépondérant, il doit, bien sûr, comme le veut le rapport de la commission, jouer un rôle stratégique. L'État doit être en mesure de s'inscrire là où il se sent le mieux capable de marquer des points et, évidemment, de faire avancer les choses.

Donc, je le répète, M. le Président, il y avait vraiment deux enjeux fondamentaux, un enjeu proprement social, un enjeu social au sens où nous souhaitions que cette technologie donne lieu ou soit l'objet d'un accès le plus universel, le plus général au sein de la société, donc dans le but de prévoir, comme je l'ai mentionné tantôt, l'inégalité, les inégalités sociales qui sont, comme on le sait, dans bien des cas, dans bien des sociétés occidentales actuelles, en train de réapparaître sous toutes sortes d'autres formes...

Parce qu'il faut bien savoir, M. le Président, que, si les nouvelles technologies, si l'évolution technologique, si le progrès technologique, comme on en parle maintenant, est source d'émancipation humaine, il est aussi source d'inégalités sociales parce que ce ne sont pas tous les citoyens, toutes les catégories de citoyens qui ont la même capacité de pouvoir y accéder. Et, dans ce sens-là, il y a des recommandations du rapport qui sont extrêmement pertinentes. Je pense, par exemple, à ce que nous avons recommandé au sujet de l'adaptation de cette technologie dans le contexte de l'analphabétisme contemporain ou de l'adaptation de la technologie dans le contexte de certaines catégories de citoyens qui sont moins utilisés... moins équipés que la moyenne pour pouvoir utiliser cette technologie.

(11 h 30)

Donc, il y a eu, dans notre rapport, une volonté de justifier l'intervention du gouvernement du point de vue d'un objectif que j'ai appelé par moments un objectif d'«empouvoirement» individuel, de mettre en puissance, d'augmenter la puissance des individus, la capacité d'action des individus, ce que les Américains appellent «empowerment» et pour lequel on n'a pas encore, à ma connaissance, trouvé d'équivalent satisfaisant en français. Donc, il y avait un objectif de mobilisation de la société et de ses composantes sociales et individuelles vers cette technologie qui fait, bien sûr, partie d'une situation actuelle où, à la fin du XXe siècle, on se retrouve devant des leviers très importants à la fois du point de vue de l'avenir des collectivités, de l'avenir des individus. Et je n'ai pas besoin de me répéter là-dessus, M. le Président.

Il y a un autre objectif, je le mentionne, qui était aussi très important – c'est celui que j'ai souligné tantôt – à savoir un objectif culturel et un objectif linguistique. Dans notre cas, évidemment, on ne pouvait pas faire l'économie de ces objectifs-là parce que ça fait partie du projet québécois dans ce qu'il a de plus distinctif, à savoir celui d'assurer le rayonnement le plus étendu et le plus efficace de notre langue et de notre culture. Donc, la Commission a fait beaucoup de recommandations là-dessus. Je dois aussi ajouter, M. le Président, qu'il faut aussi reconnaître que nous sommes particulièrement bien placés pour réussir à assumer ce rôle et réussir à atteindre ces objectifs.

Je prenais connaissance récemment du Profil financier du Québec de mai 1997 dans lequel on nous informe, à propos de l'économie moderne et dynamique du Québec, de l'importance qu'y occupent les entreprises qui sont des leaders en matière de technologie de pointe. On mentionne par exemple que, en matière de technologie de l'information, l'économie québécoise est évidemment une économie qui témoigne de capacités avant-gardistes. On a chez nous 3 400 entreprises dans les technologies de l'information, selon le rapport, et on a évidemment des leaders mondiaux de cette nouvelle économie du savoir et de l'information que sont évidemment Nortel, IBM Canada, Softimage, CGI, Téléglobe Canada, Matrox électronique, et j'en passe.

Comme le veut le rapport, si on peut concevoir et si on peut mettre en application un partenariat actif, effectif et agissant entre ces entreprises qui ont un leadership en la matière et le gouvernement – et je ne parle pas seulement du gouvernement du Québec, je pense qu'il faut aussi envisager la possibilité d'une... Déjà, on sait qu'il y a des collaborations qui se font avec le gouvernement fédéral. Donc, on peut fonder sur un large partenariat de gouvernements, d'États, d'entreprises et aussi de groupes de citoyens, de groupes professionnels, on peut évidemment fonder l'espoir que les deux objectifs que j'ai mentionnés tantôt pourraient être largement atteints, et à l'intérieur d'un échéancier qu'on pourrait qualifier de raisonnable.

Donc, nous avons très certainement des atouts considérables en la matière étant donné certaines caractéristiques de l'économie québécoise – je l'ai mentionné tantôt lorsque j'ai cité des leaders mondiaux dans le domaine des télécoms – mais on peut aussi, parce que ces technologies sont très activement utilisées dans ces domaines, mentionner la force de l'économie du Québec en matière d'aérospatial. Je pense, par exemple, à des entreprises aussi avant-gardistes dans ce domaine-là que Spar Technology, qui est vraiment très impliquée dans tout le domaine du développement des satellites ou des communications sans fil à travers satellites, et qui, donc, sont en plein dans le jeu du progrès technologique dont on parle maintenant. Je peux aussi parler de CAE, de Canadian Aviation Electronics, où il se fait également des choses très importantes.

Donc, le Québec est particulièrement bien doté, particulièrement bien équipé, pour pouvoir agir comme un partenaire que je qualifierais d'avant-gardiste dans le domaine qui nous intéresse. Et c'est évidemment parce que la commission était consciente de ces atouts qu'elle a voulu, dans un rapport, en arriver à près d'une cinquantaine de recommandations qui, dans bien des cas, sont extrêmement ambitieuses non seulement en matière de gouvernement, mais en matière de partenariat, de coopération entre l'État, les entreprises, les associations et les citoyens individuels. Donc, une étroite collaboration avec tous les partenaires – c'est très bien marqué dans le document – avec nos partenaires internationaux francophones, d'une part, mais également avec ces partenaires qui souhaitent inscrire leur culture et leur langue dans le grand mouvement du changement technologique qui fait partie évidemment des grandes mutations auxquelles nous assistons – et il ne faut pas y assister passivement, il faut y participer – à la fin du XXe siècle.

Je l'ai mentionné, les avantages comparatifs du Québec, M. le Président, sont nombreux et divers. Nous possédons évidemment, au Québec et au Canada – parce que, au Canada, au niveau de l'État fédéral, il s'est aussi fait une réflexion extrêmement importante sur cette question des inforoutes – des avantages comparatifs qui sont remarquables et sur lesquels on peut s'appuyer pour aller de l'avant et espérer réussir à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

En terminant, M. le Président, j'aimerais mentionner tout de même un aspect de cette commission-là. Ce n'est peut-être pas original puisque, pour ceux qui sont des parlementaires d'expérience et qui ont plus d'expérience en matière de commissions parlementaires que moi, c'est peut-être – comment dirais-je – la façon normale de procéder, mais ce qui assez extraordinaire dans cette commission-là, c'est que nous ayons pu travailler ensemble, à la fois du côté des membres du gouvernement et du côté des membres de l'opposition, dans un climat de convivialité, de coopération, de bonne entente et qu'on en arrive, donc, finalement à un rapport qui est un rapport unanime et qui, je pense, reflète, mais reflète entièrement, les positions de chacune des parties dans ce débat.

Évidemment, ce qui est remarquable ici, c'est que nous n'avons pas, à aucun moment, je pense, de ces travaux, été empêchés d'avancer par des – comment dirais-je – obstacles partisans. Nous avons été motivés, de part et d'autre, par une volonté de réaliser ce qu'on peut appeler notre vocation de politicien. C'est beaucoup plus de politique qu'il s'agit au cours de ces délibérations, de ces débats que de partisanerie. Et ça n'est pas, évidemment, le cas de toutes les commissions parlementaires, M. le Président. J'en ai vécu une autre où nous étions peut-être à l'extrême de cette situation-là pour toutes sortes de raisons. Mais je pense que, dans ce cas-ci, puisque c'est l'intérêt supérieur d'un aspect fondamental de l'identité québécoise qui est en cause et de l'identité française des francophones qui est en cause, les parlementaires qui ont fait partie de la commission se sont rapidement ralliés et bienveillamment ralliés autour des mêmes objectifs communs, qui sont ceux que j'ai mentionnés tantôt. Et je peux vous dire, M. le Président, que nous avons pour cette raison réalisé un travail qui me paraît valable et qui m'apparaît extrêmement important.

(11 h 40)

Il faut évidemment mentionner, M. le Président, que cette commission, n'ayant pas pu siéger éternellement, est là pour jeter, jusqu'à un certain point, des jalons d'une réflexion plus globale sur le développement de ces technologies et leur inscription dans l'ensemble social auquel on appartient. Il y aurait évidemment des aspects de la réflexion sur lesquels nous aurions aimé passer davantage de temps ou sur lesquels nous aurions aimé approfondir mais, compte tenu des contraintes, il nous a fallu évidemment s'en tenir à certains éléments qui, dans certains cas, pourront donner l'impression au lecteur qu'il y a – comment dirais-je – un ton d'incomplétude là-dedans. Il y a évidemment une réflexion qui n'est pas terminée, il reste une réflexion ouverte, mais cette réflexion pourrait évidemment se continuer dans d'autres contextes. Ce qui était d'abord la priorité de la commission, comme je l'ai mentionné tantôt, il s'agissait de savoir au juste pourquoi il était opportun de recommander d'agir. Mais on s'est vite rendu compte que ce qui devait être notre autre priorité, c'était plus de définir de grandes orientations dans la matière que d'en arriver à une politique gouvernementale.

Les éléments de la politique gouvernementale sont présents. Ils sont tous là, mais il reste à aller plus loin et à passer du stade de la présentation des grandes orientations d'une politique à l'élaboration d'une politique avec toutes les spécificités, tous les détails qui découlent de ce travail. Donc, il y a eu des commentaires qui ont été faits dans la presse à ce sujet, où certains journalistes ou certains éditorialistes auraient, je pense, souhaité que nous allions plus loin dans la spécification des éléments d'une politique qui pourrait être rapidement adoptée par le gouvernement. Mais je pense que ça aurait été nous demander de faire plus et de faire, jusqu'à un certain point, ce qu'une commission parlementaire ne peut pas espérer réaliser avec succès.

Il faut aussi mentionner, M. le Président, en terminant que, pour les parlementaires – enfin pour moi et je pense que je peux le dire au nom de mes collègues qui ont participé à cette commission – ça a été pour nous toute une éducation parce que pour certains d'entre nous ça a été l'occasion de se mettre un peu à la pratique de la technologie. Mais, pour la grande majorité d'entre nous, ça a été aussi l'occasion d'entrer en contact avec des personnes qui ont voulu généreusement venir témoigner devant nous et qui, dans certains cas, dans beaucoup de cas devrais-je dire, étaient des gens dont les connaissances sur cette technologie étaient très pointues, très spécialisées. Et, sans vouloir mentionner de nom en particulier, je pense que c'était un privilège pour nous de pouvoir assister et participer à des discussions qui par moment nous mettaient en contact avec les meilleurs experts sur la question. Ça pouvait être à la fois des propos qui étaient des propos techniques; ça pouvait être à la fois aussi des propos qui étaient d'une nature plus philosophique.

Je veux donc en terminant, M. le Président, remercier, au nom de l'opposition officielle, toutes ces personnes, toutes ces associations, tous ces groupes, toutes ces entreprises qui ont bien voulu se présenter devant nous et nous faire profiter de leur savoir et de leur expérience. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Outremont. Ceci complète le temps de parole alloué au débat sur la prise en considération du rapport de la commission de la culture qui a tenu des consultations particulières le 6 avril 1995 et une consultation générale en octobre 1996 dans le cadre de son mandat d'initiative sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise. Ce rapport, déposé le 27 mai 1997, contenait des recommandations. Est-ce que le rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 2 de notre feuilleton.


Prise en considération du rapport de la commission qui a entendu le sous-ministre des Affaires municipales et le secrétaire du Conseil du trésor conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 2 de notre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'administration publique qui a siégé le 14 mai 1997 afin de procéder à l'audition du sous-ministre des Affaires municipales et, le 21 mai 1997, à l'audition du secrétaire du Conseil du trésor en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. Ce rapport, déposé le 3 juin 1997, contient des recommandations.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 de notre règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures, et aucun amendement n'est recevable. J'ai tenu une réunion avec les leaders et je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la durée de ce débat restreint. Cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants. Les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes ou par les députés indépendants pourra être redistribué équitablement entre les deux groupes parlementaires. Enfin, les interventions ne seront soumises à aucune limite. Alors, je suis maintenant prêt à céder la parole au député de La Peltrie. M. le député.


M. Michel Côté

M. Côté: Merci, M. le Président. Le 10 avril 1997, l'Assemblée nationale modifiait son règlement sur la base d'une expérience-pilote afin de créer la commission de l'administration publique et de lui confier un double mandat. Le mandat comprenait, d'une part, que la commission aurait à vérifier les engagements financiers de tous les ministères et des organismes publics dont les crédits sont adoptés par l'Assemblée nationale. Elle prenait ainsi la relève des huit commissions sectorielles qui exerçaient cette fonction depuis 1984. Alors, au 31 mars 1997, la nouvelle commission héritait ainsi d'un carnet de commandes comportant plus de 12 000 engagements financiers de 25 000 $ et plus à vérifier.

D'autre part, la commission se voyait également confier la responsabilité d'entendre chaque année le Vérificateur général sur son rapport annuel, ainsi que les sous-ministres et les dirigeants d'organismes publics afin de discuter de leur gestion administrative, conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Il s'agit là, M. le Président, de toute évidence, d'un contrat difficile à remplir avant le 22 octobre, date de l'échéance de l'expérience-pilote. La commission a donc décidé de concentrer ses travaux sur un certain nombre de ministères et organismes qui ont récemment fait l'objet d'observations de la part du Vérificateur général, dans la mesure où ces observations sont de nature administrative: l'application des politiques et des programmes, et non leur bien-fondé ou leurs orientations politiques. Je pense qu'il faut que ce soit très clair de ce côté-là, M. le Président.

La commission s'est donné un mode de fonctionnement qui s'articule autour du dépôt du rapport du Vérificateur général, et ça, deux fois par année, c'est-à-dire en juin et en décembre. Ainsi, elle entend fonctionner selon un cycle semestriel qui l'amènera à se saisir des observations qui sont contenues dans le rapport du Vérificateur général. Et, ainsi, au cours du deuxième cycle, on va également procéder de la même façon. Donc, de rapport en rapport, on va faire l'analyse des recommandations du Vérificateur général, et ensuite la commission va entendre soit les ministères ou les organismes concernés.

(11 h 50)

C'est ainsi que, pour notre premier rapport qui a été déposé récemment, en juin 1997, la Commission a choisi d'approfondir deux chapitres du tome I, c'est-à-dire le programme de Travaux d'infrastructures Canada-Québec, et aussi ce qui a trait, par exemple, à la gestion de l'assurance-traitement au niveau des secteurs public et parapublic. Alors, ce sont les deux éléments sur lesquels nous nous sommes penchés dans nos travaux de première instance.

La commission s'est donné l'objectif de faire la lumière sur les déficiences signalées dans le rapport du Vérificateur général en faisant témoigner le sous-ministre responsable devant la commission. La commission s'est également donné pour but de se prononcer sur chacun des problèmes qui ont été identifiés dans le rapport du Vérificateur, ainsi que les recommandations qui y sont faites. Elle entend, de plus, assurer un suivi sur ces rapports, et des correctifs seront exigés des administrateurs publics, d'une année à l'autre, dans la mesure où l'expérience-pilote est jugée pertinente par l'Assemblée nationale et reconduite ou rendue permanente. En ce sens, la commission entend démontrer son utilité d'ici le 22 octobre prochain.

Alors, je voulais toucher, en particulier, M. le Président, la partie de la gestion de l'assurance-traitement. Le gouvernement du Québec pratique l'autoassurance dans le domaine de l'assurance-traitement liée à l'absentéisme pour raisons médicales. Les employeurs des secteurs public et parapublic verseront annuellement au moins 250 000 000 $ en prestations d'assurance-traitement à leurs employés. Ça, c'est versé annuellement en matière d'assurance-traitement.

Le Vérificateur général a conduit une étude d'envergure gouvernementale sur, justement, la gestion de l'assurance-traitement dans les secteurs de la fonction publique, des commissions scolaires et aussi de la santé et des services sociaux à partir d'une méthode d'échantillonnage statistique. Donc, 378 dossiers d'employés ayant bénéficié de prestations ont été examinés. La méthode employée permet d'extrapoler les résultats de l'étude à l'ensemble de l'assurance-traitement versée. Pour cette étude, la vérification portait principalement sur l'information concernant l'admissibilité à l'assurance-traitement, la justification de la période d'invalidité, l'évaluation par l'employeur des possibilités de réadaptation et de retour progressif au travail, l'exercice de la responsabilité du Secrétariat du Conseil du trésor, du ministère de la Santé et des Services sociaux et du ministère de l'Éducation, et s'assurer que les employeurs gèrent efficacement l'assurance-traitement. Bien sûr, il y a des déficiences qui ont été observées, donc nous les avons analysées et nous en avons pris connaissance.

L'examen des dossiers a révélé que la qualité de la gestion des dossiers varie d'un ministère à l'autre et aussi d'un dossier à l'autre. Ainsi, 123 dossiers sur 378, soit le tiers, ne contenaient pas toutes les informations nécessaires pour étayer le droit à l'assurance-traitement et justifier la période d'absence ou d'invalidité. L'échantillonnage statistique employé permet au Vérificateur général d'estimer que 68 000 000 $ de prestations d'assurance-traitement n'étaient pas justifiés par une information suffisante au dossier. Donc, en tant que député ou en tant que citoyen, lorsqu'on voit que 68 000 000 $ auraient pu être versés sans preuve de justification, bien là ça nous allume un peu le sentiment de voir encore plus en profondeur en termes de gestion des dossiers de l'assurance-traitement en particulier.

Donc, les principales lacunes constatées dans les dossiers non conformes sont, par exemple: des dossiers où il y avait absence de certificat médical, des diagnostics non admissibles, des informations médicales non suffisantes pour justifier la période allouée, la non-utilisation de mesures de réadaptation, de retour progressif au travail. Ainsi, dans plusieurs cas, l'employeur ne s'est pas prévalu de son droit d'exiger les informations nécessaires.

Le Vérificateur général a également constaté que des employeurs utilisent le régime d'assurance-traitement à des fins autres que celles auxquelles elles ont été prévues. Certains s'en servent pour conclure une entente antérieure à la retraite. D'autres l'utilisent comme une stratégie administrative pour régler des problèmes de gestion de personnel, par exemple, le harcèlement ou les conflits de personnalité.

Le Vérificateur général n'a pas retracé non plus de programme de formation gouvernemental qui porterait sur la gestion efficace de l'assurance-traitement. En somme, le Vérificateur général conclut qu'il y a un manque d'uniformité et de rigueur dans la gestion de l'assurance-traitement.

En conséquence, le Vérificateur général a recommandé au Secrétariat du Conseil du trésor certaines mesures qui pourraient amener à apporter les correctifs nécessaires et aussi de sensibiliser les employeurs afin qu'ils améliorent leur gestion de l'assurance-traitement. Alors, les événements qui ont été soulevés justement en vue d'apporter les correctifs nécessaires sont l'évaluation de leur performance, le resserrement des contrôles relatifs à l'admissibilité, l'instauration ou l'amélioration de programmes de réadaptation et de retour progressif au travail, l'élaboration de contrôles efficaces afin de coordonner le régime de l'assurance-traitement à celui du Régime de rentes du Québec.

Cependant, lorsque le secrétaire du Conseil du trésor s'est présenté devant la commission de l'administration publique, il nous a annoncé quand même qu'il y avait certaines mesures qui étaient déjà mises de l'avant pour apporter ces correctifs, et j'en cite quelques-unes. Le secrétaire du Conseil du trésor, d'abord, reconnaît que c'est l'employeur qui est le plus apte à administrer les régimes d'assurance-traitement. C'est une de ses responsabilités, et il doit l'assumer au même titre que n'importe quel autre secteur qu'il doit gérer à l'intérieur de sa fonction. Dans cette optique, le secrétaire du Conseil du trésor a exposé les cinq axes de l'action entreprise au cours des derniers mois, qui sont, d'abord, la responsabilisation des secteurs. Ensuite, il y a aussi la coordination intersectorielle; il y a un comité qui a été mis sur pied, dont le mandat est de définir les orientations et aussi d'établir les indicateurs qui vont permettre d'analyser et d'évaluer la gestion de ces dossiers-là. Également, il y a l'aspect formation; elle sera soutenue par le biais d'une aide financière. Il y a le développement prioritaire d'indicateurs de gestion. Il y a le soutien financier en regard de la formation, par le biais d'un projet-pilote comme le Bureau de la santé et de la sécurité au travail de l'Outaouais, actuellement; il y a un projet-pilote qui a été mis sur pied, et on voit déjà les résultats positifs face à la mise sur pied d'un tel bureau, qui pourra, par la suite, être instauré en permanence.

La commission a pris acte que les représentants du Secrétariat du Conseil du trésor et des secteurs reconnaissent l'existence d'un problème de gestion dans l'assurance-traitement. Elle constate qu'il y a au moins deux axes sur lesquels il est possible d'agir ou de travailler, soit les paramètres du régime ou bien sa gestion. Alors, c'est les deux axes où on peut travailler.

(12 heures)

Alors, la commission prend acte également des orientations qui sont annoncées afin d'améliorer la gestion de l'assurance-traitement. Elle entend suivre ce dossier afin de vérifier les progrès réalisés vers une meilleure gestion. Alors, les membres de la commission se sont montrés fort inquiets. C'est que le régime d'assurance-traitement puisse être utilisé à d'autres fins que celles qui ont été initialement prévues afin de favoriser le départ à la retraite ou de régler des problèmes de gestion. Alors, ça, les membres de la commission se sont montrés fort inquiets de cette constatation-là qui a été faite de la part du Vérificateur général. Ça a été discuté également avec le secrétaire du Conseil du trésor, et des mesures seront certainement entreprises dans ce domaine.

Après un mois d'existence, M. le Président, la commission ne prétend pas avoir développé une expertise suffisante pour affirmer que ses conclusions et ses recommandations soient impératives. Consciente de son rôle, cependant, elle entend poursuivre sa surveillance des dépenses publiques et de la gestion des programmes gouvernementaux avec un oeil critique, sans complaisance ni préjugé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de La Peltrie. Nous allons maintenant céder la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député et président de la commission.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Alors, fort brièvement, puisque mon collègue le député de La Peltrie et vice-président de la commission a déjà mentionné une bonne partie du contenu du rapport que nous avons déposé hier.

Les membres de la commission de l'administration publique, M. le Président – et mon propos ne s'en tiendra qu'à un propos de forme, compte tenu du travail qui a été effectué et de celui qui sera effectué... Le rapport de la commission de l'administration publique a été soumis hier, M. le Président, suite à une décision que nous avions prise collégialement à notre commission à l'effet de déposer notre rapport avec les recommandations que nous y retrouvons – comme l'a mentionné le député de La Peltrie – à la veille ou le plus près possible du dépôt du rapport du Vérificateur général. Pourquoi? Parce que les travaux de notre commission, M. le Président, doivent s'articuler au niveau du rapport du Vérificateur général de façon à pouvoir nous permettre d'explorer davantage et plus profondément les propositions, les suggestions ou même les recommandations qui sont faites par le Vérificateur général dans son rapport.

Alors, dans notre rapport déposé hier, vous retrouverez des éléments qui ont été décidés ensemble en commission sur des sujets qui touchaient le rapport du Vérificateur général déposé en décembre dernier. Nous n'avions pas beaucoup de temps – comme l'a exposé le député de La Peltrie – pour faire en sorte de déposer ce rapport avant le dépôt du rapport du Vérificateur général, qui s'est fait, lui, aujourd'hui.

Alors, nous l'avons fait hier de façon à nous permettre, d'abord en comité directeur, le vice-président et moi-même, de choisir les éléments que nous trouverions peut-être les plus dynamiques dans le rapport du Vérificateur général, déposé aujourd'hui, pour que notre commission puisse continuer ses travaux, puisse continuer son exploration dans les mois à venir, de façon à ce que nous puissions déposer un nouveau rapport, comme celui que nous avons déposé hier, mais là avant le dépôt du rapport du Vérificateur général qui se fera au début de décembre. Alors, nous avons l'intention de nous articuler sur le rapport du Vérificateur général et de nous servir, comme toile de fond, de ce rapport de façon à ce que nos travaux comme commission puissent s'élaborer de la façon la plus harmonieuse possible.

Je voudrais remercier les membres de la commission, la députée de Vanier, le député de La Peltrie, le député de Roberval, le député de Lévis, le député de Verdun, le député de Robert-Baldwin, qui ont travaillé sur le rapport de cette commission, et en même temps, M. le Président, je vais laisser mes collègues des deux côtés de cette Chambre – il y a le député d'Ungava, aussi, que je ne voudrais pas oublier – continuer à vous exposer les éléments les plus importants des recommandations que nous avons formulées hier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis et président de la commission. Nous allons maintenant céder la parole au député de Roberval. Alors, M. le député.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président, de me donner la parole sur ce dossier qui est fort important, d'après moi, pour l'avenir de l'administration publique. Je crois que cette nouvelle responsabilité que nous avons donnée à la commission va permettre à tous et chacun qui sont aux différents paliers de décision de prendre une responsabilité vraiment imputable face à la collectivité, face aux citoyens qui sont taxés, pour administrer, pour gérer les différents services gouvernementaux. Je crois que l'imputabilité des élus doit se transmettre, doit se transférer aux paliers administratifs du gouvernement et rendre responsables tous les fonctionnaires face à l'application, face à la mise en place des différents programmes gouvernementaux.

Et Dieu sait si le programme d'infrastructures du municipal qui a été donné en 1994, qui a été mis en place en 1994, nous a permis de réfléchir ensemble sur les différentes alternatives, sur les différents objectifs aussi du programme et aussi sur les différentes lacunes. Je pense que le Vérificateur général a bien identifié certaines lacunes qu'il y avait à l'intérieur du programme d'infrastructures qui pouvaient mettre en évidence certaines équités qu'il y avait à l'intérieur du programme.

Entre autres, lorsqu'on parle des seuils d'immobilisations au niveau municipal, je crois que l'objectif était bon, mais, par contre, ça a peut-être permis à certaines municipalités d'en avoir plus que d'autres, parce que le seuil était établi sur les investissements qu'elles avaient les années antérieures. Mais, à l'intérieur de ces investissements-là, il y avait des subventions qui étaient données. Donc, la mise de fonds de la municipalité était moindre que le projet global. Si une municipalité avait un investissement d'au-delà de 150 000 $, 200 000 $, eh bien, je pense qu'à ce moment-là, s'il y avait une subvention qui était allouée, on aurait dû mettre le seuil d'investissement de la municipalité à 150 000 $, ce qui lui aurait permis d'avoir accès au programme d'infrastructures de façon plus généreuse.

C'est bien sûr que, dans le programme, le volet II, il y avait quand même un programme où il y avait une enveloppe de 50 000 000 $. Maintenant, au niveau des engagements que le gouvernement avait pris à ce moment-là, je pense que les demandes dépassaient les 75 000 000 $. C'est bien évident qu'il y a eu certaines coupures qui ont dû être faites. Il y a eu des critères qui ont dû être renforcés afin peut-être d'éliminer certains projets qui étaient moins structurants les uns que les autres. Mais je pense qu'en principe le programme d'infrastructures est un bon programme pour les municipalités, est un bon programme également d'une relance économique.

Quand on sait qu'en 1982, à la crise économique de 1982, le Programme d'assainissement des eaux était venu vraiment relancer l'économie des régions, surtout l'économie des municipalités et l'économie globale du gouvernement, c'est bien sûr que cet investissement de tout près de 4 000 000 000 $ qui s'est fait dans les programmes d'infrastructures, en collaboration étroite avec les différents paliers de gouvernement, a suscité beaucoup d'intérêt.

Et peut-être que les objectifs n'étaient pas suffisamment clairs. Je pense que le Vérificateur souligne également que, pour ce genre de programme là, on devrait d'abord émettre des objectifs bien précis, également émettre des règles d'évaluation des travaux qui sont faits et d'évaluation des résultats économiques également. On n'a pas encore chiffré, je pense, l'effet positif, jusqu'à un certain point, de la création d'emplois à partir des programmes d'infrastructures, et Dieu sait s'il y en a, mais ils n'ont pas encore été identifiés de façon précise.

(12 h 10)

En ce qui regarde les documentations, en ce qui regarde les contrôles également du programme d'infrastructures, on constate que, par exemple, ce n'est pas toutes les exigences des pièces au dossier... Le Vérificateur a remarqué que ce n'est pas tout le monde qui avait fourni toutes les pièces au dossier qui pouvaient vraiment rendre efficace le contrôle des argents qui avaient été dépensés... et également autoriser des paiements qui n'avaient pas toutes les pièces qui étaient exigées au dossier. Encore là, viennent à l'encontre les stratégies de vérification. Je pense qu'il faut bien identifier ces stratégies de vérification dans ce genre de programme.

Vous avez également les recommandations qui ont été faites de la part du Vérificateur général qui ont suscité beaucoup d'intérêt au niveau de la commission, au niveau de la discussion de la commission.

Le non-respect de certaines dispositions de l'entente Canada-Québec concernant la détermination des seuils, comme je le disais tout à l'heure, eh bien, peut-être que certaines municipalités ont été pénalisées à cause de ce non-respect là. Ce n'est peut-être pas de la mauvaise foi, mais, par contre, c'est parce que ce n'était pas assez précis au point de départ.

L'absence apparente de justification pour la sélection de certains projets ou pour la révision à la baisse des seuils lorsque le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire prévu à l'entente. Alors, c'est bien évident que, lorsque la municipalité redemande une évaluation des seuils, le ministre a à se prononcer sur l'argumentaire des municipalités. Et ce n'est pas toutes les municipalités qui ont le personnel, qui ont les ressources nécessaires pour vraiment mettre en valeur, mettre en évidence, pour justifier vraiment que leur seuil est peut-être trop élevé. Donc, elles sont pénalisées par le fait même.

Un manque de précision dans les règles et les normes approuvées par le Conseil du trésor pour l'appréciation des projets d'immobilisations. C'est bien sûr que, dans certains secteurs, les projets étaient moins structurants les uns que les autres. Par contre, quand on regarde les petites municipalités, en bas de 1 000 habitants, parfois, dans certains cas, vous savez, les projets, ça ne court pas les rues et peut-être que, pour elles, des projets qui ne semblent pas structurants dans une municipalité de 10 000 âmes peuvent l'être très bien dans une municipalité de 1 000 à 1 500 âmes, ou même en bas. On constate que, dans certains secteurs, on a eu de la difficulté à justifier l'importance, les projets plus structurants les uns que les autres.

Certaines carences également dans les méthodes de vérification et de réclamation. Alors, encore là, on constate qu'on a eu des difficultés parfois à justifier des montants d'argent et à justifier peut-être vraiment une vérification appropriée aux besoins des gens du milieu.

La justification, maintenant, du pouvoir discrétionnaire du ministre. C'est bien évident que, lorsque le ministre a à trancher, dans un dossier, entre deux municipalités ou entre deux régions, c'est parfois peut-être difficile. C'est pour ça que les budgets qui sont alloués pour ce genre de dossier là, l'avantage qu'ils avaient pour le programme de 1994, c'est qu'au point de départ on donnait aux municipalités, à l'ensemble des municipalités un montant fixe par tête de population. Je pense que c'était 143 $ par tête de population.

Alors, au point de départ, la municipalité pouvait prendre le temps de préparer un bon dossier, prendre le temps d'établir ses priorités et présenter un dossier qui correspondait à ses besoins, parce que, justement, son budget était arrêté au point de départ. Contrairement à celui qui est présenté cette année, dû au fait qu'on a un budget qui est quand même au-delà de 334 000 000 $... C'est très peu quand on regarde l'ensemble des demandes que nous avons. Je crois que les deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, cette année, ont fait un effort très louable pour mettre en place un programme valable, mais, quand on regarde le budget qu'il y avait en 1994, 1 500 000 000 $, et le budget de cette année, on ne peut pas faire autrement que de mettre des critères pour limiter la présentation des projets, ce qui, d'après moi, peut pénaliser certaines municipalités, parce qu'on met des critères qui peuvent les éliminer complètement du programme.

Alors, je crois que cet ensemble de programmes là est excessivement valable et je crois que le Vérificateur, qui s'est penché sur le dossier, met en évidence également, dans ses vérifications, l'équité des services qu'on va donner à la population: Le programme qu'on met en place non seulement est-ce qu'il est bien administré, mais est-ce que le service qu'il donne est équitable à l'ensemble de la population? Et je crois que le programme d'infrastructures permet de se poser un point d'interrogation sur l'équité du service qu'on donne à la population et permet de voir plus clair là-dedans afin que, dans d'autres programmes qui surviendront dans les années futures, on porte une attention particulière dans les objectifs du programme afin que l'équité soit pour tout le monde.

Alors, je crois que le Vérificateur a cette préoccupation-là et je crois que ça va nous permettre, même dans toutes sortes d'autres programmes, de surveiller le service aux citoyens. Je crois que cette nouvelle responsabilité que nous avons au niveau de l'administration publique, c'est peut-être plus nouveau un peu, mais il reste que c'est très important, parce que ça va nous permettre d'aller en profondeur dans les programmes, de les évaluer en fonction du service qu'on donne aux citoyens.

Et je crois que ce n'est pas tout d'émettre des programmes, ce n'est pas tout de faire des vérifications, mais il ne faut pas que le rapport reste sur les tablettes. Et je crois que l'objectif, à l'unanimité, c'est de permettre des recommandations qui seront appliquées par les différents ministères, qui seront appliquées par les différents paliers d'autorité et qui nous permettront d'avoir une administration beaucoup plus transparente, en termes de qualité administrative, de qualité administrative financière, mais aussi en termes d'équité envers les services à donner à nos citoyens. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Roberval. Nous allons maintenant céder la parole au député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, j'ai aujourd'hui la chance pour la première fois en cette Chambre de faire rapport à mes collègues qui ne sont pas membres de cette nouvelle commission de ce qu'est vraiment la commission de l'administration publique.

Un peu d'histoire, M. le Président. Cette commission est en réalité la résurrection de cette fameuse commission parlementaire des comptes publics, commission qui avait autrefois servi à M. Maurice Duplessis, puisqu'en 1936 les révélations qui y étaient faites avaient eu pour conséquence de le mener au pouvoir, au détriment du gouvernement de l'époque, celui de Louis-Alexandre Taschereau. Le chef de l'Union nationale avait profité des travaux de cette commission pour monter en épingle la conduite du ministre de la Colonisation, de la Chasse et des Pêcheries, M. Irénée Vautrin, qui s'était procuré aux frais des contribuables, pour moins de 10 $, des pantalons pour aller visiter les colons d'un bout à l'autre de la province.

M. le Président, le mandat de la commission de l'administration publique est double. Nous procédons à la vérification de nombreux engagements financiers et nous convoquons les sous-ministres des ministères qui ont fait l'objet d'une vérification dans le rapport du Vérificateur général. C'est donc en vertu de ce mandat que nous avons procédé, les 14 et 21 mai dernier, à l'audition du secrétaire du Conseil du trésor et du sous-ministre aux Affaires municipales, en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Je profiterai de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour remercier le président de l'Assemblée nationale, qui a profité de la réforme parlementaire pour permettre aux parlementaires, autant du gouvernement que de l'opposition, de se pencher sur la gestion de l'État. Cet exercice est des plus importants, car chaque sous qui est dépensé pour le fonctionnement de l'État provient de la poche des contribuables, qui ne peuvent se permettre de folies dans le contexte budgétaire actuel, d'où l'importance d'officialiser cette nouvelle commission.

Cette commission est en réalité un projet-pilote qui sera soumis à une évaluation en octobre prochain. Je veux témoigner du travail sérieux qui y est réalisé, et ce, par les parlementaires des deux côtés de la Chambre, de même que d'une collaboration exceptionnelle du représentant et du Vérificateur général, et je tiens par le fait même à les remercier, aussi bien mes collègues de la députation que les hauts-fonctionnaires des différents ministères de même que les représentants du Vérificateur.

Pour revenir au mandat dont il est question aujourd'hui, soit la prise en considération du rapport de la commission, j'aimerais vous faire part des recommandations qui ont émané de notre travail. D'abord, le programme d'infrastructures, deux recommandations majeures: qu'une formule établissant un seuil minimal d'immobilisations basé sur la moyenne des investissements des cinq dernières années soit rétablie dans tout programme futur d'aide financière gouvernementale aux travaux d'infrastructures des municipalités; et, la deuxième, que le ministère des Affaires municipales précise les objectifs du programme et élabore les indicateurs précis de mécanismes d'évaluation de l'atteinte des objectifs poursuivis et des mesures des résultats et des impacts du programme. Nous souhaitons que ces recommandations seront suivies par le ministre des Affaires municipales dans le nouveau programme d'infrastructures qu'on s'apprête à débuter bientôt.

(12 h 20)

Dans le deuxième dossier, nous avons eu en auditions le secrétaire du Conseil du trésor, M. Pierre Roy, qui a expliqué aux membres de la commission la gestion de l'assurance-traitement du gouvernement du Québec. Nous avons constaté que l'État verse 250 000 000 $ annuellement en prestations d'assurance-traitement liées à l'absentéisme ou pour différentes raisons médicales. Or, selon le Vérificateur général, 68 000 000 $ de ces prestations ne sont pas justifiées. Des sommes seraient utilisées pour conclure des ententes antérieures à la retraite ou pour régler des problèmes de gestion personnels. Dans le contexte actuel, avec les nombreux départs à la retraite et avec les resserrements de ce que nous appelons les enveloppes fermées, les budgets globaux, eh bien, il était essentiel de se pencher sur cette question.

Nous avons donc appris aussi que lentement mais sûrement Québec prépare le terrain en prévision de prochaines négociations dans les secteurs public et parapublic dont les conventions de travail viennent à échéance en juin 1998. L'État va demander à ses salariés de lâcher un peu de lest au chapitre de certains avantages sociaux, notamment en ce qui a trait à l'assurance-traitement, et on nous a indiqué qu'il y aurait pu y avoir dans le cadre des négociations, ou il y aura peut-être, des récupérations de l'ordre de 100 000 000 $ sur le 250 000 000 $ au chapitre d'aménagements dans les conventions collectives.

Les conventions prévoient que les syndiqués peuvent bénéficier de l'assurance-traitement pour une période d'admissibilité de deux ans. Après cette période, une compagnie d'assurances prend la relève si évidemment l'employé a pris soin de participer à un régime complémentaire de longue durée. Or, comme l'ont signalé le secrétaire du Conseil du trésor, M. Roy, et le secrétaire-adjoint aux ressources humaines, M. Charlebois, le gouvernement va certainement proposer à ses partenaires syndicaux, lors de la prochaine ronde de négociations, de réduire de deux ans à six mois les périodes durant lesquelles l'État verse de l'assurance-traitement à ses salariés. Selon les représentants du Conseil du trésor, les bénéfices accordés aux employés de l'État sont actuellement supérieurs à ceux accordés à d'autres catégories de travailleurs. Il s'agit de leur offrir des bénéfices comparables aux autres travailleurs du Québec.

Dans le passé, dans le cadre de négociations entourant la loi 102, le Conseil du trésor avait fait des représentations aux syndicats des secteurs public et parapublic dans le but de réduire les coûts de main-d'oeuvre reliés aux absences dues à une invalidité et encore de favoriser le retour au travail de l'employé dans les meilleurs délais. Même s'il n'y a pas eu de véritables négociations, on nous a indiqué qu'on n'a pas abandonné et que ces dossiers seront à l'ordre du jour bientôt.

Alors, le Vérificateur général nous souligne un certain nombre de carences à corriger. L'État a versé, en 1995-1996, 68 000 000 $ de prestations d'assurance-traitement sans que toutes les justifications apparaissent aux dossiers des bénéficiaires: absence de certificat médical, diagnostic non admissible, information médicale insuffisante ou à d'autres fins que celles prévues, comme favoriser des retraites anticipées ou acheter la paix avec certains employés.

Alors, les dirigeants ont admis qu'il y avait des carences à corriger, qu'une série de mesures avaient été prises et mises de l'avant pour mettre de l'ordre dans la gestion de l'assurance-traitement. On mise notamment sur une meilleure formation des administrateurs à la saine gestion de l'assurance-traitement. Ils ont toutefois souligné qu'il était difficile de détecter les cas où l'argent de l'assurance-traitement sert à sortir du bureau, pour le bien du climat de travail par exemple, un homme qui harcèle ses consoeurs de travail – comme le Vérificateur général l'a découvert dans ses travaux. On s'en remet donc au sens des responsabilités des gestionnaires.

Le Vérificateur général, M. Breton, a noté que, depuis le dépôt de son rapport en juin dernier, il y avait eu de grands progrès qui ont été réalisés dans la machine gouvernementale et que selon lui – je le cite – «son rapport a été bien compris».

M. le Président, je voudrais conclure à ce moment-ci d'abord, comme mes collègues l'ont mentionné, sur l'insistance que les membres de cette commission apporteront au suivi des recommandations. Ce n'était pas simplement de faire le point ou de bien comprendre ce qui se passe, mais de savoir ce que ça va donner l'an prochain. Les correctifs, est-ce qu'ils vont avoir été apportés? Et je pense que de vouloir assurer un suivi aussi important, ça démontre le sérieux de tous ceux qui travaillent sur cette commission. Alors, il y a donc un véritable désir d'améliorer la gestion des services publics mais de surveiller cette gestion et de mieux la contrôler pour le plus grand bien, je pense, des contribuables.

En terminant, mon souhait – et j'espère, celui de beaucoup d'autres – serait que cette commission puisse devenir permanente. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Nous allons maintenant céder la parole au député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: En règlement de l'alternance, est-ce que des collègues ministériels ont à intervenir?

Des voix: ...

M. Gautrin: Ah bon! Alors, s'il n'y a plus de ministériels à intervenir, je vais intervenir. Merci, M. le Président. Merci.

M. le Président, c'est une étape importante aujourd'hui que nous faisons lorsque nous débattons du premier rapport de la nouvelle commission de l'administration publique. Il y a pas mal de chemin qui a été parcouru depuis le premier rapport – et ceux qui ont un peu d'ancienneté dans cette Chambre s'en rappelleront – qui avait été le rapport sur l'imputabilité préparé suite à un mandat d'initiative que la commission du budget et de l'administration s'était donné et qui a porté le titre de rapport Lemieux-Lazure, du nom de l'ancien député de Vanier et de l'ancien député de La Prairie à l'époque. L'idée qui était derrière cela, c'était que tout le mécanisme de reddition de comptes avait besoin d'être certainement amélioré dans la fonction publique du Québec.

Il y a eu ensuite un projet de loi qui a été présenté par non pas le gouvernement, mais les députés, dont un député ministériel, qui a été le projet de loi 198 qui a porté sur l'imputabilité des sous-ministres. L'idée qui était sous-jacente derrière cela: si le Parlement veut vraiment contrôler l'administration publique, il faut en dépolitiser le contrôle, et les mécanismes d'imputabilité, c'est-à-dire de rendre compte de la chose administrative, doivent se faire non pas à travers le ministre, parce que les rapports entre parlementaires ont toujours une certaine connotation politique, mais doivent se faire entre les parlementaires et les dirigeants administratifs soit des ministres ou des ministères soit des organismes ou des sociétés d'État. C'était ce qui était sous-jacent à l'idée de la loi 198.

Depuis, on vient de créer cette commission, la commission de l'administration publique, M. le Président, qui a comme fonction, à partir, avec l'aide du rapport du Vérificateur général, d'entendre, dans cette fonction de surveillance, les différents gestionnaires de l'État et elle est en train de le faire.

Alors, comprenons-nous bien, à l'heure actuelle, quel est le mécanisme dans lequel on va procéder, dans lequel nous procédons? À partir du rapport du Vérificateur général, qui reste quand même la source principale d'information pour les parlementaires, les membres de cette commission rencontrent, à ce moment-là, les dirigeants d'organismes, que ce soient les sous-ministres ou les présidents de sociétés d'État, pour voir avec eux les éléments de leur gestion.

Il y a un élément majeur que nous tentons, à l'heure actuelle, d'établir à l'intérieur de la fonction publique québécoise, c'est cette mesure de l'efficience. Il ne faut pas prendre la commission de l'administration publique comme une chasse aux sorcières où on va essayer de découvrir ce qui ne marche pas ou le scandale qui peut, bien sûr, exister. Il faut bien qu'on comprenne que c'est relativement normal, dans un gros appareil, qu'on va trouver des éléments qui localement puissent être à caractère scandaleux. Mais ce n'est pas ça, le but, à l'heure actuelle. Le but, c'est que réellement on se donne des instruments pour mesurer l'efficience de nos structures administratives.

(12 h 30)

Alors, il va être extrêmement important que, dans chacun des programmes – et la commission a commencé et la commission va continuer – la commission se donne ça comme principe, on demande aux personnes qui viendront rendre compte devant nous quels sont les objectifs qu'ils avaient au moment où ils ont mis un programme. Un programme, c'est un programme gouvernemental. Lorsqu'on fait tel ou tel programme, et dans le rapport que nous faisons ici, nous parlons du programme d'infrastructures, bien sûr, mais aussi du programme d'assurance-traitement, lorsqu'on a mis sur pied ce programme-là, nous avions quels objectifs? Vous avez poursuivi quels objectifs? Une fois que l'administrateur a clairement établi quels étaient ses objectifs, il faut aussi qu'il se dote de mécanismes, d'instruments de gestion pour être en mesure d'évaluer jusqu'à quel point les objectifs qui étaient fixés par le programme ont été atteints. À titre d'exemple, M. le Président... La commission a écouté les gens qui ont été à même de gérer le programme d'infrastructures. Le programme d'infrastructures avait un objectif qui était celui de soutenir, d'accélérer les investissements dans les municipalités et de soutenir la création d'emplois, objectif qui était clairement établi. Par contre, on n'a jamais eu d'instrument de mesure pour voir jusqu'à quel point ce programme avait atteint son objectif, c'est-à-dire avait réellement créé de l'emploi et combien il avait réussi à soutenir la création d'emplois. C'est l'exemple parfait où les membres de la commission n'ont pas seulement à revoir la gestion du programme, mais savoir si, une fois qu'un objectif a été fixé, a-t-on le mécanisme... s'est-on doté des mécanismes pour mesurer l'atteinte de l'objectif.

Il s'adonne que dans ce programme, et ç'a été une des recommandations que nous faisions, que nous avons faites, l'évaluation du programme... Le programme a été prolongé, l'évaluation du programme n'était pas encore complètement terminée, mais nous réinsistons, comme membres de cette commission, pour que le ministère des Affaires municipales précise les objectifs du programme, c'est-à-dire qu'ils soient clairement établis, même s'ils étaient implicitement établis en termes de création d'emplois, précise l'objectif du programme et élabore des indicateurs précis et des mécanismes d'évaluation de l'atteinte des objectifs poursuivis et des mesures des résultats et des impacts du programme.

Donc, ça, c'est une ligne que nous allons constamment avoir à la commission de l'administration publique: amener les structures gouvernementales à mieux préciser leurs objectifs, savoir quels sont leurs mécanismes d'évaluation pour savoir si ces objectifs ont été atteints ou n'ont pas été atteints.

Nous avons de la même manière été amenés à nous pencher sur le programme qui touchait le programme de la gestion de l'assurance-traitement. Pour ceux qui ne le connaissent pas... L'assurance-traitement, il faut bien le comprendre, pour tout ce qui est des congés de maladie ou des congés de maladie prolongés, le gouvernement s'autoassure. Le gouvernement s'autoassure, c'est-à-dire qu'on absorbe... au lieu de passer un contrat avec une compagnie d'assurances, comme un employeur ou des employeurs privés le font, le gouvernement s'autoassure, c'est-à-dire qu'il absorbe les effets d'un congé de maladie prolongé.

Alors, il est clair que, pour des gens comme nous, la première chose que l'on doit savoir, c'est: Est-ce que le fait de procéder par autoassurance permet d'économiser, plutôt que de passer un contrat avec une des nombreuses compagnies d'assurances qui existent sur le marché privé? J'imagine que l'objectif, lorsqu'on a mis le principe de l'autoassurance ou la gestion de l'assurance-traitement sur pied, c'était le principe de faire des économies, c'est-à-dire qu'on pensait que l'on faisait des économies en procédant par l'assurance-traitement plutôt que de procéder à un contrat avec une compagnie privée. À l'heure actuelle, on n'a pas constaté qu'il y avait réellement une mesure jusqu'à quel point on avait réellement fait une économie ou non. Il y a une manière qu'on pourrait le faire comme mesure, et nous le suggérions, faire du «benchmarking», c'est-à-dire des comparaisons ou ce qui se passerait dans les structures analogues qui fonctionneraient avec une assurance passée avec le privé.

Dans ce sens-là, M. le Président, il est important... la commission recommande que: les objectifs du régime d'assurance-traitement soient précisés; des indicateurs précis et pertinents soient élaborés afin d'en mesurer les résultats;une analyse soit faite des coûts et des bénéfices du régime actuel d'autoassurance en regard d'un régime équivalent administré par le secteur privé; le projet de refonte de 1993 soit réactivé afin de ramener la période de couverture universelle à six mois au lieu de deux ans.

Voici des principes généraux que nous faisons comme recommandations à l'heure actuelle en disant: Bon, il est important que... vous avez mis sur pied actuellement un principe d'autoassurance – ça fait un certain temps qu'il existe – on a décelé certaines lacunes – je n'en parlerai pas ici parce que je pense qu'il ne s'agit pas du tout de voir notre commission comme un phénomène de chasse aux sorcières où on va dire: Il s'est passé telle chose. C'est vrai, comme l'ont rappelé certains de mes collègues, qu'il y a eu des déficiences où on a détourné en quelque sorte l'utilisation de l'assurance-traitement à d'autres fins; ça peut exister dans le meilleur des mondes. Mais le principe qu'il faut assurer, c'est de dire: Si nous faisons de l'autoassurance plutôt que de passer un contrat avec une assurance privée pour ce qui touche toute la gestion de notre personnel, c'est-à-dire des congés de maladie de notre personnel, il doit y avoir un bénéfice, c'est-à-dire, il faut clairement pouvoir démontrer que l'État du Québec économise lorsqu'il fonctionne en autoassurance par rapport à fonctionner dans une relation avec une compagnie privée.

On a remarqué aussi, et je vais terminer là-dessus, il existe à l'intérieur même du gouvernement du Québec des organismes-conseils, et la CARRA, pour l'appeler par son nom, la Commission administrative des régimes de retraite, la CARRA peut agir comme organisme-conseil – je dis bien «peut», mais n'est pas obligée, on n'est pas obligé de faire recours à elle – dans le cas où des gestionnaires, parce que vous comprenez que la gestion de l'assurance-traitement, ça se fait au plus bas niveau de gestion... lorsque des gestionnaires ont des conseils ou des éléments à demander sur la manière d'interpréter ou de voir le règlement.

Il est clair que le recours par le gestionnaire local à un aviseur, telle la CARRA, améliore considérablement l'absence... que je pourrais appeler, je ne dirais pas de fraude, mais, enfin, d'éléments contestables qui ont pu être relevés par le Vérificateur général. Et il est important à ce moment-là – et c'est une de nos recommandations – que, même si on fonctionne dans le principe de l'autoassurance... Le principe de l'autoassurance, ce n'est pas nécessairement le bar ouvert, ce n'est pas nécessairement la facilité pour dire à un gestionnaire au niveau local qui a un problème de relation avec son personnel... de trouver la manière la plus facile, on met la personne en congé de maladie prolongé, et la personne reçoit son salaire, n'est plus présente, bon, et c'est une manière totalement inefficace et inefficiente de régler des problèmes de gestion au niveau local. Alors, ce qu'on recommande aussi, c'est qu'on généralise le recours aux experts de la CARRA, qui sont présents, qui sont disponibles dans le gouvernement pour gérer ou s'occuper de tout ce qui touche l'assurance-traitement.

(12 h 40)

Voyez-vous, M. le Président, il est important de comprendre que nous terminons ce premier rapport en déposant un certain nombre de recommandations. Ces recommandations – et c'est notre règlement; malheureusement, c'est le règlement tel qu'il est – ne sont pas soumises à débat. Autrement dit, une commission fait rapport à l'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale se saisit du rapport, des parlementaires interviennent sur le rapport, et vous avez entendu le président de la commission, le vice-président de la commission, des membres de la commission qui sont intervenus sur le rapport, mais nos recommandations ne sont pas débattues par l'Assemblée nationale. Vous comprenez bien, M. le Président, que, si nos recommandations ne sont pas débattues par l'Assemblée nationale, elles perdent considérablement de leur force. Elles ont un pouvoir moral, un pouvoir général de recommandation, mais elles n'ont pas un pouvoir décisionnel ou un pouvoir contraignant. C'est une inquiétude que nous avons, mais il ne faut pas... autrement dit, on ne change pas le monde en 24 heures, il faut savoir procéder par étapes, il faut avoir avancé progressivement.

Nous pensons, ou je fais partie de ceux qui pensent – parce que je ne crois pas nécessairement qu'il y a eu débat au sein de notre commission à cet effet-là – qu'il faudra en arriver un jour à la possibilité pour la commission de l'administration publique de pouvoir faire en cette Assemblée des recommandations qui pourront être débattues par l'Assemblée. Ça prend, bien sûr, M. le Président, et je le sais, un amendement aux règles de procédure de cette Assemblée. Mais vous savez, parce que vous êtes part à cette réflexion que les parlementaires font entre eux, qu'on est en période de réflexion sur ce que devrait être notre règlement, on est en période où on révise notre règlement. Et c'est d'ailleurs dans le cadre de la révision du règlement que vous, comme président, vous avez proposé la création de cette commission de l'administration publique. Je dois dire que c'est un pas dans la bonne direction. Mais il arrivera un moment où il faudra peut-être concevoir que non pas toutes les commissions, parce qu'il ne s'agit pas de vouloir tout renverser, mais que la commission de l'administration publique, qui est spécifiquement orientée pour débattre des questions de gestion, puisse être autorisée, avec réserve, je le comprends bien, à faire des recommandations débattables par l'Assemblée nationale. C'est l'étape que je souhaite que nous soyons en mesure de franchir.

Mais, déjà, nous avons franchi une première étape, et je dois dire – et c'est de part et d'autre, ce n'est pas du tout ni le groupe de l'opposition ni les ministériels – qu'il y a dans cette Assemblée un certain nombre de parlementaires, j'espère une majorité, qui sont préoccupés par l'efficience de la gestion de l'appareil gouvernemental et qui vont faire tout, avec l'aide du Vérificateur général, pour en améliorer l'efficience. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Ceci met fin aux interventions sur le rapport de la commission de l'administration publique qui a siégé le 14 mai 1997 afin de procéder à l'audition du sous-ministre des Affaires municipales, le 21 mai 1997, à l'audition du secrétaire du Conseil du trésor, en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. Ce rapport nous fut déposé le 3 juin 1997 et contient de multiples recommandations.

Ayant terminé le débat sur le rapport de la commission de l'administration publique, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Le rapport étant adopté, je vous demande de prendre en considération l'article 34.


Projet de loi n° 106


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 34 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 3 juin dernier sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse. Nous avons eu l'occasion hier d'entendre comme intervenant le ministre de la Justice. Nous cédons maintenant la parole au critique de l'opposition officielle en matière de justice, M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Mes remarques seront brèves, étant donné qu'il s'agit d'une loi sur laquelle et l'opposition et le gouvernement s'entendent aisément.

À l'heure actuelle, la Loi sur la presse du Québec, the Québec Press Act, prévoit que, s'il y a eu libelle diffamatoire dans un article dans un journal vendu en circulation générale dans la province, on ne peut poursuivre que pour des dommages réellement subis si le journal accepte de se corriger, de se rétracter dans un temps imparti.

C'est une bonne loi, M. le Président. C'est une loi qui permet aux gens d'avoir la clarification, les excuses, la rétractation qui s'imposent. Ça permet aux journalistes et aux journaux de ne pas avoir une épée de Damoclès menaçant d'une énorme poursuite pour non seulement les dommages réels, mais les dommages moraux; ça leur donne une porte de sortie en se rétractant. Il y avait un problème, M. le Président, c'est que la loi telle qu'elle existe à l'heure actuelle ne tenait pas compte d'une certaine réalité moderne, qui n'était pas évidente au moment de présenter la loi, il y a plusieurs décennies. C'est le fait que, aujourd'hui, en 1997, de plus en plus de revues et de journaux au Québec sont distribués à titre gratuit, ils se financent seulement avec les revenus de la publicité.

En termes clairs, ça voulait dire qu'un hebdo régional, par exemple, qui est distribué gratuitement ne pouvait pas bénéficier de cette même possibilité qu'offre la Loi sur la presse de faire ce genre de rétractation et, évidemment, les membres de la population ne pouvaient pas y avoir recours, et on sait de plus en plus que c'est dans ces journaux, ces revues-là que la plupart des articles d'intérêt médiatique personnel, politique, local se trouvent.

Donc, c'était intéressant, voire même nécessaire d'étendre la protection de la Loi sur la presse pour couvrir les hebdos régionaux. C'est pour cela que l'opposition officielle se joint au gouvernement en proposant l'acceptation du rapport de la commission et, donc, l'adoption du projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Y a-t-il d'autres intervenants sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions?


Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la leader adjointe. Nous suspendons donc nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise à 15 h 11)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Avant de commencer nos travaux, je tiens quand même à spécifier que ce n'est point la présidence qui est en retard et qu'il y aurait peut-être lieu d'essayer de corriger cette mauvaise habitude que nous avons de commencer les travaux quelques minutes en retard. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, tout en me réservant les mêmes commentaires quand la présidence sera en retard. M. le Président, article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 109


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 7, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 6 mai dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. Lors de la suspension de nos travaux, il restait un temps de 27 minutes à l'allocution de M. le député de Marquette. Alors, M. le député de Marquette, si vous voulez continuer.

M. Ouimet: M. le Président, juste avant de débuter, peut-être une question au leader du gouvernement, à savoir – il y avait eu plusieurs échanges entre les deux formations politiques – est-ce que le gouvernement a l'intention de déposer des amendements par rapport à la question de la restriction du droit de vote pour la communauté anglophone, qui est un principe dans le projet de loi n° 109? J'ai cru comprendre que la ministre devait nous l'indiquer dès le début des travaux, cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader.

M. Bélanger: M. le Président, je pense qu'il y a des communications qui ont eu lieu entre les deux cabinets des leaders, alors peut-être que je pourrais à ce moment-là dire tout simplement au député de Marquette de bien vouloir communiquer avec le cabinet du leader. Ce n'est pas notre habitude, M. le Président, en Chambre de commencer à faire ce genre d'échanges là. L'information qu'a demandée le député de Marquette a été transmise et il pourra... par la suite, le débat pourra se dérouler.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette.


M. François Ouimet (suite)

M. Ouimet: Alors, si je crois bien comprendre, M. le Président, il n'y aura pas de modification concernant la restriction du droit de vote. C'est ce qu'on comprend. Alors, parfait.

M. le Président, le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, vise en partie à implanter des commissions scolaires linguistiques partout sur le territoire de la province, à l'exception de Montréal et de Québec, dans le régime transitoire.

M. le Président, les deux formations politiques avaient convenu de suspendre le débat au niveau de l'adoption du principe pour pouvoir passer en commission parlementaire et entendre différents groupes qui viendraient nous faire part de leur point de vue sur le projet de loi n° 109 en ce qui concerne le régime transitoire, la question de la restriction du droit de vote à la communauté anglophone et les autres dispositions du projet de loi. Il ressort clairement de la commission parlementaire que tous les groupes, sans aucune exception, représentant la communauté anglophone sont contre la restriction du droit de vote aux élections scolaires dans le cadre des commissions scolaires linguistiques.

Tous les groupes qui se sont présentés devant nous sont venus exposer à l'ensemble des parlementaires de la commission parlementaire pourquoi ils étaient fortement en désaccord avec la vision gouvernementale de restreindre l'exercice du droit de voter à des élections scolaires de la communauté anglophone et de faire en sorte qu'on se serve des dispositions de la Charte de la langue française pour limiter ce droit de vote. C'est une pomme de discorde extrêmement importante pour ceux qui ont suivi le dossier, parce que, M. le Président, si le gouvernement n'apporte pas de modifications à ces dispositions-là, c'est toute la réforme scolaire, au niveau de l'implantation des commissions scolaires linguistiques, qui est en péril. Pourquoi est-ce que cette réforme-là est en péril? Parce qu'on sait qu'il y a eu préalablement une modification constitutionnelle adoptée à l'unanimité par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale, qui est maintenant rendue devant le Parlement fédéral qui devrait reprendre ses travaux à quelque part à l'automne.

M. le Président, le consensus a été difficile à obtenir de la part de la communauté anglophone à cause des craintes de cette communauté par rapport au traitement que le gouvernement actuel leur réserve. On se rappelle qu'il y avait eu une fuite dans les journaux, fuite d'un mémoire déposé au Conseil des ministres et qui indiquait la recommandation de la ministre de l'Éducation de limiter et de restreindre l'exercice du droit de vote à la communauté anglophone. À l'époque, l'attaché de presse de la ministre avait tenté de nier, avait dit qu'il y avait d'autres mémoires qui avaient été déposés et donc qu'on ne devait pas en tenir compte. Pourtant, lorsque le projet de loi n° 109 a été déposé, le chat est sorti du sac et nous avons vu les intentions du gouvernement.

Qu'est-ce que ça implique, M. le Président, cette restriction au niveau du droit de vote? Ça implique, pour des gens qui ont un sentiment d'appartenance extrêmement fort à la communauté anglophone, des gens qui viennent des États-Unis, des gens qui viennent de l'Angleterre, des gens qui viennent de la Nouvelle-Zélande, qui arrivent au Québec, s'ils ont des enfants, aucun problème, ils doivent les inscrire dans l'école française, mais, s'ils n'ont pas d'enfants et s'ils veulent participer à la gestion par la communauté anglophone de leurs institutions au niveau de la commission scolaire, le gouvernement est en train de les empêcher de participer aux institutions anglophones. Et ça, M. le Président, aucun groupe, personne ne l'avait réclamé, personne ne l'avait soulevé, personne n'avait indiqué que c'était une nécessité pour permettre à la communauté anglophone de gérer et de contrôler ses écoles.

D'ailleurs, dans la modification constitutionnelle qui a été adoptée à l'unanimité par l'ensemble des députés de cette Assemblée nationale, il était clairement dit qu'on sauvegarderait les droits de la communauté anglophone de pouvoir gérer et contrôler leurs écoles. Et «la communauté anglophone», c'était dans son sens le plus large possible, elle n'était pas définie à la communauté anglophone telle que définie par la Charte de la langue française.

Or, M. le Président, le gouvernement ne respecte pas le vote pris par l'Assemblée nationale au niveau de l'ensemble des parlementaires. Le gouvernement a soulevé comme prétexte qu'il fallait protéger la communauté anglophone. Pourtant, en commission parlementaire, j'ai systématiquement posé la question à tous les groupes. Il y avait plus d'une vingtaine de groupes représentant la communauté anglophone qui sont venus devant nous. Je leur ai posé systématiquement la question: Avez-vous demandé au gouvernement cette protection-là? La réponse, elle a été unanime: Non. Personne n'a demandé cette protection-là. La communauté anglophone disait: Nous sommes prêts à vivre avec les risques, si risque il y a. Mais il n'y a aucun risque d'appréhendé par la communauté anglophone. Le gouvernement prétendait que la communauté francophone ou des personnes pourraient peut-être noyauter les commissions scolaires linguistiques anglaises, ce qui justifierait de limiter le droit de vote strictement à la communauté anglophone.

(15 h 20)

Le deuxième argument qui a été soulevé, par la suite, par la ministre de l'Éducation, c'est: elle craignait des poursuites devant les tribunaux. Or, M. le Président, dans le régime que nous avons actuellement, régime pour catholiques et régime pour protestants, il n'y a jamais eu, depuis 1867, de contestation judiciaire à cet égard-là. Jamais les catholiques ont demandé au gouvernement de les protéger contre une invasion possible de la part des protestants et jamais les protestants n'ont demandé au gouvernement de les protéger contre les catholiques qui pourraient venir noyauter les commissions scolaires confessionnelles.

Donc, la ministre de l'Éducation rapidement recherchait un nouvel argument, et le dernier argument trouvé par le gouvernement, c'est l'argument à l'effet que de ne pas restreindre le droit de vote de la communauté anglophone pourrait permettre aux membres de la communauté anglophone, un jour, de réclamer l'ouverture par rapport à la question de l'accès à l'école. Pourtant, voyant ce même argument là se profiler par le gouvernement, j'ai posé systématiquement les questions aux représentants de la communauté anglophone, dont les membres d'Alliance Québec, qui ont répété à cinq reprises avec insistance qu'il n'y avait aucun lien entre les deux dossiers.

Or, M. le Président, quel est le risque? Le risque lorsque les gens d'une communauté voient leurs droits ainsi bafoués par la majorité gouvernementale, c'est qu'ils vont se transporter à Ottawa, ils vont demander à la Chambre des communes et aux sénateurs de refuser d'entériner la modification constitutionnelle demandée par l'Assemblée nationale à l'unanimité des voix. Le risque, c'est qu'il y a des gens qui tentent d'implanter cette réforme-là depuis plus de 30 ans, et le gouvernement... Le momentum, il est excellent, nous avons une unanimité à l'Assemblée nationale, nous avons réussi à aller chercher l'appui de certains groupes de la communauté anglophone qui étaient en désaccord au départ mais qui, par la suite, se sont ralliés dans l'intérêt des élèves. Le gouvernement est en train de risquer de perdre ces appuis-là.

Et la question qui vient à l'esprit, à ce moment-là, des partenaires du gouvernement et de l'opposition officielle, c'est la suivante: Le gouvernement souhaite-t-il véritablement implanter des commissions scolaires linguistiques en demandant une modification constitutionnelle ou le gouvernement souhaite-t-il plutôt faire achopper le processus de modification constitutionnelle et ainsi rejoindre les objectifs que poursuit ce gouvernement: de tenter de démontrer qu'on ne peut pas modifier la constitution canadienne?

M. le Président, on le sait, le gouvernement a longuement hésité avant d'entreprendre la voie de la modification constitutionnelle. On se rappelle que la ministre de l'Éducation avait tenté une réforme pour implanter des commissions scolaires linguistiques sans modification constitutionnelle, elle l'avait annoncée en grande pompe, mais elle a dû reculer par rapport à son projet dès le mois d'août à cause du tollé que ça soulevait. Et ce n'est qu'à reculons que le gouvernement a décidé d'entreprendre la voie de la démarche constitutionnelle.

Le gouvernement a également attendu à la toute dernière minute, sachant fort bien que les élections fédérales seraient déclenchées, sachant fort bien que le gouvernement fédéral avait donné des signaux très clairs qu'il était prêt à modifier la Constitution canadienne en autant qu'il y ait un consensus au niveau de la province. Le gouvernement a attendu à la toute dernière minute et là tente de faire porter les retards et les inconvénients de ce qui est prévu dans le projet de loi sur le dos d'Ottawa. Pourtant, les partenaires du gouvernement et la CSN sont venus rabrouer la ministre de l'Éducation en commission parlementaire pour indiquer au gouvernement qu'il s'était traîné les pieds dans le dossier et que ça nuirait aux intérêts de la réforme.

M. le Président, le gouvernement tente également de forcer la main du gouvernement fédéral en prenant en otages les élèves, les parents et les intervenants scolaires. Je parle de la question du régime transitoire, qui est problématique, qui a été dénoncé par tous les groupes sans exception qui sont venus devant la commission parlementaire. Même la CSN disait au gouvernement: Vous voulez faire pression sur Ottawa pour obtenir la modification constitutionnelle. Premièrement, vous vous êtes traîné les pieds; mais, deuxièmement, ce que vous êtes en train de faire, c'est que vous êtes en train de sacrifier les intérêts des élèves à Montréal et à Québec et partout en région pour ce faire. Je vous explique pourquoi. Ce qui est prévu dans le projet de loi n° 109 au niveau du régime transitoire, c'est qu'on va transformer l'ensemble des commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques, sauf à Montréal, sauf à Québec.

Cela veut dire que les parents qui résident sur le territoire de la ville de Montréal actuellement dont les enfants sont inscrits dans des écoles qui n'appartiennent pas au territoire de la ville de Montréal – et on sait qu'on parle de plusieurs milliers d'enfants – ces enfants-là vont devoir changer d'école. La même chose au niveau de Québec: les parents qui résident sur le territoire de la ville de Québec dont les enfants sont inscrits sur le territoire des écoles de la ville de Vanier, et vice versa, les parents qui résident sur le territoire de la ville de Vanier dont les enfants sont inscrits dans les écoles de la ville de Québec, eh bien, ces gens-là vont se faire prendre en souricière, les enfants devront changer d'école.

Ça a été un concert d'unanimité pour dénoncer le chambardement, le bouleversement et le déracinement des élèves de leur milieu. C'est vrai à Montréal, c'est vrai à Québec, c'est vrai partout en région également, à cause des nouvelles frontières qui ne tiennent pas compte du bassin d'élèves potentiel pour alimenter une école.

La question qui se pose: Ça sert les intérêts de qui, ce régime transitoire là, si ça ne sert pas les intérêts des élèves? Il me semble que la première préoccupation que devrait avoir la ministre de l'Éducation et son gouvernement, c'est: Comment pouvoir mieux servir les intérêts des élèves, comment faire en sorte que, dans tout ce processus de modification de structures là, les élèves ne soient pas pénalisés, que les élèves puissent continuer à aller à l'école qu'ils fréquentent actuellement? Or, tel n'est pas la préoccupation gouvernementale.

Avec le régime transitoire, les groupes sont venus nous dire comment on ne tenait pas compte des intérêts des élèves, comment les élèves devraient changer d'école. Dans le cas de la CECQ, on nous a même indiqué que la CECQ, pour pouvoir accommoder sa clientèle, devrait avoir 24 autobus scolaires de plus, à cause du transport, au niveau des élèves, et de la très grande distance que les élèves devront maintenant parcourir pour fréquenter une école à cause que la ligne est tracée à un endroit bien précis.

M. le Président, ça sert les intérêts du gouvernement du Québec de mettre de la pression sur le gouvernement fédéral, mais ça ne sert pas les intérêts des élèves. Les groupes sont venus dire au gouvernement: Vous avez fait la démonstration pédagogique que, sans modification constitutionnelle, le projet de loi, par rapport à Montréal, à Québec et en région, n'a pas de sens. Maintenant que vous avez fait cette démonstration-là, voulez-vous gentiment retirer le régime transitoire du projet de loi, parce que vous êtes en train de pénaliser nos élèves, parce que vous êtes en train de faire en sorte que les élèves qui voyageaient peut-être 10 ou 15 minutes pour aller à l'école devront maintenant voyager 30 minutes, 40 minutes, dans certains cas, jusqu'à une heure, une heure de transport scolaire le matin et une heure de transport scolaire au retour des classes, en fin de journée. Ça sert les intérêts de qui? Et la ministre de l'Éducation n'avait absolument aucun argument.

(15 h 30)

M. le Président, au niveau de l'objectif d'implanter des commissions scolaires linguistiques, il faut le dire, il y a un consensus au Québec, il y a une volonté d'agir. Dans certains cas, on parle même d'une urgence d'agir, mais pas de la façon que c'est prévu dans le projet de loi n° 109. Je le répète, au niveau de la restriction du droit de vote de la communauté anglophone, ça va faire voler en éclat le consensus et ça va faire en sorte que nous ne pourrons pas obtenir la modification constitutionnelle.

Au niveau du régime transitoire également, on est en train de prendre en otage nos propres enfants. On se sert de nos enfants pour faire avancer des intérêts politiques du gouvernement. Et la ministre ne s'en est même pas caché. La ministre a avoué candidement à plusieurs reprises qu'elle ne souhaitait pas implanter le régime transitoire, mais elle disait qu'elle n'avait aucun choix. Et, à cette question-là, tous les groupes lui répondaient: Mme la ministre, vous avez un choix. Retirez le régime transitoire. Implantez les commissions scolaires linguistiques partout à travers la province, sauf à Montréal, sauf à Québec.

Parce que, tant et aussi longtemps qu'on n'obtient pas de modification constitutionnelle, vous êtes en train de dire, comme gouvernement, qu'il va falloir préserver – écoutez bien ça, M. le Président – sur le territoire de la ville de Montréal et de la ville de Québec des commissions scolaires confessionnelles. Et une des raisons d'être de l'implantation des commissions scolaires linguistiques pour la communauté francophone, c'est précisément: à Montréal, là où arrivent massivement les nouveaux arrivants, on veut s'assurer qu'ils puissent intégrer une structure scolaire française. Et, précisément à Montréal, on est en train de dire: Il n'y aura pas de commissions scolaires linguistiques dans le régime transitoire. Ça n'a aucun bon sens.

M. le Président, il fallait entendre les témoignages de parents aussi qui sont venus devant la commission parlementaire, qui ne comprenaient pas pourquoi, au niveau de la carte scolaire, le gouvernement ne tenait pas compte des milieux d'appartenance, des milieux de vie que sont les écoles. Le gouvernement est en train de dresser des frontières de façon mécanique, de façon bureaucratique, de façon technocratique, sans tenir compte des services que ça doit rendre aux élèves. Et cela, M. le Président, ça met en péril des projets éducatifs d'écoles. Ça met en péril des écoles régionales. Ça fait en sorte qu'on va se retrouver avec certaines écoles qui vont déborder et d'autres écoles qui seront sous-utilisées, et, dans certains cas, on va devoir faire voyager les enfants pendant plus d'une heure.

Pourquoi? Parce que le gouvernement poursuit d'autres objectifs. Le gouvernement, et on le voit dans les gestes posés par les différents ministres, que ce soit le ministre au développement régional, que ce soit la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, que ce soit le ministre des Affaires municipales, que ce soit la ministre de l'Éducation, le gouvernement se dirige vers des gouvernements régionaux. Le gouvernement veut faire en sorte qu'un territoire puisse servir à toutes les sauces, et on choisit la MRC comme territoire d'appartenance. On dit que toutes les institutions gouvernementales et paragouvernementales devront desservir ces territoires-là, sauf que, sur le plan scolaire, ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas parce que les élèves et les écoles ne correspondent pas au modèle technocratique envisagé par le gouvernement.

Donc, qui est-ce qui va payer le prix pour tout ça? Ce sont les élèves. Pourtant, on prétend faire une réforme pour favoriser la réussite éducative, et, lorsqu'on questionne la ministre de l'Éducation, on se rend rapidement compte qu'elle poursuit d'autres objectifs que le bien-être des élèves. Tous les groupes, ou bon nombre de groupes, sont venus répéter ce message-là.

Il y a la question des délais. C'est une opération incroyable que de faire en sorte que 156 commissions scolaires confessionnelles se transforment en 70 commissions scolaires linguistiques couvrant de nouveaux territoires. Il va falloir transférer des écoles. Il va falloir transférer des enseignants d'une école à une autre, d'une commission scolaire à une autre, un directeur d'une école à une autre. Et le gouvernement, M. le Président, accuse un retard d'entre six et huit mois par rapport à l'échéancier qui est prévu dans la Loi sur l'instruction publique. L'échéancier qui avait été conçu par les fonctionnaires du ministère pour pouvoir réaliser toutes ces opérations-là, bien, le gouvernement tente de faire ça en moins de temps.

Message quasi unanime de la plupart des partenaires qui sont venus: Vous allez beaucoup trop vite. On n'a pas suffisamment de délais; il faut prévoir l'organisation scolaire, il faut prévoir le transport scolaire, il faut procéder à toutes les opérations, la mise sur pied d'un conseil provisoire, le déclenchement d'élections, le transfert de personnels. M. le Président, c'est le cafouillage le plus total. On sert les intérêts de qui si on ne sert pas les intérêts des élèves?

Alors, je répète la position de l'opposition officielle d'appuyer l'implantation des commissions scolaires linguistiques, mais c'est très, très mal engagé. Les partenaires sont venus nous le dire, nous l'indiquons au gouvernement depuis fort longtemps, il y a un risque de voir le consensus voler en éclat, si le gouvernement n'apporte pas de modifications à la question du droit de vote. M. le Président, je reviendrai à un autre moment pour pouvoir en débattre plus longuement. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Nous cédons maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'ai déjà eu l'occasion, en cette Chambre et à l'extérieur de cette Chambre, d'indiquer que je suis en faveur de l'implantation des commissions scolaires linguistiques au Québec et je tiens à donner mon appui à l'établissement des commissions scolaires francophones et anglophones.

Si j'interviens aujourd'hui, M. le Président, c'est bien évidemment en raison de l'impact pour la communauté anglophone de la restriction apportée par le projet de loi n° 109 à l'exercice du droit de vote. Étant membre de la commission de l'éducation, j'ai été en mesure de constater moi-même, lors des consultations particulières tenues sur le projet de loi n° 109, que la très grande majorité des intervenants qui se sont prononcés sur la question du droit de vote souhaite que l'exercice de ce droit démocratique puisse s'exercer sans contrainte.

M. le Président, même la Commission des droits de la personne a souligné que, règle générale, le législateur devrait s'abstenir de contraindre, s'abstenir d'imposer, lorsqu'il peut le faire, qu'il serait souhaitable de trouver des solutions qui respectent la libre expression des volontés des individus qui composent la société québécoise, car, lorsqu'on contraint en imposant des normes de libre expression des volontés des individus, la marge d'erreur devient de plus en plus énorme.

Il apparaît assez clairement, M. le Président, qu'avec la disposition introduite dans le projet de loi n° 109 concernant le droit de vote de la communauté anglophone ce gouvernement a décidé justement de ne pas respecter la libre expression des individus. Avec tout le respect que je dois au législateur, force est de constater qu'il s'attribue des pouvoirs qu'il ne possède pas. En effet, sur quelle base ce gouvernement s'appuie-t-il pour décider de créer deux catégories d'anglophones, une catégorie apte à voter et l'autre pas?

(15 h 40)

La ministre de l'Éducation soutient que le gouvernement a jugé utile de baliser le droit de vote pour protéger la communauté anglophone. Pourtant, qui est le mieux placé, sinon la communauté anglophone, pour savoir ce dont elle a besoin? Les membres de la communauté anglophone sont unanimes à dire qu'ils n'ont pas besoin de cette balise.

Ce qui est inacceptable, c'est que les Québécois de langue anglaise qui n'ont pas nécessairement d'enfants mais qui s'impliquent à divers niveaux au sein de la communauté anglophone, au chapitre scolaire entre autres, n'auraient pas, dans certains cas, le droit de poser un geste aussi démocratique que celui de voter à l'élection des commissions de la communauté anglophone. C'est tout à fait incroyable, M. le Président. Et le gouvernement dit à qui veut l'entendre qu'un des objectifs du projet de loi n° 109 visant l'implantation des commissions scolaires linguistiques est de permettre à la communauté anglophone le droit de gestion et de contrôle de ses établissements. Sincèrement, comment voulez-vous que les Anglo-Québécois acceptent une telle situation?

Certains ont tenté – le Mouvement national des Québécois, pour ne pas le nommer – de faire croire que le désaccord de la communauté anglophone à ce sujet visait à obtenir l'élargissement des règles d'admission à l'école anglaise. Les groupes que nous avons reçus en commission parlementaire ont indiqué de façon très, très claire qu'il s'agit de deux sujets bien différents. Il est important ici de bien noter cette distinction, de sorte que les membres de la communauté francophone comprennent bien qu'il s'agit seulement de permettre aux membres de la communauté anglophone d'exercer leur droit de vote au sein des commissions scolaires linguistiques québécoises anglophones.

Il m'apparaît aussi important de rappeler ici le texte de l'amendement apporté il y a quelques semaines par le député de Chomedey à la motion présentée par le gouvernement sur la modification de la Loi constitutionnelle de 1867, amendement voté par les deux côtés de la Chambre, et je cite: «Considérant qu'en ce faisant l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise. En particulier, considérant que les Québécois dont les enfants sont admissibles selon le chapitre VIII de la Charte de la langue française ont le droit de les faire instruire dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle – et je répète, que cette communauté gère et contrôle – conformément à la loi, et qui sont financés à même les fonds publics.» Cet amendement, M. le Président, met en relief les établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle.

Pour ce faire, point n'est besoin de dire que les membres de la communauté anglophone doivent être en mesure d'exercer leur droit de vote. Contrairement aux prétentions du gouvernement, en raison de l'introduction, dans le projet de loi n° 109, de dispositions qui apportent des modifications à la Loi sur les élections scolaires, les objectifs poursuivis par le gouvernement, par la création des commissions scolaires linguistiques, qui visent à servir à la fois les intérêts de la communauté francophone et de la communauté anglophone, ces objectifs, M. le Président, ne seront pas atteints pour la communauté anglophone si ce gouvernement n'apporte pas de changements aux dispositions qu'il propose concernant le droit de vote.

Je ne suis pas le seul à le souligner, mais je tiens à nouveau à mettre en relief l'impact de ces dispositions sur la taxe scolaire. Participer à la gestion de ces écoles, c'est aussi contribuer à leur fonctionnement par le paiement de la taxe scolaire. Malheureusement, une grande majorité de Québécois d'expression anglaise ne pourrait pas payer sa taxe scolaire à la communauté scolaire de son milieu. C'est tout à fait aberrant. Ceux et celles qui, comme moi, croyaient que l'implantation des commissions scolaires linguistiques, pour lesquelles je suis toujours en accord, contribuerait à apporter un vent nouveau et viendrait permettre le développement des institutions de la communauté anglophone se sont bien trompés, M. le Président, et, à mon avis, c'est regrettable.

La ministre de l'Éducation a effectivement été très attentive aux propos tenus par tous les groupes qui sont venus exprimer leur point de vue en commission parlementaire. Nous le savons tous, M. le Président, le dossier de la fusion des commissions scolaires n'est pas sans causer des problèmes partout au Québec. Les mesures prévues sur les territoires des villes de Montréal et de Québec dans l'attente de l'obtention d'un amendement constitutionnel causeront des chambardements sans précédent. La ministre a bien entendu et elle a bien noté aussi les intervenants venus lui dire que la communauté anglophone n'a pas besoin des balises qu'elle lui propose pour assurer la pleine gestion et le plein contrôle de ses écoles.

M. le Président, si la ministre a bien écouté, et je sais qu'elle a bien écouté, si la ministre est sincère, et je sais qu'elle a pourtant à coeur que soient atteints les objectifs recherchés par la création des commissions scolaires linguistiques, elle ne pourra faire autrement que d'apporter, dans l'esprit du discours du Centaur, des changements au projet de loi n° 109.

M. le Président, les communautés francophone et anglophone du Québec réussissent à faire de belles et grandes choses ensemble. Les membres des deux communautés ont confiance en l'avenir de leurs enfants. Ils souhaitent tous qu'ils disposent des institutions scolaires qui leur permettront d'apporter une contribution significative à la société. Mais, pour ce faire, nous convenons tous qu'à titre de parents, de grands-parents, d'adultes de la communauté nous avons notre part à faire pour leur donner ce dont ils ont besoin et ce à quoi ils s'attendent de nous.

M. le Président, la participation de la communauté anglophone à la gestion de ses écoles devrait aller de soi, et je fais de nouveau appel au bon sens de la ministre de l'Éducation afin qu'elle apporte des ajustements justes et équitables pour les membres de la communauté anglophone.

Mr. Speaker, if Bill 109 is passed in its present form, the English-speaking community of the province of Québec will suffer a severe, unconscionable prejudice at the hands of the PQ Government, a prejudice which, in my opinion, is unacceptable, a travesty of the rights and privileges of the English-speaking community.

Mr. Speaker, the Premier goes to the Centaur Theater and talks about dialogue and diversity, but when his leadership is required to take action to promote those values, his voice, like that of his Government, is sadly silent. The Bill before us will hinder the continuity and growth of the English-speaking community in the context of a free, of an open, of a democratic society.

Bill 109, in its present form, is an indirect means of redefining who is a member of the English-speaking community. This, Mr. Speaker, is not a right which belongs to any government. You cannot define or you cannot redefine who a person is. You cannot tell an English-speaking person that by the mere will of a government, that by the mere stroke of a pen he or she is no longer a member of that community in the area of education. Mr. Speaker, this is wrong, this is regressive, this is narrow-minded. Mr. Speaker, to quote Shakespeare's Hamlet : «Something is rotten...»

(15 h 50)

Mr. Speaker, in the name of justice, of equity, of human dignity, I ask the Minister of Education, the Premier, the PQ Government to understand how much the English-speaking community cherishes the youth of the community, cherishes the future of the youth of the English-speaking community, for their future is the future of the anglophone community and, without their future, we cannot have a continuity and growth, we cannot have a future.

I ask the Minister not to usurp and exceed the democratic power in her hands and to return to the anglophone community its own God given rights, its future and its dignity. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Nous cédons maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 109 est un projet de loi qui amène, qui introduit une réforme qui, au Québec, était certainement souhaitée, d'une façon ou d'une autre, depuis de nombreuses années. En effet, on comprendra que l'organisation actuelle des commissions scolaires, qui date de nombreuses décennies, à l'occasion, étant donné les changements que la population a connus, étant donné les changements de migration, particulièrement dans la grande région de Montréal, relève un peu d'un certain archaïsme.

En effet, on se rend compte que, de plus en plus, à cause du morcellement des territoires et des commissions scolaires et aussi, bien sûr, des nouvelles clientèles qui arrivent pour s'établir au Québec, on se retrouve là avec un certain nombre de facteurs qui ne correspondent plus aux réalités. En effet, les commissions scolaires protestantes, les commissions scolaires catholiques, ce sont des concepts qui datent des débuts de la confédération, à l'époque où il y avait les deux communautés et où il fallait protéger, bien sûr, les droits acquis de la communauté francophone qui était très majoritairement ou unanimement catholique. Et on comprend, à ce moment-là, qu'on ait fait ce genre d'institution, ce genre de réglementation.

Sauf que le monde a changé, le monde a évolué et, comme toutes les institutions, comme toutes les organisations qui ont été créées depuis plusieurs décennies et même quelques centaines d'années, dans d'autres cas, cela doit évoluer et doit tenir compte des nouvelles réalités. Ces réalités, que sont-elles, M. le Président? Je suis député montréalais, prenons donc l'exemple de Montréal. On se rend compte qu'à Montréal nous avons, d'abord, plusieurs commissions scolaires, certaines qui sont dans l'Ouest-de-l'Île, qui sont majoritairement d'obédience protestante anglophone, entre autres le PSBGM, et nous avons, entre autres, l'autre grosse commission scolaire qui est la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ce sont les deux commissions scolaires principales qui sont le noyau central de l'instruction publique à Montréal. Il y a aussi d'autres commissions scolaires, la commission scolaire du Sault–Saint-Louis, la commission scolaire Jérôme-Le Royer, pour ne nommer que celles-là.

M. le Président, on se rend compte que, avec justement ces migrations, ces nouvelles arrivées de citoyens et départs, aussi, qu'il y a eu à Montréal – car on sait qu'une partie de la communauté anglophone, une partie importante a quitté le Québec et a quitté Montréal depuis les années 1974, 1975, 1976, avec accélération avec l'accession du Parti québécois au pouvoir dans les années 1977, 1980, 1982, 1983 – on a eu besoin de recruter de nouvelles clientèles. Alors, ça a amené un certain nombre de situations un peu particulières.

Je donnerai un exemple, M. le Président, en ce qui concerne le secteur est de Montréal où nous avons une commission scolaire, qui est la CECM, qui est très majoritairement francophone, française et qui a ouvert des écoles anglaises dans le quartier Rivière-des-Prairies et aussi à Montréal-Nord. Et, à côté, il y a la commission scolaire Jérôme-Le Royer qui a des écoles françaises et des écoles anglaises dans un secteur qui est Pointe-aux-Trembles, ville d'Anjou et Saint-Léonard. Alors, on se rend compte là qu'il y a deux administrations scolaires avec les mêmes genres de services qui desservent deux genres de clientèle. Il est évident que, dans une société comme la nôtre, où on se doit de rationaliser, de mettre en commun les ressources, de mettre en commun non seulement les ressources, mais les énergies et la collaboration des gens, eh bien, il y aurait un intérêt, dans un territoire quand même assez petit comme celui-là, à faire en sorte de faire des ajustements.

Alors, justement, le gouvernement, après tergiversations, après avoir déclaré qu'il ne changerait rien, qu'il n'irait pas par voie d'amendement constitutionnel, tout ça pour des raisons très politiques, le gouvernement se refusant ou étant hésitant à aller réouvrir un dossier qui lui brûle les doigts à chaque fois qu'il y touche, a décidé quand même d'aller dans ce sens-là, et cela après des échecs. On se rappellera qu'il y a eu des propositions qui ont été amenées par la ministre de l'Éducation, qui ont achoppé et qui ont été rejetées par l'ensemble des intervenants, particulièrement par les commissions scolaires.

Et je dois saluer, au passage, le travail du député de Marquette, notre porte-parole de l'opposition, qui n'a pas hésité à porter, pas ce combat, parce que ce n'est pas forcément un combat, mais cette lutte en avant de la scène publique pour ne pas laisser faire cette réforme qui ne recevait pas l'assentiment de l'ensemble des intervenants et des gens qui doivent vivre avec, que ce soient les commissions scolaires, les parents, les enseignants ou les centrales syndicales. Il a même été jusqu'à aller chercher, jusqu'à aller consulter des gens qui sont traditionnellement proches du Parti québécois, M. Woehrling en particulier, des gens qui sont spécialisés pour plutôt défendre les thèses du gouvernement actuel que celles de l'opposition. Il a obtenu un rapport très intéressant qui battait en brèche les prétentions de la ministre à l'époque, ce qui l'a amenée à revoir son travail, à refaire son travail et à représenter une nouvelle manière d'agir, soit d'aller par voie d'amendement constitutionnel.

Et, ma foi, c'est là quelque chose à quoi l'opposition souscrit, bien sûr, car, nous aussi, nous pensons que nous devons participer à cette grande réforme de l'instruction publique à Montréal et au Québec, bien entendu aussi, et que nous devons moderniser ces structures. Car, M. le Président, vous savez comme moi et je pense que l'ensemble des téléspectateurs qui nous écoutent savent comme moi qu'il ne peut pas y avoir d'avenir pour nos jeunes, d'avenir pour notre société si nous ne sommes pas capables d'instaurer et d'installer des structures d'enseignement modernes, efficaces et qui correspondent à la réalité, et cela, bien sûr, dans le consensus – le mot «consensus» n'est peut-être pas le vrai mot – avec la participation, la collaboration de tous les gens qui doivent y travailler.

Donc, ils sont arrivés avec le projet de loi n° 109, M. le Président, et, ma foi, nous y souscrivons, bien sûr, et notre parti politique entend donner sa collaboration. Par contre, nous avons un certain nombre de réserves, un certain nombre de points à faire valoir, car, comme tout projet de loi qui est présenté par le gouvernement, et particulièrement par ce gouvernement-là... Nous savons que les projets de loi qu'ils présentent sont très souvent imparfaits.

Je référerai, à titre d'exemple, au projet de loi n° 79 sur la CSST et à celui sur la réforme des tribunaux administratifs aussi, des projets de loi qui ont été retirés ou retardés longuement après avoir été déposés à la vapeur. Le ministre, d'ailleurs, disait, un des ministres qui a déposé ce projet de loi n° 79 disait: Seuls ceux qui ne l'ont pas lu peuvent être contre. Huit, neuf mois après, le projet de loi n'était toujours pas adopté, et l'ensemble des intervenants s'y opposaient parce que c'était un projet de loi qui, sur le fond, en général, était somme toute assez légitime, mais qui, dans son application, créait beaucoup plus de problèmes que ce qu'il était pour régler dans sa facture.

Alors, nous retrouvons, bien sûr, dans ce projet de loi n° 109, M. le Président, le même genre de vices, le même genre de virus, si je peux employer le mot, qui sont courants dans les lois du Parti québécois. En particulier, ce projet de loi a un vice totalement fondamental, c'est qu'il va limiter le droit de vote des citoyens aux élections scolaires aux citoyens de la communauté anglophone. Ça, M. le Président, dans une société égalitaire comme la nôtre, une société de droit, on ne peut pas accepter ça. On ne peut pas accepter d'ouvrir la brèche, de commencer à mettre des droits pour certains citoyens et d'autres droits pour certains autres citoyens, et je m'explique.

M. le Président, les membres de la communauté anglophone, qui peuvent originer de différents pays dans le monde – il y a des anglophones qui vivent au Québec qui viennent de Grande-Bretagne, il y a en qui viennent de Ceylan, il y a en qui viennent des Indes, il y a en qui viennent de Madagascar, il y a en qui viennent le l'île Maurice, il y en a qui viennent des îles Caïmans, enfin des États-Unis – de différentes régions à travers le monde, qui sont arrivés dernièrement ou depuis quelques années, parce que ces gens sont arrivés après l'adoption de la loi 101, leurs enfants ne sont pas, donc, je dirais, éligibles à l'enseignement en anglais.

(16 heures)

Alors, selon la facture de cette loi, même si ces gens, même si les parents, même si ces personnes, ou même s'ils n'ont pas d'enfant, sont dans la communauté anglophone, ils parlent anglais, ils parlent français aussi, bien sûr, tous les anglophones qui, au Québec, à 99 %, parlent le français... Mais ils s'identifient à ce courant culturel anglophone, et c'est normal. Lorsqu'on a été élevé aux Indes ou en Grande-Bretagne et que l'on vit au Québec, eh bien, on est un Québécois de coeur mais d'origine anglophone et on s'identifie plus peut-être aux institutions anglophones. Il n'y a rien là de plus normal, un peu comme nos compatriotes québécois qui vivent en France – et j'en connais plusieurs – et qui s'identifient au cercle culturel québécois en priorité, avant le cercle culturel français, sans pour autant rejeter l'un ou l'autre.

Alors, vu que ces gens-là n'ont pas le droit... leurs enfants ne sont pas éligibles à l'école anglaise – s'ils en avaient ou s'ils en ont – eh bien, ils n'auront pas le droit de vote aux élections scolaires de leur communauté. Ils devront aller voter, s'ils le veulent, dans les commissions scolaires de la communauté française. Il y a là une incongruité, limitation du droit, et là encore on divise une catégorie de citoyens par rapport à l'autre catégorie. Ça, M. le Président, on ne peut pas être d'accord avec ça.

Le Québec doit être une société tolérante, qui respecte l'ensemble de ses citoyens et qui donne les mêmes droits aux citoyens. Alors, si les anglophones ont le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, selon la loi, eh bien, il semble que tous les anglophones du Québec, quel que soit le droit de leurs enfants en ce qui a trait à l'accès à l'école anglaise – s'ils en ont ou s'ils n'en ont pas, il y en a qui n'en auront pas – devraient avoir le droit de participer à la vie de leurs institutions, et c'est tant mieux car ça permet de les renforcer, car, même s'ils n'ont pas d'enfants à ces écoles-là et qu'ils s'identifient à ces écoles-là, eh bien, ils vont y contribuer, ils vont y apporter leurs connaissances, leur bénévolat et leur enrichissement, et c'est très bien. Alors, ça, nous ne sommes pas d'accord avec ça et nous nous opposons à ça. Ça fait partie, je disais, des vices que le projet de loi renferme.

M. le Président, un autre problème. Je me demande pourquoi la ministre fait ça. Pourquoi agir toujours avec précipitation? Toujours cette phobie de l'image, de dire: Nous agissons, nous bougeons, nous faisons des choses pour la galerie, alors que, dans le concret, dans la réalité, ça complique les choses. On dirait que ce gouvernement cherche les moyens de se mettre les pieds dans les plats et, ce faisant, contribue à mettre les pieds dans les plats ou à embêter la vie de ses compatriotes et des concitoyens desquels il est censé, au contraire, faciliter la vie. Et là je parle de l'instauration d'un régime provisoire.

M. le Président, arguant à l'effet que, pour obtenir une modification constitutionnelle, présumant que ça sera très long déjà, alors que rien n'indique cette chose-là... Il n'y a rien qui nous dit que ça ne se fera pas très rapidement. On voit qu'avec le Nouveau-Brunswick ça a été relativement rapide; avec Terre-Neuve, pardon. Je m'excuse. C'est dans la même région. Ça a été relativement rapide. Nous, on présume que ça va prendre tellement de temps, avec le gouvernement fédéral – toujours cet esprit de confrontation, de négativisme avec nos amis québécois qui sont élus à Ottawa, quel que soit le parti, que ce soit le Parti libéral, le Parti conservateur ou même leurs amis du Bloc québécois – on présume que ça va être tellement compliqué, tellement long, qu'ils sont tellement contre nous que ça va être long, alors il faut mettre un régime provisoire.

Et quelle est la façon de faire avec ce régime provisoire? Quel va être l'impact de ce régime sur les gens, sur les citoyens? Je vais donner un exemple. Prenons la commission scolaire Jérôme-Le Royer puis prenons les écoles anglaises de Rivière-des-Prairies. Eh bien, si je comprends bien ce régime provisoire, on va faire en sorte que les gens changent deux fois de commission. Ils vont être, à l'instauration du régime provisoire, dans la CECM – parce qu'ils sont dans des écoles anglaises, ils vont être dans la CECM – et, lorsque va arriver – ou l'école française, même – le régime des commissions scolaires linguistiques, ils pourront être dans deux autres commissions scolaires, soit une commission scolaire francophone ou anglophone et même dans une commission scolaire religieuse, confessionnelle, s'ils le veulent, parce qu'on aura le droit encore d'être dans des écoles confessionnelles.

Alors, pourquoi faire ça, M. le Président, alors qu'on sait très bien que ces gens-là des écoles anglaises de Rivière-des-Prairies vont être dans le système anglophone, c'est évident, et que les écoles françaises de Rivière-des-Prairies et de Pointe-aux-Trembles – qui est à côté – qui sont dans deux commissions scolaires différentes actuellement, vont vouloir être dans la commission scolaire linguistique francophone? Alors, pourquoi ne pas attendre? On parle de quatre, cinq, six mois. Pourquoi ne pas attendre et mettre, au contraire, toutes les énergies, tous les efforts, en collaboration avec l'opposition, pour aller travailler et faire en sorte que le gouvernement fédéral, nos amis, nos collègues députés fédéraux et les sénateurs adoptent rapidement cet amendement et fassent en sorte que nous puissions agir d'un seul coup?

M. le Président, quand je parle comme ça, je suis certain qu'il y a des gens, de l'autre côté, qui comprennent ça. Le leader du gouvernement, et sans arrière-pensée, connaît très bien la commission scolaire Jérôme-Le Royer, pour laquelle il collabore depuis de nombreuses années; nous le faisons ensemble. Nous ouvrons des écoles, nous contribuons à bâtir des gymnases et nous visitons nos écoles. Nous le savons, nous connaissons cette situation, et je suis certain que nous ne sommes pas les seuls à penser comme cela.

Alors, nous souhaiterions que la ministre comprenne qu'il n'y a pas péril en la demeure actuellement. Il y a tellement d'années que c'est comme ça que, huit, neuf, dix mois de plus avant de bouleverser, avant le grand chambardement, ça ne changera pas grand-chose en bien ou en mal, c'est le statu quo, alors, au contraire, que ce bouleversement provisoire peut juste changer des gens, des enfants et des parents de différents systèmes administratifs, peut-être influer sur les programmes et sur les écoles qui vont être fréquentées, avec tout ce que ça amène comme perturbations inutiles et les coûts qui viennent avec. Alors, M. le Président, c'est quelque chose qui, pour nous, est difficilement admissible. Nous pouvons difficilement accepter ça.

Il y a aussi une mise en garde que nous adressons au gouvernement, c'est les cartes, les cartes des commissions scolaires. Soyons prudents, agissons pour faire en sorte qu'on ne se retrouve pas avec des commissions scolaires où les citoyens, où les parents, les enfants se retrouveraient dans des situations difficiles d'accès à l'école. Actuellement, il y a des chevauchements, particulièrement dans les régions. On sait que, dans les régions, il y a des populations de densité beaucoup moins grande qu'à Montréal. C'est plus compliqué de faire des divisions. Est-ce qu'on va se retrouver avec des gens qui vont devoir faire 40 minutes, 50 minutes, une heure d'autobus le matin ou le soir pour aller à l'école, des enfants, des jeunes? Est-ce qu'on va se retrouver avec des citoyens qui vont être tellement éloignés des centres scolaires qu'ils ne se sentiront plus intéressés à y participer?

Il faut que cette redivision se fasse en accord avec les citoyens, avec, on appelle ça le milieu, je ne sais pas si c'est le milieu, mais au moins avec les gens, avec les parents, avec les gens qui travaillent dans les commissions scolaires, avec les professeurs, avec les directeurs d'école, avec les maires, avec les MRC, avec l'ensemble des forces vives des régions, pour faire en sorte que cela corresponde le mieux possible à ce qui est nécessaire et ce qui est bon pour la population. J'écoutais, en cette Chambre, l'autre jour, une question d'un député, qui s'est adressé au premier ministre d'ailleurs, sur un cas d'élèves qui devaient faire une heure et quart de transport le matin, une heure et quart de transport le soir, pour voyager, et je trouve ça inadmissible.

En terminant, M. le Président, nous sommes, bien sûr, en faveur de ce changement, en faveur de cette modernisation du système scolaire, et c'est sûr que nous ne souhaitons que de pouvoir l'appuyer. Mais nous demandons au gouvernement, avant, de faire en sorte que ces irritants en ce qui concerne le droit de vote des anglophones, que cette rapidité d'agir avec le régime provisoire soit retardée et qu'on reste au statu quo jusqu'à ce qu'on ait obtenu l'amendement, et qu'ensuite il fasse preuve de la plus grande ouverture d'esprit et de sensibilité avec les gens en ce qui concerne la délimitation des nouvelles commissions scolaires. Ceci étant dit, M. le Président, par la suite, nous serons heureux car nous aurons réussi à faire faire au gouvernement une meilleure loi, meilleure pour le citoyen, meilleure pour les enfants, donc meilleure pour l'éducation et meilleure pour l'avenir du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous cédons maintenant la parole au député de Chomedey. Alors, M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait extrêmement plaisir de prendre la parole sur cette importante législation qu'est le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, Bill 109, An Act to amend the Education Act, the Act respecting school elections and other legislative provisions.

M. le Président, dans des termes que tout le monde peut comprendre, ce projet de loi a pour principal but de remplacer notre système de commissions scolaires catholiques et protestantes actuel avec un système de commissions scolaires basé sur la langue, c'est-à-dire des commissions scolaires anglophones et francophones.

(16 h 10)

À l'aube du XXIe siècle, personne dans cette enceinte n'a besoin de se faire convaincre qu'une telle division colle beaucoup plus à la réalité socio-démo-linguistique contemporaine québécoise qu'une division qui avait tout autant sa valeur et son intérêt en 1867 mais qui, par la force des choses, n'a plus tellement de force et d'applicabilité dans notre société d'aujourd'hui. Donc, cela fait au-delà de 20 ans que, dans la communauté anglophone et dans la communauté majoritaire, les gens se disent: Pourquoi pas aller vers cette division-là, une division où il y aurait des commissions scolaires fortes avec la communauté minoritaire? Et on aurait, par ailleurs, une organisation plus stable, plus équilibrée à travers la province.

Une des choses qui ont provoqué ce changement-là et cette attitude-là, M. le Président, c'est le fait que, dans les commissions scolaires protestantes, à la force de décisions des tribunaux, l'on retrouve de plus en plus de gens des communautés immigrantes, des Québécois et des Québécoises de souche plus récente, qui ont été intégrés à ces commissions scolaires là parce qu'ils ne font pas partie de la confession de la religion majoritaire. Cette réalité a fait en sorte que d'aucuns aient pu observer que l'intégration de ces personnes-là se faisait de plus en plus difficilement, et il était plus opportun d'avoir une force d'attraction plus forte, plus centralisée, et c'est ce sur quoi toutes les observatrices et tous les observateurs de la scène politique et de la scène de l'éducation s'entendent.

Au fil des ans, il y a eu différentes tentatives. Une des premières auxquelles j'ai eu le plaisir de participer était le projet de loi 3 lors du premier gouvernement du Parti québécois. À l'époque, c'était Yves Bérubé qui était le ministre responsable. En préparant mon intervention d'aujourd'hui, j'ai relu avec volupté les interventions des différents partis qui se sont présentés en commission parlementaire. Quel fut donc mon étonnement de comparer toute la profondeur de la préparation du premier gouvernement du Parti québécois, toute la souplesse, toute la finesse des interventions du ministre Bérubé, de les contraster avec l'à-peu-près, l'improvisation, la préparation, comme on dit, sur la gueule de l'actuel gouvernement du Parti québécois. C'est un contraste tout à fait étonnant, M. le Président, et ça démontre le désarroi dans la préparation de cette réforme.

Comme mon collègue vient de le faire remarquer, ça nous prépare au pire en ce qui concerne l'entrée en vigueur de cette importante réforme, car il n'est tout simplement pas plausible de concevoir que tout va pouvoir être en place pour janvier prochain pour les affectations des professeurs, pour la détermination de la propriété des immeubles, pour la distribution de la carte électorale et de la carte des commissions scolaires, pour toute l'organisation matérielle que cela oblige. M. le Président, ce n'est absolument pas plausible de penser que ça peut être en place pour janvier prochain, parce que c'est effectivement la date à laquelle il va falloir que ce soit prêt si on veut donner aux professeurs pour le mois de mars leurs assignations pour le septembre d'après, et c'est la date choisie par la ministre pour l'entrée en vigueur de sa loi.

Qui plus est, M. le Président, le gouvernement actuel a tardé pendant plus de deux ans à formuler sa demande de modification constitutionnelle auprès du gouvernement fédéral, et c'est seulement une fois qu'il a changé d'idée là-dessus, suite à l'intervention de notre part, suite à l'invitation que formulait le Parti libéral depuis plus de deux ans de considérer l'opportunité de formuler une modification constitutionnelle et de la présenter à Ottawa, eh bien, ce n'est que deux ans plus tard, comme je le dis, qu'il a finalement décidé de bouger là-dedans.

C'est quoi qui a ouvert la porte vers cette modification? Quelle est la clé qui a provoqué le gouvernement du Parti québécois à finalement accepter notre invitation à cet égard? Malheureusement, ce n'était rien de digne ou d'ouvert ou de grand comme idée de société, c'étaient les divisions tout à fait apparentes dans notre formation politique sur l'opportunité d'appuyer leur démarche qui était faite en l'absence de toute garantie, pour la communauté minoritaire, de contrôler et de gérer ces commissions scolaires. Parce que, il ne faut pas l'oublier, le premier ministre s'est levé dans cette Chambre et a dit à tout le monde: On a déjà mangé de ce pain-là; jamais plus on ne présentera des modifications constitutionnelles à Ottawa. C'est à Ottawa de nous dire s'il est prêt à accueillir notre demande de modification constitutionnelle.

Trois jours plus tard, il a fait exactement le contraire. Ça a pris 72 heures, il a fait le contraire. Pourquoi? Parce qu'il avait bien vu, de notre côté de la Chambre, qu'il y en avait parmi nous, y compris celui qui vous parle cet après-midi, M. le Président, qui n'étaient pas prêts à appuyer cette démarche vers les commissions scolaires linguistiques telles que proposées par ce gouvernement-là. Trois jours plus tard, sentant cette dissension, le même premier ministre se lève et dit: On va proposer une modification constitutionnelle, et gare à Ottawa et à ses créatures mythiques – les sénateurs – si jamais ils osent noter notre bulletin scolaire démocratique. C'était la nouvelle injonction. Comment dire la chose et son contraire à l'intérieur de 72 heures, toujours avec le même droit sévère, toujours avec la même intonation de vieux curé qu'il a tellement tendance à utiliser dans cette Chambre? Alors, voilà qu'on est pris avec un gouvernement qui propose une idée et son contraire à l'intérieur de 72 heures et qui est quand même aux prises avec un problème fondamental: Comment est-ce qu'on va convaincre l'ensemble de la population de se rallier à cette idée-là?

Les premières tentatives ont eu lieu au cours d'un nombre d'échanges entre nos deux formations politiques et nos préoccupations ont été clairement exprimées. Et l'idée a commencé à évoluer, au cours d'une série de négociations, que le gouvernement péquiste pouvait faire preuve de sa bonne foi, pouvait faire preuve d'une certaine ouverture et d'une capacité de comprendre les préoccupations de la communauté minoritaire en incluant dans le préambule qui devait accompagner la proposition de modification constitutionnelle, qui devait l'accompagner à Ottawa, en écrivant clairement son intention de respecter le droit de la communauté minoritaire de contrôler et de gérer ses établissements d'instruction. Car, vous savez, M. le Président, la proposition de modification constitutionnelle visait surtout à éliminer, à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique – connu aussi par le nom de Loi constitutionnelle de 1867 – à enlever les garanties à des commissions scolaires confessionnelles, religieuses, et son remplacement par des garanties que l'on retrouve à l'article 23 de la Charte canadienne.

Sauf qu'il y avait un problème qui s'appliquerait seulement au Québec. Car même s'il y a des gens dans cette salle... Et je prends à témoin mon collègue le député de Nelligan qui, comme moi, a déjà travaillé fort au Manitoba, en Alberta, en Ontario pour s'assurer que les communautés minoritaires francophones dans ces provinces aient le droit de gérer et de contrôler leurs commissions scolaires, et on a même gagné d'importantes victoires devant les tribunaux à cet égard-là, notamment dans la cause de l'ACFO, la cause Mahe en Alberta et la cause Association canadienne française de l'Ontario, la première là-dessus et la référence du Manitoba, il demeure un problème très compliqué sur le plan constitutionnel et c'est le fait qu'en 1982, pour tenir compte de la spécificité québécoise et des besoins particuliers du Québec, le constituant, en édictant la Loi constitutionnelle de 1882, a spécifiquement exclus certaines garanties constitutionnelles d'accès à l'instruction de la langue de la minorité.

En clair, ce que cela veut dire, c'est la chose suivante, M. le Président. C'est qu'un immigrant français, belge francophone, suisse, peu importe, sénégalais qui arrive à Edmonton, par exemple, pour fins de travail et devient citoyen canadien, eh bien, ce Sénégalais, ce Français aurait, une fois devenu citoyen canadien, un droit constitutionnel garanti par la Charte des droits d'avoir ses enfants instruits dans une école et dans des établissements scolaires, c'est-à-dire des commissions scolaires contrôlées et gérées par la minorité linguistique. Parce que cela ouvrait trop grand la porte, d'après le constituant, au Québec, on n'a que ce qu'on appelle la clause Canada. En d'autres mots, quelqu'un qui immigre à l'intérieur du Canada vers le Québec en provenance de l'Ontario ou d'Alberta justement, pour rester avec le même exemple, citoyen canadien, cette personne-là a un droit constitutionnel de continuer, par exemple, à faire instruire ses enfants à l'école anglaise s'ils ont déjà commencé, ou ont carrément le droit de le commencer en anglais si eux-mêmes ont reçu leur instruction primaire ou secondaire en anglais au Canada. C'est ce qu'on appelle la clause Canada.

Mais la clause langue maternelle qui vaut pour les francophones dans les neuf autres provinces ne vaut pas pour les anglophones au Québec. C'est un fait historique. C'est quelque chose qui a causé un certain nombre de problèmes, notamment au niveau du recrutement des Américains et des Britanniques, notamment dans l'aérospatiale à Montréal. On se souvient tous de cette cause fameuse d'un jeune homme américain: le père ne l'avait pas encore adopté, la mère américaine, travail hyperspécialisé dans l'aérospatiale chez Canadair, et pourtant on érige un bureaucrate en barrière pour empêcher ces gens-là de vivre leur vie familiale reconstituée. Interprétation restrictive de la loi; obligation de faire intervenir un organisme de l'État qui s'appelle la Commission d'appel sur la langue d'enseignement; recommandation à la ministre de laisser cet enfant-là aller à l'école anglaise en vertu d'une dispense ministérielle. Des histoires invraisemblables mais réelles, parce que c'est ce qu'il faut faire, à ce moment-là, vu l'absence de cette possibilité pour les Américains d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise ici. Il y a très peu de gens qui réalisent ça, mais l'Américain qui immigre à Montréal, même si les enfants sont en secondaire IV, il doit les transférer à l'école française même s'il existe une école anglaise tout à côté.

(16 h 20)

Et d'ailleurs, le ministre des Finances, lorsqu'il va à Boston, lorsqu'il va à New York, se vante souvent, il dit: Il y a des écoles anglaises à Montréal, il y a tout un réseau d'écoles anglaises. Il a raison, sauf qu'un Américain n'a pas le droit d'y envoyer ses enfants. C'est la preuve que je viens de donner, avec l'exemple de tantôt. Sauf de rencontrer des critères stricts, avec les séjours temporaires, et dans ce cas-là, ça pose d'autres problèmes, parce que, dans le cas qui nous occupe, l'épouse n'a pas le droit de travailler parce que c'est juste un permis de travail pour un des deux. Donc, discrimination à l'intérieur de la famille, obligation de faire des entourloupettes purement bureaucratiques, pour satisfaire quoi? Pour satisfaire des priorités de ce gouvernement-là, parce que jamais dans l'histoire on n'aura vu une interprétation aussi restrictive.

Tout ça, M. le Président, est nécessaire pour comprendre pourquoi il est primordial que le gouvernement du Parti québécois respecte sa parole donnée à l'opposition officielle lorsqu'il a accepté à l'unanimité un amendement au préambule de son projet d'amendement constitutionnel.

Mr. Speaker, when the separatist Parti québécois Government proposed the constitutional amendment that would abrogate the first four paragraphs of section 93 and have recourse to guarantees of section 23 of the Canadian Charter of Rights, replacing our current religious school boards, our Protestant and Catholic boards with English and French boards, the opposition Liberal Party required that it include a guarantee in the preamble that it would respect the minority community's right to control and manage those school boards; that was the wording of section 23 that was put in there. The opening paragraph of the addition to the preamble also spoke of «in so doing, in setting up linguistic school boards», which was another important guarantee for the minority community.

Where it gets more difficult, Mr. Speaker, is with regard to the definition of the community that will control and manage. I can say now – because I spoke to the amendment here in this House, and it's part of the historical record – that in the course of the negotiations with the governing separatist Parti québécois, it was clearly agreed that we would not accept their first proposal, which was a very restrictive definition of the English-speaking community of Québec. They sought to impose – and indeed, they proposed – an amendment that would have restricted voting and taxation rights to only those persons who have a right to send their children to English school under the terms of Bill 101. My colleague the deputy from Nelligan has all those important historical papers in his possession.

And it's important to know that in those historical documents, which are now part of this historical record, the Parti québécois Government and its representatives accepted a wider definition. They went from the definition based on criteria set out in Bill 101 that have nothing to do with control and management and that have everything to do with access to English school and they accepted the wider notion of the English-speaking community of Québec.

Now, it's quite interesting to note that, if one refers to the historical record again, back in 1983, when Bill 57 was enacted, and the then minister was Gérald Godin, he accepted to include in the preamble of Bill 101 a definition, not of the anglophone community, which was at first argued for, but indeed of the English-speaking community. Now, that was important, because «anglo» implied ethnicity; «English-speaking» implies no ethnicity, implies use of a language, it was a wider notion.

And indeed – this is also an interesting historical fact – there is a separatist writer who was working for Le Devoir at the time, Jean-Pierre Proulx, who wrote an article where he reproached the Government of the Parti québécois of the time the fact that they had used Alliance Québec's proposal for the English-speaking community of Québec... So, I hope that, amongst the papers that are indeed in the possession of our caucus and our colleagues, we will indeed be able to reinforce what we've been saying before – that's part of the historical record of this House – that it is clear that the Parti québécois, to get a deal, to get the consensus that it likes to talk about now, made a formal undertaking. The formal undertaking was that we rejected the narrower definition of the English-speaking community of Québec, one based on admissibility of one's children to English school, and we accepted the wider definition. What's the practical consequence of that? In everyday terms, Mr. Speaker, what does that mean and why is it important?

David Payne, the «député» for Vachon, stood before us in committee the other day and he explained that he was a member of the English-speaking community of Québec. Now, the reason that he can make that claim, under the current Minister of Education's bill, is that he was here prior to August 26th, 1977, because that would allow him to meet one of the criteria set out in the bill. The criterion in question provides that if one was here before that date and one had attended English school, one is allowed to send one's children to English school. Being a Catholic priest, of course, that's not one of his problems. He doesn't have to worry about where his children are going; he doesn't have any. But, on the other hand, he has made the claim in committee that he is a member of the English-speaking community of Québec.

Let's take the example of someone who arrived on August 30th, l977, just after the coming into force of Bill 101. My example concerns an engineer who's coming from Scotland, working at Canadian Aviation & Electronics. That person has been here for the better part of 20 years, but when they moved here, their kids were already in University, in Scotland. His spouse teaches in the English sector of a Protestant school board. That person, under this Government's definition, what they're trying to hoodwink us into accepting today, this Government would say that that person is not a bona fide member of the English-speaking community of Québec, that they would not even have the choice to pay their school taxes into the English school system, that they would not even have the choice to vote in the elections in that English school system. It's an outrage, Mr. Speaker. It's grotesque. It's absolutely unthinkable and it is an expressed denial of their written undertaking.

Of course, Mr. Speaker, this is only our first attempt to convince the Government on this bill; there will be many others. But what I thought important to say today is that this Government's word in writing is not worth the paper it's written on. And when we hear them say that they are going to renegociate Confederation, divide up the assets of a G-7 country in the wink of an eye – with the help of big Jacques Parizeau who's gonna come in and fix it all up for everybody – and they can't even respect their own formal written undertaking on such a fundamental subject, one realizes the duplicity, the disingenuousness, the absolute inability to respect their word when it's given formally.

Now, Mr. Speaker, as we mentioned, this is the outset of the debate process on Bill 109. It's not the end; it's just the beginning. And we would hope that before the end of this process there would be a sufficient number of people on the other side of this House who would come to realize that if they want to have a grain of credibility in any constitutional discussion of any kind, including, Mr. Speaker, the ability to convince Ottawa to follow through on the amendment to Section 93, that they'd better start learning how to do their homework, because the first two arguments that have been put forward so far are pathetic jokes.

The first argument put forward by the Minister was: Well, she had to restrict voting rights. It was in the interest of the English community, because she was afraid there'd be an invasion of francophones into the English school boards. The most recent argument she has been giving us is equally disingenuous, Mr. Speaker. She says that she's worried that it's the thin edge of the wedge to getting people wider access to English school. Neither argument is worth anything, Mr. Speaker, and that is the reason, the primary reason why the members of our Official Opposition in this House formally object to this Government's failure to respect its word. We will never accept 109 in its current form and this Government is showing that it is an unworthy negotiation partner in anything to do with constitutional matters. They don't know how to respect their word. It's simply not worth the paper it's written on. Thank you, Mr. Speaker.

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Nous cédons maintenant la parole au député de Lotbinière. M. le député.


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: D'abord, M. le Président, je voudrais rassurer le député de Marquette. Suite aux consultations publiques de la semaine dernière, le ministère rencontre différents intervenants afin de pousser plus à fond leurs suggestions lors de leur audition afin d'éviter les effets dits yoyo évoqués par plusieurs groupes au sujet du régime provisoire. La ministre assure un suivi serré des préoccupations de ceux et celles venus nous rencontrer et exprimer leur point de vue. Donc, à mon tour, il me fait plaisir d'appuyer Mme la ministre de l'Éducation et députée de Taillon sur son projet de loi n° 109 – en en proposant l'adoption du principe – Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives.

Le printemps dernier, le gouvernement avait signifié, M. le Président, son intention de procéder à la mise en place de commissions scolaires linguistiques, et ce, dès le 1er juillet 1998. Un plan d'action gouvernemental avait alors été déposé en cette Chambre à cette fin. Ce plan, on se le rappellera, avait suscité un certain nombre de réactions, comme le député de Marquette en a élaboré. Aussi, désireux de respecter les réserves des différents partenaires de l'éducation, le gouvernement avait décidé d'interrompre momentanément la démarche amorcée et avait convenu de poursuivre sa réflexion. Nous avions alors demandé à la Commission des états généraux sur l'éducation d'approfondir la question.

Alors, l'automne dernier, au terme de leurs travaux, les commissaires, majoritairement, formulaient notamment les recommandations suivantes: premièrement, transformer les commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques; deuxièmement, entreprendre les démarches pour l'abrogation de l'article 93 de la Constitution canadienne en vue de l'abolition des structures et des mécanismes actuels en matière de confessionnalité du système scolaire. Ces recommandations venaient alors enrichir le débat et s'inscrivaient dans la même ligne de pensée que la réflexion gouvernementale.

Le 15 avril dernier, l'Assemblée nationale votait à l'unanimité la résolution, résolution dite Mulcair, visant à soustraire le Québec à l'application des paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Nous avons alors immédiatement transmis cette résolution au gouvernement fédéral afin qu'il adopte sans tarder la résolution de modification constitutionnelle requise. Le 22 avril dernier, M. le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Stéphane Dion, au nom du gouvernement du Canada, déposait une résolution de modification constitutionnelle à la Chambre des communes à Ottawa pour donner suite à la démarche du Québec. Dans son discours, M. Dion a été clair: Il y a nécessité et urgence d'agir. Il déclarait alors, et je le cite, que «le gouvernement du Canada croit que l'amendement constitutionnel proposé est une bonne chose, car ses retombées seront bonnes pour la société québécoise, y compris ses deux composantes linguistiques». Fin de la citation.

M. le Président, il est heureux que M. Dion partage notre compréhension de la portée des droits confessionnels et des droits linguistiques au Québec. Vous allez me permettre de citer d'ailleurs plus amplement ses propos parce que je pense que cela est éclairant. Je cite à nouveau M. Dion: «L'article 23 de la Charte offre de fortes garanties constitutionnelles à la minorité linguistique. L'article 93 ne garantit que l'existence de structures de gestion confessionnelles à Montréal et à Québec et le droit à la dissidence dans le reste de la province, mais ne protège pas les droits linguistiques. Qui plus est, le contrôle et la gestion des structures scolaires linguistiques sont, en fait, garantis par la jurisprudence découlant de l'article 23 de la Charte et non de l'article 93 de la Constitution.» Fin de la citation.

Quant à l'urgence d'agir, elle m'apparaît sans équivoque, M. le Président, et M. Dion le disait lui-même, et je le cite encore: «Le gouvernement croit que cet amendement doit se faire rapidement.» Fin de la citation. Il est malheureux que le gouvernement fédéral n'ait pas effectivement donné suite rapidement à la volonté unanime exprimée par notre Assemblée nationale, car, pour nous, la mise en place de commissions scolaires linguistiques dès le 1er juillet 1998 nous oblige à légiférer dès maintenant. Nous devons le faire en tenant compte des contraintes que nous impose la Constitution de 1867, puisqu'elle n'est pas amendée ou modifiée.

Le projet de loi dont nous avons entrepris l'adoption du principe aujourd'hui respecte en tous points les droits linguistiques de la communauté québécoise d'expression anglaise ainsi que l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le maintien de structures confessionnelles rend cependant, nous ne le répéterons jamais assez, M. le Président, inutilement complexe toute l'opération de mise en place des commissions scolaires linguistiques.

Le projet de loi permet que les nouvelles commissions scolaires, qui seront moins nombreuses, soient déjà implantées à compter du 1er juillet 1998. À cet égard, je voudrais corriger, M. le Président, les propos tenus ici par le député de Richmond alléguant que les jeunes de la municipalité d'Ulverton, située dans la région 04-sud, c'est-à-dire dans les Bois-Francs, qu'il disait, lui, ne pourraient pas fréquenter l'école de Richmond, la High School, entre parenthèses, située à 12 km de la municipalité d'Ulverton, parce que Richmond était située dans la région de l'Estrie et que désormais ces jeunes d'Ulverton devraient fréquenter la High School de Trois-Rivières, située à 1 heure et quart d'autobus de cette municipalité. Ce n'est pas vrai. Les jeunes, même en rétablissant la carte scolaire au niveau des commissions scolaires anglophones, pourront consulter et fréquenter la même école qu'ils fréquentaient avant la carte.

Dans mon propre comté, les jeunes d'Inverness ou de Sainte-Agathe, d'Inverness entre autres, qui font partie justement de la région 04-sud, des Bois-Francs, fréquentent la High School de Thetford Mines dans la région de Chaudière-Appalaches et continueront à fréquenter ces mêmes écoles là et non pas voyager à Québec pour avoir leur éducation en anglais. Donc, il est faux de prétendre que les jeunes devront fréquenter leur école dans la même région administrative à laquelle ils appartiennent. Donc, je pense qu'il faut mettre ces choses-là au point.

En mettant en place des commissions scolaires linguistiques au Québec, nous visons des objectifs très précis, et je me permets de les répéter, M. le Président. D'abord, nous souhaitons favoriser l'intégration des immigrants et des immigrantes à la communauté francophone. Il faut voir actuellement comment, entre autres, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, il y a un taux d'intégration, je vous dirais même, d'assimilation de nouveaux arrivants, de nouveaux québécois à la communauté anglophone. C'est ce qui a d'ailleurs, entre autres, justifié le fait que nous décidions de choisir d'implanter une institution d'enseignement supérieur dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal et qui soit francophone, soit le cégep Gérald-Godin, si cher au député de Nelligan. Mais, donc, il faut bien se rendre à l'évidence que l'implantation des commissions scolaires linguistiques vise d'abord et avant tout à favoriser l'intégration des immigrants, de nouveaux québécois à la majorité, à la communauté francophone.

Le second objectif, M. le Président, et qui a fait l'objet d'engagement à l'égard de la communauté d'expression anglaise, est que celle-ci puisse assurer la pleine gestion de ses écoles. C'est un objectif tout aussi important, M. le Président, en ce qui concerne la communauté québécoise d'expression anglaise.

Le troisième objectif de l'implantation et la réorganisation sur une base linguistique de nos commissions scolaires, c'est de traduire dans les faits un large consensus en faveur de l'évolution de la société vers les commissions scolaires non confessionnelles.

(16 h 40)

Nous ne pourrons malheureusement peut-être pas atteindre entièrement tous ces objectifs puisqu'à Montréal le maintien des commissions scolaires confessionnelles pourrait retarder la pleine intégration des immigrants et des immigrantes à la communauté francophone. Par contre, en restreignant le territoire des commissions scolaires confessionnelles à celui de la ville de Montréal, il sera possible d'implanter de nouvelles commissions scolaires linguistiques sur le reste du territoire de l'île. Afin que les commissions scolaires linguistiques puissent commencer leurs activités comme prévu, il faudra déterminer les territoires de ces commissions scolaires ce mois-ci et, ensuite, préparer le décret qui doit être adopté au mois d'août 1997, soit très bientôt. Une large consultation a cours présentement sur la restructuration de ces territoires et se termine. Tout le processus se mettra en branle: formation de conseils provisoires, transfert du personnel, partage des écoles, établissement de listes électorales, et j'en passe.

En vertu de ce projet de loi, les nouvelles commissions scolaires linguistiques seront soit francophones, soit anglophones. La commission scolaire francophone constituera celle à laquelle auront accès tous les élèves résidant sur son territoire, quelle que soit leur langue. Elle offrira aux jeunes tous les services en français. La commission scolaire anglophone accueillera, pour sa part, les élèves déclarés admissibles à l'enseignement en anglais en vertu de la Charte de la langue française et qui choisiront, bien sûr, de s'y inscrire. La langue d'enseignement y sera l'anglais. Quant aux adultes, toutes les commissions scolaires pourront leur offrir des services en français ou en anglais, comme c'est le cas actuellement. Merci de votre attention, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Lotbinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais ajouter mon nom à la liste des députés du côté de l'opposition pour parler de la loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, Bill 109, Mr. Speaker, an Act to amend the Education Act, an Act respecting school elections and other legislative provisions.

M. le Président, je voudrais faire plusieurs commentaires sur plusieurs sujets. Je peux – et je vais le faire un peu plus tard, certainement – cibler mes grandes craintes, mes grandes questions sur la question du droit de vote. Je veux parler aussi, M. le Président, comme mon collège en a déjà discuté, de la question des délais, le temps, la période de transition pour implanter ces commissions scolaires linguistiques. Je veux parler aussi des frontières, les problèmes de territoire causés par ces nouvelles commissions. Mais, aussi, je veux parler sur les problèmes d'un autre chevauchement de structures: les régimes provisoires.

Mais, avant de commencer, M. le Président, j'ai besoin de faire quelques commentaires sur la dernière intervention du député de Lotbinière. Je pense qu'il a essayé de faire son travail, de défendre la ministre, mais je suis loin d'être convaincu, après son intervention, que c'est une bonne affaire. Il a parlé, je trouve ça intéressant, qu'ils poussent Ottawa à agir vite. Nous avons passé l'amendement juste au mois d'avril. Maintenant, ils veulent agir vite. Ce gouvernement a eu presque trois ans, deux ans et trois quarts, pour faire quelque chose. Malheureusement, pendant les premières années, ils ont référendé, après ça, ils ont sommetté. Ils n'ont rien fait, mais à la toute dernière minute ils ont dit: Hé! On doit faire quelque chose. On doit pousser Ottawa à faire le suivi de notre résolution sur l'article 93.

Mais voyons donc, M. le Président! Quand on parle des commissions scolaires, c'est aussi important pour la communauté, on prend le temps nécessaire, c'est une pierre angulaire de notre société. Peut-être que c'est un sujet qui n'intéresse pas les députés ministériels, peut-être qu'il n'y a aucun intérêt, je vois les bancs presque vides, M. le Président. Il n'y a eu aucun intérêt, jusqu'à maintenant, du côté ministériel. Avec ça, M. le Président, je voudrais dire que l'opposition officielle trouve ce sujet tellement important.

Le député de Lotbinière a parlé de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Je l'invite à venir nous voir, parce que, encore une fois, il n'a pas voulu faire ça, mais il a sali la réputation de la population de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Il a parlé de l'assimilation des immigrants, et tout ça. Venez nous voir! Peut-être qu'il n'est pas au courant qu'au-dessus de 60 % des élèves dans les écoles de la commission Lakeshore qui ont leur certificat pour aller dans une école anglaise, qui ont le droit, selon la Charte de la langue française, qui ont déjà dans leurs mains ou dans les mains de leurs parents le droit d'étudier en anglais, décident par choix d'étudier en français. C'est quelque chose! Ce n'est pas du tout la même image de l'Ouest-de-l'Île de Montréal que le député de Lotbinière essaie de peindre. Avec ça, M. le Président, c'était nécessaire de corriger ça tout de suite.

Mais aussi un petit commentaire sur le cégep Gérald-Godin, le cégep francophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Effectivement, c'est l'opposition, c'est quand nous étions au pouvoir; le Parti libéral a gagné le dossier. Mais c'est le Parti québécois, tout de suite après son élection, qui a arrêté. C'est eux autres qui ont tué le projet. Et maintenant c'est quatre ans en retard. Quatre fois plus cher et quatre ans en retard, M. le Président. Avec ça, je pense que le député doit être prudent avant de faire des discours dans cette Chambre. Mais j'accepte sa bonne foi, parce que j'ai parlé avec lui pendant la commission de l'éducation, quand nous avons écouté les groupes sur le projet de loi, et j'espère que lui va essayer de convaincre la ministre qu'elle est en train de faire une très mauvaise loi.

Juste avant de vraiment entrer dans mes questions, M. le Président, je voudrais citer la motion qui a été ratifiée unanimement ici, dans cette Chambre: «Considérant qu'en ce faisant – les commissions linguistiques – l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise. En particulier, considérant que les Québécois dont les enfants sont admissibles selon le chapitre VIII de la Charte de la langue française ont le droit de les faire instruire dans les établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle, conformément à la loi, et qui sont financés à même les fonds publics».

«Wherein doing so, the Québec National Assembly reaffirms the established rights of the English-speaking community of Québec. In particular, whereas Quebeckers whose children are eligible to attend English school under Chapter VIII of the Charter of the French language have the right to have them receive their instruction in English language educational facilities that this community manages and controls, as provided by law, and that are provided out of government funds».

It's very clear with the amendment that the Liberals made for – and I would congratulate the deputy from Chomedey for his involvement and all members who participated in that deliberation – it's that it was very clear, unanimously in this House, and we convinced the Parti québécois to accept it. It was on this condition that we accepted this amendment: that it was the English-speaking community of Québec that controls and manages its schools. It wasn't some convoluted definition that tries to limit basic fundamental rights of the English-speaking community.

I find this bill hypercritical, Mr. Speaker. I find it disrespectful of the will of the majority of Quebeckers, disrespectful of the unanimous vote in the National Assembly, fundamentally wrong, and I am fundamentally opposed to the provisions that limit the right of the English-speaking community to vote. But don't let the Opposition – excuse me, soon they will be in the Opposition – don't let the Government try to say: Well, then the deputy of Nelligan is against linguistic school boards. As the deputy of Chomedey said, 20 years ago, we were fighting for linguistic school boards.

Nous avons toujours travaillé pour le respect des minorités ici, au Québec, et partout au pays. Nous avons fait la bataille pour les minorités francophones en Ontario et au Manitoba. Je comprends ce que ça veut dire et je comprends que les commissions linguistiques, c'est essentiel pour la communauté d'expression anglaise et tous les Québécois. Avec ça, M. le Président, soyez assuré que j'appuie le mouvement pour les commissions linguistiques, les commissions scolaires linguistiques. J'ai toujours travaillé pour ça. Je pense que c'est dans l'intérêt de la communauté d'assurer que nous ayons ces structures en place.

Mais je suis contre, carrément contre la façon dont ce gouvernement est en train de procéder. Je pense qu'ils ne respectent pas leur parole, qu'ils ne respectent pas ce qu'ils ont voté dans cette Chambre. Avec ça, j'espère que la population québécoise va dire non à ce gouvernement et à ce projet de loi.

This, Mr. Speaker, is one of the most mean-spirited limitation draconian measures that I've seen by this Government. This is a government that says one thing and does completely the opposite. This is not a government that can be trusted. This is what they say when I ask: What is the problem? Why does this Government come up with rules that are going to limit the definition of the English-speaking community? I haven't heard one group, one person say that we need to limit ourselves. The Government says: No, we have to do it to protect you. Well, Mr. Speaker, I don't need that kind of protection. I taught my children to see through lies like that.

(16 h 50)

Mr. Speaker, as the deputy of Marquette talked about, it's like Little Red Riding Hood, when people are encouraged to believe something that isn't true. It's like leaving the fox in charge of the henhouse. It doesn't make sense, Mr. Speaker! The English-speaking community does not need this Government to protect it. In fact, we know that this Government is constantly proposing legislation that is against the interest of this community.

M. le Président, je pense que la grande, grande majorité des Québécois et des Québécoises, une fois qu'elle comprend ce que veut dire ce projet de loi n° 109, est aussi contre la définition aussi limitative de la communauté d'expression anglaise.

Qu'est-ce que vous pouvez trouver dans ce projet de loi comme définition? C'est une restriction aux parents qui suivent les règles que vous pouvez trouver dans le chapitre VIII de la Charte de la langue française, sur la question d'accès à l'école anglaise. C'est la mise de côté d'une grande, grande partie de la communauté d'expression anglaise, M. le Président.

It's a disenfranchisement of a great deal of the English speaking community. I asked Alliance Québec – who has been, incidently, Mr. Speaker, one of the leaders in this debate over the last two decades – How many people would be disenfranchised? How many English speaking people would lose their right to vote? Do you know how many people? Maybe you don't care. They estimated that well over 50 % would lose their right to vote. In fact, their anecdotal story was: In the room of 20 representatives of the English-speaking community, only two accepted these very restrictive rules of the definition of the English speaking community. So what's behind this Mr. Speaker?

Si ce n'est pas vraiment un problème... Parce que maintenant un protestant, s'il veut, peut voter dans une commission catholique, ou un catholique peut voter dans une commission protestante. Est-ce qu'ils ont eu les grands «take-over» comme nous avons vus dans le monde des affaires? Non. Est-ce que vous avez entendu qu'il y avait un problème? Non. Avec ça, M. le Président, c'est quoi qui est en arrière de ça? C'est quoi, la logique? C'est quoi, la tactique? C'est quoi, le petit truc que le Parti québécois est en train de faire?

Moi, je suis ici, M. le Président, pour sonner l'alarme à la communauté d'expression anglaise. C'est dangereux, cette définition de la communauté d'expression anglaise. C'est dangereux et il y a une logique derrière ça qui est contre les intérêts de la communauté d'expression anglaise.

Pourquoi je dis ça? Les faits parlent par eux-mêmes. Vous avez vu, vous avez tous vu le fameux discours au Centaur. Après ça, nous avons vu une stratégie de ce gouvernement qui lentement mais sûrement va essayer de limiter la communauté d'expression anglaise, va essayer de limiter l'accès dans la question de la santé et des services sociaux. Ils essaient de contrôler, de baliser toute une définition qui était généreuse auparavant; ils essaient de limiter la définition de la communauté d'expression anglaise. Avec ça, M. le Président, en arrière de ça, c'est quoi?

Est-ce que qu'ils veulent encore fermer d'autres établissements, comme ils ont fermé le Jeffery Hale, comme ils ont fermé le Queen Elizabeth, comme ils ont fermé Lachine, que le député de Marquette représente très bien aussi? Ils ont fermé le Reddy. Ils ont fermé quatre hôpitaux. Je trouve ça tellement hypocrite quand, avec l'opposition, ils dénoncent la fermeture de l'hôpital Montfort, en Ontario.

Ils ont fait ça à la communauté d'expression anglaise. Je pense que les deux provinces doivent faire le mieux pour les minorités linguistiques. Mais ils ont fermé ces hôpitaux. Après ça, pour la première fois dans l'histoire du Québec, ils ont dit que les programmes d'accès à la santé et aux services sociaux doivent avoir l'approbation de l'Office de la langue française avant que ça puisse être approuvé par le Conseil des ministres. Voyons donc! M. le Président, ce n'est pas un programme de francisation, c'est un programme d'accès à la santé et aux services sociaux.

Et dans cette loi, M. le Président, le Parti libéral a eu une définition généreuse de la communauté d'expression anglaise: ceux et celles qui se définissent eux-mêmes, qui viennent de la communauté d'expression anglaise, ils peuvent demander à avoir les services en langue anglaise.

Avec ça, M. le Président, on doit faire la connexion entre les deux. Deux grands dossiers de la société québécoise: santé et services sociaux et éducation. Est-ce que c'est ça en arrière, là? Is this the top of the iceberg? Est-ce que c'est ça, en arrière de tout ça, avec cette définition de limitation de droit de vote, le gouvernement va essayer, lentement mais sûrement, de limiter la définition elle-même de la communauté d'expression anglaise? Est-ce qu'il va essayer, après ça, de fermer plus d'établissements? Est-ce qu'il va essayer de limiter encore une fois l'accès? Est-ce que c'est ça, en arrière de cette stratégie? Parce qu'il n'y a aucune raison de limiter le droit de vote, tel que nous l'avons trouvé dans le projet de loi n° 109.

Est-ce que c'est aussi une façon de limiter l'argent, le financement pour nos écoles? Mais la ministre va dire: Ne vous inquiétez pas, M. Williams, député de Nelligan, il y a tout un système de péréquation. Mais je suis inquiet, M. le Président, parce que, une fois qu'elle a le contrôle, elle peut couper le financement, elle peut changer ça. Il n'y a aucune garantie. Ça ne fait rien, ce qu'elle dit ici, dans cette Chambre. Il n'y a aucune garantie que, dans l'avenir, cette péréquation va être protégée. Et vous savez qu'ils ont bel et bien ciblé le réseau de la santé et des services sociaux anglophone, avec toutes ces coupures et fermetures que j'ai mentionnées dans les quatre exemples. Est-ce que, dans le futur, ils vont faire la même chose en éducation? Peut-être que oui, M. le Président. On doit protéger la communauté mieux que ça.

La motion que nous avons tous ratifiée, à l'Assemblée nationale, ça respecte le gros bon sens. Ça respecte la volonté de la majorité des Québécois et Québécoises. C'est le Parti québécois qui ne respecte pas l'opinion de la grande majorité de la population québécoise. C'est inacceptable d'obliger, de forcer un citoyen à déclarer s'il est anglophone ou francophone. Il y a plusieurs exemples. Si vous avez déménagé ici, M. le Président, le 27 août 1997 et que vous êtes un Américain ou que vous êtes quelqu'un qui vient de Grande-Bretagne, vous n'êtes pas dans cette définition. Vous êtes ici comme membre de la communauté d'expression anglaise depuis 20 ans mais vous n'avez pas le droit de faire ça? Voyons donc, M. le Président, c'est inacceptable!

Avec ça, je pense que vous avez compris que, effectivement, il n'y a aucun sens dans cette limitation. Vous-même, peut-être, êtes en train de vous questionner: C'est quoi la logique en arrière de ça? Est-ce que la ministre veut vraiment tuer le réseau des établissements de la communauté d'expression anglaise? Est-ce que ça vient directement du bureau du premier ministre? C'est une autre façon de pousser la communauté d'expression anglaise, c'est une autre façon de la mettre de côté – comme le vice-président l'a déjà mentionné – c'est une autre façon de nous traiter d'une façon qui est différente des autres Québécois? Je trouve ça complètement inadéquat et dangereux, M. le Président.

I ask people listening to these speeches today on Bill 109... and I commend the porte-parole of our opposition and deputy of Marquette for his leadership on this dossier. We have to mount a concerted effort. It is fundamentally important for education, but it is more important than just education, it goes to the very definition of the English-speaking community. We will not allow ourselves to be defined in such a limited way, such a mean spirited way and such a deliberate way to hurt our community. Our community is larger than that. We are fully integrated and love this province and our country. We don't believe that you have to choose one or the other.

Mr. Speaker, we, as a community, are more and more making sure that our children are bilingual, making sure that our young people have the ware... within Québec. But when I see government plans such as this, in terms of the limitation of the right to vote, when I see in the famous report Le français, langue commune: enjeu de la société québécoise, and I see part of it as part of their plan to make sure every ministry checks and double-checks and comes up with the plan of defining what services there are, what kind of definition of the English-speaking community, I get worried. I get worried when this is the Government that says that my vote doesn't count as much as somebody else's vote. It's wrong.

(17 heures)

This is a government, as I said before, that can't be trusted. This is a government, by trick, by step by step, that is trying to redefine our community, trying to push us out. They say: Yes, we are giving you linguistic school boards, but we are going to limit it in such a way that you'll have great difficulties allowing the community at large to, in fact, control and management. Mr. Speaker, this is about control and management. This is about a fundamental institution of our society. This is about something that forms our community. This is something that we send our children to, we intrust in our teachers and our school boards our very future. And yet, this Government is trying to manipulate, to turn and control this in a completely unacceptable way.

Mr. Speaker, as I said before, I'm upset, I'm angry, I'm very disappointed that, so far, not one of the backbenchers – I understand the ministers are all controlled – have had the courage to stand up and say: You're right, this is wrong. Il n'y a aucune raison de limiter les droits des communautés d'expression anglaise comme ça, il n'y a aucune logique dans ça, c'est discriminatoire. Je suis déçu, M. le Président, que jusqu'à maintenant, nous n'ayons eu aucun député de ce côté qui se lève, qui ait le courage de dire: Nous, ici, au Québec, nous sommes plus ouverts que ça, nous avons confiance qu'on peut bâtir quelque chose ensemble, une commission linguistique pour la communauté d'expression française, une commission linguistique pour la communauté d'expression anglaise, sans limiter d'une façon artificielle le droit de vote.

Mr. Speaker, this is wrong, this is discriminatory, this is unfair, this is mean spirit and, I think, blows the cover off this Government, in terms of their strategy for minority communities. We've had all kinds of little anecdotal stories, whether it's referendum night or other comments about the right to vote. But what we've seen today – the Minister of Education has blown the cover off their strategy – is that there is a strategy that is focussed on the community. It's an assault on the community. It is unfair to the community. We don't need this kind of protection. We need to have a government, Mr. Speaker, that, as we did, the Liberal Party, knows that we can protect and promote the Québec society and the French society, but we can do it in full respect to the English-speaking community and its institutions. It is wrong. It will be challenged. And I believe, Mr. Speaker, that most Quebeckers will rise up and tell this Government that they're wrong: We, as Quebeckers, are more open, are more generous than this Parti québécois. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Laporte.

M. Williams: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement.

M. Williams: Oui. Je voudrais savoir si les députés du côté ministériel ont le droit de jouer au Nintendo ici, dans cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a une autorisation pour se servir de l'appareil, dans la mesure où on évite des bruits ou des sons.

M. Boulerice: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Privilège...

M. Boulerice: Oui, M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...brièvement.

M. Boulerice: Le député de l'autre côté – parce que je vais l'appeler par ça – a demandé s'il était permis aux députés de jouer au Nintendo. Alors, M. le Président, je lui demanderais de retirer ses paroles. Je suis, avec un ordinateur branché sur Internet, à envoyer des documents à un organisme qui s'appelle Les élus internautes, duquel d'ailleurs font partie deux de ses collègues, le député de Westmount–Saint-Louis et le député de l'Acadie. Il ne s'agit pas de Nintendo.

If he wants to play cheap, I know that being a bitch is a full-time job, and he's dammed well paid for that.

Une voix: Je pense qu'il devrait se retirer, quand même, c'est épouvantable.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, ce n'est pas à vous, M. le député, à intervenir là-dedans. Alors, écoutez...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Je crois que M. le député avait le droit de rectifier. Je n'avais pas compris, au début, je croyais que vous faisiez allusion uniquement à l'utilisation de l'ordinateur. Je n'ai pas compris. Alors, les choses sont claires maintenant. Pour ce qui est de l'utilisation de ces appareils, vous savez qu'il y a une décision qui a été prise par le président les autorisant tout en évitant de déranger. Alors, s'il y a des bruits, des fois, que ces appareils émettent, je vous demanderais de faire attention. Je ne connais pas tout l'aspect technique de votre système, mais, alors, c'est autorisé par une décision, si vous voulez. Alors, très bien. M. le député de Laporte.

M. Williams: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais brièvement, là.

M. Williams: Je n'ai pas ciblé un député, mais, lui, il m'a insulté. Il a changé du français à l'anglais. Peut-être qu'il a pensé qu'il pouvait passer ça plus vite comme ça. Mais je n'accepte pas ses paroles. Avec ça, s'il y a quelqu'un qui doit retirer ses paroles, je pense que c'est lui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, tous les députés ont été identifiés, maintenant. Alors, je crois qu'on a statué sur la question. Chacun a eu la possibilité de rectifier les choses. J'inviterais maintenant le député de Laporte à prendre la parole.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc à l'étude du principe du projet de loi n° 109...

M. Ouimet: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, vous venez de rappeler à l'ordre le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui, avec son appareil, fait du bruit, qui dérange la concentration des gens qui doivent parler en cette Chambre. Ça fait cinq fois que je l'entends...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, j'inviterais tous les gens à faire preuve de bonne volonté et à essayer autant que possible de contrôler... puis de ne pas faire de bruit. C'est ce qu'on peut demander. Mais seulement je ne sais pas s'il y a des bruits comme ça qui échappent sans qu'on puisse contrôler l'appareil. Ha, ha, ha! Ça, je ne le sais pas, mais je vous inviterais, s'il vous plaît, à faire preuve de bonne volonté de part et d'autre. Alors, M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur l'étude du principe du projet de loi n° 109, une loi qui fait en sorte de permettre à la ministre de l'Éducation de restructurer le territoire des commissions scolaires au Québec de façon à réduire le nombre de commissions scolaires.

Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement, au Québec, et surtout un gouvernement du Parti québécois, décide de jouer dans les structures. Ce gouvernement-là est un gouvernement qui historiquement a toujours recherché, a toujours souhaité jouer dans les structures. On dirait même qu'il est atteint de structurite, dans le sens qu'il semble que, pour ce gouvernement-là, ce soit plus important de s'attaquer aux structures, de les modifier que de régler les vrais problèmes que rencontrent les Québécois et les Québécoises. On pense, de ce côté-là de la Chambre, de l'autre côté de la Chambre, qu'en remodelant les structures, que ce soient des commissions scolaires ou que ce soient des municipalités, on va régler les problèmes sur le terrain. Or, c'est là une vue de l'esprit, M. le Président, que l'expérience nous a enseigné que très souvent on se trompe quand on pense régler les problèmes de cette façon-là.

Il y a, au gouvernement, des gens, des technocrates qui n'acceptent pas que sur le terrain les choses ne soient pas parfaitement exactes, qu'une municipalité régionale de comté, par exemple, ait plus de citoyens qu'une autre, qu'une commission scolaire soit plus petite qu'une autre. Ça dérange. Ça dérange les esprits qui sont tout à fait éloignés de la réalité. Ça dérange ceux qui, dans leur bureau à Québec ou ailleurs, regardent une carte, regardent un tableau; ils trouvent que ce n'est pas parfaitement homogène, ce n'est pas parfaitement conforme partout. Alors, si ce n'est pas parfaitement exact et conforme, on pense que forcément il doit y avoir de gros problèmes sur le terrain. Or, il faut se demander pourquoi on veut réduire le nombre de commissions scolaires. La réponse, quant à moi, est simple: on pense, de ce côté-là de la Chambre, qu'en réduisant le nombre de commissions scolaires on va faire des économies d'échelle, des économies. M. le Président, permettez-moi d'en douter.

J'ai vécu, dans le passé, des restructurations dans le domaine municipal où on a pensé qu'en fusionnant des municipalités on économise beaucoup d'argent. L'expérience a prouvé que, dans la plupart des cas, ce n'est pas vrai. Quand on crée des grosses structures, quand on augmente le nombre de citoyens qui sont régis par un conseil municipal ou par une commission scolaire, on éloigne littéralement l'élève ou le citoyen de ceux qui le dirigent et on fait en sorte que ceux qui dirigent perdent le contact avec la réalité, étant trop éloignés. Allez dans les municipalités du Québec, allez dans les petites municipalités du Québec et demandez aux citoyens s'ils ne sont pas satisfaits, s'ils ne sont pas contents de pouvoir régulièrement rencontrer leurs échevins, rencontrer leur maire, rencontrer leurs commissaires scolaires dans la rue, discuter avec eux, tenter de les influencer et participer, d'une certaine façon, à l'élaboration des décisions que doivent prendre ces administrateurs-là.

(17 h 10)

Mais, si vous allez à Montréal, par exemple, dans une grande ville, bien, là c'est illusoire de penser qu'un simple citoyen peut avoir ce rapport-là avec ses commissaires ou avec ses échevins ou avec son maire, de sorte que, finalement, dans les petites municipalités ou dans les petites commissions scolaires, on est convaincu qu'on a une meilleure qualité de services, une meilleure qualité d'éducation dans les commissions scolaires, souvent, que dans les grosses structures.

D'autre part, si, du côté de la qualité des services, il ne semble pas y avoir d'avantage à grossir les structures, est-ce que, dans les commissions scolaires, il y aurait, par exemple, des économies d'échelle? Est-ce qu'on sauve de l'argent, est-ce qu'on économise de l'argent à fusionner des commissions scolaires, à fusionner des municipalités? Là encore, l'expérience nous prouve que non, à moins que ce soient de très, très petites municipalités de quelques centaines de citoyens. Dès qu'on atteint une certaine masse critique, ça devient non rentable, après ça, de continuer à grossir. C'est ce qu'on appelle la loi des rendements décroissants, qui fait que, quand on devient trop gros, on se perd. Les avantages qu'on aurait pu réaliser en regroupant de très petites unités, on les perd quand on atteint un niveau de concentration trop important.

Or, dans mon comté, M. le Président, le comté de Laporte, que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale depuis au-delà de 16 ans, il y a une commission scolaire qui s'appelle la commission scolaire de l'Eau-Vive, qui fait partie de la MRC de Champlain. La MRC de Champlain, c'est la plus grosse MRC au Québec, c'est une MRC qui compte un très grand nombre de citoyens, exactement 400 000 habitants dans une même MRC. Et ça se compare, par exemple, à la MRC du Bas-Richelieu où il y en a 45 000, par exemple. Il y a un grand nombre de MRC au Québec où il y en a beaucoup moins. Je pense à la MRC d'Acton, par exemple, qui a probablement moins de 20 000 habitants.

Alors, qu'est-ce qu'il fait, le gouvernement? Le gouvernement, il nous dit que les commissions scolaires devront épouser le territoire des MRC. Alors, ça veut dire, ça, que, dans la MRC de Champlain, par exemple, il n'y aura qu'une seule commission scolaire. C'est malheureux, M. le Président, parce que ça veut dire que chaque commissaire d'école représentera en moyenne 20 000 habitants: 20 000 habitants pour un commissaire d'école. Dans une des municipalités que je représente, Saint-Lambert, il y a 20 000 habitants; dans celle de Greenfield Park, il y a 20 000 habitants. Donc, il y aura un commissaire d'école pour toute la municipalité de Saint-Lambert et un autre pour toute la municipalité de Greenfield Park, alors que présentement on a des commissions scolaires qui sont à une échelle beaucoup plus humaine que ça.

Pourquoi noyer littéralement les étudiants, les parents aussi, dans une immense commission scolaire, alors qu'on pourrait probablement avoir des commissions scolaires à échelle plus humaine? D'autant plus qu'on nous dit que le monde municipal aussi veut des changements. Le premier ministre a annoncé qu'il était pour réduire le nombre de MRC au Québec. Si on est pour jouer dans les structures municipales et que maintenant on dit qu'on va tailler les commissions scolaires sur les MRC, est-ce qu'on ne devrait pas commencer par régler le problème des structures municipales, régler ça une fois pour toutes? Si on est pour réduire le nombre de MRC, qu'on le fasse. Et, après ça, il me semble que ce serait logique, après ça seulement, d'aller faire en sorte, si on veut, que les commissions scolaires épousent le territoire des MRC. On pourra le faire si on veut après, mais pas mettre la charrue devant les boeufs. Présentement, on tente de faire en sorte que les commissions scolaires épousent le territoire des MRC. On ne sait même pas si ces MRC là vont subsister encore, puisque le premier ministre nous annonce des changements dans les territoires des MRC. Ça ne m'apparaît donc pas logique.

M. le Président, j'aimerais également vous parler d'une autre commission scolaire qui est située dans le comté de Laporte, c'est la commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park. Alors, là, c'est un cas tout à fait spécial, un cas pratiquement unique au Québec, où, en vertu de la Constitution canadienne, vous avez un groupe de citoyens qui se sont constitués dans une commission scolaire confessionnelle, catholique, dans un territoire qui était majoritairement protestant lors de la Confédération, et qui, en vertu de l'article 93 de la Constitution, jouissent d'un droit garanti par la Constitution de pouvoir maintenir ces écoles dissidentes et cette commission scolaire dissidente catholique.

Or, la ministre, dans son projet, veut faire disparaître totalement la commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park. Et, dans le régime provisoire qui est prévu, elle protège les droits provisoires des commissions scolaires de Montréal et de Québec, mais elle laisse tomber les mêmes droits qui existent en faveur de la commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park. M. le Président, si c'est bon pour les grosses commissions scolaires de protéger leurs droits garantis par la Constitution dans le régime provisoire, pourquoi est-ce que le gouvernement laisse tomber une petite commission scolaire comme celle-là, qui est un modèle, littéralement un modèle, de commission scolaire?

Toutes les commissions scolaires au Québec devraient regarder cette commission scolaire là et tenter de l'imiter. Je vous donne certains faits, M. le Président. Ce n'est pas une grosse commission scolaire: 1 800 élèves, quatre écoles. Mais, sur ces écoles-là, M. le Président, les quatre écoles sont de type international; donc, ouverture sur le monde. Et je vous donne la nomenclature, M. le Président, pour qu'on comprenne; je le dis parce que je vais citer un texte qui a été prononcé par le président de la commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park en commission parlementaire.

Il disait ceci: «Le statut particulier de la commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park, reconnu par la législation, a favorisé l'émergence de projets éducatifs uniques correspondant aux aspirations, aux croyances et à la diversité culturelle de la population, lesquels projets constituent autant d'alternatives originales au curriculum scolaire de l'élève. Ce sont: une école internationale primaire – primaire – où cohabitent les deux grandes cultures, francophone et anglophone, et qui dispense le cours international approuvé par l'International School Association de Genève, en Suisse, à toute la clientèle de l'école; il y a aussi l'école internationale primaire Pierre-Laporte, reconnue pour ses services d'accueil et de francisation et qui développe actuellement une approche de l'enseignement assisté par la technologie de l'information; l'école secondaire Saint-Edmond, qui dispense l'éducation internationale pour tous les élèves et dont le programme est approuvé par l'Office du baccalauréat international de Genève également; ainsi que l'école Saint-Jude, une école anglophone à immersion française de la maternelle à la cinquième année du secondaire et qui dispense l'éducation internationale à tous ses élèves et dont le programme est approuvé par l'Office du baccalauréat international de Genève également.»

M. le Président, dans cette commission scolaire là de 1 800 élèves, je dirai qu'à peu près 85 % des élèves sont d'expression française et 15 % d'expression anglaise mais qui sont dans un bain linguistique d'immersion totale dans l'école. Et tous ces projets éducatifs particuliers permettent à tous les élèves d'avoir accès aux valeurs et à la vision élargie d'une éducation internationale en plus de satisfaire pleinement aux exigences du régime pédagogique et des lois du Québec.

M. le Président, inutile de dire que la participation des parents est totale dans cette commission scolaire là et que les résultats sont absolument surprenants. Et je vous en donne un exemple. Au fil des années, la commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park a prouvé dans les faits que ce n'était pas par des regroupements massifs ou par des considérations de structures que l'on améliorait la qualité du service à l'élève.

Entourée de commissions scolaires pratiquement cinq à huit fois plus grosses qu'elle – et ça sera probablement maintenant 20 fois plus grosses qu'elle; d'ailleurs, elle sera littéralement engloutie dans cette commission scolaire là – elle a survécu, elle a dispensé des services éducatifs d'une qualité telle qu'elle occupe les premiers rangs du palmarès provincial au Québec, notamment deux premières places depuis les cinq dernières années en ce qui a trait aux résultats obtenus lors des examens du ministère de l'Éducation; deux premières places, M. le Président, en cinq ans. Les premiers rangs au palmarès provincial en ce qui concerne les résultats des examens du ministère de l'Éducation du Québec pour la petite commission scolaire catholique dissidente de Greenfield Park. Et elle a montré, M. le Président, une santé financière telle qu'elle n'a jamais eu de déficit, enregistrant des surplus financiers à chaque année.

(17 h 20)

M. le Président, c'est un modèle que cette commission scolaire là, c'est un bijou. Parce que cette commission scolaire là non seulement elle donne à ses élèves une éducation dans les deux langues... Mieux que ça, dans les trois langues, M. le Président, parce qu'on enseigne également l'espagnol à la commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park. Étant donné que nous faisons partie de l'ALENA maintenant, l'entente de libre-échange avec le Mexique et les États-Unis, on ouvre les yeux, les oreilles et les esprits des élèves sur cette dimension linguistique. Et cette commission scolaire là, en donnant tous ces services-là, ces projets éducatifs absolument exceptionnels, en ouvrant la vision des élèves sur le monde, a réussi continuellement à maintenir un équilibre financier parfait. Jamais de déficit, toujours des surplus à chaque année et en ne taxant pas indûment les citoyens.

M. le Président, qu'est-ce qu'on veut de mieux? Pourquoi faire disparaître une commission scolaire comme celle-là dont les droits, je le répète, sont protégés par l'article 93 de la Constitution canadienne, étant donné que c'est un groupe de citoyens qui a utilisé l'article 93 pour reconnaître sa minorité linguistique et qui est protégé, donc, par l'article 93?

La ministre de l'Éducation n'a pas raison, n'a pas de raison de faire disparaître cette commission scolaire là. Dans le projet que l'opposition libérale avait soumis originalement, nous aurions conservé les droits de la commission scolaire catholique de Greenfield Park. Malheureusement, aujourd'hui, avec les événements qu'on sait, le gouvernement est en train, même dans le régime provisoire... Dans le régime provisoire, le gouvernement ne protège pas, n'entend pas protéger les droits de cette minorité-là.

M. le Président, je le dis, je le répète, on a beau faire toutes les structures qu'on veut, on a beau proposer aux citoyens du Québec des changements, ce qui compte, c'est la qualité du service aux élèves, la qualité de l'éducation. Moi, je me fous des structures, je me fous qu'une commission scolaire soit plus grosse ou plus petite qu'une autre, je me fous qu'une municipalité soit plus grosse ou plus petite qu'une autre; ce qui m'intéresse en premier lieu, c'est la qualité du service aux citoyens – aux élèves, dans ce cas-ci – et, deuxièmement, les coûts pour la population. Or, la preuve est faite par 20 qu'il n'y a pas d'économies d'échelle réelles à tenter de monter des structures énormes; au contraire, l'expérience prouve que c'est la loi des rendements décroissants qui s'applique, et ça coûte plus cher, en général, quand on met sur pied des grosses structures.

Deuxièmement, la preuve est faite également que les services aux citoyens ne sont pas améliorés quand on met au monde des grosses structures. Les énergies sont bouffées par la fonction publique. Ce sont les technocrates, ce sont les machines qui accaparent les énergies, et, au niveau des citoyens, on n'a pas de meilleurs services. C'est pourquoi, M. le Président, je vous dis et je répète que je déplore – je déplore et je ne peux pas le dire assez fort – que ce gouvernement ne s'ouvre pas les yeux, ne descende pas dans la rue, n'aille pas voir dans les écoles ce qui se passe et, d'une façon injuste, d'une façon aveugle, décide de mettre la hache dans des structures qui existent, qui sont à échelle humaine et qui donnent des services aux citoyens tels que ces citoyens-là, ces élèves-là ne reverront plus ce genre de qualité de services.

C'est dommage, parce qu'on est en présence d'un gouvernement qui est aveugle, un gouvernement qui se fie aux données technocratiques probablement de ses hauts fonctionnaires. Et peut-être qu'aussi on peut dire que plusieurs de ces ministres-là ont cette mentalité technocratique, dont certainement la ministre de l'Éducation, et on refuse de voir la réalité en face. On refuse de considérer que, au niveau de la rue, au niveau des gens, au niveau des commissions scolaires, il se fait des choses extrêmement intéressantes dans des commissions scolaires à échelle plus humaine et que les parents ne souhaitent pas, dans la plupart des cas, voir leurs élèves engloutis dans des immenses commissions scolaires où on ne pourra jamais s'adresser à un commissaire. On ne pourra pas le voir, M. le Président, parce que, comme chez moi, là, il y aura 20 000 parents pour un commissaire d'école. C'est bien entendu que ça va être fini, la démocratie. On ne pourra plus, en aucune façon, avoir quelque rapport que ce soit avec nos commissaires d'écoles. On ne pourra pas les influencer, on ne pourra pas leur faire comprendre ce qui se passe sur le territoire.

M. le Président, je formule le voeu, en terminant, que la ministre de l'Éducation prenne le temps de descendre au niveau des citoyens, au niveau des parents, au niveau des élèves, qu'elle aille voir se qui se passe dans les commissions scolaires, qu'elle aille voir ce qui se passe sur le terrain des vaches, et elle va se rendre compte que c'est bien beau de faire des grands projets, c'est peut-être très beau sur des grands tableaux quand on regarde ça, là, ça a l'air parfait, mais, dans la réalité de tous les jours, ça crée des gros problèmes, M. le Président, et c'est finalement le citoyen, c'est l'élève qui va payer le prix des visées tout à fait technocratiques de la ministre de l'Éducation.

M. le Président, je le déplore et j'espère qu'il reste encore assez de temps pour que la ministre se rende à l'évidence et qu'elle modifie son projet de loi en conséquence. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président, de me permettre de prendre la parole sur ce projet de loi qui modifie la Loi sur l'instruction publique afin d'assurer la mise en place des commissions scolaires francophones et des commissions scolaires anglophones, ce projet de loi qui vient modifier les règles du régime d'implantation de ces commissions, notamment celles relatives à la formation, à la composition et au fonctionnement des conseils provisoires chargés de prendre les mesures préparatoires requises pour le fonctionnement des commissions scolaires francophones et des commissions scolaires anglophones à compter du 1er juillet de l'année qui suit celle de la publication du décret de division territoriale instituant ces commissions.

Vous voyez, M. le Président, à la lecture même du projet de loi et de ses objectifs, comment on peut associer toute la dimension technocratique que mon prédécesseur, l'excellent député de Laporte, a si bien démontrée.

Par ailleurs, le projet de loi institue un régime provisoire pour les commissions scolaires confessionnelles et dissidentes. Ce régime provisoire prévoit d'abord que le territoire de chaque commission scolaire confessionnelle de Montréal et de Québec correspondra à celui de la ville de Montréal ou de Québec, selon le cas. Il remplace, de plus, le nom de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal par celui de Commission des écoles protestantes de Montréal et le nom de la commission scolaire Greater Québec par celui de Commission des écoles protestantes de Québec.

Il prévoit également qu'il sera institué dans toute commission scolaire confessionnelle un conseil linguistique de la minorité d'élèves qui sont déclarés admissibles à recevoir l'enseignement en anglais là où la majorité des élèves ne le sont pas ou, inversement, de la minorité d'élèves qui ne sont pas déclarés admissibles à recevoir l'enseignement en anglais là où la majorité des élèves le sont.

Le projet de loi veut mettre fin à l'existence de cinq commissions scolaires dissidentes existantes, mais maintient pour les minorités, catholique et protestante, le droit d'exercer la dissidence de façon concomitante à l'implantation des commissions scolaires francophones et des commissions scolaires anglophones ou de l'exercer ultérieurement. Il simplifie les règles relatives à l'exercice de ce droit et prévoit qu'une commission scolaire dissidente, catholique ou protestante, sera soit francophone ou anglophone.

En ce qui a trait à la Loi sur les élections scolaires – et c'est là que les difficultés s'annoncent – le projet de loi établit de nouvelles règles relatives à la participation à l'élection des commissaires et à la confection des listes électorales des commissions scolaires francophones et anglophones. Le projet de loi contient également une annexe prévoyant des modifications supplémentaires à la Loi sur l'instruction publique dans le cas d'un amendement constitutionnel survenant avant le 1er janvier de l'année qui suit la publication du décret de la division territoriale instituant les commissions scolaires francophones ou anglophones.

M. le Président, en parlant de modification constitutionnelle, je pense qu'il serait important de rappeler ce sur quoi cette Assemblée, tous les membres de l'Assemblée nationale, à l'unanimité, ils se sont entendus lors d'une motion, et particulièrement le paragraphe de cette motion qui reconnaissait les droits des communautés anglophones, droits de mieux contrôler et de gérer leur communauté. Je rappelle ce sur quoi nous avons voté, cet important alinéa:

(17 h 30)

«Considérant qu'en ce faisant l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise. En particulier, considérant que les Québécois dont les enfants sont admissibles selon le chapitre VIII de la Charte de la langue française ont le droit de les faire instruire dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle...» Je répète, M. le Président, parce que c'est très important: «...considérant que les Québécois dont les enfants sont admissibles selon le chapitre VIII de la Charte de la langue française ont le droit de les faire instruire dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle, conformément à la loi, et qui sont financés à même les fonds publics».

Le litige, M. le Président, c'est évident, c'est qu'on veut empêcher certains anglophones de pouvoir contrôler leurs institutions, de pouvoir participer à l'élection des représentants comme commissaires ou même eux-mêmes de se présenter, malgré cette grande unanimité qui a été reconnue à l'Assemblée nationale. Alors, M. le Président, comme le critique de l'opposition en matière d'éducation l'a mentionné, ce refus ou ces restrictions ajoutées lors de la présentation du projet de loi peuvent possiblement entraîner une difficulté à conserver ce consensus, au moment où le gouvernement canadien étudie la motion et étudie ce dossier.

Si les gens qui ont voté cette motion à l'Assemblée nationale avaient su le contenu du projet de loi, je pense qu'il y aurait eu beaucoup, beaucoup de réserve qui aurait été apportée avant de voter une telle motion, et peut-être même qu'il n'y aurait peut-être pas eu de consensus. Je trouve déplorable, encore une fois, que la ministre n'ait pas voulu effectuer ses consultations avant le dépôt de cette motion. Au moment où elle les a faites finalement, ces consultations, c'est lorsque le projet de loi a été déposé, alors que nous aurions souhaité le faire avant de voter sur la motion.

Je voudrais rappeler un certain nombre d'associations extrêmement importantes et bien représentatives de la communauté anglophone qui se sont prononcées contre les dispositions apportées par le projet de loi n° 109 concernant le droit de vote. Et là je fais l'énumération des gens qui se sont présentés en commission parlementaire pour bien signifier au gouvernement qu'ils n'étaient pas d'accord avec les éléments contenus dans le projet de loi concernant le droit de vote. Alors, c'était l'Association des directeurs généraux protestants, l'Association québécoise des commissions scolaires, la commission scolaire dissidente Greater Québec, l'Association provinciale des enseignants protestants, English-speaking Catholic Council, Alliance Québec, la CEPGM, le Conseil scolaire de l'île de Montréal, la Fédération des comités de parents du Québec, le Québec Federation of Home and School, Voice of English Québec, Commission d'éducation en langue anglaise. Et cette commission, vous vous souvenez, était présidée par Mme Gretta Chambers, une dame très, très digne qui est bien représentative aussi de la communauté anglophone et qui mérite notre respect. Je pense qu'elle a toujours su prendre des positions modérées, particulièrement dans le domaine de l'éducation. Également, une autre, la commission scolaire Lakeshore, s'est présentée devant la commission parlementaire pour bien signifier qu'elle n'était pas d'accord avec les dispositions apportées par le projet de loi n° 109 concernant le droit de vote.

M. le Président, à quoi peut-on attribuer ce – si vous me permettez – certain entêtement de la part de la ministre de l'Éducation à insister pour obtenir envers et contre tous, enfin, une limitation, des restrictions assez importantes sur le droit de vote? On a essayé de savoir pourquoi. Malheureusement, il y a toujours cette même réponse qui revient: c'est l'aile radicale du parti qui nous gouverne qui dicterait ce genre de discrimination, jusqu'à un certain point, et je pense qu'il faudrait le déplorer. J'ai vraiment cru, au moment où nous avons voté la motion ici, à l'Assemblée nationale, qu'on avait vraiment une ouverture et qu'on était prêt à reconnaître, pas seulement dans une motion, mais dans le projet de loi qui devait suivre, que les établissements de langue anglaise seraient gérés et contrôlés par la communauté. M. le Président, j'aimerais refléter ici un peu ce que les anglophones de mon comté et de différents endroits au Québec pensent du projet de la ministre de l'Éducation.

Alors, vous pouvez être certain que ce projet soulève des inquiétudes et que les anglophones de mon comté et de plusieurs comtés ont réagi plutôt froidement au projet de loi de la ministre de l'Éducation sur les nouvelles commissions scolaires linguistiques, projet qui est déposé et qui est à l'étude maintenant ici même, à l'Assemblée nationale. Tout en se réjouissant d'avoir enfin des commissions scolaires linguistiques – et c'est important, M. le Président, de le dire et de le répéter, il y a vraiment un consensus au Québec dans la communauté francophone et dans la communauté anglophone pour qu'on puisse avoir enfin une solution au problème des commissions scolaires, et c'est les commissions scolaires linguistiques – eh bien, les gens sont vraiment inquiets de voir – à travers un tel projet de loi auquel ils ont souscrit, ils ont été d'accord avec le principe – que, là, on revient par en arrière puis on va essayer de les limiter dans le droit le plus fondamental de n'importe quelle démocratie, M. le Président, le droit de vote.

Selon le projet de loi, seuls les anglophones qui répondent aux critères de la loi 101 pourront voter dans une commission scolaire anglophone. Il y a une partie de la communauté qui en est exclue. Pourtant, le droit de vote, c'est fondamental. De plus, cette disposition a un impact sur la taxe scolaire. On verse l'argent là où on vote, M. le Président. Enfin, le gouvernement marginalise les commissions scolaires anglophones et, encore là, c'est un irritant qui s'ajoute à combien d'autres.

J'avais l'occasion d'intervenir sur le projet de loi n° 40 – vous vous souvenez, M. le Président – ce fameux projet de loi qui crée la police de la langue, et je faisais toujours le même rapport: Lorsque M. le premier ministre du Québec s'était présenté au théâtre Centaur, peu de temps après son assermentation, et qu'il avait... je crois qu'il avait vraiment eu un discours d'ouverture, mais c'était un discours. Tout de suite après, M. le Président, les décisions sont arrivées: fermeture d'hôpitaux dans l'Ouest-de-l'île de Montréal comme jamais ça ne s'était fait dans le passé; fermeture de la cour juvénile; déclaration de M. Parizeau le soir du référendum, déclaration sur les ethnies, déclaration qui n'a jamais été dénoncée par aucun député du parti ministériel. Et, dans le cadre de la loi n° 40, s'ajoutait cette police de la langue. Et maintenant on veut encore, par le biais du projet de loi n° 109, eh bien, limiter le droit des anglophones à faire élire, à participer à la gestion de leurs propres commissions scolaires.

Commencez-vous à comprendre, M. le Président, pourquoi les anglophones commencent à avoir une difficulté à bien saisir les objectifs du gouvernement? Pourquoi plusieurs d'entre eux sont méfiants? Est-ce que, M. le Président, les messages vont finir par être clairs, par être écoutés?

Les présidents des deux plus importantes commissions scolaires du Québec, la CECM et la CEPGM, n'avaient pas été mis au courant, M. le Président, n'avaient pas été mis dans le coup par la ministre de l'Éducation. On a appris que le président de la CECM, M. Pallascio, a su tout à fait par hasard que le projet de loi était déposé. Un employé de la commission scolaire naviguant sur Internet avait vu l'annonce de la ministre et la lui a transmise. Quant à M. Butler, qui est le président de la CEPGM, il est tombé des nues lorsque la presse l'a contacté chez lui pour avoir ses réactions. Il a dit que le projet créait évidemment plus de problèmes qu'il n'en résolvait, avec le peu d'information qu'il avait.

(17 h 40)

Qu'arrivera-t-il des différentes écoles, Outremont ou Mont-Royal, qui ne sont pas situées sur le territoire de la ville de Montréal mais dont la très grande majorité des élèves vit à Montréal? Est-ce qu'ils vont appartenir à la CEPGM ou à la commission scolaire linguistique? Et les employés, où iront-ils? Le projet de loi ne répond pas à ces questions.

La solution retenue par la ministre ne plaît pas du tout, évidemment, à plusieurs, dont M. Butler, le président de la commission scolaire protestante. Il aurait préféré que le gouvernement crée une commission scolaire anglophone sur le territoire de la commission scolaire protestante. Si les deux gouvernements s'entendent pour modifier la première loi du pays, personne ne peut s'objecter légalement à ça. Chose certaine, la liberté de choix des parents ne sera pas respectée. M. le Président, me semble qu'il devrait y avoir des messages qui devraient au moins être écoutés, la teneur et la qualité des messages qui sont adressés, pas par des radicaux, par des individus qui sont modérés, de la communauté anglophone. Eh bien, comment se fait-il que ces messages... On ne peut jamais réussir à changer les décisions des différents ministres. Dans ce cas-ci, c'est la ministre de l'Éducation.

Là aussi, on nous dit que Mme la ministre entend maintenir le cap: «Le chassé-croisé entre francophones et anglophones laisse la ministre de marbre.» C'était dans Le Soleil à la fin du mois de mai, le 28 mai dernier. Et là il y a quand même quelque chose de nouveau. C'est: autant les francophones que les anglophones sont d'accord pour dénoncer le projet de loi sous différents aspects. Les critiques des francophones sont sur le redécoupage de la carte scolaire et ceux des anglophones, sur leur droit de vote. Eh bien, ça n'a pas amené du tout la ministre à ralentir la marche pour la création de ces commissions scolaires linguistiques. Cependant, M. le Président, ça peut amener vraiment un empêchement majeur, et tous ces groupes que j'ai énumérés tantôt, s'ils décident de se diriger à Ottawa, de rencontrer le gouvernement fédéral pour dire que le consensus qui avait été obtenu ne tient plus, eh bien, tous les efforts de tous les groupes à travers le Québec pour créer des commissions scolaires linguistiques auront été faits en vain. Pourquoi? Parce que le gouvernement a décidé d'écouter l'aile radicale de son parti et non pas d'écouter la population qui, elle, est beaucoup plus tolérante que le gouvernement qui nous gouverne.

M. le Président, j'aimerais peut-être, à ce moment-ci, souligner jusqu'à quel point il y a eu des efforts de la part de l'opposition officielle pour qu'on puisse tous ensemble arriver à un terrain d'entente qui permettrait à tout le monde de mieux s'épanouir dans le système d'éducation, aussi bien francophone qu'anglophone. Pourquoi toujours ces restrictions? Pourquoi toujours une espèce de coercition? On n'a jamais de réponses dans ce qu'on nous livre, de l'autre côté. Alors, j'aurais aimé beaucoup mieux parler aujourd'hui de la qualité de l'enseignement, de l'implication des communautés dans leurs commissions scolaires, avec un respect sûrement des plus profonds, comme ça devrait être dans une société qui se veut une société ouverte et tolérante et qui malheureusement est de moins en moins la nôtre, malgré les efforts qui sont faits par des leaders remarquables. J'ai parlé de Mme Gretta Chambers tantôt et je pense également à d'autres, et on n'aurait sûrement pas assez de temps pour énumérer le nom des gens qui sont prêts à travailler pour améliorer la société québécoise. Mais la société québécoise, M. le Président, ça comprend aussi des anglophones, ça comprend aussi des allophones, ça comprend plein de gens qui sont désireux de faire de cette société une des plus dynamiques en Amérique du Nord.

Malheureusement, ce gouvernement nous empêche de réaliser cette ambition légitime et extrêmement importante. Ce gouvernement n'a qu'un seul projet, celui de séparer le Québec, et toutes les autres actions, dont celle contenue dans le projet de loi n° 109, celle de limiter, de restreindre le droit de vote aux anglophones dans leurs commissions scolaires, eh bien, ça va à l'encontre de tout ce beau discours charmeur, enjôleur qu'on veut bien nous présenter, M. le Président.

M. Gautrin: Question de règlement, M. le Président. Pourriez-vous faire appliquer l'article 32 qui demande à chacun d'être assis à sa banquette, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci vaut pour tout le monde et non pas uniquement quand on fait un rappel au règlement. M. le député de Verdun. Alors... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous inviterais rapidement à prendre vos sièges. M. le député de Robert-Baldwin, il vous restait quelque 40 secondes, à peu près, si vous voulez terminer.

M. Marsan: Oui, M. le Président, je veux vraiment les utiliser; je pense qu'elles sont tellement importantes. Peut-être terminer sur ce message d'espoir, de demander à ce gouvernement d'avoir un esprit de tolérance – on n'y est pas habitué avec eux – est-ce que ce serait possible, dans le cadre de la loi n° 109, d'avoir cet esprit de tolérance plutôt que cet autoritarisme dépassé? Qu'on ait un projet qui soit rassembleur et non pas un projet qui divise les Québécois, une fois pour toutes? Et qu'on s'attarde toujours sur la qualité de l'éducation au Québec, que ce soit pour les commissions scolaires anglophones ou francophones? C'est le voeu que nous faisons, et j'espère que, très bientôt, nous serons là pour le réaliser, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viger. M. le député.

Une voix: Lui, c'est un gentleman.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Oui, je suis un gentleman. Oui, c'est vrai, et je vais toujours continuer de l'être, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Mais, ça, j'aimerais que de votre part ce soit la même chose, par exemple.

M. le Président, j'interviens sur le projet de loi n° 109 parce que je crois que c'est important d'intervenir dans le sens que nous avons, en tant qu'opposition officielle, donné notre consentement, et je dirais même notre approbation, sur l'implantation des commissions scolaires linguistiques. Je pense que ça a été unanime, même une motion a été présentée dans ce Parlement justement pour demander un amendement constitutionnel à l'article 93, au gouvernement fédéral. M. le Président, nous avons donné ce consentement au gouvernement parce que nous croyons que c'est important qu'il y ait l'implantation de ces commissions scolaires linguistiques ici, au Québec.

M. le Président, je pense qu'un changement aussi profond que celui-là, pour être mis en application, pour être valable, pour recevoir vraiment de la part de toute la population du Québec un consentement unanime, il faut quand même que toute la population, tous les gens soient protégés et aient les mêmes droits que tout le monde.

M. le Président, dans le projet de loi n° 109, comme le disait mon collègue de Robert-Baldwin, il y a certains items, je peux dire, qui font un peu problème, et on les a établis. Je pense que le critique de l'opposition officielle, le député de Marquette, l'a très bien établi dans son intervention qu'il a faite au début de l'explication de cette loi, on joue actuellement avec spécialement le droit de vote de la minorité, et spécifiquement de la communauté anglophone.

Dans le projet de loi n° 109, l'article 51 du projet de loi n°109 remplace l'article 15 de la Loi sur l'instruction publique. Le deuxième alinéa de cet article se lit comme suit: «L'électeur qui, à la même date – à la date du 30 septembre – n'a pas d'enfant admis aux services éducatifs dispensés dans les écoles de l'une ou l'autre commission scolaire qui a compétence sur le territoire où est situé son domicile peut voter à l'élection des commissaires de la commission scolaire francophone, à moins qu'il n'ait choisi de voter à l'élection des commissaires de la commission scolaire anglophone qui a compétence sur le territoire où est situé son domicile.»

(17 h 50)

L'article 52 du projet de loi n° 109 remplace l'article 16 de la Loi sur l'instruction publique, et cet article se lit comme suit: «Seul peut choisir de voter à l'élection des commissaires d'une commission scolaire anglophone l'électeur qui satisfait à l'une des conditions suivantes: 1° il a reçu la majeure partie de son enseignement primaire en anglais au Canada; 2° un de ses enfants a reçu la majeure partie de son enseignement primaire ou secondaire en anglais au Canada; 3° lui-même ou un de ses enfants a été déclaré admissible à recevoir l'enseignement en anglais au Québec; 4° lui-même ou un de ses enfants aurait pu, avant le – et c'est la date d'entrée en vigueur du présent article – être déclaré admissible à recevoir l'enseignement en anglais dans les conditions prévues par la Charte de la langue française telle qu'elle se lit le...» Et, ici, c'est quand même indiqué encore la date de l'entrée en vigueur de cet article.

M. le Président, on continue. L'article 54 du projet de loi n° 109 remplace l'article 18 de la Loi sur l'instruction publique et se lit comme suit: «Le choix se fait par un avis écrit au président d'élection de la commission scolaire anglophone, lequel en informe le président d'élection de la commission scolaire francophone. L'avis contient les nom, date de naissance et adresse du domicile de l'électeur.»

M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, pour qu'un projet de loi de cette envergure soit vraiment bien accepté et qu'il fasse vraiment la preuve que tout le monde est d'accord avec ça, je pense qu'il doit recevoir l'unanimité des gens qui vont se prononcer sur ce projet de loi n° 109.

M. le Président, en commission parlementaire, comme le disait le député de Robert-Baldwin, il y a eu beaucoup d'organismes qui se sont prononcés contre certains aspects de ce projet de loi. J'ai eu l'occasion d'en discuter, comme je le disais, avec les critiques officiels du Parti libéral, et les critiques officiels, ils me disaient qu'il y avait trois difficultés majeures clairement établies dans le projet de loi n° 109. Ces trois difficultés majeures, M. le Président, étaient d'abord, comme je le disais tout à l'heure, la limitation du droit de vote aux élections scolaires chez la communauté anglophone. Comme je le disais, la très grande majorité des intervenants sont d'avis que les dispositions du projet de loi n° 109 concernant le droit de vote doivent être retirées parce qu'elles constitueraient deux catégories d'anglophones, parce qu'elles empêcheraient des membres de la communauté anglophone de participer à la gestion de leurs écoles. M. le Président, c'est aussi clair que ça.

Et, M. le Président, même la Commission des droits de la personne a souligné que, règle générale, les législateurs devraient s'abstenir de contraindre, s'abstenir d'imposer lorsqu'ils peuvent le faire, qu'il serait souhaitable de trouver des solutions qui respectent la libre expression des volontés des individus qui composent la société québécoise, que, lorsqu'on contraint en imposant des normes de libre expression de volonté des individus, la marge d'erreur devient de plus en plus énorme, M. le Président. La Commission a rappelé – c'est toujours la Commission des droits de la personne – que l'article 22 de la Charte reconnaît le pouvoir de fixer des conditions dans lesquelles une personne est habilitée et qualifiée à voter, mais qu'elle ne doit pas, dans ces modalités, comporter d'éléments discriminatoires.

Comme je le disais, sur la question du droit de vote, même Mme Lise Bissonnette, dans Le Devoir du 30 mai dernier, disait, dans un paragraphe de son éditorial: «Il existe une solution assez simple au dilemme, celle qu'évoquait mercredi la Centrale de l'enseignement du Québec et que le Parti québécois lui-même avait déjà inscrite dans l'ancien et défunt projet de loi sur le même sujet – c'est Mme Lise Bissonnette qui parle – il s'agirait de reconduire la procédure actuelle qui permet de départager les électeurs des commissions catholiques et des commissions protestantes. La Loi sur les élections scolaires prévoit qu'un électeur doit être inscrit sur la liste électorale de la commission scolaire que fréquente son enfant et que l'électeur sans enfants vote à l'une ou l'autre commission, selon son choix.»

M. le Président, c'est aussi clair. Elle dit: «Ce n'est pas là le régime de libre choix.» Parce que la crainte de ce gouvernement-là, c'est qu'en établissant ça il pense qu'il va rouvrir le libre choix à l'école pour n'importe quelle personne à l'intérieur de la province de Québec. C'est absolument faux. C'est parce qu'ils ont tellement peur que des gens puissent s'inscrire à l'école anglaise que, à un certain moment, ils essaient, je ne sais pas trop, de contourner, de restreindre, de faire n'importe quoi pour que cette possibilité-là, elle n'existe plus pour les gens qui voudraient s'inscrire. Je pense que le premier ministre l'avait dit pas plus tard que la semaine dernière, que, même chez lui, il n'empêcherait jamais son épouse de parler en anglais à ses enfants. Qu'est-ce qu'on a à perdre si on peut donner cette possibilité à nos enfants de pouvoir aussi avoir une connaissance, je dirais, assez bonne de l'anglais, quand on sait que c'est un peu la langue d'usage, si on peut dire, certainement ici, en Amérique du Nord? Ça empêche quoi à un enfant d'avoir cette possibilité?

Mais, je répète, ce n'est pas dans le projet de loi n° 109. C'est la crainte de ce gouvernement-là, c'est la crainte qu'il ait ce libre choix quand ce libre choix là, il n'existe pas. Il n'existe pas actuellement. C'est justement la crainte qui fait poser des gestes qui vont contraindre certaines personnes et, je dirais, spécialement certaines personnes de la communauté anglaise à se replier sur elles-mêmes justement, à cause de cette situation qui est créée par le gouvernement d'en face.

M. le Président, elle continuait, Mme Lise Bissonnette: «Ce n'est pas là le régime de libre choix absolu que plusieurs groupes ont réclamé en commission parlementaire, mais la logique est praticable, autant en régime linguistique que confessionnel, et même Alliance Québec y voyait un compromis suffisant.» C'est Mme Lise Bissonnette qui disait ça, et, moi, je pense que Lise Bissonnette, ce n'est pas quelqu'un, disons, qui est pro-communauté anglophone, c'est quelqu'un qui a toujours démontré une certaine, si je peux dire, largesse d'esprit, dans le sens qu'on ne peut pas la cataloguer comme quelqu'un qui veut défendre absolument la communauté anglophone.

M. le Président, le deuxième point majeur dans ce projet de loi là, c'était l'instauration d'un régime provisoire, et je pense que, sur ça, tout le monde quasiment, la très grande majorité des gens n'est pas d'accord avec l'instauration d'un régime provisoire. Comme je le disais, encore là, tous les intervenants qui se sont prononcés à ce sujet ont indiqué préférer le statu quo au régime provisoire, dans le cas des commissions scolaires confessionnelles, dans l'attente de l'obtention des modifications constitutionnelles, pour une raison fort simple: éviter les chambardements, l'insécurité causée chez les parents mais aussi chez les différentes catégories de personnel. C'est aussi simple que ça. Pourquoi il nous faudrait instaurer un régime provisoire?

La ministre a indiqué à plusieurs reprises, M. le Président, qu'elle aurait souhaité ne pas avoir à implanter un régime provisoire mais qu'elle avait l'obligation de le faire dans l'éventualité où l'amendement constitutionnel prendrait plus de temps à intervenir, ce que nous ne souhaitons pas. Il n'y aurait aucun problème sur l'amendement constitutionnel justement s'il n'y avait pas ces problèmes qui sont créés par le gouvernement d'en face. Nous, de l'opposition officielle, nous avons donné le consentement, et je pense que, si l'opposition officielle a donné son consentement, c'est parce que la très grande majorité de la population du Québec est d'accord avec ça. C'est justement à cause de vos prises de position, de votre crainte, de votre peur d'avoir des gens qui puissent d'une manière ou d'une autre aller à l'école anglaise sans en avoir le droit, c'est ces choses-là qui empêchent justement d'aller plus vite dans un amendement constitutionnel que le gouvernement fédéral va sûrement donner parce que, si on n'a rien à craindre, même le gouvernement fédéral n'a aucune raison d'empêcher un amendement constitutionnel dans le sens qu'on a dit.

M. le président me fait signe qu'il n'y a plus de temps à ma disposition parce qu'il est 18 heures, mais sûrement, M. le Président...

(18 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, si vous voulez terminer, il vous reste à peu près, à votre temps, six minutes. Soit que vous repreniez ce soir, ou si vous voulez terminer dans les instants.

M. Maciocia: Je vais terminer, M. le Président, seulement en disant au gouvernement de prendre ses responsabilités, d'aller dans le sens que les intervenants ont déjà demandé d'aller. Et je crois qu'on aura la possibilité très facilement d'implanter ces commissions scolaires linguistiques, mais qui aillent toujours dans l'intérêt de la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viger. Alors, on suspend les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous en sommes toujours aux affaires du jour. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat sur le projet de loi n° 109.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que la motion est acceptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 11 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 138


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 11 de notre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 138? M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui, M. le Président. Alors, on aborde une question qui peut apparaître, à première vue, ludique, le bingo, mais qui pour beaucoup de nos compatriotes est bien sûr une activité de détente importante qu'ils pratiquent régulièrement, et, on l'oublie trop souvent, pour de très nombreux, des centaines d'organismes québécois, d'organismes bénévoles, qui est sans doute l'une des sources de financement pour leur permettre de réaliser leurs activités parmi les plus importantes. Et ce n'est pas une mince affaire, au Québec, que le bingo. Exemple: en 1995-1996, si on regarde les chiffres de l'activité, c'est des revenus de tout près de 200 000 000 $; de fait, 191 000 000 $. C'est plus de 50 000 séances de bingo dans près de 700 salles au Québec. Quinze cents organismes sans but lucratif qui sont des détenteurs de licence se sont partagé 37 000 000 $ de bénéfices nets pour financer leurs activités. Alors, on voit bien l'importance de ce phénomène, sans parler, bien sûr, des millions d'entrées de nos concitoyens et concitoyennes qui trouvent agréable de passer une soirée à jouer au bingo.

Je suis convaincu qu'à peu près tout le monde dans cette salle a déjà eu l'occasion de jouer, à un moment de sa vie, au bingo, puis la plupart des politiciens, sûrement l'occasion d'aller saluer des électeurs dans une des salles de bingo de leur comté. Donc, c'est une réalité très importante.

(20 h 10)

Et il faut savoir que c'est un marché qui obéit à des règles particulières, à des règles un peu complexes, même si, à première vue, ça a l'air simple. Et depuis que j'ai eu à m'occuper de ce dossier, à la Sécurité publique, puisque la Régie des alcools, des courses et des jeux... On peut s'étonner que ce soit le ministre de la Sécurité publique qui s'occupe de bingo, mais il faut comprendre que c'est la Régie des alcools, des courses et des jeux qui est responsable d'établir les règles et de contrôler une activité qui, quand on parle de sommes aussi importantes que 200 000 000 $, est une activité, en quelque sorte, de loterie, de jeu, contrôlée par des lois là-dessus.

Alors, ça se veut, M. le Président, le projet de loi n° 138, une réponse aux impératifs, d'abord, de modernisation mais aussi de contrôle de ce jeu, impératifs maintes fois exprimés par les divers intervenants du milieu au cours des très nombreuses consultations qui ont eu lieu lors des trois dernières années. Plus de 1 000 organismes sans but lucratif, de nombreux regroupements de détenteurs de licence, de locateurs de salles, des radiodiffuseurs communautaires, des partenaires, des municipalités ont été rencontrés depuis 1994, et tout le monde sans exception convient de la nécessité et de l'urgence d'apporter un certain nombre de changements dans les activités de bingo, d'apporter un second souffle, d'y mettre également quelques règles qui ne sont pas présentes et, en quelque sorte, de redonner à cette activité tout son sens premier, de redonner aux organismes concernés un outil plus dynamique pour assurer leur financement.

Pas plus tard qu'au mois de mars dernier j'entreprenais à travers le Québec une tournée de validation – enfin, les gens de mon ministère – qui nous a permis de rencontrer une dernière fois plus de 300 organismes et regroupements pour valider les hypothèses du projet de loi n° 138.

Dans le fond, les objectifs, c'est quoi? C'est de s'assurer que les organismes sans but lucratif demeurent les premiers bénéficiaires du bingo. Ça, c'est la chose qui, pour nous, est peut-être la plus importante dans ce projet de loi là. C'est de faire en sorte que ces formidables sommes qui sont gérées servent d'abord aux organismes sans but lucratif. Deuxièmement, exercer un meilleur contrôle de l'activité, qui a connu ses aléas dans la multiplication des licences, tout en stabilisant le marché, puis moderniser le jeu de bingo pour donner justement à la fois un intérêt supplémentaire pour les joueurs et en même temps assurer la pérennité de cette activité. Bien sûr, tout le monde reconnaît le caractère un petit peu convivial de cette activité. Il suffit d'y être allé pour se rendre compte un peu comment ça fonctionne. M. le Président, je vois que vous avez l'air d'être un habitué, un amateur. Donc, c'est évident que, au-delà de l'amélioration de la convivialité de l'activité, la plupart des organismes sans but lucratif ont comme première préoccupation de protéger cette source de financement qui, dans des cas, représente 25 %, 30 %, même 50 % et parfois même plus de tout leur financement.

Ce n'est pas nouveau qu'il y ait des difficultés. C'est à peu près depuis le début des années quatre-vingt-dix. Ça fait à peu près depuis ce temps-là que les organismes détenteurs de licence souhaitaient des améliorations, y compris quant à la façon dont la Régie des alcools, des courses et des jeux travaille avec eux pour répondre à leurs besoins.

Déjà, des correctifs ont été apportés par la Régie afin de mieux encadrer la délivrance des licences, en procédant, par exemple, par voie d'auditions publiques, en permettant aux détenteurs de licence qui sont déjà en place d'exprimer leur point de vue, ce qui a permis, en quelque sorte, de stabiliser un petit peu le nombre de licences, de telle sorte que, depuis un an ou deux, je n'ose pas, M. le Président, en attribuer le mérite au ministre de la Sécurité publique, mais je dirais que, sûrement, la Régie des alcools, des courses et des jeux a compris les messages, de telle sorte qu'elle est intervenue différemment et on a assisté à une forme de remontée, un peu, des profits des organismes, qui étaient en chute progressive depuis maintenant cinq, six ans.

Le projet qui est devant nous, le projet de loi n° 138, donne à la Régie de nouveaux moyens, puisque ce sont des moyens insuffisants, pour, en quelque sorte, stabiliser le marché du bingo et créer des conditions à une réforme durable. Alors, la Régie pourra dorénavant diviser le Québec en secteurs, en territoires, justement en collaboration avec les détenteurs de licence, les locateurs de salles, de façon, en quelque sorte, à mieux cerner le marché, stabiliser ce marché-là, assurer un développement harmonieux, en quelque sorte, de façon à remettre au milieu, un petit peu, le contrôle du développement de cette activité.

Nous n'avons rien inventé, de ce point de vue là, dans le projet de loi n° 138, puisque, déjà, au Québec, cette façon de travailler, bien les organismes l'avaient trouvée par eux-mêmes. On sait que, dans des municipalités, dans des régions comme la région de l'Outaouais, Gatineau, Hull, Aylmer, la région de Trois-Rivières, la région de Drummondville, par exemple, on sait que déjà les organismes se sont habitués à travailler ensemble dans le cadre de tables de concertation, en quelque sorte à un petit peu définir les règles du jeu, à organiser cette activité, à répartir les profits entre l'ensemble des organismes.

Or, le projet de loi, en confirmant l'intérêt de ces tables de concertation, en proposant que la Régie des alcools, des courses et des jeux travaille avec ces tables de concertation, bien, ce que fait le projet de loi, c'est qu'il vient un peu consacrer ce choix qu'ont fait entre eux les organismes et reconnaître que c'est une bonne façon de travailler et d'intervenir.

Maintenant, ça aurait été insuffisant, M. le Président, puisque, toujours dans l'objectif d'un peu stabiliser le marché, d'éviter cette dégringolade, les organismes nous ont demandé, les municipalités nous ont demandé que la Régie puisse également avoir le pouvoir de décréter un moratoire et éventuellement également de faire un certain contingentement des détenteurs de licence de bingo pour éviter en quelque sorte que la démultiplication des activités ne vienne compromettre celles et ceux qui sont déjà en activité.

Alors, je pense que, de ce point de vue-là, le projet de loi est une réponse aux demandes qui nous ont été faites. Ce qui ne signifie pas pour autant que la Régie agira de façon arbitraire, ce qui n'empêchera pas la Régie d'utiliser ses pouvoirs en préservant une dynamique de consultation, de concertation, dynamique, comme je le disais tantôt, qui s'est particulièrement créée depuis les deux dernières années.

Tout ça, M. le Président, notre seul objectif, je le répète, c'est de garantir aux organismes qui sont déjà là que leurs sources de revenus ne seront pas déstabilisées du jour au lendemain par un marché en complet chambardement et également de faire en sorte que le milieu lui-même puisse un peu fixer les règles du jeu puis organiser une meilleure répartition de cette source de financement que l'État concède aux organismes sans but lucratif.

Une autre dimension du projet de loi n° 138 qui nous semble répondre clairement à des voeux maintes fois exprimés par notamment les organismes eux-mêmes, c'est que ceux-ci voyaient de plus en plus leur situation se corser, puisqu'ils étaient en quelque sorte un peu à la merci des locateurs de salles. On sait qu'avec le temps l'activité de bingo... Le Code criminel, tel qu'il existe, prévoit qu'on peut tenir de telles activités pour financer des organisations charitables. Mais, avec le temps puis à mesure qu'on a sorti l'activité de bingo des sous-sols d'églises, bien, il y a des gens qui, de bonne foi, ont investi dans des salles, ont investi dans des équipements parfois des sommes importantes, loué leurs salles clé en main à des organismes qui voyaient intérêt à confier à ces gens-là le soin d'organiser l'activité de bingo, mais qui, avec le temps, on l'a vu, ont progressivement augmenté le niveau de leurs coûts, le niveau de leurs loyers, et de plus en plus on assistait à un rapetissement des revenus pour les organismes eux-mêmes et puis de plus en plus on constatait, avec les années, que les frais d'administration, les revenus des locateurs de salles augmentaient.

Donc, c'est la volonté, bien sûr, de mettre un peu d'ordre, tout en reconnaissant – et je pense que c'est important – le rôle que jouent les locateurs de salles dans cette activité. C'est pourquoi, pour la première fois, le projet de loi n° 138, en créant une licence pour les détenteurs de salles, reconnaît la place des locateurs de salles dans cette activité, mais en même temps vient fixer les balises, les règles du jeu, pour une raison bien simple: parce que, encore une fois, cette activité, elle est conçue par le législateur pour être au profit des organismes sans but lucratif. Je pense, M. le Président, que, ce faisant, le projet de loi permettra à la Régie de fixer le pourcentage maximum des profits qu'un détenteur de licence exploitant de salle pourra percevoir. Je pense qu'on vient en quelque sorte baliser les règles du jeu.

Le projet également introduit un certain nombre de mécanismes de contrôle supplémentaires. C'est ainsi que le projet de réforme présenté lors de la tournée de validation mettait de l'avant la possibilité de confier à Loto-Québec le mandat de contrôler le papier sur lequel on joue au bingo – si vous y êtes allé récemment, ce n'est plus des cartes, c'est des grandes feuilles de papier, des tampons, ça a beaucoup changé, le bingo au Québec – donc de contrôler le papier de façon à assurer une vérification de plusieurs milliers de transactions qui sont effectuées chaque jour dans les salles de bingo. Les seuls fournisseurs de papier ont un chiffre d'affaires annuel, au Québec, supérieur à 5 000 000 $.

(20 h 20)

Après réflexion, nous avons plutôt opté pour mettre en place un système de contrôle qui se modèle sur les normes nord-américaines, qui s'est révélé efficace dans les autres provinces ailleurs au Canada, et, là aussi, on retrouvera dans le projet de loi des dispositions qui assurent un contrôle du papier, donc un contrôle des revenus grâce notamment aux informations qui devront être fournies par les fournisseurs accrédités par la Régie et par les détenteurs de licence.

J'ai indiqué, M. le Président, que nous allions encourager le développement des tables de concertation. Déjà, au Québec, 18 de ces tables existent; j'en ai mentionné quelques-unes. Je pense que, là-dessus, il s'agit d'un net progrès qui a d'ailleurs été salué par bien des organismes. Il y a encore quelques hésitations, mais nous avons évité dans le projet d'en faire une obligation, préférant en quelque sorte créer un mouvement permettant à la Régie de travailler avec ces tables plutôt que de créer des contraintes nouvelles pour les organismes.

Il y a une autre dimension de ce projet, M. le Président, qui est aussi une réponse à de nombreuses demandes des organismes, c'est la possibilité qu'il y aura dorénavant de multiplier les sortes de jeux de bingo. Parce que, quand j'allais à l'école, on jouait au bingo de façon assez simple: il y avait quelqu'un qui appelait les numéros, on avait nos jetons puis on remplissait tout ça. Mais il y a maintenant une variété de jeux de bingo de toutes les sortes. J'avoue que j'en perds mon latin.

Donc, c'était une demande des organismes qui y voyaient là une façon en quelque sorte de revaloriser le jeu, d'attirer de nouveaux clients, toujours bien sûr avec l'objectif de plus de revenus, et plus de revenus, donc de meilleures sources de financement pour les organismes sans but lucratif.

Alors, nous acceptons d'introduire par la loi n° 138 ces nouveaux types d'activités, mais, encore une fois, je le précise, M. le Président, de jeux de bingo. On n'introduit pas de nouveaux jeux, mais on introduit des variétés du jeu de bingo. Alors, après la 52e boule, ou avant la 59e ou, enfin... je vois l'intérêt de mes collègues; je sens qu'ils sont des experts de cette question.

Probablement l'aspect le plus spectaculaire, M. le Président, de cette réforme, c'est l'entrée en scène de Loto-Québec avec ce qu'on appelle un tour spécial en réseau. Loto-Québec se propose de câbler 200 salles parmi les salles les plus importantes du Québec. Deux cents salles – il y a à peu près 700, un peu plus de 700 salles où on joue du bingo au Québec, M. le Président, salles commerciales – 200 de ces salles, à elles seules, totalisent près de 80 % de toutes les activités de bingo au Québec. Donc, Loto-Québec se propose d'organiser par satellite, radiocommunication, enfin... un tour spécial qui se réalisera en même temps un peu partout, un tour spécial dont le prix pourra varier entre 25 000 $ et peut-être même pouvant aller jusqu'à 50 000 $. Alors, quand on sait qu'actuellement les prix maximums sont à 3 500 $, parfois 5 000 $, on comprend facilement qu'il y a là un élément de dynamisation très important de l'activité de bingo, suffisamment important pour que nous estimions que les profits nets générés par ce tour spécial seront de l'ordre de 20 000 000 $ – c'est ce que propose la décision du gouvernement – dont 50 % iront aux organismes et 50 % au gouvernement.

Donc, nous augmentons d'un seul coup de 37 000 000 $ à 47 000 000 $, peut-être 50 000 000 $, les sources de financement, les profits que les organismes pourront tirer de cette activité. Et quand on sait ce que ces organismes, qui interviennent dans le domaine de l'aide aux personnes seules, qui interviennent pour des repas pour des personnes défavorisées, qui interviennent pour animer des activités pour des jeunes, réussissent à faire avec un dollar, on peut comprendre que l'ajout de près de 25 % de revenus supplémentaires, pour ces organismes, c'est très important.

Alors, le projet de loi lui-même, je l'ai déjà indiqué aux organismes, ne contient pas ces dispositions, puisqu'il s'agit de la loi de Loto-Québec – dans le cas de la loi n° 138, c'est la loi de la Régie des alcools, des courses et des jeux – mais, déjà, le gouvernement a modifié le règlement de Loto-Québec et a pris l'engagement de rendre effectifs et la loi et le règlement en même temps, donc dans une même vision de cette réforme.

On a tenu des consultations avant de présenter le projet de loi ce soir. Il y en a eu, je l'ai indiqué, pendant deux, trois ans, mais on en a tenu encore cette semaine, et tous les organismes sont venus nous dire qu'ils souhaitaient que cette réforme soit mise en oeuvre rapidement, qu'ils approuvaient la venue de Loto-Québec – avec certaines questions, ils ont demandé certaines garanties – et qu'ils considéraient que c'était pour eux nettement une amélioration de la situation présente.

Maintenant, compte tenu que ce tour spécial se déroulera dans 200 salles, il fallait penser aussi aux autres organismes dont les activités se déroulent dans les autres salles, même s'ils ne constituent que 20 % de l'activité, et c'est pourquoi un fonds de stabilisation sera créé qui va permettre aux organismes dont les activités ne se déroulent pas dans les salles retenues pour le tour en réseau de garantir les revenus qu'ils avaient jusqu'à maintenant, donc de contrer les effets de déplacement que pourrait créer la venue de Loto-Québec.

M. le Président, en terminant, je dirai ceci. C'est un projet de loi qui, je pense, est attendu. Tous les gens que nous avons entendus en commission nous l'ont répété. Bien sûr, il n'y a pas toujours unanimité sur toutes et chacune des dispositions du projet de loi, mais tous sont venus nous dire qu'ils considéraient souhaitable et valable de créer une licence pour les locateurs de salles, tout le monde est venu nous dire qu'ils étaient heureux de l'arrivée de Loto-Québec, qu'ils considéraient comme une initiative extrêmement dynamique, tout le monde est venu nous dire qu'ils souhaitaient que nous ajoutions des activités, des formes de jeu à ce qui se fait présentement. Et, en ce qui concerne les tables de concertation, la grande majorité des organismes que nous avons entendus y croient et les souhaitent; certains sont encore hésitants.

Donc, on peut dire qu'au total, même s'il n'était pas facile de faire l'unanimité de tous les intervenants, les organismes, il y en a plus de 1 000, les locateurs de salles, les municipalités, les divers intervenants, je pense qu'on peut dire très simplement, très honnêtement que le projet de loi qui est devant nous est un bon compromis, est un équilibre entre les diverses préoccupations, et ma conviction, c'est qu'il est attendu par le milieu, il est souhaité par le milieu. J'espère que nous pourrons très rapidement en disposer, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Nous allons maintenant céder la parole au député de Frontenac. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 138 vise, comme le ministre l'a indiqué, à discipliner l'activité du bingo au Québec. La responsabilité de l'opposition, c'est de s'assurer que ce que le ministre dit, ce que le ministre souhaite et ce qui a été exprimé par le ministre de façon très claire à l'occasion d'une... J'imagine que c'est une conférence de presse, c'est plus qu'un communiqué de presse, ou une entrevue qu'il a faite avec une radio de Montréal, sauf erreur, dans laquelle entrevue le ministre, en date du 6 mars 1997 – c'est relativement récent – indiquait quel était son objectif en regard de l'activité du bingo au Québec. Le ministre a rappelé, et je le cite, que sa réforme, «en plus de maintenir le caractère convivial du bingo, vise cinq objectifs principaux». Alors, sa réforme.

(20 h 30)

M. le Président, mon introduction, vous l'aurez compris, c'est de vérifier si ce que veut faire le ministre, si ce que le ministre dit qu'il va faire, c'est bien ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 138: s'assurer que les organismes sans but lucratif demeurent les premiers bénéficiaires du bingo; maintenir l'équilibre et la rentabilité des bingos en freinant la prolifération des licences; favoriser la consultation et la concertation dans le milieu par la mise en place de tables de concertation; mieux encadrer les locateurs de salles et les détenteurs de licence; donner une impulsion nouvelle au bingo en collaboration avec Loto-Québec.

M. le Président, est-ce que le projet de loi n° 138 rejoint ces objectifs-là et, surtout et en même temps, est-ce que les objectifs souhaités par le ministre et son gouvernement sont appuyés par les gens du milieu, par ceux et celles qui sont concernés par l'activité du bingo? Ça comprend évidemment ceux qui s'adonnent à cette activité qui en soi est une activité de détente, est une activité saine. Mais aussi, M. le Président, est-ce que les organismes communautaires, qui bénéficient financièrement de l'activité du bingo au Québec, de façon globale sont d'accord avec la proposition du ministre exprimée, comme je viens de l'indiquer, lors d'une entrevue avec la presse en date du 6 mars et que l'on retrouve peut-être partiellement ou pas ou pas du tout dans le projet de loi n° 138?

Alors, en résumé, la réforme du ministre, est-ce qu'on la retrouve dans le projet de loi n° 138? Et est-ce qu'on est d'accord avec cette réforme-là? M. le Président, vous aurez compris, évidemment – le ministre l'a expliqué tout à l'heure – que ce n'est pas si simple que ça peut paraître, l'activité du bingo au Québec lorsqu'on veut comprendre comment c'est géré, l'activité du bingo, qui en profite – dans le bon sens du terme, M. le Président – quels sont les intervenants qui sont concernés par cette activité-là. Ce n'est pas si simple que ça.

Et c'est pour cette raison-là, M. le Président, parce qu'on le sentait du côté de l'opposition officielle, qu'on se méfiait du ministre de la Sécurité publique et de son gouvernement. On n'était pas certains que les objectifs du ministre puis les objectifs de ceux et celles qui profitent des bingos, c'est-à-dire les OSBL, les organismes sans but lucratif à vocation communautaire... On n'était pas certains, du côté de l'opposition, M. le Président, qu'on se rejoignait, que le ministre allait proposer quelque chose qui allait être applaudi par l'ensemble des intervenants.

Alors, l'opposition, comme c'est sa responsabilité, comme c'est son devoir, a fait, à l'occasion de ce projet de loi n° 138, une demande très, très insistante auprès du ministre et du leader du gouvernement, puis c'est assez exceptionnel, ça, que l'opposition, M. le Président, demande de la consultation, demande à entendre les intervenants avant même qu'on procède à l'adoption du principe du projet de loi n° 138. Et cette consultation-là, M. le Président, on l'a tenue hier. Et on tenait, du côté de l'opposition, à cette consultation pour, dans un premier temps, permettre aux intervenants de s'exprimer. Je dois admettre que le ministre de la Sécurité publique, qui a la responsabilité de ce dossier-là, s'est soumis relativement de bonne grâce à cette démarche de consultation. Il nous l'avait promis, M. le Président, puis il a respecté son engagement.

Donc, la consultation, elle était nécessaire pour permettre aux groupes de s'exprimer, pour permettre à l'opposition de voir clair dans le projet de loi n° 138, mais également pour permettre au ministre lui-même de comprendre toute la mécanique du bingo au Québec, de comprendre, M. le Président, ce que d'autres ont peut-être écrit pour lui dans le projet de loi n° 138. Je ne suis pas certain que... Je devrais dire plutôt que je suis convaincu que le ministre et ses collègues ont plus bénéficié de cette consultation que l'opposition elle-même. Et la consultation qui s'est tenue, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, pendant toute la journée d'hier permettra peut-être, je l'espère, au ministre de corriger le tir, de corriger plusieurs éléments du projet de loi n° 138 de façon à satisfaire l'ensemble des intervenants concernés par l'activité du bingo.

M. le Président, avant de faire rapport aux membres de l'Assemblée nationale de la journée de consultation qui s'est tenue hier, avant d'expliquer à ceux et celles que ça intéresse ici, à l'Assemblée nationale, à ceux et celles qui sont intéressés, qui sont à l'écoute des travaux de l'Assemblée ce soir, avant de procéder à l'analyse des interventions qui ont été faites devant la commission des institutions hier, je voudrais rapidement analyser certains éléments du projet de loi n° 138 qui amènent l'opposition à avoir des réserves.

M. le Président, le ministre en a parlé, le projet de loi n° 138 va donner à la Régie des alcools, des courses et des jeux des pouvoirs énormes, des pouvoirs que la Régie a déjà, mais des pouvoirs accrus quant à la réglementation, quant à la rationalisation des opérations de l'activité du bingo au Québec. On n'est pas certains, de notre côté – et d'autres intervenants l'ont indiqué au ministre – qu'il est bien, qu'il est correct de donner autant de pouvoirs à la Régie. On n'est pas non plus certains que la Régie a les effectifs, a les budgets, a l'expertise pour bien gérer tous ces pouvoirs additionnels que veut lui confier le ministre à travers le projet de loi n° 138.

Le projet de loi, à son article 5, contingente. Lorsque le ministre parle de moratoire, c'est du contingentement pur et simple. On sait qu'actuellement les licences de bingo sont octroyées aux organismes de charité et aux organismes religieux en vertu d'une exception prévue à l'article 207 du Code criminel, exception pour les organismes en question qui peuvent obtenir l'autorisation de tenir des activités de jeu parce qu'ils sont des organismes de charité ou des organismes religieux. Alors, le gouvernement du Québec, de par des dispositions que l'on retrouve dans le Code criminel, peut permettre à ces organismes de tenir des activités de jeu, le jeu du bingo.

On sait que, sauf erreur, l'article 201 du Code criminel interdit le jeu, sauf exception. L'exception, c'est 207: organismes de charité, organismes religieux. Alors, c'est en vertu de cette exception-là contenue à l'article 207 du Code criminel que plein d'organismes au Québec font une demande à la Régie d'autorisation de tenir des bingos. Puis c'est presque automatique, c'est systématique: si on se qualifie, si on est un organisme religieux, un organisme de charité, on peut tenir des activités de bingo.

Alors, que fait le ministre en modifiant l'article 50, en y ajoutant 50.0.1 et 50.0.2? Bien, on contingente, M. le Président. C'est l'intervention de l'État, à travers l'organisme qui est sous sa responsabilité, la Régie des alcools, des courses et des jeux, qui viendra contingenter, imposer un moratoire à des organismes qui, autrement, sous la loi actuelle, pourraient obtenir, en vertu du processus dont j'ai parlé tout à l'heure... On démontre à la Régie qu'on est un organisme religieux, de charité, on fait une demande à la Régie puis on obtient une autorisation de tenir des activités de bingo. Ça ne sera plus ça, M. le Président, avec 50.0.2: «La Régie peut, pour équilibrer le marché du bingo au Québec ou dans un secteur...»

(20 h 40)

En passant, la notion de «secteur» en est une qui est confuse. Le ministre se souviendra qu'hier on a eu un échange avec lui et une de ses conseillères, maître... Je ne me souviens pas de son nom. M. le Président, on a eu un échange et c'est moi-même, à l'occasion d'une intervention d'invités qu'on avait à la commission – je ne me souviens pas de quel groupe – qui ai demandé au ministre de nous expliquer ce que voulait dire la notion de «secteur». Est-ce que ça a une connotation géographique, entre autres? Ce n'était pas clair, c'est confus. Et c'est un peu plus clair parce que ça nous a été expliqué, là, par la conseillère juridique qui accompagnait le ministre.

Ceci étant dit, je reviens au texte 50.0.2. Alors, on introduit la notion de contingentement. «La Régie peut, pour équilibrer le marché du bingo au Québec ou dans un secteur, cesser de délivrer des licences de bingo.» C'est un gros pouvoir qu'on donne à la Régie, ça. Le pouvoir qu'on donne à la Régie, M. le Président, c'est énorme, c'est arbitraire. Il n'y a pas plus de balises que ce que je viens de lire: «pour équilibrer le marché du bingo au Québec ou dans un secteur». Alors, c'est inquiétant. Ça a été dénoncé par plusieurs groupes, ces pouvoirs qu'on veut confier à la Régie de contingenter le nombre de permis, peu importe où au Québec, peu importe dans quelle circonstance. L'opposition questionne cette décision de – je cherche un autre mot, il n'y en a pas de plus juste – contingenter, M. le Président.

Puis ça, je ne veux pas trop insister là-dessus. Vous savez, l'activité du bingo organisée par des groupes communautaires, c'est de la libre entreprise, ça. C'est une activité économique. Le ministre en a parlé. Je ne veux pas revenir là-dessus. C'est plus ou moins 200 000 000 $ d'activité au Québec. C'est des centaines et des centaines de personnes qui travaillent dans cette activité de jeu légal qu'est le bingo. C'est de la libre entreprise.

Alors, le gouvernement du Québec, par cette modification à son article 50 de la loi de la Régie... L'article 1 de la Loi sur les loteries, les concours publicitaires, c'est cette loi-là qu'on modifie. Je veux qu'on se comprenne bien, M. le Président. Alors, l'article 50 de la Loi sur les loteries est modifié de telle sorte que la Régie pourra contingenter, puis ça constitue, quant à nous, une entorse au principe de la libre entreprise. En plus de pouvoirs, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, qui ne sont pas balisés, sinon par le texte de 50.0.2, on ne sait pas plus quels seront les critères sur lesquels se basera la Régie pour refuser d'émettre un permis à un organisme qui, au moment où on se parle, avant l'adoption de 138, recevrait l'autorisation de la Régie immédiatement après avoir démontré que l'organisme en question en est un de charité ou religieux. Et ça ne sera plus le cas, M. le Président, puis ça, ça a été dénoncé par plusieurs groupes qui ont comparu devant la commission des institutions, hier.

L'article 7, M. le Président, prévoit ceci. La Régie des alcools, des courses et des jeux pourra publier des règlements quant aux nouvelles règles qui existeraient après l'adoption du projet de loi n° 138, tout comme la Société des loteries, Loto-Québec, pourra mettre en place son bingo réseau qui, en passant, est assez bien reçu par les intervenants; le ministre l'a indiqué tout à l'heure, je suis d'accord avec lui. Alors, M. le Président, la Société des loteries, Loto-Québec, pourra mettre en place son réseau; la Régie des courses pourra modifier l'activité du bingo sans que les règlements qui permettront et à la Régie et à la Loto-Québec de le faire ne soient publiés. Ça, on en a parlé abondamment hier après-midi, à savoir: Comment se fait-il...

Puis je veux lire le texte pour que nos collègues de l'Assemblée saisissent bien la portée de l'article 7: «La première règle sur les bingos, de même que les règles modifiant les Règles sur les systèmes de loteries [...] par la Régie des alcools, des courses et des jeux en vertu de l'article 20 [...] – c'est assez lourd comme texte – les concours publicitaires et les appareils d'amusement, tel que modifié par l'article 2 [...] sous réserve du paragraphe 5° [...] ne sont pas soumises...» Alors, M. le Président, la publication des règlements ne sera pas soumise à l'article 8 de la Loi sur les règlements.

C'est-à-dire, la règle habituelle veut que des nouveaux règlements adoptés en vertu d'une loi votée à l'Assemblée nationale... On sait que les règlements, ce sont les éléments qui viennent expliquer les détails de la loi. Les nouveaux règlements prévus pour donner effet à la loi n° 138 et les nouveaux règlements pour permettre à Loto-Québec de mettre en place le bingo réseau n'auront pas à être publiés pour permettre aux intervenants concernés, comme c'est la règle habituellement, de réagir, de faire des représentations, au niveau du gouvernement, à l'intérieur d'une période de 45 jours.

Alors, l'article 7 permettra l'adoption d'un règlement sans que les règlements en question ne soient publiés, c'est-à-dire ne soient connus des intervenants concernés par l'activité du bingo, avec tout ce que ça comporte d'inquiétudes. Ça peut vouloir dire, entre autres, que la Société des loteries, Loto-Québec, lorsqu'elle fait une proposition quant au partage des profits à venir du bingo réseau... Alors, il y a un document qui nous a été remis hier dans lequel Loto-Québec nous dit: Voici de quelle façon on va partager les profits à venir.

Est-ce qu'on a l'assurance, la certitude que ça apparaîtra tel qu'on le voit dans le document qui nous a été remis hier? Est-ce qu'on a la certitude, M. le Président, que ça apparaîtra dans les règlements pour donner effet à cet engagement-là? On ne le sait pas. On le saura quand? C'est une question qu'on a posée au ministre. On n'a pas eu de réponse. Pourquoi on ne le saura pas? Parce que le règlement en question ne sera pas publié parce que l'article 7 du projet de loi n° 138 crée une exception à cette obligation de publier les règlements. C'est une plomberie assez complexe, mais il fallait que je souligne cette disposition du projet de loi n° 138 qui inquiète et les membres de l'opposition et également les groupes qui ont été entendus hier à la commission des institutions.

Je voudrais maintenant très rapidement, sur chacun des intervenants, essayer de résumer ce que les groupes sont venus dire hier à l'occasion de la séance qu'on a tenue toute la journée à la commission des institutions, séance de consultation. Je l'ai dit tout à l'heure en introduction, l'opposition a insisté et on a eu cette consultation. Sauf erreur, neuf groupes ont été entendus et il y a au moins quatre groupes, dont deux, qui se sont exprimés comme s'opposant avec beaucoup de vigueur au projet de loi n° 138, et pas à peu près, M. le Président. Alors, deux carrément contre.

(20 h 50)

Il y en a quelques-uns qui sont pas mal d'accord avec le projet de loi n° 138. Certains disent: On est d'accord, mais on s'en passerait puis nos activités n'en souffriraient d'aucune façon. Je l'ai dit tout à l'heure, sauf exception, la mise en place du bingo réseau par Loto-Québec est assez bien reçue. On ne peut pas prétendre, du côté de l'opposition, M. le Président, que cette suggestion du gouvernement et de Loto-Québec d'y aller avec le bingo réseau, c'est-à-dire – le ministre l'a expliqué tout à l'heure – un bingo qui finalement va se tenir en même temps dans un nombre considérable de salles partout au Québec, avec des prix variant de 25 000 $ à 50 000 $... Ça, c'est assez bien reçu et, du côté de l'opposition, on n'a pas d'objection, sauf à prévoir que ce n'est pas vrai que Loto-Québec va s'arrêter, M. le Président, à mi-chemin. Loto-Québec va pousser cette activité du bingo au maximum – c'est ce qu'on croit du côté de l'opposition – avec éventuellement des résultats plus ou moins intéressants ou positifs pour les groupes communautaires qui, au moment où on se parle, bénéficient de l'activité des bingos telle qu'on la connaît depuis des années et des années.

Autrement dit, est-ce que l'arrivée de Loto-Québec avec son bingo réseau à la grandeur du Québec, avec des prix de 25 000 $ à 50 000 $, je le répète, aura un effet positif et bénéfique sur le bingo conventionnel? Du côté de l'opposition, M. le Président, on se questionne là-dessus, mais, si les intervenants disent au ministre et à l'opposition, à l'ensemble des parlementaires: On pense que c'est une bonne idée... Le ministre l'a dit, on l'a dit du côté de l'opposition, c'est une activité qui est plus complexe qu'on peut le croire, et on a eu droit hier à un éclairage de plein de gens qui s'y connaissent pas mal plus que tous les parlementaires qui sont ici, M. le Président. C'est pour ça qu'on tenait à une consultation de sorte que, si de façon générale, on nous dit: Le bingo réseau, ça a du bon sens, l'opposition ne fera pas la bataille là-dessus.

Cependant, ça ne nous empêche pas de réfléchir et de faire nos mises en garde, qui ont été d'ailleurs bien reçues – je parle toujours du bingo réseau – par les intervenants, à qui on disait: Faites attention et surveillez ça de près. Surveillez surtout de très près la décision de Loto-Québec et du gouvernement, parce que, en arrière de Loto-Québec, il y a toujours le gouvernement, il y a le ministre des Finances, il y a le président du Conseil du trésor. Le ministre de la Sécurité publique, lui, dans ce dossier-là comme dans d'autres dossiers exécute les commandes et au fur et à mesure on lui explique ce que ça veut dire. Il a d'autres chats à fouetter ou ça l'intéresse plus ou moins. Vous savez, le bingo et la sécurité publique, il y a une relation, mais ce n'est pas évident. Évidemment, ça aurait été encore moins évident si ça avait été Mme la ministre de l'Éducation qui avait ramassé ce dossier-là. Alors, il y a peut-être une relation entre la sécurité publique et le bingo.

Ceci étant dit, M. le Président, je vais analyser rapidement le contenu des interventions. La Fédération québécoise des centres communautaires de loisirs. Le projet de loi n° 138 pour eux, ce n'est pas pire. Ça ne répond pas à toutes les questions; ils sont inquiets. Vous savez, le premier groupe qui est intervenu, M. le Président, qu'on a entendu en commission nous a indiqué avoir des inquiétudes sur le bingo réseau; ils ne sont pas certains que c'est une bonne chose.

La Table de concertation des licences de bingo de Gatineau: pas mal d'accord avec le projet de loi n° 138. Moi, je donne l'heure juste, M. le Président, et, si le ministre m'écoute, il va réaliser que je n'interprète pas. Je répète de façon très précise et de façon très correcte, très objective. Je résume les interventions, c'est-à-dire les témoignages auxquels on a eu droit hier à la commission des institutions. Parce que, je me répète, si on a demandé ces consultations-là, c'est qu'on avait besoin d'être éclairés.

Alors, si, M. le Président, de façon unanime, hier, on avait dit: 138, c'est excellent, le bingo réseau, c'est très bon et on demande à l'opposition de se tenir tranquille, c'est ce qu'on ferait ici, M. le Président, ce soir, et on dirait au ministre: Bravo! on applaudit, un, deux, trois, principe! J'aurais donné, moi, l'autorisation – peut-être que mon leader n'aurait pas été d'accord, mais en tout cas – j'aurais dit au ministre: Ça a du bon sens, principe, puis les autres étapes, amenez-les vite, puis on va vous donner le O.K., on va collaborer avec le gouvernement. Mais ce n'est pas ça, là. La surprise... Parce que, pour moi, ça a été une surprise, jusqu'à un certain point. J'aurais pensé...

Et on en avait parlé à notre caucus, M. le Président, comme vous en avez sûrement parlé avec vos collègues, au caucus du Parti québécois formant le gouvernement. On en a parlé à notre caucus, et plein de mes collègues me disaient: Ah! il y a des inquiétudes; j'entends toutes sortes de choses dans ma région, on est inquiet, on ne sait pas où le gouvernement veut aller avec ça. Est-ce qu'on pourra, comme organisme sans but lucratif, continuer à avoir les autorisations aussi facilement que celles qu'on a présentement? Ce que le ministre veut faire, est-ce que ça va être bon pour les organismes communautaires?

Puis, à notre grande surprise, hier, globalement, ce qu'on a entendu, ça amène l'opposition à dire au ministre: On ne peut pas être d'accord, sûrement pas, à la première étape ou à la deuxième étape. La première étape, c'est le dépôt du projet de loi. Là, on est sur la deuxième, qui est le principe. Parce que c'est assez exceptionnel, je l'ai dit tout à l'heure, qu'on ait une consultation avant l'adoption du principe; c'est exceptionnel. Ça prouve une chose. Dans ce sens-là, moi, je salue l'ouverture du ministre. Le ministre est inquiet, pas certain. Lui-même sentait le besoin d'être éclairé. Et il est ébranlé, là, il est moins certain qu'il l'était, puis il se dit: Je vais voir comment se comporte l'opposition, j'attends aussi des propositions de certains groupes. Si le ministre est sage, il va les évaluer puis, après ça, il va ajuster son projet de loi n° 138. Puis là l'opposition, avec les intervenants, va collaborer à l'adoption du projet de loi n° 138.

Mais ce n'est pas ça, là. On ne peut pas, je le dis tout de suite.... Je ne veux pas que le ministre soit trop déçu, qu'il m'écoute jusqu'à peut-être encore 21 h 15, 21 h 20 pour apprendre ça dans les trois dernières minutes. Je lui dis tout de suite: On ne peut pas collaborer parce que les intervenants ont des grosses réticences, pour certains; d'autres sont moyennement pour, d'autres un petit peu pour, puis deux groupes carrément contre. Le bilan, ce n'est pas terrible. J'espère que le ministre a tout compris ça.

Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo. M. le Président, vous connaissez, vous, cet organisme-là: on l'appelle ROBIN. Sans d'aucune façon minimiser les autres groupes qui ont été entendus en commission parlementaire quant à leur expertise, leur connaissance de l'activité, le Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo, ROBIN, c'est peut-être l'organisme dont on doit entendre le message avec le plus d'ouverture, de compréhension. Le Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo, M. le Président, c'est du monde, ça. Alors, ROBIN ou l'organisme dont je viens de parler – je vais le répéter encore une fois: le Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo – compte 400 organismes. Alors, ROBIN compte 400 organismes qui sont membres de l'association en question, répartis dans 90 municipalités du Québec, et qui tiennent des bingos dans 135 salles.

Alors, qu'est-ce que ROBIN ou qu'est-ce que ce Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo est venu nous dire hier par le biais de personnes suivantes: Mme Chantal Gagnon en est la présidente et le secrétaire, c'est M. le curé Roger Dufresne? Voyez-vous, on n'a aucune raison de mettre en doute le message qui nous a été livré par le Regroupement des organismes bénéficiaires; Mme Gagnon est présidente, M. le curé Roger Dufresne est secrétaire et un avocat accompagnait Mme Gagnon et M. Dufresne, Me François Ferland.

(21 heures)

Moi, j'ai été assez surpris de la vigueur du message de ce groupe, un message qui indique qu'à moins de changements majeurs à 138 il va être contre le projet de loi jusqu'à la fin des temps, M. le Président.

Le projet de loi n° 138... Là, c'est ROBIN qui parle. Mme Gagnon a donné lecture du mémoire en question. Alors, elle a souligné certains passages que je vais répéter: «Le projet de loi n° 138, tel que rédigé, confirme nos pires appréhensions. Le gouvernement du Québec cherche désespérément les moyens d'en contenir le développement – alors, de l'activité du bingo – parce que la Régie s'est montrée incapable de gérer l'expansion de cette activité.»

Ça, M. le Président, c'est un mémoire qui est signé, déposé hier, 3 juin 1997. Ce n'est pas la prise de position du Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo, du groupe ROBIN, ce n'est pas une prise de position qui remonte au mois de mars. Il faut s'en souvenir, en mars, ROBIN avait sorti sur la place publique en même temps que l'annonce du ministre. Ils avaient été extrêmement sévères avec le ministre quant à son intention de réformer le bingo, et le ministre s'était expliqué de toutes sortes de façon: publiquement, ici, à l'Assemblée nationale, à l'occasion de courtes interventions. Certains avaient l'impression que le groupe ROBIN avait réajusté un peu son évaluation de l'intention du ministre du projet de loi n° 138, mais ce n'est pas ça du tout.

Nous avions suggéré deux pistes complémentaires, la modernisation de ce type d'activité et la simplification des règles; on n'obtient ni l'un ni l'autre. Je le disais tout à l'heure, le ministre a cinq objectifs. Est-ce que le projet de loi n° 138 contient les objectifs et est-ce que les intervenants concernés sont d'accord avec les objectifs? Alors, un des groupes les plus impliqués dans l'activité, dont d'aucune façon on ne peut remettre en question, mettre en cause l'expertise, est carrément contre parce qu'il considère que le ministre fait fausse route, que le projet de loi n° 138 ne règle pas les problèmes mais en crée, des problèmes: «À la lecture du projet de loi, tout indique que le gouvernement est d'avis qu'il y a trop de bingos, trop d'OSBL, trop de misère à soulager, trop de préoccupations sociales.» Aïe! ce n'est pas sévère à peu près, ça, là! Ce n'est pas l'opposition qui dit ça, ce n'est pas l'opposition qui dit que le projet de loi n° 138 ne règle pas les problèmes auxquels est confrontée l'activité du bingo. Mais non seulement il ne règle pas les problèmes, mais il en crée, des problèmes. C'est ROBIN qui dit ça. C'est un organisme, encore une fois, dont on ne peut d'aucune façon douter de l'expertise, de l'objectivité.

Mme Gagnon a expliqué ce que ROBIN faisait avec les groupes communautaires en question. Ils sont là pour s'occuper de la misère humaine avec, comme financement, les activités de bingo, puis ce groupe-là dit au gouvernement: Vous faites fausse route. «La Régie pourra désormais refuser un permis à un organisme qui aurait eu droit à ce permis-là sous l'ancienne loi si, de l'avis de la Régie, les projets que cet organisme souhaite financer ne sont pas nécessairement conformes à sa mission.» C'est ça, le pouvoir énorme qu'on veut donner à la Régie avec 138, pouvoir arbitraire. Ça, les pouvoirs arbitraires, là, on a été habitués à ça avec ce gouvernement-là. Eux-mêmes, les ministres... Le ministre de la Justice, entre autres, notamment, il aime ça fonctionner avec ce pouvoir arbitraire: Je n'ai pas à m'expliquer, ni à mes collègues à l'Assemblée, ni au Barreau du Québec, ni à l'Association des avocats de défense, ni à la magistrature; je n'ai pas de comptes à rendre à qui que ce soit. Je ne sais pas, peut-être à son premier ministre. Jusqu'à date, le premier ministre le protège.

Le ministre de la Sécurité publique, ça lui arrive d'essayer d'imiter le ministre de la Justice. Je dois vous avouer que ce n'est pas là qu'il est le plus impressionnant. Alors, j'espère, M. le Président, que le ministre de la Sécurité publique comprend que son projet de loi n° 138 donne à la Régie ou risque de donner à la Régie des pouvoirs peut-être qui pourraient éventuellement être des pouvoirs abusifs. L'arbitraire, moi, j'ai des problèmes avec ça. Alors, c'est ce que Mme Gagnon, du groupe ROBIN, dit dans son mémoire: «À la lecture de ce projet de loi, nous pouvons conclure – imaginez-vous, écoutez-moi, M. le Président – que la meilleure recette pour déstabiliser le financement des organismes sans but lucratif vient d'être inventée.» Ça, ce n'est pas l'opposition qui dit ça, c'est ROBIN, un organisme qui a comme objectif de soulager – je l'ai dit tout à l'heure – la misère, le Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo qui dit, en parlant du projet de loi n° 138 dans son ensemble, que c'est la meilleure façon de déstabiliser le financement des organismes sans but lucratif.

Ça serait faire injure à ceux et celles qu'on a entendus hier si l'opposition disait ce soir: On est d'accord avec le projet de loi n° 138. On ferait enquête sur l'opposition. ROBIN, entre autres, et d'autres organismes dont je parlerai tout à l'heure demanderaient à enquêter l'opposition pour vérifier pourquoi on n'a pas compris ou encore, si on a compris, c'est quoi la magouille de l'opposition avec le gouvernement. Mais ça ne sera pas ça, M. le Président. Ces gens-là font confiance à l'opposition, se méfient du gouvernement, comptent sur l'opposition officielle pour amener le ministre de la Sécurité publique à modifier le projet de loi n° 138 substantiellement ou, mieux, peut-être à le reporter à l'automne pour se donner la période d'été pour réfléchir, pour se le faire expliquer par ses conseillers, ses conseillères, ses attachés politiques, dire: M. le ministre, vous savez, on était là, nous autres, hier, c'était le 3 juin, on a écouté puis, pour moi, on se trompe, et, si on se trompe, c'est vous qui vous trompez, M. le ministre.

Moi, je suggère au ministre, je le lui dis tout de suite, parce que je ne pense pas qu'il modifie le cap, on va s'en aller en commission parlementaire parce que 138, sur l'étape du principe, on va voter contre... Mais, qu'est-ce que vous voulez, on est moins nombreux. L'opposition est moins nombreuse. C'est pour ça qu'on est dans l'opposition. Les ministériels vont gagner. On va s'en aller en commission parlementaire. On va essayer de convaincre le ministre. Lui, il va avoir bien d'autres chats à... parce qu'il va arriver de l'enquête Poitras, là. Le ministre s'en va s'expliquer, comme son collègue de Laval-des-Rapides... Lui, il en sort. Il est allé s'expliquer devant la commission d'enquête Poitras pour expliquer ce qui s'est passé puis ce qui ne s'est pas passé dans le dossier de la Sûreté du Québec. Le ministre de la Sécurité publique va être là demain, il comparaît demain. Ce n'est pas un tribunal au sens strict du terme. Il ne s'en va pas là comme un accusé, il va s'expliquer.

Mais, imaginez-vous, quand il va revenir la semaine prochaine, pensez-vous qu'il va avoir le bingo dans la tête? On va s'en aller en commission parlementaire. Le ministre, il ne voudra pas bouger, je l'appréhende, puis il y a plein de gens qui vont être insatisfaits, parce que le ministre a créé beaucoup d'attentes, hein. Il a dit: Moi, je vais mettre de l'ordre dans les bingos. Ce n'est pas ça qu'il fait, là. Il crée du désordre. C'est une activité quand même qui va assez bien. Il ne faut pas chercher à régler des problèmes qui n'existent pas et il ne faut surtout pas en créer. Moi, j'ai l'impression que c'est ce qu'on fait. L'opposition, suite à l'éclairage auquel on a eu droit hier, arrive à la conclusion qu'on ne règle pas les problèmes, on en crée.

(21 h 10)

Mme Gagnon, dans son mémoire, au nom de l'organisme, et je le répète, Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo, explique sa compréhension des tables de concertation. Le ministre introduit ça avec son projet de loi à l'article 1, les tables de concertation: «Regroupement des intervenants intéressés au bingo dans un secteur donné.» Le secteur donné, je vous ai dit tout à l'heure, c'est une notion confuse, pas claire que le ministre n'a pas pu nous expliquer. On a compris tant bien que mal que ça ressemblait à une notion d'ordre territorial, géographique, avec d'autres éléments, mais je ne passerai pas cinq minutes là-dessus, M. le Président.

Alors, la table de concertation, pour Mme Gagnon du groupe ROBIN, savez-vous ce que c'est? Une table de concertation, «c'est inviter des organismes nés de la solidarité entre les citoyens à s'entre-déchirer à des tables dites, entre guillemets, de concertation pour assurer leur survie devant des besoins grandissants». Voyez-vous, quand je disais que le ministre, il ne règle pas les problèmes, il en crée, bien, c'est l'opinion de ROBIN. La table de concertation, ça va provoquer de la chicane, ça va emmener les groupes à s'entre-déchirer, alors ce n'est pas une amélioration à la situation actuelle.

Et ce que disait Mme Gagnon au nom du groupe ROBIN, en date du 6 mars – parce que c'était déjà dans l'air, la table de concertation – c'est encore pas mal plus sévère: «L'expérience a démontré que les tables de concertation deviennent tristement souvent des tables de division. Elles favorisent la confrontation des organismes voués au mieux-être d'une communauté et introduisent un jeu de coulisses politiques qui est contraire à l'esprit convivial du bingo que le ministre prétend vouloir préserver.» C'est ce que disait Mme Gagnon le 6 mars.

Dans cette même entrevue qu'elle avait donnée à un journaliste, elle parlait également du contingentement de la façon suivante: «Les effets pervers de la réforme projetée. Si la création d'une licence de salle de bingo est favorablement perçue par le groupe ROBIN, l'imposition d'un contingentement et d'un moratoire d'un an sur l'émission de nouvelles licences apparaît comme une aberration.» M. le Président, c'est sévère comme analyse, comme jugement du projet de loi n° 138, mais c'est réaliste puis ça vient d'un groupe qui sait de quoi il parle.

Alors, je dois vous avouer que ça n'a pas ébranlé l'opposition, on s'y attendait un petit peu. Depuis quelques jours, la rumeur courait que ça serait la position de ROBIN, ça serait à peu près identique à ce qu'on avait exprimé publiquement quelque part en mars, et c'est ce à quoi on a eu droit hier. Et ne serait-ce qu'en tenant compte de ce témoignage-là c'est suffisant pour être contre 138, M. le Président, du côté de l'opposition.

Mais ça ne s'arrête pas là, l'Association des locateurs de salons de jeux. C'est beaucoup de monde, ça, aussi. L'Association des locateurs représente des propriétaires ou locateurs de salles commerciales. Ce n'est pas un nombre considérable de propriétaires comme tel, mais ça représente quand même des intérêts économiques importants au Québec. C'est quoi leur opinion, eux autres, sur 138, M. le Président? C'est assez sévère également: «Pour notre Association, les prémisses de base sur lesquelles le projet de loi est fondé sont erronées, guidées par des soucis d'ordre moral où le profit est déclaré indésirable – c'est des gens d'affaires qui disent ça, M. le Président, des gens d'affaires du Québec – c'est une fin de non-recevoir à l'entrepreneurship.»

Quand je disais tout à l'heure que c'est une atteinte, l'article 50.0.1 qu'on introduit par le biais de l'article 2... Lorsqu'on modifie la loi sur les loteries, M. le Président, en contingentant, je disais que c'était une agression contre l'activité d'affaires, contre la libre entreprise, bien, c'est ça que ces gens-là nous disent ici: «C'est une fin de non-recevoir à l'entrepreneurship.»

Je l'ai dit, l'activité du bingo, c'est 200 000 000 $, c'est des centaines et des centaines de travailleurs impliqués. Puis c'est de l'entreprise privée, le bingo, M. le Président, il ne faut pas oublier ça. «C'est une fin de non-recevoir à l'entrepreneurship. C'est une fin de non-recevoir aux besoins financiers des OSBL – on parle du projet de loi n° 138 – C'est une fin de non-recevoir à 3 500 emplois au Québec, et ce, sans aucun investissement de la part du gouvernement.»

On se demande si le gouvernement ne veut pas mettre la patte là-dedans pour être capable de se tourner de bord, après, puis de dire aux groupes communautaires: Voyez-vous, c'est nous, le gouvernement, qui vous aidons maintenant financièrement, alors que présentement les OSBL se sont pris en main, s'organisent financièrement avec cette activité correcte, surveillée par la Régie des alcools, des courses et des jeux, et on veut corriger certains problèmes. Mais ce n'est pas ça qu'on va faire. Si on ne modifie pas le projet de loi n° 138, on ne corrigera rien. Au contraire, on va inventer des problèmes, on va créer des situations problématiques, confuses, plus personne ne va se comprendre. C'est ça que les intervenants sont venus nous dire: «Le projet de loi et les règlements que l'on met devant nous – règlements dont on ne connaît pas toute la teneur – ratent la cible. Ils ont pour effet de régler les problèmes de la Régie des alcools, des courses et des jeux au détriment de tous les intervenants. On consulte le milieu mais on ne l'écoute pas.» On entend ça à tous les jours.

Encore après-midi, M. le Président, on discutait, mon collègue de Chomedey et moi – encore une fois, on était en consultation aujourd'hui – sur la déontologie policière. Les directeurs de police et pompiers du Québec sont venus dire au ministre de la Sécurité publique: On vous connaît, ça fait partie de votre façon de faire, vous faites semblant de nous écouter, mais ce n'est pas le cas, vous écoutez et vous n'entendez rien. On est habitué d'entendre ça, M. le Président, du côté de l'opposition. Puis, là, il y a pas mal de Québécois qui le disent au gouvernement: Vous ne nous écoutez pas, vous avez la vérité révélée, vous faites ce que vous voulez, vous tassez tout le monde, vous décidez sans consulter, sinon des consultations bidon. Le gouvernement commence à se faire attraper, il commence à se faire chauffer les fesses un petit peu partout au Québec.

Une voix: ...

M. Lefebvre: Oui, oui. Figure de style, M. le Président, vous avez compris ça, vous. J'aurai pu dire autre chose «botter». Je m'arrête.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Vous avez compris ce que je veux dire, M. le Président. «On consulte le milieu mais on ne l'écoute pas. On préfère le laissé-pour-compte». C'est sévère, M. le Président. C'est des gens qui sont impliqués dans le bingo jusqu'au cou, des connaisseurs, on ne peut pas douter de leur expertise. Ils disent que 138, ça crée des problèmes plutôt que d'en régler. Société des loteries du Québec... M. le Président, il me reste combien de temps? J'ai droit à 60 minutes?

Le Vice-Président (M. Pinard): Onze minutes.

M. Lefebvre: Si le ministre me disait: M. le député de Frontenac, vous m'avez convaincu, ça n'a pas de bon sens, 138, s'il me disait ça d'un coup sec, moi, je m'arrêterais là. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas. Mme la leader adjointe me regarde puis elle sourit en disant: Continuez, il vous reste 10 minutes. Je vais continuer, M. le Président.

Loto-Québec, le bingo réseau. Loto-Québec nous a remis un document – j'y ai fait référence tout à l'heure – disant: «Les résultats de nos études ont démontré que l'industrie québécoise des bingos en salle était sous-développée par rapport aux résultats observés dans les autres provinces.» Je vais vous dire une chose, M. le Président, il n'y a pas rien que le bingo qui est sous-développé au Québec, au niveau des régions. L'activité économique, dans toutes les régions du Québec, est pas mal plus en dessous de la barre que ça devrait être. Alors, là, le gouvernement a trouvé un de ses associés, qui est Loto-Québec, qui va donner l'illusion aux Québécois et aux Québécoises qu'il se passe quelque chose puis qu'on fait quelque chose. Donc, Loto-Québec va mettre en place une autre activité de jeu qui s'appelle le bingo réseau. Les intervenants en général sont d'accord. Moi, je me questionne, d'autres collègues se questionnent également, M. le Président.

(21 h 20)

Hier, j'ai donné lecture d'un résumé d'un article d'un quotidien très bien connu au Québec, d'une journaliste qui s'appelle Ghislaine Rheault et qui disait ceci, et c'est le titre: La vie est un bingo, le Québec un tripot . M. le Président, c'est ça, là. Je vois le ministre de l'Environnement, il m'écoute, ses racines de beauceron.. des gens rigoureux, comme tous les Québécois en général. La vie est un bingo puis le Québec un tripot. Le Québec, M. le Président, tout à l'heure, là, si on ne fait pas attention, si on n'est pas un peu plus prudent qu'on ne l'a été au cours des dernières années, ça va devenir une immense salle de jeu.

Vous savez, on parle à Loto-Québec, puis je l'ai vérifié hier avec les responsables de Loto-Québec, d'introduire dans les places publiques, de mettre en place des distributrices de gratteux, M. le Président. Alors, moi, j'ai eu l'assurance de Loto-Québec – ça peut faire sourire les gens à première vue – que les jeunes n'auront pas accès à ces distributrices-là – imaginez-vous, là, un jeune, un petit gars, une petite fille, 12, 13 ans, une distributrice, 2 $, un gratteux, une belle habitude à prendre, ça, à 12, 13 ans – l'assurance de Loto-Québec qu'on va être prudent là-dessus. J'espère! Il y a plus ou moins 25 machines qui sont testées actuellement au Québec. On ne sait pas où elles sont.

J'espère, M. le Président, qu'elles seront enfermées dans des pièces où les jeunes n'ont pas accès. Le ministre de l'Environnement trouve ça drôle. Le ministre de l'Environnement est d'accord avec ça qu'un petit gars de 12, 13 ans puisse avec un 2 $ qu'il a pris dans les poches de son père, hein, pour s'acheter un gratteux, gagner 20 $; le petit gars est content. Le ministre de l'Environnement est d'accord avec ça, lui.

Or, ce qu'on a dit à Loto-Québec: Est-ce que vous donnez l'assurance que ces machines-là, si jamais vous décidez que l'expérience est concluante, ça va se retrouver dans des lieux protégés, des bars où les jeunes n'ont pas accès? On a dit oui. Aucun des membres du gouvernement n'a semblé préoccupé par ça. La vie est un bingo; Québec, un tripot.

M. le Président, Loto-Québec, un partenaire du gouvernement, dit: On va créer de l'activité économique nous autres; alors, l'activité du bingo est sous-développée, on va pousser là-dessus, on va créer des jobs. C'est de même qu'on fait bouger l'économie au Québec, M. le Président. Les intervenants sont d'accord. On va l'être. Mais en faisant les mises en garde qu'il faut puis en disant aux intervenants: Attention. Surveillez Loto-Québec. Loto-Québec, c'est vorace, ça. Là, ils veulent bouger cette année pour une dizaine de millions. Surveillez-les. Ils ont l'expertise; ils ont l'organisation. Puis Loto-Québec, on leur a dit, M. le Président, d'aucune façon... Évidemment, on ne veut remettre en question l'intégrité de Loto-Québec, bien au contraire. Un organisme correct, intègre, qui joue bien son rôle. Si vous voulez, la responsabilité de Loto, c'est de faire jouer le monde. Alors, on le fait, puis on le fait bien.

M. le Président, il me reste quelques minutes pour conclure. L'opposition, je l'ai dit tout à l'heure, n'est pas d'accord, et on ne votera pas, M. le Président, avec le gouvernement sur le principe. Si le ministre démontre de l'ouverture lorsqu'on procédera à l'étude détaillée article par article sur son projet de loi, si le ministre, entre autres, M. le Président, tient compte des recommandations, des suggestions qui lui ont été faites aujourd'hui même par – j'ai une copie de la lettre, là – le groupe ROBIN dont j'ai parlé tout à l'heure, le Regroupement des organismes bénéficiaires de bingo, qui s'y connaît, a fait une série de recommandations au ministre en date d'aujourd'hui... Je ne sais pas si le ministre en a pris connaissance: «Faisant suite à notre présentation à la commission des institutions, nous trouvons important de vous communiquer ce qui suit.» Deux longues pages, M. le Président. Je vais résumer.

Il y a un paragraphe qui résume assez bien ce qu'on propose au ministre. «En remplaçant dans le projet de loi les principes de redistribution, de création de secteurs, de tables de concertation par une ouverture sur les multicessions...», c'est du jargon, M. le Président, pour nous autres. Pour ces gens-là, ceux dont j'ai parlé depuis une demi-heure, là, du vocabulaire absolument usuel, quotidien. Le ministre l'a dit tout à l'heure. C'est tout un monde, le bingo, ça. C'est tout un monde, M. le Président.

«La tenue possible de plus de deux bingos par jour dans les salles où le marché le permet, comme dans les grands centres urbains, nous aurions la solution à plusieurs préoccupations et problématiques.»

Alors, M. le Président, est-ce que le ministre va tenir compte, dans son évaluation de son projet de loi n° 138, des suggestions faites par le groupe ROBIN dans la lettre d'aujourd'hui, mercredi 4 juin, qui lui a été faxée en fin d'après-midi? Est-ce que le ministre va tenir compte de tout ce qu'il a entendu hier ou s'il va continuer à agir comme il l'a fait trop souvent à date, dans le passé, à dire: Le projet de loi n° 77, qui est une loi maintenant... Le redéploiement des forces policières au Québec, ça marche parce que tout le monde a été bulldozé puis écrasé. Si le ministre pense que ça marche, il ira faire un tour dans les régions où le compte de taxes des citoyens... Puis il y a plein de députés, ici, qui s'en font parler – s'ils font encore un peu de bureau, ils s'en font parler à tous les jours – qui font du bureau dans leurs comtés respectifs: le compte de taxes sur la valeur foncière des propriétés a augmenté du simple au double. C'est ça, la loi n° 77.

Le ministre dit: Ça marche. Je comprends que ça marche, on a collecté, on a siphonné 48 000 000 $: 42 000 000 $ sur la taxe foncière, 6 000 000 $ directement facturés aux municipalités pour l'institut de Nicolet. Bien oui, ça marche! Puis ça, ça s'ajoute aux 500 000 000 $. Voyez-vous, le ministre m'a interrompu, puis là je suis encore pertinent, mais moins que tout à l'heure, M. le Président. Il m'amène à parler d'autre chose. Après midi, on a réalisé... On le savait, nous autres, mais les intervenants nous ont dit: La déontologie policière, c'est une façon plus ou moins habile – les modifications qu'on veut amener – d'amener les municipalités à ramasser une autre facture de 2 000 000 $, 3 000 000 $ pour régler les cas de déontologie. Ce n'est plus le gouvernement qui va payer, ce sont les municipalités, en introduisant la médiation obligatoire. C'est ça qu'on fait, là.

Alors, je conclus en disant: Le projet de loi n° 138, pour le moment, on est contre. On est contre parce que les intervenants sont venus dire au ministre puis à l'opposition, aux membres de la commission des institutions que le ministre faisait fausse route. L'opposition est logique avec elle-même. On a insisté, ici même, à l'Assemblée, pour avoir des consultations. Le ministre a pris le risque – de toute façon, il n'avait pas le choix – d'écouter ces gens-là. On les a écoutés, on les a entendus, et ça serait leur faire injure que d'essayer de se faire croire, du côté de l'opposition, que ça a du bon sens, puis de régler ça vite puis de s'en aller à la maison. Non, M. le Président. On va respecter le mandat qu'on nous a confié de protéger l'intérêt de ceux et celles qui sont concernés par le projet de loi n° 138. On va le faire avec sérieux. Il y a des modifications proposées, des suggestions qui ont été faites au ministre – je me répète – hier, à l'occasion des auditions qu'on a tenues, puis également des modifications suggérées par écrit par le groupe dont j'ai parlé avec insistance tout à l'heure.

Si le ministre comprend le message qu'on lui envoie, bien, l'opposition, en commission... On va aller voir, en commission parlementaire, si le ministre a saisi le message. Si c'est le cas, si les intervenants bougent en disant: Ah! le ministre a compris, il y a des ajustements puis on est maintenant d'accord, bien, on collaborera avec le gouvernement. Pour le moment, c'est impossible. Et, quand vous appellerez, tout à l'heure ou un petit peu plus tard cette semaine, le vote sur le principe du projet de loi n° 138, malheureusement on devra être contre, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac. Nous cédons maintenant la parole au député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. On a tous écouté tantôt les propos de notre collègue le député de Frontenac concernant le projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement. On a tous été à même de constater à quel point il s'agit là d'une autre intervention lourde et disproportionnée du gouvernement du Parti québécois dans un domaine où ça allait bien. Évidemment, lorsque ça va bien puis que le gouvernement n'est pas là-dedans, ce gouvernement-là, le gouvernement du Parti québécois, trouve toujours moyen d'envoyer les fonctionnaires pour faire à leur manière avec ce qui fonctionnait déjà, et c'est le cas ici.

(21 h 30)

M. le Président, mon collègue a pris la loi tout à l'heure et en lut de bonnes parties. Mais, pour ne pas se faire berner, «we did the same thing». We perused the regulations as well, Mr. Speaker. And in perusing this regulation, we were able to notice that there were, believe it or not, in a draft regulation, some 14 pages of document, 8½ X 14, single-spaced. To regulate what? To regulate bingos in the province of Québec. That's the real priority of the Parti québécois.

It is somewhat endearing, Mr. Speaker, to be part of a legislative assembly that looks at such issues. This is the only place in North America where one can take part in a lively debate concerning the color of margarine and the reinstitution of the language police. We had with us before some representatives of this Government who are there on a day-to-day basis to take care of the protection of the public. We have the Minister of Public Security who, since his Government arrived in power two and a half years ago, has closed five prisons in the province of Québec. He's fired 400 cops from the Québec Provincial Police. And what's he got time for? Under the B! Bingo! We've got a minister of Public Security who's gonna take care of bingos for us! What else have we got in this Government, Mr. Speaker? We've got a biker war, we start going through French laws from 1937 to find a model, and we've got 5 000 000 bucks for language police.

Mr. Speaker, it's worth perusing this regulation in some detail for the public to be able to appreciate the total insignificance that this Government appears to attach to real, vital issues of public concern and their incredible ability to look in great detail at anything that could possibly constitute a source of revenue. To quote a spunky Liverpudlian from some 30 years ago, George Harrison: «Let me tell you how it will be: There's one for you, 19 for me.» Mr. Speaker, it's the theme song of the Minister of Finance. In fact, the reason why we're regulating bingos in such detail today, Mr. Speaker, we strongly suspect, on this side of the House, that the Minister of Finance was passing in front of a church recently. Now, he never goes inside, of course, but he was passing in front of the church and he saw a group of people lined up outside. He was convinced that it was a meeting of the Parti québécois. But then, he found out that there was an activity going on inside that the Government didn't control: that activity was bingo!

So, we had the Minister of Finance intervene heavily. He was chanting his theme song all the while: «Should five percent appear too small, be thankful I don't take it all.» That's his theme song, Mr. Speaker. «Don't ask me what I wanted for if you don't want to pay some more.» That's the theme song of the Government of the Parti québécois, it's the theme song of our Minister of Finance. «If you drive a car, I'll tax the street; if you try to sit, I'll tax your seat; if you get too cold, I'll tax the heat; if you take a walk, I'll tax your feet.» He's the Tax Man, Mr. Speaker, he's the man, and he's discovered that there was a source of revenue that had somehow escaped their attention.

Une voix: Bingo!

M. Mulcair: Bingo! My colleague from Frontenac has figured it out, Mr. Speaker. Some of the members across the aisle from us have yet to figure that out, that what's going to happen in the next year when this regulation comes into force is that something that has actually worked in the world, something that in the province of Québec was causing no one any harm – a community hall, a nonprofit organization and a bingo machine, and someone to call out the letters and the numbers – that was too much for this Government to stand, Mr. Speaker.

Incapables de supporter qu'il y ait eu une activité quelconque qui fonctionnait, désireux, comme c'est leur habitude, d'intervenir à chaque fois que les choses marchent bien pour mettre la pagaille là-dedans, on a un règlement qui s'étale sur 14 pages 8½ X 14 – pas 8½ X 11, 14 pages 8½ X 14 – dans lesquelles on peut lire ceci... M. le Président, je suis sûr que vous le savez, il y avait un comique américain qui faisait des numéros en lisant la loi américaine sur les impôts, le code des impôts américain. M. le Président, sans avoir la prétention de pouvoir faire tout à fait autant, je me permets néanmoins de lire textuellement quelques extraits – parce que, malheureusement, le temps qui nous est imparti ne permettrait pas de lire tout le document. Mais juste le titre, et l'on comprend à quel point le fonctionnarisme prend le dessus, comment dans un secteur communautaire où les organismes sans but lucratif trouvaient leur compte – comme mon collègue le député de Frontenac l'a dit tantôt. Maintenant, on va avoir quoi? Lisons-le ensemble, M. le Président.

Document de travail, date: le 30 mai 1997 – ça ne fait pas longtemps – hypothèse de travail en vue des règles sur les bingos. Maintenant, en texte télégraphique pour démontrer l'importance: «Le projet de réforme propose une révision complète de la réglementation actuelle afin d'assurer la rentabilité des bingos et de permettre le développement de ce marché.» Est-ce que quelqu'un a dit dans votre comté de la Haute-Mauricie, est-ce que quelqu'un vous a dit qu'il y avait un problème de rentabilité des bingos, M. le Président?

Lors des commissions parlementaires, on a rencontré des groupes, on a entendu des groupes qui nous ont laissé entendre qu'il pouvait, avec certains organisateurs, y avoir des pratiques douteuses. On les a bien entendus et, plutôt que de prendre le chemin difficile, d'utiliser les ressources qui lui sont disponibles et d'appliquer la loi telle qu'elle existe, le ministre, avec ses nombreux fonctionnaires, qui vont agrandir encore leur empire en réglementant ce nouveau secteur, nous propose des hypothèses de travail en vue des règles sur les bingos.

Section I: Nature, fréquence et heures de conduite des bingos. De nouveaux jeux de bingos sont introduits dans les programmes des parties. Ainsi, il est permis de jouer au bingo en utilisant des cartes traditionnelles où chacune comporte 25 cases, dont 24 comportent un numéro de 1 à 75, et la case centrale avec la mention «free». M. le Président, ce n'est pas moi, là, qui vient de vous le dire, le mot «free». Dans le texte français, c'est écrit «free». Une chance que le député de Taschereau n'est pas là parce que c'est lui qui s'est levé avec une boîte de céréales l'autre jour pour nous expliquer son exacerbation devant le fait qu'il y avait des mots d'anglais sur sa boîte de céréales. Si la ministre des Affaires culturelles était là, elle serait en train de sautiller dans sa chaise. Mais c'est dans un document officiel, version française. C'est dans la version française qu'on trouve la mention «free». Ce n'est pas écrit gratuit, gratis, case libre, «free», «bingo macht frei», hein, n'est-ce pas, M. le Président. Ou en utilisant d'autres sortes de cartes, dont celles requises pour les variantes du bingo, tel le bingo rapide, le bingo «double action», le «You pickem», dans la version française, le «You pickem», M. le Président, c'est scandaleux.

Un peu plus loin... parce que, comme je l'ai mentionné tantôt, M. le Président, même si ça nous aurait fait extrêmement plaisir d'informer la population et les organismes sans but lucratif, les informer de ce que le gouvernement du Parti québécois est en train de faire dans le détail, on n'a pas le temps. On a juste le temps de spotter quelques affaires pour leur donner un petit goût de ce qui s'en vient, avec une armée de fonctionnaires qui vont descendre dans leurs résidences d'âge d'or, qui vont descendre dans leurs sous-sol d'église et imposer cette nouvelle loi urgente, proposée par le gouvernement du Parti québécois...

Une voix: Avec la margarine.

M. Mulcair: Oui, avec la margarine en même temps et la police de la langue: toutes les urgences du gouvernement du Parti québécois. La valeur maximum, M. le Président, ça c'est fabuleux. Le montant total maximum qui peut être offert lors d'un événement de bingo est, tenez vous bien, M. le Président, 3 850 $, et 0,35 $ nous dit le whip en chef du gouvernement.

Je suis sûr qu'ils avaient le 0,35 $, mais ils l'ont omis. Je vais, en votre nom, M. le Président, par votre entremise, je transmettrai la demande du whip en chef du gouvernement au ministre de la Sécurité publique, parce qu'il y va sans doute d'une question importante de sécurité du public, d'avoir omis les 0,35 $.

Mais où diantre trouve-t-on un chiffre comme 3 850 $? C'est absolument fabuleux. Pourquoi ne pas le mettre en francs français pendant qu'on y est, hein? Ce serait bien ça, on confondrait le monde encore plus: Combien on «a-tu» le droit de donner en prix à soir? 3 850.35 $ pour faire plaisir au député de Laviolette, le whip en chef du gouvernement, M. le Président.

(21 h 40)

On a des sections qui s'étalent sur des centaines de paragraphes et on trouve des choses comme suit – ça, c'est dans une très longue énumération des documents que l'on doit fournir à l'appui d'une demande de faire un bingo – en ce qui concerne la licence de bingo, le demandeur doit fournir les documents suivants: une description des fins charitables ou religieuses pour lesquelles la licence est demandée et le nombre de bénéficiaires qui en profitent. Et, M. le Président, n'ayez pas peur, ils n'ont pas oublié de définir ça, parce qu'il y a un autre règlement qui vient définir ce que c'est qu'une fin charitable et une fin religieuse – on y reviendra – parce que ce n'est pas le seul document où on trouve des hypothèses du gouvernement du Parti québécois dans ce domaine névralgique pour la protection du public qu'est le bingo. Il faut fournir une description des fins charitables, il faut fournir la preuve – écoutez bien, elle est fabuleuse, celle-là – il faut fournir la preuve de ses besoins de fonds par la production de ses derniers états financiers. Regardez bien, là, M. le Président. Si les derniers états financiers démontrent que votre organisme sans but lucratif avait un budget de 12 000 $ et que vous aviez des revenus de 12 000 $, devinez quoi? Il y a un smart à Québec qui va vous refuser votre permis, il va dire: Mais vous n'avez pas justifié vos besoins financiers. Et pourtant c'est ça qu'on a dit à tout le monde qu'on allait demander, dans notre document de travail du 30 mai 1997.

Mais, M. le Président, comme le disait mon collègue le député de Frontenac tantôt, c'est une invitation à faire des jeux de coulisses politiques, c'est une invitation à faire du contingentement dans les bingos. Parce que ça allait très bien jusque-là. Mais, maintenant, avec l'ingérence du gouvernement dans ce domaine-là, il va y avoir de plus en plus de monde qui va se battre pour une tarte de plus en plus restreinte, parce qu'il faut évidemment payer les fonctionnaires qui vont être là-dedans et toute la structure de l'État qui va être là-dedans. Et Dieu sait qu'il faut payer sans doute très cher les savants juristes qui ont passé oh! qui sait combien de centaines d'heures à rédiger ce document de travail qui constitue des hypothèses en vue de règles sur le bingo. Alors, ils ont dit qu'il va falloir fournir la preuve de ses besoins de fonds et on va le faire par la production de ses derniers états financiers.

M. le Président, pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que ce n'est pas des états financiers qui constituent une preuve de ses besoins de fonds. Voyons donc! c'est l'enfance de l'art. Et pourtant. Peut-être, pour un fonctionnaire qui a toujours l'habitude de péter le budget de son ministère d'année en année, lui, il dit: On va montrer le budget de l'année dernière, combien on a perdu, puis là peut-être ça va marcher pour nous autres aussi, ils vont nous donner plus d'argent la prochaine fois.

M. le Président, je saute malheureusement, faute de temps, la sous-section sur l'attribution et la redistribution des licences. Il y a aussi une section très importante sur les normes d'exploitation d'une licence concernant – autre sujet de prédilection de notre ministre des Affaires culturelles – l'affichage. Je me demande, M. le Président, pendant qu'on y est, vu les règles sur l'affichage, si on crie bingo! avec un accent anglais, est-ce qu'il faut le dire deux fois moins fort que si on crie bingo! avec un accent français? Parce que j'aurais peur d'enfreindre non pas la lettre de la Charte de la langue française, mais du moins son esprit et, à ce moment-là, on pourrait attirer les foudres de la police de la langue, une autre chose pour laquelle effectivement on a les fonds nécessaires dans notre société parce que c'est une autre urgence, 5 000 000 $ là-dessus, en plus des millions qu'on a trouvés pour les bingos!

M. le Président, il est tout à fait pertinent de vous signaler que la sous-section 2 sur les cartes et le papier de bingo prévoit ce qui suit: Le papier et les cartes de bingo ne doivent pas comporter un bon ou du matériel promotionnel ou publicitaire autre qu'aux fins de la promotion du titulaire de la licence de bingo. Il est également possible que le papier doive porter le logo type de la Régie. Fabuleux! Les fonctionnaires de la Régie sont en train de préparer le règlement sur les bingos. C'est interdit de mettre le logo du IGA du coin, qui a peut-être payé pour l'impression des cartes. Ça, interdit. Crasse, vile, commercial, mercantile, berk! berk! berk! on n'en veut pas. Qu'est-ce qu'on peut faire? On peut mettre le logo type de la Régie. C'est à se demander si, par ailleurs, on a le droit de mettre le fleur de lys. À ce moment-là, sans doute parce qu'ils essaient de s'accaparer de ces symboles du Québec, peut-être le gouvernement du Parti québécois va croire qu'il s'agit là de sa propre promotion.

Cependant, vu le fouillis que ça va constituer pour le commun des mortels qui, jusque-là, n'a jamais trouvé qu'il y avait de problèmes avec les bingos au Québec, on les inciterait peut-être à mettre le logo type non seulement de la Régie, mais bel et bien du Parti québécois. Estampillez chaque carte de bingo avec le logo type du Parti québécois, puis là les membres du public vont commencer à voir qu'est-ce que c'est de s'ingérer dans la vie quotidienne des gens constamment, de mettre le nez du gouvernement dans les endroits où ça allait bien puis où on n'avait strictement pas besoin d'être réglementé, de réglementer à outrance avec des milliers et des milliers de mots et des dispositions à n'en plus finir, alors qu'une simple intervention ponctuelle pour régler des problèmes qui avaient été identifiés aurait suffi largement pour régler des problèmes qui existaient.

Mais ce n'est pas un gouvernement qui voit les choses comme ça, M. le Président. Lorsqu'il était question de faire quelque chose pour régler des problèmes dans le domaine de la perception des pensions alimentaires, qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont pris tout le monde, y compris les bons payeurs, ils les ont mis dans la machine. On leur avait dit: Ne faites pas ça, ça va engorger la machine, ça va tout jammer; vous ne pourriez pas vous occuper des cas problèmes qui sont les cas où il y a des mauvais payeurs? Non, non, non. Il y avait une théorie du côté du gouvernement que c'était traumatisant pour d'aucuns de ne pas avoir ce même accès. Il fallait mettre même les bons payeurs, même les gens qui payaient leur pension alimentaire depuis 10, 12, 14 ans, tout le monde allait dans la machine. Résultat: ça ne marche pas. Ça ne marche pas. Les chèques ne sortent pas. L'argent rentre, les chèques ne sortent pas, les fonctionnaires ne peuvent pas s'en occuper.

Autre proposition du gouvernement, médiation familiale obligatoire. 90 % des cas de divorce et de séparation se règlent sans procès; il n'y a jamais eu de problème avec ça, M. le Président. Ils voulaient mettre tout le monde là-dedans. Pour l'instant, le public a été sauvé, pour l'instant, parce qu'il y a eu suffisamment de réactions dans les milieux qu'ils ont au moins mis celle-là sur la glace au moment où on se parle. On ne sait jamais ce que le futur nous réserve. Mais c'est cette tendance à vouloir tout réglementer, à vouloir mettre l'État partout, même là où ça marche bien, est bien reflétée dans le projet de loi n° 138 et dans les documents détaillés concernant la réglementation du bingo qu'on a avec nous. Et c'est pour cette raison que notre formation politique ne peut strictement pas marcher là-dedans.

Il va sans dire qu'il y a des organismes sans but lucratif non seulement dans les comtés des députés du côté de l'opposition, mais il y en a dans tous les comtés du Québec, y compris les comtés des gens en face, et, quand ces organismes-là vont voir le résultat, ça va être un peu tard. C'est pour ça que, nous, on sonne un premier cri d'alarme ce soir, M. le Président, en disant: Écoutez, lorsqu'il y a autant de groupes qui viennent de tous les coins du Québec et qui arrivent en commission parlementaire pour dire: Attention, là, vous êtes en train, avec des bonnes intentions, d'enlever les quelques cas problèmes qui existaient, vous êtes en train de mettre la hache dans quelque chose qui marchait bien, vous mettez le nez du gouvernement partout dans quelque chose qui marchait bien... Les organismes communautaires qui étaient les bénéficiaires du système actuel vont être appelés à aller se battre autour d'une même table, il va y avoir du jeu politique – ce n'est pas juste l'opposition qui le dit, M. le Président, ce sont les experts en la matière, des gens qui représentent les tables de groupes communautaires – et c'est la raison primordiale qui incite l'opposition officielle à dire non au projet de loi n° 138. On ne peut pas accepter ce principe-là d'une telle intervention lourde dans un domaine où les problèmes ne sont pas du tout, du tout aussi importants que l'intervention qui est proposée par le gouvernement du Parti québécois. C'est pour ça qu'on est contre, M. le Président. Merci beaucoup.

(21 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Nous cédons maintenant la parole au député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il y a toujours des projets de loi comme ça sur lesquels on intervient, qui sont particulièrement importants pour un député, et je vais m'expliquer. Ici, d'habitude, on parle sur des grands principes; notamment, lorsqu'on est porte-parole de dossiers, on parle sur des projets de loi et l'incidence sur l'ensemble du Québec. Sur certains projets de loi, ce sont nos commettants, les gens qu'on représente qui nous ont éveillés, qui ont allumé une lumière, puis qui ont dit: Es-tu au courant? il y a quelque chose qui s'en vient. Et je pense que c'est le travail élémentaire de représentation que nous avons comme députés et qui me semble d'ailleurs toujours le plus stimulant, parce qu'on a vraiment l'impression, lorsqu'on arrive sur des projets de loi comme ceux-là, de se lever et de rappeler au gouvernement la réaction des gens dans notre comté. On a vraiment l'impression – et c'est plus qu'une impression – de jouer notre rôle de porte-parole, de jouer notre rôle de représentant des gens de notre communauté qui subissent les effets d'une pièce législative.

Alors, si je me lève au niveau du principe, M. le Président, c'est d'abord pour saluer les gens de mon comté, notamment réunis autour de La Rencontre Châteauguoise, qui est un peu le porte-parole de l'ensemble des locataires de salles de bingo qui m'ont intéressé à ce projet de loi, m'ont informé des impacts qu'il avait – ce projet de loi – sur La Rencontre Châteauguoise, sur les autres groupes qui font et tiennent des bingos, et qui sont venus hier soir, 23 heures. Certains d'entre nous, M. le Président, vont vous dire: Bah! il n'y a rien là. Des gens qui partent de Châteauguay, montent à Québec, trois heures de route, 23 heures, pour venir à une consultation, ils ont quitté d'ici à minuit, c'est parce qu'ils ont ça à coeur. Si je me lève aujourd'hui, c'est pour saluer ces gens et, avec eux, essayer d'allumer à nouveau une lumière auprès du gouvernement, parce que ce n'est pas n'importe qui, ces gens-là. Je pense que c'est ça qui est important de voir au coeur même du projet de loi.

Ces gens qui tiennent des bingos, M. le Président, ce sont des organismes sans but lucratif qui aident les démunis de mon comté et qui me disent: Le bingo, pour nous, il est essentiel pour qu'on ait une source de revenus suffisante pour permettre, notamment, d'amener les gens qui sont sur l'aide sociale à sortir de chez eux, à faire une réinsertion sociale, à préparer une réinsertion au travail. Et il y a des effets – je vais revenir là-dessus, tantôt – que le projet de loi a sur ces organisations-là. Or, M. le Président, hier, j'intervenais en cette Chambre à l'égard du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. C'est un projet de loi du ministre des Finances. J'intervenais là-dessus hier, je disais: La lutte à la pauvreté par une nouvelle taxe de 250 000 000 $, est-ce que c'est une bonne idée? La lutte à la pauvreté, supposément par la réinsertion au travail, mais en coupant le programme 3 du ministère de l'Emploi qui vise à la réinsertion en emploi, il y a lieu de se poser des questions, si on fait le bon travail quand on veut lutter contre la pauvreté.

Moi, j'ai le goût de vous dire, M. le Président, que, dans la foulée d'hier, la lutte à la pauvreté doit aussi se faire en aidant les groupes qui aident les gens les plus démunis. C'est les gens qui sont directement visés qui m'en ont informé et qui en ont informé le ministre hier soir. Ils viennent nous dire que ce projet de loi vient mettre des bâtons dans leurs roues, vient brimer leurs efforts en termes de réinsertion sociale pour les gens les plus démunis. Qu'est-ce qu'on doit faire dans ce temps-là? Lorsqu'on a, à deux journées d'intervalle, des pièces législatives d'un gouvernement qui viennent attaquer un des buts que nous devons, tous ensemble... Je suis convaincu, M. le Président, que, des deux côtés, le même but nous motive, le même but nous anime, le même but nous pousse à se lever le matin puis à dire: Moi, je veux aller travailler aujourd'hui, je veux faire quelque chose pour faire en sorte que mes concitoyens soient mieux, qu'il y ait de l'espoir pour eux. Or, les pièces législatives s'accumulent et, même si le discours est là, les actions ne le sont pas, ne se reflètent pas dans le concret.

À l'égard du bingo, ce que les gens chez nous disent: Bingo en réseau, pas de problème, bonne chose. Le problème qu'il y a, par exemple, c'est que, à partir du moment où il y a présumément concertation, où on vient ouvrir à l'ensemble des organismes communautaires – qui ne sont pas nécessairement ceux qui visent les gens qui sont démunis, c'est beaucoup plus large que ça – tout le fonds accumulé grâce à cette activité qu'est le bingo sera réparti en plusieurs autres groupes. Qu'est-ce qui arrive de ceux qui, jusqu'ici, ont réussi à créer des activités pour lutter contre la pauvreté, ont réussi à créer des activités pour favoriser la réinsertion sociale de ceux qui se sentent exclus de notre société? Eux, ils nous disent: On ne peut pas accepter de partager les fonds que nous avons du bingo parce que, si nous l'acceptions, nous devrions alors renoncer à faire tous les efforts que nous faisons pour mettre terme à l'exclusion, pour essayer d'amener les gens de plus en plus à se réinsérer dans la société, à se réinsérer au travail.

Alors, il y a un gros problème qu'ils identifient, qui est celui de ce projet de loi qui vient puiser des sommes d'argent dont bénéficient certains organismes qui seront partagées avec plusieurs autres qui, jusqu'à aujourd'hui, n'en avaient jamais fait la demande. Qu'est-ce qu'on cherche à faire? Dilapider l'aide, l'argent qui arrive à des organismes communautaires voués à supporter, à aider les démunis? Qu'est-ce qu'on cherche à faire? J'ai de la misère à comprendre l'idée du gouvernement. C'est aussi simple que ça, j'ai de la misère à comprendre ce qu'on cherche à faire. On ne me l'a pas expliqué. Les organismes sont venus hier, notamment La Rencontre Châteauguoise et les autres organisations de bingo de Châteauguay, ont soulevé tout ça au ministre, et le ministre n'a absolument rien dit là-dessus. Des gros problèmes.

Il y a une autre dimension aussi qui est importante de retenir dans le cas du comté de Châteauguay, M. le Président, en relation avec le bingo. Je suis content d'ailleurs que, avec nous ce soir, l'ancien ministre de la Sécurité publique soit présent, parce qu'il connaît la situation des bingos dans le comté de Châteauguay. Nous avons la réserve de Kahnawake – vous êtes au courant, M. le Président – qui tient des bingos. Tout un imbroglio sur les bingos qui se tiennent à Kahnawake. Nous, on le sait, on passe devant. On regarde la publicité dans les journaux, on voit qu'il y a plein de monde, on sait quelles sortes de prix sont faits. Tu paies en $CAN, gagnes en $US. Il y a plein de choses comme ça qui, évidemment, ne sont ni prévues par le présent projet de loi ni par les lois d'avant. Rien, rien, rien. Des enquêtes ont été faites, on a même eu le directeur de la Sûreté du Québec que j'ai eu l'occasion d'interroger en commission et qui a dit: Oui, on a fini l'enquête. C'est rendu au ministre de la Justice. Et il n'y a pas eu une poursuite de prise, M. le Président, et les bingos continuent.

Or, hier, à la commission, M. Bonneau, donc, qui est responsable de La Rencontre Châteauguoise, demande: Qu'est-ce qui arrive avec Kahnawake, avec ce projet de loi? Est-ce qu'ils vont être soumis aux mêmes règles? Réponse suivante, M. le Président: S'ils demandent un permis, ils vont être soumis à la loi. Et, s'ils n'en demandent pas, c'est quoi, la réponse? Pensez-vous qu'ils en ont, en ce moment, un permis à Kahnawake pour tenir des bingos? Ils ne respectent pas la loi, ils ne respecteraient pas le permis qu'ils auraient dû demander, ou peut-être pas. Mais qu'est-ce que fait le gouvernement là-dessus? Qu'est-ce qu'on fait avec des règles comme celles-là qui sont différentes pour l'un et pour l'autre? Ça a des effets concrets.

Je parle, dans le projet de loi qui est sous étude, du fait qu'on veut retirer, qu'on va enlever des fonds aux organismes de mon comté qui aident les personnes démunies. Je suis contre ça. Je trouve qu'ils font un travail exceptionnel. Mais, déjà, je m'étais levé pour ces organismes avec le ministre de la Sécurité publique pour lui dire que, en ce moment, il y avait une concurrence déloyale dans le bingo. Il y en a qui vont dire: Une concurrence déloyale dans le bingo, c'est quoi, cette affaire-là? Imaginez que le bingo procure des fonds à des organismes qui aident les personnes les plus dans le besoin – imaginez ça une minute – et puis qu'on est en train de permettre des activités autour qui vont faire que ces groupes-là, constitués de bénévoles, n'auront plus les mêmes ressources pour faire un travail incroyable d'aide aux gens qui sont exclus. Vous comme moi, M. le Président, comme tout le monde, serions outrés, on se lèverait et on dirait: Il faut appliquer la règle, il faut appliquer la loi, il faut faire en sorte que les organismes qui ont de tels buts charitables, de telles fonctions utiles de cohésion sociale, de réinsertion sociale puissent être soutenus. Pas du tout, il ne s'est rien passé.

(22 heures)

Deuxième attaque, un projet de loi qui arrive puis qui dit: Bien, les revenus que vous faites à partir du bingo, maintenant, vous allez les partager, même avec du monde qui ne l'ont jamais demandé. Alors, question: Quels sont les critères pour les partager? Sur quelles bases? Ah bien, ça, vous vous chicanerez entre vous autres. Bravo pour la cohésion sociale. Bravo pour la solidarité. Au contraire, M. le Président, un germe de division, alors que, en ce moment, il n'y en a pas de problème à cet égard. Si c'est le bingo en réseau qu'on veut mettre de l'avant, est-ce qu'on est obligé en même temps de donner un coup de bâton à ceux qui... Puis, comme je vous dis, M. le Président, quand ils vont «caller» le bingo, le soir, c'est des bénévoles qui font ça. Ce n'est pas parce que ça fait vraiment leur affaire à tous les soirs. Bien sûr qu'ils sont dévoués. Bien sûr que c'est une vocation. Mais ils le font parce qu'il y a un objectif, après coup.

Est-ce qu'on ne va pas désillusionner, est-ce qu'on ne va pas enlever une incitation chez les bénévoles de notre société, notamment de mon comté, en leur disant: Écoutez, vous pouvez toujours aller faire du bénévolat là-bas? Les fonds, on va les répartir dans plein d'autres organismes qui n'en avaient pas besoin jusqu'ici, qui n'en avaient pas demandé jusqu'ici. Jusqu'ici, il n'y a même pas eu d'autres demandes de bingo. On avait couvert toutes les soirées; le marché était complet, ainsi qu'on peut dire, et ça faisait l'affaire de tout le monde. Là, on va multiplier, M. le Président, on passe de sept à une possibilité d'une centaine. C'est ça qu'ils me disent, les gens, dans mon comté.

De sept organismes qui se partagent les revenus de bingo dans le comté de Châteauguay, notamment dans la salle de bingo à Châteauguay, de sept, on va passer à une centaine d'organismes qui vont se partager le revenu du bingo. Bien sûr que d'autres organisations vont être contentes de ce revenu supplémentaire, il n'y a pas de doute. Mais est-ce que, comme législateur, on n'a pas, des fois, des priorités à donner? Est-ce que, des fois, on n'a pas à dire: Moi, je voudrais encourager tel secteur, tel segment? Quand on voit la difficulté que connaît notre société, les exclus, les démunis... Moi, je vous le dis, M. le Président, j'aimerais et je favorise que ce soit à ces organisations-là que les revenus du bingo aillent. Je pense que c'est un minimum.

On a beau utiliser, dans tous les discours, «équité», «partage». On en a parlé encore cet après-midi, M. le Président, à la commission de l'économie et du travail. Ces mots-là sont sortis des représentants du parti ministériel. Mais, dans l'action concrète, outre les discours, dans l'action concrète, comme on en a l'occasion ici... Ça peut paraître banal à bien du monde. C'est pourtant si simple. Une occasion concrète pour dire: Nous allons favoriser, à l'égard des revenus de bingo, les organismes qui aident les personnes démunies. Tout au moins, admettons que le gouvernement n'est pas prêt à aller si loin que ça. Tout au moins, peut-on éviter d'adopter un projet de loi qui va enlever des fonds à des organismes qui aident aux démunis? Y «a-tu» un moyen pour que le gouvernement du Parti québécois fasse dans l'action ce qu'il dit dans le discours et qu'on ne constate pas constamment qu'entre le discours et la pratique il y a un fossé si large qu'on ne s'y reconnaît pas? Si on pouvait, pour une fois, juste une fois, susciter un peu d'espoir et de confiance à l'égard de ce gouvernement qui ferait une chose conforme au discours, aussi simple, aussi simple.

Il ne s'agit pas ici de créer 23 structures, M. le Président, et d'imaginer l'ensemble des interrelations mondiales et la globalisation. Il s'agit juste de regarder ce qu'on fait dans nos comtés respectifs, de regarder le monde qu'on connaît. On a des visages. C'est vrai pour tous les comtés. Il y a des gens qui travaillent là-dedans, des bénévoles. On les connaît. On les rencontre tout le temps, ces gens-là, dans toutes sortes d'activités. Ils nous sollicitent pour qu'on les aide. On les sollicite, nous aussi, pour qu'ils nous aident, parce qu'on travaille ensemble. On les connaît.

Est-ce qu'il n'y a pas moyen qu'on puisse les aider? C'est vrai, je le dis, M. le Président, en toute humilité, je suis persuadé que ce que, moi, je vis dans mon comté, c'est vécu par l'ensemble des parlementaires de cette Assemblée. Nous avons tous des gens qui se dévouent dans nos comtés. Pourquoi aller leur mettre des bâtons dans les roues? Pourquoi aller leur enlever les maigres revenus qu'ils tirent de cette activité, pour aller les partager avec d'autres qui font d'autres choses, qui ont d'autres activités, puis qui ont réussi à développer d'autres créneaux? Pourquoi aller attaquer, à sa source même, ces organismes-là?

C'est le message que je veux passer, M. le Président, simple, court. Est-ce que le gouvernement peut écouter les organismes qui sont venus hier, notamment La Rencontre châteauguoise qui est venue souligner les difficultés qu'il y aurait: premièrement, ne serait plus en mesure d'offrir les services que cet organisme offre aux plus démunis de ma communauté et, deuxièmement, d'éviter de mettre des éléments dans une pièce législative qui vont amener de la division au sein des organismes communautaires qui, en ce moment, vivent très bien ensemble, en ce moment où il y a harmonie? Pourquoi semer un germe de zizanie là-dedans? La Rencontre châteauguoise le disait, mais ROBIN, le Regroupement des organismes bénéficiaires de bingos, le disait aussi et d'autres organismes l'ont dit. Ces germes de zizanie se retrouvent jusque dans la loi sur le bingo.

On le savait assez, M. le Président, que le principe de base du gouvernement du Parti québécois apparaissait être la recherche de division. On le sait dans les affaires constitutionnelles, on l'a dit tant et tant, et je ne veux pas le répéter; on le voit dans d'autres domaines où il s'agit toujours de diviser les uns avec les autres. Quand ce n'est pas en matière constitutionnelle, ce sera dans la classe linguistique. On prendra la langue pour essayer de diviser les québécois. On invoquera qu'il y a deux classes de québécois qui peuvent s'exprimer par leur vote.

Dans des dossiers comme ceux-là, le bingo, sur la base communautaire, est-ce que le gouvernement peut juste mettre de côté sa rhétorique de division et se rappeler qu'il y a du vrai monde, avec des vrais noms, avec un vrai visage, qui travaillent pour aider des gens qui sont démunis, dans mon comté comme dans le leur, et qu'il ne faut jamais oublier que ces gens-là sont avec nous, qu'ils ont besoin de nous comme on a besoin d'eux et qu'il ne faut pas les lâcher? À n'importe quelle occasion, il faut toujours être avec eux. On a une occasion, en ce moment, de pouvoir soutenir ces gens-là, de pouvoir leur montrer qu'on a besoin d'eux, que leur vocation et leur dévouement nous importe.

Je me suis levé, M. le Président, pour passer ce message. Je me permets de dire au gouvernement où je me situe en termes de valeur. Je me permets de dire aux gens de mon comté combien je trouve merveilleux le travail qu'ils font, combien il est important pour les gens de mon comté qu'ils continuent de le faire, et leur dire qu'ils peuvent compter sur moi pour continuer à les supporter. En espérant que ce travail ne soit pas uniquement l'apanage de l'opposition, mais que le gouvernement puisse aussi s'associer à nous dans des objectifs aussi louables. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, je mets aux voix le projet de loi. Le principe du projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader... Madame, excusez. Je viens d'arriver et je n'ai pas eu le temps encore de faire le tour. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: Oui, M. le Président, j'espère que vous êtes bien en forme. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institution pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 109


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous avez bien dit l'article 7? Ah oui! on revient, très bien. Alors, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des intervenants? Il y a M. le député d'Argenteuil. M. le député, je vous cède la parole.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Je m'excuse de retarder la ministre, mais je m'en voudrais de ne pas manifester les inquiétudes des gens de mon comté, M. le Président. J'avais déjà mentionné les inquiétudes des gens de mon comté qui devront, à cause de ce projet de loi, faire du transport en autobus pendant plusieurs heures, suite aux aménagements par la ministre de l'Éducation.

(22 h 10)

Vous me permettrez, M. le Président, la lecture des éléments de recherche qui nous ont été présentés, où la ministre avait utilisé des critères très importants, des critères qui avaient guidé son projet, qui étaient: les territoires des commissions scolaires doivent respecter les limites des municipalités régionales de comté, les territoires des commissions scolaires doivent respecter les limites des régions administratives et, finalement, le découpage devra s'harmoniser avec le territoire des organismes régionaux de transport qui seront mis en place dans le cadre du projet d'intégration des services de transport terrestre des personnes.

M. le Président, ce sont trois critères très importants dans l'élaboration d'un projet de loi. Ce qui m'étonne, M. le Président, c'est que, dans cette démarche, la ministre, qui pourtant est remplie de compassion et d'empathie à l'égard des citoyens, en de multiples occasions, n'a pas trouvé une seule occasion, dans cette élaboration des critères, dans cette énumération des critères que je viens de faire, pour parler du choix des parents, pour parler de l'opinion de la communauté quant au choix qu'ils aimeraient faire, quant à l'école ou à la commission scolaire à laquelle ils désirent soit aller, soit appartenir.

Dans le cas du comté d'Argenteuil, M. le Président, les citoyens de la localité de Mirabel, en particulier le secteur Saint-Hermas, dans la fusion qui est proposée par la ministre de la commission scolaire de Sainte-Thèrèse et de celle des Patriotes, de Saint-Eustache, les gens de Saint-Hermas devront se diriger vers les écoles de la commission scolaire des Patriotes. Dans cet aménagement, M. le Président, les enfants qui, déjà, fréquentent les écoles de la région de Lachute, qui relève de la commission scolaire du Long Sault, vont devoir se diriger vers les écoles de la commission des Patriotes ou de la nouvelle commission formée par la fusion de la commission scolaire de Sainte-Thérèse et des Patriotes. Vous comprendrez, M. le Président, que, lorsque nous sommes dans le comté d'Argenteuil et que l'on s'achemine vers les écoles de la région de Lachute à partir de Saint-Hermas, du secteur de Saint-Hermas, les enfants qui n'ont que 10, 15 minutes d'autobus à faire et qui se verront dans l'obligation de faire plus de 45 minutes d'autobus le matin et 45 minutes d'autobus le soir, les parents manifestent un désarroi devant ce manque de communication.

La ministre nous parle très bien que les territoires des commissions scolaires doivent respecter les limites des MRC. Or, M. le Président, la municipalité de Mirabel constitue en soi une municipalité et une MRC à la fois. Alors, cette MRC n'est pas respectée dans le projet de loi et la ville de Mirabel ne devient donc qu'une simple municipalité, perdant tous ses droits de MRC. Je serais bien prêt à accepter avec la ministre, et j'en conviens, que, une ville-MRC, on pourrait faire sauter la MRC et ne se référer qu'à la ville. Le problème n'est sûrement pas majeur. Mais où le bât blesse, M. le Président, c'est alors que les parents devront quitter Saint-Hermas pour aller à Saint-Eustache, ce qui prolonge de façon indue et inacceptable le trajet en autobus pour des enfants.

Alors, vous comprendrez que les parents sont venus en grand nombre, en grand nombre, M. le Président, nous voir au bureau, se plaindre de cette situation. Ils avaient déjà conclu une entente avec la commission scolaire du Long Sault et la commission scolaire Saint-Jérôme, parce que le primaire ne fait pas problème. Il y avait déjà eu entente avec la commission scolaire Saint-Jérôme pour bâtir une école dans le secteur de Saint-Canut et s'assurer que les enfants aient accès à l'instruction au primaire et que, pour le secondaire, bien, évidemment, les enfants pourraient s'aménager d'aller soit à Saint-Jérôme, soit à Lachute. Et on avait même passé une résolution à cette fin-là, où la commission scolaire Saint-Jérôme s'engageait – une résolution: tout est écrit, toute est en bonne et due forme – avec la municipalité de Mirabel pour construire une école secondaire, pour éviter, justement, à ces enfants des déplacements indus, prolongés en autobus.

Au lieu de s'attarder à étudier, à approfondir leurs connaissances, à lire, à s'instruire, on va, entre guillemets, les parquer dans un autobus pendant 45 minutes à l'aller, 45 minutes au retour. Je ne sais pas, M. le Président, dans votre temps, probablement que vous faisiez ça à pied, comme, moi, je l'ai fait à pied, et on était aménagé de façon à ne pas être très loin de notre école, mais, aujourd'hui, les temps ont changé. Et vous avez sûrement essayé, déjà, de lire dans une auto, et je n'ai pas à comparer le confort d'une automobile avec celui d'un autobus scolaire. Lorsque les moindres soubresauts sur la route sont ressentis de façon accentuée dans l'autobus, il est difficile de se concentrer à vouloir soit lire, soit étudier.

Le président de la commission scolaire Saint-Jérôme avait accepté, avec une résolution et de la ville de Mirabel et de la commission scolaire, d'aménager les facilités appropriées pour les gens de Mirabel. Malgré cette situation-là, les aménagements que la ministre nous prévoit obligeront des enfants à s'éloigner de leur maison de façon significative et à se transporter pendant des heures durant pour aller cueillir l'information et les connaissances appropriées à leur formation. La population de Saint-Hermas a eu des réunions à cette fin, et, dans une proportion de 90 % – pas 9 %, pas 10 %, 90 % – la population s'est prononcée en faveur de maintenir les liens entre la région de Mirabel, dans le secteur de Saint-Hermas, avec la commission scolaire du Long Sault, à Lachute.

Et, aujourd'hui, on voit que, dans les aménagements que la ministre a prévus, rien, rien, rien n'est prévu pour l'écoute des parents. Elle qui se veut une grande démocrate, la démocratie, ça s'exerce en s'exprimant, mais aussi en laissant s'exprimer les autres, en leur donnant l'opportunité de s'exprimer, et la ministre n'a pas cru bon de les laisser se prononcer sur cet aménagement. Les gens ont même proposé des solutions, M. le Président, laissant aux gens du secteur de Saint-Augustin, qui est tout près de Sainte-Thérèse, d'aménager avec la commission scolaire de Sainte-Thérèse et laissant le choix aux gens de Saint-Benoît d'aménager avec la commission des Patriotes ou la nouvelle commission Sainte-Thérèse–des Patriotes. Mais, eux, du secteur de Saint-Hermas, ils veulent demeurer rattachés avec les gens de Saint-Janvier, rattachés au secteur de Lachute ou de Saint-Jérôme.

M. le Président, c'est l'opportunité que j'ai ce soir de demander à la ministre de reconsidérer son projet de loi et de le mettre à l'écoute des gens, à l'écoute du peuple, à l'écoute des utilisateurs. Ce sont eux, les parents. Qui mieux que les parents peut nous dire comment ils conçoivent les aménagements appropriés pour conduire leurs enfants à l'école? Qui mieux que les parents? On pourrait faire un parallèle avec les garderies. Qui mieux que les parents peut dire comment ils veulent fonctionner avec les garderies? Et pourtant, là aussi, M. le Président, la ministre a décidé qu'elle savait mieux qu'eux comment ça devait se passer dans une maison.

Les solutions proposées par les gens de ces secteurs, Saint-Augustin, Saint-Janvier, Saint-Hermas, Saint-Benoît, c'est le statu quo, le statu quo, ou encore que l'entière MRC de Mirabel soit rattachée à la commission scolaire Saint-Jérôme. Et, devant cette situation, M. le Président, la ministre devrait prêter l'oreille à ces gens qui seront affectés de façon importante par le projet de loi que la ministre nous a soumis.

(22 h 20)

Par ailleurs, M. le Président, il y va dans son projet de loi des droits de vote et des aménagements des commissions scolaires linguistiques. Dans mon comté où j'ai l'avantage d'avoir 16 % d'anglophones, d'avoir une commission scolaire, Laurentian Schoolboard, qui, dans la démarche de la ministre, devra fusionner avec Laurenval, de Laval, qui sera la fusion de Laurentides-Lanaudière-Laval, qui constituera une commission scolaire de plus de 12 000 élèves...

Actuellement, le Laurentian Schoolboard a son conseil d'administration, fonctionne de façon autonome, avec ses neuf membres et ses deux représentants des parents. S'il y a fusion, M. le Président, s'il y a fusion, il est évident que, dans cette méga commission scolaire de Laurenval, les gens du Laurentian Schoolboard y voient une perte de pouvoir. Alors, on peut bien épiloguer longuement sur les pouvoirs qui sont laissés aux citoyens, mais il faut quand même prendre en considération certains événements. Le taux de diplomation au Laurentian Schoolboard est de 77 %; 77 %, ce n'est pas banal.

Les gens qui sont des gens relativement pauvres, qui sont sur le même standard économique que les autres gens du comté d'Argenteuil, qui est un comté relativement pauvre, ont su, malgré cette situation économique difficile, particulièrement dans ces temps où l'emploi est rare, se cotiser, faire une cotisation entre eux pour ajouter des fonds à leurs écoles pour qu'on puisse les équiper d'équipements informatiques. Alors, c'est un des taux les plus bas du ratio élèves-ordinateur. C'est le 1 pour 5 actuellement. On avait 1 pour 8 jusqu'à il y a quelques mois et, par une autre cotisation spéciale à laquelle les parents ont bien voulu s'astreindre, ont accepté de s'astreindre, ils ont baissé le ratio à 1 pour 5. Est-ce que ce n'est pas la preuve de l'intérêt, de l'appartenance que ces gens portent à leurs commissions scolaires, que ces gens portent à leurs institutions? Et, tout d'un coup, on va les aménager avec une méga commission scolaire anglophone et, subitement, ces gens vont perdre une grande partie de leur représentation.

Mais oui, ça fait l'affaire d'un secteur. Celui qui va prendre les pouvoirs, il s'en plaît, pour ne pas dire qu'il s'en complaît. Mais, celui qui les perd, non seulement c'est une question de pouvoirs, mais c'est une question de faire valoir son point de vue, c'est une question d'émettre ses idées, ses besoins, de manifester son opinion. Pourtant, M. le Président, dans cette fusion des commissions scolaires anglophones de la région Laurentides–Laval–Lanaudière, il y a des gens qui seront lésés dans leurs droits de représentation, des gens qui perdront littéralement la représentation qu'ils avaient acquise par leur démarche de nombreuses années afin de s'assurer que les parents puissent jouir d'un rôle important.

Parce que, contrairement à ce que la ministre a fait dans l'établissement de ces critères, que j'ai mentionnés tantôt, à aucun endroit on ne retrouve le choix des parents, on ne retrouve la consultation des parents, on ne retrouve l'opinion des parents. Nulle part la ministre n'a cru sage, n'a cru bon de les consulter, de s'informer auprès d'eux de ce qu'ils souhaitaient, de ce qu'ils désiraient. Tout comme s'ils n'avaient aucune importance, M. le Président. Tout comme si les parents n'étaient qu'une machine de production. Puis, après ça, inquiétez-vous pas, nous, on va s'en occuper, on connaît ça plus que vous autres. Nous, on est des législateurs, puis l'éducation, on connaît ça. C'est ça qu'on vit aujourd'hui, M. le Président. C'est ça qu'on retrouve dans le projet de la ministre, M. le Président.

On retrouve un projet dans lequel – pourtant, ça ne va pas du tout avec sa personnalité – on ne retrouve aucune sensibilité, M. le Président, à l'égard des parents et des enfants. Pourtant, ce n'est pas l'image qu'elle projette. Ce n'est pas ce que l'on voit. Mais, M. le Président, c'est ce qu'elle fait dans les faits. Dans les faits, c'est ce qu'elle nous démontre. Et on se serait attendu à bien d'autres choses de sa part, M. le Président. On se serait attendu à de la compassion, à de l'empathie, à de l'écoute à l'égard des parents. Pourtant, M. le Président, dans son projet de loi, on n'en trouve rien. On ne trouve aucune référence aux parents, aucune référence à leur rôle, aucune référence à leurs inquiétudes. Rien, M. le Président, mais rien au sujet de leurs sentiments, rien au sujet de leurs émotions, rien au sujet de leurs inquiétudes qu'ils vivent à l'égard du fait que leurs enfants vont devoir passer des heures en autobus ou que les parents ne pourront plus être capables de s'exprimer et de faire valoir leur point de vue auprès de la commission scolaire, sur le conseil sur lequel ils siégeaient antérieurement. Maintenant, avec la fusion, M. le Président, ils perdent leur pouvoir de manifester leur opinion.

Alors, c'est très important. Mme la ministre semble mettre en doute ma parole. Mais je ne voudrais pas qu'elle mette ça en doute, M. le Président, parce que c'est réel. La fusion va enlever le rôle que ces parents ont joué depuis des années au sein de leur conseil d'administration de la commission scolaire. Et maintenant, dans la fusion qu'elle nous propose, ces parents vont perdre leur rôle. Ça, M. le Président, c'est de manifester un manque de considération. C'est de faire foi d'un manque de démocratie, quand la ministre se plaît à nous répéter que c'est une grande démocrate, c'est une grande démocrate.

Je ne vois rien de démocratique là-dedans, M. le Président. Je ne trouve rien dans le projet de loi n° 109, M. le Président, dans lequel on fait foi une seconde de démocratie. Ce ne sont que des mesures imposées par la ministre, imposées de A à Z par la ministre. Et tout ce que nous retrouvons au lieu d'avoir de la concertation au bout de la ligne, nous ne retrouverons que de la confrontation.

Alors, moi, je demande à la ministre, en terminant, au moins qu'elle nous écoute, qu'elle laisse sortir ses sentiments d'empathie, de compassion à l'égard des enfants, à l'égard des parents, qu'elle leur laisse encore un peu de pouvoir et de bon sens. Il n'y a personne qui connaît mieux les enfants que les parents. Ce n'est pas encore aujourd'hui le moment venu de nous dire que la ministre connaît mieux les enfants que les parents. Elle connaît sûrement très bien ses enfants, qu'elle applique donc les mêmes principes aux enfants des autres: que les parents connaissent encore mieux leurs enfants que la ministre connaît leurs enfants. Et qu'elle leur laisse le droit d'être représentés convenablement sur les commissions scolaires, puis qu'elle leur laisse le droit, le choix et la liberté, dans un pays, dans une province démocratique, d'acheminer leurs enfants à l'école et à la commission scolaire qu'ils jugeront la plus appropriée dans les circonstances, tout en prenant en considération le lieu et l'endroit où ils demeurent.

(22 h 30)

Alors, M. le Président, vous allez comprendre que nous sommes très inquiets devant ce projet de loi n° 109 et que nous allons faire toutes les démarches possibles et impossibles pour que la ministre puisse changer d'avis. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Je prends la parole avec mes collègues sur le projet de loi n° 109 compte tenu, à mon sens, de l'importance des principes qu'on y retrouve et des décisions qui ont déjà été prises par le gouvernement, des décisions qui ont été prises à l'unanimité de l'Assemblée nationale sur certains des droits qui sont affectés, pour des Québécois, par ce projet de loi s'il était adopté dans les termes dans lesquels il nous a été présenté par la ministre et le gouvernement, étant donné qu'on est en train de jouer avec l'avenir des enfants, avec l'administration scolaire, avec la carte scolaire également, de façon incidente, mais très réelle pour la plupart des Québécois; étant donné surtout qu'il faut absolument, jusqu'à la dernière minute, faire valoir qu'il n'y a aucun des principes qui président à l'organisation du territoire scolaire, au régime linguistique plutôt que confessionnel qu'on est en train d'instaurer, qui justifierait, à mon sens – et c'est ça, l'argument de l'opposition – qu'on ôte, qu'on enlève des droits à des centaines de milliers de Québécois qui appartiennent à une communauté qui est ici depuis 200 ans. C'est ça que les Québécois n'apprécient pas dans le geste de quelque gouvernement que ce soit, celui d'enlever des droits, de contraindre l'exercice de la liberté, de ne pas reconnaître également la contribution que peuvent avoir faite des générations de Québécois à la société québécoise telle qu'on la connaît aujourd'hui.

Il y a trois choses importantes. Je voudrais, d'abord, disposer de celles qui, à mon sens, ne sont pas vraiment des questions de principe tout autant que des questions d'administration et de pratique à l'endroit de la gestion de notre réseau scolaire et qu'on retrouve dans la loi n° 109. Le premier élément, je le dis tout de suite: Les commissions scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles, tout le monde est pour. Il y a eu des votes unanimes, ici, à l'Assemblée nationale. Il y a eu de longs débats assez juridiques, merci beaucoup, là, sur la meilleure façon d'y arriver.

Je suis sûr qu'il y a eu des débats de l'autre côté, parce qu'on sait que le recours à un amendement constitutionnel en vertu de la Constitution canadienne peut facilement donner des boutons à des gens qui souhaitent la destruction du Canada, peut les amener à s'imaginer dans un schème théorique qu'ils sont en train de reconnaître le geste qui a été condamné à l'unanimité, ici, à l'Assemblée nationale: celui du rapatriement unilatéral de la Constitution en 1981. Mais soyons pratiques, là! Ce n'est pas une question de se boucher le nez puis de le faire. C'est juste une question de dire: Comment on organise le territoire scolaire sur des bases juridiques solides?

Je réitère qu'il y a eu certaines arguties juridiques, de part et d'autre, sur la meilleure façon d'y arriver. Une fois que le gouvernement a fait son lit et a décidé à l'encontre, à cet égard-là, de sa minorité toujours passablement radicale et extrémiste qui fait des crises d'urticaire sur tout ce qui s'appelle Constitution canadienne, il n'en reste pas moins qu'on a là un projet d'amendement constitutionnel qui a été envoyé à la Chambre des communes et dont on disposera éventuellement.

Il y a un autre aspect de chicane juridique, à mon sens, qui a eu lieu, je le souligne, qui était celui de la meilleure façon d'y arriver. Ça a donné lieu à un quiproquo, à mon sens, qui a laissé croire... Je reconnais que, quand on se lance dans des argumentations juridiques au lieu de discours purement politiques, une mauvaise interprétation ou une interprétation, enfin, peut-être inexacte carrément, de bonne foi, peut avoir lieu. On s'était opposé, ici, à la façon qu'empruntait le gouvernement de modifier l'article 93 de la Constitution. On pensait qu'on avait une meilleure façon de le faire. Oh! surprise! – c'est une anecdote, là – à Ottawa, ils ont trouvé que les péquistes avaient bien raison. Bon, bien, on va les laisser aller avec ça. Et on retourne au fin fond de l'affaire qui est: Oui, ça prend des commissions scolaires linguistiques au Québec plutôt que confessionnelles. Il y a donc unanimité, ici, en Chambre, autour de ça.

Il y a également unanimité, je crois le comprendre maintenant... Il y aura peut-être des amendements qui vont circuler sur l'aménagement du régime de transition qui est un petit peu pété – on va appeler les choses par leur nom – pour le moment, dans le projet de loi tel qu'il a été déposé, où l'instauration des commissions scolaires linguistiques dans tout le territoire du Québec, sauf à Québec et Montréal, ville de Québec et ville de Montréal, créerait une situation un petit peu loufoque, compliquée au point de vue administratif, compliquée pour les parents, compliquée à suivre pour tout le monde et évidemment donnerait l'impression qu'il y a deux régimes juridiques à l'égard de l'administration scolaire au Québec.

On espère que ça peut être modifié, ça, de façon acceptable. À tout événement, le député de Marquette, qui est notre porte-parole en cette matière-là, a fait une bonne démonstration, à mon sens, de ce qu'il faut éviter, et on espère que la ministre et le gouvernement vont éviter les espèces de chevauchements de régimes juridiques, linguistiques et confessionnels dans l'instauration d'un nouveau régime d'organisation scolaire sur des bases linguistiques.

La deuxième chose qu'il faut absolument souligner, c'est celle de la carte. C'est incident, là, c'est de l'administration scolaire qui n'a rien à faire avec la langue comme telle, mais ce qui me frappe, moi... Et j'espère, encore là, que la ministre va revenir à des meilleures dispositions, comprendre des dispositions d'ordre pratique qui reflètent la réalité plutôt qu'un modèle théorique, au lieu de toujours dire qu'il y a juste une sorte de limites valables au Québec au point de vue géographique et administratif: ce sont les MRC, qui datent de la loi 125 – ça doit faire une quinzaine d'années, tout ça – à tous égards; l'organisation des soins de santé à la limite, l'organisation scolaire, toutes les organisations possibles et imaginables, il faut que ça épouse les contours des MRC.

Or, tout le monde sait – enfin, dans mon comté, ce n'est pas de même nécessairement et dans les 124 autres comtés – que ce n'est pas de même nécessairement que le scolaire est organisé. C'est, en réalité, historiquement, organisé autour de certaines institutions, autour de l'adhésion volontaire de parents à des projets pédagogiques qu'on retrouve traditionnellement dans l'une ou l'autre des écoles. Et les gens s'orientent, se déplacent, sont prêts à faire des sacrifices dans certains cas pour envoyer leurs enfants relativement loin ou alors décident qu'ils vont déménager, qu'ils vont s'installer de l'autre bord de la rue par rapport à la cour d'école pour que leurs enfants puissent bénéficier de tel ou tel genre d'instruction, d'éducation. Notamment, au primaire, on voit ça souvent.

Là, la carte scolaire est en train d'être chambardée sur un modèle théorique où on nous a dit mot à mot, M. le Président: Ce sont les contours et les limites des MRC qui deviennent la référence. C'est tellement technocratique, j'allais dire, c'est tellement français, ça. Il y a trop de monde, de l'autre bord, d'après moi, qui a étudié en France, ce n'est pas possible! Ils ont fait leur stage à l'École nationale d'administration publique dans une préfecture, quelque part en province, et ils se sont aperçus, là, que tout le modèle français d'organisation du territoire est d'une rigidité absolument extraordinaire: tu rentres là-dedans, là, et ils te tapent sur la tête avec un maillet pour être bien sûrs que ça colle comme il faut.

Ce n'est pas de même que ça marche, nous autres. Il s'agit de regarder la carte du Québec, la carte de nos comtés pour voir que évidemment la superposition des approches du Régime anglais et du Régime français a créé, d'abord, des frontières un petit peu étranges, on en conviendra, mais qui ont des fondements historiques et qui nous amènent à considérer que, selon les moments où certaines formes d'organisation se sont développées, elles ont donné lieu à une histoire qui est la nôtre et qui n'épouse pas nécessairement le modèle bureaucratique des MRC, qui datent de la loi 125 sur l'aménagement du territoire.

Je vais vous épargner une longue démonstration que je pourrais faire de la façon dont, dans mon comté, il était pour y avoir une MRC ou deux MRC, compte tenu qu'il y avait deux conseils de comté et que la géographie... On est entre trois lacs, le lac des Deux-Montagnes, le lac Saint-Louis, le lac Saint-François et la frontière de l'Ontario. Il y a des choses qui s'imposent à l'esprit dans certaines régions qui ne s'imposent pas à l'esprit dans d'autres régions.

Et pourtant la ministre semble encore tenir au fait que ça n'a pas d'importance. Il y a beaucoup, beaucoup de monde qui envoie ses enfants dans une école de l'autre bord de la rue, mais ils vont fermer l'école, puis ça va être bien mieux qu'ils fassent trois quarts d'heure d'autobus, tout ce monde-là. Les administrateurs scolaires ont avisé le gouvernement et le ministère de l'Éducation et la ministre de certains problèmes d'aménagement pratique. Les parents, surtout, l'ont fait beaucoup, les enfants. Moi, j'ai reçu des pétitions d'enfants de mon comté, au secondaire, qui ont été sensibilisés. Ils ont vu ce que ça signifie, ils connaissent leur appartenance et, lorsqu'ils entendent dire ou qu'ils commencent à saisir – ils ne suivent pas ça de proche – ce qui peut leur arriver, hein! Les jeunes anglophones, par exemple, de mon comté, à Vaudreuil, au lieu d'aller au MacDonald High, juste, littéralement de l'autre bord du pont Galipeault, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, se font dire que, théoriquement, dans le modèle ministériel, ils peuvent se ramasser à Ormstown. Ça n'a pas d'allure! Bon, ça n'a pas d'allure. Enfin, le whip du gouvernement vient de saisir que ça n'a pas d'allure, lui non plus, lui, un enseignant, lui qui sait ce que c'est, les enfants, et comment on doit assurer, évidemment... Six ans de temps ou je ne sais pas quoi.

(22 h 40)

M. Jolivet: Six enfants.

M. Johnson: Ah oui, il a six enfants. Oui, d'accord, mais il a enseigné à plus d'enfants que ça, je présume. Mais, à tout événement, ce n'est pas ça, le point. Le point, c'est qu'au moins il y en a un qui comprend de l'autre côté, mais ce n'est pas lui qui est ministre de l'Éducation. Alors, ces choses pratiques doivent, à mon sens, retenir l'attention de la ministre davantage.

Je n'ai pas abandonné tout espoir, bien au contraire – je vais le dire en toute bonne foi et en toute ouverture – que les conversations que les gens de cette région-là et de la mienne, les représentants des parents qui ont rencontré la ministre, qui habite dans le coin, incidemment... Elle est parfaitement au fait, je dirais, des traditions d'appartenance, des liens d'appartenance qui existent dans cette région-là. Moi, j'essaie d'inspirer confiance aux gens dans la compréhension que la ministre a de ce problème-là. Pour le moment et jusqu'à plus ample informé, je présume qu'il va y avoir une solution qui va faire l'affaire et qu'on ne sera pas obligé d'envoyer les enfants de mon comté à 100 km de là, à Ormstown, pour aller au secondaire.

Ça, c'est de l'organisation de territoire, des choses comme ça, mais le problème principal, à mon sens, de principe, que j'aimerais souligner, c'est celui du droit des membres de la communauté anglophone de soutenir, gérer, contrôler, financer leurs institutions scolaires. Il y a des centaines de milliers de Québécois qui sont dans des maternelles anglaises, auxquels sont venus se joindre d'autres Canadiens de langue maternelle anglaise aussi. Et là, tout de suite, il faut faire la distinction entre ceux qui peuvent envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Ceux qui ont fait leur apprentissage scolaire dans une école anglaise au Canada ont accès à l'école anglaise ici pour leurs enfants évidemment ou pour les frères et soeurs cadets, etc. C'est ça, l'admission à l'école anglaise, et personne ne remet ça en cause, c'est accepté. Je comprends que tu peux toujours avoir des batailles pour dire qu'il faut l'élargir, mais, en attendant, c'est comme ça; il y a unanimité ici, à ma connaissance, et on peut réitérer que c'est ça, le principe qui s'applique aujourd'hui et qui est largement accepté.

Mais la communauté anglophone, ce n'est pas seulement des gens qui ont des enfants admissibles à l'école anglaise. Il s'agit de fréquenter n'importe quel groupe social dans les Cantons-de-l'Est, dans les zones frontalières en général, sur l'île de Montréal, dans la couronne nord, couronne sud, dans le sud-ouest, pour s'apercevoir que la notion de communauté anglophone au Québec, ça dépasse largement le nombre de parents qui ont des enfants dans les écoles anglaises et ça dépasse largement aussi – moins largement, mais ça dépasse – le nombre de parents ou de personnes qui, s'ils avaient des enfants, pourraient les envoyer à l'école anglaise en vertu de la loi 101.

C'est vraiment un test, à mon sens. Il y a une espèce de conflit entre la générosité et l'ouverture, d'une part, puis une espèce de mesquinerie puis de sens borné de ce que constitue une communauté, qui est en jeu ici. Des exemples, on en a donné; certains des collègues qui m'ont précédé ont donné des exemples de ce qu'est un membre de la communauté anglophone du Québec qui, aujourd'hui, a des droits, littéralement. On a des droits fondés sur la religion, incidemment, et la CEQ l'a fait remarquer avec raison. Il y a une espèce de manière de libre choix pondéré ou modéré, comme vous voulez, quant à la faculté pour les Québécois de soutenir la commission scolaire de leur choix. Il faut s'entendre: tant qu'on a des enfants à une école protestante ou catholique, bien, on paie des taxes à une commission scolaire protestante ou catholique au Québec. Quand on n'a pas d'enfants qui vont à l'école, il y a un choix, mais, en réalité, les gens vont appuyer la commission scolaire de leur communauté d'appartenance. C'est la réalité.

Il y a quelques cas que la ministre connaît, que certains députés connaissent, où, pour toutes sortes de raisons historiques, tout d'un coup, il y a eu une grosse divergence, un écart dans les taux de taxation entre les deux commissions scolaires sur un même territoire. J'ai connu ça, moi, personnellement en personne, dans mon comté et, tout d'un coup, c'est drôle, il y a des catholiques qui deviennent protestants quand ils n'ont plus d'enfants à l'école. Les agents d'immeubles se font fort d'expliquer que tu peux sauver un petit peu d'argent quand tu te déclares protestant plutôt que catholique. Évidemment, ça, tu peux juste le faire si tu n'as pas d'enfants. Mais c'est un cas unique, c'est en train de converger, tout ça. Le problème est disparu – je m'évite un discours – compte tenu de l'augmentation déraisonnable des taxes scolaires imposée par le gouvernement actuel, etc. Mais c'est un autre discours, vous en conviendrez. Sur l'île de Montréal, ça ne s'appliquait pas; c'est un taux uniformisé. L'argent est distribué per capita des enfants inscrits dans les écoles, catholiques ou protestantes.

Mais, là, c'est un problème apparenté qu'on est en train de vivre. Qu'est-ce que c'est un anglophone? Qu'est-ce que c'est un francophone au Québec? Est-ce que c'est nécessairement quelqu'un qui a le droit ou pas le droit d'envoyer ses enfants à l'école anglaise, qui est un anglophone ou pas, et est-ce que tous les autres qui n'ont pas le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise sont automatiquement des francophones? Ce n'est pas évident, ça. Ce n'est pas évident, d'autant plus qu'ici même, si les mots veulent dire quelque chose, on a voté à l'unanimité une motion.

Notre petite histoire parlementaire non écrite retiendra, à partir de tout de suite – parce qu'on va l'écrire, si c'est transcrit, ce que je dis – que ça a été largement et vigoureusement et honnêtement négocié, le libellé de cette résolution qu'on a adoptée ici à l'unanimité où on parle des droits historiques de la communauté anglophone de gérer ses institutions. On n'a pas dit: Le droit historique des parents qui s'adonnent, en vertu de la loi 101, à pouvoir envoyer leurs enfants à l'école anglaise, de gérer et financer leurs institutions.

On a parlé d'une communauté anglophone du Québec, une communauté, du point de vue historique, à laquelle s'adjoignent, au fil des ans, des générations et des migrations, des gens d'Angleterre, d'Écosse, des États-Unis, d'Australie, de Nouvelle-Zélande, d'Irlande, etc., qui, s'ils n'ont pas d'enfants, font du bénévolat dans la bibliothèque de la commission scolaire, dans une école anglaise, en l'occurrence – on dit encore «protestante» aujourd'hui, mais «anglaise» bientôt – qui font leur bénévolat en s'occupant de la petite bibliothèque pour les enfants anglais de leur coin, comme d'autres décident qu'ils font du bénévolat à la bibliothèque ou à l'aréna, ou dans les loisirs scolaires de la commission scolaire, disons, francophone, pour qu'on ne se complique pas l'existence pour le moment.

Et pourtant ils n'ont pas le droit, eux... Si c'est un Américain qui est ici depuis 11 ans, qui n'a pas d'enfants, qui travaille à Canadair, un ingénieur ou, peu importe, quelqu'un qui a été transféré, qui a aimé ça ici et qui est resté ici, le projet tel qu'il se lit et l'attitude du gouvernement telle qu'elle se décode, telle qu'il la déclare – pas obligé d'avoir un gros décodeur pour ça – ça dit: Cette personne-là qui habite Hudson, Pointe-Claire, n'importe où, dans l'Estrie, qui travaille pour une société internationale québécoise, qu'on est allé chercher à Seattle... Bombardier est allé la chercher à Seattle parce qu'elle avait un talent particulier ou une autre entreprise de Sherbrooke est allé chercher cette personne-là en Australie parce que c'est un expert en quelque chose. Elle est ici, elle n'a pas d'enfants à l'école; alors, elle ne nous coûte rien au point de vue professeur ou quoi que ce soit. À quelle communauté appartient cette personne?

On ne lui demande pas de s'inscrire en marge du français langue de travail; elle vit avec ça. Le français est la langue officielle au Québec. La langue des échanges normaux, communs au Québec, c'est le français. Et la plupart de ces gens-là, on le sait d'expérience, vont tenter de s'intégrer dans le Québec français dans l'Amérique largement anglophone. C'est une richesse formidable, au point de vue culturel, de réussir à faire ça. Mais non, ce n'est pas ça qu'on veut reconnaître du côté du gouvernement.

Le vieux débat qui explique comment ça se fait que ça a pris tant de temps pour qu'on en arrive finalement, de l'autre côté, à faire le geste logique et normal de dire: Oui, bien, on est obligés de demander à la Chambre des communes de passer une motion, une résolution pour amender l'article 93 pour mettre sur pied des commissions scolaires linguistiques ici, au Québec... La vieille chicane est repartie, de l'autre bord, dans le caucus, probablement au Conseil des ministres. C'est des gens que je connais depuis longtemps qui sont ici. Ils ne sont pas faciles à convaincre quand il faut parler des Anglais. Ils ont des boutons, ils ont une espèce d'allergie à la communauté anglophone et à la place qu'elle occupe historiquement au Québec, qui n'est pas menaçante, dans le fond, qui est, entre autres choses, un pont vers l'international. C'est un de nos meilleurs, je dirais, réseaux, une tête de pont au point de vue culturel, économique et social vers le reste de l'Amérique du Nord.

Bien, ces gens-là ont réussi à faire en sorte qu'aujourd'hui il est encore impossible de penser, pour le gouvernement du député de Jonquière, de la députée de Taillon et de tous les autres, que la communauté anglophone est plus étendue que la somme des parents dont les enfants ont le droit d'aller à l'école anglaise en vertu de la loi 101. Même le premier ministre s'est fait prendre, à un moment donné, à la période de questions. Il répétait, relativement servilement, ce qui n'est vraiment pas son genre, ce qu'il avait cru comprendre de la ministre lorsqu'il répondait à mes questions, puis il disait: Non, non, non, la communauté anglaise, y «ont-u» le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise?

(22 h 50)

Ce n'est pas ça, la communauté anglaise, pour vrai, puis il le sait. Il le sait autant que moi, pour les mêmes raisons, incidemment, de côtoyer quotidiennement quelqu'un qui n'est pas de langue maternelle française; quotidiennement ou presque, enfin, dans la mesure où notre travail le permet. Dans nos propres familles, on le voit. Le premier ministre a évoqué d'ailleurs la langue d'usage dans son foyer lorsqu'il n'est pas là. Il l'a fait avec bonne foi et spontanéité. C'est vrai pour tellement de Québécois. C'est des gens, ça, qui n'auraient pas le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, incidemment. Ils sont en cause ici. Mais, d'après moi, ils font partie de la communauté anglophone du Québec, très, très clairement et nettement.

Mais, là, le gouvernement est en train de se faire charrier par la même minorité ou le petit groupe qui a retardé indûment le recours à l'amendement constitutionnel de l'article 93. Les Américains ont une formidable expression pour ça, qui dit: «The tail is wagging the dog». Ce n'est pas le chien qui se fait aller la queue; c'est la queue qui fait bouger le chien, littéralement. Et, compte tenu des efforts considérables que prétend faire le premier ministre à l'endroit de la communauté anglophone...

On pourrait parler pendant 10 minutes de son discours au Centaur; j'en parle 10 millièmes de seconde parce que vous me faites signe. C'est un geste d'ouverture, de générosité que le premier ministre avait posé à l'époque. Et on le comprend, après ce que M. Parizeau et le ministre des Finances avaient dit, le soir du référendum, à l'endroit des gens qui ne parlent pas français: c'est un geste de générosité et d'ouverture. Malheureusement, le projet de loi n° 109, ce n'est pas de la générosité ni de l'ouverture; c'est un geste qui, s'il est amené jusqu'à sa dernière expression et sa conclusion, va manifester que le gouvernement est incapable d'ouverture, fait preuve de mesquinerie et de petitesse à l'endroit d'une communauté historique au Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le chef de l'opposition. Le prochain intervenant, M. le député de Verdun. Alors, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je parle sur le projet de loi n° 109, mais, dans le fond, je parle sur un projet de loi qui a un nom bizarre; il y a deux mots «loi» dedans: Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. C'est drôle, c'est une loi qui comporte «loi et loi». Ça fait un peu bizarre, M. le Président. Mais enfin, je vais vous expliquer, ça se comprend un peu quand on regarde ça d'un peu plus près.

C'est essentiellement un projet de loi pour, soi-disant, instaurer les commissions scolaires linguistiques. Je dois rappeler, comme l'a rappelé notre porte-parole le député de Marquette et comme vient de le rappeler le chef de l'opposition, que nous sommes en faveur des commissions scolaires linguistiques. Sauf que la manière d'y arriver, c'est tout croche. C'est pour ça qu'on n'est pas d'accord avec le projet de loi. Et, encore une fois, on va s'expliquer.

Il y a un élément sur lequel on ne peut pas être d'accord. C'est ce qu'on appelle, dans notre langue, en jargon un peu technique, les mesures provisoires. Alors, les mesures provisoires, c'est de se dire que, sur l'île de Montréal, comme on n'a pas encore passé l'amendement constitutionnel, on va se retrouver avec... Je vais vous le raconter, vous n'allez pas y retrouver votre latin, bien que vous soyez un éminent latiniste, M. le Président. Vous allez voir à quel point c'est compliqué. Vous allez vous retrouver sur l'île de Montréal; il y a une grosse ville qui s'appelle la ville de Montréal et il y a d'autres villes comme Verdun, comme Lachine, comme Montréal-Ouest, comme ville LaSalle qui sont des villes de taille raisonnable, de 60 000, 70 000 habitants, et qui sont aussi situées sur l'île de Montréal.

Alors, voici ce qu'on a pensé dans les mesures provisoires. C'est à rire tellement c'est ridicule. Il se trouve qu'on va dire que, sur le territoire de la ville de Montréal, on va maintenir les commissions scolaires linguistiques. Par contre, sur le territoire de l'île de Montréal, mais pour les villes qui ne sont pas la ville de Montréal, on va commencer à instaurer des commissions scolaires linguistiques. Alors, vous comprenez, on maintient des structures confessionnelles sur le territoire de la ville de Montréal et des structures linguistiques sur le territoire des villes qui sont sur l'île de Montréal, mais qui ne sont pas dans la ville de Montréal.

Alors, voici ce que ça donne. Je vais vous donner un exemple, je vais vous parler d'Argyle Academy. C'est intéressant de voir des exemples concrets. Alors, Argyle Academy, c'est une école secondaire anglophone qui vit avec un bassin de 500 élèves. Elle se trouve au coin du boulevard Champlain et de la rue Argyle, à Verdun. Son bassin naturel de recrutement, vous comprenez bien, c'est, bien sûr, la ville de Verdun, mais, les anglophones ayant diminué, elle draine une partie des anglophones de la Pointe Saint-Charles qui vont à cette école secondaire; elle prend aussi, parce qu'ils n'ont simplement – ceux qui connaissent un peu la géographie du lieu vont comprendre – qu'à traverser le canal de l'aqueduc par les nombreux ponts, une partie des anglophones qui habitent Côte Saint-Paul ou bien Ville-Émard.

Alors, voici la réalité, c'est qu'à partir du moment où on aura voté ce projet de loi la moitié de la population de cette école secondaire ne pourra plus y aller parce qu'ils résident soit à la Pointe Saint-Charles, soit à Ville-Émard, soit à Côte Saint-Paul; là, ils seront sur le territoire d'une commission scolaire confessionnelle et ils ne pourront pas aller à l'école qui sera sur un territoire d'une commission linguistique. Alors, vous comprenez bien, M. le Président, cette école va perdre la moitié de ses élèves, tandis que les élèves qui sont actuellement des anglophones, des protestants, je ne sais, Dieu, où ils vont aller: ils vont être obligés de remonter dans une école sur le territoire de la ville de Montréal, perdus quelque part dans le bout de Côte-Saint-Luc ou de Côte-des-Neiges. Franchement, ça n'a aucun bon sens! Si on voit la géographie du lieu, ça n'a aucun sens.

Vous me permettrez – mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce interviendra probablement sur le sujet – de vous donner un exemple encore plus saugrenu. Le quartier de Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, c'est un quartier qui se trouve dans le territoire de la ville de Montréal. Donc, avec les mesures transitoires, on conservera une structure confessionnelle et les élèves devront passer sur la structure confessionnelle. Sauf que, c'est la réalité du lieu, les écoles se trouvent principalement dans un tout petit territoire qui s'appelle Montréal-Ouest. Montréal-Ouest est une municipalité de 3 000 habitants qui est dans le comté de Marquette, si je ne me trompe pas... NDG, et qui se retrouve avec toutes les écoles du lieu. Pourquoi? Parce que, historiquement, c'est là qu'on les a installées.

Si on passe les mesures transitoires, on va se retrouver, à l'heure actuelle, à dire que l'ensemble des enfants du quartier Notre-Dame-de-Grâce ne pourront plus, parce qu'ils vont toujours être, eux, dans les commissions scolaires confessionnelles, aller dans les écoles anglaises qui se trouvent à Montréal-Ouest parce que ce sera sur un territoire d'une municipalité qui, elle, sera entrée à l'intérieur des commissions scolaires linguistiques. M. le Président, franchement – et j'invite la ministre à venir sur le terrain et à regarder ça – ça n'a aucun bon sens! Prima facie, M. le Président, ça n'a absolument aucun sens, ces mesures transitoires.

Et on pourrait, en litanie, commencer à faire la liste où, à partir du moment où on va vouloir maintenir sur l'île de Montréal, à la fois pour la partie de territoire qui se trouve dans la ville de Montréal, des commissions scolaires confessionnelles et, sur les parties de territoire qui sont dans ce qu'on appelle les villes de banlieue, des commissions scolaires linguistiques, on est en train de construire des aberrations parce que la séparation du territoire entre Montréal et les villes de banlieue est très diversifiée. Vous avez des morceaux de territoire, par exemple, comme Outremont, comme Westmount, qui sont complètement enclavés à l'intérieur de la ville de Montréal et qui n'ont même pas de possibilité de sortir sans passer par la ville de Montréal.

(23 heures)

Une vision peut-être pensée à Québec, peut-être pensée par des juristes, mais quand ça se voit sur la réalité de la vraie vie, quand vous pensez qu'il y a des vrais enfants qui vont à des vraies écoles et qui ne vont pas pouvoir aller à ces vraies écoles parce qu'on a décidé que, eux, leurs parents habitent de l'autre côté du canal de l'aqueduc et, comme ils habitent de l'autre côté du canal de l'aqueduc, eux, doivent aller dans des commissions scolaires confessionnelles. Le petit enfant qui habite de l'autre côté de l'aqueduc, lui, il doit aller dans une commission scolaire linguistique et il ne peut plus fréquenter l'école qu'il a toujours fréquentée. C'est aberrant, M. le Président.

Alors, vous comprenez bien que l'opposition, qui d'ailleurs – le député de Marquette l'a rappelé dans son intervention – avait proposé une voie différente pour en arriver à l'établissement de commissions scolaires linguistiques, ne peut, en aucune manière, adhérer à ce régime provisoire. On ne peut pas adhérer à ce régime provisoire. C'est en train de créer des structures qui n'ont aucun bon sens. Si la ministre avait tant soit peu d'ouverture, elle devrait retirer ces mesures provisoires du projet de loi, attendre que l'amendement constitutionnel soit passé et revenir avec un projet de loi, du moins pour la ville de Québec et la ville de Montréal, qui nous éviterait de passer par des mesures provisoires qui vont créer, comme je vous l'ai rappelé tout à l'heure... Peut-être pour une année, mais une année scolaire de perdue pour les enfants qui sont, dans une classe, de vraies têtes de pipe. C'est quand même quelque chose d'important. Et la logique voudrait qu'on retarde d'un an, pour le territoire de l'île de Montréal, l'application de la loi sur les commissions scolaires linguistiques. Qu'on attende que l'amendement constitutionnel soit passé, puisqu'il semblerait qu'il n'y a aucun problème pour passer l'amendement constitutionnel. Une fois que l'amendement constitutionnel est passé, à ce moment-là, on en arriverait à se pencher sur ce qui doit aller sur le territoire de la ville de Montréal. C'est ça qu'on lui suggère: Ne mettez pas de régime transitoire. Retirez l'île de Montréal et la ville de Québec, un, et passons les commissions scolaires linguistiques pour le reste du territoire. Attendons l'amendement constitutionnel. Une fois que l'amendement constitutionnel sera arrivé, là, à ce moment-là, on pourra en tout bon sens repenser à une carte rationnelle sur l'île de Montréal, non pas une espèce de carte biscornue où, réellement – et je vous le jure – même un latiniste émérite comme vous ne retrouverait plus son latin.

Alors, ça, c'est la première raison dans ce que je pourrais appeler le premier morceau de ce projet de loi, tout ce qui touche l'aménagement du territoire.

Vraiment, dans ce projet de loi, il y a deux choses: il y a, d'une part, cet aménagement du territoire, ces mesures transitoires, ces mesures provisoires sur lesquelles on ne peut pas être d'accord, mais il y a aussi autre chose. Au début, vous avez dit, c'est très simple: On va créer des commissions scolaires francophones, des commissions scolaires anglophones, reste après à se dire c'est quoi, un anglophone, c'est quoi, la communauté anglophone. Bien, ce n'est pas si facile que ça. J'ai l'impression que cette Assemblée... Je dois dire que j'ai participé aux négociations de l'amendement présenté par le député de Chomedey et le député de Chomedey, dans cet amendement, avait clairement établi deux notions bien différentes. La notion de communauté anglophone était différente de la notion des personnes dont les enfants ont le droit de faire instruire leurs enfants dans des établissements de langue anglaise.

Je vais vous relire l'amendement parce qu'il est important de bien le comprendre et de bien comprendre aussi que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Je vous rappellerai quel était l'amendement – l'amendement, il est important que vous vous rappeliez, a été voté ici à l'unanimité et, je dois dire, a été échangé avec les membres ministériels: «Considérant qu'en ce faisant l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise.» Point. Donc, premièrement, on a réaffirmé les droits de la communauté d'expression anglaise. Ensuite, on disait: «En particulier – donc pour un sous-ensemble de cette communauté – considérant que les Québécois, dont les enfants sont admissibles selon le chapitre VIII de la Charte de la langue française, ont le droit de les faire instruire dans les établissements de langue anglaise que cette communauté gère, contrôle, conformément à la loi, et qui sont financés à même les fonds publics.»

Clairement, on faisait la distinction entre un concept qui n'était pas défini... Mais vous savez qu'actuellement, dans la rédaction des lois, on ne définit plus complètement les concepts, ce que je regrette d'ailleurs. Une fois de plus, je rappelle que je m'oppose aux tendances pernicieuses du Comité de législation qui s'oppose à vouloir définir les termes dans la législation. Je le rappellerai à chaque fois ici, dans cette Assemblée, une tendance absolument pernicieuse. La tendance générale de la rédaction des lois à l'heure actuelle n'est plus de mettre les définitions mais donc de se référer au sens général.

Il fallait entendre le sens général ici de la communauté d'expression anglaise et voir en particulier un sous-ensemble, un sous-groupe de cette communauté d'expression anglaise qu'étaient les personnes de la communauté d'expression anglaise qui ont le droit de faire instruire leurs enfants, suivant la loi 101, dans les écoles d'expression anglaise. Nous avions voté ça. De part et d'autre, nous avons cru de bonne foi que ce sens de la communauté d'expression anglaise allait être reconnu à l'intérieur de la loi n° 109 parce que c'était ce qui était l'élément qui avait permis l'établissement du consensus entre nous. Et je dois remercier le député de Chomedey pour en être arrivé à ce consensus, M. le Président.

Ce n'est pas ce qu'on retrouve actuellement à l'intérieur du projet de loi. Ce n'est pas ce qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi, on en est revenu à une vision étriquée, restreinte, petite de la communauté d'expression anglaise. On en est revenu, dans les articles qui touchent les élections scolaires, à une vision où ne pourront voter dans les commissions d'expression anglaise que ceux qui ont le droit d'envoyer leurs enfants dans les écoles conformément à l'application de la loi 101.

Vous savez bien, M. le Président, qu'il existe – le chef de l'opposition l'a rappelé et beaucoup de mes collègues l'ont rappelé avant moi – de nombreux membres de la communauté d'expression anglaise qui n'ont pas d'enfants, par exemple – la CSN, d'ailleurs, a proposé un amendement dans ce sens-là – mais qui sont naturellement rattachés, de par leur lien culturel, à la communauté d'expression anglaise et on est en train de leur retirer des droits qu'ils ont traditionnellement, qui sont des droits fondamentaux. Et ça, M. le Président, nous, parce que nous croyons fondamentalement à la défense de ces droits, nous ne pouvons pas l'accepter.

Il serait facile... Dans ce sens-là, dans les auditions, je crois que c'était la CEQ ou la CSN qui avait proposé un amendement que l'on pourrait facilement adopter, qui serait une position où vous pourriez avoir un consensus: Dire que, si vous avez des enfants, vous votez à l'endroit ou dans la commission scolaire où vont vos enfants; ça, c'est facile. Si vous n'avez pas d'enfants, vous avez le choix d'adhérer soit à la communauté d'expression anglaise, soit à la communauté d'expression française. Ç'aurait été simple d'accepter un tel amendement, ça aurait dénoué l'impasse, ça aurait correspondu mutatis mutandis à ce qui existe actuellement où, lorsque vous avez des enfants que vous envoyez à l'école protestante ou à l'école catholique, vous devez, bien sûr, voter dans les commissions scolaires catholiques ou protestantes, mais, si vous n'avez pas d'enfants, vous avez le choix, à l'heure actuelle, de vous déclarer publiquement adhérents à telle ou telle confession, c'est-à-dire adhérents à la confession catholique ou adhérents à la confession protestante et voter, aux élections scolaires, à telle ou telle commission scolaire.

(23 h 10)

C'était une porte de sortie, encore là, une porte de sortie et on se serait attendu, devant cette solution qui aurait pu rallier autour du projet de loi l'opposition et les ministériels, à un certain geste de la part de la ministre. Nous l'avons attendu. Nous l'avons attendu en vain, il n'est pas venu. Ils sont restés dans leur vision étriquée d'une communauté anglophone qui soit absolument limitée uniquement à ceux qui ont le droit de pouvoir faire éduquer leurs enfants en langue anglaise suivant la loi 101.


Motion de scission

M. le Président, dans ce projet de loi, il y a vraiment deux lois: une loi sur les élections législatives et une loi sur l'instruction publique, c'est-à-dire sur l'aménagement du territoire. Il est clair qu'il y a, à ce moment-là, deux lois, et je me dois de présenter une motion de scission. Je présente:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 109 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et d'autres dispositions législatives, comprenant les articles 1 à 48, 59 à 65, et un deuxième intitulé Loi modifiant la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, comprenant les articles 49 à 58.»

C'est simplement traduire la simple logique où, M. le Président, déjà, dans le titre, il y avait deux projets de loi qu'on voulait nous faire passer à la vapeur dans un seul projet de loi, ce qui était fondamentalement inacceptable. Je crois qu'il faut scinder, actuellement, tout le débat sur ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je devrai prendre en délibéré cette motion pour...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une petite minute, s'il vous plaît, je m'en vais vous donner le droit de parole bientôt. Oui, oui, je vais vous le donner bientôt, le droit de parole, là.

Alors, nous allons suspendre, et, après ça, je pourrai entendre les parties brièvement si vous avez quelques remarques sur la recevabilité. Alors, je suspends quelques minutes.

(Suspension de la séance à 23 h 12)

(Reprise à 23 h 19)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons reprendre nos travaux. Avant de prendre en délibéré la motion de scission qui a été présentée par le député de Verdun, je serais prêt à entendre quelques remarques de la part des leaders du gouvernement et de l'opposition. Je vous demanderais d'être relativement brefs, s'il vous plaît.


Débat sur la recevabilité


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, M. le Président, j'ai pris connaissance de la motion de scission qui est proposée par le député de Verdun et nous considérons que cette motion est irrecevable. Pourquoi est-elle irrecevable, M. le Président? D'abord, la première raison que le député de Verdun nous donne, il nous donne comme raison que le projet de loi doit être scindé en deux puisque, dans le titre, on fait référence à deux lois. Alors, là, je dois vous dire, M. le Président, que c'est loin d'être un argument suffisant puisqu'on a simplement à regarder différents projets de loi qui sont devant nous: la Loi sur le régime de rentes, la loi n° 102, que le député de Verdun a appuyée et longuement appuyée hier en cette Chambre même, donc la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite; la loi n° 136, la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière; même chose pour la loi n° 145, la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et la Loi sur les services de garde à l'enfance; et, au niveau de notre jurisprudence, M. le Président, nous avons la Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la Loi sur la fiscalité municipale. Donc, M. le Président, ce n'est pas suffisant comme raison.

(23 h 20)

Mais je pense que ce qu'il faut retenir, l'argument majeur, c'est qu'il faut que la partie scindée d'un projet de loi, si on forme une nouvelle loi, que ça forme un tout autonome. Or, les modifications qu'on nous propose, c'est-à-dire d'avoir une loi pour la procédure d'élection et une loi du côté de l'instruction publique, c'est tout à fait inacceptable parce qu'il est bien évident que, si on procédait à des modifications à la procédure d'élection, ça n'a aucune raison d'être sans la création des commissions scolaires linguistiques. Donc, ce n'est pas un tout. On ne peut absolument pas se retrouver avec un projet de loi sur les élections scolaires alors qu'on n'aurait pas la partie sur la création des commissions scolaires linguistiques. Ce serait tout à fait une aberration de créer un régime électoral qui, lui, n'aurait pas l'assise de la première partie du projet qui est le principe même. Et, à cet égard-là, M. le Président, je vous cite la jurisprudence, 241/8, décision du 8 juin 1995, Journal des débats , 3782, où on est très clair, où on précise que, si on adoptait... la motion est jugée irrecevable parce que, si on adoptait la motion de scission, l'un des projets de loi qui en résulteraient serait incohérent et incomplet, et c'est le cas que nous avons devant nous, M. le Président.

Deuxième raison. Il y a un seul principe dans ce projet de loi et c'est ce qui doit nous guider au niveau des scissions. Le principe, c'est la création des commissions scolaires linguistiques, c'est un tout, et le mode d'élection, c'est une modalité d'application, c'est une conséquence, ce n'est donc pas un principe. Là aussi, du côté de la jurisprudence, je vous cite 241/3, 21 mai 1986, Journal des débats , 1685, où on fait bien la différence. La motion était jugée irrecevable puisqu'il faut établir une distinction entre un principe d'un projet de loi et une simple modalité. De plus, on dit, dans la décision: «Dans la recherche des principes d'un projet de loi, les notes explicatives de ce projet de loi n'ont aucune valeur juridique en soi.» Évidemment, le principe est très clair, c'est les commissions scolaires linguistiques. Le principe n'est absolument pas sur le mode d'élection.

Ensuite, M. le Président, ce n'est pas parce qu'un projet de loi contient plusieurs parties ou modifie plusieurs lois qu'il y a plus d'un principe. D'ailleurs, à cet égard-là, dans la plupart de nos projets de loi, on modifie plusieurs lois. Donc, ce n'est pas une raison pour scinder.

Je vous réfère aussi à une autre jurisprudence. Il est important de distinguer l'essence et les modalités d'un projet de loi. Et là, du côté de la jurisprudence, on peut se référer à la décision 241/4 du 4 décembre 1990, Journal des débats , p. 5612, où on explique très clairement qu'il y a une distinction importante à faire entre l'essence et les modalités. Et donc, l'essence du projet de loi, c'est évidemment la création de commissions scolaires linguistiques, et les modalités d'application, bien, c'est le droit de vote qui va en découler.

Enfin, M. le Président, actuellement, les commissions scolaires sont sur une base confessionnelle. Le principe, l'essence de la loi est donc de modifier cette base constitutionnelle pour avoir une base linguistique. L'objectif, le principe de la loi n'est pas de transformer notre mode d'élection scolaire. C'est évidemment de changer les commissions scolaires, donc la base des commissions scolaires. C'est donc ça, le principe.

Et enfin, M. le Président, si on modifiait, si on divisait en deux projets de loi, tel que proposé par le député de Verdun, c'est-à-dire des articles 1 à 48, 59 à 65 et, pour l'autre projet de loi, de 49 à 58, nous aurions une incohérence. Je vous l'ai citée dans la première jurisprudence et je vous la présente, c'est à l'article 31 qui resterait, tel que proposé, dans le projet de loi sur l'instruction publique. Cet article 31 modifie les articles 15 et 16 de la Loi sur les élections scolaires qu'on retrouve à la page 38 du projet de loi. Dans ces articles-là, en page 26, donc à l'article 31, à l'alinéa 514.2. on fait référence à l'élection scolaire.

Donc, M. le Président, vous voyez très bien que, puisqu'on y fait référence même dans la partie de l'instruction publique qu'on nous propose de scinder, on fait déjà référence, dans cette partie-là, au mode d'élection scolaire, donc c'est un tout, c'est intimement lié et on ne peut les scinder, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie Mme la leader adjointe du gouvernement. Je vais accorder quelques minutes à M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, assez rapidement, M. le Président. La question qui se pose quand une motion de scission, en vertu de 241, est déposée, c'est de vérifier d'abord dans la motion elle-même qu'est-ce qu'on cherche, qu'est-ce qu'on tente de démontrer. Rapidement, ce que cette motion dit, c'est que le projet de loi n° 109 comprend deux principes, un qui touche à la Loi sur l'instruction publique et aux autres dispositions, et c'est bien identifié, 1 à 48, 59 à 65, et les articles 49 à 58 qui, eux, visent directement la Loi sur les élections scolaires. Donc, ce qui est identifié dans cette motion, c'est qu'il y a deux éléments – et je vais revenir tantôt sur le projet de loi comme tel: un qui concerne l'organisation comme telle – il s'agit, ici, de passer d'un statut confessionnel à linguistique – et, d'autre part, la composition, le mode d'élection de l'administration de cette organisation.

Avant de revenir au précédent, j'ai noté que la leader adjointe du gouvernement a omis de vous mentionner la décision 241/7, sur laquelle je vais revenir. Il est assez intéressant de regarder le projet de loi n° 109 comme tel et de voir, justement, aux articles 49 à 58 où, nommément, on retrouve les dispositions concernant la Loi sur les élections scolaires. Bien sûr qu'il peut y avoir des projets de loi qui touchent à plusieurs lois. Ça, ça arrive, c'est bien sûr. Mais, dans le cas présent, non seulement il y a plusieurs lois qui sont visées, mais, dans ces lois, les unes par rapport aux autres, c'est deux principes différents qui sont touchés.

Avant de revenir sur la loi, je vais vous parler de la décision 241/7, que vous avez rendue vous-même le 1er juin 1995, décision qui me rappelle que je l'avais plaidée devant vous, cette motion de scission. Elle était relative au projet de loi n° 116 à l'époque et c'était relatif aux CLSC. Vous vous souvenez, il y avait la fusion des CLSC. Je vous rappelle la décision où on dit ceci: «Cette motion de scission est recevable puisque le projet de loi 83 contient deux principes. Pour déterminer si un projet de loi contient un ou plusieurs principes, il faut se référer au contenu même du texte législatif.»

Alors, on va retourner voir 109. Ainsi, dans le projet de loi, il y a deux séries de mesures, une série qui a trait à la composition des conseils d'administration, les administrateurs, et une série qui a trait au pouvoir du ministre concernant la vocation et les permis des établissements visés, l'organisme. Donc on a, d'une part, l'organisation comme telle, un peu comme les commissions scolaires de confessionnelles à linguistiques, et l'autre série de mesures qui est celles concernant les administrateurs de cet organisme.

Si je prenais un autre exemple, M. le Président, c'est un peu comme se dire: Qu'est-ce qu'on fait ici aujourd'hui? Il y a une loi à l'Assemblée nationale, un règlement – que j'invoque d'ailleurs devant vous en ce moment – qui existe, c'est des principes d'organisation qu'on s'est donnés, mais, si je suis ici devant vous, c'est en vertu d'un autre principe, la Loi électorale. C'est ces principes-là, les décisions qui ont été prises dans la Loi électorale, qui m'amènent devant vous aujourd'hui. C'est les mêmes deux principes différents, qui peuvent cohabiter dans certains cas. Mais, dans le cas présent, ce sont deux principes dans un projet de loi et, comme ils posent problème, ils amènent l'ouverture à une motion de scission.

Et la décision qui avait été prise disait ceci: «Chaque série de mesures constitue un principe...» Donc, mesures concernant l'organisation, la structure; mesures concernant l'élection, concernant la composition de l'administration de cet organisme. Exactement le cas que nous avons devant nous: l'organisation de commissions scolaires qui passent de confessionnelles à linguistiques et, d'autre part, les mesures concernant les membres des commissions scolaires, les élus, le mode d'élection, une deuxième série de mesures.

(23 h 30)

Ce qui avait été dit dans cette décision, M. le Président, c'est ceci: «Chaque série de mesures constitue un principe. En effet, chaque série de mesures forme en soi un tout cohérent qui peut exister distinctement. De plus, bien qu'elles n'aient pas de valeur juridique en soi, les notes explicatives sont, en l'espèce, révélatrices de l'existence des deux principes.» Vous-même, M. le Président, qui avez révélé cela.

Or, il s'adonne que lorsqu'on regarde le projet de loi n° 109, je vous soumets que les notes explicatives sont très claires. Je n'ai pas besoin de vous les citer, juste à regarder le titre, on a déjà, là aussi, des éléments qui nous amènent, bien qu'ils n'aient pas valeur suprême, ce sont des éléments sur lesquels on peut s'inspirer pour dire: Qu'est-ce qu'on touche réellement? Alors, nous avons donc la même hose qu'il y avait à l'égard des conseils d'administration et des établissements visés par le projet de loi, dans la décision 241/7, deux principes différents. Ce que la leader adjointe du gouvernement soulève, c'est que, s'il y avait scission, il serait impossible de faire vivre une des lois scindées sans l'autre; elles ont besoin de vivre l'une avec l'autre.

Je vous soumets respectueusement, M. le Président, que ce n'est pas exact. D'abord, parce que, si elle avait raison, la décision 241/7 ne serait plus valable, où on avait justement fait la différence entre l'organisation et l'administration de l'organisation, sa composition, son mode de nomination ou d'élection, d'une part. Mais, deuxièmement, en s'inspirant des consultations mêmes, des gens qui sont venus parler sur ce projet de loi, qui ont dit ceci, et je cite Lise Bissonnette, dans un article récent du 30 mai, qui dit ceci: «Il existe une solution simple au dilemme, celui concernant l'élection – le droit de vote, M. le Président, ce qui est soumis, ce qui amène la motion de scission – celle qu'évoquait mercredi la Centrale de l'enseignement du Québec et que le Parti québécois lui-même avait déjà inscrite dans d'anciens et défunts projets, il s'agirait de reconduire – notez bien – la procédure actuelle qui permet de départager les électeurs des commissions catholiques et des commissions protestantes.»

Autrement dit, ce que je suis en train de vous dire, c'est que, si on n'avait pas touché au principe qui existe en ce moment à l'égard de la votation, du cens électoral, si on n'avait pas changé ça, une des parties du projet de loi, une fois scindée, qui consacre l'organisme, l'organisation qui passe de confessionnelle à linguistique, fonctionne. C'est même une demande des groupes, M. le Président. On peut difficilement demander mieux en termes de faisabilité: les gens intéressés eux-mêmes ont soumis ça. Alors, ça, c'est un des éléments.

Et, si la leader adjointe voulait dire que l'autre élément ne pourrait pas survivre, je suis obligé de lui dire que la Loi sur les élections scolaires, elle est là, elle a vécu d'elle-même, sans avoir à être introduite à l'intérieur de la Loi sur l'instruction publique, donc manifestant qu'il y avait des principes différents. Et on pourrait s'étendre, M. le Président, mais aussi simple, aussi banal que de comprendre ce que nous faisons nous-mêmes ici, en ce moment: nous agissons en vertu de principes qui sont inclus dans la Loi sur l'Assemblée nationale, des règlements. Voilà l'organisation que nous avons, un peu sur la même analogie qu'on peut faire avec les commissions scolaires linguistiques, dorénavant, qui prennent le relais de la commission scolaire confessionnelle.

Mais la composition de cette Assemblée, notre cens électoral, la façon dont on est amené ici n'est pas en vertu des principes qui nous gouvernent en termes d'organisation, mais en vertu d'une autre loi, des principes que nous avons adoptés dans cette autre loi, qu'il serait toujours loisible de changer, qui a une vie en elle-même, qui est capable de survivre à la scission.

Autrement dit, je regarde la décision 241/7, M. le Président. Je pourrais reprendre les autres qui vous ont été citées et vous montrer qu'elles ne s'appliquent pas au cas présent, mais je me limite simplement à prendre la décision que vous avez rendue le 1er juin 1995 qui, elle, est la seule décision qui nous est rapportée qui concerne directement un cas où on fait la différence entre une structure organisationnelle, son mode de fonctionnement, qui constitue un élément qui a une vie propre, et l'autre élément qui est la structure d'administration, la composition des gens qui vont administrer cet organisme. Et vous avez déjà décidé, M. le Président, qu'il s'agissait là de deux principes différents, qui peuvent vivre chacun de leur côté et, dans ce cas-là, de la même façon que la décision a été rendue, je vous soumets respectueusement que la motion de scission non seulement est recevable, mais serait logique et serait favorable à adopter au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint de l'opposition. Je m'en vais suspendre pour délibérer et j'essaierai de vous rendre une décision le plus rapidement possible. Je ne sais pas s'il y a lieu de vous faire attendre jusqu'à minuit, alors, si jamais nous jugeons que nous ne le pouvons pas, nous reviendrons vous avertir assez rapidement. Très bien?

(Suspension de la séance à 23 h 36)

(Reprise à 0 h 1)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Décision du président sur la recevabilité

Alors, je suis prêt à rendre ma décision sur la recevabilité de la motion de scission présentée par le député de Verdun. La motion proposant de scinder le projet de loi n° 109 est irrecevable pour les motifs suivants.

En effet, pour être scindé, un projet de loi doit contenir plusieurs principes. De plus, il faut que les projets de loi qui résulteraient de la scission constituent des projets cohérents en eux-mêmes. Enfin, il faut que chaque partie du projet de loi dont la scission est proposée constitue plus qu'une simple modalité. Tels sont les critères énumérés par le vice-président de l'Assemblée dans une décision du 3 décembre 1992 répertoriée au point 241/5 du Recueil de décisions . Or, le projet de loi ne contient qu'un seul principe, soit la création de commissions linguistiques, même s'il modifie en substance plusieurs lois.

Aux articles 1 à 48, les modifications à la Loi sur l'instruction publique visent à assurer la mise en place de commissions scolaires francophones et de commissions scolaires anglophones. Les modifications proposées à la Loi sur les élections scolaires aux articles 49 à 58 du projet de loi établissent de nouvelles règles relatives à la participation à l'élection des commissaires et à la confection des listes électorales des commissions scolaires francophones et anglophones. Notamment, l'article 52 détermine les conditions à satisfaire pour voter à l'élection des commissaires des commissions scolaires anglophones. Ces dispositions font partie d'un tout et ne pourraient être dissociées les unes des autres. Les modifications proposées à la Loi sur les élections scolaires étant intimement liées à la création de commissions scolaires linguistiques, elles ne pourraient donc constituer un projet de loi viable en soi puisque, pour pouvoir s'appliquer, le projet de loi sur les élections scolaires linguistiques présuppose l'existence de telles commissions scolaires qui sont établies par justement l'autre projet de loi. Alors, les deux projets de loi sont donc intimement liés pour pouvoir se justifier dans leur existence, l'une et autre.

Alors, sur ce, à l'heure qu'il est, je m'en vais ajourner les travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 3)


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